Le « Salon Mae West », Théâtre-Musée Dali à Figueras ... · En 1932, Dali participe à la...

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Salvador DALI Le « Salon Mae West », Théâtre-Musée Dali à Figueras, Espagne, 1974 I/ L’ARTISTE – BIOGRAPHIE CONTEXTE HISTORIQUE ET ARTISTIQUE Salvador Dalí est né le 11 mai 1904 à Figueras, une ville catalane de l’Espagne. Il est mort en 1989 . - La provocation dès l’enfance : Dès sa naissance, Dali n’est pas voué à un destin ordinaire. En effet, très vite comparé à son frère aîné mort 21 mois avant sa naissance, Dali est destiné à remplacer l’enfant perdu. C’est ainsi qu’il portera le même prénom que son frère, qu’il utilisera ses vêtements et ses jouets. Très jeune, Dalí va tout faire pour effacer l’image imposante du frère afin de devenir le fils unique de la maison. C’est finalement dans la provocation qu’il va trouver le moyen de s’affirmer pour ne plus être considéré comme la réincarnation du frère défunt. « A 6 ans, je voulais être cuisinière. A 7 ans Napoléon. Depuis, mon ambition n’a cessé de croître comme ma folie des grandeur » Il peint son premier tableau à l’âge de 6 ans et à 14 ans, il se proclame impressionniste. Il se dote d’un bouchon de carafe en cristal. A travers cet objet magique, Dalí voit le monde sous un autre angle qu’il restitue dans ses peintures. -Le Surréalisme : Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique né après la Première Guerre mondiale ; ce mouvement succède au dadaïsme. Le « sur-réalisme » refuse les constructions logiques de l’esprit. Ses valeurs sont celles de l’irrationnel, de l’absurde, du rêve, du désir et de la révolte. Le groupe surréaliste s’adonnait au jeu du « cadavre exquis », jeu qui consiste à écrire des phrases « au hasard, chaque participant donnant un seul élément de phrase […] sans connaître les autres ». De même, dans la peinture, René Magritte joue souvent sur le décalage entre le titre et le sujet représenté. Le mouvement avait aussi une dimension politique : l’art était considéré comme un moyen de «changer la vie ». D’où l’adhésion au Parti communiste du groupe surréaliste. Le mouvement est défini par André Breton dans le Manifeste du surréalisme, publié en 1924. Parmi les écrivains surréalistes, on peut citer Louis Aragon (1897-1982) et Paul Éluard (1895-1952). Parmi les peintres, Max Ernst, Salvador Dalí, René Magritte et Juan Miró. René Magritte : la trahison des images, 1928-29 Salvador Dali : les montres molles ou la persistance de la mémoire, 1931 A l’école des Beaux-arts, Dali s’oppose systématiquement à l’enseignement de ses professeurs qu’il juge trop classique et incomplet. Il rencontre Picasso à Paris. Dali raconte le procédé un peu naïf qu’il a employé pour se faire, suivant la lettre du surréalisme, « calqueur de rêve ». Il plaçait sa toile dans sa chambre, près de son lit : il la regardait avant de s’endormir et tentait de rêver d’elle. A son réveil, ce tableau était la première image qu’il distinguait. Et toute la journée, raconte-t-il, c’est “comme un médium” qu’il fixait ce tableau, pour que les visions de la rêverie éveillée viennent se loger en lui. Avec Buñuel, il réalisera deux films : Un chien andalou en 1928 et l’Age d’Or en 1930. Dalí est fasciné par les sciences nouvelles dont la psychanalyse. Il rencontre Freud en 1936. En 1929, à Paris il est introduit au sein du mouvement surréaliste. Il y rejoint entre autre André Breton, Max Ernst, Magritte… André Breton Sigmund Freud

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Salvador DALI Le « Salon Mae West », Théâtre-Musée Dali à Figueras, Espagne, 1974

I/ L’ARTISTE – BIOGRAPHIE – CONTEXTE HISTORIQUE ET ARTISTIQUE

Salvador Dalí est né le 11 mai 1904 à Figueras, une ville catalane de l’Espagne. Il est mort en 1989 . - La provocation dès l’enfance : Dès sa naissance, Dali n’est pas voué à un destin ordinaire. En effet, très vite comparé à son frère aîné mort 21 mois avant sa naissance, Dali est destiné à remplacer l’enfant perdu. C’est ainsi qu’il portera le même prénom que son frère, qu’il utilisera ses vêtements et ses jouets. Très jeune, Dalí va tout faire pour effacer l’image imposante du frère afin de devenir le fils unique de la maison. C’est finalement dans la provocation qu’il va trouver le moyen de s’affirmer pour ne plus être considéré comme la réincarnation du frère défunt.

« A 6 ans, je voulais être cuisinière. A 7 ans Napoléon. Depuis, mon ambition n’a cessé de croître comme ma folie des grandeur » Il peint son premier tableau à l’âge de 6 ans et à 14 ans, il se proclame impressionniste. Il se dote d’un bouchon de carafe en cristal. A travers cet objet magique, Dalí voit le monde sous un autre angle qu’il restitue dans ses peintures.

-Le Surréalisme : Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique né après la Première Guerre mondiale ; ce mouvement succède au dadaïsme. Le « sur-réalisme » refuse les constructions logiques de l’esprit. Ses valeurs sont celles de l’irrationnel, de l’absurde, du rêve, du désir et de la révolte. Le groupe surréaliste s’adonnait au jeu du « cadavre exquis », jeu qui consiste à écrire des phrases « au hasard, chaque participant donnant un seul élément de phrase […] sans connaître les autres ». De même, dans la peinture, René Magritte joue souvent sur le décalage entre le titre et le sujet représenté. Le mouvement avait aussi une dimension politique : l’art était considéré comme un moyen de «changer la vie ». D’où l’adhésion au Parti communiste du groupe surréaliste.

Le mouvement est défini par André Breton dans le Manifeste du surréalisme, publié en 1924. Parmi les écrivains surréalistes, on peut citer Louis Aragon (1897-1982) et Paul Éluard (1895-1952). Parmi les peintres, Max Ernst, Salvador Dalí, René Magritte et Juan Miró.

René Magritte : la trahison des images, 1928-29

Salvador Dali : les montres molles ou la persistance de la mémoire, 1931

A l’école des Beaux-arts, Dali s’oppose systématiquement à l’enseignement de ses professeurs qu’il juge trop classique et incomplet. Il rencontre Picasso à Paris. Dali raconte le procédé un peu naïf qu’il a employé pour se faire, suivant la lettre du surréalisme, « calqueur de rêve ». Il plaçait sa toile dans sa chambre, près de son lit : il la regardait avant de s’endormir et tentait de rêver d’elle. A son réveil, ce tableau était la première image qu’il distinguait. Et toute la journée, raconte-t-il, c’est “comme un médium” qu’il fixait ce tableau, pour que les visions de la rêverie éveillée viennent se loger en lui.

Avec Buñuel, il réalisera deux films : Un chien andalou en 1928 et l’Age d’Or en 1930. Dalí est fasciné par les sciences nouvelles dont la psychanalyse. Il rencontre Freud en 1936. En 1929, à Paris il est introduit au sein du mouvement surréaliste. Il y rejoint entre autre André Breton, Max Ernst, Magritte…

André Breton Sigmund Freud

-Gala : L’été suivant, en 1930, il invite dans sa maison de Cadaquès Buñuel, Magritte, Eluard et sa femme Gala. Durant ce séjour, Dalí tombe éperdument amoureux de Gala. Le coup de foudre est réciproque. Désormais ils ne se sépareront plus. Gala deviendra sa muse, son modèle. Elle est la femme dont il a toujours rêvé « elle est mon sang, mon oxygène, la source d’équilibre ».

Dali et Gala Galarina, 1945

En revanche, le père de Dali désapprouve tellement cet amour qu’il finira par expulser son fils de la demeure familiale. C’est ainsi qu’avec Gala, Dali se réfugie dans une petite maison de pêcheur de Port Lligat. Stimulé par sa compagne et par la détresse financière provisoire qu’il traverse, cette période engendre la naissance de beaucoup d’œuvres. Il peint ses obsessions les plus profondes et le thème du désir est récurrent. Grâce à Gala, il va extérioriser ses psychoses, les analyser et les transformer en œuvres. « Peintre, mieux vaut être riche que pauvre : apprend donc à faire naître de ton pinceau l’or et les pierres précieuses».. Toujours poussé par Gala, il va s’affirmer au sein du groupe surréaliste et même en devenir le leader. Il s’impose également sur la scène médiatique et se compose un personnage toujours à la pointe de la provocation. En 1932, Dali participe à la première exposition surréaliste aux États-Unis et obtient un succès triomphal. C'est le début de la « méthode paranoïaque-critique ». Aux récits de rêves et à l'écriture automatique des surréalistes, Dali ajoute l'objet irrationnel à fonctionnement symbolique.

-La méthode paranoïa-critique : La maladie appelée paranoïa consiste en un délire d’interprétation du monde, et du moi auquel le malade donne une importance exagérée. Elle s’accompagne d’hallucinations, d’interprétations délirantes des phénomènes réels. Le paranoïaque façonne le monde selon son désir. Dali déclara que son génie reposait sur sa “méthode paranoïaque-critique”, qui, grâce à la peinture, permet de contrôler la folie (hallucinations, obsessions, visions) par le passage de la frontière entre le réel et l’imaginaire.

“La seule différence entre moi et un fou est que, moi, je ne suis pas fou.” Utilisant avec une grande maîtrise toutes les techniques apprises, il peint « des photographies en trompe-l’œil » qu’il utilise pour transcrire des images de rêve. Il multiplie les images sur un même tableau, veut instaurer un doute sur ce que représente l’image. C’est le processus des images doubles, triples que l’on peut voir dans certains de ses tableaux. Dali a fait du surréalisme un art de vivre.

-Les voyages : En 1936, aux prémices de la guerre civile espagnole, le couple Dalí et Gala fuit l’Espagne pour l’Italie. En 1940, face aux menaces de la guerre, Gala et Dalí se réfugient aux Etats-Unis. Dali réalise des décors et des costumes de ballets, dessine des bijoux, décore un appartement, collabore avec la revue Vogue et le cinéma (Hitchcock). Il vit dans le luxe contrairement aux autres peintres du mouvement. André Breton, chef de file du mouvement surréaliste, apprécie peu cet esprit mercantile. Il lance alors la célèbre anagramme AVIDA DOLLARS.

Ce séjour aux Etats-Unis, sa célébrité et sa vie opulente font rompre Dali définitivement avec le mouvement surréaliste. En 1943, il publie son autobiographie. Très marqué par l’explosion de la première bombe atomique en août 1945, il donne naissance à une nouvelle esthétique de fragmentation nucléaire : c’est le début de sa période atomique. Il s’intéresse à la peinture de la Renaissance et à Velasquez et Vermeer.

Galatée aux sphères, 1952.

-Les images à double-lecture : Intéressé par les images en trois dimensions, il réalise à la fin des années 50 des œuvres en relief. Avec la mort de son frère aîné, Dalí est obsédé par le double, il fera notamment des images doubles quasi identiques mais qui, observées simultanément et grâce aux lois de l’optique, deviennent une seule et même image.

Marché d’esclaves avec apparition du buste invisible de Voltaire, 1940

Gala regardant la mer Méditerranée qui à vingt mètres se transforme en portrait d'Abraham Lincoln (Hommage à Rothko), 1976.

-Le musée-tombeau : Dès le début des années 70, il se consacre à la création de son musée dans sa ville natale de Figueras. Inauguré en 1974, on y retrouve l’univers surréaliste de Dalí. Toujours terrifié par la mort, il cherche à atteindre l’immortalité ce qui l’amène à s’intéresser au processus d’hibernation. Il meurt le 23 janvier 1989 et repose désormais dans la crypte de son musée à Figueras. Par testament, il lègue l’ensemble de son œuvre à l’état espagnol.

II/ LE SALON : DESCRIPTION ET COMMENTAIRES

1/ Le collage (1934-1935) : En voyant une photo de l’actrice hollywoodienne Mae West, Dalí eut l’idée d’en faire un appartement surréaliste selon la méthode « paranoïaque-critique » : en considérant la réalité avec plus de choses qu’il n’en existe vraiment. A partir de la photo du visage de l’actrice, il peint un salon où son nez est une cheminée, ses yeux des tableaux accrochés au mur et sa bouche un sofa : « Visage de Mae West pouvant être utilisé comme appartement surréaliste » 1934-1935. l'Art Institute de Chicago.

L’actrice Mae West représentait un sex-symbol à la réputation sulfureuse dans les années 1920 à 1940. Salvador Dalí admirait ses formes voluptueuses et provocatrices.

2/ Le sofa : En 1936, il réalise avec un designer italien le fameux Canapé Bocca (bouche en espagnol) inspiré des lèvres rouges et pulpeuses de l’actrice.

3/ L’installation de l’appartement surréaliste : Près de quarante ans plus tard, l'architecte et designer barcelonais Oscar Tusquets propose à Dali de recréer cette œuvre en trois dimensions dans son Théâtre Musée à Figueras. C'est ainsi qu'en 1974, la salle Mae West abrite un sofa, une cheminée et deux tableaux, représentant le visage de l'actrice américaine. Le sofa représente la bouche, la cheminée le nez, les deux tableaux sont des reproductions des yeux de l’actrice. La perruque (un grand rideau jaune suspendu au premier plan de l’installation) ne sera rajoutée que deux ans plus tard. On peut admirer l'œuvre dans son intégralité au travers d'une loupe grossissante, située en face de l’installation, surélevée de quelques marches afin de créer la meilleure illusion possible.

Le mobilier est posé sur un parquet dont la disposition des planches accentue l’effet de perspective et déstabilisent le spectateur : Dali joue ici entre les deux dimensions et les trois dimensions pour créer une image double. On retrouve son goût pour les illusions d’optique. Trois marches entourent le plancher-visage, comme les rangées d’un collier.

Le collage de

Dali

Cette œuvre est représentative de ce Dali appelait un « objet à fonctionnement symbolique » : les objets sont détournés de leur usage ordinaire pour devenir les éléments d’une image idéale, d’un fantasme rêvé par son créateur. Lorsque l’on descend du petit observatoire qui porte la lentille, l’illusion se rompt et la transformation a lieu dans le sens inverse : les objets du désir redeviennent des éléments du quotidien.

La transformation d’un visage de femme en appartement est très caractéristique des obsessions de Dali : les formes rondes et molles, la femme et l’érotisme (Gala était pour lui la femme idéale, celle qui soigne par la profondeur de son amour), le double.

4/ Le Théâtre-Musée

Le « salon Mae West » est une des pièces maîtresses du Théâtre-Musée Dali, avec la Cadillac pluvieuse et “Gala contemplant la mer Méditerranée devenant à 20 mètres le Portrait d’ Abraham Lincoln” (1976).

Salvador Dalí a décidé au début des années 60 de construire son musée dans les ruines de l'ancien Théâtre de Figueras. Inauguré en 1974, le Théâtre-Musée Dalí renferme le plus large éventail d'œuvres de l’artiste. Dali souhaitait créer « Le plus grand objet surréaliste du monde ».

« Je veux que mon musée soit un bloc unique, un labyrinthe, un grand objet surréaliste. Ce sera un musée Théâtral. Les visiteurs en sortiront avec la sensation d'avoir eu un rêve théâtral. »

III/ SOURCES :

http://www.daliparis.com/pdf/groupes/guide-pedagogique-espace-dali.pdf http://fr.wikipedia.org/wiki/Salvador_Dal%C3%AD http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/9899/mer009/pages/dali-surr.htm http://www.etudes-litteraires.com/surrealisme.php http://www.journalepicurien.com/2009/09/22/mae-west-et-dali/