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Revue mensuelle de lAssociation des anciens lves et diplms de lcole polytechnique
8 - Mars 2015 - n 703
AVENTURES Les bioraffneries
d'insectes
PORTRAIT Herv Plessix,
un homme de l'offensive
DCOUVERTES La formation
des jets stellaires
PrpasLe bonheur en partage
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MARS 2015 LA JAUNE ET LA ROUGE
SOMMAIRE2
Rendez-vous sur le site de La Jaune et la Rouge pour accder aux informations complmentaires,
ragir sur les forums et consulter les numros dj parus. http://www.lajauneetlarouge.com
Courriel : [email protected]
UR
EN
SAVOIR +
05 n ditorial Prpas:lebonheurenpartage parLaurentBills-Garabdian(83)
DOSSIER
PRPAS 7n Lesprpas,unhumanisme parMichelBerry(63)etPierreLaszlo
8n Levcudesenseignants:rpondrelacuriositintellectuelleparPierreLaszlo
12 n UnevisiteLouis-le-Grand:communionparMichelBerry(63)
14 n Lataupe,atelierd'criture parPierreLaszlo
16 n Lepointdevuedeslves:acqurirunemthodedetravailparPierreLaszlo
18 n Ginette:pourunhumanismecomptitifparMichelBerry(63)
22 n proposdelascenseursocialparMichelRenard
26 n QuelprogrammedemathsfaceleffondrementdusecondaireparNicolasToseletFrdricMorlot(2001)
30 n LaphysiquecontemporaineignoreparlesprogrammesparPierreLna
31 n DesexercicesquimasquentlevraivisagedelachimieparPierreLaszlo
32 n Lesanciensdel'XreviennentsurleursprpasparPierreLaszloetMauriceBernard(48)
36 n UntremplinpourlesuprieurparSylvieBonnet
VIE DU PLATEAU
BINETS 38 n Lecabinetstart-up:innoveretoser
parCharlesRoques-Carmes(2013)
CONCOURS 39 n L'universit,uneautrevoied'accsl'X
parUlysseDhom(2013)
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Revue mensuelle de lAssociation des anciens lves et diplms de lcole polytechnique
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Laurent BILLS-GARABDIAN (83)
RDACTION EN CHEF : Hubert JACQUET (64) Grard COHEN (70)
SECRTAIRE DE RDACTION : Anne-Batrice MULLER
MAQUETTE : Anne BOUVIER
CORRECTRICE : Catherine AUG
DITEUR : Association des anciens lves et diplms de lcole polytechnique 5, rue Descartes, 75005 Paris Tl. : 01 56 81 11 00 Courriel : [email protected] Fax : 01 56 81 11 01
COMIT DITORIAL : Michel BERRY (63), prsident, Christian MARBACH (56), prsident dhonneur, Pierre LASZLO, Philippe LAURIER (E.P.), Anne TROTOUX-COPPERMANN (E.P.), Serge RAFFET (50), Jean DUQUESNE (52), Michel HENRY (53), Charles-Henri PIN (56), Franois Xavier MARTIN (63), Andr FERRAS (64), Grard BLANC (68), Pierre COUVEINHES (70), Olivier PASCAL (72), Jean-Philippe PAPILLON (90), Jrme SAULIRE (2005), Ulysse DHOM (2013).
RDACTION DE LA JAUNE ET LA ROUGE : 5, rue Descartes, 75005 Paris Tl. : 01 56 81 11 13 Courriel : [email protected]
WEBMESTRE : Jean-Pierre HENRY (64) [email protected]
ABONNEMENTS, ANNUAIRE, COTISATIONS : Tl. : 01 56 81 11 15 ou 01 56 81 11 [email protected]
TARIFS 2015 : Prix du numro : 8 euros Abonnement (10 numros par an) : voir bulletin en page 6
ANNONCES IMMOBILIRES : Tl. : 01 56 81 11 11 Fax : 01 56 81 11 01
BUREAU DES CARRIRES : Tl. : 01 56 81 11 14 Fax : 01 56 81 11 03
PUBLICIT : FFE, 15, rue des Sablons 75116 Paris Tl. : 01 53 36 20 40
CONCEPTION, RALISATION : KEY GRAPHIC
IMPRESSION : GROUPE MAURY IMPRIMEUR
COMMISSION PARITAIRE n 0119 G 84221 ISSN n 0021-5554 TIRAGE : 9 000 exemplaires N 703 MARS 2015
PHOTO DE COUVERTURE : CORBIS_INFINITE - FOTOLIA.COM
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MARS 2015 lA jAune et lA Rouge
VIE DES ENTREPRISESLes thmes de ce numro
Planisware - Pierre Demonsant (84)
(p.58)
softatHome - Michel Degland
(p.60)
tHe Cosmo ComPany - Michel Morvan et Pierre-Alexis Gros (2002) (p.62)
aston it finanCe - Amaury de La Lance et Andr Lvy-Lang (56) (p.64)
Krono-safe - Didier Roux et Damien Chabrol
(p.65)
omeGa finanCial solUtions - Elie Geha
(p.66)
saB - Olivier Peccoux
(p.67)
esi GroUP - Vincent Chaillou (71)
(p.69)
XiloPiX - ric Mathieu et Cyril March
(p.70)
sCHneider eleCtriC - Mohamed Soltani
(p.71)
nim eUroPe - Grgoire Cabri-Wiltzer
(p.72)
la maif - Nicolas Siegler (84)
(p.74)
aCtUaris - Virak Nou (2000) et Sylvestre Frezal (2000)
(p.75)
ideX - Frdric Viet (88) et Lionel Rivera
(p.76)
alfresCo - Bassem Asseh
(p.78)
Dossier ralis par FFE pour le service commercial de La Jaune et La Rouge.
Rdaction : Hannibal+. Contacts : Michel Baratta ([email protected])
Tl. : 04 94 51 06 09 - Fax : 04 94 51 61 60
Mickael Guetta ([email protected])
Tl. : 01 73 04 78 43 Fax : 01 43 73 81 60
> LOGICIELS
> MANAGEMENT DE TRANSITION
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> LIMMOBILER LHEURE DU DIGITAL
> ASSURANCE
> ACTUARIAT
> FACILITIES MANAGEMENT
> LA GESTION DE CONTENU ET DE LINFORMATION STRATGIQUE
TRAJECTOIRES
PORTRAIT 40n HervPlessix(86),unhommedel'offensive
parPierreLaszlo
AVENTURES 42n Lesbioraffineriesd'insectes, nouvelleindustrieagroalimentaire
parJean-GabrielLevon(2005)
DIXQUESTIONSUNXENTREPRENEUR 44n Entreprendredansl'vnementiel
parricAmram(93)etAvnerCohen-Solal(93)
INMEMORIAM 46n EmmanuelGrison(37),laforcedeconviction
parYvesQur
EXPRESSIONS
NOUVELLESDUMONDE 48n LeJapon,audfiduvieillissement
parPhilippeSauvage(96)etPascalGerbert-Gaillard(2000)
DCOUVERTES 52n Laformationdesjetsstellairesgrandechelle
parJulienFuchs
FORUMSOCIAL-LENVERSDUDCOR 54n L'apprentissage,uneexprienceunique
parJeanSaavedra
ARTS,LETTRESETSCIENCES
80n MusiqueenimagesparMarcDarmon(83) BridgeparGastonMjane(62)
81n DiscographieparJeanSalmona(56)
82n BibliophilieparJonathanChiche(2005) RcrationsscientifiquesparJeanMoreaudeSaint-Martin(56)
83n LivresSolutionsdubridge
85n SolutionsdesRcrationsscientifiques
VIEDELASSOCIATION
88n GPX
89n Procs-verbalduConseild'administrationdu4dcembre2014
90n GroupesX
91n Carnetpolytechnicien
92n Jean-MarcChabanas,septansd'intrimLa Jaune et la Rouge
93n FranoiseBourrigault,vingt-deuxansdefidlitetdedvouement
94n Bureaudescarrires
95n AutresannoncesXMPEntrepreneur
96n CarnetprofessionnelXMPBadge
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5DITORIAL
prsident de l'AXLAURENT BILLS-GARABDIAN (83)
Le dossier de ce mois est consacr aux classes prpas, o llitisme rpublicain sexprime dans ce quil peut avoir de meilleur. Elles sont partie intgrante de la filire des grandes coles et la structurent.
Les articles qui suivent attestent de la qualit de lencadre-ment et de lengagement des quipes enseignantes de classes prparatoires. Par analogie avec ce qucrivait Montaigne, les tudiants ny sont pas des vases quon remplit, mais des feux quon allume.
Bien sr, comme dans bien dautres filires, la mixit sociale des prpas peut tre juge insuffisante. Mais, plutt que de les vilipender, il faut au contraire les faire connatre et faire savoir quau-del des efforts exigs des lves, ceux-ci acquirent pour la vie des mthodes de travail et, de fait, une certaine scurit puisque, dans les prpas scientifiques, presque tous les lves qui ont travaill jusquau bout entrent dans une cole dingnieurs.
Et ce sont bien ces ingnieurs qui contribuent, dans laro-nautique, lnergie, les technologies du numrique et dans bien d'autres domaines, la cration de produits innovants et dindustries exportatrices, cratrices de richesse et demplois pour notre nation.
Enfin, cette filire ne cre pas les esprits triqus que suggre le terme de taupin . Cest ainsi que 10 30 polytechniciens de chaque promotion crent leur entreprise dans les annes qui suivent leur sortie de lcole. La Jaune et la Rouge a donc dcid de crer une nouvelle rubrique, Dix questions un X entrepreneur , pour accompagner et faire connatre une volution largement ignore.n
PRPAS : LE BONHEUR EN PARTAGE
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DOSSIER
LES PRPAS,UN HUMANISME
professeur honoraire de chimie lcole polytechniquePIERRE LASZLOMICHEL BERRY (63)
PRPAS
durables, viennent souvent des annes de taupe, et les anciens disent souvent que les annes de prpa sont celles qui ont le plus marqu leur formation.Il est aussi un lment dcisif. Les concours, cls de llitisme rpublicain, ont t mis en place aprs la Rvolution pour attribuer des responsabilits aux personnes selon leurs mrites et non plus selon leurs quartiers de noblesse. Pour atteindre ce rve, le systme des prpas est parfaitement logique, et mme sa hirarchie.Le systme des prpas fait du reste recette, au
point de se dvelopper contre vents et mares : le nombre dlves a presque doubl en quarante ans. Entrer en prpa aujourdhui, cest prendre la meil-leure garantie dun emploi intressant. Il y a en effet autant de places dans les coles
dingnieurs que dlves en prpa.Alors, que dire de nouveau sur les pr-pas ? Cela nous fut trs clair : il fallait parler du vcu. Aller au contact des faits pouvait utilement mettre lpreuve les ides reues. Mais il y a une raison plus importante encore : cela permettrait de comprendre pourquoi le systme des pr-pas suscite un tel attachement. Ce dossier donne donc la parole aux acteurs. Sil fallait rsumer en un mot limpression que nous retirons de cette enqute, cest celui dhumanisme. Les constats auraient t semblables pour les filires commer-ciales ou bio n
Que dire de neuf sur les prpas scientifiques, vu les controverses dont elles sont lobjet depuis leur origine ? Priodes de bagne,
moyens de reproduction sociale, lieux dun individualisme forcen, classes o enseignent des professeurs au statut privi-lgi, singularit incomprhensible des trangers.Pourquoi ce systme a-t-il donc rsist ces attaques rptes ?Cela tient bien sr au lien des grandes coles : bien des coles sont convaincues que la disparition des prpas entranerait leur dclin, voire leur disparition. Mais il est un autre facteur dcisif : l attache-ment des professeurs et des lves aux pr-pas, attachement qui se traduit par une implication extrme, et des relations indivi-duelles nourries avec les lves, quils soutiennent, rassurent, aiguillonnent.Et les lves, pourquoi aimeraient-ils le bagne, lge o lon est sensible bien dautres tentations que celle de lcole ? Les prpas slectionneraient-elles les maso-chistes, les matheux invtrs et quelques ambitieux ? Cela ne cadre pas avec ce que nous avons observ dans notre rle denseignants. Nous avons t frapps par louverture desprit des lves, leur got pour des activits collectives, et la prsence de vrais talents littraires parmi eux le taupin nest ni born ni misanthrope. Les camaraderies les plus fidles, les amitis
Les camaraderies
les plus fidles viennent
souvent des annes
de prpa
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DOSSIER
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fille ou fils de plombier, retrait, chauffeur routier, boueur, femme de mnage.Un de ses anciens lves tmoigne : Je lui dois normment. Sur le plan mathma-tique, il fait montre dune grande origina-lit, qui se manifeste tant dans ses solutions que dans ses questions, souvent trs clai-
rantes, et dune grande habilet technique. Sur le plan pdagogique, jai appris de lui comment exposer une preuve en la motivant plutt quen la faisant passer comme suite dastuces. Sur le plan humain, il ma repch en sp, un moment difficile.
UN MOMENT PRIVILGIMax Hochart est professeur de mathma-tiques au lyce Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand. 42 ans, il en parat dix de moins. Extrmement sympathique, ouvert et cha-leureux. Le got des maths lui est venu en troisime, par un professeur trs clair . Il aime lenchanement logique des ides.Il a ressenti lattrait des prpas locca-sion de colles quil faisait passer au lyce Charlemagne, Paris. Jadorais lnergie des lves, leur propen-sion poser des questions.
Jean-Pierre Barani est professeur de mathmatiques au lyce du Parc, Lyon.Lascenseur social le hissa : depuis
le lyce Massna, Nice, jusqu lagrga-tion. Cet homme est dune gnrosit fon-cire, au service de la Rpublique, via les lves. Ainsi, lors du mois des concours, il convertit son traitement en heures de colles, quil offre aux lves pour les prparer leurs oraux.Ce fervent de llitisme rpublicain juge insup-portables les sociologues qui taxent les prpas de reproduction lidentique de la classe dirigeante.Il numre, dans sa dernire classe de 2014-2015, les lves issus de milieux modestes :
Le rle des enseignants va bien au-del
de la transmission doutils techniques, voire dun savoir
codifi en programmes. Ils exercent auprs
de leurs lves un impressionnant magistre
moral. Laissons la parole quelques-uns dentre eux.
LE VCU DES ENSEIGNANTSRPONDRE LA CURIOSIT
professeur honoraire de chimie lcole polytechniquePIERRE LASZLO
PRPAS
Mathmatiques et informatique sont les lments de saisie du rel
REPRESLes professeurs des classes prpara-toires aux grandes coles (CPGE) sont organiss en rseau. Ils changent des exercices pour les lves. Les relations avec les enseignants du secondaire, dans le mme lyce, sont peu visibles : la diffrence des salaires, justifie par une charge de travail largement suprieure, pourrait lexpliquer. Les relations avec leurs collgues univer-sitaires sont rares, elles aussi. Elles se font par le truchement des lves, les examinateurs aux concours tant, en rgle gnrale, des professeurs duniversit. Pratiquement tous les enseignants en CPGE sont agrgs. Nombreux sont ceux passs par une cole normale suprieure. Une charge hebdomadaire effective de cinquante soixante heures est la norme.
UN ACTEUR DE THTREVoici quelques baranismes . Les prpas sont un espace de libert. Je transmets un savoir existentiel. Les bons lves actuels sont aussi bons dans les jeux (lectroniques). Jenseigne beaucoup par mtaphores. Jai comme rle de mobiliser de lautonomie intel-lectuelle. Un prof est comme un acteur de thtre : cest quelquun qui, avec sa culture personnelle, interprte un texte.
Jean-Pierre Barani.
INTELLECTUELLED
R
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DOSSIER
En quinze ans dexercice, il fut inspect quatre fois. Certaines de ces inspections furent pour lui franchement intres-santes . Un inspecteur lui signala une petite erreur, un autre sintressa au club dchecs quil avait organis, et tint aller le voir.
CRIRE DES LIVRESLes programmes ? Jai un peu peur quon mette trop en avant la modlisation, les simulations num-riques. Si, en revanche, on parvient dve-lopper lintuition, on aura gagn quelque chose. Jaimais bien l e s anc iens pro -grammes, je trou-vais que les preuves crites taient vrai-ment jolies. Autonomie et soli-tude ? Je ne suis pas vritablement isol, Internet permet les changes avec les col-lgues exerant ailleurs. Des projets dito-riaux permettent de se retrouver (Max
Sa charge hebdomadaire, du 1er septembre au 20 juin, est dune vingtaine dheures de contact hebdomadaires. Auxquelles sajoutent, longueur danne, petites et grandes vacances comprises, chaque semaine une trentaine dheures, environ cinquante heures au total.Il reoit, toutes les trois semaines, deux paquets de 30 35 copies corriger, devoirs surveills dune part, devoirs la maison dautre part.Quant aux colles, elles restent pour lui un lment primordial de sduction par son mtier. Elles sont un moment privilgi, durant lequel les aspects sociaux et psy-chologiques sont patents.Il y trouve un vrai apport voir les lves, et ce quils ont compris ou pas .Il prouve une profonde admiration pour ses lves, avec lesquels il a des rapports de convivialit, pas de supriorit. Il conoit son rle comme une maeutique, jaime bien quand on vient contester, jessaie vraiment dcouter leurs raison-nements .
Un texte stoffe
et senrichit peu peu
DES LVES
EXTRAORDINAIRESJesuissidrdevoirquelpointleslvessontsouds.Jaichaqueanne des lves extraordinaires.Lesclassessontextrmementht-rognes.LelyceBlaise-Pascalestun lyce o la comptition internenexistepas,lesmeilleursexpliquentaux moins bons. Les lves y fontaussiunapprentissagedautonomieetdecrativit.Cela,estimeMaxHochart, par contraste avec lesgrandslycesparisiens,dontchacunestunmarqueursocial.
Max Hochart a des rapports de convivialit avec ses lves.
DR
Hochart a dit plusieurs manuels). De mme, des forums sur la Toile.Il a dit, en collaboration, un premier manuel, de premire anne : Il existait trs peu de problmes de premire anne. Ds la math sup, on peut dmontrer de trs jolis rsultats. crire des livres, a oblige se remettre en question. Cest un gros travail dlaboration. Il a beaucoup got ce quapporte une collaboration, les allers retours dun texte qui, de la sorte, stoffe et senrichit peu peu.
UNE COMMUNAUT PASSIONNEQuelle est, pour lui, la morale de son mtier ? Jai rencontr une communaut pas-sionne, ce que je respecte profondment. Outre la communaut des professeurs,
celle des lves conti-nue me surprendre par leur curiosit. Jassocie le mot gn-rosit au systme des prpas. Vis--vis des lves, il faut tenter
de rpondre leur curiosit intellectuelle ; et adapter leur passion pour les aider intgrer lcole pour eux la plus attrayante, la plus prestigieuse.
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lourde, ddie. Il adore le bras-le-corps avec la matire.
INITIATIVE ET INVENTIVIT Selon lui : Les classes prparatoires offrent gratuitement sur tout le terri-toire franais, y compris outre-mer, des formations scientifiques quivalentes (programmes nationaux), avec une vision transversale de chaque discipline et une approche aussi bien thorique de haut niveau quexprimentale et informa-tique, dans un encadrement motivant et personnalis pour chaque jeune, tout en dveloppant lautonomie, linitiative et linventivit par la conduite de projets.
LES CONTACTS HUMAINSMichel Renard, lui, est professeur de physique et de chimie, galement au lyce Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand. Il est fils dinstituteurs et petit-fils douvriers.Il suivit les prpas au lyce Blaise-Pascal. Il intgra lcole normale suprieure de la rue dUlm, devint physicien, russit lagrgation et boucla son parcours sco-laire par un doctorat dastrophysique.Bref, un parcours exemplaire de llitisme rpublicain.Un peu du par la faible densit des contacts humains dans le quotidien dun chercheur, il trouve finalement sa voie dans lenseignement : Je fais ce mtier den-seignant pour ses contacts humains. a empche de vieillir ! Il enseigna, dabord en hypotaupe Angers, puis Clermont (Lafayette) avant de se retrouver, en 1987, prof de physique en taupe Blaise-Pascal.
UN ADEPTE DU COURS MAGISTRALSa classe compte 35 lves, dont, son estimation, 30 % de trs bon niveau. Son temps de travail est, grosso modo, doubl par rapport aux dix-huit heures de contact hebdomadaires avec les lves.
Il poursuit son idal, car par principe ma mission est de fournir la mme formation, o que je sois . Il conoit son rle comme daider constituer un tre humain qui rflchit mieux. Essayer de dbloquer les verrouillages. Rester bien-veillant et serein. Il a tout du moine-soldat, cest un passionn, il se sent investi dune mission denseignement de la physique dans ses aspects
les plus concrets, ainsi que de promotion sociale pour les lves issus de milieux modestes.
BRAS-LE-CORPS AVEC LA MATIREFranois Petitet Gosgnach sest parti-culirement impliqu dans les travaux
dinitiative personnelle encadrs (TIPE) intro-duits dans les prpas en 1997.Bricoleur-n, il a fait sien ce programme, driv de La main la pte , denseigner la
physique par des montages astucieux, peu coteux, conus par les lves eux-mmes, et non par une instrumentation
UN MOINE-SOLDATFranois Petitet Gosgnach est professeur de physique en PC*, galement au lyce Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Sa classe compte 44 lves, dont 20 % dinternes et 25 % de filles.Originaire de Sarcelles, il fit ses prpas au lyce Blaise-Pascal, avant dintgrer lcole nor-male suprieure de Saint-Cloud. Aprs lagrgation, son tout pre-mier poste fut Louis-le-Grand. Il en acquit une grande assurance, moteur de sa carrire ultrieure. Il enseigna ensuite au lyce Lafayette, Clermont-Ferrand.Puis il partit La Runion, o il enseigna au lyce Leconte-de-Lisle, Saint-Denis.De retour en mtropole, il est depuis lors enseignant Blaise-Pascal. Il habite la campagne, trente kilomtres de Clermont, et il a six enfants. Gros travailleur, il a fr-quemment particip des jurys de concours : un norme travai l , absorbant toutes les vacances pour prparer des sujets originaux.Sa vocation denseignant fut tenace, depuis la petite enfance.
Fournir la mme formation,
o que je sois
UN LIVRE POUR EXPRIMENTERFranois Petitet Gosgnach est lauteur du manuel Concevoir et raliser des exp-riences de physique, initiation la recherche, application aux travaux dinitiative per-sonnelle encadrs (TIPE), travaux personnels encadrs (TPE), mthodes et pratiques scientifiques (MPS), projets L1 et L2.Ce manuel ne donne pas une liste dexpriences cls en main, mais explique les moyens et les mthodes de conception dune exprience, aussi bien en mcanique quavec les ondes, la thermodynamique, etc.Il incite exploiter produits et matriaux du quotidien. Ce sont des manips faites, suivant lexpression, avec des bouts de ficelle.Ce livre a t finaliste du prix Roberval, dcern par luniversit technologique de Compigne, en 2014.
Franois Petitet
Gosgnach.
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rejoint Louis-le-Grand, o il prvoit de continuer jusqu la fin de sa carrire.Sa charge de travail reste impression-nante.Les enseignants de prpas ont pour mis-
sion de donner le got du travail leurs lves, ils montrent lexemple : Cette formation leur inculque lhabitude de grer lurgence, daller lessentiel.
FAIRE MIEUX QUE LE PROFSes anciens lves maintiennent souvent le contact, parfois mme sont devenus des
amis. Cest un homme ado-rant son mtier, sous toutes ses faces.Il communie avec ses lves en une passion pour les maths. Il a des ttes de classe absolument remar-quables , des lves qui le dpannent lorsquil est lui-mme en difficult devant la conclusion dun exercice : il faut valoriser les lves,
leur montrer quils peuvent faire mieux que le prof . n
important. Ces jeunes adultes ont besoin de repres et parfois daide.
DONNER ENVIE DE FAIRE DES SCIENCESMichel Renard enseigne ses lves
c o m m e n t t i r e r p a r t i des dca lages thor ie - observation. Mais, en sens inverse les lves nous motivent. Ils ont un esprit neuf. Au bout de vingt-huit ans de mtier, il y a des choses auxquelles je nai pas pens. Ils posent des ques-tions extraordinaires. Quelle est la morale de son mtier ?
Donner envie de faire des sciences. Attiser la curiosit des lves. En faire des tres qui s a chent r a i sonner , qui sachent rflchir. Les amener devenir logiques, devenir coh-rents. Les rendre malins.
UNE CHARGE DE TRAVAIL IMPRESSIONNANTENicolas Tosel est professeur de mathmatiques au lyce Louis-le-Grand, Paris, 46 ans, il est issu du lyce Massna de Nice. Puis, il a fait lcole normale sup-rieure de Saint-Cloud.Il est agrg de mathma-tiques. Son pouse est elle aussi prof en prpa, au lyce Henri-IV.Aprs le lyce Descartes de Tours, le lyce du Parc Lyon, Saint-Louis Paris, il a
Adepte du cours magistral traditionnel pour les classes prparatoires, saidant dun vidoprojecteur pour afficher courbes et graphes, calculs numriques et documents Web, il distribue aux lves un rsum de chacun de ses cours, au format PDF.Dicter son cours est pour lui trs positif : Il est important que les lves le prennent en note. Rien ne vaut lcriture quon fait soi-mme.
UN CT ASSISTANTE SOCIALEIl considre les colles comme dune importance primor-diale. Ces changes avec les lves permettent de les reca-drer (mise en place des mthodes dap-prentissage du cours, des raisonnements).Ces contacts humains rvlent dven-tuels problmes de famille, de cur, de sant : Ce ct assistante sociale est
Les contacts
humains empchent
de vieillir
LHARMONICIT DES INSTRUMENTS VENTLes travaux dinitiative personnelle encadrs (TIPE) apportent, selon Michel Renard, une interaction to-talement diffrente avec les lves. Par exemple, un lve musicien se demande, propos des instruments vent : pourquoi des trous latraux tel endroit et de telle taille ? Sen-suivent exprimentation et thorisa-tion. Nous avons t bluffs que a marche aussi bien ! Cela se conclut par une publication, sur lharmoni-cit des instruments vent, dans le Bulletin des professeurs de physique
et de chimie, priodique ayant suc-cd au Bulletin de lunion des phy-siciens.
LES VERTUS DE LERREURLa libert pdagogique est essen-tielle. Michel Renard affectionne les problmes ouverts, par exemple comment dterminer la tempra-ture dune flamme. Il enseigne la construction dun raisonnement, aprs tude dun ensemble de don-nes brutes. Il croit fermement la vertu didactique de lerreur.
Michel Renard.
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Nicolas Tosel.
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Il ny en a que cinq dans sa classe cette anne. Les lves prfrent entrer Centrale ou aux Mines plutt que de tenter nouveau Normale ou lX. LLG, six hypotaupes ayant autour de 45 lves
alimentent neuf taupes. La dimi-nution du nombre dlves dans ces dernires s ex-plique par la baisse du nombre de 5/2 et non par lexclu-sion dlves lors
du passage de la premire la deuxime anne. Contrairement ce quon croit souvent, LLG sattache en effet garder ses lves. En tout cas, Nicolas regrette quil ny ait pas plus dlves : cela ne poserait pas
Nous sommes invits prendre un caf la salle des professeurs. Nous tions manifestement annoncs : Bonjour, cest
vous qui faites une enqute sur les prpas ? Bienvenue. Nous discutons de notre enqute et je ne peux mempcher de parler de mes anciens professeurs et de quelques-unes de mes aventures avec eux.
DES PROFESSEURS MARQUANTSAvec celui, par exemple, qui vrifiait que je ntais pas trop souvent au fameux caf Le Luco jouer au flipper, et qui men a mme extirp une fois en me tenant par le col. Les professeurs sont des coaches, comme on dit maintenant. Aucun des pro-fesseurs daujourdhui na t le collgue de ceux qui mont duqu, mais plusieurs ont t leurs lves. Nous avons pu changer sur leur manire de faire, lattention quils nous portaient. Ce sont des professeurs qui vous marquent.
GARDER SES LVESNous partons vers la classe. Elle ne comprend que 36 lves, nombre rduit qui tient ce quil y a de moins en moins de 5/2.
Des films comme Entre les murs nous ont
habitus nous reprsenter la classe comme un milieu
hostile et lenseignement comme un sport de combat.
Ctait une atmosphre trs diffrente dans laquelle
sest droule la sance. On pourra dire bien sr
que ce sont de bons lves et quils ont un fort enjeu.
Mais il y a plus.
UNE VISITE LOUIS-LE-GRANDCOMMUNION
PRPAS
Les professeurs
sont des coaches,
comme on dit maintenant
REPRESNous sommes accueillis dans une classe de taupe de Louis-le-Grand. Je re-trouve avec motion le cadre qui a marqu le meilleur moment de ma scolarit. Nicolas Tosel nous accueille la pause de 10 heures. Cette matine tait entirement consacre aux mathmatiques : de 8 heures 10 heures cours, de 10 heures 15 12 heures, exercices. Nicolas avait pens quil serait plus commode pour nous dassister la deuxime priode de la matine pour pouvoir ensuite analyser la sance en djeunant dans un des cafs proches du lyce. Je retrouve le cadre qui a marqu les meilleurs
moments de ma scolarit.
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ment vers cette premire main : Arthur, que suggres-tu ? Nicolas tutoie ses lves et ceux-ci le vouvoient, mais la plupart des autres professeurs recourent au vouvoiement. Arthur dit quelque chose doucement, que jai du mal entendre et de toute faon comprendre mais les autres paraissent suivre. Ctait une bonne piste, et Nicolas crit quelques quations, sarrte pour attendre dautres suggestions. La classe arrive au bout du problme. Je dis la classe car on assiste un exercice col-lectif. Nicolas efface une partie du tableau, rcapitule sur la partie dgage. Puis aprs avoir laiss un peu de temps pour que les lves notent, il efface tout et nonce un nouvel exercice, plus difficile celui-l.
CONCENTRATIONIl parle vite, sans toujours finir ses phrases. Il nous dit aprs sa sance quil nest effec-tivement pas toujours facile suivre et
prvient ses lves quil leur faudra peut-tre une semaine pour shabi-tuer. De ce fait, on sent que les lves tendent loreille, ce qui parat avoir paradoxalement un effet bnfique sur leur concentration. Ce qui frappe cest leur capacit de concentration, et aussi la douceur des changes.
Pas un mot plus haut que lautre, de brefs sourires du professeur aux lves qui font des suggestions pertinentes, un petit mot desprit pour celui qui suggre une voie errone, pas de rprimande donc, et encore moins dhumiliation.
de problme pdagogique et correspondrait un meilleur usage des deniers publics. Pour cela, il faudrait sans doute crer au moins une hypotaupe supplmentaire.
OUBLIER TOUT SAUF LESSENTIELLes exercices daujourdhui portent sur la convergence des sries. Cest un grand classique des mathmatiques de prpa, et je me rappelle que japprciais lesth-tique des dmonstra-tions. Dans la suite du cours, je reconnatrai la forme des quations qui se succdent et le type de raisonnements, mais je narriverai pas vrai-ment suivre. Jai pu reconnatre, en quelque sorte, la musique mais pas comprendre les paroles. La dimension technique est trop importante, et elle soublie avec le temps. On oublie donc tout des mathmatiques, mais ce qui reste est sans doute lessentiel : laptitude raisonner juste.
UN EXERCICE COLLECTIFNicolas commence par un exercice quil qualifie de facile. Il attend que des lves lui suggrent une manire daborder le pro-blme. Une main se lve tout de suite, mais il fait celui qui ne la voit pas, attendant que dautres se manifestent. Il revient finale-
Ce qui frappe cest leur capacit de concentration, et aussi la douceur
des changes
UNE INTRUSION
FLATTEUSENous arrivons la salle. Les lves sont dj installs. Nicolas nous prsente : Deux professeurs de lcole polytechnique prparent une enqute sur les prpas et vont assister au cours. Vous faites comme sils ntaient pas l. On sent que les lves paraissent plutt flatts de cette intrusion. Sur les 36 lves, il y a 13 filles, la proportion est en augmentation.
DES RITUELS ET DU SACRIl y a ici du sacr nous venant des Lumires : limportance de la Raison, la place des mathmatiques, la mritocratie rpublicaine qui se traduit par des concours de recrutement impermables aux petits arrangements. Ce sacr est soutenu par des rites prcis : les cours, les exercices identiques pour tous et rpertoris, les colles, les interrogations crites, etc. Tout se tient et explique le terme qui mest venu lesprit : ctait un vrai moment de communion entre le professeur et ses lves.
GRER LEXCELLENCENicolas marche beaucoup. Il quitte lestrade, circule dans les rangs, allant parfois jusquau fond de la classe pour nous dire un mot. Cest en tant en mouvement permanent quil dialogue avec ses lves. Cela lui permet de dissiper lnergie dont il regorge, mais aussi de sassurer que tout le monde suit. Au fil des exercices, les lves inter-viennent de plus en plus nombreux, et Nicolas dit souvent : Non, pas toi, Arthur ! Il nous explique plus tard quArthur est trop fort et cest un ph-nomne comme on nen voit pas souvent, mme LLG. Laurat du Concours gnral de mathmatiques, il lui arrive de suggrer au professeur des dmons-trations plus lgantes. Il faut savoir grer ces lves qui posent parfois problme quand ils sennuient, mais cela se passe apparemment trs bien avec Arthur.
LHORIZON DES CONCOURSPour le troisime exercice, Nicolas annonce ses lves : Voici un exer-cice qui nest pas dans le programme, mais il est souvent propos loral. On comprend quil voque les concours Normale ou lX. Les lves ont de petits gestes qui semblent manifester un surcrot dattention, si ctait encore possible, et la suite se droule de faon harmonieuse et collective. Nicolas donne des exercices travailler chez soi pour le lendemain, avec quelques indications sur la manire de les aborder et en expliquant leur intrt. La sance est termine et les lves sclipsent, sauf quelques-uns qui souhaitent changer avec le professeur. n
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Lcriture reste fondamentale. Nous le soulignons, car certains croient peut-tre, un peu navement, que cest la seule affaire de lcole primaire voire des premires annes du secondaire. Mais de quoi sagit-il au juste, quelles sont les fonctions de lcriture inculques aux lves ? Il en est une bonne dizaine.
LIRE, RELIRE, SE RELIRELa qualit dcriture dabord, proprement calligraphique. Enseignants lcole, nous avons t impressionns par lexcellente lisibilit de ce qucrivent les lves. Parfois cette qualit, cet atout peut-on dire, per-dure tout au long de leur carrire ultrieure.Dans quel but ? Pouvoir se relire sans effort. Courtoisie envers autrui, de plus.Une premire fonction de lcriture par les lves, pardonnez le truisme, est de copier ce que dit et crit le professeur. Mais pas nimporte quoi : on apprend en prpa dis-
Un cours de maths en taupe au lyce Louis-le-Grand, la mi-septembre 2014. Surprise : aucun ordinateur, aucune
tablette sur les tables. Le cours est not la main, encre et papier, tout comme il y a cinquante ans voire deux cents ans.
Quest-ce qui se passe dans une salle de classe,
en hypotaupe ou en taupe ? On y crit. Le professeur,
en maths tout particulirement, crit au
tableau. Les lves crivent chacun dans son cahier. Cela
est vrai, non seulement du cours, des sances
dexercices aussi sans parler des devoirs surveills
et de ceux la maison.
LA TAUPE,ATELIER DCRITURE
professeur honoraire de chimie lcole polytechniquePIERRE LASZLO
PRPAS
REPRESLautorit de lcrit simpose. la fois lautorit dun raisonnement logique, en son inflexible linarit chane aux maillons successifs , et lautorit du professeur, personnage omniscient, autorit atteste par ses diplmes, lagrgation en rgle quasi absolue.Autorit, du latin auctoritas, qui donna aussi en notre langue lauteur, celui qui crit pour dautres. Mais encore, celui qui se fera inventeur de sa carrire professionnelle, dcouvreur dun trajet, bref auteur de sa propre existence.Devant lautorit de lcrit, ltude est lattitude de llve. Il ou elle revoit ensuite ses notes, parfois des heures durant, afin de sassurer de tout comprendre. Llve en profite pour annoter son cours : ces scholies, ces marginalia inscrites souvent dans une autre couleur, le surlignage de tel ou tel rsultat ou tournant, rythment le cours crit, le commentent et le personnalisent.
Louis-le-Grand, lcriture reste fondamentale.
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crire avec la plus grande prcision, ce qui lui sera bien utile par aprs.
IMPRIMER LA MMOIREUne des fonctions de lcriture sur
laquelle ont insist nombre de nos interlocuteurs, ensei-gnants en CPGE est daider la mise en mmoire. Car le cours vient simprimer dans les mninges (lune des
fonctions des colleurs est de sen assurer).
tinguer limportant de laccessoire. Ainsi, lorsquon prend note dune dmonstration, de lnonc dun exercice et de sa solu-tion, on est amen distinguer et srier les tapes dun raisonnement. Comme se plaisait dire M. Mirabel, lun de nos propres profes-seurs de prpa, une dmonstration, cest comme un lustre. Sil manque un maillon de la chane, quest-ce qui se passe ? Le lustre se casse la figure. Llve sastreint donc
En prpa, on apprend
distinguer limportant
de laccessoire
QUANT LAMRIQUE noter, la diffrence patente davec lenseignement universitaire amri-cain, que jai frquent et pratiqu. Outre-Atlantique, loral a le pas sur lcrit. Un cours, tel un sminaire de recherche, est une construction collective. La plupart des tudiants sexpriment voix haute, sans ti-midit aucune. Cela fuse. Le rle de lenseignant est de garder le cap malgr tout. Il lui faut tre bien prpar pour russir un tel cours, apparemment improvis, un chef-duvre de bonne organisation en fait.Quel contraste : le rle du professeur amricain est celui dun animateur. Celui du professeur franais de classe prparatoire est celui dun guide : comme un guide de haute montagne, il emmne ses lves vers des sommets qui, sinon, leur resteraient inaccessibles.
Le cours est not la main, encre et papier.
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REFORMULER, RSOUDRELa rsolution des problmes passe aussi par lcriture. La prpa est ce lieu initiatique o lon fait comprendre llve toute limportance dapprendre reformuler un nonc : la solution nest quune autre manire, non vi-dente a priori, de transcrire lnonc. Les lves sexercent donc en crire dautres versions, des traductions, en dautres termes, de ce mme langage des quations : ce faisant, des raccourcis, des astuces, des substitutions leur sautent aux yeux. Ils sacheminent ainsi vers la solution. n
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de province. Terminant major en maths jai postul pour ma sp Louis-le-Grand o jai t accept en MP*. Je constate une nette diffrence entre ce qui se fait ici et ce qui se fait dans mon lyce dori-gine. Celui-ci na pas lhabitude des gros concours et centre ses prparations sur le concours des ENSI. Les lves ont ten-dance limiter leurs efforts. En contrepartie, les lves dont le niveau est plus faible peuvent suivre une prpa qui leur est plus adapte, sans avoir se traner dans une classe dont ils nont pas le niveau. Mais des lves brillants se retrouvent dans des classes moins releves, sans bnficier des avantages des grands lyces parisiens.
UNE STRATIFICATION Deux facteurs expliquent cette stratifi-cation des lves. Le premier est psycho-
logique. Ceux qui ne sont pas pris dans les prpas les plus slectives pensent gnralement quils nont aucune chance et prfrent se rabattre directement sur des concours moins slec-
tifs sans essayer de simpliquer et de travail-ler suffisamment pour tenter leur chance. Sensuit une ambiance de classe moins
Selon Antonin Assoun, les prpas prsentent l avan-tage norme de disposer dun unique professeur par matire,
l o luniversit offre des cours avec des professeurs qui tournent au cours de lan-ne : Chaque professeur suit ses lves et leur est vraiment dvou. En change, on demande aux lves un travail intensif mais, aprs tout, le but est de russir aux concours. Lchance des concours permet de poursuivre un objectif motivant. Enfin, contrairement la fac, on demande un rel travail de rflexion culturelle, hors du contexte scientifique, avec les heures de langues et de franais-philosophie.
DES DIFFRENCES ENTRE TABLISSEMENTSLe systme des classes prpas fait que les emplois du temps et les programmes officiels sont les mmes dans chaque tablissement. On dit souvent que ce nest pas la prpa qui permet dintgrer telle cole, cest le tra-vail de ltudiant. Dans la pratique, il y a une grande diff-rence selon ltablissement. Jai moi-mme effectu mon anne de sup dans un lyce
En classe prparatoire, on travaille comme on ne
travaillera plus jamais dans sa vie. On acquiert des mthodes
de travail que lon noubliera plus. Les professeurs ne
sont pas mchants. Les amis sont de vrais amis, malgr la
perspective des concours.
LE POINT DE VUE DES LVESACQURIR UNE MTHODE
DE TRAVAIL
professeur honoraire de chimie lcole polytechniquePIERRE LASZLO
PRPAS
Les lyces de province
ont moins lhabitude
des gros concours REPRESTrois lves de classes prparatoires du lyce Louis-le-Grand apportent ici leur tmoignage. Actuellement en pre-mire ou deuxime anne de CPGE, ils ont choisi la section MP* (Mathma-tiques et sciences physiques). Les ma-tires scientifiques principales quils tudient sont donc les mathmatiques et les sciences physiques. Ils doivent en outre choisir une spcialisation : SI (sciences de lingnieur) ou Informa-tique. Les tudiants des CPGE scien-tifiques prsentent les concours des ENS (coles normales suprieures), des coles dingnieurs et des coles suprieures militaires.
QUELQUES POINTS FAIBLESLes critiques du systme des classes prparatoires sont gnralement appor-tes par des personnes qui nen ont jamais fait lexprience. Certains voquent un systme de reproduction des lites. Si jamais cest le cas, ce nest pas la prpa qui est en cause mais le manque dinformation et de formation qui prcde la classe prpa, et chacun peut trouver une prpa qui lui convienne. Ceux qui ont fait une prpa en sont ravis.
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en prpa, surtout en tant qutrangre (Catalane, de Barcelone). Je ne connaissais
personne Paris et je ne connaissais pas trs bien le fonction-nement des classes prparatoires. En revanche, ce quon dit sur deux annes (voire trois) o tu t rava i l le s
comme jamais dans ta vie, avec un temps trs limit pour faire du sport ou de la musique, est totalement vrai, mais je trouve que a permet dacqurir une mthode de travail qui me sera trs utile dans le futur.
travailleuse, moins combative face aux difficults.Ensuite, il y a effectivement une diffrence certaine de niveau pour ce qui est des capacits de concentration et de travail mais aussi dassimilation et de rutilisation du savoir dans les contextes nouveaux. Face cette diffrence de niveau et dintrt des lves, lenseignement des professeurs sadapte.
LA VALEUR DU TEMPSPour Elena Matias, le sentiment de perdre un temps prcieux est constamment l, mme lorsquon parle des amis, voire la famille. On se dit je pourrais tre en train davan-cer mon devoir. Cest un peu triste, mais bon, dici quelques mois a sera termin. Mais beaucoup de clichs qui circulent sont faux. Le premier, qui ma fait le plus peur, voque la mchancet des professeurs. Certains disent que le but des professeurs en prpa est dhumilier les lves, de les traiter comme sils taient idiots. Je ne me suis jamais trouve dans cette situation, tout au contraire. On dit aussi quen prpa on ne peut avoir de vrais amis parce que cest un concours et que tes camarades se rjouissent de tes mauvaises notes. a ne mest pas arriv non plus. Jai connu des gens trs intres-sants, qui ont des gots proches des miens, trs sympathiques et avec qui je mentends trs bien. Je crois que ces deux ides fausses taient mes plus grandes peurs avant de venir
On peut avoir
de vrais amis malgr
lambiance des concours
LES PRPAS SCIENTIFIQUESCes classes prparatoires sadressent aux bacheliers S souhaitant intgrer une cole dingnieurs.
La prpa MPSI : mathmatiques, physique et sciences de lingnieurLa prpa MPSI est, avec PCSI, la voie qui accueille le plus dlves. Elle sadresse aux lycens qui aiment les mathmatiques, la physique et sont laise avec labs-traction. privilgier aussi pour ceux qui sont intresss par linformatique. Deux filires en deuxime anne : MP ou PSI.
La prpa PCSI : physique, chimie et sciences de lingnieurAccordant une large place lexprimentation, la prpa PCSI offre un cocktail de matires scientifiques plus quilibr quen MPSI. Cest aussi la voie choisir pour les lves attirs par la chimie. Elle donne accs deux filires en deuxime anne : PC ou PSI.
La prpa PTSI : physique, technologie et sciences de lingnieurLa prpa PTSI constitue une formation de haut niveau en sciences industrielles. Dans toutes les matires, les notions tudies sont rattaches au concret dans la mesure du possible.
La prpa PSI : physique et sciences de lingnieurAccessible partir des voies MPSI, PCSI ou PTSI, la prpa PSI propose une ap-proche transversale des mathmatiques, de la physique et des sciences indus-trielles au service de ltude dobjets technologiques complexes.
SOURCE : ONISEP
CHANGER DE FILIREJoseph de Vilmarest, lui, a suivi un autre parcours. Nayant pas t accept dans une pres-tigieuse prpa en MPSI lanne dernire, je me suis retrouv en PCSI ici. Javais en effet fait le choix de placer Louis-le-Grand en PCSI devant dautres MPSI. Ma passion pour les maths et linfor-matique excdant toujours celle pour la physique et la chimie et leur influence sur mes rsultats tant visible, jai convaincu le proviseur de me changer de filire, et je suis pass en MP*1. Jen suis trs satisfait, bien que le niveau en maths soit nettement plus relev. n
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coresponsabilit , concept qui rsume la nature des relations au sein de lcole.
LE PRFET DES TUDESLe prfet est une sp c i a l i t d e s t ab l i s s ement s scolaires jsuites. Comme un direc-teur des tudes, il anime les activi-ts pdagogiques,
mais sa fonction va bien au-del : tudes, sant, quilibre de vie. Il sentretient pour cela de faon systmatique trois ou quatre fois par an avec chaque lve ; ce sont les colles prfet (chaque prfet accom-pagne autour de 300 lves).Il rencontre tous les quinze jours le bureau de chacune de ses classes, appel bural, petit conseil de direction. Il comprend quatre lves permanents, le PB (pre du bural) ou la MB (mre du bural), respon-sables de la classe ; le rab et la rabinette qui font le lien avec laumnerie ; le charg du
Afin de maintenir un quilibre de vie le principal risque daddiction semblant tre le travail et de favoriser le dve-
loppement per-sonnel, des rles originaux ont t crs pour assurer un suivi indivi-duel et collectif et mettre en uvre la
Pierre Laszlo et moi-mme avons t invits visiter lcole Sainte-Genevive, alias Ginette. Nous nous
y sommes rendus avec la curiosit danciens lves
de lyces publics parisiens et parce que cette institution
veille de fortes images. Il sest confirm que cest une organisation trs comptitive,
nous ne pouvions en douter vu le nombre de reus lX.
Nous avons surtout dcouvert des dispositifs originaux
crs pour soutenir les lves, favoriser leur quilibre de vie,
les exercer la solidarit et la prise de responsabilit.
GINETTE :POUR UN HUMANISME COMPTITIF
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PRPAS
REPRESGinette est un tablissement priv sous contrat dassociation. La rmunration des enseignants, essentiellement des agrgs du public, est prise en charge par ltat. Avec ses 880 lves (prpas scientifiques, commerciales et agro-vto), elle quilibre ses comptes avec des droits de 11 000 e par an pour des lves en pension complte. Pour viter que largent soit un obstacle, une prquation a t mise en place ainsi que des bourses et des prts dhonneur. Le prix annuel effectif varie ainsi de 17 650 e 5 700 e. Pour les provinciaux (plus de 50 % des lves) et les lves venant de ltranger (environ 15 %), cela dispense du paiement dun loyer en rgion parisienne. Soixante places dinternat de la russite viennent dtre cres, offrant une gratuit totale des lves de familles aux ressources modestes : elles sont finances par la solidarit des anciens lves.
Chaque lve se voit charg dune responsabilit
au service de la classe
Ginette veille favoriser le dveloppement personnel.
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organise galement quelques grandes clbrations qui rythment lanne, un plerinage Chartres, ainsi que des activits sociales le jeudi aprs-midi.
Ces activits sont libres et ouvertes tous, et y assistent nombre de non- catholiques. Par ailleurs, pendant le Ramadan, lcole organise le sou-per et laccueil des lves musulmans.Une retraite de trois
jours est propose en fin de premire anne, entre le concours blanc et la jour-ne conclusive. Cest un moment de prise de recul qui est prcieux, et diff-
lves sont en relation avec laumnerie, quelles que soient leurs orientations reli-gieuses. Les activits quelle organise sont, elles aussi, prises en charge par les lves.Laumnerie orga-nise bien sr les acti-vits spirituelles : une messe est cl-bre chaque matin avant les cours pour les courageux, et une messe domi-nicale est clbre le dimanche soir, dont lorganisation est confie par roulement aux diffrentes prpas. Chaque prpa dispose aussi dun crneau un soir de la semaine pour orga-niser sa prire prpa . Laumnerie
travail qui soccupe du colloscope, calendrier des interrogations orales. En dehors de ces quatre charges principales, il en existe beaucoup dautres, chaque lve se voyant charg dune responsabilit au service de la classe. En deuxime anne, le responsable de la classe prend le nom de Z , car il a aussi une responsabilit sur la prpa , qui associe une classe de deuxime anne et une classe de premire anne.
LE DIRECTEUR DE LA VIE TUDIANTELe directeur de la vie tudiante supervise linternat et la vie culturelle. Tous les lves sont internes, logs gnralement par chambres de deux en premire anne et seuls en deuxime anne. Ils sont enca-drs par un responsable de linternat et des surveillants, peu nombreux (un pour une centaine dlves). Loin dtre des pions , ceux-ci sont l pour veiller sur le respect des rgles du bien-vivre ensemble et ils sont arms pour soutenir les lves qui en ressentent le besoin.
LES AUMNIERSLes aumniers sont des pres jsuites ou des lacs, des hommes comme des femmes, ils reprsentent lquivalent de quatre personnes temps plein. Tous les
Pendant le Ramadan, lcole organise le souper
et laccueil des lves musulmans
UNE HEURE DE LIBERTDans chaque classe, un lve est charg dorganiser des activi-ts culturelles, par exemple des sorties dans les muses, au concert, au thtre. Un vne-ment est organis chaque mois lcole : confrences et concerts. Un concours dloquence annuel mobilise les lves et les profes-seurs qui sont membres des jurys. Pour permettre aux lves de pr-server une heure de libert pour des activits personnelles, en particulier le sport qui tient une grande place, ils djeunent tous en mme temps en vingt minutes (pas de self o il faudrait faire la queue).
UN ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL ET COLLECTIFLa mission des aumniers va bien au-del de lanimation des activits spirituelles et sociales : ils ont un rle daccompagnement individuel et collectif des lves pour aider chacun grandir en humanit. Les correspondants de laumnier dans chaque classe sont le rab et la rabinette, dont la premire tche est de veiller lambiance de la classe et de reprer les lves dont le moral flchit, afin de leur apporter le soutien ncessaire. Une heure par semaine est destine au rabi-nage dans chaque classe de premire anne. Cest un moment dactivit libre en dehors de toute hirarchie : dbat, invitation de confrenciers, prsentation de son pays par un lve tranger, etc.
Laumnerie organise chaque anne un plerinage Chartres.
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mission tout en respectant leur libert. Ils peuvent ainsi aller au-del dune simple relation pdagogique, ce qui parat trs gratifiant. Ils ont des relations conviviales avec leurs lves, participant avec eux des activits sportives ou thtrales, des ateliers bridge ou cuisine, sans que leur autorit ne soit entame. Les pr-pas constituent souvent une famille de substitution pour les lves, dimension accentue par le pensionnat pour tous et limportance accorde toutes les dimen-sions de la personne.Pour les concours, les prfets discutent avec chaque lve, en relation avec les professeurs, du choix des coles quils vont prsenter. On naccepte pas quun bon lve ne prsente que lX et Normale, il devra aussi concourir Centrale et aux Mines. Sil nest pas reu lX mais lune de ces coles, on ne le repren-
dra pas en 5/2. Pour les autres lves, il en est de mme : ils sont incits viter de choisir unique-ment des concours difficiles pour eux.Il reste toutefois des 5/2, autour de 12 %. Comme ils ont dj
vu les cours et les principaux exercices et quils connaissent toutes les tapes de la
LE CORPS ENSEIGNANTCertains professeurs avaient entendu dire, avant de postuler, quils devraient assister la messe tous les jours, faire le catchisme, ou quils seraient les rouages dune machine faire du chiffre tout en tant mieux pays. Ils ont en fait la mme rmun-ration que dans les lyces publics, et ils ont dcouvert un systme structur qui les aide dans leur
rentes modalits sont proposes afin de rpondre aux divers types dattente : prs des deux tiers des lves choisissent dy participer.Selon les aumniers, les annes de prpa sont des moments dpreuves, mais elles peuvent tre en mme temps facteurs de croissance spirituelle, au sens large. Il sagit dy aider les lves par des activits collectives et des changes personnels. Le contact individualis se fait par des colles aumnier deux fois dans lanne, les changes dpassant le religieux. Le terme de religion est ainsi pris au sens original re-ligere, relier les personnes entre elles.
Les prpas constituent
souvent une famille
de substitution
pour les lves
CHERCHER UN QUILIBRELes professeurs contribuent, en relation avec les prfets et la direction, la slection des lves. Celle-ci se traite sur dossiers, et lexercice nest pas facile car les bonnes notes ne sont pas trs significatives. Les participations aux olympiades sont parti-culirement apprcies car elles manifestent un got pour la matire. Les candidats sont classs en quatre catgories, A, B, C, D. Les A ne prtent gure discussion. Pour les autres, certains professeurs cherchent un quilibre. De bonnes notes en fran-ais et en philosophie laissent prjuger un esprit logique, et la diffrence aux concours se fait souvent sur ces matires. Dautres cherchent plutt privilgier de bons lves de milieux sociaux en difficult, ou de lyces loigns de classes prparatoires (zones rurales), car ils savent quils leur donnent une vraie chance. On cherche viter de recruter des lves qui nauraient pas le potentiel : ce serait les mettre en situation dchec trs prjudiciable pour eux. Quand un candidat au profil intressant mais risqu est retenu, il lui est attribu un tuteur qui va surveiller ses dbuts en premire anne. En cas de difficults majeures, il sera soutenu jusqu la fin de la premire anne pour avoir une quivalence et entrer luniversit en deuxime anne de DEUG, si cest la rorientation quil choisit. Mais ces cas sont trs rares : pas plus dun ou deux lves sur 100 admis.
Les annes de prpa peuvent tre facteurs de croissance spirituelle.
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leurs, les phnomnes , par exemple les surdous en maths, ne sont pas touffs. Ils ont voqu un cas dlve qui sest pris au jeu daider beaucoup de ses camarades. Il en est devenu trs populaire et sest ainsi trouv valoris. Pour ceux qui ont un problme relationnel, il semblerait que la bienveillance des rapports les aide souvrir. Il se cre Ginette des liens damiti profonde qui perdurent bien au-del du temps de la prpa.
SAVOIR JOUER COLLECTIFCe dispositif convient manifestement beaucoup dlves dans un moment difficile de leur vie et un ge o lon cherche la convivialit. Il nest pas sr quil soit adapt tous. Du reste, lors des recrutements, limportance du col-lectif est prcise aux candidats, afin que ceux qui prfrent vivre de faon individuelle ne postulent pas Ginette. Rciproquement, il est recommand aux lves de Ginette qui intgrent une grande cole de ne pas trop afficher leur adhsion leur prcdent collectif, car cela pourrait indisposer certains de leurs nouveaux camarades. n
Pour le concours de Normale Cachan, lcole affrte des cars. Pour les preuves de lX au Parc floral de Vincennes, les lves rservent des chambres pour loger plusieurs. Cela vite la solitude du can-didat, dont le moral connat forcment des hauts et des bas. Aprs chaque oral,
ils remplissent une fiche et la classent de faon ce que leurs camarades puissent en t i r e r p ro f i t . Auparavant, ils rep-raient les habitudes des examinateurs et faisaient circuler linformation mais
maintenant ils nen connaissent pas lavance le nom.
BIENVEILLANCENous avons pu changer librement avec une dizaine de Z et nous avons t frapps par leur adhsion au modle, tout en ayant une grande ouverture desprit : on ne se sent pas dans un systme qui organise une clture par rapport lextrieur. Daprs eux dail-
scolarit, il leur est attribu des responsa-bilits de reprsentation et danimation.
LES RITES DE TRAVAIL COLLECTIFLes lves sont pousss sentraider pour les tudes elles-mmes.Ils sont constitus en trinmes, runis-sant un fort et deux plus faibles. Leur constitution est ini-tie par les prfets et les professeurs, qui tablissent une liste de ttes de trinmes. Ce sont ensui te les burals qui constituent les groupes. Ceux-ci se runissent deux heures par semaine, aprs dner. Ce dispositif aide ceux en difficult, mais aussi les bons lves : aider autrui comprendre est une excellente manire dapprendre.Pour les concours, on dit parfois que ce ne sont pas des lves qui passent les preuves mais un collectif. De fait, lorsque les preuves sont loin de Ginette, une organisation collective est mise en place.
Aider autrui
comprendre est
une excellente manire
dapprendre
LES GROUPES DE PQUES Un moment fort de travail collectif est le droulement des groupes de Pques , soit peu avant les concours. Les lves se regroupent par quatre ou cinq dans une maison pouvant les loger tous. Pendant deux semaines, le rythme est le suivant : composition de 7 h 30 11 h 30, d-briefing de 11 h 30 12 h 30. Djeu-ner, puis rvisions personnelles laprs-midi avant de prendre une pause tous ensemble une heure choisie par le matre du temps , qui gre le timing des activits. Aprs dner, caf littraire o lon discute des uvres au programme.
Il se cre Ginette des liens damiti profonde qui dpassent la prpa.
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ENS Ulm, professeur de prpa au lyce Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
par exemple, en 2015, un candidat non boursier devra dbourser 100 euros pour se prsenter au concours de lX et envi-ron 600 euros sil se prsente six coles du concours commun Centrale Suplec (100 euros par cole) ; un boursier dpen-sera zro euro.
UN ASCENSEUR PERFORMANTDe plus, les frais de scolarit des grandes coles scientifiques ne se chiffrent pas en dizaines de milliers deuros par an, comme cest le cas dans les uni-versits de renom des autres tats europens ou aux tats-Unis. Le systme franais des grandes coles, si
souvent prsent comme une exception inutile, a son quivalent ailleurs sous la forme duniversits prestigieuses, mais fortement payantes.La slection lentre de ces grandes universits internationales nest pas uni-quement fonde sur les comptences des tudiants, mais aussi, le plus souvent, sur les possibilits financires de la famille. Les tudiants de milieu modeste sont contraints de sendetter durablement ou, comme aux tats-Unis, de sengager dans larme en contrepartie dune aide finan-cire pour la poursuite de leurs tudes.A contrario, les coles franaises recru-tant partir du concours commun Polytechnique imposent des frais de sco-larit peu levs, proches de ceux dune universit franaise. Souvent, elles pro-posent un hbergement frais rduits en cit universitaire.En prpa au lyce Blaise-Pascal, nous avons chaque anne des lves, fils ou
Premier point : la quasi-gratuit des tudes en classes prpara-toires. Linscription dans un tablissement de lenseigne-
ment suprieur est obligatoire avec les frais associs, mais ni plus ni moins que pour un tudiant de luniversit.Dans notre lyce, nous avons environ un tiers de boursiers en classes prparatoires scientifiques, preuve dattractivit pour des tudiants peu aiss. Le fait dtre bour-sier, mme taux zro (sans percevoir daide financire), permet de rduire trs fortement les frais dinscription aux concours des grandes coles scien-tifiques. Cette rduc-tion est totale dans la majorit des cas :
Jenseigne depuis 1987 dans ce lyce, o jai t lve
de 1975 1980, y compris en classes prparatoires.
Petit-fils douvriers papetiers et fils dinstituteurs
en milieu rural auvergnat, jai pu bnficier de lascenseur social des prpas et des grandes coles durant les annes 1980.
Et je ne suis pas une exception.
PROPOSDE LASCENSEUR SOCIAL
MICHEL RENARD
PRPAS
REPRESLe nombre des lves issus de milieux modestes dans certaines grandes coles est encore faible. Par exemple, en 2013, 13,6 % seulement des 403 tudiants admis au concours de lcole polytechnique taient boursiers. On est encore loin des 30 % en lyce de province.Doit-on sen mouvoir ? Personnellement, je trouve gnant pour un pays dmocra-tique que les futurs hauts dcideurs de ltat et des grandes entreprises ne pro-viennent en majorit que de milieux aiss et ne connaissent pas la situation concrte, notamment financire, de la majorit des Franais.
Un boursier,
mme taux zro,
dpensera zro euro
de frais dinscription
aux concours
Certaines de nos grandes coles r-munrent leurs tudiants (X, coles normales suprieures, cole des travaux publics de ltat, coles mi-litaires de lArme de terre, de lAr-me de lair, cole navale, etc.). La solde ou le salaire ne manquent pas dattirer les tudiants issus de mi-lieux modestes.
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et en grande cole ntant pas aussi co-teuses quil y parat, ce discours ne traduit quun dfaut dinformation.Deuxime cause, le manque de confiance en eux de ces lves, mal laise dans les
exercices oraux o la prestance et la facilit dlocution sont fondamen-tales (prsentation de leur travail de lanne, travaux dinitiative per-sonnelle encadrs, analyses de docu-
ments scientifiques). Ces exercices sont videmment utiles dans un monde o la communication orale, voire le paratre,
AUTOCENSUREPour autant, les lves issus de milieux modestes sont encore rares dans certaines grandes coles. Plusieurs causes peuvent expliquer ce manque dtudiants boursiers.La premire est lautocensure que peuvent manifester les jeunes de milieu modeste lgard des tudes longues, et des classes pr-paratoires en parti-culier : Les tudes longues ce nest pas pour moi car mes parents nont pas les moyens de me payer des tudes, alors faire ingnieur Les tudes en prpa
filles dagriculteurs ou douvriers, la russite spectaculaire : Ulm, X, etc. Notre rle dascenseur social est donc bien avr, tout au moins dans les lyces de province.
La communication
crite et orale
est aussi une source
de discrimination sociale
UN PHNOMNE
GNRALAux tats-Unis, les enqutes conduites par les autorits fdrales de 1990 2012 font tat de moins de 15 % dtudiants issus de milieux modestes accdant aux grandes universits du pays, comme Harvard, Yale ou Princeton. Voir larticle de Richard Prez-Pea, Generation later, poor still rare at elite colle-ges , The New York Times, 26 aot 2014.
Le lyce Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand voit passer chaque anne des lves la russite spectaculaire.
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que cette rfrence soit connue dans la majorit des familles modestes.
COURS PARTICULIERSDernire cause : les cours de rattrapage
ou de soutien scolaire. Si lon est encore loin du systme des prpa-rations parallles mis en place lors de la premire anne dtudes de mde-cine, il est frquent que nos lves aient besoin de cours particuliers lors-quils arrivent en classes prparatoires (si ce nest
auparavant). Leur cot financier nest pas supportable par toutes les familles.On pourrait citer aussi les sjours linguis-tiques payants ltranger pour parfaire les connaissances en anglais ou en allemand.
CHERCHER DES SOLUTIONSLe problme est complexe. Lopinion qui suit, partielle, est ncessairement partiale.On peut remdier au manque dinfor-mation des lves du secondaire de lyces moins favoriss, comme le montrent les solutions dj mises en place. Citons les Cordes de la russite, qui mettent en rseau dune part des coles dingnieurs, des lyces classes prparatoires, et dautre part des jeunes dorigine modeste du secondaire au sein de lyces dans des zones moins favorises. Grce au dialogue avec des tudiants des grandes coles ou de classes prparatoires, des lycens de ces zones entreprennent des tudes suprieures, par prise de conscience que cet enseignement est accessible tous intellectuellement et financirement.Les initiatives existent et tendent sam-plifier.Au niveau local et depuis de nombreuses annes, les professeurs des lyces classes prparatoires de lacadmie de Clermont-
compte ces matires semble tre aussi une source de discrimination sociale.
LPE DE DAMOCLSDe mme, la culture gnrale, souvent plus dveloppe, dans les milieux aiss peut pna-liser les tudiants issus de familles modestes. Faire rfrence lpe de Damocls dans une composition de franais de 2014 de Centrale Suplec est probable-ment discriminatoire : il ne me parat pas certain
sont de plus en plus importants, mais cest, semble-t-il, une source de discrimi-nation sociale. Le manque de confiance se traduit aussi par une attitude plus en retrait lors des oraux plus classiques des concours, mme si larrogance na jamais t une plus-value.
DES HANDICAPSDe mme, la matrise imparfaite de la langue franaise (et de langlais) peut tre un handicap : la richesse du vocabu-laire et la justesse syntaxique ne sont pas toujours aussi prsentes pour les lves dorigine modeste, indpendamment de lhistoire personnelle de chaque candidat. Or, les preuves de langues et de lettres aux concours dentre (Centrale, Mines, Ponts en particulier) contribuent trs fortement la russite ou lchec. Il ne sagit pas de rduire le poids de ces matires, connaissant le rle fondamental de la communication crite et orale, en franais et en anglais, dans le mtier din-gnieur. Toutefois, la faon de prendre en
Linformation
directe auprs
des lves de lyce
est efficace
Lcole polytechnique participe la campagne Une grande cole pourquoi pas moi ? (GEPPM). La dmarche entreprise consiste en un tutorat de soutien en lyce et en laccueil de jeunes le mercredi aprs-midi au sein de lX.
Les lves polytechniciens soutiennent des jeunes dans le cadre de la campagne GEPPM.
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les frais pour les tudiants des milieux modestes ? Cela parat ncessaire alors que lon assiste au niveau europen une tentative dhomognisation du commerce de lenseignement tous les niveaux. Lenseignement doit-il tre un march comme un autre ou doit-il jouer un rle plus dsintress dans un pre-
mier temps, avant dtre rentable par la formation de cadres et de chercheurs perfor-mants ? On touche ici la politique au sens noble du mot. Notre pays aura-t-il
la volont politique de continuer former des scientifiques comptents issus de tous les milieux sociaux en redonnant lcole de la Rpublique son vrai rle et sa vraie place ? n
LE POIDS DE LA CULTURELes concours dentre aux grandes coles doivent-ils donner autant de poids la communication et la culture gnrale ? Il ne faut pas nier limportance de cette communication et de cette culture dans les mtiers dingnieurs. Toutefois, les qualits de rflexion, dinnovation et de rigueur scienti-fiques ne doivent-elles pas tre prises en compte de faon plus forte afin de recruter de jeunes cerveaux brillants et efficaces, mme si leur matrise de la langue et de la culture est moins bonne ce stade ?
Enfin, faut-il augmenter les aides finan-cires sous forme de bourses, diminuer
Ferrand se dplacent au sein des lyces de la rgion afin de transmettre des infor-mations concernant laccs aux prpas, le type dtudes suivies, mais aussi les grandes coles. Ces informations sont communiques sous forme de prsenta-tions ou de sances de questions-rponses parfois individualises, lors de forums organiss par les lyces.Nous rencontrons rgulirement des jeunes de petites villes qui ne connais-saient pas lexistence des classes pr-paratoires et des grandes coles. Cette information directe auprs des lves de lyce est efficace et permet de toucher toutes les tranches de la population et de lever lautocensure des milieux modestes. Il en va de mme pour lautocensure des filles lgard des mtiers dingnieurs et des filires scientifiques hors biolo-gie-mdecine.
EN AMONT DES PRPASLenseignement en amont des classes prparatoires joue-t-il son rle dintgra-teur social ? Nous, professeurs de classes prparatoires, constatons la faiblesse dans toutes les matires de nos tudiants sortant du secondaire, et cela malgr la bonne volont de leurs enseignants. Les lacunes observes ne peuvent que favori-ser les lves issus de milieux aiss, leur famille pouvant plus facilement pallier ces lacunes par des cours particuliers. Ne peut-on pas fournir tous les jeunes, trs tt dans leur scolarit, les moyens de compenser leurs points faibles, quelle que soit leur origine ? Il ne sagit pas de remplacer lenseignement dans les tablis-sements publics par une privatisation de cet enseignement, qui ne ferait que ren-forcer la discrimination sociale en crant encore plus de ghettos. Un enseignement public gratuit et de qualit me semble tre la seule solution si lon veut vraiment combattre la reproduction des lites.
Fournir trs tt
les moyens de compenser
les points faibles
Linformation directe auprs des lves de lyce permet de toucher toutes les tranches de la population.
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doute pas mauvais comme prparation des tudes o les sciences dures ne jouent pas un grand rle, mais il est inadapt comme prparation aux classes prpa-ratoires aux grandes coles (CPGE) en MPSI et PCSI.
LES MATHMATIQUES BUISSONNIRESAutre consquence pour le recrutement en prpa, on ne sait pas bien jauger
le niveau des lves en regardant leurs dossiers. Une men-tion trs bien au bac nest absolument plus significative. Certains lves, trs scolaires, peuvent avoir des notes tou-
jours suprieures 18 et seffondrer en maths sup.Certes, le dbut de la prpa a toujours t anxiogne pour les lves : ils taient valoriss par leur environnement sco-laire et se retrouvent avec de meilleurs lves queux. Mais le nombre dlves concerns par ce phnomne a nettement augment, et ce sont ceux issus de milieux dfavoriss auxquels nuit le plus leffon-drement du secondaire.Un phnomne prend toutefois de lampleur : lexplosion depuis une quin-zaine dannes dactivits mathmatiques proposes en dehors des cours. Au sein des lyces, on trouve des clubs de maths ayant pour but de stimuler les lves. Il existe galement diverses comptitions : au concours gnral sajoutent les olym-piades acadmiques et, dans un style dif-frent, le concours Kangourou. On peut galement noter des confrences, voire
La chute du niveau des math-matiques dans le secondaire est dramatique. En 1994, un lycen de premire C, avait fait plus
de mathmatiques quun bachelier S daujourdhui.Un autre problme, encore plus proccu-pant, tient la baisse des exigences.On peut trouver lentre en prpa des lves ne sachant pas additionner des fractions, multiplier les nombres deux chiffres, mani-puler les nombres ngatifs. Certains ne matrisent pas la logique formelle. Ainsi, un professeur avait demand ses lves : Quelle est lassertion dans la dernire phrase ? Dix sur trente ont rpondu quune asser-tion logique tait une proposition vraie ou fausse, nayant donc pas compris le sens de la question. Cest un problme pour les prpas, o les lves doivent avoir une aisance en mathmatiques.Le programme de terminale S nest sans
Lenseignement des mathmatiques
dans le secondaire traverse une crise dont les effets
se font sentir jusque dans les CPGE, dont
les programmes ont t rnovs pour prendre
en compte les nouveaux programmes du secondaire,
le profil des nouveaux bacheliers, le corpus
scientifique utile la formation dun ingnieur. Nous avons demand Frdric Morlot
et Nicolas Tosel de dbattre de lvolution des programmes
de mathmatiques dans les CPGE scientifiques.
Le texte qui suit met en forme cet change.
PRPAS
professeur au lyce priv Sainte-Genevive, Versailles
professeur au lyce Louis-le-Grand, Paris
FRDRIC MORLOT (2001)
NICOLAS TOSEL
QUEL PROGRAMME DE MATHS FACE LEFFONDREMENT
DU SECONDAIRE ?
REPRESLes matires enseignes en prpas scientifiques, idalement, prpareraient de futurs scientifiques. Ce truisme vaut dtre entendu. Les programmes existants, quil sagisse de maths, de physique ou de chimie, privilgient parfois la tradition linnovation. Ils peuvent donner le sentiment dun acadmisme : le concours dentre lcole polytechnique serait-il comparable au concours dentre au Conservatoire ?Or, la premire nest pas la Comdie-Franaise. Elle na pas dfendre et illus-trer un rpertoire : la gomtrie descriptive, dassez longue date, fut largue du programme des classes prparatoires.La mission de lcole est de former Pour la Patrie, la Science et la Gloire. Les rflexions qui suivent visent amliorer encore, dans cet esprit dune formation polyscientifique, les programmes existants.
En prpa, certains ne matrisent
pas la logique formelle
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LACCROISSEMENT DE LHTROGNITAvec la cration de nombreuses coles, le nombre dlves en prpa sest accru de 82 % entre 1975 et 2002. Leur htrog-nit a donc augment. Ce qui convient aux meilleurs est beaucoup trop lourd pour nombre dlves, et ce qui convient lensemble est trop mince pour les bons lves. Cest pourquoi de nombreux pro-fesseurs regrettent quil ny ait plus la pos-sibilit de diffrencier les programmes, comme quand on distinguait les pro-grammes toils et les non toils. Les premiers taient plus consistants et conve-naient aux bons lves. Il y avait ainsi des concours prims et des concours non prims . Mais cette diffrencia-
tion a t combattue par la Confrence des grandes coles (CGE). La rforme de 1995 avait laiss subsister des appro-fondissements desti-ns aux classes toi-
les. Le toilettage de 2003 les a suppri-ms. On ne peut donc plus diffrencier officiellement les programmes. Il se cre
ont par ailleurs un ct trs rassurant pour les lves ; cet aspect est fondamen-tal dans une discipline qui exige autant de confiance en soi.Ensuite, parce que, malgr de nom-breux efforts, les activits prisco-laires sadressent en premier lieu des lves venant de milieux informs, que lon retrouvera souvent dans les classes de CPGE de trs haut niveau.
des cycles de confrences, souvent de trs grande qualit.Lassociation Animath fdre de nom-breuses activits et effectue un travail remarquable.Frdric Morlot cite, de mme, la revue Tangente et la Fdration franaise des jeux mathmatiques, merveilleuses initia-trices de mathmatiques buissonnires qui ont un fort impact sur les meilleurs lves et ont t lorigine de sa vocation pour lenseignement des maths.
LASPECT RASSURANT DES GAMMESPour autant, le dveloppement de ce secteur priscolaire ne peut combler la faiblesse des programmes et des exi-gences du lyce, selon Nicolas Tosel, et cela pour deux raisons. Dabord, parce que, par nature, le priscolaire ne donne pas un cadre appropri pour travailler les gammes, cest--dire les exercices de calcul. Il faut du reste dnoncer lidolo-gie qui tend vincer les activits mca-niques dans lenseignement.Le calcul est consubstantiel lactivit mathmatique et prtendre que les ordinateurs lliminent presque compl-tement est une imposture comparable celle qui voudrait que lon apprenne crire sans matriser les bases de la gram-maire et de lorthographe. Les gammes
Une discipline qui exige de la confiance
en soi
LE CASSE-TTE DES PROGRAMMESLa mise au point des programmes doit tenir compte de plusieurs contraintes. tre adapts lensemble des lves et pas seulement aux meilleurs. Permettre une diffrenciation entre eux, de faon ce que les meilleurs ne viennent pas sennuyer. Aborder des sujets essentiels comme lanalyse relle de base, des lments de topologie, de calcul diffrentiel et dalgbre linaire. Donner une culture scientifique de base, apprendre calculer, stimuler la curiosit. Un enjeu majeur est lapprentissage de la conceptualisation, pour lequel les mathmatiques jouent un rle privilgi. Les compromis sont priodiquement remis en cause par lvolution de la dmographie des lves et de leur niveau.Ces dernires dcennies ont t marques par deux volutions dun effet quasi sismique : leffondrement du niveau de lenseignement secondaire, et la forte augmentation du nombre dcoles dingnieurs.
Le calcul est consubstantiel lactivit mathmatique.
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par une liste de recettes dintgration, y a t modernise par une orientation plus qualitative, permettant daborder les systmes dynamiques.Malheureusement, les programmes se sont vite rvls trop consquents pour la plupart des classes et ont ncessit un toilettage en 2003. Ce travail, men trop vite et sans vritable rflexion, a abouti un ensemble assez peu cohrent. Les programmes de 2013 ont peu prs supprim la gomtrie et introduit les probabilits et linformatique. Pour Nicolas Tosel, qui a pilot le groupe de travail MP pour cette rforme, ils
sont nettement plus cohrents que ceux de 2003. Lajout de chapitres de calcul en dbut de premire anne tait une nces-sit pour limiter les dgts causs par la faiblesse des exi-
gences dans le secondaire en matire de calcul. Lintroduction des probabilits est de mme une bonne chose.
au profit dun approfondissement de la topologie et de lalgbre linaire. Les sries de Fourier, centrales en math-matiques et dans les applications, ont t introduites dans les annes 1980.La rforme de 1995 a reprsent un aboutissement, avec des programmes riches et cohrents. Ltude des quations diffrentielles, jusque-l traite de manire vieillotte
pourtant des diffrences de fait entre les classes, certaines sans que cela soit dcid consciemment : il nest pas sr que toutes les prpas arrivent assimiler la totalit du programme, alors que quelques-unes pourraient aller nettement au-del.
LVOLUTION DES MATIRESNicolas Tosel rsume lvolution des programmes depuis une quarantaine dannes. Au dbut des annes 1970, ils contenaient encore une part trs impor-tante de gomtrie et de cinmatique. Progressivement, ces thmes ont disparu
PRPAS
VIRTUOSIT ET OUVERTURE DESPRITIl existe aussi des manires dlibres de diffrencier les contenus, avec deux sortes de hors programme .Le premier type, orient vers les concours, comprend des exercices qui de-mandent une virtuosit particulire. On sait que les meilleures coles aiment donner ce type dexercices, et les meilleurs sy entranent. Le second type a pour but douvrir lesprit des lves, en faisant par exemple des explorations en dehors du programme. Nicolas propose deux heures de maths supplmentaires tous les quinze jours aux lves que cela intresse. Frdric distribue des polycopis (nombreux) hors programme ceux que cela intresse et des devoirs supplmen-taires la maison. Les TIPE peuvent tre loccasion pour certains de travailler des mathmatiques hors programme pour largir leur culture.
Des coupes claires
dans les programmes
de gomtrie des lyces
Frdric Morlot.
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factorisation de morphismes, algbre quadratique, compltude, connexit, calcul diffrentiel). En sinterrogeant sur le niveau en maths de ceux qui intgrent lX comparativement celui de sa pro-motion en 2001, Frdric Morlot a le sentiment quils se tiennent, au moins pour les meilleurs lves.Nicolas Tosel a le mme sentiment (quil
faudrait tayer par des tudes prcises).Cela pose toutefois une question qui proccupe les professeurs. Ils se sentent en position de grand cart, avec la baisse continuelle du niveau du secondaire. Cela tient pour linstant, grce la capacit de rsi-
lience tonnante des lves qui oprent un rattrapage spectaculaire. Mais jusqu quand ?
UN CONTRAT MORAL ENTRE PROFESSEURS ET LVESQuel est le contrat moral avec les lves ? Cest un contrat implicite, dans lequel le mot-cl est la confiance. Faire ses cours avec soin, corriger de faon prcise les copies, se tenir au courant des volutions des concours, telle est la base du mtier. tre disponible envers les lves, soutenir ceux qui sont proches de flancher.Les rassurer, surtout en premire anne, mais pas trop pour quils ne se relchent pas. Reconnatre quon peut se tromper, remercier les lves qui signalent des erreurs, ce qui arrive vite au tableau. Valoriser ceux qui proposent des dmonstrations plus l-gantes, faire en sorte que ceux qui pensent avoir une bonne ide sexpriment. Les colles sont des moments privilgis pour aider les lves saffirmer.Les deux enseignants se sentent trs grati-fis par leur mtier. Le fait de transmettre une tradition millnaire belle et utile leur fait beaucoup sens. Professeur est un trs beau mtier quand on a des collgues de qualit et un bon contact avec les lves. Malgr lhtrognit, lun et lautre ont des lves dun tel niveau quils ont mme le sentiment dtre au volant dune Ferrari. n
Compte rendu du dbat rdig par Michel Berry
Frdric a toutefois t surpris de voir que les probabilits quil enseigne en premire anne sont peu de chose prs les mmes que celles quil avait vues en premire S en 1998.
LTAT DE LA SCIENCELes mathmatiques enseignes sont-elles proches de celles daujourdhui ? Non, car celles-ci demandent trop de technicit. Nicolas donne quelques trs bons lves, dans le cadre dun TIPE par exemple, des articles rcents tudier et ceux-ci en sont trs fiers. Finalement, les mathma-tiques les plus rcentes tudies sont les proba-bilits dveloppes dans les annes 1930, ou lanalyse il y a cent ans. Cest rcent lchelle dune discipline trs ancienne.Ce qui parat le plus important, cest den-traner les lves raisonner avec rigueur, tudier des situations donnes en tu-diant fond toutes les possibilits, leur transmettre les fondements dun esprit scientifique, utile pas seulement dans la science mais prcieux pour les situations quils auront affronter plus tard.
LE GRAND CART, JUSQUO ?Le niveau des lves baisse-t-il la sortie des prpas, compte tenu de la baisse du niveau dentre ?La puissance mathmatique des recruts par lX na probablement pas baiss, mais ils matrisent moins dou-tils thoriques (structures-quotients et
LA DISPARITION DU LIEN MATHS-PHYSIQUEMais, il regrette la disparition des sries de Fourier et des quations diffrentielles non linaires.Au-del de lappauvrissement conceptuel quelles reprsentent, elles rduisent trs peu de chose le lien maths-physique. Il convient cependant que des allgements importants taient invitables pour la trs grande majorit des classes du fait du manque de formation des lves et de lhtrognit du public.Au sujet du lien maths-physique, si la disparition progressive des programmes de CPGE dune gomtrie un peu vieil-lotte semble raisonnable, il nen est pas de mme des coupes claires dans les pro-grammes du lyce. La disparition dune notion aussi centrale que le barycentre, la pauvret du calcul vectoriel sont trs prjudiciables, dautant quelles vont de pair avec un enseignement de la physique o il nest plus fait appel aux projections.
UN PROFIT POUR LINGNIEUROn enseigne les probabilits finies en pre-mire anne et les probabilits discrtes en deuxime anne.Cela va dans le sens de lhistoire : un ing-nieur tirera davantage profit de cet ensei-gnement que de ltude des quadriques. De plus, elles peuvent interagir avec dautres mathmatiques et contribuer au renouvellement de lenseignement. Enfin, cela permet de conceptualiser et de calcu-ler, tout en donnant un mode de pense trs utile dans beaucoup dapplications des mathmatiques.
LINFORMATIQUE POUR TOUSLinformatique est introduite de deux faons : loption informatique, cre en 1995 ; linformatique pour tous, qui vient dtre mise au programme. Loption informa-tique donne beaucoup de place linformatique thorique et lalgorithmique, proches des mathmatiques. Pour linformatique pour tous, il sagit dapprentis-sage de la programmation. Selon Frdric Morlot, lavantage de ce cours est dtre fond sur lapprentissage du langage Python, trs utile car largement utilis dans lindustrie. Il convient au plus grand nombre et lon peut accder une bonne matrise en neuf mois avec deux heures de cours par semaine.En revanche, on ne sait pas encore clairement qui enseignera cette matire : ce sont aujourdhui 40 % des profs de maths, 20 % des profs de physique et 40 % de profs de sciences de lingnieur, do des diffrences significatives dans le contenu enseign.
La puissance mathmatique
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La physique daujourdhui et de demain ne sera rencontre, dans le meilleur des cas, quen licence 3, ou encore il faut sen rjouir lors du choix des travaux dinitia-tive personnelle encadrs (TIPE).Plus que jamais, la capacit du profes-seur sera dterminante pour solliciter la curiosit de ses tudiants, pour faire le
lien entre les notions du programme et la physique contempo-raine, pour ouvrir la crativit et lesprit de recherche quillustrent les travaux de nos phy-siciens, laurats ou non du prix Nobel, et la multitude dapplica-
tions engendres dans lindustrie. n
La relativit, la physique quan-tique, la mcanique statistique nont encore quune place bien modeste, limite par les capaci-
ts de formalisation dtudiants qui ne matrisent pas les quations aux drives partielles ou la transformation de Fourier.
UNE PHYSIQUE FORTEMENT MATHMATISECela reflte une certaine tradition franaise dexcellence dans lenseignement dune physique fortement mathmatise, au dtri-ment parfois de la culture dun sens phy-sique clair par lexprience et lintuition.La relativit restreinte, comme cas limite, est peine considre, la relativit gnrale ignore.La physique quantique est mieux trai-te, en particulier en seconde anne PC, qui compare les traitements classiques et quantiques ; optique et laser y trouvent naturellement leur place.Enfin, le dveloppement des probabilits en terminale permet de donner quelques clairages microscopiques la thermody-namique classique.
ACQURIR LE GOT DE LEXPRIMENTATIONLvolution de ces programmes, sur un demi-sicle, est quasi inexistante, mme si lon saisit la logique et la cohrence qui en sous-tendent l a c o n s t r u c t i o n . Linterrogation qui demeure leur lecture concerne lenthou-siasme, au-del de la russite au concours, que peuvent apporter les tudiants ce qui leur est offert, et le got de lexpri