Le Retour (Zviaguintsev, 2003)
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Analyse du film Le Retour dAndrei Zviaguintsev (2003)
DUPIRE ARNAUD
000321919
ARTS-5C
ANNEE ACADEMIQUE 2014-2015 08 janvier 2015
Auteurs et cinmas nationaux :
Les cinmas dEurope de lEst CINE-B-505,
Travail ladresse de Mme Nasta
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Table des matires 1. Introduction ......................................................................................................................... 3
2. Contexte historique ............................................................................................................. 3
3. Le Retour : Entre continuit et renouveau ....................................................................... 5
3.1 Lentreprise mythique dmiurgique .......................................................................... 5
3.2 Transcendance du mythe par le mysticisme ............................................................. 6
3.3 Mythe de lEternel Retour .......................................................................................... 9
3.4 Logique des quatre lments .................................................................................... 10
3.5 Gestion du temps ....................................................................................................... 13
3.6 Syntaxe et esthtique ................................................................................................. 15
Conclusion .................................................................................................................................. 17
Annexe ........................................................................................................................................ 18
Dcoupage .............................................................................................................................. 18
Fiche technique ...................................................................................................................... 19
Bibliographie ............................................................................................................................. 20
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1. Introduction
Cest en 2003 quAndrei Zviaguintsev ralise Le Retour. Ce nest quun premier
film et le ralisateur russe se voit propuls sur la scne internationale par lobtention
dune haute reconnaissance: le Lion dOr de la Mostra de Venise. Le film narre
lhistoire dun pre mystrieux, revenu dans le foyer domestique aprs douze ans
dabsence. Le pre apparait lcran avec des allures christiques et dcide demmener
ses deux enfants, Andrei et Ivan, pour une partie de pche sur une le dserte. Le voyage
apparait comme un parcourt initiatique vers lge adulte.
A premire vue, la trame narrative ne semble pas innovante. Andrei
Zviaguintsev nest pas le premier traiter du thme du retour mais cette simplicit nest
quune apparence trompeuse. En effet, loriginalit du rcit tient son caractre sacr,
mystique. Le caractre poly-sensoriel de ce film sollicite fortement les sens du
spectateur et le touche.
Dans ce travail, nous aborderons luvre dAndrei Zviaguintsev afin de
connaitre le contexte historique dans lequel est n le film ainsi que les relations quil
entretient avec lhritage cinmatographique russe. Nous analyserons galement les
principales caractristiques esthtiques de cette uvre.
2. Contexte historique
Cest sous le rgime de Mikhal Gorbatchev que lUnion des Rpubliques
Socialistes Sovitiques seffondre en 1990 et 1991. Sortis du joug totalitaire, la Russie
et ses cinastes contemporains doivent dsormais se replacer dans une nouvelle socit
en pleine mutation. Les cinastes font face un nouveau contexte social, historique et
politique. Ces nombreux changements affectent les ralisateurs sur le plan de la
narration et de lesthtique. Quen est-il dun cinaste comme Andrei Zviaguintsev ?
Nous allons examiner la manire avec laquelle il prend part dans cet hritage culturel et
en quoi son uvre se rvle tre une dmarche originale dans un contexte post-
communiste.
Entre la chute du bloc sovitique et les annes deux-mille, la Russie est passe
de leffondrement de sa production cinmatographique lpanouissement dune
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industrie florissante. Actuellement, le public europen peine voir des films rcents
issus de lindustrie cinmatographique russe car peu de films nous parvienne (en dehors
des quelques uvres dauteurs comme Le Retour dAndrei Zviaguintsev, Le Soleil
dAlexandre Sokourov,). Pourtant lindustrie cinmatographique russe actuelle est
une entreprise florissante.
Ds la fin des annes 80, ltat intervient de moins en moins dans le secteur
cinmatographique diminuant ainsi drastiquement les investissements financiers allous
aux budgets de films, la conservation du patrimoine, au fonctionnement des studios et
leurs quipements techniques. Les consquences sont dures : des grands studios et des
milliers de salles de cinma ferment leurs portes. La fermeture de grands studios dans
les annes 90 donneront naissance des socits prives dont les activits opreront
entre le blanchiment dargent et les vasions fiscales1.
Dans les annes 90, les artistes se trouvent dans une situation paradoxale. La censure
ayant t anantie, les cinastes retrouvent une libert de parole dans leurs crations
artistiques. Cependant, les grandes difficults pour obtenir des aides et subsides,
ncessaires la confection de leurs films, font que ces ralisateurs se retrouvent dans
une impossibilit de raliser. Faute dargent, la libert dexpression, rcemment gagne,
se voit rgresser.
Ltat fait son grand retour dans les annes 2000 et intervient nouveau dans le
paysage cinmatographique russe. Lessor de la tlvision russe et les fortunes quelles
engendrent permettent de donner un coup de nouveau dans le paysage des productions
cinmatographiques. Cet essor permettra plusieurs jeunes ralisateurs de concrtiser
leurs projets2. Cest le cas du Retour, qui fut produit par des subsides provenant de la
chaine tlvisuelle comme Ren film (une filiale de Ren TV). Ce changement dans le
systme de production-distribution-exploitation permet enfin de donner la libert de
parole aux cinastes. Comme le mentionne dAndrei Zviaguintsev : L'argent dcide
de pas mal de choses, mais tout dpendra des gens qui l'on fournit cet argent3 .
1 FAVAREL-GARRIGUES. Gilles et ROUSSELET Kathy., La Russie contemporaine, Edition Fayard, Paris, 2010, p. 420. 2 EISENREICH Pierre. GARBARZ Franck., Entretien avec Andre Zviaguintsev : Avoir cette dimension relle et vivante , dans Positif, N514, Paris, dcembre 2003, p. 8. 3 Ibid., p. 10.
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Du ct russe, le film na pas eu un franc succs : Aprs la projection Moscou, il ny
a seulement eu que 2 ou 3 critiques positives. La plupart des articles taient hostiles4 .
A linverse, le monde occidental parle dun film apparaissant comme un message
despoir pour le cinma russe. Loin du blockbuster, le film emprunte des
caractristiques propre lhritage russe mais le renouvelle tout la fois.
3. Le Retour : Entre continuit et renouveau
3.1 Lentreprise mythique dmiurgique
Selon son clbre crit le Time , Platon voyait lunivers comme le produit
dun illustre crateur. Ce crateur est Dmiurge, lartisan-forgeron. La qualit de cet
artisan-forgeron est de pouvoir refaonner un monde chaotique.
Selon cette pense mythique platonicienne, Dmiurge difie lunivers selon des rgles.
Quatre lments constituent la matire du cosmos : leau, la terre, lair et, enfin, le feu.
Ces lments doivent trouver un juste quilibre entre lhumain et le divin 5. Cette
pense a eu une influence forte sur certains ralisateurs dEurope de lEst tel quAndrei
Tarkovski en Russie. Use-t-on encore de ce mode de pense dans le cinma russe
contemporain ? Dcrit-on encore un monde au trait apocalyptique ? Nous rpondrons
ces questions par la suite.
Nous trouvons quelques similitudes entre le ralisateur que nous avons choisi
pour notre travail et Andrei Tarkovski. Andrei Zviaguintsev dclare ce propos tre
trs proche du cinma de Tarkovski 6. Tout comme Andrei Tarkovski, il veut crer son
propre langage cinmatographique et refuse en bloc le cinma commercial : Jespre
que je commence avoir mon propre langage cinmatographique. Le cinma
commercial peut nous donner des possibilits trs larges, mais dont je nuse pas. []
Le cinma tombe dans un remue-mnage, quelque chose de trop ordinaire . Le cinma
quil essaye dlaborer lui permet de rendre visible linvisible, telle est son entreprise
dmiurgique.
4 S.N., Fiche technique : Le Retour Dandrei Zviaguintsev , Youscribe, [En ligne]. . (Consult le 30 novembre 2014). 5 NASTA Dominique, Andrei Tarkovski, dmiurge dans Materiali di Estetica, Milano : librerie CUEM, Dcembre 2006, p.1. 6 CIEUTAT Michel et VALENS Grgory, Entretien avec Andre Zviaguintsev : Rendre visible l'invisible dans Positif n564, Paris, fvrier 2008, p. 30.
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Selon Andrei Zviaguintsev, la mythologie rgit lexistence de lhumain et donc doit tre
aussi prsente dans lart cinmatographique : Le mythe est une ralit absolue.
Simplement nous pensons que cest une sorte de jeu intellectuel. Mais nous vivons de
mythes. Il vit en nous, nous devons seulement le dcouvrir. Nous sommes tous Eve et
Adam 7.
Dans cet ordre dide, mentionnons la premire scne o Ivan se trouve en haut
dun plongeoir et est invit par ses amis prouver sa virilit en sautant dans leau.
Cependant, Ivan est ptrifi de peur et sa mre le rejoint afin de le consoler et de lui
conseiller de sauter lorsquil se sentira prt. Cette scne nous fait penser au paradigme
mythique de la Chute dIcare . Ce paradigme est un outil important dans la dmarche
dmiurgique. Nous le retrouvons une scne similaire chez Andrei Tarkovski (la scne
du ballon dair dans Andrei Roublev (1966)). En slevant sur le plongeoir, Ivan lve
son me. Cest par la chute quil pourra se reconfigurer en tant quindividu. Cette scne
ouvre la marche dun long rite initiatique vers lge adulte.
3.2 Transcendance du mythe par le mysticisme
Le mythe dAndrei Zviaguintsev reprend certaines caractristiques directement
dans le cinma russe. Son mythe sinscrit dans une histoire a-temporelle ainsi que dans
lieux indtermins. Le paradigme familial est galement prsent avec la Trinit
reprsente par lautorit patriarcale et ses deux fils. Les trois personnages voluent
dans un monde essentiellement masculin o rgne une virilit exacerbe (le pre duque
la violence, au voyeurisme machiste, lordre quasi militaire,).
Comme nous le voyons dans le cinma de Tarkovski, lhypothse mythique
permet de transformer un vnement ordinaire en vnement devenant extraordinaire.
Andre Zviaguintsev fait de mme en prenant le parcours dun tre humain ordinaire et
lexemplifie afin de le rendre exceptionnel. Cette entreprise mythique se conjugue sur le
mode de la transcendance, mtaphysique, mystique. Lide du mythe comme histoire
relle nest pas suffisante, il faut le transcender, aller encore plus loin pour le dpasser.
Andre Zviaguintsev, lui-mme dit user de la dimension mtaphysique dans son
film : Lincarnation mtaphysique du mouvement de lme de la Mre au Pre 8.
7 OVTCHNNIKOVA. Macha., Le rvlation du temps par les figures sonores dans les films dAndrei Tarkovski et dAndrei Zviaguintsev, Editions LettMotif, Paris, 2014, P.113. 8 -FRAISSE Philippe, Le Christ mort de Mantegna dans un film de Zviaguintsev dans Positif n590, Paris, avril 2010, p. 117.
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Cette thorie du mouvement de lme rappelle la mtempsycose platonicienne qui
voyait lme en perptuel migration dun corps vers un autre. Citons la scne o Ivan et
Andrei rencontrent leur pre pour la premire fois. Celui-ci est allong dans un lit et,
dormant, apparait dans une position christique. Cette position du corps nest
videmment pas anodine. Andre Zviaguintsev reprsente la clbre peinture La
lamentation du Christ mort (1480) de Mantegna. Cette scne a t reconstitue avec une
minutie folle et est presque identique la peinture : les plis des draps, la position de la
tte penche du ct droit, les bras lgrement plis, le torse dnud, les doigts
lgrement replis lintrieur de la main, Par cette citation indirecte, le ralisateur
essaye-t-il de dmontrer quelque chose ? La prsence du Christ mort signifie-t-elle la
mort programme du pre ? Le pre nest-il tout simplement pas dj mort ? La
dimension biblique dgage par cette scne fait-elle allusion une ressuscitation du
pre, tout comme le Christ la t ? Le pre est-il le Christ ? Le ct transcendantal de la
scne est accentu par la prsence dune plume (dange ?), qui semble apporte par le
vent provenant de la fentre.
Suite cette rencontre, les deux frres vont chercher une photo de famille au
grenier afin de confirmer lidentit du revenant. Cette photographie est glisse dans un
livre contenant des gravures bibliques. La photographie est place entre deux pages
reprsentant limage Abraham et le sacrifice d'Isaac au moment o lange vient sauver
Isaac du sacrifice en stoppant lacte criminel de son pre. Lapparition, furtive, de cette
image symbolise et synthtise la trame narrative du film qui se droule plus tard lorsque
quIvan, excd de lautorit de son pre, menace son pre dun couteau semblable.
Dans la scne qui suit, les deux enfants, la mre, la grand-mre et le pre dnent
table. Lhypothse intergnrationnelle est une caractristique propre au cinma de
lEst et est ici reprsente par les trois gnrations : enfants, mre et grand-mre. Cette
scne est un cas dintertextualit biblique relatant la Cne du partage du vin et du pain
par Jsus avec ses aptres dans la Bible.
Les emprunts bibliques sont nombreux dans le film. Mentionnons dailleurs le
squenage du film en sept chapitres provenant tout droit des sept jours quil a fallu
Dieu pour crer le monde dans la Gense. Cette structuration du rcit est une ide on ne
peut plus dmiurgique. Etrangement, le film commence un dimanche, le jour o le
Seigneur se repose aprs la cration du monde.
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Contrairement Tarkovski qui revisite des mondes multiples des priodes bien
prcises (comme le Moyen-ge dans Andrei Roublev) et quil universalise pour reflter
la ralit actuelle, Zviaguintsev revisite un monde dans un chronotope indtermin. Le
film nous plonge une priode inconnue. Seul quelques lments dordre matriel
(appareil photo sur pellicule, une voiture, architecture,) permettent de situer laction
entre le 20 et 21ime sicle. Lendroit o le pre dsire aller est une le isole et
accessible uniquement par bateau. Lle semble dpourvue de prsence humaine. Seul
une ancienne maison dtruite et un phare nous sont montrs. Les seules prsences
humaines dans le rcit prcdent larrive des hommes sur lle. Comme le mentionne
Dominique Nasta dans son analyse des trois S de Tarkovski (Solaris (1972), Stalker
(1979), Le Sacrifice (1986)) Le monde humain est celui qui est li la Terre, le
monde de ltrange est reprsent par des lieux indfinissable 9. La notion de
lHomme et de lEtrange10 se trouve au cur du Retour. Comme chez Tarkovski,
lHomme svade vers des lieux lointains et rencontre lEtrange. La rencontre entre les
enfants et lile intervient comme un rite de passage.
Dans ce chronotope indfinissable, Andre Zviaguintsev laisse planer le doute
chez le spectateur. Nous trouvons-nous dans une hypothse raliste ou onirique ? Ce qui
est certain est que nous nous trouvons ni dans lun ni dans lautre mais les deux tout la
fois. Le ralisateur brouille volontairement la frontire entre ralisme et onirisme
rendant ainsi la frontire permable. Cette non-dissociation est visible chez Tarkovski
qui prfre fusionner rve et ralit pour que la rcration du monde soit complte.
Zviaguintsev sinspire de cette non-dissociation pour ne pas faire apparaitre les choses
de matire concrte dans le film : Je pense que les significations que je tenais
exprimer dans le film ne devraient pas adopter une forme trs concrte 11. Le pre est
un exemple de la forme non concrte du film. Il apparait comme le Christ mort, sa
prsence sur la photographie reste un mystre tout le restant du film (celui-ci disparait
mme de la photographie de famille dans les dernires scnes). Sa prsence est voir
plus comme une apparition fantomatique que comme un personnage. Au final, celui-ci
est mort depuis bien longtemps. Tout comme chez Tarkovski, Zviaguintsev use dune
9 NASTA Dominique, Mythes de la Stabilit et de la Mutabilit : L'humain et l'trange dans luvre de Tarkovski dans Les Cahiers du CERLI, n14, Bruxelles, janvier 1987, p. 85. 10 Ibid., p. 72. 11 EISENREICH Pierre. GARBARZ Franck., Op. Cit., p. 8.
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combinaison bicphale 12 la fois humaine et non-humaine, trange et familier,
laque et emprunt au mysticisme pour permettre de conjuguer le parcours dun
personnage en le mettant en relation avec des lments paens ou religieux. Le rsultat
donne la sensation dosciller entre ralisme et mysticisme.
Nombre de films de lEst fonctionnent comme un miroir dune poque
communiste, une critique de la politique dantan par la dnonciation du mal stalinien,
Notre film est-il une allgorie malgr quil ait t tourn treize ans aprs la chute du
bloc sovitique ? Il nest pas ais de trouver une seule interprtation valable. Le rcit
donne limpression davoir t cr pour tuer le pre. La perte du pre semble tre
assimile la mort de lURSS quil a fallu tuer pour retrouver la libert de se mouvoir
et de penser. Limage du pre est symbole dune lautorit quAndrei accepte (il
lappelle papa ) et quIvan refuse en bloc ( linverse il refuse de lappeler papa ).
Pour les deux fils, la mort de figure paternelle est synonyme de repositionnement de
leur tre et de recherche de nouveaux re(pres) ncessaire pour pouvoir mieux avancer.
La dmarche de notre ralisateur se place dans un contexte post-apocalyptique. En effet,
les enfants se situent aprs un drame qui a eu lieu, ils avancent vers une situation
meilleure.
3.3 Mythe de lEternel Retour
Dans ce film, Zviaguintsev refuse lhypothse de la finitude des choses. Selon
lui, la fin nen nest pas une. Les enfants sont confronts la mort de leur pre et
entretiennent avec lui un rapport ncrophile. Ce rapport la mort est trs prsent dans
les cinmas de lEurope de lEst pr-rvolutionnaire et contemporain (Rves veills
dEvgueny Bauer (1915), Le Chne de Lucian Pintilie (1992)). Lide est que la vie et
la mort coexistent. Les enfants interagissent avec le cadavre (Andrei lui ferme les yeux,
ils le transportent jusqu la barque,). Cette hypothse induit une dynamique cyclique
qui est la rptition dun cycle. Dailleurs notons lisotopie du titre. La logique de
lEternel Retour est un lment fondateur de la dynamique de la recration du monde.
Cette cyclicit est appuye par de nombreuses rimes binaires : la malle dans le grenier
contenant une photo cache et la malle que le pre dterre sur lle dont le contenu nest
gure rvl au spectateur (est-ce un trsor ?) ; la barque gisant au fond de leau rvle
par un traveling lors du gnrique et la barque qui est engloutie, avec le corps du pre,
12 NASTA Dominique, Op. Cit., p.4.
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dans les abymes marins ; le drap qui recouvre le pre sur son lit et leau jouant comme
un linceul christique lorsque le corps disparait dans les eaux ; le plongeoir do Ivan
nose pas sauter et le phare duquel il menacera de se jeter ; Pour le ralisateur : Ces
correspondances sont tout fait conscientes. [] Je pense que ce sont des choses qui
font allusion au mythe de lEternel Retour. Il sagit dune rptition, dun cycle 13. La
rime du bateau prsent dans le gnrique corrobore le fait que le pre est dj prsent
comme mort ds le dbut du film. Ce dtail nest videmment pas comprhensible la
premire vision du film.
Dans lhypothse de lEternel Retour, nous trouvons la thorie du point
dpiphanie dvelopp par Northrop Frye. Il sagit dun : archtype qui prsente
simultanment un monde apocalyptique et un ordre cyclique de la nature les
symboles habituels dune telle piphanie sont les chelles, les phares, les iles et les
tours 14. Ces propos ne peuvent tre plus clairs. Lle, le phare et la tour sont des
symboles flagrants dans notre film. Au dbut du film, Ivan est terroris lide de
sauter dun plongeoir. A la fin du film, le pre prira en tombant dune tour.
Dominique Nasta identifie ce point dpiphanie au manque15. Dans Andrei Roublev,
Boriska doit fondre une cloche pour viter la dcapitation. Le problme est que son pre
est mort sans lui livrer le secret de cette fonte. Boriska accompli donc un miracle in
absentia. La notion du manque est essentielle dans lentreprise dmiurgique. Dans le
Retour, le manque est identifi au manque du pre. Comme nous le mentionnons
prcdemment, le manque abouti au miracle dans Andrei Roublev et est associ des
images de joies la fin du Retour. Une srie de photographies dfilent montrant Ivan et
Andrei joyeux et souriants lors du voyage et de leur enfance. La mort du pre semble
tre accepte par les enfants et signifie un retour lquilibre, une srnit.
3.4 Logique des quatre lments
Revenons un instant sur la logique des quatre lments venant rythmer notre
narration. Nous allons voir comment les lments jouent le rle de cellule autonome de
sens. Ces lments constituent la nature au sens large. Chez Zviaguintsev, la nature a
une vritable fonction narrative. Les paysages voquent des catgories de sens. Le
ralisateur livre : Il fallait donner aux trois personnages et au dcor naturel une
13 EISENREICH Pierre. GARBARZ Franck., Op. Cit., p. 8. 14 NASTA Dominique, Op. Cit., p. 74. 15 NASTA Dominique, Op. Cit., p.6.
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dimension mythologique. Ainsi, pour les reprages, nous avons cherch dans le nord de
la Russie qui possde une belle facture graphique, des lignes horizontales - leau, les
bandes de sable et des conifres bien verticaux 16. Cest cette diversit du paysage
russe permet dexprimer un retour la nature (et ltat de nature) pour nos
personnages : se nourrir des poisons, des fruits que la Terre offre,...
Les lments pr-socratiques sont tous prsents dans le film. Leurs usages diffrent
lgrement par rapport Tarkovski mais ils servent toujours la matrialit dun monde
poly-sensoriel. Le Retour est un cinma profondment poly-sensoriel, cest--dire
touchant les diffrents sens du spectateur.
Llment aquatique est llment le plus important et le plus rcurrent dans
notre film. Il marque lide du passage (de lHomme lEtrange), de la traverse (le
pre doit pouvoir traverser leau pour atteindre une malle secrte), de la transformation,
de la transition dans une dynamique biblique. Lesthtique de la nature et du climat
annonce au spectateur lorientation du drame17. Mentionnons la scne o les trois
hommes naviguent sur les eaux pour rejoindre lle. Le moteur de la barque tombe en
panne et les enfants sont forcs utiliser des pagaies pour avancer. Le temps change et
une pluie vient sabattre sur eux. A ce moment prcis, la donne climatique vient ajouter
une tension psychologique aux personnages tremps jusquaux os. Dans une scne, Ivan
se dispute avec son pre dans la voiture et celui-ci labandonne avec sa canne pche le
long de la route. Aprs une ellipse, une trombe deau sabat sur Ivan qui attend. Le
spectateur ressent les mmes sensations que les grelottements du personnage. Il sagit
dun cas flagrant de synesthsie. Le pre vient rechercher Ivan, qui est tremp. Ivan
entre dans la voiture et livre sa colre contre son pre: Pourquoi tu es revenu ?
Pourquoi tu nous as pris avec toi ? [...] On tait mieux sans toi, avec maman et mamie
. Cette vivacit desprit est permise grce la donne mtorologique qui joue comme
reflet du caractre psychologique. Autrement dit, le dluge lextrieur prpare le
dluge psychologique du personnage. Notons aussi que lespace confin est garant de
lexpression de lhyper-sensibilit du jeu dIvan.
16 S.N., Fiche technique : Le Retour Dandrei Zviaguintsev , Youscribe, [En ligne]. . (Consult le 30 novembre 2014). 17 BONVOISIN. Daniel., Les fonctions narratives de la nature au cinma dans Mdias plus vert que nature : Lexploitation du thme de lenvironnement dans les mdias, Dossier de lducation aux Mdias, N. 8, Bruxelles, 2013, p.1.
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12
Leau est omniprsente et donne limpression dencercler littralement les trois hommes
(la mer, la pluie, la brume,...). Elle encercle nos trois personnages comme pour figurer
un univers fminin qui, sil a t provisoirement oubli, continue de guetter 18.
Lunivers fminin est associ limage de la mre, prsente uniquement au dbut du
film et qui continue veiller sur les trois personnages.
Outre leau associe un personnage fminin, llment aquatique joue parfois comme
antagonisme. Lors du priple, les trois hommes sont stopps sur une route boueuse. La
pluie se dchainant sur eux ne fait quaccentuer leur embourbement.
Leau joue aussi comme un retour la Mre-Nature, un retour au liquide amniotique. La
nature engloutit littralement le cercueil-barque et purifie lme en enveloppant le
corps dun linceul lorsque le pre coule.
Le deuxime lment le plus prsent est llment tellurique. Comme nous
lavons vu, il sagit de lEternel Retour, de la rgnration. Cette lment symbolise le
gniteur, lendroit do n ltre et do il repart (le pre se faisant engloutir dans les
eaux, tout comme les cendres du pre de Nela sont englouties dans la terre dans Le
Chne de Lucian Pintilie (1992)). Les paysages terrestres fonctionnent comme une
grammaire visuelle influant normment sur le caractre des personnages. Nombreux
sont les plans usant de la profondeur de champ infini pour rvler ltendue (la vue
panoramique en haut du phare). Le paysage est parfois vid de sa substance humaine et
donne limpression que le voyage a emmen nos personnages dans un monde
dshumanis. Ces dcors vids de leurs substances humaines proviennent dinfluence
antonioniennes quAndrei Zviaguintsev ne cache pas. L'Avventura (1960) la beaucoup
marqu et lui a donn un gout particulier pour les fictions insulaires. La narration
paramtrique est utilise dans notre film. Cest--dire que la narration va se faire par les
paramtres de temps et despace. Lespace influence beaucoup ltat psychologique des
personnages.
Notons aussi la prsence darbres dans les paysages voquant llment terre dans le
rapport la nature (tout comme dans Bois de Bouleaux dAndrzej Wajda (1970), Les
Amours dune blonde de Milos Forman (1965),).
18 FERRARI Jean-Christophe, Le Retour, l'le au trsor , dans Positif, N514, Paris, dcembre 2003, pp. 6-7.
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13
Llment feu est, quant lui, moins prsent et na pas la mme symbolique que
dans les films de Tarkovski o le feu est synonyme de destruction (la maison en feu
dans Le Miroir (1974)). Dans Le Retour, on trouve le feu en dbut de film et sur lle
lorsque que la mre cuit du poisson. La feu sert rchauffer les personnages, dans des
instants de grande proximit, les nourrir auprs du feu. La poly-sensorialit est
accentue par des gros plans de braises rougeoyantes.
Enfin llment arien symbolise llvation de lindividu vers un espace autre.
Lair permet de faire lien entre la donne tellurique et lespace cleste, lau-del. La
ncessit de slever est prendre au sens propre comme au sens figur. Ds la premire
scne, Ivan monte sur le plongeoir comme pour se grandir physiquement mais aussi
quitter le stade de lenfance trouillarde. Cette scne reprsente le paradigme biblique de
la Chute dIcare . Lindividu doit slever dans les airs et devra chuter pour se
refonder en tant quindividu. Le dernier plan du film fait le lien entre lment arien et
lment tellurique : la voiture entre dans le plan en laissant des traces au sol derrire
elle. Un plan de grue part dune vision arienne pour descendre la verticale vers la
terre. La verticalit cre par le plan de grue permet de lier le monde den haut et le
monde den bas . Dans cet ordre dide, Victoria Lyssenki parle de lhypothse de
verticalit et dhorizontalit. Le film impose aux hommes dtablir un lien de
communication avec les puissances den haut tandis que les femmes (en vertus de leur
rapport la maternit) sentendent mieux tablir des relations horizontales, tisser des
fils de relations interpersonnelles autours des verticales pointant de partout dans leur
lan dauto-affirmation19.
3.5 Gestion du temps
Contrairement au cinma dAndrei Tarkovski, qui est trs disruptif, notre
ralisateur use dun montage de la continuit, plus classique. Comme nous le
mentionnons prcdemment, Andrei Zviaguintsev est proche de la notion du temps
employ par Michelangelo Antonioni qui la fortement influenc et fascin.
La prsence de photographies et la rfrence des uvres de lhistoire de lart
est un retour limage fixe au cur du processus narratif (ontogense). Ce que font les
enfants en cherchant une photographie dans une malle du grenier est dinterroger leur
19 LYSSENKO Victoria., Jeux mortels avec la verticalit sur Le Retour sur Andre Zviaguintsev , dans Jeune Cinma, N 291, France, Octobre 2004, p. 68.
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14
prsent ( savoir qui est cet inconnu) en mobilisant le pass et ainsi pouvoir anticiper le
futur. Cette coexistence du pass-prsent-futur renvoie limage cristal du thoricien
Gilles Deleuze. Cette coexistence de diffrentes temporalits se retrouve dans la
prsence des photos mais aussi dans les changes dialogiques. Lors de lclatement en
sanglot dans la voiture, aprs que son pre lait abandonn, Ivan fait rfrence au pass,
au prsent et lavenir : On tait bien avec grand-mre avant que tu narrives sous-
entend que le pass tait heureux, le prsent cruel et lavenir peut-tre meilleur sans la
prsence du pre.
La notion de rythme est trs importante dans notre film. Selon Tarkovski, le
rythme est le fondement de limage cinmatographique. La scne o le pre abandonne
Ivan en chemin est filme en rythme lent. Lattente dIvan nous parait trs longue, le
temps semble suspendu.
La parole et le silence sont des lments essentiels au rythme. Lors de la scne
douverture, Andrei et deux amis ont saut du plongeoir alors quIvan est ptrifi de
peur. La tentative du saut dIvan se droule sous silence. La dynamique du rite
initiatique de cette scne se droule par la relation entre la parole, lacte, le silence. La
parole du frre peut guider lacte dIvan ( allez, saute !) et le silence permet
dagissement de lacte de sauter (ce quIvan ne fait pas).
Le rythme correspond la rptition priodique dun phnomne de nature physique,
auditive ou visuelle. Le rythme suppose une harmonie qui rsulte de lagencement de
ses lments formels 20. Dans Andrei Roublev, les villageois et les autorits regardent
Boriska son uvre pendant un long moment de silence pesant. La cloche finit par
retentir fortement. Il sagit dune figure sonore donnant un rythme la scne et une
intensit au temps qui scoule. Dans Le Retour, la scne de labandon dIvan montre
que le rythme rgule la pression du temps. Lorsque le pre freine brusquement sa
voiture, le rythme qui tait install se voit bris. Une fois lattente dIvan le long de la
route, le temps nous semble ralenti. Les gouttes de pluie tombant sur le pont crent un
rythme lent. Ivan, tremp et grelottant, sassied terre ne sachant pas o sabriter.
Lattente est dpourvue de tout dialogue et est bas sur le temps-mort (rflexion
intrieure du temps bas sur lattente). Cette scne rvle que le rythme dun film ne
rside donc pas dans la succession mtrique de morceaux colls bout bout mais dans
20 OVTCHNNIKOVA. Macha., Le rvlation du temps par les figures sonores dans les films dAndrei Tarkovski et dAndrei Zviaguintsev, Editions LettMotif, Paris, 2014, p.56.
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la pression du temps qui scoule lintrieur des plans. Selon le ralisateur : Ma
conviction profonde est que llment fondateur du cinma est le rythme, et non le
montage comme on a tendance le dire 21 ce qui rejoint les propos de Tarkovski ce
sujet.
Notons aussi que la reprsentation de lespace dpendra du rythme donn aux scnes.
Lors de larrive sur lle, Ivan menace son pre avec un couteau et sensuit une course
dans les bois. La dure du parcours semble courte car nous sommes dans une scne de
tension dramatique. Par la suite, le pre meurt et les enfants trainent difficilement le
corps. Le retour vers la barque se fait dans une temporalit plus fidle au temps de la
traverse. A ce moment-l, le spectateur entre dans le temps peru par les deux frres.
La reprsentation du temps est bien diffrente qu lalle. Le temps semble beaucoup
plus long. Le paysage sonore des gmissements, des fortes respirations et cris des frres
contribuent rvler la temporalit subjective des personnages 22. Les dplacements
semblent tre films dans leur entiret et sans ellipse. Quelques notes de piano se font
entendre et le regard des enfants vers le cadavre instaure un dialogue intrieur des
personnages.
Au niveau de la bande musicale, Andrei Zviaguintsev na pas choisi dinsrer de
musiques prexistantes. Il a fait appel au talent dun artiste armnien, Andrei
Dergatchev, pour accompagner le film de mlodies au duduk. Les mlodies extra-
digtiques confrent au film une relle dimension mystique, onirique et favorise la
sensation dun temps suspendu. La duduk est un instrument qui transcende limage et
linscrit dans un dcor intemporel.
Le film souvre sur un plan de remous deau bleute. Le plan daprs, un traveling nous
fait explorer les fonds marins. A cet instant, une partition musicale de sonorits au
synthtiseur lectronique est en parfaite symbiose avec latmosphre marine. Les notes
graves connotent le silence des abysses sous-marins.
LorsquIvan monte dans la tour pour se jeter, une musique, latmosphre inquitante,
vient renforcer le ct mystique la scne et annonce la suite des vnements tragiques.
3.6 Syntaxe et esthtique
21 Ibid., p.60. 22 Ibid., p.44.
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A linverse de Tarkovski qui se livre un montage disruptif, notre ralisateur
use dun montage de la continuit, assez classique. Comme nous lavons expliqu
prcdemment, le ralisateur utilise la notion du temps proche de celle dAntonioni. Ce
qui a pour effet de crer une temporalit suspendue. Ceci est accentu par le fait que les
temporalits soient incessamment mlanges (image cristal de Gilles Deleuze). Ce
temps indfini nen reste pas moins structur par la division en sept jours de la gense.
Au niveau de la composition, nous sommes dans une esthtique de la frontalit.
Le spectateur se trouve confront aux motions, aux regards des acteurs. Lindividu est
mis au centre du cadre, les sentiments priment sur laction. Nous trouvons beaucoup de
temps mort, beaucoup de silences et les dialogues ont un ct laconiques.
Lutilisation de grandes profondeurs de champ permet une lecture des paysages sur une
distance infinie (comme les plans docan). Cette nettet de limage offre au spectateur
une reprsentation horizontale des plans et une lecture plusieurs niveaux (jusqu 4
niveaux).
Certain cadrages rappellent les plans emblmatiques de la nuque de personnages
fminins que lon trouve chez Andrei Tarkovski (la nuque de Margarita Terekhova dans
Le Miroir (1975)) ou chez Joseph Heifitz (la nuque dIya Savvina dans La Dame au
petit chien (1960)). Ces plans rappellent que le rapport au corps ne passe pas seulement
par des vues frontales mais aussi par des vues dorsales.
Le travail du directeur de la photographie est un vritable travail de peintre. Chaque
composition se voit vtue dun caractre pictural. Le ralisateur et le directeur de la
photographie travaillent en parfaite osmose. Andrei Zviaguintsev dclare avoir trouv
ses propres yeux travers lui : Il voit les choses telles que je les souhaite [] Il suffit
de le regarder, de lui faire un geste et il comprend ce que je veux dire 23.
Lesthtique de limage parait terne et froide. Ce chromatisme de la pellicule est
permis par un traitement chimiquement faisant en sorte dteindre certaines couleurs. La
plupart des couleurs sont dsatures et les teintes vertes/bleues sont majoritaires. Le
contraste de limage et limportance des bases lumires donnent un rsultat
colorimtrique sombre (comme dans Andrei Roublev). Lambiance froide du film joue
sur nos sens et a pour fonction de donner une orientation esthtique en troite relation
23 CIEUTAT Michel et VALENS Grgory, Op. Cit., p. 30.
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avec la donne mtorologique et gographique. Elle souligne le caractre inhospitalier
de lle. Lorsque que les deux frres et leurs amis nagent dans leau de la mer, dans
louverture du film, lambiance de limage joue tel point sur nos sens que nous avons
limpression que leau est glace.
Contrairement Tarkovski qui, dans Andrei Roublev, utilise principalement la
monochromie (hormis lpilogue montrant des icnes en couleur), notre ralisateur
privilgie la couleur pour lentiret du film (hormis les photographies de la fin du film
qui sont en noir et blanc). Dans la gestion temporelle, cela signifie que la couleur est
associe au prsent tandis que la monochromie lest au pass.
Conclusion
Le Retour peut tre analys selon une tripartite mimtique (prfiguration,
configuration, refiguration)24. La prfiguration correspond lpoque sur laquelle vient
se greffer une ralit immdiate. Il sagit, dans notre film, dune poque indtermine,
dun monde post-apocalyptique.
La configuration consiste en lusage du mythe et en lintroduction de diffrents
jeux temporels brisant les codes de la narration traditionnelle25. La configuration
temporelle suspendue accorde au rcit une dimension mythique, qui sera elle-mme
transcende par les lments mythiques.
La refiguration, tant le travail du ralisateur trouvant cho auprs du spectateur (la
morale de lhistoire), est ici identifie au fait que lindividu doit vivre avec son temps en
acceptant son pass pour mieux construire son identit future.
Cette analyse nous a permis de mettre en vidence combien Andrei Zviaguintsev
bnficie de lhritage des cinmas dEurope de lEst mais quen mme temps il sen
dtache tout en adoptant une dmarche originale et un langage cinmatographique
propre.
24 NASTA Dominique, Mythopotique et cinma contemporain , format PDF en ligne, consult le 8 dcembre 2013, p.7. 25 Ibid., p.8.
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Annexe
Dcoupage
Dans ce dcoupage, nous allons respecter la structuration en chapitre du ralisateur.
Dimanche : Andrei et quatre amis sautent dun plongeoir. Ivan nose pas sauter car il
est ptrifi de peur. Sa mre vient lui porter secours.
Lundi : Dans un immeuble abandonn, Andrei et son frre se battent. Une course
poursuite sen suit entre les deux. La course poursuite se termine leur maison. La mre
annonce la prsence de leur pre, disparu depuis douze ans. Aprs la dcouverte du pre
dormant sur le lit, les deux frres dcident de vrifier son identit en allant chercher une
photographie au grenier. Pendant le souper, le pre annonce aux enfants quils partent
faire du camping prs dun lac.
Mardi : Les trois hommes se prparent pour partir en camping. Aprs un arrt dans un
restaurant, Andrei se fait voler le portefeuille que son pre lui avait confi. Aprs avoir
attrap les voyous, le pre demande quAndrei se venge. Lors dun arrt dans un port,
Ivan observe son pre avec ses jumelles.
Les hommes font une tape prs dun lac, ils allument un feu afin de cuire le poisson
fraichement pch.
Mercredi : Le lendemain matin, Ivan est en colre parce que son pre interrompt sa
partie de pche pour continuer le voyage. Son pre labandonne le long dune route et
finit par revenir. Ivan, mouill par les trombes deau qui tombent, explose de colre.
Jeudi : Les trois hommes se rendent sur une le en barque.
Vendredi : Les hommes senfoncent dans les bois de lle et arrivent aux pieds dune
tour. Andrei et son pre monte par lchelle. Par la suite, le pre dterre une malle
secrte enfuit dans une veille maison abandonne. Ivan et Andrei vont la pche et
reviennent au-del de lheure impose par le pre. Une dispute clate et Ivan menace
son pre avec un couteau. Il senfuit et monte en haut de la tour et menace de se jeter.
En voulant sauver son fils, le pre glisse du haut de la tour et meurt. Ivan et Andrei
tranent le corps de leur pre jusqu la barque.
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Samedi : Les hommes quittent lle et arrivent au vhicule. La barque se dtache du
rivage et coule avec le corps du pre. Dans la voiture, les frres dcouvrent la photo de
famille quils avaient vue dans le grenier de leur maison. Cependant, le pre ne fait plus
partie de cette photographie.
Epilogue : Une srie de photographies alternent des moments heureux de lenfance des
frres et le voyage avec le pre.
Fiche technique
Titre : Le Retour
Titre original : , Vozvrashcheniye
Ralisation : Andre Zviaguintsev
Scnario : Vladimir Moiseenko, Alexandre Novototski
Musique : Andre Dergatchev
Photographie : Mikhal Kritchman
Son : Andre Khoudiakov
Production : Dmitriy Lesnevskiy
Socit de production : Ren Film
Pays d'origine : Drapeau de la Russie Russie
Langue originale : russe
Format : Couleurs - 35mm - 1,85:1 - Dolby Digital
Dure : 1h46
Dates de sortie : France (2003), tats-Unis (2004)
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Bibliographie
Source primaire
-ZVIAGUINTEV. Andrei., Le Retour, produit par Ren Film, Russie, 2003.
Source secondaire
Ouvrage
- DELCOMMNETTE. Sylvain., Les grands courants de la philosophie, ULB,
Belgique, 2009.
- FAVAREL-GARRIGUES Gilles et ROUSSELET Kathy, La Russie
contemporaine, Ed. Fayard, Paris, 2010.
- OVTCHNNIKOVA. Macha., Le rvlation du temps par les figures sonores
dans les films dAndrei Tarkovski et dAndrei Zviaguintsev, Editions LettMotif,
France, 2014.
Articles
- BALINT Andras Kovacs, Akos szilagyi Andrei Roublev, structure narrative et
tradition dans Les mondes d'Andrei Tarkovski, Lausanne, Ed L'ge d'homme,
1987.
- BONVOISIN. Daniel., Les fonctions narratives de la nature au cinma, Point
Culture Namur, Confrence du 15.10.2014.
- BONVOISIN. Daniel., Les fonctions narratives de la nature au cinma dans
Mdias plus vert que nature : Lexploitation du thme de lenvironnement dans
les mdias, Dossier de lducation aux Mdias, N. 8, Bruxelles, 2013.
- CIEUTAT Michel et VALENS Grgory, Entretien avec Andre Zviaguintsev :
Rendre visible l'invisible dans Positif n564, Paris, fvrier 2008, pp. 27-31.
- EISENREICH Pierre. GARBARZ Franck., Entretien avec Andre
Zviaguintsev : Avoir cette dimension relle et vivante dans Positif n514,
Paris, dcembre 2003, pp. 8-10.
- FERRARI Jean-Christophe, Le Retour, l'le au trsor , dans Positif, N514,
Paris, dcembre 2003, pp. 6-7.
- FRAISSE Philippe, Le Christ mort de Mantegna dans un film de
Zviaguintsev dans Positif n590, Paris, avril 2010, pp. 115-117.
-
21
- FRODON. Jean-Michel., Retour(s) de Cannes dans Les Cahiers du Cinma,
N624, JUIN 2007, p. 76.
- LYSSENKO Victoria., Jeux mortels avec la verticalit sur Le Retour sur
Andre Zviaguintsev , dans Jeune Cinma, N 291, France, Octobre 2004, p.
68.
- MARTINEZ Louis, Orthodoxie et littrature en Russie dans Gopolitique,
n47, Automnes 1994. SYLLABUS
- NASTA Dominique, Andrei Tarkovski, dmiurge dans la revue Materiali di
Estetica, Milano : librerie CUEM, Dcembre 2006. SYLLABUS
- NASTA Dominique, Mythes de la Stabilit et de la Mutabilit : L'humain et
l'trange dans luvre de Tarkovski dans Les Cahiers du CERLI, N14,
Bruxelles, janvier 1987, p.67-86. SYLLABUS
- NASTA Dominique, Mythopotique et cinma contemporain , format PDF
en ligne, consult le 8 dcembre 2013.
- S.N., Venise 2003 : La comptition , dans Jeune Cinma, N 284, France,
Septembre 2003, p. 29.
- THABOUREY. Vincent., Le bannissement : Etat dme russes dans Positif
n564, Paris, fvrier 2008, pp. 25.
Sitographie
- S.N., Fiche technique : Le Retour Dandrei Zviaguintsev , Youscribe, [En
ligne]. .
(Consult le 30 novembre 2014).