Le péril nucléaire

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Série "Les armes nucléaires" - Diaporama n° 1 Le péril nucléaire Étienne Godinot 06.03.2016

Transcript of Le péril nucléaire

Série "Les armes nucléaires" - Diaporama n° 1

Le péril nucléaire

Étienne Godinot

06.03.2016

Série : L’arme nucléaire

Une série diaporamas

1 - Le péril causé par les armes nucléaires

2 - Pour un désarmement nucléaire unilatéral de la F rance

3 - Figures de la résistance à l’arme nucléaire

5 - Quelques personnalités qui remettent en cause la d issuasion nucléaire française ou se posent des questions à so n sujet

- nées entre 1869 et 1925- nées après 1926

4 - La position de l’Église catholique sur l’arme nuclé aire : évolution depuis 1962

Les deux premiers diaporamas reprennent principalement le livre de Jean-Marie Muller Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l’arme nucléaire ? (éd. MAN, 2010)

Tous deux sont membres cofondateurs du Mouvement pour une Alternative non-violente (MAN) www.nonviolence.fret respectivement Président et Directeur des recherches de l’Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits (IRNC) www.irnc.org

1 - Le péril causé par les armes nucléaires

Sommaire

- Le nucléaire civil ne doit pas nous faire oublier le nucléaire militaire- L’immoralité intrinsèque de l’arme nucléaire- L’infaisabilité stratégique de la dissuasion nucléaire- La dissuasion nucléaire n’arrête pas le terrorisme- Des armes non seulement inutiles, mais nuisibles- La dissuasion nucléaire est dangereuse- La dissuasion nucléaire bafoue la démocratie - La dissuasion nucléaire est un gouffre financier… pour une crédibilité douteuse- La dissuasion nucléaire démobilise la population au sujet de sa

défense- L’illusion du désarmement nucléaire multilatéral - Désarmement : la mauvaise foi de la France- La mentalité nucléaire et la défaite de l’intelligence- Et les bombes iraniennes et nord-coréennes ?

Le nucléaire civil …

L’énergie nucléaire est une énergie du passé :

- Elle repose sur l’extraction d’uranium, une ressource fossile limitée (dont la France ne dispose d’ailleurs pas sur son territoire)

- Elle est dangereuse (Three Misle Island, Tchernobyl, Fukushima)

- Elle est ruineuse ( les coûts réels sont très supérieurs aux coûts prévus, par ex. ITER ou EPR, les coûts de démantèlement des centrales seront faramineux)

- C’est une fuite en avant : on ne sait pas quoi faire des déchets…

…ne doit pas nous faire oublier le nucléaire militaire

Mais Fukushima ne doit pas nous faire oublier Hiroshima : l’arme nucléaire est intrinsèquementimmorale, et elle est infiniment plus dangereuse que l’énergie nucléaire.

L’enjeu de l’arme nucléaire n’est pas d’abord militaire ; il est certes politique et culturel, mais il est en premier lieu philosophique et spirituel. Il est existentiel.

Images : Fukushima 2011Hiroshima 1945

La folie nucléaire

L’arme nucléaire pose la question de lapoursuite de l’aventure humaine.

La menace de l’arme nucléaire, qui implique par elle-même le consentement au meurtre de millions d’innocents, est le reniement de toutes les valeurs qui constituent la civilisation.

En américain, dissuasion nucléaire se traduit par « Mutual Assured Destruction », ou MAD. Le mot anglais mad signifie fou…

Image : Hiroshima, août 1945

Une arme politique…

La bombe atomique a été larguée sur Hiroshima par le Président Truman davantage pour impressionner les Soviétiques que pour mettre fin à la guerre : les services secrets américains avaient appris que l’empereur du Japon voulait capituler.

Photo ci-contre : « Little Boy » (« Petit garcon» !), bombe lancée sur Hiroshima

Pour le général de Gaulle, l’arme atomique est conçue comme l’instrument de la grandeur politique de la France.

Emploi, menace de l’emploi

Certes, par elle-même, la dissuasion n’est pas l’emploi, mais elle est l’emploi de la menace, et l’emploi de la menace comporte directement la menace de l’emploi.

Dès lors que l’emploi de l’arme nucléaire serait un crime contre l’humanité, la menace de l’emploi est déjà criminelle.

Image : Sous-marin lanceurs de missilesnucléaires Le Triomphant

Une arme de dissuasion, faite pour ne pas être utilisée…

Cependant, la menace de l’emploi veut être dissuasive, c’est-à-dire qu’elle a pour finalité de conduire l’adversaire potentiel à renoncer à décider d’attaquer.

L’intention de l’emploi semble perdre son caractère criminel, dès lors que ce que recherche celui qui l’exprime, c’est de ne pas avoir à passer à l’acte.

Quelle rationalité ?

« Mais c’est supposer que la rationalité domine les comportements guerriers, ce qui est contredit en permanence par la réalité des guerres.

Certes, il existe une part rationnelle dans les logiques guerrières. Mais celle-ci est subordonnée et le plus souvent débordée par une pression émotionnelle qui peut être au service de buts barbares.

Ainsi la solution finale nazie était un modèle de rationalité managériale, tout comme le fut la construction des arsenaux nucléaires de tous les pays possesseurs de la bombe ».

Patrick Viveret, philosophe, politologue, Conseiller honoraire à la Cour des Comptes

Images : La retraite de Russie (1812)La Shoah (1939-1945)

La conscience tranquille…

Puisque la bombe est faite pour ne pas servir, le décideur nucléaire a la conscience tranquille.

Ni la méchanceté, ni la haine, qui alimentent d’ordinaire le désir du meurtre, n’animent la menace de l’emploi de l’arme nucléaire.

Là se trouve le paradoxe de la dissuasion nucléaire.

L’intention de commettre le crime absolu

Au cœur de ce paradoxe, il y a l’immoralité absolue de l’intention de commettre le crime absolu.

Il est en outre insensé de prendre, pour se défendre, le risque de se détruire.

Seuls l’aveuglement, l’irresponsabilité et l’inconsciencepeuvent expliquer l’accommodement qui unit les décideurs et les citoyens.

Un terrorisme d’État

La logique de la dissuasion implique que les décideurs politiques soient fermement déterminés à passer à l’acte.

La menace nucléaire s’apparente directement à la prise d’otage d’une population civile.

Les idéologues ont construit une représentation irénique de la dissuasion nucléaire totalement éloignée de la réalité guerrière de la menace des bombes nucléaires et de leur emploi potentiel.

La dissuasion nucléaire, inefficace

Durant la Guerre froide, dans le scénario envisagé lors d’une confrontation armée avec l’Union Soviétique, l’emploi des armes nucléaires françaises contre les armées du Pacte de Varsovie n’aurait pas manqué de déclencher les représailles nucléaires massives de l’adversaire qui auraient provoqué la destruction de la France.

Le décideur soviétique pouvait donc parier rationnellement sur l’irrésolution du décideur français à employer des armes qui provoqueraient la destruction de son pays.

La dissuasion nucléaire, inefficace

Valéry Giscard d’Estaing, au sujet d’un scénario d’invasion massive des forces soviétiques en direction de l’Europe de l’Ouest durant la guerre froide, écrit dans ses Mémoires en 1992 :

« Une conclusion se fait jour peu à peu : ni de loin, où je suis, ni sur le terrain, où se situent les responsables militaires, la décision d’employer l’arme nucléaire tactique n’apparaît opportune. ( …) Quoi qu’il arrive je ne prendrai jamais l’initiative d’un geste qui conduirait à l’anéantissement de la France. »

Valéry Giscard d’Estaing, Le pouvoir et la vie, tome II, L’affrontement, Le Livre de Poche, 1992, p. 196 s.

La dissuasion nucléaire, inefficace

Il est facile d’élaborer en chambre et de proclamer sur une estrade une rhétorique vantant les mérites de la dissuasion nucléaire. Mais lorsque survient le moment du passage à l’acte, il apparaît clairement que la rhétorique n’a aucune prise sur la réalité.

Les réflexions de Giscard d’Estaing montrent que le passage à l’acte est véritablement impensable, inconcevable, inimaginable, irréaliste et, surtout, qu’il serait irresponsable.

Les leçons de l’histoire

Le mur de Berlin n’a pas été détruit par les armes de l’Occident. Pour l’essentiel, il s’est effondré sous la pression de la résistance non-violente des femmes et des hommes des sociétés civiles de l’Est qui ont eu le courage de prendre les plus grands risques pour conquérir leur liberté.

La dissuasion nucléaire n’a joué aucun rôle dans la chute de l’empire soviétique.

Photos : Vaclav Havel et la Charte 77 en Tchécoslovaquie Lech Walesa et Solidarnosc en PologneManifestation du 9 octobre 1989 à Leipzig, Allemagne de l’Est

La dissuasion nucléaire n’arrête pas le terrorisme

La dissuasion nucléaire n’offre aucune défense contre une attaque terroriste.

Au contraire, il existe de réelles probabilités pour qu’un État nucléaire soit jugé comme un acteur majeur auquel incombe la responsabilité du désordre du monde et que, de ce fait, il soit jugé comme une cible potentielle par des groupes terroristes.

Image : L’attentat contre les Twin Towers à New York le 2 septembre 2001

Des armes non seulement inutiles, mais nuisibles

Les armes nucléaires ne servent à rien non plus

- pour combattre le crime transnational, les paradis fiscaux- pour prévenir les conflits ethniques et religieux, - pour arrêter la guerre cybernétique.

Par les dépenses qu’elles occasionnent au détriment de causes vitales et urgentes (lutte contre la faim, la misère, la maladie, l’exclusion, l’analphabétisme, etc.), elles engendrent l’instabilité et l’insécurité.

Quelques paroles de responsables politiques sans langue de bois…

« Dans le monde d’aujourd’hui, les armes nucléaires ne sont d’aucune utilité pour faire face aux menaces contre la sécurité. (…)Si elles servent à quelque chose, c’est à diminuer la sécurité de tous les États, y compris de ceux qui les possèdent. (..)Les armes nucléaires engendrent l’instabilité et l’insécurité. Elles accroissent le sentiment d’injustice. »

Le représentant du Brésil à la 8ème conférence d’examen du TNP, New-York, 3 mai 2010

sans langue de bois…

« La pérennité de dispositifs de défense basés sur l’arme nucléaire revient en fait à continuer de jouer de façon irresponsable avec le futur de l’humanité. (…)

L’arme nucléaire est à la fois inutilisable, immorale et illégale ».

Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères de la Suisse, 8ème conférence d’examen du TNP, New-York, 3 mai 2010

La prolifération des armes nucléaires

La dissuasion nucléaire est dangereuse

• à cause de la prolifération dans le monde :

Il y a dans le monde 20 000 armes nucléaires en service, dont 1 800 en état d’alerte.

La puissance de destruction moyenne de chacune étant d’environ 30 fois celle de la bombe d’Hiroshima, cela signifie que les États dotés d’armes nucléaires possèdent l’équivalent de 600 000 bombes d’Hiroshima.

Les risques d’accident

• à cause des risques d’accidents.Selon le journaliste Éric Schlosser, au moins 700 accidents ou incidents mettant en cause 1 250 armes nucléaires auraient été eu lieu pour la seule période 1950-1968.

Le 23 janvier 1961, un bombardier B 52 de l’US Air Force laisse échapper ses deux bombes H au-dessus de Goldsboro, en Caroline du Nord. L’une d’elles (260 x Hiroshima) termine sa course dans les branches d’un arbre, son parachute déployé et ses mécanismes de sécurité désactivés. Seul un petit interrupteur à faible voltage permet d’éviter la catastrophe. Si la bombe avait explosé, les villes de Washington, Baltimore, Philadelphie et New-York auraient pu être touchées.

Photo : Bombardier B52 larguant des bombes classiques

Les risques d’accident

Le 17 janvier 1966, 2 avions se percutent au-dessus de la Méditerranée. Des quatre bombes H que transportait le B 52, trois sont retrouvées à terre près du village de Palomares en Andalousie. 2 sont détruites à l'impact au sol, dispersant environ 4,5 kg de plutonium sur 250 hectares. La 3ème bombe touche le sol et reste presque intacte. La 4ème, tombée dans la mer, est récupérée intacte après 2 mois et demi de recherches. (photo du haut)

Un responsable du Pentagone a révélé, le 27 octobre 2010, que l’armée américaine avait perdu le contact, quatre jours plus tôt, pendant 45 minutes, avec 50 missiles nucléaires balistiques intercontinentaux d’une portée de 5 500 km. Une panne informatique est à l’origine de cet incident… (Le Mondedaté du vdi 29 octobre 2010)

Photo du bas : Missile balisique intercontinental dans son silo

La dissuasion nucléaire bafoue la démocratie

Par sa structure même, la dissuasion nucléaire implique la démission des citoyen(ne)s qui abandonnent leur destin à la seule décision du Président de la République.

Par les pouvoirs qu’elle confère au Chef d’État, l’arme nucléaire instaure de facto une monarchie absolue de droit divin qui écarte et éloigne le peuple de décisions qui concernent son existence.

De même que Louis XIV, le Roi Soleil, disait : « L’État, c’est moi », François Mitterrand a pu dire : « La bombe atomique, c’est moi » [1]

[1] Intervention de F. Mitterrand sur la politique de défense de la France, 5 mai 1994.

La dissuasion nucléaire est un gouffre financier…

Elle engloutit des sommes gigantesques. Le coût de l’arsenal nucléaire français de 1945 à 2010 est estimé à 228,67 milliards d’euros. [1]

La France a effectué 210 essais nucléaires, dont 146 en Polynésie, et doit maintenant indemniser les victimes…

Images - Les essais nucléaires à Reggane, dans le Sahara algérien, ont précédé les essais en galerie dans le Hoggar (1960-1966)- Les essais nucléaires à Mururoa et Fangataufa, dans l’océan Pacifique (1966-1996)- Le site Laser Mégajoule au Barp, en Gironde, où sont faites des simulations informatiques d’explosions nucléaires.

[1] Brunot Barillot, Audit Atomique, Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CRDPC)

…pour une crédibilité douteuse

Le 5 mai 2013, échec du tir-essai d’un missile M51 lancé par le sous-marin Le Vigilant dans la baie d’Audierne au large de Penmarc’h (56 tonnes, 120 millions d’€ par missile selon les chiffres officiels). Le Ministère de la Défense indique que les conclusions de la commission d’enquête seront tenues secrètes : "secret défense"…

Le 11 juin 2013, le quotidien Le Télégramme révèle des failles dans le dispositif de sécurité de la base des sous-marins nucléaires de l'Ile Longue (Finistère) où un espion ou un saboteur peut rentrer très facilement.

"Pourquoi les nombreux camions-bennes et toupies qui y pénètrent, et qui peuvent cacher de grandes quantités d'explosifs ou de nombreuses personnes, ne sont-ils pas systématiquement inspectés ?"

Alors que la société démocratique doit être défendue contre les dangers qui la menacent…

Aucun peuple ne peut se passer d'une défense qui assure sa sécurité.

Mais les menaces réelles et nouvelles qui pèsent sur nos sociétés ne sont plus le déferlement d’unités armées poursuivant des objectifs de conquête ou d’asservissement.

Elles sont d’une toute autre nature : le fanatisme, l’intégrisme religieux, le terrorisme, les crises pétrolières, alimentaires, économiques ou écologiques, le délitement de la société minée par le chômage, etc.

Images : Le génocide au Rwanda en 1994 : 800 000 morts

… la dissuasion nucléaire démobilise la population au sujet de sa défense

Comme naguère la ligne Maginot face au nazisme, (photo ci-contre)

le risque principal de la dissuasion nucléaire, est de démobiliser la population au sujet de sa défense, et de la laisser complètement démunie en cas de crise ou d'agression, d'où qu'elle vienne.

L’improbabilité du désarmement nucléaire multilatéral

Le traité de non prolifération (TNP) introduit de manière discriminatoire un déséquilibre dans les rapports entre les États.

Il exige que les États non nucléaires renoncent à acquérir l’arme nucléaire alors même que les États nucléaires (USA, Russie, GB, France, Chine) n’ont pas renoncé à les posséder.

L’improbabilité du désarmement nucléaire multilatéral

Les États nucléaires qui ne l’ont pas signé (Inde, Israël, Pakistan) ne subissent pas la menace de sanctions.

Corée du Nord, Arabie saoudite, Iran, Syrie possèdent ou peuvent posséder l’arme nucléaire.

L’Allemagne et le Japon, géants économiques et politiques, n’ont pas l’arme nucléaire…

Le Brésil et l’Afrique du Sud y ont renoncé et s’en portent mieux…

La France poursuit la course aux armements

Le Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires (TICE), signé par la France en 1998, vise l’interdiction universelle des essais nucléaires.

Or la France poursuit le programme Laser Mégajoule qui permettra d’atteindre en laboratoire des conditions thermodynamiques (densité, pression, température) similaires à celles rencontrées lors d’un essai nucléaire.

Photo : Le Centre Laser Mégajoule au Barp (Gironde)

La mauvaise foi de la France

De même, le programme de construction de 60 missiles balistiques intercontinentaux M-51 destinés à remplacer les missiles M-45 de la Force océanique stratégique (FOST)

et le missile de croisière ASMP-A (Air Sol Moyenne Portée Amélioré) de la composante nucléaire aéroportée ne respectent ni l’esprit ni la lettre de l’article VI du TNP.

Derrière toutes ces décisions se profile l’emprise des lobbies de l’industrie d’armement sur les décideurs politiques.

Images : Missile intercontinental M 51

Missile de croisière ASPM-A

« Un discours faussement rassurant »

La force nucléaire totale de la France (dont la moitié est en état d’alerte) c’est environ 2000 bombes comme celle d’Hiroshima (et Hiroshima c’est plus de 200 000 morts), de quoi tuer des centaines de millions d’êtres humains…

«La politique actuelle est celle d'un refus obstiné du désarmement nucléaire, justifié par un discours faussement rassurant et qui fournit des arguments à tous les proliférateurs ».

Michel Rocard, Le Monde 4 mai 2010

« La guerre nucléaire finira pas éclater »

« Tant que les grandes puissances conserveront l’arme nucléaire, (…), d’autres pays voudront l’acquérir.

La guerre nucléaire qui faillit se produire par exemple entre l’URSS et les États-Unis en octobre 1962 (crise de Cuba) ou entre l’Inde et le Pakistan au printemps 2003 (crise du Cachemire), finira par éclater quelque part et ne s’arrêtera pas aux frontières des premiers belligérants. »

Eva Joly et Jean-Marie Matagne

Pour un monde sans armes ni centrales nucléaires -Sortir du nucléaire civil ne suffit pas, juin 2011]

La mentalité nucléaire

Le plus grave, et donc le plus inquiétant, c’est le triomphe de la mentalité nucléaire qui inhibe la conscience des citoyens.

Ceux-ci ont perdu toute faculté d’indignation devant le fait que l’ingéniosité de l’homme se pervertit dans la fabrication d’armes de destruction massive.

La défaite de l’intelligence

L’existence même de l’arme nucléaire consacre l’échec de toutes les morales, de toutes les philosophies, de toutes les spiritualités, de toutes les sagesses, de toutes les religions.

La dissuasion nucléaire est la défaite de la raison, la défaite de la pensée, la défaite de l’intelligence.

Images- Albert Einstein : « Si j’avais su, je me serais fait plombier »- Mohandas Gandhi : « J’affirme que celui qui a inventé la bombe

atomique a commis la plus grande faute dans le domaine de la science »

« Dernier degré de sauvagerie »

Le 8 août 1945, deux jours après l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, un jour avant qu’une seconde bombe ne soit lancée sur Nagasaki, Albert Camus écrit dans Combat :

« La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. (…)

Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison ».

[1] Albert Camus, Actuelles, Chroniques 1944-1945, op. cit., p .82.

« La barbarie polytechnique »

Dans les dernières années de sa vie, Georges Bernanos n’a cessé de protester contre la bombe atomique.

« La civilisation de la bombe atomique » est intolérable et, face à elle, l’homme raisonnable ne peut qu’opposer l’objection de sa conscience : « À un monde de violence et d’injustice, au monde de la bombe atomique, on ne saurait déjà plus rien opposer que la révolte des consciences, du plus grand nombre de consciences possible » [1].

En octobre 1946, il écrivait encore : « La barbarie polytechnique menaçante n’a plus devant elle que des consciences » [2].

[1] Georges Bernanos, Français si vous saviez, Paris, Gallimard, 1961,p. 127.

• [2] Ibid., p. 211

« La grande menace, c’est la bombe »

« La grande menace, c’est la bombe (…) La folie s’est déjà manifestée à deux reprises… Hiroshima, Nagasaki… L’homme d’Hiroshima a été brûlé, dépouillé, vidé par la bombe… Mais avec lui, ce sont toutes nos raisons de vivre qui ont été saccagées.

C’est pourquoi, autour de mon personnage, comme une pluie de ruines, tombent les fleurs, les livres, la Croix, la Faucille et le Marteau… La bombe n’épargne aucune idéologie, aucun système. Elle anéantit toutes les pensées de l’homme, tout le patrimoine culturel commun… A nouveau, les bibliothèques d’Alexandrie flambent et s’anéantissent… Mais cette fois, c’est un enlisement général. »

Jean Lurçat. Le chant du monde. Tapisseries à Angers

« Inutile, absurde, inemployable, criminelle »

« Par l’emploi des techniques nucléaires, le Mal vient de bénéficier d’un brusque avancement. Voilà qu’une mutation géante marque l’histoire de l’assassinat collectif. Un seuil est franchi ».Le rôle des Français « est en premier lieu de protester

contre la force atomique française – inutile, absurde, inemployable aussi bien contre un adversaire plus fort que contre un plus faible, éminemment dangereuse puisqu’elle nous désigne pour cible, criminelle et inhumaine puisque sa fonction est de frapper électivement les populations civiles ; qui plus est, elle donne aux autres nations le mauvais exemple en suscitant la malsaine émulation des chauvinismes nucléaires. (…) La France n’a rien à faire dans la galère atomique ».

Jean Rostand (1894-1977)

« Une assurance-mort »

« On mentionne souvent cette arme comme une assurance-vie pour le pays. En réalité les assurances-vie ne servent qu’aux survivants, la bombe s’apparente plutôt à une assurance-mort.Et si c’est une assurance-vie, au nom de quel principe interdire aux autres pays d’en disposer ? Si la dissuasion interdit toute attaque nucléaire, pourquoi prévoir un coûteux bouclier anti-missiles, dont l’existence signe l’échec de la logique de dissuasion ? (…) Il est indispensable et urgent de sortir de ce "mensonge"français fait d’approximations, de contre-vérités, de slogans répétés à l’envi, de silences et d’arguments d’autorité.

Paul Quilès, ex-Ministre de la Défense (1985-1986), ex-Président de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale (1997-2002), Maire de Cordes-sur-Ciel

« De telles armes sont totalement inadaptées au contexte international »

« L’arme nucléaire est inutile, elle n’a plus de pertinence stratégique. Elle est coûteuse : 3,5 milliards d’euros par an, plus les coûts cachés. Elle est dangereuse, elle devient un facteur d’instabilité, elle présente un risque de déclenchement involontaire permanent, de banalisation et de prolifération. »

Général Bernard Norlain, ex-chef du cabinet militaire du Premier ministre Jacques Chirac puis de Michel Rocard, Général de division aérienne (1989) puis Général de corps d'armée aérien (1990), ex-directeur de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN, 1994 à 1996), membre de l’organisation internationale Global Zero Initiative.

Colloque Pax Christi – Justice et Paix, 16 et 17 mars 2012

Le Point, 15 juillet 2012

« Le stupide tout ou rien nucléaire »

Le général de corps d'armée (en retraite) Jean-Claude Thomann (photo) fait circuler en octobre 2013 le Manifeste des Sentinelles de l’agora pour la sauvegarde des armées, qui "regroupe de manière informelle des officiers généraux et supérieurs des trois armées, de sensibilités diverses, mais ayant de multiples expertises et membres de nombreuses associations et institutions de Défense."

Ce Manifeste, qui préconise aussi "des citoyens en armes", demande "un budget décent qui permette à nos soldats de disposer de l’entraînement et des équipe-ments nécessaires, et au politique de s’engager sans le soutien déterminant des États-Unis, tout en évitant le stupide tout ou rien nucléaire."

Un héritage inutile du passé

L'arme nucléaire française n'assure pas notre sécurité face aux menaces actuelles. Cette affirmation est d'ailleurs contenue dans le rapport n° 668 du Sénat de juillet 2012 :

"S’il nous fallait dessiner aujourd’hui un format d’armées partant de zéro, il est fort probable que la nécessité d’acquérir une force de frappe nucléaire, avec de surcroît deux composantes, ne ferait pas partie de nos ambitions de défense."

Une double aliénation de l’homme moderne

En réalité, la croyance dans l’arme nucléaire se fonde irrationnellement dans la confiance qui nous a été inculquée par la civilisation moderne dans la Technique et dans l’État.

Pour renoncer à la bombe, il faudrait que l’homme d’aujourd’hui ait le courage d’oser se libérer de cette double emprise qui le rend inconscient et irresponsable.

En définitive, l’arme nucléaire est une idole, celles et ceux qui lui rendent un culte sont des idolâtres.

Et la bombe iranienne ?Et la bombe nord -coréenne ?

Certains pourront dire : la dissuasion nucléaire nous met à l’abri des armes nucléaires (existantes, supposées ou à venir) de pays non démocratiques, tels que l’Iran et la Corée du Nord.La réponse tient en 2 points :

1 - Les bombes des pays démocratiques ne dissuadent pas ces dirigeants de s’armer puisqu’ils le font…On n’imagine pas une menace de frappe, nucléaire ou non, pour obliger ces pays à arrêter leurs programmes d’armement et de recherche.

Photos : - Mahmoud Ahmadinejad (Iran, dictature islamique)- Kim Jong-un (Corée du Nord, monarchie stalinienne)

Et la bombe iranienne ?Et la bombe nord-coréenne ?

2 - Au contraire, les bombes atomiques des pays démocratiques donnent un argument majeur aux dictateurs : « Pourquoi, si l’arme nucléaire est nécessaire à la sécurité de votre pays, n’aurions-nous pas le droit de nous en doter nous aussi ? ».

Le seul langage crédible est celui de l’exemplarité.