Le renforcement positif Renseignements et conseils sur les ...file/... · et à ne pas donner si...

3
Renseignements et conseils sur les troubles du spectre de l’autisme (TSA) Le renforcement positif No 96, avril 2015 Par Sylvie Grenier, BCaBA, Assistante analyste du comportement certifiée Depuis longtemps, une question se pose : est- ce que le renforcement positif est vraiment nécessaire pour développer de nouvelles habiletés? Afin de comprendre l’effet du renforcement positif, il est essentiel de bien saisir le principe lui-même. Le renforcement est un principe relié à l’effet futur d’un stimulus ou d’un évènement sur un comportement. En d’autres mots, un stimulus/ évènement se présente suite à un comportement, ce qui augmente la probabilité que celui-ci se reproduise. On parle alors de renforcement positif. (Martin et Pear, 2003). Il est important de noter que le mot « positif » ne veut pas dire « bon » ou « désirable ». Le terme scientifique « positif » veut dire l’ajout ou la présentation de quelque chose qui résulte en une augmentation de la fréquence d’un comportement. L’apprentissage de plusieurs comportements ou habiletés est attribuable au renforcement positif (Alberto et Troutman, 2003). Par exemple, le bambin apprend dès la naissance que ses pleurs lui permettent d’obtenir ce qu’il désire. Il pleure parce qu’il a faim et quelqu’un le nourrit. Par la suite, il est satisfait et cesse de pleurer. Ce concept explique que la nourriture soit un renforçateur primaire, car nous en avons tous besoin pour survivre! En voici un autre exemple : Votre enfant étudie pendant des heures pour son test et reçoit une bonne note. Il est fort probable que le comportement « étudier » se reproduise dans le futur. Souvent, le débat relatif au principe du renforcement positif est centré sur la question suivante : Est-ce que l’utilisation du renforcement positif fait partie des principes de l’analyse comportementale ou parle-t-on d’une approche plutôt basée sur les promesses et le chantage 1 . 1 Traduction du mot anglais « bribery ». Pour commencer, le renforcement positif (souvent appelé « récompense ») fait partie des principes du domaine du comportement. Il s’agit d’une stratégie qui a fait ses preuves et qui est également indispensable à l’apprentissage. L’élaboration d’un plan préalable pour déterminer la nature du comportement à renforcer et le moment le plus propice pour procéder au renforcement permet d’établir une nette distinction entre l’utilisation du renforcement positif comme stratégie d’enseignement efficace d’une part, et du chantage d’autre part. Comme parents, nous avons tous vécu la situation suivante, à l’épicerie, avec notre enfant. À la caisse, l’enfant demande des bonbons et se met à pleurer s’il n’obtient pas ce qu’il veut. Une réponse très simple consisterait à lui faire une promesse : « Si tu arrêtes de pleurer, je te donnerai un bonbon ». Bien que cette solution puisse sembler efficace sur le coup (l’enfant cesse effectivement de pleurer), plusieurs parents affirment que cette approche a malheureusement un « vice caché » : l’enfant pleure chaque fois qu’il va à l’épicerie. Le problème? Le choix du moment! Établir une entente immédiatement après le comportement à défi risque d’augmenter les chances que celui-ci se répète plus tard, lors d’une situation semblable. Une meilleure façon de mettre en œuvre le principe du renforcement positif est de conclure une entente claire et précise par rapport au comportement désiré, avant d’entrer dans le magasin. Par exemple, « Nous allons faire l’épicerie. Lorsque nous nous présenterons devant la caissière, si tu restes calme, je te donnerai un bonbon. » Utilisation erronée du renforcement On entend souvent dire : « Les récompenses ne fonctionnent pas. Nous avons tout essayé! » Il est possible que vous ayez raison. Cependant, ceci

Transcript of Le renforcement positif Renseignements et conseils sur les ...file/... · et à ne pas donner si...

Page 1: Le renforcement positif Renseignements et conseils sur les ...file/... · et à ne pas donner si celui-ci ne se présente pas. Par exemple, le renforçateur perd sa valeur si l’enfant

Ren

seig

nem

ents

et

cons

eils

sur

les

trou

bles

du

spec

tre

de l’

autis

me

(TSA

) Le renforcement positif No 96, avril 2015

Par Sylvie Grenier, BCaBA, Assistante analyste du comportement certifiée

Depuis longtemps, une question se pose : est-ce que le renforcement positif est vraiment nécessaire pour développer de nouvelles habiletés? Afin de comprendre l’effet du renforcement positif, il est essentiel de bien saisir le principe lui-même.

Le renforcement est un principe relié à l’effet futur d’un stimulus ou d’un évènement sur un comportement. En d’autres mots, un stimulus/évènement se présente suite à un comportement, ce qui augmente la probabilité que celui-ci se reproduise. On parle alors de renforcement positif. (Martin et Pear, 2003).

Il est important de noter que le mot « positif » ne veut pas dire « bon » ou « désirable ». Le terme scientifique « positif » veut dire l’ajout ou la présentation de quelque chose qui résulte en une augmentation de la fréquence d’un comportement.

L’apprentissage de plusieurs comportements ou habiletés est attribuable au renforcement positif (Alberto et Troutman, 2003). Par exemple, le bambin apprend dès la naissance que ses pleurs lui permettent d’obtenir ce qu’il désire. Il pleure parce qu’il a faim et quelqu’un le nourrit. Par la suite, il est satisfait et cesse de pleurer. Ce concept explique que la nourriture soit un renforçateur primaire, car nous en avons tous besoin pour survivre! En voici un autre exemple : Votre enfant étudie pendant des heures pour son test et reçoit une bonne note. Il est fort probable que le comportement « étudier » se reproduise dans le futur.

Souvent, le débat relatif au principe du renforcement positif est centré sur la question suivante : Est-ce que l’utilisation du renforcement positif fait partie des principes de l’analyse comportementale ou parle-t-on d’une approche plutôt basée sur les promesses et le chantage1 .

1 Traduction du mot anglais « bribery ».

Pour commencer, le renforcement positif (souvent appelé « récompense ») fait partie des principes du domaine du comportement. Il s’agit d’une stratégie qui a fait ses preuves et qui est également indispensable à l’apprentissage. L’élaboration d’un plan préalable pour déterminer la nature du comportement à renforcer et le moment le plus propice pour procéder au renforcement permet d’établir une nette distinction entre l’utilisation du renforcement positif comme stratégie d’enseignement efficace d’une part, et du chantage d’autre part.

Comme parents, nous avons tous vécu la situation suivante, à l’épicerie, avec notre enfant. À la caisse, l’enfant demande des bonbons et se met à pleurer s’il n’obtient pas ce qu’il veut. Une réponse très simple consisterait à lui faire une promesse : « Si tu arrêtes de pleurer, je te donnerai un bonbon ». Bien que cette solution puisse sembler efficace sur le coup (l’enfant cesse effectivement de pleurer), plusieurs parents affirment que cette approche a malheureusement un « vice caché » : l’enfant pleure chaque fois qu’il va à l’épicerie. Le problème? Le choix du moment! Établir une entente immédiatement après le comportement à défi risque d’augmenter les chances que celui-ci se répète plus tard, lors d’une situation semblable. Une meilleure façon de mettre en œuvre le principe du renforcement positif est de conclure une entente claire et précise par rapport au comportement désiré, avant d’entrer dans le magasin. Par exemple, « Nous allons faire l’épicerie. Lorsque nous nous présenterons devant la caissière, si tu restes calme, je te donnerai un bonbon. »

Utilisation erronée du renforcement

On entend souvent dire : « Les récompenses ne fonctionnent pas. Nous avons tout essayé! » Il est possible que vous ayez raison. Cependant, ceci

Page 2: Le renforcement positif Renseignements et conseils sur les ...file/... · et à ne pas donner si celui-ci ne se présente pas. Par exemple, le renforçateur perd sa valeur si l’enfant

CONSEILS - AUTISME No. 96, avril 20152

ne veut pas dire que le renforcement ne fonctionne pas. Par définition, le renforcement est une stratégie efficace. Il augmente les chances que le comportement souhaité se reproduise. Si le comportement réapparaît, c’est que le renforcement fonctionne! Toutefois, le principe du renforcement est souvent mal compris et parfois confondu avec des promesses en temps inopportun, du chantage et des menaces. Si les récompenses ne fonctionnent pas, peut-être faut-il s’interroger sur leur nature même et sur le moment où elles sont accordées. Souvent, la stratégie fonctionne au début, mais perd effet rapidement. Parfois, l’intervenant a choisi des renforçateurs qui ne correspondent pas aux intérêts ou aux préférences de l’enfant. D’autres fois, les attentes à l’égard du renforcement sont trop élevées ou l’occasion choisie pour le fournir n’est pas idéale. Par exemple, on offre un renforcement comestible alors que l’enfant vient tout justement de faire le gourmant au souper. Par conséquence, il n’a pas le goût de manger, ce qui réduit à zéro la valeur de l’aliment comme renforçateur. La valeur d’un renforçateur potentiel est également conditionnée par sa facilité d’accès. Par exemple, un accès facile aux bonbons ou aux activités préférées réduit leur valeur à titre de renforçateurs. L’utilisation erronée du renforcement peut se traduire par des luttes de pouvoir ou des attentes irréalistes à l’égard de l’efficacité du renforçateur pour modifier un comportement. D’un autre côté, l’absence de liens clairs entre le comportement et le renforçateur peut inciter l’enfant à exiger de plus en plus de renforcement pour faire la moindre chose. La « carotte » doit devenir de plus en plus grosse!

Pour assurer un résultat positif, soit celui d’enseigner une habileté ou d’augmenter un comportement désiré, ces conseils fondamentaux devraient guider votre utilisation du renforcement : C – I – C

Constant Si l’équipe entière s’engage à renforcer un comportement, il est essentiel de maintenir la constance de l’approche. Assurez-vous que toutes les personnes qui entreront en contact avec l’enfant seront sur la même longueur d’onde. Les interventions donnent généralement de meilleurs résultats lorsqu’elles sont documentées par écrit et que tous les membres de l’équipe ont l’occasion de les consulter. Veillez à les suivre telles que présentées! L’engagement de l’équipe au complet peut avoir pour effet d’accélérer la vitesse de l’apprentissage.

Immédiat Les renforçateurs doivent être à portée de main afin de pouvoir les utiliser aussitôt que le comportement désiré se manifeste. Ceci aide à réduire la possibilité de renforcer un autre comportement par mégarde. Il est important de décrire de façon précise le comportement ou l’habileté qui fait l’objet du renforcement, au moment même de la remise du renforçateur. Par exemple, dire à l’enfant, en lui présentant un renforçateur : « Bravo, tu as partagé le train! » Cette association est primordiale à l’établissement d’une relation entre le comportement et le renforcement.

Contingent/conditionnel Pour s’assurer que l’enfant comprend l’association entre le comportement et le renforçateur donné, il faut le renforcer fréquemment au début, mais seulement après l’apparition du comportement désiré. Cet « appariement » facilite la compréhension du lien entre le comportement et le renforçateur. La question clé à se poser est celle-ci : « Le renforcement accroît-il le comportement souhaité? »

Autres recommandations :

• Envisager l’utilisation d’un système de renforcement simple, mais efficace, tant pour l’enfant que pour l’intervenant.

• Vérifier la valeur du renforçateur par rapport au niveau d’effort nécessaire pour accomplir la tâche. Par exemple, un collant pour une pleine journée de travail ne suffira pas à augmenter le comportement désiré chez un jeune enfant.

• Tenir compte des renforçateurs naturels qui sont présents dans l’environnement, car ceux-ci peuvent facilement servir à augmenter justement ce que nous désirons diminuer.

• Garder en tête que les renforçateurs sont déterminés de façon individuelle. Choisir des renforçateurs qui ont de la valeur pour l’enfant, et non ceux qui motiveraient l’intervenant.

• En l’absence du comportement désiré, faire en sorte que l’enfant n’ait pas accès aux renforçateurs réservés aux tâches d’acquisition. L’agent renforçateur est quelque chose que nous nous engageons à donner à la suite de l’apparition du comportement désiré

Page 3: Le renforcement positif Renseignements et conseils sur les ...file/... · et à ne pas donner si celui-ci ne se présente pas. Par exemple, le renforçateur perd sa valeur si l’enfant

AVERTISSEMENT : Ce document reflète les opinions de l’auteur. L’intention d’Autisme Ontario est d’informer et d’éduquer. Toute situation est unique et nous espérons que cette information sera utile; elle doit cependant être utilisée en tenant compte de considérations plus générales relatives à chaque personne. Pour obtenir l’autorisation d’utiliser les documents publiés sur le site Base de connaissances à d’autres fins que pour votre usage personnel, veuillez communiquer avec Autisme Ontario par courriel à l’adresse [email protected] ou par téléphone au 416 246 9592. © 2013 Autism Ontario 416.246.9592 www.autismontario.com

CONSEILS - AUTISME No. 96, avril 20153

et à ne pas donner si celui-ci ne se présente pas. Par exemple, le renforçateur perd sa valeur si l’enfant peut y accéder gratuitement ou en abondance chez ses grands-parents.

• Faire une collecte de données continue afin de surveiller l’effet du renforçateur sur le comportement désiré. La documentation est la clé du succès! Voit-on une augmentation du comportement désiré? Une révision périodique des données permettra une évaluation objective des progrès réalisés.

Références

MARTIN, G et J. PEAR. Behavior modification : What is it and how to do it (8e éd.), Prentiss Hall, Upper Saddle River, New Jersey, 2007.

ALBERTO, P. A. et A. C. TROUTMAN. Applied Behavior Analysis for Teachers, Upper Saddle River, NJ, Merrill Prentice Hall, 2003.