Le processus de construction d'une GPEC-Territoriale

682
ANNÉE 2015 THÈSE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1 sous le sceau de l’Université Européenne de Bretagne pour le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE RENNES 1 Mention : Sciences de Gestion Ecole doctorale « Sciences de l’Homme, des Organisations et de la Société » présentée par Benjamin Houessou préparée au CRAPE (UMR 6051) Centre de recherches sur l’action politique en Europe CNRS / Université de Rennes 1 / IEP de Rennes / EHESP Rennes Le processus de construction d’une GPEC-Territoriale : réflexion à partir de dispositifs de GPEC-Territoriale pilotée par la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Loir-et-Cher Thèse soutenue à Rennes, le 09 juillet 2015 devant le jury composé de : Mathieu DETCHESSAHAR Professeur, Université de Nantes / rapporteur Arnaud STIMEC Professeur, Université de Reims / rapporteur Dominique MARTIN Professeur, Université de Rennes1 / examinateur Gwénaëlle POILPOT-ROCABOY Professeure, Université de Bretagne Sud / examinatrice Odile UZAN Maître de conférences / HDR, Université Paris 5 Descartes / examinatrice Lionel HONORE Professeur, Université de la Polynésie Française / directeur de thèse

Transcript of Le processus de construction d'une GPEC-Territoriale

  • ANNE 2015

    THSE / UNIVERSIT DE RENNES 1 sous le sceau de lUniversit Europenne de Bretagne

    pour le grade de

    DOCTEUR DE LUNIVERSIT DE RENNES 1

    Mention : Sciences de Gestion

    Ecole doctorale

    Sciences de lHomme, des Organisations et de la Socit

    prsente par

    Benjamin Houessou

    prpare au CRAPE (UMR 6051) Centre de recherches sur laction politique en Europe

    CNRS / Universit de Rennes 1 / IEP de Rennes / EHESP Rennes

    Le processus de construction dune GPEC-Territoriale : rflexion partir de dispositifs de GPEC-Territoriale pilote par la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher

    Thse soutenue Rennes, le 09 juillet 2015

    devant le jury compos de :

    Mathieu DETCHESSAHAR Professeur, Universit de Nantes / rapporteur

    Arnaud STIMEC Professeur, Universit de Reims / rapporteur

    Dominique MARTIN Professeur, Universit de Rennes1 / examinateur

    Gwnalle POILPOT-ROCABOY Professeure, Universit de Bretagne Sud / examinatrice

    Odile UZAN

    Matre de confrences / HDR, Universit Paris 5 Descartes / examinatrice

    Lionel HONORE Professeur, Universit de la Polynsie Franaise / directeur de thse

  • Au souvenir de mon pre et de mon frre

    mes frres et surs

  • REMERCIEMENTS

    Jadresse mes sincres remerciements au professeur Lionel HONORE qui a su diriger cette

    thse malgr ses multiples occupations et surtout malgr son dpart de Rennes pour la

    Polynsie Franaise. La distance et le dcalage horaire nont pu empcher cet

    accompagnement. Aussi, les nouvelles technologies de communication ont largement

    contribu faciliter ce suivi.

    Je tiens remercier les professeurs Mathieu DETCHESSAHAR et Arnaud STIMEC qui ont

    accept dtre les rapporteurs de cette thse.

    Mes remerciements sadressent galement aux professeurs Dominique MARTIN, Gwnalle

    POILPOT-ROCABOY et Odile UZAN qui ont accept dvaluer ce travail en tant

    quexaminateurs de cette thse.

    Au professeure Dominique PEYRAT-GUILLARD, je voudrais formuler toute ma

    reconnaissance et mes remerciements sincres et respectueux. Elle a su tre prsente mes

    cts par ses conseils et par ses relectures constructifs depuis mon master 2.

    Cette recherche naurait pu tre ralise sans la contribution de la Chambre de Mtiers et de

    lArtisanat de Loir-et-Cher. Je remercie alors cette institution consulaire et ses nombreux

    professionnels. Je peux citer, ici, les membres des diffrents services : prsidence, secrtariat

    gnral, communication, informatique, comptabilit et gestion, formalits et conseils,

    conomie et mtiers, dveloppement des entreprises, formation et comptences.

    Mes remerciements sadressent lANRT et tous les acteurs partenaires (entreprises et

    institutionnels) qui ont soit financ, soit permis la construction fructueuse des actions.

    Un sincre merci ma famille, mes frres et surs, tout particulirement Hortense. Jai

    bnfici de leurs conseils et encouragements de tout genre.

    mes relecteurs et relectrices ; mes amies et connaissances et au personnel de la CCI 41,

    jadresse ma reconnaissance.

    Un sincre merci mes collgues doctorants et aux membres de lcole doctorale et du

    CRAPE. Je porte une mention particulire lendroit des directeurs, des ingnieurs dtudes

    et des secrtaires de ces institutions. vous tous, Monsieur Claude MARTIN et Madame

    Marylne BERCEGEAY, je renouvelle mes remerciements.

  • LISTE DES ABRVIATIONS

    ADEME : Agence de lEnvironnement et de la Matrise de lnergie

    ANACT : Agence Nationale pour lAmlioration des Conditions de Travail

    ANT : Actor Network Theory

    ARDAN : Action Rgionale pour le Dveloppement dActivits Nouvelles

    ADIL : Agence Dpartementale dInformation sur le Logement

    BEP : Brevet dtudes Professionnelles

    BM : Brevet de Matrise

    BP : Brevet Professionnel

    CAD : Centre dAide la Dcision

    CAP : Certificat dAptitude Professionnelle

    CAPEB : Confdration de lArtisanat et des Petites Entreprises du Btiment

    CAUE : Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement

    CC : Communaut de communes

    CCCL : Communaut de communes du Cher la Loire

    CE : Comit dEntreprise

    CFA : Centre de Formation des Apprentis

    CIFRE : Convention Industrielle de Formation par la Recherche

    CIO : Centre dInformation et dOrientation

    CLE 41 : Cher la Loire Entrepreneur du Loir-et-Cher

    CMA : Chambre de Mtiers et de lArtisanat

    CMA 41 : Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher

    COPIL : Comit de Pilotage

    COMAFOA : Comptences des Actifs par la Formation dans lArtisanat

    COTECH : Comit Technique

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    CRMA : Chambre Rgionale de Mtiers et de lArtisanat

    CUMA : Cooprative dUtilisation de Matriel Agricole

    DIRECCTE : Direction Rgionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation

    du Travail et de lEmploi

    DDTEFP : Direction Dpartementale du Travail, de lEmploi et de la Formation

    Professionnelle

    DRTEFP : Direction Rgionale du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle

    DRIRE : Direction Rgionale de lIndustrie de la Recherche et de lEnvironnement

    DIAG-RH : Diagnostic-Ressources Humaines

    EHPAD : tablissement dHbergement pour les Personnes ges dpendantes

    EI : Entreprise Individuelle

    ESAT : Etablissements et Services dAide par le Travail

    EURL : Entreprise Unipersonnelle Responsabilit Limite

    FFB : Fdration Franaise du Btiment

    FSC : Forest Stewardship Council

    GPEC : Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences

    GPEC-Territoriale : Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences Territoriale

    GRH : Gestion des Ressources Humaines

    GTEC : Gestion Territoriale des Emplois et des Comptences

    INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

    MDE : Maison de lEmploi

    MEF : Maison de lEmploi et de la Formation

    MFR : Maison Familiale Rurale

    MOB : Maison Ossature Bois

    MOSAAR : Mutualisation de lOffre de Service pour les Actifs de lArtisanat

    ONF : Office National des Forts

    PEFC : Pan European Forest Certification

  • Liste des abrviations

    PER : Ple dExcellence Rural

    PIPAME : Ple Interministriel de Prospective et dAnticipation des Mutations Economiques

    PME : Petite et Moyenne Entreprise

    PPRDF : Plan Pluriannuel Rgional de Dveloppement Forestier

    PSE : Plan de Sauvegarde de lEmploi

    RA : Recherche Action

    RMM : Recherche par Mthode Mixte

    RSA : Revenu de Solidarit Active

    SA : Socit Anonyme

    SARL : Socit Responsabilit Limite

    SCIC : Socit Cooprative dIntrt collectif

    SCOP : Socit Cooprative et Participative

    SGAR : Secrtariat Gnral pour les Affaires Rgionales

    SPI : Stage de Prparation lInstallation

    SPL : Systme Productif Local

    TPE : Trs Petite Entreprise

    VAE : Validation des Acquis de lExprience

  • ~ XIII ~

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GNRALE ..................................................................................................... XIII

    1ERE

    PARTIE : CADRE THORIQUE DE LA RECHERCHE ..................................................... 37

    CHAPITRE 1 : LA PROGRESSION DE LA GPEC ANALYSE TRAVERS LA

    LITTRATURE .............................................................................................................................. 41

    CHAPITRE 2 : LA GPEC-TERRITORIALE COMME LA CONSTRUCTION DUN OBJET

    SOCIOTECHNIQUE .................................................................................................................... 103

    2EME

    PARTIE : CADRE MTHODOLOGIQUE ET EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE .... 171

    CHAPITRE 3 : LE DESIGN DE LA RECHERCHE ................................................................ 175

    CHAPITRE 4 : PRSENTATION DU TERRAIN DE RECHERCHE : UNE TUDE DE CAS

    MULTI-SITES ............................................................................................................................... 225

    3EME

    PARTIE : LES RSULTATS DE LA RECHERCHE .......................................................... 277

    CHAPITRE 5 : LA CONSTRUCTION DUNE GPEC-TERRITORIALE NCESSITE DE

    FAIRE TRAVAILLER ENSEMBLE PLUSIEURS ACTEURS .............................................. 281

    CHAPITRE 6: LA CONSTRUCTION DUNE GPEC TERRITORIALE NCESSITE LE

    PARTAGE DUN DIAGNOSTIC PRALABLE ...................................................................... 307

    CHAPITRE 7 : LA GPEC-TERRITORIALE, UN CONTENU CONTINMENT TRADUIT

    ET SOUS CONSENSUS RELATIF ............................................................................................ 385

    CHAPITRE 8 : LA GPEC-TERRITORIALE, UNE MOBILISATION DIFFICILE MAIS

    NCESSAIRE ............................................................................................................................... 447

    CHAPITRE 9 : ESSAI DE MODLISATION DE LA GPEC-TERRITORIALE EN PHASES

    ......................................................................................................................................................... 467

    4EME

    PARTIE : LES APPORTS ET RECOMMANDATIONS DE LA THSE ......................... 489

    CHAPITRE 10. LMENTS POUR UNE THORIE DE LA CONSTRUCTION DUNE

    GPEC-TERRITORIALE ............................................................................................................. 493

    CHAPITRE 11 : APPORTS EMPIRIQUES ET MANAGERIAUX DE LA THSE ............ 525

    CONCLUSION GNRALE........................................................................................................... 559

    BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 573

    Annexes .......................................................................................................................................... 599

    Liste des figures ............................................................................................................................. 663

    Table des matires ............................................................................................................................. 667

  • INTRODUCTION GNRALE

    On ne peut comprendre un processus en l'interrompant. La

    comprhension doit rejoindre le cheminement du processus et

    cheminer avec lui. (Frank Herbert, Dune, 1965)

  • Introduction gnrale

    ~ 17 ~

    INTRODUCTION GNRALE

    Un pessimiste voit la difficult dans chaque opportunit, un optimiste voit

    l'opportunit dans chaque difficult .

    Cest par cette citation de Winston Churchill1 que nous choisissons dintroduire la

    prsentation de ce travail de recherche. En effet, optimisme et opportunit nous semblent

    essentiels pour entamer le chemin dune recherche qui a pour objet une dmarche qui se veut

    collaborative en runissant plusieurs acteurs dhorizons diffrents.

    Dans cette introduction, nous prsentons dans un premier point, un prambule qui justifie

    notre appropriation de la citation de Winston Churchill en dcrivant lhistorique de notre

    cheminement de chercheur au sein de la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher

    (I). Ensuite, nous prsentons, dans un deuxime point, lobjet et le champ de notre tude (II).

    Enfin, dans un troisime point, nous prcisons notre objet et question de recherche (III). Ces

    diffrentes analyses se feront sur la base dune tude portant sur deux cas : la Communaut de

    communes du Cher la Loire et la filire Bois.

    I. Prambule

    I. 1. Optimisme et opportunit du chercheur

    Optimisme et opportunit sappliquent dabord nous-mme, car en entrant en tant que

    salari la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher nous ntions recrut ni

    comme chercheur ni comme agent devant raliser un travail doctoral.

    I.1.1. Les motivations de ce travail doctoral

    Nous avons toujours eu pour intention et ferme volont de prparer et de soutenir une thse de

    doctorat. Plus quun diplme, le doctorat constitue pour nous un dfi, une fiert et un

    parachvement dun parcours de formation ; le doctorat tant le plus haut niveau acadmique

    1 Penses (1874-1965)

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 18 ~

    actuel dans le classement LMD2. Obtenir un doctorat est pour nous symbole dune russite

    intellectuelle ; nous qui de tout temps, esprons et ambitionnons de nous lever le plus haut

    possible, de caresser la perfection, mme si latteindre ici-bas est impossible. Ainsi, raliser

    ce travail doctoral nous panouit double titre.

    Dabord, il nous permet daccomplir et de contribuer, notre manire, la ralisation de la

    construction dun monde qui se veut meilleur sur le plan socio-conomique.

    Ensuite, il nous permet daccomplir notre ambition personnelle datteindre le plus haut degr

    possible, en tout cas, dans le classement acadmique actuel. Toutefois et avec grande

    modestie, nous reconnaissons que la fin est le dbut dun long itinraire ; le point de dpart

    dune nouvelle aventure. De fait, le doctorat devient pour nous, une source dapprentissage de

    soi, dapprentissage des autres et dapprentissage du monde qui nous entoure et dans lequel

    nous vivons. Cest une reconnaissance affirme et humble de notre limite pour comprendre et

    connatre ltendue et la densit de ce qui reste lesprit humain de connatre.

    En reconnaissant ces limites, notre contribution travers ce long travail doctoral se veut

    pratique, utile pour les entreprises, utile pour les acteurs du territoire, utile pour le monde

    acadmique et pour le monde scientifique en gnral. Occasion et opportunit nous sont

    donnes de raliser ce travail travers un contrat de recherche tripartite (CIFRE3) :

    luniversit de Rennes 1 au sein du laboratoire CRAPE4, la Chambre de Mtiers et de

    lArtisanat de Loir-et-Cher et nous-mme avec la participation financire de lANRT5. Ce

    type de contrat permet la fois la ralisation dun travail doctoral au sein dun laboratoire de

    recherche et limmersion dans une entreprise ou une organisation en tant que salari.

    I.1.2. Gense de notre contrat de recherche

    Avoir lambition de raliser une thse est une chose, mais pouvoir raliser cette ambition en

    est une autre. Il y a ceux qui veulent faire une thse et ne peuvent pas la faire pour des raisons

    personnelles, familiales, cognitives ou de lassitude, car le chemin dune telle recherche est

    long et complexe. Dautres narrivent pas raliser cette ambition pour des raisons purement

    matrielles et surtout financires (le financement de la thse faisant dfaut). Enfin, il y a ceux

    qui y parviennent malgr, les difficults. Car, ces derniers ont pu avoir le financement

    2 Licence, Master, Doctorat

    3 Convention Industrielle de Formation par la Recherche

    4 Centre de Recherches sur lAction Politique en Europe Institut dEtudes Politiques de Rennes

    5 Association Nationale Recherche Technologie

  • Introduction gnrale

    ~ 19 ~

    ncessaire, dune part et dautre part, ils ont pu mettre en place le cadre personnel, social et

    familial idal pour parvenir cette fin. Dans notre cas et nous lavons voqu supra, le

    financement sest fait par le biais dun contrat de type CIFRE.

    Dans les faits, nous sommes entr la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher

    en tant que salari charg dtudes. Rien ne prsageait la signature dun contrat doctoral ds

    nos premiers moments dans cette institution consulaire. Nous fmes intgr, notre arrive,

    au service dveloppement conomique des entreprises (lun des services rgaliens des

    CMA). Les missions qui nous incombaient taient celles dtudes sur la ralisation dun

    programme Alimentaire, suivi dun programme sur la filire Bois. Dans ce cadre des actions

    destination des artisans et des institutionnels devaient tre ralises sur la base dtudes

    pralables. Nous avons mobilis pour ces tudes les mthodes classiques de recherche :

    dmarches qualitative et quantitative. Notre diplme de Master 2 Recherche : Mtiers du

    Conseil et de la Recherche a constitu lun des atouts indniables dans la conduite de ces

    missions. Nous produisions des rapports dtudes sur ces programmes : Alimentaire et du

    Bois qui furent prsents aux lus de la CMA 41 et constiturent la base des actions et

    orientations desdits programmes. La directrice du service auquel nous appartenions ainsi que

    les lus de la CMA 41 furent satisfaits du travail accompli et des rapports dtudes produits.

    Six mois (le temps pass dans ce service), cest assez pour montrer ce dont on est capable

    dans un service et dans le cadre dun programme. Six mois, cest aussi suffisant pour

    comprendre que les programmes dpendent de plusieurs financements. Beaucoup de

    programmes ou projets ont d tre arrts et quelquefois les postes des salaris suivaient le

    mme sort. Le financement de notre poste na pas t renouvel et notre contrat de travail ne

    pouvait donc pas tre reconduit. Nos missions sont donc arrives leur terme au sein de ces

    programmes et notre dpart de la CMA 41 devint imminent. Toutefois et par le coup du sort et

    par un concours de circonstances, la direction nous a propos une autre mission dtudes pour

    mettre en place des actions de GPEC-Territoriale6 (cest une opportunit saisir). En ralit,

    nos comptences en tant que charg dtudes ont t juges utiles dans le cadre de ce nouveau

    projet. Nous avons intgr, cette occasion, un nouveau service, celui des formations et des

    comptences . En acceptant cette nouvelle mission, nous avons propos la CMA 41 de

    raliser une thse dont le terrain de recherche pourrait constituer les cas de GPEC-Territoriale

    pilote par la Chambre de Mtiers et de lArtisanat. Afin de permettre cette recherche

    doctorale et connaissant la situation financire de la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de

    6 GPEC-Territoriale : Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences - Territoriale

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 20 ~

    Loir-et-Cher, nous avons propos de monter un dossier CIFRE. Ds lors, la CMA 41 a t

    ouverte ce regard extrieur de chercheur, aux mthodologies et aux revues : conceptuelle et

    de littrature pouvant permettre dasseoir et de bien conduire la dmarche de

    GPEC-Territoriale. Ce projet de recherche a t accept par la direction de la Chambre de

    Mtiers et de lArtisanat et autorisation nous a t donne de proposer une problmatique et

    une question de recherche. Nous nous sommes alors plong dans la revue de littrature pour

    mieux apprhender la problmatique et nous avons tabli des orientations de recherche avec

    une planification prvisionnelle. Nous avons constitu le dossier de la CIFRE (question de

    recherche, mthodologie, revue de littrature, directeur de thse, inscription doctorale,

    laboratoire de recherche, etc.) et il a t soumis la slection de lANRT. Les rsultats de

    lacceptation du dossier nous ont permis de raliser ce travail de thse.

    I.2. Optimisme et opportunit pour les acteurs impliqus dans la

    dmarche de GPEC-Territoriale

    Optimisme et opportunit sappliquent aussi aux acteurs qui sont lorigine de la

    GPEC-Territoriale ou qui sont sollicits pour faire partie de cette dmarche collaborative.

    Dabord lacteur pilote doit pouvoir lire les signes des temps, les signaux faibles, en tant

    vigilant aux facteurs de lenvironnement socio-conomique, et saisir le kairos ou le moment

    favorable pour agir. Certes, le regard projet en avant partir dlments prsents qui servent

    de prmisses du futur, les incertitudes conjoncturelles et la ncessit de travailler avec

    dautres acteurs dhorizons et dintrts quelquefois divergents peuvent freiner llan et

    empcher le pessimiste dagir. Au contraire, lacteur pilote et les acteurs institutionnels

    peuvent se saisir des difficults pour les transformer en force daction. Cest cet optimisme

    que nous avons identifi dans linstitution de la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de

    Loir-et-Cher lorsquen tant quacteur institutionnel, elle a dcid de mettre en place une

    dmarche de GPEC-Territoriale sur divers territoires et filires. Le chantier est pourtant

    nouveau pour cette institution et des projets similaires conduits par des cabinets privs sur des

    territoires du Loir-et-Cher nont pas obtenu tous les rsultats escompts. Comment dans une

    telle situation de quasi-chec de projets semblables sur des territoires, la Chambre de Mtiers

    et de lArtisanat peut-elle dfendre auprs des financeurs, pour la plupart publics, lide dune

    GPEC-Territoriale sans se voir rtorquer ou sans essuyer des rticences de la part de ces

    financeurs et partenaires ? Lextrait suivant issu dune de nos notes de terrain illustre un

    pisode o la ncessit de financer un tel projet est pose :

  • Introduction gnrale

    ~ 21 ~

    Ce matin, nous assistons un atelier de travail dont lobjet est de prsenter le projet

    de GPEC-Territoriale pilote par la CMA 41 au financeur principal dudit projet.

    Autour de la table, il y a la directrice des services oprationnels de la CMA 41, deux

    reprsentants de linstitution de financement (la directrice et son adjointe), un charg

    de dveloppement territorial de la CMA 41 et nous-mme. Aprs la prsentation du

    projet de GPEC-Territoriale, de la mthodologie que nous pensons adopter et du

    budget prvisionnel estim pour le bon droulement du projet, la directrice de

    linstitution de financement sest montre rserve et perplexe : Nous avons dj

    financ des projets similaires sur le territoire X qui nont rien donn. Nous ne sommes

    pas prts dpenser encore largent public pour financer de tels projets qui de toute

    faon napportent rien au territoire, ne marchent pas et sont compliqus mettre en

    place en raison de la multitude dacteurs . ces mots nous rpondons que la

    difficult de mise en place du projet ne devrait pas tre une raison suffisante pour

    renoncer conduire un tel projet et que lchec ou le succs mitig du projet, conduit

    par le cabinet sur le territoire X ne signifie pas lchec du projet conduit par la CMA

    41. Nous pensons que nous russirons et que le projet a un sens pour le territoire et

    les entreprises. Ces propos que nous tenions sont appuys et renchris par la

    directrice de la CMA 41. La runion sest acheve dans une atmosphre tendue

    Le financement, puisquil faut le reconnaitre, est indispensable pour conduire de tels

    projets. Cet aspect financier sera abord plus en dtail dans la suite de ce travail.

    lissue de cette runion, nous avons mesur, ds lors, la complexit du chantier et le chemin

    parcourir pour convaincre les financeurs, dune part et pour ne pas dcevoir les acteurs,

    dautre part. En effet en dfendant son projet, la CMA 41 affirme son optimisme, mais prend

    galement le risque de dcevoir, de perdre sa crdibilit et de ne plus pouvoir solliciter

    dautres financements auprs du financeur au cas o les projets choueraient.

    Ensuite pour les autres acteurs non-pilotes du projet, mais qui en sont des partenaires,

    optimisme et opportunit doivent aussi prvaloir. Car quoique partenaire, lacteur doit

    manifester son optimisme et faire siens les objectifs du projet. Cette volution de conviction

    et loptimisme contagieux de lacteur pilote vis--vis de chaque acteur partenaire rallier le

    projet ne sont pas donns davance. Lacteur pilote devra expliquer et convaincre chaque

    acteur individuellement. Une ouverture desprit de ces acteurs partenaires est un lment

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 22 ~

    facilitateur de la rception de loptimisme de lacteur pilote. Face aux explications de lacteur

    pilote, tous les acteurs partenaires nont donc pas le mme enclin au projet.

    Les extraits suivants de nos notes de terrain illustrent ces propos :

    Ce matin, la directrice de la Maison De lEmploi (MDE) de Blois est venue la

    CMA 41 pour discuter du projet de GPEC-Territoriale dans la filire Bois. travers

    les changes entre la directrice et la CMA 41, nous constatons que le projet de

    GPEC-Territoriale correspond aux attentes de la MDE et est proche de ce quelle

    envisage comme utile la filire. Dailleurs la MDE avait dj mis en place et conduit

    un projet de formation pour des mtiers de dcouverte et de construction de maison

    ossature Bois. Il y a donc une proximit vidente entre le projet de la CMA 41 et celui

    de la MDE. Sur cette base, opportunit et optimisme de la CMA 41 nont eu aucune

    difficult tre adopts par la MDE qui dailleurs est devenue un partenaire cl de la

    dmarche.

    Au contraire, cet aprs-midi, la CMA 41 explique le projet de GPEC-Territoriale au

    Conseil Gnral. Les acteurs prsents la runion nont pas rflchi la

    problmatique de GPEC-Territoriale avant cette runion. Ils ntaient pas tous

    totalement rceptifs aux arguments de la CMA 41 car le succs du projet ne leur

    paraissait pas vident. Un travail dexplication et de persuasion simpose.

    Enfin pour les entreprises qui devront participer ces projets collaboratifs, leur mobilisation

    semble souvent difficile (Houessou, 2013). Cependant malgr cette difficult, leur

    mobilisation est essentielle. Ces actions se veulent co-construites et ambitionnent de rpondre,

    le plus possible, aux besoins et suggestions des entreprises. Lobjectif de ces dmarches de

    GPEC-Territoriale est de faire travailler ensemble entreprises et institutionnels afin que les

    actions mettre en place ne soient ni descendantes ni dconnectes des ralits quotidiennes

    vcues par les entreprises. La force de ces dmarches est dassocier les entreprises pour que

    ce qui est mis en place corresponde aux besoins des entreprises et des territoires. Le concours

    et la participation des entreprises sont donc prcieux. Cest pourquoi nous avons sollicit les

    dirigeants dentreprise pour faire avec eux ce qui souvent se fait sans eux. Ils ont particip aux

    actions travers des enqutes et des ateliers en tant quentreprises leaders et porte-parole des

    entreprises de leur branche dactivit.

  • Introduction gnrale

    ~ 23 ~

    Le pilote des dmarches de GPEC-Territoriale devra tre vigilant quant la capacit cognitive

    des chefs dentreprise. cet effet, la proximit entre les connaissances des acteurs

    institutionnels et celles des chefs dentreprise doit tre recherche. Dans le management de

    ces actions territoriales collaboratives, les analyses sur la distance cognitive entre les acteurs

    impliqus (Zardet et Pierre, 2007) doivent tre prises en compte. Les travaux de Montello

    (1991) qui proposent des mthodes de construction et de mesure des distances cognitives

    peuvent aussi clairer les acteurs du territoire.

    Lappropriation de la citation de Winston Churchill nous a permis de poser deux approches.

    Dune part, un travail de recherche, en gnral et de thse en particulier, se droule dans un

    cadre difficile et long qui ncessite optimisme et recherche de moyens efficaces pour conduire

    son terme la recherche. Dautre part, dans une action collaborative et co-construite telle

    quune GPEC-Territoriale, les acteurs : entreprises et institutionnels, notamment, devront se

    saisir des difficults socio-conomiques et puiser dans ces situations lnergie ncessaire pour

    mener des actions correctives et insuffler une dynamique qui prennent en compte les besoins

    des entreprises, des salaris et des territoires. Sur la base de ces approches, nous orientons la

    rflexion vers la construction dactions dans le cadre dune gestion des ressources humaines

    dont le champ dpasse lchelle dune organisation. Ces dmarches sont difficiles mettre en

    uvre, mais elles semblent ncessaires pour la conduite dune stratgie globale lie la

    gestion de la main-duvre et aux questions conomiques. Lobjet et le champ de notre tude

    permettent daller plus avant dans lanalyse de la construction de ces actions.

    II. Objet et champ de notre tude

    Sans puiser le concept de GPEC-Territoriale sur lequel nous reviendrons plus loin dans la

    rdaction de cette thse afin de lapprofondir et de le dvelopper plus en dtail, nous en

    proposons, ici, une dfinition. En effet, la GPEC-Territoriale consiste faire natre une

    coopration locale entre plusieurs acteurs pour traiter et grer une chelle qui dpasse celle

    dune organisation, les questions lies lemploi et aux comptences. Ces actions mises en

    place travers une GPEC-Territoriale essaient de rpondre aux attentes des acteurs impliqus

    dans la dmarche.

    Lobjet de notre travail et de notre rflexion est dessayer, partir dune longue immersion au

    cur du systme de production des actions, dexplorer, de conceptualiser et de modliser les

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 24 ~

    mcanismes de construction dune GPEC-Territoriale dploye sur un territoire et dans une

    filire. En dautres termes, nous essayons dune part, dobserver, danalyser, de problmatiser

    et de conceptualiser la ncessit pour les entreprises de travailler ensemble dans les

    dmarches de GPEC-Territoriale ; dautre part, nous essayons dobserver, danalyser, de

    problmatiser et de conceptualiser la ncessit dun travail collaboratif entre institutionnels et

    entreprises sur de telles dmarches. Une fois cette ncessit prouve, nous dveloppons

    quelques conditions qui permettent la construction dune GPEC-Territoriale.

    Notre rflexion consiste montrer que pour des raisons dacquisition et de transfert de

    comptences, de carrire nomade, de besoins en formation, les actions menes de manire

    informelle par les entreprises et les institutionnels peuvent tre coordonnes et formalises

    travers une GPEC-Territoriale capable dinsuffler un dynamisme socio-conomique dans les

    territoires, les filires et les entreprises. Ds lors, la GPEC-Territoriale peut tre perue

    comme une solution de stabilisation socio-conomique. Ses actions permettent ainsi

    datteindre plusieurs objectifs :

    - adapter et anticiper les besoins en main-duvre en termes de comptences, de formations et

    demplois,

    - favoriser le dynamisme socio-conomique des territoires et des filires,

    - favoriser le dynamisme socio-conomique des entreprises,

    - favoriser le travail collaboratif entre plusieurs acteurs,

    - favoriser lemployabilit des salaris.

    la rencontre de questionnements aussi bien thoriques que pratiques et de problmatiques

    fortes, la question de recherche qui sert de fil conducteur lensemble de notre thse est la

    suivante :

    Quel est le processus de construction dune GPEC-Territoriale impliquant des acteurs

    institutionnels et des entreprises dun territoire ou dune filire ?

    En nous fondant sur une approche qui emprunte aux champs de la thorie des organisations,

    des territoires et de la sociologie des acteurs, nous problmatisons le processus de

    construction de cette GPEC-Territoriale en termes de mobilisation dacteurs, dinteractions

  • Introduction gnrale

    ~ 25 ~

    entre acteurs et de gestion dun travail en rseau ncessitant traduction. cette fin nous

    nous appuyons notamment sur les courants interactionnistes et sur la sociologie de la

    traduction pour caractriser le travail collaboratif entre les entreprises, entre les

    institutionnels, et entre les entreprises et les institutionnels dans ces diffrentes situations de

    gestion.

    Nous appuyons notre rflexion sur les rsultats des dmarches de GPEC-Territoriale pilote

    par la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher. Nous montrons que la spcificit

    de la dmarche, la particularit de lacteur pilote et de sa capacit mobiliser et interagir

    avec les autres acteurs du territoire et de la filire dterminent la ralisation et la bonne

    marche des actions. La thorie de la traduction propose par Michel CALLON, Bruno

    LATOUR et Madeleine AKRICH et la thorie de linteraction propose par Erving

    GOFFMAN et Herbert BLUMER nous servent de fondement thorique pour analyser ces

    diffrentes situations. Ces thories sont compltes par deux autres : la thorie du choix

    rationnel et le paradoxe dOlson sur la mobilisation collective.

    Nous dfendons lide et la thse selon laquelle :

    La construction dune GPEC-Territoriale est le rsultat dinteractions plus ou moins

    stabilises entre les acteurs impliqus dans la dmarche ET des conditions plus ou moins

    fortes de leur mobilisation. Cette construction dpend donc de linteraction et de la

    mobilisation des acteurs. Elle se droule en plusieurs phases parmi lesquelles celle de

    ltablissement dun diagnostic partag est essentielle. En outre, une modlisation du

    processus de cette construction est possible. Toutefois, la construction et la conduite de la

    dmarche dpendent fondamentalement de la capacit de gestion de lacteur pilote. Des

    lments intrinsquement lis sa personne doivent tre pris en compte. Dans ce sens, la

    modlisation du processus de construction dune GPEC-Territoriale peut sapparenter la

    cration dune recette .

    La notion de recette pour expliquer la construction des dispositifs de GPEC-Territoriale

    permet de bien comprendre quil faut des ingrdients divers avec un respect de leur dosage.

    La combinaison dingrdients et de leur dosage permet la russite ou lchec de lobjet dont la

    recette est cre7. La recette est une faon de faire avec des moyens mis disposition. Elle est

    ncessaire, mais elle nest pas suffisante, car il arrive que respectant la mme recette on

    7 On peut consulter ce sujet les recettes de cuisine, de peinture, de maonnerie, etc.

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 26 ~

    nobtienne pas exactement le mme rsultat. Il y a donc un ingrdient au-del de ceux

    prsents dans la recette. Cest ce que nous appelons ici la main du matre, la touche

    personnelle. Cet ingrdient transcendant, propre chacun et chaque situation est la

    connaissance tacite, inhrente la personne qui ralise lobjet de la recette. Il nest pas

    toujours reproductible et est, de fait, un ingrdient sui generis qui exprime la finitude et

    lhumanit de celui qui ralise lobjet de la recette. Cest ce qui fait la diffrence entre une

    ralisation humaine et une ralisation dune machine. cet effet, une production artisanale,

    faite la main, est unique la diffrence des productions industrielles qui sont quasi

    interchangeables, car se ressemblant (sauf erreur de programmation) comme deux gouttes

    deau. Et l encore, sil y a erreur de programmation, celle-ci serait venue dune cause

    extrieure (humaine).

    Sinspirer de la notion de recette dans la rflexion sur la construction de dispositifs de

    GPEC-Territoriale permet de comprendre que lon peut avoir de grandes lignes, de grandes

    tapes, des lments indispensables du processus qui peuvent tre essaims et transfrs dun

    territoire un autre, mais il existe, au-del de ces lments, un lment intrinsque chaque

    cas et chaque pilote quil faut prendre en compte. Cest ce qui constitue le gnome (la

    particularit propre de lespce) de chaque GPEC-Territoriale. De fait, chaque cas de

    GPEC-Territoriale est unique en tant quil est singulier et possde sa particularit propre.

    Prendre conscience de telles considrations permet de ne pas vouloir dupliquer, en ltat, des

    dispositifs dun territoire un autre. De plus ces considrations permettent de relativiser le

    pilotage. En effet, une vigilance est indispensable de la part dun acteur pilote qui aurait dj

    accompagn des dispositifs de GPEC-Territoriale sur un territoire et qui devrait en

    accompagner dautres sur un autre territoire ou filire. Chaque cas tant sui generis,

    apprhender les autres acteurs, souvrir aux nouvelles donnes et rechercher lingrdient qui

    nest pas dans la recette constituent des comptences renouveler. Il apparait que le pilote est

    un acteur en constante crativit et en apprentissage permanent dans le projet de construction.

    Il capitalise au fur et mesure ce quil apprend de ces diffrentes situations de gestion. Les

    autres acteurs sont tout autant dans ces phases dapprentissage et de capitalisation mais ils le

    sont dans une mesure moindre que celle du pilote surtout si celui-ci est dans une dmarche de

    construction de plusieurs dispositifs sur des territoires diffrents.

    Dans ce deuxime point de notre introduction nous avons expos que la GPEC-Territoriale se

    droule dans un cadre de coopration entre plusieurs acteurs qui se saisissent des

  • Introduction gnrale

    ~ 27 ~

    problmatiques lies la gestion des emplois et des comptences qui dpassent lchelle

    dune organisation. Aussi la GPEC-Territoriale est perue comme une solution globale de

    stabilisation socio-conomique dans les territoires et les filires. De ce fait, il est donc

    judicieux de sinterroger sur le processus de construction dune GPEC-Territoriale. Pour

    analyser cette problmatique et essayer dy rpondre, les courants : interactionniste, de

    traduction, de mobilisation des acteurs et de choix rationnel nous ont sembl des thories sur

    lesquelles nous pourrons nous appuyer. Ces thories nous ont permis davoir une analyse

    approfondie des donnes et de focaliser lattention sur la mobilisation des acteurs,

    linteraction entre les acteurs et la gestion dun travail en rseau ncessitant traduction.

    partir des dveloppements dans ce deuxime point, notre dmarche gnrale dans cette

    thse va consister nous centrer sur les questions qui dcoulent de la problmatique gnrale

    de la construction dune GPEC-Territoriale sous lclairage des thories mobilises.

    III. Dmarche gnrale et plan de la thse

    III.1. Dmarche gnrale de la thse

    Nous sommes dans une dmarche exploratoire et constructive du processus dune

    GPEC-Territoriale. Nous cherchons analyser les mcanismes socio-conomiques qui

    peuvent tre pris en compte dans la construction dune GPEC-Territoriale et proposer une

    modlisation qui permette dapprhender, de problmatiser et de comprendre la construction

    dune GPEC-Territoriale en tant quune situation de gestion. Notre travail se veut une

    contribution pour clairer les acteurs institutionnels qui souhaitent entamer ou participer une

    construction de GPEC-Territoriale ; clairer et accompagner les entreprises dans leur

    mobilisation dans la construction dune GPEC-Territoriale et proposer la communaut

    scientifique de chercheurs une grille de lecture pour conduire et analyser une situation de

    gestion particulire telle que la GPEC-Territoriale. De fait, acteurs institutionnels, entreprises

    et communaut scientifique des chercheurs constituent les clients de notre thse.

    Cette dmarche qui nous a amen poser la question de recherche supra conduit la prise en

    compte de plusieurs lments :

    - Nous nous intressons la construction de la GPEC-Territoriale en tant que situation de

    gestion. Selon Girin (1990, p. 142), une situation de gestion se prsente lorsque des

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 28 ~

    participants sont runis et doivent accomplir, dans un temps dtermin, une action collective

    conduisant un rsultat soumis un jugement externe . Cette approche nous permet

    danalyser le positionnement des participants et des allis afin de dcrypter leur

    comportement et leur intervention dans le cours de laccomplissement des actions qui relvent

    de la dmarche. La situation de gestion dans le cadre de cette GPEC-Territoriale se pose

    deux niveaux. Dune part, elle se dveloppe dans une dimension intra-organisationnelle et

    dautre part, elle se dploie dans une dimension inter-organisationnelle. La dualit de ces

    situations de gestion implique de les considrer suivant deux mthodes proches, mais

    diffrentes.

    - Partant de la GPEC-Territoriale comme situation de gestion, il sagit pour nous de

    formaliser et de modliser des outils qui permettent de piloter ces situations de gestion aussi

    bien pour les acteurs institutionnels que pour les entreprises. Les questions, relatives au travail

    des entreprises entre elles, la collaboration des institutionnels entre eux, ainsi que celle entre

    les institutionnels et les entreprises sont poses.

    Dans ce cadre, sintresser la question de la construction dune GPEC-Territoriale

    impliquant des acteurs institutionnels et des entreprises dun territoire ou dune filire en

    soccupant du processus qui la sous-tend pose dautres questions relatives : la possibilit

    pour diffrents acteurs (entreprises et institutionnels) impliqus dans la GPEC-Territoriale de

    travailler ensemble ; la possibilit de construire, en plusieurs tapes, la GPEC-Territoriale ;

    les modalits de construction du contenu de la GPEC-Territoriale et le procd par lequel les

    acteurs ayant contribu cette construction se mettent daccord sur ce contenu ; le procd

    qui permet dtablir un diagnostic partag dans la construction dune GPEC-Territoriale ; les

    moyens mettre en uvre pour mobiliser les acteurs dans la construction dune

    GPEC-Territoriale. Nous abordons ces diffrentes questions sans privilgier un ordre

    particulier dans les traitements qui leur sont consacrs.

    a. Comment les diffrents acteurs (entreprises et institutionnels) impliqus dans la

    GPEC-Territoriale peuvent-ils travailler ensemble ? Cest--dire comprendre et identifier

    les facteurs facilitateurs et inhibiteurs du travail collaboratif entre les acteurs de la

    GPEC-Territoriale. Il sagit de montrer ce quest le travail collaboratif, pralable aux actions

    co-construites, en analysant leur dynamique de fonctionnement et dvolution. Cela passe par

    une traduction continue des inscriptions (Callon, 2006), un partage de diagnostic et une

    rduction voire une suppression de la distance cognitive et gographique entre les acteurs

  • Introduction gnrale

    ~ 29 ~

    (Zardet et Pierre, 2007). La prise en compte du sens, des enjeux, des attentes de chaque acteur

    travers des interactions multiples (Goffman, 1991 ; Mead, 1963 ; Husser, 2006 ; Blumer,

    1969 ; De Queiroz et Ziotkowski, 1997) est essentielle.

    b. Par quel procd se construit la GPEC-Territoriale en termes de phases ? Cest--dire

    quelles progressions en termes dtapes et de mobilisation de moyens se posent. Lacteur

    pilote devra rflchir sur la rpartition du temps accord pour arriver au terme du projet de

    manire aborder les diffrents lments constitutifs de sa progression. La synchronisation du

    travail de chaque acteur, la disponibilit du terrain, lobtention des financements sont autant

    dlments qui sont pris en compte. Dans une autre mesure, les acteurs, notamment lacteur

    pilote de la GPEC-Territoriale, doivent tre vigilants au phasage car la rpartition en tapes de

    dure trop longue peut conduire une lassitude de la part des acteurs et un essoufflement

    des outils et de la dmarche tant dans les organisations (Oiry, 2009) que dans les territoires.

    La dynamique temporelle et longitudinale des outils de gestion (Martin, 2003 ; Retour, 2005 ;

    Gastaldi, 2006 ; Deflix et Retour, 2003) doit se poser dans une dmarche largie lchelle

    du territoire.

    c. Comment se construit le contenu de la GPEC-Territoriale et comment les acteurs

    ayant contribu cette construction se mettent-ils daccord sur ce contenu ? Il sagit

    didentifier partir de quelles donnes quantitatives et qualitatives les acteurs co-construisent

    les actions qui constituent la dclinaison oprationnelle de la GPEC-Territoriale dans les

    entreprises, les territoires et les filires. Ensuite, nous analysons la dmarche conceptuelle

    partir de laquelle les acteurs parviennent dfinir la situation de gestion et se mettre

    daccord sur son contenu. Bien entendu, la stabilisation du contenu et la dfinition de la

    situation sont les fruits dinteractions continues entre les acteurs et de traductions progressives

    des inscriptions.

    d. Comment mobiliser les acteurs dans la construction dune GPEC-Territoriale ? Il

    sagit danalyser et de comprendre la participation des acteurs la construction du dispositif.

    Quelles typologies dacteurs participent le plus la construction de la GPEC-Territoriale

    sachant que notre ambition est damener le pilote faire participer toutes les classes :

    institutionnelles et entreprises, aux actions ? Nous analysons les facteurs ou dterminants qui

    peuvent faciliter la mobilisation des acteurs, en gnral et des entreprises en particulier. cet

    effet, les clairages des thories sur la mobilisation collective (Olson, 1978 ; Hirschman,

    1970) et sur le processus de choix rationnel (March et Simon, 1958) nous sont utiles.

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 30 ~

    e. Quel procd permet dtablir un diagnostic partag dans une GPEC-Territoriale ?

    Le diagnostic est un lment essentiel dans la construction de la GPEC-Territoriale. De son

    tablissement dpendent les orientations et les actions qui sont retenues dans le processus de

    construction. Le diagnostic est aussi un pralable pour asseoir les rflexions et rallier des

    acteurs au projet. Il sagit danalyser les chemins qui conduisent ltablissement du

    diagnostic, base de travail, et de rflchir la ncessit de ce partage du diagnostic entre les

    acteurs. Nous posons quelques conditions et modalits de facilitation de ce diagnostic.

    De manire synthtique et avant daborder le plan de la thse, nous pouvons rsumer comme

    suit (figure n1) la question de recherche et les sous-questions qui en dcoulent.

    ---

    Figure 1: Question de recherche (QR) et sous-questions de recherche (SQR) de la thse

    III. 2. Plan de la thse

    Pour rpondre la problmatique de notre recherche et lensemble des questions qui lui sont

    relatives, nous avons analys des matriaux obtenus par triangulation. Dans le dveloppement

    de ce point sur le plan de la thse, nous nenvisageons pas dexposer la mthodologie que

    QR: Quel est le processus de

    construction d'une GPEC-Territoriale

    impliquant des acteurs institutionnels et des

    entreprises ?

    SQR : Par quel procd se

    construit la GPEC-Territoriale en

    termes de phases ?

    SQR : Comment se construit le contenu

    d'une GPEC-Territoriale et

    comment les acteurs se mettent-ils d'accord sur

    ce contenu ?

    SQR : Comment mobiliser les acteurs dans la

    construction d'une GPEC-Territoriale ?

    SQR : Comment faire travailler ensemble les diffrents acteurs d'une

    GPEC-Territoriale ?

    SQR : Quel procd permet d'tablir un diagnostic partag dans une GPEC-

    Territoriale ?

  • Introduction gnrale

    ~ 31 ~

    nous avons adopte pour conduire cette recherche. La deuxime partie de la thse consacre

    au cadre mthodologique et empirique permet dapprofondir les questions relatives ce sujet.

    Toutefois, pour une meilleure comprhension gnrale du plan de la thse, il nous semble

    judicieux de montrer le cheminement que nous avons suivi entre donnes empiriques et

    donnes thoriques afin de justifier les diffrents points abords dans le plan.

    Dabord, il sagit dune recherche de terrain ralise sur la base de participation et

    dobservation. En effet, nous tions en immersion durant toute la dure de la thse au sein de

    la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher en tant que charg dtudes et

    participant la construction de la dmarche de GPEC-Territoriale. Nous tions aussi en

    immersion dans tous les ateliers, les runions, les comits techniques, les comits de pilotage

    et dans toutes les tapes et actions constitutives de la GPEC-Territoriale. Notre contrat de

    travail sous CIFRE constitue un facteur facilitateur et dterminant de cette immersion.

    Ensuite, nous avons analys des matriaux obtenus par entretien qualitatif auprs de

    dirigeants dentreprise et dacteurs institutionnels. Les entretiens sont raliss sur la base dun

    guide qui aborde des questions socio-conomiques, des questions prospectives, des questions

    de formation et de comptences. Ces matriaux sont enrichis par ceux obtenus partir

    dtudes quantitatives. Il sagit de questionnaires adresss aux dirigeants dentreprise et la

    population des territoires.8 Cest donc une mthode de recherche mixte, qui allie des

    approches quantitatives et qualitatives, que nous avons mobilise. Ces approches quantitatives

    et qualitatives sont menes tantt concomitamment, tantt de manire squentielle.

    Enfin, nous avons procd lanalyse de documents (comptes rendus, rapports dactivits,

    rapports dtudes, etc.) tablis dans le cadre de cette recherche ou verss au dossier par des

    acteurs participants la dmarche ou par des acteurs allis celle-ci.

    Les matriaux mobiliss et analyss dans le cadre de cette recherche ont permis le

    dploiement de la GPEC-Territoriale aussi bien dans le territoire de la Communaut de

    communes du Cher la Loire que dans la filire Bois. Ce sont ces deux cas qui constituent le

    socle des units danalyses de notre recherche.

    8 Le guide dentretien ainsi que le questionnaire quantitatif se trouvent en annexe de ce document.

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 32 ~

    Le cadre thorique que nous mobilisons pour clairer et analyser le processus de construction

    de cette GPEC-Territoriale est constitu essentiellement de deux thories principales et de

    deux thories complmentaires.

    Dune part, nous nous appuyons sur la thorie de la traduction travers les concepts de

    rseau, dactant, dinscription et de traduction qui en sont des lments constitutifs. Cette

    thorie nous a servi galement pour analyser, la lumire des tapes quelle propose

    (problmatisation, enrlement, intressement, mobilisation), les phases du processus de

    construction de la GPEC-Territoriale. La thorie de la traduction (ou thorie de

    lacteur-rseau) est une thorie qui relve du courant de la sociologie. Elle est luvre de

    chercheurs de lcole des mines de Paris dans les annes 1980. Bruno LATOUR, Michel

    CALLON et Madeleine AKRICH9 en sont les chevilles ouvrires. Leurs recherches sur les

    conditions de production de la science, sur la gestion des innovations, sur les objets

    techniques, sur lunification du microsocial et du macrosocial, sur lanthropologie symtrique

    constituent des travaux clefs dans la comprhension de cette thorie. La thorie de la

    traduction est trs mobilise dans les sciences de gestion10

    . la suite de ces travaux, notre

    recherche se positionne dans le courant de la thorie de la traduction pour analyser les

    matriaux collects.

    Dautre part, nous mobilisons la thorie de linteraction travers des concepts, de soi,

    didentit, de rle, de dfinition de situation, de ngociation et de lAutre gnralis.

    Selon Dufort (1992), la thorie des interactions symboliques labore par G.H. Mead en 1934,

    et E. Goffman, affirme que la participation dune personne un groupe social dpend

    largement de la comprhension quelle a de lenvironnement symbolique du groupe et de son

    habilet fonctionner avec ce systme de symboles.

    Blumer (1969) numre, quant lui, trois principes fondamentaux de linteractionnisme :

    1- les humains agissent lgard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux,

    2- ce sens est driv ou provient des interactions de chacun avec autrui,

    9 (Callon, 1986 ; Latour, 2005 ; Akrich et al., 1988 ; Akrich et al., 2006)

    10 Mazzilli, 2011, Houessou, 2013, El Abboubi et Cornet, 2010, Lemaire, 2013, Brechet et Desreumaux, 2007,

    etc.

  • Introduction gnrale

    ~ 33 ~

    3- cest dans un processus dinterprtation mis en uvre par chacun dans le traitement des

    objets rencontrs que ce sens est manipul et modifi.

    Enfin, nous nous appuyons sur les thories de la mobilisation collective et de la dcision pour

    essayer de comprendre pourquoi telles ou telles catgories dacteurs se mobilisent moins que

    telles ou telles autres catgories. Les questions de priorit, de hirarchisation des actions et de

    rcompense entrent-elles en considration dans la mobilisation des acteurs ? Les travaux de

    March et Simon (1958), de Hirschman (1970) et dOlson (1978) constituent des approches qui

    clairent notre rflexion.

    Pour prsenter cette analyse du processus de construction dune GPEC-Territoriale, nous

    adoptons une architecture en quatre parties.

    La premire partie prsente le cadre thorique de la recherche. Cette partie est constitue de

    deux chapitres.

    Dans le premier chapitre, nous abordons la gense et la progression de la Gestion des

    Ressources Humaines de faon historique pour comprendre les volutions de cette gestion

    dhier nos jours. Cette analyse montre que la Gestion des Ressources Humaines nest pas

    inne dans les organisations. Elle est le rsultat de luttes et dvolutions des schmas

    organisationnels. Nous abordons aussi la GPEC intra-organisationnelle comme un volet de la

    Gestion des Ressources Humaines. Cette GPEC qui est circonscrite dans les dimensions des

    organisations connat une extension de son cadre pour se construire et sapprhender

    lchelle des territoires et des filires. Cette extension qui peut tre justifie par plusieurs

    facteurs connat nanmoins des difficults notamment en ce qui concerne sa construction et sa

    gestion. Des travaux parmi lesquels notre thse se positionne essaient de contribuer ltude

    de cet objet de recherche qui embrasse territoire et Gestion des Ressources Humaines.

    Dans le deuxime chapitre, nous prsentons la GPEC-Territoriale comme la construction dun

    objet sociotechnique. Un tel objet, pour sa construction, voit travailler ensemble plusieurs

    acteurs quil faut identifier et mobiliser. cet effet, nous dveloppons et analysons les actions

    qui conduisent la construction de cet objet et contribuent sa stabilisation.

    La deuxime partie, constitue de deux chapitres, prsente le cadre mthodologique et

    empirique de notre recherche.

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 34 ~

    Ainsi le troisime chapitre de la thse est consacr au design de la recherche cest--dire que

    dans ce chapitre nous dveloppons notre positionnement pistmologique, la posture que nous

    avons adopte et les modalits de collecte de donnes constitutives de nos matriaux.

    Le quatrime chapitre est une prsentation des cas tudis dans notre recherche. Deux cas sont

    donc concerns : la GPEC-Territoriale dans la Communaut de communes du Cher la Loire

    et le cas de la GPEC-Territoriale dans la filire Bois en Loir-et-Cher.

    La troisime partie de la thse est ddie aux rsultats. Elle contient cinq chapitres ; chacun

    tant la rponse aux sous-questions de recherche que nous avons poses supra. Ainsi nous

    rpondons la ncessit de faire travailler ensemble plusieurs acteurs dans la construction

    dune GPEC-Territoriale (chapitre 5), la ncessit de partager un diagnostic pralable dans la

    construction de la GPEC-Territoriale (chapitre 6), le contenu continment traduit et sous

    consensus relatif de la GPEC-Territoriale (chapitre 7), la mobilisation difficile, mais

    ncessaire des acteurs pour construire la GPEC-Territoriale (chapitre 8), lessai de

    modlisation de la GPEC-Territoriale en phases (chapitre 9).

    La quatrime et dernire partie de notre travail est consacre aux apports et recommandations

    de la thse. Nous avons voulu mettre disposition des acteurs institutionnels dans le cadre de

    leur projet de piloter (ou de participer ) une dmarche de GPEC-Territoriale des outils,

    conseils et recommandations sur lesquels ils pourront sappuyer pour faciliter la ralisation de

    leurs actions. Aussi nous voulons permettre aux chefs dentreprise de sappuyer sur les

    actions et outils issus dune dmarche de GPEC-Territoriale pour amliorer les dispositifs de

    management dans leur entreprise. Enfin, nous essayons de prsenter des apports pour la

    recherche scientifique.

    Deux chapitres sont constitutifs de cette quatrime partie. Dabord, les apports thoriques de

    la thse sont prsents (chapitre 10), ensuite les apports empiriques et managriaux sont

    illustrs travers des exemples contextualiss et une trousse de recommandations

    (chapitre 11).

    Nous prsentons une architecture schmatique de la thse dans la figure qui suit (figure n2)

  • Introduction gnrale

    ~ 35 ~

    Figure 2: Architecture de la thse

    La thse sachve par une conclusion qui reprend le droulement de la recherche. Cette

    dernire retrace les grandes lignes de la thse en faisant apparatre les limites de la recherche

    et les voies ou pistes pour de nouvelles recherches dans le but de complter les donnes de la

    littrature.

    Chapitre 1 : La progression de la GPEC

    analyse travers la littrature

    Chapitre 2 : La GPEC-Territoriale comme

    la construction dun objet sociotechnique

    1re

    Partie :

    Cadre thorique

    de la recherche

    Chapitre 3 : Le design de la recherche

    Chapitre 4 : Prsentation du terrain de

    recherche : une tude de cas multi-sites

    Chapitre 10 : Elments pour une thorie

    de la construction dune

    GPEC-Territoriale

    Chapitre 11 : Apports empiriques et

    managriaux de la thse

    3me

    Partie :

    Les rsultats de la

    recherche

    Chapitre 5 : La construction dune GPEC-

    Territoriale ncessite de faire travailler

    ensemble plusieurs acteurs

    Chapitre 6 : La construction dune GPEC-

    Territoriale ncessite le partage dun

    diagnostic pralable

    Chapitre 7 : La GPEC-Territoriale, un

    contenu continment traduit et sous

    consensus relatif

    Chapitre 8 : La GPEC-Territoriale, une

    mobilisation difficile mais ncessaire

    Chapitre 9 : Essai de modlisation de la

    GPEC-Territoriale en phases

    4me

    Partie :

    Les apports et

    recommandations

    de la thse

    2me

    Partie :

    Cadre

    mthodologique

    et empirique de

    la recherche

  • ~ 37 ~

    1ERE

    PARTIE : CADRE THORIQUE DE LA

    RECHERCHE

    Figure 3: Plan de la thse et 1re partie

    Chapitre 1 : La progression de la GPEC

    analyse travers la littrature

    Chapitre 2 : La GPEC-Territoriale

    comme la construction dun objet

    sociotechnique

    1re

    Partie :

    Cadre thorique

    de la recherche

    Chapitre 3 : Le design de la recherche

    Chapitre 4 : Prsentation du terrain de

    recherche : une tude de cas multi-sites

    Chapitre 10 : Elments pour une thorie

    de la construction dune

    GPEC-Territoriale

    Chapitre 11 : Apports empiriques et

    managriaux de la thse

    3me

    Partie :

    Les rsultats de la

    recherche

    Chapitre 5 : La construction dune

    GPEC-Territoriale ncessite de faire

    travailler ensemble plusieurs acteurs

    Chapitre 6 : La construction dune

    GPEC-Territoriale ncessite le partage

    dun diagnostic pralable

    Chapitre 7 : La GPEC-Territoriale, un

    contenu continment traduit et sous

    consensus relatif

    Chapitre 8 : La GPEC-Territoriale, une

    mobilisation difficile mais ncessaire

    Chapitre 9 : Essai de modlisation de la

    GPEC-Territoriale en phases

    4me

    Partie :

    Les apports et

    recommandations

    de la thse

    2me

    Partie :

    Cadre

    mthodologique

    et empirique de

    la recherche

    http://fr.123rf.com/photo_29902901_r-tro-main-de-pointage-en-noir-et-blanc.html

  • ~ 39 ~

    1ERE

    PARTIE : CADRE THORIQUE DE LA

    RECHERCHE

    La littrature est devenue immense, le nombre des livres

    innombrable, la science universelle impossible. Le bel esprit

    nest plus quun cho et le sicle prsent nest plus que le disciple

    du sicle pass. On sest fait un magasin dides et dexpressions

    o tout le monde puise. Rien nest neuf, par consquent tout

    languit et la multitude des auteurs a fait la dcadence.

    (Voltaire, Les penses philosophiques, 1862)

    Cette premire partie de la thse est consacre lanalyse de la revue de littrature et au cadre

    thorique mobilis. Deux modalits nous guident dans son dveloppement. Dabord il est

    essentiel de prciser la littrature qui sintresse la Gestion des Ressources Humaines au

    sens large et son volution historique. Ensuite une deuxime modalit nous conduit

    expliquer le cadre thorique dans lequel nous positionnons cette recherche et des diffrentes

    thories mobilises pour lanalyse.

    Deux chapitres constituent le contenu de cette partie.

    Dans un premier chapitre nous tudions la progression de la GRH. Lobjectif est de remonter

    la GRH pour comprendre comment elle constitue un terrain de gense de la GPEC

    dentreprise dune part, et de la GPEC largie au territoire, dautre part.

    Dans un deuxime chapitre nous ciblons lanalyse sur la GPEC-Territoriale en tant que

    construction sociotechnique et nous faisons ressortir les thories mobilises dans la thse.

    partir de lobjet de la recherche nous identifions les thories qui nous semblent les plus

    appropries pour apprhender le plus possible la question de la recherche.

    Ces deux chapitres, en se compltant, permettent davoir une vision globale sur notre

    positionnement par rapport la littrature existante sur le sujet. Ils permettent aussi davoir un

    regard sur cette littrature, de comprendre nos choix mthodologiques et les questions de

    recherches poses.

  • ~ 41 ~

    CHAPITRE 1 : LA PROGRESSION DE LA GPEC

    ANALYSE TRAVERS LA LITTRATURE

    Figure 4: Plan de la thse et chapitre 1

    Chapitre 1 : La progression de la

    GPEC analyse travers la littrature

    Chapitre 2 : La GPEC-Territoriale

    comme la construction dun objet

    sociotechnique

    1re

    Partie :

    Cadre thorique

    de la recherche

    Chapitre 3 : Le design de la recherche

    Chapitre 4 : Prsentation du terrain de

    recherche : une tude de cas multi-sites

    Chapitre 10 : Elments pour une thorie

    de la construction dune

    GPEC-Territoriale

    Chapitre 11 : Apports empiriques et

    managriaux de la thse

    3me

    Partie :

    Les rsultats de la

    recherche

    Chapitre 5 : La construction dune

    GPEC-Territoriale ncessite de faire

    travailler ensemble plusieurs acteurs

    Chapitre 6 : La construction dune

    GPEC-Territoriale ncessite le partage

    dun diagnostic pralable

    Chapitre 7 : La GPEC-Territoriale, un

    contenu continment traduit et sous

    consensus relatif

    Chapitre 8 : La GPEC-Territoriale, une

    mobilisation difficile mais ncessaire

    Chapitre 9 : Essai de modlisation de la

    GPEC-Territoriale en phases

    4me

    Partie :

    Les apports et

    recommandations

    de la thse

    2me

    Partie :

    Cadre

    mthodologique

    et empirique de

    la recherche

    http://previews.123rf.com/images/cheekylorns/cheekylorns1403/cheekylorns140300095/26890783-r-tro-signe-de-point-de-main-vintage-diriger-gauche-Banque-d'images.jpg

  • ~ 43 ~

    CHAPITRE 1 : LA PROGRESSION DE LA GPEC

    ANALYSE TRAVERS LA LITTRATURE

    Un dtour par la Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences Territoriale

    (GPEC-Territoriale dans la suite du texte) montre quavant son largissement la dimension

    territoriale, la Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences (GPEC dans la suite

    du texte) est organisationnelle. Dans ce cadre, elle doit tre resitue dans le contexte gnral

    de la Gestion des Ressources Humaines (GRH dans la suite du texte). De fait, se proccuper

    de la GPEC-Territoriale et de la GPEC ncessite donc de sinterroger sur la GRH en tant que

    leur terrain de germination. Ainsi, dans ce chapitre, il nous semble ncessaire de centre notre

    rflexion sur plusieurs points.

    Dabord, nous analysons la GPEC comme tant un outil de la GRH. Dans ce sens nous

    focalisons notre attention sur les dfis auxquels doit faire face la GPEC et la dimension

    danticipation qui doit guider cette dmarche.

    Ensuite, nous abordons la GPEC dans son volution contextuelle et llargissement de son

    champ dapplication de lorganisation au territoire. Ds lors, nous essayerons de prciser les

    approches dfinitionnelles de la GPEC-Territoriale.

    Enfin, les raisons pour lesquelles une GPEC-Territoriale peut tre mise en place sur un

    territoire ou dans une filire de mme que les enjeux dun tel dispositif pour les acteurs

    impliqus dans la dmarche seront analyss.

    Trois sections nous permettent de traiter les diffrents lments de ce chapitre.

    La premire section est une analyse de la GPEC en prenant pour terrain la GRH. La deuxime

    section est consacre la GPEC en tant que dispositif analys hier, aujourdhui et demain.

    Enfin, la troisime section focalise lattention sur llargissement de la GPEC de la dimension

    de lorganisation celle du territoire.

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 44 ~

    Section 1. La GPEC analyse au regard de la GRH

    Si grer les ressources humaines cest reconnatre que les hommes ont des ressources et quil

    faut savoir les mobiliser et les dvelopper, cette gestion des ressources humaines conduit

    faire le pari et le choix dintgrer lhomme et ses ressources dans la stratgie globale de

    lentreprise. Mais cette approche de la GRH intgre lentreprise ne va pas de soi. En effet,

    pendant longtemps la question de la main-duvre na t traite ni de faon approprie ni de

    faon satisfaisante dans lentreprise11

    . Aussi la GPEC est un outil de la GRH qui est mobilis

    dans les entreprises et, de nos jours, dans les territoires et dans les filires.

    I. La GPEC, un outil de la GRH

    En tant quoutil de GRH, la GPEC permet la mise en uvre de certaines orientations des

    politiques RH dans les entreprises en cohrence avec les stratgies de celles-ci. Ainsi la GPEC

    permet de faire le lien entre le management de lorganisation, les stratgies de lentreprise,

    lenvironnement socio-conomique et les employs. En se positionnant comme outil de la

    GRH, la GPEC pourrait tre analyse la lumire des dfis auxquels doit faire face la GRH.

    Ces dfis clairent les acteurs dans la construction des outils de GPEC. Pour ces raisons une

    prsentation de ces dfis semble justifie.

    I. 1. La GPEC, un outil face aux dfis de la GRH

    Dans une tude sur la responsabilit sociale des entreprises et le dveloppement durable,

    Beaupr et al. (2008) ont identifi quatre enjeux majeurs de la GRH. Selon ces auteurs, la

    GRH doit faire face des enjeux dmographiques travers la prparation et la gestion de la

    relve. La GRH doit faire face galement des exigences de productivit et de qualit des

    produits et services. La GRH doit se proccuper en plus du bien-tre des employs en veillant

    leur sant mentale, physique et psychologique. Enfin la GRH a un rle jouer dans

    lthique et la justice organisationnelle. Lobjectif est, en dfinitive, de permettre la GRH

    dattirer, de retenir et de dvelopper le capital humain. En ce sens, Fitz-enz et Phillips (1998)

    affirment que retenir les employs dans leur travail est probablement le plus grand dfi

    11

    Nous avons prsent en annexe une rflexion sur ce sujet.

  • La progression de la GRH analyse travers la littrature

    ~ 45 ~

    relever dans le secteur des ressources humaines. Dune faon plus dtaille, Peretti (2009,

    p. 2-7) a propos une approche contingentielle de la GRH (figure n5). Dans cette approche, il

    a fait ressortir les liaisons qui peuvent exister entre dfis, logiques et pratiques de la GRH.

    travers cette approche, nous pouvons identifier huit grands dfis auxquels la GRH doit faire

    face. Ces dfis sont ainsi numrs : les mutations technologiques, les mutations

    conomiques, les mutations sociologiques et la diversit, la mondialisation et laccentuation

    de la concurrence, les volutions dmographiques, les partenaires sociaux, le cadre lgislatif

    et rglementaire et linvestissement social responsable.

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 46 ~

    Contexte social et syndical Mondialisation et concurrence Evolution dmographique Pressions socitales Mutations technologiques Mutations sociologiques Mutations conomiques

    Mutations rglementaires Actionnariat socialement responsable

    DEFIS

    PRATIQUES

    Recrutement intgration et non-discrimination Relations avec les parties prenantes

    Gestion court terme Gestion court terme Gestion de la Investissement formation Information et Management de la sant Relations sociales

    de lemploi et des temps des emplois et des comptences rmunration globale et dveloppement des comptences communication de la scurit et du bien-tre au travail

    Figure 5: Modle contingentiel de la GRH, Source Peretti (2009, p. 3)

    LOGIQUE DE :

    Personnalisation

    Adaptation

    Mobilisation

    Partage

    Anticipation

  • La progression de la GRH analyse travers la littrature

    ~ 47 ~

    Dans la GRH, la dimension gestionnaire oblige intgrer dans les diffrentes dmarches un

    volet de projection vers le futur. En cela, il nous semble judicieux de rflchir sur la

    dimension danticipation et de prvision dans la GRH et la GPEC.

    I.2. La GPEC, un outil en cohrence avec lanticipation dans la GRH

    La question de la prvision et de lanticipation sest pose dans la GRH partir des annes

    1975. En effet de 1945 1974, priode appele les trente glorieuses , les aspects

    prvisionnels de la GRH furent peu sollicits. Les entreprises, dans la plupart des pays

    dvelopps, ont connu cette poque, une forte croissance conomique. De fait, les erreurs de

    gestion taient moins apparentes et la GRH se contentait dun ajustement au quotidien sans

    ncessit une rigueur extrme. Les priodes de crises ou la priode des trente

    douloureuses ont rvl que lanticipation devrait faire partie intgrante dune politique de

    GRH. Si les priodes de gloire et de croissance ont fait oublier la ncessit de lanticipation

    dans la GRH, les temps douloureux et de crise ont eu le mrite de rappeler la GRH ce que

    lon peut nommer son cur dtre, son tre premier : la prvision. Puisque la GRH a vocation

    sinscrire dans une dmarche de dveloppement durable, elle doit avoir une vraie politique

    danticipation. Cette politique danticipation prend encore tout son sens en ces temps de crise

    conomique qui courent et dont nous sommes contemporains. Plus la visibilit est faible et

    que lavenir sassombrit, plus la GRH se doit davoir une dmarche danticipation qui

    permette le dveloppement des capacits dadaptation pour pallier les imprvisions, les

    incertitudes, les variations parfois brutales des structures. Comme le prcise Peretti

    (2009, p.10), le court terme qui caractrise les mesures dadaptation quotidienne ne

    sinscrivant pas dans une dimension stratgique, est une source de risque. Une gestion

    court terme sans anticipation multiplie les dangers moyen terme et compromet la survie de

    lentreprise . En consquence, les politiques demploi, de formation, de rmunration, etc.

    doivent se rflchir dans un dynamisme danticipation. Lanticipation tant une dmarche qui

    semble ncessaire quand on parle de GRH, il nous parat essentiel de procder une analyse

    des termes qui ont pour cible une dmarche oriente vers le futur et qui pourraient

    accompagner le mot gestion .

    Durant le dveloppement du premier point de cette section nous avons montr que la GPEC,

    en tant quoutil de GRH, est empreinte des vestiges de celle-ci en faisant le lien entre stratgie

    de lentreprise, question de management, employabilit, gestion des emplois et des

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 48 ~

    comptences. Ces diffrentes questions sont analyses dans une dynamique danticipation.

    Ainsi, dans sa qute de grer par anticipation les emplois et les comptences, la GPEC nous a

    orient, dans notre rflexion, considrer les concepts qui analysent lavenir et permettent de

    mieux apprhender le futur. De fait, se proccuper des questions de GPEC conduit analyser

    et dfinir les concepts dont le contenu est orient vers le futur. Pour ces raisons certains de

    ces concepts mritent dtre dfinis pour mieux comprendre les actions qui sont mises en

    place dans le cadre dune GPEC.

    II. Des concepts orients vers le futur : Prvision,

    anticipation, prospective, vision

    Pour dvelopper ce point, nous choisissons de procder en deux tapes : un premier niveau de

    rflexion gnrale sur le futur et un deuxime niveau danalyse qui focalise lattention sur la

    prospective. Nous avons isol la prospective afin de procder une rflexion particulire sur

    celle-ci car la prospective constitue un courant gestionnaire de plus en plus mobilis dans

    lapproche des mtiers, des emplois et des comptences.

    II.1. Des rflexions sur le futur

    Dans ce dveloppement, nous proposons de faire le point sur les dfinitions des termes qui

    accompagnent le mot gestion dans les diffrentes appellations lies au domaine des

    ressources humaines. De faon plus large, notre dmarche consiste comprendre les

    diffrents termes qui font orienter la rflexion et le regard vers lavenir. En effet, nous

    pouvons, demble, affirmer que les notions prvision, anticipation, vision, prdiction,

    prvention etc. sont tournes vers le futur et incitent poser des actes pour demain. Or dans le

    rapport avec le futur, il y a une part dincertitude que lintelligence humaine ne peut

    compltement apprhender (Ladrire et al., 2012). Ainsi face cette incertitude sur lavenir,

    on peut adopter deux postures : anticipation ou prdiction (Missonnier, 2007).

    II.1.1. Prdire :

    Le terme vient du latin prae dicere qui signifie dire lavance ou annoncer

    lavance ce qui arrivera . Mais en parlant de la notion de prdiction, plusieurs questions se

    posent : sur quoi peut-on se baser pour prdire ? Est-ce par le jeu dun pouvoir divin comme

  • La progression de la GRH analyse travers la littrature

    ~ 49 ~

    dans le cas des oracles que les affirmations sont produites ? Ou la procdure adopte est-elle

    de nature purement intuitive ? Ou encore procde-t-on par conjectures ? Et en tout tat de

    cause, les propos prdits seraient-ils jugs en fonction de leur conformit aux rsultats

    escompts ?

    II.1.2. La vision :

    Ce concept exprime aussi une notion dont le contenu serait galement tourn vers lavenir.

    Lemploi de ce terme remonte aux temps prophtiques et religieux. Le visionnaire aurait donc

    des rvlations ou des reprsentations surnaturelles et divines qui lui apparaissent lesprit.

    Le visionnaire voit dans le prsent ce qui adviendrait dans lavenir en bien ou en mal. Dans

    lacception commune et hors du champ religieux, la vision dsigne la perception par

    lorgane de la vue ou le mcanisme par lequel les stimuli lumineux donnent naissance des

    sensations (Smida et Condor, 2001, p. 12). De nos jours, le champ de dfinition de la vision

    slargit pour devenir lquivalent du mot opinion ou point de vue . En effet, donner sa

    vision de quelque chose, cest en donner son point de vue ou son opinion.

    II.1.3. Anticipation :

    Ce mot vient du latin anticipare (soit ante et capare). Ce qui signifie, tymologiquement

    prendre les devants . Dans sa vie durant, ltre humain ne peut pas ne pas anticiper. En

    effet, comme le prcise Missonnier (2005, p. 55), depuis la nuit des temps, lanticipation

    inscrit lhumanit dans le flux incessant dune temporalit source de crativit et de finitude.

    Face son futur, lindividu, le groupe ne peuvent pas ne pas anticiper . Anticiper suppose

    de senraciner dans le pass et le prsent pour essayer de dcider de lavenir. Nous pouvons

    dire que ce que lon anticipe est dj, en partie, dans le prsent et ne se trouve donc

    pas totalement dans le futur. En dautres termes, le futur a ses vestiges dans le prsent de

    faon en conclure que lhumanit baigne sans cesse dans le paradigme du dj et pas

    encore dans la mesure o elle aborde des considrations orientes vers le futur.

    Lanticipation consiste adapter la vision et les projets aux disponibilits futures (Smida et

    Condor, 2001). Des auteurs tels que Vaillant (1992) ont tudi lanticipation dans des

    recherches psychologiques et psychopathologiques pour rflchir sur les mcanismes de

    dfense. Cet auteur dfinit comme suit lanticipation : un mcanisme de dfense visant

    rduire ou annuler les effets des dangers rels ou imaginaires face lincertitude et

    lindtermination de lavenir en voie dlaboration (Vaillant, 1992). Quant Smida et Condor

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 50 ~

    (2001, p. 17), ils dfinissent lanticipation comme le mcanisme par lequel les dirigeants

    collectent des informations en rapport avec leur environnement et les transforment en

    reprsentation de lavenir . A priori anticipation et vision se distinguent surtout dans le

    domaine de la gestion. En effet, en comparant lanticipation la vision, les auteurs Smida et

    Condor (2001) affirment quelles diffrent lune de lautre pour deux raisons :

    - La premire raison est que lanticipation (au contraire de la vision) est un mcanisme par

    lequel lindividu labore des images mentales . cet gard, et selon cette distinction,

    lanticipation est une fonction mentale essentielle (Benot, 2006, p. 149).

    - La seconde raison est que les images qui proviennent de lanticipation ne sont pas

    ncessairement voulues par les dirigeants qui anticipent.

    Dans un contexte de GRH, et selon Thamain (2009), lanticipation peut tre soit une prvision

    soit une prospection.

    Lanticipation est une prvision quand il sagit dune continuit. Cette approche qui met

    laccent sur la continuit rejoint celle de Missonnier (2007) puisque la continuit suppose

    lenracinement et la conformit par rapport au pass et/ou au prsent.

    Lanticipation est prospective quand il sagit de rupture. De fait, la continuit prne dans le

    premier cas disparat.

    en croire Gilbert (1994), lessence de la gestion consiste construire demain et par

    consquent, prvoir. Parler donc de gestion prvisionnelle, serait, daprs cet auteur, un

    plonasme. En dfinitive, construire lavenir passerait donc par une dmarche prospective ou

    une dmarche prvisionnelle. Mais ces deux dmarches sont selon Hatem et al. (1993),

    complmentaires car si la prvision est continuit et la prospection est rupture, ces deux

    logiques de changement portent sur le mme objet commun quest le futur (Thamain, 2009).

    En complment de Thamain (2009), les analyses de Smida et Condor (2001) sur lanticipation

    font apparatre deux autres considrations : Prdiction et description. En effet, selon ces

    auteurs, lanticipation peut tre prdictive ou descriptive.

    Lanticipation est prdictive lorsque lenvironnement gnral de fonctionnement est stable.

    Dans ce cas, lanticipation nest quune extrapolation des tendances .

  • La progression de la GRH analyse travers la littrature

    ~ 51 ~

    Lanticipation est descriptive lorsquelle permet la construction de scnarii quant lavenir et

    permet de prparer, par la mme occasion, les individus faire face aux incertitudes du

    lendemain . Envisager les scnarii de lavenir rejoint lide de Thamain (2009, p. 272) quand

    il parle de lanticipation comme construction des futurs possibles .

    Pour sortir de cette distinction, ne serait-il pas plus simple de parler de gestion anticipative ?

    En effet, lutilisation du terme anticipation permettrait de montrer que la GRH propose

    une vision court, moyen et long terme.

    II.2. Quid de la prospective ?

    II.2.1. Prsentation gnrale de la prospective

    linstar des autres termes ci-dessus tudis, la prospective est une dmarche oriente vers

    lavenir. Mais une prospective sans dispositif doprationnalisation, sans plan construit vers

    la ralisation dactions est vaine. La finalit propre de la prospective est donc dtre au service

    de laction (Scouarnec, 2008). Cest en tout cas ce possible manque doprationnalisation qui

    a fait lobjet de la plupart des critiques auxquelles a fait face la prospective. De nos jours, il

    semble que pour une approche renouvele et corrective de la prospective (Montil, 2002), il

    faille rflchir davantage sur le caractre actionnable de cette approche. Il est aussi ncessaire

    daller vers un renouvellement des dispositifs prvisionnels des ressources humaines en

    interrogeant la complmentarit entre prvision et prospective (Brillet et Hulin, 2010). Quatre

    motivations ont t retenues pour permettre la mise en uvre de cette finalit de la

    prospective : des motivations de nature thorique, des motivations de nature mthodologique,

    des motivations de nature pratique et des motivations de nature pdagogique

    (Scouarnec, 2008).

    Focalisons-nous, ici, uniquement sur le niveau thorique. Sur ce point, il va sagir dune

    refondation en ce qui concerne la vision et lavenir. Le dsir profond de lhomme pour

    connatre lavenir sera transpos dans le cadre des organisations et des territoires en ce qui

    concerne les actions largies cette chelle. Lobjectif recherch dans les entreprises et de

    plus en plus dans les territoires est dinterroger lavenir, de ltudier afin den dgager les

    solutions dactions mettre en place ds aujourdhui pour le corriger si ncessaire.

    Selon Gaston Berger, la prospective consiste voir loin, voir large, analyser en profondeur,

    prendre des risques et penser lhomme . Ds lors, lentreprise qui emprunte cette voie doit

  • Le processus de construction dune GPEC-Territoriale

    ~ 52 ~

    pouvoir intgrer dans sa stratgie de fonctionnement la dimension humaine. En ce sens et

    selon cette dfinition de la prospective nous pouvons identifier un rapprochement entre la

    prospective et la dfinition du dveloppement durable dans la mesure o dans la prospective,

    lhomme est au cur du dispositif au mme titre que dans le champ du dveloppement

    durable (rpondre aux besoins des hommes daujourdhui sans nuire ceux des gnrations

    futures). Dans ces deux cas, la dimension humaine doit tre largement prise en compte.

    Comment peut-on prendre en compte compltement cette dimension humaine dans la

    prospective ?

    La rponse cette question conduit considrer la dimension multidisciplinaire que doit

    revtir la prospective. De fait, emprunter le chemin de la prospective suppose de souvrir

    dautres champs disciplinaires afin de bien tudier, de sinterroger et danticiper les futurs

    possibles, plausibles et mme probables sans toutefois rechercher la certitude dans leur

    ralisation. La littrature nous rvle des caractristiques de la prospective. Mais quelles en

    sont-elles ? Selon Hatem et Prel (1995) repris par Scouarnec (2008), cinq caractristiques de

    la prospective peuvent tre identifies. Le tableau, ci-aprs, reprend ces diffrents types de

    caractristiques et leurs contenus.

  • La progression de la GRH analyse travers la littrature

    ~ 53 ~

    Type de

    caractristiques Contenus

    Approche globale

    La prospective est pluridisciplinaire et transversale. Une approche

    systmique permet dclairer la complexit du rel. La dimension du

    long terme est ncessaire. La crativit exige dexprimenter des

    rapprochements et des confrontations pour imaginer les changements

    en germe.

    Approche Longue

    La prospective a pour ambition de voir large et loin :

    - parce que lhistoire relativise les modes du moment et renvoie aux

    courants profonds.

    - parce que seule la vision longue permet de faire merger les

    ruptures, les seuils, les inversions de tendance, de priodiciser des

    cheminements.

    - parce que lavenir introduit des degrs de libert croissants avec

    lhorizon temporel : court terme, on peut ragir, long t