LE RÉCIT 2014 des ETS

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LE RENDEZ-VOUS DES MANAGERS TERRITORIAUX

Demain,l’action publique : clarifier, adapter, innover.

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LE RÉCIT

L’ ESSENT I EL DES E TS 2014

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SOMMAIRE

Le Kasse-tête des compétences

P.28

Quel manager êtes-vous ?

P.32

Nouvelle gouvernance : à votre santé !

P.16

Politiques publiques : l’heure des choix ?

P.21

Rencontre avec Bernard Stiegler

P.54

Usagers-agents : question de tempo

P.58

La réforme dans tous ses états

P.62

Citoyens, prenez la main !

P.66

Mutualisation 2 en 1

P.70

Paroles de DG

P.86

Investir, c’est possible

P.78

Clap de fin

P.94

Accélérateur de projets

P.82

Territoires : tous différents, tous solidaires

P.36

La carte et le territoire

P.74

Décider. Comment ?

P.40

La république bobo

P.44

Administration mon amour

P.48

Histoire(s) d’apprendre…

P.90

Analyse des risques… La carte, s’il vous plaît !

P.13

Une pour tous, toutes pour le service public

P.24

Action publique : un sens à partager !

P.06

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ACTION PUBLIQUE : UN SENS À PARTAGER !

Antoine Darras, animateur

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Après un « bond énergisant » qui fut l’apothéose de la séance de respiration corporelle proposée par l’animateur Antoine Darras, les participants de la session « Action publique : un sens à partager ! » ont vécu une rencontre… ou plutôt trois. Une philosophe, un professeur de sciences politiques et un économiste. Trois personnalités aux profils bien différents mais qui, par le regard qu’elles ont apporté sur l’action publique, sur la façon dont elle est définie puis mise en œuvre dans les territoires, ont guidé leur auditoire dans « ce sens » vers lequel l’action publique devrait s’efforcer de tendre.

« Penser, réfléchir, juger peut apporter à tous et en particulier à ceux qui ont à décider et à gérer », explique Barbara Cassin, philosophe et philologue (c’est-à-dire spécialiste de l’étude du langage). Pour elle, l’action publique souffre d’un manque de réflexion profonde sur le sens qu’elle doit avoir. L’usage qui est fait des évaluations (par exemple lorsqu’il s’agit de juger de l’efficacité d’une action publique) en est un symptôme grave. À travers les items, les cases, les grilles qu’il faut remplir, « on nous demande de chiffrer l’inchiffrable ». « On le fait, mais le résultat est catastrophique », s’indigne la philosophe. Les évaluations conduisent en effet à supprimer tout ce qui apparaît « en bas du tableau », alors que les critères utilisés (essentiellement quantitatifs) ne permettent pas de juger de la vraie valeur de l’objet évalué.

PENSER, ÇA AIDEOn peut se demander ce que la philosophie peut apporter à un directeur général des services (DGS) d’une collectivité territoriale… Le rôle des philosophes d’hier comme d’aujourd’hui est d’inviter le monde à s’interroger, à réfléchir.

A C T I O N P U B L I Q U E : U N S E N S À PA R TA G E R !

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« Dans un pique-nique, chacun apporte quelque chose et quand c’est différent, c’est mieux. Si tout le monde apporte des tomates, c’est dégueulasse », Barbara Cassin, expliquant la façon dont la Commission de vérité et de réconciliation d’Afrique du Sud, à laquelle elle a participé, s’est inspirée du modèle du pique-nique d’Aristote pour réfléchir à un nouveau modèle de démocratie.

PHILOSOPHIE, TOMATES ET DÉMOCRATIE

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services publics mais le transfert de la responsabilité politique aux régions et aux intercommunalités ou à des communes nouvelles. Pour Romain Pasquier, « reconnaître le droit à la différenciation en matière d’organisation territoriale permettra de construire, par le bas, une France où le vivre ensemble sera plus joyeux, plus optimiste ».

ARRÊTER LE DÉLIRE DE L’AUSTÉRITÉPour trouver le sens dans lequel l’action publique doit s’orienter, Éloi Laurent, économiste senior à l’OFCE1, préconise d’ouvrir l’économie aux autres sciences (sciences politiques, sciences du vivant, sciences sociales, etc.). Il se décrit lui-même comme un schizophrène, lui qui tente de comprendre la façon dont l’économie,

VIVRE ENSEMBLE ET FAIRE SOCIÉTÉPour Romain Pasquier, professeur de sciences politiques, directeur de recherche au CNRS et expert associé à l’Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation, l’action publique a du sens lorsqu’elle est gérée dans des territoires organisés socialement, économiquement et politiquement, qui développent des projets auxquels les citoyens adhèrent. En citant l’exemple de la Catalogne et de l’Écosse, il décrit des espaces politiques régionaux « qui ont un vrai vivre ensemble, qui font société ». « Je suis pour la construction d’un fédéralisme à la française », lance-t-il en expliquant souhaiter la reconnaissance de l’autonomie locale à travers le partage du pouvoir réglementaire entre le Premier ministre et les collectivités territoriales, le maintien des départements et de leurs

Au jeu du « j’aime / je jette », Romain Pasquier a répondu que, sur l’année écoulée, il retenait particulièrement l’évolution de la métropole lyonnaise « qui s’est donné les moyens institutionnels d’une action publique efficace. Au-delà de son action en matière de développement économique et d’attractivité de son territoire, la métropole lyonnaise a souhaité intégrer les compétences sociales jusqu’alors détenues par le conseil général. Développement économique, attractivité et cohérence sociale, cela a un sens politique. »

J’AIME LA MÉTROPOLE LYONNAISE

1- Observatoire français des conjonctures économiques

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l’écologie et la question sociale s’articulent. « Il y a un rapport immédiat entre la façon dont fonctionnent les économies depuis 30 ans et la montée des inégalités sociales, et entre ces inégalités sociales et la crise écologique », explique-t-il, considérant que l’on n’a pas d’autres choix, pour trouver des solutions, que de mêler les disciplines. Il déplore d’ailleurs la faiblesse de l’investissement public dans le domaine de la transition écologique. « Plutôt que de dépenser des milliards d’euros à essayer de combler les déficits publics, on aurait dû les utiliser pour la mise en œuvre de la transition écologique ». La crise climatique pose et posera plus encore à l’avenir des problèmes d’équité sociale entre les populations riches et les populations pauvres qui en souffriront davantage. Pour Éloi Laurent, la baisse de l’investissement public est la conséquence la plus tragique de la crise. « Il faut arrêter le délire de

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« Les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montrent qu’il faut à la fois des physiciens et des chimistes pour comprendre le changement climatique, mais aussi des économistes, des sociologues, des politiques, des historiens, etc. pour trouver des solutions. Les sciences dures permettent de comprendre un problème, les sciences sociales permettent de le régler » (Éloi Laurent)

PAROLE DE SCHIZOPHRÈNE, ENFIN… D’ÉCONOMISTE

l’austérité ! » a-t-il scandé. « On essaie de nous faire croire que l’État providence est responsable de la crise. Ce sont les marchés financiers qui l’ont provoquée, et c’est l’État qui l’alimente par sa politique d’austérité ». Selon l’économiste, l’État providence est, à l’inverse, un moyen extrêmement efficace d’amortir la crise.

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LES DESSINS D’AUREL

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ANALYSE DES RISQUES… LA CARTE, S’IL VOUS PLAÎT !

K’PRATIKPwC

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Mettez-vous dans la peau d’une direction des moyens généraux, choisissez 10 risques auxquels vous pourriez être confrontés, puis qualifiez leurs impacts et leur occurrence pour les placer dans une matrice des risques, et enfin définissez un plan d’actions. Voilà la consigne donnée aux participants du K’PRATIK « Analyse des risques… La carte, s’il vous plaît ! ». Vue la complexité apparente de la chose, certains ont d’abord peut-être regretté de ne pas avoir choisi un autre atelier. Mais le fonctionnaire territorial est tenace et chacun s’est finalement laissé prendre au jeu.

risques. » rappelle-t-il avant d’en donner une définition plus précise. Et c’est là qu’il faut commencer à s’accrocher : « le risque est la possibilité que survienne l’événement indésirable provoquant la perte de quelque chose de valeur. La gestion des risques est un processus qui permet de déterminer les risques propres à une activité, leur gravité, la mesure dans laquelle ils sont acceptables et les moyens de les éviter, de les contrôler ou de s’y préparer » détaille le consultant.

OSER LE RISQUE OU LE CONTOURNER ?Alors pour se faciliter la vie, ne faut-il pas privilégier des activités à risque nul ? Non, car un risque a toujours une part d’élément positif. Par exemple, en externalisant une prestation, une collectivité prend un risque mais si elle ose le faire, c’est qu’elle y trouve un avantage. Le tout est de bien maîtriser le risque en question, ce qui nécessite au préalable de l’analyser de manière objective et structurée. Oui, mais comment ? C’est là que les outils proposés par PwC entrent en jeu. L’idée est d’analyser le risque en deux temps : d’abord, en déterminant sa sensibilité grâce à une grille de cotation prenant en compte deux critères – les impacts et l’occurrence – puis en le plaçant dans une matrice qui indique s’il est acceptable ou critique et comment il est situé par rapport aux autres risques auxquels la collectivité est confrontée. Prenons un exemple simple et concret pour rendre tout ça plus clair,

Le sujet n’a a priori rien de très séduisant et pourtant la salle est comble et les retardataires devront se rabattre sur un autre atelier. C’est certainement pour s’outiller et être capables d’aborder sans frémir la gestion des risques dans leurs collectivités que les participants se sont pressés dans ce K’PRATIK. Avant de les mettre à contribution, Fabien Goffi, associé responsable du secteur public local chez PwC, qui connaît bien le monde des collectivités territoriales pour y avoir effectué une partie de sa carrière, prend la peine de s’attarder sur quelques fondamentaux. « La cartographie des risques n’est pas forcément une fin en soi. Ce peut être un moyen au service d’une action très précise, que ce soit le contrôle des satellites, un projet d’administration, une évaluation de politique publique… voire même bien entendu la maîtrise des

A N A LY S E D E S R I S Q U E S … L A C A R T E , S ’ I L V O U S P L A Î T !

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TÂTONNEMENTSDe fait, il faut un peu de temps pour s’approprier la méthode. « On a intérêt à calculer l’occurrence au fur et à mesure » entend-on dans un groupe. Deux tables plus loin, c’est la matrice qui fait débat : « Là, c’est l’échelle de l’impact du risque et de l’autre côté, c’est la pondération » explique une participante à sa voisine. Après 30 minutes de réflexion, c’est l’heure de mettre les copies en commun. Chaque équipe est invitée à présenter l’analyse d’un des risques qu’elle a choisis. Les présentations donnent lieu à des échanges, chaque table expliquant le pourquoi de la notation, voire même pourquoi ils ont voulu changer la grille de notation… ce qui ne faisait pas partie de l’exercice... Toutes les équipes arrivent à peu près au même résultat (une pondération et un impact moyen), quel que soit le risque considéré. La preuve certainement que la mise en œuvre de la méthode nécessite un peu d’approfondissement. Fabien Goffi avait prévenu en début de séance, « vous allez ressortir frustrés ». C’est bien normal, car d’ordinaire il faut prévoir au moins deux jours et demi pour faire la formation et l’élaboration d’une grille de cotation et près d’une semaine pour réaliser une cotation contre 1h30 aux ETS. Mais les bases sont là, les notions d’analyse des risques sont désormais dans toutes les têtes des participants au K’PRATIK.

avec le risque, pour un conseil général, de perdre un dossier de naissance sous X. A priori, ça n’arrive pas tous les jours, donc c’est un risque avec une occurrence faible. En revanche, ses conséquences peuvent être lourdes (condamnation au pénal). En croisant ces deux critères, on peut donc estimer qu’il s’agit d’un risque modéré. Facile, non ?

LE COMPTE EST BONUne fois le cadre bien posé, place à l’exercice pratique : répartis par équipe de six, les participants endossent le rôle d’une direction des moyens généraux. Ils ont d’abord à choisir 10 risques majeurs parmi une trentaine classés en plusieurs catégories (risques opérationnels ; juridiques et financiers ; liés aux relations usagers et prestataires ; et liés à la gestion sociale). Ensuite, ils doivent coter chaque risque en fonction de son impact financier, juridique et d’image, et en fonction de son occurrence. Enfin, les deux notes obtenues permettent de positionner le risque dans une matrice qui représente l’impact en abscisse et l’occurrence en ordonnée. « C’est une démarche structurée mais pas scientifique» précise Fabien Goffi. On a un peu de peine à le croire alors qu’il vient d’expliquer que « par exemple, le risque d’interruption des missions de services publics a un impact financier de niveau 7, un impact juridique de niveau 7 également et un impact d’image de niveau 6, ce qui avec les pondérations donne une note d’impact globale de 3x7+3x7+2x6 = 54/8 = 6,75 ».

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Les 5 étapes d’une analyse des risques réussie :1. Identifier le service, la direction,

la politique publique, la problématique2. Se doter d’une grille d’évaluation

des risques (deux critères : occurrence et impact)3. Identifier la/les missions, les objectifs, les tâches

et les risques inhérents4. Qualifier les impacts et les occurrences grâce à la grille

d’évaluation et placer les risques sur une matrice5. Élaborer le plan d’action

EN RÉSUMÉ

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NOUVELLE GOUVERNANCE : À VOTRE SANTÉ !

Nathalie Paré, directrice générale adjointe Éducation au conseil général des Côtes d’Armor

MNT-AATF

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Près d’un quart des salariés européens serait touché par le stress, le burnout ou des épisodes dépressifs. Selon le baromètre MNT-IPSOS 2013, 25 % de répondants auraient avoué avoir des problèmes de santé liés au travail. Ces chiffres inquiétants posent de manière brûlante la question des risques psychosociaux (RPS), d’autant plus dans un contexte de réformes et de changement de gouvernance des collectivités territoriales. Comment les prévenir, les minorer, les traiter pour aller vers un nouveau mode de production et de développement des services locaux plus sereins ?

Pour y voir plus clair, le rapport du collège d’expertise sur le suivi des RPS, présidé par Michel Gollac et publié en avril 2011, liste six grandes familles de facteurs de risques des RPS : organisation du travail, exigences émotionnelles, autonomie, mauvaise qualité des rapports au travail, conflits de valeurs, insécurité de la situation de travail. Quand plusieurs d’entre eux sont combinés, les RPS provoquent une altération de la santé. « Mais nous ne sommes pas tous égaux devant le risque d’où la difficulté de prévenir et traiter les RPS » rappelle Serge Dufour, consultant spécialisé en santé au travail à Aliavox, co-auteur avec Gilbert de Terssac d’une future étude pour la Mutuelle nationale territoriale (MNT). Afin de prendre le problème le plus en amont possible, il faut chercher à en définir les déterminants dans l’organisation du travail plutôt qu’au niveau des individus. Or trois facteurs peuvent aggraver ces « risques socio-organisationnels » : les maladresses relationnelles, les malentendus et le mépris (voire le déni) des malaises.

PAS FACILE D’ÊTRE CADRE !Réforme des collectivités, gel des salaires, allongement du temps de travail ou encore déclassement des cadres sont autant de contraintes qui pèsent sur les collectivités territoriales. La logique d’immédiateté ne facilite pas non plus la transition vers plus de sérénité au travail. En ces temps de réformes et de grands changements, les agents, les cadres et les élus évoluent dans un environnement incertain et anxiogène.

ANALYSER LE TRAVAIL En respect de l’application de l’accord-cadre du 22 octobre 2013, chaque employeur public se verra dans l’obligation d’avoir développé — et ce au 1er janvier 2015 — un plan d’évaluation et de pré-vention des RPS. Mais le flou termino-logique qui entoure les RPS ne leur facilite pas la tâche. Mentionnée officiellement pour la première fois dans la loi de rénovation et de modernisation de l’action sociale de 2002, par le prisme du harcèlement au travail, la question des RPS reste l’objet de nombreuses confusions : que recouvrent-ils ? Qui en est responsable ? Comment les repérer et les analyser ?

N O U V E L L E G O U V E R N A N C E : À V O T R E S A N T É !

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« Le vrai malaise est celui de ne pas pouvoir s’exprimer alors que cela est fondamental et premier. Il ne peut y avoir de service public performant sans éthique, efficience et donc sans efficacité », rappelle Jean-René Moreau, Président de l’Observatoire social territorial (OST) de la MNT. Les évolutions technologiques peuvent aussi favoriser le surinvestissement des cadres dans leur mission : le travail ne s’arrête pas en passant la porte du bureau. Ainsi, c’est tout le contexte actuel qui est fortement propice à l’émergence et la diffusion des RPS.

Alors comment éviter les souffrances au travail ? Écouter et surtout entendre les propos et attentes de chacun est essentiel. Les cadres doivent être sensibilisés et formés à cet enjeu de prévention et de gestion des RPS. Le travail en équipe doit également être valorisé et systématisé. Les élus font parfois aussi partie de l’équa-

tion des RPS. Déjà par leur besoin de sen-sibilisation et de formation sur la question de l’organisation du travail au sein des collectivités au sens large et des RPS. Ensuite, pour construire des relations de travail sereines avec leurs services par un dialogue permanent. Enfin, pour rassurer dans le contexte de changements actuels.

C’est en redonnant une utilité reconnue à chacun que le travail sera le plus efficace et les agents les plus sereins. Les effets négatifs de certaines organisations et pratiques de travail peuvent en effet être évités grâce au dialogue, à l’intelligence collective et au soutien hiérarchique. Il faut inclure les agents dans l’évolution et le changement, et les accompagner afin qu’ils en perçoivent le sens. Enfin, en termes organisationnel et managérial, le management directif ou persuasif doit laisser place au participatif voire délégatif, qui encourage l’autonomie et l’initiative de l’ensemble des agents concernés.

ÉVOLUTION DES ORGANISATIONS : RENFORCER LE LIEN DES ÉLUS AVEC LES AGENTS

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N O U V E L L E G O U V E R N A N C E : À V O T R E S A N T É !

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Nathalie Paré, DGA Éducation au conseil général des Côtes d’Armor, membre de l’AATF, témoigne de la pratique dans son Département :

• Travail participatif en cours pour élaborer une charte entre les élus et les services, qui vise à apporter un cadre de référence sur les rôles respectifs de chacun et à donner l’esprit des relations de travail entre élus et agents.

• Mise en place d’un espace d’échanges (via l’intranet) sur la réforme territoriale : discours qui se veut rassurant face aux incertitudes liées à la réforme en cours.

• À la suite d’un diagnostic des RPS, élaboration d’un plan d’actions pour la période 2013-2015 axé principalement sur des actions de prévention : les priorités sont mises sur l’amélioration des conditions de travail et l’accompagnement des parcours professionnels.

• Mise en place de formations obligatoires pour les cadres (tous niveaux confondus : du responsable d’unité au DGS) sur la prévention des RPS : temps d’échanges qui permettent de partager les bonnes pratiques, décloisonner les métiers et rompre le sentiment d’isolement ressenti par certains cadres sur ces questions.

ZOOM SUR UN CONSEIL GÉNÉRAL

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POLITIQUES PUBLIQUES : L’HEURE DES CHOIX ?SNDGCT

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On ne peut pas dire que le contexte actuel soit très favorable aux politiques publiques. Entre des dotations de l’État en nette régression et une demande citoyenne pour plus de services publics et d’innovation, les collectivités terri-toriales étouffent et doivent se rendre à l’évidence : elles n’ont plus les moyens de leurs ambitions… Autrement dit, elles n’ont plus le choix : c’est l’heure des choix ! Comment se définissent les politiques publiques développées au niveau local ?De quelles marges de manœuvre les collectivités disposent-elles ? Mais surtout, en ont-elles vraiment ?

Choix d’éluEn dehors de toute considération financière et budgétaire, Mihaela Maria Similie Popa a rappelé la manière dont se déterminent les politiques publiques sur un territoire : « Dans tous les États membres, l’action publique locale est orientée vers la satisfaction de l’intérêt local, à travers la définition de compétences et de politiques publiques locales dont l’ambition est de répondre aux attentes des citoyens ». Cela se traduit par la définition d’un socle commun de services publics (eau, assainissement, etc.) et d’autres services plus spécifiques à chacune des collectivités, car leurs caractéristiques, leurs capacités et la demande des citoyens sur leur terri-toire diffèrent. « Les politiques développées et leur ampleur correspondent à un vrai choix d’élu », explique Mathieu Lhériteau, DGS de Noisy-le-Grand. Pour lui, les politiques publiques locales sont d’autant plus un choix venant de l’élu que la vraie demande citoyenne est difficile à identifier et que le politique, au moment d’établir son programme électoral, se fonde sur une vision parcellaire de la demande citoyenne. Dans ce contexte et globalement dans le choix des politiques publiques locales, « les techniciens ont un rôle de conseil aux élus », estime Mathieu Lhériteau.

L’ART DES CHOIX Pour les acteurs de la fonction publique territoriale, il est l’heure des choix depuis les théories du new public management. « En revanche, c’est pour les élus, réveillés

L’HEURE, C’EST L’HEURESelon Mihaela Maria Similie Popa, maître de conférences à l’université Paris 8 et spécialiste de la question des services d’intérêts généraux dans l’Union euro-péenne, les États membres européens sont grosso modo tous à la même heure. Face aux conséquences de la crise sur leur budget, tous ont entrepris des réformes structurelles ou territoriales, mais sur-tout une réforme de l’État : « Dans toute l’Europe, on observe une tendance à la mise en cohérence des structures, à la simplification, à la réduction », explique-t-elle. C’est ce terme de réduction qui sonne le plus fort l’heure des choix. Parce que « réduire », pour une collectivité, signifie « faire moins » et impose donc de « choisir »…

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Marges de manœuvre, où êtes-vous ?Pour espérer échapper à ce genre de décisions difficiles, les collectivités doivent trouver des marges de manœuvre. Mais celles-ci sont rares… ou alors extrêmement bien cachées. Pour les trouver, il faut faire preuve d’inventivité, d’innovation. Le numérique, par exemple, apparaît comme un vivier intéressant de marges de manœuvre, notamment à travers le développement de la dématérialisation et de l’e-administration. « On observe un transfert de la gestion de données et de démarches, habituellement réalisées par les collectivités, vers l’usager », souligne Mathieu Lhériteau en citant l’exemple des inscriptions scolaires. Ces prestations n’étant plus prises en charge par les collectivités, celles-ci peuvent réduire leurs coûts en affectant le temps de travail auparavant dévolu à ces démarches administratives à d’autres tâches plus importantes en termes de service public. Une piste intéressante à creuser pour espérer, un jour, avoir de nouveau l’embarras du choix !

par la réduction des dotations de l’État, que l’heure a sonné », précise Mathieu Lhériteau.

Plus de demi-mesure Les collectivités n’ont donc plus le choix : il faut bien faire des choix ! « De toute façon, on ne peut pas tout faire », s’exclame Mathieu Lhériteau. Mais plus qu’un choix, c’est un dilemme que doivent résoudre les collectivités, entre décider de « tout faire » (et être à la limite du saupoudrage), et choisir de donner la priorité à tel ou tel secteur quitte à en sacrifier certains… La Ville de Grenoble, par exemple, a décidé de supprimer sa subvention à l’Orchestre des musiciens du Louvre Grenoble, considérant que ses ressources propres lui permettaient de continuer à exister. « Le choix a sans doute été difficile, brutal pour certains, mais il était possible. Si la Ville avait diminué ses subventions à toutes les associations culturelles, elle aurait pu en faire disparaître plusieurs ».

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La délégation de service public (DSP) est-elle, par exemple, plus efficace que l’exercice en régie d’une politique publique ? Les marges de manœuvre des collectivités pourraient-elles se situer dans le choix du mode de gestion de leurs politiques publiques ?

Une étude du Conseil des communes et des régions d’Europe1 « a montré qu’il n’existait pas d’absolue supériorité d’un mode de gestion sur un autre », souligne Mihaela Maria Similie Popa. « Ce qui fait la différence sur la performance des services, c’est le contrôle de l’autorité publique. C’est-à-dire, dans quelle mesure l’autorité organisatrice reste toujours en veille, y compris lorsque le service est géré par une entreprise publique ».

En revanche, il est un partenaire auquel Mathieu Lhériteau suggère que les collectivités pensent davantage pour la mise en œuvre de leurs politiques à travers la DSP : le secteur associatif. Pour lui, les relations entre associations et collectivités ont évolué, et ces dernières sont passées d’un subventionnement presque sans conditions, sans critères, à un subventionnement avec « critérisation » et/ou appel à projets. « Certaines prestations peuvent être remplies par une association aussi bien que par une collectivité, avec une qualité de service et un respect des grands principes d’intérêt général », insiste Mathieu Lhériteau.

LE CHOIX EST-IL DANS LE MODE DE GESTION ?

1- Association de collectivités territoriales qui promeut la construction d’une Europe unie, fondée sur l’autonomie locale, le respect du principe de subsidiarité et la participation des citoyens

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UNE POUR TOUS, TOUTES POUR LE SERVICE PUBLIC

Bruno Collignon, président de la Fédération autonome de la FPT

FORUM DES SYNDICATS

FA-FPT

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« Faire tomber les barrières entre la FPE, la FPH, la FPT », l’État, l’hospitalière, la territoriale... Comment ces trois familles de la fonction publique répondent-elles à l’injonction de Marylise Lebranchu, leur ministre de tutelle ? En aspirant à se fondre en une seule entité ? Ou à consolider ces ponts qui les unissent, au premier rang desquels la mobilité des agents ?

ceux attendus dans les lycées, estime de son côté Muriel Gibert directrice générale adjointe du Centre interdépartemental de gestion de la petite couronne de l’Ile-de-France. Plutôt que de vouloir une fonction publique unique, il y a une homothétie à trouver entre les trois versants. » Comme celle de la mobilité des agents ?

LA MOBILITÉ, UN VŒU PIEUX ?Objet de nombreux textes législatifs depuis l’instauration du statut en 1983, cet objectif de mobilité butte sur les différences entre les grilles indiciaires ou les pensions, les méconnaissances et les corporatismes. Entre 2011 et 2012, seulement 0,7 % des agents ont bénéficié de la mobilité inter-versants. « Les établissements hospitaliers préfèrent par exemple recruter leurs directeurs dans le secteur privé » relève Philippe Soubirous, représentant de la Fédération générale des fonctionnaires Force Ouvrière. « D’un autre côté, l’État – qui supprime des emplois – fait totalement défaut dans l’accompagnement vers les deux autres fonctions publiques, ajoute Muriel Gibert. Les jeunes de la FPE n’ont alors aucune idée de ce que signifie travailler dans une collectivité. La FPT est considérée comme le déversoir de la FPE. » Si un centre de gestion comme celui de la petite couronne francilienne organise des réunions publiques à destination des fonctionnaires des ministères pour présenter les emplois dans la FPT, aucune bourse n’agrège l’ensemble des postes

Quelle différence entre une puéricultrice de la Fonction publique hospitalière (FPH) et une puéricultrice de la Fonction publique territoriale (FPT) ? L’employeur, les grilles et les indices... mais le métier ? « Nous avons besoin d’un grand service médico-social public pour lutter contre les dispositifs qui cassent le statut et favorisent le choix de l’activité privée », exhorte Pascal Dupas, coordinateur régional de la CGT Santé Rhône-Alpes. En cause : le regroupement d’employeurs de l’économie sociale et solidaire et du secteur public dans des associations mettant leurs salariés à disposition d’établissements sociaux, y compris publics. Ou encore le projet de loi Santé qui oblige au rassemblement sous une même unité des hôpitaux et cliniques d’un même territoire1. « L’uniformisation ne répondra pas aux besoins du public, les services d’une commune n’étant pas

U N E P O U R T O U S , T O U T E S P O U R L E S E R V I C E P U B L I C

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1- Un rassemblement portant le nom de « groupements hospitaliers de territoires » inscrit dans le projet de loi Santé présenté par Marisol Touraine au Conseil des ministres le 15 octobre 2014

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Tout en s’opposant au passage d’une fonction publique de carrière à une fonction publique d’emploi, Force Ouvrière en appelle à plus de cohérence. « Pour aller dans le sens de la convergence, comment imaginer que des agents aux fonctions similaires (dans la filière administrative par exemple) ne puissent pas suivre un bloc de formation commun ? », interroge Philippe Soubirous.

UNE CONVERGENCE NOTABLE ET ATTENDUE

Passage de 700 corps à quelque 300 corps en dix ans dans la fonction publique d’état ; création du corps des attachés d’administration de l’État en 2013 ; émergence du nouvel espace statutaire de la catégorie B depuis 2012 : quelques chantiers témoignent de l’effort de clarification indispensable à la perméabilité des fonctions publiques. « Un exemple marquant de mobilité fut le transfert des personnels Techniciens, ouvriers et de service (TOS) de l’Éducation nationale aux conseils généraux en 2004, note Bruno Collignon, président de la Fédération autonome de la FPT. Si des difficultés persistent, ces agents ont trouvé leur place dans le versant territorial. »Renvoyant au principe de mutabilité du statut du fonctionnaire, l’adaptation est également rendue nécessaire par le vieillissement de la population des fonctionnaires. « La part des plus de 60 ans dans les trois fonctions publiques

publics vacants. « Quelques balbutiements pour rassembler les données sont relevés, mais tant que les 45 000 employeurs publics utiliseront les systèmes d’information qu’ils veulent, l’harmonisation sera encore longue à venir », regrette Muriel Gibert.

SE FORMER ENSEMBLE POUR S’ACCULTURER ?Au-delà des outils logistiques, la mutu-alisation des formations ne participerait-elle pas à forger une culture commune, peut-être seule garante d’une vraie convergence ? À l’heure du débat sur la fusion entre l’Institut national des études territoriales (INET) et l’École nationale d’administration (ENA), le Centre national de formation de la fonction publique territoriale (CNFPT) récolte les suffrages : « la FPT est extraordinaire sur le plan de la formation, notamment grâce au CNFPT. N’essayons pas de faire de ce centre un monstre ingérable mais invitons les deux autres versants à s’appuyer sur ce modèle », conseille Muriel Gibert. La question de la formation devrait se problématiser bien en deçà du débat sur une éventuelle fusion des organismes, selon Philippe Soubirous : « La logique de la mutabilité du statut implique l’organisation de la formation professionnelle en aval du recrutement, au sein des écoles d’application, le niveau académique faisant état des capacités des candidats. Depuis une vingtaine d’années, les employeurs recrutent de plus en plus des candidats déjà professionnalisés. »

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a augmenté de 12 % entre 2011 et 2012 : cette réalité nous condamne à réfléchir à la mobilité afin que les agents puissent continuer à exercer dignement leur mission de service public », résume Bruno Collignon. Alors que sur le terrain, les conseils des employeurs adaptent les postes au cas par cas, « le conseil commun de la fonction publique pourrait être mis à profit sur ces questions », propose Muriel Gibert.

U N E P O U R T O U S , T O U T E S P O U R L E S E R V I C E P U B L I C

- 5,37 millions de personnes, soit 20 % de l’emploi salarié et non salarié en France

- 2,37 millions d’agents au sein de la Fonction publique d’État (FPE)

- 1,82 million d’agents au sein de la Fonction publique territoriale (FPT)

- 1,1 million dans la Fonction publique hospitalière (FPH)- 34 % des agents relèvent de la catégorie A / 20 % de la

catégorie B / 46 % de la catégorie C- 72 agents pour 1000 habitants

LA FONCTION PUBLIQUE, COMBIEN DE DIVISIONS ?

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Source : Ministère de la Fonction publique, 2014

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LE KASSE-TÊTE DES COMPÉTENCES

K’PRATIK

CITÉ DU DESIGN DE SAINT-ÉTIENNE

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Aux ETS, le Kasse-tête des compétences se joue à huis clos et à guichets fermés. Ils sont une centaine de privilégiés inscrits (en deux fournées) à s’entraîner à la production de services publics nouveaux grâce... au poker design. Que vient faire ce jeu de cartes dans cet atelier sur les compétences ?

les réductions de budget dans le secteur culturel. Là, une joueuse veut recycler un projet qu’elle a en tête et qui pourrait être compatible avec les 4 cartes tirées. Ailleurs, quelques joueurs paraissent dubitatifs sur leur capacité à trouver un projet : « c’est mission impossible avec les cartes qu’on a tirées ! ».

LE MYSTÈRE DE LA CARTE NOIRE… WHAT ELSE ?Il faut l’intervention des gentils organisateurs de l’atelier pour recentrer tout le monde sur l’objectif. « Vous devez trouver un nom à votre projet, qui doit obligatoirement prendre en compte les 4 dimensions. Une carte supplémentaire (la mystérieuse carte noire) vous sera dévoilée plus tard. Ensuite, vous devez résumer en quelques lignes sur les grandes feuilles à votre disposition le concept de votre projet. Enfin, vous devez concevoir le storytelling, puisque vous devrez nous vendre votre projet dans 30 minutes. » Une ou deux équipes s’emparent des ressources à leur disposition : un paper-board ou la nappe en papier pour organiser les idées, les figurines servant d’inspiration. Des projets se dessinent peu à peu. Tout à coup, un joueur par table est convoqué dans la pièce d’à côté pour prendre connaissance de la fameuse carte noire. Et revient dans son équipe au bout de 5 minutes, métamorphosé en un usager très profilé. Patatras, alors que le projet commençait à prendre corps, l’usager vient tout perturber. Ainsi, « Michel, amateur de saucisses

Les animateurs issus de la Cité du design, eux, ne se posent pas autant de questions : « mettez de côté le cerveau gauche pour commencer, et lancez-vous dans le jeu ». Autour des tables, un peu interloqué, chaque participant pioche une carte de chaque couleur. On découvre alors un lieu, un verbe d’action, un champ d’intervention, et un support. Une quatrième et mystérieuse carte noire n’est pas retournée. « Vous avez 45 minutes pour concevoir un service public de votre choix à partir des 4 paramètres que vous avez tirés » annonce un membre du staff d’animation. « Nous, on doit trouver quelque chose autour d’un bateau (lieu), de l’action de manger (verbe), en utilisant des SMS (support) et traitant de culture (champ d’intervention) » récapitule le leader improvisé d’une table. Les premiers échanges semblent peu productifs. On s’interroge sur les règles du jeu, on s’intéresse à ce que font ces inconnus dans la vie, hormis jouer au poker. Ici, un joueur se lance dans une diatribe sur

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strasbourgeoises et d’aéromodélisme » ne se montre pas passionné par le magnifique projet culturel en cours de construction par son équipe...

RESTITUTION DRÔLATIQUELes coaches (Cité du design de Saint-Étienne) aident à dépasser les diverses réactions face à cet usager à qui personne n’avait vraiment pensé. Certaines équipes continuent leur marche en avant, se souciant peu de l’arrivée de l’usager. D’autres repartent dans des débats sur la représentativité ou non de l’usager, ou sa légitimité, voire essaient de minimiser son rôle et de passer outre ses remarques ! D’autres équipes interrogent leur usager et veulent tout savoir de lui, avec le risque de bâtir tout leur projet autour d’une seule personne. Des tables testent des scénarios alternatifs auprès de lui, et décident ensuite. Les coachs aident les tables à entrer sincèrement dans leur co-construction, et à réviser le projet en tenant compte de l’usager. L’heure tourne, le storytelling n’est pas tout à fait achevé, et il faut passer à la restitution au groupe. C’est là que les qualités d’empathie et d’éloquence des joueurs vont l’emporter. Charge en effet aux joueurs qui se sont mis dans la peau des usagers de restituer le projet. L’enrôlement fonctionne à merveille, et l’humour et la bonne volonté générale aidant, les pseudo-usagers transcendent chaque projet !

« Je suis grapheur, et j’ai tout de suite adhéré au projet CQ Graff sur la sécurité dans les stades. Je me suis dit : enfin, quelque chose qui va parler à mes copains stadiers, qui ne sera pas fait par des polytechniciens ».

« Je suis dirigeant de start-up, et j’ai proposé une application pour alerter un service public en cas de malaise d’un sportif (je suis moi-même marathonien). On m’a proposé d’offrir ce service gratuitement pour la collectivité, en échange d’une visibilité… Ce n’est pas ce que j’attendais. Peut-être y aura-t-il un appel d’offres ? Ce n’est pas encore très clair. »

« Je suis bénévole aux Restos du cœur, et l’on m’a proposé les @teliers du cœur, qui proposent une initiation pratique des bénéficiaires, grâce à la tablette Qooq ou Cuisinix adaptée au projet. Le but : apprendre à choisir des ingrédients locaux pour une cuisine savoureuse, minimisant le gaspillage alimentaire. »

RESTITUTION : DANS LA PEAU DES USAGERS

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LE REGARD DU COACH« Ce que vous venez de vivre, c’est tout simplement un processus de design de solutions » débriefe Alexandre Pennaneac’h, de la Cité du design de Saint-Étienne. Sans équivalent en France, la Cité du design promeut cette recette faite de nombreux ingrédients :

• Gérer les processus d’apprentissage et de désapprentissage (par exemple, lutter contre les postulats qui bloquent au lieu de faire progresser)

• S’entourer, c’est-à-dire tisser, développer et entretenir son réseau

• Mélanger (les angles, les horizons, les personnes)

• S’écouter (empathie, confiance et subjectivité)

• Pratiquer la segmentuition : éviter les panels et groupe focus... il n’y a pas d’innovation possible s’il n’y a que des « bons élèves », il vaut mieux croiser son instinct avec celui de « vraies » personnes ressources

• Rationaliser : peut-être est-il préférable d’imaginer des dispositifs atteignables ?

• Se rappeler : l’accélération des pratiques introduit un biais dans les perceptions, se rappeler le passé et ne pas hésiter à remettre en question les nouvelles technologies.

• S’affranchir : l’innovation, c’est de l’audace, « si j’avais écouté mes clients, je leur aurais fabriqué un cheval qui court plus vite » disait Ford

• Accompagner, c’est-à-dire développer des canaux qui guideront l’innovation jusqu’à sa mise au marché. Les jeux restent à faire !

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QUEL MANAGER ÊTES-VOUS ?

K’PRATIK

Les comédiens de la troupe NAJE

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Jour de réunion à la mairie de cette Ville de 30 000 habitants : la directrice générale des services (DGS) a convoqué tous les chefs de service. À l’entrée dans la pièce, trois d’entre eux emboîtent le pas de la directrice, deux autres, Véronique et Suzanne, s’installent avec lenteur.

dispersées, l’objectif, c’est d’en passer la moitié à la communauté d’agglo. Le service enfance, l’objectif c’est : tous les enfants mangent à la cantine.

(SERVICE ENFANCE) Il va me falloir du personnel.

(DGS) Tu te débrouilles avec ce que tu as. Pas d’embauche. On doit faire mieux avec moins. C’est votre challenge. Faire mieux avec moins. Et puis l’accueil, les files d’attente, c’est plus possible. Tu nous fais deux ou trois groupes démocratie vite fait et tu aboutis à un guichet unique et du traitement à distance.

(SUZANNE) Et nous ?

(DGS) Vous, vos deux services vont fusionner, alors vous m’établissez chacun un projet pour le nouveau service avec des réductions de personnel. Le meilleur restera.

(VÉRONIQUE) Le plus obéissant vous voulez dire.

(DGS) Un point de pénalité.

Malheureusement, la scène n’a rien d’irréel : elle est tirée d’une expérience bel et bien vécue dans une ville française, que la compagnie de théâtre forum NAJE présente aux ETS. Fabienne Brugel, metteur en scène, propose aux participants de remplacer l’un ou l’autre des personnages. Aux managers assistant à l’atelier d’essayer de modifier le cours

(DGS) Réunion des chefs de services de la Ville ! Bien, nous accueillons Roberta qui prend en charge le service des sports puisque l’ancien responsable des sports est en longue maladie.

(VÉRONIQUE) Avec la manière dont vous l’avez traité, ce n’est pas étonnant…

(DGS) Bien, les trois quarts d’entre vous sont là depuis quelques semaines. Vous êtes ma nouvelle équipe. Nous allons faire de grandes transformations dans cette ville. Si vous tenez vos objectifs, vos CDD deviendront des CDI.

(SUZANNE) Nous sommes toujours là nous.

(DGS) Pour combien de temps !? Bon les autres, je compte sur vous. La DGS s’écarte et fait venir à elle les chefs de service les uns après les autres.Le service entretien, tu as diminué ton personnel de 10 %, tu peux faire mieux. Le service culturel, trop de structures, trop

Q U E L M A N A G E R Ê T E S - V O U S ?

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VOLONTAIRES EN PAGAILLETour à tour amusés, révoltés, pensifs, les participants se prêtent volontiers au jeu du remplacement, avec des tactiques qui sonnent souvent justes. Les arguments et contre-arguments fusent aussi de la salle pendant le débrief de chaque scène rejouée. Fabienne Brugel confie entre deux ateliers son sentiment. « On sent que les participants, non seulement ne supportent pas les premières situations, mais surtout imaginent immédiatement des comportements managériaux alternatifs. On les sent très à l’aise dans le rôle de managers, ils ont de la bouteille ». Côté participants, on hoche la tête à l’énoncé de certaines situations, comme celle où un chef de service encourage le sexisme au sein de son équipe. Dans ce service dédié à la formation, les cadres femmes vont se voir confier plutôt les petits projets et ceux qui concernent les formations éducatives et sociales. Les hommes auront les gros dossiers et les dossiers techniques. Bien sûr, la réunion programmée jusqu’à 18 heures s’éternise alors que Marie-France doit aller chercher son fils. Puis Paul et Annie seront entendus pour choisir qui sera sous-directeur : Paul évidemment, car le directeur ne fait vraiment confiance qu’aux hommes… ! « J’ai vécu exactement cette situation il y a 15 jours, je vais tout de suite remplacer la comédienne » s’écrie une participante.

des choses en remplaçant l’un des cadres avec lequel il se sent solidaire.

MANAGEMENT PAR LA PEURLes premiers volontaires dans la salle remplacent Véronique ou Suzanne, les chefs de service sur la sellette. Ils tentent de se rebiffer : pas facile avec cette DGS coriace. Et d’ailleurs, à qui adresser une plainte contre la DGS de la Ville ? D’autres participants essaient de coaliser les trois chefs de service protégés. Mais les comédiens jouent à merveille des cadres terrorisés. Pour eux qui ont peu d’expérience, leur DGS sait se faire respecter, son assurance les rassure autant qu’elle les effraie. Fabienne Brugel, la metteur en scène, reprend chaque situation avec pédagogie. « La réunion est initiée par le nouveau DGS qui vient d’être embauché et a amené avec lui une partie de son ancienne équipe. Il est là pour faire de grandes transformations et donne des objectifs impossibles à chaque chef de service : faire beaucoup plus sans augmentation de moyens, sans conseils, sans outils et en concurrence les uns avec les autres. Ce management par la mise en concurrence des cadres, c’est un management par la peur ; c’est aussi le royaume du “tu te débrouilles pour y arriver“ ; cette DGS est elle-même sous pression des élus. La situation est plus complexe qu’il n’y paraît » explique-t-elle avant d’inviter qui se sentira l’âme d’un acteur parmi les participants, à jouer le rôle de la DGS.

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THÉÂTRE FORUMLa dernière scène a aussi un air de déjà-vu. Dans une nouvelle structure qui est le résultat de la fusion de deux structures, les hauts cadres se partagent les services et les agents à coup de petits arrangements. Certains tentent de se placer au Ministère. Des agents à qui des opportunités ont été annoncées sont malmenés. L’une qui devait rester sur sa thématique va être trahie par la RH, l’autre pour qui l’affectation était décidée se voit retirer son affectation et ne peut plus aller que là où elle ne voulait pas aller, une chef de service devait avoir six agents et n’en aura que trois, avec une charge de travail supplémentaire. Entre le théâtre forum (inventé par Auguste Boal) et la vie réelle, les allers-retours sont rapides et remuent en profondeur chacun, participants et comédiens. La compagnie NAJE a parfaitement réussi son pari : montrer à quel point les ressources à combiner pour poser des actes managériaux en situation sont variées. L’espoir de changer le cours des choses (« l’un d’entre vous va-t-il vivre des restructurations bientôt ? ») est permis.

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TERRITOIRES : TOUS DIFFÉRENTS, TOUS SOLIDAIRESAITF

Jean-Pierre Dayras, directeur général des services au conseil général de l’Allier

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l’économie. « Le but de la démarche n’est pas anti-métropole, rappelle Jean-Pierre Dayras, directeur général des services (DGS) au conseil général de l’Allier, mais penser que la cohésion nationale ne va résulter que d’une irradiation provoquée par les métropoles est illusoire. Nous défendons plutôt l’idée d’un aménagement équilibré du territoire national ».

Quels enjeux ?Voir émerger de nouvelles ruralités soulève naturellement la question de l’emploi. Les territoires ruraux comptent beaucoup de PME et TPE sur leur territoire. Certains accueillent même de grands groupes industriels. Avec une forte tendance actuelle aux disparités territoriales et sociales, redynamiser l’emploi dans ces zones parfois jugées trop reculées est un enjeu de taille. Autre enjeu lié à l’émergence de nouvelles ruralités : la modernité, incontournable dans une société du numérique qui offre de nouveaux moyens de constituer des richesses. Le défi est de faire changer les représentations sur les territoires en n’opposant pas le rural et l’urbain mais en jouant sur l’articulation entre les deux dans une complémentarité permanente.

MURVIEL-LÈS-MONTPELLIER : ENTRE L’URBAIN ET LE RURALPortrait de la ville Murviel-lès-Montpellier, c’est 2 000 habi-

SE METTRE AU VERT DANS LES NOUVELLES RURALITÉSKésako ?Les zones rurales, ce sont près de 80 % du territoire national et 60 % de la population. Bien loin du no man’s land, elles attirent chaque année de nombreux flux migratoires d’habitants venant des grandes métropoles. Face à ce véritable désir de campagne, un mouvement des nouvelles ruralités s’est créé pour renouveler le regard que l’on porte sur les zones rurales. Ce mouvement associe villes moyennes, centres-bourg et campagnes, autrement dit tout ce qui n’est pas métropolitain, pour en finir avec la vision traditionnelle de la ruralité. Comment le tissu rural peut-il devenir source de richesse pour la République ? La question à enjeu politique en devient presque philosophique.

Le rapport de la mission « nouvelles ruralités »Les élus de quatre départements du centre de la France (Allier, Nièvre, Cher et Creuse) ont ainsi ressenti le besoin en 2009-2010 de se rapprocher et de coopérer sur la question des nouvelles ruralités. Leur intérêt manifeste pour une nouvelle forme de ruralité les a amenés à prendre en charge une mission d’étude sur le sujet. Publié en décembre 2013, leur rapport1

fait état de 25 propositions en faveur d’une nouvelle ruralité touchant à des domaines divers comme la géographie des territoires, les ressources humaines ou encore

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1- Rapport de la mission « nouvelles ruralités » de l’ADF intitulé Campagnes, le grand pari (décembre 2013)

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… à un projet de ville en cohérence avec le territoireLa nouvelle équipe municipale a donc élaboré un projet de ville basée sur le développement économique en lien avec les atouts patrimoniaux et environnementaux de la commune. L’un des objectifs affiché est de rendre la ville attractive pour des entreprises du tertiaire et du numérique en passant d’un mode de développement centré sur la ville à un développement plus en cohérence avec le territoire. Pour cela, « il faut construire un projet de territoire vaste, en synergie avec les autres communes de la communauté de communes afin d’aboutir à un projet de territoire cohérent et harmonieux », explique Isabelle Touzard, maire de Murviel-lès-Montpellier et vice-présidente de la communauté d’agglomération de Montpellier. L’une des pistes du projet de ville consiste à utiliser l’espace d’une cave coopérative de 3 000 m2 pour y développer un concept plurifonctionnel (musée, lieu d’accueil touristique et espace de bureaux). Un obstacle reste encore à lever, celui de la fracture du numérique : certaines petites communes ne disposent pas encore de connexion haut débit.

tants, un fort taux de croissance démographique, de bonnes ressources agricoles (vignes, garrigues) et patri-moniale (site archéologique), un certain dynamisme qu’apportent la jeunesse et la mixité sociale de ses habitants. La commune étant située à une dizaine de kilomètres de Montpellier, à proximité des axes routiers (A75), la plupart des Murvielois travaillent à Montpellier et font donc l’aller-retour quotidiennement. Murviel-lès-Montpellier est donc une ville métropolitaine avec de forts traits ruraux, nécessaires à prendre en compte dans le développement d’un projet de ville en cohérence avec le territoire.

D’un projet de ville déconnecté de la vision globale de la commune…Pourtant, la précédente municipalité projetait de construire une Zone d’aménagement concerté (ZAC), qui prévoyait la construction de plus de 500 logements. Ce projet était complètement déconnecté d’une vision globale de la commune, et reposait sur l’hypothèse que le seul avenir de la commune était de devenir un village dortoir. Derrière ce projet, de nombreuses mesures de décentralisation des commerces étaient également envisagées, ce qui aurait entraîné une perte de lien social au sein de la ville. Des mouvements associatifs se sont donc élevés contre ce projet, rappelant qu’une autre forme de développement était possible.

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EXTRAIT DU DÉBAT

T E R R I T O I R E S : T O U S D I F F É R E N T S , T O U S S O L I D A I R E S

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Sur l’ingénierie territoriale :

“L’État a tout son rôle à jouer dans l’accom-pagnement financier des territoires ruraux pour qu’il accède à une ingénierie publique suffisamment structurée” (Patrick Berger)

Sur le vivre ensemble

“Pour vivre heureux, vivons cachés ! Cette stratégie ne peut pas tenir longtemps : on doit rentrer en synergie avec les autres communes pour aboutir à un projet de territoire cohérent.” (Isabelle Touzard)

- Augmentation croissante des projets d’ingénierie territoriale du fait de la réforme ;

- Trois piliers fondamentaux : juridique, technique et financier ;- Nécessité de différentes expertises pour aboutir à des projets

de qualité ;- Nécessité d’un rapport de confiance entre les services de

l’État et ceux des communes pour éviter les doublons et les contrôles exacerbés ;

- Importance de la solidarité, notamment au niveau du financement des projets d’ingénierie ;

- Nécessité de mettre en place une gouvernance partagée entre tous les acteurs ;

- Importance du rapport au temps pour la mise en place de projets cohérents ;

- Émergence d’un quatrième pilier : l’ingénierie sociétale, pour renouveler le lien au citoyen.

L’INGÉNIERIE TERRITORIALE EN QUELQUES MOTS CLÉS

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DÉCIDER. COMMENT ?

EN MODE LABO

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Prendre des décisions, on le fait tous les jours. Oui, mais comment ? En se basant sur quoi ? En faisant appel à qui ? C’est sur ces questions qu’une centaine de participants aux ETS 2014 ont planché ensemble, le temps d’une session atypique placée sous le signe de l’intelligence collective.

RÉFLEXION EN TROIS ROUNDSLes discussions sont donc encadrées par la méthode du World Café, « même s’il n’y a pas de café » s’amuse Stéphane Péron, directeur santé, sécurité et bien-être au travail à Brest métropole, également membre de l’équipe d’organisation. Concrètement, pendant un premier round, les participants sont invités à discuter librement autour de la question suivante : comment décidez-vous au quotidien ? Dès que le top départ est donné, les discussions vont bon train. Au bout de 20 minutes, les échanges sont interrompus et les participants changent de table à l’exception d’une personne par groupe qui garde la mémoire des échanges passés et s’en fait le rapporteur auprès des nouveaux membres qui le rejoignent. Une fois que chacun a trouvé une nouvelle place, c’est parti pour un deuxième round de réflexion, cette fois-ci guidé par la question « qu’est-ce qui rend une discussion difficile à prendre ? ». Une nouvelle fois, les participants ont beau ne pas se connaître, la mayonnaise prend : sur les grandes feuilles installées sur chaque table, on annote, on griffonne, on dessine.

Après avoir conquis les foules en 2013, la configuration « En mode labo » est revenue en force en 2014. Pour cette édition, ce n’est pas un mais trois ateliers du genre qui ont été programmés. Le premier organisé sur le thème « Décider. Comment ? » fait le plein de participants, avec en tout 120 personnes réparties par groupes de cinq autour de tables rondes. Du côté des organisateurs, les visages se détendent à mesure que la salle se remplit. « On ne savait pas trop à quoi s’attendre » confie Cécile Colomby-Manhes, coach auprès du directeur général des services de la Ville de Grenoble. Une fois tout ce petit monde bien installé, c’est parti pour une bonne heure de partage d’expériences autour de la prise de décision. L’objectif : produire de l’intelligence collective et laisser émerger les idées. Pas question cependant de se laisser aller à discuter n’importe comment, car « pour faire émerger la spontanéité, il faut des process et un cadre » explique Cécile Colomby-Manhes.

D É C I D E R . C O M M E N T ?

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- On commence et on termine à l’heure- Une conversation à la fois- On respecte celui qui parle- L’opinion de chacun compte

LES RÈGLES À RESPECTER

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ConfigurationLes participants sont répartis en groupes de cinq à six personnes maxi-mum, autour d’une table recouverte d’une nappe en papier, sur laquelle chacun peut noter ou dessiner ses idées pendant les échanges. Le tout se déroule dans une atmosphère convi-viale et informelle.

DéroulementChaque groupe discute du thème choisi pendant une vingtaine de minutes. Ensuite, chaque participant change de table (l’idéal étant de ne se retrouver qu’avec des nouvelles personnes), à l’exception d’un membre par groupe qui sert d’hôte de table pour accueillir les nouveaux membres et leur résumer les idées principales de la conversation précédente. L’opération est renouvelée trois ou quatre fois selon le temps disponible. La session se termine par une mise en commun des découvertes.

WORLD CAFÉ : ON RÉCAPITULE

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liberté, se donner le temps, être soutenu et légitimé, ne pas porter seul le poids de la décision, etc.

DÉBRIEFING DE SENSATIONSOn enchaîne ensuite sur le sentiment des participants à l’issue de cet atelier inhabituel. « Qu’avez-vous ressenti au cours de cette session ? » demande cette fois Cécile Colomby-Manhes. L’une se dit rassurée : « Tout le monde a les mêmes problématiques » constate-t-elle. Un autre retient l’effet icebreaker de la méthode du World Café. Pour un autre encore, le constat est sans appel : « Il faut que j’apprenne à décider ». D’autres se contentent d’un mot fort : créativité, spontanéité, bienveillance, mais aussi plaisir, qualité ou encore partage. Tous, en tout cas, ont apprécié ce temps d’échanges qui permet de renouer avec la vocation originelle des ETS : partager des expériences entre cadres de la fonction publique territoriale.

Preuve que les esprits bouillonnent, certaines tables ont même besoin d’être ravitaillées en papier. Le temps passe et la cloche sonne de nouveau : c’est de nouveau les chaises musicales (heureusement, sans retirer de chaises) et un troisième et dernier temps de réflexion est lancé, avec comme base d’échanges une nouvelle question : comment aimeriez-vous décider autrement ?

ZAPPING D’IDÉESAvant que chacun ne reparte de son côté, cet atelier « En mode labo » se termine par un temps de restitution en commun, sous la forme d’un zapping d’idées, histoire de rester dans la spontanéité. « Donnez-nous, si vous le souhaitez, un mot clé issu des échanges auxquels vous avez participé » propose Cécile Colomby-Manhes. Les mains se lèvent et tour à tour, des mots ou des expressions sont lancés : droit à l’erreur, accepter l’incertitude, changer de focus, se libérer des décisions futiles,

D É C I D E R . C O M M E N T ?

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N’hésitez pas à vous rapprocher des délégations régionales du CNFPT, qui sauront vous accompagner et vous proposer des outils méthodologiques.

ENVIE DE TESTER CHEZ VOUS LA PRODUCTION D’INTELLIGENCE COLLECTIVE ?

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LA RÉPUBLIQUE BOBO

LE LIVRE DES TERRITORIAUX

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Télérama sous le bras, panier AMAP1 à la main ou lunettes écailles sur le nez, le bobo a investi les quartiers populaires des centres-villes depuis les années 1980 et est au cœur des questions de gentrification2 et de mixité sociale. L’arrivée des bobos est-elle positive pour un quartier et la communauté humaine qui l’occupe, ou source d’aggravation des inégalités sociales ? Quelle analyse les collectivités territoriales peuvent-elles faire de ce phénomène ? Comment l’intégrer dans leur politique de la ville ? Ce sont les questions auxquels trois intervenants ont tenté de répondre autour du livre des territoriaux 2014, La république bobo, de Thomas Legrand et Laure Watrin.

du marché, comme d’un fonctionnaire de la fonction publique territoriale aux revenus corrects et réguliers. Ce sont des personnes aux intérêts différents mais aux valeurs et aux goûts communs. Plutôt que « bobo », Anaïs Collet, maître de conférences en sociologie et membre du laboratoire SAGE3 à l’université de Strasbourg, préfère utiliser celui de gentrifieur. Car c’est bien du phénomène de gentrification dont il est véritablement question. Pour Thomas Legrand, journaliste politique à France Inter, les bobos favorisent la mixité sociale et ethnique des quartiers dans lesquels ils s’implantent ; on parle alors de « bobos mixeurs ». Les premières villes autour de Paris, par exemple, retrouvent une forme de mixité et un équilibre parfois exemplaires. « Dans ces quartiers, les niveaux scolaires se maintiennent, la violence n’est pas insurmontable et l’équilibre se crée », constate Thomas Legrand. Pour lui, « la boboisation d’un quartier est négative lorsqu’elle est gentrification, lorsqu’elle s’apparente à de la vitrification sociale » ; on parle alors de « bobos gentrifieurs ».

LE GENTRIFIEUR MILITANTMême si leur première motivation à venir s’installer dans un quartier populaire est d’ordre financière, les bobos assument pleinement ce choix. Ils s’approprient les lieux, puis en font la promotion dans leur entourage. « C’est un travail symbolique

BOBO GENTRIFIEUR OU BOBO MIXEUR ? Dans leur ouvrage, Thomas Legrand et Laure Watrin ont décrit le bobo comme « une personne dont le capital culturel (élevé) a plus de poids que le capital économique (variable) pour déterminer son lieu de vie, et les valeurs qu’il considère comme positives ou négatives ». Mais le terme bobo recouvre une réalité très diverse et aux contours flous. Il peut s’agir, par exemple, d’un graphiste freelance indépendant, très confronté aux fluctuations

L A R É P U B L I Q U E B O B O

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1 - Association pour le maintien d’une agriculture paysanne2 - De l’anglais gentry qui signifie « petite noblesse », la gentrification désigne le phénomène par lequel des ménages

de classe moyenne à supérieure s’implantent et s’approprient un quartier occupé par des habitants moins favorisés ; l’arrivée des ménages aisés entraîne une hausse des prix, notamment immobiliers, et le déplacement de la population originale du quartier

3 - Sociétés, acteurs et gouvernements en Europe

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qui a des effets réels en termes de représentation et donc sur les prix et les loyers pratiqués dans ces quartiers », explique Anaïs Collet. Les bobos améliorent leur logement, se mobilisent dans les écoles, s’investissent pour la défense du cadre de vie, etc. Pour la sociologue, « même le gentrifieur militant qui souhaite contribuer à la mixité et à l’égalité sociale, par sa manière de militer et par les objectifs qu’il défend, ne sert pas toujours la cause pour laquelle il se mobilise ». Par exemple, même lorsqu’ils luttent contre l’évitement scolaire, ils font valoir à tout moment leurs représentations de ce qu’est l’éducation, l’école, la pédagogie, etc. « Ce n’est pas une mauvaise intention, mais en étant ce qu’ils sont, ils véhiculent leur manière de voir le monde », explique Anaïs Collet. Or les gentrifieurs, très mobilisés dans la vie publique, ne doivent pas occulter la parole des habitants moins aisés très éloignés de la vie des collectivités.

Quelles raisons poussent les bobos vers certains quartiers populaires ? Anaïs Collet a travaillé sur le cas du quartier de la Croix-Rousse à Lyon et du Bas-Montreuil. À la Croix-Rousse, elle a rencontré des jeunes très diplômés et des couples sans enfant venus réaliser un achat immobilier dans la perspective d’une plus-value qui leur permettra ensuite d’acheter plus grand. Dans le Bas-Montreuil, ce sont plutôt des familles, en difficulté sur le marché locatif parisien en raison de leur statut de travailleur indépendant ou intermittent, qui souhaitent stabiliser leur situation résidentielle. « Ni les uns ni les autres ont dit être allés dans ces quartiers par goût de la mixité et par envie de côtoyer des populations différentes », explique Anaïs Collet.

POURQUOI CES QUARTIERS ?

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FAUT-IL BOBOISER LES QUARTIERS POPULAIRES ? Considérant l’effet positif que la boboisation peut avoir sur un quartier, on peut logiquement se demander si elle pourrait faire une bonne politique publique. En réalité, la mixité sociale n’est que temporaire dans la gentrification. La composition de la population évolue très rapidement, de même que les prix pratiqués dans le quartier. « Les gentrifieurs que j’ai rencontrés en 2000 et que j’ai revus en 2010 disent être les pauvres de leur quartier maintenant », raconte Anaïs Collet. Pour Loïc Graber, adjoint au maire de Lyon, « l’objectif politique, c’est de favoriser la mixité et de permettre le vivre ensemble ». Au-delà de l’objectif de maintien d’une part de logements sociaux importants pour favoriser la mixité, toute la difficulté pour les élus est de permettre le dialogue entre les différentes catégories de population. « Le vivre ensemble passe par un soutien très fort aux acteurs du lien social et notamment au secteur associatif », explique Loïc Graber, s’appuyant sur l’exemple du quartier de la Guillotière. Dans ce dernier, ce lien repose sur un foyer d’accueil aux sans-abri, des associations, etc. mais aussi des lieux de dialogue et d’écoute. Finalement, à la question de savoir si les bobos sont des agents bonifieurs ou aggravants de la situation des quartiers populaires, on ne peut que répondre que cela dépend des villes, de la façon dont elles sont gérées, des acteurs de la fonction publique.

L A R É P U B L I Q U E B O B O

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POURQUOI CES QUARTIERS ?

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ADMINISTRATION MON AMOURGROUPE CAISSE DES DÉPÔTS

Nadia Obkani, doctorante en sciences politiques au centre Émile-Durkheim, Sciences Po Bordeaux

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Un RSA boudé, des crédits d’impôt dont on se méfie, des centres d’héberge-ment temporaires pour personnes âgées sous-utilisés… ou quand les citoyens qui en appellent à un haut niveau de service public n’ont pas recours aux politiques conçues pour leur faciliter la vie. Devant ce dilemme, les outils visant à améliorer la pertinence de l’action publique se diversifient : recherche, design, crash-test ou prototypage.

PREMIER OUTIL : L’EMPATHIEAppliquant les lois du design et de l’ergonomie aux politiques publiques, l’agence Talking things a feuilleté jusqu’aux classeurs des allocataires du RSA activité : « Ces usagers sont interlocuteurs de quatre institutions qui ne se parlent pas entre elles (Pôle emploi, département, caisse d’allocations familiales, association) : leur demander d’ouvrir leur classeur, c’est apprendre à quel point les institutions sont en décalage avec leurs administrés », témoigne Xavier Figuerola, fondateur de Talking things. Face à cette opacité vécue également du côté des travailleurs sociaux, les designers avancent plusieurs idées, dont l’élaboration d’un journal relayant la teneur des réunions d’allocataires. « Une telle initiative convie administrés et agents à la fabrique d’une politique publique jusqu’ici tellement administrative qu’elle en omet les questions quotidiennes, pourtant stratégiques pour les usagers », synthétise Xavier Figuerola.Outil des designers comme des anthropologues, l’empathie s’avère précieuse à l’analyse de la politique mise en place comme à sa conception. « Pour comprendre les échecs successifs des plans numériques à l’école, nous, anthropologues, avons déplacé notre regard des outils et des élèves – objets de l’attention de tous ces plans –, jusqu’aux enseignants, relate Fabien Gélédan, chercheur au Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP). Ainsi, nous avons pu noter combien le numérique remettait en question l’identité du

Une personne sur deux ne touche pas le Revenu de solidarité active (RSA) auquel elle a pourtant droit (RSA socle ou RSA activité) ; pour le RSA activité, le taux monte à 68 %. Complexité du dispositif, mauvaise adéquation avec le public, crainte des démarches administratives ou de la stigmatisation sociale : nombreuses sont les raisons expliquant ce non-recours. « Prenons le cas d’une personne allocataire du RSA qui repartirait pour quatre mois d’activité en contrat à durée déterminée. Suivant les textes, elle sera radiée du dispositif RSA le premier jour du cinquième mois de son activité. Elle devra alors reconstituer tout son dossier pour percevoir une allocation justement créée pour faire face aux fluctuations de l’emploi... », précise Nadia Obkani, doctorante en sciences politiques au centre Émile-Durkheim (Sciences Po Bordeaux).

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(selon le mot de Pierre Bourdieu), le grand défi des politiques publiques consisterait à redonner confiance aux usagers et du sens au travail des agents. « Dans les conseils régionaux, certains agents du service “Lycée” n’ont jamais remis les pieds dans un établissement secondaire depuis leur propre scolarité... », regrette un participant. Aux méthodes top-down doit se substituer la co-conception, et aux grands projets, des cadres plus adaptables, en adéquation avec les besoins des administrés. Comme les tests in situ de nouveaux services initiés par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et le SGMAP au sein des Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail de Venissieux ou d’Annecy ? À suivre...

professeur, passeur de savoirs, en plus de ne pas prendre en compte ses contraintes matérielles (allumer un tableau numérique interactif prend en cours dix (précieuses) minutes...). ».

DE LA GRANDE RÉFORME... AU PROTOTYPAGE CO-CONÇUCela dit, les acteurs territoriaux sont-ils prêts à analyser la pertinence de leurs politiques publiques ? « Les prestations sociales forment un dispositif tangible parce que seulement 10 % des usagers viennent les demander », estime un participant. Certaines collectivités se sont pourtant lancées dans l’évaluation de leurs actions, comme la Ville de Nantes qui communique autour des résultats des études qu’elle conduit ; ou de la Région Pays de la Loire, conceptrice du crash-test des politiques régionales visant à évaluer les processus internes à la Région. De manière générale, les collectivités sont invitées à adopter une approche plus expérimentale de la politique publique. « Plutôt que de se lancer dans un projet très figé, pourquoi ne pas construire des cadres plus souples, adaptables, rapides à mettre en œuvre et qui se consolideraient au fil du temps, en somme des prototypes ? », propose Xavier Figuerola.Face à des entreprises qui n’accèdent pas aux crédits d’impôts auquel elles auraient droit de peur d’être contrôlées, devant un État dont on craint que « la main droite ne reprenne ce que la gauche a prodigué »

« L’innovation publique » un oxymore ? que nenni ! Plus qu’une discipline, un programme ou un nouveau paradigme qui se voit consacrer un lieu dédié, Superpublic. Créé à l’initiative de l’association La 27e Région, cet espace de coworking a été inauguré à Paris le 12 novembre 2014 en présence de Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique.

COWORKING POUR L’INNOVATION PUBLIQUE

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Avec le dispositif CIFRE (Convention industrielle de formation par la recherche), les entreprises et les administrations bénéficient d’une aide étatique pour accueillir un doctorant et le placer au cœur d’une collaboration de recherche débouchant sur la soutenance d’une thèse. La collectivité assure au chercheur un salaire minimum pendant trois ans en contrepartie du versement d’une subvention annuelle de 14 000 euros.En 2012, les collectivités territoriales et les associations d’action sociale représentaient 4 % des organismes ayant eu recours aux CIFRE.

L’ADMINISTRATION : LABORATOIRE DE RECHERCHE ?

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LES DESSINS D’AUREL

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Philosophe de l’action, Bernard Stiegler mène une vie professionnelle en lien avec sa philosophie : fondateur de l’association Ars Industrialis, développeur de l’application « polemic tweet », membre du Conseil national du numérique (CNN), directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) du Centre Pompidou, contributeur régulier pour Wikipedia ou encore professeur de philosophie à l’université de Compiègne, il ne manque pas d’activités. Petit retour sur son intervention éclair aux ETS 2014.

n’est aujourd’hui plus du tout d’actualité. La présentation ainsi lancée, attachez vos ceintures !

LA SITUATION EST GRAVELe monde tel qu’on le connaît aujourd’hui n’existait pas il y a dix ans. Le numérique a remis en cause la puissance de la souveraineté nationale, culturelle, finan-cière et administrative de nos pays selon Bernard Stiegler. Dans ce contexte, de nombreuses personnes ont fait et font encore de la dénégation quant à la radi-calité de la nouveauté. Le système actuel n’est cependant plus solvable. La hausse de la robotisation conduit à la perte d’emplois, notamment pour les jeunes, mais également à une hausse de la production alors que la demande, elle, baisse. « Il faut totalement repenser l’économie et agir vite car la planète est condamnée à une échéance très courte et la société ne marche plus », prévient le philosophe.

DE L’APOGÉE DE L’ÈRE DU NUMÉRIQUE…La montée de la robotisation est une menace grandissante pour l’emploi. Dans le même temps, l’on voit se développer les smart cities, un concept visant à repenser la ville, au sein duquel les fonctionnaires territoriaux perdent, aux yeux de Bernard Stiegler, de leur utilité. C’est donc une

PRENDRE LE CONTRE-PIED DU PROGRAMME« Demain, l’action publique : clarifier, adapter, innover », tel est l’intitulé du programme des ETS 2014. En bon philosophe, Bernard Stiegler l’a pris à contre-pied. Au-delà de l’action publique, qu’il juge nécessaire mais plus discréditée que jamais à l’heure actuelle, il en appelle à la nécessité d’une nouvelle puissance publique. Au lieu de s’adapter à une situation qu’il juge inacceptable, il préconise d’adopter la situation. Ainsi, c’est notre capacité d’invention et non d’innovation qui est mise à profit selon lui. Enfin innover ? « pourquoi pas », dit-il. Mais cela suppose à son sens de repenser de part en part l’innovation, dont le modèle

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Stiegler : Small is beautiful, ou comment commencer par faire des choses à l’échelle territoriale avant d’élargir le processus.

TERRITOIRES POWERTout n’est pas noir, rassurez-vous ! Afin de parvenir à gérer cette évolution du numérique et en faire un atout pour nos territoires, Bernard Stiegler préconise de développer encore plus le modèle contributif. Pour cela, il nous faut

industrie du numérique qui émerge et se développe, quand, en parallèle, la technologie de la mobilité explose. Tout territoire est aujourd’hui numérique et repose sur un modèle satellitaire global qui permet de tracer tout ce qui s’y passe grâce à des voies variées. L’ensemble des données collectées est ensuite exploité par des technologies de big data. « Ces processus vont très vite et nous privent d’une certaine part d’autonomie », explique Bernard Stiegler, pour qui l’apogée de l’ère du numérique a des limites.

…VERS DES PROCESSUS DE RETERRITORIALISATIONEn même temps que le développement du numérique, des processus oppo-sés émergent, de l’ordre de la reterritorialisation. Le développement de circuits courts, notamment dans le domaine de l’alimentation mais pas que, est une tendance que l’on observe de plus en plus ces dernières années. « Dans le contexte du numérique, le territoire redevient une notion fondamentale », indique Bernard Stiegler. Les territoires doivent ainsi se mettre à travailler, exemplifier, inventer, réclamer et utiliser leur droit à l’expérimentation sous peine d’être discrédités. Le numérique requiert par ailleurs une réinvention totale de la citoyenneté et de nouvelles organisations sociales et institutionnelles qui y correspondent. La devise de Bernard

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passer à une nouvelle conception du droit qui passerait par l’obligation pour les territoires de faire, d’expérimenter, d’inventer et de s’approprier les process du numérique. Bernard Stiegler croit que « c’est au territoire de décider comment il va vivre, et ce de manière démocratique ». Les territoires doivent développer des expérimentations, les faire valoriser et les partager avec le plus grand nombre dans le cadre de zones d’expérimentations autorisées.

COMME DES INSECTESUne fourmilièreLe numérique a également conduit à l’émergence des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, etc.) dont les modèles sont très comparables à ce que l’on peut trouver chez les insectes, comme les fourmis. Pour Bernard Stiegler « lorsque l’on tweet, on envoie une phéromone numérique, comme une fourmi dépose une phéromone afin d’optimiser le circuit au sein de la fourmilière ». Le système de traçabilité d’une fourmilière et des réseaux sociaux comme Twitter est ainsi sensiblement parallèle. Aux yeux du philosophe, nos sociétés pourraient donc devenir des fourmilières numériques. Vous en voulez encore ?

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Une rucheMais les fourmis ne sont pas les seules à produire des phéromones. Les abeilles en produisent également. Cependant, à la différence des fourmis, les abeilles les utilisent pour polliniser la planète. Bernard Stiegler est plus sensible à ce modèle : « l’avenir c’est l’économie de la pollinisation et cela passe par la pollinisation des esprits », indique-t-il. Dans la société contributive d’aujourd’hui, beaucoup de personnes produisent de la valeur. Wikipedia par exemple ne dispose que de 50 employés mais de centaines de milliers de contributeurs bénévoles, ou polli-nisateurs. Or, pour Bernard Stiegler, dès que l’on veut monétiser cette pollinisation, elle disparaît. À méditer.

Si vous avez des questions, passez à l’action !

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USAGERS-AGENTS : QUESTION DE TEMPOEDENRED

Patricia Vendramin, codirectrice du centre de recherche de la fondation travail-université de Namur

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La question du temps de travail est un thème plus que jamais d’actualité. Relèvement de l’âge de départ à la retraite, travail du dimanche, révolution numérique, de nombreux faits tendent à l’accroissement de la période de travail. Dans le même temps, la France apparaît comme étant le mauvais élève de l’Europe en matière de temps de travail (39,8 heures dans l’hexagone contre 42,7 au Royaume-Uni) et d’absentéisme. Mais qu’en est-il dans les collectivités territoriales ? Comment la gestion du travail est-elle abordée par les managers territoriaux et à quels défis se retrouvent-ils confrontés ?

rappelle Patricia Vendramin, codirectrice du centre de recherche de la fondation travail-université, et professeur invitée à l’université de Louvain-la-Neuve.

Un système paradoxalAuparavant, notre perception du travail était cantonnée aux horaires ou plages de travail. Aujourd’hui, on considère le temps de travail d’un côté et le temps personnel de l’autre : on prend de la distance par rapport à la place du travail dans notre vie. La nouvelle génération notamment ne considère plus le travail comme une fin en soi mais comme un moyen de vivre en préservant sa vie personnelle. Les outils numériques modifient la donne. Les cadres ont vu leur charge de travail s’intensifier de manière inquiétante tout en reconnaissant qu’ils bénéficient d’une plus grande liberté dans l’organisation de leur temps de travail. Le dernier baromètre Edenred/Ipsos confirme la vision plutôt positive des individus quant aux nouveaux outils numériques.

DES POINTS DE DISCUSSION…Le rapport au tempsLes élus sont dans une temporalité d’immédiateté et de réactivité extrêmement forte alors que l’administration, elle, est dans le possible et donc dans une temporalité plus longue. Les usagers quant à eux sont plus exigeants notamment en termes de temps de réponse. Par ailleurs, les grandes enquêtes européennes montrent que les

LA PERCEPTION DU TRAVAIL AUJOURD’HUIÀ la recherche de compromisCes dernières années, la perception du travail a largement évolué. D’abord, la recherche du fameux équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle a contribué à l’essor de la question de la dé-standardisation des temps de travail. Ensuite, la féminisation du monde du travail et avec elle, l’émergence de nouveaux modèles familiaux et de la mobilité ont également bouleversé la relation des individus au travail. Enfin, « les agents nourrissent aujourd’hui de grandes attentes dans leur travail et peuvent tomber dans un véritable mal-être au travail si celles-ci ne sont pas prises en compte »,

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en compte le décalage qui existe entre les cours et la pratique. Pas facile d’être un manager aujourd’hui !

… ET DES SOLUTIONS

Des nouveaux modèles horairesTravail le dimanche ou le samedi, ouverture décalée, de nouveaux modèles horaires peuvent être envisagés. Mais changer les heures de travail revient à bousculer des équilibres de vie des agents. Il faudra ainsi veiller à donner du sens au changement afin qu’il soit le mieux perçu possible.

cadres sont les personnels les plus touchés par le manque de temps. À cela s’ajoutent souvent les inévitables « imprévus » qui grignotent le temps de travail. L’urgence devient une caractéristique majeure des environnements de travail.

Le management intermédiaireComme tout problème, le mécontentement des agents sur les questions de temps de travail, remonte aux managers intermédiaires qui doivent essayer d’y répondre… rapidement ! Mais voilà, eux non plus ne sont pas forcément bien équipés pour faire face aux questions d’optimisation de l’organisation du travail. D’où la nécessité de les former, tout en prenant

La masse salariale représentant près de 70 % de la dépense d’un établissement hospitalier, la question de la gestion du temps se pose donc de manière prégnante. Tous les établissements sont mobilisés sur la nécessité de recentrer le travail sur les usagers. Des réflexions sont en cours pour optimiser les ressources et dégager du temps. « Il faut être réaliste, les moyens n’augmenteront pas, et donc s’interroger sur notre propre organisation. Chaque unité doit trouver meilleure organisation pour le patient. La FHF propose notamment de renégocier le temps de travail en réduisant le nombre de jours de RTT à 15 par an », indique Nadine Barbier, adjointe au délégué général, responsable du pôle ressources humaines, Fédération Hospitalière de France (FHF).

ET DANS LE MILIEU HOSPITALIER, ÇA SE PASSE COMMENT ?

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L’individualisation du temps de travail Dans un souci constant d’amélioration des conditions de travail, aller vers plus d’individualisation du travail, tout en l’inscrivant dans une dynamique cohérente avec les besoins du service et des usagers, peut être une solution. Comme le rappelle Michel Namura, directeur général des services (DGS) de la Ville de Montreuil « on doit concilier l’individuel et le collectif pour réussir ensemble ».

La place de l’usagerLa démocratie locale implique une part d’expression directe de l’usager. Il faut travailler au meilleur équilibre entre le temps d’ouverture et le temps de travail des agents. Placer l’usager au cœur de l’organisation du travail est donc nécessaire mais nécessite un cadre respectueux des contraintes et des moyens, plus que jamais resserrés, de l’administration.

Le besoin de souplessePour faire face aux défis de l’administration, il faut de la plasticité et donc que l’organisation soit évolutive et adaptable. Les agents ont en même temps besoin de repères visibles. Concilier plasticité et le besoin de concret des personnels est l’un des principaux enjeux du management intermédiaire, à condition toutefois qu’ils disposent des marges de manœuvre nécessaires.

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Les nouvelles technologiesE-santé, smart cities, état civil via smartphone, l’émergence de services numériques peut être vue comme une aubaine. Il faudra néanmoins veiller à respecter une relation qui doit rester humaine avec les agents et le public.

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LA RÉFORME DANS TOUS SES ÉTATS

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La réforme territoriale en France : une affaire « intérieure » ? Bigre ! Il n’est pas un État d’Europe de l’Ouest qui n’ait procédé ces cinq dernières années à des modifications de ses collectivités territoriales. Partout l’équation est la même : limiter la fragmentation institutionnelle pour améliorer l’efficacité de l’action publique, réduire les dépenses publiques et s’inscrire dans la compétition mondiale sans en sacrifier la démocratie. Bref tour d’horizon des cahots et succès européens.

« une réforme qui donnait peu la parole aux élus des provinces, le dernier mot revenant aux parlementaires. » Depuis, le ministère de l’Intérieur néerlandais opte pour un renforcement des coopérations multiniveaux et un regroupement territorial plus progressif. « Nous lorgnons sur l’exemple du Danemark, qui, en 2007, a laissé aux collectivités deux ans pour formuler leurs propositions de fusion, à condition qu’elles s’inscrivent dans le cadre donné », précise Sabine de Kroon.

UNE « EUROPE DES RÉGIONS », COMING SOONObservée aux Pays-Bas, la volonté d’agrandir les périmètres de gouvernance territoriale est une constante au sein des États de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)1. À chaque fois, elle vise à adapter les administrations aux mutations démographiques, à améliorer la qualité des services publics et à réduire les dépenses. « Fusion des communes, agrandissement ou renforcement des régions et cantonnement des entités intermédiaires à un rôle strictement administratif ou de soutien aux petites communes : en Europe, ces réformes touchent tous les échelons territoriaux », synthétise Isabelle Chatry, membre de la direction Gouvernance publique et développement territorial de l’OCDE.L’expression « L’Europe des régions » se vérifie donc de plus en plus, à condition

La réforme territoriale prévue par le gouvernement néerlandais (au pouvoir depuis 2012) comportait trois volets : approfondissement de la décentralisation des affaires sociales, abolition des entités métropolitaines à caractère obligatoire et fusion de provinces autour d’Amsterdam (première étape vers le passage de douze à cinq provinces dans l’ensemble du pays). Face aux pressions locales, le gouvernement a finalement retiré son projet de fusion durant l’été 2014. Pour expliquer cet échec, Sabine de Kroon, conseillère au ministère de l’Intérieur des Pays-Bas, évoque des identités régionales qui ne se reconnaissaient pas dans les périmètres tracés ou se montraient déçues que les délégations de compétences ne s’accompagnent guère de transferts budgétaires. En somme,

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62 / 631 - Exception faite États-Unis où se créent encore des communes dans les régions les moins densément peuplées

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est omise. Le renforcement des pouvoirs locaux peut parfois plutôt figurer parmi les revendications d’élus que dans les désidératas des administrés. De fait, en Italie, où le nombre d’élus locaux vient d’être réduit (et les indemnités sénatoriales supprimées), « la réforme en cours répondait à la pression d’un électorat qui n’acceptait plus le gaspillage de l’argent public », témoigne Guiseppe Bettoni.Cependant, « l’efficacité de l’action publique, n’entre-t-elle pas en contradiction avec l’exigence démocratique, alors affaiblie par ces réformes ?» se demande un participant. En Italie toujours, tandis que les élus provinciaux disparaissent, les représentants de la ville métropolitaine ne seront pas désignés au suffrage universel. « Malgré tout, l’OCDE note dans plusieurs pays la volonté de soutenir le système des localités ou des paroisses afin d’assurer des liens de proximité avec les citoyens », remarque Isabelle Chatry.

… ET L’IMPACT SUR LES MANAGERS TERRITORIAUXAlors que le processus de mise en œuvre d’une réforme compte tout autant que son cadre, les acteurs chargés de l’appliquer – les managers territoriaux – en sont les premiers touchés. Ainsi, dans les communes italiennes de moins de 5 000 habitants, des responsables de services contractuels travaillant pour plusieurs collectivités remplaceront les

qu’elle prenne acte de la variété de ces « régions », dont les budgets comptent pour 1,3 % du Produit intérieur brut (PIB) en France, 6,6 % en Suède, 11 % en Italie et plus de 18 % en Espagne. Pour autant, leur renforcement vis-à-vis des États n’est pas un processus inexorable. Ainsi, en Italie, l’actuelle réforme corrige les effets de celle de 2001 – laquelle avait conféré un grand pouvoir aux régions – « en tendant vers une gouvernance multiniveau ordonnée grâce à la suppression des compétences partagées entre l’État et les régions », résume Guiseppe Bettoni, professeur à l’université de Rome. Datant du 4 avril 2014, la loi Delrio abolit également les élections provinciales et prévoit la création de villes métropolitaines (ce, 24 ans après la réforme sur la création des métropoles, restée sans suite).

PRENDRE EN COMPTE LE CITOYEN...Qu’elles aient abouti ou non, ces réformes ne donnent pas d’indication sur le niveau de gouvernance le plus adéquat. « Le territoire pertinent dépend des compétences à exercer, des caractéristiques géo-graphiques d’un espace et de l’identité locale », estime Isabelle Chatry. L’identité locale ? Une notion difficile à définir, si ce n’est par « la capacité des acteurs à faire émerger et porter des projets » comme le suggère une participante. Une notion qui semble surtout importer lorsqu’elle

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traditionnels directeurs généraux des services. « Les fonctionnaires cadres sont tenus à une plus grande mobilité », ajoute Guiseppe Bettoni.En réalité, bien au-delà de la fonction publique, « ces réformes dites “terri- toriales“ ont un impact structurel sur l’ensemble de la vie publique », note Isabelle Chatry. D’où le conseil de la représentante des Pays-Bas à la France : « Investissez dans le dialogue, prévoyez un cadre clair mais non figé et ne croyez pas que l’agrégation des provinces résoudra tous vos problèmes ! »

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141 000 gouvernements infranationaux dans l’OCDE / 90 000 au sein de l’UE2 pays comptent plus de 50 % des gouvernements infranationaux : les États-Unis et la FranceLe secteur public infranational réalise 40 % des dépenses publiquesEn moyenne, une municipalité de l’OCDE compte 9 000 habitants (1 700 habitants en République tchèque, en Slovaquie ou en France / 220 000 habitants en Corée du Sud)On compte 3,7 municipalités pour 100 000 habitants dans l’OCDE (16,5 municipalités pour 100 000 habitants en France)

LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS L’OCDE*

*Chiffres de 2012

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CITOYENS, PRENEZ LA MAIN !

Alexandre Jardin, écrivain et créateur du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre

ADT-INET

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Plus qu’une invitation, c’est un ordre donné aux citoyens à l’heure où leur implication dans la vie publique apparaît comme indispensable à la définition de bonnes politiques. « Citoyens, prenez la main ! », c’est aussi un appel du pied lancé par Jo Spiegel, maire de la Ville de Kingersheim, et Alexandre Jardin, auteur et créateur du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre, aux acteurs de la fonction publique territoriale. Tous deux, fervents défenseurs de la participation citoyenne, ont témoigné du renouveau des démarches de démocratie participative. Témoigner pour convaincre, mais aussi dans l’espoir de trouver, parmi les participants, des forces vives à recruter…

La démocratie participative implique une transformation en commençant par celle du responsable politique : « Grandir en politique, c’est passer du « pouvoir sur » au « pouvoir de ». Le politique doit comprendre que sa vraie mission est de susciter le pouvoir d’agir et d’animer le processus décisionnel, plutôt que prendre des positions et les imposer par des décisions descendantes ». Il faut faire avec les habitants et rompre avec la relation fournisseur-client que l’on voit s’illustrer, entre les maires et les habitants, dans les réunions de quartier par exemple : « Les réunions de quartier sont le déni de la démocratie. C’est la relation infantile entre le maire, considéré comme un magicien, et les habitants considérés comme des consommateurs », s’indigne Jo Spiegel. La démocratie d’élaboration, la Ville de Kingersheim la pratique tous les jours à travers ses États généraux permanents de la démocratie, et, pour chaque projet entrepris, dans le cadre de sa Maison de la citoyenneté (lieu de débat et de décision que Jo Spiegel désigne comme une « fabrique de responsabilité et de solidarité ») ou des conseils participatifs.

… OU L’APPEL DES ZÈBRES « Je ne suis pas venu pour témoigner, mais pour vous demander de travailler avec nous », a lancé Alexandre Jardin aux ac- teurs de la fonction publique venus à sa rencontre. Le ton est donné. Alexandre Jardin mène une double vie depuis 15 ans entre son métier d’auteur et son

APPEL À LA RÉVOLUTIONÀ l’expression démocratie de participation, Jo Spiegel préfère celle de démocratie d’élaboration ou de co-construction. Pour lui, la révolution démocratique est une nécessité absolue et doit passer par quatre chemins : pratiquer la démocratie davantage dans l’intervalle des élections qu’au moment des élections, associer plus encore les citoyens plutôt que de rester entre élus, fertiliser les points de vue différents plutôt que se complaire dans un affrontement stérile, susciter le pouvoir d’agir des citoyens et travailler à la responsabilisation de la société. « La démocratie est un verbe d’action : c’est cheminer ensemble », explique Jo Spiegel.

C I T O Y E N S , P R E N E Z L A M A I N !

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plate-forme Bleu Blanc Zèbre1. Celle-ci rassemble non pas les « dizeux » mais les « faizeux », comme il les appelle, les personnes (entrepreneurs, associations, acteurs de l’économie sociale et solidaire, etc.) qui mettent en place des pratiques contribuant au bien commun. C’est par exemple l’action de l’association Solidarités nouvelles contre le chômage (SNC) qui forme des bénévoles dans toute la France pour qu’ils apportent un soutien personnalisé à des chercheurs d’emploi. Parmi les « faizeux », il y a aussi les maires qui peuvent soit signaler à la plateforme la présence d’un zèbre sur leur territoire, soit devenir zèbres eux-mêmes.

combat de militant associatif auquel il consacre aujourd’hui 80 % de son temps. Sa bataille a débuté en 1999 avec la création du programme Lire et faire lire qui mobilise les plus de 50 ans pour transmettre le plaisir de lire aux enfants d’écoles maternelles et primaires. 400 000 enfants en bénéficient aujourd’hui et ce sont 16 000 bénévoles que l’association « met en ordre de bataille autour de pratiques efficaces pour notre société », explique Alexandre Jardin. Poussé par l’aggravation de la situation française et la crainte de l’arrivée possible de l’extrême droite au pouvoir, il a ensuite créé la

Si la Ville de Kingersheim pratique si bien la démocratie d’élaboration, c’est aussi parce qu’elle a appris par cœur sa leçon de grammaire démocratique. Petit rappel pour tous les acteurs de la fonction publique territoriale :- se mettre à l’écoute des habitants (ce qui n’empêche pas le

responsable politique d’avoir une vision)- informer, former et sensibiliser les habitants ; tout le

monde doit avoir le même niveau de compréhension des enjeux

- débattre, retrouver l’agora- être dans une véritable démarche d’élaboration impliquant

toutes les ressources démocratiques (acteurs publics, habitants, associations, etc.), avec le rôle décisif de la concertation et de la coproduction ; « le conseil participatif est à la phase décisive ce que le conseil municipal est à la phase décisionnelle », a souligné Jo Spiegel.

LEÇON DE GRAMMAIRE DÉMOCRATIQUE

1 - Bleublanczebre.fr

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Car certains maires développent des solutions très originales, mais oublient de partager leurs bonnes pratiques. « Là où vous êtes bons, faites-en profiter la Nation ! », lance Alexandre Jardin… avant de conclure : « Si vous vous sentez zèbre, welcome ». Et c’est peut-être là la plus grande force de ces mouvements tels que celui d’Alexandre Jardin, cet effet d’entraînement qui compte autant que leur action elle-même. À entendre les réactions de la salle, on pourrait presque parler de contagion. « Vous nous donnez envie de faire des grands pas ! », s’est exclamée une participante. Les dirigeants territoriaux qui ont participé à cette rencontre ont trouvé là les bons alliés pour la construction d’une action publique locale rénovée.

C I T O Y E N S , P R E N E Z L A M A I N !

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Les démarches de démocratie participative se heurtent à la difficulté d’impliquer tous les citoyens et, comme l’indique Jo Spiegel, attirent les TLM, c’est-à-dire « toujours les mêmes »… Pour Alexandre Jardin, si l’on veut attirer de nouveaux publics et en particulier les personnes les plus éloignées de la vie politique et publique, il faut proposer de nouvelles formes de participation. Hélène Balazard, chercheur en sciences politiques au CEREMA2, estime qu’il n’existe pas de bonne manière de faire, mais qu’il est important de montrer aux citoyens qu’il est dans leur intérêt de participer à ces démarches et qu’ils y auront un réel pouvoir décisionnel.

COMMENT PERMETTRE À TOUS D’ÊTRE DES « FAIZEURS » ?

2 - Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

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MUTUALISATION 2 EN 1

K’PRATIK

ADCF-ADGCF

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Mars 2015 : voici la date butoir imposée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour adopter leur schéma de mutualisation des services. Pour ne pas perdre le fil face à cet exercice casse-tête, les managers territoriaux estiment devoir se laisser guider par trois phares : le projet de territoire, les agents et la qualité du service.

PROJET DE TERRITOIRE : LE PRÉALABLE INDISPENSABLE À LA MUTUALISATIONDes multiples idées des participants au K’PRATIK « Mutualisation 2 en 1 », ressortent plusieurs injonctions pour « bien » mutualiser : adopter un projet de territoire, associer les agents à l’élaboration du schéma de mutualisation et assurer la proximité du service avec les citoyens.Outil visant à améliorer la qualité du service public, la mutualisation n’a pas de sens en elle-même mais doit découler d’un projet de territoire : cette idée fait consensus dans la salle du K’PRATIK. Dans cette optique, la logique de « projets » prévaut sur la logique des « moyens » à tous les stades de la mutualisation, y compris lors de la réflexion sur le regroupement des services fonctionnels des communes (finances, ressources humaines, communication, etc.).

UNE TÂCHE AUSSI TECHNIQUE QUE PÉDAGOGIQUESi les citoyens sont les grands bénéficiaires de l’optimisation de l’organisation des services publics qui découle de la mutualisation, les agents qui la portent sont impérativement à associer au projet et au schéma de mutualisation. « Afin que la mutualisation fonctionne sur le terrain, l’organisation doit déjà paraître claire aux agents, assure une participante. Pour ce faire, les collectivités doivent partir du sens de leur métier, plutôt que de se plonger

Inscrite à l’article L.5211-39-1 du Code général des collectivités territoriales depuis mars 2014, obligatoire à compter de mars 2015, l’adoption du schéma de mutualisation oblige à rationaliser un processus largement entamé sur le terrain, mais pas toujours abouti sur le plan qualitatif. C’est le cas de Clermont métropole, dont les managers territoriaux formulent un constat dénué de langue de bois : « Pour l’heure, le dispositif mis en place n’a pas contribué à renforcer la coopération intercommunale et à répondre réellement aux attentes des petites communes, synthétise Patrice Rodier, directeur des systèmes d’information et du conseil de gestion. En somme, la logique de moyens prévaut sur la communauté de projets : le « faire ensemble » est encore à développer. »

M U T U A L I S AT I O N 2 E N 1

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ne constate que la qualité du service public et non le logo de l’institution qui l’assure. »

L’OCCASION DE VALORISER LES TERRITOIRESCependant, les maires ne doivent pas ressortir de la mutualisation effacés par le président de l’EPCI, et ce même dans les cas de création de communautés urbaines ou de métropoles : « le rôle du maire après la mutualisation est d’assurer un rôle de proximité avec la population pour faire remonter ses besoins auprès de l’intercommunalité », estime un des participants. D’ailleurs, le maire sera le garant de la mise en valeur de sa commune dans l’intercommunalité. « La rationalisation des moyens opérée lors du passage d’une

directement dans les aspects techniques du regroupement de services. » L’invitation vaut pour toute la hiérarchie du personnel, depuis les agents qui rendent les services publics aux citoyens sur le terrain jusqu’à leurs directeurs, lesquels sont souvent les plus personnellement touchés par la mutualisation. « Si une administration réduit de huit à cinq le nombre de ses directeurs généraux adjoints (DGA), comment faire passer la pilule du changement auprès de ces derniers ?, se demande une élève de l’Institut national des études territoriales (Inet). Avant même qu’ils ne portent la réforme, des actions pédagogiques sont à mener auprès de managers, premiers à subir les conséquences de la mutualisation. »

Première métropole au statut de « collectivité territoriale » depuis ce 1er janvier 2015, Lyon expérimente le transfert de 4 000 agents du conseil général du Rhône à sa nouvelle entité1. Et démontre combien l’effort de pédagogie auprès des agents s’avère crucial à l’heure des mutualisations à large échelle. Hors de l’ex-Grand Lyon, d’autres collectivités territoriales affichent déjà une intégration de services de deux niveaux de collectivités, comme Strasbourg et la Communauté urbaine à laquelle la Ville appartient. Datant de 1972, la mutualisation des personnels de deux entités se traduit notamment par une direction générale commune et une unité de siège. « Avoir la double casquette ne pose finalement pas de problème, témoigne une agente strasbourgeoise. Au final, le citoyen

1 - En application de la loi de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, du 27 janvier 2014 (MAPTAM)

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communauté d’agglomération à une communauté urbaine peut en effet être l’occasion de mettre en avant l’identité des territoires de l’EPCI. À l’image de l’Union européenne qui n’annule pas les identités nationales, mais les met en exergue, chaque État devant afficher ses spécificités pour continuer à exister dans ce grand ensemble », estime un autre participant.

Ainsi, à condition qu’elle soit le fruit d’une démarche ascendante associant l’ensemble des communes et des agents, la mutualisation des services permet de mieux répondre au citoyen parce qu’elle dessine la carte d’un territoire optimisé dans son organisation et constitué de spécificités locales qui se complètent et s’enrichissent. Un casse-tête ou un bel enjeu ?

M U T U A L I S AT I O N 2 E N 1

- L’Assemblée des communautés de France (AdCF) met à disposition de ses adhérents une cartographie interactive des «pratiques avancées» en matière de mutualisation sur www.adcf.org.

- Le 4 février 2015 à Tours, l’AdCF et l’ADGCF ouvre un cycle de séminaires sur la mutualisation.

BESOIN DE SOUTIEN : PENSEZ ADCF !

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Quelques questions qui peuvent se poser à la conception d’un schéma de mutualisation :Faut-il mutualiser la direction générale d’une ville-centre et de son agglomération ? Listez les avantages/inconvénients.Comment organiser la proximité des services publics dans un EPCI tout en rationalisant l’action publique ?Quels rôles pour les maires et les présidents d’EPCI dans la mutualisation ?Comment renforcer les services fonctionnels de la communauté pour accompagner les transferts de compétences opérationnels ?Quels sont les avantages et les inconvénients du passage en communauté urbaine (en communauté d’agglomération ou en métropole) pour les citoyens, les associations et les entreprises ? Quel sens prend la mutualisation pour la société civile ?

LES DST (DEVOIRS SUR TABLES) DES DGS (DIRECTEURS GÉNÉRAUX DES SERVICES)

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LA CARTE ET LE TERRITOIRE

Gentiane Desveaux, doctorante à l’université Joseph Fournier de Grenoble-Alpes

JEUNES CHERCHEURS & TERRITOIRES

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Cette 5e édition de l’atelier des chercheurs au sein des ETS sur le thème de la carte et des territoires a permis à cinq jeunes chercheurs de faire part de l’avancée de leur projet de thèse. Une présentation bénéfique pour eux mais aussi pour les collectivités qui peuvent s’inspirer des recherches en cours pour repenser et développer de nouveaux modèles de développement du territoire.

qui produisent des locaux. « Pour faire évoluer l’aménagement économique sur les territoires, il faudrait s’intéresser à des modalités d’action aujourd’hui sous-exploitées qui concerne les baux longue durée et travailler avec les établissements publics fonciers locaux ou d’État », explique-t-il. Un foncier économique maî-trisé par le secteur public : voilà une piste vers une nouvelle ressource territoriale.

Le paysage est l’affaire de tousLa thèse de Gentiane Desveaux, doctorante à l’université Joseph Fournier de Grenoble-Alpes a pour objectif de démontrer que le paysage peut être à la fois un instrument de connaissance des habitants et un instrument de planification des territoires ruraux et périurbains. Son étude porte sur deux territoires, l’un sur la Combe de Savoie et l’autre sur la communauté de communes du Trièves. La démarche employée par la doctorante s’apparente à des démarches participatives. « Dans le cadre d’une démarche de paysage, il n’y a pas de projet préétabli. C’est à partir des qualités des lieux et des espaces que les projets émergent », explique Gentiane Desveaux. L’ensemble des acteurs concer-nés (collectivités, promoteurs, citoyens, etc.) se retrouvent donc sur les territoires et assistent à des ateliers participatifs (atelier d’écriture, élaboration de cartes, etc.) dans le but d’élaborer un projet de développement du territoire en cohérence avec les attentes de chacun. Eh oui, le paysage n’est pas l’affaire d’une élite mais de tous !

JOUER LA CARTE DU TERRITOIRELe foncier, plus attrayant qu’il n’y parait ?Le foncier dispose de nombreux atouts à la fois d’un point de vue quantitatif et qualitatif, un aspect non négligeable pour le développement des territoires. Dans le cadre de son projet de thèse portant sur le foncier, Nicolas Gillio, doctorant à l’université de Grenoble, a remarqué de lourds changements dans la manière d’appréhender le foncier. On est face à une vraie dissociation : les personnes qui occupent les locaux sont de moins en moins propriétaires de ces derniers. Dans ce cadre, Nicolas Gillio invite les collectivités à s’intéresser aux acteurs économiques

L A C A R T E E T L E T E R R I T O I R E

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L’inter-modalitéLa mobilité quotidienne est l’un des grands sujets de débats de ces dernières années. On ne se déplace plus de la même manière : d’une logique de déplacement pendulaire (domicile-travail), nous sommes passés à une mobilité dite « de chaînage », selon Lionel Kieffer, doctorant à l’université Aix-Marseille. Autrement dit, nous utilisons nos temps de déplacements pour de multiples activités. Mais voilà, les transports en commun manquent paradoxalement de flexibilité et ne per-mettent pas aux habitants des zones périurbaines de pratiquer efficacement ce chaînage. C’est l’objectif du projet de thèse de Lionel Kieffer : repenser le déve- loppement du réseau de transports en commun du département du Var, Varlib. Créé en 2009, ce dernier est en perte de fréquentation depuis 2013. Hausse de la tarification et compétitivité du véhicule personnel sont les principaux coupables cités. Parmi les solutions à envisager, Lionel Kieffer est partisan du développement de l’inter-modalité. « Cette démarche permet un usage modéré de la voiture et, via des plateformes multimodales, d’utiliser les transports en commun pour accéder au grand centre ». Résolument développement durable et en cohérence avec la demande des usagers, cette solution semble avoir un bel avenir devant elle.

LE TERRITOIRE COMME TERRAIN DE JEU« Vivre chez soi avec les autres »L’habitat peut être synonyme d’une réponse innovante : c’est le constat que fait Romain Plichon, doctorant de l’université d’Artois. Son projet de thèse repose sur la problématique suivante : comment la manière d’habiter peut-elle répondre aux enjeux démographiques de demain ? Le vieillissement de la population, l’augmentation de la mixité sur les territoires ou encore la prise en compte du handicap, sont autant d’enjeux qui poussent à envisager une nouvelle manière d’habiter. Au Québec, deuxième territoire d’étude de Romain Plichon, l’habitat est ainsi rapidement devenu l’outil principal d’accompagnement dans une politique de développement social local. Partisan de « l’habitat intermédiaire », Romain Plichon explique que penser l’habitat autrement revient « à sortir de sa zone de confort et envisager des nouveaux modèles d’habitat, participatif, intergénérationnel. Le chez soi est ce qui fixe notre identité. Mais rien ne nous empêche de vivre chez soi avec les autres ». Les vertus d’une telle démarche sont nombreuses : responsabilisation, lutte contre l’isolement, reconstruction d’une sociabilité, etc. L’innovation est par ailleurs au cœur de cette nouvelle manière d’habiter, qui implique d’accepter de remettre en jeu son individualité pour aller chercher le collectif.

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Clément Pin, doctorant à l’université Paris 13 estime que l’innovation est une catégorie d’action publique qui a été traduite à travers une gouvernance multi-niveaux : collectivités, centre de recherche et d’expertise, démarche de clusters, etc. De nombreux acteurs se sont investis ces dernières années dans le champ de l’innovation. « Il semble que l’on assiste à une institutionnalisation des acteurs de l’innovation, dont l’investissement s’apparente de plus en plus à une démarche visant à l’affirmation d’une stratégie nationale », explique Clément Pin. La gouvernance territoriale de l’innovation semble donc avoir un lien stratégique avec le développement territorial.

LA GOUVERNANCE TERRITORIALE DE L’INNOVATION

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INVESTIR, C’EST POSSIBLEGROUPE LA POSTE

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Avant, des ronds-points fleurissaient à tous les coins de rue. Maintenant, les collectivités y regardent à deux fois avant de sortir leur porte-monnaie, car l’ère faste de la décentralisation est terminée. La baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales aurait-elle sonné le glas de l’investissement public local ?

« Les collectivités territoriales représentent 72 % de l’investissement public direct dans les pays de l’OCDE. Cette proportion atteint 75 % en France et grimpe jusqu’à 90 % au Canada ». Si la part de l’inves-tissement public local dans l’inves-tissement total est considérable à l’échelle de l’OCDE, l’investissement public n’a pas été épargné par la crise et affiche une baisse notoire depuis 2009 et la fin des plans de relance. Les dégâts sont les plus lourds dans l’Union européenne, où en trois ans, il a diminué en volume de 21 %, car il a servi de variable d’ajustement des politiques de rigueur.

ACCROS À L’INVESTISSEMENTEn France, l’investissement des collectivités n’accuse pas encore de baisse sensible, mais devrait être en repli à partir de 2014. La nouvelle n’est peut-être pas si mauvaise car en 30 ans de décentralisation, les administrations publiques locales ont accumulé pas moins de 50 milliards d’euros de Formation brute de capital fixe (FCBF) et à l’heure actuelle, l’investissement public local croît plus vite que le PIB. « Il y a une forme de caractère religieux de l’investissement public local, avec parfois du mimétisme » estime Jean-Pierre Balligand, président du comité d’orientation de

« Y a-t-il toujours une réalité derrière le fantasme de l’investissement public local, sauveur de la croissance économique ? » s’interroge Luc Alain Vervisch, professeur associé à l’université de Cergy-Pontoise. Avec la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, il n’est certainement pas le seul à se poser la question. La réponse n’est pas simple, et l’impact sur la croissance dépend surtout de la pertinence des projets d’investissement et la manière dont ils sont sélectionnés et mis en œuvre. En tout état de cause, les collectivités territoriales sont les acteurs clefs de l’investissement public. Dorothée Allain-Dupré, coordinatrice de projet à la Direction de la Gouvernance Publique et du Développement Terri-torial de l’OCDE souligne ainsi que :

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« Il y a une forme de caractère religieux de l’investissement public local, avec parfois du mimétisme »

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HIÉRARCHISERPour les projets nouveaux, le maître mot doit être la hiérarchisation. Certains secteurs appellent ainsi des investissements en priorité : la mobilité, le numérique, l’énergie ou encore l’accessibilité. Les collectivités territoriales doivent aussi travailler autrement, en soumettant chaque investissement à une évaluation socio-économique. Réalisée par qui ? Ça, c’est la bonne question. « Si ce sont les banquiers ou l’emprunteur, il y aura conflit

La Banque postale. Également ancien élu d’une intercommunalité, il se rappelle, un brin amusé, l’époque où sa collectivité réalisait systématiquement les mêmes investissements dans les quatre cantons de son territoire.

LÂCHER DU LESTAlors la raréfaction des deniers publics aurait-elle la vertu de rationaliser l’investissement des collectivités terri-toriales ? C’est bien possible. Reste que les choix ne sont pas faciles à faire quand 80 % des dépenses d’investissement concernent le renouvellement des actifs. Pour Jean-Pierre Balligand, la solution, c’est le tri des éléments de patrimoine. Au fond, chaque village a-t-il vraiment besoin d’une salle polyvalente ? Laurent Mazière, directeur du contrôle de gestion au conseil général du Rhône et président de l’Association Finances-Gestion-Évaluation des collectivités territoriales (AFIGESE) le rejoint, mais note que « vendre son patrimoine, dans l’inconscient collectif, c’est mauvais signe ». Alors sans aller jusque-là, les collectivités territoriales pourraient au moins avoir une vraie stratégie patrimoniale, aujourd’hui disséminée entre les services. « Comme les stocks génèrent des flux, si on gère mieux le stock, on peut en retirer plus de flux » explique doctement Laurent Mazière.

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d’intérêt. Si c’est l’État, ce serait comme se remettre une tutelle. Il faut plutôt inventer un kit de l’évaluation ex-post et ex-ante » propose Jean-Pierre Balligand. Pour être vraiment efficace, l’idéal serait de calibrer ces évaluations en fonction des projets. Certains pays comme l’Australie adaptent ainsi leurs critères d’évaluation selon la taille des investissements pour permettre aux collectivités qui ont peu de moyens de les mettre en œuvre facilement. Dans cet exercice, il ne faudra pas non plus négliger les particularités de l’investissement public, qui ne suit pas seulement une logique de rentabilité.

CONSULTER POUR MIEUX DÉCIDEREnfin, les citoyens ont aussi leur mot à dire sur les grands investissements publics locaux. Cette consultation peut prendre différentes formes complémentaires selon Dorothée Allain-Dupré. En Italie, par exemple, une base de données accessible en ligne recense les 700 000 projets d’investissement public local du pays ; tandis qu’au Danemark, les investissements d’envergure sont passés au crible dans un forum régional réunissant citoyens, acteurs privés et élus. Attention toutefois à ne pas réserver la consultation publique à une élite, comme c’est parfois la tendance en France. « La consultation citoyenne doit

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être un poumon démocratique, au lieu de se retrouver dans des systèmes de réseau très minoritaires » rappelle Jean-Pierre Balligand.

SE SERRER LA CEINTUREQuand malgré tous les efforts de sélectivité, les investissements nécessaires sont trop élevés par rapport aux moyens des collectivités, ces dernières peuvent encore économiser sur leurs dépenses de fonctionnement, ce qui paraît faisable dans certains cas mais pas partout ; les conseils généraux notamment ne disposent pas de marge de manœuvre. Autre solution : le recours à la fiscalité, certes impopulaire mais « logique » pour Laurent Mazière et même « incontournable » selon Jean-Pierre Balligand. Pour ceux qui ne voudraient pas se fâcher avec les électeurs, il n’y a plus qu’à accroître le recours à l’emprunt (d’autant que les taux d’intérêt sont historiquement bas), aux marchés financiers ou au financement privé. Alors maintenant qui pense encore qu’investir, c’est fini ?

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ACCÉLÉRATEUR DE PROJETS

EN MODE LABO

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Des projets, chacun en mène dans sa collectivité. Mais parfois, certains ont du mal à dépasser le stade de l’idée, d’autres se heurtent à des obstacles imprévus ou d’autres encore prennent inexorablement du retard. Heureusement, avec la session « Accélérateur de projets », les ETS sont là pour aider les fonctionnaires territoriaux à lever la tête du guidon et à prendre du recul sur leurs projets, en bénéficiant en prime du regard enrichissant et bienveillant de leurs pairs.

ci raconter leur rêve professionnel. Ce n’est qu’à l’issue de ce préambule que les participants se répartissent autour des tables par groupe de cinq pour entrer dans le vif du sujet : « Décrivez chacun un projet porté par une motivation personnelle forte et sur lequel vous avez un pouvoir d’agir » leur demande Sophie Largeau, cheffe de projet démocratie participative au conseil général du Val-de-Marne. L’étape suivante consiste à choisir, dans chaque groupe, l’un des projets présentés pour ensuite le challenger collectivement. Pour que les échanges soient fructueux, le porteur de projet doit adopter une posture d’écoute et ses collègues, une attitude de questionnement. À partir de là, les discussions sont décomposées en trois séquences, minutieusement chronométrées.

ÉTAPE 1 : ON QUESTIONNE LE SENS La première phase d’échanges porte sur le sens du projet. « Qu’est-ce que j’en dirai à mes petits-enfants ou aux futures générations ? Pour le moment, le but n’est pas de s’interroger sur le “comment” mais sur le “pourquoi”. On est sur la question de la motivation profonde. Demandez-vous ce qui vous ennuierait si le projet ne se faisait pas » précise Sophie Largeau, pour aiguiller les discussions. Au bout d’une dizaine de minutes, le gong retentit. Les porteurs de projet ont droit à quelques minutes de répit, pour assimiler le fruit de ces premiers échanges, le temps que les

Ils ont un projet en tête ou déjà dans les tuyaux et ont envie de lui donner un coup de boost en le soumettant à un regard extérieur. Voilà le point commun des quelque 40 participants de la session « Accélérateur de projets ». Mais avant de se mettre à l’œuvre, Pascal Gayet, consultant, coach et méta-animateur de la société Terres inconnues, les surprend en leur proposant un exercice original. « Marchez dans la salle en silence, en vous reconnectant avec votre respiration » demande d’abord l’animateur aux cadres présents. Après quelques minutes, les participants, toujours debout, constituent des binômes au hasard. « Tour à tour, vous avez une minute pour expliquer à la personne en face de vous ce que vous attendez de cet atelier » explique Pascal Gayet. Puis, après un second moment de déambulation, les participants se répartissent de nouveau par couples pour s’écouter cette fois-

A C C É L É R AT E U R D E P R OJ E T S

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dernière étape de questionnement vise un passage à l’acte. L’objectif est de trouver la petite chose concrète que le responsable de projet pourra mettre en œuvre dès demain à son retour des ETS. « Demandez-vous quelle serait la première action facile qui pourrait vous mettre sur la bonne route » indique Pascal Gayet.

DERNIÈRE ÉTAPE : ON DÉBRIEFEAu dernier coup de gong, les discussions ont du mal à s’arrêter. Les participants ont conscience que l’expérience touche à sa fin et voudraient bien grappiller quelques minutes de plus pour profiter encore un peu de cette dynamique productive. Mais le temps contraint est aussi l’un des ingrédients de cette recette miracle : « Le temps très court facilite l’écoute et la concentration, on est obligé d’aller à l’essentiel » reconnaît une participante qui note aussi qu’une relation de confiance s’est instaurée très vite et très facilement. Sur le fond, ceux qui ont endossé le rôle de porteur de projet ressortent grandis de l’atelier. « Le fait d’être questionné permet d’ouvrir des champs que l’on n’avait pas forcément vus » témoigne l’un. « C’est la première fois que j’échangeais sur mon projet, qu’il sortait de moi. Ça l’a rendu plus concret » raconte un autre, que l’on sent presque ému d’avoir franchi ce cap. Pour beaucoup, pas question d’en rester là. Une cadre lance ainsi une invitation : « Mon rêve a grandi mais reste tout petit. J’ai envie de poursuivre cette réflexion. Si ça vous

autres participants changent de table. Les situations d’intimité qui venaient tout juste de naître dans chaque groupe sont donc anéanties du même coup. « L’exercice est difficile, reconnaît Pascal Gayet. Mais c’est le meilleur moyen de multiplier les regards sur chaque projet et de créer de nouvelles dynamiques de groupe, dans un esprit de créativité renforcée ».

ÉTAPE 2 : ON INTERROGE LA CONSTRUCTION Après le sens du projet, c’est au tour de sa construction d’être interrogée. Pour lancer les débats, une nouvelle question est donnée aux porteurs de projet : comment le projet s’est-il construit et quelles sont les difficultés rencontrées ? Ces derniers ne doivent cependant pas monopoliser la conversation : « Ne parlez pas trop, car c’est autant de temps en moins pour profiter des échanges des autres participants » prévient ainsi Pascal Gayet. La précaution est utile car le temps est compté, d’autant plus que d’ordinaire, la dynamique dure en moyenne 2h30 contre seulement 1h30 aux ETS.

ÉTAPE 3 : ON RÉFLÉCHIT À L’AVANCEMENTAu nouveau coup de gong, le pli est pris : les discussions s’arrêtent et les participants changent de nouveau de place. Cette

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intéresse, échangeons nos coordonnées ». Une autre partage son intention de donner une suite à la dynamique en sollicitant l’appui du CNFPT. Finalement, plus qu’un coup d’accélérateur, cette session collaborative a permis aux porteurs de passer à la vitesse supérieure !

A C C É L É R AT E U R D E P R OJ E T S

- Centrez-vous sur ce qui compte vraiment- Contribuez avec votre esprit, votre cœur et vos tripes- Écoutez pour comprendre- Connectez les idées entre elles- Ensemble, écoutez ce qui se révèle et les questions

sous-jacentes- Jouez, griffonnez, dessinez sur la feuille de papier- et surtout, passez un bon moment !

LES 7 RECOMMANDATIONS

Le porteur de projet :- prend de la distance- se met dans une posture d’écoute

active- se laisse interpeller par les questions

Les autres participants :- sont au service du porteur de projet

plutôt que du projet- n’ont pas besoin d’être spécialistes du

sujet présenté- ne sont pas dans le conseil ou

la solution, ni dans le témoignage, mais bien dans le questionnement

LA MÉTHODE : KIFÈKOI ?

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MÉTROPOLES J-20

PAROLES DE DG

Catherine Bœuf , comédienne

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À J-20 avant la mise en place des métropoles, quels seront les enjeux pour les directeurs généraux qui seront à leur tête? Laurence Quinaut, secrétaire générale à Rennes Métropole, Éric Ardouin, directeur général des services (DGS) de la Ville et de la communauté urbaine de Bordeaux et Bertrand Uguen, DGS de Brest Métropole Océane, éclairent nos lanternes.

une dimension de proximité importante. C’est notamment le cas du transfert de la compétence voirie aux Métropoles qui entraînera nouvelle organisation des services et nouvelle gouvernance au sein de la Métropole. Celle-ci devra trouver le bon équilibre entre l’extérieur et l’intérieur, c’est-à-dire entre rayonner et assurer un service de proximité de qualité.

Des espaces de co-construction entre élus et services…« L’intercommunalité à Rennes s’est construite sur le mode du consensus. C’est aussi comme ça qu’on construit notre transformation en Métropole », indique Laurence Quinaut. Ce travail de construction ne peut pas se faire sans l’implication des élus dans le projet métropolitain. Le processus de métropolisation, comme la nouvelle organisation territorialisée à mettre en place, doivent leur faire toute leur place, afin que les compétences transférées continuent à être pilotées politiquement. À Renne Métropole, des espaces de co-construction entre services et élus ont été créés afin que chacun s’approprie le projet métropolitain, clé de la réussite de la gouvernance métropolitaine dans le futur.

LAURENCE QUINAUT : UNE ALLIANCE DÉLICATE

Entre l’extérieur et l’intérieurLa transformation métropolitaine est le fruit d’un processus de construction itératif qui s’est construit autour et avec tous les territoires. Elle nécessite d’allier deux dimensions fondamentales : le rayonnement et la proximité. Un projet métropolitain permet d’abord d’asseoir le statut d’un territoire à l’échelle nationale et européenne. Ainsi, la création de Rennes Métropole, la plus petite des Métropoles créées, est perçue comme une avancée symbolique pour le territoire, qui fait dorénavant partie de la cour des grands. En parallèle du rayonnement que ce nouveau statut procurera à ces institutions, les Métropoles devront prendre en charge

PA R O L E S D E D G

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Pour avancer dans les futurs trans-ferts de compétences aux Métropoles, la territorialisation des services est un facteur déterminant.

UN CONSTAT PARTAGÉ

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individuel de chacun des membres de l’organisation. Il s’agit de trouver le bon compromis entre les deux, et ce dans le cadre d’un projet en perpétuelle mouvance. Cela offre d’infinies possibilités de faire évoluer les organisations et de revoir les jeux collectifs. Un cadre global doit quand même être fixé, collectivement, tout en laissant la possibilité aux acteurs de reconstruire leur organisation propre. Une véritable ingénierie du changement est donc en marche.

BERTRAND UGUEN : LA NÉCESSAIRE APPROPRIATIONDes challenges à relever…Le cas de Brest Métropole Océane est un peu à part ; cette Métropole est déjà allée plus loin dans l’intégration en compétences sur le terrain que ce que requiert la loi de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). Cela n’enlève rien aux challenges qui l’attendent : problème de légitimité démocratique, de lisibilité ou encore d’exercice de la démocratie, conférence des maires versus bureau communautaire métropolitain, nombre d’adjoints au maire versus nombre de vice-présidents de Métropole, etc. Des contradictions persistent entre élus et Métropole et elles devront être soulevées avant d’entraîner l’ensemble des acteurs concernés. L’évolution des Départements soulèvent également de nombreuses ques-tions.

ÉRIC ARDOUIN : CHANGER D’APPROCHEUn consensus à la carteLa communauté urbaine de Bordeaux s’est construite autour d’un consensus très formalisé, qui n’a pas résisté à l’épreuve de la transformation des Métropoles. Les maires ont donc été interrogés et sont tombés unanimes pour métropoliser les compétences qui leur posaient problème. En plus, cela leur a laissé le choix du périmètre et du calendrier des mutualisations, ce qui a ouvert le champ à plus de participation des maires dans ce domaine, un investissement qui n’était pas gagné à la base. « C’est un mouvement de fond qui en train de s’engager et qui va concerner l’ensemble des communes. La forme de déclinaison du consensus choisi à Bordeaux a abouti à l’idée selon laquelle la mutualisation peut s’envisager à la carte, en adaptant les politiques et en intégrant de la plasticité dans l’évolution future », explique Éric Ardouin.

Le mythe du « one best way »Dans le processus de conduite du changement, il est illusoire de penser qu’il y aurait une organisation idéale. La construction métropolitaine est une succession d’ajustements permanents. Il faut donc appréhender la nouvelle organisation non comme un système hiérarchisé, ou chacun a sa place, mais comme un jeu d’acteurs en négociation permanente entre l’intérêt collectif et

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… pour montrer la valeur ajoutée du projet métropolitain« La métropole est un véritable outil d’ingénierie territoriale au service d’un projet territorial », estime Bertrand Uguen. Démontrer la valeur ajoutée du système métropolitain revient ainsi à savoir faire le lien avec les territoires adjacents tout en gardant un lien avec l’équilibre du territoire national. Rayonnement à l’échelle nationale et européenne d’un territoire, capacité d’ingénierie dans la réponse à de grands appels à projets nationaux, simplification des services, hausse de la productivité sont autant d’avantages qui découlent du projet métropolitain. Encore faut-il les rendre clairs à tout un chacun. Élus, agents mais aussi citoyens doivent s’approprier le projet afin d’aboutir à un véritable projet métropolitain cohérent et co-construit.

PA R O L E S D E D G

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HISTOIRE(S) D’APPRENDRE…

EN MODE LABO

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Il était une fois des managers territoriaux qui, après un copieux déjeuner, n’avaient pas envie de faire la sieste. Alors plutôt que d’écouter des directeurs généraux (DG) parler de la prochaine naissance des métropoles, ils ont choisi d’aller discuter avec leurs collègues de transformation des organisations et de transformation de soi. Ainsi commence l’histoire d’« Histoire(s) d’apprendre… ».

QUI DIT « JEU », DIT « RÈGLES »

« C’est un jeu, pas un débat » précise Agnès Cabannes, déléguée de Sol France. Pas question donc de laisser les discussions partir dans tous les sens, il y a des règles précises à suivre, qui justement donneront toute sa force à l’exercice. « Dans les ateliers En mode labo, on échange dans un cadre plus informel que dans les ateliers traditionnels mais pas moins structuré, bien au contraire » détaille Denis Critol. Passons donc aux règles du jeu.

Apprendre ensemble à partir d’histoires vécues dans d’autres organisations : voilà l’objectif de la dernière session « En mode labo » de l’édition 2014 des ETS. La méthode peut s’appliquer à tous les sujets possibles mais se concentre cette fois sur la question de la transformation d’une organisation quelle que soit son échelle (équipe, service ou collectivité). « C’est un exercice de maïeutique collective » explique Denis Cristol, directeur de l’ingénierie et des dispositifs de formation au CNFPT, aux 80 cadres territoriaux qui ont préféré rejoindre cet atelier collaboratif plutôt que la session plénière organisée en parallèle. L’idée est simple : par tables de cinq ou six personnes, les participants partagent une histoire de transformation d’organisation apportée par l’un d’entre eux. Chacun doit accueillir le récit comme quelque chose qui a du sens, qui a une répercussion sur soi et sa propre expérience.

H I S T O I R E ( S ) D ’A P P R E N D R E …

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Dans n’importe quel groupe, les gens qui se connaissent s’installent ensemble. Le réflexe est inné, mais il peut nuire à la production d’intelligence collective. Avant de débuter une session, mieux vaut donc rebattre les cartes avec un exercice de mise en mouvement : demandez à tous les participants de changer de table et de s’asseoir avec des personnes qu’ils ne connaissent pas. Attention, pour que l’exercice soit efficace, il faut être ferme sur l’application de cette consigne. Une fois que tout le monde a trouvé une nouvelle place, invitez chacun à regarder ses voisins et à échanger un sourire en silence, pour faire tomber les barrières et créer une atmosphère chaleureuse et de confiance.

CRÉER LA CONFIANCE AU DÉPART

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ESSAI TRANSFORMÉPendant une petite heure, les participants de la session « Histoire(s) d’apprendre » ont écouté, questionné, interrogé et partagé leurs expériences. Quand vient le temps de la mise en commun, ils sont invités à proposer quelques mots clés pour résumer leur expérience – manifestement fructueuse – de ces histoires apprenantes. Ici, on retient « confiance, loyauté et légitimité » ; là-bas « bienveillance et droit au doute ». D’autres sont plus bavards : « On a choisi “introspection”, car écouter l’histoire de quelqu’un fait résonner des choses dans notre propre expérience ; puis “changer de posture et de point de vue” ; et enfin “créer la confiance” (entre les gens et en soi) ». Quelques tables plus loin, une équipe a même identifié des leviers pour faciliter la transformation d’une organisation : « avoir des indicateurs, écouter le rythme de l’organisation et travailler en transver- salité ». On ne vous en dira pas plus sur le contenu de leurs échanges, car ce serait tricher en outrepassant la troisième hypothèse des règles du jeu (la confidentialité). Pour tout savoir, il aurait fallu venir ! Mais d’ici à ce que l’on remette ça aux ETS 2015, vous pouvez toujours tester la méthode du récit apprenant dans votre propre organisation, en sollicitant l’aide de votre délégation régionale du CNFPT.

Règle n°1 : 3 hypothèses- Écoute bienveillante- Hospitalité des idées (non-jugement)- Confidentialité

Règle n°2 : 3 rôles- Le narrateur raconte l’histoire d’une

transformation d’organisation de préférence en cours. Il accepte le groupe comme une bulle d’intimité et en profite pour raconter des choses vraies.

- Le facilitateur joue un rôle de protection du groupe, il préserve le climat de confiance, relance la discussion et s’assure de la qualité des échanges. Il peut censurer les débats si les questions posées au narrateur ne sont pas pertinentes, si on tombe dans le conseil.

- Les participants posent des questions de compréhension au narrateur (autrement dit, on ne demande pas « Pourquoi tu n’as pas fait comme ça ? » mais « Quel a été l’effet sur ton organisation ? Sur toi ? »), puis partagent leur ressenti.

Règle n°3 : 3 séquences- 15 minutes pour se répartir les rôles et

raconter l’histoire- 15 minutes pour poser des questions

(l’objectif n’est pas de débattre ou de conseiller le narrateur, mais de mieux comprendre son univers)

- 15 minutes pour partager et entrer en résonance avec le récit. C’est le moment de parler de soi : les participants racontent ce qu’ils ont ressenti, si l’histoire racontée leur a rappelé une expérience ou un désir, s’ils ont été touchés ou surpris, si le récit leur a appris quelque chose, etc.

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Romain Pasquier, professeur de sciences politiques, Sciences-Po Rennes

CLAP DE FIN

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Après 1 064 minutes d’échanges tous azimuts et de débats passionnés autour du thème « Demain l’action publique : clarifier, adapter, innover », c’est l’heure de clôturer l’édition 2014 des ETS. Et si l’on tentait de résumer les principaux sujets et leviers d’amélioration abordés ? Antoine Darras, animateur et Romain Pasquier, professeur de sciences politiques à Sciences-Po Rennes, ont relevé le pari d’accomplir cet exercice en seulement 30 minutes.

doivent participer à ce renouvellement démocratique pour faire face aux nouveaux enjeux qui se posent à elles et mener à bien leur mission de service public.

OPPORTUNITÉ 2 : DE NOUVEAUX MODÈLES INSTITUTIONNELSSi dix communes d’une communauté de communes demandent chacune à avoir une piscine, que faites-vous ? Pour Romain Pasquier la réponse est simple : il faut choisir ! Mais pour y parvenir, encore faut-il disposer de modèles institutionnels adéquats. Ainsi, la fusion des communes et de leurs services doit être privilégiée et le développement de l’intercommunalité, sur le modèle de Paris-Lyon-Marseille, doit être généralisé. « L’intercommunalité est un moyen intelligent de lier les enjeux d’efficacité et de rationalité tout en conservant le lien démocratique de proximité, qui est l’avantage du maillage communal » soutient le professeur de sciences politiques.

OPPORTUNITÉ 3 : L’INVESTISSE-MENT DES CADRES TERRITORIAUXSouvent malmenés par l’opinion et parfois par leurs élus, les cadres et managers territoriaux sont aujourd’hui en position de nourrir le débat territorial. Pour Romain Pasquier, « ils ne sont plus simplement dans la position bureaucratique d’obéissance à l’élu ou à l’employeur mais bel et bien dans la coconstruction du débat territorial ». Et

Entre rareté budgétaire et mutualisation des services, les cadres territoriaux ont parfois du mal à garder le sourire. Les échanges offerts par ces ETS 2014 ont été l’occasion de leur redonner un peu d’entrain. Romain Pasquier a ainsi constaté « des motifs d’espoir très positifs dans les différents ateliers auxquels [il] a participé ».

OPPORTUNITÉ 1 : LE RENOUVEL-LEMENT DÉMOCRATIQUEAbordée de manière transversale dans de nombreux ateliers, la question du renouvellement démocratique a été au cœur des échanges. La participation citoyenne, par exemple, est une pratique de plus en plus courante dans nos collectivités. Pour Romain Pasquier, « c’est un motif d’espoir car sans un renouveau de la démocratie locale, toutes les questions relatives à la mutualisation risquent d’être extrêmement anxiogènes pour les praticiens et pour les citoyens ». Le message est clair : les collectivités

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C L A P D E F I N

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Pasquier pour qui « intégrer le citoyen dans la machinerie bureaucratique dès le départ est essentiel ». Ces dernières années, on a pu constater l’apparition d’initiatives portées par des citoyens et la société civile organisée, comme le mouvement Bleu-blanc-zèbre. Les Anglais appellent ça l’empowerment. Derrière ce vocable imprononçable, l’idée est que des communautés de citoyens puissent prendre en charge des questions d’ordre public. Le service public ne se résume en effet pas qu’aux collectivités territoriales. Les citoyens ont eux aussi leur rôle à jouer dans l’amélioration du service public, et ne manquent pas d’idées pour ce faire. L’invitation est donc lancée !

Chercheurs, universitaires, agents terri-toriaux ou encore citoyens, tous sont là pour aider l’action publique. Le mot de la fin revient à Romain Pasquier : « Nous sommes à un moment charnière de notre transition. Il faut donc avoir des regards croisés et pluridisciplinaires pour penser les territoires de demain ». Et maintenant, place à l’action !

cet investissement est riche d’opportunités et d’enseignements pour l’action publique. Placés au cœur des territoires et à proximité des citoyens, ils ont tous les outils en main pour faire avancer l’action publique locale dans une direction claire et cohérente pour tous. Véritable levier d’action, leur positionnement est nécessaire pour garan-tir un service public de qualité.

OPPORTUNITÉ 4 : LE DROIT À L’EXPÉRIMENTATIONMentionné par Bernard Stiegler lors de son intervention aux allures parfois naturalistes, le droit à l’expérimentation est un levier d’amélioration essentiel de l’action publique. Pour Romain Pasquier, « la gouvernance publique de demain devra offrir un droit à l’expérimentation ad hoc à l’échelle locale, afin de favoriser la coconstruction avec les citoyens ». Les collectivités territoriales représentant encore près de 75 % des investissements publics en France, la reconstruction de leurs modèles démocratique et éco-nomique passera nécessairement par une expérimentation au cœur des territoires et avec les acteurs concernés.

OPPORTUNITÉ 5 : CITOYEN- ACTEUR DU SERVICE PUBLICEt le citoyen dans tout ça ? Le service public lui est destiné, mais que peut-il lui apporter ? Beaucoup, si l’on en croit Romain

Un constat alarmant : il n’est pas rare que seulement 10 % des crédits de formation aux élus locaux soient réellement utilisés.Les élus n’ont en effet aucune obligation d’assister aux formations qui leur sont proposées. Or, dans un contexte de mutualisation grandissante, cette réalité doit changer

LA NÉCESSAIRE FORMATION DES ÉLUS

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RESTEZ DANS L A DYNAMIQUE ETS ET VENEZ VOUS FORMER À L’ INET ! WWW.INET.ETS.NET

ÇA VOUS A PLU ?

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, KÉSAKO ?

ET VOUS, OÙ SEREZ-VOUS LES 2 & 3 DÉCEMBRE 2015 ?

« Des retours sur le quotidien de managers en collectivité, les expériences menées par les uns et les autres, des apports intellectuels et réflexifs, des stimuli, des envies de faire et de faire autrement, des retrouvailles amicales avec des collègues, des collaborateurs. »

« Des interventions en lien avec les réalités, des intervenants haut de gamme (journalistes, écrivains, économistes,...) »

« Une ébullition d’idées, des rencontres, la convivialité entre personnes d’horizons différents. »

« Il s’agit d’un temps essentiel pour l’entretien et le développement des réseaux professionnels. »

« Avec des formats différents, la possibilité de s’extraire (…) du quotidien pour revisiter des dispositifs, des méthodes, des thématiques qui nourriront notre futur. »

LE CNFPT-INET EST MEMBRE DU RÉALISATION :AGENCE AVERTI – WWW. AVERTI.FRCrédit photos : Marion LECAT (Agence AVERTI),Thierry SOURBIER

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