Le savant, l’industriel et la nation

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Pour une histoire politique des sciences au 20 ème siècle Kenneth Bertrams, FNRS-ULB Académie Royale de Belgique, 7 mars 2012 1

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Le savant, l’industriel et la nation. Pour une histoire politique des sciences au 20 ème siècle Kenneth Bertrams, FNRS-ULB Académie Royale de Belgique, 7 mars 2012. Constats préliminaires. Science et politique: une longue histoire «  Scientia potestas est  » (Sir Francis Bacon, 1597) - PowerPoint PPT Presentation

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Pour une histoire politique des sciences au 20ème siècle

Kenneth Bertrams, FNRS-ULBAcadémie Royale de Belgique, 7 mars 2012

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Science et politique: une longue histoire◦ « Scientia potestas est » (Sir Francis Bacon, 1597)◦ Princes et « conseillers du prince »

Des approches multiples◦ Acteurs◦ Organisations◦ Rhétorique

Nécessite de décloisonner◦ Sortir du cadre national◦ Dépasser le binôme science-politique

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Louis Pasteur (1822-1895), photographie de Félix Nadar, 1878

1885: découverte du vaccin antirabique

1857: « Mémoire sur la fermentation appelée lactique »

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Quel 20ème siècle?◦1914-1991: le bref 20ème siècle des historiens

politiques◦1905-fin des années 1970: le 20ème siècle

« décalé » des historiens de la physique (l’âge d’or de la relativité générale et l’ère de la physique quantique)

◦1881-début des années 1990: le 20ème siècle « rallongé » des historiens des techniques (de l’électricité à internet)

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Le 20ème siècle consacre… ◦Le développement de la recherche scientifique

« fondamentale »◦L’essor d’une économie industrielle fondé sur

l’innovation et d’une économie des services◦L’apogée du nationalisme de type wilsonien

(Etat-nation sur base ethnique, culturelle, etc.)◦L’intervention des Etats dans la sphère

économique et sociale◦Les guerres « totales »

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1870-1914: le registre de l’internationalisme « olympique »

1914-années 1930: le registre du transnationalisme coopératif

Années 1930-Années 1970: le registre de l’expertise technico-scientifique

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Contexte politique et économique◦Guerre franco-prussienne (1870-71)◦Mise en place d’une « première

mondialisation » des capitaux, des techniques et des ingénieurs

Internationalisme et impérialisme◦L’Association Internationale Africaine (1876)

Internationalisme scientifique « olympique »◦Association Internationale des Académies

(1899)◦Comité olympique international (1892)

Citius, Altius, Fortius

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Création d’instituts scientifiques◦Instituts de recherche privés (ou publics) à la

marge des universités◦Ex: Physikalisch-Technische Reichsanstalt (1887)◦Ex: Kaiser-Wilhelm Instituten (1911- )◦Ex: Instituts Solvay

L’émulation philanthropique◦Siemens, Carnegie, Rockefeller, Solvay, Nobel◦Axe central: recherche « fondamentale » utile

(physiologie, biologie, hygiène,…)◦« Il n’y a pas de science appliquée, il n’y a que

des applications de la science » (Pasteur)

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Andrew Carnegie, 1835-1919

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1889

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La compétition olympique franco-allemande◦ « La plus grande œuvre à accomplir en ce

moment est d’assurer la supériorité scientifique de la France » (Pasteur, 1868)

◦ « C’est, en effet, dans les laboratoires de l’enseignement supérieur que sortent aujourd’hui les grandes découvertes qui transforment l’industrie et c’est là surtout que se fait l’éducation des savants ingénieurs qui la dirigent. La nation qui cesserait de former des ingénieurs et des artisans initiés aux résultats de la culture scientifique la plus haute et la plus exacte, ne tarderait pas à être débordée et vaincue par les nations voisines. » (Berthelot, 1871)

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Un exemple parmi d’autres: le Conseil de physique (Bruxelles, 1911)◦Initiative de Walther Nernst et de Max Planck◦Reprise en main par Ernest Solvay◦Organisation à Bruxelles◦Conférence sur invitation, thématique fixée

Un « mythe fondateur » pour les savants◦La présence de savants « nobélisés » (17 sur

29)◦Une performance internationale ( Instituts

Internationaux de Physique et de Chimie Solvay)◦Une photographie de groupe de légende

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Visite du prince héritier Hirohito sur les décombres de la bibliothèque de Louvain (1921)

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Le manifeste des 93 savants et intellectuels allemands An die Kulturwelt! (octobre 1914)

La « rupture » de l’internationalisme scientifique Les académies des sciences interalliées

◦Londres (oct. 1918) et Paris (nov. 1918)◦« Quoique savants, nous restons hommes »

Dissolution de l’A.I.A. et création du Conseil International de la Recherche (C.I.R.)◦Conférence de Bruxelles (juillet 1919)◦Boycott des savants allemands (+ AT, HG, BU)◦Hostilité vis-à-vis du comité Nobel (cf. Fritz Haber

1918)

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La « bataille des manifestes » Attitude de défiance à l’égard des neutres Les puissances neutres répliquent:◦ « Croyez-vous bien faire en allumant le

flambeau de la guerre, à peine éteint dans le champ politique, dans le terrain sacré de la science ? À qui la responsabilité si plus tard les savants des empires centraux se sentant insultés, refusent de renouer les liens que vous déchirez ? »

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Hendrik Lorentz (1853-1928)◦ Figure morale parmi les neutres◦ Président de la Commission de coopération

intellectuelle de la SDN de 1925 à 1928 « Quelle attitude faut-il prendre envers les Allemands? (…)

Tout bien considéré, je crois devoir vous proposer de ne pas exclure formellement tous les Allemands, c'est-à-dire de ne pas leur fermer la porte à tout jamais. J’espère qu’elle pourra être ouverte à une nouvelle génération et même que, peut-être, dans le cours des années se pourra admettre ceux des savants de nos jours, dont on peut croire qu’ils regrettent sincèrement et honnêtement les événements qui ont eu lieu. C’est ainsi que la science allemande pourra reprendre la place que malgré tout elle mérite par ses antécédents. »

Source: NHA-LP, 153, Lorentz à Solvay, 9 Jan. 1919.

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Vers 1926: le « Locarno » de la science « Nous estimons que le moment est venu

de rendre aux efforts scientifiques le caractère d’universalité qu’ils doivent avoir autant que possible, en vertu de la nature de la science » (Lorentz, juillet 1925)

Six années représentent « un temps bien court pour jeter un voile sur tant d’actes odieux et criminels, surtout quand aucun regret n’est exprimé » (E. Picard)

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Du côté des scientifiques belges des Conseils Solvay…

« Allemagne sera bientôt Société des Nations donc aucune objection » (Jules Bordet, 2 mars 1926)

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Une « nouvelle alliance » Savants, industriels, militaires au chevet de la nation Culture de la mobilisation permanente prolongée en

temps de « paix » Le cas du Department of Scientific and Industrial

Research (UK, 1915) La ligne éditoriale de la revue Nature

Une nouvelle conception de la recherche La rhétorique modulable de la « recherche

fondamentale » (e.g. W. Carothers chez de DuPont) Portée politique de la conception linéaire de la

recherche scientifique

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« La guerre a fait apparaître de façon péremptoire les liens étroits qui unissent la Science au développement économique et industriel des Nations et, dans cet ordre d’idées, elle a donné naissance, dans les grands pays, à des organismes de recherches qui devront être maintenus et même développés dans tous les domaines pendant la paix » (C.I.R., juillet 1919)

La Belgique « commettrait une nouvelle erreur si elle prétextait l’état de ses finances pour ne pas assurer son avenir industriel à l’aide des moyens perfectionnés dont les autres nations vont faire usage » (G. Lecointe, 1919)

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La conception « francquiste » de l’organisation scientifique en Belgique: une voie originale◦Le rôle du Comité National de Secours et

d’Alimentation (Première Guerre mondiale)◦Le tandem Francqui-Hoover et les « fondations

scientifiques » (F.U., BAEF, Fond. Francqui, FNRS) Près de 100 millions de FB aux universités

◦Une approche anti-étatiste, laïque, bourgeoise, libérale et bruxelloise

◦Proximité avec le National Research Fund (Hoover)◦ Interconnexions au réseau Rockefeller par

« affinités électives » sociales et politiques

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Seconde Guerre mondiale et guerre froide◦ L’ère de la Big Science: réseaux scientifiques et

programme de grands équipements◦ Mobilisation des savants, militarisation et

technologisation de la science Office of Scientific Research and Development

◦ FDR, mai 1941: feu vert au programme nucléaire (projet Manhattan)

◦ Vannevar Bush: Science, the Endless Frontier Essor de la recherche contractuelle industrie-

université

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John D. Bernal, The Social Function of Science (1939)

Robert K. Merton, The Normative Structure of Science (1942)◦Normes (ou impératifs institutionnels) à

l’attention de savants dans un monde politique en voie de polarisation: « Communisme » Universalisme Désintéressement Scepticisme organisé

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Welfare State ou Warfare State?◦ Eisenhower (1953): Atoms for Peace◦ Eisenhower (1961): les dangers d’un « complexe

militaro-industriel » L’américanisation de la technoscience: le cas

du nucléaire « civil »◦ France: le Commissariat à l’énergie atomique (1945)

et la construction d’une « technopolitics » (G. Hecht)◦ Belgique: de l’I.I.P.N. à l’I.I.S.N. en passant par le

Centre d’Etudes de Mol (1952)◦ 1958: l’Atomium, star de l’Expo Universelle et

« symbole de la science de demain »

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Naissance des « politiques scientifiques » nationales◦Contexte des systèmes d’innovation◦La technoscience au secours des identités

nationales et de la croissance économique Consommation de masse et démocratisation

du savoir Fin de l’Etat Social et du compromis fordien

◦ Marchandisation du savoir (propriété intellectuelle)◦ Emergence d’espaces de la recherche « hybrides »

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