Le principe de l'allotissement ou le marché global motivé

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Le principe de l’allotissement ou le marché global motivé ? Le principe de l’allotissement ou le marché global motivé ? L’allotissement est prévu à l’article 10 du code des marchés publics de 2006. Dans les anciennes rédactions du code, le même article prévoyait la possibilité pour la personne publique de choisir l’allotissement ou le marché unique « en fonction des avantages économiques, financiers outechniques qu’elles procurent ».Le sacre du principe de l’allotissement dans le code de 2006 répond à la volonté de faciliter l’accès des PME à la commande publique. Néanmoins, jusqu’en 2006, la réglementation établissait l’entier pouvoir discrétionnaire de l’acheteur public. Ce n’est que sous la pression de groupes d’entreprises et sous l’exemple de nombreux pays comme les Etats-Unis avec le Small Business Act, que le gouvernement a pris l’initiative de mettre en place, en 2006, des mesures de préférence en faveur des PME. L’article 10 du nouveau code dispose que le principe de passation d’un marché public devient l’allotissement en énonçant toutefois des exceptions. 1. L’allotissement, un nouveau principe Le code précise, qu’afin de susciter la plus large concurrence et sauf si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés. Il choisit alors le nombre de lots, en tenant compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause, et le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. La jurisprudence (TA Paris 28 juin 2007 société Miele n° 0708649 ; voir en ce sens TA Lyon 7 avril 2008 Société Groupe Pizzorno Environnement 0801795 ; TA Lille 3 juillet 2008 Société d’avocats Huglo Lepage 080463) permet d’expliciter les termes du code. Ainsi, les équipements achetés pour une même activité mais répondant à des besoins distincts, variables selon leur destination et fonctionnant de manière autonome participent à l’identification de prestations distinctes concernant l’objet du marché et conduit à une obligation d’allotir. Par ailleurs, toujours selon la jurisprudence, une difficulté d’ordre technique ou un surcoût financier lié à la privation de marché global qui ne peut être dument prouvé ne suffit pas à écarter l’allotissement comme mode de passation. Enfin, le défaut d’allotissement non justifié porte atteinte au principe de liberté d’accès à la commande publique et constitue un manque aux obligations de mise en concurrence incombant au pouvoir adjudicateur. Cependant, si le recours à l’allotissement devient le principe, il ne s’agit pas d’une obligation totale. Il n’est nécessaire que lorsqu’il rend optimal les conditions de mise en concurrence du marché. Le pouvoir adjudicateur peut donc s’y soustraire lorsque la technique de l’allotissement n’apparaît pas pertinente. Dans ce cas là, le recours au marché global devient possible sous certaines conditions. 2. Le recours au marché global, une exception large

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Le principe de l’allotissement ou le marché global motivé ?

Le principe de l’allotissement ou le marché global motivé ?

L’allotissement est prévu à l’article 10 du code des marchés publics de 2006. Dans les anciennes rédactions du code, le même article prévoyait la possibilité pour la personne publique de choisir l’allotissement ou le marché unique « en fonction des avantages économiques, financiers outechniques qu’elles procurent ».Le sacre du principe de l’allotissement dans le code de 2006 répond à la volonté de faciliter l’accès des PME à la commande publique. Néanmoins, jusqu’en 2006, la réglementation établissait l’entier pouvoir discrétionnaire de l’acheteur public. Ce n’est que sous la pression de groupes d’entreprises et sous l’exemple de nombreux pays comme les Etats-Unis avec le Small Business Act, que le gouvernement a pris l’initiative de mettre en place, en 2006, des mesures de préférence en faveur des PME. L’article 10 du nouveau code dispose que le principe de passation d’un marché public devient l’allotissement en énonçant toutefois des exceptions.

1. L’allotissement, un nouveau principe

Le code précise, qu’afin de susciter la plus large concurrence et sauf si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés. Il choisit alors le nombre de lots, en tenant compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause, et le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. La jurisprudence (TA Paris 28 juin 2007 société Miele n° 0708649 ; voir en ce sens TA Lyon 7 avril 2008 Société Groupe Pizzorno Environnement n° 0801795 ; TA Lille 3 juillet 2008 Société d’avocats Huglo Lepage n° 080463) permet d’expliciter les termes du code. Ainsi, les équipements achetés pour une même activité mais répondant à des besoins distincts, variables selon leur destination et fonctionnant de manière autonome participent à l’identification de prestations distinctes concernant l’objet du marché et conduit à une obligation d’allotir. Par ailleurs, toujours selon la jurisprudence, une difficulté d’ordre technique ou un surcoût financier lié à la privation de marché global qui ne peut être dument prouvé ne suffit pas à écarter l’allotissement comme mode de passation. Enfin, le défaut d’allotissement non justifié porte atteinte au principe de liberté d’accès à la commande publique et constitue un manque aux obligations de mise en concurrence incombant au pouvoir adjudicateur. Cependant, si le recours à l’allotissement devient le principe, il ne s’agit pas d’une obligation totale. Il n’est nécessaire que lorsqu’il rend optimal les conditions de mise en concurrence du marché. Le pouvoir adjudicateur peut donc s’y soustraire lorsque la technique de l’allotissement n’apparaît pas pertinente. Dans ce cas là, le recours au marché global devient possible sous certaines conditions.

2. Le recours au marché global, une exception large

Force est de constater qu’il existe un large champ de dérogations prévues à l’article 10 permettant au pouvoir adjudicateur de se soustraire au principe de l’allotissement. En effet, les dérogations fonctionnent selon un système de double détente. Dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur estime que l’objet du marché ne permet pas l’identification des prestations distinctes. Le motif est donc valable pour déroger au principe de l’allotissement. Mais si tel n’était pas le cas, le pouvoir adjudicateur peut alors jouer sur la deuxième détente du système. En effet, l’article 10 prévoit trois exceptions au principe. Ainsi, il peut estimer que la passation d’un marché alloti ait pour conséquence la restriction de la concurrence, ou que la conclusion d’un marché alloti risque de rendre techniquement difficile ou financièrement couteux l’exécution des prestations ou encore qu’il ne soit pas en mesure d’assurer par lui même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination. Par ailleurs, il est important de souligner qu’en aucune manière, l’acheteur public est tenu de justifier aux candidats son choix d’allotir. En effet, l’obligation d’exposer ses motifs ne lui sera faite que si un recours est formé.

Le recours au marché global n’est pas que théorique. En effet, il est parfois utilisé et a même été validé à maintes reprises par le juge administratif. Par exemple, le tribunal administratif de Paris (TA Paris 23 fév 2007 société Clear Channel n° 0701657 ; voir en ce sens TA Nantes 21 févr. 2008, Département de la Mayenne, n° 0800601 ; TA Nice 1er févr. 2008, Société SGCAA, n° 0800239 ; TA Amiens 3 sept. 2007, Société CBS Outdoor, n° 0702100 ; TA Paris 22 mars 2007, Société Unilog It

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Services, n° 0703033) a considéré que la ville de Paris se situait dans le cadre de l’une de ses trois exceptions. Il s’agissait d’un marché relatif à l’exploitation du mobilier urbain et à l’exploitation du service de vélos. L’allotissement était techniquement et financièrement impossible pour deux raisons. La disposition des stations de vélos et le nombre de vélos dépendaient directement du mobilier urbain exploité et le financement de la fourniture de vélos sur le budget propre de la ville aurait entraîné par cette dernière un coût global supérieur.