Le Quartier Moderne Frugès -...

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une histoire Le Quartier Moderne Frugès : de transformation(s) Ecole d'architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée Document soumis au droit d'auteur

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une histoire

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M2 : Habitat et EnergiesEnseignant de séminaire : P. LandauerEnseignant de projet : P. Barthélémy

Cindy Mosson

Le Quartier Moderne Frugès : Une histoire de transformations

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Images d’architecture

Les paradoxes du quartier moderne Frugès

Laboratoire architectural ou Cité patronale Les ambitions de Le Corbusier Le souhait de Henry Frugès L’image du quartier

Besoin d’appropriation ou Entretien populaire Raisons des transformations Les transformations dans la réalité

Patrimonialisation ou Sauvegarde Une maison classée La règlementation ZPPAUP La vie du quartier après la patrimonialisation

Que faire aujourd’hui du quartier moderne Frugès ?

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IMAGES D’ARCHITECTURE

La question que je me pose après avoir passé presque cinq ans en école d’architecture est justement la perception qu’un « monsieur tout le monde » peut avoir de l’architecture moderne ou contemporaine. Lors de mes études j’ai vu beaucoup de projets magnifiques, mais dans lesquels, j’en suis certaine, peu de gens aimeraient vivre. J’ai l’impression qu’il y a un énorme écart entre les qualités que reconnaissent les architectes, ou du moins les personnes ayant une culture architecturale, et les personnes ordinaires, n’ayant de l’architecture qu’une vision presque caricaturale.

Et puis, dans le monde de l’architecture, une question se pose assez rarement finalement celle de la perception que les gens, les habitants ont de l’architecture et des architectes. Les articles spécialisés, décrivant les nouveaux projets, se placent toujours du point de vu de la personne savante, presque élitiste, sans jamais faire intervenir les habitants qui chaque jour sont confrontés à cette architecture. Les photos d’intérieurs sont prises juste avant que les habitants prennent possession des lieux ou alors ce sont des photos montages montrant la manière idéale d’y vivre, imaginée par l’architecte, sans pour autant que cela décrive la manière dont les habitants vont s’approprier les lieux.

Si les habitants n’ont souvent pas les connaissances pour juger les qualités d’un projet d’architecture, ils sont cependant envahit par des sensations et des impressions, qui, si elles ne sont pas fondées sur des connaissances architecturales, existent réellement. L’architecture peut provoquer chez l’homme la sérénité ou au contraire un sentiment de malaise. Ce

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phénomène est d’autant plus important dans l’architecture du logement, puisqu’il détermine la qualité, le confort, l’efficacité et l’adaptabilité d’un lieu de vie, où, des individus vont évoluer jour après jour.

Que ce soit pour l’aménagement d’un petit appartement ou la construction d’un nouveau quartier, les architectes font des choix, prennent position et construisent des espaces qui vont influencer le quotidien d’un certain nombre de personnes. Bien sûr, les architectes n’évoluent pas dans un milieu totalement coupé du « monde réel », mais l’on a parfois d’impression que les habitants doivent s’adapter à l’architecture, et non pas le contraire, comme l’affirmait Le Corbusier : « On pourrait construire des maisons admirablement agencées à condition de bien entendu que le locataire modifie sa mentalité »1 . Les habitudes quotidiennes, la culture ou les références populaires ne semble pas toujours faire parti des préoccupations premières des concepteurs, alors que ces questions font pleinement parti de la qualité d’un logement. Dans leur travail, les architectes font des choix qui ont des conséquences sur la qualité d’un quarter, sur le quotidien des habitants et sur la vie sociale.

En 1927, dans le quartier moderne Frugès à Pessac, les choix de Le Corbusier et de Henry Frugès ont déterminé la forme, l’esthétique et donc, le quotidien des habitants, jusqu’à ce que les habitants eux-mêmes aient pris possession du quartier pour en transformer complètement l’aspect pour lui donner une esthétique vernaculaire.

Et puis, dans les années 80, de nouveaux choix ont été fait par des intervenants extérieurs pour patrimonialiser l’opération de Le Corbusier et lui rendre son aspect d’origine. En tant qu’étudiante en architecture, je suis forcement impressionné par la maison témoin restaurée qui offre des qualités spatiales très agréable, mais le manque de vie dans les rues

1 RAUC (centre de recherche d’architecture d’urbanisme et de construction) , Action concertée urbanisation 1967, Compte rendu, 1970, p.3

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marque immanquablement le quartier. Il semble abandonné, figé dans une autre époque.

L’exemple du quartier moderne Frugès, en particulier, témoigne de la manière dont les prises de position des concepteurs peuvent influencer la vie d’un quartier, mais il montre aussi à quel point les habitants peuvent aller au-delà de ces décisions pour s’approprier leur lieu de vie, quitte à dénaturer le projet d’origine.

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LES PARADOXES DU QUARTIER MODERNE FRUGES

Tout au long de son histoire le quartier moderne Frugès n’a cessé d’être un objet paradoxal, lors de sa conception, il constitue une expérimentation sur l’habitat de l’homme nouveau tout en portant les valeurs d’une cité patronale et du paternalisme. Dans les années 60 il devient le symbole de la vernacularisation dans l’étude de Philippe Boudon, alors que les habitants cherchent souvent à entretenir leur maison de la seule manière qu’ils connaissent. Et puis, en 1980, il devient un élément emblématique à préserver et à restaurer soumis à des règles très strictes, alors qu’il a toujours été un lieu d’appropriation et de transformation spontané. Ces paradoxes influencent l’aspect du quartier qui change à plusieurs reprise, mais aussi le quotidien des habitants et finalement la population du quartier.

Le projet de Le Corbusier et toute l’histoire du quartier moderne Frugès à Pessac l’ont mené au centre de différentes discussions durant ces 80 dernières années. A l’origine, le projet est abordé comme une expérimentation architecturale, mais il est également le témoin de l’époque des cités ouvrières et des réflexions sur l’habitat social. Bien que Henry Frugès ait eu une véritable démarche philanthropique, le quartier moderne Frugès n’en est pas moins une cité patronale, avec une idéologie paternaliste. Le projet est, dès les premières esquisses, déjà un compromis plus ou moins équitable entre l’architecture moderne, construite pour « l’homme nouveau » et une cité patronale représentant une vision très conservatrice et traditionnaliste.

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Cette divergence d’opinons aura un impact très lisible sur le quartier moderne, puisque beaucoup d’ouvriers de Henry Frugès vont, tout d’abord, refuser d’y emménager, car ils rejettent immédiatement l’aspect formel de la cité. Il faut attendre les effets de la loi Loucheur pour que les premiers habitants prennent possession des lieux. Et ils vont finalement s’approprier ces « formes modernes » et modifier le quartier pour le vernaculariser. Pendant plus de cinquante ans, les habitants transforment leurs maisons et adaptent leurs logements à leur mode de vie, ce qui va complètement changer l’aspect du quartier et finalement camoufler l’apparence moderne des maisons. Philippe Boudon dans son étude socio-architecturale de 1967, théorise ce phénomène de vernacularisation, qu’il considère comme la trahison de l’architecture d’origine, mais qui témoigne aussi de la formidable capacité des habitants à s’approprier un espace et à le transformer à leur image. Dans son étude Boudon n’analyse pas seulement le projet architectural en lui-même, il considère que la pratique du quartier au quotidien fait partie intégrante de l’œuvre. Cet ouvrage souligne également le manque de compréhension entre le concepteur et les habitants, comment une famille peut-elle mène sa vie au quotidien dans une « œuvre architecturale » ?

Lorsque l’on rapporte à Le Corbusier les modifications qu’ont entreprit les habitants, il déclare : « Vous savez, c’est toujours la vie qui a raison, l’architecture qui à tort… »2 Pourtant, en 1980, après une restauration très fidèle au projet d’origine, l’une des maisons est classée, et le quartier devient une zone de protection du patrimoine architectural, urbanistique et paysager (ZPPAUP) soumis au contrôle des Monuments Historiques de France. Cela révèle une certaine reconnaissance des qualités de l’architecture moderne et de l’œuvre de Le Corbusier par les habitants. Mais cela implique aussi d’énormes contraintes pour eux. La cité passe de la vernacularisation très marquée et spontanée à une situation de patrimonialisation, très contrôlée et lente.

2 P. Boudon, Pessac de Le Corbusier étude Socio-architecturale 1929-85, Dunod, p.1

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Aujourd’hui, la cité se trouve toujours dans une situation paradoxale, les habitants voient défiler sans arrêt des étudiants en architecture ou des curieux, amateurs d’architecture moderne. Cette démarche de patrimonialisation vient faire de la cité quelque chose d’évènementiel, et donc par définition, quelque chose d’éphémère, alors que son but serait justement de pérenniser le quartier. Comme si le facteur « habitant » n’avait pas été pris en compte dans le projet de restauration, on visite la cité comme l’on viendrait visiter un musée. On oublie rapidement qu’elle est encore habitée aujourd’hui et qu’elle n’est pas un monument. Cette confusion se fait d’autant plus rapidement, que les habitants semblent vouloir éviter les visiteurs et s’en cacher. Lorsque l’on se promène dans le quartier, on y croise d’autres touristes, mais pas les habitants. La patrimonialisation, en elle-même pourrait être remise en cause, puisqu’elle va, en quelque sorte, effacer l’histoire de la cité. Dès leur emménagement, les habitants ont commencé à modifier l’aspect de leur maison.

Durant les quatre-vingt années de son histoire, le quartier moderne Frugès devait être une cité patronale qui est devenue une cité moderne, puis un lieu de vernacularisation parfois extrême, pour redevenir l’objet d’origine, projeté par Le Corbusier, à travers la démarche de patrimonialisation. Ces changements, toujours initiés par les habitants, ont un impact très visible sur le quartier, mais aussi sur la vie des habitants et leur quotidien. Le quartier moderne Frugès a été trois fois de suite un objet de démonstration pour des théories architecturales qui ne prenaient pas forcement en compte les habitants.

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REPERES HISTORIQUES

1925 : La cité Frugès est conçue comme un laboratoire de recherche sur l’architecture moderne, avec la contrainte de construire avec peu de moyen une cité patronale.

1928 : Alors que personne ne voulait emménager à Pessac, la loi Loucheur permet à une population, dont les revenus sont très faibles, d’investir les lieux.

1930 à 1970 : Les habitants s’approprient les volumes purs et les principes de l’architecture moderne. Durant quarante ans ils vont transformer et « vernaculariser » leur habitation.

1973 : La restauration de la maison de M. Héraud, au 3 rue des Arcades rappelle à tous le projet de Le Corbusier et l’aspect d’origine du quartier.

1980 : Une fois la maison classée, un rayon de 500m autour de celle-ci est soumis aux contrôles des Monuments Historiques de France et le quartier devient une ZPPAUP.

1995 : Le bailleur social « Aquitanis » achète 4 maisons est s’engage à les restaurer complètement, pour ensuite les donner à la location, ce qui fait grandement avancer le projet de la ZPPAUP, mais ce qui dépossession des propriétaires.

Aujourd’hui : Le quartier est toujours soumis aux contraintes de la ZPPAUP

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LABORATOIRE ARCHITECTURAL

OU CITE PARONALE

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En 1925, à Pessac, deux visions radicalement différentes s’opposent, Le Corbusier se voir confier la tâche de construire une cité patronale pour Henry Frugès dans le but de faire du « bon-marché » avec une grande efficacité économique pour créer des espaces fonctionnels. Mais l’intention de l’architecte est avant tout de tester et d’appliquer ses théories et de faire du moderne pour une population « d’hommes nouveaux ». Henry Frugès, malgré le fait qu’il soit un grand admirateur du travail de Le Corbusier, souhaite faire construire une cité patronale, régie par des principes paternalistes et traditionnalistes, qui devraient accueillir ses propres ouvriers et lui permettre de faire fonctionner au mieux ces industries sucrières.

Ces deux positions opposées vont finir par trouver une sorte de compromis formel et spatial au quartier moderne Frugès, mais elles vont également influencer la vie de quartier, le quotidien des habitants et les mentalités tout au long de son histoire.

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Plan masse d’origine allant jusqu’à l’avenue Pasteur

Volumétride de la cité construite avec les différents types de maisons

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LE TRAVAIL DE LE CORBUSIER

3 P. Boudon, Pessac de Le Corbusier étude Socio-architecturale 1929-85, Dunod, p.1

En 1925, dans une lettre à Le Corbusier, Henry Frugès décrit ses attentes: « Je vous autorise à réaliser dans la pratique vos théories, jusque dans leurs conséquences les plus extrêmes ; je désire atteindre à des résultats vraiment concluants dans la réforme de l’habitation à bon marché : Pessac doit être un laboratoire. Je vous autorise pleinement à rompre avec toutes les conventions, à abandonner les méthodes traditionnelles. En un mot clair : je vous demande de poser le problème du plan de la maison, d’en trouver la standardisation, de faire emploi de murs, de planchers, de toitures conformes à la plus rigoureuse solidité et efficacité, se prêtant à une véritable taylorisation par l’emploi des machines que je vous autorise à acheter. Vous munirez ces maisons d’un équipement intérieur et de dispositifs qui en rendent l’habitation facile et agréable. Et quant à l’esthétique qui pourra résulter de vos innovations, elle ne sera plus celle des maisons traditionnelles, coûteuses à construire et coûteuses à entretenir, mais celle de l’époque contemporaine. La pureté des propositions en sera la véritable éloquence. » 3

Le projet de Pessac a été abordé par Le Corbusier comme un véritable laboratoire de recherche architecturale, dans la continuité de ce qu’il avait déjà proposé à Henry Frugès pour sa cité de Lège, un an plus tôt. Tout d’abord, il permet de trouver de nouveaux moyens de constructions rapides et peu couteux. L’objectif était de travailler avec le béton pour trouver un moyen de le standardiser, donc de faciliter sa mise en œuvre et de rentabiliser la construction d’une cité patronale assez rapidement.

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Chantier le du quartier moderne Frugès

Parpaing de mâchefer mis en œuvre à la place du béton dans toutes les maisons

Modules d’assemblage standard des maisons

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Dans ce souci de rentabilité et d’efficacité, Le Corbusier va également mettre en œuvre un système de module qui sera le même pour tous les types de maisons, mais qui va lui permettre de créer de la diversité. Ainsi, en jouant avec l’assemblage des modules, il va composer quatre types de maisons, les maisons isolés, en quinconce, à arcade et les gratte-ciel, qu’il va à nouveau assembler pour dessiner différents paysage dans la cité en jouent avec la volumétrie des maisons et les différents plans qui construisent les perspectives. Le Corbusier prouve ainsi que le bon marché n’impose pas forcement l’uniformité et qu’il peut y avoir une richesse spatiale dans l’espace public. De plus, Le Corbusier conçoit le plan masse comme une cité-jardin, en travaillant beaucoup sur le rapport à la rue, le retrait des maisons, les jardins et la végétation.

Le plan masse d’origine réglait également le problème de l’accès, puisque l’opération devait s’étendre jusqu’au reste de la ville pour y connecter la cité. Ainsi, le nombre de maisons projetées est quasiment deux fois supérieur à ce qui a finalement été réalisé. Au départ, une rue devait venir faire la liaison entre le cœur de la cité et l’avenue Pasteur, l’axe principale de Pessac. Le but était également de développer des activités publiques ou privées autres que celles se limitant strictement à l’habitation.

Du point de vue de la construction, ce n’est pas le béton qui a été mis en œuvre, comme on pourrait le croire. Car sur le chantier, les ouvriers ne sont jamais parvenus à faire fonctionner le canon à ciment « Ingersoll Rand», les murs de la cité Frugès sont constitués d’un matériau économique et accessible localement : un parpaing 40x20x20 en mâchefer à deux alvéoles de 8 cm, permettant le passage d’un fer filant horizontal ainsi que le coulage de poteaux d’angle.

Ce projet joue donc beaucoup sur la forme, mais Le Corbusier a également comme objectif d’apporter tout le confort moderne aux futurs habitants, avec douche, terrasse en toiture, chauffage centrale. Il construit pour l’homme moderne.

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Maison isolée

Maison gratte-ciel

Maison à arcade

Maison en quincince

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La cité Frugès porte également les prémices des cinq points de l’architecture moderne, les sols se libèrent pour rejeter la plus grande partie du logement à l’étage. Les ouvertures deviennent des fenêtres en longueur et les toitures se transforment en terrasses. Le travail en module, permet à Le Corbusier de mettre en place des plans libres qui, une fois la construction terminée, permettent beaucoup de transformation et de flexibilité. Ces éléments apportent un confort aux habitants qui est plutôt hors du commun en 1927.

L’objectif des architectes modernes est d’influer sur les modes de vie des habitants, pour renouveler l’habitat et redessiner une nouvelle civilisation de l’après guerre. Le Corbusier part de ce principe, il impose une architecture et de nouveaux mode de vie à Pessac, que les ouvriers de Henry Frugès ne sont pas près à accepter en 1927. Et finalement la mentalité des habitants a mis plus de cinquante ans à changer. On peut alors se poser la question de la porté de l’expérience architecturale, prend-t-elle fin une fois l’œuvre construite ? Si c’est le cas, Le Corbusier a fait un travail plutôt efficace. Si l’on considère que l’expérience s’étend à la vie de quartier, et à l’histoire du quartier moderne Frugès, elle témoigne de la capacité des habitants à s’approprier un lieu, à le transformer et finalement, à changer lentement sa mentalité, comme le souhaitait Le Corbusier au moment de la conception du projet.

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LE SOUHAIT DE HENRY FRUGES

Henry Frugès était un philanthrope, amateur d’art, d’où l’intérêt pour lui de faire appel à Le Corbusier pour son projet de cité patronale. Mais il était avant tout un patron, qui cherchait à rentabiliser son affaire grâce à des ouvriers bien logés, donc, dans de bonnes conditions pour travailler efficacement.

Malgré leurs enjeux sociaux, les cités patronales sont avant tout liées à une production industrielle. Leur but est de rentabiliser le travail des ouvriers. Elle permet en effet de garder à proximité du lieu de production une population réputée très mobile et ainsi de conserver le plus longtemps possible les bénéfices d’une main-d’œuvre généralement très qualifiée. En logeant ses ouvriers, un patron possède la garantie que sa main-d’œuvre va rester le plus longtemps possible dans l’entreprise, puisque si les ouvriers partent, ils doivent également, avec leur famille, quitter leur logement.

Une cité patronale, c’est aussi adhérer à une doctrine paternaliste : « L’enjeu est alors d’endoctriner la classe ouvrière avec les valeurs capitalistes »4 . Les ouvriers sont encadrés et bénéficient souvent d’avantages sociaux que la société ne pouvait pas encore leur fournir de manière généralisée comme l’éducation, le logement, les soins médicaux. Ces avantages permettent aussi de garder un certain contrôle sur l’ouvrier et lui transmettre des valeurs morales et traditionnelles, qui va le rendre fière de sont lieu de vie et de travail et donc l’inciter à être encore plus productif. Le paternalisme,

4 Wikipédia Définition : Paternalisme

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5 Hélène Frouard, Du Coran au HLM, art & société, p.12

à travers la cité patronale, vise à orienter et à contrôler totalement la vie de l’ouvrier et de sa famille.

L’illustration de la cité patronale idéale et sans aucun doute le Familistère, construit en 1859 dans l’Aisne par l’architecte Godin. Si la fonction première est d’améliorer les conditions de logements des ouvriers, il crée aussi une sorte d’auto-surveillance entre les voisins, de manière à garantir une certaine conduite morale dans la cité. Les équipements permettent également de dissoudre la famille pour qu’elle soit pleinement intégrée à la communauté qui partage les mêmes valeurs, tout comme l’architecture répétitive efface toute individualité. D’autres exemples, comme la cité ouvrière Menier ou celle de Mulhouse porte ces mêmes idéologies, mais de manières peut-être moins radicales.

Mais la logique des cités ouvrières intervient également dans une situation de crise, l’avancé en matière de l’industrialisation de la construction va permettre de parer aux dégâts de la guerre. Le logement devient un avantage en nature. Selon Hélène Frouard l’enjeu des cités patronales est justement d’éviter l’accès à la propriété pour éviter l’indépendance des ouvriers : « Si l’Etat et le patronat se rejoignent dans l’action et la construction de logements sociaux, le premier veut encourager l’accession à la propriété, alors que le second s’y oppose pour éviter l’indépendance des ouvriers. » 5 Ce détail sur la propriété aura une influence considérable sur l’évolution du quartier moderne Frugès. A l’origine, les habitants ne devaient pas devenir propriétaire de leur logement et donc ils n’auraient eu aucun droit de le transformer.

Alors qu’à la même époque, Le Corbusier travaille déjà sur le sujet de cités ouvrières innovantes pour le projet du Weißenhof à Stuttgart, il se voit commander par Henry Frugès le quartier moderne à Pessac. Bien que l’homme d’affaire ait certainement connaissance de ce travail, il envisage

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le quartier, comme une cité patronale, avec les principes du paternalisme plutôt représenté dans des projets comme le Familistère. Ces deux visions s’opposent radicalement, mais finissent par trouver une sorte de compromis à Pessac, où Le Corbusier impose les principes de l’architecture moderne, alors que Henry Frugès tempère son aspect en imposant quelques détails, tel que la couleur pour adoucir ses formes.

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Lors de la pemière visite de la cité, le contraste entre les vêtements d’époque et les volumes très modernes est troublant.

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L’IMAGE DU QUARTIER

En 1927, à la livraison des 51 maisons, les ouvriers ne voulaient pas emménager dans la cité. Alors Henry Frugès met tout en œuvre pour vendre les maisons, grâce notamment à des dépliant publicitaire qui cherchent à expliquer les atouts de ces maisons : « l’aspect nouveau de cette villa vous fait peut-être douter (…) de son confort et de son agrément et vous vous demandez si l’architecture ancienne ne vous offre pas plus d’avantages que l’architecture moderne » (…) « L’aspect extérieur ne plaît pas toujours au premier abord, mais l’expérience nous a prouvé que l’œil s’habitue très vite à ces formes simples et pures et qu’il ne tarde pas à y découvrir une beauté plus grande que dans les formes compliquées alourdies de sculptures et d’ornements. Autour de nous, tous les objets sont arrivés depuis quelques trente ans à des formes très simples : vêtements, ustensiles, meubles, bateaux, automobiles, etc. Ne sont-ce point les plus simples qui ont le plus de chic réel, de « race », de tenue, de beauté en un mot ? Pourquoi n’en serait-il pas ainsi de nos maisons ? Or il suffit de demander à ceux qui habitent nos villas comment ils les trouvent et comment ils s’y trouvent » 6 Cette publicité cherche à effacer ce décalage qu’il y a entre la pensée architecturale de Le Corbusier et la vie de tous les jours des futurs habitants. Pour beaucoup, l’aspect esthétique de la maison aura une très grande influence sur la manière dont elle sera vécue.

6 Laurent WOLF, Urbanisme contemporain et prospective ( compte rendus), « Philippe Boudon, Pessac de Le Corbusier », p1207-1208

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Cependant, les maisons ne trouvent pas d’acquéreur pour une raison très simple, elles ne sont pas viable comme l’explique M.Vrinat, ingénieur responsable de la construction : « Il y a eu un tollé de la part de tous les architectes de Bordeaux sans exception ; ils ont tout critiqué sur toute la ligne… Le résultat fut que ces maisons, on n’a pas trouvé à les vendre. » 7

A cause de cette opposition très violente des architectes de Bordeaux, la Ville a retardé la construction de la voirie et le raccord aux réseaux d’eau et d’électricité. C’est seulement grâce à l’intervention du ministre Loucheur, qui fait pression sur la commune, que le quartier moderne Frugès est enfin raccordé aux réseaux et donc viable.

« En 1930, […], la vente s’est effectuée dans le cadre de la loi Loucheur…Cette loi avait le grave défaut de ne pas demander de participation aux gens : il suffisait de répondre à la norme établie pour en bénéficier. La conséquence fut que les gens habitant là n’étaient pas très riches. C’étaient des gens en général pour qui la notion d’entretien n’existait pas. Il y avait par exemple du sable sur les terrasses, ce sable a aujourd’hui disparu, d’où les problèmes d’étanchéité alors que celle-ci avaient pourtant bien été conçue au départ… » 8

Cette loi Loucheur du 13 juillet 1928 prévoit l’intervention de l’état dans le financement de logements sociaux, alors qu’il ne s’agissait à l’époque que d’initiatives privées. Si les particuliers correspondaient aux critères qui leur permettaient d’en bénéficier, ils pouvaient emprunter à taux réduit afin d’acheter un terrain et d’y faire construire un pavillon ou une maison. Ainsi les habitants, qui devaient à l’origine être des ouvriers locataire de Henry Frugès, sont des familles, aux revenus faibles, qui deviennent propriétaire de leur logement. .

Donc dans les années 1929-1930 toutes les maisons sont enfin acquises par des particuliers avec le label HBM. Cependant, il semblerait, sans avoir de document le prouvant, que certaines maisons auraient été rapidement

7,8 Philippe BOUDON, Pessac de Le Corbusier, Paris, Bordas, p.13

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mises à la location, ce qui explique des entretient encore plus rudimentaire. Cette notion d’entretien, dont parle M.Vrinat, est l’un des facteurs qui va mener les habitants à faire beaucoup de travaux de « bricolage » dans leur maison sans respecter l’aspect d’origine du quartier.

Pour quelques rares maisons, les premiers propriétaires auraient été des connaissances d’Henry Frugès qui les auraient acquises par « snobisme »9.

Au-delà de l’aspect social du quartier, il va également avoir une certaine réputation dans la ville de Pessac, une habitante témoigne aux alentour de 1967 : « On était des pestiférés : Comment ! vous habitez le « quarter marocain » !... – Et moi je disais : - Oh ! là ! là ! et si je ne m’y plais pas ! Qu’est-ce que je vais faire !... c’était vilain ! j’avais l’impression de rentrer en prison… » 10

Ce qui est étrange devient étranger ! Les habitants de Pessac, extérieur à la cité, la qualifié de marocaine, parce que les formes rappellent l’architecture méditerranéenne. Ces apriori révèlent la difficulté des habitants à appréhender l’architecture moderne de Le Corbusier, les futurs habitants ont presque du mal à le voir comme un vrai quartier d’habitation. Les formes très pures de l’architecture moderne ne leur évoquent pas les caractéristiques d’une habitation traditionnelle. Et c’est probablement l’une des raisons fondamentales pour lesquelles la cité sera transformée de manière aussi radicale.

9 Entretient avec Cyril Zozor de la Maison Municipale Frugès – Le Corbusier10 Philippe BOUDON, Pessac de Le Corbusier, Paris, Bordas, p.14

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BESOIN D’APPROPRIATION

OU ENTRETIEN POPULAIRE

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Depuis l’emménagement des premiers habitants, un peu malgré eux en 1930, et jusqu’à l’étude de Philippe Boudon en 1967, les habitants vont finalement s’approprier ces « formes modernes » et modifier le quartier en le « vernacularisant ».

Là encore deux visions s’opposent sur les raison de ces transformations. Si pour Philippe Boudon, les habitants modifient l’aspect de leur maison pour y retrouver des éléments de l’architecture vernaculaire ou traditionnelle affin de donner une identité culturelle à leurs habitations, une étude de la RAUC cherche à démontrer que toutes ces transformations ne sont que le résultat de l’entretien des maisons avec des moyens et des méthodes populaires ou traditionnelles, qui ne sont pas adaptés à l’architecture moderne de Le Corbusier et qui en changent donc l’aspect.

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RAISONS DES TRANSFORMATIONS

Avec le temps, les habitants ont opéré beaucoup de changements et de transformations dans l’aspect des maisons du quartier moderne Frugès. A première vue, ils ont totalement dénaturé le projet initial en cherchant à effacer les éléments d’architecture moderne pour les remplacer par des références vernaculaires ou traditionnelles (fenêtres en bandeaux refermées pour mettre des fenêtres à petits bois et des volets à battants, couleur de Le Corbusier remplacée par des crépis blanc ou de couleur très « personnalisée », transformation des toitures). Finalement, tous ces changements donnent l’impression que les habitants ont voulu faire ressembler, autant que possible, un symbole de l’architecture moderne à une architecture plus vernaculaire ou traditionnelle.

En 1967, lorsque Philippe Boudon prend connaissance de cette opération, il va entamer une étude socio-architecturale, qui cherche à expliquer le projet d’origine, les transformations de « vernacularisation » effectuées et les raisons pour lesquelles elles l’ont été. Cette étude est construite comme une enquête sociologique pour démontrer une théorie architecturale. Lorsqu’Henri Lefebvre parle « d’habiter activement », Philipe Boudon voit ces modifications comme un besoin des habitants de « vernaculariser » leur habitation, pour leur redonner une identité culturelle et pour revenir à une image plus traditionnelle de la maison. Si les transformations ont tendance à dénaturer ou à trahir le projet d’origine pour les admirateurs de Le Corbusier, elles témoignent d’une formidable capacité des habitants à s’adapter et à fabriquer un foyer qui leur ressemble et qui accueillera leur quotidien. Boudon part du principe que ces modifications sont le résultat

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d’une incompréhension de l’architecture moderne et d’une incapacité à appréhender les formes pures de Le Corbusier.

L’étude de Philippe Boudon s’attache à démontrer qu’il existe une interaction entre espace social et espace bâti. Il ne s’intéresse plus seulement à «l’objet architectural » mais s’interroge sur le vécu de l’architecture, qui n’est plus alors une production qui s’arrête lorsque le chantier est terminé, mais au contraire une production qui continue avec les habitants. Pessac est l’œuvre de Le Corbusier, mais pas seulement, le quartier continue de se modeler avec le temps et l’intervention des habitants. Ce qui retient l’attention, ce n’est pas au premier abord la volumétrie du projet de Le Corbusier, mais justement les transformations effectuées par les habitants. Il faut également souligner que l’architecture de Le Corbusier, en elle-même, permettait assez facilement ces modifications. Les habitants ont vu les « boites de béton toute similaire » comme des modules à personnaliser, et ils n’ont pas perçu ou ressenti l’aspect standardisé des maisons, ils n’ont donc pas pu le conserver. Grâce aux formes simples, aux volumes pures, au travail en module et au plan libre, les travaux deviennent faciles et parfois presque évidents.

La dernière partie de l’ouvrage est rédigé sous forme d’un compte-rendu d’une discussion. Philippe Boudon rassemble autour de lui différents acteurs du bâtiment et de la production architecturale, (ingénieur, entrepreneur, designer, …) pour répondre à une interrogation : Pessac est-il un échec ? A première vue, la réponse semble évidente, les habitants ont détruit l’œuvre de Le Corbusier, pourtant au fil de la discussion, la réponse se tempère. Malgré son côté autoritaire, l’architecture de Pessac à permis de démontrer qu’il existe bel et bien cette interaction entre espace social et espace bâti, et que donc l’opération ne peut pas être considérée comme un échec.

Dans cet ouvrage, Boudon défend une théorie, qu’il applique au quartier moderne Frugès. Les entrevues avec les habitants sont orientées pour

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démontrer qu’ils ont des aprioris sur l’architecture moderne et que leur idéal reste la maison traditionnelle. Boudon ne cherche pas à prendre le parti des habitants ou à défendre la vernacularisation. Il démontre que le projet architectural s’étend au-delà de la conception et de la construction pour prendre en compte l’aspect et l’espace social, vécu et pratiqué par les habitants.

Cependant une étude de la RAUC 11, parue en 1970, suite justement à la publication de l’enquête de Philippe Boudon, interprète ces transformations comme une manière de parer aux défauts de constructions. D’une manière générale les transformations touchent les fenêtres ou les toitures parce qu’elles posaient de vrais problèmes techniques. La population, plutôt pauvre, de la cité n’avait pas les moyens de faire appel à des professionnels pour refaire l’étanchéité d’une toiture terrasse par exemple, il était beaucoup plus simple de venir ajouter par dessus une autre toiture en pente qui règlerait efficacement le problème de l’eau. Les transformations sont souvent du « bricolage » pour résoudre des problèmes techniques, avec bien sûr des méthodes vernaculaires, puisque les habitants ne pouvaient pas faire autrement. Mais la RAUC, tout comme Philippe Boudon, cherche à défendre un point de vue, cette étude ne se positionne pas directement pour la patrimonialisation, mais elle défend déjà une certaine idée de la préservation de l’œuvre de Le Corbusier. Dans un certain sens, elle minimise les raisons des transformations qu’a subit le quartier moderne Frugès pour pourvoir plus facilement revenir en arrière, sans que cela altère, selon eux, le quartier et le quotidien des habitants.

11 RAUC (centre de recherche d’architecture d’urbanisme et de construction), Action concertée urbanisation 1967, Compte rendu, 1970, p.3

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Axonométrie du quartier Frugès, avec repère des trois maisons photographées

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LES TRANSFORMATIONS DANS LA REALITE

Par exemple sur deux photos, on distingue des mêmes maisons à deux époques différentes, en 1927, lors de la livraison et en 1967 à l’issue de l’étude de Philipe Boudon. Elles ont été modifiées de manière radicale. Ces changements posent différentes questions sur l’appropriation, l’individualisation, les références architecturales populaires et sur la reconnaissance d’une œuvre comme celle de Le Corbusier par le grand public.

Ces maisons en bande, de type quinconce, à un étage, sont assemblées tête-bêche ce qui provoque dans le dessin de façade, une alternance entre façades avec fenêtre en longueur et terrasse avec pergola. Sur les photos, on distingue donc trois maisons différentes. (1, 2 et 3 sur le schéma)

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1927

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Le projet en 1927 :

Les modifications en 1967 :

Dans le projet initial, Le Corbusier dessine une bande de maisons avec un retrait sur la rue d’environ 5 mètres, avec une clôture qui délimite un petit jardinet et qui crée une mise à distance entre la rue et l’entrée. Du point de vue de l’habitation, l’architecte propose également des solutions résolument modernes, grâce, entre autre, à l’utilisation du béton. Ainsi, les toits sont plats et les fenêtres en bandeau. Les sols sont en partie libérés, à l’arrière ou à l’avant de la maison, grâce à un système de refend porteur.

La couleur joue également un rôle important dans la composition du quartier, même si cela est moins évident sur les photos en noir et blanc. Pour ce type de maisons, la façade est peinte en marron et l’élément cylindrique du rez-de-chaussée est « bleu-horizon ».

Les fenêtres en bandeau et le font des pergolas en blanc, forment une ligne continue qui parcourt toute la bande de maisons et donne une cohérence à l’ensemble. Le Corbusier attachait beaucoup d’importance aux perspectives et aux photos de ses opérations. Le point de vue de cette photo, probablement issues des œuvres complètes, souligne donc l’unité, l’effet de bande dans la rue plutôt que l’individualité. Les habitants résident dans une partie d’un tout uni et répétitif.

Tout d’abord, les couleurs ont disparu des trois maisons, les façades sont entièrement blanches. Les habitants ont également entretenu la végétation, elle est plus présente dans le quartier, comme cela avait été prévu dans le projet de Le Corbusier. Les photos de Philippe Boudon de 1967 ne cherchent pas, comme celle de Le Corbusier, à mettre l’opération en valeur, ils soulignent des cas très particuliers, des détails qui démontrent sa position. Ainsi, la photo est frontale, sans soucis de mise en scène.

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Maison n°3

Maison n°2

Maison n°1

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Pour la maison n°1, les modifications touchent surtout le rez-de-chaussée, elles ont été réalisées dans un but d’optimiser l’espace et l’usage. La clôture a été retirée et remplacée par un portail pour permettre à la voiture de stationner sur la parcelle.

Une petite extension a également été construite pour refermer l’espace couvert avec l’élément cylindrique et gagner des mètres carrés de surface habitable.

La maison n°2 a sans doute subit les transformations les plus radicales. Comme pour beaucoup d’autres maisons les fenêtres en bandeau ont été redécoupées, mais, en y regardant de plus près, on remarque que les angles des fenêtres ont été arrondis et l’acrotère a été ornementé d’une corniche et d’un jeu de volume. Ces éléments rappellent fortement l’habitat traditionnel maghrébin.

Cette transformation donne l’impression que les habitants avaient besoin de donner un aspect ou une identité plus traditionnel à leur maison. Alors qu’une « traditionalisation française » était impossible, faute de toit en pente, ils ont choisit une autre « référence traditionnelle » parce que les habitants ne semblent pas pouvoir se reconnaître dans les volumes simples et pures de Le Corbusier.

La maison n°3 semble avoir subi le moins de changements. A part le blanc qui remplace les couleurs très marquées de l’opération, les propriétaires ont préservé l’expression d’origine du projet.

Il y a donc différents types de modifications, pour les habitants de la maison n°1 il s’agissait d’optimiser l’espace pour gagner de la surface habitable et pour avoir un emplacement de stationnement pour leur voiture. Les changements ont probablement été faits pour que la maison soit plus adaptée à la famille qui y habite. Pour la maison n°2 les transformations touchent plutôt à l’esthétique. Les habitants ont voulu donner un aspect particulier à leur maison, en faisant référence à un habitat vernaculaire,

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Transformation des fenêtres pour des raisons techniquesEco

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Les transformations des fenêtres :

d’une certaine manière, ils donnent une nouvelle identité à leur maison. Ils ont essayé de la distinguer des autres, de la rendre unique.

Les transformations des fenêtres ont également deux explications différentes. Beaucoup d’habitants ont choisit de remettre des fenêtres plus petites avec des volets, simplement parce que les grandes ouvertures en longueur les gênaient.

Mais pendant la seconde guerre mondiale, la ligne de chemin de fer, qui longe la cité a été bombardée et un certaine nombre de fenêtres ont été soufflées par l’explosion. Lorsqu’il a fallu remplacer le vitrage, il était impossible de racheter les mêmes fenêtres qui avaient été utilisées par Le Corbusier, parce qu’elles n’étaient pas standard. Les habitants ont du redimensionner leurs ouvertures pour pouvoir poser de nouvelles fenêtre. D’autres habitants ont choisit de changer les fenêtres parce qu’elles comportaient trop de défauts techniques, l’étanchéité à l’air et à l’eau était très mauvaise et elles rouillaient très rapidement.

L’histoire des fenêtres révèle à nouveau cette double explication des modifications, parfois purement esthétique, les transformations sont le plus souvent une double utilité, la nécessité de résoudre les problèmes techniques et en profiter pour changer l’aspecte des maisons et revenir à une image plus traditionnelle. Eco

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PATRIMONIALISATION

OU SAUVEGARDE

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Paradoxalement, c’est à la suite de l’apologie de la vernaculariation de Philippe Boudon, que les habitants du quartier commencent à prendre conscience du fait qu’ils vivent dans un quartier pas comme les autres, dessiné par un architecture hors du commun.

Cette prise de conscience, va mener le quartier, peu à peu, dans une démarche de patrimonialisation. Cette patrimonialisation à pour objectif de restauration l’espace public et l’aspect des maisons à l’identique du projet d’origine de Le Corbusier. Et c’est cet objectif même de la patrimonialisation qui devient paradoxale, puisqu’il vient effacer toute l’histoire du quartier moderne Frugès pour le figer dans une forme qui n’a jamais réellement été pratiquée, puisque, dès les premières années, les habitants ont commencé à modifier et à s’approprier les lieux pour en changer l’aspect.

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Première maison restaurée en 1973 et classé au Monuments Historiques

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UNE MAISON CLASSEE

L’histoire de la patrimonialisation du quartier moderne Frugès commence en 1973, lorsque la maison de Monsieur Héraud, au 3, rue des Arcades, est restaurée dans son état d’origine. Son classement en 1980 crée le cercle de protection d’un rayon de 500m autour de celle-ci et impose donc le contrôle des Monuments Historiques sur toutes les interventions apparentes sur le bâti des maisons de la cité. A ce moment à lieu une véritable rupture dans l’évolution de la cité, ses transformations, dans une logique de vernacularisation comme le présentait Philipe Boudon, sont immédiatement stoppées. Ainsi commence la démarche de patrimonialisation et l’application de la règlementation de la ZPPAUP du quartier Moderne Fruges à Pessac.

C’est à partir du début des années 1980 qu’est apparue la nécessité d’un cadre d’intervention cohérent face à des demandes de propriétaires, qui par ailleurs sont déjà plus ou moins sensibilisés au fait qu’ils habitent un quartier particulier ne serait-ce que par les visites régulières d’amateur d’architecture ou par les « enquêtes » dont ils font régulièrement l’objet. Les habitants prennent conscience qu’ils vivent dans un lieu « spécial », pas seulement parce que les forment paraissent étranges, mais parce qu’il possède de réelles qualités architecturales et urbaines. La démarche de restauration d’une première maison traduit l’intérêt des habitants pour l’architecture moderne qui est aujourd’hui mieux comprise et acceptée. Ainsi, une maison de Le Corbusier est une œuvre architecturale et reconnus comme tel par les habitants et par les nombreux visiteurs. Cette prise de conscience donne aux habitants un sentiment de fierté envers

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Rayon de 500m autour de la première maison classée en 1980, qui constitue la ZPPAUP

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leur quartier, qui va les pousser à faire des démarches pour justement préserver et mettre en valeur le patrimoine qu’ils possèdent. Le début de l’histoire de la patrimonialisation du quartier moderne Frugès est donc véritablement une entreprise des habitants eux-mêmes, encouragés et encadrés, par la suite, par la municipalité. Cet élan de reconnaissance, par les habitants, aurait pu créer une véritable entente de quartier autour d’un même objectif, celui de revaloriser et de protéger leur quartier.

D’un point de vue administratif, le projet de patrimonialisation se traduit par une règlementation, celle de la ZPPAUP, qui a été précédé d’une étude financée par la Ville de Pessac, la Région, le Ministère de la Culture et la Direction de l’Architecture et le Plan Construction. L’étude sert à déterminer avec précision les enjeux et les objectifs de la patrimonialisation, qui seront atteintes grâce à une série de règles concernant les aspects architecturaux, urbanistiques et paysagers du quartier. Pour mettre en place une structure physique, la mairie à également ouvert la Maison Municipale Frugès – Le Corbusier, qui s’est installée dans l’une des maison gratte-ciel de la rue Le Corbusier. Elle a totalement été restaurée et transformée en petit musée. Outre le fait qu’elle est le modèle de restauration idéal décrit dans la règlementation de la ZPPAUP, son rôle est d’y accueillir les visiteurs et de leur présenter l’histoire de la cité, mais cette maison est également le lieu de rencontre entre les habitants et les interlocuteurs extérieurs qui conseillent et influencent les projets de restaurations, comme l’architecte des Bâtiments de France. Le fait de disposer d’un espace, sur place, est primordial, car il permet de rassembler facilement et sans trop de contraintes les habitants du quartier autour d’un même projet bien défini.

Dans les années 90, le bailleur social « Aquitanis » prend part au projet de patrimonialisation en rachetant plusieurs maisons. Il s’engage à mettre en œuvre concrètement la règlementation de la ZPPAUP, en restaurant les maisons à l’identique. Ces restaurations concernent une maison à Arcade, une maison en quinconce et deux demi Gratte-ciel mitoyens, ce qui

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permet dans ce cas particulier de reconstituer la volumétrie globale du bâtiment. Avec une maison Zig-Zag restaurée selon les mêmes principes par un particulier, le quartier retrouve rapidement des « témoins » du projet d’origine, qui montrent très clairement quels étaient les principes de Le Corbusier et rappellent les qualités spatiales de la cité. Ces éléments restaurés ont pour but d’apporter une certaine compréhension aux habitants, mais aussi de leur fait adopter cette démarche de restauration et de diffuser les recommandations de la ZPPAUP.

Cependant la patrimonialisation reste un projet lourd de contraintes et de démarches administratives pour les habitants du quartier. Il est alors important de se demander ce que peu provoquer la restauration des maisons dans un quartier qui est toujours habiter. Faire de la cité un monument reviendrait à figer le quartier, à en faire une ville-musée. Les enjeux sont donc de préserver l’œuvre de Le Corbusier, mais également la vie de quartier et le quotidien des habitants. La patrimonialisation pose aussi la question de la raison pour laquelle les habitants voudraient revenir à l’aspect d’origine, en dehors du simple fait que les maisons sont « du Le Corbusier », car la cité n’a jamais vraiment ressemblée à ce qu’elle était sensée être. Il paraît intéressant, dans ces conditions de nuancer entre la « patrimonialisation » de l’œuvre de Le Corbusier et la « sauvegarde» du quartier moderne Frugès. Le mot patrimonialisation implique une restauration à l’identique du projet d’origine, alors que la sauvegarde viserait plutôt à préserver aussi l’histoire du quartier, quitte à ne pas revenir complètement au projet d’origine. Le patrimoine porte aussi cette notion de rigidité qui a tendance à figer les choses, à mettre en valeur le passé au détriment d’un présent et d’un avenir vivant. La notion de sauvegarde pourrait porter une certaine possibilité d’évolution et de liberté.

Dans ce sens, la démarche du petit ouvrage « les quartiers modernes Frugès », publié en 1998, est intéressante, parce qu’il s’applique à montrer le projet de Le Corbusier, mais aussi à souligner son côté insolite et ses cas particuliers. Ainsi les prises de vues commencent à reprendre

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leurs perspectives fixées par Le Corbusier. Les images, tout comme les modifications des maisons, tendent à retrouver leur aspect d’origine, mais gardent des traces de l’histoire du quartier moderne. Cet ouvrage montre une sorte de compromis entre le passé de vernacularisation et la patrimonialisation en court.

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7 différentes zones de la ZPPAUP

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LA REGLEMENTATION DE LA ZPPAUP

En 1980, après le classement de la première maison, il est essentiel d’entamer une étude qui définira les conditions de la règlementation ZPPAUP. Cette étude, commanditée par la Ville de Pessac, la Région, le Ministère de la Culture et la Direction de l’Architecture et le Plan Construction, pose la problématique de la patrimonialisation comme suite: « Face à la dégradation pathologique et aux transformations tendant à mutiler l’œuvre de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret, comment sauver les Quartiers Modernes Frugès sans en chasser une population qui désire y vivre, non pas comme dans un musée, mais comme dans un lieu vivant en la pratiquant, en l’entretenant et en l’améliorant »12 .

Immédiatement, les transformations opérées par les habitants pendant plus de cinquante ans sont qualifiées de « dégradation pathologique », le parti-pris est de revenir au projet d’origine de Le Corbusier de manière intransigeante. Mais le but de cette étude est également de trouver un moyen de préserver la vie du quartier, sans le figer dans une vision idéal d’un projet passé. Le but est de revenir à l’ensemble urbain homogène et « exemplaire » tout en y associant ses habitants, en les motivant et en les sensibilisant à des actions de restauration, de réhabilitation et de rénovation.

Cependant, l’étude se base sur le principe que l’alternative n’était pas entre « tout conserver et tout détruire »13 , c’est-à-dire qu’elle n’est pas entre

12, 13 Règlement de la ZPPAUP : Quartier moderne - Frugès - Pessac- Gironde, de décembre 1997

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le fait de reconstituer fidèlement d’état d’origine ou de renoncer à toute intervention. Elle cherche à mettre en place une frange d’intervention avec des recommandations architecturales qui permettraient de conserver l’œuvre de Le Corbusier et le caractère de « cité d’habitation populaire ». Ces recommandations seront illustrées et testées à la fin de l’étude, sur un premier chantier expérimental, celui de la Maison Municipale Frugès – Le Corbusier, rachetée par la Mairie. Ce chantier doit mettre en œuvre les solutions techniques et architecturales préconisées dans la règlementation de la ZPPAUP.

Mais l’étude s’attache tout d’abord à faire un état des lieux. En exploitant une documentation très fournie sur le travail de Le Corbusier, elle retrace avec précision le projet d’origine et sa réalisation. Il est important de faire un bilan de la situation, de constater les dégradations et modifications spatiales subies par l’ensemble de la cité, en comparant l’état d’origine et l’état en 1980 et en en analysant les causes, qui ne sont pas uniquement le résultats de pratiques socio-culturelles sur l’espace, mais aussi des solutions à des problèmes techniques et d’habitabilité. En prenant en compte l’étude socio-architecturale de Philippe Boudon, la question de la réversibilité des interventions se pose de manière assez évidente, est-il seulement possible de revenir en arrière après 50 années de transformations et de «bricolage»?

Avec cette problématique de réversibilité, le but devient plutôt d’identifier les éléments formels et spatiaux qui marquent encore la cité comme étant l’œuvre de Le Corbusier. En renforçant ces éléments et en les faisant ressortir, le projet de patrimonialisation ne s’attarde plus seulement sur des maisons isolées mais sur une vision globale du quartier et du bâti en tant que paysage urbain. Mais pour cela il faudrait que les habitants utilisent des procédés techniques de restauration standards et généralisables à la série des maisons, ce qui implique que les habitants fassent tous en même temps les restaurations avec les mêmes entreprises, ce qui paraît très contraignant et finalement impossible. Donc cette étude conclue en

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donnant des recommandations précises, communicable aux différents intervenants, tant au niveau urbain qu’au niveau architectural et constructif de chaque cas particulier. Ces recommandations prennent la forme d’une règlementation, celle de la ZPPAUP qui se divise en deux parties, l’espace publics et la volumétrie et les façades des maisons.

ESPACES PUBLICS

Comme la première préoccupation est de restituer « l’image globale de la cité » et donc de restaurer prioritairement l’espace public, les rues, c’est-à-dire leurs limites visuelles, leur alignement d’origine, ainsi que tous les éléments urbains projetés par Le Corbusier (les sols des chaussées et trottoirs ; les plantations ; les lampadaires) qui contribuent à dessiner les espaces extérieurs.

La Ville a donc décidé d’investir dans le quartier moderne Frugès pour restaurer son propre espace selon les principes du projet d’origine, tout en intégrant de la façon la plus discrète possible toutes les émergences des réseaux. Ces travaux ont été entamés le plus rapidement possible pour «démarrer » définitivement le projet de patrimonialisation. Cette démarche fait également office de communication de la Ville pour les habitants de son investissement dans le projet, et pour ainsi stimuler l’initiative privé s’appliquant à la restauration des maisons. Si elle valorise ses actions et la démarche de restauration, les habitants auront plus facilement tendance à suivre ce projet et ainsi développer l’initiative privée, surtout les interventions de restauration, qui dans un premier temps, concernent les éléments en rapport avec la rue, tel que les jardins, les clôtures de parcelles, les portails, portillons et boites aux lettres, pour ensuite mener à la restauration de la silhouette et le tracé des façades des maisons elles-

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mêmes.

Les enjeux concernent également le devenir de la commune, qui doit prendre en compte la mémoire du plan masse d’origine qui était deux fois plus étendu que la cité bâtie et qui réglait les problèmes de liaison, d’accès, et de perception extérieure de cet ensemble. La ZZPAUP concerne un territoire qui s’étend au-delà du quartier moderne Frugès, l’évolution de la ville sera donc toujours d’une manière ou d’une autre touchée par la règlementation et les contraintes de la patrimonialisation.

VOLUMETRIE ET FACADE

La seconde préoccupation est de restituer « l’aspect visuel et esthétique des ouvrages extérieurs de toutes les maisons », en mettant l’accent sur les éléments exprimant déjà les cinq points de l’architecture (pilotis, toits-jardins, plan libre, fenêtre en longueur, la façade libre), pour conserver l’intérêt théorique et expérimental du quartier moderne Furgès. Il s’agit donc d’effacer tous les éléments qui empêchent la lecture de l’œuvre de Le Corbusier en tant que tel. Ces éléments peuvent se diviser en trois catégories différentes, la volumétrie, les façades et la polychromie, dont les transformations sont soumises à de nombreuses contraintes dans la règlementation de la ZPPAUP.

La volumétrie :

En premier lieu, l’objectif est de restituer et de mettre en valeur les masses et volumes et les formes plastiques d’origine, propre à chaque maison. Toujours dans ce souci de redonner l’image d’origine globale du quartier moderne Frugès. Cela implique de faire disparaitre les surélévations et adjonctions au volume initial de la maison, de restaurer les escaliers

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extérieurs, les pergolas des terrasses et leurs garde-corps, ainsi que les auvents des entrées. Pour les habitants cela veut dire, dans certains cas, renoncer à une surface habitable qu’ils auraient gagnée sur le toit par exemple.

Puis, la règlementation impose la restitution des toitures, qui ont souvent été transformées parce que les propriétaires n’avaient pas les moyens financiers de faire appel à des entreprises capable d’entretenir une toiture-terrasse, ils ont trouvé des solutions traditionnelles de couvertures en pentes, simples et économiques. Mais le but n’est pas seulement de retirer les toitures ajoutées, les interventions ne doivent pas déformer les proportions des façades, ce qui n’est possible qu’en utilisant les techniques de l’époque d’étanchéités minces, ce qui permet de ne pas remonter les acrotères.

La volumétrie a également été modifiée par les espaces non clos en rez-de-chaussée, qui ont été quasi systématiquement refermé pour simplement gagner de la surface habitable. Comme cette pratique s’étend sur tout le quartier moderne Frugès, avec seulement très peu d’exceptions, la règlementation tolère ces nouveaux éléments de façade à condition que ces interventions soient suffisamment légères pour être facilement réversibles et qu’elles manifestent de façon évidente leur différence avec la forme d’origine.

La composition des façades :

L’élément fondateur de la composition de façades est, sans aucun doute, la fenêtre en longueur, l’un des cinq points de l’architecture de Le Corbusier. L’intérêt de restituer les dimensions standards de tous les percements de chaque type de maison et de restaurer les baies, huisseries et fermetures et donc évident. Les ouvertures ont souvent été modifiées, pas tant en raison de leur forme, mais en raison de leur caractéristique techniques

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insuffisantes (étanchéité à l’eau et à l’air, rouille…) et l’impossibilité de les remplacer en cas de casse. Cependant, leurs qualités sont aujourd’hui reconnues par les habitants.

La polychromie :

La polychromie est l’un des éléments qui a été rejeté immédiatement à l’arrivée des habitants, bien que Le Corbusier et Henry Frugès avec pris beaucoup de soin à choisir cette palette de couleur. Elle est donc un élément majeur de la composition du quartier moderne Frugès, avec le jeu de volume. La règlementation impose donc que les couleurs appliquées sur les façades soient les teintes exactes choisies par Le Corbusier. Mais les habitants étant réticents à certaines couleurs, notamment le vert, le ravalement de façade en blanc est autorisé. Ce qui explique que sur certaines photos, que l’on puisse observer des ravalements de façade sans que les couleurs d’origines soient respectées.

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La règlementation de la ZPPAUP s’applique également aux rues alentours du quartier moderne Frugès, puisqu’elle est délimitée par un rayon de 500m autour de la maison classée. Elle règlemente donc ce périmètre redécoupé en 7 zones, avec une règlementation qui diffère pour chacune d’entre elle. La zone 1, à laquelle s’applique la règlementation la plus stricte, est évidement la partie réalisée du quartier moderne Frugès.

Pour la zone 2, qui redessine les limites du quartier non réalisé, la règlementation impose donc, des hauteurs de construction, toujours assez basses, donc l’impossibilité de construire du logement collectif. Elle influence la densité, en limitant une maison par unité foncière et elle impose un certain code couleur en n’autorisant qu’une palette de couleurs pastelles. Les autres zones (3A et B, 4, 5, 6 et 7) sont des «zones tampon» qui imposent essentiellement des hauteurs de constructions, des formes de fenêtres de manière à préserver le paysage alentours et à ne pas concurrencer ou pasticher le quartier moderne Frugès. Cependant, elle ne prend absolument pas en compte le fait que les modes de vie aient changé depuis le moment ou Le Corbusier a imaginé la cité. Le quartier actuel n’a plus grand-chose à voir avec les plans d’aménagement de Le Corbusier. La voiture par exemple est dix fois plus présente qu’il ne l’envisageait, les habitants ont perdus l’habitude de jardiner et cultiver un potager, et les poulaillers n’ont plus aucune utilité.

Finalement, la patrimonialisation soumet les habitants à beaucoup de contraintes concernant d’éventuels travaux dans leur maison. Tout d’abord des contraintes de temps, si une décision de travaux est soumises à l’approbation d’une commission, il est évident que les travaux ne peuvent jamais commencer rapidement. Dans un lieu où les transformations de sont faites très spontanément, en fonction des besoins et des envies, tout est soumis au contrôle très stricte d’une administration. La règlementation de la ZPPAUP décrit de nombreux critères de transformations qui doivent absolument être pris en compte dans une démarche de travaux. Officiellement, ce règlement ne touche que l’aspect extérieur des maisons,

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mais concrètement, ces changements auront un impacte très fort sur l’intérieur. Les modifications des fenêtres, des toitures ou des extensions va avoir un impact sur la vie dans le logement.

Cette règlementation ne permet finalement aucune liberté, elle détermine les travaux à effectuer pour chaque type de maison pour qu’elles retrouvent leur aspect d’origine sans alternative. Elle ne traite pas non plus cette question de la vie dans le quartier que l’étude préconisait au départ. Cependant, elle met en place une clause de réversibilité des interventions, qui doit permettre de ne pas effectuer des transformations totalement irréversible, ce qui pourrait laisser une certaine forme de liberté à l’avenir, ou une possibilité de s’adapter à une évolution de la règlementation.

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LA VIE DANS LE QUARTIER MODERNE FRUGES

Depuis 1927 une deuxième puis une troisième génération d’habitants sont venus vivre dans le quartier moderne Frugès, ces nouveaux habitants connaissaient l’œuvre de Le Corbusier et ils ont cherché à revenir au projet d’origine.

Cependant, lors de ma visite cet été, j’ai eu l’impression que la cité était envahie de visiteurs, de touristes amateurs d’architecture moderne ou d’étudiants en architecture. Les habitants restent enfermés chez eux ou désertent le quartier pendant le week-end. Les enfants ne jouent pas dans les rue trop tranquilles, les petites mamies ne jardinent pas dans leur petit coin de verdure.

A travers l’étude de Philipe Boudon, il est facile d’imaginer une vie de quartier comme dans n’importe qu’elle cité ouvrière, avec une certaine entente entre les voisins, avec des enfants qui jouent dans les rues parce que le quartier est très calme et protégé. Si cette vie de quartier a un jour existée, elle a totalement disparue aujourd’hui. Selon Cyril Zozor, responsable de la maison municipale Frugès – Le Corbusier, beaucoup d’habitants sont aujourd’hui assez hostile à la visite de touristes ou même à la démarche de patrimonialisation, surtout les plus anciens habitants.

J’ai tenté de faire une enquête avec questionnaire pour déterminer à quelle époque les maisons avaient changées de propriétaire et dans quelle mesure les habitants connaissaient l’œuvre de Le Corbusier. Comme les habitants n’étaient pas disponibles pour répondre à mes questions, lorsque j’étais sur place, j’ai laissé le questionnaire dans les boites aux lettres. Il

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Arrivée en masse de touristes au quartier moderne Frugès

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était composé en deux parties, la première très courte visant simplement à déterminer le type de population qui y vit actuellement et s’ils aviant un intérêt particulier pour l’architecture moderne et l’œuvre de Le Corbusier, dans le but de faire un état des lieux. La seconde partie devait permettre de regrouper des informations un peu plus précises sur les différentes transformations et des anecdotes plus personnelles sur les habitants. Les habitants avaient la possibilité de ne répondre qu’à la première partie et de deposer le questionnaire à la Maison Municipales Frugès – Le Corbusier qui se serait chargé de me le transmettre ou ils pouvaient me le renvoyer directement par la poste. Finalement je n’ai eu qu’une seule réponse, d’un artiste qui a fait de sa maison son atelier et qui en profitait pour me montrer ses œuvres.

Sans les réponses à ce questionnaire je ne peux évidemment pas donner d’informations précises sur les habitants, mais cette absence de communication révèle au moins une chose, les habitants ne sont plus très ouvert à la discussion, probablement à cause du grand nombre de personne qui viennent les sollicités, mais aussi en raison de la patrimonialisation en elle-même qui contraint énormément le quotidien des habitants. Cette patrimonialisation a pour effet de déposséder en quelque sorte, les propriétaires de leur bien, ils perdent le droit de modifier leur maison comme ils l’entendent. Cette impression est renforcée par le fait que plusieurs maisons ont été rachetées par un bailleur social, qui restaure les maisons et les donnera à la location, encore une fois, sans donner aux futurs locataires la possibilité de s’approprier leur logement.

La ZPPAUP est une servitude d’urbanisme, si les habitants décident de ne pas s’y soumettre ils s’exposent à des poursuites. Aujourd’hui lorsqu’un habitant souhaite réaliser des travaux, il doit déposer préalablement une demande de permis de construire ou une déclaration préalable de travaux selon la nature de ses travaux et le niveau de protection Monument Historique de sa maison. Ce document précise la nature des travaux et les entreprises qui les réaliserons.

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Dégradations des maisons

Maisons restaurées

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L’architecte des Bâtiments de France ainsi que le service urbanisme de la Ville sont chargés de vérifier que les constructions ou travaux sont conformes à la réglementation lors des dépôts de permis. Si le projet est conforme à la règlementation de la ZPPAUP, ils apposent leur visa et une fois les travaux terminés, ils viennent constater si les travaux ont été réalisés en conformité avec ce qui était annoncé. Tous les travaux réalisés sans demande préalable doivent faire l’objet d’une mise en conformité.

Les travaux que les habitants de la zone 1 sont tenus de réaliser ne sont pas soumis à un délais, néanmoins il n’est pas permis d’entretenir les éléments modifiés qui doivent disparaître. C’est pourquoi certaines maisons, qui n’ont pas encore subi de travaux de restauration, semblent se dégrader, certaines parties n’étant pas ou ne pouvant pas être entretenues.

Actuellement, pour impulser une accélération du rythme des rénovations, la municipalité a mis en place un dispositif de guichet unique à destination des habitants du quartier moderne Frugès désireux de restituer les volumes extérieurs de leurs maisons. Ce dispositif vise à faciliter les démarches administratives, à réduire les délais de traitement des dossiers et à accompagner les habitants sur les aspects tant techniques que financiers de la restauration. Ce dispositif réuni dans une même commission différents partenaires financiers (La DRAC, le Conseil Général de la Gironde, le Conseil Régional d’Aquitaine et la Ville de Pessac ainsi que la Fondation du Patrimoine). Chaque partenaire traite les demandes d’aides transmise par le «guichetier» selon son dispositif propre ouvrant droit, soit à dégrèvement d’impôts, soit à subvention. Puis une commission de péréquation s’appuyant sur une analyse des ressources du demandeur permet d’ajuster au mieux les aides. Pour certains dossiers l’intervention de mécènes privés s’avère nécessaire.

Pour simplifier ces démarches et encourager les habitants à restaurer leurs maisons et à réaliser les travaux conformément à la ZPPAUP, la Ville de Pessac a proposé aux habitants un interlocuteur unique se trouvant sur le

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terrain à la Maison municipale Frugès-Le Corbusier. C’est aussi dans ce lieu que se tiennent les permanences régulières de l’architecte des Bâtiments de France que les habitants peuvent consulter avant et pendant leur projet.

Ces nouvelles démarchent visent à accélérer les travaux de restauration, pour pouvoir enfin effacer les traces de dégradations qui empirent avec le temps et à terminer le projet de patrimonialisation qui a été lancé il y a plus de trente ans.

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QUE FAIRE AUJOURD’HUI DU QUARTIER MODERNE FRUGES ?

Est-il seulement possible de revenir en arrière, d’effacer les traces de cette « vernacularisation », sans trahir l’histoire de Pessac et ce que le quartier moderne Frugès représente réellement ? Sur toute son histoire, la cité n’a eu l’aspect projeté que durant une très courte période. Les habitants ont commencé à transformer l’aspect de leur maison, dès leur arrivée dans le quartier moderne Frugès. La patrimonialisation n’est peut-être pas à remettre en question, car l’œuvre de Le Corbusier a une importance fondamentale dans l’histoire de l’architecture moderne, mais la restauration des maisons, dans leur état d’origine n’est peut-être pas justifiée. La question des critères de protection, du choix de l’objet à protéger, doit se poser. En parlant de l’œuvre de Le Corbusier, la préservation de la Villa Savoye est une évidence, personne ne pourrait la remettre en question, puisqu’elle est le résultat pur d’une recherche architecturale, commandée par un amateur d’architecture moderne et jamais habitée. A Pessac, ce sont avant tout les habitants qui ont en fait l’histoire et d’une certaine manière la forme du quartier. Donc la question qui se pose est : la préservation de ne doit-elle pas aussi s’étendre à ce que la cité est devenue ? D’une certaine manière, Philippe Boudon défend déjà en 1967 cette position, en reconnaissant aux habitants une capacité étonnante de s’approprié un lieu pour lui donner une identité, et c’est finalement cette identité qui fait du quartier moderne Frugès de qu’il est, au-delà du projet de Le Corbusier.

Une démarche de « sauvegarde » serait alors peut-être plus convaincante qu’une patrimonialisation intransigeante, en essayant bien sûr de préserver le projet de Le Corbusier et de le mettre en valeur, mais il paraît également

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important de témoigner de l’histoire et de l’aspect si particulier du quartier moderne Frugès. Ce qui a attiré l’attention de Philippe Boudon, c’est sans aucun doute le côté insolite des transformations et moins l’évidence du projet de Le Corbusier. Il pourrait être envisageable de contraindre les habitants à garder leur maison en bon état ou à préserver l’organisation urbaine et paysagère de la cité, sans pour autant les obliger à percer leur façade à nouveau, pour y mettre des fenêtres en longueur, s’ils veulent simplement installer un double vitrage.

Depuis la vente des maisons en 1929, trois générations d’habitants, avec des visions différentes, se sont succédé dans le quartier moderne Frugès. La première, qui a emménagé dès que la cité était accessible, se sont immédiatement mis à transformer leurs maisons avec des moyens vernaculaires. La seconde, du même statut social a du arriver au moment de l’étude de Boudon. Elle avait déjà une certaine conscience de l’œuvre de Le Corbusier, du fait que de plus en plus de personnes s’intéressaient à leur quartier. Et finalement la dernière génération, très différente des deux première, est en train de remplacer peu à peu les habitants qui ont participé à l’histoire de la cité. Ces nouveaux arrivants cherchent à acquérir l’une de ces maisons parce qu’elles sont de Le Corbusier et leur intérêt est évidemment d’aller dans le sens de la patrimonialisation et de s’engager à appliquer à la lettre la règlementation de la ZPPAUP. Ils n’ont plus rien à voir avec les habitants auxquels le quartier moderne Frugès était destiné à l’origine, ce changement de population accentue encore d’avantage le fait que l’histoire de la cité disparait peu à peu dans les travaux de restauration.

Cette patrimonialisation a eu pour effet de dissoudre la vie de quartier et d’en faire une sorte de ville musée dédiée aux touristes et où les habitants ne trouvent finalement plus leur place. Actuellement le quartier moderne Frugès est comme figé entre deux histoires, celle de la vernacularisation, avec les anciens qui font de la résistance et celle de la patrimonialisation, avec les nouveaux qui restaurent leur maison, mais qui ne sont pas plus

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enclins, que les premiers, à partager et à défendre leur position face aux touristes curieux qui viennent admirer de « l’architecture moderne » tous les week-end au quartier moderne Frugès.

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CORPUS

- La cité moderne à Pessac

- BOUDON (Philipe), Pessac de Le Corbusier étude Socio-architecturale 1929-85, Paris : Dunod, 1985

BIBLIOGRAPHIE

- BOUDON Philipe, Pessac de Le Corbusier étude Socio-architecturale 1929-85, Paris : Dunod, 1985.

- Collectif, Le Corbusier : Les quartiers modernes Frugès, Berlin : Birkhäuser, 1998

- Collecif, Architecture de la croissance – les paradoxes de la sauvegarde, Zurich : Institut für Denkmalpflege und Bauforschung, 2008.

- Collectif, Antropo-logiques d’architecture, Les cahiers de la chambre - Archiecture n°2, 2004.

- FROUARD Hélène, Du Coron au HLM, Rennes : Presse universitaire de Rennes, 2008

- Règlement de la ZPPAUP : Quartier moderne - Frugès - Pessac- Gironde, de décembre 1997

- RAUC , Action concertée urbanisation 1967, Compte rendu, 1970

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photos de l’inauguration en 1927photos personnelles, juillet 2011à gauche : photo de chantier avant 1927, fruges.lecorbusier.free.frà droite : photo, fruges.lecorbusier.free.frphotos personnelles, juillet 2011photos de l’inauguration en 1927en haut : Oeuvres complètes de Le Corbusier, vers 1927en bas : photo de Philippe Boudon, vers 1967à gauche : Oeuvres complètes de Le Corbusier, vers 1927à droite : photo de Philippe Boudon, vers 1967photo personnelle, juillet 2011photos récentes photo, fruges.lecorbusier.free.frphotos personnelles, juillet 2011

couverture:

p. 22 :

p. 24 : p. 30 : p. 44 :

p. 48 :

p. 54 : p. 70 : p. 72 :

ICONOGRAPHIE

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