Le Roannais et le Haut-Beaujolais : un espace à l'écart...

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L E R O A N N A I S

E T L E H A U T - B E A U J O L A I S

Un espace à l'écart des métropoles

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JEAN-PIERRE HOUSSEL Docteur ès lettres

Maître assistant de géographie à l'Université Lyon II

LE ROANNAIS ET LE HAUT-BEAUJOLAIS

Un espace à l'écart des métropoles

PRESSES UNIVERSITAIRES DE LYON 86, rue Pasteur, 69365 Lyon cedex 2

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A Suzanne A Jean-Marc, Laurence, Arnaud.

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Cet ouvrage reprend la plus grande partie du texte dactylographié d 'une thèse de doctorat d'Etat, soutenue le 22 juin 1976, et dont le jury était composé de : Rapporteur : Mlle Renée Rochefort Présidente : Mme Jacqueline Beaujeu-Garnier Assesseurs : MM. Maurice Bernadet, André Fel, Pierre Flatrès, René Lebeau.

AVANT-PROPOS

L ' o u v r a g e qui est p résen té ici obéi t aux lois du genre. C ' e s t une thèse, c ' es t -à -d i re une d é m o n s t r a t i o n étayée sur des sources variées : d o c u m e n t s d ' a r ch ives ; ouvrages an tér ieurs ; presse locale, données s ta t is t iques , c o m p t e s r endus d ' a s soc i a t i ons , dossiers officiels qui cons t i tuen t les f o n d e m e n t s de l 'h i s to i re i m m é d i a t e ; enquê tes directes su r tou t .

J ' a i privilégié les ent re t iens avec les h o m m e s , t émoins du passé et agents géograph iques , d a n s la m e s u r e où de telles recherches n ' a v a i e n t pas eu de précédents d a n s la Région et pa rce que je crois p r o f o n d é m e n t qu 'e l les son t indispensables à la c o m p r é h e n s i o n d u présent , ce qu i est en défini t ive la tâche des sciences h u m a i n e s . Cer t a ins lec- teurs se ron t sans d o u t e surpr is de voir l ' o b s e r v a t e u r sort i r des sentiers hab i tue l s de la d é m o g r a p h i e et des activités é c o n o m i q u e s p o u r a b o r d e r le mil ieu cul ture l et le rôle des responsables locaux. C ' e s t que l ' h o m m e d a n s son inté- gralité, donc bien e n t e n d u l ' h o m m e social, doi t être pris en cons idé ra t ion dans ces espaces et ces t emps de passage bru ta l d ' u n e société et d ' u n e é c o n o m i e t radi t ionnel les à une société et une économie d ' u n type nouveau , qui s ' é l aboren t .

Cet te c o n f r o n t a t i o n avec le réel a été menée dans le cadre d ' u n e région vécue, m ê m e si elle a p p a r a i t hétéro- gène, p a r souci de respecter l ' imbr i ca t i on des s i tuat ions complexes existantes. Je crois aussi que l ' é tude d ' u n e région par t icul ière , à la lumière du thème de l ' inégal déve loppement qui s ' impose à la F rance depuis 1955 envi ron , a p p o r t e une c o n t r i b u t i o n nécessaire à la p r o b l é m a t i q u e générale, ainsi q u ' à la typologie et à la c o m p r é h e n s i o n des au t res espaces.

Cet te conna i s sance en p r o f o n d e u r des êtres et des choses, je l 'ai recherchée avec tous ceux qui on t bien voulu m ' a c c o r d e r un entre t ien, depuis que j ' a i c o m m e n c é ce travail en 1967. Je les en remercie s incèrement , tout en sachan t que ce n 'es t pas fo rcémen t le mot qui convient , q u a n d s 'é tabl issent une connivence , une co l l abora t ion , p o u r éclairer d ' u n j o u r n o u v e a u le cadre d a n s lequel on vit et qui est devenu si famil ier , si « n o r m a l » que l ' on cesse de s ' i n t e r roge r à son sujet . L ' e n q u ê t e se p ro longe en p r o m e n a d e famil iale d u d imanche , aussi bien que par des réun ions et des exposés , où l ' on est t o u r à t o u r f o r m a t e u r et formé. A u fond , ce livre m ' a p p a r a î t c o m m e une œ u v r e collective, où j ' a i rassemblé , o r d o n n é les connaissances qui m ' o n t été appor t ées , où je me suis ef forcé de leur d o n n e r u n sens, une place d a n s l ' évo lu t ion , tou t en c o n f r o n t a n t mes impress ions , m o n « d iagnos t ic » avec ceux des hab i t an t s qui œ u v r e n t sur le te r ra in .

Après les années de p r é p a r a t i o n consacrées aux lectures et aux enquêtes , les années de r édac t ion son t beau- coup plus aus tè res . Le d é t a c h e m e n t de trois ans d o n t j ' a i bénéficié c o m m e a t t aché de recherche au C . N . R . S . m ' a b e a u c o u p facilité la tâche. Je tiens à exp r imer m a reconna i s sance à Mademoise l l e Renée R o c h e f o r t , qui a bien voulu accueill ir cet i nconnu venu d ' a u t r e s cieux et qui m ' a tou jour s t émoigné sa conf iance , en m ' e n c o u r a g e a n t à exp r imer ce que je pense être la géog raph ie et « m a » Région. Je n ' a u r a i ga rde d ' o u b l i e r tous ceux qui p a r une conve r sa t ion o u une m a r q u e de sympa th i e m ' o n t aidé, en par t icul ier M o n s i e u r René Lebeau , qui a bien voulu m 'a s soc i e r à l ' ense ignemen t de la géog raph ie ru ra le dès m o n arrivée à l 'Univers i t é de Lyon , M a d a m e Gadi l le et M a d a m e B e a u j e u - G a r n i e r qui a accepté de me pa r r a ine r p e n d a n t m o n d é t a c h e m e n t au C . N . R . S .

La réa l i sa t ion matér ie l le du t ravai l doi t b e a u c o u p à M a d a m e F rance M o n i n et à Mademoise l l e Ca the r ine Gieules qui , t o u t en d a c t y l o g r a p h i a n t le texte, se faisaient volont iers cor rec teurs et aud i t eu r s éclairés. Je gardera i le souveni r des f ruc tueux d ia logues avec Char les Danière , c a r t o g r a p h e à l ' Ins t i tu t des E tudes R h o d a n i e n n e s , d o n t le sens et l ' a r t d u g r a p h i s m e o n t su t r ans f igu re r les croquis que je lui appor t a i s .

Cet te pub l i ca t ion d o n t on t bien vou lu se cha rge r les Presses Univers i ta i res de Lyon , a été favor isée par les subven t ions accordées p a r le Secré ta r ia t d ' E t a t aux Universi tés, la C h a m b r e de C o m m e r c e et d ' I n d u s t r i e de R o a n n e , ainsi que la F o n d a t i o n G u i c h a r d . Elle c o r r e s p o n d à la deuxième par t ie de la thèse : la c o n f r o n t a t i o n à l ' é conomie m o d e r n e à par t i r de 1965. Elle doi t ê tre complé tée par un tome consacré aux condi t ions naturel les et aux données h is tor iques qui on t f açonné le visage de la Région, tel que nous le t rouvions à la veille de la crise du tissage.

Le C o t e a u 7 n o v e m b r e 1977

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INTRODUCTION

La région ne paraît pas avoir de cohésion interne : elle comprend la région urbaine de Roanne et l'Est des monts du Beaujolais qui est tourné vers Lyon. Mais ces deux secteurs présentent une incontestable solidarité d'intérêts, fondée sur les genres de vie d'hier dominés par l'interpénétration de l'agriculture et de l'industrie tex- tile, et sur les difficultés d 'adaptation d'une économie traditionnelle placée à l'écart des grands foyers de dévelop- pement.

La zone d'influence que Roanne s'est constituée au moment de l'essor de l'industrie du coton à la fin du XIXe siècle, correspond au bassin-versant de la Loire au nord du seuil de Neulise, compris entre les monts de la Madeleine à l'ouest et, à l'est, la ligne de partage des eaux entre l'Atlantique et la Méditerranée qui court dans les monts du Beaujolais. C'est là que dès le XVIe siècle, les négociants lyonnais ont substitué le système manufactu- rier au travail domestique des étoffes, ce qui a rendu possible la subsistance de fortes densités que l'agriculture ne pouvait assurer. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'industrie s'est mécanisée et s'est étendue de la monta- gne aux villes de la plaine, Roanne et secondairement Charlieu. Les tours de main acquis de longue date, le sens des affaires de paysans ou d'artisans promus capitaines d'industrie ont maintenu jusqu'à 'la crise du tissage de 1965 la vitalité de l'économie traditionnelle. On comprend que nous entendons ce terme par opposition à l'écono- mie moderne, caractérisée à la fois par l'agriculture d'entreprise, les formes les plus évoluées de la seconde révolu- tion industrielle, la prépondérance du secteur tertiaire.

En fait l'économie traditionnelle se survivait à elle-même. La population avait diminué de plus de 20 % depuis le maximum de 1896 et cessé d'augmenter à partir de 1866, année antérieure à la mécanisation. Mais les difficultés n'étaient pas perçues comme insurmontables, car le tissage du coton et de la soie, dispersé dans le moindre hameau grâce au métier à domicile, renaissait après chaque crise cyclique. En 1965, il faut bien se rendre à l'évidence que les affaires les mieux assises, celles auxquelles les habitants lient leur prospérité, ferment, que le bruit des métiers déserte la campagne, qu'on assiste à une crise structurelle, à la fin d 'un âge.

Notre région est confrontée à l'économie moderne dans de mauvaises conditions. Elle est à l'écart des métropoles bien placées au carrefour des grandes voies de communications, comme la région parisienne et les bouches du Rhin, pour ne considérer que l 'Europe Occidentale. Isolée et compartimentée par le relief, elle ne peut guère profiter en dépit de la proximité de l'agglomération lyonnaise, des activités que ces grands foyers de déve- loppement essaiment dans les plaines et les vallées qui les entourent. Elle fait partie de la « province ».

PROBLÉMATIQUE

La qualité d'espace, le type de milieu socio-économique de la « province » sont caractérisés par : — une croissance démographique inférieure à la moyenne nationale et le vieillissement de la population, — une population active dont le niveau de formation scolaire et professionnelle est bas, où ouvriers qualifiés,

employés, techniciens et surtout cadres supérieurs et professions libérales sont en proportion beaucoup plus faible que dans les aires métropolitaines,

— un indice de richesse vive peu élevé, qui se révèle par exemple dans le manque de confort du logement ou dans les dépenses réduites pour la santé et les loisirs.

Pour tous ces critères, l'écart est plus petit entre une commune rurale et une ville petite ou grande à l'inté- rieur de la « province » qu'entre une ville de province et une métropole1, si bien que l 'on serait tenté de parler de « milieu rural ». On comprend que cette notion diffère de la définition de l 'I .N.S.E.E. qui considère comme ru- rales les communes dont la population agglomérée est inférieure à 2 000 habitants et qui sont situées en dehors des zones de peuplement industriel et urbain. En effet, notre région est riche en bourgs, en petites villes et l'agglomé- ration roannaise dépasse 80 000 habitants ! Cette notion transcende même le critère quantitatif retenu par les géo- graphes ruraux 2 qui est fondé sur la densité beaucoup plus faible des hommes, des activités et des équipements, pour prendre en compte des critères qualitatifs. Cette spécificité commence à s'imposer à l'opinion publique. En 1972, pour la première fois, le Conseil Général du Rhône a séparé dans la discussion du budget, la Communauté Urbaine de Lyon du « Rhône rural », qui englobe aussi bien le vignoble du Beaujolais et les monts du Lyonnais, que Villefranche, Tarare et Givors. Mais il est difficile cependant de parler de « milieu rural » pour les espaces situés en dehors des zones métropolitaines, à cause des risques de confusion avec les acceptions les plus couram- ment retenues : c'est pourquoi j'utiliserai le terme « province » ou celui d'espace non-métropolisé.

La région de Roanne, comme le reste de la « province » française, en est actuellement à un stade de dévelop- pement intermédiaire entre l'économie traditionnelle et l'économie moderne. L'évolution constatée va dans le sens

1. Jean-Pierre HOUSSEL (15), n° 3, note p. 169. 2. Pierre FLATRES (12).

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de l'accroissement des déséquilibres, de la concentration des hommes et des activités dans l'orbite des métropoles. Faut-il en conclure que la « province » ne trouve plus en elle-même d'éléments de dynamisme, que son sort est lié au minimum d'équipements et de services que maintient l'Etat, aux quelques décentralisations industrielles que laissent les grandes villes ? Faut-il en conclure qu'elle est destinée à n'être qu'un espace agricole, un espace vert animé seulement deux mois par an, quand se vide la France industrielle et urbaine ? Qu'elle tend à se réduire à un espace intersticiel dépersonnalisé, que ne parviennent plus à structurer des centres régionaux de moins en moins autonomes et dont les métropoles se disputent la polarisation ?

Dans le grand débat sur les chances de passage de l'économie traditionnelle à l'économie moderne, notre pro- pos est avant tout d'apporter l'exemple concret de l'évolution de notre région, observée au jour le jour, sans idées préconçues, depuis que ses habitants ont pris conscience, à cause de la crise du tissage dans les années 65, qu'ils étaient en train de vivre une crise de structure, une crise d'adaptation. Nous avons constaté le poids des lois éco- nomiques, qui se traduit par l'emprise croissante des grands groupes nationaux et internationaux et un « exode rural » en cascade, du village à la métropole, avec les villes petites et moyennes pour relais, qui prive la région de ses éléments les plus jeunes et les plus qualifiés. Mais nous ne pensons pas au dépérissement fatal de la province : nous constatons de nombreux exemples de « l'aptitude aux changements mentaux et sociaux qui rendent apte une population à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global », ce qui est pour François Per- roux, la définition du développement. L'aptitude au développement dépend de facteurs humains : la densité et la jeunesse de la population, moteurs de la « démographie créatrice » dont parle Sauvy ; la faculté d'adaptation et l'esprit d'initiative qui puisent leurs sources dans l'attachement au pays et l'habitude de survivre dans un milieu difficile ; l'ouverture au monde extérieur et le sens de l'association, que propagent les mouvements et les organisa- tions professionnelles quand ils savent être des instruments de culture populaire. Ces facteurs humains n'existent pas partout, c'est pourquoi notre région présente aujourd'hui une multitude de types d'évolution, entre le canton progressiste et la zone d'abandon 3.

Notre région peut paraître refléter assez mal l'ensemble de la « province ». En effet, au même titre que des montagnes peuplées comme les vallées jurassiennes ou vosgiennes ou que des zones de contact entre la plaine et le massif ancien comme la région de Cholet, elle a développé, à un haut degré et jusqu'à un passé récent, toutes les potentialités de l'économie traditionnelle. Certes, certains secteurs routiniers et archaïques comme le tissage de la cotonne et de la soie n'avaient pas su évoluer et ont été des poids morts, mais la population est restée relative- ment dense et jeune, l'ingéniosité et l'esprit d'entreprise n'ont pas disparu. On pourrait dire que la région fait par- tie de la « France du milieu », adoptant en cela la métaphore de Calogero Muscara, qui utilise les particularités de position des différentes zones de développement en Italie, pour distinguer « l'Italie du milieu », hier agricole et aujourd'hui gagnée par l'industrie spontanée, du triangle industriel du Nord-Ouest et du Sud sous-développé4. Pour retrouver le contexte national, on peut s'inspirer aussi des classifications proposées par les observateurs des mutations de l'agriculture française dans les années 1960, aussi bien économistes et agronomes comme Michel Ger- vais 5, que géographes comme André Fel6 et Armand Frémont7. Ils ont mis en relief la différenciation à l'inté- rieur de la société paysanne d'hier, d'une agriculture progressive qui cherche, en dépit de structures difficiles, à se hisser au niveau de l'agriculture d'entreprise, et d'une agriculture traditionnelle, qui renonce à y parvenir et ras- semble les « laissés pour compte » du progrès. De même en face de la France moderne des grands foyers de déve- loppement, on voit se différencier une « France progressive, une France en transition » d'une France traditionnelle, d'une France en voie d'abandon. La Région de Roanne appartient à la « province progressive », à la « province en transition ».

LES MÉTHODES

Le souci d'étudier un type de développement à travers un exemple régional a commandé la méthodologie et le choix des limites.

Nous avons cherché, avant tout, à observer et à comprendre. Avec la « province en transition », nous nous trouvons devant un type de région qui subit la transgression de l'économie moderne et dont la capacité d'adapta- tion dépend de ce qui subsiste d'actuel dans le « stock de passé » pour reprendre l'expression d'André Fel. C'est dire que notre méthodologie dans un cadre régional « tend à utiliser les nouveaux moyens de collecte et de traite- ment de l'information, mais sans rejeter les moyens d'approche et les modes de réflexion traditionnels », selon l'appréciation que Pierre Flatrès applique à la méthodologie actuelle de la géographie rurale française2.

La description de la situation présente est celle d 'un milieu disparate où coexistent des activités et des attitu- des appartenant à des âges différents. Cela cerne déjà, quelque goût que nous ayons pour les données statistiques et leur interprétation, les limites de l'utilisation des méthodes quantitatives. Il nous semble inutile de revenir sur l'exactitude relative des renseignements chiffrés recueillis. Les considérations techniques entraînent d'autre part, pour une même donnée, des différences de nature : comment traiter ensemble pour calculer des moyennes et des indices d'évolution, poulets de grain et poulets d'élevage industriel ou encore les ateliers de tricotage qui sortent un fort chiffre d'affaires avec un nombre réduit de salariés, et les entreprises de bonneterie classiques intégrant tri- cotage et confection ? Et comment rassembler dans la même opération, sans risque de dénaturer le message, une

3. Jean-Pierre HOUSSEL (15). 4. Ca logero M U S C A R A (25). Le tree aree dello sviluppo, p. 101-115.

5. Michel GERVAIS, Jean WEIL, Claude SERVOLIN (14). 6. André FEL (11). 7. Armand FREMONT (13).

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e x p l o i t a t i o n a g r i c o l e p r o g r e s s i v e , u n e e x p l o i t a t i o n t r a d i t i o n n e l l e e t u n e e x p l o i t a t i o n e n v o i e d ' a b a n d o n ; u n a t e l i e r

e n s o u s - t r a i t a n c e e t l ' é t a b l i s s e m e n t d ' u n g r a n d g r o u p e n a t i o n a l ? O n d o i t se m é f i e r d e s g é n é r a l i s a t i o n s h â t i v e s s u r

d e s r é s u l t a t s d ' e n q u ê t e s d u t y p e « r o u l e a u c o m p r e s s e u r » , é t a b l i e s à p a r t i r d e q u e s t i o n n a i r e s m a l a d a p t é s à l a

s i t u a t i o n l o c a l e . C e l l e - c i e s t t r è s v a r i é e ; les u n i t é s t e r r i t o r i a l e s h o m o g è n e s d e m a n d e n t à ê t r e d é l i m i t é e s c a s p a r c a s , a p r è s d e m u l t i p l e s t â t o n n e m e n t s .

N o u s a v o n s é t é a m e n é s à s o r t i r d e s s e n t i e r s h a b i t u e l s d e s r e c e n s e m e n t s e t d e s c o m p t a g e s . L a t r a d u c t i o n s u r le

p l a n f i n a n c i e r d e s r é p e r c u s s i o n s d e s t r a n s f o r m a t i o n s t e c h n i q u e s e s t e s s e n t i e l l e p o u r le p r o d u c t e u r , e t t o u t e a p p r é - c i a t i o n d e l ' é v o l u t i o n é c o n o m i q u e d ' u n e c i r c o n s c r i p t i o n t e r r i t o r i a l e p a s s e p a r les m o d i f i c a t i o n s d u v o l u m e et d e la

r é p a r t i t i o n d e s a f f a i r e s . N o u s a v o n s e u l a r g e m e n t r e c o u r s à l a p u b l i c a t i o n d e s c h i f f r e s d ' a f f a i r e s d e s p r i n c i p a u x

é t a b l i s s e m e n t s i n d u s t r i e l s d e l a L o i r e , a u x c o m p t a b i l i t é s d e s e n t r e p r i s e s a g r i c o l e s g r â c e a u x C e n t r e s d e G e s t i o n ,

e n f i n a u x d o c u m e n t s p u b l i é s p a r la B a n q u e d e F r a n c e . N o u s a v o n s é g a l e m e n t r e c h e r c h é les c r i t è r e s q u a n t i t a t i f s

a p t e s à r é v é l e r les a t t i t u d e s e t les m e n t a l i t é s , l e s q u e l l e s se m a n i f e s t e n t p a r l ' a d o p t i o n p l u s o u m o i n s p r é c o c e o u p a r le r e f u s d e s i n n o v a t i o n s . D e n o m b r e u x c r i t è r e s o n t d é j à é t é p r o p o s é s p o u r é t u d i e r l ' u r b a n i s a t i o n d e s m e n t a l i t é s

d a n s les c a m p a g n e s 1. L a d i s t r i b u t i o n d e s m u l t i p l e s g r o u p e m e n t s a g r i c o l e s e s t t r è s s i g n i f i c a t i v e d u d e g r é d ' é v o l u t i o n

d e s c a n t o n s r u r a u x . L ' i n t é g r a t i o n à l ' é c o n o m i e m o d e r n e se t r a d u i t p a r u n e p e r t e d ' i n f l u e n c e d e la C a i s s e d ' E p a r -

g n e a u p r o f i t d u C r é d i t A g r i c o l e q u e l ' o n p e u t s u i v r e d a n s les d é p ô t s e t les p r ê t s . L e p o u r c e n t a g e d ' a g r i c u l t e u r s , d e n o u v e a u x v e n u s , d e f e m m e s d a n s les c o n s e i l s m u n i c i p a u x , d e m ê m e q u e le n o m b r e d e c e n t i m e s a d d i t i o n n e l s e t

l ' e n d e t t e m e n t p a r h a b i t a n t , s o n t r é v é l a t e u r s d e l a p r i s e d e c o n s c i e n c e p a r les c o l l e c t i v i t é s l o c a l e s d e s m u t a t i o n s n é c e s s a i r e s .

A p a r t i r d ' u n e d o c u m e n t a t i o n a u s s i v a r i é e , a u s s i s p é c i f i q u e , q u i e x c l u t les l o n g u e s s é r i e s h o m o g è n e s , l ' u t i l i s a -

t i o n d e s m o y e n s m o d e r n e s d ' é l a b o r a t i o n d e s d o n n é e s c o m m e l ' o r d i n a t e u r , e t m ê m e l a s i m p l e t r i e u s e , s e t r o u v e p e u a d a p t é e . Il f a u t s a n s c e s s e o p é r e r d e s c o n v e r s i o n s p o u r t e n i r c o m p t e d e l a d é p r é c i a t i o n d u f r a n c o u d e s r e d r e s s e -

m e n t s , p o u r s u i v r e la m o d i f i c a t i o n a p p o r t é e d ' u n e a n n é e à l ' a u t r e a u x b a s e s s t a t i s t i q u e s . N o u s n e n o u s s o m m e s

p a s l a n c é n o n p l u s d a n s la r e c h e r c h e d e c o r r é l a t i o n s . L e s m é t h o d e s c l a s s i q u e s p a r p o u r c e n t a g e s , i n d i c e s e t r a t i o s p e r m e t t e n t d é j à d e s c o m p a r a i s o n s f o r t é c l a i r a n t e s . E t q u e d o n n e r a i t l ' a p p l i c a t i o n d e m é t h o d e s r a f f i n é e s à d e s d o n -

n é e s d o n t o n s a i t la r e l a t i v i t é ? E n o u t r e , e l l e s d e m a n d e n t b e a u c o u p d e t e m p s , q u e n o u s a v o n s p r é f é r é p a s s e r à

l ' é l a b o r a t i o n d e t a b l e a u x p r o p r e s à c h a q u e q u e s t i o n , p o u r l a q u e l l e il n o u s s e m b l a i t u t i l e d e r e c o u r i r à l ' e x p r e s s i o n q u a n t i f i é e .

C ' e s t d i r e q u e n o u s n e m é c o n n a i s s o n s p a s l ' i n t é r ê t d e s d o n n é e s c h i f f r é e s e t d e l e u r t r a d u c t i o n e n l a n g a g e

m a t h é m a t i q u e . U n t a b l e a u c h i f f r é , u n g r a p h i q u e s o n t p l u s e x p l i c i t e s e t p l u s c l a i r s q u ' u n l o n g d é v e l o p p e m e n t .

N o u s s a v o n s l a v a l e u r i r r e m p l a ç a b l e d u c h i f f r e , c o m m e p o i n t d e d é p a r t d u r a i s o n n e m e n t : « le c h i f f r e e s t u n c l o u

a u q u e l o n a c c r o c h e u n e i d é e » é c r i t R o g e r B r u n e t . L e s d o n n é e s c h i f f r é e s , c o l l a t i o n n é e s p a t i e m m e n t e t c r i t i q u é e s

a v e c s o i n s ' i m p o s e n t c o m m e d e s f a i t s i n c o n t e s t a b l e s e t a v e c d ' a u t a n t p l u s d e f o r c e q u ' i l s s o n t c a r t o g r a p h i é s . E l l e s

f o n t a p p a r a î t r e d e s i n é g a l i t é s e t d e s d i s t o r s i o n s q u ' o n n ' a v a i t p a s i m a g i n é e s e t d o n t il f a u t r e c h e r c h e r l ' e x p l i c a t i o n .

C ' e s t le c a s p o u r l a d i m i n u t i o n d e l ' e m p l o i p l u s s e n s i b l e à R o a n n e q u e d a n s le r e s t e d e l ' a r r o n d i s s e m e n t e n t r e

1 9 6 3 , l a d e r n i è r e b o n n e a n n é e a v a n t l a c r i s e , e t 1 9 7 2 . C ' e s t le c a s p o u r l a p a r t d u c h i f f r e d ' a f f a i r e s c o n s a c r é e a u x

i n v e s t i s s e m e n t s , p l u s f o r t e p e n d a n t la c r i s e d e 1965 q u ' e n 1971 et 1 9 7 2 , o ù l ' é c o n o m i e r e n o u v e l é e p r o g r e s s e à u n

r y t h m e d e c r o i s i è r e . E n f i n la c o n s u l t a t i o n d e s r e c e n s e m e n t s , m ê m e les p l u s c l a s s i q u e s , é c l a i r e e t c i r c o n s c r i t d e s d i s -

p a r i t é s q u i a v a i e n t p u é c h a p p e r ; p a r e x e m p l e le c a r a c t è r e p a r t i c u l i è r e m e n t p r é c a i r e d e l ' a g r i c u l t u r e d e s m o n t s d e

l a M a d e l e i n e e s t t é m o i g n é p a r l ' a b s e n c e d e c h e v a u x d a n s l a p l u p a r t d e s e x p l o i t a t i o n s a u m o m e n t d u r e c e n s e m e n t

d e 1955 e t p a r la p r é p o n d é r a n c e d e s b ê t e s d e r a c e i n d é t e r m i n é e d a n s le t r o u p e a u b o v i n l o r s d u r e c e n s e m e n t d e 1 9 7 0 - 7 1 .

C e p e n d a n t la s e u l e d o c u m e n t a t i o n c h i f f r é e e s t i m p r o p r e à r e n d r e c o m p t e d e l a s i t u a t i o n a c t u e l l e , c o m m e le

m o n t r e n t t a n t d ' é t u d e s f a i t e s p r e s q u e e n t i è r e m e n t à p a r t i r d e s t a t i s t i q u e s . L e q u e s t i o n n a i r e f r a g m e n t e l a r é a l i t é d e

l ' e n t r e p r i s e e n u n e c e n t a i n e d e r u b r i q u e s s t é r é o t y p é e s e t n e p e u t t e n i r c o m p t e d e l a c o m p l e x i t é d e s r e l a t i o n s a v e c le

m i l i e u . L e s r e c e n s e m e n t s a g r i c o l e s f o n t b i e n a p p a r a î t r e d a n s les m o n t s d u B e a u j o l a i s l ' e x i s t e n c e d ' u n g r a n d n o m -

b r e d ' e x p l o i t a t i o n s d e 5 à 10 h e c t a r e s , m a i s la m u l t i p l i c a t i o n d e s t a b l e a u x c r o i s é s , q u a n d b i e n m ê m e s e r a i e n t - i l s

é t a b l i s a u n i v e a u d ' u n c a n t o n r u r a l h o m o g è n e , ce q u i n ' e s t p a s r é a l i s é , n e r e n d r a p a s l a s y n t h è s e q u e s a i s i t

l ' e n q u ê t e d i r e c t e à t r a v e r s u n c a s m a i n t e s f o i s r é p é t é , q u i s ' i m p o s e c o m m e u n t y p e : c e l u i p a r e x e m p l e d e ce

m é n a g e , â g é d ' u n e c i n q u a n t a i n e d ' a n n é e s , q u i a é l e v é s u r s e p t h e c t a r e s , d o n t 5 h a 1 / 2 d e p r a i r i e s p e r m a n e n t e s , l e u r s c i n q e n f a n t s , m a i s d o n t les a î n é s t r a v a i l l e n t à l ' u s i n e d u v i l l a g e o u d e l a p e t i t e v i l l e v o i s i n e , o ù l ' u n d ' e u x

s ' e s t m a r i é e t i n s t a l l é . S e u l e l ' e n q u ê t e d i r e c t e p e r m e t d e c o n n a î t r e la n a t u r e e x a c t e d e l a p r o d u c t i o n i n d u s t r i e l l e o u

d u s y s t è m e d e c u l t u r e , les l i a i s o n s f i n a n c i è r e s e t t e c h n i q u e s ; e l l e s e u l e p e r m e t d e r e c o n s t i t u e r les t r a n s f o r m a t i o n s

s u c c e s s i v e s a i n s i q u e le c h e m i n e m e n t d ' i d é e s q u i a r e n d u p o s s i b l e l ' é c l o s i o n d e s i n i t i a t i v e s ; e l l e s e u l e r é v è l e les

e f f e t s e t les c o n s é q u e n c e s d e l ' i n s e r t i o n d a n s le m i l i e u .

L a m o n o g r a p h i e p a r t i c u l i è r e s ' i m p o s e p o u r t o u t e e n t r e p r i s e q u i , e n d é p i t d e s o n u n i c i t é , e x e r c e u n e i n f l u e n c e

m a r q u é e ; m a i s le p l u s s o u v e n t , l ' e n t r e p r i s e e n q u ê t é e e s t c h o i s i e c o m m e m o d è l e d ' u n t y p e . A u t a n t q u e s u r d e s c r i -

t è r e s n u m é r i q u e s , c o m m e c e u x q u e f o u r n i t l ' A S S E D I C , la t y p o l o g i e e s t f o n d é e , a p r è s u n e f a m i l i a r i s a t i o n a v e c la

r é g i o n , s u r l ' a v i s d e s p r o f e s s i o n n e l s q u i o n t u n e v u e d ' e n s e m b l e d e l a b r a n c h e , p a r e x e m p l e le c o u r t i e r e n c o t o n

p o u r l ' i n d u s t r i e t e x t i l e , le c o n s e i l l e r o u le r e s p o n s a b l e s y n d i c a l a g r i c o l e . D a n s ces c o n d i t i o n s , il n e n o u s a p a s s e m -

b l é i n d i s p e n s a b l e d ' é t a b l i r e t d e d i s t r i b u e r d e s q u e s t i o n n a i r e s p o u r c o u v r i r t o u t e s les c a t é g o r i e s , d ' a u t a n t q u ils r i s -

q u e n t d e f i g e r u n e s i t u a t i o n , a l o r s q u e l a r é a l i t é e s t m u t a t i o n . D ' a u t r e p a r t , n o u s p o s s é d o n s m a i n t e n a n t s u f f i s a m -

m e n t d e r e c e n s e m e n t s e t d ' é t u d e s d ' o r i g i n e s d i v e r s e s p o u r q u e d e s é v a l u a t i o n s p a r r e c o u p e m e n t s s o i e n t p o s s i b l e s .

L ' e n q u ê t e s ' e n r i c h i t p r o g r e s s i v e m e n t d e q u e s t i o n s n o u v e l l e s n é e s d e s o b s e r v a t i o n s r e c u e i l l i e s p r é c é d e m m e n t à

q u e l q u e s o u r c e q u e ce s o i t . E l l e r e s t e o u v e r t e , a f i n d ' a c c u e i l l i r les p a r t i c u l a r i t é s p r o p r e s à c h a q u e c a s , q u i m e t t e n t

s o u v e n t s u r l a v o i e d e p e r s p e c t i v e s n o u v e l l e s e t a f i n d e r e c u e i l l i r l a v i s i o n q u e c h a q u e r e s p o n s a b l e se f a i t d u m i l i e u

l o c a l . Il e s t a u t a n t n é c e s s a i r e d e s ' i m p r é g n e r d u c a d r e , d e l ' a m b i a n c e , d e s a t t i t u d e s , q u e d e r e c u e i l l i r les r e n s e i g n e -

8. Placide RAMBAUD (28).

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ments recherchés. Il faut sentir la tristesse des hameaux qui ne conservent plus qu'un ménage d'exploitants et quelques vieillards ; la déchéance des cités textiles, hier prospères, où s'alignent devantures défraîchies et bâtiments délaissés ; la chape de passé qui pèse sur tel patron jeune et dynamique, mais prisonnier des traditions partout présentes, autant dans le bureau au décor immuable, que dans l'entourage familial dont il doit tenir compte ; l'insolite réussite de ce fils de fermier qui a développé un atelier de décolletage, avec pour tout bagage, la passion de la mécanique. Il y a des refus aussi révélateurs que de longs entretiens, refus poli derrière l'abondance des lieux communs de 1'« héritier » acculé à fermer l'usine centenaire ; refus rude de « celui qui n'a pas de temps à per- dre » et qui, effectivement, dans des conditions plus difficiles que son voisin, a sauvé ou créé une affaire : dans cette âpreté transparaît l'atavisme du montagnard qui lutte pour sa survie, et y réussit souvent.

L'enquête directe s'élargit à tous ceux qui modèlent le milieu : responsables des collectivités locales, des admi- nistrations, des syndicats ouvriers et paysans, des services mis à la disposition des professions, des mouvements socio-culturels. Car la connaissance du présent ne se borne plus à considérer productions et paysages comme dans le monde stable d'hier, dont on semblait pouvoir décrire l'aboutissement. Aujourd'hui la connaissance du présent « pris dans le choc du futur » implique l'information sur les équipements programmés, l'examen de la maîtrise des sols, élément nécessaire à la réalisation d'un plan d'urbanisme comme à la constitution d'exploitations agricoles viables, ce qui pose la question en terme de pouvoir. Elle implique aussi de prendre en considération le degré de conscience que l'homme-producteur et l'homme-habitant ont des problèmes collectifs et de leur capacité à les résoudre, ce qui pose la question en terme de culture. Les centres d'intérêt du géographe n'ont plus d'autres limi- tes que celles de la vie privée. Là où intervient la vie publique, l'enquête directe est relayée par une abondante documentation écrite, diffusée par la presse locale et que l'on peut consulter au siège des organismes et associa- tions : comptes rendus des réunions, rapports d'activité, polémiques. Bref, le géographe a recours aux sources qui seront celles de l'historien de demain.

Ce que demande le géographe à l'histoire, c'est de lui fournir la clé de l'originalité de la région, façonnée par des générations dont l'œuvre, peut-être effacée, n'en constitue pas moins un maillon irremplaçable. « Le géogra- phie est la mise en cause de toute l'expérience vécue des hommes, ceux d'aujourd'hui comme ceux d'hier » écri- vait Lucien Febvre. Pour bien « flairer la chair humaine », comme le voulait Marc Bloch, il n'est pas de témoi- gnage du passé inutile. Il n'est pas indifférent que ce monceau de pierres dissimulé sous les ronces et les arbres, masque les ruines d'une maison, hier industrieuse et peuplée. Ce n'est pas par souci d'érudition qu'on reconstitue les formes du travail et les relations sociales correspondantes, les étapes de la plus grande expansion de la vigne ou du tissage à bras. Cependant l'histoire qui nous concerne est celle qui permet de comprendre le présent, parti- culièrement celle qui rend compte des disparités à accueillir le progrès, des blocages comme des retournements de situation. Il s'agit souvent d'une histoire quasi actuelle pour « sociologues du présent », celle des années qui ont précédé immédiatement la crise du tissage. Mais les attitudes d'hier ont leur source dans les comportements anciens, quelle qu'ait été l'influence des pionniers et des mouvements, et celle-ci fut d'autant plus profonde qu'elle ne rompait pas avec le passé. Les témoignages les plus précieux sont des descriptions précises et toales, comme celles de l'intendant des manufactures Brisson 9 à la fin du XVIIIe siècle ou du voyageur Ardouin-Dumazet 10 à la fin du XIXe siècle. Au hasard des chroniques locales, on trouve la notation de réactions ataviques, comme celles des artisans-tisseurs de Cours obligés de se transformer en ouvriers d'usine, ou de sclérose des mentalités, comme le récit de cette séance du conseil municipal de Saint-Germain-Laval en 1862, où l'on se mit d'accord pour planter des platanes sur une place, faute de se hasarder à prendre des décisions sur la construction de l'école publique des garçons et le passage du chemin de fer.

L'observation des transformations progressives avec leurs lacunes, leurs à-coups, la résistance des archaïsmes, s'est poursuivie au jour le jour depuis 1966, année qui coïncide assez bien avec la prise de conscience par les habi- tants d'une rupture avec le passé. Elle a été vécue comme une chronique des travaux et des jour s" . Cependant nous avons tenu à déborder les limites précises de notre région quand des évolutions significatives se manifestent à ses portes. Aussi avons-nous fait référence à ces « pôles de résistance » du monde rural que constituent les monts du Lyonnais, quant au dynamisme de l'exploitation agricole familiale, ou la Côte et les monts du Forez, dont les habitants prennent en charge l'aménagement. De même nous sommes attentifs aux différents types d'évolution de la « province » dans les pays développés. L'interrogation que nous posaient l'essor des villes textiles et le dévelop- pement de l'industrie spontanée dans la plaine du Pô et l'Italie Centrale, nous a conduit à aller chercher sur place l'explication de ces paradoxes apparents 12.

Nous avons travaillé seul. Certes nous aurions aimé travailler en équipe avec des spécialistes d'autres discipli- nes, d 'autant plus que la région de Roanne, comme beaucoup de régions situées sur les marges, a été négligée. C'est ainsi, pour s'en tenir à la géographie physique, qu'elle sera une des dernières couverte par la carte géologi- que au 1/50 000 e 13, qu'elle n'a pas fait l'objet d'études pédologiques dont ont bénéficié la plaine du Forez et le v a l d ' A l l i e r 14, a l o r s q u ' u n e m e i l l e u r e c o n n a i s s a n c e d u « m â c h e f e r » e t d e s « m o u i l l è r e s » c o n d i t i o n n e l a m i s e e n

v a l e u r a g r i c o l e d e l a p l a i n e d e R o a n n e . N o u s a u r i o n s s o u h a i t é p o u v o i r c o l l a b o r e r a v e c u n é c o n o m i s t e , q u i a u r a i t

9. BRISSON (87). 10. ARDOUIN-DUMAZET (84).

11. Maurice LE LANNOU, Compte rendu de la thèse de J. BETHEMONT, in LE MONDE. 12. Jean-Pierre HOUSSEL (16). Jean-Pierre HOUSSEL, Lo slancio recente delle citta' manifatturiere dell' abbigliamento nella « Italia di mezzo », in REVISTA GEOGRAFICA ITA

LIANA. seDt. 1972. D. 2 4 1 - 2 6 9 . . „ . . Jean-Pierre H O U S S E L , Une anomal ie apparen te dans l ' industrie spontanée : la sidérurgie mineure de Brescia, in K i L H t K L n c w

n° 1-2, 1972, Labora to r i a di Economica Politica, Venezia, p. 3-12.

13. Les levées entreprises p o u r la carte géologique des fo rmat ions superficielles au 1/25 000< commencent seulement. Les cartes de Saint-Bonnet-de- Joux au nord-oues t de Charolles , Thiers et Le Mayet -de-Montagne viennent de paraître.

14. Jean B O R A L Y , Etude pédologique de la plaine du Forez, Génie Rural, Saint-Etienne. 1956. I N S T I T U T N A T I O N A L DE R E C H E R C H E A G R O N O M I Q U E , service d ' é tude des sols. Carte pédologique du val d Allier „„ , /<rvwvw> ^

1, Montpell ier 1968.

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d é t e r m i n é p a r b r a n c h e d ' i n d u s t r i e e t t y p e d e d é v e l o p p e m e n t d e s r a t i o s t e l s q u e l ' o p t i m u m d e p r o d u c t i o n , l e t a u x

d u p r o f i t n e t , l e s c o û t s c o m p a r é s , c o m m e n o u s a v o n s p u p r o f i t e r , l o r s d e n o t r e s é j o u r e n I t a l i e , d e s r e c h e r c h e s d e

R o m a n o P r o d i s u r l ' i n d u s t r i e s p o n t a n é e 15. C e p e n d a n t d ' h e u r e u s e s c o ï n c i d e n c e s d a n s l e t e m p s s e s o n t p r é s e n t é e s ,

c o m m e l a l e v é e d e l a c a r t e g é o l o g i q u e d e R o a n n e p a r B o u i l l e r ; l e s t r a v a u x d e R o b e r t E s t i e r p o u r s a t h è s e d ' E t a t

d ' h i s t o i r e c o n s a c r é e à « R o a n n e e t l a r é g i o n r o a n n a i s e d u d é b u t d u X I X e s i è c l e à 1 9 1 4 » , l a r é d a c t i o n d u L i v r e

B l a n c d e l ' A g g l o m é r a t i o n d e R o a n n e . N o u s a v o n s b é n é f i c i é a u s s i d e s m é m o i r e s d e m a î t r i s e e t d e s p r é - m é m o i r e s d e

g é o g r a p h i e r u r a l e r é d i g é s p a r l e s é t u d i a n t s d e l ' U n i v e r s i t é L y o n I I e t d ' a u t r e s i n s t i t u t s , q u i s o n t v e n u s s ' a d j o i n d r e

a u x d i p l ô m e s d e l e u r s p r é d é c e s s e u r s .

N o u s n ' a v o n s p a s l e s e n t i m e n t d ' a v o i r t r a v a i l l é e n s o l i t a i r e . L a c o m p r é h e n s i o n d e s p e r s o n n e s c o n s u l t é e s a

d é p a s s é l e s n o r m e s d e l a b i e n s é a n c e e t s ' e s t m u é e e n d i a l o g u e a p r è s l ' e n q u ê t e , e n c o m m u n i c a t i o n d e d o c u m e n t s e t

d e r é f é r e n c e s . N o u s a v o n s e u l ' o c c a s i o n , l o r s d e l a b o n n e v i n g t a i n e d ' e x p o s é s q u i n o u s o n t é t é d e m a n d é s s u r l e s

s t r u c t u r e s é c o n o m i q u e s e t l ' a v e n i r d e l ' e n s e m b l e o u d e t e l l e p e t i t e r é g i o n , l o r s d e s s e s s i o n s q u e n o u s a v o n s c o n t r i -

b u é à a n i m e r , d e c o n f r o n t e r n o s c o n c l u s i o n s a v e c c e l l e s d e s h o m m e s q u i v i v e n t d a n s l e c o n c r e t d e s s i t u a t i o n s .

C ' e s t p o u r q u o i n o t r e p r é o c c u p a t i o n p r e m i è r e e s t d e n o u s e x p r i m e r e n d e s t e r m e s q u i p e u v e n t ê t r e c o m p r i s d e t o u s .

N o t r e s a t i s f a c t i o n e s t q u e l e t i s s e u r d e M a r d o r e p u i s s e , à p a r t i r d ' u n o u v r a g e s c i e n t i f i q u e , r e t r o u v e r l ' é v o l u t i o n

q u ' i l a v é c u e e t s ' i n t e r r o g e r s u r l ' é v o l u t i o n q u ' i l p r e s s e n t .

LES LIMITES DE LA RÉGION ÉTUDIÉE

Nous avons fait une étude régionale, car nous sommes attachés à l'authenticité du concret, à la rigueur et à la globalité que requiert la synthèse régionale. Cette étude régionale n'est certes pas une monographie visant à l'intégralité : nous avons précédemment défini son but qui est de faire comprendre l'évolution « de la province en transition » face aux métropoles. Le cadre régional choisi l 'a été dans cette intention. Nous avons déjà dit qu'il s'étendait sur différentes zones d'influence urbaine. Il regroupe des petites régions ayant pour l'essentiel, le même type d'économie et les mêmes solidarités d'intérêt, mais suffisamment diversifiées pour permettre d'observer la dis- parité des mutations. C'est pourquoi nous ne nous en sommes pas tenu aux seuls districts textiles et qu'il nous a semblé bon d'inclure l'ensemble de la région de Roanne avec les monts de la Madeleine, restés fortements agri- coles, les zones de vignoble ou d'ancien vignoble, les plaines d'embouche. De même, il nous a semblé bon d'inclure les cantons de Lamure-sur-Azergues et de Monsols, au nord-est des monts du Beaujolais. Moins touchés par la diffusion du tissage, ils connaissent une dépopulation plus ancienne et plus forte, une large emprise de la forêt, qui préfigurent l'évolution de la montagne (voir figure 1).

Nous ferons coïncider la zone d'influence de Roanne à l'intérieur du département de la Loire, avec son arron- dissement. Mais au sud de la ligne de faîte du plateau de Neulise cette influence se limite aux relations dues au rattachement administratif : sous-préfecture, sécurité sociale, mutuelles, chambres de commerce et de métiers. Sur la rive gauche de la Loire, l 'attraction de Roanne s'arrête à Saint-Polgues, à 35 km de la ville, et au-delà, les habitants, pour les commerces et les services qui n'existent pas au bourg de Saint-Germain-Laval, s'adressent à Boën-sur-Lignon et à Saint-Etienne. Il en va de même sur la rive droite. Les attractions respectives de Feurs et de Saint-Etienne l'emportent à Balbigny, ainsi que dans le vieux secteur textile de Bussières 16 prolongé dans l'arron- dissement de Montbrison par celui de Panissières, terminaison méridionale de la montagne manufacturière. En effet le fleuve a constitué un obstacle à la diffusion du tissage dans les campagnes de la rive gauche, de même qu'il a toujours constitué un obstacle aux relations humaines 17.

A l'est, arrondissement et zone d'influence correspondent. Le fossé de Noirétable qui sépare les monts de la Madeleine des monts du Forez fait partie de l'arrondissement de Montbrison et de la zone d'influence de Saint- Etienne. La ligne de faîte des Bois Noirs, jadis frontière entre Auvergne et Forez, entre pays de langue d'oc et du franco-provençal, demeure une barrière. Plus au nord, l'influence de Roanne s'insinue dans la montagne bourbon- naise par les hautes vallées de la Besbre et du Sichon, et concerne six communes de l'Allier, situées à l'ouest du col du Beau-Louis, sur la route de Vichy à Saint-Just-en-Chevalet. L'influence de Vichy l'emporte dans le reste du canton du Mayet-de-Montagne et dans les cantons de Lapalisse et du Donjon, où l'on entre en Sologne bourbon- naise. Mais à l'est surtout, les migrations quotidiennes se font vers le centre minier de Saint-Priest-la-Prugne ou vers Saint-Martin-d'Estreaux, qui a implanté des ateliers de bonneterie, et les migrations définitives se dirigent vers l'agglomération roannaise. Le Bourbonnais, caractérisé jusqu'au recul récent du métayage par ses structures agrai- res particulières, commence dans la plaine même de Roanne au nord de la forêt de Lespinasse. Elle est le témoin de massifs forestiers étendus, encore visibles sur la carte de Cassini, qui constituaient une zone-frontière.

En Saône-et-Loire, la zone d'influence de Roanne correspond assez bien aux quatre cantons de Marcigny, Semur-en-Brionnais, Chauffailles et La Clayette. Au-delà, commence « l'espace inorganisé devenu marginal », par- tagé entre les zones d'influence de Moulins, Nevers, Mâcon et Lyon, dans lequel se situent les rayons d'action de petites villes : Digoin, Paray-le-Monial, Charolles, pour ne citer que les plus proches 18. Les quatre cantons recou- vrent des petites régions aussi diverses que la Sologne bourbonnaise sur la rive gauche de la Loire ; le Brionnais, berceau de l'embouche, que sa position excentrique a individualisé du pays de Charolles, l'est des cantons de La

15. ROMANO PRODI, Modello di sviluppo di un settore in rapida crescita, l'indistria della ceramica per l 'edilizia, Fra Angelico editore, Collona di economica, Milan 1966, 135 p.

16. Daniel ROSETTA (124). CRL-SAL (60).

17. Marguerite GONON, La Loire, lien ou obstacle en Forez au Moyen Age, Bulletin de la Diana, tome XXXIX, 1966, n 7, p. 289-301. 18. Claude CRETIN (144).

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Fig. 1 - LE ROANNAIS ET LE BEAUJOLAIS TEXTILE : LES LIMITES

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Clayette et de Chauffailles, où l 'on retrouve le socle ancien. Ici l'influence de Lyon est déjà sensible, mais c'est le début de la montagne manufacturière.

« L'industrie marque la vraie limite entre le Charollais, le pays des prairies, et le Beaujolais » écrit Gallois en 1894 19 et André Gibert parle en 1952 des monts du Lyonnais comme « d'un hiatus textile » 211. On nous pardon- nera de prendre quelques libertés avec les limites scolaires pour englober dans le Beaujolais « textile », l'ensemble de la montagne où s'est maintenu le plus longtemps le tissage disséminé à la campagne et dans les petites villes.

Gallois précise qu'il fait coïncider le Nord du Beaujolais avec la vallée du Sornin, qui contourne la coulée granitique de massif de Dun. « A vrai dire, remarque-t-il, les relations de cette pointe se font avec le Charollais et on ne fait pas commencer habituellement si au nord le Beaujolais. Pourtant le vrai Charollais ne tient pas le mon- tagnard pour un pays. Celui-ci se reconnaît par son zézaiement, se marie plus volontiers dans la montagne. On pourrait fixer la limite du plateau charollais à la voie ferrée Charlieu-La Clayette-Cluny ». En effet, on réserve habituellement l'appellation de Monts du Beaujolais au voussoir entaillé par les trois vallées méridiennes de la Trambouze, du Reins et de l'Azergues et aux deux massifs qui le flanquent de part et d'autre : le mont Saint- Rigaux (1 009 m) et les monts de Tarare (1 004 m à la montagne de Boussuivre). Au nord, le mont Saint-Rigaux couvre la plus grande partie du canton de Monsols, dont on a vu qu'il fut peu touché par l'industrie. Il se pro- longe à l'est par une échine de hautes terres, qui s'avance en pointe entre les vignobles du Mâconnais et du Beau- jolais. Au sud des monts de Tarare, le col de la Croix du Signy marque le début des monts du Lyonnais, consti- tués ici par la masse confuse du Pélerat. Alors que le tissage à bras du velours de soie n 'a pas résisté au métier mécanique dans l'ensemble du massif, le travail manufacturier s'était bien conservé à la périphérie des monts de Tarare. C'est le pays complaisamment décrit par Ardouin-Dumazet, au début du siècle, où paysans-tisseurs et bro- deuses exécutent les commandes des fabricants de Tarare, de Lyon et de Panissières 2°. Les communes du Rhône, Villechenêve, Montrottier, Chambost et Longessaigne, n 'ont plus guère d'ateliers, mais envoient chaque jour leur main d'œuvre à Tarare. L'industrie conserve plus de vitalité dans les communes de la Loire, Montchal, Rozier-en- Donzy, Cottance, Jas, Essertines-en-Donzy, groupées autour de Panissières. La petite ville forme le centre d 'un petit secteur administratif autonome au sein du canton de Feurs, avec C.E.S., perception et gendarmerie, auquel sont rattachées les communes déjà uniquement agricoles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy-Lestra.

La limite est du Beaujolais Textile est beaucoup plus facile à tracer : c'est celle du piémont et c'est celle du vignoble. Sans doute au cours de l'histoire, vignoble et travail industriel à la campagne ont pu avancer ou reculer suivant les conditions économiques, mais on sait depuis Roger Dion qu'ils s'excluent le plus souvent : la vigne par le travail qu'elle exige et les revenus qu'elle fournit, ne rend pas nécessaire le recours aux ressources de complé- ment.

LA NAISSANCE D ' U N E R É G I O N

La région ne semblait pas destinée à devenir le foyer de grande industrie qu'elle a paru pouvoir être à la fin du XIXe siècle21.

Les données de la nature ne sont pas particulièrement favorables. La plaine de Roanne est une plaine d'effon- drement, longtemps répulsive à cause de l'insalubrité. A part l'étroit couloir de chambons dans la plaine inondable de la Loire, les varennes sur sables et argiles sont pauvres et, surtout, difficiles à drainer. Cela est dû à la texture limoneuse de ces sols et à la présence d 'un horizon imperméable, le « mâchefer ». Les massifs anciens qui enca- drent la plaine se prêtaient à la céréaliculture de moyenne montagne. Les monts de la Madeleine à l'ouest, sont isolés entre les deux failles bordières S.-SE - N.-NO qui les encadrent. Leurs hautes surfaces cristallines qui culmi- nent à 1165 mètres au bois de l'Assise sont entaillées de gorges profondes. Les monts du Beaujolais à l'est corres- pondent au synclinal carbonifère où se sont entassés des schistes à lentilles calcaires à la base, des tufs, rhyolites et microgranites au sommet. Les vallées méridiennes de la Trambouze, du Rhins et de l'Azergues, la découpent en chaînes à peine échancrées : la chaîne des Mollières qui forme la ligne de partage des eaux entre l'Atlantique et la Méditerranée ne s'abaisse pas au-dessous de 750 mètres au col des Sauvages. Ces chaînes sont flanquées à leurs extrémités de deux ellipses de hautes terres qui dépassent légèrement mille mètres : le massif du Saint-Rigaux au nord, les monts de Tarare au sud. Sur leurs flancs, se localisent les passages transversaux ; la route de Belleville a Charlieu par la vallée de l'Ardières et le col des Echarmeaux au nord, la « route Napoléon » de Tarare à Roanne par les Sauvages au sud. Le seuil de Neulise, qui ferme la plaine de Roanne au sud, est un plateau arqué d'une quinzaine de kilomètres de large, qui se tient vers 450 mètres. La Loire qui sort de la plaine du Forez y a creusé des gorges profondes de 200 mètres. Il est formé de schistes gréseux et de venues volcaniques de la fin du pri- maire. Les deux seuls terroirs favorisés sont le Brionnais, golfe de terrains calcaires au nord-est de Charlieu, où les « vallées » dégagées dans les marnes du lias ont vu apparaître l'embouche à la fin du XVIIIe siècle et la Côte Roannaise, balcon surbaissé des monts de la Madeleine sur la plaine, qui localise le plus grand vignoble de l'inté- rieur du Massif Central.

L'ouverture décisive à l'économie d'échanges s'est faite tardivement, à la fin du XVe siècle, sous l'impulsion d'initiatives venues de l'extérieur. La « Grande Voie française » qui, par l'Arbresle, la vallée du Soanan, Thizy et Charlieu, franchit les monts du Beaujolais est alors détournée vers le sud, quand Roanne devient tête de naviga- tion sur la Loire. A la faveur des guerres d'Italie, la voie du Bourbonnais détrône la voie de Bourgogne pour assurer les relations entre le carrefour lyonnais d'une part, Paris et les pays de l'Atlantique d'autre part. Ensuite,

19. L. G A L L O ! S (148).

20. André G I B E R T (150).

21. Jean-P ie r re H O U S S E L (170).

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Fig. 2 - LE RELIEF

Roanne devient une étape pour les barques qui descendent la Loire, chargées de charbon de Saint-Etienne. L'importance de ce trafic permet au carrefour roannais d'être doté relativement tôt de moyens de communications modernes : le canal latéral à la Loire en 1838, le chemin de fer en 1858. Jusqu'à ce que la voie de Bourgogne ne l 'emporte à nouveau au cours de ce siècle, la fonction de passage favorise la pénétration des idées et des techni- ques nouvelles.

Or à partir de la fin du XVe siècle, les fabricants lyonnais, à la recherche de la main-d'œuvre bon marché des paysans-tisseurs à bras, vont transformer les monts du Beaujolais en une montagne manufacturière. La force des rivières et la pureté de leurs eaux vont se révéler des atouts précieux. La bourgeoisie locale s'affranchit de la tutelle lyonnaise au XVIIIe siècle et la manufacture connaît son âge d 'or sous le second Empire. La densité de population dépasse 100 habitants au km2 et la terre est exploitée aux limites du possible. La situation des villes du

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p o u r t o u r sur les g r a n d s axes de c i rcu la t ion favor ise la péné t ra t ion des t echniques de po in t e p o u r le b l a n c h i m e n t à T a r a r e et p o u r les co lo ran t s ch imiques à R o a n n e , ce qui pe rme t à la p r o d u c t i o n locale de résister à la c o n c u r r e n c e des régions mécanisées . A la pér iphér ie des zones de la mousse l ine a u t o u r de T a r a r e , de la « c o t o n n e » a u t o u r de Thizy et de la c o u v e r t u r e à Cour s , les négoc ian ts lyonnais imp lan ten t à par t i r de 1830 le t issage de la soie, a u t o u r de Char l i eu et a u t o u r de Paniss ières au sud. Le r a t t a c h e m e n t de M u l h o u s e à l 'A l l emagne fai t de R o a n n e le pr inci- pal centre de p r o d u c t i o n de vichy. P o u r r é p o n d r e à la d e m a n d e intérieure, le t issage se mécanise . En une ving- taine d ' années , R o a n n e voit sa p o p u l a t i o n doub le r . Elle se const i tue grâce aux re la t ions de t ravai l , à la b a n q u e et au c o m m e r c e de gros une zone d ' i n f l uence a u t o n o m e . Les c a m p a g n e s agricoles de l ' oues t et d u n o r d achèven t leur mise en valeur : la p la ine de R o a n n e est assainie et la révolu t ion agricole pénèt re les m o n t s de la Madele ine . Les années de 1870 à 1890 son t celles de l ' apogée .

TROIS QUARTS DE SIÈCLE DE STAGNATION

Vers 1890, la bourgeoisie, issue des classes moyennes de la montagne qui ont fourni de remarquables capitai- nes d'industrie, est effrayée par la poussée syndicale et socialiste dans les villes grandies trop vite. Elle tourne alors le dos au progrès technique et à la concentration urbaine, en favorisant une nouvelle dispersion du tissage que va rendre possible l'électricité. Elle épouse l'idéologie de l'aristocratie qui prône le mythe de la supériorité de la campagne et de la vie traditionnelle, auquel est attaché le nom du poète Louis Mercier qui dirige un grand journal de Roanne. Ce mythe va finir pour imprégner la population tout entière pendant les trois quarts de siècle de stagnation, jusqu'à la crise de 1965.

Si les métiers automatiques remplacent lentement les métiers manuels, le tissage ne modifie ni ses structures, ni ses productions, ni ses méthodes commerciales. Les crises ponctuent une régression continue : les emplois dans le tissage du coton s'effondrent de 18 000 en 1927 à 6 000 en 1965. La sclérose gagne les collectivités locales, avant tout soucieuses de limiter toute dépense nouvelle. Entre 1896 et 1964, seule l'agglomération de Roanne con- tinue à se développer et la région perd le cinquième de ses habitants. Au moment où on fait de la campagne le cadre idéal de l'activité humaine, la population rurale va diminuer d 'un tiers entre 1896 et 1936. L'agriculture s'extensifie dans la plaine qui devient un bocage d'embouche. Dans les campagnes manufacturières, l 'abandon du tissage à bras après 1880 entraîne une crise profonde. L'ouverture de petites usines où travaillent les jeunes s'accompagne d'une division des tâches au sein de la famille, les parents âgés pratiquant une agriculture de subsis- tance sur de petites exploitations.

Pourtant, une fois le cauchemar de la crise de 1930 oublié, l'opinion ne manifeste pas d'inquiétude. Le tis- sage, qui trouve grâce au protectionnisme et à la préférence impériale un marché assuré, renaît après chaque crise et paraît indestructible. En fait, son déclin est masqué par le développement rapide de branches mieux adaptées aux besoins nouveaux. Roanne devient après Troyes le deuxième centre français de la bonneterie, avec 12 000 emplois. Celle-ci a commencé à la fin du XIXe siècle avec les fabricants qui donnent à tricoter aux femmes de la campagne. La mécanisation s'accompagne d'une croissance rapide à partir de 1922, un moment interrompue par la crise de 1930. Dans la zone de Tarare, l'atavisme à travailler les fils fins permet la substitution de la rayonne, puis du tergal pour les voiles d'ameublement, à la mousseline. Mais ces industries ont les mêmes caractè- res que le tissage : elles distribuent de faibles salaires à une main-d'œuvre sans formation professionnelle et n 'ont guère recours aux services aux entreprises. En outre, beaucoup d'affaires ont été montées par d'anciens ouvriers et cadres sans grands moyens. Elles ont un caractère artisanal, d 'autant plus que l'euphorie des années de l'après- guerre ne prédisposait pas à un effort de rationalisation.

L'industrie textile continue d'exercer sa tyrannie en employant près de deux salariés sur trois, en dépit d 'un début de diversification. Il y a d 'abord eu des décentralisations à la faveur de la position d'abri pendant les guer- res : essentiellement l'Arsenal et la fabrique de fibranne à Roanne. Si leur installation s'est heurtée à l'hostilité du patronat, elles vont être le germe d'activités jusqu'alors peu répandues. La métallurgie connaît surtout après 1955, sous la forme dominante de la construction métallique, une expansion considérable. En 1964, plus de 4 000 emplois avaient été créés tant dans l'agglomération roannaise que dans les bourgs, surtout à La Clayette. Le travail du bois, les industries agricoles et alimentaires apparaissent dans un milieu encore plus nettement rural.

Comme les branches textiles nouvelles, ces nouvelles branches industrielles ne demandent ni de fortes disponi- bilités en capitaux, ni des connaissances techniques poussées. Elles sont nées d'initiatives locales et on assiste à leur extension en tache d'huile par imitation, à partir de tentatives qui ont réussi. Elles sont caractéristiques des industries spontanées, qui se sont développées en milieu rural après 1955, comme celles que l 'on peut observer dans la plaine du Pô 22 et en Vendée 23. On le voit, les similitudes ne manquent pas entre les industries spontanées et les industries de transformation développées au cours de la première révolution industrielle. Or celles-ci conti- nuent à dominer dans de vastes secteurs de notre région. L'examen de la date de construction des logements, qui est un fidèle reflet des étapes de la croissance, montre que l'expansion s'est arrêtée à la première guerre mondiale dans les campagnes et les petites villes textiles. Seule, l'agglomération de Roanne se dégage du nuage des points qui les représentent sur la figure 5.

La Région de Roanne et le Beaujolais textile se retrouvent donc en 1965 avec des situations économiques, sociales et culturelles caractéristiques de la société paysanne et manufacturière, comme de la première révolution industrielle.

22. Jean-Pierre HOUSSEL (16). 23. Jean RENARD (29).

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Fig . 3 - D A T E D U M A X I M U M D E P O P U L A T I O N

F i g . 4 - L A P O P U L A T I O N A L ' É P O Q U E D U M A X I M U M

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F i g . 5 - D A T E D E C O N S T R U C T I O N D E S L O G E M E N T S . C O M P A R A I S O N E N T R E C O M M U N E S R U R A L E S , P E T I T E S V I L L E S , R O A N N E E T L Y O N

Source : INSEE, Recensement de 1962

1. C.R. Rhône = c o m m u n e s rurales du Rhône.

2. Con St .G.L. = can ton de Saint-Germain-Laval (à p répondé rance agricole) 3. Con S t .S .L . = can ton de Saint -Symphorien-de-Lay (à tradition manufacturière)

Th, As, Cours = Thizy, Bourg-de-Thizy, Amplepuis, Cours. A. Roanne = agglomérat ion de Roanne. A. Lyon = agglomérat ion de Lyon. 1871-1914 avant 1871 depuis 1915

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C H A P I T R E I

LA SITUATION A LA VEILLE DE LA CRISE OU LES FAUX-SEMBLANTS DE LA PROSPÉRITÉ

P o u r les officiels et p o u r le public , l ' é conomie tourne , depuis la L ibéra t ion « c o m m e une mécan ique bien hui- lée ». La p r é o c c u p a t i o n ma jeu re est d ' a m é n a g e r l ' expans ion afin de main ten i r ou de rétablir un équil ibre h a r m o - nieux entre ville et c a m p a g n e '. La croissance de l ' emplo i est aussi rapide que dans l ' ensemble de la région Rhône- Alpes 2, grâce à la subs t i tu t ion progressive au tissage des b ranches nouvelles du textile et de la métal lurgie . P o u r la p remiè re fois depuis 1896, la p o p u l a t i o n s 'est stabilisée et elle r ecommence à a u g m e n t e r dans les petites villes.

C e p e n d a n t cette croissance est fragile, car elle n ' a pas remis en cause des s t ructures économiques archaïques et un e n v i r o n n e m e n t de type rural . L ' e x p a n s i o n de l ' agg loméra t ion roannaise , d o n t la p o p u l a t i o n a augmen té de 40 % entre 1946 et 1962, con t inue de se faire aux dépens de la campagne . Enf in , la prospér i té a p p a r e n t e n ' a pas a m e n é l ' op in ion à d o u t e r du mythe de la supér ior i té de la civilisation t radi t ionnel le ni à s ' in te r roger sur le déca- lage qui s ' a f f i r m e avec les zones mét ropol i t a ines .

A. DES STRUCTURES SOCIO-ÉCONOMIQUES CARACTÉRISTIQUES DE LA PREMIÈRE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

La Région de Roanne est caractérisée par la prépondérance de l'entreprise moyenne familiale. La grande industrie contrôlée de l'extérieur est récente et sa place est limitée. La faiblesse de l'encadrement en services et la qualification peu élevée de la main-d'œuvre ont pour conséquence une sous-rémunération du travail salarié, que ne vient pas relever la médiocrité du revenu de la plupart des commerçants et exploitants agricoles. Pour obte- nir des ressources décentes, chaque ménage doit avoir recours au double ou au multiple salaire, ce qui entraîne des taux records d'emploi féminin.

TABLEAU 1 - Répartition des établissements affiliés à l'ASSEDIC selon le nombre de salariés au 1.1.1965

1. Voir à ce sujet les conclusions des travaux effectués, pour le compte du Groupe de Travail Roannais du Comité d'Expansion du Département de la Loire, par Roger CAILLOT, directeur d'enquêtes à « Economie et Humanisme » : la Région roannaise (48 et 49).

2. Entre le 1.1.1961 et le 1.1.1964. le nombre de salariés affiliés à l'ASSEDIC de Roanne a augmenté de 9,4 070. alors qu'il a augmenté de 10 070. entre le 1.1.1962 et le 1.1.1965, pour l'ensemble des ASSEDIC de la région Rhône-Alpes (voir leur publication : L'emploi de 1962 à 1965, tableau 2, page 2 ° ) . . . , . ,

Rappelons que jusqu'au 1.1.1968, où il y a eu extension du champ d'application, les employeurs de l'industrie et d'un certain nombre de services du secteur tertiaire, sont tenus à s'affilier afin de cotiser à l'assurance-chômage. L'ASSEDIC ne concerne pas le secteur public (état et collectivités locales). Aussi deux grands établissements industriels lui échappent : l'Arsenal de Roanne et la mine d'uranium du Commissariat à I Energie Atomique (CEA) à Saint-Priest-Ia-Prugne. La circonscription ASSEDIC de Roanne comprend l'arrondissement de Roanne, les cantons de Thizy et d Amplepuis et, jusqu 'en 1968 seulement, et à l'exclusion de la métallurgie, les quatre cantons de Saône-et-Loire (Chauffailles, La Clayette, Marcigny, Semur-en-Brionnais).

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1. La p r é p o n d é r a n c e d e s p e t i t e s et m o y e n n e s e n t r e p r i s e s f ami l i a l e s

La s ta t is t ique des é tab l i ssements affil iés à l ' A S S E D I C au 1.1.65 fait a p p a r a î t r e u n plus faible p o u r c e n t a g e du n o m b r e d ' é t ab l i s semen t s de moins de 20 salariés et du n o m b r e d ' emplo i s c o r r e s p o n d a n t s , d a n s la Région r o a n n a i s e

que dans l ' ensemble de la région Rhône-Alpes , p u i s q u ' o n t rouve des taux de 81 070 con t re 86 % et de 20 % con t r e 22,7 070. Cela s ' exp l ique sans dou te par u n pou rcen t age infér ieur de commerces et de bu reaux . A u con t ra i r e , la région de R o a n n e est caractér isée p a r un pu l lu l emen t de petites entrepr ises , qui t r adu i sen t l ' ex t r ême d i spe r s ion de la fabr ica t ion et l ' i m p o r t a n c e de la sous - t ra i t ance . Les s tat is t iques de l ' Inspec t ion d u Travai l r enden t b ien c o m p t e de ce p h é n o m è n e 4 .

Répartition des entreprises industrielles dans l'arrondissement de Roanne en 1965

Nombre de salariés Nombre d'entreprises Indice base 100 salariés % en 1961

0 1 273 43 95 De 1 à 10 1 251 42,3 94 De 11 à 49 302 10,3 105,2 De 50 à 100 68 2,3 141,1

+ 100 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 64 2,1 1 118,6

En 1960, 43 070 des établissements pour les industries diverses, 70 070 pour le tissage et la bonneterie, 90 070 pour la confection, 93 070 pour le travail des métaux (y compris, il est vrai, les garagistes), 95 070 pour le bâtiment et les travaux publics, 97 070 pour l'industrie du bois et de l'ameublement avaient moins de 10 salariés 5. Nous retrouvons là un fait ancien : l'existence des tisseurs à domicile, qui travaillent à façon, seuls, avec les membres de

La " grande industrie " dans la région de Roanne et le Haut-Beaujolais à la veille de la crise du tissage (fin 1964)

(a) C.A.H.T. = Chiffre d'affaires hors taxes en millions de francs.

4. Monique M A R S A U L T (117), p. 12.

5. Roger C A I L L O T (49), g raph ique n° 3.

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Planche 1 - La maison rurale

La maison de la plaine (Vougy)

Le " grand couvert " appelé ainsi à cause du toit à 4 pans qui repose sur une solide charpente, fut d'abord l'unique bâtiment. Murs en pisé. Encadrement des portes et des fenêtres en pierre jaune.

La maison de demi-montagne (Perreux)

Maison-bloc en hauteur à galerie. Cette ferme de 1760 sert maintenant de débarras à la maison neuve, construite à proximité par le propriétaire qui travaille à Roanne.

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Planche 2 - Paysages industriels du pays de Thizy

1 - L'usine R.M.C. à Amplepuis

A droite, la fabrique ancienne bâtie comme une maison. On a jeté par la suite, au-dessus de la retenue qui barre la rivière, un atelier au toit en shed.

2 - La cité Déchelette à Amplepuis

Inspirée par le catholicisme social, à l'ombre de la chapelle et de l'usine, à l'écart du bourg.

3 - La cabine du tisseur à domicile à Coublanc

Atelier construit entre les deux guerres en pierre du pays. Il est abandonné, ainsi que le jardin et la maison d'habitation à l'arrière-plan.

4 - L'usine Jalla à Régny

Bâtiments récents, aveugles et bas, construits en bordure du Rhins. Au centre, bâtiments anciens, "maisons" et toits en shed. A gauche, la cité ouvrière.