Le Refoulement Et Linconscient

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    Contributionsindites

    LE REFOULEMENT ET LINCONSCIENT1

    [Ou l'activit inconsciente]

    Eduardo Colombo

    Rappelons-nous avec quelle rpugnance nous pensons aux choses quiblessent fortement nos intrts, notre orgueil ou nos dsirs, avec quelle peinenous nous dcidons les soumettre l'examen prcis et srieux de notreintellect, avec quelle facilit au contraire nous nous cartons brusquement ou

    nous nous dtachons furtivement sans en avoir conscience ... Schopenhauer.2

    Les processus neuronaux qui participent la rgulation de la pression dusang dans mon corps sont inconscients, je ne les connais pas. Mais, est-ce que jepeux dire aussi, propos des dsirs inconscients impliqus dans ma relation auxchoses du monde, l'alterou moi mme, que je ne les connais pas?

    Aujourd'hui il est admis par tout le monde, et un psychanalyste ne sauraiten douter, qu'il y a des actes de pense qui se droulent inconsciemment et quifont partie de l'expression de nos sentiments, de nos savoir-faire, de nosconnaissances.

    On peut bien dire que savoir est connatre, mais on peut connatre dediffrentes faons : par l'intellection, par l'exprience, par la chair, comme diraitla Bible. De plus, peut-on connatre sans savoir qu'on connat? Redoutablequestion, mme "la plus redoutable", dirait Socrate, qui la formule ainsi : Est-ilpossible que le mme homme, qui sait une chose, ne sache pas la chose qu'ilsait? [Thtte, 165].

    La thorie du refoulementest une question difficile, elle dpend de l'ide,pas toujours bien consciente, que nous nous faisons de "l'inconscient", ou de cequi est inconscient, ou de ce qui se passe inconsciemment (nous nominalisonspresque toujours l'inconscient, mais pour autant est-ce que nous ne lesubstantialisons aussi?)

    La notion de refoulement nat de la clinique, elle est une faond'interprter un observable : nous observons que, aussi bien chez les genssains d'esprit que chez les malades, se produisent frquemment des actespsychiques des penses, des dsirs, des croyances, des comportements aussi qui sont incohrents, ou incomprhensibles, ou simplement obscurs, et quideviennent clairs et explicables si on introduit d'autres actes que toutefois laconscience n'atteste pas.3 Si ces actes ne peuvent pas advenir la consciencepar simple rflexion ou "introspection", nous interprtons qu'une force s'oppose leur devenir conscient, qu'ils sont carts, donc, refouls.

    1 C'est un texte indit en franais. Il a t publi sur le web en espagnol (Aperturas psicoanalticas)2 Schopenhauer, Arthur : Le monde comme volont et comme reprsentation. PUF, Paris, 1966, p.1131.3 Freud, Sigmund : L'inconscient. uvres compltes. PUF, Paris, 1988. Vol. XIII, p. 206

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    ContributionsinditesUne "violente rbellion" s'est produite, nous dit Freud, pour barrer la route

    vers la conscience l'acte psychique incrimin. Un gardien vigilant a reconnul'agent fautif, ou la pense indsirable, et l'a signal la censure.4 En dehors del'analogie image pour faire comprendre l'activit du refoulement, analogieformule partir d'une reprsentation spatiale de deux territoires avec une gardefrontalire qui protge le royaume de la conscience, mme au prix de la maladie,la thorisation qui reste est la suivante : un acte psychique ou un processusanimique capable de conscience a t empch de devenir conscient (refoul la frontire ou expuls) par une force qui s'oppose. Toute force agit au serviced'un agent de l'action, et dans le cas du refoulement cet agent ne peut trequ'intentionnel: pour quels motifs5ils'oppose? Et, qui est-il? Mais n'anticiponspas.

    Nous avons dit toute l'heure que la thorie du refoulement estinsparable de l'ide qu'on se fait de l'activit inconsciente.

    [Laissons pour le moment le temps qui nous est accord pour cet exposl'exige le pourquoi et le comment Freud passe de l'Esquisse la constructiond'un modle fictif analogique : l'appareil psychique]

    La reprsentation spatiale, ou topique, d'un acte psychique, qui passeraitsuccessivement d'une localit une autre, ou qui serait inscrite simultanmentdans deux registres ou systmes, soulve de grandes difficults parce qu'elledpasse le pur psychologique et effleure les relations de l'appareil animique l'anatomie, crit Freud, et aussi parce que, pour l'homme, les dsirs et lescroyances, c'est--dire les penses, ne peuvent pas tre assimiles un tat ducerveau ni dconnectes de lui, puisqu'elles font partie en mme temps d'unprocessus neuronal et d'une relation smantique, intentionnelle, de signification,dpendant d'un systme signitif externe, social, holistique.

    Le domaine de la psychologie est trs large et pour pouvoir nouscomprendre une distinction devient ncessaire. Dans ce domaine on a introduit lecomportement d'un rat dans un labyrinthe, le caractre d'un joueur d'checs,l'interprtation des images du rve, les hallucinations, le dlire interprtatif,l'hypocondrie, la fidlit du chien et l'orientation du pigeon voyageur, la jalousieet le dsir de pouvoir. Ernest Haeckel, qui pensait que l'ontogense est unecourte et rapide rcapitulation de la phylogense6, croyait aussi que lesorganismes plus simples, microscopiques et unicellulaires, les protistes mme,possdaient la sensibilit et le mouvement volontaire : nous devons admettre crivait-il que dans tout protoplasme existent les lments de la vie psychique,je veux dire la sensation rudimentaire du plaisir et du dgot, le mouvementlmentaire d'attraction et de rpulsion.7 Mais, l'activit psychique de l'hommeexige une relation aux objets du monde qui est "intentionnelle", tributaire d'uneinterprtation, ou signification, mdiatise par le signe ou le symbole, si vousprfrez .

    Francis Crick crit dans L'hypothse stupfiante : l'information fournie parvos yeux est ambigu. Elle n'est pas suffisante pour vous permettre del'interprter en termes d'objets dans le monde rel.8 Le systme neuronal doit

    4 Freud, S. : Leons d'introduction la psychanalyse. Op. Cit., Vol. XIV, p.305.5 Ibid., p. 308.6 Haeckel, Ernest : Histoire de la cration naturelle. Reinwald et Cie diteurs, Paris, 1877, p. 274.

    7 Haeckel, Ernest : Ensayos de psicologa celular. Biblioteca conmica filosfica, Madrid, 1889,p. 167.

    8 Crick, Francis : L'hypothse stupfiante. Plon, Paris, 1994, p. 51.

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    Contributionsinditesavoir reu, ou avoir acquis des hypothses intgres indiquant commentinterprter au mieux les donnes reues.9

    L'article L'inconscient de la Mtapsychologie prsente le systme Icscomme une unit et son activit comme conduction ou dcharge qui passedans l'innervation corporelle en menant au dveloppement d'affect, mais mmecette voie de dcharge est, (...) dispute l'Ics par le Pcs. A lui seul le systmeIcs ne pourrait mener bien, dans des conditions normales, aucune actionmusculaire approprie une fin, l'exception de celles qui sont dj organisesen rflexes.10 (Cest moi qui souligne) Cependant tout l'intrt de la thoriefreudienne rside dans l'ide que "la reprsentation" (que nous dfinirons tout l'heure) inconsciente reste capable d'action ; elle a donc conserv soninvestissement.11 Alors, l'activit inconsciente doit s'articuler avec leprconscient pour pouvoir tre active, selon l'hypothse freudienne.

    Si nous nous cartons pour un moment de la fiction de "l'appareilpsychique"12 et nous allons au point de dpart d'une "psychologie pourneurologues", il faut constater qu'une grande partie des processus neuronauxn'arrive pas devenir consciente, des circuits isols s'apparentant des rflexessont actifs dans la moelle pinire, le tronc crbral et l'hypothalamus, sansaucun contact fonctionnel avec les actes conscients, sans connexion, selon lathorisation de Edelman et Tononi, avec le noyau dynamique.13 (Cf. Annexe I)

    Mais, il y a aussi, srement, une activit crbrale inconsciente de typecognitif, notique, ou "mental" (c'est--dire, mdiatise par le signe), comme lelaissent penser des expriences dans des cas pathologiques. [Cf., par exemple,split brain (Annexe II) ou cecit hystrique.] Ce qui signifie que des lotsd'activit situs dans le systme thalamocortical puissent coexister avec le noyau(dynamique), infuencer son comportement et cependant ne pas en fairepartie.14 (Cf. Annexe III)

    Il y aurait ainsi, du point de vue crbral ou neuronal, une srie deprocessus qui n'entranent aucune intellection ou nosis, et d'autres qui, tout enrestant inconscients, supposent un type de connaissance ou de contenusmantique ou propositionnel qui donneraient une rponse positive laquestion de Socrates, sans pour autant avoir ncessairement souffert d'un actede refoulement.

    Ceci nous amne reconnatre dans le domaine psychique ce contennusmantique auquel nous rservons le nom de "mental", et qui impliquel'intentionnalit ou la capacit de signifierqu'acquiert l'expression de l'acte ou del'vnement psychique le mot ou le geste comme expression de la pense etinversement quand il est compris comme un signe qui informe quelqu'un dequelque chose. Le critre qui definit le mental est la signification. Toute mentalitimplique tiercit c'est--dire une relation triadique qui n'est pas dcomposableen dyades (Peirce).Ce qui relve du mental est donc toujours un signe d'autresigne : une relation d'objet, smantique, intentionnelle, de signification. Mais ce

    9 Ibid., p. 53.10 Freud L'inconscient. pp. 226-227.11 Ibid., p. 219.12 Freud, Sigmund : L'interprtation du rve: "Nous nous tions plongs dans la fiction d'un appareilpsychique ..." Op. Cit. (2003), Vol.IV, p. 654.13

    Edelman, Gerald et Tononi Giulio : Comment la matire devient conscience. Ed. Odile Jacob, Paris, 2000,p. 212.14 Ibid., p. 211.

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    Contributionsinditesqui est fondamental dans la conception du signe est qu'il est triadique, que l'actede signification ou acte intelligible qui le constitue est un acte socialqui inclutncessairement l'autre comme partenaire de l'action. Le sujet intentionnel visel'objet avec le geste ou le mot, mais la relation entre le geste et l'objet, parexemple, s'tablit seulement si elle est interprte ou comprise comme telle parcelui qui le geste est destin. (Cf. Annexe IV) Ainsi ce qu'on appellereprsentation n'est pas une ide, mais plutt un processus de reprsentance,une relation rfrentielle ou smantique de signification qui l'intrieur d'unsystme signitif (ou symbolique) est toujours reprsentation d'une autrereprsentation, ou mieux, signe d'un autre signe.

    Si, comme nous l'avons dit auparavant, un processus neuronal avec uncontenu intentionnel peut tre inconscient pour des causes de physiologiecrbrale non intentionnelles nous devons aussi accepter que tout ce qui estrefoul est du domaine de l'intentionnalit exclusivement.

    Ni la faim, ni la douleur, ni les affects sont susceptibles d'tre refoules. Lafaim comme expression d'une ncessit organique, est imprative ; seul le dsirrotis de la denre, ou, imaginons, la gula, peuvent succomber au refoulement.La douleur (le fait de ressentir une douleur physique) est irrfragable, quel sens yaurait-il parler d'une douleur qui ne fait pas mal ? Les sentiments et les affectson les prouve, ils sont, dans la logique de leur faon d'tre, ports laconnaissance de la conscience.15 Et quand nous parlons de "sentimentsinconscients" en ralit nous attribuons au contenu propositionnel inconscient lesentiment qui lui correspond en tant que signification, tout en sachant que surdes formes vicariantes les affects s'exprimeront comme motions, angoisse,action comportementale, - comme dcharge dirait Freud -.

    La thorie pulsionnelle n'admet pas non plus l'action du refoulement sur lapulsion, l'opposition de conscient et d'inconscient ne trouve pas d'application la pulsion.16

    Classiquement, alors, il est admis que seule une partie de la motionpulsionnelle est passible de refoulement et cette partie est "la reprsentation" ou"la reprsentance de reprsentation", ou ce "contenu" par lequel la pulsion estreprsente dans le psychisme. Freud crit : Dans l'Ics, il n'y a que descontenus plus ou moins fortement investis.17 Autour de ces expressions senouent la plupart des quivoques et malentendus mtapsychologiques. [Commepar exemple l'hypostase de l'Ics qui lui donne une reprsentation spatiale : locus,topos, contenant. En outre, nominaliser, faire un substantif, des processusinconscients conduit deux rsultats fcheux, l'un transformer l'Ics en sujet,agent de l'action ; l'autre, le substantialiser (biologiser)18.]

    Prenons le paragraphe suivant de l'Inconscient : Le noyau de l'Ics secompose de reprsentances de pulsion (des reprsentants de la pulsion) quiveulent conduire (dcharger) leur investissement, donc (par) des motions desouhait (de dsir).19 Ce qui est inconscient, alors sont les divers mouvements,expressions, motions de dsir. Nous pouvons comprendre aussi que, si nous

    15 Freud, Sigmund : L'inconscient. Op. cit., p. 216.16 Ibid.17 Ibid., p. 22518 Pour une critique global de la thorie pulsionnelle voir Colombo, Eduardo : "Critique pistmologiquede la notion de pulsion". In Topique N 66, Paris, 1998.19 Ibid. (Mtapsychologie. Gallimard, Paris, 1968, p. 96).

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    Contributionsinditesdisons : "le noyau de l'Ics se compose de", nous faisons rfrence uneconstellation de "penses dsirantes inconscientes".

    Penser appartient la catgorie des verbes que on peut appeler"attitudes propositionnelles"tels que douter que, croire que, vouloir que,souhaiter ou dsirer que, appellation qui a l'avantage de nous rappeler, parexemple, que "le dsir" vise toujours un "objet", qu'il est ncessairement dsir dequelque chose, qu'il contient une relation (ou contenu smantique) exprime parles propositions compltives introduites par que.

    Rflchissons une relation, la plus simple : "Camille dsire que Natachatombe dans ses bras", Camille aime Natacha. La traduction mcaniste -naturaliste est la suivante : la place du sujet, Camille, nous plaons "lapulsion", la place du verbe, "l'investissement libidinal", la place de Natacha,"l'objet". La pulsion sexuelle a investi l'objet. [Mais, qu'est-ce qui est investi,l'objet externe (Natacha)?, la reprsentation de l'objet (une ide)?, la tracemnsique (une modification neuronale stable)? Le problme vient du fait que leconcept conomique d'investissementa un fort sens mtaphorique, il induit unerelation disomorphisme entre une opration mentale ( contenu smantique : undsir) et le fonctionnement d'un appareil psychique conu sur un modlenergtique.]

    Supposons que le dsir est rprouv par la conscience, alors un processusde refoulement sera mis en uvre. (Laissons de ct le "rejet par le jugement").Un des exemples que Freud choisit pour montrer le "mcanisme" du refoulementest, dans l'hystrie d'angoisse, une phobie d'animal. Nous avons deuxdescriptions de cette phobie, une, la succincte abstraction thorique, l'autre, lecas clinique. Dans la premire il est dit que la motion pulsionnelle soumise aurefoulement est une position (attitude) libidinale envers le pre, couple avecl'angoisse devant celui-ci. Aprs le refoulement, cette motion a disparu de laconscience, le pre n'y apparat plus comme objet de la libido. L'affect, ou unepartie "sexualise" des sentiments contradictoires, et ressenti comme angoisse, at dplac sur une reprsentation substitutive. Le rsultat est une angoissedevant le loup, la place d'une revendication d'amour l'gard du pre.20 Ondoit supposer qu'il se produit un fort dplaisir une "violente rbellion" , quiprendrait la forme de l'angoisse, devant le devenir conscient de "l'attitudelibidinale devant le pre", mais, pourquoi ce dplaisir? La mcanique nergtique(conomique) d'investissements contradictoires amour/haine, oud'investissement contre-investissement dans diffrents systmes (topique),mcanique biologique, naturelle ou aveugle, ne donnera pas une "explication"psychanalytique21. Faut-il, donc " la conscience morale" ou le surmoi de ladeuxime topique?

    Quand nous lisons le rcit des cas cliniques que nous a laiss Freud nousentrons par un autre biais dans les contenus mentaux supposs inconscients. Lesujet phobique est un enfant, il a la tte pleine de penses, de rveries(fantaisies), de phantasmes, [de croyances et de dsirs], de sentimentscontradictoires. Aussi bien dans la description et l'interprtation de la pathologiede l'homme aux loups, cas dans lequel la motion d'amour envers le pre devient"passive" tre aim par le pre , que dans l'analyse de la phobie d'un garonde cinq ans, l'explication intentionnelle prend le dessus, ce sont les motifs, les

    20 Le refoulement. Op. cit., pp. 197-198.21 Note. Derrire l'investissement libidinal se tient l'attribution d'une "intentionnalit intrinsque" despulsions en conflit. Cf. notre critique.

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    Contributionsinditesdsirs et les conflits, une histoire, qui donnent sens la maladie. Lacomprhension des motifs, dsirs, croyances et buts de l'action du sujet eninteraction avec l'alter, avec ce qui s'oppose et le prive ou le soutient et l'aide,apportent la "matire" de ce que nous prenons pour la cause de la nvrose etplus gnralement du comportement humain.

    Le petit Hans avait t priv, par la naissance de sa sur, d'une partie dela sollicitude maternelle, et cette privation revivifiait les expriences vcues deplaisir sensuel provenant des soins corporels. Son excitation rotique intensifiese manifesta dsormais en fantaisies, compagnons de jeu imaginaires,stimulation masturbatoire. Avoir une sur l'incita un travail de pense qui luiapportait des nigmes. En plus, ce pre aim devenait un concurrent et Hanssouhaitait l'liminer ; il, le pre, le chassait du lit de la mre et l'empchait desavoir en lui racontant des mensonges. Et si toutes ces choses ne suffisaient pas,le pre mettait son savoir- faire en pratique dans le lit de sa mre, en laviolentant, la pntrant, la perforant. C'est de cette faon que Freud est capablede construire les complexes et les motions de souhait (les dsirs) inconscients,dont le refoulement et le rveil (le retour du refoul) firent apparatre la phobiedu petit Hans.22

    Nous voyons dj que ce qui peut devenir intolrable la conscience, etbarr par "la censure", sont les contenus de pense rotiss d'une sexualitdfonctionalise infantile. Pour l'adulte aussi sa nvrose implique lerenoncement l'objet rel 23, mais le dsir sexuelpour l'objet (ce qu'on appelle"la libido"), avec les caractristiques de signification personnelle qui a construit lesujet dans son histoire, persiste inconsciemment dans le scnariophantasmatique. L'inconscient est l'infantile, crit Freud, il est mme cemorceau de la personne qui s'est autrefois spar d'elle, n'ayant pas particip audveloppement ultrieur et ayant t pour cette raison refoul.24 En mmetemps, comme on le voit dans la description de la phobie du petit Hans, ou de"l'Homme aux loups", les penses de l'enfant, la construction de son dsir, sesmotions, trouvent le "langage de la passion", de l'adulte, c'est--dire nonseulement l'amour (l'motion) mais aussi les contenus propositionnels que nousavons appel rotiques : la sexualit, l'interdit et la mort.25

    L'enfant s'insre dans un rseau signitif qui d'emble lui signifie lesinterdits d'une sexualit dipienne normative. Cet univers intentionnel d'unesexualit dfonctionalise est pour l'enfant "le greffe prmatur d'un amourpassionnel", opaque dans son contenu smantique rotis, il reste implicite dansdes multiples noncs htrognes, et il est mme lid du discours parentaldirect. Mieux encore, le petit enfant doit le mtaboliser, le comprendre, le fairesien. De surcrot l'objet sexuel externe se drobe son rotisme dsirant laissanttoute la place a l'activit du phantasme, ou de la fantaisie, qui, refoul,composera l'arrire-plan du contenu mental de la psych individuelle.

    Sur le plan d'une sexualit fonctionnelle son pre n'est pas un rival"sexuel" pour le petit Hans, mais dans la scne phantasmatique "le pre"rejoindra la position que lui donnent les schmes de signification qui sont endehors de la ralit perceptive et des expriences vcues. Ces schmes

    22 Freud, Sigmund : Analyse de la phobie d'un garon de cinq ans. Op. cit., Vol. IX, pp; 116 118.23 L'inconscient. Op. cit., p.234.24 Freud, Sigmund : Remarques sur un cas de nvrose de contrainte. Op. cit., Vol. IX, p. 154.25 Colombo, Eduardo : Sexualit et rotisme. In Sexualit infantile et attachement. Widlcher et al.PUF, Paris, 2000,p. 131.

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    Contributionsinditesnormatifs, ou phantasmes originaires, organiseront l'imaginaire rotiqueinconscient en concordance avec les reprsentations collectives de la sexualitd'une socit androcentrique. Le rsidu sera refoul, bien refoul ou moins bienrefoul, ou apparatra dans les symptmes ou formations de substitution desnvroses de transfert.

    Avant de considrer les difficults que pose la "censure", je voudraisrevenir sur le problme majeur qui sous-tend mes rflexions, ce qu'on appellehabituellement la survenance du mental.

    Nous savons que tout acte mental relve d'une activit neuronale, d'untat fonctionnel du cerveau, et, en mme temps, d'un contenu smantique,intentionnel. Alors deux logiques s'affrontent : dans le domaine intentionnell'intellection de la signification est intrinsque, nous donnons des explications,des motifs, des raisons, que nous prenons comme des causes de l'acte, tout enaffirmant la tlologie de l'intentionnalit. [Le contenu notique est intensionnel,chaque action ses propres raisons.] Par contre dans l'explication naturaliste,l'intention ou l'intelligibilit est drive, indirecte, mdiate ; la causalit estnomologique, il n'y a pas des motifs singuliers, ni de cas particuliers, qui nesoient pas des exemplaires d'une loi gnrale. C'est alors que le phnomne ases "mcanismes" et sa quantit d'nergie. Nous changeons de dimension quandnous passons du niveau nomologique de la secondit (nature) la relationanomale (Davidson) de la tiercit (mental). De la causalit l'explication. Cesdeux comprhensions des processus psychiques nous autorisent dire que lecerveau est dans le crne mais le mental est dans le monde.

    La description de cas appartient la catgorie ternaire du mental, tandisque la mtapsychologie est construite comme un modle analogique dupsychisme rfr la catgorie dyadique du phnomne naturel. La difficultactuelle pour la mtapsychologie freudienne vient du fait qu'elle intercale entrela physiologie du systme nerveux central et les processus mentaux un appareilfictif analogique qu'hypostasie les corrlations tablies niveau intentionnel.

    Rcapitulons alors : si une pense - ou un acte psychique - capable de

    conscience se voit barrer la route la conscience, et elle reste active mais

    inconsciente, nous disons qu'elle a t refoule. Pour que cet acte psychique

    puisse tre refoul nous devions imaginer qu'il a t reconnu comme indsirable

    et qu'on lui a appliqu la "censure pralable". Nous avons maintenant deux

    problmes : pourquoi cette pense est-elle indsirable ? Et qui l'a reconnu

    comme telle et l'a censur ? Ou, peut-tre, en suivant l'exemple de l'Okhrana,

    qui a caviard son contenu smantique ?

    La premire explication freudienne est tout fait "physicaliste". La fonctionde l'appareil psychique est d'viter l'accumulation d'excitation et de se maintenirau plus bas niveau d'excitation possible. Dans cet appareil, le dplaisirest dfinicomme une augmentation de la tension, et la diminution de l'excitation est

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    Contributionsinditesprouve en tant que plaisir. Le dplaisir provoque l'activit de l'appareil"primitif" en vue de rpter l'exprience de satisfaction qui impliquait unediminution de l'excitation. Ce courant qui va du dplaisir au plaisir est dfinicomme dsir (souhait). Le premier souhait (dsir) pourrait bien avoir t unacte d'investissement hallucinatoire du souvenir de satisfaction. Avecl'apparition d'un second systme, les quantits d'excitation ne pourront plus trecoules librement et seront inhibes par des investissements qui manent delui. Freud crit : c'est la cl de la doctrine du refoulement que le secondsystme ne peut investir une reprsentation que lorsqu'il est en mesure d'inhiberle dveloppement de dplaisir partant d'elle. La tendance du pensersera de se librer de plus en plus de la rgulation exclusive par le principe de dplaisir etde restreindre le dveloppement d'affect [d au travail de penser] un minimumqui est encore utilisable comme signal. 26

    La mcanique naturaliste a fait disparatre l'intentionnalit du sujet dsirant (et le

    sujet disparat aussi par uvre du mme mouvement). Le plaisir et le dplaisir

    n'ont pas un contenu smantique en premire instance, ils sont l'effet d'une

    nergie dcharger. Et le dsir est le parcours regredient de la tension cumule.

    Une pense indsirable est indsirable parce qu'elle produit du dplaisir, ce qui

    met la mcanique en marche, et le refoulement est la consquence des

    investissements et contre-investissements dans diffrents systmes. Sans oublier

    que l'nergie utilise n'est pas neutre, elle est libido, nergie de la pulsion ou de

    l'instinct sexuel, et continue l'tre mme si elle se met au service du moi. Mais,

    il reste que dans toute reconstruction clinique, comme dans toute interprtation

    propose au patient, nous supposons que la pense, que la conscience n'accepte

    pas, a toujours un contenu particulier intentionnel, contenu que l'on "comprend"

    qu'il soit "inacceptable" : l'Homme aux rats ne veut pas savoir et il ne le sait

    pas consciemment qu'il a dsir la mort de son pre. C'est la signification du

    contenu intentionnel qui est rejete, ou exclue de l'activit consciente.

    Alors il devient ncessaire de postuler une double censure. Les rejetons del'Ics ont russi leur perce vers la conscience et s'organisent dans le Pcs, maisensuite, comme ils veulent [en rigueur, dans la thorie physicaliste, ils ne

    veulent rien, c'est la force de l'nergie d'investissement qui pousse] s'imposer 26 Freud, Sigmund: L'interprtation du rve. Op. cit., pp. 654 658.

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    Contributionsinditesla conscience, ils sont reconnus comme rejetons de l'Ics et sont, la nouvellefrontire de censure entre Pcs et Cs, refouls derechef. Dans la curepsychanalytique continue Freud , nous invitons le malade former enabondance des rejetons de l'Ics, nous le mettons en devoir de surmonter lesobjections de la censure l'encontre du devenir-conscient de ces formationsprconscientes, et, par la victoire sur cette censure, nous nous frayons la voievers la suppression du refoulement, lequel est uvre de la censureantrieure. 27 La deuxime censure devient ncessaire pour pouvoir prserver laconceptualisation mcaniste-substancialiste de "l'inconscient", o il y a seulementdes forces, des quantits et des "choses" (reprsentations qui sont devenueschoses, sans leur qualit [qualit de signifier quelque chose pour quelqu'un ?]donne par la reprsentation de mot).

    Nonobstant, bien que Freud n'abandonne jamais cette position thorique[ son dernier texte sera : Il se peut que la spatialit soit la projection del'extension de l'appareil psychique. (...) La psych est tendue, n'en sait rien. ]il doit la temprer en reconnaissant que plaisir et dplaisir ne peuvent pas trerapports l'accroissement ou la diminution d'une quantit que nous appelonstension d'excitation , mais un facteur que nous ne pouvons dsigner quecomme qualitatif, dit-il, tout en ajoutant que ce "qualitatif" ne peut tre qu'uncaractre non smantique du quantitatif. (Le problme conomique dumasochisme [1924])

    De toute faon, ds 1914 au moins, nous avons, avec Pour introduire lenarcissisme, une autre vision du refoulement plus centre sur l'intentionnalit del'acte psychique. Au cours de son dveloppement, le moi a cr une instancepsychique particulire qui observe sans cesse le moi actuel et le mesure l'idal 28, ce moi idal auquel s'adresse l'amour de soi. Alors, la formationd'idal serait du ct du moi la condition du refoulement. 29 La mme ide estreprise dans les Leons d'introduction la psychanalyse avec la formulationsuivante : Cette instance auto-observante, nous la connaissons comme lecenseur du moi, la conscience morale ... 30 Maintenant la thorisation freudiennese place dans un terrain tout fait smantique, aussi bien les contenuspropositionnels refouler comme l'instance qui exerce la censure sont de l'ordrede l'intentionnalit (de la tiercit). La "conscience morale" est l'antcdentconceptuel du sur-moi, et videmment elle est sociale, normative, reprsentatived'un ordre symbolique androcentrique, dont elle contient l'interdiction dipienne. L'institution de la conscience morale tait au fond l'incarnation en un premiertemps de la critique des parents, et plus tard de la critique de la socit 31, nousdit Freud.

    Et le sur-moi se construit sur les ruines du complexe d'dipe (ou sonrefoulement) c'est--dire sur les premiers choix d'objet rotiques et lesidentifications de la prhistoire individuelle, mais, dans la spculation freudienne,le sur-moi va reprsenter aussi les expriences vcues des hommes de l'poqueglaciaire et de ceux qui ont institu le totmisme et formul la loi d'interdictionsur une catgorie des femmes. Gendarme cach et toujours vigilant, et mmecruel, sera lui, le sur-moi, le censeur.

    27 Freud, Sigmund : L'inconscient. Op. cit.,Vol. XIII, pp. 230-231.28 Freud, Sigmund : Pour introduire le narcissisme. In La vie sexuelle. PUF, Pars 1969 , p. 99.29 Ibid., p. 98.30 Freud, Sigmund : Leons d'introduction la psychanalyse. 0p. cit.,Vol. XIV, pp. 443-44431 Freud, Sigmund : Pour introduire le narcissisme. Op. cit, p. 100

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    Contributionsindites Depuis que nous admettons dans le moi une instance particulire ... le

    sur-moi nous pouvons dire que le refoulement est l'uvre de celui-ci, quel'effectue soit le sur-moi lui-mme, soit, mandat par lui, le moi qui lui obit. 32

    Avec le remaniement total de la thorie cette "deuxime topique" quin'en est pas une nous sommes loin de la mtapsychologie, il n'existe plus unappareil conu sous la forme d'une nergtique et d'une mcanique, les pulsionsne sont plus des forces endognes qui ont des sources hormonales etbiochimiques, mais de grands principes vitalistes qui gouvernent la matire, et latripartition de la personnalit psychique intentionnalise (donne de l'intentionnalit) les entits qui la composent.

    Nous devons conclure alors que dans l'activit psychique sont passibles derefoulement, comme nous l'avons dj reconnu, seulement les actes mentaux,intentionnels, quand ces actes ont trouv un obstacle dans leur devenirconscient. Quel est cet obstacle ? Nous supposons que si une pense trefoule c'est parce que la conscience ne pourrait pas l'accepter, la consciencefait opposition. Mais la conscience n'est pas non plus une entit. "La conscience"fait rfrence l'activit consciente de quelqu'un, d'un sujet de l'acte mental.L'obstacle est, donc,une autre pense qui s'y oppose.

    Ici le mot conscience a deux connotations diverses, une, synchronique,rfre l'acte psychique qui a la qualit d'tre reconnu par le sujet comme unacte d'intellection, avoir conscience de quelque chose, l'autre, diachronique,rfre une organisation de soi de l'tre humain, celle de son ipsit. C'est cette "organisation de Soi", prsente comme une "organisation de pense"d'arrire-plan, (structure inconsciente latente ou refoule) laquelle sontrapportes les notions de moi et de sur-moi.

    La pense en acte, actuelle, qui s'oppose quelques lments ou formesd'organisation de la conscience de soi, conscience morale ou trait symbolique desidentifications anciennes, qui peut aussi fonctionner de faon surmoque, seracensure ou caviarde ou fera irruption comme lapsus ou mot d'esprit. Mais dansles penses inconscientes refoules logent les fantaisies de la sexualit infantile.Le vrai noyau inconscient du Soi est constitu par les contenus propositionnelsrotiss de la "greffe prmature d'un amour passionnel".

    L'inconscient est l'infantile , et comme la sexualit humaine s'instaureen deux temps, comme elle est anaclitique, quand l'excitation sexuelle se rveille la pubert, les premiers "choix d'objet" et les scenariidu dsir infantile, qui ontdj succomb au refoulement et la rpression en raison de leur incompatibilitet inadquation avec la vie adulte, continueront organiser les phantasmes quirotisent les objets mentaux.33 La "conscience" vigilante et souponneuse sera,alors, prte censurer de nouveau le rejeton impertinent. La force refoulante esttoujours la consquencede la force ou de l'importance des motifs et des raisonsque nous imaginons comme contraires la pense inacceptable. Cette force n'estpas une quantit, elle est une valeur, un ordre de grandeur.

    Reste la plus redoutable des questions : qui exerce la censure de mespropres penses ? Qui est le sujet de l'action ? Moi-mme, videmment, ce quisignifie que je sais, avant de le savoir, ce que je ne dois pas savoir.

    Paris, le 13 mai 2003

    32 Freud Sigmund : Nouvelle suite des leons d'introduction la psychanalyse. Op. cit., Vol. XIX, p.152.33 Cf. Colombo, Eduardo : Sexualit et rotisme. Op. cit., p. 140.

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    Contributionsindites

    Annexe I

    Ce type de regroupement de groupes neuronaux qui interagissentfortement entre eux et qui ont des frontires fonctionnelles distinctes avec lereste du cerveau sur une chelle de temps de quelques fractions de seconde,nous l'appelons noyau dynamique, afin de souligner la fois son intgration etsa composition qui change sans cesse. Un noyau dynamique est donc unprocessus, et non une chose ou un emplacement, et il se dfinit en termesd'interactions neuronales, plutt qu'en termes de localisation, de connexion oud'activit neuronale spcifique. Un noyau dynamique a une extension dansl'espace. Toutefois, il est en gnral rparti dans l'espace, et sa compositionchange. Il ne peut donc tre localis en un endroit donn du cerveau. De plus,mme si un regroupement fonctionnel possdant ces proprits peut treidentifi, nous ne prdisons qu'il sera associ une exprience consciente que siles interactions rentrantes en son sein sont assez diffrencies, comme entmoigne sa complexit.

    Un regroupement fonctionnel assez complexe peut tre engendr par desinteractions rentrantes entre groupes de neurones rpartis en particulier dans lesystme thalamocortical et peut-tre aussi dans d'autres rgions du cerveau.Cependant, un tel regroupement ne peut quivaloir tout le cerveau ni se limiter un sous-ensemble dtermin de neurones. Ainsi le terme noyau dynamique ne se rfre-t-il dlibrment pas un ensemble unique et invariant d'aires ducerveau (dans le cortex prfrontal extra stri ou stri), et le noyau peut changerde composition au fil du temps. (Edelman, Gerald et Tononi Giulio : Comment lamatire devient conscience. Ed. Odile Jacob, Paris, 2000, p. 174)

    Annexe II

    En bref, le systme verbal de l'hmisphre gauche attribue des causes

    rationnelles imaginaires un comportement dont il ne connat pas l'origine 1.Pour confirmer cette interprtation, Gazzaniga a imagin une exprience

    dans laquelle chaque hmisphre du sujet (P.S.) doit rsoudre un problmed'association smantique. Vers chaque hmisphre est envoye une imagedistincte de telle sorte que l'hmisphre gauche peroive les dessins d'une griffe

    d'oiseau, l'hmisphre droit celui d'un paysage enneig. P.S. doit choisir parmiune srie de figures celle qui correspond smantiquement le mieux l'image qu'ilvoit. Pour la griffe d'oiseau, la rponse correcte est la figure d'une tte de poulet;pour le paysage enneig, celle d'une pelle. Il lui est demand de montrer la figureadquate avec les deux mains. P.S. indique de la main droite (qui est sous lacontrainte de l'hmisphre gauche) la tte de poulet et, de la main gauche (quiest sous le contrle de l'hmisphre droit), la pelle. Chaque hmisphre a doncbien peru une image spare. Quand P.S. est amen justifier sa rponse, ilaffirme: J'ai vu la griffe et j'ai choisi le poulet, et, pour nettoyer le poulailler, il

    faut une pelle2. Pour Gazzaniga, l'hmisphre gauche n'a pas eu connaissancedu stimulus visuel (le paysage enneig) la base du comportement induit par

    l'hmisphre droit. Ds lors, l'hmisphre gauche interprte de faon rationnelle

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    Contributionsinditesune action dont il ignore l'origine en fournissant une explication cohrente avecles informations dont il dispose.

    Nous avons longuement expos jusqu'ici les manifestations du syndromede dconnexion crbrale tel qu'il a t observ en laboratoire. Insistons prsent sur un autre point fondamental dj signal: le comportement de ces

    patients dans la vie courante est essentiellement normal.3

    1. Gazzaniga considre que ce processus d'attribution de causes rationnelles uncomportement est un mcanisme majeur de la conscience. Le systme verbaln'est pas toujours inform de l'origine de nos actions. Il attribue une causerationnelle au comportement comme s'il en connaissait la motivation originellemais, en fait, il ne la connat pas. Un systme de croyance merge comme uneconsquence de ce processus d'attribution. Tout se passe comme si nousdonnons un sens la ralit en considrant ce que nous faisons. En d'autres

    termes, c'est comme si la conscience de soi impliquait des considrationslangagires sur nos activits sensori-motrices.2. Gazzaniga, M.S., Right hemisphere language following brain bisection: a 20-year perspective,American Psychologist, 38, 1983, p. 534.3. Il convient galement de noter que les personnes victimes d'agnsie du corpscalleux (absence congnitale du corps calleux) prsentent peu de signes dedconnexion crbrale. (...) ] (Missa, Jean-Nol : L'esprit-cerveau. Lib.philosophique J. Vrin, Paris, 1993, p. 98.)

    Annexe IIIEst-il possible que le systme thalamocortical puisse tre le support deplus d'un grand regroupement fonctionnel en mme temps ? Certains lotsthalamocorticaux actifs pourraient-ils faire dissidence et se dtacher du continent?

    Dans l'tat actuel de nos connaissances, il n'est pas possible de rpondreavec certitude ces questions. Mentionnons toutefois le fait que cesdconnexions fonctionnelles ou anatomiques peuvent expliquer les dissociationspathologiques discutes au chapitre 3. Par exemple, une personne souffrant deccit hystrique peut viter des obstacles et cependant affirme ne rien voir. Ilest possible que, chez ce type de personnes, un petit regroupement fonctionnel

    incluant certaines aires visuelles soit actif de faon autonome et ne se mlangepas avec le regroupement fonctionnel, mais soit capable d'accder des routinesmotrices des ganglions de la base et d'ailleurs. Aprs tout, c'est un peu ce qui seproduit chez les patients split-brain: deux regroupements fonctionnels semblentcoexister dans le cerveau par suite de la dconnexion du corps calleux.

    Le fait que des noyaux dissidents ou des chappes thalamocorticalesfonctionnant de faon autonome puissent exister part du noyau dominant poseplusieurs questions troublantes. Certains buts ou intentions dominants que nousnous formons de faon consciente et intentionnelle un moment donn et quenous portons ensuite toujours en nous, par exemple la dcision d'apprendre unelangue trangre, constituent-ils un ensemble inactif de circuits neuronaux qui

    doivent tre activs pour que nous sentions l'influence qu'ils exercent sur laconscience ? Ou bien est-il possible qu'ils soient actifs de faon autonome et

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    Contributionsinditespourtant restent inconscients jusqu' ce qu'ils se mlent au noyau dominant ?Est-il possible que ces circuits thalamocorticaux actifs mais isols d'un point devue fonctionnel puissent sous-tendre certains aspects de l'inconscientpsychologique aspects qui, selon Sigmund Freud, partagent bien des traitscaractristiques du mental , sauf en ce qu'ils n'entrent pas dans la sphre dela conscience ? Ces circuits peuvent-ils tre crs par des mcanismes derpression ? Ces lots thalamocorticaux actifs pourraient-ils tre capables deproduire leurs propres routines dans les ganglions de la base, expliquant ainsi leslapsus, les actes manqus, etc. ? Il reste beaucoup faire pour clarifier cesquestions et beaucoup de moyens dvelopper pour avoir accs l'activit dunoyau et ses relations aux diffrents appendices corticaux. Pour lors, l'ide denoyau intgr suprieur sous-tendant les tats conscients et lis une srie deroutines inconscientes, isoles d'un point de vue fonctionnel fournit un cadre utilepour de telles recherches. (Edelman, Gerald et Tononi Giulio : Op. cit., p. 226)

    Annexe IV

    Ici s'impose, je crois, quelques prcisions sur la conceptualisation-thorisation- du signe que j'adopte. Le signe gnriquement je parle ensingulier, mais le signe qui porte la signification est toujours pluriel, il ne peuttre seul, il n'existe jamais en dehors d'un systme signitif il viseessentiellement (comme le dit Cassirer de la reprsentation et du concept,) librer le particulier donn ici et maintenant de son isolement, le rapporter autre chose et le runir avec autre chose dans l'unit d'un ordre extensif, dansl'unit d'un "systme"34 Si je dis de l'tant singulier en l'indiquant : "Ceci estune rose", je le fais sortir de sa matrialit discrte pour le faire entrer dans unesrie d'units que le signe unifie, "la rose" ou "les roses", dans une unit designification. Un signe peut tre un, discret et discontinu, et signifier une pluralitd'lments. (Par ex; "le peuple"). Guillaume d'Ockham donne du singulier ladfinition suivante : on dit singulire la chose hors de l'esprit qui est une et nonplusieurs et n'est pas signe d'une autre. Ce qui relve du mental est donctoujours un signe d'autre signe : une relation d'objet, smantique, intentionnelle,de signification. Mais ce qui est fondamental dans la conception du signe est qu'ilest triadique, que l'acte de signification ou acte intelligible qui le constitue est unacte social qui inclut ncessairement l'autre comme partenaire de l'action. Aussibien les thories reprsentationistes de la signification qui en font une relationdyadique entre un signe et un objet signifi, que la dfinition saussurienne,(dyadique aussi), qui unit un concept et une image acoustique (qui exclut la

    "chose" de la dfinition du signe35), laissent chapper l'essentiel de la relationintentionnelle, condition du signe comme tel.36 Le sujet intentionnel vise l'objetavec le geste ou le mot, mais la relation entre le geste et l'objet, par exemple,s'tablit seulement si elle est interprte ou comprise comme telle par celui quile geste est destin. L'interprtant du geste (ou du mot) reproduit la relation

    34 Cassirer, Ernst : Langage et mythe. Les d. de Minuit, Paris, 1973, p. 39.35 Voir la critique de mile Benveniste in : Problmes de linguistique gnrale, 1. Tel, Gallimard, Paris,

    1966,p. 50.36 Descombes, Vincent : La denre mentale. Les ditions de Minuit, Paris, 1995.Voir pp. 341-342.

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    Contributionsinditesintentionnelle l'objet qui est contenue dans le signe mis. La relation trine estinclue dans le signe lui mme, et alors le signe peut tre utilis.

    La relation qu'tablit le signe avec les "objets" forme un systme, un"code" socialement institu, et si nous l'avons appel systme signitifc'est pourmarquer la relation signitive de type circulaire qui dlimite et identifie (construit)l'objet par le signe qui le dsigne, tout en constituant le signe sur cetteidentification.37 E.C. Qu'est que c'est un objet "interne"?

    37 Castoriadis, Cornelius : L'institution imaginaire de la socit. d. du Seuil, Paris, 1975, pp. 334 338.

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