Le peigne de l'histoire

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Le peigne de l'histoire. Christophe Benavent Professeur à l'Université Paris Ouest – Segmi A ceux qui s’interrogent parfois sur le « que savons nous ? » et se désolent qu'en dépit d'une activité incessante du travail de la connaissance nous ne sachions que peu, j'ai envie d'opposer l'idée que ce que nous savons, vient moins d'un empire que nous ne faisons grandir assez vite, que d'un château dont nous oublions les caves à mesure que nous en construisons les tours. L'histoire de la connaissance est autant celle de l'oubli que du souvenir. Nos bibliothèques sont à la fois des vitrines et des cimetières. La recherche ressemble moins à un départ, les voiles gonflées, vers des terres que nous ignorons même si parfois nous les prenions, tel Colomb, pour autre chose qu'elle sont, ni à l'application têtue de théories à des faits qui résistent, qu'à revenir sur nos pas et retrouver des propositions égarées dans des réserves oubliées. Et il arrive qu'on exhume des savants qui auront peu apporté à la communauté et moins encore à la société mais qui pourtant avant les autres ont découvert ce que qu'on aurait dû savoir. Ils viennent souvent trop tard, parfois connaissent une gloire posthume. Et on ne sait à qui devoir ce triomphe : à leurs idées ou à ceux qui les ont déterrées. A qui revient le mérite ? Observons de suite que parmi les exhumés, entre ceux dont les idées ont été redécouvertes par d'autres et qui ne gardent qu'un mérite de précédence – les aurait-on écoutés on aurait simplement avancé plus vite et le cours du monde n'aurait pas été changé - et ceux dont l'idée retord le temps, ramène les rails dans la direction du vrai, et dont on se dit que si on l'avait connue, le monde aurait été différent, il n'y a peu que peu de différences 1 . Les premiers et les seconds ne vivent que par ceux qui les ont réveillés. Il vaut parfois de passer au peigne fin l'histoire des idées. Le musicien enterré avant d'être mort Un très beau cas nous vient à l'esprit. Il n'appartient pas au monde la science mais à celui de la musique. Il a fait une actualité récente. Sixto Rodriguez a été enterré avant d'être mort – ses admirateurs on cru qu'il avait brûlé sur une scène - s'ajoutant à la litanie des Janis et des Jimmy's. Il n'a connu aucun succès jusqu'au jour où en Afrique du Sud ses chansons ont rencontré une idée. Il y est devenu une idole sans le savoir et ses adorateurs le croyant mort n'ont pas cherché à le rencontrer. Dans son pays, les Etats-Unis, entre l'arnaque et la loi du marché son unique disque s'est perdu et après un succès méritoire, il a totalement disparu de la scène, jusqu'au jour où un éditeur sud-africain le réédite et qu'à partir de ce moment, il devienne un véritable mythe dans ce pays d'accueil. Plus proche de nous un talent de l'économie, sans goût pour l'épicerie, mais avec un solide équipement mathématique a voulu en raison penser quelques principes de justice sociale, mu moins par la volonté de vérité, que par une raison chrétienne, cette raison à la Malebranche qui ne cède 1 A quelle catégorie appartient par exemple Louis Bachelier ? Courtault Jean-Michel & Kabanov Youri (dir.), Louis Bachelier. Aux origines de la finance mathématique Besançon, Presses de l’Université de Franc-Comtoises, 2002

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texte de travail publié dans " Economie mathématiques et histoire - autour de Christian Bidard" PUPO 2014 http://presses.u-paris10.fr/?p=2081

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Le peigne de l'histoire.

Christophe BenaventProfesseur à l'Université Paris Ouest – Segmi

A ceux qui s’interrogent parfois sur le « que savons nous ? » et se désolent qu'en dépit d'une activitéincessante du travail de la connaissance nous ne sachions que peu, j'ai envie d'opposer l'idée que ce que nous savons, vient moins d'un empire que nous ne faisons grandir assez vite, que d'un château dont nous oublions les caves à mesure que nous en construisons les tours.

L'histoire de la connaissance est autant celle de l'oubli que du souvenir. Nos bibliothèques sont à la fois des vitrines et des cimetières. La recherche ressemble moins à un départ, les voiles gonflées, vers des terres que nous ignorons même si parfois nous les prenions, tel Colomb, pour autre chose qu'elle sont, ni à l'application têtue de théories à des faits qui résistent, qu'à revenir sur nos pas et retrouver des propositions égarées dans des réserves oubliées.

Et il arrive qu'on exhume des savants qui auront peu apporté à la communauté et moins encore à la société mais qui pourtant avant les autres ont découvert ce que qu'on aurait dû savoir. Ils viennent souvent trop tard, parfois connaissent une gloire posthume. Et on ne sait à qui devoir ce triomphe : àleurs idées ou à ceux qui les ont déterrées. A qui revient le mérite ?

Observons de suite que parmi les exhumés, entre ceux dont les idées ont été redécouvertes par d'autres et qui ne gardent qu'un mérite de précédence – les aurait-on écoutés on aurait simplement avancé plus vite et le cours du monde n'aurait pas été changé - et ceux dont l'idée retord le temps, ramène les rails dans la direction du vrai, et dont on se dit que si on l'avait connue, le monde aurait été différent, il n'y a peu que peu de différences1. Les premiers et les seconds ne vivent que par ceuxqui les ont réveillés. Il vaut parfois de passer au peigne fin l'histoire des idées.

Le musicien enterré avant d'être mort

Un très beau cas nous vient à l'esprit. Il n'appartient pas au monde la science mais à celui de la musique. Il a fait une actualité récente. Sixto Rodriguez a été enterré avant d'être mort – ses admirateurs on cru qu'il avait brûlé sur une scène - s'ajoutant à la litanie des Janis et des Jimmy's. Il n'a connu aucun succès jusqu'au jour où en Afrique du Sud ses chansons ont rencontré une idée. Ily est devenu une idole sans le savoir et ses adorateurs le croyant mort n'ont pas cherché à le rencontrer. Dans son pays, les Etats-Unis, entre l'arnaque et la loi du marché son unique disque s'est perdu et après un succès méritoire, il a totalement disparu de la scène, jusqu'au jour où un éditeur sud-africain le réédite et qu'à partir de ce moment, il devienne un véritable mythe dans ce pays d'accueil.

Plus proche de nous un talent de l'économie, sans goût pour l'épicerie, mais avec un solide équipement mathématique a voulu en raison penser quelques principes de justice sociale, mu moins par la volonté de vérité, que par une raison chrétienne, cette raison à la Malebranche qui ne cède

1 A quelle catégorie appartient par exemple Louis Bachelier ? Courtault Jean-Michel & Kabanov Youri (dir.), Louis Bachelier. Aux origines de la finance mathématique Besançon, Presses de l’Université de Franc-Comtoises, 2002

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dans la foi qu'à croire un dieu intelligent. Il a cru dans les mathématiques résoudre le problème de larépartition juste entre profits et salaires. Ce gain qui se produit dans le rencontre du capital et du travail, et dont la répartition se règle moins par la raison que par le pouvoir. Il aura fallu qu'on le redécouvre et qu'on réexamine ses démonstrations pour qu'autour de lui un petit cercle diffuse ses réflexions. Même si la solution est ancienne, la question reste d'actualité, plus que jamais.

Sixto Rodriguez est quelqu'un de simple. Parfois le génie vient au simple et en deux albums mal distribués, il a établi le talent d'une voix et d'un songwriter. La voix est au chanteur ce que le style est à l'auteur. Ce n'est pas ce qu'il est, c'est au moins ce qu'il peut être. En faisant une chanson qui aurait du le propulser au firmament du top 50, en faire un cousin de Joan Baez et de Bob Dylan, il a réalisé un succès d'estime vite enterré par le charroi du spectacle. L'éclair de ce poète ouvrier s'est rapidement clos sur une vie simple, continuée entre la maçonnerie et des concerts de samedi soir. Ailleurs, par un hasard peu interprétable, on a fait de sa musique un des hymnes au combat.

Contre l'apartheid il n'y avait pas que l'ANC, mais aussi des petits blancs qui on cru dans les sons deChicago et ont trouvé dans ces chansons matière à faire des hymnes. On a gardé de lui,une figure deprophète mort sur scène. Ce n'est qu'à la fin des années 90 qu'un amateur de vinyles le redécouvre etle réédite2. Le succès prend la voie de radio alternatives, ou simplement de bon goût qui déterrent Sugar Man, faisant résonner dans les sons du Nu-folk une voix singulière habitée par la Soul, égrenant des vignettes : la rue des dealers, des filles, l'espoir, des amours, la critique, des bagarres etla tendresse de cartes postales.

Qu'un suédois, d'origine algérienne, en fît le sujet d'un film suffit à réveiller au monde cet auteur de si belles chansons, de chansons si modernes, qu'elle peuvent se confondre dans le flux de l'électropop3 comme en témoigne le remix de David Holmes4 qui en inaugure des dizaines d'autres. Sugar Man revenant de très loin, par la magie d'une mélodie retrace dans la fin des années 90 un nouveau chemin vers le public. On pourra discuter ailleurs de la véritable nature du travail de Malik: est-ce une fiction destinée à ciseler le mythe ou un documentaire qui échoue à dissiper le mystère d'un homme simple? Ici, on se contentera de souligner que le destin des formes n'est pas tant lié à ses forces propres qu'aux échos rencontrés de ses propres transformations. Le désir d'un réalisateur, le mythe d'un folk-singer, l'espérance d'un collectionneur se sont rassemblés pour faire une histoire inouïe, étouffée, celle d'un maçon et de sa guitare, celle de ses pochades lumineuses.

Même en marchant le long des rails, en roulant avec son dealer, passant des nuit dans des bars aux néons clignotants à faire craindre qu'ils s'éteignent à l'aube pour ne plus se réveiller, des voix font dela rue une simple poésie.

Trente ans plus tard c'est un succès mondial, même s'il reste un succès d'estime. Sixto Rodriguez aura connu l'expérience étrange d'être exhumé de son vivant. Dans le reportage il semble rester ce qu'il a été. Un ouvrier et sa maison où il vit depuis toujours. Il n'a aucune conscience de ce qu'aurait être pu sa vie, il a une pleine conscience de tant de musiciens, de tant de confiance dans la musique que d'autres égards ne comptent pour rien. Une silhouette que quelques amoureux attentifs ont réintroduite dans un théâtre cannibale qui dévore les chairs qu'il expose. On y retrouve un monde oublié et on lui trouve d'autre couleurs de ce qu'on en savait. La modestie en est une des plus éclatantes, même si son teint reste discret.

2 Il s'agit naturellement de Bob Segerman qui entretenu le site appelé « La grande chasse à Rodriguez » afin de retrouver l'auteur de l'album « Old facts » (http://sugarman.org/) depuis 1997

3 « Searching for SugarMan » de Malik Bendjelloul, 2012. On retrouvera aisément les critiques et on laisse la discussion aux lecteurs.

4 David Holmes « Come get it I Got It » 2002, 13 Amp Recording – une version à peine travaillé de sonorité modernedont la première des qualité est de rendre à la chanson les tonalité d'une solitude réverbérée.

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Le mathématicien qui voulait la justice sociale

Maurice Potron n'est pas un économiste de vocation. C'est un mathématicien et c'est un homme qui a des valeurs, celles sans doute d'une église renouvelée qui affirme sa doctrine dans le domaine économique, s'interrogeant comme nous le faisons encore dans cette question du partage des gains entre le capital et le travail, se réinscrit dans le champs de la science et se distingue de cette nouvelle loi de l'argent – n'oublions pas que pour l'église l'argent restera toujours en deçà de la loi de Dieu. L’encyclique Rerum Novarum5 est un moment majeur, un des rares où l'Eglise s'est engagée ici-bas se rappelant que sa mission pour l'homme était là où est l'homme. Mais n'ayons pas de doute, même si nous sommes agnostique, la question centrale de l'économie est bien de savoir s'il est une vraie justice qu'on la pense dans les termes termes du corporatisme, de l'égalitarisme en droit ou en besoin. Elle se pose moins par ses principes que par ceux de sa nécessaire redistribution.

Cette question bien posée par Marx dans le rapport de domination qui conduit à ce que quelques unsimposent leurs lois aux plus vulnérables au titre qu'ils contrôlent la ressource la plus déterminante : le capital fût-il matériel, social, ou culturel. Cette question que les libéraux ont tenté d'évacuer par l'idée de l'équilibre naturel et optimal des marchés - un état tel qu'aucun de ses acteurs ne veuille le modifier au risque d'en obtenir un situation pire et qui se retrouve dans la beauté platonique d'un système d'équations et d'une solution déterminée. A cet état – quelque soit sa source - il n'est pas interdit qu'il en corresponde d'autres meilleurs mais inatteignables car leur chemin exige pour les rejoindre que certains perdent, parfois beaucoup. Dans cette difficulté autant conceptuelle qu'empirique, la mathématique est un recours précieux. Pourvu que le problème ait été bien formulé, ses déductions imposent une valeur de vérité qui ne nécessite pas immédiatement la preuveempirique.

Ce que Potron a découvert ne tient sans doute pas dans le résultat obtenu. Les experts admirent l'astuce mathématique. D'un point de vue historique la manière de formuler le problème et de le résoudre donne un éclairage particulier à la manière dont les jésuites s'accordent au monde. L'abbé Potron participait à un mouvement plus général de penser l'organisation de la société. Corporatiste dans la mesure où il ne cède pas à l'idée que les éléments du corps social possèdent des positions différentes et distinctives occupant des fonctions complémentaires. L'ordre de l'économie doit avanttout être au service de l'ordre des groupes sociaux et de leur ordonnancement. Et même avec cette manière conservatrice, l'idée rejoint ce point de vue progressiste qui se refuse à laisser au marché ledernier mot de l'ordre social.

Ce fût le temps des personnalistes. Découvrant ces personnages, je suis revenu à une lecture de lycéen quand je partageais mon attention entre Jerry Rubin, Marx, Nietzche et Marcuse. Il y eût Girard ensuite, et Derrida, mais entre ces lectures se sont glissés des textes d'Emmanuel Mounier. On lit toujours les autres campé sur un rayonnage de la bibliothèque. Victorieux ou naufragé.

De Maurice Potron il fallût qu'un Abraham Frois en ressuscite les idées que ce soit par un livre ou un article6 pour le faire connaître. Et que patiemment d'année en année Christian Bidard7 en expose

5 Il y a bénéfice à lire un de ces textes rares où l'église qui se retire peut à peu de l'économie du monde se laisse à esquisser ce que le bien pourrait être dans le monde nouveau, celui du capitalisme et celui des machines. On peut relire le texte ici : http://www.vatican.va/holy_father/leo_xiii/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_15051891_rerum-novarum_fr.html

6 Abraham Frois, Emeric Lendjel (2006), « Predecessors to Leontief: "Father " Potron's early contribution to input-output analysis », Economic Systems Research, vol. 18, n°4, 2006.

7 Christian Bidard & Guido Erreygers & Wilfried Parys, 2009. "'Our daily bread': Maurice Potron, from Catholicism to mathematical economics," The European Journal of the History of Economic Thought, Taylor & Francis Journals, vol. 16(1), pages 123-154. Christian Bidard & Guido Erreygers, 2007. "Potron and the Perron-Frobenius Theorem," Economic Systems Research, Taylor & Francis Journals, vol. 19(4), pages 439-452

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la vie et les idées de conférence en conférence à la tête de l'association des amis de Maurice Potron. A vrai dire je ne sais rien de ce qui fait de Christian Bidard le curateur8 – dans le sens le plus élargi que l'internet lui a imposé – d'une idée. Quelle sont ses motivations ? Ses convictions ? Son éducation ? Il est bien trop discret pour les faire apparaître, je n'ai aucun doute qu'elles sont raisonnables et solides. Estimable.

Ces deux cas magnifiques ne sont pas isolés. Par une tendresse personnelle, celle d'une histoire qui doit autant à la France qu'au Maroc, je repense à des livres entrevus dans la bibliothèque de mes grands-parents et dont je rage qu'ils se fussent perdus. Qui les a volés ? J'en ai une petite idée. L’œuvre est le recueil d'un instituteur : René Euloge qui aura transcrit les poèmes d'une belle Hétaire. Nous ne savons peu de choses de lui, encore moins d'elle. On peut rêver que l'instituteur soit devenu amoureux de Mririda9. On peut imaginer un intérêt simplement ethnologique, une amitié curieuse, un amour. Il reste un auteur à exhumer. Un traducteur.

Autant d'idées qu'elles soient celles d'un musicien, d'une poétesse ou d'un mathématicien qui auraient pu au moment marquer leur temps et se sont endormies dans le flux de l'histoire. Les annales des anti-héros, des oubliés que de savants commentateurs ont ramenées au temps d'aujourd'hui sans qu'on puisse jamais leur donner l'importance qu'elles auraient pu avoir. Elles sont des curiosités. Des coups de génies qui entrent immédiatement aux archives de l'histoire.

Mais des figures qui sans renverser le cours de l'histoire, dans un succès tardif, et par le talent des re-découvreurs, des conservateurs au sens muséal du terme, trouvent à nouveau l'occasion de se prêter au débat, fût-il tenu dans un salon discret. Il faut ces gens là : curieux et pondérés, discrets et sceptiques, pudiques et déterminés. Les coiffeurs de l'histoire qui en lustrent la chevelure, remontantun boucle essentielle, retrouvant les nœuds laissés dans l'ombre. Il faut des gens pour faire ce travailmême s'il n'occupe pas toute leur carrière. Il faut cet effort inlassable de relire les textes, y compris ceux qui auraient été dédaignés.

En hommage à Christian Bidard

Peigner l'histoire pour en retrouver les idées oubliées, les hypothèses écartées, les intuitions lucides.Peigner l'histoire comme on reprise une chemise, refaire les chemins audacieux. Ces quelques cas peuvent être de belles curiosités, l'objet de collections rares, des frissons de l'esprit.

Ils témoignent d'un fait : la vérité ne s'établit pas dans la tradition – elle oublie-, ni même dans la popularité – les modes sont éphémères, certainement pas dans l'accumulation – ni l'art ni la science ne se construisent brique à brique. Elle vient du refus de la sédimentation, de ne pas considérer le cours des fleuves et des rivières tels qu'ils se présentent avec leur limon. Le vrai n'est pas que le fruit d'une évolution naturelle, mais cet effort à revenir dans les méandres, à les excaver, les tamiser,ne pas se contenter de chercher des pierres oubliées dans le gravier mais retrouver les édifices emportés par les crues. Peigner l'histoire c'est aussi retrouver dans le lit des rivières des citadelles abattues.

Exhumer les idées change rarement le cours des choses, cela peut conforter des chemins que le temps plébiscite. Cela peut vérifier que les idées ne sont pas le propre de leurs inventeurs, mais des intangibilités. Cela permet de redire une époque qu'on croyait close, de rappeler des arguments étouffés, de replacer sous un autre angle un vieux problème.

8 Une enquête minutieuse sur le web démontre la persistance et la régulation de cette mission. À tire d'exemple : http://www.letelegramme.fr/local/cotes-d-armor/lannion-paimpol/treguier/plougrescant/conference-maurice-potron-par-christian-bidard-29-07-2013-2186619.php

9 Mririda N’Aït Attik (Traduction René Euloge) « Les chants de la Tassaout ».

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Les circonstances de la rencontre comptent peu. Il fut au moins deux oubliés qui chacun dans leur monde et chacun dans leur art questionnèrent inlassablement cet objet commun au savant et au citoyen : une idée de justice. Nous ne nous sortons pas de cette question. Et de réponse il n'y aura que dans la rumination. Revenir à la fibre première comme l'a fait inlassablement Louise Bourgeois.Brasser les fils de l'histoire. Caresser le dos des livres. Écouter des vieillards. Sentir sous la main lesfils abandonnés, les re-tisser. Le fer qui traverse la soie ; la carde qui arrange les brins. Il faudra desgens humbles pour relire avec attention, écouter, raviver, dénouer les nœuds. Des bergers qui passent leur doigts dans les boucles de laine.