Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

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Coordination scientifique

Marie-Antoinette Dekkers

Séminaire Vitesse Apports récents de la recherche

en matière de vitesse

22 juin 2005

Actes INRETS n°105 Décembre 2006

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Coordination scientifique :

Marie-Antoinette Dekkers, Chargée de Recherche à I'INRETS, Secrétaire de la Fondation Sécurité Routière [email protected]

Auteurs des communications :

Jean-Claude Abric, Maurice Aron, Jean-Pascal Assailly, Jacques Beaumont, Marie-Berthe Biecheler-Fretel, Laurent Garnis, Jean-Pierre Cauzard, Simon Cohen, Mehdi Danech-Pajouh, Sophie Delgery, Patricia Delhomme, Marc Gaudry, Yves Girard, Jean-Baptiste Lesort, Gilles Malaterre, Jean-François Peytavin, Carine Pianelli, Farida Saad, Eric Violette.

Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité

2, avenue du Général Malleret-Joinville 94114 ARCUEIL CEDEX- www.inrets.fr

© Les collections de l'IN RETS W ISBN 2-85782-625-7 No ISSN 0769-0266

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Fiche bibliographique UR (1"' auteur) Projet W IN RETS

w 105

Titre

Séminaire Vitesse Apports récents de la recherche en matière de vitesse

Sous-titre Langue

Séminaire du 22 juin 2005 F

Auteur(s) Rattachement ext.

Nom adresse financeur, co-éditeur W contrat, conv. Direction de la Sécurité et de la Circulation DSCR/INRETS Routières (DSCR) CV05-022 La Grande Arche Paroi Sud 92055 - La Défense Cedex

Date de publication

Décembre 2006

Remarques

Résumé

L'apport incontestable des radars automatiques à l'amélioration de la sécurité routière en France depuis 2003 n'a pas épuisé le débat souvent conflictuel autour des limitations de vitesse. La DSCR et l'IN RETS ont souhaité au travers d'un séminaire de capitalisation des connaissances issues de la recherche dégager de nouvelles pistes de communication pour renforcer la valeur positive des limitations de vitesse ainsi qu'analyser dans une perspective prospective l'expé-rience française depuis !a mise en place du contrôle·sanction automatisé.

La session du matin a permis d'aborder différents effets physiques, économiques et environ· nementaux de la vitesse et leur modélisation. La session de J'après-midi s'est plus intéressée à la détermination des comportements de vitesse et à !'acceptabilité sociale du contrôle·sanction automatisé.

Mots clés

Vitesse, sécurité routière, contrôle·sanction automatisé

Nb de pages Prix Bibliographie

218 p. 15,24 € Oui

Actes !NRETS n., 105 3

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Publication data form UR (1st author) Projet W IN RETS synthesis

W105

Title

Speed Seminar Results of recent research and their contributions

Subtitle Language

Seminar held on June 22, 2005 F

Author(s) Affiliation

Sponsor, co-editor, name and address Contract, conv. No

Direction de !a Sécurité et de la Circulation Routière DSCR/INRETS CV05-022 (DSCR)

Publication date

Oecember 2006

Notes

Summary

Since their introduction in 2003, automatic speed cameras have made an undisputed positive contribution to raad safety in France. However the issue of speed limits remains controversia!. The French raad safety administration and INRETS organized a seminar to discuss and investi-gate recent speed related research results. There were two main objectives; the first one was to highlight new themes for communication and advertising in arder to strengthen the positive value attached to speed limîts. Second, to analyse the French experience since the implementation of automated enforcement of speed !imits and to draw conclusions especia!ly regarding public acceptance issues.

The morning session dealt with the various effects of speed - physical, economie, environmen-tai and their modelling. The afternoon session was more devoted to the factors that influence speed behaviour and to the public acceptance of automated enforcement of vehicle speeds.

Key Words

Speed,road safety,automatic enforcement of vehicle speeds

Nb of pages Priee Bibliography

218 p. 15,24 € y es

4 Actes INRETS n' 105

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Table des matières

Préface par Guy Bourgeois, Directeur Général de I'INRETS ........................... . 7

Exposé introductif Rémy Heitz, Délégué interministériel à la sécurité routière.................. 9

Première session

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? Aspects psychologiques et épidémiologiques

Jean-Pascal Assailly .. . ... .. .... .. .... .. . ... .. . ............. ... .. . ... .. . ... .. . ... ... ... .. .... ... . 11

Vitesse individuelle, vitesse de flot : quelques rappels sur la physique du trafic

Jean-Baptiste Lesort ........................................................................... .

Vitesses, temps intervéhiculaires et accidents

41

Maurice Aron, Marie-Berthe Biecheler-Fretel, Jean-François Peytavin 4 7

Considérations sur l'évolution des courbes débit-vitesse Simon Cohen ........................................................................................ 57

Anticipation de l'état du trafic via les mesures de vitesses Mehdi Danech-Pajouh .......................................................................... 67

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route : rappel de deux résultats en France

Marc Gaudry .. . . .. ... . .. .. . . .. ... . .. ... . .. ... . .. . .. . .. . .. . .. . .................. .... .. .... .. .... ..... . 81

Environnement et vitesse Jacques Beaumont ............................................................................. .

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse de jeunes automobilistes

97

Sophie Delgery et Patricia Delhomme .................................................. 103

La vitesse et sa limitation vues par les conducteurs européens Jean-Pierre Ca uza rd............................................................................. 127

Actes INRETS no 105 5

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Deuxième session

Modération de la vitesse et ergonomie routière Yves Girard ........................................................................................... 137

Comportements individuels de vitesse et de ralentissement Gilles Malaterre ................................................................................. 147

Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse : les enseignements du Montana

Laurent Garnis ...................................................................................... 155

Acceptabilité du CSA : connaissance, crédibilité de l'information et efficacité perçue

Isabelle Ragot................... .................................................................. 173

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA chez les conducteurs: contenus, structures et relations

Jean-Claude Abric, Carine Pianelli, Farida Saad .................................. 183

Radars de contrôle automatisé : quels effets sur les vitesses locales ? Eric Violette................................................. ......................................... 201

Conclusion du séminaire............................................................................ 215

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Préface

Guy Bourgeois Directeur général de /'IN RETS

Deux ans après l'installation des premiers radars, dans un contexte d'in­terrogation sur la pérennité de leur acceptation par les Français, l'organisation de ce « séminaire Vitesse " est venue répondre à une demande sur l'état des connaissances scientifiques, exprimée tant par la direction du projet interministé­riel contrôle automatisé que par le délégué interministériel à la sécurité routière. Comment en effet fonder les décisions relatives à la poursuite du projet, une fois les mille premiers radars installés ? Il était essentiel de savoir transférer à cette occasion la véritable expertise en matière de vitesse que l'IN RETS a accumulée au fil des ans.

L'INRETS, institut de recherche finalisée sur des thématiques aussi centrales pour la collectivité que la sécurité routière, l'énergie, l'environnement, reçoit des sollicitations de plus en plus fréquentes d'acteurs ayant à prendre des décisions à fort enjeu sociétal dans des contextes de plus en plus complexes. La réponse fournie par l'expertise a vocation à constituer l'étape initiale d'un processus de décision. L'INRETS veut développer sa capacité à établir le bilan des connais­sances sur un sujet donné, dans un délai court et de manière crédible. Il contri­bue ainsi à renforcer le potentiel de transfert des connaissances produites par ses chercheurs vers les utilisateurs potentiels, transfert dont le besoin est crucial dans le champ de la sécurité routière où de multiples structures, associatives, administratives (centrales ou locales), voire industrielles, ressentent comme insuffisants les « ponts >> avec les chercheurs et l'état des connaissances.

L'expertise collective représente beaucoup plus que la somme des expertises individuelles : c'est la forme opérationnelle d'un corpus de connaissances, après confrontation et enrichissement des apports de chacun des experts qui y sont associés. Le séminaire vitesse témoigne de la volonté de I'INRETS de s'engager sur des travaux similaires. Et son souhait est de se voir confier par les Pouvoirs publics, au vu des actes de ce séminaire, des exercices de cette nature.

Actes INRETS n' 105 7

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Introduction du séminaire

Rémy Heitz Délégué interministériel à la sécurité routière

Quels peuvent être les apports de la recherche dans le débat permanent sur la limitation de la vitesse en France et comment mobiliser notre système national de recherche, d'expertise et d'innovation pour la maîtrise de la vitesse, deux questions que nous allons chercher à faire progresser au cours du séminaire Vitesse organisé par I'INRETS avec la DSCR.

Ce séminaire répond d'abord à un besoin de capitalisation des connaissances sur une question centrale pour la politique de sécurité routière. Des faits sont aujourd'hui solidement établis au niveau international : l'abaissement des vites­ses réglementaires entraîne sur tous les réseaux routiers une baisse du nombre d'accidents, du nombre de tués et du nombre de blessés graves.

Cette capitalisation des connaissances est d'autant plus nécessaire que le débat public sur la limitation de vitesse conserve un caractère confiictuel. Le dépassement des limitations de vitesse réglementaires reste un comportement de masse même si les grands dépassements sont en baisse sensible dans notre pays. Il ne s'agit donc pas de convaincre une minorité de nos concitoyens de changer leurs comportements comme pour la lutte contre l'alcool au volant.

Ce séminaire Vitesse est l'occasion d'une approche plus transversale de la sécurité routière dans un monde des transports où tout pousse à améliorer les performances des systèmes sans consacrer les moyens nécessaires à l'évalua­tion des effets « secondaires >> en termes de sécurité routière ou d'environne­ment pour l'ensemble de la société. La médiatisation des problèmes d'usage des régulateurs de vitesse est un révélateur d'un doute plus profond sur les effets positifs du progrès technique dans notre société.

Le point de départ pour l'organisation de ce séminaire a été bien entendu le grand changement en 2002 dans notre pays symbolisé par la décision politique du déploiement sur l'ensemble du territoire national de radars de contrôles auto­matiques. L'observation des changements de comportements des conducteurs français par rapport à la Vitesse, directement liés ou non à cette mesure, est un grand chantier pour la recherche.

La limitation de vitesse est de plus en plus associée à la sécurité routière dans l'opinion. Mais les Français continuent de penser que les autres conduc­teurs dépassent souvent les limites de vitesse, ce qui est un signe de la relative « fragilité >> de l'acceptation de la limitation de vitesse.

Actes INRETS n' 105 9

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Ainsi, dans le contexte actuel de débat sur la relance de la recherche au niveau national et européen, la maîtrise de la vitesse est-elle un axe structurant pour développer des recherches avec des partenaires diversifiés. Le programme du séminaire montre bien la diversité des approches : aspects psychologiques et épidémiologiques, vitesses individuelles et vitesses de flux, comportements de transgression de la limite de vitesse des jeunes automobilistes, modération de la vitesse et ergonomie routière, ...

En introduction, je soulignerai la nécessité pour les pouvoirs publics de dispo­ser des connaissances nécessaires pour agir à différents niveaux :

- Continuer à améliorer l'efficacité du système de contrôle-sanction (pas seulement automatisation des contrôles mais modernisation de l'ensem­ble du système). L'INRETS et l'ensemble du réseau technique de l'Equi­pement se sont mobilisés sur ce chantier prioritaire et il faut maintenant développer une pratique de l'évaluation.

- Intégrer totalement la maîtrise de la vitesse dans les objectifs d'exploi­tation de la route et de régulation du trafic comme qualité de service. La DSCR n'étant plus maître d'ouvrage routier, son positionnement sur ce type d'objectif pour tous les réseaux routiers est une nouvelle donne pour le développement de partenariats avec des collectivités locales ou des sociétés d'autoroutes.

- Etre force de proposition au niveau européen pour promouvoir le déve­loppement des limiteurs de vitesse et des enregistreurs de données des événements de la route. Des résultats intermédiaires du projet LAVIA - Limiteur s'Adaptant à la Vitesse Autorisée seront présentés aujourd'hui mais les résultats de cette expérimentation nationale seront disponibles en Juin 2006. L'INRETS et tous les partenaires publics et privés du projet ont mis tous les moyens nécessaires pour réussir cette dernière étape de l'évaluation sur flottes de véhicules.

- Mettre dans le débat public des évaluations scientifiques des coûts directs et indirects de la vitesse, du risque relatif par type de véhicule ou de l'agressivité externe du véhicule par rapport aux autres usagers (piétons et deux roues en particulier).

Le rapport Na mias insistait déjà fin 1994 sur l'importance de la communication pour faire évoluer l'image de la limitation de vitesse vers une valeur positive. Il est donc essentiel que les résultats des recherches soient accessibles à un cer­cle plus large d'acteurs économiques, sociaux, associatifs, au delà de la seule communauté scientifique.

10 Actes !NRETS n<> 105

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Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? Aspects

psychologiques et épidémiologiques

Jean-Pascal Assailly IN RETS- Laboratoire de Psychologie de la Conduite jean-pascal. assaillv@inrets. fr

Résumé

L'exposé portera sur une synthèse des données produites par la recherche en sécurité routière sur la vitesse. Seront abordés notamment :

- la valeur symbolique et sociétale de la vitesse,

- l'analyse des facteurs de risque,

- le lien vitesse-accident,

- le lien entre la vitesse et les autres infractions,

- la perception de la vitesse par le conducteur,

- les modèles théoriques sur le choix de la vitesse pratiquée,

- les outils de la gestion de la vitesse, notamment Je CSA,

- les réactions des conducteurs.

1. La vitesse dans le système social de circulation, la valeur symbolique et sociétale de la vitesse

A-La vitesse comme valeur... homo sapiens... home stressus... homo demens ...

La valeur symbolique de la vitesse est fortement infiuencée par le rapport de l'homme au temps: ce dernier vit de plus en plus dans un<< M.G.V. >>(un monde à grande vitesse); lorsque l'on communique aux conducteurs que l'on gagne 6 minutes si l'on roule à 150 au lieu de 130 sur autoroute, nombreux apparemment sont ceux qui ne veulent pas renoncer à ces 6 minutes ...

Actes IN RETS n" 105 11

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vUesse

L'origine de la valeur de la vitesse n'a d'ailleurs pas attendu l'automobile, mais peut être située à l'émergence du temps des marchands et du temps capi­taliste au Moyen Age; jusqu'alors, le temps appartenait à Dieu (« Dieu a fait le temps et il en a fait beaucoup>> est un célèbre proverbe en Irlande ... ), l'éternité était la limite et les clochers sonnant les heures suffisaient bien pour organiser la vie quotidienne ... A partir du Xl• siècle, on voit la naissance des horloges puis des chronomètres ... on passe de l'éternité au centième de seconde ... le temps devient de l'argent..

Dans notre monde moderne, tout reflète la valeur de la vitesse : le Concorde, le TGV, la BMW, les fast food, le micro-ondes, l'internet, les moyens de télécommuni­cation, la Bourse, etc. Il ne s'agit plus de travailler bien mais de travailler vite ...

Sur la route, cette valeur se double d'une connotation de richesse, de puis­sance, de dominance : de la fortune des champions de Formule 1 à tel homme d'affaires connu toisant le motard venant de l'arrêter à 220 ( « une voiture comme ça, tu ne pourras jamais te la payer» ... )

Cette fracture temporelle se traduit par une fracture sociale : les sociétés riches « laissent sur place » les sociétés pauvres._.

Mais un paradoxe s'installe : plus l'espérance de vie s'allonge, plus le temps de travail se réduit, plus les machines nous font gagner du temps eL plus l'être humain a l'impression de manquer de temps ...

Ainsi, à propos des déplacements automobiles, il semble prévaloir une seule loi : toujours plus loin, toujours plus vite. Les gains de vitesse ne servent pas à réduire la durée des trajets quotidiens. On constate une sorte d'homéostasie du temps passé du fait de l'évolution des prix de l'immobilier : le temps de déplace­ment reste le même pour des distances plus longues (Orfeuil, 2000)1•

Plus généralement pour le psychologue, derrière l'obsession de « gagner du temps» et du « time is money », se cache la hantise de la mort et le fantasme de l'immortalité ... Ceci est dû à une séquestration de l'expérience, la mort ne fait plus partie de la vie des hommes ... et ils ne savent plus l'affronter. ..

Pour conclure, cette « civilisation de l'urgence» confond vitesse et précipitation, ...

8-la vitesse comme objet ambivalent : plaisir et mort

Dès l'apparition du premier véhicule automobile, le Fardier à vapeur du Docteur Cugnot en 1770, qui roulait à 5 km/h, il se serait produit un accident dû à la vitesse ...

La vitesse ce sont donc aussi les décès très médiatisés de Lady Di, d'Albert Camus, de James Dean.

1 S'amorcerait actuellement, avec la recrudescence de la marche à pied et du déplacement en deux roues non motorisé, un infléchissement de cette tendance (selon les données de mobilité du DEST à I'INRETS).

12 Actes INRETS no 105

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Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Comme pour les substances psycho-actives ou l'érotisme, nous oscillons sans cesse entre ces deux images symboliques de la vitesse, entre le plaisir et la mort.

C-fa vitesse comme limite

Au delà des divers aspects techniques de la sécurité routière (vitesse, alcool, vigilance, port de la ceinture, etc), le respect citoyen d'une norme légale suppose, en dehors de la peur de la sanction, un travail psychologique sur soi : renoncer à la toute puissance qui est la position de base de tout nourrisson humain, au nar­cissisme (accepter ce que Lacan appelle la castration : nous devons reconnaître que nous sommes tous des êtres limités ... ). Ceci vaut dans tous les domaines, nous sommes, en l'occurrence, limités par notre capacité d'absorption de l'éner­gie cinétique ...

2. Comment un conducteur choisit-il sa vitesse ?

Le tableau suivant récapitule un certain nombre d'éléments qui interviennent dans ce choix de la vitesse.

Tableau récapitulatif

Environnement Conducteur

-limite légale -âge/expérience - contrôle~sanction -sexe -CSA -temps/revenu, csp -profil de la route -perception du risque -visibilité - accidents antérieurs -moment -infractions antérieures -météo -longueur du trajet -proximité du domicile -port de la ceinture -densité -urgence temporelle

-kilométrage -alcoolisation -passagers -téléphone (variations)

2.1. En fonction de ses caractéristiques

a) L'âge

Véhicule

-masse -âge -modèle

Que l'on s'appuie sur les études par questionnaires ou entretiens, sur les études détaillées d'accidents ou sur les fichiers statistiques, on voit bien que les jeunes roulent plus vite que les adultes. Une étude récente sur les accidents des jeunes conducteurs (Clarke, 2005) montre bien que ces accidents sont nettement

Actes INRETS n" 105 13

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

plus liés à des prises de risque volontaires qu'à des déficits de savoir-faire. Parmi ces prises de risque volontaires, la vitesse vient très loin en tête, devant l'alcool. Nous avons abondamment analysé (Assailly, 2001) la fonction psycho-biologique de ce goût pour la vitesse (recherche de sensations, libération de la dopamine, fuite de l'angoisse par la peur, etc.).

b) Le sexe

Là encore, quelle que soit la méthodologie employée, on observe que les hommes roulent en moyenne plus vite que les femmes ; les facteurs évoqués plus haut à propos de l'âge peuvent aussi s'exprimer dans cette différence liée au sexe ...

c) La CSP

Selon les études psychosociologiques menées à I'INRETS par Cauzard et Barjonet (1987, 1988), certaines catégories se singularisent par l'achat de voi­tures très puissantes, la pratique de vitesses élevées, J'hostilité aux mesures de limitations de vitesse : les cadres supérieurs, les PDG, les professions libérales ; les VRP sont également un groupe à risque mais pour d'autres raisons ...

d) La présence de passagers

Ce facteur interagit avec l'âge. Elle a un effet négatif sur l'excès de vitesse chez les jeunes conducteurs et au contraire positif pour les conducteurs adultes (lngham, 1991a et b; Rolls, 1991); les processus psychologiques conduisant à cette différence se comprennent aisément. ..

e) Le modèle du véhicule

L'appartenance au haut de gamme favorise la vitesse pour des raisons évidentes.

f) Le fait d'être un « gros rouleur >>

Le choix d'une vitesse élevée répond au souci de minimiser son temps et son exposition sur la route.

g) Le degré d'alcoolémie

On ne constate que peu de « chevauchement » entre les sous-groupes de conducteurs commettant les infractions vitesse et alcool (cf. Biecheler et al., 1999), en tous cas pour les délits ; par contre, on trouve une association entre les alcoolémies légales et l'infraction vitesse. Ceci traduit l'effet euphorisant de l'alcool sur les conducteurs ayant un problème avec la vitesse, et pose toute la question de la distinction entre la loi et le danger : les petites alcoolémies légales peuvent être dangereuses.

14 Actes INRETS no 105

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Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémio!ogiques

h) Le port de la ceinture de sécurité

L'association vitesse-non port de la ceinture est plus fréquente, ce qui est un facteur de gravité de l'accident.

2.2. En fonction de facteurs situationnels

a) Les conditions météorologiques

La pluie, à condition qu'elle soit forte, réduit la vitesse moyenne mais aug­mente la dispersion des vitesses pratiquées.

b) L'infrastructure

La largeur de la route, les qualités du revêtement, l'environnement routier au sens large influent sur les vitesses pratiquées (cf. Cooper et al., 1980; Warren, 1982; Tignor et al., 1990; Fildes et al., 1987, 1989; European Transport Safety Council,1995; Parker,1997).

c) Le fait d'être en retard, etc.

Ainsi, 75 %des conducteurs disent choisir leur vitesse en fonction de ce que la route et le trafic permettent, et non pas en fonction des limitations de vitesse ...

2.3. La question de la congestion du trafic, un dilemme politique

La congestion est une conséquence indésirable de l'augmentation du trafic, mais elle est supposée avoir des effets sécuritaires :

- moins le trafic est fluide, moins les gens roulent vite et moins ils ont des accidents, particulièrement des accidents corporels, la densification du trafic pouvant au contraire s'accompagner d'une augmentation de la fré­quence des accidents matériels ...

Ainsi, à I'INRETS, Jean-Louis Martin (2002) a montré que la gravité des acci­dents était plus importante la nuit sur autoroute.

Par contre, en milieu urbain, la relation est moins nette ; par exemple, une étude anglaise récente (Noland et al., 2005, à paraître) a été menée dans Londres : les différences de gravité entre le « lnner '' et le « Outer " London sont faibles. Tout se passe comme si les différences de congestion ont de faibles effets, du fait de facteurs de confusion, des facteurs d'exposition. Par exemple, des corrélations entre la densité de giratoires et le nombre de piétons tués (infrastructure difficile à gérer la nuit pour les piétons). Par exemple, les densités respectives de certaines catégories de routes.

De même, la comparaison des heures de faible et de forte congestion ne montre pas de différences importantes.

En urbain, les différences de vitesse entre conditions de fort et faible trafic sont moins importantes qu'en rural.

Actes !NRETS no 105 15

Page 18: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Stradling (2004) a étudié l'influence des conditions du déplacement sur le choix de la vitesse pratiquée en Ecosse.

Dans ces conditions, je conduis ...

plus pareil plus lent vite

Etre en retard à un RV 1 44 55 Quand le traffic va plus vite que vous 3 67 30 Quand vous êtes stressé 23 56 21 Quand quelqu'un vous serre de trop près derrière vous 34 54 12 En écoutant de la musique 4 88 8 Quand il fait chaud 10 85 6 Avec des passagers de votre âge 6 90 4 Quand le traffic va plus lentement que vous 69 27 4 Sous !'éclairage 34 65 1 Dans l'obscurité 66 33 1 Sur des routes inconnues 88 11 1 Avec des passsagers plus âgés 37 62 00 Sous pluie légère 42 57 00 Avec des enfants passagers 57 42 00 Quand on voit une signalisation de radars 58 41 00 Quand on voit un radar 65 35 00 Sous forte pluie 96 4 00 Dans le brouillard 98 2 00

Il n'y a que deux variables qui soient bipolaires, c'est-à-dire qui peuvent faire ralentir aussi bien qu'accélérer selon les sujets : le stress, quand quelqu'un vous serre de trop près derrière vous.

Les analyses factorielles révèlent trois principales dimensions : les conditions de conduite difficiles (réduisent la vitesse), la responsabilité envers autrui (rédui­sent ou augmentent selon le contexte et l'usager : augmentation du risque chez les jeunes, diminution chez les adultes), la stimulation ou l'activation (augmentent la vitesse).

2.4. En fonction de l'adaptation à la vitesse

La vitesse perçue dépend des vitesses et des trajets antérieurs : elle sera sous-estimée à la suite d'une vitesse récente plus élevée (cf. les travaux de Viola Cavallo à I'INRETS). L'estimation varie en fonction des feedbacks visuels, auditifs, proprioceptifs, d'où le problème des pénétrantes, des sorties et bretelles d'autoroute pour rentrer dans les villes ...

2.5. En fonction du type d'usage, notamment professionnel

Les accidents de trajet sont devenus la première cause d'accidents du travail (en France comme en Australie ... ).

16 Actes INRETS n' 105

Page 19: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Choix des vitesses dans divers scénario pour les infractionnistes et les non infractionnistes (Stradling, 2004)

%plus vite %plus lent

non non inf

inf inf

inf

Etre en retard à un RV 49 64 Quand le traffic va plus vite que vous 26 35 Quand vous êtes stressé 18 24 Quand le traffic va plus lentement que vous 3 6 Sur des routes inconnues 89 86 Quand on voit un radar 59 74 Quand on voit une signalisation de radars 56 63 Avec des passsagers plus âgés 34 44

Proportion des accidentés et non accidentés (Stradling, 2004)

%plus vite %plus lent

non non ace ace ace ace

Etre en retard à un RV 53 65 Quand vous écoutez de la musique 7 15 Quand vous êtes stressé 19 28 Quand le traffic va plus vite que vous 29 34 Quand on voit un radar 64 71 Avec des enfants passsagers 56 65

Chi2

.000

.005

.091

.009

.000

.000

.001

.000

Chi2

.000

.000

.005

.038

.001

.083

Les conducteurs conduisant pour un usage professionnel sont-ils plus sus­ceptibles de dépasser les limites légales et d'être détectés du fait des contraintes d'urgence temporelle? C'est ce que pensent les Anglais (Stradling et al., 2000).

Dans une étude australienne récente (Newnam et al., 2004), on a comparé la conduite du même individu lorsqu'il conduit lors d'un trajet professionnel et lors d'un trajet « privé ''

Contrairement aux attentes, les conducteurs rapportent plus d'intentions de transgressions lorsqu'ils conduisent leur propre véhicule qu'un véhicule pour usage professionnel. Les processus psychologiques en cause dans l'intention, la norme subjective perçue et le regret anticipé, ne sont pas les mêmes dans les deux situations.

Ainsi, la norme subjective perçue à propos de l'infraction est-elle plus négative lors de l'usage professionnel. Les intentions de dépasser ou non les limites légales dépendent de la « culture de sécurité " de l'entreprise : si elle

Actes INRETS no 105 17

Page 20: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

est forte, l'employé craindra plus la stigmatisation ... et le regret anticipé sera plus fort.

2.6. En fonction des autres

Le choix de la vitesse s'effectue aussi en fonction :

- de la vitesse des autres (les modèles de contagion sociale : norme sociale perçue, imitation, pression, comparaison de sa vitesse à celle des autres) ;

- des réactions des au/ruis significatifs.

Bien qu'ils reconnaissent le rôle causal de la vitesse, la plupart des conduc­teurs pensent qu'un dépassement jusqu'à 20 km/h n'est pas grave ...

Delhomme à I'INRETS (1991), Svenson (1985) et d'autres ont mis en évi­dence le biais d'optimisme comparatif: les conducteurs s'estiment meilleurs que «le conducteur moyen >> ...

Vont-ils donc estimer que les messages des campagnes ne les concernent pas puisque ces messages sont pour les mauvais conducteurs ? ...

En fait, les conducteurs surestiment les vitesses réellement pratiquées par les autres conducteurs, de 8-10% environ.

On retrouve le «tout le monde le fait, alors>> ... , observé pour d'autres infrac­tions comme l'alcoolémie.

Six cas de figure se dégagent en fonction de la vitesse pratiquée et de la perception de la vitesse des autres :

1) les conducteurs qui disent conduire plus lentement que la moyenne, ce qui est vrai mais qui sous-estiment la vitesse moyenne ;

2) les conducteurs qui disent conduire plus vite que la moyenne, ce qui est faux;

3) les conducteurs qui disent conduire plus lentement que la moyenne, ce qui est vrai mais qui surestiment la vitesse moyenne ;

4) les conducteurs qui disent conduire plus vite que la moyenne, ce qui est vrai mais qui sous-estiment la vitesse moyenne ;

5) les conducteurs qui disent conduire plus lentement que la moyenne, ce qui est faux : c'est surtout ce groupe qui est dangereux, et qui se sentira non concerné par les campagnes ;

6) les conducteurs qui disent conduire plus vite que la moyenne, ce qui est vrai, mais qui surestiment la vitesse moyenne.

Une étude néo-zélandaise récente (Wallon, 2001) confirme que ce sont bien les conducteurs du cinquième groupe qui sont résistants aux messages :

Pour qu'un message soit actif, il faut qu'il soit reçu, pour qu'il soit reçu il faut qu'il ne soit pas brouillé par les distorsions cognitives de la perception de soi, des autres et du danger

18 Actes !NRETS no 105

Page 21: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Si certains conducteurs exagèrent les déviances des autres, c'est un méca­nisme de défense, de réduction de la dissonance cognitive à propos de leurs propres comportements déviants.

Il faudra donc impulser des campagnes sur le thème : non, tout le monde n'est pas aussi déviant que vous le croyez ...

D'ailleurs, les conducteurs du sixième groupe surestiment la vitesse des autres comme ceux du cinquième.

Une autre hypothèse est que, lorsque sur certains réseaux, la transgres­sion est très fréquente, le conducteur modèle son comportement sur la norme perçue.

En tenant de compte de ces distorsions, on peut faire comprendre que « cette campagne s'adresse à moi>> ...

2.7. En fonction des évolutions technologiques

A sensation de confort égale, les améliorations des pneumatiques, de la suspension, du freinage, de l'isolation phonique et de l'acoustique des véhicules ainsi que les améliorations des revêtements routiers « autorisent >> des vitesses plus élevées.

3. Le risque et la dangerosité associés à la vitesse : mise en évidence du rôle de la vitesse dans les accidents

3.1. La théorie de la relation vitesse-accidents est physique

Deux dimensions physiques entrent en jeu :

- l'une, l'énergie, joue sur la gravité de l'accident,

- l'autre, le temps joue sur la fréquence des accidents.

La distance d'arrêt croît exponentiellement avec la vitesse (144 m à 120 km/ h !. .. ) et l'énergie dissipée en cas de choc est proportionnelle au carré de la vitesse (E = MV2). La distance parcourue pendant le temps de réaction, avant le début du freinage effectif, augmente avec la vitesse. En outre, celle-ci induit une plus grande difficulté, voire une impossibilité, à négocier une courbe (force centrifuge) ou à éviter un obstacle.

Se pose d'emblée la question des rapports entre la vitesse d'une machine et les limites de l'opérateur humain, la pression mise sur la prise de décision.

Les deux modèles les plus consensuels actuellement au sein de la recher­che en sécurité routière sur le comportement du conducteur sont fondés sur cet équilibre, le modèle de l'homéostasie de la difficulté de la tâche de Fuller (2005, à paraître) à propos de la performance de conduite, le modèle de la matrice hiérarchique de GADGET (1999) à propos des motivations et des styles de vie.

Actes !NRETS no 105 19

Page 22: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Fuller a ainsi développé le modèle de J'interface entre la tâche et la capacité.

Ce modèle part de l'idée que le contrôle du véhicule est maintenu lorsque la tâche n'excède pas la capacité du conducteur, la perte de contrôle pouvant inter­venir lorsque la tâche excède cette capacité.

Toutefois, la perte de contrôle ne conduit pas toujours à une collision, cf. Je schéma ci-dessous. Parfois, c'est un autre usager qui par son comportement « déviant >> et inattendu va modifier brutalement J'équilibre entre capacités et exigences mais Je conducteur fera face, parfois, c'est J'autre qui lui « sauvera la mise» ...

Donc, la question devient : qu'est-ce qui détermine les capacités du conduc­teur, et qu'est-ce qui détermine les exigences de la tâche ?

L'interface capacités/exigences

Evitement heureux

Facteurs Constitutionnels

~~ Formation Expérience

~/ coretence

Facte~mains

Actions compensatoires des autres conducteurs

Perte de contrôle (C inf à E)

Collision

Capa X Ccs~~r~~) ?;n~::::â:::ch:::e::::::::=------

Posi~ Vitelse Véhicule Autres Environnement et trajectoire usagers

La manipulation de la vitesse pratiquée est le premier facteur qui joue sur la difficulté perçue de la tâche. Supprimer les sources secondaires de distraction vient en second, car téléphoner en conduisant va faire basculer le système vers la perte de contrôle.

20 Actes INRETS n' 105

Page 23: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Le modèle de l'homéostasie de la difficulté de la tâche

Capacité perçue ; -­objectifs du trajet ; motivation

Eventail des difficultés____.. Comparateur

•=•··~ " ,_ OoM j Difficulté perçue de la tâche

Difficulté ré~ de la tâche

Décision et réaction

1 Effets sur !a vitesse du véhicule, sur la position et sur tes autres usagers

Donc, difficulté et complexité de la tâche sont deux dimensions distinctes : une tâche simple peut excéder les compétences d'un conducteur, si une tâche complexe est en dessous des compétences du conducteur, elle sera jugée comme «facile>> ...

Lorsqu'on atteint le seuil de bascule entre capacités et exigences, le mode d'évolution n'est pas une réaction de catastrophe mais plutôt une dégradation progressive du contrôle : le conducteur commence par perdre le contrôle d'une dimension, la position par exemple ; les études sur simulateur montrent par exemple que les tâches à basse priorité sont « sacrifiées >> (regarder dans le rétroviseur par exemple), puis ensuite des tâches à haute priorité (regarder devant soi 1) ... En tous cas, le conducteur devient souvent incapable de maintenir une trajectoire ou d'éviter un obstacle ...

Ce modèle explique bien le sur risque des conducteurs novices : ils sous-esti­ment la difficulté de la tâche en surestimant leur capacité et en sous-estimant les contraintes de la tâche ...

Il suggère des pistes préventives : faire sembler la tâche plus difficile qu'elle ne l'est en réalité ...

Les deux prédictions de la théorie qui ont été vérifiées sur simulateur sont :

- toutes choses égales par ailleurs, la difficulté de la tâche doit être corrélée à la vitesse,

- le risque perçu est nul tant que le ratio difficulté/capacité n'excède pas un certain seuil.

Il reste à les vérifier en situation réelle.

Donc, pour conclure sur les enseignements du modèle de Fuller à propos de la vitesse : rouler plus lentement simplifie la tâche de conduite et permet la récu­pération des erreurs, telles que celles produites par J'alcool ou la fatigue ...

Actes INRETS no 105 21

Page 24: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Le modèle hiérarchique du projet GADGET

Niveau hiérarchique Contenu de l'éducation du conducteur : du comportement Connaissances et Facteurs Auto évaluation (degré de généralité):

compétences que d'accroissement le conducteur doit du risque dont le maîtriser conducteur doit être

conscient afin de les éviter

Projets de vie et Connaissances Connaissances Conscience de aptitudes à la vie pour appréhender/ pour appréhender/ ses tendances (global) maîtriser maîtriser les risques personnelles

comment les projets liés aux projets de vie concernant le contrôle généraux de vie et et aux valeurs, au style des impulsions, les les valeurs, le style de comportement, à motivations, le style de de comportement, les la pression sociale, à vie, les valeurs, etc. normes de groupe etc. l'abus de drogues etc. affectent la conduite automobile.

Objectifs et contexte Connaissances Connaissances Conscience des de la conduite et compétences et compétences facteurs personnels (déplacement concernant les concernant les risques concernant les particulier} éléments relatifs au liés aux objectifs du compétences de

déplacement (effet déplacement, au programmation, les des objectifs, choix contexte de conduite, à objectifs spécifiques de !'environnement, la pression sociale, au de conduite, les effets de la pression but de la conduite, etc. motivations de sociale, évaluation des conduite, etc. contraintes, etc.).

Maîtrise des situations Connaissances Connaissances Conscience des de circulation (situation et compétences et compétences facteurs personnels particulière) générales concernant concernant la vitesse concernant les

les règles, l'adaptation inappropriée, les compétences, le de la vitesse, les faibles marges de style de conduite, la marges de sécurité, la sécurité, le nonH perception des risques, signalisation, etc. respect des règles, etc. du point de vue

!es conditions de des forces et des circulation difficiles, les faiblesses. usagers vulnérables, etc.

Maniement du véhicule Connaissances Connaissances et Conscience des (situation particulière) et compétences compétences relatives forces et faiblesses

élémentaires au maniement, aux personnelles concernant le caractéristiques, concernant !es maniement, les à !'adhérence du compétences caractéristiques, véhicule, etc. élémentaires de l'adhérence du conduite, la maîtrise véhicule. du véhicule dans

des situations dangereuses.

Ce modèle repose sur le principe que les niveaux supérieurs du comportement produisent des pressions et des contraintes sur les niveaux inférieurs.

22 Actes INRETS no 105

Page 25: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémio!ogiques

Quant aux enseignements du modèle hiérarchique à propos de la vitesse, ils sont assez évidents : un manque de contrôle de soi, un style de vie, une norme de groupe, etc. vont produire la pratique d'une vitesse excessive, ce qui mettra trop de pression sur les niveaux inférieurs du com­portement et produira des erreurs qui ne pourront plus être récupérées au niveau tactique ou opérationnel.

3.2. La relation vitesse-fréquence de l'accident

Une vérité statistique est solidement établie : les études en France et à l'étranger l'ont largement démontrée et elle fonde l'instauration de limitations de vitesse : il y a une étroite corrélation entre la vitesse et le nombre de tués sur les routes, et inversement, ce nombre diminue d'autant plus que les limitations sont rigoureuses et strictement appliquées.

Il est admis en règle générale qu'une augmentation de 1 km/h de la vitesse moyenne entraîne une hausse des accidents de 3 %. Les études anglaises récentes indiquent qu'une diminution de la vitesse moyenne de 1,6 km/h réduit les accidents corporels de 5 %. Cette réduction varie en fonction du réseau, elle est plus importante en zone urbaine (6 %) et moins importante sur voie rapide (3 %).

3.2.a. La question de la dispersion

La vitesse moyenne n'est pas le seul facteur de risque, la dispersion, l'hétéro­généité des vitesses interviennent aussi car elles favorisent les conflits de trafic. De même, la dispersion augmente les probabilités de dépassements et donc de collisions.

Ainsi, un abaissement de la limite légale de vitesse peut - il produire plus d'hétérogénéité des vitesses pratiquées, entre ceux qui respectent la règle, ceux qui la violent et ceux qui ne la respectent que par moment...

Dans les années 60-70, on a établi une courbe en U du rapport entre implica­tion accidentelle et déviation par rapport à la vitesse moyenne : les conducteurs très (trop) lents et les conducteurs trop rapides auront plus d'accidents que les conducteurs moyens.

Le risque de collision augmente avec le différentiel de vitesse entre un véhi­cule et la vitesse moyenne du trafic.

Donc,« la variance tue>> ... et de ce point de vue une augmentation des limites légales de vitesse pourraient avoir un effet positif...

Ceci a conduit à la théorie de Hauer (1971) sur les dépassements : le nombre d'interactions entre véhicules (dépasser ou être dépassé) et donc de confiits de véhicules suit une courbe en U avec un minimum à la vitesse moyenne. Donc, la croisade univoque contre la vitesse ne devrait-elle pas être remplacée par une approche plus équilibrée pour lutter contre les vitesses à la fois excessivement lentes et rapides ?

Actes INRETS no 105 23

Page 26: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Cette conclusion a récemment été contestée.

Sur le plan accidentologique :

1) Parmi les conducteurs accidentés à de faibles vitesses, il y en a une partie qui effectuait un virage au moment de l'accident. Il est normal de ralentir pour cette manœuvre, donc ce n'est pas la lenteur qui est dangereuse mais la manœuvre. Effectivement, si on enlève les véhicules tournants, la courbe en U ne tient pas et les conducteurs lents ne sont pas plus accidentés. Il en découle qu'il faudrait également traiter le problème des changements de direction.

2) Si la dispersion était vraiment un facteur de risque majeur, on aurait beau­coup d'accidents de véhicules circulant dans la même direction (les collisions arrière avec un véhicule ralentissant) ; or ces accidents ne correspondent qu'à 5 % des accidents mortels. En effet, les accidents mortels les plus fréquents sont:

- la sortie de route d'un véhicule seul,

- les collisions frontales.

Ainsi, des recherches plus récentes ont été menées en Australie (Fildes et al., 1991) : on mesure les vitesses de conducteurs, on les arrête puis on leur demande leur bilan accidentel. On observe une courbe ascendante et l'on n'ob­serve pas les déviations inférieures importantes des années 60-70 :cette« dis­parition >> de la surimplication des conducteurs très lents est-elle due aux évolu­tions technologiques des véhicules, à la diminution des infractions-alcool ?

Sur le plan mathématique, l'hypothèse de la dispersion a été contestée par Davis (2002) qui y voit une « tromperie écologique >> : le lien dispersion-fréquence de l'accident est observé à un niveau agrégé, collectif mais n'est pas valable pour un risque individuel.

Ce débat est toujours actuel : un chercheur israélien (Navon, 2002) vient de publier un article sur les effets pervers des limitations de vitesse, qui augmentent la fréquence des interactions entre les véhicules ...

3.2.b. La question de la cause de l'accident

La vitesse n'est pas toujours LA cause de l'accident ; par exemple, dans le scénario le plus fréquent d'accident mortel des jeunes conducteurs, les causes autres que la vitesse ne manquent pas : alcool, cannabis, fatigue, pression des passagers, etc.

Donc, nous dirons que la vitesse est toujours au moins le facteur secondaire de l'accident : toutes choses égales par ailleurs, il aurait pu être évité, ou du moins être moins grave si la vitesse pratiquée avait été moins élevée.

3.3. La relation vitesse-gravité de l'accident

Elle est fondée sur la physique, E = MV2, l'énergie cinétique augmente expo­nentiellement. La relation entre vitesse et indices épidémiologiques de gravité

24 Actes INRETS no 105

Page 27: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

des blessures a été démontrée partout sur la planète, et notamment par les laboratoires de biomécanique de I'INRETS.

L'accident mortel peut survenir dès 40 km/h ... La relation est évidemment plus forte pour les piétons.

Les passagers impliqués dans une collision à 80 km/h ont vingt fois plus de chances de mourir qu'à 30 km/h. Heurtés à une vitesse de 32 km/h, 5 % des piétons sont tués ; à une vitesse de 48 km/h, 45 % sont tués et à une vitesse de 64 km/h, 85 % sont tués. Ces résultats justifient à eux seuls les zones 30 et la limitation de vitesse à 50 kmlh en ville.

Au fil du temps, à vitesse donnée, la gravité a tendance à diminuer du fait des améliorations technologiques apportées au véhicule, des fréquences grandis­santes d'utilisations des dispositifs de retenue et de l'amélioration de la sécurité tertiaire (les services d'urgences et l'organisation des secours).

3.4. Comparaison du risque lié à la vitesse et à d'autres infractions

Les résultats australiens

Les risques relatifs de l'alcool et de la vitesse ont fait l'objet d'une comparai­son groupe expérimental - groupe témoin sur les routes australiennes. Sur une route, on a relevé les alcoolémies et les vitesses des conducteurs accidentés (groupe expérimental) et celles de conducteurs conduisant au même endroit au même moment (groupe de contrôle);

- 19 % des accidentés étaient au dessus de la limite légale d'alcoolémie (étude faite le jour) contre 8% des conducteurs du groupe témoin ;

- 68 % des accidentés étaient au dessus de la limite légale de vitesse (60 kmlh) contre 42 % des conducteurs du groupe témoin ;

- 14% des accidentés roulaient à plus de 80 kmlh contre 1 %des conduc­teurs du groupe témoin.

Si l'on établit une comparaison alcool-vitesse, chaque incrémentation de 5 kmlh de la vitesse augmente le risque relatif d'accident de la même manière qu'une augmentation de 0.05 g de l'alcoolémie.

Ainsi, les risques relatifs des différentes vitesses sont-ils supérieurs à ceux des différentes alcoolémies.

D'où les conclusions des auteurs australiens :

- la transgression de la vitesse est plus fréquente que celle de l'alcool ;

- des mesures de sécurité routière ciblées sur la vitesse seraient plus effica-ces que des mesures sur l'alcool. ..

Or, le rôle de la vitesse dans l'étiologie de l'accident est sous-estimé et les sanctions sont bien moins fortes que pour l'alcool. .. De plus, la réduction des vitesses permettrait aussi de diminuer la fréquence des accidents liés à l'alcool.

Actes lN RETS no 105 25

Page 28: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

L'approche française du comportement de base (Biecheler, 1985)

Bon nombre d'études attestent également le caractère dangereux de la vitesse à l'échelle individuelle. L'ensemble des travaux menés sur le « Comportement de Base >> de l'usager est à cet égard éclairant. Le com­portement infractionniste en matière de vitesse repose sur deux ressorts fondamentaux : l'un consiste à choisir et à maintenir sa « vitesse de base >>

quelles que soient les conditions de circulation et constitue une constante de l'usager ; l'autre relève de la tendance à la compétition avec les autres usagers, s'exprimant principalement par des rivalités lors de dépassements ; les deux tendances qui ne s'avèrent pas obligatoirement liées peuvent coexis­ter L'infraction de vitesse est généralement le symptôme d'une tendance à l'irrégularité plus globale en matière de conduite ; elle s'accompagne d'un cortège d'infractions satellites, principalement des dépassements douteux, des manœuvres impliquant la proximité dangereuse d'autres usagers ou des violations de leur territoire de conduite. On continue pourtant le plus souvent à parler de la vitesse comme d'une modalité de conduite isolée, sans songer à la situer du côté de l'automobiliste dans l'ensemble des caractéristiques comportementales qu'elle induit.

Sur la question importante des proximités dynamiques dangereuses, des études de l'IN RETS (Aron el al., 1999) à partir de mesures objectives sur auto­route montrent que les temps intervéhiculaires courts sont souvent associés à des vitesses illégales dans des situations de trafic autorisant pourtant des intervalles sûrs : un conducteur sur dix roule à une vitesse supérieure à 130 km /h et à moins de 2 secondes du véhicule qui précède, et un sur vingt avec un temps intervéhiculaire inférieur à 1 seconde et une vitesse illégale. Aux enjeux de prévention ainsi mis en évidence peuvent répondre diverses solutions issues des progrès technologiques, d'alerte automatique et d'action sur le véhicule dans de telles situations.

Associée à la conduite sous l'effet de boissons alcoolisées la vitesse s'avère encore plus dangereuse. Or, la tendance à enfreindre les limitations de vitesse et à commettre de grands excès (de 30 à 40 km/hou de plus de 40 km/ h) se manifeste conjointement avec la tendance à rouler en état d'alcoolisation légère(< 0,25 mg/1). Ce résultat d'importance, est apparu lors de l'étude la liaison entre vitesse et alcoolémie, en situation réelle au moyen de mesures objectives par cinémomètre et éthylomètre (Biecheler, Filou, Pey1avin, 1994).

4. La gestion de la vitesse - les outils efficaces

Rappelons que la vitesse est limitée partout en Europe, sauf sur certaines sections des autoroutes allemandes, mais avec des différences importantes dans les seuils retenus d'un pays à l'autre (cf. enquêtes SARTRE).

On constate partout des taux de transgression importants, notamment sur autoroute et en agglomération.

26 Actes INRETS n" 105

Page 29: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémio/ogiques

La gestion de la vitesse comporte deux phases :

- la détermination des vitesses souhaitées pour chaque type de route en tenant compte de tous les critères (mobilité, sécurité, environnement) ;

- l'application des limitations légales et le choix des meilleurs outils pour les faire respecter.

4.1. Les enjeux de la gestion de la vitesse

Il est rare de comparer les efficacités respectives des diverses stratégies préventives sur les vitesses pratiquées et sur les accidents ; ceci vient d'être tenté récemment par une équipe de Liverpool (Mountain et al., 2005: Hirst et al., 2005).

En effet, dans les études de comparaison de type avant/après la mesure, les facteurs de confusion, la migration des accidents et la régression à la moyenne gênent la dite comparaison.

Même les approches randomisées ne peuvent distinguer l'effet d'une mesure donnée sur les accidents de l'effet de cette mesure sur le volume de trafic.

Ainsi, pour les radars, on évoque parfois un effet de migration des accidents : les conducteurs décèleraient brutalement à l'approche du radar, puis ré accélé­reraient ensuite pour rattraper le temps « perdu >> ; il y aurait donc moins d'acci­dents sur le site mais plus d'accidents un peu plus loin ...

Toutefois, les données anglaises et canadiennes récentes ne confirment pas l'hypothèse de la migration des accidents : les radars ont un effet sur l'ensemble du corridor.

La comparaison menée par l'équipe de Liverpool porte sur 150 sites de gestion de la vitesse répartis en Grande Bretagne, sur des réseaux limités à 50 miles/h et où la transgression était fréquente :

- 62 radars fixes,

- 19 radars mobiles,

- 39 aménagements« verticaux>> (gendarmes couchés),

- 31 aménagements« horizontaux (chicanes, mini-giratoires).

Comparaison 3 ans avant/ 3 ans après en contrôlant les facteurs de confu­sion, les tendances nationales, la régression à la moyenne et la migration des accidents.

Résultats:

1) Tous les dispositifs ont un effet sur les accidents : ils diminuent de 1 acci­dent corporel par km et par an.

2) Ce sont les aménagements verticaux qui sont les plus efficaces (moins 44% d'accidents corporels en moyenne par site), puis le CSA (moins 22 %)

3) Les aménagements horizontaux sont les moins efficaces.

Actes INRETS n' 105 27

Page 30: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

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Auteur

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Tableau synthétisant les données récentes sur les effets des mesures sur la vitesse

Date Site Type de Distance Contrôle des Effet estimé sur : mesure de l'effet facteurs de

confusion Corporels Graves

(1997} Norvège CSA variable Régression à la moyenne -20 °/o

(2003} Cambridge CSA 250m à la moyenne -46%

(2003} Cambridge CSA 2km à la moyenne -21%

(2003} Galles CSA 500m à la moyenne -51%

(2003} UK CSA 500 m à la moyenne, -19% -6% migration

(2003} UK CSA 1 km migration -19% -9%

(2004} UK CSA 500m -33% -40%

(1997} Londres CSA -9% -12%

(1996} UK Gendarmes couchés

(1996} UK apaisement du -58% trafic

(2001} Norvège apaisement du

Méta-analyse -25% trafic ......

Vitesses moyennes

-4,4%

-2,4%

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Page 31: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

4.2. Les contrôles aléatoires et leur médiatisation

Une comparaison entre l'Australie et la Nouvelle Zélande a permis de conclure que:

- à nombre de contrôles égal, c'est la médiatisation de l'action des policiers qui est le facteur permettant l'efficacité ;

- les véhicules mobiles ont plus d'effet que les véhicules stationnaires ;

- les lasers sont plus efficaces que les radars pour la détection ;

- l'effet de halo temporel est plus ou moins important selon l'intensité des contrôles;

- les contrôles aériens sont efficaces sur la vitesse et les accidents en auto­route et permettent de contourner l'obstacle des C.B. et des détecteurs de radars ...

4.3. Le CSA

Les contrôles automatiques par caméras couplées aux radars sont efficaces, à condition qu'une bonne gestion pénale suive ensuite.

- En Norvège, le CSA a été introduit en 1988 : il a conduit à une diminution de 20 % des accidents corporels.

- Une étude menée dans l'ouest de Londres en 1997 a mis en évidence une réduction de 12 % de réduction des accidents corporels sur la période : 3 ans avant- 3 ans après .

- La revue des travaux réalisée par Œi (1998) conclut que:

les accidents diminuent sur les sites ;

• les effets à plus long terme restent à démontrer en contrôlant la régression à la moyenne.

- Des expériences en Angleterre et en Colombie Britannique (Chen et al., 2002) indiquent une diminution des vitesses moyennes et des accidents et pas seulement sur les sites mais sur l'ensemble du réseau car les conduc­teurs ne peuvent deviner les segments contrôlés et non contrôlés ... donc l'hypothèse de la migration des accidents ne tient pas.

Enfin, une méta-analyse menée sur 6 pays conclut à une diminution de 17% des accidents corporels.

- Caméra cachée ou caméra visible ?

Keall et al. (2002) montrent, après évaluation de deux programmes sur plu­sieurs années en Nouvelle Zélande, que le programme << caméra cachée >> est plus efficace.

Toutefois, le prix de l'amende avait aussi été multiplié par 4, ce qui nous rappelle que le « toutes choses égales par ailleurs >> n'existe pas en sécurité routière ...

Actes IN RETS n' 105 29

Page 32: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse :apports récents de fa recherche en matière de vitesse

4.4. Les messages sur panneaux indicateurs à message variable

On informe ainsi les conducteurs qu'ils vont trop vite ou qu'ils ne respectent pas les intervalles de sécurité.

On a pu observer des effets sur le site mais l'effet ne dure pas trés longtemps car on ne le retrouve pas plus loin, dans d'autres localisations ...

Une étude récente à Seattle (Boyle, 2004) a montré que les conducteurs ralentissent sur le site, mais réaccélèrent plus loin pour compenser le temps « perdu >> •••

Il reste à comparer les efficacités et les effets pervers de différents types de message (alpha-numériques ou iconiques, qui sont moins perturbants pour l'at­tention des conducteurs novices).

4.5. Les améliorations des infrastructures

Il faut bien discriminer les différents types de réseaux et les signaler (ex: entrée d'agglomération).

Les études sur simulateur ont montré que certains éléments (la largeur de la voie, les pistes cyclables) affectent plus que d'autres les vitesses pratiquées et ce n'est pas la peine d'être redondant sur la signalisation du type de réseau.

Les techniques d'apaisement du trafic, les PDU visant à une meilleure lisibilité de la route diminuent les vitesses pratiquées.

La restriction de la visibilité à certaines intersections dangereuses permet de diminuer la fréquence des anticipations hasardeuses, les vitesses d'approche et les taux d'accidents sur le site (Charlton, 2003 en Nouvelle Zélande).

4.6. Les aides à la conduite et les dispositifs ( « bi peur >>, régulateur, limiteur)

Ils peuvent réduire la vitesse, plus sur les petites routes que sur les autorou­tes, et sont acceptables.

4.7. Les limitations de vitesse

Historique

Les premières limitations de vitesse sont apparues très précocement :

- en France en 1899: 30 km/h en milieu rural, 20 km/h en milieu urbain ... ;

- au Danemark en 1903 : 30 km/h en milieu rural, 15 km/h en milieu urbain ... ;

- en Norvège en 1912: 25 km/h en milieu rural, 15 km/h en milieu urbain ...

Puis, la voiture « prend le pouvoir >> et on abolit les limitations .. presque par­tout. Elles sont réintroduites en 1973 à la faveur du premier choc pétrolier et non pas dans un objectif initial de sécurité routière ...

30 Actes INRETS n' 105

Page 33: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Tendances actuelles

Les limites légales devraient être harmonisées en Europe car on observe des différences importantes, même dans des zones culturellement proches.

Un abaissement de la limite légale abaisse peu les vitesses pratiquées en ville et sur les réseaux secondaires, mais plus sur autoroute

Une élévation de la limite légale augmente les vitesses pratiquées.

Le changement de la vitesse moyenne est environ entre un tiers et un quart du changement de la limitation.

Dans les accidents liés à la vitesse, le véhicule allait trop vite par rapport aux conditions, d'où l'idée de limitations variables en fonction du trafic et de la météo.

Impact des abaissements des limites légales sur les accidents

Les modifications législatives aux USA (certains états baissent de 65 miles à l'heure à 55, d'autres remontent de 55 à 65) permettent des sortes de comparai­sons cas-témoin en prenant des états voisins.

De nombreuses études évaluatives ont été menées, elles montrent toutes une détérioration de la sécurité après un relèvement de la limite légale (cf. la revue de questions de Wong, 2005) et une amélioration après un abaissement.

Quelques exemples :

- Danemark (1979): passage de 110 à 100 km/h sur autoroute: moins 14% d'accidents.

- Suisse (1985): passage de 100 à 80 km/h sur nationales: moins 4% d'accidents corporels.

- Finlande (1987): passage de 100 à 80 km/h sur nationales: moins 11 % d'accidents corporels.

- France, Belgique, Espagne, Hongrie (années 90) : passage au 50 en ville : diminutions des accidents entre 5 et 10 %.

- Etude récente sur un relèvement en ville de 50 à 70 km/h à Hong Kong (Wong, 2005) : on observe une augmentation des accidents de 20 %.

Le cas du Montana est traité en détail dans la communication de Laurent Carnis. Toutefois, l'évaluation récente menée en Iowa (Vernon, 2003) montre bien que la relation entre limite légale, vitesses pratiquées, dispersion des vites­ses et taux d'accidents est complexe.

Elle varie en fonction du réseau : il y a plus d'accidents mortels sur les dépar­tementales que sur les autoroutes, alors que la limite y est plus basse ... La limite ne joue pas isolément mais en conjonction avec d'autres facteurs ...

Notamment, l'observance de la règle dépend de la perception subjective qu'a le conducteur du bien-fondé de la règle selon le type de réseau qu'il pratique.

Ainsi, un abaissement qui semble injustifié sur une catégorie donnée de réseau peut conduire à une augmentation de la dispersion.

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Page 34: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

4.8. Les campagnes

Elles doivent améliorer l'acceptabilité sociale des mesures de limitation mais les décideurs doivent savoir que la popularité d'une mesure n'est pas nécessai­rement un bon critère pour une politique de sécurité routière ...

Les évaluations des campagnes sur la vitesse conduisent à des conclusions mitigées : on n'a jamais pu attribuer un gain de sécurité à une campagne média­tique qui n'ait pas été accompagné d'un programme de contrôles ou d'améliora­tions d'infrastructures.

Jouer sur les attitudes ou sur /es comportements ?

- Dans une campagne hollandaise sur les vitesses excessives dans les virages (Rooijer, 1988) les conducteurs ont réduit leur vitesse à partir de messages orientés vers les comportements, et non pas vers les attitu­des.

- Par contre, dans une campagne australienne plus récente (Giendon et al., 2003), on ne note pas de différences dans les effets de messages orientés vers les attitudes ou vers les comportements sur la réduction des vitesses pratiquées par les 17-25 ans (les Hollandais sont-ils plus sensibles aux messages orientés sur les comportements? ... ); les thé­matiques liées au contrôle-sanction se sont montrées les plus efficaces pour la réduction de la vitesse. Par ailleurs, ces jeunes conducteurs aus­traliens sont plus susceptibles de réduire leur vitesse après une campa­gne sur la vitesse que de réduire leur alcoolisation après une campagne sur l'alcool.

Il faut donc jouer sur l'immédiateté du message : les panneaux sont plus effi­caces que les brochures, et le message est plus immédiat à propos de la vitesse qu'à propos de l'alcool.

Donc, plus les messages sont près de la situation, plus ils sont efficaces.

Par contre, il y a un effet d'interaction avec le sexe : ceci vaut pour les fem­mes, mais ce peut être le contraire chez les hommes.

Donc, lorsque le comportement des hommes se dégrade après la campagne, que ce soit pour la vitesse ou pour l'alcool, c'est la réactance : le message est vu comme une atteinte à la liberté et crée une motivation pour en retrouver ...

On observe la réactance par rapport à l'alcool chez les hommes comme chez les femmes, et par rapport à la vitesse chez les hommes seulement.

De même, les femmes associent vitesse excessive et risque d'accident, les hommes non ... et ce simple fait explique déjà pour une bonne part pourquoi les hommes respectent moins les limites que les femmes ...

Enfin, on observe la différence bien connue entre pour soi et pour autrui : la majorité des conducteurs sont en faveur des mesures de sécurité routière sur la vitesse ou sur l'alcool, mais par contre eux mêmes continuent de commettre ces infractions ... La règle c'est donc toujours pour les autres ...

32 Actes INRETS no 105

Page 35: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vUesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Comparaison des interactions entre les campagnes et le contrôle-sanction à propos de la vitesse et de l'alcool

Les « deux jambes >> de l'action de sécurité routière sont le contrôle et la campagne ...

- Le contrôle-sanction de la vitesse et celui de l'alcool sont complémen­taires: chacun a des effets directs sur l'infraction-ciblée, mais aussi des effets indirects sur les autres infractions (par peur du gendarme ... ); les infiuences respectives de ces effets sont mal connus.

- Il en est de même pour les campagnes : les campagnes « vitesse >> et les campagnes « alcool >> visent chacune une infraction-cible, mais elles ont aussi des effets indirects sur des infractions satellites.

- Par contre, à l'intérieur d'un domaine d'action, il y a des phénomènes de substitution : le temps à consacrer par les forces de l'ordre n'est pas illi­mité et le temps passé à faire des contrôles de vitesse ne peut plus être employé à faire des contrôles d'alcoolémie.

- Donc, le tout peut être plus que la somme des parties, tout dépend du jeu de la complémentarité et de la substitution.

- Par ailleurs, se pose la question des conducteurs « cibles >> de la campa­gne : chaque pays essaie d'atteindre les jeunes conducteurs masculins ...

- Or, certaines études (Lewis, 2003) montrent que les jeunes conducteurs masculins ont plus tendance à rejeter les campagnes basées sur la peur, pourtant fréquemment choisies dans divers pays, et s'engagent dans un déni défensif.

- Si l'on analyse la littérature sur la peur et la persuasion, il est « logique >>

que les campagnes sur la vitesse aient moins d'effets que les campagnes sur l'alcool, ce que montre l'étude australienne récente de Tay (2005); en effet, on sait que la stratégie basée sur la peur doit, pour être efficace, déboucher sur une proposition de solutions alternatives et de faire-face au comportement dangereux après avoir suscité l'affect, sinon le sujet rentre dans la gestion de sa peur. Or,

pour le choc, il y a la ceinture,

pour la fatigue, il y a la pause, la sieste, la caféine,

pour l'alcool et le cannabis, il y a la désignation, les raccompagnements, l'auto-testing,

mais pour la vitesse, quelle alternative ? ! Rouler lentement? ! Perdre du temps?!

Il faudrait donc promouvoir le fait de savoir prendre son temps ...

Ainsi, pour l'alcool, le raccompagnement ou la désignation permettent de satisfaire les deux besoins simultanément, le transport et la consomma­tion ... Mais pour la vitesse, qu'est-ce qui peut satisfaire le « besoin >> de la vitesse? ...

Actes IN RETS no 105 33

Page 36: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

On est dans une faible <<efficacité de soi >>, tant que l'on ne saura pas com­ment récompenser les comportements prudents ...

Réciproquement, la théorie de la dissuasion (la seule que nous ayons ... ) pose qu'il faille augmenter les coûts perçus des comportements dangereux.

Distinction prévention générale-prévention spécifique à propos de la vitesse et de l'alcool

Pour l'alcool, la seule vue des contrôles aléatoires peut suffire, c'est de la prévention générale le conducteur n'a pas besoin de connaître le nombre d'in­fractionnistes arrêtés ou le nombre d'accidents évités.

Par contre, pour la vitesse, on a besoin de la prévention spécifique : détecter les infractionnistes.

La << détectabilité >> :

Il y a une différence entre la vitesse et l'alcool sur ce point : le conducteur ne respectant pas la limite légale de vitesse se sent moins « détectable >> que le conducteur ne respectant pas la limite légale d'alcoolémie ... La vitesse altère moins le jugement du conducteur que l'alcool. L'alcool produit un état durable d'infraction, la vitesse des moments beaucoup plus fugaces ou du moins provi­soires. Ainsi, plus nombreux sont les conducteurs qui pensent pouvoir associer vitesse et sécurité qu'alcool et sécurité ... Plus nombreux sont les conducteurs qui pensent que le contrôle de la vitesse sert à « faire rentrer de l'argent dans les caisses >> qu'à propos du contrôle de l'alcool. ..

Du fait de tous ces facteurs, le risque de détection jouait moins Uusqu'aux radars) pour dissuader de commettre l'infraction-vitesse que l'infraction-alcool.

Pour toutes ces raisons (et pour bien d'autres encore ... ), la lutte contre la vitesse est plus ardue que celle contre l'alcool.

Interactions entre les campagnes et le contrôle-sanction

Si les campagnes n'ont qu'un rôle de support au contrôle, l'interaction est faible.

L'étude australienne précédemment citée (Tay, 2005) apporte des éléments intéressants :

- contrairement aux hypothèses fréquemment avancées, les contrôles­alcool et les campagnes-alcool ont chacun un effet indépendant l'un de l'autre ; en effet, lorsque les campagnes jouent surtout sur la peur, elles n'entraînent pas d'effet complémentaire aux contrôles. Par contre, il peut y avoir un effet de substitution : les campagnes et les contrôles sont en compétition sur les mêmes budgets ... ;

- par contre, les contrôles de vitesse et les campagnes sur la vitesse ont moins d'effets indépendants, leurs effets respectifs se renforcent dans une interaction plus forte.

Peut-être la vitesse, obstacle plus ardu, a plus besoin d'une combinaison du contrôle et de la campagne ...

34 Actes INRETS no 105

Page 37: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

Ainsi, les campagnes montrant les conséquences désastreuses de la vitesse peuvent peut-être faire reculer le sentiment « d'illégitimité » de la lutte contre la vitesse, les accusations de « radars-pompe à fric>> ...

Donc, pour conclure, la vitesse et l'alcoolisation excessives sont deux com­portements différents, n'impliquant pas les mêmes conducteurs, les mêmes déterminismes ; donc, une stratégie préventive sera efficace en direction de l'un des comportements, mais pas nécessairement de l'autre.

Ainsi, pour les jeunes conducteurs masculins, les campagnes ont été effica­ces pour l'alcool mais non pas pour la vitesse ; il faudrait donc trouver pour cette cible d'autres stratégies :

- interdiction des véhicules très rapides pour les novices,

- régulateurs et limiteurs de vitesse,

- design du cadran : la limite légale devrait être à une extrémité et non au milieu du cadran ... ,

- cf. la force du symbole ... ,

- publicités sur la puissance et la vitesse des voitures ...

4.9. Les améliorations de la sécurité passive

Une étude allemande récente (Richter, 2005) montre une diminution de la gravité des accidents, à vitesse constante, entre les années 70 et les années 90, du fait des améliorations de la sécurité passive. Elle a comparé les indices de gravité (AIS, ISS) des lésions chez les victimes (passagers, piétons, cyclistes) entre les années 73-78 et 94-99 à Hanovre.

4.1 O. Contrôles routiers, délinquance routière et délinquance

Dans les zones où les contrôles routiers sont intenses, les délits graves (meurtre, viol, vol, agression) baissent de 8 %, alors que l'on n'observe pas cette baisse pour les délits plus légers (toxicomanie, vandalisme, troubles à l'ordre public, prostitution).

Les contrôles routiers ont un effet direct sur les vols, de voiture par exemple et sur la dissuasion d'autres délits.

Plus la politique de sécurité routière est stricte, plus donc certains types de délits diminuent.

5. Les réactions des conducteurs au CSA: le sondage IFOP

A la demande de la DSCR, l'IFOP a réalisé en mars 2005 une enquête télé­phonique auprès d'un échantillon national représentatif de la population française (1 004 individus) en vue d'évaluer l'acceptabilité sociale du contrôle sanction automatisé. Ce sondage fournit un certain nornbre d'indications sur les attitudes et comportements des sujets en fonction des types de conducteurs.

Actes IN RETS no 105 35

Page 38: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apporls récents de la recherche en matière de vitesse

5.1. La confirmation de résultats connus en matière de vitesse

D'une manière générale, ce qui valide les résultats de ce sondage, c'est que nous y retrouvons des tendances obtenues dans les enquêtes passées et de plus grande ampleur:

- les conducteurs dissocient vitesse et danger, puisque l'on peut reconnaître conduire plus vite que les autres, mais pour autant ne pas se considérer comme un conducteur plus dangereux. Ceci avait déjà été mis en évi­dence dans les enquêtes SARTRE ;

- ceci se traduit par le fait que la norme légale de 130 km/h sur autoroute n'est pas intégrée : la majorité des conducteurs ne situent le danger qu'à partir de 140 km/ h ... ce qui reflète également la traduction dans les opi­nions des 10 km/ h de tolérance des appareils ... ;

- la norme légale du 50 en ville est encore moins bien intégrée ... ;

- il y a généralement un gradient avec l'âge du rapport à la vitesse, à l'infraction et à l'accident : conformément aux comportements effective­ment observés et aux statistiques d'accidents, les jeunes reconnaissent conduire plus vite et plus dangereusement que les autres conducteurs, les seniors se déclarant comme les plus prudents sur ce point ;

- les femmes roulent moins, ont des véhicules moins puissants, ont moins d'accidents, se déclarent plus pressées (la« double» journée de travail. .. ), roulent moins vite, déclarent commettre moins d'infractions ;

- les cadres supérieurs et professions libérales sont les plus infractionnistes en matière de vitesse.

5.2. Des résultats nouveaux

Ce sondage apporte par ailleurs des enseignements nouveaux et intéressants :

Les différences en fonction de l'âge

C'est sur autoroute que les différences liées à l'âge sont les plus faibles. Ce sont en quelque sorte les caractéristiques de cette infrastructure qui « poussent >>

à l'infraction, alors que sur les autres réseaux, les caractéristiques de la post­adolescence sont plus en cause ...

De même, il n'apparaît de différence entre les groupes d'âge en matière de tolérance par rapport à la norme légale qu'en ville.

Par contre, on ne note pas une opposition plus forte au CSA chez les jeunes. Trois quarts des conducteurs sont convaincus de l'utilité et du bénéfice préventif du CSA, tant sur les vitesses pratiquées que sur les accidents et sur le respect de la règle, et, ce, dans tous les groupes d'âge. Ceci confirme l'idée que nous avons avancée dans le passé : les jeunes suivent toujours la tendance centrale, nationale : lorsque l'environnement est dangereux, les jeunes sont dangereux,

36 Actes INRETS no 105

Page 39: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Que savons-nous sur la vitesse aujourd'hui ? aspects psychologiques et épidémiologiques

lorsque l'environnement devient moins dangereux, les jeunes deviennent moins dangereux.

Le risque d'être détecté par un radar est devenu assez partagé, et ce pour tous les groupes d'âge, les jeunes étant ceux qui cherchent le plus à savoir où se trouvent les radars, et ceux qui ralentissent le plus souvent devant les radars ... Par contre, les jeunes sont un peu moins convaincus de la certitude et de la célé­rité de la sanction. Ceci est à mettre en relation avec le fait que l'impact du CSA sur sa propre vitesse est un peu moins fort chez les jeunes.

Par contre, la majorité des conducteurs, de tous âges, approuvent le caractère de justesse et d'intransigeance du CSA (fin des indulgences ... ).

Ce sont donc plutôt les conducteurs de 35-50 ans qui, se déplaçant le plus pour des raisons professionnelles et déclarant le plus souvent être soumis à des contraintes temporelles, sont en quelque sorte les plus « captifs '' du CSA: ils sont les conducteurs les plus verbalisés.

Et, de manière prévisible, ce sont les seniors qui sont les plus convaincus à propos du CSA.

Ce dernier point peut être interprété de deux manières différentes à des fins de prospective :

- une conclusion optimiste, si l'on considère que, du fait des évolutions démographiques, les seniors vont constituer une proportion de plus en plus importante de la population des conducteurs ; donc, le support public au CSA devrait aller grandissant... ;

- une conclusion plus mitigée, si l'on considère que les seniors ne sont sans doute pas des« faiseurs "et des leaders d'opinions en matière de sécurité routière, étant souvent eux mêmes stigmatisés par les autres catégories de conducteurs ...

Les radars mobiles sont jugés comme plus efficaces par une majorité de conducteurs, quel que soit l'âge.

Les différences en fonction des régions : les données n'ont pas permis de dégager des conclusions particulières.

On ne note pas de différences en fonction du sexe à propos de l'approbation du CSA: malgré leurs différences de comportement, hommes et femmes ont des opinions très semblables.

On ne note pas de différences en fonction de la CSP à propos de l'appro­bation du CSA: bien qu'ils soient plus infractionnistes, les cadres supérieurs et les professions libérales ne sont pas plus opposés aux radars et en recon­naissent le bénéfice préventif (peut-être justement parce qu'ils sont plus infrac­tionnistes !). Ceci est important car cette fraction de la population est leader d'opinion ...

On note quelques différences en fonction de la religiosité (les croyants se déclarent moins infractionnistes) mais elles sont faibles.

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Page 40: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

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40 Actes IN RETS n" 105

Page 43: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesse individuelle, vitesse de flot : quelques rappels sur la physique

du trafic

Jean-Baptiste Lesort

Laboratoire d'ingénierie circulation transports INRETS!ENTPE

Jean-baptiste .lesort@inrets. fr

Résumé

Considérée du point de vue de la sécurité routière, la vitesse est en général prise comme la vitesse individuelle d'un véhicule considéré isolément. Pourtant, sauf en conditions de faible trafic, la vitesse d'un véhicule est fortement condition­née par le trafic qui l'environne. On peut donc adopter le point de vue inverse, et considérer chaque véhicule comme une particule d'un fluide dont l'écoulement peut être décrit globalement. C'est ainsi que peuvent être établis des liens entre la vitesse d'écoulement, la densité du trafic et le débit.

La prise en compte statistique, à l'intérieur de cette description globale, de la distribution des comportements individuels, permet d'affiner les relations obte­nues et de mettre en évidence des phénomènes qui paraissent paradoxaux au niveau macroscopique.

1. Introduction

Le trafic automobile est avant tout la résultante d'un ensemble de comporte­ments individuels. L'observation à distance, aérienne par exemple, d'une section d'autoroute donne pourtant au contraire l'impression que s'écoule un flux de particules indifférenciées, avec des turbulences et des perturbations très visibles et parfois de grande ampleur. La somme des stratégies individuelles de conduite de chaque conducteur se traduit donc bien, à un niveau plus macroscopique, par un comportement global de flux qu'il est possible d'essayer de caractériser comme tel. En termes de vitesses, ceci veut dire que la vitesse d'un flot de véhi­cule est bien la résultante des choix individuels de chaque conducteur, mais que ces choix individuels sont eux-mêmes fortement contraints par l'environnement et singulièrement par la présence des autres usagers.

Actes INRETS no 105 41

Page 44: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

L'écoulement du trafic peut ainsi être abordé de deux façons complémen­taires : d'un point de vue microscopique, par la modélisation du comportement du conducteur dans un environnement donné, ou d'un point de vue macrosco­pique, en définissant les variables caractéristiques de l'écoulement du flux et en cherchant à modéliser les relations entre ces variables. Si la modélisation microscopique peut, par intégration, donner des indications sur le comportement global d'un flux, l'observation macroscopique peut quant à elle renseigner sur les comportements individuels, et sur les conséquences qu'auraient les modifica­tions de ces comportement sur l'écoulement des flux. C'est bien ainsi qu'elle peut trouver sa place dans une réflexion sur la vitesse, principalement orientée vers les comportements individuels mais qui doit aussi tenir compte des interactions entre l'individu et le flux.

2. L'observation du flux

Un flux de trafic se caractérise essentiellement par trois grandeurs : son débit, c'est-à-dire le nombre de véhicules passant en un point par unité de temps, sa densité, c'est-à-dire le nombre de véhicules présents simultanément par unité de longueur de chaussée, et sa vitesse, c'est-à-dire la moyenne des vitesses individuelles des véhicules simultanément présents sur une section de voie. Par ailleurs, la densité n'étant en général pas directement mesurable, on l'appro­che par le taux d'occupation, qui correspond à la proportion du temps pendant laquelle une section de chaussée est occupée par des véhicule (on démontre que ce taux, facilement mesurable avec les capteurs de trafic classique, est assez représentatif de la densité). On montre enfin que la vitesse est égale au rapport du débit sur la densité.

L'observation simultanée de ces trois variables permet de tracer des nua­ges d'observations croisant deux de ces variables, par exemple le débit et la densité (Figure 1 ).

Plusieurs remarques peuvent être faite sur cette figure, assez caractéristique de ce qu'il est possible d'observer sur une autoroute à fort trafic comprenant trois voies de circulation. On peut au préalable noter que le caractère tabulé des taux d'occupation (les« rayures>> verticales) est un simple effet de précision, ces taux étant calculés en nombres entiers. On peut ensuite remarquer que ce nuage a un caractère très dispersé, mais présente cependant une forme assez nette qu'on peut schématiser de la façon suivante (Figure 2).

Ceci met bien en évidence l'existence de deux états du trafic, l'un fluide (la partie croissante de la courbe) et l'autre congestionné (la partie décroissante). On voit également que la courbe présente un maximum, qui est la capacité de la voie (autour de 6 000 véhicules/heure sur une autoroute à trois voies).

On peut noter qu'une part importante des observations, notamment au voi­sinage de la capacité, présente des temps intervéhiculaires sur chaque voie très inférieurs aux deux secondes réglementaires. Il ne faut sans doute pas en

42 Actes INRETS no 105

Page 45: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesse individuelle, vitesse de flot : quelques rappels sur la physique du trafic

Figure 1 : Nuage débit (en veh/heure) taux d'occupation (en %). La ligne verte représente un temps intervéhiculaire de 2 sec. (données origine

ASF/autoroute A7)

Figure 2 : Forme schématique d'un nuage débit/densité

1 oéb;, Q 1

déduire trop vite que toute amélioration de la fluidité du trafic se fait au détriment de la sécurité, mais il est clair qu'un respect strict de la règle diminuerait sensi­blement la capacité des infrastructures.

On voit enfin que le fonctionnement « à capacité>>, qui correspond à un ren­dement maximum de l'infrastructure, est en fait assez peu observé : la densité des points est assez faible dans cette zone du nuage. Ceci s'observe encore plus nettement sur la figure 3, où les mêmes observations sont présentées sous la forme d'un nuage débit/vitesse. Cette présentation montre bien la séparation d'une zone fiuide, où la vitesse est quasi constante autour de 130 km/h, et une

Actes IN RETS n' 105 43

Page 46: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Figure 3 : Nuage vitesse (en km/h) en fonction du débit (en veh/h). La ligne verte représente toujours un temps intervéhiculaire de 2 sec. Les

vitesses relativement faibles (entre 100 et 120 km/h) observées pour des débits très faibles correspondent à des périodes nocturnes ou la

proportion de poids lourds est importante

zone congestionnée où la vitesse est inférieure à 50 km/h, les états intermé­diaires étant peu observés. Selon le site, cette séparation est au vrai plus ou moins marquée (elle est moins nette sur voie rapide urbaine), mais elle existe toujours.

3. Vitesse et capacité : une question complexe

Le débat sur les liens entre vitesse - et en particulier vitesse autorisée - et capacité est ancien, et ses termes ne sont pas toujours bien posés. Le fait que les débits maximaux soient en général observés pour des vitesses relativement réduites (60 à 90 km/h selon les infrastructures) a par exemple conduit à ancrer l'idée qu'une simple diminution de la vitesse maximale autorisée sur une infras­tructure produisait mécaniquement une augmentation de la capacité de celle-ci. Ceci est en contradiction avec les observations macroscopiques : une diminution de la vitesse maximale conduit à tronquer le diagramme débit/densité (Figure 4) et donc à conserver, voire à diminuer, la valeur initiale de la capacité.

En revanche, des expérimentations récentes montreraient que la capacité pourrait être améliorée de cette façon par l'homogénéisation des vitesses indivi­duelles (la réduction de la vitesse maximale pouvant être un moyen d'améliorer

44 Actes INRETS no 105

Page 47: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesse individuelle, vitesse de flot: quelques rappels sur la physique du trafic

Figure 4 : Courbe théorique débit/densité avec (en trait plein) et sans (en pointillé) réduction de la vitesse maximale

l'homogénéité), qui conduirait à une réduction des perturbations et donc à un retard d'apparition des situations de congestion.

Ceci montre bien qu'entre l'observation de la vitesse individuelle des véhicu­les et celle de la vitesse globale du flot, un troisième niveau de compréhension est important : c'est celui de la dispersion des vitesses au sein d'un flot donné. Si le rôle de cette dispersion dans le risque d'accident est qualitativement connu, si des modèles statistiques de distribution de vitesse existent, la modélisation plus quantitative de l'influence de cette dispersion sur l'écoulement d'ensemble du trafic est encore largement à explorer.

4. Conclusion, perspectives de recherche

L'observation du trafic à différentes échelles donne pour chacune une infor­mation partielle : l'échelle microscopique donne une idée du comportement individuel du couple conducteur/véhicule, l'échelle macroscopique permet d'ap­préhender le fonctionnement global du flux de trafic. L'analyse statistiques des dispersions de comportement à l'intérieur d'un flot fournit également la clé d'un certain nombre de phénomènes, mais il est difficile de prendre en compte les aspects dynamiques dans ce type d'analyse. Il est clair enfin que l'analyse des interactions entre l'individu et le flux qui l'entoure devrait permettre de mieux comprendre les différents facteurs qui conditionnent la vitesse. Ceci implique, ce qui est encore difficile aujourd'hui, de recueillir des données combinant de façon cohérente des données individuelles (trajectoire) et des données de flux, mais il s'agit certainement d'une direction de recherche prometteuse.

Actes IN RETS no 105 45

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Page 49: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesses, temps intervéhiculaires et accidents

Maurice Aron Laboratoire Génie des Réseaux de Transport et Informatique avancée

[email protected]

Marie-Berthe Biecheler-Fretel Unité Mixte de Recherche Epidémiologique et de Surveillance Transport Travail

environnement [email protected]

Jean-François Peytavin Département Mécanismes d'Accidents jean-francois. pevta vin@inrets. fr

Résumé

La connaissance des temps intervéhiculaires (TIV) et des vitesses présente un intérét é différents niveaux :

- en lien avec les accidents, parce qu'un temps intervéhiculaire trop court, s'il est associé é une vitesse élevée, constitue un facteur de risque;

- en lien avec la gestion du trafic, parce qu'une amélioration du débit peut résul­ter d'une mesure de régularisation des vitesses et des temps intervéhiculaires;

- en lien avec les aides é la conduite, comme les « régulateurs d'allure >> embar­qués, qui conseillent ou règlent la vitesse et/ou le temps intervéhiculaires.

L'INRETS, avec l'appui de la DSCR et en collaboration avec le CETE Normandie - Centre, qui a conduit les volumineux recueils de données nécessai­res, a réalisé une analyse statistique des vitesses et des temps intervéhiculaires pratiqués sur les routes de Normandie, dont on trouvera ci-après les principaux résultats.

« Lorsque deux véhicules se suivent, le conducteur du second doit maintenir une distance de sécurité suffisante pour éviter une collision en cas de ralentis­sement brusque ou d'arrêt subit du véhicule qui le précède. Cette distance est d'autant plus grande que cette vitesse est plus élevée. Elle correspond à la dis-

Actes !NRETS n" 105 47

Page 50: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de fa recherche en matière de vitesse

tance parcourue par le véhicule pendant un délai d'au moins deux secondes. ». Le décret de novembre 2001, qui fixe ainsi une règle relative aux distances entre les véhicules met en exergue la conduite dangereuse liée au fait de conduire trop près du véhicule qui précède ; il donne un regain d'intérêt à l'analyse des temps intervéhiculaires (TIV) et aux méthodes qui permettent d'évaluer l'évolution des comportements des conducteurs en matière de vitesses et de distances prati­quées entre véhicules.

Dans le but de réaliser un observatoire expérimental de vitesses intégrant les distances entre véhicules, I'INRETS, qui possédait une expérience d'évaluation du risque associé aux TIV courts sur autoroute, a engagé une collaboration avec le Centre d'Études Techniques de l'Équipement (CETE) Normandie-Centre [1]. En effet le CETE, grâce à un remarquable potentiel d'observation des vitesses et ins­tants de passage des véhicules pris individuellement en certains points du réseau (le réseau des stations SIREDO), offrait la possibilité de disposer d'une base statis­tique descriptive des temps intervéhiculaires et des vitesses très complète.

L'observatoire a comme objectifs de :

- fournir une connaissance des comportements sur route à partir d'indica­teurs pertinents combinant les vitesses, vitesses relatives et interdistances pratiquées ;

- relier les pratiques de conduite en file et les accidents de type « collision arrière » ;

- mieux comprendre l'évolution des comportements dangereux associés aux interdistances courtes en les reliant au contexte de trafic.

1. Le sondage des TIV et les accidents de l'étude

Les données de vitesses et TIV ont été recueillies en Haute-Normandie entre mars et août 2002 sur un échantillon d'environ un million de véhicules répartis entre seize sites de mesure (stations SIREDO). Ces stations fournissent aussi la longueur des véhicules et nous avons classé -certes un peu abusivement ! - en Poids-Lourds les véhicules de longueur supérieure à 7 mètres. Les sta­tions sélectionnées en rase campagne (hors agglomération, hors intersection) se situent sur les routes nationales (11 stations) ou départementales (5 sta­tions) et se répartissent entre les départements de l'Eure (7 stations) et de la Seine-Maritime (9 stations). Chacun des sites du sondage a généralement été observé pendant une semaine et le plus souvent dans les deux sens.

Le réseau de sondage représente environ 800 km de routes nationales ou départementales de Haute-Normandie.

L'analyse statistique qui tente d'établir une relation entre les accidents et les comportements dangereux associés aux TIV courts porte sur les accidents survenus sur les 800 km de ce réseau. Les données d'accident sont issues de l'exploitation des Bulletins d'Analyse des Accidents Corporels (BAAC) de Haute-

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Vitesses, temps inteNéhiculaires et accidents

Normandie sur les quatre années consécutives de 1999 à 2002. Au total ont été traités 603 accidents de tous types dont 223 collisions de «type>> arrière (c'est à dire les collisions arrière, les collisions multiples, les collisions en chaîne et les collisions par le côté).

Notons qu'au niveau national, les accidents hors intersection et hors agglo­mération représentaient 29 % des accidents corporels en 2002 (30 012 sur 105 470). La même année sont survenues hors intersection et hors aggloméra­tion 5 993 collisions arrière, en chaîne ou multiple (soit 6 % du total) et 3 801 col­lisions par le côté (soit 4 % du total). Les accidents que l'on étudie représentent donc 10 % des accidents survenus au niveau national.

2. Les classes de circulation identifiées sur les routes départementales et nationales de Haute-Normandie

Une analyse statistique mutidimensionnelle ayant pour objet d'identifier les fac­teurs corrélés aux TIV a mis en évidence tout d'abord une forte disparité du phéno­mène entre les heures de nuit (de 21 h à 6 h comprise) et celles de jour. L'analyse a également conduit à distinguer les voies rapides des sites à deux fois deux voies ou à trois voies qu'elles soient limitées à 90 km/hou à 110 km/h. Enfin ont été mis en évidence les rôles importants du débit et de la densité en PL sur la formation des TIV courts. Cinq classes de circulation ont en définitive été distinguées :

- circulation de nuit tous sites (avec un débit moyen de 48 véhicules/ heure);

- circulation de jour sur les sites à deux voies limités à 90 km/h, à débit faible (en moyenne 172 véhicules/heure), avec faible présence de PL (seulement 7,4 %) ; dans cette classe, 60% des véhicules dépassent la limite de vitesse ;

- circulation de jour sur les sites à deux voies limités à 90 km/h, à débit moyen (en moyenne 259 véhicules/heure) et avec forte présence de PL (18% en moyenne). Le nombre d'infractions à la limite de vitesse est, dans cette classe, relativement modéré (32 %) ;

- circulation de jour sur les voies lentes des sites à trois ou quatre voies (avec un débit moyen de 415 véhicules/heure et un pourcentage PL de 10 %) ;

- circulation de jour sur les voies rapides des sites à trois ou quatre voies. avec un débit moyen de 114 véhicules/heure et 1 %de« PL>> (en fait pro­bablement des véhicules longs).

3. Caractérisation et fréquence des situations à risque

Les situations considérées comme « à risque >> du fait d'une trop grande proximité dynamique entre deux véhicules peuvent être caractérisées par qua-

Actes lN RETS no 105 49

Page 52: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

tre indicateurs principaux qui font intervenir le TIV, la vitesse eUou la vitesse relative:

- une « distance résiduelle négative >> empêchant un arrêt en sécurité (sauf à changer de file quand cela est possible) lorsque le véhicule précédent s'arrête. Cette distance est négative lorsqu'à la fois le TIV est court et la vitesse relative élevée. C'est l'indicateur le plus réaliste ; il est indépen­dant du niveau des limites de vitesse. Son calcul nécessite cependant une hypothèse sur la décélération maximale (prise ici à 6,25 m/s2 pour le temps sec);

- un TIV très court (inférieur à une seconde) et une vitesse supérieure à 90 km/h;

- une valeur supérieure à 3 d'un indicateur fondé sur le TIV et la vitesse, dit « risque individuel >>. Cet indicateur de risque est une fonction croissante du rapport« Temps d'arrêUTIV >>.La valeur 3 correspond par exemple à un TIV de 0,5 seconde et une vitesse de 90 km/h, ou à un TIV moins court (par exemple 0,7 s) associé à une vitesse un peu plus élevée (110 km/h);

- lorsqu'un véhicule circule derrière plusieurs autres dans un peloton, on peut considérer que le risque qu'il affronte est le cumul de son risque individuel avec ceux des véhicules précédents, parce que le véhicule peut être« pris >> dans une collision en chaîne. Ce cumul est appelé « risque en peloton >> ; la valeur 3 a également été choisie comme seuil pour ce risque.

Il faut distinguer les routes à deux voies des routes à deux fois deux voies : dans ce dernier cas, la signification des indicateurs change du fait de la pos­sibilité de changer de voie et du fait d'une limite de vitesse souvent différente (110 km/h).

50

Dans l'ensemble :

- 22,7 % des conducteurs roulent à moins de deux secondes (Tl V court) du véhicule précédent (24,7% le jour et 12,9% la nuit). Ce résultat n'est pas très différent de celui (22 %) obtenu en 1994 [2] sur l'autoroute inte­rurbaine A31.

- 8,7% des conducteurs roulent à moins d'une seconde du véhicule précé­dent (9,5 % le jour et 4,6 % la nuit) Ce résultat n'est pas non plus très diffé­rent de celui (10 %) obtenu en 1994 [2] sur l'autoroute interurbaineA31.

- 4,0 % des conducteurs roulent avec un TIV inférieur à 1 seconde et une vitesse supérieure à 90 km/h (4,3 % le jour et 2,1 % la nuit). Ce résultat peut être comparé aux 4 % de conducteurs de véhicules légers circulant sur autoroute interurbaine avec un TIV inférieur à une seconde et une vitesse supérieure à 130 km/h, chiffre obtenu à partir des données de A31 et redressé pour tenir compte de la structure des débits sur l'ensemble des autoroutes interurbaines

- près d'un conducteur sur 4 (23,3 %) a un risque individuel supérieur à 1, ce qui correspond à un TIV inférieur ou égal à la moitié du temps d'arrêt ; ce niveau

Actes INRETS no 105

Page 53: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesses, temps intervéhiculaires et accidents

de risque revient, par exemple, à rouler à une vitesse de 90 km/h avec un TIV de moins de 2 secondes, ou encore avec un TIV légal de 2 secondes et une vitesse de plus de 90 km/h ; en cas d'arrêt « instantané du véhicule devant (certes peu réaliste), ce niveau de risque entraînerait une collision.

- 1,8% des conducteurs ont un risque individuel supérieur à 3 (1 ,8% le jour et 0,9 % la nuit).

- 10,3 % de l'ensemble des conducteurs ont une distance résiduelle néga­tive (11 % le jour, 5 % la nuit) ; 4,4 % des conducteurs sont en situation de collision grave ou très grave (situation où il manque plus de 10 métres à la distance résiduelle).

4. Relation entre TIV courts ou très courts et débit

Même par débit faible il existe une proportion non négligeable de TIV courts ou très courts ; cette proportion croît en fonction du débit. Alors que sur autoroute, cette croissance se manifeste nettement en fonction du débit horaire, sur route nationale ou départementale, en raison de la plus grande variabilité de la circula­tion (irrégularité renforcée par la difficulté de dépasser) il faut calculer le débit sur une période beaucoup plus courte pour obtenir une relation satisfaisante entre TIV et débit. Un concept de « débit local >> a été proposé dans ce sens.

Par exemple, sur les routes à deux voies, le pourcentage de TIV courts varie de 5,5 % pour un débit local inférieur à 50 véhicules/heure/voie à 50 % pour un débit local de 1 000 véhicules/heure/voie et à 76 % pour un débit local de 1 700 véhicule/heure. Le pourcentage de TIV trés courts (inférieurs à 1 seconde) varie de 2,3% pour un débit local inférieur à 50 véhicules/heure à 29 % pour un débit local de 1 000 véhicules/heure et à 33 % pour un débit local de 1 700 véhicules/heure.

Ce pourcentage de TIV courts varie suivant les types de véhicules successifs en présence (Figure 1 ).

Un VL, derrière un PL, aura une certaine propension à tenter de le dépasser, ce qui se caractérise par un TIV plus court dans les autres configurations (VLNL, etc.).

La pratique conjointe d'un TIV court (2 secondes) et d'une vitesse élevée passe par un maximum au débit de 650 véhicules/heure/voie (Figure 2).

En revanche, la pratique conjointe de Tl V trés courts et de vitesses élevées ne varie guère en fonction du débit.- tout se passe comme s'il y avait un certain pourcentage« d'irréductibles>>, quelque soient les conditions de circulation, hor­mis les circulations à débit trés faible ou trés fort où cette pratique conjointe ne peut se réaliser.

Les routes à deux voies, les sens à une voie des routes à trois voies, les voies rapides des routes à trois ou quatre voies supportent, à débit local équivalent, des pourcentages de TIV courts ou très courts du même ordre. Ces pourcentages

Actes !NRETS no 105 51

Page 54: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Figure 1 : Evolution du pourcentage de Temps lntervéhiculaire inférieurs à 1 seconde en fonction du débit selon 4 configurations sur les voies à

deux voies

70,0%

60,0%

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v 40,0% > ;:: 30,0% ~ •

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-l<-PL-VL

Figure 2 : Evolution des pourcentages de véhicules pratiquant à la fois une vitesse supérieure à 90 km/h et un TIV vitesse court (< 2 secondes) ou très court (< 1 seconde) sur les routes à deux voies, en fonction du débit

<< local >>

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Débit une voie

sont nettement moindres (surtout pour les débits faibles) sur les voies lentes des routes à trois ou quatre voies ..

Alors même que les débits horaires sont bas sur les voies rapides, la prati­que de vitesses différentes conduit à une fréquence de débits locaux forts aussi élevée que sur les routes à deux voies ; comme la vitesse et la vitesse relative sont souvent êlevées sur les voies rapides, les indicateurs de risque y sont plus élevés que sur les autres voies.

52 Actes INRETS no 105

Page 55: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesses, temps intervéhicu!aires et accidents

5. Le niveau des indicateurs de risque liés au TIV selon l'organisation de la circulation

Les situations de plus fort risque individuel (> 3) sont en proportion, plus nom­breuses dans la classe des voies rapides des sites à trois ou quatre voies (5,7% contre 1 %à 2% sur les autres voies). C'est la nuit que ces proportions sont les plus faibles (0,9 %).

L'analyse des situations dangereuses à partir de la distance résiduelle néga­tive, qui fait intervenir la vitesse relative, complète cette conclusion : en effet, les possibilités de collision liées à une distance résiduelle négative sont plus fréquen­tes sur les voies rapides (13,5 %) des routes à deux fois deux voies et sur les routes à deux voies à dominante PL (13,1 %) ; elles sont en position moyenne sur les voies lentes (9,3 %) et les routes à deux voies à dominante VL (10,2 %) ; elles sont nettement moins élevées de nuit (5 %). C'est sur les voies rapides que les distances résiduelles prennent des valeurs pouvant entraîner les chocs les plus graves (plus de 10 mètres manquants). Mais parallèlement sur voie rapide il y a souvent possibilité d'échapper à la collision en se reportant vers la voie lente, en général peu chargée.

On peut donc remarquer que, lorsque les vitesses sont hétérogènes (voie rapide, circulation avec présence de PL) les situations à risque liées aux TIV courts apparaissent plus nombreuses.

A débit local donné il y a peu de différence entre les TIV pratiqués le jour et la nuit.

Parmi les véhicules dont le TIV est inférieur à 4 secondes, la variation de la proportion de TIV courts en fonction du débit local est relativement faible (le ratio « pourcentage des TIV inférieurs à 2 s 1 pourcentage des TIV inférieurs à 48 s >>

est de l'ordre de 52% pour les voies lentes, de 66% pour les autres voies); parmi ces mêmes véhicules de TIV inférieur à 4 secondes, le pourcentage de TIV très courts ne varie pratiquement pas en fonction du débit, elle se situe aux alentours de 14 %. pour les voies lentes, de 28% pour les autres voies; compte tenu de ces ratios relativement constants, il suffit donc de multiplier le pourcen­tage de véhicules dont le TIV est inférieur à 4 secondes (fourni en fonction du débit par un modèle classique) par un coefficient approprié pour reconstituer les pourcentages de TIV courts ou très courts.

Enfin la comparaison et la description des interdistances sur les routes de Haute-Normandie avec les interdistances observées sur le réseau natio­nal (Bilan ONISR) fait apparaître sur les réseaux équivalents une étonnante proximité de ces ratios (TIV < 2 s/TIV < 4 s ou TIV < 1 s/TIV < 4 s) malgré des méthodes et des échelles de sondage différentes. La pratique des TIV courts est donc bien un phénomène structurel et stable par réseau. Le ratio des TIV courts par circulation dense (c'est-à-dire la circulation pour laquelle le TIV est inférieur à 4 secondes) est de l'ordre de 50% sur les RN à deux fois deux voies et de 66 % sur les RD ou sur les routes nationales à deux ou trois voies.

Actes IN RETS no 105 53

Page 56: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

6. Lien entre circulation à risque et collisions de type arrière

Afin de mieux comprendre le lien entre les comportements à risque ainsi observés et les accidents, on a étudié l'occurrence des accidents, parallèlement à l'étude de la fréquence des situations à risque (distance résiduelle négative, TIV < 1 s et Vit> 90 km/h, risque individuel > 3 et risque en peloton > 3). La figure 3. représente le taux de collision de type arrière par milliard de véhicules­kilomètres en fonction de l'heure de la journée. On y a superposé les fréquences des situations à risque observées selon les quatre indicateurs.

Si un lien entre accidents et le fait de conduire trop vite et trop près existe, ce lien devrait se décliner à tout niveau de débit ; pour tout niveau de débit, la part des accidents devrait coïncider avec la part de la circulation à risque. A la différence de la recherche consacrée à l'autoroute A31 [2], on n'est pas parvenu à établir le constat d'une telle liaison entre le nombre de situations à risque dans un flux de circulation et le nombre des accidents. La nuit en particulier, le taux de collision est élevé alors que les niveaux des indicateurs de risque sont bas. De même le jour, alors que certains indicateurs de risque sont plus particulièrement élevés par fort débit, les accidents, eux, surviennent en majorité par débit faible.

Pour mettre en évidence la relation entre indicateurs de risque et accidents, il faudrait sans doute analyser davantage d'accidents. Il faudrait une meilleure précision sur le débit qu'on associe à chaque accident, donc ne retenir qu'une partie des accidents, ceux proches d'une station de comptage. Nous avions fait cette sélection sur autoroute [2], mais n'avons pu le faire sur le seul réseau RN et RD de Haute-Normandie étant donnés le grand nombre de carrefours et le faible nombre de capteurs. Il faudrait aussi disposer de débits nettement moins agrégés que les débits horaires.

Figure 3 : Taux de collision arrière et indicateurs de risque en fonction de l'heure de la journée

54

80

70

......... -j ~ Collisions de type arrière ...

1

--·A:-··· Risque individuel >3 . . ....... --Distance résiduelle négative .

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Actes IN RETS n" 105

Page 57: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Vitesses, temps intervéhicufaires et accidents

Aux heures de pointe, caractérisées par des indicateurs de risque élevés, le taux de collision arrière n'est pas particulièrement élevé.

Par rapport aux taux importants des situations à risque observées dans les divers contextes de circulation, la survenue d'accidents reste rare : 1,8% des risques indivi­duels sont supérieurs à 3 alors que le taux de collision arrière par véhicule kilomètre est de l'ordre de 1 o-B, d'où la difficulté d'établir une relation statistique.

De l'étude accidentologique il ressort trois aspects principaux (de nature qualitative). :

- un phénomène de nuit qui renvoie à l'accidentologie nocturne des colli­sions arrière : qui ? pourquoi ? La question de la perception des distances la nuit et celle de son amélioration sont ici fondamentales ;

- pour les véhicules circulant dans un régime fiuide, constitué essentielle­ment de VL, les accidents qui surviennent sont des collisions arrière et parmi les indicateurs étudiés ceux qui ont le meilleur pouvoir prédictif sont l'indicateur de risque individuel ou encore le pourcentage des véhicules conduisant à vitesse élevée avec un TIV très court ;

- pour les véhicules circulant dans un régime moyennement fluide avec de nombreux PL, les accidents qui surviennent sont plutôt des accidents par le côté et parmi les indicateurs étudiés ceux qui ont le meilleur pouvoir prédictif sont la distance résiduelle négative ou bien le risque en peloton. Dans ce cas, la présence de PL qui a pour effet d'une part une modération des vitesses, provoque d'autre part une circulation en peloton avec des vitesses relatives parfois élevées et par voie de conséquence des tentati­ves de dépassement qui peuvent se révéler dangereuses.

En définitive, toute étude des vitesses et interdistances doit prendre en compte la diversité des réseaux caractérisée en particulier par le nombre de voies, le débit supporté par chacune de ces voies et le taux de poids lourds qui y circulent Ces caractéristiques en effet déterminent la fréquence et la nature des situations à risque engendrées par les TIV courts.

Les indicateurs qui caractérisent les situations à risque présentent un intérêt inégal pour « prédire >> les accidents selon le réseau et le type de collision. Ceci conduit à sélectionner un indicateur selon le type d'accident à évaluer.

Il apparaît difficile d'évaluer à l'aide d'une relation statistique simple le gain d'accidents qui serait lié à une évolution favorable des indicateurs de risque. L'étude parallèle des indicateurs et des accidents reste cependant nécessaire pour apprécier les gains de sécurité imputables au respect des vitesses et des distances de sécurité autorisées.

Actes INRETS no 105 55

Page 58: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matiére de vitesse

Références [1] Aron M., Biecheler M.-B., Peytavin J.-F. Temps intervéhiculaires et vitesses:

Quels enjeux de sécurité sur les routes de normandie. Deuxième étape : vitesses et interdistances pratiquées, liens avec les débits et les accidents convention DSCR/INRETS 2001, fiche no 4, 172 pages, décembre 2003.

[2] Aron M., Biecheler M.-B., Peytavin J.-F. Temps lntervéhiculaire et vitesse: Quels enjeux de sécurité sur l'autoroute ? RTS W 64, pp. 3-20, 1998.

Pour en savoir plus :

[3] Aron M., Seddiki E., Hau-Chow-Wah L. Using Individuel Measurements of traffic on Motorways, 1er Congrès Mondial ATT/IVHS, Paris, Vol. 3, pp. 1380-1387, décembre 1994.

[4] Aron M., Biecheler M.-B., Peytavin J.-F. lnterdistances, trafic et sécurité de la route. Rapport de convention DSCR!Inrets DERAIMAIA, décembre 1996, 80 pages, décembre 1994.

[5] Aron M., Biecheler M.-B., Peytavin J.-F. Observatoire des vitesses et inter­distances sur autoroutes. Contrat ASFA/Inrets. Rapport MAIAIDERA no 9806, juillet 1998.

[6] Biecheler M.-B., Peytavin J.-F., Aron M., Hakkert S. Headways, collisions and traffic : some results on french motorways and towards new questions. ICTCT Conference. Lund 5-7 november, 1997.

[7] Biecheler M.-B., Peytavin J.-F. Réglementation, environnement et choix de la vitesse. Convention DSCR!INRETS, No 96-70013, 1997.

[8] Biecheler M.-B., Peytavin J.-F. Vitesses et proximité entre véhicules. Vers de nouvelles exploitations du sondage ONISR-ISL. Rapport de Convention DSCR/INRETS W 99-70013, septembre 2000.

[9] Camiz S. Sur l'identification d'un peloton : identification et indicateurs de ris­que. Actes du groupe de travail modèles de trafic 1998, Actes IN RETS No 78, pp. 9-35, avril 2001.

[1 0] Koscielniak B. Réglementation, environnement et choix de la vitesse. Arcueil, INRETS, Mémoire de stage de DESS de USTL sous la direc­tion de S. Camiz (USTL), sous la responsabilité de M.B. Biecheler et l'encadrement de J.F. Peytavin (INRETS), juin 1998.

56 Actes INRETS n' 105

Page 59: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Considérations sur l'évolution des courbes débit-vitesse

Simon Cohen Laboratoire Génie des Réseaux de Transport et Informatique Avancée [email protected]

Résumé

La courbe débit-vitesse constitue un élément clef des études d'ingénierie routière. Elle est utile pour la conception et pour l'exploitation des infrastructures. Elle caractérise les performances de circulation sur /es réseaux existants et four­nit les paramètres seuils de fonctionnement des routes comme la vitesse libre (ou maximale), la vitesse optimale (ou critique}, la capacité, ... Elle est sensible à de nombreux facteurs comme la géométrie de la route, ses modalités d'exploitation, les comportements de conduite et les caractéristiques d'un parc automobile qui ne cesse de se transformer et de se renouveler

Quelles sont alors /es répercussions sur /es conditions d'écoulement du trafic et sur la courbe débit-vitesse ? Les seuils de fonctionnement des infrastructures ont-ils été modifiés au cours des dernières décennies ?

Des éléments de réponse à ces interrogations sont fournis dans cette contri­bution avec des exemples relatifs aux voies rapides et aux autoroutes.

La courbe débit-vitesse constitue un élément clef des études d'ingénierie rou­tière. Elle traduit l'aptitude des aménagements à écouler le trafic. Ses diverses caractéristiques sont étroitement liées à des facteurs multiples : la géométrie de la route et son environnement, les modes d'exploitation, les conditions météo­rologiques, la composition du trafic et la nature des déplacements. Dans ces dernières catégories, les spécificités du parc automobile et les comportements de conduite jouent un rôle prépondérant.

Or le parc des véhicules ne cesse d'évoluer et de se renouveler. Cette méta­morphose se décline notamment par une augmentation des performances de souplesse et par une meilleure qualité de conduite. Ces particularités sont révé­lées par des observations diverses concernant les intervalles de temps entre les véhicules et les vitesses tout comme par la réduction forte et continue des taux d'accidents.

Actes INRETS n" 105 57

Page 60: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Quelles répercussions cette évolution a-t-elle sur la courbe débit-vitesse ? Les caractéristiques nominales des infrastructures comme les voies rapides et les autoroutes ont-elles été sensiblement modifiées ? Quelles variations ont-elles subi au cours des dernières décennies ?

Des éléments de réponse à ces interrogations sont fournis dans cet article qui égrène tout d'abord les résultats d'observations réelles effectuées à l'étran­ger, résultats qui révèlent, notamment, une modification majeure de la courbe débit-vitesse correspondant à une augmentation de capacité. Une validation expérimentale est ensuite étayée à travers une analyse quantitative relative à une importante voie rapide francilienne.

Les conclusions suggèrent des recommandations pratiques concernant la prise en compte de ces phénomènes dans les études d'ingénierie routière. Elles suscitent également des interrogations diverses, sur la pérennité du phénomène et son interaction avec les questions de sécurité.

1. Quelques principes de l'écoulement du trafic

Le trafic est défini à partir des 3 grandeurs macroscopiques de base : débit (q, nombre de véhicules par unité de temps), concentration (k, nombre de véhi­cules par unités d'espace) et vitesse moyenne (u, moyenne arithmétique des vitesses instantanées des véhicules présents sur une section de route).

A faible concentration de véhicules, on observe une vitesse moyenne du flot généralement élevée, appelée vitesse libre correspondant à une vitesse maxi­mum. A l'inverse, lorsque la concentration augmente, les interactions entre les véhicules deviennent plus importantes et la vitesse moyenne diminue. Ce constat suggère que la vitesse est une fonction monotone décroissante de la concentra­tion k. L'hypothèse

u = u(k)

s'appelle hypothèse du diagramme fondamental [1 ]. Elle est représentée par la figure 1.

Compte tenu de la relation liant les trois variables de base, la loi d'écoulement du trafic sur une section de route, peut aussi être formulée par une fonction liant deux des trois variables débit, concentration et vitesse. En règle générale, le diagramme fondamental possède l'allure représentée dans la figure suivante : le débit q est déduit de la concentration k.

La première partie de la courbe correspond à l'état de circulation fluide. Situation facile à interpréter : les véhicules ne se gênant pas, le débit augmente avec la concentration jusqu'à une certaine valeur kc de cette dernière appelée concentration critique. Le niveau de débit correspondant à cette concentration traduit la capacité de l'infrastructure, c'est-à-dire le débit maximal qmax suscepti­ble d'être écoulé. Au delà de ce seuil critique, si la concentration continue d'aug­menter, le débit lui, se met à régresser. Les véhicules commencent à se gêner les

58 Actes IN RETS n., 105

Page 61: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Considérations sur l'évolution des courbes débit-vitesse

Figure 1 : Représentation de la loi vitesse-concentration

u

umax

kj

Figure 2 : Représentation de la loi débit-concentration

q

qmax

kc kj k

uns les autres et le régime de circulation est dit saturé. Le trafic présente alors une certaine instabilité. Un même débit correspond à deux valeurs bien distinc­tes de la concentration, selon que la circulation est fluide ou saturée. Ainsi par exemple, un débit nul, signifie ou bien que le tronçon est vide ou qu'au contraire la concentration est à sa valeur limite kj appelée concentration d'embouteillage, par suite d'un blocage à l'aval.

Le phénomène peut également être représenté dans le plan débit et vitesse pour donner lieu à la courbe du même nom.

Actes IN RETS no 105 59

Page 62: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de fa recherche en matière de vitesse

Figure 3 : Représentation de la loi débit-vitesse

u •

umax1

! ----

uc ---------------------

qmax q

En pratique, le diagramme est élaboré à partir de données expérimentales directement recueillies sur le terrain.

Les informations enregistrées présentent toujours une assez forte dispersion, comme l'illustre la figure 4. Les calculs tentent alors de livrer une image simplifiée de la réalité tout en correspondant au mieux aux données expérimentales. Pour cela, la courbe débit-vitesse est ajustée par des techniques statistiques au nuage des points empiriques. Fonctions polynomiales, logarithmiques ou exponentielles sont souvent utilisées.

60

Figure 4 : Loi débit-vitesse empirique sur voie rapide urbaine à 3 voies

150

100

50

Vitesse (km/h)

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OL-------L-------L-------L-----~ 0 2000 4000 6000 8000

Débit (véh/h)

Actes IN RETS n"' 1 OS

Page 63: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Considérations sur l'évolution des courbes débit-vitesse

2. Un constat sur l'évolution

La courbe débit-vitesse traduit J'aptitude des divers aménagements routiers à écouler le trafic. Plusieurs caractéristiques de fonctionnement en sont directe­ment issus : vitesse libre, vitesse critique, concentration critique, capacité de la route, ..

Ces caractéristiques de fonctionnement dépendent de la géométrie de la route et de son environnement. D'autres ont trait à la nature des déplacements et la composition du trafic. D'autres encore dépendent des mesures d'exploitation et de contrôle mises en œuvre par les gestionnaires de réseaux. Enfin, certains facteurs typiques du comportement de conduite ont également un impact non négligeable sur ces caractéristiques de fonctionnement, en particulier sur la capacité.

D'abondantes recherches ont été entreprises sur certains de ces thèmes, et sont encore régulièrement poursuivies, en particulier aux Etats-Unis. Décideurs, concepteurs et exploitants connaissent bien le célèbre Highway Capacity Manua/ (HCM), publié pour la première fois en 1950, réédité en 1965, actualisé en 1985 et 1994 et récemment encore réédité dans sa version 2000 [4].

La capacité de base des sections homogènes des autoroutes américaines était, de 1965 jusqu'en 1990, évaluée à 2 000 unités1 de voitures particulières par heure et par voie (uvp/h/voie) dans des conditions de circulation qualifiées d'idéales. Depuis lors, diverses observations ont mis en évidence une augmenta­tion sensible de cette valeur nominale. Depuis l'an 2000, cette capacité de base est passée à 2 400 uvp/h/voie environ, soit un gain significatif de 20 % [5].

Figure 5 : Evolution de la courbe débit-vitesse sur autoroute [5]

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Débit (uvp/hfvoîe)

1 Rappelons que cette unité se rattache au concept de coefficient d'équivalence des diverses catégories de véhicules, Fréquemment usité dans les études d'ingénierie routière, le coefficient d'équivalence permet de quantifier l'effet des différentes catégories de véhicules sur !es conditions d'écoulement.

Actes INRETS no 105 61

Page 64: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Cette augmentation est généralement attribuée à l'amélioration des perfor­mances des véhicules avec l'introduction progressive des systèmes d'aides à la conduite et à l'adaptation des comportements de conduite des usagers.

La figure 5, extraite de la référence 5, souligne l'évolution de la courbe débit­vitesse des autoroutes pour la période 1965-2000. Outre la variation significative des débits maximaux, les conditions d'écoulement du trafic en régime fluide sont considérablement modifiées.

A la différence d'il y a quelques décennies, les véhicules circulent aujourd'hui à la vitesse maximale jusqu'à des débits atteignant environ 75% de la capacité. La courbe débit-vitesse de l'année 2000 montre en effet que la vitesse désirée est pratiquement commune aux niveaux de service2 A, B et C [4]. Or pour ce dernier niveau de service C, le rapport de la vitesse moyenne à la vitesse libre était encore estimé à 0,7 seulement dans les années 1960.

3. La courbe débit-vitesse et l'intervalle de 2 s

Depuis le 30 novembre 2001, une nouvelle réglementation de sécurité pré­voit que les automobilistes doivent respecter un écart de 2 s avec le véhicule qui les précède. Cette réglementation a des conséquences directes sur la loi débit-vitesse.

Il est possible d'écrire l'équation d'une courbe débit-vitesse théorique, repré­sentant un flux de trafic dans lequel la règle précédente serait respectée. Avec les notations usuelles, on a :

TIV = intervalle + temps de passage

soit encore

1/q =intervalle+ LN

où q est le débit, TIV le temps inter-véhiculaire, L la longueur moyenne d'un véhicule et V sa vitesse.

Dès lors, il est possible de superposer cette courbe théorique avec celle issue des observations. La figure 6 suivante est empruntée à J.-P. Gastaud [3]. Elle superpose sur un même graphique la courbe débit-vitesse classique du HCM 1965 et celle obtenue en supposant respecté l'intervalle de 2 secondes entre véhicules, rendu obligatoire par la nouvelle réglementation.

On constate clairement que le strict respect de cet intervalle réduirait dans des proportions importantes la capacité des autoroutes et des voies rapides dont

2 Le HCM définit plusieurs niveaux de service pour la circulation sur une route, notés A, B, C, D, E et F. Par niveau de service il faut entendre non seulement la vitesse, mais encore la liberté de manœuvrer et la distance séparant les véhicules. Ces deux derniers facteurs sont intimement liés à la concentration des véhicules sur la chaussée (ou encore au taux d'occupation).

62 Actes IN RETS no 105

Page 65: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Considérations sur l'évolution des courbes débit-vitesse

Figure 6 : Courbe débit-vitesse et intervalle de 2 s [3)

140

120

100

~ 80 ~

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1000 1500 2000 2500

Débit en véhicules/heure

on a vu précédemment qu'elle avait considérablement augmenté au cours des dernières décennies. La capacité induite ne serait plus alors que de 1 600 véh./h/ voie au lieu des 2 000 véh./h/voie et même de 2 400 véh./h/voie adoptés parfois aujourd'hui.

La figure met clairement en évidence la zone hachurée correspondant à des débits élevés et pour lesquels les usagers contreviennent à la règle des 2 s.

4. Une quantification sur un site francilien de référence

Le choix du Boulevard Périphérique de Paris comme site d'analyse est apparu judicieux à divers titres. Cette voie rapide à 2 fois 3 ou 4 voies joue un rôle majeur dans l'écoulement du trafic en Région d'ile-de-France. Elle constitue la première rocade autour de la capitale et achemine chaque jour plus d'un million de véhicu­les. Ce fort niveau de demande permet d'atteindre les débits de capacité durant les périodes de pointe.

Le sud de l'ouvrage, entre les deux ponts sur la Seine, a été en premier équipé d'un système permanent de recueil des données de trafic. Mis en place vers la fin des années 1970, le recueil s'appuie sur un important réseau de cap­teurs à boucles électromagnétiques, placés en moyenne tous les 500 mètres le long des voies, assurant ainsi la mesure des variables de base débit et taux d'occupation. Aujourd'hui, une station sur cinq est équipée de doubles boucles électromagnétiques assurant ainsi la mesure supplémentaire de vitesse. Notons enfin que des études de capacité étaient entreprises sur cette partie de l'ouvrage dès 1979, permettant l'établissement de valeurs de référence, précieuses pour des comparaisons [1, 2].

Actes INRETS n" 105 63

Page 66: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matiére de vitesse

Pour tenter d'appréhender l'évolution de la courbe débit-vitesse, nous obser­vons le fonctionnement d'une section homogène standard au cours de deux périodes distinctes.

Les données analysées se fondent sur les variables débit et taux d'occupation, fournies toutes les 6 min par les mêmes capteurs au cours de deux périodes. On dispose ainsi de configurations similaires, la première caractérisant les conditions d'écoulement pour des jours ouvrables du mois de juin 1979, la seconde pour des jours ouvrables de juin 1994, au droit de la même station de mesure. Les données météorologiques archivées n'indiquent aucune différence notable entre le deux ensembles.

Une analyse statistique révèle, dans les deux cas, la bonne adaptation du modèle de May [2]. Les résultats synthétiques sont consignés dans le tableau 1, dans laquelle débit (q) et taux d'occupation (~sont respectivement exprimés en uvp/h et en %.

Tableau 1 : Caractéristiques des courbes débit-taux d'occupation (section à 3 voies)

Section 3 voies Courbe débit-taux Taux critique Capacité (%) (uvp/h)

Juin 1979 q = 389' exp(- 0,0006 ,2) 28 6 690

Juin 1994 q = 463 -r exp(- 0,0007 -r2) 27 7 360

La figure 7 illustre l'évolution, à quinze années d'intervalle, des caractéristi­ques de l'écoulement sur la même section homogène à 3 voies.

On note une modification significative de la capacité. Celle-ci passe de 6 690 uvp/h à 7 360 uvp/h, soit une augmentation de 10 % environ en 15 ans. D'autre part, la vitesse libre, proportionnelle au facteur constant du modèle, a sensiblement augmenté. En dépit du maintien de la limite réglementaire de 80 km/h sur l'ouvrage, la hausse révélée par le modèle suggère donc une impor­tante modification des comportements de conduite.

5. Une actualisation nécessaire

Pour améliorer la qualité des études d'ingénierie de conception et d'exploita­tion, il importe donc de bien prendre en compte les évolutions constatées précé­demment. Il s'avère donc indispensable d'actualiser les paramètres caractérisant les formulations débit-vitesse, en particulier sur les voies rapides urbaines et les autoroutes.

La figure 8 illustre le fonctionnement actuel d'une section à 4 voies d'autoroute urbaine en ile-de-France. Avec un pourcentage moyen de poids lourds de 10 % environ, la capacité trouvée est de 2 250 véh./h. Elle est atteinte avec une vitesse critique de 66 km/h, tandis que la vitesse libre est de 104 km/h.

64 Actes INRETS no 105

Page 67: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Considérations sur J'évolution des courbes débit-vitesse

Figure 7 : Evolution des conditions d'écoulement (section homogène à 3 voies)

:2 7500 o. 994 > 3 • ·@

f1 > 6500 M

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5500 1

1 4500

!/ ~ 3500

0 20 40 60 80 100

Taux d'occupation (%)

Figure 8 : Courbe débit-vitesse observée en 2004 sur une section à 4 voies

120

100

80

60

40

0

Chaussée .AA, 4 voies, sens Y, pr 6.14

sse (km/h)

2000 4000 6000 8000 10000

Débit (véh/h)

6. Des recommandations et des interrogations

L'objet de la recherche était d'étudier l'évolution historique de la courbe débit­vitesse et de la capacité des infrastructures, en liaison avec l'amélioration des performances des véhicules et l'évolution des comportements de conduite.

Actes IN RETS no 105 65

Page 68: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

La démarche expérimentale adoptée a mis à profit l'existence d'importantes mesures de trafic, archivées par des exploitants des voies rapides urbaines. Des analyses statistiques confirment les principales tendances de l'évolution et parti­culièrement une nette augmentation de la capacité. Ces résultats corroborent le constat dressé dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis, relatif à l'évolu­tion de la capacité des aménagements routiers.

Ces investigations soulignent l'importance d'une actualisation des valeurs nominales appliquées dans les études de conception, d'ingénierie et d'exploita­tion des infrastructures. Il paraît essentiel d'étendre le travail, effectué récemment pour les sections homogènes des voies rapides urbaines, au cas des autoroutes de liaison et à d'autres catégories de sections.

Les résultats suscitent aussi des interrogations diverses. En particulier, l'aug­mentation des débits de pointe s'accompagne-t-elle d'une dégradation du niveau de sécurité ? Le phénomène de hausse de la capacité pourra-t-il perdurer dans les prochaines années sans remettre en cause la sécurité des usagers de la route ? Sera-t-il accentué par l'introduction des systèmes d'aide à la conduite ? Devra-t-on maintenir la réglementation des intervalles de 2 s incompatible avec les débits pratiqués par les usagers ?

Ce faisceau d'interrogations révèle les implications multiples liées à l'évolution de la courbe débit-vitesse et souligne la nécessité de bien surveiller le phéno­mène et de l'évaluer.

Références

[1] Cohen S. (1993). Ingénierie du Trafic Routier.« Eléments de théorie du trafic et applications''· Presses de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Paris (nouvelle édition).

[2] Cohen S. (1995). Evolution de la capacité des infrastructures, Un exemple sur une voie rapide urbaine, Revue RTS no 47, juin 1995.

[3] Gastaud J.-P. (2005). L'intervalle de 2 secondes et le débit des voies rapides, Note technique (CGPC).

[4] Highway Capacity Manual (2000), Special Report 209, Transportation Research Board, National Research Council, Washington D.C., 2000.

[5] May A.D. (1994). Traffic Management from theory to practice: pas!, present and future, 73rd an nuai meeting of the Transportation Research Board, Washington D.C., January 1994.

66 Actes INRETS no 105

Page 69: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de l'état du trafic via les mesures de vitesses

Mehdi Danech-Pajouh Laboratoire Génie des Réseaux de Transport et Informatique Avancée

mehdi. danech@inrets. fr

Résumé

Les exploitants routiers des CIGT ou ceux des PC des sociétés d'autoroute ont l'habitude de consulter des tableaux synoptiques représentant l'état du trafic de leur réseau. En général un tel synoptique ne dresse que la photographie ins­tantanée du trafic. Ce que nous proposons est l'image d'une telle carte projetée dans un horizon court et utile. L'objectif consiste à fournir des informations dyna­miques aussi bien pour aider les gestionnaires que pour guider les conducteurs via leur équipement embarqué.

L'état du trafic est identifié par 3 couleurs ou 3 qualificatifs : Vert (fluide), Orange (dense) et Rouge (saturé). La notion de ralentissement est liée à une vitesse seuil que nous faisons varier selon la vitesse critique de chaque section de route. Cette approche constitue l'une des particularités de notre modélisation Le moteur de calcul (en expérimentation pour le système d'exploitation Gutenberg de la ville de Strasbourg) comprend, l'épuration des données, la recherche de la vitesse critique, le calibrage des modèles probabilistes {lemps différé) et le module de calcul en temps réel. Ce moteur pourrait être facilement intégré à un logiciel produisant un synoptique d'un réseau routier.

1. L'introduction méthodologique

Il y a, principalement, deux approches pour étudier l'évolution du trafic dans un réseau routier.

La première est physique, où par défaut d'avoir une loi physique propre à la description de cette évaluation, on fait l'analogie entre l'écoulement du trafic et l'écoulement de l'eau (hydrodynamique). Et récemment, on a pu voir une autre analogie fondée sur la théorie cinétique des gaz. D'après les spécialistes l'inté­rét de ce type de modélisation consiste dans la forme analytique et la relative

Actes IN RETS n" 106 67

Page 70: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

simplicité mathématique des équations à traiter. Quoi que dans cette approche les recherches abstraites soient bien avancées, mais ceci ne devrait pas oublier que l'objectif visé, ici, est uniquement l'aspect physique de l'écoulement du trafic. Pour nos collègues des sciences humaines faire l'analogie entre une voiture tra­versant une route et une goutte d'eau s'écoulant dans un fleuve est de procéder à une forte simplification d'un problème par nature complexe. Pour les sociolo­gues et les psychologues une voiture passant sur une route, en plus de son sens physique, a une dimension sociétale et une dimension perceptivo-cognitive qui ne sont pas traitées dans cette approche.

La deuxième approche est statistique, où il n'est imposé aucune loi physi­que a priori. La régie principale est d'observer les phénomènes telles quelle sont et de tenter de découvrir les lois sous-jacentes de l'évolution d'un phénomène comme l'écoulement du trafic, à travers les variations des observations dans le temps et dans l'espace. L'hypothèse de base découle d'une interprétation sta­tistique et probabiliste de l'assertion déterministe : « dans /es conditions sembla­bles, /es mêmes causes produisent les même effets ». L'approche adoptée dans l'étude présentée ici est statistique.

2. Le contexte

Il existe, actuellement, un important potentiel de recueil de données du trafic sur les axes routiers via plusieurs milliers de capteurs appartenant au Ministère. Ces capteurs de la norme SIREDO fournissent toutes les 6 minutes des mesu­res agrégées comme le débit, la vitesse, le taux d'occupation et parfois le pour­centage de poids lourd. Le logiciel d'acquisition des données Ml2 et le réseau

Figure 1 : Cartographie des capteurs SIRE DO

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68 Actes IN RETS no 105

Page 71: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de l'état du trafic via les mesures de vitesses

Intranet du Ministère, 12 permettent d'acheminer ces informations vers des ser­veurs dèdiès, dont celui de l'IN RETS baptisé SI2TAR.

Un logiciel du type MIVISU (développé par la société LABOCOM) ou ASTEC (conçu par le Ministère) fournit une photographie instantanée de l'état du trafic d'un sous réseau routier. Ce genre de logiciel est devenu un outil de travail pour les Centres d'Informations et de la Gestion du Trafic (CIGT).

3. L'objectif de la démarche

Disposer pour chaque section (munie de capteur) d'une anticipation de l'état du trafic à l'horizon d'une demi-heure. Ces anticipations sont destinées à être projetées sur un tableau synoptique d'un sous réseau routier (voir les deux exem­ples des Figures 2 et 3).

Ce travail est réalisé dans le cadre de l'amélioration du dispositif Bison Futé, une convention DSCR-INRETS.

L'application en temps réel de cette modélisation peut se concrétiser par l'acquisition des données des capteurs SIREDO via le logiciel d'acquisition des données « Ml2 >> et par l'usage d'un logiciel de visualisation. Ainsi chaque exploi­tant disposera, pour le réseau routier dont il a la charge, d'un outil traçant l'état du trafic en deux présentations distinctes :

une photographie instantanée

une image prévue à un horizon court et utile.

Figure 2 : Une photographie instantanée du boulevard périphérique

Actes !NRETS no 105 69

Page 72: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Figure 3 : Une photographie instantanée du réseau GUTENBERG

4. Le réseau de l'expérimentation

Il s'agit de la voirie rapide urbaine du projet d'exploitation GUTENBERG à Strasbourg (Figure 3). Ce réseau est composé de 72 sections orientées, l'extré­mité nord du réseau sur A4 est distancée de 22 km de l'extrémité sud sur A35 prés de l'aéroport. Le temps de parcours moyen pour franchir cette distance varie selon le sens de la circulation, le jour de la semaine et la période horaire. Les Figures 4 et 5 construites à partir de l'historique d'un an Uuin 2004-mai 2005) des données 6 minutes montrent bien que le TPM varie entre 12 et 24 minutes.

70

Figure 4

Strasbourg: Nord->Aéroport(22lan)

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Actes lNRETS n" 105

Page 73: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de J'état du trafic via les mesures de vitesses

Figure 5

Strasbourg: Aéroport-> Nord (22km)

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-L

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5. La construction d'une base de données d'apprentissage

5.1. Le recueil et épuration des données

L'historique est constitué à partir d'un an Uuin 2004-mai 2005) des données 6 minutes. A chaque pas et pour chaque capteur, on peut connaître l'évolution du taux d'occupation t, de la vitesse v et du débit q. Pour l'épuration de cette base nous procédons à deux types de filtrages. Le premier filtre concerne les données aberrantes (vitesse et/ou taux d'occupation nul) ou manquantes et le deuxième concerne l'absence de cohérence entre les mesures.

5.2. La détection des ralentissements

Théoriquement, le régime du trafic est considéré fluide si la vitesse v est supé­rieure à la vitesse critique Vc. L'estimation de la vitesse critique s'effectue par un ajustement d'une courbe du second degré à partir du nuage des points des débits et des vitesses brutes. La vitesse critique Vc. correspond à la vitesse maximisant la parabole ainsi obtenue (voir Figure 6).

Pour vérifier si cette vitesse est bien réaliste, nous la positionnons par rapport à la limitation réglementaire de vitesse de la section Vrég et aussi par rapport à la vitesse médiane des vitesses pratiquées par des conducteurs quand le trafic est fluide.

Pr(v ;>V réf 1 v ;>V cl = 0,50

La cohérence de calcul de la vitesse critique se vérifie avec l'inéquation vc s vrég tout en sachant qu'en général vrég s vréf·

Actes INRETS n' 105 71

Page 74: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Figure 6

120

100 ~

'E 80 .>: m 60 ~

~ > 40

20

2000 4000 6000 8000 10000

Débit horaire

Les trois états de trafic, saturé, dense et fluide, sont la traduction de trois tranches de vitesse. Une première, où la vitesse sur la section considérée est inférieure à un seuil a, caractérise le trafic saturé. Une deuxième, où cette vitesse est comprise entre ce seuil a et un seuil ~. correspond au trafic dense. Et une dernière, où la vitesse est supérieure au seuil ~. correspond à l'état de trafic fluide (Figure 7). Certains exploitants appliquent les mêmes valeurs seuils à tous les tronçons. C'est le cas par exemple pour le réseau de voirie rapide urbaine sur lequel nous avons réalisé notre expérimentation, a et ~ valant respectivement 30 km.h-1 et 50 km.h-1.

Figure 7

Saturé Dense Fluide

Vitesse

j3

Définition des états du trafic Nous adaptons les seuils a et ~ aux caractéristiques de chaque section, ce

qui constitue une des originalités de notre démarche. Pour cela, nous faisons intervenir la vitesse critique propre à chaque section V

0 et considérons la section

comme saturée à l'instant t, si la vitesse est inférieure à la moitié de la vitesse cri­tique (a= V J2), fluide si elle est supérieure à la vitesse critique(~= V

0) et dense

entre ces deux seuils. Il y a ralentissement quand le trafic est dans l'état dense ou saturé, c'est-à-dire dès lors que la vitesse est inférieure à la vitesse critique V

0.

On applique à l'historique cette approche de détection de ralentissement et on construit ainsi une variable à deux modalités Ral1. Elle vaut 1 si on repère un

72 Actes IN RETS no 105

Page 75: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de l'état du trafic via les mesures de vitesses

ralentissement à l'instant t, et 0 sinon. La variable binaire Bouchon, sert à distin­guer l'état dense Bouchon,= 0 à l'état saturé Bouchon,= 1. Les variables Ral,+30 et Bouchon,+30 sont également des variables binaires relatives à l'instant t + 30.

5.3. L'objet de la prévision

L'objectif de la prévision est de déterminer l'état du trafic, autrement dit de savoir dans quelle tranche de vitesses on se trouve à l'horizon de la prévi­sion. Une possibilité consiste à faire préalablement une prévision quantitative de la vitesse, ce qui peut être réalisé par exemple par une régression linéaire. Or, dans le cas qui nous intéresse le plus, à savoir le trafic saturé, cette modélisation conduit souvent à des résultats erronés. D'autres modélisations plus complexes pourraient être envisagées, mais nous les écartons, car le produit final du travail décrit ici doit être intégré à terme dans un système d'exploitation en temps réel, avec ce que cela suppose comme contraintes de réactivité.

Une autre possibilité consiste à prédire directement la variable qualitative état du trafic sans passer par l'intermédiaire de la valeur numérique de la vitesse. Il s'agit de modéliser les probabilités d'apparition d'un événement et nous avons utilisé à cet effet la méthode de régression logistique (Hosmer & Lemeshow, 2000), également employée dans le milieu médical, où le médecin est amené à prédire une variable, la plupart du temps dichotomique (malade versus non­malade), à partir d'un ensemble de variables qualitatives et/ou quantitatives, tout en évitant les non-détections, c'est-à-dire les pronostics non-malade erronés.

Dans notre domaine, si nous nous intéressons par exemple à la présence d'un ralentissement à un horizon donné, la modélisation logistique va estimer le risque que la vitesse à cet horizon soit inférieure à la vitesse critique. Le choix du seuil de probabilité (ou risque) à partir duquel nous annoncerons que la circulation sera ralentie infiuencera le nombre de non-détections (cas où le trafic est prédit à tort comme étant fluide).

5.4. La justification de 1 'horizon de prévision

Nous savons que les vitesses brutes (pas de 6 minutes) successives sont très corrélées entre elles, ce qui se traduit par une certaine continuité dans le temps du trafic routier. Cette continuité s'amenuise au cours du temps, comme si le phénomène perdait sa mémoire. L'apport d'un modèle de prévision sert en partie à aider le système à rattraper cette perte.

D'après notre étude présentée, en partie, ici nous constatons que cette mémoire dépend du type de milieu dans lequel est implantée la route : en milieu périurbain la route semble se souvenir plus longtemps des vitesses passées.

5.4.1. La mémoire du trafic en milieu périurbain

Cet exemple concerne la section de route située prés de Versailles sur la N118 sens Province-Paris, avec les donnée recueillies en 2000.

Actes !NRETS no 105 73

Page 76: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Pour commencer, observons la très forte corrélation (p = 0,97) entre v1 et v1+6 vitesses moyennes décalées de 6 minutes.

Le nuage de points (Figure 8) est très proche de la première bissectrice : cela prouve que les deux vitesses sont souvent très proches l'une de l'autre.

Le nuage des points (Figure 9) reconstitués à partir des v1 et v1+30 montre une faible corrélation (p = 0,59) des deux variables.

Nous justifions ainsi l'horizon d'une demi-heure pour le modèle de prévision élaboré dans cette étude. Il correspond à la période à partir de laquelle la route commence à « oublier >> les vitesses précédentes. Par ailleurs ce choix corrobore avec trois autres raisons :

Figure 8

"D

120

100

80

60

'0

20

0 0 20 •o 60 E<J \Dl 120 140

Figure 9

140

120

100

80

GO

40

20

0 0 20 40 60 80 100 120 140

74 Actes INRETS no 105

Page 77: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de J'état du trafic via les mesures de vitesses

Ce délai est largement suffisant pour parcourir le réseau dans le sens de sa longueur.

Ce délai est suffisant pour qu'un gestionnaire et/ou un conducteur agissent à temps pour modifier leur décision.

La possibilité de réactivité des modèles, à chaque pas de 6 minutes.

6. Construction des modèles

La modélisation choisie est une adaptation d'un modèle logistique souvent employé par des biostatisticiens. Peut-on prédire l'état du trafic à 30 minutes, comme un médecin qui diagnostique et anticipe une maladie chez ses patients. Cette modélisation, s'effectuant section par section, se déroule en deux étapes :

1. L'état du trafic sera-il fluide (vert) ?

2. Quelle sera la gravité du ralentissement prévu dans la première étape ? dense (orange) ou saturé (rouge).

6.1. Première étape : prédire un ralentissement

Pour prédire l'état du trafic à t + 30, nous scindons l'historique en deux clas-ses A et B différentiées par l'état initial du trafic.

Classe A: on constate un ralentissement au temps Rai,= 1.

Classe B : absence de ralentissement au temps t (Rai,= 0).

Pour chaque classe nous construisons un modèle séparé qui respecte la même structure. La même variable à expliquer se modélise avec les mêmes variables explicatives, mais l'historique d'apprentissage change d'une classe à l'autre.

6.1.1. Structure de chaque modèle

La variable à expliquer est binaire Ral,+30, les variables explicatives sont des variables quantitatives ou qualitatives disponibles en temps réel :

- les variables décrivant le contexte de la demande (type de jour, période horaire),

- les variables assurant la cchérence du réseau (vitesse section, amont, To section, aval),

- les variables concernant la composition du trafic (%o poids lourd).

La modélisation choisie tente d'expliquer la probabilité d'apparition de l'une des deux modalités de la variable à expliquer par un ensemble de régresseurs composés de variables quantitatives et qualitatives.

Actes INRETS no 105 75

Page 78: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de fa recherche en matière de vitesse

p k ln(-) = a0 +"a· x-1_p L...ll

1=1

p = Pr(Ral1+30 = 1)

a1 étant le coefficient associé à la variable explicative x1, a0 est la constante du modèle.

Ces coefficients sont estimés à partir de l'historique. Ces calculs se font en temps différé. Le k est le nombre de variables explicatives intervenant dans le modèle.

1 p = -----'----~-­

k 1 +exp(- a0 - L;a1x1)

1

De plus il faut choisir un seuil de probabilité en deçà duquel l'individu sera étiqueté comme vert. Ce seuil de probabilité S1 constitue un degré de liberté qui permet de privilégier la surestimation ou la sous-estimation.

• {1 si p > s1 Ralt+30 =

0 . S

SI p :':: 1

Si Ralt+30 = 0 alors le trafic dans 30 minutes sera fluide (vert) . •

Si Ralt+30 = 1 alors le trafic dans 30 minutes sera ralenti.

6.1.2. Choix d'un seuil de probabilité

Pour un seuil donné S1 le croisement entre Ralt+30 avec Ral,.30 se construit, à partir de l'historique, le tableau ci-dessous servant à qualifier la qualité de la prédiction.

Tableau d'évaluation d'un modèle logistique

Etat observé (historique)

Ralentissement Fluidité

Ralentissement Vrai ralentissement Fausse alarme Nb. ralentissements estimés

Prédiction Fluidité Carence d'alarme Vrai fluidité Nb. fluidités estimées

Effectifs Nb. de Nb. de fluidités Total ralentissements

76 Actes INRETS no 105

Page 79: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de J'état du trafic via /es mesures de vitesses

Classiquement, on associe à chaque seuil de probabilité les quatre indica­teurs suivants :

- Taux de sensibilité : la proportion des ralentissements correctement pré­dits.

- Taux de spécificité : la proportion de fluidités correctement prédites.

- Taux de carence d'alarme : la proportion de fluidités prédites correspon-dant à des réels ralentissements.

- Taux de fausse alarme : la proportion de ralentissements prédits corres­pondant à des réelles fluidités.

On note par e la proportion de ralentissements observés dans l'historique et par ê la proportion déduite de la prédiction. Le seuil de probabilité S1 est fixé à partir de deux conditions imposées par l'exigence de l'adéquation du modèle à la réalité.

1ère condition :

L'application du modèle sur l'historique, avec seuil de probabilité choisie, ne doit pas aboutir à une proportion ê trop écartée de la proportion initiale 8. Il est

A facile de voir que dans le cas de l'égalité e = e le nombre de carence d'alarme et fausse alarme s'égalisent aussi.

2éme condition :

Les deux courbes de taux de sensibilité et de taux de spécificité, tracées selon A

la probabilité d'apparition de l'événement d'intérêt (ici Ralt+30 = 1) évoluent d'une manière opposée. En partant d'une valeur de la probabilité autour de 8, nous chercherons un seuil de probabilité s'approchant le plus possible du croisement des deux courbes c'est à dire là où la sensibilité avoisine la spécificité.

6.2. Seconde étape : prédire un bouchon

On met en place un modèle similaire à celui mis en place dans la première étape. La variable à expliquer est cette fois-ci Bouchont+30 et les variables expli­catives sont presque les mêmes. La classe d'apprentissage est une partie de l'ensemble de l'historique composé des individus pour lesquels l'état initial est un ralentissement (Rait= 1) ou un trafic saturé (Bouchant= 1 ). Comme dans la première étape on estime un certain nombre de coefficients qui permettront de calculer une probabilité d'apparition d'un embouteillage. Quand la probabilité est calculée, il suffit de la comparer à un certain seuil S2 pour étiqueter l'individu comme rouge.

A {1 si ii2 > S2 Bouchont+30 =

0 . _ S

SI P2:;; 2

Si Bouchont+30 = 0 alors le trafic sera dense dans 30 minutes, la couleur de la section sera orange.

Actes INRETS no 105 77

Page 80: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de fa recherche en maUère de vitesse

A

Si Bouchont+30 = 1 alors le trafic sera saturé dans 30 minutes, de couleur rouge.

7. Conclusions

Les exploitants routiers des CIGT ou ceux des PC des sociétés d'autoroute ont l'habitude de consulter des tableaux synoptiques représentant l'état du trafic de leur réseau. En général un tel synoptique ne dresse qu'une photographie instantanée du trafic. Ce que nous proposons, ici, est l'image d'une telle carte projetée dans un horizon court et utile. L'objectif consiste à fournir des informa­tions dynamiques aussi bien pour aider les gestionnaires que pour guider les conducteurs via leurs équipements embarqués.

La modélisation est conçue dans le contexte actuel de la technologie des cap­teurs routiers. Chaque station de mesure constitue un véritable ordinateur, reçoit et émet des informations. A titre d'exemple le Ministère possède plusieurs milliers de capteurs de ce type (voir la Figure 1) distancés de 10 à 20Km. Ils sont reliés au CIGT via le réseau Intranet du Ministère, 12. Les données sont recueillies par le logiciel Ml2. Et il existe plusieurs logiciels de visualisation (MIVISU, ASTEC ... ) qui servent à produire des photographies instantanées.

L'état du trafic est identifié par 3 couleurs ou 3 qualificatifs: Vert (fluide), Orange (dense) et Rouge (saturé). La notion de ralentissement est liée à une vitesse seuil que nous faisons varier selon la vitesse critique de chaque section de route ; c'est à dire en fonction des caractéristiques de l'infrastructure (le nombre de voie, la pente, etc .. ). Cette approche constitue l'une des originalités de notre modélisation. L'approche alternative, employée par certains exploitants, consiste à attribuer la même vitesse seuil à toutes les sections d'un sous réseau.

L'horizon d'anticipation est fixé à 30 minutes. Premièrement ce choix est lié à la mémoire de l'évolution du trafic sur une section de route. D'après notre étude (voir 5.4.1) dans le milieu préurbain elle est de l'ordre de 30 minutes. Par ailleurs ce choix corrobore avec trois autres raisons. Le délai de 30 minutes est large­ment suffisant pour parcourir le réseau dans le sens de sa longueur. Ce délai est suffisant pour qu'un gestionnaire et/ou un conducteur agissent à temps pour modifier leur décision. Enfin, la possibilité de réactivité des modèles, à chaque pas de 6 minutes.

La série de deux modèles conçus dans ce travail suit une approche proba­biliste. Contrairement à un modèle déterministe, dans un modèle probabiliste l'erreur d'appréciation est mise en évidence.

L'expérimentation en vraie grandeur de cette approche à l'information rou­tière, via la voirie rapide urbaine de Strasbourg, est en cours d'achèvement. Le mode d'emploi du moteur de calcul est mis à la disposition du CIGT concerné. L'évaluation complète fera l'objet du rapport final de la convention DSCR-INRETS (2004-2005) établie, dans le cadre de l'amélioration du dispositif Bison Futé.

78 Actes INRETS n' 105

Page 81: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Anticipation de l'état du trafic via les mesures de vitesses

Références

Royer F. Danech-Pajouh M, juin 2003, Prévision de l'état du trafic à l'horizon d'une demi-heure, rapport convention DSCR-INRETS.

Guyon X. janvier 2001, Statistique et Économétrie, Ellipses. Hosmer, D.W., Lemeshow, S., 2000. Applied Logistic Regression. 2nd ed, John

Wiley & Sons, New York, États-Unis.

Sauvagnac P., Abadie C. , Évaluation du projet d'exploitation GUTENBERG à Strasbourg, avril 2003, ZELT, CETE du Sud-Ouest.

Danech-Pajouh M. mars 2003, Les modèles de prévision du dispositif Bison futé et leur évolution, RTS no 78.

Actes INRETS no 105 79

Page 82: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar
Page 83: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route : rappel

de deux résultats en France

Marc Gaudry INRETS-DEST

[email protected]

et Sciences économiques, Université de Montréal

marc.qaudry@umontrea/. ca

Résumé

Nous étudions le problème de la vitesse routière en formulant un cadre d'équations simultanées où le risque objectif dépend de la vitesse choisie (et d'autre chose) et où la vitesse choisie dépend du risque anticipé (et d'autre chose), conformément à la forme structurelle du modèle DRAG. Nous rappelons des résultats méconnus obtenus dans ce cadre en France par deux modèles, le premier construit avec des données individuelles instantanées et le second avec des données mensuelles agrégées.

Dans /es deux modèles, /es formes fonctionnelles établissant la causalité statistique sont déterminées par /es données et diffèrent, s'il y a lieu, des formes prédéterminées usuelles (par exemple linéaire ou logarithmique) requises par /es régressions classiques et logistiques utilisées, régressions dont tous /es résultats sont par ailleurs exprimés sous forme lisible d'élasticités.

Sur deux ensembles de résultats méconnus

Nous nous proposons d'extraire de deux ensembles de travaux, associés aux thèses soutenues à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg par Laurence Jaeger en 1998 et Karine Vernier en 1999, les résultats qui concernent directe­ment la vitesse : son explication et ses effets sur les accidents. Il ne s'agit donc pas ici d'un résumé général de ces deux coulées de recherche, co-dirigées par

Actes lNRETS no 105 81

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

le présent auteur et Sylvain Lassarre 1 de I'INRETS-GARIG, mais d'une présen­tation partielle, synthétique et ciblée.

Le lecteur plus exigeant aura avantage à consulter les sources, dont seules les principales sont citées ici. Si l'ensemble est utile et d'intérêt, c'est en partie parce que ces modélisations quantitatives de la vitesse et de ses effets ont été rendues possibles par des échantillons exceptionnels et uniques à la France.

1. Structure, forme et élasticités des modèles considérés

Simultanéité du risque objectif et de la prise de risque. L'idée d'une déter­mination conjointe, interdépendante et simultanée de la prise de risque P, (par exemple par le choix de vitesse ou de port de la ceinture2) et du risque objectif de dommages routiers Rd, est simple. On peut l'exprimer par une structure à deux niveaux :

[Rd]<- [P,; ETCd],

[P,] <-[Rd; ETC,].

( 1)

(2)

où les indices spatio-temporels des variables ont été négligés. Au niveau 1, ETCd désigne d'autres variables explicatives du risque de dommages que la prise de risque et, au niveau 2, ETC, correspond à d'autres variables explicatives de la prise de risque que le risque de dommages.

Malgré sa simplicité, cette structure simultanée, formulée comme cadre d'inter­prétation des équations du premier modèle DRAG-1 (Gaudry, 1984 ), est encore rarissime dans la littérature sur l'insécurité routière : une recherche récente (août 2005) sur Internet, tant générale qu'avec Google Scholar, n'a dégagé aucune référence à une structure simultanée de ce genre, ou même à l'usage de métho­des d'équations simultanées, pour étudier les questions de vitesse.

Sans doute faut-il disposer des bonnes variables observées avant d'en tenter une explication simultanée : les données de vitesse utilisables à des fins de modélisation quantitative conjointe des accidents sont rares ; quant au « risque objectif>>, on ne sait pas toujours comment le mesurer empiriquement à des fins de modélisation, ni comment le faire intervenir dans une équation de vitesse. Ce champ de la recherche demeure inexploité malgré une longue pra­tique parallèle de la classification des sinistres et des dommages routiers chez les assureurs3.

1 François Laisney (Université Louis Pasteur) et Marc Will inger (Université Montpellier-1) ont aussi appuyé ces travaux, financés par I'INRETS, le SET RA et le Gouvernement du Canada. 2 On pense ici à la vitesse et au port de !a ceinture et du baudrier, ou à la conduite dangereuse ou avec facultés affaiblies, comme éléments endogènes de Pr; dans une perspective de plus long terme, l'entretien du véhicule et ses caractéristiques sécuritaires peuvent aussi être endogènes au modèle. 3 Dans certains pays, les assureurs commencent seulement à mesurer l'exposition au risque par le kilométrage saisi lors des examens techniques des véhicules ou des déclarations des assurés.

82 Actes INRETS no 105

Page 85: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

Risque observé et prise de risque dans les deux modèles. Ce même modèle DRAG-1 innovait dans le domaine de la modélisation des dommages routiers en analysant séparément les composantes du risque dont le produit résulte en dommages ou victimes par catégorie (tués, blessés): le risque d'ex­position DR {kilométrage par catégorie de véhicule), le risque de fréquence A (par catégorie de gravité, y compris matérielle) et le risque de gravité G (mor­bidité et mortalité). Au niveau 1, nous nous intéressons ici à ces deux dernières catégories de risque, A et G, même si le second des modèles traités explique aussi, à un autre niveau, dit 0, la demande routière DR.

Par contre, dans DRAG-1, la seule variable de prise de risque observée était le port de la ceinture, mais cette variable n'y était pas objet d'explication (par une équation de niveau 2) : elle était simplement traitée comme exogène dans l'estimation des équations de fréquence et de gravité d'accident au niveau 1. En conséquence, l'absence de la vitesse y transformait ces équations en formes réduites.

Heureusement, nous traitons ici deux cas de modèles où la vitesse V obser­vée est à la fois explicative dans les équations structurelles de niveau 1 et expliquée dans des équations de niveau 2, structurelles elles aussi.

Structure d'équations simultanées. Notre système estimé est donc, en incarnant R par A et G et Pr par V:

(3-A)

[G] <- [V ; ETCd], (3-B)

[V] <- [{A ; G} ; ETC,], (4)

où A désigne la fréquence des accidents par catégorie de gravité, G leur gravité exprimée en indices de morbidité et de mortalité, et V la vitesse pratiquée. Plus formellement, ce système, dont les vecteurs de variables exogènes X1, X2 et X3 peuvent à loisir être identiques ou pas, est simultané au sens strict d'un croisement des endogènes expliquées et explicatives du système:

(5)

(6)

(7)

Premier modèle : maintien de la simultanéité. Dans le premier modèle considéré (Gaudry et Vernier, 2000a, 2000b, 2002), les tests ont montré, en tenant compte de la simultanéité, que les mesures de risque observé interve­nant dans l'explication des vitesses individuelles instantanées pratiquées avaient bien leur place. Comment ces tests ont-ils été faits ?

Actes INRETS n' 105 83

Page 86: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Précisons tout d'abord que, dans ce modèle, les variables dépendantes des équations (5) et (6) sont constituées d'états expliqués par des modèles Logit :

P('0 = 8)= Nexp(V;o) et

L,exp(Vi8) i=1

(8)

où ij désigne la réalisation (en 2 états : accident ou pas) de la perte en probabilité d'accident et Z; désigne la réalisation (en 3 états: blessure légère, blessure grave, décès) de la perte en gravité.

De plus, si V;8 représente en (8) la fonction d'utilité associée à la réalisation 8 pour l'individu i et, si (icJ représente la transformation Box-Cox (définie plus bas) associée à la variable Xk, la fonction d'utilité représentative s'écrit :

v ~A xli.,} i8 = L. ~k i8k

k=1

(9)

Par ailleurs, le problème, si difficile dans l'équation de vitesse (7), de la mesure de y1 et y2 est ici résolu en leur substituant ;: et yp, deux indices de risque perçu tirés des équations (5-6) estimées. Leur formula~ion est inspirée de la théorie de l'utilité aléatoire où l'Espérance Maximale d'Utilité (Williams, 1977) correspond, dans un modèle Logit, au (logarithme du) dénominateur du modèle.

Par contre, l'équation explicative de la vitesse est de forme Box-Cox classique

(1 0)

où chaque variable transformable est assujettie à une transformation de Box­Cox (définie plus bas). Les deux indices, dits de «valeur inclusive>>, celui du risque perçu associé à la probabilité d'accident et celui du risque perçu associé à la gravité des accidents, y sont bien insérés comme variables dans leur forme linéaire, c'est-à-dire, respectivement définies par:

Y~= [~exp~;")} ainsi que: yg = (~expM9 )} (11)

et c'est l'estimation de (1 0) qui décide si la transformation logarithmique suggérée par la théorie leur convient.

Nous avons appelé Espérance Maximale d'Insécurité (EMI) cet analogue de l'Espérance Maximale d'Utilité dont les deux termes, utilisés en fait dans deux équations de vitesse, ont été retenus à la suite des tests.

Dans la première des deux équations, celle qui explique la vitesse moyenne, la transformation Box-Cox associée aux deux indices s'est avérée proche de 0 (cas logarithmique de la théorie); mais, dans l'équation qui explique l'écart type

84 Actes INRETS no 105

Page 87: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

des vitesses, on n'a pu rejeter la forme linéaire des mêmes indices définis en (11).

Second modèle : rejet de la simultanéité. Dans le second modèle (Jaeger, 1998, 1999; Jaeger et Lasserre, 2000), les tests ont montré au contraire que les mesures de risque agrégées mensuelles, comme le nombre de victimes, n'avaient pas d'influence immédiate ou retardée décelable" sur la vitesse moyenne pratiquée au niveau national sur le réseau supérieur.

Dans ce modèle agrégé, les équations de risque et de vitesse ont toutes la forme (10). En enlevant donc de (7) les variables endogènes y 1 et y2 rejetées par les tests, le système (5-6-7) devient récursif puisque la matrice des varia­bles endogènes du système est triangulaire. Son estimation aurait pu tenir alors compte d'une simultanéité éventuelle induite par une corrélation entre les erreurs des équations (5-6) et celles de l'équation (7). Toutefois, cette voie n'a pas été explorée parce que l'accent des travaux d'estimation a porté plutôt sur les l'es­timation des formes fonctionnelles en présence d'autocorrélation multiple de l'erreur u1 en (10), une tâche numérique plutôt lourde si on la compare à celle de l'estimation des modèles à forme prédéterminée.

Forme des variables, ajustement et pertinence. S'agissant des métho­des d'estimation, les neuf équations de DRAG-1 (deux sur les kilométrages au niveau 0 ; trois sur les fréquences d'accident au niveau 1 ; deux sur leurs gravités au niveau 2 et deux sur les victimes au niveau de contrôle 3) étaient estimées avec des transformations de Box-Cox (1964) sur les variables: les formes linéaire (À= 1) et logarithmique (À= 0), comprises comme cas particuliers emboîtés de la Box-Cox, ont été rejetées dans toutes les équations.

On sait que cette transformation, la plus populaire en économétrie selon Davidson et MacKinnon (1993), est applicable à toute5 variable Xk qui n'est pas une variable binaire (indicatrice) et qu'elle s'écrit communément6 :

X/'' -1 si Àk* 0,

Àk

X U•x) -k - (12)

lnXk si Àk ->O.

4 Avec des données agrégées mensuelles, il serait étonnant que des variations du nombre de victi~ mes (ou de la fréquence ou de la gravité des accidents) au niveau national aient des effets facilement décelables sur les vitesses moyennes pratiquées. Des tests nombreux faits sur DRAG-1 en 1983~ 1984 avaient alors conduit, sans surprise, aux mêmes conclusions. 5 Dans le cas d'une variable Xk dont certaines observations sont nulles, soit les valeurs nulles sont remplacées par des valeurs proches de zéro, soit il faut ajouter une variable indicatrice pour garantir l'invariance de la transformation estimée aux unités de mesure de Xk.

6 Nous négligeons la forme et la terminologie<< Box~Tukey »définies par Gaudry et Wills (1978) et dérivées d'Anscombe et Tukey (1952) et Tukey (1954).

Actes INRETS no 105 85

Page 88: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

L'usage de telles formes endogènes améliore par définition l'ajustement et autorise des effets marginaux souvent plus raisonnables, par exemple, que les effets constants associés à la linéarité ou que les effets de forme présupposée, exponentielle ou autre. Il était donc important de bénéficier des avantages de cette souplesse en estimant les équations des deux modèles.

Forme fonctionnelle et établissement de la causalité statistique. Mais cette pratique des transformations souples de variables va beaucoup plus loin encore : c'est l'établissement même des causalités statistiques qui en est modifié. En effet, en régression multiple classique ou logistique, la taille et Je signe des coefficients des variables explicatives Xk dépendent non seulement de leurs variances individuelles mais aussi de leurs covariances, toutes profon­dément affectées par des transformations.

Les coefficients des deux modèles sont donc bien estimés avec des transfor­mations de variables en (9) et (1 0) et les formes retenues ont bien été testées en comparant les formes optimales estimées aux cas linéaire et log-linéaire (en références H0). La corrélation et la forme fonctionnelle sont donc établies ensemble dans les deux modèles, suite à des milliers de tests du x2.

Forme fonctionnelle et expression des résultats. On sait par ailleurs que, lorsqu'une forme prédéterminée est utilisée en régression, l'analyste prend rapi­dement l'habitude de décider intuitivement du caractère raisonnable des coeffi­cients : si la forme fonctionnelle est linéaire, en mémorisant les unités de mesure des Xk pour faire un calcul mental des élasticités ; si elle est logarithmique, par un usage immédiat des coefficients qui correspondent alors à des élasticités évaluées d'une manière simple.

En général, les élasticités sont un indicateur puissant du caractère raisonna­ble de coefficients de régression obtenus qui les fondent. Pour pouvoir utiliser ce filtre intuitif redoutable, les résultats des coefficients ~k estimés en (9) ou (10) dans les deux modèles sont exprimés sous forme d'élasticités pour toutes les variables, y compris pour les variables indicatrices.

Dans les modèles de régression classique de type (10), la forme simple7 de l'élasticité de la variable dépendante y par rapport à la variable explicative Xk est bien connue :

( ) a y xk T\ y,Xk =----.

axk y (13)

Par contre, dans les modèles de régression logistique de type (8), nous utili­sons comme élasticité8 la mesure suivante dite des « points de probabilité >> :

(p ( ') X ) - a P(y n = i) X n n 1 ' k - a xk . k (14)

7 Il est loisible au lecteur intéressé â une présentation détaillée de la notion d'élasticité de consulter Gaudry etal. {1998) rédigé dans un but pédagogique â la demande de la Commission Européenne. 8 Dans ces modèles, !'élasticité de ra probabilité est obtenue en divisant {14) par ra part échantil!o­nale de l'alternative L Comme une probabilité est une mesure déjà normalisée, nous lui préférons ra notion (14} de« points de probabilité>> qui correspond bien au sens de la mesure (13).

86 Actes INRETS no 105

Page 89: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

qui s'interprète comme l'effet sur la probabilité P(Yn = i), effet exprimé en points de probabilités, d'une variation en pourcentage du Xk explicatif.

Ces précisions fournies sur la structure, la forme et l'expression des résultats, il est possible d'extraire les informations ayant directement trait à la vitesse.

2. Explication de la vitesse

Explicitation de l'équation de vitesse. Pour apprécier successivement les contributions spécifiques de chacun des deux modèles à l'explication de la vitesse, on peut réécrire plus explicitement l'équation (4) comme suit:

[V] <- [(A; G} ; DR ; P ; MVEH ; N-INFRA ; N-L ; Y-COND ; ETC,], (15)

où les nouveaux termes en gras désignent les ensembles de facteurs suivants :

DR =niveau et composition du trafic par catégorie ;

p

MVEH

=prix du carburant, de l'entretien et de l'assurance ;

=caractéristiques du véhicule et de son taux de remplissage ;

N-IN FRA =chaussée : géométrie, structure, surface, éclairage et climat ;

N-L =lois ; régimes d'amendes et d'assurances ; présence police ;

Y-COND =caractéristiques conducteur (âge et sexe; ébriété et fatigue).

Le premier modèle, construit à partir de données individuelles par section de route, utilise 2 caractéristiques de trafic et 7 4 d'infrastructure comprenant des éléments de tracé, de géométrie, de structure ou de surface de roulement de la chaussée.

Le second modèle présenté, construit à partir de données mensuelles agré­gées, retient 2 mesures de trafic, 2 indicateurs d'infrastructure, 6 autres variables sur les véhicules, les conducteurs et les prix, ainsi que 5 lois.

Données discrètes. Le premier modèle s'intéresse à deux aspects de la vitesse individuelle : la vitesse moyenne VM et l'écart type des vitesses ET.

Il utilise un échantillon construit spécifiquement pour les fins de l'étude mais sur seulement 17 sections de route dont chacune est toutefois le lieu d'obser­vation d'énormément de prises individuelles de vitesse. On constate d'ailleurs à la figure 1 que, dans l'échantillon complet, la longueur des véhicules varie entre 1,5 m et 25 m et leur vitesse entre 20 km/h et 200 km/h.

Les résultats du modèle, présentés au tableau 1 utilisent comme variables explicatives les variables suivantes : les deux composantes du risque perçu, l'importance du trafic et l'impact résiduel de certaines caractéristiques de la chaussée -retenues ici au delà de leur influence en (5-6) sur le risque objectif qui détermine lui-même en (7) le risque perçu.

On remarque d'abord au tableau 1 que, dans les deux équations présentées, le risque perçu en gravité EMU9, est plus significatif que le risque perçu en probabilité EMUP mais que, dans la seconde équation, les niveaux de significa-

Actes INRETS no 105 87

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Figure 1 : Vitesses individuelles sur 24 h (60 000 véhicules, 17 sections)

base de donnees complete ·:,\~oc., .,,, r "''""" '<· ,<, ;."'""h·.c·

Tableau 1 : Déterminants de la vitesse moyenne VM et de l'écart type ET

Modèle VM ET

Élasticité 11 et (t de Student de la variable) ~ (t) ~ (t)

G 2. RiSque perçu •.· ·.· ' .. ·. .... ·.

• ·•

. ··.· . .

* risque perçu en probabilité EMU, -0.21 (-0.68) .05 (0,07)

* risque perçu en gravité EMU9r -0.12 (-1.67) .04 (0.52)

G 3. Quantité de trafic ••· · .. ... .. · .

moy. journalière annuelle tous véh. MJA -0.07 (- 0.56)

G ·G .. ·.Zoné ·d'~;{pprOche._e:n.-plan·[rét_: ~eCtion.dr.oîté] . . ·, . ·.·. .• ... · ...... .... ·• .. Virage virage -.23 (-1.76)

G. :11. c_iaSSe-hiérarchique'·d3ns·l~. rés~~U.{rM .. : route.na'tiona·l~} ;· . ., ·· ..... ·.·.•.

liaison autoroutière LACR 0.24 (1.39) .45 (3.02)

G .14. Uni, trOttemerit,:-ornîéragè, ·déseilrotiager··· . ·· ... · . • ....... ....

*valeur de planéité de la chaussée valu ni 0.24 (1.50)

· G 15~ Structliraux : fisS:Urat10nS dîv·ers_es. . ·. . ·· ..

. ··.·· .. · . . .

· .

"fissures transversales graves ftgrav -.01 (-2.01)

variable binaire associée dftgra .54 (6.85)

.G.-17 .. Liarit de couche de roulement:. bîtume, ... [réf.:; grave bitumé] .. · .

grave hydraulique GH .23 (0.76)

Non traité NT -.25 (-1.59)

* Identifie une variable assujettie à une transformation Box-Cox, mais sans donner ici sa valeur (voir détails dans Gaudry et Vernier (2000a)).

88 Actes INRETS no 105

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Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

tion statistique sont très faibles même si ces niveaux résultent naturellement de la faible taille de l'échantillon.

On remarque ensuite que la quantité de trafic et divers facteurs d'infrastruc­ture influencent soit la vitesse moyenne soit l'écart type de la vitesse, mais pas les deux à la fois.

Au total, on peut dire que la base de données, qui ne comprenait aucune information sur les véhicules et leurs conducteurs et ne traitait que 17 sections, pourrait être étendue à d'autres sections et renseigner ces variables. Sans ce double effort, les résultats du tableau 1 sont étriqués et trop conditionnels à une orthogonalité incertaine9 des variables manquantes. Ils sont plus intéressants et prometteurs que professionnels et utilisables.

Données agrégées. Dans sa version simplifiée10, le second modèle explique par une quinzaine de variables la moyenne harmonique (pas arithmétique) de la vitesse sur le réseau supérieur (autoroutes, routes nationales et départemen­tales) de janvier 1972 à décembre 1993 (264 observations). Cette moyenne, montrée à la figure 2, est dérivée des enquêtes ONSER-ISL faites 11 depuis 1972

Figure 2 : Moyenne harmonique de la vitesse mensuelle, réseau supérieur

88

87

84

S3

82

81

80

79

78

Source : Sylvain Lassarre.

9 Dans une équation donnée, l'absence de variables importantes influence les résultats obtenus pour les variables disponibles dans la mesure où les variables manquantes sont corrélées (ne sont pas orthogonales) à celles qui ont été utilisées et retenues. 10 Nous montrons les résultats du modèle simplifié (Jaeger et Lassarre, 2000), pas ceux du modèle complet (Jaeger, 1998, 1999) qui comprend 7 variables supplémentaires moins importantes. 11 Les sources sont les mesures par radar de vitesse sur route effectuées par la société de sondage lSLdepuis 1973, d'abord sous la direction de I'ONSERjusqu'à son intégration dans I'INRETS en 1985 et, depuis cette date, sous la direction de I'ONISR. Les kilométrages des véhicules sont utilisés pour pondérer les mesures de vitesse par réseau.

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

(Lassarre, 1991 ). L'analyse visuelle y décèle un maximum à 87 km/h en 1987 et l'effet des limitations variées imposées en 1973-1974 suite à la crise d'octobre 1973 causée par le cartel de l'Opep.

Au tableau 2, quatre des résultats sont particulièrement intéressants, même s'il faut garder en mémoire qu'il s'agit ici de corrélations entre des agrégats France entière explicatifs et la vitesse sur le réseau interurbain supérieur (pas le réseau entier).

Tableau 2 : Déterminants de la vitesse moyenne sur le réseau supérieur

Élasticité 11 et t de Student de la variable ~ t

1. Exposition -au risque - . · _. •.···· . · .. . ·.· . •· . ···· .... · ... · ..

Kilométrage total en France .... 0,020% -5,70

2_._ Caractéristiques dès véhicule_s <. . . • .·

· . ·.···

Nombre de voitures particulières (2:: 11 CV)/kilomètre-

"' 0,006% 1,27 véhicule (France-entière)

3.- Comp_ri_rtemen( dès __ usagers (prise de-ri5;que) • ••••• ••• •••••••••••••• •

Taux de port de la ceinture de sécurité (France entière) "' 0,008% 2,30 Consommation de vin taxée en métropole 1 adulte .... 0,005% -0,89

4;_lnfra·stnicttJre . __ .· · .. · ·. .· .. .. ·.· .

Part de la circulation sur autoroutes "' 0,007% 2,22 Part de la circulation sur routes nationales .... 0,020% -4,31

5. Prix> . ·. .· . ·· ... · .. ·. .

Prix réel du carburant par kilomètre des voitures .... 0,080% -13,55 particulières Indice de prix d'une automobile "' 0,020% 8,23

-.6.-Pa'rt marchandisés de l'activité reliée au-travail . ·. ·. · ... · ...

······. Activité industrielle (hors BTP, énergie et constr. auto)/ .... 0,006% -1,35 travail

.7. Temp'ora_tité calèndaire_ ... .. ••

·.·· .· · ... · .. .......... •••••••

Nombre de jours fériés et de week-ends .... 0,030% -0,95

8-.:présence de cette tOi o~·dè Cet éVé~ém~nt .·· .··• . •· ·· .. · .··..• ··.·

Limitation vitesse rase campagne 90/110/130 km/h .... 2,50% -9,85 (sept. 1973) Instauration du Bonus-Malus Qanvier 1978) -0,00 0,15 Programme « Objectif- 10 % » Guillet 1982) .... 0,40% -1,52 Mesures resserrées en cas d'alcoolémie Quillet 1987) .... 0,90% -3,47 Limitation 50 km/h en ville (décembre 1990) 2,90% - 17,68

90 Actes INRETS no 105

Page 93: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

Les deux premiers résultats indiquent une « compensation du risque » : (i) la hausse de la vitesse associée au port de la ceinture de sécurité ; (ii) la baisse de la vitesse associée à la consommation du vin.

Les deux autres résultats rappellent le rôle incontournable des prix et amen­des : (iii) toutes les mesures répressives font baisser la vitesse sur ce réseau ; (iv) comme d'ailleurs une simple hausse du prix du carburant.

Les hausses du prix du carburant conduisent à une baisse de la vitesse 12

moyenne parce que la consommation des voitures varie avec la vitesse selon une courbe en U dont Je minimum avoisine13 65 kmlh en rase campagne. Et, comme la vitesse moyenne (sans parler des vitesses plus élevées) sur le réseau supérieur dépasse largement celle qui minimiserait la consommation, une hausse de prix du carburant l'y fait baisser pour économiser le carburant.

3. Effets de la vitesse sur la fréquence et la gravité

Explicitation des équations du risque objectif. Pour comprendre le cadre dans lequel les deux modèles mesurent la contribution de la vitesse à l'explica­tion de la fréquence et la gravité des accidents, il y a lieu d'expliciter les équations (3-A) et (3-B):

[A] <- [V ; DR ; P ; MVEH ; N-IN FRA; N-L; Y-COND ; A ; ETC d], (16-A)

[G] <-[V; DR; P; MVEH; N-IN FRA; N-L; Y-COND; A; ETC d], (16-B)

où le nouveau terme en gras A désigne la structure des motifs de déplacement des personnes et du chargement des véhicules de fret déterminée par la composition de l'activité économique qui a généré le trafic total (et par catégorie de véhicule) DR.

Dans un modèle de données individuelles, l'information sur l'hétérogénéité des déplacements et le remplissage des véhicules particuliers sont rarement accessibles. Dans un modèle agrégé, on peut tenter de mesurer l'hétérogénéité de l'usage des véhicules par les part kilométriques des divers motifs de dépla­cement des voyageurs et par les parts kilométriques des diverses marchandises transportées.

En effet, l'explication des accidents et de leur gravité requiert qu'on s'intéresse au quartet << activité, infrastructure, véhicule, conducteur >> : le niveau et la com­position des activités économiques (DR et A) conditionnent le niveau et la nature des interactions entre les éléments du triplet restant.

12 On peut alors penser que la baisse approximative de 10 % des ventes d'essence en Allemagne et en Belgique entre janvier et juin 2005 combine l'effet d'une baisse des vitesses interurbaines (et peut-être d'une hausse des vitesses urbaines) à celui d'une baisse éventuelle du kilométrage. 13 L'amélioration des moteurs depuis 25 ans a changé le niveau, mais pas la forme, de ce U aussi applicable à la production des gaz à effet de serre et, jusqu'à un certain point, aux autres niveaux globaux des polluants (même si se posent des arbitrages entre eux).

Actes IN RETS no 105 91

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Séminaire Vitesse : apporls récents de la recherche en matière de vitesse

Si le premier modèle 14 ne comprend que des variables V, DR et N-INFRA, le second15 comprend des variables appartenant à toutes les catégories indiquées en (16). Mais une précision s'impose pour comprendre les résultats de l'impact de V résumés au tableau 3.

Distinction importante entre les deux notions de gravité. Plus haut, nous avons fait comme si la gravité G était définie de la même façon dans les deux modèles. Ce n'est pas le cas : dans le premier, on explique la probabilité (ou part) d'un état par rapport à un autre alors que, dans le second on explique des niveaux de variables : des taux de morbidité et de mortalité. Dans ce cas, pour qu'un part augmente implicitement, if faut qu'un niveau augmente plus qu'un autre.

Pour comparer le résultat avec bordure foncée {(-); (+); (+)} sur la gravité (section 2, ligne 1.2) au résultat du second modèle, on a deux possibilités. La première consiste à analyser les résultats de la section 2 pour ce dernier modèle : on constate alors à la l'Igne 2.1.i que le niveau des èlasticitès implique bien pour les parts implicites le même effet{[-] ; [+]; [+])calculé à la ligne 2.1.ii.

La seconde exige de se rappeler que le modèle agrégé comprend aussi des équations de niveau 3, niveau où on explique VIvi• le nombre total de victimes par catégorie vi (blessés légers, blessés graves, tués) :

[VIv;] <-[V; DR; P; MVEH; N-INFRA; N-L; Y-COND; A; ETC vil· (17)

Il s'agit là d'équations « de contrôle » car on pourrait aussi dériver ces résul­tats sur le nombre des victimes par catégorie en additionnant les élasticités de la fréquence et de la gravité : les estimer « contrôle » donc les deux premiers.

Si on passe par cette voie longue, on constate à la section 3, ligne 2.1.ii, du tableau 3 qu'une hausse de la vitesse moyenne cause une baisse de la part des blessés légers et une hausse des deux autres parts (il y a relativement peu de blessés graves par rapport aux blessés légers). La structure de ce résultat est identique à celle des deux premiers, entourés aussi de bordures foncées.

Mais deux autres commentaires de ce tableau s'imposent. On constate d'abord que, dans le premier modèle, l'écart type de la vitesse a des effets diffé­rents de ceux de la vitesse moyenne : des écarts plus grands entre les vitesses individuelles semblent inciter16 les conducteurs à la prudence.

De plus, on s'interroge sur l'incompatibil'lté apparente entre les impacts de la vitesse moyenne sur la fréquence des accidents corporels (cases avec treillis):

14 Les échantillons importants (2 541 pour la fréquence et 1 225 pour la gravité des accidents) et !a méthode d'estimation autorisent d'utiliser simultanément beaucoup de variables, dont un peu plus de 30 sont retenues dans chaque modèle. 15 Les séries chronologiques de 324 observations et la méthode d'estimation permettent d'utiliser 17 variables dans Je modèle réduit et 40 dans le modèle complet. 16 Les différences importantes entre les facteurs explicatifs de la moyenne et de l'écart type des vitesses sur les sections montrent !a complexité des relations entre les moments des vitesses indivi­duelles. Sans doute l'étude de l'asymétrie des vitesses serait-elle aussi pertinente.

92 Actes INRETS no 105

Page 95: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

Tableau 3 : Effets de la vitesse sur la fréquence et la gravité des accidents

Fréquence (1) Gravité (2) Victimes (3)

accid. avec morbidité morta~

blessées :'lité

Modèle/données bless. tùéS Total lég. grav. ' lég. grav. tué'és

1.1ndividuelles (a)

U, Écart-type ET (+) (+) (+) ()" 1.2. Moyenne VM (-)' (-) (+)' (+)* 2. Agrégées (bJ

2.1. Moyenne VMh (+)' (+)' (-) (+)' (+)' (+)' (+)' (+)*

i) Élasticité niveau 1 1,2 1 1,9 1 -1 1 o,2 1 , o,r, 1 1,2 1 2,1 1 ,', 1,7 ii) Effet sur la part [-] [+] 1>[+] [-] [+] 1 [+] ','

(a) 1! s'agît de l'espérance de l'écart type et de l'espérance de la vitesse moyenne (arithmétique). {b) Il s'agit de la vitesse moyenne (harmonique). * Indique un effet significatif ou très significatif. [] Effet calculé dérivé des élasticités des niveaux indiqués à la ligne précédente.

leur fréquence augmente dans le modèle agrégé mais diminue dans le modèle désagrégé dont on peut tirer la figure 3,

Il s'agit dans les deux modèles d'effets de la vitesse moyenne à niveau et composition de trafic donnés, Modifier alors la vitesse moyenne revient à déplacer verticalement la courbe de débit-vitesse. On peut comprendre que le domaine des variations de la vitesse moyenne soit beaucoup mois vaste (autour de 85 km/h) sur le réseau supérieur que par section de route, mais un coefficient de variation plus important ne suffit pas à inverser un signe à moins

Figure 3 : Effet de la vitesse moyenne sur la probabilité d'accident

Effet d'une variation de la vitesse moyenne sur la probabilité d'accident

.............. .................................... - ............ ····~---~---~--····-----~-J •••••~•••••~•• ••~••«•••••••••••,••~•~•••«<•••••••••••••••~•••••••~ ' ••··~··••••••••• ••••••••••1 ···-···································································· ................. J •~·•·~•~•·•~•••••••~•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• •••••••••••••u•~• ••~• """"""""""1

··························-~·-··············· ·------~----···············~----·-····~ -----~---~

••••••••••••••••••••••••••••••• •••••••••••••••••••••••••••••'••••••••'••~••u•~•••••••••• • .; ••• 1 .•.•••.•.•••....•.•.•.•...•..•••..•..•.••...•...•........•.•.....•........•.......•.••.•... "Ï ••••~•••••••••••••••••••••••••• •••••••••••••••••••• •••••••••••••uooou•••••••••••••••••••••••

' ! ~'---~-~--~~--~-~~-·----~-------------,~~~

vitesse moyenne

Actes INRETS no 105 93

Page 96: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

que la distribution soit assez étendue pour permettre un changement de direc­tion des effets.

Dans ce sens, dans le premier modèle, la transformation de Box-Cox spécifi­que à la variable vitesse a permis la mise en évidence de la courbure visible à la figure 3. Comme la même expérience n'a pas été faite sur les données agrégées du second modèle, la réconciliation éventuelle de ces deux résultats demeure en suspens. Il est vrai qu'à niveau (débit) et composition de trafic donnés, le domaine de jeu de la vitesse moyenne demeure significatif pour beaucoup de débits et que la question mériterait d'être reprise.

4. Surprises résiduelles aprés prise de risque

Nouveau sens des variables autres que celles de prise de risque. Plus haut, nous avons insisté sur la nature simultanée de la relation entre la prise de risque et le risque objectif, ainsi que sur la description mécanique des résultats de l'effet de la vitesse sur les accidents (tableau 3). Soulignons toutefois que, une

Tableau 4 : Surprises dans les équations de fréquence et de gravité

Nombre de coefficients avec 1 t 1 ~ 1,50 dans les équations de A G fréquence et de gravité (blessures graves ou mortelles) Fré. Gr. Mor.

.. __ -Présence et s-igile des surp~is:es_-(fréquence; blessures_grav~s_;.-mo-rtelles} :, --- .·.

G. 3. Quantité de trafic (moyen annuel) observé 3/6 (+-; + ;)

G. 5. Approche (450 m) de la section : profil vertical 2/12 ( ;--)

G. 6. Approche (450 m) de la section: profil horizontal 5/21 (-; ++ + -)

G. 7. Profil vertical (en long} de la section 8/21 (+; ++. + + + + -)

G.8. Profil horizontal (en plan) de la section 2118 (--; ;)

G. 10. Orientation par rapport au nord 313 (+; - +)

G. 11. Type de route: appartenance hiérarchique 5/15 (-; -- + +)

G. 12. Profil fonctionnel : nombre de voies 2112 (; - +)

G. 13. Longueur et largeur 316 (+; + +)

G. 14. Surface de roulement 9127 (-; ++--; +---)

G. 15. Structure de chaussée 3112 ( ; +-· +)

G. 16. Matériau de la couche de roulement 0/24

G. 17. Liant des gravillons de la couche de roulement 019

Total ·.· ·. . ...... · .· .•. · 45/186 (10; .. 16; •. • 19) ·.·

94 Actes INRETS no 105

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Modélisation conjointe des accidents et des vitesses sur route

fois pris le risque de vitesse (dans les équations 3-A et 3-B), les autres variables ont alors un sens particulier : celui de nous renseigner sur la présence d'informa­tion qui n'est pas bien reflétée au complet dans le choix de vitesse.

En effet, si le choix de vitesse incorpore bien le risque objectif, les diverses variables autres que la vitesse n'ont d'influence résiduelle que si ce qu'elles représentent est mal pris en compte par la vitesse : idéalement, elles n'ont pas d'effet puisque la vitesse est ajustée «correctement>>. On peut appeler «sur­prises» ces effets en sus de ce dont la prise de risque (par la vitesse) prend en compte. Alternativement, nous avons utilisé dans les travaux précédemment cités sur le premier modèle les idées de Knight (1921) et interprété la vitesse comme un «risque» (probabilisable) alors que d'autres éléments résiduels révèlent la présence «d'incertitude» (non probabilisable).

Une théorie de l'intervention du gestionnaire. Le tableau 4 présente le nombre de surprises dans les équations 3-A et 3-B estimées du premier modèle : 25% des effets possibles des variables sur la probabilité ou la gravité des acci­dents sont significatifs ; les surprises se retrouvent dans des groupes particuliers de variables, par exemple: (i) l'orientation par rapport au soleil (Groupe 10), dont on suppose que l'éblouissement inattendu est mal pris en comte par la vitesse choisie ; (ii) certaines caractéristiques du profil vertical (Groupe 7 : mon­tée, descente, passage d'une pente à une autre, etc.). Les surprises, isolables dans une structure simultanée, ouvrent la porte à l'intervention du gestion­naire par un test de l'efficience de cette intervention.

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96 Actes !NRETS no 105

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Environnement et Vitesse

Jacques Beaumont INRETS, Directeur du Laboratoire Transports et Environnement

[email protected]

Résumé

Nous présenterons les lois d'émission gazeuses et sonores les plus significa­tives des nuisances environnementales en fonction de la vitesse moyenne pour les véhicules routiers. Les lois d'émissions unitaires gazeuses et sonores, tant au niveau du véhicule que des situations de trafic, sont un exemple d'impacts sur l'environnement, nombreux, de natures très diverses et parfois antagonistes. En effet, les contraintes environnementales sont fortes et constituent un élément clef des évolutions technologiques et des schémas d'organisation ou de planification. Une approche globale « système » s'avère donc nécessaire.

Dans le contexte de cette journée sécurité, en ce qui concerne le champ Environnement et Vitesse, seront présentées les lois d'émission gazeuse et sonore les plus significatives en fonction de la vitesse moyenne pour les véhi­cules routiers. Une brève analyse sera effectuée, montrant les aspects parfois antagonistes entre les différentes exigences (pollution, consommation, bruit, sécurité, ... ) dans un contexte d'économie raisonnée et raisonnable.

Concernant les émissions unitaires gazeuses, ces émissions dépendent trés fortement des conditions de trafic que l'on modélise par des cycles d'usage représentatifs basés sur une vitesse moyenne. Les cycles peuvent être normali­sés (NEDC, ... ) ou non (Hyzem, Artemis, lnrets): les cycles de type urbain, rural, autoroutier.

Compte tenu des paramètres d'influence (type du véhicule, technologie, motorisation, température moteur) des conditions d'usage (cycles), de circulation réelle et des situations environnementales (températures de l'air, ... ), les résultats en terme d'émission sont d'une part très variables (nombreuses « classes >>) et d'autre part, présentent une incertitude non négligeable.

Cependant, les lois d'émission en fonction de la vitesse moyenne présentent une tendance convergente et analogue {lois agrégées) pour chaque type de pol­luant réglementé (CO, HC, NOx, particules) et C02. Il s'agit d'une forme en U,

Actes IN RETS no 105 97

Page 100: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

plus ou moins évasée selon le type de polluant, le point bas correspondant à la zone 50-60 km/h. Ces résultats sont valables pour les moteurs thermiques, les performances étant liées à l'état du mélange carburant/air.

Pour les émissions de polluants gazeux d'un véhicule, si l'on constate une diminution drastique de l'émission de polluants gazeux pour un véhicule en appli­cation des normes Euros 1, 2, 3, 4, et ce quelle que soit la vitesse, on n'en dira pas autant du dioxyde de carbone (C02). Les progrès sensibles pourtant effec­tués par les constructeurs pour une motorisation thermique classique en matière de rendement du moteur sont contrecarrés par l'évolution des véhicules, de plus en plus lourds (sécurité, bruit) et de plus en plus confortables (dimensions, auxi­liaires dont la climatisation, pneus plus larges, ... ).

Dans le champ réglementaire en termes d'exigences à l'émission, il est inté­ressant de constater que les émissions de polluants locaux sont réglementées (Euro 1, 2, 3, 4) alors que les émissions de C02 (consommation) ne font pas l'ob­jet d'exigences réglementaires. Seul l'engagement volontaire des constructeurs européens (140 g C02/km) a été évoqué.

Au niveau du trafic, l'inventaire des émissions réelles est l'objet de nom­breuses recherches méthodologiques (Meet, Copert 3, Impact), la dernière en date étant le modèle Artemis, disponible fin 2006. Ce modèle européen de par son amélioration significative, devrait permettre par exemple d'évaluer les effets apportés par des modifications conséquentes d'aménagement urbain et de trafic (ex. :zone 30, onde verte, ... ) exercice non résolu par les précédents outils dispo­nibles. Il représente aussi un consensus européen en la matière.

De plus, l'augmentation régulière et monotone des km parcourus par le parc routier ces dernières années ne permet pas, dans les conditions actuelles, d'en­visager avec optimisme l'objectif de réduction des Gaz à Effet de Serre, d'un facteur 4, pour 2050 par référence à Kyoto, et ce d'autant plus que pour le NOx, les catalyseurs ne sont pas (encore) efficaces à 100% pour les véhicules diesel, renforçant ainsi la création de la couche d'ozone.

Quant au bruit émis par les véhicules, le phénomène est différent car instan­tané et proche. Par comparaison à la pollution, la variabilité des paramètres est moins importante de par l'usage des logarithmes.

Pour les émissions sonores d'un véhicule, il est d'usage de distinguer deux plages de vitesse, autour de 50-60 km/h. Pour les vitesses inférieures à 50 km/h, la contribution à l'émission du bruit du véhicule du Groupe Moto Propulseur est primordiale. Elle est liée aux influences croisées du rapport de boîte, du régime moteur et donc de la vitesse et de l'accélération. Les fluctuations peuvent être lissées autour d'une droite à pente très légèrement négative (maximum entre 0 et 20 km/h). Au-delà de 50 km/h, le bruit de roulement (contact pneumatique­chaussée) devient alors prépondérant, et suit une loi logarithmique en 30 lgV. On peut donc affirmer que le niveau de bruit augmente de façon significative avec la vitesse pour des situations de trafic fluide même si la pente est moins forte pour un trafic plus dense (20 logV).

98 Actes INRETS no 105

Page 101: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Environnement et Vitesse

Il apparaît donc que les lois d'émissions sonores et gazeuses selon la vitesse ne sont pas linéaires d'une part, et que les effets des différentes nuisances envi­ronnementales sont de natures diverses et parfois antagonistes d'autre part.

Le moteur thermique doit donc être considéré comme un « système à opti­miser» puissance et couple en fonction d'objectifs environnementaux multiples : rendement énergétique, consommation (C02), émissions de polluants gazeux, acoustique et vibrations.

Deux exemples illustrent les difficultés du compromis à mettre en œuvre :

Pour un véhicule, par rapport à la motorisation essence (allumage com­mandé), le diesel (allumage par compression) consomme moins (- 20 à 25 %) de carburant; toutefois, les exigences de dépollution (oxyde d'azote, particules) nécessitent la mise en place de systèmes (catalyseurs, filtres à particules), géné­rateurs d'une surconsommation non négligeable (3 à 5 %). Si l'on examine la motorisation Diesel, les émissions de NOx ne sont pas totalement neutres pour le véhicule particulier (efficacité du catalyseur). Ces Nox participent à la couche d'ozone. Par ailleurs, en matière de bruit et vibration, même s'il a été fait beau­coup de progrès, le moteur diesel reste toutefois plus bruyant que son homologue essence ... Un capotage supplémentaire (augmentation de masse) du moteur est donc nécessaire, ce qui ne va pas dans le sens de la réduction de C02.

Par ailleurs, si l'on considère les importants progrès réalisés en matière de bruit du Groupe Moto Propulseur, pour tous les types de motorisation, le bruit de roulement apparaît désormais à des vitesses plus faibles (40 km/h). Le problème se déplace donc vers les infrastructures (contact pneumatique-chaussée).

En matière de trafic, pour une vitesse donnée, un trafic fluide est très avan­tageux pour tous les critères environnementaux : consommation, pollution, bruit. De plus, réduire le volume du trafic ne peut que diminuer la quantité des émis­sions et le fluidifier.

A la lumière des éléments très rapidement évoqués ci-dessus, si l'on ana­lyse une situation urbaine dense, la réduction pure et simple de la vitesse, par exemple de 50 km/h à 30 km/h ne constitue pas forcément un gain favorable en terme d'émissions de nuisances environnementales. En effet, le minimum des émissions pour un véhicule se situe entre 50 et 70 km/h en trafic fluide. Toutefois, une réduction du trafic associée à un réaménagement des voies peut compenser cette surémission urbaine. Il est donc nécessaire de procéder à une caractérisa­tion fine pour chaque type de nuisances, dans une démarche systémique si l'on veut rationaliser l'évaluation environnementale avec pertinence.

En conclusion, une approche « système >> s'avère nécessaire pour maîtriser les contraintes environnementales, sans oublier les fortes exigences de sécurité routière qui constituent un élément clef des évolutions technologiques et des schémas d'organisation ou de planification.

Les lois d'émissions unitaires gazeuses et sonores, tant au niveau du véhi­cule que des situations de trafic, sont un exemple d'impacts sur l'environnement, nombreux, de natures très diverses et parfois antagonistes.

Actes INRETS no 105 99

Page 102: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Pour clore avec une question, peut-on envisager un véhicule électrique facilement rechargeable disposant d'un rendement énergétique favorable, sans pollution ni bruit ? ...

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Page 103: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

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Environnement et Vitesse

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Actes IN RETS no 105 101

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

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Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse des jeunes

automobilistes

Patricia Delhomme Sophie Delgery IN RETS Laboratoire de Psychologie de fa Conduite [email protected]

[email protected]

Résumé

Un des objectifs de l'enquête MARC (P De/homme, LPC et S. Lassarre, GARIG, IN RETS) est de prédire et d'expliquer fe comportement de transgression de fa limitation de vitesse : rouler à plus de 110 km/h sur route où fa vitesse est limitée à 90 kmlh. En s'adossant principalement au modèle du comportement planifié (Ajzen, 2000), 3 000 automobilistes, hommes et femmes, âgés de 18 à 25 ans ont été interrogés sur feurs croyances vis-à-vis de cette transgression de vitesse. L'intention des hommes de commettre cette transgression de vitesse est similaire à celle des femmes et ce, quelle que soit l'ancienneté du permis B. En revanche, ils se différencient sur fe plan des motivations à commettre cette transgression. Les hommes reconnaissent davantage être influencés par tes amis garçons qui les incitent à transgresser les limitations de vitesse tandis que les femmes déclarent davantage être influencées par fe mauvais exemple que feur donnent feurs proches (conjoint, ami(e)s) en transgressant les limitations de vitesse. Enfin, chez les jeunes ayant fe permis depuis au moins 3 ans, fe nombre de sanctions au cours des 3 dernières années diminue l'intention de commettre cette transgression de vitesse au cours des 12 prochains mois.

1. Introduction

La surimplication des jeunes automobilistes dans les accidents de la route, imputable très souvent à la vitesse excessive, nous a amenés, dans le cadre de

Actes !NRETS no 105 103

Page 106: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

l'enquête MARC1 (pour Mobilitê, Attitudes, Risque, Comportement), à nous inter­roger sur des facteurs explicatifs de la transgression de la limitation de vitesse.

En France, les accidents de la circulation sont les « premiers responsables de morts violentes >> (Comité Interministériel de la Sécurité Routière, 2002) sur­tout lorsqu'ils se produisent sur routes nationales ou sur routes départementales (environ 58% des victimes tuées dans un accident de la route). Les jeunes automobilistes (18-24 ans), principalement les hommes, en sont les premières victimes (prés d'un tué sur cinq a un permis depuis moins de deux ans). La vitesse représente l'une des premières causes de mortalité, qu'elle soit « vitesse inadaptée >> aux lieux et circonstances, ou « vitesse excessive >> par rapport aux limitations en vigueur.

Dans le but de protéger la vie des citoyens, la vitesse est encadrée par des règles légales qui imposent, sous peine de sanction, le respect des limitations de vitesse. Cependant force est de constater que la majorité des automobilistes ne respecte pas les limitations de vitesse. Nombre d'entre eux reconnaissent d'ailleurs volontiers que les infractions de vitesse sont, parmi les infractions au code de la route, celles qui sont les plus fréquemment commises tant par eux­mêmes (Reason el al., 1990) que par les autres automobilistes (Manstead et al., 1992). Ces infractions de vitesse sont commises avec une certaine stabilité (Ah lin, 1979 cité par Haglund & Aberg, 2000) au point qu'un style de conduite ait été identifié en particulier chez les jeunes conducteurs (Gregersen & Berg, 1994 ; Lajunen, Karola & Summala, 1997; Schulze, 1990).

La plupart des automobilistes attribuent à la vitesse excessive une valeur positive car, outre le fait qu'elle permet de gagner du temps, elle est une source intrinsèque de récompense, de satisfaction, de liberté, de plaisir, de sensations, de valorisation de soi. La vitesse excessive serait perçue comme le reflet d'habi­letés à contrôler toutes les situations de conduite, y compris les plus exception­nelles, ou à prendre des décisions opportunes en dehors des normes prescrites. Les automobilistes, spécialement les jeunes, évaluent les trajets réalisés à des vitesses élevées comme des expériences de maîtrise de la conduite ou encore comme des tests de leurs capacités (Rails & lngham, 1992). La vitesse excessive représenterait, pour ces automobilistes, le moyen d'entrer en compétition avec autrui, d'exprimer leur supériorité, leur puissance (Gabany, Plummer & Griff, 1997).

Les automobilistes continuent à ne pas respecter les limitations de vitesse alors même qu'ils sont maintenant largement informés du lien positif entre vitesse excessive et accidents de la route. La formation des automobilistes, les nom­breuses campagnes de prévention, plus généralement les informations diffusées

1 Enquête financée par la DSCR, la FFSA et I'INRETS qui a pour objectif d'étudier le risque routier de jeunes automobilistes (P. Delhomme, LPC & S. Lassarre, GARIG). Cette enquête comprend trois volets: le volet Sociologie du risque (S. Lassarre et al., GARIG, INRETS), le volet Consentement à payer (A. Rozan et al., BETA, Université de Strasbourg) et le volet Vitesse (P. Del homme et al., LPC, INRETS).

104 Actes INRETS no 105

Page 107: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

dans les médias ont pesé dans ce sens. La vitesse élevée est de fait classée par les automobilistes européens comme la deuxième cause d'accident de la route, juste après la conduite sous l'emprise de l'alcool (Cauzard & Wittink, 1998a et b). Cependant les automobilistes ne perçoivent pas pour eux-mêmes les consé­quences négatives de cette infraction ce d'autant qu'elle engendre rarement d'accident grave à l'échelle de chaque individu. Simon et Corbet! (1992) consta­tent que, même si des automobilistes acceptent l'idée générale d'un lien entre accidents et vitesse excessive, nombre d'entre eux dénient que ce lien puisse avoir une implication personnelle. Ils parient sur l'absence de l'occurrence de l'accident (Fuller, 1991) et estiment avoir plus de chances qu'autrui d'échapper à un accident de voiture (Weinstein, 1982). Cet optimisme pourrait inhiber les comportements d'auto-protection (Delhomme, 2000 ; 2001 ; Delhomme & Meyer, 1999) dans la mesure où les automobilistes perçoivent davantage les bénéfices que les inconvénients de la vitesse excessive pour choisir leur vitesse sur route.

Afin de prédire et d'expliquer le comportement de transgression de vitesse chez les jeunes, nous nous sommes principalement référés au Modèle du Comportement Planifié (MCP) d'Ajzen (1985). Le MCP a été utilisé avec beau­coup de succès pour prédire différents comportements dans des domaines très variés (Delhomme, Phan & Gourlet, 2004 ). Il vise à prédire des comportements réalisés de manière délibérée, intentionnelle qui ne dépendent pas entièrement de la volonté de l'individu dans le sens où par exemple dans le domaine de la conduite automobile d'autres éléments tels l'environnement routier, les motifs du déplacement, etc. peuvent intervenir dans le choix de sa vitesse. L'avantage du MCP réside dans l'hypothèse qu'une prédiction satisfaisante d'un comportement peut être obtenue à partir d'un nombre limité de facteurs (cf. Graphique 1): l'at­titude Uugements de valeur plus ou moins favorables envers le comportement

Graphique 1 : Modèle du Comportement Planifié (Ajzen 1985)

Actes !NRETS n" 105 105

Page 108: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de fa recherche en matière de vitesse

ciblé), la norme subjective (pressions sociales perçues favorisant ou inhibant la production de ce comportement), le contrôle comportemental perçu (contrôle que l'individu croit pouvoir exercer sur ce comportement) et l'intention comportemen­tale (avoir le projet d'adopter ou non ce comportement).

Le MCP basé sur les modèles Expectation-Valeur explore les formes d'inten­tionnalité préalable à l'action en faisant l'hypothèse de liens unissant croyances et comportement. La réalisation d'un comportement relève toujours d'un choix entre plusieurs actions (au moins réaliser ou pas le comportement ciblé). Elle repose sur l'analyse de coûts (inconvénients perçus) et de bénéfices (avantages perçus) de ces différentes actions. Autrement dit, elle résulte de la combinaison des conséquences attendues de l'action (ou expectation de l'action) par la valeur attribuée à ces conséquences (mesures indirectes). Le comportement choisi sera celui qui est censé maximiser les gains personnels.

L'hypothèse d'Ajzen (2000) est que plus une croyance est accessible en mémoire (Higgins, 1996), plus la probabilité subjective qu'elle caractérise le com­portement est grande, plus elle est positive ou négative et plus elle déterminera le comportement (Bruner, 1957; Fishbein &Ajzen, 1975; Kaplan & Fishbein, 1969; Petkova, Ajzen & Driver, 1993). D'après le MCP, trois catégories de croyances, sont supposées guider le comportement : les croyances comportementales, les croyances normatives et les croyances au contrôle.

Les croyances comportementales portent sur les avantages et les inconvé­nients perçus à adopter le comportement ciblé. Ces croyances contribuent à la formation de l'attitude qui est un résumé évaluatif des conséquences quant à la réalisation de ce comportement. Ainsi, l'attitude est la somme des produits des croyances comportementales par la valeur positive vs. négative attribuée à cha­cune des conséquences.

Les croyances normatives renvoient aux attentes perçues des individus et groupes de référence qui approuvent ou désapprouvent la réalisation de ce com­portement. Ces croyances contribuent à la formation de la norme subjective qui est un résumé évaluatif des pressions sociales perçues pour produire ou inhiber ce comportement. Ainsi, la norme subjective est la somme des produits des croyances normatives injonctives par la motivation à se conformer aux attentes perçues de chacun des référents saillants.

Enfin, /es croyances au contrôle portent sur les éléments de la situation et les raisons personnelles qui incitent ou empêchent d'entreprendre ce compor­tement. Ces croyances contribuent à la formation du contrôle comportemental perçu (CCP) qui est un résumé évaluatif des éléments et raisons qui facilitent ou empêchent la réalisation de ce comportement. Ainsi, le CCP est la somme des produits des croyances au contrôle par la valeur attribuée à chacun de ces éléments ou raisons.

L'intention comportementale, qui est le projet de réaliser ou non ce compor­tement, est enregistrée à l'aide de mesures directes. Elle est le déterminant immédiat du comportement (Ajzen, 1991). Cependant, lorsque l'individu évalue

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Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

avec réalisme le contrôle qu'il peut exercer sur son comportement, le contrôle comportemental perçu peut, tout comme l'intention comportementale, prédire directement le comportement.

Récemment deux types de normes, la norme subjective injonctive (ce que je crois que les autres attendent de moi) et la norme subjective descriptive (ce que je crois que les autres font), qui représentent des sources d'influence sociale différentes (Kallgren, Reno & Cialdini, 2000), ont été introduites dans le MCP. La norme subjective descriptive (ou norme comportementale) s'est avérée être, dans différentes recherches, un prédicteur significatif du comportement ciblé. Dans notre travail, nous distinguons la norme subjective injonctive (la vitesse à laquelle je crois que les autrui importants pour moi veulent que je conduise) et la norme subjective descriptive (la vitesse à laquelle je crois que les autrui impor­tants pour moi conduisent).

2. Recherche empirique

2.1. Méthode

2.1.1. Echantillon

L'échantillon ayant participé au volet vitesse de l'enquête MARC2 est com­posé de 3002 automobilistes3 dont 52,4% d'hommes (N = 1572) et de 47,6% de femmes (N = 1430). Ils sont âgés en moyenne de 22,3 ans, ont le permis B en moyenne depuis 3,2 ans et parcourent annuellement 7 750 kilomètres (médiane).

2.1.2. Procédure

Un préalable à la construction du questionnaire du volet vitesse a tout d'abord été de choisir un comportement que l'on cherche à prédire, puis de situer ce com­portement dans un contexte spécifique de conduite à l'aide d'un scénario, ensuite de recueillir auprès d'un échantillon d'automobilistes comparable à celui de l'en­quête MARC les croyances vis-à-vis du comportement ciblé, enfin d'ajouter des facteurs à ceux introduits dans le MCP pour accroître la prédiction de l'intention de commettre cette transgression de vitesse. Explicitons ces quatre phases.

Choisir un comportement que l'on cherche à prédire

Comme dans les recherches de Parker et al. (1992), dans le cadre de l'en­quête MARC, nous avons cherché à prédire un comportement spécifique de transgression de vitesse:« Rouler à plus de 110 km/h sur route où la vitesse est

2 Automobilistes ayant parcouru au moins 100 km au cours des 12 derniers mois. 3 L'échantillon initial est composé de 3 051 automobilistes. Parmi eux, nous avons exclu 49 enquê­tés selon qu'ils déclarent avoir conduit le plus souvent un véhicule qui ne peut pas dépasser les 110 km/hou rouler à moins de 80 km/h sur route où la vitesse est limitée à 90 km/h.

Actes INRETS n"' 105 107

Page 110: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

limitée à 90 km/h ». Ce comportement est relativement fréquent chez les jeunes comme l'attestent les résultats de notre étude pilote (Delhomme, 2002a).

Situer ce comportement dans un contexte spécifique de conduite à l'aide d'un scénario

Nous avons construit un scénario afin d'installer les participants dans un contexte de conduite dans lequel les transgressions de vitesse sont souvent observées. Afin d'accroître la prédiction de l'intention de commettre cette trans­gression de vitesse, nous avons enregistré les croyances envers ce compor­tement spécifique de transgression et l'intention comportementale à un même niveau de spécificité (principe de concordance, Ajzen et Fishbein, 1977) en termes d'action (rouler à plus de 110 km/h), de cible (sur route où la vitesse est limitée à 90 km/h), de temps (au cours des 12 prochains mois) et de contexte (il est deux heures de l'après-midi, la route est en ligne droite, la circulation est fluide, il fait beau, etc.).

Le scénario est le suivant : « Imaginez-vous au volant de votre voiture ou de la voiture que vous conduisez le plus souvent dans une situation de ce type : vous êtes sur une route en ligne droite, la vitesse est limitée à 90 km/h, il est deux heu­res de l'après-midi, la circulation est fluide, il fait beau, la route est sèche. Vous roulez à plus de 110 Km/h. Autrement dit, vous dépassez de plus de 20 km/h la vitesse autorisée >>.

Recueillir les croyances les plus accessibles vis-à-vis de la transgres­sion de vitesse

Dans le cadre de l'étude pilote (Delhomme, 2002a), nous avons recueilli auprès de 266 automobilistes (hommes et femmes ayant entre 18 et 25 ans) à l'aide de questions ouvertes (selon la procédure d'Ajzen, 2001) les croyances sur la conduite à plus de 110 km/h sur route où la vitesse est limitée à 90 km/h : croyances comportementales (avantages et inconvénients à commettre cette transgression), les croyances normatives (les individus ou groupes de l'entou­rage des jeunes qui approuveraient ou désapprouveraient qu'ils commettent cette transgression) et les croyances au contrôle (éléments de la situation et rai­sons personnelles qui les inciteraient à commettre cette transgression ou les en empêcheraient). Nous avons ensuite catégorisé les croyances en regroupant les synonymes puis avons choisi un critère pour sélectionner les plus accessibles, c'est-à-dire celles qui sont les plus fréquemment citées, car elles sont suppo­sées avoir le plus de poids dans la prédiction du comportement et de l'intention comportementale (Fishbein, 1963). Nous avons opté pour le critère d'Ajzen et Fishbein (1980) qui proposent de retenir les croyances citées le plus souvent par plus de 10 % des participants.

Facteurs supplémentaires

Nous avons ensuite introduit des questions enregistrant d'autres facteurs que ceux du MCP. Nous nous sommes référés aux travaux de Gibbons & Gerrard (1995) qui ont étudié chez les jeunes l'influence de l'image sociale du déviant prototypique dans la décision de s'engager dans un comportement à risque.

108 Actes IN RETS no 105

Page 111: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

Le déviant prototypique renvoie des images claires et identifiables auprès des jeunes en quête d'identité qui peuvent influencer au moyen de la comparaison sociale leurs décisions de s'engager ou pas dans le comportement à risque ciblé. Ce facteur enregistre comment les gens décrivent l'autrui prototypique qui adopte le comportement déviant et le degré de similarité perçu avec le déviant prototypi­que. Ces auteurs prennent en compte également la « Description de soi >> à l'aide des mêmes adjectifs qui servent à décrire le déviant prototypique. Nous avons pré-testé ces facteurs à l'aide de questions ouvertes.

Nous avons également pré-testé d'autres facteurs tels que les jugements comparatifs du risque lié à la vitesse excessive (risque de sanction et risque d'accident), un jeu de questions sur l'identité de soi à l'aide de la « Recherche de sensations dans le domaine de la conduite automobile >> (Taubman, Mikulincer & lram, 1996) et de « l'Estime de soi en tant qu'automobiliste >> (Taubman Ben­Ari, Florian & Mikulincer, 1999). Enfin, la fréquence des autrui importants pour le jeune comme passagers dans son véhicule qui a été citée par des jeunes au cours de l'étude pilote comme influençant le choix de leur vitesse.

2.1.3. Questionnaire

Les enquêtés étaient invités à répondre au questionnaire du volet vitesse en référence à la situation de conduite indiquée ci-dessus. La formulation des items du questionnaire a été adaptée à la population et au mode de passation4 Les questions sont soit ouvertes, soit fermées. Lorsqu'elles sont fermées, les échelles de réponses proposées aux enquêtés sont des échelles en 5 points. Ce ques­tionnaire comprend trois parties : la première enregistre les facteurs du MAR, la seconde partie les facteurs supplémentaires et la troisième et dernière partie les caractéristiques socio-démographiques5 des enquêtés.

a) Facteurs du MAR

De nombreuses recherches adossées au MCP enregistrent les facteurs à l'aide de mesures directes (en considérant uniquement la valeur) ou et de mesures indirectes (l'expectation et la valeur). Les mesures directes enregis­trent souvent des facteurs de manière plus générale que les mesures indirectes. L'avantage est que les mesures directes servent de base de comparaison pour le recodage éventuel des mesures indirectes.

Afin d'accroître la fiabilité des différentes mesures de ce volet vitesse, cha­cune d'elles est le plus souvent enregistrée à l'aide de plusieurs items (principe d'agrégation, Ajzen & Fishbein, 1974). Par exemple, l'intention comportementale qui porte sur la vitesse à laquelle les jeunes envisagent de conduire au cours des 12 prochains mois dans le type de situation de conduite présentée est enregis­trée à l'aide de quatre items (cf. Graphique 2) afin d'obtenir un indice qui reflète plus fidèlement l'intention comportementale de vitesse des jeunes.

4 Nous avons pré-testé notre questionnaire auprès de 230 jeunes automobilistes. 5 Qui n'est pas spécifique au volet vitesse de l'enquête MARC.

Actes INRETS no 105 109

Page 112: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Graphique 2 : Intention comportementale

Au cours des 12 prochains mois, dans le type de situation que je

viens de vous décrire

H Vous roulerez à plus de 110 km/h

1 Echelles de Likert

---.1 Vous roulerez souvent à plus de 110

1 km/h

1 LNTENTION 1 H A quelle vitesse roulerez-vous le plus

1 souvent? Variables continues

1

Regroupement en classes H Quelle sera la plus grande vitesse à laaue!le vous roulerez?

Au total, nous avons enregistré dans l'enquête MARC les facteurs du MCP suivants:

Intention de transgresser la limitation de vitesse au cours de 12 prochains mois dans la situation de conduite présentée,

Attitude (mesure directe de l'attitude, mesures indirectes de l'attitude por­tant sur les avantages et les inconvénients à commettre cette transgression spécifique de vitesse),

Norme subjective : nous avons considéré les pressions sociales perçues de la part de 5 autrui importants pour les jeunes: mére, pére, conjoint(e), amis et amies.

- Norme subjective injonctive (mesures directe et indirecte),

- Norme subjective descriptive (mesure directe),

Contrôle comportemental perçu (contrôlabilité perçue, sentiment d'auto-effi­cacité en mesures directes, et contrôle comportemental perçu en mesures indirectes).

b) Les facteurs supplémentaires

Pour accroître la prédiction de l'intention de commettre cette transgression de vitesse, nous avons introduit dans cette seconde partie du questionnaire les facteurs supplémentaires au MCP suivants :

110

Proximité estimée avec le déviant prototypique,

Description du déviant prototypique,

Description de soi,

Fréquence des autrui importants pour le jeune comme passagers dans son véhicule,

Actes lNRETS no 105

Page 113: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

• Jugements comparatifs du risque (soi par rapport aux autres automobilis­tes de même âge) lié à la vitesse excessive (risque de sanction et risque d'accident),

Recherche de sensations dans le domaine de la conduite automobile et Estime de soi en tant qu'automobiliste.

c) Variables socio-démographiques

Nous avons enregistré les variables socio-démographiques suivantes : âge, sexe, ancienneté du permis B, kilométrage annuel parcouru, nombre d'accidents et de sanctions au cours des 3 dernières années et de la dernière année et plus spécifiquement degré de gravité des accidents et nature des sanctions survenus au cours de la première année.

2.1.4. Passation

Les automobilistes sont interrogés à leur domicile par des enquêteurs pro­fessionnels. L'enquêteur et l'enquêté lisent les items portant sur la vitesse6 qui défilent sur écran informatique. L'enquêteur questionne à voix haute l'enquêté, dès que celui-ci donne sa réponse, l'enquêteur la saisit sur micro-ordinateur (Collecte Assistée Par Informatique: C.A.P.!.). La passation du volet vitesse dure environ 20 minutes, 45 minutes sont allouées à la passation globale de l'enquête MARC.

2.2. Résultats

2.2.1. Analyse descriptive

2.2.1.1. Principales caractéristiques de l'échantillon

A l'instar des recherches étudiant le risque selon l'expérience de conduite chez les jeunes automobilistes (Spolander, 1982), nous avons ici distingué 3 classes d'ancienneté de permis B :

- moins d'un an de permis,

- entre 1 an et moins de 3 ans de permis,

- 3 ans de permis et plus.

Chez les automobilistes qui ont moins d'un an de permis, il y a légèrement plus d'hommes que de femmes alors que la proportion d'hommes et de femmes est plus équilibrée chez ceux qui ont entre un et moins de trois ans de permis ou qui ont trois ans de permis et plus. Comme attendu, l'âge moyen des jeunes tout comme le kilométrage qu'ils déclarent parcourir annuellement augmentent avec l'ancienneté de permis (cf. Tableau 1).

6 Le questionnaire portant sur le volet vitesse de l'enquête MARC est administré en premier, soit avant le volet consentement â payer et le volet sociologie du risque.

Actes INRETS no 105 111

Page 114: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Tableau 1 : Caractéristiques principales de l'échantillon selon l'ancienneté du permis et le sexe

[0 ; 1 an [ [1 ; 3ans [ 3 ans et plus (N = 443) (N = 1 040) (N = 1 519)

é:~-~-~té_risticfuêS:_pii~-6ipàlè_s •·••••·· .•. -.•...• -- .• > .... _·•-.·.···--.···--····> y)< .. ··-··-<. . :·•-- c>> >i<

M Méd. M Méd. M Méd.

Age (en mois) 238 231 254 250 284 284 Ancienneté de permis 6 6 23 23 58 58 (en mois) Kilométrage annuel 5 888 3 750 11 619 7 750 14 954 12 500

Ré~~!"litionselonleseX"e··. __ .-_-.•. _ .... <.>i···•··•--··· ....... ···- < j i<; ·••·•..••••••.••.•. ..i !:•<•<· Eff. Fréq. Eff. Fréq. Eff. Fréq.

Homme 248 56,0% 546 52,5% 778 51,2% Femme 195 44,0% 494 47,5% 741 48,8%

Plus spécifiquement, les hommes déclarent parcourir davantage de kilomè­tres comparés aux femmes et le kilométrage annuel déclaré par les femmes augmente durant la première année et se stabilise ensuite alors que chez les hommes, le kilométrage annuel croit comme l'ancienneté du permis augmente (cf. Graphique 3).

Il y a environ 1 ,6 fois plus d'hommes que de femmes qui déclarent avoir été impliqués dans au moins un accident au cours des 3 dernières années. La plus grande implication des hommes dans les accidents de la route com­parée à celle des femmes s'observe quelle que soit l'ancienneté du permis B (cf. Graphique 4).

112

Graphique 3 : Kilométrage annuel déclaré par les enquêtés selon le sexe et l'ancienneté du permis B

22000 ,-------------------,

-+-Homme

7000

- _,_Fommo _______

7_, _____ _

:::::.~:::.: ... : .... ::··: r.ooo

t2000

2000

Actes IN RETS n" 105

Page 115: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

L'ensemble de l'échantillon déclare avoir été impliqué en tant qu'automobiliste dans 492 accidents au cours de la dernière année, soit en moyenne, 0,2 accident par personne (Max. = 3 accidents). Ces accidents concernent environ un sep­tième (soit 14,2 %, N = 425) des automobilistes de notre échantillon.

Parmi les accidents décrits (99,4 %), 89,6% d'entre eux (soit 441 accidents) sont matériels, 5,1 % (soit 25 accidents) sont corporels propres (blessé dans la voiture), 3,3% (soit 16 accidents) sont corporels tiers (blessé dans le véhicule du ou des tiers ou à l'extérieur du véhicule) et 1,4% (soit 7 accidents) sont corporels propres et impliquent un tiers (cf. Graphique 5).

Il y a environ 3,4 fois plus d'hommes que de femmes qui déclarent avoir été sanctionnés par les forces de l'ordre pour une ou plusieurs infractions au cours des 3 dernières années. Cette plus grande proportion d'hommes sanctionnés par rapport à celle des femmes se retrouve quelle que soit l'ancienneté du permis B (cf. Graphique 6).

Graphique 4 : Proportion de jeunes déclarant avoir été impliqués dans un accident en tant qu'automobilistes au cours des 3 dernières années

selon le sexe et l'ancienneté du permis B

45% ,---------------, 40% ..-0-H_o_m_m--,

35% m Femme

30%

25% 20%

15%

10% 5%

0%

[0;1an[ [1 ;3 ans[ 3ans et+

Graphique 5 : Nature des accidents dans lesquels les jeunes déclarent avoir été impliqués au cours de la dernière année

89,6%

Actes INRETS no 105

D Matériel

Œl Corporel propre

D Corporel tiers

0 Corporel propre + tiers

• Ne se souvient plus

113

Page 116: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Graphique 6 : Proportion de jeunes déclarant avoir été sanctionnés pour une ou plusieurs infractions au cours des 3 dernières années

selon le sexe et l'ancienneté du permis B

40%~------------- --------~--------··········

35% 30%

25% 20%

15% 10%

5% 0%

[0;1an[ [1 ;3 ans[ 3anset+

i0 Homme i !m Femme

L'ensemble de l'échantillon déclare avoir été sanctionné pour un total de 517 infractions au cours de la dernière année, soit en moyenne 0,2 sanction par personne (Max.= 12 sanctions). Ces sanctions concernent environ un huitième (soit 12,3 %, N = 370) des automobilistes de notre échantillon.

Parmi ces sanctions déclarées, 34,2% d'entre elles (soit 172 sanctions) sont dues à un excès de vitesse, 23,8% (soit 120 sanctions) au non port de la cein­ture, 13,7% (soit 69 sanctions) au non-respect des règles de priorité, 9,1 %(soit 46 sanctions) au non-respect des règles de circulation, 3,4% (soit 17 sanctions) au dépassement du taux l'alcoolémie légal, et 15,9 % concernent d'autres infrac­tions (cf. Graphique 7).

2.2.1.2. Facteurs introduits dans le questionnaire

Décrivons les résultats portant sur les facteurs du MCP.

Graphique 7 : Nature des infractions pour lesquelles les jeunes déclarent avoir été sanctionnés au cours de la dernière année

23,8%

114

o Vitesse

m Non-port de la ceinture

o Non-respect des règles de priorité

o Alcoolémie

• Non-respect des règles de la circulation

o Autres

Actes lN RETS no 105

Page 117: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de fa limitation de vitesse

L'intention comportementale ou la vitesse à laquelle les jeunes envisagent de conduire au cours des 12 prochains mois est enregistrée à l'aide de deux ques­tions fermées et de deux questions ouvertes (cf. supra, Graphique 2).

Les réponses aux deux questions ouvertes permettent d'observer qu'envi­ron 52 % des jeunes envisagent de rouler le plus souvent entre 91 et 109 km/h dans la situation de conduite présentée (cf. Graphique 8). Cependant, lorsqu'on les interroge sur la plus grande vitesse à laquelle ils envisagent de rouler, 61 % d'entre eux déclarent qu'il leur arrivera de rouler à au moins 110 km/h dans ce type de situation (cf. Graphique 9).

Les réponses aux questions ouvertes ont été regroupées en 5 classes et nous avons calculé un indice de l'intention comportementale en faisant la moyenne des réponses à ces 4 items. Les automobilistes de notre échantillon envisagent, au cours des 12 prochains mois, de rouler<< de temps en temps >> a plus de 110 km/ h sur route où la vitesse est limitée a 90 km/h. La taille des effets observés sur le plan de l'intention comportementale ne permet pas de discriminer les participants selon le sexe ou et l'ancienneté du permis de conduire (cf. Graphique 10).

Les jeunes manifestent une attitude générale ni positive, ni négative vis-a­vis de cette transgression de vitesse. Toutefois, lorsqu'ils sont interrogés sur les avantages et les inconvénients à commettre cette transgression de vitesse, ils estiment avoir plus d'avantages que d'inconvénients a commettre cette trans­gression (cf. Tableau Il). Ils déclarent que la vitesse excessive permet surtout une plus grande maîtrise du temps et procure du plaisir tandis qu'elle est aussi source d'erreurs de conduite, de fatigue et d'accidents.

Vitesses envisagées au cours de 12 prochains mois

Graphique 8 : Graphique 9 : Vitesse la plus fréquente Vitesse la plus grande

""' ~------------60,9%

S1,7%

"90 km/h [91, 109]k.mlh 110 km/h et plus "90 km/h {91, 109]km/h llOkm/hetplus

Actes INRETS n" 105 115

Page 118: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vdesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Graphique 10 : Indice de l'intention de transgresser la limitation de vitesse selon le sexe et l'ancienneté de permis B

5 ,--------------------------,

4,

:::::::::::::::::::::::::::::::: :]:~::~: J: 3,

2,

1 '

[0; lan [ [1 ; 3 ans[ 3 ans et +

Tableau Il : Mesures directes et indirectes de l'attitude

Nombre Moyenne Etendue d'items

NiéSurë- d'ife-cite

Attitude directe 3 2,3 1-5

-:MeSür:8''irièlh·ecté'

Attitude vis-à-vis des avantages 6 8,9 1-25

Attitude vis-à-vis des inconvénients 5 6,9 1-25

Les jeunes considèrent que leur entourage désapprouverait qu'ils roulent à plus de 110 km/h sur route limitée à 90 km/h. Cependant, lorsqu'ils sont interro­gés de manière plus spécifique sur les pressions perçues de la part des proches, d'une part les amis garçons sont perçus comme incitant davantage à transgres­ser les limitations de vitesse que les parents, amies, conjoints, d'autre part les parents sont perçus comme transgressant moins les limitations de vitesse com­parés aux conjoint(e), amis el amies (cf. Tableau Ill).

Les jeunes estiment exercer un contrôle important sur cette transgression de vitesse (cf. Tableau IV). Ils considèrent être plus en mesure de commettre cette transgression lorsqu'ils conduisent sans passager, sur route en ligne droite sans circulation, la nuit ou lorsqu'ils sont pressés, tandis qu'ils reconnaissent être moins en mesure de commettre cette transgression lorsqu'ils sont fatigués, qu'ils craignent d'être contrôlés pour la vitesse ou d'avoir un accident.

Venons-en dans cette seconde étape à la présentation des résultats concer­nant les facteurs supplémentaires (cf. Tableau V).

Les jeunes estiment que leurs parents sont moins souvent passagers de leur véhicule que les autres personnes qui leur sont proches. Ils manifestent de l'op-

116 Actes INRETS no 105

Page 119: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

Tableau Ill : Normes subjectives injonctives et descriptives

-·N.ci:~:~:~~-~'~j~_Ç_tiV~::·j:nj~:;,Çl;y~::~iteÇ_t~ Norme subjective injonctive

NôiW.~:s:~:bj~·Çtiy'~_'iHi~-rlCtiVe·:·i~~ir~_~t~_

Norme subjective (amis)

Nombre d'items

2

Norme subjective (mère, père, conjoint(e), amies) 5

:Norm~:si.ibj~·c_tiy_~:_de_Sc_ripti'!~::·<!.ir~c_te

Parents

Conjoint(e), amis, ami(e)

2

3

Moyenne

1,4

6,3

4,6

2,4

3,0

Tableau IV: Mesures directes et indirectes du contrôle comportemental perçu

Sentiment d'auto-efficacité

Degré de contrôle perçu

Contrôle comportemental perçu

Nombre d'items

2

2

11

Moyenne

3,6

3,9

9,3

Etendue

1-5

1-25

1-25

1-5

1-5

Etendue

1-5

1-5

1-25

Tableau V : Moyennes obtenues aux facteurs supplémentaires

Fréquence des parents comme passagers

Fréquence des autrui importants pour moi autre que les parents comme passagers

(conjoint, ami, amie)

Image du déviant prototypique qui transgresse la limitation de vitesse

Degré de proximité vis-à-vis du déviant prototypique

Image de soi

Jugement comparatif du risque d'être sanctionné pour excès de vitesse

Jugement comparatif du risque de provoquer un accident dû à la vitesse

Recherche de sensations

Estime de soi

Actes !NRETS no 105

Moyenne

2,4

3,3

2,5

2,5

4,3

2,2 2,0

2,2

1,9

117

Page 120: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

timisme comparatif dans la mesure où ils estiment qu'il est moins probable qu'ils soient sanctionnés pour un excès de vitesse ou qu'ils provoquent un accident dû à la vitesse par rapport aux autres automobilistes de leur âge. Ils ont une image positive d'eux-mêmes en tant qu'automobiliste tandis qu'ils jugent le déviant prototypique de manière plus négative. Ils s'estiment moyennement proches du déviant prototypique de leur âge qui roule à plus de 110 km/h sur route limitée à 90 km/h. Enfin, ils reconnaissent moyennement rechercher des sensations au volant et ont une estime d'eux-mêmes plutôt négative.

2.2.2. Analyse décisionnelle : modèles de régression

Tableau VI : Légende des variables introduites dans les modéles de régression

Abréviation

Attitude_directe att_avantage

att_inconvénient

Nom des facteurs

Attitude directe Mesure indirecte de l'attitude vis-à-vis des avantages du comportement Mesure indirecte de l'attitude vis-à-vis des inconvénients du comportement

nsid Norme subjective injonctive directe nsii : ne pas suivre les inhibiteurs Norme subjective injonctive indirecte : ne pas suivre l'avis

nsii : suivre les incitateurs

auto efficacité degré_ contrôle contrôle indirect freq parents freq autre

norme desc. Parents norme desc. Autre

rs es description soi description déviant proximité déviant proba_sanc proba_acc sexe km anc_permis sanc1 acc1 sanc3 acc3

118

des inhibiteurs Norme subjective injonctive indirecte : suivre l'avis des incitateurs Sentiment d'auto-efficacité Degré de contrôle perçu Contrôle comportemental perçu indirect Fréquence des parents comme passagers Fréquence des autrui importants autres que les parents comme passagers Norme subjective descriptive : parents Norme subjective descriptive : autrui important autres que les parents Recherche de sensations Estime de soi Description de soi en tant qu'automobiliste Description du déviant prototypique Degré ed proximité avec le déviant prototypique Jugement comparatif du risque de sanction Jugement comparatif du risque d'accident Sexe Kilométrage annuel déclaré Ancienneté du permis 8 Nombre de sanctions au cours des 12 derniers mois Nombre d'accidents au cours des 12 derniers mois Nombre de sanctions au cours des 3 dernières années Nombre d'accidents au cours des 3 dernières années

Actes IN RETS n" 105

Page 121: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

Pour prédire et expliquer l'intention de commettre cette transgression dans le type de situation présentée, nous avons réalisé des analyses de régressions multiples, avec sélection pas à pas des variables.

2.2.2.1. Modèle général

Nous avons introduit dans le modèle général 25 variables explicatives (cf. Tableau VI). Le premier modèle réalisé sur l'ensemble de l'échantillon explique 55 % de la variance de l'intention de commettre cette transgression de vitesse à partir des 18 variables retenues (cf. Graphique 11).

La variable qui explique le plus l'intention de commettre cette transgression de vitesse est la proximité perçue avec le déviant prototypique, puis l'attitude directe et le contrôle comportemental perçu indirect. S'estimer proche du déviant proto­typique, avoir une attitude positive vis-à-vis de la vitesse et se considérer capable de conduire à plus de 11 Okm/h dans ce type de situation de conduite expliquent le plus chez les jeunes l'intention de commettre cette transgression.

Dans une moindre mesure, les normes subjectives prédisent l'intention de commettre cette transgression avec les facteurs : ne pas suivre l'avis des inhi­biteurs (proches qui souhaitent que le jeune roule moins vite), se soumettre

Graphique 11 : Paramètres estimés standardisés du modèle général

sexe•• proba_accu

· pr?ba_sanc••

rs

freq parentS:••

att_:_inconvénief,t-R al!_ avantage ..

-0,15 -0,1 -0.05 0 0,05 0.1 0,15

Paramètres estimés standardisés

* seuil de significativité: p < 0,05. ** seuil de significativité p < 0,01. R : variable recodée.

Actes INRETS n~ 105

0,2 0.25 0,3

119

Page 122: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de fa recherche en matière de vitesse

aux incitations à commettre cette transgression de vitesse de la part des amis garçons, tout comme le mauvais exemple donné par les proches (autres que les parents) qui transgressent la vitesse.

Les jeunes qui ont l'intention de commettre cette transgression de vitesse font preuve de réalisme vis-à-vis du risque de sanctions et d'accidents dans le sens où ils ne manifestent pas d'optimisme comparatif, mais cela ne constitue toutefois pas un frein à la transgression.

L'expérience de la conduite joue en faveur de l'intention de commettre cette transgression de vitesse, qu'il s'agisse du kilométrage annuel déclaré ou de l'ancienneté du permis B. D'un autre côté, avoir une image de soi positive, tant au niveau général qu'au niveau spécifique et tenir compte des inconvénients à dépasser les limitations de vitesse inhibent l'intention de commettre cette trans­gression de vitesse. La fréquence des parents dans le véhicule est aussi un frein mais faible à l'intention de commettre cette transgression de vitesse.

Enfin, les variables« ancienneté de permis>> et« sexe>> ont des coefficients de régression significatifs, signifiant que l'intention de rouler à plus de 110 km/h sur route limitée à 90 km/h augmente avec l'ancienneté de permis et que les femmes manifestent moins l'intention de commettre cette transgression que les hommes. Partant de ce constat, nous avons construit différents sous- modèles selon le sexe et l'ancienneté de permis.

2.2.2.2. Modèles par sexe

Tableau VIl : Modèles par sexe

Homme

Femme

Effectif

1 572

1 430

0,52

0,52

Nombre de variables explicatives retenues {p < 0,05)

14

12

Dans ces modèles, nous avons introduit 24 variables explicatives. Pour les hommes comme pour les femmes, le modèle retenu explique 52 %de la variance de l'intention comportementale (cf. Tableau VIl), les deux modèles obtenus sont significativement différents (cf. Graphique 12).

Pour les hommes comme pour les femmes, les meilleurs prédicteurs de l'in­tention de commettre cette transgression de vitesse sont la proximité perçue avec le déviant prototypique et l'attitude directe. La différence entre les hommes et les femmes se situe essentiellement sur le plan des normes subjectives. L'intention de commettre cette transgression de vitesse est davantage expliquée chez les hom­mes par les normes subjectives injonctives (l'avis de l'entourage et les incitations des amis garçons), et chez les femmes par les normes subjectives descriptives (mauvais exemple des proches autres que les parents). A l'inverse la présence des parents dans le véhicule chez les hommes et une estime de soi positive chez les femmes sont des freins à l'intention de commettre cette transgression de vitesse.

120 Actes INRETS no 105

Page 123: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

. J • ~ g . ·' ' ~

Graphique 12 : Paramètres estimés standardisés du modèle par sexe

descnption scÎ • •

Paramètres estimés standardisés

* seuil de significativité: p < 0,05, ** seuil de significativité p < 0,01. R : variable recodée.

Enfin, les hommes et les femmes ne font pas preuve d'un même réalisme vis­à-vis du risque. En ayant l'intention d'adopter ce comportement de transgression les hommes ont conscience de s'exposer davantage à des sanctions, les femmes à des accidents.

2.2.2.3. Modèles selon l'ancienneté de permis B

Dans ces modèles, nous avons introduit 24 variables explicatives. Les modèles retenus comptent 6 variables explicatives de l'intention de commettre cette transgression de vitesse chez les jeunes ayant moins d'un an de permis (R2 = 0,54), 16 variables explicatives chez ceux qui ont entre de 1 et moins de 3 ans de permis (R2 = 0,51) et 16 variables explicatives chez ceux qui ont 3 ans de permis et plus (R2 = 0,56) (cf. Tableau VIII). Les trois modèles obtenus sont significativement différents (cf. Graphique 13).

Chez les automobilistes ayant moins d'un an de permis, peu de variables sur les 25 introduites sont retenues et expliquent plus de la moitié de la variance de l'intention comportementale, il s'agit donc de variables très influentes. L'intention de commettre cette transgression de vitesse est expliquée par la proximité

Actes IN RETS n" 105 121

Page 124: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Tableau VIII : Modèles selon l'ancienneté de permis

Effectif R' Nombre de variables explicatives retenues (p < 0.05)

Moins d'un an 474 0,54 6

[1 an et 3 ans[ 1 039 0,51 16

3 ans et plus 1 489 0,56 16

Graphique 13 : Paramètres estimés standardisés du modèle par ancienneté de permis

~

~ • E • ~ 0 ~

E 0 0 c .2

" ~ • ~ • • >

~ ~ f;eq

• • ~ ~ • ~

-0.2 -0.1 0 0,1 0,2

Paramètres estimés standardisés

seuil de sîgnificativité: p < 0,05, ** seuil de significativité p < 0,01. R : variable recodée.

o [0; 1anf

a [1 ;3ans{

o3anset

attitl.lde directeH

0,3 0.4

perçue avec le déviant prototypique, une attitude positive vis-à-vis de cette transgression, un kilométrage déclaré important, suivre le mauvais exemple des proches autres que les parents et la recherche de sensations. Enfin, ceux qui manifestent l'intention de commettre cette transgression ont conscience de s'exposer à davantage de sanctions que les autres automobilistes de leur âge

122 Actes !NRETS n" 105

Page 125: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Quelques facteurs explicatifs du comportement de transgression de la limitation de vitesse

tandis que le jugement comparatif du risque d'accident dû à la vitesse n'est pas significatif, ni d'ailleurs la variable sexe. De plus, aucun des facteurs du contrôle perçu (sentiment d'auto-efficacité ou contrôle comportemental perçu) n'intervient de façon significative chez les moins d'un an de permis pour expliquer l'intention de commettre cette transgression de vitesse. Tandis que chez ceux qui ont entre 1 an et moins de 3 ans de permis, l'intention de commettre cette transgression est expliquée par le sentiment d'auto-efficacité à conduire vite et chez ceux qui ont au moins 3 ans de permis essentiellement par le contrôle qu'ils estiment pouvoir exercer sur tout ce qui peut leur arriver sur la route. Chez ces derniers, le nombre d'accidents et de sanctions en tant qu'automobiliste au cours des trois dernières années a un effet significatif. Avoir été sanctionné au cours des 3 der­nières années diminue l'intention de commettre cette transgression de vitesse alors que le nombre d'accidents, certes il est vrai essentiellement matériels, ne constitue pas un frein à cette intention comportementale.

3. Discussion et conclusion

Un échantillon de plus de 3 000 automobilistes, hommes et femmes, âgés de 18 à 25 ans ont été interrogés sur leurs croyances vis-à-vis d'une transgression spécifique de vitesse : rouler à plus de 110 km/h sur route où la vitesse est limi­tée à 90 km/h. L'intention des hommes de commettre, au cours des 12 prochains mois, cette transgression de vitesse est proche de celle des femmes et ce, quelle que soit l'ancienneté du permis de conduire automobile. En revanche, les jeu­nes présentent des motivations différentes à commettre des transgressions de vitesse selon le sexe et l'expérience de la conduite. Les hommes se différencient des femmes essentiellement sur le plan des normes subjectives. Ils reconnais­sent être davantage influencés par les amis garçons qui les incitent à transgres­ser les limitations de vitesse et les femmes par le mauvais exemple des proches (conjoint et des ami(e)s) sur le plan de la vitesse. Le frein à la transgression de vitesse est plutôt chez les hommes la fréquence des parents dans le véhicule alors que chez les femmes, c'est plutôt l'image positive de soi.

Une autre différence importante s'observe chez les jeunes selon l'expérience de la conduite. Chez les moins d'un an de permis, l'intention de conduire à plus de 110 km/h sur route limitée à 90 km/h est expliquée par la proximité perçue avec le déviant prototypique, la recherche de sensations, une attitude positive vis-à-vis de cette transgression de vitesse et suivre le mauvais exemple des proches (conjoint(e) et ami(e)s). Aucun des facteurs du contrôle perçu (sentiment d'auto-efficacité ou contrôle comportemental perçu) n'intervient de façon signifi­cative pour expliquer chez les moins d'un an de permis l'intention de commettre cette transgression de vitesse tandis que chez ceux qui ont entre 1 an et moins de 3 ans de permis, le sentiment d'auto-efficacité à conduire vite et chez ceux qui ont au moins 3 ans de permis, essentiellement le contrôle qu'ils estiment pouvoir exercer sur tout ce qui peut leur arriver sur la route jouent un rôle significatif dans l'intention de commettre cette transgression. Enfin, chez ces derniers le nombre

Actes IN RETS no 105 123

Page 126: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matiére de vitesse

de sanctions au cours des 3 dernières années diminue l'intention de transgresser la vitesse.

Ces principaux résultats constituent des bases de référence qui pourraient servir à organiser concrètement des campagnes de prévention ou des actions de formation ciblant des populations à risque spécifiques dont l'objectif serait de maintenir les croyances et le comportement en faveur du respect des limitations de vitesse ou à infléchir, dans le sens de la sécurité, les croyances et compor­tement opposés au respect des limitations de vitesse (Del homme, 1993, 2002b, Delhomme & Meyer, 2001 ; Delhomme et al., 1999).

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La vitesse et sa limitation, vues par les conducteurs européens

Jean-Pierre Cauzard

Laboratoire de Psychologie de la Conduite jean-oierre. cauzard@inrets. fr

Résumé

Le projet SARTRE étudie les représentations sociales du risque routier chez /es conducteurs d'automobiles dans de nombreux pays européens. Cette recher­che a été menée pour la 38 fois en 2002-03. Elle comporte un large ensemble de questions dont une partie, relative a divers aspects de la vitesse et de sa limitation sur la route, permet de développer ci-dessous /es points suivants : le comportement déclaré face aux limites de vitesse, /es valeurs limites souhaitées par les conducteurs dans leur pays, le rapport au contrôle routier, la perception de la norme sociale en matière de vitesse et la régulation de la vitesse. Dans chaque cas, nous verrons comment se situent les réponses des automobilistes français parmi les Européens.

Nous allons parler des Européens et de la vitesse.

Voilà un vaste sujet, qu'on s'empresse de préciser : il s'agit d'un aperçu de ce que déclarent les automobilistes européens lorsqu'on les interroge à propos de la vitesse sur la route et de sa limitation, tel qu'on peut le construire à partir des enquêtes SARTRE.

1. Le projet SARTRE

Les données de cette présentation sont en effet issues de l'analyse des résultats du projet SARTRE, dont voici un résumé rapide pour ceux qui ne le connaissent pas.

« Les attitudes sociales face au risque routier en Europe >> est le titre du projet « SARTRE >>, mot acronyme de l'intitulé en langue anglaise. Il s'agit d'une étude des attitudes et comportements déclarés des conducteurs d'automobiles face au risque routier. Cette étude inclut des enquêtes représentatives des conduc-

Actes IN RETS no 105 127

Page 130: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

leurs en Europe. Un échantillon d'au moins mille conducteurs a été interrogé dans chaque pays. Un questionnaire identique a été appliqué partout, dans les langues appropriées, en utilisant les mêmes méthodes. Les enquêtes ont été réalisées 3 fois : SARTRE 1 en 91-92, SARTRE 2 en 96-97 et SARTRE 3 en 2002-2003. Cet exposé s'appuie sur les résultats de SARTRE 3. Vingt-trois pays ont participé, dont 21 membres de l'Union. Ce projet est l'initiative d'un groupe de chercheurs et de leurs instituts. Il a reçu le soutien de la plupart des services gou­vernementaux ad'hoc, de la Commission DG TREN, et le patronage du FERSI (Forum européen des instituts de recherche en sécurité routière)

2. Le plan

L'enquête SARTRE comporte un large ensemble de questions dont une par­tie, relative à divers aspects de la vitesse et de sa limitation sur la route, va nous permettre, après une courte introduction, de développer les points suivants:

Le comportement déclaré face aux limites de vitesse.

- Les valeurs limites souhaitées par les conducteurs dans leur pays.

- Le rapport au contrôle routier.

- La perception d'une norme sociale en matière de vitesse.

- La régulation de la vitesse.

- Nous verrons enfin à tirer quelques conclusions

Première considération, la vitesse est une valeur bipolaire. Une page du journal en français « ELLE >> de fin août 2001 nous le montre assez. Cette publicité fait l'éloge de la vitesse pour sauver des vies. C'est le contre-pied du thème de notre séminaire.

C'est bien au deuxième sens d'une vitesse à modérer pour éviter des victimes accidentelles que nous nous référons ici.

Deuxième considération, l'espace européen est riche de ses diversités. C'est vrai pour les seuils-limites auxquels sont confrontés les conducteurs, selon les types de routes. Vous remarquerez que le 50 en ville s'est imposé presque par­tout. De nombreux pays ont des seuils différents pour la campagne et les nationa­les avec les couples 80-100 ou 90-110. Vous remarquerez que le seuil plus élevé

128 Actes INRETS no 105

Page 131: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

La vitesse et sa limitation, vues par les conducteurs européens

Figure 1 : Limites de vitesse en Europe selon le type de réseau

Autriche

Pologne

Slovaquie

Ge«.

lituanie

Croatie

Slovénie

Hongrie

France

Rep Tchèque

Portugal

Luxembourg

Royaume-Uni

Pays-Bas

Finlande

SuiSSf!

Espagne

Belgique

Danemark

Lettonie

Irlande

SuMe

Estonie

Malte

Chypre

" " 0 2 confondus Ill En vllle ORoutes de campagne !J Routes principales ES:Autoroutes

Kmh

pour les autoroutes varie de 100 à 130. Les pays sont classés selon la somme des valeurs-seuils, indicateur approximatif, où on voit la France dans un groupe juste en dessous du plus élevé. La gamme des seuils français n'est pas parmi les plus favorables à la sécurité.

3. L'excès de vitesse déclaré

On a demandé aux automobilistes à quelle fréquence il leur arrive de dépas­ser les limites de vitesse selon le type de route. Dans ce tableau, j'ai laissé de côté ceux qui déclarent le faire rarement ou quelquefois qui contribuent à leur manière au phénomène d'infraction de masse. Ici figurent en % les réponses cumulées « souvent >> ou plus fréquemment qui indiquent les conducteurs infrac­tionnistes réguliers. Selon leurs propres déclarations, près d'un automobiliste sur quatre de l'Union enfreignent, au moins «souvent», les limites sur autoroutes. La variation parmi les pays est de 46 % pour le plus élevé à 10 % pour le plus bas. Le taux moyen pour l'Union s'étage à 18 % sur routes principales, 13 % sur

Actes !NRETS no 105 129

Page 132: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Tableau 1 : Excès de vitesse déclaré (souvent et plus) en 96, 02 et 05, par réseau

% Autoroutes Routes Routes de Zones urbaines 1996-2002-2005 principales campagne

Max 4846 31 34 21 20 1513

UE 24 24 1918 13 13 88

Min 14 10 12 7 64 33

France 22 22 10 18 14 7 1310 7 874

routes de campagne et 8 % en ville. Comme on le voit, plus le réseau a un seuil élevé et plus les infractionnistes sont nombreux.

Les automobilistes français se situent un peu en dessous de la moyenne un peu plus nettement sur nationales. Si on rapporte les valeurs de l'enquête SARTRE 2 en 1996, on observe que la moyenne pour I'UE n'a pratiquement pas bougé. On note dans les déclarations des Français un progrès dans le cas des nationales et des routes de campagnes. Si on rapproche maintenant dans le cas français les réponses au récent sondage sur l'acceptation des radars, en 2005,

Figure 2 : Excès de vitesse déclaré

50~------------------------------------------------~

:::+-==--==--:=m-==~-==--==--==-~==~=~=-~=~-~-"~~-"--·~,,-,~s-.&---_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_~~ :::~~x -.!<-min

o::-:c----------...swy-'ci>JE=i!ll------------ ~~,···FR

0+-----------,-----------,-----------.---------~

Autoroutes

130

Routes principales

Routes de campagne

Zones urbaines

Actes IN RETS no 105

Page 133: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

La vitesse et sa limitation, vues par les conducteurs européens

bien que cela nous crée quelques soucis de comparabilité, on remarque une chute notable du taux de ces infractionnistes réguliers. Il y a peu de doute que ceci soit à mettre au crédit de l'opération « radars automatiques >> qui rapproche les Français des minimas européens de 02.

Sur la figure 2 figurent certains résultats du tableau précédent. Ici sont indi­qués les pays aux positions extrêmes. Les conducteurs Danois se dépeignent en conducteurs excessifs, tandis que les Irlandais se montrent très modérés. Une constatation générale s'impose, en simplifiant un peu, une proportion signi­ficative de conducteurs enfreint la réglementation de la vitesse régulièrement.

Dans cet ensemble, les réponses des Français se situent un peu en dessous, c'est-à-dire un peu mieux que les résultats moyens

4. Préférence pour une limite plus élevée

Les conducteurs sont-ils satisfaits des valeurs seuils selon le réseau ? Ici sont représentés les taux de conducteurs souhaitant un seuil plus élevé que celui qui est en vigueur dans leur pays. On observe une pression au relèvement du seuil pour les autoroutes, tandis que cette demande est bien plus faible pour les seuils en ville qui semblent donc mieux acceptés.

On note que le souhait de relèvement est plus fort dans des pays ayant récem­ment intégré l'Union européenne. Les réponses des conducteurs français frôlent les meilleurs taux et surtout pour les nationales et les routes de campagne.

Figure 3 : Préférence pour une limite plus élevée

70%,-----------------------------------------------~

Autoroutes

Actes INRETS no 105

Routes principales

Routes de campagne

Zones urbaines

131

Page 134: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

5. Rapport au contrôle routier

Un peu moins d'un conducteur sur cinq estiment qu'ils risquent, souvent ou plus, d'être contrôlés pour la vitesse lors d'un trajet habituel. Cet indice de l'effet dissuasif du contrôle paraît peu élevé. On note un grand écart entre les pays reflétant sans doute des politiques différentes d'activité et de visibilité du contrôle. Le taux de conducteurs sanctionnés lors des 3 dernières années s'élève à 20 % dans I'UE. Au regard des pratiques déclarées par les conducteurs eux-mêmes, on conviendra que ces taux sont faibles. Dénoncer les contrôles de vitesse, par appel de phares, indique le refus du contrôle de vitesse par la police. Un Européen sur cinq le pratiquent souvent et plus.

Figure 4 : Rapport au contrôle routier

Risque d'être contrôlé

Sanctionné pour excès

Fais des appels de phares

f!.Jmax

I!!!UE

min §@FR

Dans ce contexte, les Français estiment qu'ils risquent moins d'être contrôlé qu'en moyenne. Ils sont ceux qui rapportent le moins avoir été sanctionnés. Et enfin ils font plus d'appel de phares qu'en moyenne.

6. Contrôle sanction

Ce graphe vise à montrer le rapport entre le risque estimé d'être contrôlé pour la vitesse et la déclaration de sanction pour excès de vitesse.

La France se situe sur la tendance mais avec les niveaux les plus bas. A remarquer la Grande-Bretagne avec un fort effet dissuasif et un niveau faible de sanction.

132 Actes INRETS n' 105

Page 135: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

La vitesse et sa limitation, vues par les conducteurs européens

Figure 5 : Contrôle sanction

4S%

40% • Chvore

• Royaume-Uni i • Slovénie " = 35%

2l i ·:;; 30%

" <Ci b 25% c

Estonie ~c-Roj ~ 20% ., c ~ 15%

c

" 1::: 10°/o .. Ïl>

Portugal• Grèce ~ • Suisse

Espagne ~ • • Autriche •

• • • Reo Tchèaue •

~~ •Pologne France Hon9rie Belgique • Croatie i

Irlandç: • Finlande naue

S% 1 • Suède Danemark

0%~·----~-------------------------------------------------------' 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 50%

7. Perception de la norme

La promotion de l'automobile ne devrait pas mettre en valeur la rapidité maxi­male du véhicule, presque un sur deux sont de cet avis. Les conducteurs sont pourtant conscients du danger de la vitesse excessive, puisque quatre sur cinq estiment que rouler trés vite cause des accidents. Malgré cela, chacun voit bien

Figure 6 : Perception de la norme

1:::~~-----------------

10%

0%

Pas de publicité sur Cause accidents la vitesse des conduire très vite

voitures

Actes INRETS n" 105

Les autres dépassent les

limites

Roule plus vite que la moyenne

:Mmax O!UE

min W. FR

133

Page 136: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apporls récents de la recherche en matière de vitesse

que « les autres >> excèdent les limites, 84 % sont de cet avis, autant dire que c'est la norme. Dans ce contexte, on trouve même un conducteur sur cinq pour déclarer qu'ils roulent plus vite que les autres.

On trouve les conducteurs français plus opposés à la publicité sur la vitesse des voitures, mais conduire vite est moins reconnu comme cause d'accidents que chez nos voisins. Les Français sont parmi les plus convaincus que les autres dépassent les limites, et enfin un peu plus que chez les autres ils déclarent rouler plus vite que la moyenne.

8. Régulation de la vitesse

Certes un bon tiers des conducteurs aime conduire vite, mais on trouve plus de la moitié des conducteurs pour admettre qu'on réduise la vitesse maximale des véhicules dans le cadre d'une « harmonisation >> européenne. On observe une demande appréciable, presque deux tiers, pour un accessoire qui oblige à respecter les limites.

Les Français sont parmi les plus en faveur d'une réduction de la vitesse maximale des voitures dans le contexte d'une harmonisation européenne. Un peu en dessous de la moyenne pour l'amour de la conduite rapide. Et enfin on notera qu'à ce moment-là ils étaient parmi les plus favorable à un dispositif qui les empêche de dépasser les limites de vitesse.

9. Conclusions

- Pour conclure quelques points forts. En Europe :

Figure 7 : Régulation de la vitesse

90%,-------------------------------------~~------------,

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

Hannonisation ... réduire vitesse max véhicules

Aime conduire vite Dispositff oblige à respecter la limite

âmax •wE

min m:FR

134 Actes INRETS no 105

Page 137: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

La vitesse et sa limitation, vues par les conducteurs européens

- La limitation de vitesse est mal respectée.

- La norme sociale, c'est rouler vite.

- La dissuasion par le contrôle est faible.

- L'excès de vitesse est reconnu comme cause d'accident

- Le rôle « harmonisateur » de I'UE est accepté.

- Les aides à la conduite sont envisagées favorablement

- Les conducteurs des pays récemment entrés dans I'UE demandent des seuils plus élevés, peut-être veulent-ils bénéficier de ce dont ils ont été privés?

Respectivement, les conducteurs français :

- sont sous la moyenne (meilleur respect),

- roulent vite,

- sont peu dissuadés par le contrôle,

- reconnaissent moins l'excès de vitesse comme cause d'accident,

- acceptent bien le rôle « harmonisateur >> de l'Union européenne,

- envisagent plus favorablement les aides à la conduite.

10. Sources

On trouvera de plus amples informations, données et résultats, sur le site internet http://sartre.inrets.fr/, et dans nos publications imprimées SARTRE 2 disponibles au SWOV ou à l'lnrets.

Pour SARTRE 3 les rapports sont disponibles en anglais, ainsi qu'une bro­chure grand public dans plusieurs langues.

Enfin une version des rapports de recherche en français est disponible.

Actes IN RETS no 105 135

Page 138: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Et notre information est complète avec la publication de la brochure en français.

136 Actes INRETS no 105

Page 139: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Yves Girard

Modération de la vitesse et ergonomie routière

Département Mécanismes d'Accidents [email protected]

Résumé

La vitesse est un paramètre crucial du déroulement des accidents. D'elle dépendent la violence du choc, ainsi qu'avant choc l'empan d'espace-temps disponible et l'ampleur des sollicitations dynamiques en situation d'urgence. La régulation des vitesses est donc un enjeu majeur d'une politique de prévention des accidents et de leurs conséquences.

L'approche système " usager/outil de déplacement/infrastructure et environ­nement», en sécurité routière, met l'accent sur les interactions entre éléments de ce système. Selon cette approche, le choix de sa vitesse par l'usager est une des sorties du fonctionnement du système, et une manifestation de l'adaptation de cet usager à la situation. Les travaux de psychologie cognitive sur les repré­sentations éclairent les mécanismes de cette adaptation plus ou moins réussie. De ce courant de recherche, on retiendra, entre autres, le concept de catégori­sation mentale des situations et d'attentes, celui de défaillance des mécanismes adaptatifs, le principe de lisibilité de la route, ou de cohérence dans la gestion des réseaux.

En conclusion, les possibilités de régulation des vitesses au moyen de l'amé­nagement des li1frastructures sont généralement sous-estimées, tout autant que cel/es de dégradation de la sécurité par des choix d'aménagements incitatifs à la prise de vitesse.

1. Introduction

Toutes les études s'accordent à démontrer que la baisse des vitesses de quelques km/h diminue notablement le nombre et la gravité des accidents. Pour le comprendre, il suffit d'analyser le rôle de la vitesse dans le déroulement de l'accident. Plus la vitesse est élevée, et plus le choc sera violent, plus seront

Actes IN RETS no 105 137

Page 140: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

graves ses conséquences matérielles et corporelles. Dans la situation d'urgence qui précède le choc, plus la vitesse est élevée et plus l'espace-temps disponible pour analyser les exigences de la situation, réagir et opérer une manœuvre de sauvegarde est réduit, plus les sollicitations dynamiques sont contraignantes. Or cette vitesse qui se révèle brutalement excessive par rapport aux exigences quand l'accident se déclenche est précisément celle qui était adoptée par le conducteur en situation de conduite, quand tout allait bien, et qu'il se considérait alors maître de son véhicule.

De ce point de vue, les polémiques sur « la vitesse, facteur ou non d'acci­dent » sont stériles. Plutôt qu'un facteur, la vitesse est un paramètre du pro­cessus dynamique de l'accident, paramètre essentiel puisque son effet se fait sentir à toutes les étapes du déroulement du phénomène. Il est donc clair que la gestion des vitesse et leur régulation dans le sens d'une modération par rapport aux pratiques observées, est un enjeu majeur d'une politique de prévention des accidents et de leurs conséquences 1.

2. Activité de conduite et représentations mentales

L'approche système adoptée dans l'analyse des dysfonctionnements que sont les accidents implique de porter attention autant aux états des composants de ce système et à leurs caractéristiques, qu'à la dynamique des interactions entre eux au cours du fonctionnement (et particulièrement du fonctionnement non désiré) de ce système.

Parmi les composants du système, l'être humain tient une place particulière, dans la mesure où il détient les capacités de sa régulation. Nous considérons l'usager de la route comme un opérateur appliqué à la réalisation d'une tâche de déplacement, à l'aide d'un outil de déplacement, dans un environnement évolutif.

La tâche de conduite est une tâche d'une apparente simplicité, mais en réalité complexe, parce qu'elle nécessite un ajustement continu sous de fortes contraintes dynamiques et temporelles, à un contexte évolutif caractérisé par la diversité des autres usagers, des véhicules et des environnements, alors même que les procédures à adopter ne sont pas rigoureusement définies, et peuvent être diverses pour une même situation (Saad, F., 1987). Les analyses de la conduite « en situation >> soulignent les écarts qui existent entre ce qui serait une tâche prescrite par le code de la route, et une tâche effective qui est la façon dont l'opérateur redéfinit la tâche prescrite en fonction de ses propres objectifs, de ses propres contraintes, et des singularités de l'environnement concret.

Le modèle de fonctionnement du conducteur que nous considérons comme le plus fécond, parce qu'il détaille les fonctions engagées dans cette activité, et

1 Sans oublier que l'enjeu essentiel reste la suppression des situations qui favorisent l'occurrence des événements déclencheurs du processus d'accident.

138 Actes !NRETS n"' 105

Page 141: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Modêration de fa vitesse et ergonomie routière

sert de cadre pour en analyser les défaillances, est celui de l'homme comme sys­tème de traitement de l'information dans un environnement dynamique (Neboit, 1977). L'opérateur prélève de l'information (exploration perceptive et identifica­tion), il traite cette information (interprétation, élaboration de décisions), il traduit ses décisions en actes (notamment en actions sur les commandes du véhicule mettant en jeu son habileté). Cette séquence opératoire (perception-interpréta­tion-décision-action) s'appuie sur les connaissances et représentations de l'opé­rateur (expérience), ainsi que sur ses attitudes (variables de personnalité, traits de caractère, humeur du moment), et aptitudes (fatigue, alcoolisation, handicap, vieillissement...).

La démarche de l'Étude Détaillée des Accidents se distingue de celle qui tend à focaliser l'analyse accidentologique sur le composant humain et son comporte­ment sous l'argument que le contrôle de la vitesse et de la trajectoire du véhicule sont entre les mains du conducteur, à charge pour lui d'adapter le mouvement de son véhicule aux contraintes de son environnement. Au contraire, l'accent mis sur les interactions entre les composants du système nous incite à exami­ner les effets régulateurs du système routier et de ses aménagements, ceux du véhicule et des interactions véhicule-infrastructure, sur l'activité du conducteur, et plus précisément sur la production de sa défaillance ( « erreur humaine » ). Les investigations fondées sur cette orientation se démarquent de la recherche des responsabilités ( << à qui la faute ? ») pour privilégier l'investigation des défaillan­ces fonctionnelles dans un souci de prévention, afin d'éviter que ce qui s'est passé ne se reproduise ( « que faire ? >> ). L'erreur humaine ainsi analysée ne se présente plus comme la « cause » de l'accident, mais comme la résultante d'un fonctionnement adaptatif dont il s'agit de comprendre l'échec momentané. De ce point de vue, s'il est important de répertorier les << erreurs humaines » en conduite automobile, il est tout aussi important d'identifier les circonstances {les contextes) qui favorisent leur production, pour agir sur ces circonstances (Van Elslande, P., Al berton, L. et al., 1997).

Le dépistage et l'identification de ces défaillances fonctionnelles vont s'ap­puyer sur toute une série de travaux en psychologie cognitive, ainsi que sur les modélisations de l'activité de l'opérateur humain dans les systèmes technologi­ques à risque. Les recherches contemporaines renvoient aux travaux sur l'orga­nisation des connaissances (catégories, schémas, scripts), et pointent derrière l'erreur une distorsion entre la représentation de la situation qu'élabore l'individu et la réalité du monde que cette construction mentale est censée refléter.

Les « connaissances >> de l'opérateur correspondent au savoir accumulé au long de sa pratique. Pour dire les choses de façon simplifiée, nous dirons que acquérir de l'expérience revient à mettre progressivement de l'ordre dans les dif­férentes << situations routières »2 rencontrées, à les distinguer, à les organiser en regroupant celles qui, du point de vue de la tâche, sont<< pareilles>>. L'opérateur

2 L'expression « situation routière » désigne l'ensemble formé d'une infrastructure avec ses aména­gements, son environnement, ainsi que la configuration de trafic en cours sur cette infrastructure.

Actes INRETS no 105 139

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

élabore par expérience un catalogue de situations routières typiques, qui vont lui servir de référence. Dans le même temps, il apprend à s'adapter à chacune de ces situations routières, et en regard de ce catalogue de situations, il se constitue un catalogue de « modes d'emploi >> de ces situations. Un « mode d'emploi >>

recouvre globalement les règles d'usage attachées à une situation de référence, qu'elles soient légales ou informelles, la liste des événements auxquels on peut s'attendre dans cette situation, et les réponses comportementales adaptées à ces événements3

Au cours de son déplacement, cet opérateur s'applique à identifier la situation routière en cours par comparaison avec son catalogue de situations routières déjà expérimentées, pour activer le mode d'emploi correspondant, et produire le comportement en principe adapté. La représentation qu'il se fait de la situation permet à l'opérateur de s'attendre à ce qui va suivre et savoir à quoi faire atten­tion (de développer des attentes et des anticipations relatives aux événements à venir). Selon la représentation qu'il se fait de la situation en cours, certains événements seront très probables, certains possibles, d'autres inconcevables, et inattendus.

Ce qui précède est une façon de dire que le prélèvement d'information n'est pas un mécanisme passif. Qui dit « prélèvement >> dit filtrage (Rümar, 1985). Prélever l'information revient à sélectionner un certain nombre d'éléments de la scène visuelle qui vont être privilégiés, au détriment d'autres qui vont être négli­gés. Cette sélection ne se fait pas au hasard mais elle est orientée par la tâche en cours et la représentation mentale de l'opérateur. Il faut admettre alors que les éléments présents dans la scène visuelle n'ont plus tous la même probabilité d'être détectés et utilisés. Une information aura d'autant plus de chances d'être exploitée qu'elle est attendue ou recherchée, et qu'elle a un sens par rapport aux questions que se pose l'opérateur dans ce contexte. Il se produit alors un cercle vicieux dans la mesure où plus un opérateur prélève des informations compati­bles avec sa représentation, plus cette représentation se renforce, et moins cet opérateur sera réceptif aux informations présentes mais incompatibles avec sa représentation. Cette capacité de reconnaître des situations, d'anticiper sur des événements attendus, d'avoir à ne traiter que les informations utiles, est avanta­geusement économique : conduire dans un environnement imprévisible exigerait une exploration constante de la totalité de cet environnement, une vigilance coûteuse et une attention exclusive et épuisante au pilotage. En contrepartie, le prélèvement orienté et sélectif d'informations risque de ne plus jouer qu'un rôle réduit de vérification, l'opérateur se contentant de ne prélever que l'échantillon limité d'indices allant dans le sens de la confirmation de ses attentes, avec tous les risques d'erreur que cela comporte.

3 Deux fois deux voies + séparateur axial + signalisation directionnelle sur potence + lettres blan­ches sur fond bleu = section de type autoroutier. Donc : circulation en sens unique + pas de piétons + pas de vélos + pas de feux de circulation + pas de passage à niveau + revêtement de qualité= trafic rapide + surveillance du rétroviseur + risque de déboitement soudain d'un poids-lourd + etc.

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Modération de la vitesse et ergonomie routière

Bien entendu, ces activités mentales échappent largement à la conscience. Le rôle des apprentissages et de l'expérience est de transformer des activités qui réclament initialement un effort d'attention consciente, en routines faibles consommatrices en énergie mentale, et se déroulant sous forme d'automatismes auto-contrôlés4 Comparé aux contraintes du raisonnement et de la logique, l'automatisme permet des raccourcis saisissants. Un expert est quelqu'un qui n'a plus besoin de raisonner pour poser un diagnostic : il sait... L'automatisme est trés précieux pour gérer efficacement des situations dynamiques sous contrainte temporelle. Ce n'est pas un hasard si la conduite automobile est une activité particulièrement riche en automatismes. Pris dans un sens positif, cela s'appelle de la répartition optimale de ressources mentales. Pris dans un sens négatif, cela favorise la distraction et l'erreur d'interprétation ...

Tout ceci pour expliquer que le comportement d'un usager de la route n'est pas indépendant de l'infrastructure et ses aménagements ni de son environne­ment : ce sont eux qui sollicitent plus ou moins sa vigilance, qui conditionnent les orientations de son attention, et qui privilégient certaines attentes au détri­ment d'autres. En particulier, ce sont eux qui vont réguler le niveau de vitesse, ou favoriser certaines manœuvres dans le trafic. Plutôt qu'envisager le choix d'un niveau de vitesse comme une décision individuelle prise en toute liberté et lucidité, nous l'envisageons comme une des << sorties » du fonctionnement du système, et l'une des manifestations des interactions entre les usagers et leur contexte situationnel.

Accepter de prendre en compte ces interactions, c'est donc se donner des moyens d'action puissants pour influencer ce comportement dans le sens désiré par les gestionnaires du réseau.

3. Recherches sur les catégorisations mentales des usagers

Ce soubassement théorique, dont nous vérifions la validité et la fécondité au cours des analyses cliniques de cas d'accidents, a orienté de nombreux travaux de recherche sur l'existence des catégories de situations routières que se forgent les usagers par leur pratique5. Il n'est pas possible d'en faire ici l'exégèse et le mieux est de s'y reporter.

Ils confirment que << les sujets [des expérimentations] utilisent un ensemble important de signes présents dans les scènes à analyser : l'emprise entre faça­des, la profondeur du champ visible, l'état de la chaussée et son marquage, le type et la densité d'urbanisation, la nature des accotements et les pratiques de

4 Cf. les travaux de Rasmussen sur la hiérarchie des niveaux de contrôle de l'activité, en « skill­based behaviour », « rule-based behaviour >>et<< knowledge based behaviour ». 5 Cf. bibliographie jointe. Nous nous sommes limités aux travaux de l'ln-rets ou en collaboration. Nous retiendrons ici de la littérature internationale : - Speed managementthrough trafficengineering. AccidentAnalysis and Prevention, 24-1, février 1992. - Theeuwes, J., Diks, G. (1995), Subjective road categorization and speed choîce, TNO-TM 1995 B-16.

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

stationnement, les éléments de paysage et d'ambiance (arbres, luminosité ... ). Ces différents éléments ne sont pas indépendants, leur apparition ne se faisant pas selon des combinaisons aléatoires. Ce sont des co-occurrences particulières de ces éléments qui structurent les classifications obtenues » (Fleury D. el al., 1991 b, à propos de sites urbains). De plus, des régularités apparaissent dans les inférences induites par les caractéristiques physiques des sites et relatives aux événements envisageables. Il est évident alors que des sites pouvant exister mais ne se conformant pas à cette organisation, sont autant de lieux atypiques, susceptibles de créer des ambiguïtés lors de leur rencontre, des hétérogénéités de comportements, et des prises en défaut des attentes.

L'importance des particularités du ruban (largeur, apparence de la chaussée, nature du matériau, couleur, entretien, marquage) apparaît dans toutes les expéri­mentations, y compris en zone urbaine (Fleury, D., 1991b)_ Ceci conduit à mettre en cause la nature du marquage tel qu'il est généralement conçu en ville sur de grosses infrastructures, en zone périphérique ou en traversée de petites agglomérations, pour le risque qu'il induit d'occulter la réalité des activités urbaines environnantes (manœuvres spécifiques liées au stationnement, présence de piétons et de vélos).

De nombreux cas d'accidents s'expliquent par une erreur de représentation et non par une décision d'infraction délibérée_ Par exemple, les réductions de vitesse à l'entrée des petites agglomérations situées sur de grandes nationales ne sont pas respectées généralement parce que la prise de conscience du changement d'environnement est trop lente, ou bien que ce changement d'environnement n'est pas manifeste (la route est devenue une rue mais a gardé les apparences de la route). Certains sites ne provoquent jamais chez les sujets des expérimen­tations l'évocation de l'éventualité de la présence de cyclistes, cyclistes qui sont fréquemment impliqués dans les accidents se produisant sur ces sites.

Une recherche récente (Montel, M-C. el al., 2004), montre que« les conduc­teurs font appel dans leur activité de conduite, et particulièrement dans la prévi­sion de situations à venir, à des catégories d'environnements de voies urbaines différentes selon que l'activité de conduite se déroule de jour, en soirée ou la nuit»- Par exemple:

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- « dans les rues commercantes du centre ville, l'attente d'interactions avec des piétons traversant est forte le jour et en soirée, mais diminue la nuit, et l'interaction avec des véhicules entrant ou sortant de stationnement n'est essentiellement attendue que le jour lorsque l'activité commerçante est supposée plus importante >> ;

- « dans les rues étroites du centre ville, les conducteurs s'attendent à des interactions avec des piétons traversant mais aussi cheminant sur la chaussée, descendant du trottoir, ou sortant des habitations et s'enga­geant directement sur la chaussée_ Ces attentes sont moins importantes la nuit Inversement les interactions avec des véhicules en stationnement gênant y sont principalement attendues la nuit lorsque les activités urbai­nes en sommeil laissent envisager un stationnement résidentiel pour toute la durée de la nuit>>.

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Modération de la vitesse et ergonomie routière

4. Retombées pratiques

D'un point de vue pratique, l'approche système est à l'origine entre autres, du principe de lisibilité de la route, par lequel, en faisant clairement apparaître au conducteur sur quel type de voie il circule, on l'aide à ajuster au mieux son com­portement à la situation : « la lisibilité est la propriété d'une voie et de son envi­ronnement, de donner à tout usager, par l'ensemble de leurs éléments constitutifs (géométrie de la voie et de ses abords, équipements et >>habillage« de la voie, configuration du bâti environnant, mobilier urbain, etc.) une image juste, facile­ment et rapidement compréhensible, de la nature de la voie et de son environ­nement, de ses utilisations, des mouvements probables ou possibles des autres usagers, et du comportement que l'on attend de lui (vitesse, trajectoire, perte de priorité, ... )>> (SETRA CETUR, 1992).

A un niveau plus global on peut citer des principes d'intervention tels que :

- le principe de cohérence (l'écriture d'une section de route doit faciliter la reconnaissance des sites et des situations routières en rendant prévisibles les conflits potentiels),

- le principe d'homogénéité (un type d'aménagement particulier doit dési­gner une ou des situations dont la nature ne doit pas être ambiguë, ceci garantit l'univocité des interprétations des équipements),

- le principe de prise en compte de l'enchaînement dynamique entre sec­tions de types différents,

- le traitement des transitions.

Des documents pédagogiques nombreux et adaptés ont été réalisés par les services centraux du ministère de l'équipement (SETRA, CETUR, CERTU), concernant les techniques de sécurité, les règles de conception, les méthodes de diagnostic. De nombreux exemples de réalisations positives ont été diffusés (CERTU, 1994; Bellalite L., 2001 ). En matière de sécurité routière, l'offre de formation est réelle (CIFP, ENTPE, ENPC, DESS et Mastère des universités d'Angers et de Saint-Quentin en Yvelines ... ).

La démarche« SURE>> (cf. Revue de la Sécurité Routière, no 143 avril-mai 2005) intègre le principe que « l'aspect que l'on donne à une route, sa lisibilité ou sa signalisation constituent autant de leviers pour aider le conducteur à res­pecter les règles>>, mais souligne que le traitement d'un virage peut générer une augmentation de la vitesse des usagers ...

En effet, les possibilités d'amélioration de la sécurité par le moyen de l'amé­nagement des infrastructures sont réelles, mais ces aménagements doivent être effectués avec discernement. Les risques de dégradation de la sécurité inhérents à certaines interventions techniques, sont généralement sous-estimés.

En 1992 (in « Sécurité des Routes et des Rues >> ), Brenac T. écrivait : « A la différence du milieu urbain, il semble extrêmement difficile d'envisager une stratégie de réduction systématique des vitesses pratiquées par le moyen de

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

l'aménagement géométrique des voies existantes, hors agglomération ... Parmi les interventions aux effets défavorables sur la vitesse et la sécurité, on peut citer : des interventions donnant lieu à une augmentation en continu sur un itinéraire du confort dynamique, ou du confort visuel en continu également... L'élargissement d'une route, du moins si sa largeur initiale est inférieure à 6 m, présente également des risques liés à l'augmentation des vitesses ... Des amé­nagements peuvent avoir une influence contre-productive du fait de la modifi­cation des comportements qu'ils induisent. Par exemple le marquage axial des chaussées sur des routes secondaires, les réfections de chaussée améliorant le confort de roulement, ou le confort dynamique engendrent des augmentations de vitesse». Il convient d'être attentif à ce qu'une intervention ne débouche pas sur une incitation à pratiquer une vitesse supérieure à celles constatées avant réaménagement. Il est important également que l'aménagement des infras­tructures [et la conception des véhicules] ne contribuent pas à discréditer les limitations légales en favorisant des vitesses toujours plus élevées.

5. Pour conclure

Les possibilités de régulation des vitesses au moyen de l'aménagement des infrastructures et des environnements sont généralement sous-estimées, tout autant que celles de dégradation de la sécurité par des choix d'aménagements incitatifs à la prise de vitesse. Pourtant, cette orientation présente le grand intérêt de rendre cohérents aménagements, vitesse préconisée et vitesse réglemen­taire, et de faciliter ainsi l'adaptation naturelle des usagers aux exigences sécu­ritaires de la circulation.

Références

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Modération de la vitesse et ergonomie routière

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Comportements individuels de vitesse et de ralentissement

Gilles Malaterre IN RETS

gilles. malaterre@inrets. fr

Résumé

Les recherches sur les déterminants des vitesses pratiquées sont nombreu­ses, anciennes et de natures différentes.

1. On s'est, dans les années 70, interrogé sur les différentes composantes de la prise de vitesse ou du ralentissement insuffisant. Cer1aines explications sont d'ordre psycho-physiologiques (habituation, dérive, sur-évaluation des variations) et ont donné lieu à des contre-mesures de même nature (contre-illusions, bandes transversales britanniques).

2. D'autres explications relèvent des stratégies mises en place pour minimi­ser les variations autour d'une vitesse préférentielle.

3. D'autres encore relèvent de l'adaptation au trafic et de stratégies intégrant, entre autres, la signification accordée au compor1ement d'autrui et réciproque­ment au sens supposé de son propre compor1ement pour autrui.

4. Une autre grande catégorie de recherches a por1é sur les caractéristiques de l'infrastructure et de l'environnement pouvant être mises en relation avec les vitesses mesurées, les plus intéressantes ponant sur la signification por1ée par la route (lisibilité).

5. Enfin de nombreuses recherches s'intéressent à l'attrait pour la vitesse de différentes catégories d'usagers et aux fondements psychosociologiques de cet attrait.

6. On ne mentionnera ici que pour mémoire les recherches sur la dissuasion et les effets de différents systèmes de contrôle-sanction, largement abordés par ailleurs.

Nous nous contenterons ici de rappeler rapidement quelques résultats rele­vant des trois premières catégories de travaux.

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Les angles sous lesquels on peut aborder le problème de la vitesse sont mul­tiples et nombreux. Selon les époques et les courants de recherche, l'accent été mis sur tel ou tel aspect. L'objet de cette communication est de résumer quelques approches développées à I'ONSER puis à I'INRETS au cours des années 70 et 80. On pourra se référer au cahier d'études publié en 1983 par Farida Saad, absente de ce séminaire mais qui travaille toujours sur ces problématiques et les a prolongées.

Dans les années 70, la France s'est préoccupée de la sécurité de son réseau routier, en traitant les points d'accumulation d'accidents d'une part, en ayant une approche longitudinale de ses grands axes et de leur perception par les usagers d'autre part. On a vu ainsi se développer la notion d'itinéraire, puis ultérieurement celle de lisibilité de la route. Dans un premier temps, l'idée que la perception de l'environnement puisse avoir une influence sur le comportement des usagers s'est traduite par des aménagements ponctuels (revêtement, délinéation et signalisation des courbes), puis a évolué vers des comportements plus globaux, tels la vitesse. Partant de la constatation que la proximité des habitations avait un effet ralentisseur (effet de paroi), de même que la proximité de plantations d'ar­bres, alors qu'au contraire des espaces non structurés rendaient l'appréciation de la vitesse plus difficile, une série de travaux expérimentaux sur la perception de la vitesse a vu le jour dans plusieurs pays.

1. La perception de la vitesse

L'hypothèse est que le conducteur n'a pas l'œil rivé en permanence sur son compteur de vitesse (tachymètre), et qu'il est donc influencé par sa perception directe de sa vitesse de déplacement. Au-delà des dérives involontaires, on peut faire aussi l'hypothèse d'une régulation par la sensation plus que par la connais­sance, ce qui justifie l'étude des mécanismes perceptifs mis en jeu, ceci pouvant déboucher sur des modifications des véhicules ou de l'environnement.

1.1. Prédominance de la vision périphérique

De nombreux travaux ont montré que la perception de la vitesse se faisait essentiellement grâce à la vision périphérique (Salvatore, 1968), c'est-à-dire grâce aux zones de la rétine riches en bâtonnets. Dans l'histoire de l'évolution des espèces, ceci s'explique sans doute par la nécessité de détecter dans un champ large les mouvements d'une proie ou d'un prédateur, ceci étant suffisant pour déclencher un mouvement de la tête ou simplement du regard permettant ensuite une identification précise du mobile grâce à la vision centrale ou fovéale. La structuration spatiale du champ visuel périphérique joue donc un rôle impor­tant, par la quantité de stimulation qui va en découler. Les accidents de renver­sement de semi-remorques citernes sur les tarrnacs pourrait avoir pour origine une vitesse excessive due à l'absence de repères visuels sur cet espace plat et très peu structuré. En revanche, des objets proches du bord de la chaussée vont provoquer une stimulation plus intense, car à vitesse égale leur vitesse angulaire sur la rétine sera plus importante que celle des objets éloignés.

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Comportements individuels de vitesse et de ralentissement

1.2. Redondance des informations

Même si la vision périphérique joue un rôle prédominant, la vision centrale permet aussi une appréciation de la vitesse, de même que le bruit, les vibrations. Il peut exister des indicateurs « acquis >> et non linéaires, tels l'apparition ou la coexistence de plusieurs types de bruits à certaines vitesses particulièrement pratiquées (vitesse de croisière, correspondant ou non à une limitation légale). Sur ce point, les recherches sont insuffisantes car elles s'attachent le plus sou­vent à démontrer le rôle d'une information prise isolément, sans que l'on sache quel est son poids relatif dans la régulation globale réalisée par le conducteur.

1.3. Dérive dans le temps

Des recherches ont montré que l'exposition prolongée à une vitesse élevée entraînait une sous-estimation de la vitesse pratiquée, qui se traduisait par une accélération progressive (Matthews, 1978, Schmidt et Tiffin, 1969, Denton, 1976). Tout se passe comme si le conducteur fonctionnait à sensation constante, et que cette dernière avait tendance à diminuer avec le temps. Ce phénomène pourrait avoir une explication physiologique.

2. La perception des accélérations

Celle-ci s'opère essentiellement grâce aux 3 canaux semi-circulaires situés dans l'oreille interne. Ce sont de véritables accéléromètres. Un liquide (endo­lymphe) se déplace par inertie dans trois ampoules semi-circulaires placés dans 3 plans orthogonaux, et les déforment. En complément, le système otolithique est composé de deux récepteurs situés dans l'utricule et le saccule. Ils sont tapissées de cils sensitifs, sensibles aux déplacement de petites concrétions calcaires. Ils renseignent sur les composantes statiques et dynamiques des forces gravita­inertielles. Même si une décélération peut aussi être détectée visuellement, le seuil de détection de ces capteurs dédiés est beaucoup plus bas que celui du système visuel. Les interactions visuo-vestibulaires ont beaucoup été étudiées, notamment au CNAM puis au collège de France (Pavard et Berthoz, 1976, Pavard, Berthoz et Lestienne, 1976). Une désynchronisation des informations des deux sources, ou leur stimulation en sens inverse, perturbe la perception des accélérations et peut même être à l'origine de cinétose sévères. Ces tra­vaux trouvent un intérêt particulier dans les applications liées aux simulateurs de conduite (absence ou limitation des restitutions de mouvements, transport-delay, etc, c.f. Pinto, Cavallo, Ohlmann, Espié et Ragé, 2004).

2. 1. Effet du changement de vitesse

Les travaux de Denton (1967) ont montré qu'un brusque changement de vitesse (par exemple passage de 130 à 50) avait une influence passagère sur l'estimation de la vitesse d'arrivée, celle-ci étant sous-estimée dans le cas d'une décélération, et surestimée dans le cas d'une accélération. Autrement dit, le

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Séminaire Vitesse : apporls récents de la recherche en matière de vitesse

conducteur a tendance à moins varier sa vitesse que ce qui lui est demandé, quel que soit le sens de la variation. L'effet combiné de dérive progressive (voir plus haut) et du changement brutal de vitesse pourrait expliquer les accidents sur les bretelles de sortie d'autoroutes ou aux péages. Il est donc recommandé d'amener le conducteur à diminuer sa vitesse progressivement, en allongeant la zone de décélération, et en lui donnant des repères visuels très stimulants, tels les bandes de peinture sur la chaussée, fréquentes en Grande Bretagne à l'abord des ronds-points (Denton, 1973, Helliar-Symons, 1981), mais également expérimentées en France (Malaterre, 1976).

Figure 1 : Principe des barres de peintures utilisées en Grande-Bretagne

2.2. Régulation des décélérations

Des recherches à bord de véhicules instrumentés ont permis des enregis­trements en continu de la vitesse, et en particulier en entrée d'agglomération (Malaterre et Rambach, 1974). La décélération type a l'allure suivante:

Figure 2 : Décélération type en entrée d'agglomération. Le requis figure en rouge (signal carré), et l'effectif en noir

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Comportements individuels de vitesse et de ralentissement

En l'absence de contrainte physique, le conducteur « triche >> par rapport au panneau d'entrée d'agglomération, et a tendance à marquer des pauses ou paliers dans sa décélération, comme le ferait un plongeur revenant vers la surface. Ceci pourrait correspondre au besoin de dissiper les effets dus au chan­gement de vitesse exposés plus haut, et donc de recaler progressivement la perception de la vitesse. Cet effet peut se cumuler avec une sous-estimation de la vitesse origine due à l'effet d'habituation (voir plus haut).

De nombreux travaux portent sur les mécanismes de régulation des décélé­rations. En l'absence de point d'arrêt spécifié, un conducteur à qui on demande de freiner jusqu'à l'arrêt total a tendance à fonctionner à décélération constante (Spurr, 1969, Newcomb, 1981 ). Lorsque le point d'arrêt est spécifié, plus la vitesse de départ est élevée, plus la distance à la cible laquelle débute la décélération est importante, la décélération semblant se faire à décélération constante en premier lieu, un ajustement étant opéré en fin de manœuvre grâce aux informations visuelles prélevées sur la cible. La théorie « écologique >> veut que l'information ' et sa dérivée'· définie par la vitesse d'augmentation de taille apparente de la cible sur la rétine, permette de gérer une décélération, bien que d'autres travaux, en particulier ceux de Cavallo, Laya et Laurent (1985), Cavallo et Laurent (1988), aient montré que les mécanismes en jeux étaient plus comple­xes (rôle de la distance et de la vitesse non réductible à' et,).

3. Principes supposés de l'adoption d'une vitesse

Les travaux de Michèle Moget et de Marie-Berthe Biecheler-Fretel (1985) mettent en avant la notion de vitesse préférentielle, qui serait celle de laquelle un usager répugne à s'écarter. Pour cela, il va par exemple gérer ses changements de file (Espié et Saad, 2000) en anticipant les rattrapages d'obstacles et l'occupa­tion de files adjacentes, et va gommer les variations d'interdistance temporaires dans la mesure où il prévoit que la situation va se résoudre d'elle-même à brève échéance. Ainsi un conducteur ne tiendra pas compte d'un véhicule qui s'insère devant lui (ce qui réduit l'interdistance), s'il comprend que cet usager ne fait que traverser cette voie avant de s'engager vers une bretelle de sortie ..

La mise en évidence de ces phénomènes est particulièrement aisée lorsque l'on introduit une contrainte forte concernant l'interdistance (radar anti-collision), ou la vitesse (limiteurs de vitesse). Le conducteur, perturbé dans ses stratégies habituelles, exprime plus facilement ses objectifs et leurs fondements.

3.1. Rôle du trafic

On constate le poids prédominant de l'adaptation au trafic dans les comporte­ments individuels. Lorsque la circulation est dense, circuler sur la voie lente signi­fie risquer d'avoir du mal à déboîter en cas de rattrapage d'un véhicule lent, alors que la circulation dans la voie rapide contraint à adopter la vitesse du flux, sous peine de subir la pression arrière des autres véhicules. Ceci a notamment été

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

mis en évidence lors d'expérimentations sur un prototype de radar anti-collision (Malaterre et Saad, 1986) et lors des expérimentations sur les AAC (Advanced Cruise Control, Saad et Villame, 1996, 1999). Les conducteurs réalisent des ajustements de leurs vitesses extrêmement fins, et sont très conscients de la signification que peut avoir leur comportement pour les autres. On ne soulignera jamais assez le rôle de l'anticipation dans ces types de comportements, basés sur des représentations mentales induites par la situation et l'expérience, et un référentiel commun minimum donnant sens aux comportements observés.

3.2. Les recherches sur les limiteurs

A l'époque où ces recherches ont été réalisées (Malaterre et Saad, 1984 ), la contrainte réglementaire était faible et le trafic exerçait plutôt une pression accé­lératrice. Actuellement on constate le phénomène inverse, le trafic ayant un effet régulateur vers le bas, du moins à proximité des radars. Nous avions signalé dans nos analyses qu'un système qui adapterait automatiquement la vitesse limite à la situation rencontrée serait préférable à un système manuel. C'est chose faite actuellement, ou du moins en cours d'expérimentation, soit grâce à des balises externes (ISA: c.f. Hjalmdahl, Almqvist et Varhelyi, 2002), soit grâce à un posi­tionnement satellitaire couplé à une cartographie embarquée des limitations. Beaucoup de problèmes techniques, d'ergonomie, d'acceptation et d'insertion dans un contexte de circulation encore loin d'être apaisé restent encore à régler et font l'objet de l'expérimentation actuelle sur le LA VIA (Ehrlich, 2005), dont l'IN­RETS assure la responsabilité de l'évaluation. Les résultats seront disponibles fin 2006 et seront évidemment examinés avec beaucoup d'intérêt.

4. Conclusion

Le choix et/ou la pratique d'une vitesse ont de multiples composantes, ce qui fait la difficulté du sujet. La difficulté réside dans l'intégration des résultats des nombreuses études existant dans la littérature, et de connaître les poids des différents facteurs mis en évidence, ces poids pouvant varier en fonction des contextes. Même si le contrôle-sanction automatisé, préconisé depuis plusieurs années par les chercheurs, est en train de faire ses preuves, il n'empêche qu'une adaptation de l'outil (les véhicules) et de l'environnement sont des voies qu'il faut continuer à explorer si l'on veut induire des comportements les plus « naturels » possible.

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152 Actes JNRETS no 105

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Actes INRETS no 105 153

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

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154 Actes lN RETS no 105

Page 157: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse : les enseignements

du Montana

Laurent Carnis

Groupe d'Analyse du Risque routier et de sa Gouvernance

IN RETS 23, rue Alfred Nobel, 77 420 Champs-sur-Marne laurent. carnis@inrets. fr

Résumé

La définition de limites de vitesse appropriées et la décision de mettre en œuvre des moyens en vue de leur application s'inscrivent dans un processus particulier de décision publique, auquel participent entre autres les autorités poli­tiques, les usagers, les policiers et les entreprises.

La prise en compte de l'environnement institutionnel et son analyse économi­que sont essentielles pour comprendre les effets d'une politique publique et les modalités de sa mise en œuvre. Des convergences d'intérêt ou des oppositions peuvent prévaloir entre les agents et conduire à des évolutions particulières de la réglementation en matière de vitesse et à des applications singulières. Ils sont également une clé d'interprétation nécessaire de résultats qui peuvent être surprenants et que l'approche a-institutionnelle ne peut expliquer. L'évolution des limites de vitesse de l'Etat du Montana avec la suppression puis la ré-instauration de limites de vitesse numériques est un cas exemplaire où l'approche économi­que et institutionnelle démontre son utilité.

1. Introduction

La vitesse et les limitations de vitesse font l'objet d'approches différentes et complémentaires comme l'illustre la diversité des contributions de ce séminaire (psychologie, sociologie, ingénierie, ergonomie ... ). D'autres analyses sont possi-

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

bles mais rarement mises en avant (sciences politiques, droit, gestion et écono­mie ... ). La diversité des approches et leur éventuelle complémentarité ne signi­fient pas l'existence d'un consensus sur les mesures à recommander au décideur public. Par exemple, les ingénieurs des flux et les économistes, bien qu'utilisant le même concept de vitesse optimale, ne s'accorderont probablement pas sur sa définition numérique. Au-delà du problème de la compatibilité des recommanda­tions, la multiplicité des angles d'analyse assure une meilleure compréhension d'un phénomène dont la complexité n'est plus à démontrer.

Depuis quelques années, de nombreux Etats ont procédé au relèvement de leurs limites de vitesse, généralement sur une partie ou la totalité de leur réseau autoroutier. Hong Kong, l'Utah, la Norvège, l'Italie se sont déjà engagés dans de telles révisions de leurs réglementations. Certains relèvements n'ont pas conduit à une dégradation du bilan accidentologique (Vernon et al., 2004 ), (Weinstein, 2001 ), faisant dire à certains que la vitesse n'est pas un facteur prépondérant dans la survenance des accidents.

L'approche classique qui consiste à rechercher des explications dans l'évo­lution de la composition des flux ou la modification des variables socio-démo­graphiques reste bien démunie lorsque ces facteurs ne peuvent interpréter des évolutions accidentologiques surprenantes comme celle du Montana.

Cette communication propose de s'appuyer sur un cadre néo-institutionnaliste, qui combine analyse économique et approche institutionnelle pour comprendre les enjeux associés aux limites de vitesse et à leur respect. Dans un premier temps, la dimension théorique est présentée succinctement pour laisser place rapidement à une illustration au cas des limitations de vitesse. Dans un second temps, l'application spécifique de ce cadre d'analyse au cas de la Basic Rule ou règle fondamentale au Montana démontre les potentialités d'une telle approche qui pourrait être généralisée au domaine de la sécurité routière.

2. L'analyse néo-institutionnaliste : approche théorique et application à la sécurité routière

L'approche institutionnaliste que nous proposons de décliner au cas des limi­tations de vitesse consiste en l'analyse économique des choix individuels réalisés au sein d'un cadre institutionnel défini. L'économie peut se définir comme l'étude des implications formelles de l'allocation de moyens spécifiques à des fins par­ticulières. En cela, cette approche ne se réduit pas à l'étude des phénomènes monétaires (Mises, 1985), (McKenzie and Tullock, 1975). Cette analyse peut être étendue à l'ensemble des actes humains faisant intervenir un processus d'allo­cation de ressources. Il s'avère donc possible de l'appliquer, à la détermination des limitations de vitesse, aux actions visant à les faire respecter, ainsi qu'aux comportements de conduite. L'homme politique, le policier, comme le conducteur font des arbitrages entre des avantages et des coûts particuliers à leur niveau de décision. Il s'agit pour chacun d'entre eux de substituer un état jugé plus satisfai­sant à un autre qui l'est moins.

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Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse

Cependant ces choix s'inscrivent dans des contextes incertains, nécessitant des anticipations et des adaptations comportementales (North, 2002, p. 19).

« ... the uncertainties arise from incomplete information with respect to the behavior of other individuals in the process of human interaction. The computa­tional limitations of the individual are determined by the capacity of the mind to process, organize, and utilize information. From this capacity ta ken in conjunction with the uncertainties involves in deciphering the environment, rules and proce­dures evolve to simplify the process. The consequent institutional framework, by structuring human interaction, limits the choice set of the actors. >> (Ibid. p. 25)

Les agents supportent des coûts liés à l'incertitude de l'environnement et aux capacités humaines limitées de prévoir les conséquences de leurs actions et celles des autres agents. Cette incertitude conduit à des défauts de coordination, qui entraînent pour le cas de la sécurité routière à des accidents de la circulation avec les dommages que cela implique en termes de pertes matérielles et humai­nes [ONISR, 2005, p. 201]. Pour faire face à ces désagréments et réduire les coûts induits par les conditions de l'action, les agents consentent à investir dans des procédés (onéreux) de réduction de l'incertitude que sont les institutions et qui recouvrent à la fois des contraintes formelles et informelles.

« Institutions are the humanly devised constraints thal structure political, eco­nomie and social interaction. They consist of bath informai constraints (sanctions, taboos, customs, traditions and codes of conduct), and formai rules (constitu­tions, laws, property rights). Throughout history, institutions have been devised by human beings to create arder and reduce uncertainty in exchange. » (North, 1991, p. 97)

En conséquence, l'éventail des choix qui s'offrent à l'individu s'en trouve déterminé conjointement par les contraintes usuelles de prix et de revenu et par des contraintes de nature institutionnelle. Ces dernières permettent de créer de la stabilité pour favoriser et faciliter la prise de décision. En somme, les limites de vitesse peuvent être interprétées comme des institutions, des dispositifs onéreux à définir, à faire respecter (pour les autorités) et à respecter (par les usagers). Néanmoins elles constituent des dispositifs qui trouvent une justification dans la nécessité de coordonner et de rendre compatible les différentes utilisations du réseau par les conducteurs. Les illustrations qui suivent illustrent l'importance des arbitrages réalisés par le politique, le conducteur et le policier en matière de définition des limitations de vitesse et de leur application.

a) Le décideur politique

L'imposition d'une limitation de vitesse résulte d'un choix politique, même si celui-ci peut intervenir après la consultation de travaux émanant des services techniques et de propositions faites par des ingénieurs. Cette dimension politique de la décision nécessite d'en analyser la portée.

Les théoriciens de l'économique de la réglementation considèrent les disposi­tions juridiques de manière générale, et donc incluant celles du Code de la route,

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matiére de vitesse

comme un moyen permettant le transfert de revenus entre des agents 1 (Stigler, 1971, p. 3 et 4). Dans cette perspective, le politique joue un rôle d'intermédiaire entre les groupes organisés qui présentent un intérêt à l'adoption ou au rejet d'une intervention publique spécifique.

La production d'une réglementation nécessite cependant la mobilisation de ressources pour faire connaître la position du groupe d'intérêt et protéger ses intérêts (Peltzman, 1976). Chaque groupe doit composer avec les coûts d'orga­nisation de son action collective et les avantages liés à l'éventuelle adoption de la mesure (Ibid. p. 217-218), (Becker, 1983), (Oison, 1987 p. 52). Quant à l'homme politique, son action consiste à offrir des services de production de réglemen­tation en réponse à des demandes diverses et opposées. L'intérêt du politique réside en la fourniture de services satisfaisants aux citoyens et de travailler à sa re-élection (Tullock et al., 2002).

Des travaux empiriques et historiques sur l'adoption d'un Code de la route uni­fié en France ont démontré la pertinence d'un tel cadre d'analyse (Kietzen, 1993). Les différentes mesures relatives au contrôle de l'alcoolémie au volant et à sa mesure, les débats autour de l'assurance obligatoire, mais également la politique de contrôle de la vitesse résultent d'âpres arbitrages entre les intérêts de ministè­res rivaux (Ministère de l'équipement, de la santé, de l'intérieur), des résistances et des soutiens des populations, des corps professionnels (médecins ... ) et des organisations (sociétés d'assurance ... ). Au-delà des enjeux en termes de sécu­rité, il s'agit de se mobiliser pour l'obtention ou le maintien de budgets, d'éviter de supporter les coûts du nouveau dispositif ou d'en retirer des avantages.

Les travaux d'Evans sur les conditions d'obtention du relèvement des limites de vitesse en 1987 aux Etats-Unis soulignent les arbitrages réalisés par les hommes politiques et l'importance des coalitions entre élus. Certains sénateurs, membres de la commission en charge de ce dossier, ont accepté de voter le relè­vement des limites de vitesse en échange de programmes d'infrastructure ciblés pour leurs Etats (Evans, 1994a et b ). Cette décision politique répondait aussi aux pressions des transporteurs des Etats de l'Ouest américain (Keeler, 1986). En effet, l'adoption du 55 mph a créé des distorsions dans l'organisation du transport routier et a renchéri son coût. Ces effets négatifs pour l'industrie du transport expliquent en partie sa mobilisation et ses efforts en faveur du relèvement des limitations de vitesse. Cette opposition des transporteurs souligne l'importance de la dimension économique, l'existence d'un arbitrage entre les gains associés à une plus grande mobilité et ceux liés à un niveau de sécurité qui résultent de la définition de la limitation de vitesse.

L'action de l'homme politique consiste donc en des arbitrages, qui s'insè­rent dans un cadre institutionnel spécifique. La production de réglementation doit respecter une procédure juridique (loi, règlement, décret d'application ... )

1 Pour une application aux déplacements motorisés et ses impacts sur l'infrastructure, le lecteur pourra consulter avec profit les travaux de Winston et Shirley (1998) et Sma!!, Winston et Shirley (1989).

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Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse

(Sécurité Routière, 2004, p. 16-17). Le travail des commissions parlementaires dont les travaux d'Evans soulignent l'importance met en évidence la nécessité de porter attention au cadre juridique et à l'opportunité qu'il représente pour faire avancer ou enliser certains projets. La contestation devant les tribunaux de la validité des premières infractions à la vitesse relevées par le dispositif de contrôle automatisé insiste sur l'intérêt de respecter la procédure au risque d'annuler la procédure en cours et de porter atteinte à la crédibilité du système dans son entier.

Le décideur politique doit composer également avec des normes socia­les dont la prégnance est variable. Les législations deviennent plus ou moins acceptables selon qu'elles portent atteinte de manière plus ou moins intense à certains intérêts et selon le nombre d'usagers concernés. En somme, l'accepta­bilité sociale dépend de l'importance du coût que la réglementation implique et de sa répartition parmi les usagers (Peltzman, 1976). Les études menées sur l'opportunité d'installer des radars au Québec démontrent une résistance réelle des usagers et des policiers à l'égard des radars automatiques (Paquette, 1998), (Paquette et Beaulieu, 1996). En effet, les usagers dans leur ensemble assimilent la politique de contrôle automatisé à une forme de fiscalité cachée et les policiers y voient une menace pour leur activité. L'installation de radars photographiques peut susciter de vives oppositions conduisant dans certains cas à l'abandon du dispositif comme en Ontario en 1994 et dans certaines villes du Texas. L'action des gouvernants doit composer avec les populations et prendre en compte leurs perceptions (Brown and Copeman, 1975).

b) Le conducteur

La vitesse de circulation résulte essentiellement d'un choix individuel2, qui repose, cornrne pour celui de l'homme politique, sur un arbitrage entre des gains et des avantages et s'insère dans des contraintes institutionnelles particulières.

Conduire à une vitesse élevée permet de réduire les coûts en temps de déplacement. Cela implique également un risque d'accident corporel et matériel plus important. L'accroissement de la vitesse de circulation conduit aussi à une consommation de carburant supplémentaire. L'augmentation de la vitesse de circulation ou sa réduction engendre des mouvements de gains et de coûts, nécessitant un arbitrage de la part du conducteur. L'économiste parle de vitesse optimale individuelle (Garnis, 2004 ), (Monash University Accident Research Centre, 2001), (Jondrow et al., 1983), (Crouch, 1976), (Ghosh et al., 1975). La prise en compte des effets externes dans le cadre d'une approche d'optimisation sociale rend possible la détermination d'une vitesse sociale optimale.

Le concept de vitesse optimale développé par les économistes diffère de la terminologie de même nom utilisé par les ingénieurs dans le cadre de la relation

2 Toutefois, des interactions entre les différents usagers ne peuvent être exclues_ Les cas de la congestion et des accidents impliquant plusieurs véhicules constituent des exemples d'interaction possibles. Ces effets peuvent être assimilés à des effets externes négatifs.

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

débit- vitesse. Pour ces derniers, il s'agit de déterminer une vitesse de circula­tion qui assure le débit le plus important pour un axe de circulation donné (Morin, 1984 ). Cette approche considère la circulation comme un phénomène essentiel­lement physique, qui peut être assimilé à un écoulement de fluide (Ibid. p. 15). L'approche économique considère l'existence d'arbitrages réalisés par des indi­vidus. La vitesse optimale représente le niveau de vitesse pour lequel les coûts sont minimisés. Lorsque le coût social minimal est atteint, nous sommes assurés de l'atteinte de la vitesse optimale (Garnis, 1999).

La réalisation d'un excès de vitesse résulte également d'un arbitrage entre des gains et des avantages (Garnis, 2001(b)). En fait, l'analyse économique des excès de vitesse et leur dissuasion procède d'une approche plus générale de l'analyse économique des actes illégaux (Stigler, 1970), (Tullock, 1969), (Becker, 1968), (Tullock et Mckenzie, 1975). Dans le cadre de sa décision, l'usager prend en compte les gains liés au dépassement de la vitesse limite et les coûts en termes de risque supplémentaire d'accident et de sanction potentielle. En consé­quence, la vitesse de circulation de l'usager dépend de dispositions personnelles, des interactions avec les autres usagers et les forces de l'ordre dont l'action vise à l'application des règles définies par le Code de la route.

La contrainte institutionnelle prend à la fois en compte des dimensions for­melle et informelle. Le Code de la route stipule par des dispositions juridiques précises les règles d'usage de la chaussée. Ainsi les règles d'usage des feux de circulation sont interprétées dans le cadre de l'analyse économique comme des mécanismes de coordination créant de la certitude pour les usagers. Ils facilitent l'établissement d'anticipations sur le comportement des autres conducteurs. Le feu vert permet le passage du véhicule dans des conditions sécurisées car les autres usagers ont l'obligation de laisser la voie libre. Cette disposition permet ainsi de réduire les coûts liés aux accidents et à la congestion du fait de d'un manque de coordination entre les usagers3. La limitation de vitesse obéit à une logique similaire Elle créé de la certitude et favorise certaines anticipations sur les vitesses de circulation des autres usagers (Lave, 1985). Elle influence donc les décisions individuelles.

Des mécanismes plus informels existent également comme les appels de phares entre usagers pour avertir la présence d'un contrôle de vitesse ou des véhicules des forces de l'ordre. L'utilisation de la C.B. pour transmettre différentes informations et notamment celles sur les lieux de contrôle de la vitesse consti­tue des mécanismes informels de la conduite (Monseur et Peytavin, 1995). Ces mécanismes influent sur les décisions de conduites et les adaptations compor­tementales. Au Portugal, les usagers de la route en milieu rural utilisent systé­matiquement leur klaxon pour avertir leur arrivée dans un virage. La dimension relativement étroite de certaines routes justifie l'usage de l'avertisseur sonore pour négocier plus librement et en sécurité le virage.

3 Cependant certains usagers ne respectent pas ces obligations du fait de comportements négli­gents ou d'une volonté de forcer le passage.

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Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse

c) L'agence policière

L'action des agences policière vise à assurer l'application des limites de vitesse. Des moyens humains et matériels sont mobilisés à cette fin (Chapman et al., 1975). Les agences policières peuvent être ainsi analysées comme des organisations productives qui font face à des contraintes de coûts, doivent com­poser avec des contraintes de production (personnel formé aux technologies de détection, maîtrisant le droit...) et procèdent à des allocations de ressources en recherchant dans une certaine mesure l'efficacité productive. L'agence policière prend aussi des décisions d'ordre organisationnel : spécialisation plus ou moins prononcée de l'organisation pour assurer les missions de police de la route, défi­nition d'une stratégie territoriale, professionnalisation des agents ... (Garnis, et al., 2004), (Kreml, 1958).

Quant bien même la production de l'organisation policière ne peut faire que difficilement l'objet d'une évaluation monétaire, elle effectue des arbitrages entre les différents types d'activités, et au sein de ses grandes thématiques d'interven­tion des choix sur les modalités de son intervention. Il existe donc un arbitrage entre les activités de sécurité routière et celles de sécurité publique, mais égale­ment un arbitrage entre les différentes modalités d'intervention et les stratégies décidées en sécurité routière (contrôle des vitesses, contrôle de l'alcoolémie, activités de prévention et d'éducation ... )4 Le caractère limité des ressources dont disposent ces organisations implique que le financement d'une activité conduit à réduire telle autre intervention. Ce qui est dépensé pour une action n'est plus disponible pour en financer une autre.

L'agence policière doit également composer avec des contraintes institution­nelles. Son intervention s'inscrit dans une réglementation précise. Le cadre légal stipule à la fois en quoi le comportement de l'usager est illégal et quels sont ses droits. Les contrôles doivent respecter une procédure, les appareils de détection de la vitesse font l'objet de contrôles réguliers, tandis que des conditions d'usage des appareils sont prévues. Les travaux d'Harris précisent l'impact du cadre juri­dique sur l'activité de détection en modifiant substantiellement les conditions de d'intervention et l'efficacité du dispositif de contrôle (Harris, 1970).

Des pratiques informelles influent également sur l'activité des agences policiè­res. Les officiers de police disposent d'un pouvoir arbitraire pour décider quelles seront les personnes contrôlées et sanctionnées (Zauberman, 1999), (Lipsky, 1980). Même si le dispositif de contrôle automatisé des vitesses a réduit ces pos­sibilités, la décision de procéder au contrôle de tel axe à tel moment conduit à cibler certains usagers. Les pratiques de tolérance dans le contrôle des vitesses permettant de moduler les seuils à partir desquels le contrevenant se voyait notifier l'infraction constitue un exemple de contraintes informelles (Garnis, 2001 (a), p. 496-501 ). Quant à la pratique de l'indulgence qui consiste à abandonner les poursuites

4 Nous n'abordons pas ici la problématique des possibles effets de complémentarité entre certaines modalités d'intervention. L'activité de sécurité routière peut produire des effets en termes de sécurité publique et vice*versa.

Actes INRETS no 105 161

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

à l'encontre d'un contrevenant, elle souligne la dynamique organisationnelle dans l'application de la loi (Pérez-Diaz, 1994). L'agence policière permet ainsi de marquer son ordre de la route et d'imposer sa propre conception du contrôle routier. La logi­que organisationnelle prend le pas sur l'objectif de réduction de l'insécurité routière. Ainsi le cadre juridique et les pratiques informelles au sein de l'organisation policière contraignent l'intervention des autorités en sécurité routière et doivent être intégrées à la réflexion et à l'élaboration d'une politique de contrôle des vitesses.

3. L'évolution des limitations de vitesse au Montana : effets et interprétations

L'évolution des limitations de vitesse au Montana indique une grande varia­bilité de la réglementation. Or l'évolution de l'accidentologie ne correspond pas aux effets attendus. L'imposition de limites de vitesse plus strictes ne s'est pas traduite par une amélioration du nombre de tués, tandis que la suppression de la limite de vitesse numérique n'a pas conduit à une dégradation du nombre de victimes. Certains analystes présentent ces résultats comme une infirmation des liens établis entre vitesse et accidents et dénoncent le mythe de la vitesse (spee­ding myth). La vitesse ne tue pas.

Sans vouloir entrer dans des débats d'ordre méthodologique (comment défi­nit-on le périmètre de l'étude, par exemple ?) et statistique (faiblesse du nombre de tués en absolu, comment prend-on en compte les variations climatiques ?), des pistes explicatives concernant les effets inattendus seront exposées suivant le cadre institutionnaliste développé précédemment. Au préalable, l'évolution de la réglementation en matière de vitesse et la Basic Rule ou règle fondamentale feront l'objet d'une présentation sommaire.

a) L'évolution des limites de vitesse au Montana

Cinq grandes périodes peuvent être distinguées. Sur la période antérieure à 1974, la Basic Rule ou règle fondamentale constitue la réglementation appli­cable en matière de vitesse. Il n'existe pas d'expression numérique de la limite de vitesse. Le conducteur est tenu cependant d'adopter une vitesse prudente et raisonnable.

Suite au choc pétrolier, le gouvernement décide de modifier les limites de vitesse pour des considérations énergétiques. Il s'agit de réduire la consomma­tion de carburant en diminuant les vitesses de circulation. Le Montana, comme l'ensemble des Etats américains, adopte alors le 55 mph, limite de vitesse impo­sée par le pouvoir fédéral.

En 1987, suite à de longues négociations entre les niveaux fédéral et local, les Etats locaux disposent de nouveau de la possibilité de modifier leur limitation de vitesse. Seuls les axes éligibles, en milieu rural, passent à une limite de vitesse de 65 mph (Carnis, 2001, p. 140-142). Cette évolution constitue une double rupture. En effet, pour la première fois depuis 1974, les limites de vitesse sont

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Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse

augmentées. Par ailleurs, la prise de décision politique pour déterminer la régle­mentation de la vitesse redevient une prérogative de l'Etat local.

Cette modification institutionnelle sera confirmée en 1995 lorsque les Etats locaux disposent de nouveau du pouvoir de déterminer leurs propres limites de vitesse. Le Montana prend la décision de revenir à la règle fondamentale pour les axes majeurs et autoroutiers.

Enfin, en 1999, suite à une décision de la cour suprême du Montana, les légis­lateurs de l'Etat définissent une nouvelle limite de vitesse numérique. Celle-ci est désormais de 75 mph. Elle clôt ainsi la période d'absence de vitesse numérique qui prévalait lors de l'adoption de la règle fondamentale.

b) La règle fondamentale

La Basic Rule (BR) ou règle fondamentale ne signifie en aucun cas l'absence d'une limite de vitesse. Elle implique uniquement l'absence d'une définition numérique de celle-ci. En effet, la BR oblige l'usager de conduire son véhicule en adoptant une vitesse de circulation prudente et raisonnable. Le législateur précise d'ailleurs ce que recouvre cette notion de vitesse prudente et raisonnable en la replaçant dans le cadre de l'environnement routier. Cette vitesse dépend des conditions de circulation, de la météorologie, du type de réseau, de la qualité de l'infrastructure, ses caractéristiques, et du type et de l'état du véhicule5. Le conducteur doit veiller à ne pas mettre en danger la propriété matérielle et cor­porelle d'autrui.

Par ailleurs, la BR de la période 1995-1999 concerne les conduites de jour et les automobiles et se limite aux réseaux routiers des interstates et des highways. En conséquence, la période de la BR ne se caractérise pas par une absence de limites de vitesse. En effet, les comportements de conduite restent régis par les limites d'application de la BR d'une part, par des limites de vitesse numériques en milieu urbain et pour les autres axes moins prioritaires ... , d'autre part.

c) L'évolution de l'accidentologie

Le graphique 1 retrace l'évolution du nombre de tués lors d'accidents de la route. La lecture de ce graphique indique que l'adoption d'une nouvelle limitation de vitesse en 1974 ne semble pas avoir produit les effets escomptés. En effet, la baisse de l'insécurité routière débute à la fin de l'année 1969. Elle précède donc l'adoption de la législation sur le 55 mph. Par ailleurs, le nombre de tués commence à croître à partir de 1976. Ce n'est qu'au début des années 80, qu'une forte chute du nombre de tués se produira.

La mise en œuvre du 65 mph conduit également à des résultats surprenants. En 1987, le nombre de tués se situe à 234 tués. Il passe de 198 à 181 tués res­pectivement pour les années 1988 et 1989. Le bilan en termes de sécurité rou-

5 Session Laws, Thirty-Fourth Legislative Assembly, February 1955, pp. 638-641 ; Montana Session Law, 1995. pp. 234-235.

Actes IN RETS no 105 163

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Graphique 1 : Evolution du nombre de tués de l'Etat du Montana (1970- 2003)

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1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

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tière s'améliore malgré le relèvement des limites de vitesse. En fait, le relèvement s'inscrit dans un trend décroissant du nombre de tués depuis le début des années 1980 et qui se poursuit jusqu'en 1989.

Le retour à la règle fondamentale en décembre 1995 ne se traduit pas par une augmentation du nombre de tués. En effet en 1996, les victimes tuées lors d'accidents de la route passent de 216 à 198. C'est en 1997 que se produit une forte dégradation, puisque le nombre de tués s'établit à 269 tués.

Les effets de la limitation de vitesse de 75 mph s'inscrivent dans une pers­pective similaire. Les effets bénéfiques escomptés ne se produisent pas. Au contraire, depuis 1999 les résultats se dégradent progressivement. En 2002, le nombre de tués s'établit à 269 victimes.

L'Etat du Montana présente la particularité de disposer d'une accidentologie dont l'évolution ne concorde pas avec les enseignements de la sécurité routière (Cohen et al., 1998, p. 123). Les relèvements des limitations de vitesse n'ont pas produit les dégradations du bilan de sécurité routière annoncées et l'imposition d'une limitation de vitesse plus stricte ne s'est pas traduite par une réduction de l'insécurité sur les routes. L'approche institutionnaliste permet de rendre intelligible cet apparent paradoxe, en ré-intégrant les contraintes institutionnelles de prix.

d) Quelques pistes interprétatives6

• L'imposition unilatérale du 55 mph par le gouvernement fédéral a été vécue comme une véritable ingérence par l'Etat du Montana dans ses affaires internes.

6 Nous reprenons ici quelques éléments avancés dans Laurent Carnîs (2004 ), « La Basic Rule au Montana: la fin d'un mythe)), working paper.

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Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse

De manière générale, les autorités de l'Etat et les politiques n'étaient pas en faveur d'une limitation de vitesse aussi basse. L'Etat du Montana se caractérise par une superficie relativement importante et une faible population. L'importance des distances impose des coûts relativement importants en termes de temps de transport. La limitation de vitesse fédérale apparaissait donc inadaptée aux spé­cificités du réseau routier de l'Etat. Il existait donc une réelle opposition politique entre les deux niveaux d'administration, aboutissant à ce que la nouvelle régle­mentation ne bénéficie pas du soutien de l'administration qui serait en charge de son application.

Cette opposition existe également au niveau de la population qui ne souhaite pas l'intervention des autorités dans leur manière de conduire. Il existe une cer­taine prégnance d'un modèle de vie, qui consiste à laisser une grande liberté aux individus de mener la vie qu'ils souhaitent. Ainsi aujourd'hui encore, le défaut du port de la ceinture de sécurité ne constitue pas une infraction 7 et le port du casque n'est pas obligatoire pour les motocyclistes. L'existence d'une opposition de la population à l'instauration d'une limite de vitesse numérique a renforcé la position de confrontation des élus politiques locaux à l'égard de la politique fédérale.

Ces oppositions politique et institutionnelle exprimaient une réelle barrière à la mise en œuvre de la nouvelle réglementation qui ne disposait d'aucun soutien. Pour beaucoup, cette limitation n'était pas respectable car pas soutenable du fait des coûts (monétaires et psychiques) qu'elle impliquait. L'absence de sou­tien rendait donc très difficile l'application de cette législation. Le législateur a d'ailleurs prévu qu'il n'était pas possible de sanctionner le conducteur pour excès de vitesse. Les textes spécifiaient cependant une amende pour non-conservation de l'énergie d'un montant dérisoire de $5. Il s'agissait ainsi de tourner en dérision l'intervention de l'Etat fédéral. Suite à cette décision, le dispositif de contrôle et de sanction ne produisait plus la dissuasion nécessaire pour que les conducteurs respectent la limitation de vitesse. Les conducteurs arrêtés par les officiers de police préparaient leur billet de 5 dollars pour repartir à la même vitesse.

Ainsi la limitation du 55 mph a été vidée de son contenu par les autorités locales qui l'ont rendue inopérante. Le manque de coordination entre les deux niveaux de pouvoir, l'absence de consultation, l'importance de la culture politique propre au Montana et les spécificités de l'Etat ont rendu illusoire toute application de la législation. La loi n'a pas produit les effets attendus car elle n'a pas été mise en œuvre. La contrainte institutionnelle (dimension politique et culturelle) et les mécanismes de revenu (dissuasion faible de ne pas commettre un excès de vitesse) ont travaillé conjointement à affaiblir le dispositif.

• La BR définit la limite de vitesse en termes relativement vagues et incer­tains. Même si elle fait état de dimensions objectives (états de la chaussée et du véhicule), elle repose sur des interprétations subjectives de la part des conduc­teurs et des policiers. L'incertitude quant à l'application de cette réglementation a

7 Elle le devient que dans !e cas de la réalisation d'une autre infraction au Code de la route. Il s'agit d'une secondary law.

Actes IN RETS no 105 165

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

maintenu dans un premier temps les conducteurs dans une certaine expectative. Les vitesses de circulation sont restées relativement stables sur la première année d'application de cette réglementation. Cette absence de dérive des vites­ses de circulation explique pour partie l'absence de dégradation sur l'année 1996 de l'insécurité routière.

Le caractère relativement vague de la définition de la BR constitue également une opportunité pour le policier pour exprimer sa propre conception de la notion de vitesse prudente et raisonnable. La nouvelle limitation a permis au policier d'exercer un certain arbitraire et a conduit à une certaine hétérogénéité dans l'application de la loi. Cet espace de liberté dans l'interprétation policière de la loi a contribué à dissuader le conducteur de circuler à des vitesses excessives. La dissuasion du conducteur s'en est trouvée également renforcée par l'augmenta­tion du montant de la sanction pécuniaire pour excès de vitesse.

Rapidement les interprétations divergentes de la règle fondamentale par les officiers de police et les conducteurs trouvent une issue dans la contestation sys­tématique de l'infraction auprès des tribunaux. De manière générale, les juges prononcent des jugements favorables aux conducteurs. Le travail policier s'en trouve dévalorisé et l'application de la loi rendue encore plus difficile. Comment le policier peut-il désormais apprécier une vitesse prudente et raisonnableS ? Certains conducteurs vont interpréter ces décisions de justice favorables comme la possibilité de conduire à la vitesse qu'ils jugent confortable. La probabilité de condamnation étant suffisamment faible, les dispositifs liés à la réglementation n'apparaissent plus dissuasifs. Les conducteurs vont accroître leurs vitesse de circulation et l'accidentologie se dégrade rapidement en 1997.

La période de la BR met en évidence l'importance des interprétations et les perceptions subjectives des conducteurs quant à la signification de la régle­mentation et de ses modalités de mise en œuvre. Un autre élément crucial qui permet d'assurer une application effective de la réglementation repose sur le bon fonctionnement organisationnel des agences chargées de son application. Une réglementation peut être détournée de ses objectifs initiaux lorsque ses modalités d'application laissent une opportunité à ceux qui en sont responsables d'attein­dre leurs propres objectifs ou d'en faire leur propre interprétation. L'application de la BR et son évolution progressive soulignent de nouveau l'importance des contraintes de revenu (montant de l'amende) et juridiques (contrainte de détec­tion et probabilité de condamnation du conducteur).

• Suite à la contestation d'un contrevenant au niveau du denier ressort juridi­que (de l'Etat local), la cour suprême de l'Etat du Montana oblige en décembre 1998 les législateurs à définir une limite de vitesse numérique. La BR est jugée anticonstitutionnelle du fait de son caractère incertain. Cette décision s'inscrit particulièrement bien dans l'interprétation faite des institutions par le courant néo-institutionnaliste. Une institution est créée pour générer de la certitude. En conséquence, une loi qui accroît l'incertitude est amenée à disparaître, car elle

8 Comment peut·il a priori déterminer le bon état du véhicule ?

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Approche économique et institutionnelle des limitations de vitesse

contredit ce pourquoi elle est conçue9. La limitation de 75 mph sera adoptée au début de l'année 1999. Pourquoi n'a t-on pas décelé d'amélioration substantielle du bilan de l'insécurité routière? Trois raisons qui ne se veulent pas exhausti­ves peuvent être avancées. Le débat sur la définition d'une limitation de vitesse en 1995 a révélé des divergences entre les partisans d'une limite relativement basse et ceux en faveur du maintien de la règle fondamentale. Le débat mettait en avant la nécessité de définir une limitation de vitesse adaptée au Montana et acceptable par une grande majorité d'usagers. L'impossibilité de trancher par l'étude statistique (du fait de résultats divergents de ceux attendus) a conduit à demander l'avis des ingénieurs. Ceux-ci appliquent alors leurs outils et utilisent le 85ème centile 10 de la distribution des vitesses de circulation pour déterminer la limitation de vitesse. Cette démarche consiste ainsi à avaliser la situation exis­tante en portant la limitation de vitesse à un niveau suffisamment élevé tout en conciliant les intérêts des différentes parties.

Le retour à une vitesse numérique sera d'autant plus facilité que le montant de l'amende pécuniaire est revu à la baisse. Son montant en termes réels se situe au niveau de celui de 197 4. Par ailleurs, l'infraction pour excès de vitesse n'est pas portée au dossier du conducteur, ce qui empêche les sociétés d'assu­rance de moduler leur prime en fonction de la prise de risque. Une nouvelle fois, le législateur a travaillé à vider les objectifs de la limitation de vitesse. Le faible montant de l'amende rend les efforts des policiers relativement peu dissuasifs. La dissuasion limitée du dispositif policier s'explique également par la faible dotation en moyens humains de la Montana Highway Patrol, qui est chargée de l'appli­cation du Code de la route sur la totalité du réseau de l'Etat,_ Ses effectifs ont d'ailleurs été réduits suite au retrait d'une subvention fédérale liée à la fin d'un dispositif de renforcement des contrôles de l'alcoolémie.

L'adoption d'une limitation de vitesse numérique n'a pas conduit aux effets escomptés car sa définition a consisté à avaliser les comportements de conduite et les vitesses de circulation existants. Par ailleurs, les moyens disponibles pour sa mise en œuvre restent suffisamment faibles pour vider le dispositif de toute portée dissuasive. Ainsi la nouvelle limitation de vitesse n'a pas modifié les comportements.

Les pistes d'explication avancées pour comprendre les résultats associés aux différentes évolutions des limitations de vitesse mettent en évidence l'importance de prendre en compte les contraintes économiques et institutionnelles. En effet, celles-ci influent sur la définition de la réglementation, son application et sur les résultats qui seront obtenus. Cette approche suggère donc d'abandonner la vision d'un modèle mécaniste qui consiste à comprendre la politique publique

9 Bien que North reconnaît la possibilité d'institutions inefficaces à court terme, il défend l'idée qu'à long terme ne subsistent que celles qui le sont (North 2002, p. 25 et p. 92 et suivantes). 1o 85 % des vitesses de circulation sont inférieurs à ce seuil. 11 Les polices municipales et les bureaux des Shérifs assurent dans une moindre mesure une politique d'application des règles du Code de !a route sur le réseau des districts municipaux et des contés.

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

comme la mise en œuvre d'un ensemble d'actions qui produiront l'objectif recher­ché. Il s'agit désormais de cerner les implications et de comprendre l'impact des contraintes économiques et institutionnelles qui peuvent faire dévier la mise en œuvre des moyens de l'atteinte de l'objectif. Nous n'aborderons pas ici les possi­bles effets de rétroaction que peuvent produire les différentes contraintes à cha­que niveau de la mise en œuvre de la politique publique mais ceux-ci doivent être intégrés à l'analyse. Nous retiendrons ainsi l'existence d'une dynamique propre qui anime le processus d'intervention publique et l'existence de dépendance de chemin qui contraignent les possibilités d'action (North, 2002, pp. 732-104).

4. Conclusion

Définir une limitation de vitesse, déployer un dispositif de contrôle pour son application doivent être pensés en tenant compte des contraintes économiques et institutionnelles. En effet, les agents (usagers, politiques, policiers ... ) obéissent à des incitations qui peuvent les conduire à modifier leur comportement dans un sens non voulu par les autorités. La problématique de la limitation de vitesse et des vitesses de circulation ne se limite donc pas aux seuls enjeux techniques et cognitifs.

La limitation de vitesse ne produit les effets escomptés que dans la mesure où pour reprendre les propos tenus en ouverture de ce séminaire, par M. Heitz, délégué interministériel à la sécurité routière,« la loi est légitime et respectable>>. Cela signifie que la réglementation et son application doivent être cohérentes avec leur environnement. Si seule une faible adhésion de la population ou des politiques s'exprime à l'égard de la réglementation, cette dernière court le ris­que de ne pas être appliquée car n'étant pas applicable. Répondre aux enjeux de sécurité routière implique certes la définition d'une réglementation adaptée, mais également le déploiement de moyens pour rendre son application effective. Légiférer ne suffit pas pour résoudre les problèmes. Le texte de loi doit être suivi d'actions concrètes et organisées.

Dans une certaine mesure, l'approche institutionnaliste permet de répondre aux enjeux soulevés. Intégrant les contraintes économiques et institutionnelles, elle définit un cadre de compréhension et d'interprétation adapté aux problèmes associés à la vitesse et aux enjeux de politique et d'organisation du système de sécurité routière.

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Page 175: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Acceptabilité du CSA: Connaissance, Crédibilité

de l'information et Efficacité perçue

Isabelle Ragot

Laboratoire de Psychologie de la Conduite lsabel/[email protected]

Résumé

Sont ici présentés les résultats d'une analyse des données d'enquéte recueillies par l'IFOP en mars 2005 auprès d'un échantillon de 733 automobilis­tes, détenteurs du permis de conduire (Permis 8), et ayant roulé au cours des 12 derniers mois. L'INRETS est à l'origine de la construction du questionnaire d'enquête. Dans un premier temps, trois indices de mesure de l'acceptabilité du Contrôle Sanction Automatisé sont présentés avec les items retenus qui y sont afférents. L'analyse consiste à évaluer le niveau d'acceptation du CSA par les automobilistes interrogés en examinant la répartition des réponses sur les items retenus. Les résultats montrent que, d'une manière générale, le système CSA est bien accepté : majoritairement, les automobilistes interrogés accordent du crédit à l'information communiquée autour du système et de la mesure par les décideurs et les acteurs de la sécurité routière, ils connaissent bien le système et ils en reconnaissent l'efficacité. Dans un second temps, un modèle de régression logistique ordinale a été appliqué à l'ensemble des items retenus dans le but d'identifier les plus opposants aux CSA et de réfléchir efficacement aux moyens d'améliorer l'acceptation du système.

1. Introduction

1.1 . Le contexte

Une enquête par questionnaire portant sur l'évaluation de l'acceptabililté sociale du Contrôle Sanction Automatisé (CSA) a été réalisée en mars 2005 pour répondre à une demande de la DSCR La définition de la méthodologie et la construction du questionnaire ont été assurées par I'INRETS (LPC/GARIG).

Actes IN RETS no 105 173

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

L'IFOP a procédé au recueil des données en interrogeant par téléphone 1004 individus issus d'un échantillon national représentatif de la population française.

1.2. L'analyse

L'acceptabilité d'un système est un facteur majeur influençant l'efficacité de sa mise en œuvre (Van der Laan, 1998). Déterminée par des croyances et attitu­des et influencée par des caractéristiques spécifiques au système (Rothengatter et al., 1991), l'acceptabilité d'un système est en ce sens partie intégrante du système et son évaluation contribue à l'amélioration du dispositif.

Ce document présente une analyse de l'acceptabilité du CSA chez les auto­mobilistes à partir des données de l'enquête recueillies par l'IFOP: acceptabilité du CSA mesurée par la connaissance du système, le crédit accordé à l'informa­tion communiquée sur le système par les décideurs et acteurs de la sécurité rou­tière et l'éfficacité perçue de ce système. Cette analyse porte sur un échantillon de 733 automobilistes, possédant le permis de conduire (Permis B), qui ont roulé au cours des 12 derniers mois. L'échantillon est composé de 53% d'hommes (moyenne d'âge= 47 ans) et de 47% de femmes (moyenne d'âge= 45 ans). L'analyse consiste dans un premier temps à évaluer le niveau d'acceptation du CSA par les automobilistes interrogés et, dans un second temps, à identifier les caractéristiques des plus opposants à ce système dans le but d'une part, de réfléchir efficacement aux moyens d'en améliorer l'acceptation et d'autre part, de formuler des prédictions quant à un renforcement du dispositif par l'augmentation du nombre de radars automatiques sur le territoire.

2. L'acceptabilité du csa et les indices de sa mesure

A partir du questionnaire d'origine, une sélection de douze items a été effec­tuée puis un classement de ces items en indices de mesure de l'acceptabilité du CSA a été opéré. Trois indices de mesure ont été retenus : la connaissance du système, le crédit accordé à l'information donnée sur le système par les déci­deurs et acteurs de la sécurité et l'efficacité perçue du système.

2.1. Connaissance du CSA et particulièrement connaissance quant aux PV

Une forte majorité des automobilistes a une bonne connaissance relative aux procès verbaux. En effet, un peu plus de 90 % des conducteurs déclarent que depuis la mise en place du système des radars automatiques, il est« moins facile qu'avant>> (39 %) ou « impossible >> (52%) de faire sauter les PV. Seulement 7 % des automobilistes considèrent que le système automatique n'a rien modifié sur ce plan et qu'il est « aussi facile qu'avant >> de faire sauter les PV. Cet item renvoie à la notion d'équité, qui est relevée, dans la littérature comme un indice important du niveau de l'acceptabilité d'un système (Schade and Schlag, 2003).

174 Actes IN RETS no 105

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Acceptabilité du CSA : Connaissance, Crédibilité de l'information et Efficacité perçue

Par ailleurs, la communication autour des radars a insisté sur la systématicité et la rapidité de la réception d'un PV suite à un fiashage: 80% (vs 20 %) des conducteurs intérrogés pensent que la réception d'un PV suite à un fiashage est systématique. Pour ce qui est du délai estimé de la reception du PV, 71 % des automobilistes interrogés l'estiment au cours de la semaine dans laquelle le conducteur est fiashé (dans les 3 jours: 30% ou dans la semaine: 41 %), et 21 % l'estiment au cours du mois. Ils ne sont que 7 %des automobilistes interro­gés à considérer que la réception d'un PV suite à un fiashage a lieu au-delà d'un mois et 2 % ne savent pas.

2.2. Crédibilité de l'information

Le crédit accordé par les automobilistes à l'information donnée par les déci­deurs et acteurs de la sécurité routière sur la vocation du CSA, de prime abord préventive et sécuritaire plutôt que répressive est très élevé (78% vs 22 %). Par contre, l'information concernant le choix de l'emplacement des radars automa­tiques est davantage contestée puisque seulement 55 % des conducteurs sont d'accord avec la proposition selon laquelle les radars automatiques sont placés sur les sites les plus accidentogènes.

2.3. Efficacité perçue

2.3.1. Fiabilité du système

La fiabilité du système au niveau de l'estimation du risque d'erreur d'identi­fication est reconnue par la majorité des automobilistes interrogés : 72 % des conducteurs considèrent que le risque d'erreur d'identification est nul {7 %) ou faible (65 %). Pourtant, une proportion non négligeable d'automobilistes (près de 27% des automobilistes) considère que le risque d'erreur d'identification est fort.

2.4. Efficacité externe : Dispositif

Pour ce qui concerne l'efficacité du dispositif, la majorité des conducteurs (73 %) trouvent les radars« plutôt bien>> (55%) ou« très bien signalés>> (18 %) sur la route contre 27 % qui ne sont pas de cet avis.

2.5. Efficacité en terme de but à atteindre

L'efficacité du CSA en terme de but à atteindre est également reconnue par la majorité des automobilistes interrogés. En effet, 77 % des automobilistes consi­dèrent que la mise en place des radars automatiques permet une amélioration de la sécurité routière contre 23 % des conducteurs qui ne le pensent pas. Selon 86 % des conducteurs, depuis la mise en place des radars automatiques, les vitesses pratiquées sur la route ont diminué, soit un peu (52%) ou beaucoup (34 %) : un conducteur sur trois reconnait la forte efficacité du CSA quant à son but immédiat : diminuer significativement les vitesses pratiquées. Pour seule-

Actes INRETS no 105 175

Page 178: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en maUére de vitesse

ment 12% des conducteurs interrogés, le CSA n'a rien modifié en matière de vitesse. De façon un peu moins contrastée que les résultats précédents, 68 % des conducteurs interrogés sont d'accord avec la proposition selon laquelle avec les radars automatiques, les conducteurs dangereux « risquent d'être pris >>

plus souvent mais la proportion des automobilistes qui conteste cette affirmation s'élève tout de même à 32 %.

2.6. Efficacité d'un point de vue prospectif

Quant à l'efficacité du CSA d'un point de vue prospectif, on constate près de 80% des automobilistes interrogés (vs 20 %) qui sont d'accord avec la propo­sition selon laquelle « les accidents vont diminuer sur les routes où les radars automatiques sont installés >> et 62 % des automobilistes qui considèrent que l'efficacité des radars automatiques en matière de sécurité routière va s'accroî­tre. On peut d'ailleurs s'interroger sur les raisons qui motivent cet avis : est-ce parce que le nombre de radars automatiques sur les routes va augmenter ou à cause de la croyance en une prise de conscience progressive du danger lié à la vitesse ? 27% des conducteurs considèrent que l'efficacité des radars automa­tiques en matière de sécurité routière va rester stable et 11 % des conducteurs considèrent qu'elle va diminuer.

3. Conclusion

D'une manière générale, le système CSA est bien accepté par la majorité des automobilistes interrogés : ils accordent du crédit à l'information communiquée par les décideurs et acteurs de la sécurité routière (un bémol est à mettre sur le choix de l'emplacement des radars), ils connaissent bien le système et en reconnaissent l'efficacité. Pourtant, au regard des chiffres précédents, on peut constater une proportion non négligeable d'automobilistes moins ou pas du tout convaincus par le système. La suite de ce document vise à identifier et à décrire les caractéritiques des plus opposants au CSA.

4. Vers une typologie de facteurs entrainant la non acceptation du CSA

4.1. Méthode et résultats

Pour identifier les caractéristiques des conducteurs moins ou pas convain­cus par le CSA, un modèle de régression logistique a été appliqué à 9 des items retenus du questionnaire. Ces items mesurent la crédibilité de l'information donnée par les décideurs et acteurs de la SR (n = 2), l'évaluation de la fiabilité du système (n = 1 ), l'efficacité du dispositif (n = 1 ), l'efficacité du CSA en terme de but à atteindre (n = 3) et l'efficacité du CSA d'un point de vue prospectif (n = 2).

176 Actes INRETS n" 105

Page 179: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Acceptabilité du CSA : Connaissance, Crédibilité de l'information et Efficacité perçue

On cherche à dégager parmi une selection de facteurs, ceux qui expliquent le mieux la non-acceptation du CSA en tenant compte des modalités de réponse aux items. Les facteurs potentiellement explicatifs proposés aux modèles sont les variables << étiquettes >> classiques telles que le sexe, l'âge, l'expérience de la conduite, le kilométrage annuel, les antécédents d'accidents, la fréquence d'usage de la voiture, le fait d'avoir déjà été sanctionné suite à un flashage par un radar automatique, mais aussi des variables plus spécifiques telles que le senti­ment d'être « pressé >> dans la vie en général, les habitudes de conduite par rap­port à la vitesse, les croyances et attitudes par rapport à la vitesse et aux risques, les comportements de conduite déclarés depuis la mise en place des radars automatiques et le sentiment d'atteinte à la vie privée généré par le CSA.

Pour chacun des neuf items, les facteurs et leur modalité de réponse les plus explicatifs de la non acceptation du CSA ont été relevés. Par exemple, pour le 1er item qui renvoie à la crédibilité de l'information, ont été relevés les facteurs et leur modalité de réponse les plus lourds, ceux qui prédisent le mieux le désac­cord à l'item « les radars sont là pour inciter les conducteurs à respecter les limi­tes de vitesse, pas pour les punir>>. On a procédé ainsi pour les huit autres items de manière à aboutir à un construit de la non acceptation du CSA. Le tableau 1 présente la fréquence d'apparition des 3 meilleurs facteurs explicatifs de la non acceptation du CSA (l'estimation (est.) et le seuil de probabilité (p.)).

Trois facteurs se dégagent donc de façon récurrente pour rendre compte de la non acceptation du CSA: l'évaluation de sa propre conduite par rapport à celle des autres automobilistes en terme de dangerosité, le comportement déclaré en matière de vitesse pratiquée depuis la mise en place des radars automatiques et l'attitude qui relie vitesse et imprudence.

Plus spécifiquement en terme de modalité de réponse, pour le premier fac­teur, la réponse « comme les autres >> à l'item « Comparée à celle des autres automobilistes, pensez-vous que votre conduite est... (dangereuse) (bien plus dangereuse ; un peu plus dangereuse ; comme les autres ; un peu moins dange­reuse; bien moins dangereuse)>> apparaît explicative de six items sur neuf. (La réponse « un peu plus dangereuse >> a été écartée de cette analyse à cause du trop faible effectif concerné par cette réponse au sein de l'échantillon total, alors qu'elle s'est révélée également être un facteur explicatif très puissant de la non­acceptation du CSA.)

Pour le second facteur, il s'agit de la réponse « plutôt pas d'accord >> à l'item « ... Depuis qu'il y a des radars automatiques, vous faites plus attention aux limites de vitesse>> (oui, tout à fait d'accord; oui plutôt d'accord; non, plutôt pas d'accord; non, pas du tout d'accord) >> qui apparaît expliquer cinq items sur neuf.

Enfin, pour le troisième facteur, il s'agit de l'attitude selon laquelle la vitesse n'est pas considérée comme une source d'imprudence qui se révèle explicative de quatre items sur neuf.

Sur ces premiers facteurs explicatifs directement liés à la non acceptation du CSA, il s'agit ensuite d'appliquer la même méthode pour dégager les facteurs- et

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Page 180: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Tableau 1 : Fréquence d'apparition des 3 meilleurs prédicteurs de la non acceptation du CSA

Variables à expliquer Evaluation de la Déclarer ne « plutôt Vitesse dangerosité de sa pas »faire plus t. source conduite comme attention aux limites d'imprudence

équivalente à celle de vitesse depuis la des autres mise en place des

radars automatiques

Crédibilité de l'info

Objectif des RA*: Prévention versus est : 2,8230 est: 0,6208 est: 0,4274 répression p< .0000001 p < .002 p< .00002

Emplacement des RA - sites accidentogènes est : 2,9902

p< .0000001

Fiabilité du système

Risque d"erreur d'identification des est:- 0,4447 conducteurs p< .04

Efficacité externe/ dispositif

Signalisation des RA est = - 0,2558 sur la route p < .01

Efficacîté en terme de but à atteindre

Mise en place des RA: amélioration de la est: 2,9156 est: 0,5364 est: 0,3959 sécurité sur la route ? p< .0000001 p< .006 p< .002

Évolution des vitesses pratiquées est :-0,4607

p< .05

Conducteurs dangereux- pris plus est: 3,3626 souvent p < .0000001

Efficacité d'un point de vue prospectif

Impact sur !es accidents où !es RA est: 3.1842 est : 0.6058 est: 0.5118 sont installés p< .0000001 p< .004 p < .000002

Impact sur !a sécurité routière est :-2.9155

p< .0000001

* RA: Radars automatiques.

178 Actes !NRETS no 105

Page 181: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Acceptabilité du CSA : Connaissance, Crédibilité de l'information et Efficacité perçue

Schéma 1 : Récapitulatif des 3 premiers facteurs les plus explicatifs de la non acceptation du CSA

......... \.. ./ \. ..... .c< ........ \. / f:»i:::~u:::.;~~;;>;:;:"'" 1 ! ~~:'::;;,;:.·:~.~.:_~,',"! \"!<=•-"'""' iquhok-<>1<0«11<""'•"""' ! ; ,;,...,..O,p<Jl<l.omt"'"'"'"" ; ! d"Jo>po"'''''«

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plus spécifiquement leur modalité de réponse - qui les prédisent eux-mêmes le mieux et ainsi de suite pour tenter de dégager des « profils » de conducteurs.

• Evaluation de la dangerosité de sa conduite comme équivalente à celle des autres automobilistes.

Les facteurs qui prédisent le mieux la réponse « comme les autres » à l'item « Comparée à celle des autres automobilistes, pensez-vous que votre conduite est... (dangereuse)>> sont une perception du risque lié à la vitesse assez éle­vée (le seuil de gravité du dépassement en ville est estimé dans un intervalle entre 2 et 5 km/h au dessus des 50 km/h autorisés (est: 1,05; p < .003) et, sur autoroute, le seuil de gravité du dépassement est estimé à 1 km/h au dessus des 130 km/h autorisés (est: 0,60; p < .009)), le sentiment d'être «rarement préssé »dans la vie en général (est: 0,37; p < .005) et le comportement déclaré en matière de vitesse pratiquée qui consiste à dire rouler « à la même vitesse » que les autres automobilistes (est: 0,37; p < .005).

Parmi les meilleurs prédicteurs du sentiment d'être << rarement pressé » dans la vie en général, se dégagent les hommes (est: - 0,59; p < .0000001 ), le fait d'avoir déjà été sanctionné suite à un fiashage par un radar automatique (est: - 3,72; p < .0000001 ), le comportement déclaré qui consiste à dire<< ne jamais» dépasser les limites de vitesse en ville (est: - 0,59, p < .04), ni sur autoroute (est:- 0,55; p < .02) et l'attitude selon laquelle la vitesse n'est pas considérée comme une source de gain de temps (est:- 0,22; p < .03).

Schéma 2 : Facteurs explicatifs de l'évaluation de la dangerosité de sa conduite comme équivalente à celle des autres automobilistes

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Page 182: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Pour ce qui concerne le comportement déclaré en matière de vitesse prati­quée qui consiste à dire rouler « à la même vitesse >> que les autres automobilis­tes, s'avèrent être de bons facteurs explicatifs : le fait de déclarer ne «jamais >> dépasser les limites de vitesse sur autoroute (est: -0,86; p < .03) ni en ville (est:- 0,80, p < .06).

Se dessine ici un « profil >> de conducteurs qui perçoivent une plus forte proba­bilité pour eux-même d'être sanctionnés depuis la mise en place des radars auto­matiques, alors qu'ils se déclarent plutôt respectueux des règles en matière de vitesse. Le CSA suciterait pour ce type d'automobiliste un sentiment d'injustice.

• Le comportement déclaré qui consiste à dire ne << plutôt pas >> faire davantage attention aux limites de vitesse depuis la mise en place des radars automatiques.

Pour ce qui concerne le comportement déclaré qui consiste à dire ne « plutôt pas >> faire davantage attention aux limites de vitesse depuis la mise en place des radars automatiques, les meilleurs facteurs explicatifs sont le fait d'avoir déjà été sanctionné (est= 3,62; p < 0000001) et le comportement déclaré qui consiste à affirmer ne « plutôt pas>> être d'accord (est: 1,29; p < 0000001) et n'être« pas du tout>> d'accord (est: 1,12; p < 000001) avec l'item «Depuis qu'il y a des radars automatiques, vous roulez globalement moins vite>>.

Le fait d'avoir déjà été sanctionnés trouve comme facteurs prédicteurs d'une part, la réponse « comme les autres >> à l'item « Comparée à celle des autres automobilistes, pensez-vous que votre conduite est... (dangereuse) (est: 2,56; p < 0000001) qui est relié à la typologie précédemment décrite (cf. schéma 2) et d'autre part, le sentiment d'être « tout le temps >> pressé dans la vie en général (est: 1,05; p < .002). Plusieurs facteurs se révèlent explicatifs de ce sentiment: le comportement déclaré en matière de vitesse pratiquée qui consiste à dire rouler «un peu plus vite>> que les autres automobilistes (est: 0,88; p < .003), le fait de déclarer sa propre situation comme correspond le plus à « J'ai besoin

Schéma 3 : Facteurs explicatifs du fait de déclarer ne « plutôt pas >> faire davantage attention aux limites de vitesse depuis la mise en place

des radars automatiques

180 Actes INRETS n' 105

Page 183: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Acceptabilité du CSA : Connaissance, Crédibilité de l'information et Efficacité perçue

de conduire dans mon travail» (est: 0,79; p < .0003), les femmes (est: 0,61 ; p < 0000001) et l'appartenance à la tranche d'âge 34/49 ans (est: 0,46; p < .02).

Parmi les facteurs proposés, ceux qui prédisent le mieux le comportement déclaré qui consiste à affirmer << ne pas rouler globalement moins vite depuis la mise en place des radars automatiques >> sont d'une part le kilométrage annuel élevé (entre 20 000 et 45 000 km/an) (est: 0,60; p < .0011) et d'autre part, le fait de déclarer sa propre situation comme correspond le plus à << J'ai besoin de conduire dans mon travail>> (est: 0,71 ; p < .004), lui-même relié au sentiment d'être <<tout le temps >> pressé dans la vie en général (est: 0,81 ; p < .0005).

Cette classification de variables permet de dessiner un « profil >> de conduc­teurs confrontés à des problèmes de gestion du temps notamment liés à des contraintes professionnelles (usage de la voiture dans le métier/double journée de la femme), et qui sont par là-même les plus exposés aux CSA.

• L'attitude selon laquelle la vitesse n'est pas considérée comme une source d'imprudence.

Le facteur le plus explicatif de l'attitude selon laquelle la vitesse n'est pas considérée comme une source d'imprudence est le comportement déclaré en matière de vitesse pratiquée qui consiste à dire rouler<< un peu plus vite >> que les autres automobilistes( est:- 0.06, p < .02). Ce comportement est relié d'une part au « profil >> 2 précédemment décrit mais également à l'attitude selon laquelle la vitesse est considérée comme une source de plaisir (est: 0,27; p < .05). Il s'agit là d'un groupement de facteurs qui renvoie à la non intégration du risque lié à la vitesse.

Conclusion

L'analyse présentée ici est une typologie de variables qui conduisent poten­tiellement à la non acceptation du CSA. Les résultats permettent de dégager trois « profils >> d'automobilistes :

Schéma 4 : Facteurs explicatifs de l'attitude selon laquelle la vitesse n'est pas considérée comme une source d'imprudence

Actes !NRETS no 105 181

Page 184: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

- un « profil >> de conducteurs pour qui le CSA renvoie à la perception d'une plus forte probabilité pour eux-même d'être sanctionnés, alors qu'ils se déclarent plutôt respectueux des règles en matière de vitesse ;

- un « profil » de conducteurs confrontés à des problèmes de gestion du temps notamment liés à des contraintes professionnelles et qui sont, par là-même, très exposés au CSA;

- un << profil » de conducteurs qui n'ont pas intégré le risque lié à la vitesse.

6. Conclusion

Cette enquête réalisée en mars 2005 auprès d'un échantillon de 733 automo­bilistes révèle que le CSA est bien accepté par une forte majorité des conduc­teurs interrogés. Pour ce qui est des opposants aux systèmes, trois« profils " ont été dégagés au regard desquels l'amélioration du niveau d'acceptation du CSA et la réduction du risque routier nécessitent notamment de poursuivre des actions à la fois pour renforcer la conscience du risque lié à la vitesse et améliorer l'orga­nisation du travail de ceux ont besoin de conduire dans leur métier.

D'après les résultats de cette analyse et dans l'état actuel des choses, le ren­forcement du dispositif par l'augmentation du nombre de radars automatiques sur le territoire pourrait entraîner une diminution de l'acceptation du système. En effet, le sentiment d'injustice quant au risque accru d'être sanctionné devrait gagner du terrain chez les conducteurs qui ne se considèrent « pas plus dangereux que les autres». De même que l'extension des radars automatiques sur davantage de réseaux routiers amène à prévoir un accroissement des opposants au CSA parmi les conducteurs confrontés à des problèmes de gestion du temps liés à des contraintes professionnelles, qui sont, eux, les plus exposés au système.

Rappelons toutefois qu'il s'agit là d'une typologie de variables et non spéci­fiquement des individus. D'autres analyses sont en cours afin de caractériser quantitativement les plus opposants à ce système.

Références

Rothengatter, J.A., De Warrd, D., Slotegraaf, G., Carbonell Vaya, E. and Muskaug, R. (1991). Social acceptance of automatic policing and information sys­tems. Deliverable report 1033/D7, DRIVE Project V1033.

Schade, J. and Schlag, B. (2003). Acceptability of urban transport pricing strate­gies. Traffic and Transportation Psychology. Transportation Research Part F 6, 45-61.

Van der Laan, J. D. (1998). Acceptance of automatic violation-registration sys­tems. phD Thesis, University of Groningen, The Netherlands.

182 Actes INRETS no 105

Page 185: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LAVIA chez les conducteurs

contenus, structures et relations

Carine Pianelli Groupe d'analyse du Risque routier et de sa Gouvernance

Laboratoire de Psychologie Sociale

(Université de Provence) [email protected]

Jean-Claude Abric Laboratoire de Psychologie Sociale

(Université de Provence)

[email protected]

Farida Saad Groupe d'analyse du Risque routier et de sa Gouvernance

[email protected]

Résumé

Le travail ici présenté s'inscrit dans les études actuellement menées par l'IN­RETS et visant à expérimenter et à évaluer le limiteur de vitesse LA VIA (Limiteur s'Adaptant à la Vitesse Autorisée). L'expérimentation de ce système a débuté en mai 2003 par une enquête auprès de 1 000 automobilistes (enquête TRAVIA: Trajet-Vitesse des Automobilistes). Cette enquête visait à définir les différentes représentations sociales de la vitesse et de la limitation de vitesse afin de repérer /es éléments déterminant le choix des vitesses pratiquées par les conducteurs. Cette enquête visait également à étudier les attitudes et les représentations sociales des conducteurs à l'égard du LA VIA afin de spécifier les facteurs faci­litateurs et inhibiteurs de son acceptation par les conducteurs. Cette première enquête va permettre d'étudier l'effet de la pratique du LA VIA sur les attitudes et les représentations sociales à son égard mais également de déterminer l'impact de cette pratique sur le respect des limitations de vitesse par les conducteurs.

Actes lN RETS n., 105 183

Page 186: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Le Projet LA VIA a été lancé en France en 2001 afin de mieux apprécier et évaluer les effets du Limiteur s'Adaptant à la Vitesse autorisée (LAVIA) en ter­mes d'acceptabilité par les conducteurs et d'effets sur les comportements de conduite.

Ce projet a été initialisé par le ministère des transports par l'intermédiaire de deux organismes : la Direction de la Sécurité et de la Circulation Routière (DSCR) et la Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et Techniques (DRAST). Ce projet rassemble plusieurs partenaires publics (instituts de recher­che) et privés (constructeurs d'automobiles).

L'IN RETS s'occupe de l'évaluation globale du LA VIA et travaille en collabo­ration avec le Laboratoire de Psychologie sociale (Université de Provence) et le GIFRESH (Groupe pour l'intervention, la formation et la recherche en sciences humaines) pour étudier les attitudes, les représentations sociales et l'acceptation du LA VIA par les conducteurs.

Le LA VIA est un système d'aide à la conduite implanté dans le véhicule. Grâce au GPS, le véhicule connaît à tout moment sa position. Un système de navigation embarqué détermine la voie que le véhicule emprunte et la vitesse réglementaire sur cette voie. Ce dispositif peut fonctionner selon plusieurs modes.

En mode informatif, le système est sans action sur le véhicule mais informe le conducteur de tout dépassement de la vitesse autorisée.

En mode actif débraya ble, la pédale d'accélérateur est sans effet au-delà de la vitesse réglementaire mais le conducteur peut à tout moment mettre le LA VIA hors service à l'aide d'un commutateur« marche-arrêt».

En mode actif non débrayable, il y a impossibilité de mettre le LAVIA hors service.

Dans les deux modes actifs, un dispositif de surpassement dit « kick dawn >>

permet de neutraliser temporairement l'effet du LA VIA par un appui sur l'accélé­rateur au-delà d'un point dur.

L'expérimentation du LA VIA se déroule en trois phases.

La première phase a consisté en une enquête qui s'est déroulée de mai à juillet 2003 (enquête TRAVIA: Trajet-Vitesse des Automobilistes). Cette enquête avait pour objectif la connaissance des attitudes et des représentations des automobilistes vis-à-vis de la vitesse et de son contrôle au moyen d'aides à la conduite telles que les limiteurs de vitesse (LA VIA). Un questionnaire a été sou­mis à 1 000 conducteurs dans la zone active du LA VIA (échantillon représentatif de la population vivant dans la zone). Cette phase visait également à recruter 200 conducteurs volontaires pour l'expérimentation du LA VIA.

Afin d'actualiser nos données et afin de mesurer l'effet de la mise en place des radars automatiques sur les représentations des conducteurs, l'enquête TRAVIA a été menée à nouveau de octobre 2004 à février 2005 (enquête TRAVIA 2) sur un échantillon de 400 conducteurs dans la zone active du LA VIA (échantillon représentatif de la population vivant dans la zone).

184 Actes INRETS n' 105

Page 187: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

La deuxième phase de l'expérimentation du LA VIA a consisté en une pré-éva­luation du LA VIA sur des prototypes testés auprès de 10 conducteurs pendant quatre semaines. Cette étape avait pour but de réaliser une pré-évaluation de l'usage et de l'acceptation du LA VIA. Elle a eu lieu en juin et juillet 2004.

Enfin, la troisième phase est la phase d'évaluation du LAVIA. Entre octobre 2004 et janvier 2006, une centaine de conducteurs ont expérimenté pendant huit semaines un véhicule équipé du système LAVIA. Ils ont utilisé successivement les trois modes du LAVIA après une période d'essai du véhicule sans aucun mode.

Cette phase d'essai va permettre de mener une étude en terme d'acceptabilité et d'infiuence du système sur les comportements de conduite.

A la fin de cette phase, le questionnaire administré au cours des enquêtes TRAVIA et TRAVIA 2 sera à nouveau administré dans le but de mettre en évi­dence l'effet de la pratique du LA VIA sur les attitudes et les représentations des automobilistes vis-à-vis de la vitesse et de son contrôle.

Cet article porte sur la première phase du projet LA VIA: l'enquête TRAVIA. Nous avons choisi d'inscrire cette enquête dans le champ des représentations sociales initié par Moscovici (1961) et plus précisément dans le cadre de l'appro­che structurale des représentations sociales (Abric, 1987).

D'après la théorie des représentations sociales, il n'existerait pas a priori de réalité objective, toute réalité serait représentée, c'est-à-dire appropriée et restructurée par les individus. Une représentation sociale est « l'ensemble des connaissances, des croyances, des opinions partagées par un groupe à l'égard d'un objet social donné>> (Guimelli, 1994).

D'après l'approche structurale des représentations sociales, une représenta­tion sociale est hiérarchisée et s'organise autour d'un noyau central très stable qui détermine la signification de la représentation. Selon cette approche, le fonctionnement et l'organisation des représentations sociales sont régis par un double système : un système central et un système périphérique.

Le système central est directement lié et déterminé par les conditions his­toriques, sociologiques et idéologiques (Abric, 1993). C'est lui qui détermine la signification et l'organisation de la représentation. Le noyau central assure deux fonctions essentielles : une fonction « génératrice » et une fonction « organisa­trice». C'est l'élément qui résiste le plus au changement car il est indépendant du contexte immédiat. Toute modification du noyau central entraîne une transforma­tion complète de la représentation. Le noyau central est en ce sens « l'élément unificateur et stabilisateur de la représentation » (Abric, 1997).

Autour du noyau central s'organisent les éléments périphériques. Le sys­tème périphérique permet l'adaptation de la représentation à des contextes sociaux variés. Ses éléments sont hiérarchisés, c'est-à-dire qu'ils peuvent être plus ou moins proches des éléments centraux. C'est dans le système périphérique qu'apparaissent les transformations, les déformations et les contradictions.

Actes INRETS no 105 185

Page 188: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Les représentations sociales ont une « fonction d'orientation » des conduites et des comportements c'est-à-dire que le comportement des individus ou des groupes est directement déterminé par la représentation qu'ils ont d'un objet ou de la situation dans laquelle ils se trouvent. Les représentations sociales orien­tent les relations, les communications et les pratiques sociales.

Cependant, bien que les représentations déterminent les pratiques, elles peuvent être à l'inverse modifiées par une pratique. En effet, bien que les repré­sentations sociales aient de grandes capacités de résistance au changement, leur équilibre peut être rompu par des facteurs externes qui peuvent être des modifications de J'environnement ou des pratiques. Ainsi, l'engagement dans des pratiques est un facteur essentiel de transformation des représentations sociales (Fiament, 1997).

Toute représentation est en relation avec un ensemble d'autres représen­tations qui constituent l'environnement symbolique et social des individus. Il existe deux modalités de relations entre représentations (Vergés, 1992; Abric et Vergés, 1994, 1996 ; Abric, 2002) : les relations d'emboîtement et les relations de réciprocité. Les relations d'emboîtement sont des relations fondées sur une hiérarchie, sur une dépendance d'une représentation par rapport à l'autre alors que les relations de réciprocité sont des relations d'influence réciproque entre représentations.

Afin de définir les éléments qui fondent et génèrent une représentation sociale, l'étude d'une représentation consiste à repérer et analyser les éléments constituant son noyau central par l'utilisation d'outils spécifiques : l'évocation libre et hiérarchisée et les questionnaires de caractérisation (cf. Partie 2.1 L'outil).

Cependant, lorsque des sujets produisent des réponses dans le cadre d'un questionnaire, leur production va être déterminée par le contexte d'énon­ciation, par ce qui leur paraît pertinent de dire et par ce qui est socialement admis dans chaque contexte. Guimelli et Deschamps (2000) ont mis en évi­dence que dans certaines conditions, << tout se passe comme si certaines zones du champ de représentation étaient rendues muettes sous l'effet des pressions sociales >>.

Afin d'accéder à la zone muette des représentations sociales, des méthodes ont été crées afin de réduire la pression normative. La technique de substitution (Guimelli et Deschamps, 2000 ; Abric, 2003) est un outil qui vise à réduire la pression normative en réduisant le niveau d'implication du sujet (cf. Partie 2.1 L'outil).

1. Objectifs et hypothèses

L'enquête TRAVIA a pour objectif de repérer et d'analyser les éléments consti­tutifs des représentations sociales de la vitesse, de la limitation et du LA VIA.

Nous faisons l'hypothèse que les attitudes et les comportements vis-à-vis du LAVIA dépendent d'une représentation sociale plus globale : la représentation

186 Actes INRETS no 105

Page 189: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

sociale de la vitesse. Cette représentation déterminerait la représentation de la limitation de vitesse et du LA VIA.

Ainsi, l'étude de ces représentations va permettre de spécifier quels éléments de ces représentations déterminent les attitudes à l'égard du LA VIA, son accep­tation et sa représentation sociale. Ceci permettra d'identifier les facteurs facilita­leurs et inhibiteurs de l'acceptation du LA VIA et permettra de définir une typologie des conducteurs selon leur acceptation.

L'étude de ces représentations va également permettre de mettre en évidence quels éléments de ces représentations déterminent les vitesses pratiquées par les conducteurs.

2. Méthode

2.1. L'outil

L'outil de recueil utilisé est un questionnaire qui comprend, d'une part, des questions" classiques" (comportements, attitudes, contenu de la représentation) et, d'autre part, trois types de questions spécifiquement élaborés dans le cadre de l'approche structurale : l'évocation libre et hiérarchisée, les questionnaires de caractérisation et la technique de substitution (Abric, 2003).

L'évocation libre et hiérarchisée repose sur un questionnement en deux phases.

La première phase est une phase d'association libre. Elle consiste, à partir d'un mot inducteur, à demander au sujet de produire tous les mots ou expres­sions qui lui viennent à l'esprit. Le caractère spontané de cette phase, permet d'accéder facilement et rapidement aux éléments qui constituent l'univers séman­tique des objets étudiés.

Dans l'enquête TRAVIA, les mots inducteurs ont été: «vitesse», « limitation de vitesse >> et « limiteur de vitesse >> 1.

La deuxième phase du questionnement est une phase de hiérarchisation. Chaque sujet est invité à classer sa propre production en fonction de l'importance qu'il accorde à chaque terme pour définir l'objet en question.

Ainsi, sur une population donnée, on dispose d'un corpus d'items (le contenu de la représentation) et de deux indicateurs quantitatifs pour chaque élément produit : sa fréquence d'apparition et le rang moyen d'importance accordé à cet item par les sujets.

Le croisement de ces deux informations permet un premier repérage des sta­tuts des éléments de la représentation. Dans le tableau à 4 cases qui en résulte, peuvent être définies quatre zones (cf. tableau 1 ).

1 Avant la question d'évocation sur« limiteur de vitesse», on donnait aux sujets une définition du LA VIA (Mode actif).

Actes IN RETS n' 105 187

Page 190: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Tableau 1 : Analyse des évocations hiérarchisées

Rangs moyens d'importance

Premiers rangs Derniers rangs

Forte Zone du noyau central 1ère périphérie Fréquence

Faible Zone des éléments 2ème périphérie contrastés

Dans la zone du noyau central se trouvent les items très fréquents et très importants. On trouve ici les éléments du noyau central et éventuellement des stéréotypes ou prototypes associés à l'objet.

Dans la zone de la première périphérie se trouvent des éléments importants de la représentation, soit par leur fréquence, soit par leur importance. Ils font partie du système périphérique.

Dans la zone des éléments contrastés se trouvent des éléments considérés comme très importants mais énoncés par peu de personnes. Ces éléments peu­vent révéler l'existence d'un sous-groupe pour lequel ces éléments peuvent être centraux. Cependant, ces éléments peuvent être également un complément de la première périphérie.

Enfin, dans la deuxième périphérie se trouvent les éléments peu présents et peu importants, ils constituent des éléments secondaires et de peu de poids dans la représentation.

Le questionnaire de caractérisation consiste à proposer aux sujets, pour chaque thème, une liste d'items dont le nombre est un multiple de 3 (par exem­ple 9). Parmi cette liste, on demande au sujet de désigner les 3 items qui, pour lui, sont /es plus caractéristiques de l'objet. Il lui faut ensuite désigner, parmi les 6 items restant, les 3 /es moins caractéristiques. On peut donc affecter à chaque item un score variant de 1 (s'il a été choisi comme non caractéristique) à 3 (s'il a été choisi comme caractéristique) et connaître sur une population donnée le poids de chaque item sur cette dimension.

Afin de réduire la pression normative que les sujets pourraient éprouver en répondant à certaines questions, nous avons utilisé la technique de substitution (Guimelli et Deschamps, 2000). Cette méthode consiste à créer deux contextes différents de production des réponses des sujets. Ainsi, certaines réponses des sujets ont été recueillies dans deux contextes différents : un contexte de produc­tion << classique >> dans lequel ils étaient amenés à donner leurs propres répon­ses et un contexte « de substitution >> dans lequel ils donnaient les réponses qu'ils supposaient être celles des« conducteurs en général>>.

Le contexte de substitution permet de diminuer le degré d'implication des sujets par rapport à l'objet de représentation. C'est dans ce contexte qu'ils peu-

188 Actes INRETS no 105

Page 191: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

vent exprimer des idées socialement non désirables et qui ont certainement une place importante dans la représentation.

2.2. Caractéristiques de la population enquêtée

La population interrogée comprend 1005 personnes titulaires d'un permis de conduire B et résidant dans la zone active du LA VIA regroupant plusieurs com­munes des Yvelines (ouest parisien).

L'échantillon est représentatif de la population vivant dans ces communes en ce qui concerne l'âge et la catégorie socio-professionnelle. Cet échantillon est composé de 505 hommes et de 500 femmes âgés de 18 à 88 ans.

3. Résultats

3.1. La représentation sociale de la vitesse

Pour l'ensemble de la population, la représentation de la vitesse est organisée autour d'un noyau central à un élément : << danger ». Cette idée de danger est associée à sa conséquence: accident (cf. tableau 2).

On trouve dans la première périphérie de cette représentation, deux éléments qui vont jouer un rôle essentiel : << plaisir» et<< imprudence». Ces deux éléments vont constituer une source de différenciation entre deux sous-groupes distincts du groupe majoritaire : un premier groupe dont le noyau central est constitué de deux éléments : << danger» et «plaisir» et un deuxième groupe dont le noyau central intègre, outre« danger», la notion «d'imprudence» (ou de bêtise).

Ces notions d'imprudence et de plaisir sont présentes chez la plupart des conducteurs, mais elles sont centrales pour les uns, périphériques pour les

Tableau 2 : La représentation sociale de la vitesse sur l'ensemble de la population2

N = 1 005

Fréquence 150

Danger Accident

Vigilance Excès de vitesse Limitation

Rangs moyens d'importance 2

473/1,6 Plaisir 239/1,9 Imprudence

Sport automobile

77/1,9 Peur 61/2 Répression 58/1,9 Gain de temps

Voiture puissante

258/2,1 158/2,1 150/2,1

36/2,1 112/2,3 143/2,1 95/2,2

2 Le premier chiffre renvoie au nombre brut d'évocations, le deuxième chiffre au rang moyen d'im­portance.

Actes INRETS no 105 189

Page 192: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

autres. Trois grands types de représentation de la vitesse existent donc dans la population étudiée :

- Une représentation majoritaire, relativement neutre, où c'est la notion de danger qui est centrale : vitesse = danger.

- Une deuxième représentation que l'on pourrait qualifier de « positive >> qui se construit autour de la relation : vitesse = danger= plaisir.

- Une troisième représentation << négative >> se construisant, elle, autour de la relation : vitesse = danger= imprudence.

La dimension «plaisir>> dans la vitesse est plus présente chez les hommes que chez les femmes. Le plaisir est évoqué par 40 % des hommes et 28 % des fem­mes. Cette dimension est très présente dans les évocations des 18-24 ans (50%), et des 25-34 ans (41 %). Cette dimension diminue chez les 35-59 ans (35 %) pour atteindre seulement 25 % chez les plus de 60 ans. Elle décroît donc avec l'âge.

La dimension «imprudence» (ou "bêtise»), associée à la vitesse est à l'in­verse plus présente chez les femmes (19 %) que chez les hommes (13 %), sans être une caractéristique spécifique des femmes où l'on trouve autant << impru­dence» (19 %) que<< plaisir» (20 %). Cette dimension est très importante dans le groupe des plus de 60 ans.

3.2. La représentation sociale de la limitation de vitesse

La représentation de la limitation dépend directement de la représentation sociale de la vitesse. Ces deux représentations entretiennent entre elles une relation d'emboîtement. Le noyau central de la représentation emboîtée (la représentation de la limitation) comprend l'élément central de la représentation dont elle dépend (la représentation de la vitesse): l'élément "Danger». A cet élément sont associés, dans le noyau central de la représentation de la limita­tion, trois autres éléments spécifiques à la limitation : «sécurité», <<respect des limitations» et« prudence» (cf. tableau 3).

Tableau 3 : La représentation sociale de la limitation de vitesse sur l'ensemble de la population3

N = 1 005

Fréquence 150

Sécurité Respect des limitations Prudence Danger

Réglementation

Rangs moyens d'importance 2

437/1,6 Répression 348/1,8 Contrainte 306/1,9 293/2

39/1,8 Bien 29/1,9 Bête

Mal adaptée Signalisation

471/2,2 151/2,2

125/2,1 50/2,1 50/2,1 61/2,2

3 Le premier chiffre renvoie au nombre brut d'évocations, le deuxième chiffre au rang moyen d'im­portance.

190 Actes INRETS no 105

Page 193: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

Ainsi, le « respect des limitations>> fait partie du noyau central, ce qui témoigne de son appropriation par la population. Pour tous les conducteurs, la limitation de vitesse est associée à la sécurité. Cependant, on voit apparaître en première péri­phérie trois autres éléments : « répression >>, << contrainte » et << réglementation ».

Le respect de la limitation semble donc avoir deux origines : une origine << cen­trale » qui repose sur la notion de sécurité que procure le respect des limitations et une origine << périphérique » qui est fondée sur l'aspect réglementaire et la notion de contrainte.

Ainsi, les conducteurs ne contestent pas l'aspect sécuritaire des limitations de vitesse mais pour certains d'entre eux, les limitations seraient une contrainte. Ces résultats vont dans le sens de nos résultats concernant la vitesse. Pour les conducteurs qui associent la vitesse au danger mais également au plaisir, la limitation serait une contrainte, un obstacle à ce plaisir. Ainsi, la limitation ne serait pas respectée. Cependant, ces conducteurs ne contestent pas l'utilité de la limitation de vitesse : la sécurité. Au contraire, pour tous les conducteurs, cet élément est central dans la représentation.

3.3. Connaissance et acceptation du LA VIA

Concernant l'acceptation du limiteur de vitesse a priori, trois groupes se dis­tinguent (cf. tableau 4): les<< favorables» (31 %), les<< hésitants» (45 %) et les <<opposants» (23 %).

Ces résultats traduisent, une faible majorité de personnes favorables et une forte minorité d'opposants (60% sont des hommes). Mais, ces résultats tradui­sent surtout une incertitude chez le plus grand nombre de conducteurs (45% de la population).

Tableau 4 : Acceptation du LA VIA

Accepteriez-vous fe limiteur LA VIA dans votre voiture ?

Hommes Femmes Total

Oui, certainement 30% 32% 31%

Oui, peut-être 42% 48% 45%

Non 28% 19% 23%

Cette incertitude peut s'expliquer par une méconnaissance quasi-générale du LA VIA par les conducteurs : 95 % de l'échantillon ne connaît pas ou peu le LA VIA (cf. tableau 5).

3.4. La représentation sociale du LAVIA

Compte tenu de la méconnaissance du LAVIA par les conducteurs, leur représentation de ce système est assez pauvre et peu structurée. Cet objet étant

Actes INRETS n' 105 191

Page 194: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Sém;na;re Vitesse : apports récents de la recherche en maüère de vitesse

Tableau 5 : Connaissance du LA VIA

Connaissiez-vous ce limiteur de vitesse (LA VIA) avant aujourd'hui ?

Hommes Femmes Total

Oui, Bien 7% 3% 5%

Oui, un peu 32% 24% 28%

Non 61% 73% 67%

nouveau pour eux, sa représentation est quasi-inexistante. L'analyse structurale des évocations (cf. tableau 6) fait apparaître, pour l'ensemble de la population, un noyau central composé d'un seul élément : « sécurité ». C'est la notion de sécurité qu·l semble fonder et organiser la représentation du LA VIA.

On voit ici que la représentation du limiteur dépend directement de la repré­sentation sociale de la limitation. Ces deux représentations entretiennent entre elles une relation d'emboîtement. En effet, le noyau central de la représentation emboîtée (la représentation du limiteur de vitesse) comprend l'élément central de la représentation dont elle dépend (la représentation de la limitation): l'élément « sécurÎté ».

Dans la zone des éléments contrastés se trouvent les notions de « contrainte >>

et d'« atteinte à fa liberté». L'analyse comparative intégrant les différentes caractéristiques de la population (âge, sexe, type de pratiques, attitudes ... ), fait apparaître un sous-groupe dont la représentation est différente : pour ces conducteurs, le noyau central de la représentation du LA VIA comprend les élé­ments « sécurité >> et « atteinte à fa liberté ». Cette représentation est notamment partagée par le groupe des hommes.

Tableau 6 : La représentation sociale du « limiteur de vitesse » sur l'ensemble de la population4

N = 1 005

Fréquence 150

Sécurité

Atteinte à la liberté, contrainte Respect des limitations

Rangs moyens d'importance 2

54711.6

149/1,8 Contrôle Monotonie

88/1,3 Prudence Tranquillité Assistance

53/2,1 53/2,4 68/2 5812,1 11412

4 Le premier chiffre renvoie au nombre brut d'évocations, le deuxième chiffre au rang moyen d'im­portance.

192 Actes INRETS n' 105

Page 195: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

Ces résultats mettent en évidence la raison centrale du rejet du limiteur : l'at­teinte à la liberté du conducteur. Le limiteur apparaît comme un obstacle au plai­sir de conduire. On comprend ici la relation qu'entretiennent les représentations de la vitesse, de la limitation et du limiteur.

Pour ceux dont la vitesse est fondamentalement un « plaisir >>, la limitation apparaît comme une « atteinte à leur liberté » tout comme le limiteur qui est ainsi rejeté ( « opposant » au LA VIA).

A l'inverse, pour ceux dont la vitesse est un « danger» et une« imprudence », la limitation est perçue comme une « sécurité » et ainsi le limiteur est accepté.

3.5. Les facteurs d'acceptation ou de rejet du LA VIA

Parmi l'ensemble des variables caractérisant la population, 14 d'entre elles jouent un rôle essentiel: elles expliquent à elles seules 45,19% de l'acceptation. Ces 14 variables permettent de prédire l'acceptation (ou le rejet) du LA VIA.

Ces variables correspondent à trois grands types de facteurs susceptibles d'expliquer l'acceptation ou le refus du limiteur. L'analyse comparative des régressions permet de montrer que ces trois variables sont hiérarchisées dans le processus d'acceptation du limiteur (cf. tableau 7).

Ce sont les variables psychosociologiques qui « pèsent » le plus dans la relation au limiteur. A elles seules, ces 5 variables expliquent 29,02 % de l'accep­tation. Vient ensuite le type de pratique qui permet d'expliquer 20,78% l'accepta­tion. Enfin, les variables socio-démographiques expliquent quant à elles 10,37 % de l'acceptation du LAVIA.

Le système de représentation a donc plus d'importance que le type de prati­que ou les variables socio-démographiques dans la relation au LA VIA.

Tableau 7 : Facteurs intervenant dans l'acceptation du LA VIA

Facteurs Type Variables Psychosociologiques de pratique socio-démographiques

• La représentation sociale • Le déplacement • Le genre de la vitesse (3 facteurs) professionnel -Vitesse= plaisir

• L'âge - Vitesse = Stress - Vitesse = risque • Le nombre de kilomètres

• L'attitude par rapport à la parcourus par an • Le niveau d'études

limitation • L'attribution des causes • L'utilisation de la route d'accidents • Le fait d'avoir des enfants (attribution interne :

• L'utilisation de l'autoroute conducteur 1 attribution • Le niveau de revenu externe : état de la route, du véhicule)

Poids : 29,02 % 20,78% 10,37%

Actes INRETS no 105 193

Page 196: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

La méthode des régressions multiples permet de définir précisément les effets de chacune des variables sur l'acceptation du LA VIA (cf. tableau 8).

Tableau 8. Effets des variables sur l'acceptation du LA VIA

Liste des variables Poids de chaque variable

Valeur de t Significativité (Coeff. Standardisé) (Valeur de p)

Vitesse = Plaisir -.187 -6,574 <.0001

Vitesse = Stress .169 4,210 < .0001

Vitesse = Risque .115 4,389 < .0001

Attitude/limitation .124 4,388 < .0001

Interne/externe 1 .167 6,372 < .0001

Déplacements professionnels -.062 -2,235 .0256

Kilomètres parcourus/an -.157 -5,522 < .0001

Sexe .112 4,224 < .0001

Age .155 5,151 < .0001

Niveau d'étude .145 5,575 < .0001

Enfants .157 5,306 < .0001

Revenus -.127 -4,932 < .0001

En ce qui concerne les variables psychosociologiques, nous constatons que plus on considère la vitesse comme un plaisir moins on accepte le LA VIA. A l'inverse, plus on considère la vitesse comme source de stress, ou de risque, plus on accepte le LAVIA. De même, plus on accorde d'importance au rôle du conducteur dans les causes des accidents (attribution interne), plus on accepte le limiteur. Enfin, plus on accepte la limitation de vitesse, plus on accepte le limiteur.

Ainsi, il existe une relation directe entre la représentation de la vitesse et l'acceptation du LA VIA: la représentation « négative >> de la vitesse favoriserait l'acceptation du LA VIA (groupe des « favorables >>) alors que la représentation « positive >> de la vitesse déterminerait la non-acceptation du LA VIA (groupe des « opposants >>).

3.6. Anticipation des pratiques d'utilisation du LAVIA

Nous avons demandé aux conducteurs de notre population quelles seraient leurs réactions à l'égard du LA VIA si celui-ci était installé dans leur véhicule. Nous

s Attribution interne des causes d'accidents (conducteur) vs attribution externe (état de la route, du véhicule).

194 Actes INRETS no 105

Page 197: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

leur avons ensuite demandé quelles seraient les réactions des autres conduc­teurs à l'égard du LAVlA selon eux. Cette méthode est ce que nous appelons la technique de substitution (cf. Partie 2.1 L'outil). A travers les réponses supposées des autres, nous pouvons avoir une idée des positions réelles de l'individu. En effet, celui-ci peut formuler plus facilement des idées contraires au « moralement correct >> en les attribuant aux autres.

Lorsque l'on considère les réponses des enquêtés, ces dernières sont rela­tivement positives (cf. tableau 9). Seuls 35% des enquêtés le «désactiveraient souvent s'il était dans leur voiture>>, peu d'entre eux se sentiraient << dérespon­sabilisés par sa présence>> (29 %), la plupart« l'accepteraient s'il devenait obli­gatoire>> (62 %) et ne le vivraient pas cornrne «une atteinte à leur libre arbitre>> (62 %),

Cependant, la comparaison de ces réponses avec celles que donneraient, selon eux, « la majorité des conducteurs >> laisse perplexe. On constate une différence significative et toujours dans le même sens : pour les enquêtés, les autres conducteurs vont avoir des réactions beaucoup plus négatives que les leurs envers le LAVlA (cf. tableau 9).

Ces résultats nous permettent de faire l'hypothèse que les opinions très posi­tives énoncées par les enquêtés en masquent probablement d'autres beaucoup plus nuancées, sinon négatives, en tous cas chez une partie d'entre eux_

En effet, cette attitude très positive exprimée par les conducteurs à l'égard du LAVlA peut être en partie due à la désirabilité sociale.

Tableau 9 : Pourcentage des réponses << plutôt d'accord >> à << tout à fait d'accord >> des enquêtés et de celles attribuées

aux << autres conducteurs >> (les pourcentages avec un exposant distinct différent significativement)

Les« autres

Propositions Les enquêtés conducteurs »

d'après les enquêtés

Si le limiteur était installé dans leur voiture, ils le 35% a 77% b désactiveraient souvent.

Si le limiteur était installé dans leur voiture, cela les 29% a 47% b déresponsabiliserait.

Si le limiteur devenait obligatoire, ils l'accepteraient 38% a 77% b difficilement.

Le limiteur sera une atteinte à leur libre arbitre. 38% 8 69% b

Avec le limiteur, ils pourraient mieux contrôler et 71% 76%

maîtriser leur vitesse.

Actes INRETS no 105 195

Page 198: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Tableau 10 : Pourcentage des réponses « plutôt d'accord » à « tout à fait d'accord » des enquêtés et de celles attribuées aux << autres

conducteurs >> suivant l'acceptation du LA VIA par les enquêtés (les pourcentages avec un coefficient distinct diffèrent significativement)

Tableau 1 Oa : Item 1 Si le limiteur était installé dans leur voiture, ils le désactiveraient souvent :

Les enquêtés Les « autres conducteurs >> d'après les enquêtés

Les favorables 10% a 69%b

Les hésitants 33%a 76% b

Les opposants 71% 87%

Tableau 1 Ob : Item 2 Si le limiteur était installé dans leur voiture, cela /es déresponsabiliserait :

Les enquêtés Les « autres conducteurs » d'après les enquêtés

Les favorables 15% a 34%b

Les hésitants 31% a 50% b

Les opposants 43% 61%

Tableau 1 Oc : Item 3 Si le limiteur devenait obligatoire, ils l'accepteraient difficilement :

Les enquêtés

Les favorables 13% a

Les hésitants 36%a

Les opposants 78%

Tableau 10d : Item 4 Le limiteur sera une atteinte à leur libre arbitre :

Les enquêtés

Les favorables 15% a

Les hésitants 35%a

Les opposants 77%

Tableau 10e: Item 5

Les « autres conducteurs » d'après les enquêtés

68% b 78% b

89%

Les « autres conducteurs >>

d'après les enquêtés

58% b 71% b

81%

Avec le limiteur, ils pourraient mieux contrôler et maÎtriser leur vitesse :

Les enquêtés Les « autres conducteurs >>

d'après les enquêtés

Les favorables 89% 91% Les hésitants 74% 77%

Les opposants 43% 52%

196 Actes INRETS no 105

Page 199: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

Il faut souligner qu'il n'y a pas de différence significative entre la condition classique et la condition de substitution pour la dernière proposition («Avec le limiteur, ils pourraient mieux contrôler et maîtriser leur vitesse>>, 71 %vs 76 %). Ce résultat indique qu'il n'y aurait pas de zone muette chez les conducteurs concernant cet aspect du LAVIA. Plus important, ce résultat met en évidence que cette différence entre « soi >> et « les autres » n'est pas systématique et ne concerne pas toutes les propositions : toutes les propositions ne feraient pas l'objet de zone muette.

De plus, nous nous sommes intéressé à l'effet de l'acceptation du LAVIA sur ces résultats. Nous avons à nouveau divisé la population en trois groupes distincts suivant leur acceptation du LAVIA (les favorables, les hésitants, les opposants).

Quelle que soit la proposition et la condition (classique vs substitution), les << favorables >> ont des attitudes significativement plus positives à l'égard du LAVIA que les deux autres groupes et les << hésitants >> ont des attitudes plus positives que les <<opposants>>.

Cependant, les résultats indiquent que ce sont les conducteurs << favorables >> et << hésitants >> qui présentent systématiquement des différences significatives entre la condition classique et la condition de substitution (cf. Tableau 10). Pour les conducteurs <<opposants>>, il n'y a pas de différence significative entre ces deux conditions. Ce serait donc les conducteurs <<favorables >> et << hésitants >> qui présenteraient une zone muette dans leur discours. Les attitudes et les comportements positifs qu'ils énoncent sont peut être en réalité plus nuancés. Ces conducteurs sembleraient ne pas oser évoquer des attitudes négatives qui iraient à l'encontre de leur acceptation du LA VIA. Ces résultats ne remettent pas en cause l'acceptation de ce système par ces conducteurs mais cela signifie que cette acceptation n'implique pas forcément des attitudes et des comportements entièrement positifs envers le LA VIA.

4. Conclusion

Le LA VIA est un nouvel objet pour les conducteurs. Comme tout nouvel objet, le LA VIA est intégré dans un système de représentations sociales déjà existant, celui de la représentation sociale de la vitesse. C'est ce système de représen­tations qui détermine l'acceptation a priori du LA VIA. Bien plus que les caracté­ristiques socio-démographiques, ou le type de pratiques de circulation, c'est le système de représentation des conducteurs qui est déterminant dans leur relation à la vitesse et au LA VIA.

Lorsque la vitesse est associée au plaisir, elle est fortement valorisée, la limi­tation de vitesse apparaît alors comme une << limitation au plaisir >> et le limiteur est alors rejeté.

Lorsque la vitesse est associée au risque et au stress, elle est dévalorisée, la limitation est valorisée et le limiteur est alors accepté.

Actes INRETS n, 105 197

Page 200: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Une modification de ce système de représentations peut modifier l'attitude par rapport au LAVIA, sa représentation et son acceptation. Ce point est rela­tivement important dans la perspective d'une action visant à augmenter l'ac­ceptation du LA VIA par les conducteurs et l'amélioration de leur attitude à son égard.

Après l'expérimentation du LAVIA, l'administration à nouveau de ce ques­tionnaire auprès des conducteurs de l'essai va nous permettre d'étudier com­ment la pratique du LA VIA transforme les attitudes à son égard et structure sa représentation.

Cette deuxième enquête va également nous permettre d'étudier l'impact de la pratique du limiteur sur le système de représentations dans lequel il est intégré. En effet, la pratique du LA VIA va probablement provoquer des modifications des représentations sociales de la vitesse et de la limitation de vitesse.

Références

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198 Actes INRETS n' 105

Page 201: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Les représentations sociales de la vitesse, de la limitation de vitesse et du LA VIA

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Verges, P. (1992). L'évocation de l'argent: une méthode pour la définition du noyau central d'une représentation, Bulletin de Psychologie, no 405, tome XLV, janvier-février 1992, 203-209.

Actes IN RETS no 105 199

Page 202: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar
Page 203: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé Quel impact sur les vitesses

locales ? 1

Eric Violette CETE Normandie-Centre Division Exploitation Sécurité Gestion des Infrastructures

Chemin de la Poudrière 76121 Le Grand Quevilly Cedex

eric. [email protected]

Résumé

Le déploiement récent du système de contrôle automatisé des vitesses contri­bue probablement à la modification du comportement des usagers de la route. Dans l'environnement des radars, on s'interroge sur l'effet que ces dispositifs ont sur /es vitesses pratiquées. L'étude réalisée à la demande de l'ON/SR et de la Mission Contrôle automatisé a été menée en considérant plusieurs approches :

- l'étude de l'impact de 6 radars implantés sur des routes diversifiées,

- l'étude de l'impact d'un radar sur une agglomération,

- l'étude de l'impact d'un radar sur l'écoulement microscopique du trafic.

Ces différentes études s'appuient sur l'existence d'outils de recueil existant dans l'environnement des radars. Les stations SIREDO et les bases de données correspondantes Avant/Après l'installation des radars ont permis de disposer de mesures de la vitesse des usagers. A partir de ces mesures, /es analyses effectuées ont cherché à quantifier et à qualifier les modifications des vitesses pratiquées.

1. Objectifs

La mise en œuvre de dispositifs de Contrôle Automatique (CA) relatifs à la vitesse des usagers a débuté à la fin de l'année 2003. Dans ce cadre, il convient d'évaluer si ce déploiement a un effet sur les vitesses pratiquées localement par

1 Les travaux présentés dans ce document ont été financés par la DSCR.

Actes INRETS no 105 201

Page 204: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apporls récents de la recherche en matiére de vitesse

les usagers. En l'absence de connaissance particulière sur l'influence des dispo­sitifs de CA sur les vitesses, il a été admis que dans un voisinage de 3 kilomètres, il existe un effet mesurable sur les vitesses pratiquées. Il est cependant pertinent de s'interroger sur l'impact des radars sur une zone géographique limitée, par exemple à l'échelle d'une agglomération.

L'évaluation proposée s'intéresse essentiellement à l'influence éventuelle du CA sur les vitesses pratiquées par les usagers. Elle ne concerne pas les aspects répressifs du CA, en particulier les performances des dispositifs.

Plusieurs niveaux d'évaluation ont été envisagés. Ils dépendent des moyens de mesures et des informations qu'il est raisonnablement possible de recueillir sur les différents sites. Plusieurs questions sont posées :

- Quelle est l'influence de la mise en place du radar CA sur les vitesses pratiquées AVANT/APRES ?

- Cette influence est-elle différente selon le sens de circulation : Sens contrôlé/Sens opposé ?

- Cette influence varie-t-elle en fonction de la distance au radar?

- Après mise en service du CA, observe-t-on une évolution dans le temps de cette influence ?

Plusieurs études ont été réalisées suite au déploiement de la première tran­che d'installation des radars. Les paragraphes suivants décrivent les méthodolo­gies mises en œuvre ainsi que les premiers résultats obtenus.

2. Sites évalués

2.1. 6 radars sur routes diversifiées

Le choix des radars ayant fait l'objet d'une évaluation a été principalement guidé par d'une part, la présence d'une station de mesure de trafic dans la zone de 3 kilomètres autour du radar et d'autre part en fonction des caractéristiques de la voie de circulation en distinguant :

- 4 types de voies : autoroute, route à chaussées séparées, route bidirec­tionnelle, sens unique ;

- 3 types d'environnement: urbain, péri-urbain, rase campagne.

En croisant les différentes modalités, il apparaît les cas pertinents suivants :

Modalités Urbain Péri-urbain Rase campagne

Autoroute x x Chaussées séparées x x

Bidirectionnelles x x x Sens unique x

202 Actes INRETS no 105

Page 205: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé. Quel impact sur les vitesses locales ?

Lors du déploiement des premiers radars CA, tous les cas ne sont pas cou­verts. Les sites retenus pour cette première évaluation sont listés ci-dessous :

Site Route Type Environnement Vitesse Mesure trafic

Mondeville N814 Chaussée séparée Péri-urbain 90 Au droit

Mondeville N814 Chaussée séparée Péri-urbain 90 2km après

Pas Escalette A75 Autoroute sortie tunnel Rase campagne 70 Au droit

Fâches A1 Autoroute Péri-urbain 110 Au droit

Roquencourt A12 Autoroute Péri-urbain 110 Au droit

Bedée RN12 Chaussée séparée Rase campagne 110 3.4km après

Noyal RN157 Chaussée séparée Rase campagne 110 3km avant

Noyal RN157 Chaussée séparée Rase campagne 110 4km après

2.2. Cas de l'agglomération de Caen

L'agglomération de Caen est ceinturée par un périphérique doté de moyens de mesure de trafic importants destiné à son exploitation. L'installation d'un radar CA fin 2003 sur ce périphérique a pu être évaluée à l'aide des mesures disponi­bles sur l'ensemble de cette agglomération. En particulier, plusieurs objectifs ont été poursuivis :

- L'installation du radar est-elle détectable sur les différents points de mesure de l'agglomération ?

- Quelle est l'influence en fonction de la distance au radar?

- Comment varie dans le temps cette influence ?

Pour cette évaluation, les données de 13 stations de mesure de trafic, dont les distances d'implantation varient de 0 à 15 km du radar CA, ont été traitées.

3. Méthodologies mise en œuvre

3.1. Utilisation des moyens de mesures existants

Les radars CA ont été évalués à l'aide des stations de mesure de trafic du réseau SIREDO. En plus des mesures de débits, ces stations délivrent les mesu­res de vitesses suivantes :

- Vitesse moyenne harmonique journalière par sens de circulation.

- Vitesses classifiées journalières par sens de circulation. La classification retenue s'appuie sur les 10 classes suivantes: 0-50,50-70, 70-90,90-110, 110-130, 130-150, 150-160, 160-170, 170-200, 200-255.

Actes !NRETS n<> 105 203

Page 206: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Les bases de données correspondantes sont disponibles depuis début 2001, soit environ trois années avant l'implantation des premiers radars CA et jusqu'à fin 2004, soit une année après l'installation des radars évalués.

3.2. Indicateurs élaborés

Les indicateurs élaborés sont en relation avec l'infraction à la vitesse régle­mentaire du site à évaluer. Pour ce faire, les deux indicateurs suivants ont été retenus:

- proportion d'usagers dépassant la vitesse légale,

- proportion d'usagers dépassant la vitesse légale de plus de 20 km/h.

Ces deux proportions s'établissent à partir des effectifs des classes de vitesse rapportés au trafic total. Elles s'expriment avec une résolution journalière. Afin de mettre en évidence des tendances sur le long terme, tout en conservant une résolution suffisamment fine, ces indicateurs quotidiens sont agrégés hebdoma­dairement et mensuellement.

3.3. Analyse descriptive

L'analyse descriptive Avant/Après est basée sur une comparaison des valeurs des indicateurs élaborés pour des périodes comparables. L'objectif de cette analyse est de quantifier l'écart des vitesses entre les deux situations. A partir des indicateurs calculés de manière mensuelle, la comparaison s'effectue mois par mois. Ainsi pour un mois m donné Après mise en œuvre du radar CA, la comparaison sera effectuée en référence aux même mois survenus Avant. Cette méthode permet de s'affranchir des effets saisonniers sur la vitesse qui sont encore mal connus. Pour les périodes Avant, toutes les années disponibles ont été distinguées. Les proportions Avant/Après ont été comparées en utilisant un test de proportion basé sur la loi normale.

Le tableau ci-dessous illustre les résultats obtenus pour le radar de Mondeville.

La principale difficulté de l'analyse descriptive réside dans le chois de l'année de référence Avant mise en œuvre des radars CA. En effet, il est apparu que les mesures de vitesse de l'année 2003 sont impactées par les effets d'annonce ainsi que les bons résultats dans l'évolution des accidents.

3.4. Analyse transitoire

Cette analyse a pour but de déterminer si la mise en place d'un radar CA conduit à une transition forte dans le comportement des usagers d'un point de vue des vitesses pratiquées. Cette analyse a été effectuée pour la totalité de l'an­née d'installation du radar, en l'occurrence 2003. Pour ce faire, les distributions des vitesses agrégées hebdomadairement ont été comparées d'une semaine à l'autre. A l'aide du test de Mann-Withney-Wilcoxon, une variable statistique Z a été exprimée. Elle caractérise la différence entre la distribution de la semaine S(i)

204 Actes INRETS no 105

Page 207: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé. Quel impact sur les vitesses locales ?

Sens CA Mondeville Proportion> 90 km/h (%)

Mois AVANT 2001 AVANT 2002 AVANT 2003 APRÈS 2004

M1 63,2 61 '1 53,7 1,3

M2 67,2 62,0 62,8 1,6

M3 62,9 62,6 55,9 1,5

M4 47,1 60,8 54,8 1,8

MS 59,2 64,4 57,6 1,6

M6 61,9 61,8 46,4 1,7

M7 57,6 63,8 51,3 1,9

MS 62,5 62,8 58,4 2,3

M9 58,2 60,7 54,8 1,3

M10 56,4 55,3 49,0 1,0

M11 55,1 52,0 35,9 1,0

M12 57,8 52,9 2,4

Mondeville 1 Sens CA

Semaines

avec celle de la semaine S(i + 1 ). En l'absence de variation brusque des vitesses, cette variable reste au voisinage de 0 mais elle peut s'en éloigner trés vite en valeur absolue suggérant ainsi un changement de comportement des usagers. Afin de déterminer si ce changement est significatif, un test simple et robuste consiste à déclarer concluante toute donnée zO telle que :

Abs(zO-med(zi))/med(abs(zi-med(zi)) >constante

med(zi) est la médiane de toutes les observations.

Actes IN RETS no 105 205

Page 208: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Le dénominateur est une mesure de dispersion appelée écart absolu médian. En utilisant ce test sur la statistique Z, pour chaque site analysé, on obtient la transition ou les transitions les plus concluantes concernant un change­ment de comportement des usagers. Les résultats sont finalement exprimés par un booléen qui vaut 0 si la transition n'est pas concluante et 1 sinon. Le graphe ci-dessous illustre la méthode pour le radar de Mondeville installée semaine 47.

3.5. Analyse de tendance 3 ans Avant/1 an Après

Cette analyse repose sur l'ajustement d'un modèle à partir des taux d'in­fraction mensuels qui décrit au mieux la phase Avant installation du radar. Ce modèle est généralement basé sur les trois années de mesures disponibles Avant. En effectuant une régression linéaire par la méthode des moindres carrés, on dégage la tendance générale sur la période Avant. A partir de la saisonnalité généralement mise en évidence sur les douze mois d'une année, on crée une annèe de référence qui est la moyenne mois par mois des années Avant. A partir de l'année de référence et de la tendance générale, on crée le modèle en appliquant une transformation linéaire à l'année de référence. La transformation linéaire appliquée a pour coefficients ceux de la droite de tendance. On obtient un modèle ajusté pour la période Avant. A partir de ce modèle, il est possible d'éta­blir une prévision des infractions pour l'année Après. La prévision ainsi obtenue est confrontée à l'observation des infractions réellement mesurées. L'écart entre la prévision et l'observation est caractérisé par l'erreur d'ajustement. Le cumul mensuel de cette erreur permet de définir un indicateur d'alerte lA dont la valeur est représentative d'une rupture de tendance.

Le graphe ci-dessous illustre la méthode pour le radar de mondeville.

Il apparaît dans ce cas une différence très importante entre les valeurs du modèle ajusté pour l'année 2004 et les mesures de vitesse réellement consta-

Mondeville 1 Sens CA 1 Taux d'infraction

80,---------------------------------------------------,i 70 ••••..•..•.••....•••..•••..•.••...•••.....•...•.......••..•.••....••....••....••..••••.. ···l

60 50

0 4o 2.30 § 20 ·;::; 10

0 0 Q.

. -.- .... -- .... ------ .. ---------- .. ------. --·- ... --- ........ ---· ....... ---- .. ·--- ------ .. -.1

......................................................................................... .: i

--.- •••••••••••••••••• ---··· ---· •••• -· •• - ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• - -! i ......................................................................................... ·!

~ j~ ~ ~: =:~~~~~: :;~~;~::::::: ~~ ~ ~ ~ ~ ~~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~: ~: ~ ~ ~ ~~ ~ ~ ~:: ~ ~ ~ ~~ ~~ ~: ;: ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~: ~ :1 -50 • • _,._erreur d'ajustement •••••••••••••••.•.••••••••••••••••••• -~~~ -60 ·· ~taux d'infraction réel······---·····-·····--------------········--------------·-··· -7oL'========'---------------.J

206 Actes INRETS no 105

Page 209: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé. Quel impact sur les vitesses locales ?

Indice d'Alerte 50.-----------------------------------------,

0~~----~~~~~~~~d i

-50 --------------- ----------------------------------------------------- ----- ----- "1

:: ~: ::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::-::::::::: l ' 1

-200 ------------------------------------------------------------------------ -~-- ----'

::: ••• ~ ~:::~,:;~~,,····· ••••••••·••• ••••• ••..• ~~ -400 .J._ _______________________________________ I

tées. Le second graphe montre l'évolution de l'indicateur d'alerte lA pour le cas précédent confronté à un autre point de mesure localisé dans une zone trés éloi­gnée des radars CA. La pente de cet indicateur discrimine bien les deux sites.

4. Résultats

4.1. 6 radars sur routes diversifiées

L'analyse Avant/Après a mis en évidence les principaux éléments rappe­lés ci-dessous :

Pour les sites CA qui sont évalués à partir d'un point de mesure localisé au droit du radar, il apparaît clairement que les proportions de véhicules qui circulent en excès de vitesse chutent de manière importante pour atteindre des valeurs faibles voire très faibles. En effet, sur les trois sites de Mondeville, Faches et Roquencourt, les taux de véhicules en infraction tendent vers une valeur rési­duelle comprise entre 2 et 4 %depuis la mise en place du radar CA Les facteurs de réduction dépendent principalement du niveau initial des infractions. Ils sont compris entre 6 et 30 selon les sites. Concernant les usagers les plus rapides qui circulent à plus de 20 km/h de la vitesse réglementaire, l'effet du radar CA est encore plus marqué. Sur tous les sites analysés, la diminution des taux est plus importante que pour les excès de vitesse de moins de 20 km/h. Ces excès de vitesse deviennent marginaux.

Pour les sites CA qui sont évalués à partir de points de mesure localisés dans la zone d'influence a priori du radar CA, il a été observé des réductions de vitesse dans de proportions variables selon les sites d'une part et la position relative du radar CA de la station SIREDO d'autre part. Pour le site de Noyal, la station de mesures localisée 3 km en amont du radar montre que les excès de

Actes IN RETS n" 105 207

Page 210: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

vitesse ont diminué de 15 à 20 points par rapport aux années précédentes. Pour les usagers rapides, la diminution est encore plus sensible (facteur 3 à 5). Pour les sites de Mondeville, Bedée et Noyal, les stations de mesure localisées res­pectivement 2 km, 3,4 km et 4 km en aval des radars CA montrent que les vites­ses ont diminué. Les réductions des vitesses excessives sont variables selon les sites. Cependant, en l'état actuel, il est difficile de déterminer la part imputable à la présence du radar CA dans cette réduction des vitesses. Cependant il est probable, pour une part qui reste à définir, que les points de mesures se situent dans la zone d'influence du radar CA. Cependant, malgré la diminution consta­tée, les proportions d'usagers circulant au-dessus de la vitesse réglementaire restent encore élevées.

L'analyse transitoire a mis en évidence les principaux éléments rappelés ci-dessous :

Pour les sites CA qui sont évalués à partir d'un point de mesure loca­lisé au droit du radar, l'événement constitué par l'installation du radar CA est caractérisé par une brusque réduction des vitesses pratiquées dans le sens de circulation contrôlé (cf. Mondeville, Fâches, Roquencourt). Généralement, pour la période considérée, cette transition constitue le seul élément significativement fort. Cette brusque variation traduit une adaptation du comportement des usagers à la présence du radar CA. Pour le sens de circulation opposé, l'installation du radar CA ne provoque pas toujours une adaptation des vitesses caractérisée par une transition marquée. A Mondeville, la réduction est forte tandis qu'à Fâches, elle est moins perceptible. Cela ne signifie pas que les vitesses ne baissent pas. Seulement, la diminution observée n'est pas caractérisée par une transition brus­que d'une semaine à l'autre.

Pour les sites CA qui sont évalués à partir de points de mesure localisés dans la zone d'influence à priori du radar CA, selon les sites, l'analyse abouti à des constats différents. Pour Mondeville, la station de mesure localisée à 2 km du radar CA est fortement impactée. L'installation du radar se traduit par un chan­gement caractérisé des vitesses pratiquées, qui laisse penser qu'à la distance de 2 km, on se situe dans la zone d'influence du radar. D'ailleurs, ce constat est fait pour les deux sens de circulation. Pour le site de Bedée, l'installation du radar à 3,4 km en amont constitue, comme pour Mondeville, un événement caractérisé par une réduction brusque des vitesses. Pour le site de Noyal, qui est encadré par 2 stations de mesure de trafic, l'installation du radar n'a pas permis de met­tre en évidence une variation marquée des vitesses. D'autres événements dans l'année peuvent être plus significatifs.

L'analyse temporelle a mis en évidence les principaux éléments suivants:

La modélisation des infractions Avant l'installation des radars CA a montré que la tendance générale était la diminution des infractions à la vitesse réglemen­taire. Cette tendance varie légèrement d'un site à l'autre. L'installation des radars provoque une rupture de cette tendance. Cette rupture est caractérisée par un écart significatif entre la prévision des infractions et les observations réellement

208 Actes IN RETS no 105

Page 211: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé. Quel impact sur les vitesses locales ?

effectuées après installation des radars. Selon les cas, la rupture de tendance est fortement marquée comme le montre l'indicateur d'alerte utilisé, en particulier pour les sites analysés à partir des mesures effectuées au droit du radar. Pour les autres cas, on observe deux situations différentes :

- une rupture de tendance importante avec une compensation au fil des mois (à 2 km du radar de Mondeville),

- une rupture de tendance moins marquée mais plus durable (cas du radar de Noyal).

En considérant les trois approches mises en œuvre pour cette évaluation :

Pour /es radars évalués à partir de mesures réalisées au droit du point de contrôle, la mise en place du radar s'est produite dans un contexte initial caractérisé par une tendance à la réduction des vitesses. Cette tendance est variable selon les sites. Lors de la semaine de l'installation du radar, il a été mis en évidence une transition importante dans le comportement des usagers. Les taux d'infraction entre les périodes Avant/Après sont significativement différents. La différence entre ces périodes dépend de l'année de référence choisie pour la période Avant. La modélisation des taux d'infraction et les prévisions réalisées montrent une rupture de tendance lors de l'installation du radar. Dans l'année qui suit l'installation du radar, les taux d'infraction restent stables.

Pour les sites CA qui sont évalués à partir de points de mesure localisés dans la zone d'influence a priori du radar CA, la mise en place du radar s'est produite dans un contexte initial caractérisé par une tendance à la réduction des vitesses. Cette tendance est variable selon les sites. Lors de la semaine de l'installation du radar, pour certains sites il a été observé une transition brusque (mesures effectuées à 2 km du radar), alors que pour d'autres la diminution des vitesses a été plus progressive (mesures effectuées à 3 km du radar). Les taux d'infraction entre les périodes Avant/Après sont significativement différents. Cependant, l'écart est moindre que ceux observés au droit des radars. La modé­lisation des taux d'infraction et les prévisions réalisées montrent une rupture de tendance lors de l'installation du radar. Dans l'année qui suit l'installation du radar, dans certains cas les taux d'infraction restent stables. Pour d'autres cas, on observe une remontée progressive des vitesses. Les différences observées selon les sites laissent à penser que des facteurs plus diffus contribuent aussi à la diminution des vitesses, particulièrement lorsque l'on s'éloigne des points effectivement contrôlés par les radars.

4.2. Cas de l'agglomération de Caen

L'agglomération de Caen est ceinturée par un périphérique Nord et Sud. Un radar CA a été installé fin 2003 entre la semaine S47 et S48 à l'entrée du périphérique Nord dans une zone limitée à 90 km/h. Pour les besoins d'exploitation, le périphérique de Caen est équipé d'un nombre conséquent de stations de mesures de trafic. Pour ces stations, il est possible de mettre

Actes INRETS n" 105 209

Page 212: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

en œuvre les différentes méthodes présentées précédemment afin d'évaluer l'influence du radar CA de Mondeville et d'appréhender la zone d'influence correspondante.

Les évaluations menées sur l'agglomération de CAEN, suite à l'installation du radar de Mondeville à l'entrée du périphérique Nord fin 2003 ont montré d'un point de vue descriptif que :

- Les proportions d'usagers en excès de vitesse diminuent de manière sen­sible après mise en service du radar CA.

- Cet effet positif diminue rapidement au-delà des deux premiers kilomètres en aval du radar CA.

- Il existe une influence positive du radar CA pour le sens de circulation opposé à celui qui est contrôlé pour les observations effectuées à proxi­mité du radar.

Le graphe ci-dessous illustre les mesures de vitesse réalisées au droit du radar.

Le second graphe ci-dessous montre l'évolution des vitesses pour le sens opposé à celui qui est contrôlé. Il illustre clairement la reprise progressive des vitesses, sans pour autant atteindre les niveaux constatés avant installation du radar CA.

L'analyse transitoire réalisée à partir des mesures de vitesse hebdomadaire selon la méthode décrite au §3.4 a montré que :

210

- La semaine de l'installation du radar CA constitue un changement de com­portement des usagers du périphérique Nord de l'agglomération. Cette transition est d'autant plus forte que les mesures de vitesse sont effec­tuées près de la zone contrôlée par le radar CA.

- Par contre, cette transition n'est peu ou pas sensible pour le périphérique SUD.

Actes INRETS no 105

Page 213: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé. Quel impact sur les vitesses locales ?

Mondeville 1 sens CA 1 taux d'infraction

100 %

90%

80%

70% 0 0

~ 60% .::; .E 50% 'o x , 40 % 2

. ------------ ----------------------4-------------------• 2001

30% lill 2002

20% A. 2003 avant S48

10% aprês 548 .,___ ____ _,.--------------------------------- -----------------------

0%

Mondeville 1 sens opposé CA 1 taux d'infraction

100 %

90%

80% " ... -...... " .. ------------ .. ---------------- .... --- ---.- --. -- -- .. ------------"--- ... !

" 70% 0 :;:

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"' ------- -·-- --------'

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1'0! 2002

 2003 avant $48

après S48

.. .. -- ----------------

---- ----- --- i i

20% ---------------1 i

10 %

0%

Le tableau ci-dessous précise les transitions observées sur les différents sites de mesure du périphérique lors de la semaine de l'installation du radar S47/S48 (cf. §3.4).

Au-delà de Calix à 2,3 km du radar CA, la transition liée à l'installation du radar est peu marquée.

Une analyse de tendance a été réalisée avec la méthode présentée au §3.5. Elle a été appliquée sur les stations du périphérique. Cependant, cette analyse a été étendue à d'autres zones géographiques afin de disposer d'une référence qui ne soit pas impactée par l'installation de radar, en l'occurrence Rouen et Evreux. Cinq zones ont ainsi été analysées à partir des mesures SIREDO disponibles :

Actes !NRETS n<> 105 211

Page 214: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

Périphérique Nord Périphérique Sud

Distance Sens CA Sens

Distance Sens CA Sens Site

CA(km) Z($47/548) opposé Site CA(km) Z(S47/S48) opposé

Z(S47/S48) Z(S47/S48)

Monde 0,0 -299,1 -262,7 Vallée 1,4 -58,9 -50,9

Ca !ix 2,3 -136,4 -196,2 Espagne 4,0 -54,2 -29,0

Heuzé 5,0 -65,8 -126,7 Ifs 5,8 -30,6 -48,8

Jardin 6,1 -56,5 -69,0 Fleury 8,3 -43,8 -38,6

Mémorial 7,2 -71,1 -74.2 Eterville 12,3 -41,4 -38,1

Chemin 8,4 -65,7 -69,2 Bretagne 13,2 -10,1 -4,4

Carpiquet 15,5 -26,3 -43,4

- Périphérique NORD de CAEN, 10 stations.

- Périphérique SUD de CAEN, 3 stations.

- Alentours de CAEN, 10 stations.

- Alentours de ROUEN, 7 stations.

- Alentours de EVREUX, 8 stations.

Le graphe ci-dessous synthétise les résultats obtenus. Il montre que seules les stations du périphérique NORD de Caen font apparaître une rupture de ten­dance dans les premiers mois qui ont suivi l'installation du radar. Il faut aussi noter que toutes les valeurs de l'indicateur d'alerte sont négatives. Cela signifie que les vitesses observées depuis fin 2003 sont inférieures à celles qui étaient attendues en fonction des années précédentes.

26

0

-26

-60

-76

-100

-126

-150

212

lndîcateur Alerte lA

Actes INRETS no 105

Page 215: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Contrôle automatisé. Quel impact sur les vitesses locales ?

5. Conclusions et perspectives

Des mesures de l'impact des radars CA sur les vitesses pratiquées localement par les usagers ont été réalisées lors de la première phase du déploiement à la fin de l'année 2003. Elles ont été effectuées à l'aide de moyens de mesure exis­tant sur les différents sites, en l'occurrence les stations du réseau SIREDO. Ainsi, seul un faible échantillon des radars installés a pu faire l'objet des ces investiga­tions. Il ressort de ces travaux les principaux éléments suivants :

- La mise en place d'un radar CA provoque une réduction sensible des vitesses pratiquées localement par les usagers. D'une part, cette réduction concerne les vitesses moyennes et d'autre part, elle s'opère aussi sur la proportion des usagers qui dépassent la vitesse réglementaire.

- Cette réduction des vitesses est d'autant plus grande que l'on se situe près du radar CA. Pour les évaluations menées au droit des radars, il ressort que les usagers qui dépassent la vitesse réglementaire ne représentent généralement plus que 2 à 4 % du trafic. De même, les dépassements de plus de 20 km/h deviennent tout à fait marginaux.

- En s'éloignant du radar, il apparaît que les réductions existent toujours dans un voisinage d'environ 3 km autour du radar. Cependant, la localisa­tion des différents points de mesure ne permet pas d'appréhender la zone d'influence de manière très précise.

- Pour les radars visibles par les usagers qui circulent dans le sens opposé au contrôle, il est aussi observé une réduction sensible des vitesses pra­tiquées.

- D'un point de vue temporel, il apparaît que les vitesses mesurées au droit des radars restent stables. Après plusieurs mois de fonctionnement, il n'a pas été mis en évidence de reprise des vitesses. Par contre, pour les sens opposés et pour les mesures réalisées dans la zone d'influence, on assiste au fil du temps à une reprise des vitesses. Cependant, elles restent bien inférieures à celles qui étaient constatées avant.

L'analyse des tendances sur une période de 4 années a montré que la mise en œuvre des radars s'est produite dans un contexte général de baisse des vites­ses qui était déjà amorcé depuis plusieurs mois.

En complément, des études microscopiques sont en cours sur quelques sites afin d'évaluer si la présence d'un radar affecte l'écoulement du trafic sur les gran­deurs suivantes: utilisation des différentes voies de circulation, constitution des pelotons de véhicules, distances et temps inter-véhiculaires. Pour ce faire, les mesures individuelles élaborées à chaque passage de véhicule par les stations SIREDO sont utilisées.

Enfin, afin de définir plus précisément la zone d'influence d'un radar CA, deux sites expérimentaux ont été spécifiquement instrumentés fin 2004 afin d'obtenir des mesures de vitesses sur la totalité d'un axe de circulation. Un recueil de don­nées est en cours et les analyses viendront compléter les travaux déjà réalisés.

Actes !NRETS no 105 213

Page 216: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en maüère de vitesse

Références

CETE Normandie-Centre, Impact des radars CA sur les vitesses pratiquées loca­lement, étude de 6 cas, rapport d'étude, février 2005.

CETE Normandie-Centre, INSA de Rouen, Contrôle automatisé: quels effets sur les comportements ? Le cas de l'agglomération de Caen, rapport de stage, octobre 2004.

CETE Normandie-Centre, INSA de Rouen, Contrôle automatisé: Effets sur l'écoulement microscopique du trafic, rapport de stage, à paraître.

COHEN Simon, Ingénierie du trafic routier, Eléments de théorie du trafic et appli­cations, Presses de I'ENPC, 1990

ARON Maurice, BIECHELER Marie-Berthe, PEYTAVIN Jean François, Temps inter-véhiculaires et vitesses, quels enjeux sur autoroute, RTS no 64, juillet-septembre 1999, pages 3-20

ARON Maurice, BIECHELER Marie-Berthe, PEYTAVIN Jean François, Temps inter-véhiculaires et vitesses, quels enjeux sur les routes de Normandie, Rapport d'étape IN RETS, octobre 2002

CAMIZ Sergio, A propos des pelotons : identification des facteurs de risque, Rapport IN RETS, juillet 2000

Radars :La révolution du contrôle sanction automatisé, numéro spécial SECURITE ROUTIERE, décembre 2004.

214 Actes !NRETS no 105

Page 217: Le patrimoine scientifique de l'Ifsttar

Conclusion du séminaire

Claude Got Professeur de médecine Expert auprès du Conseil national de sécurité routière

Atteindre le seuil de 5 000 tués sur les routes dans les six jours suivant l'ac­cident est un succès qui doit être apprécié à sa juste valeur. La mortalité a été divisée par plus de trois en 30 ans alors que le trafic a triplé, la combinaison de ces deux valeurs signifie que le risque d'être tué en parcourant un kilomètre a été divisé par un facteur proche de 1 O. Il est difficile de préciser la part de cha­que mesure prise depuis l'été 2002 dans l'amélioration récente de ce bilan ? La « fraction attribuable '' à chaque facteur d'amélioration de la sécurité routière ne peut être calculée avec précision, faute d'avoir développé l'outil d'analyse adapté à cet objectif dont l'importance est grande.

Les décisions en sécurité routière doivent se fonder sur les connaissances et elles ne sont acceptables pour les usagers que si ces connaissances sont mises à leur disposition sous une forme rigoureuse, accessible et convaincante. Quand la décision est suffisamment forte et efficace pour provoquer des résultats rapides, l'adhésion de l'opinion publique est facilement obtenue, nous venons de le voir au cours de la période récente. Il faut cependant éviter de dêcrire le pro­cessus sous une forme simplette et l'équation : radars automatiques = 35 % de tués en moins en trois ans n'est pas une vérité scientifique. Le résultat obtenu a été produit par la représentation sociale d'une rupture dans la politique gouver­nementale qui a remis au premier plan l'objectif de sécurité routière, provoqué l'adoption de multiples mesures législatives, réglementaires, techniques (dont les radars automatiques), et finalement rendu crédible la détermination à appliquer plus rigoureusement les règles.

Une bonne gestion ne peut reposer que sur la modélisation et l'évaluation

L'évolution de la mortalité routière au cours des dernières années est un objet d'études passionnant et nous sornmes encore loin d'avoir totalement compris les mécanismes des succès obtenus. Rétrospectivement nous pouvons regretter que les outils de la modélisation du risque routier n'aient pas été améliorés avant les réformes de 2002. Ils étaient cependant réclamés depuis des années par les

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Séminaire Vitesse : apports récents de la recherche en matière de vitesse

spécialistes de l'IN RETS qui nous expliquaient que la compréhension de l'effica­cité d'une action de sécurité routière passait par la modélisation.

Quand un système dépend d'un nombre de variables important, mais pour la majorité d'entre elles observables et quantifiables, la construction d'un modèle est possible et son rôle est déterminant pour passer de la description à l'explication causale. Il est vrai que personne ne pouvait prévoir le niveau de détermination des décideurs faisant leurs annonces au cours de l'été 2002 et, à l'époque, les chercheurs travaillant dans le domaine de la modélisation étaient plutôt déprimés et démobilisés par la détérioration de leur outil de travail. Les insuffisances de documentation de données étaient et demeurent importantes et elles n'incitaient pas à développer des études de séries chronologiques franco-françaises dans une période de faible variation des résultats. Ils pouvaient tout au plus faire des comparaisons entre des pays où les résultats étaient très contrastés. La modé­lisation comparée de l'accidentalité de la France et de la Grande Bretagne en 2000, publiée par Robert Delorme et Sylvain Lassarre (IN RETS) en 2004 est un bon exemple de l'aide que la modélisation peut apporter aux décideurs publics. L'insuffisance de l'investissement dans l'évaluation et donc dans la compréhen­sion des situations, de leur évolution sous l'influence de décisions multiples dont il faut contrôler l'effectivité et l'efficacité, demeure une caractéristique de notre système de gestion politique et administratif.

Le pôle« modélisation >>de I'INRETS et ses correspondants à l'Observatoire interministériel de sécurité routière devraient être développés dans des propor­tions qui peuvent paraître inaccessibles, alors que le nombre de postes en jeu et les crédits nécessaires sont sans commune mesure avec l'ampleur du problème. La France est un pays riche, capable d'investir des centaines de millions d'euros pour tracer la viande bovine dans le but de prévenir l'extension d'une épidémie d'encéphalite qui a produit moins de dix décès humains, mais elle n'a pas une bonne connaissance de déterminants majeurs de la mortalité routière qui atteint 5 000 personnes. Elle connaît très mal son parc automobile par classes de poids, de puissance ou de vitesse maximale, elle ne dispose pas d'indicateurs départe­mentaux du taux de port de la ceinture, ni d'indicateurs des jours et des heures de dépistage de l'alcoolémie des usagers de la route. Je pourrais ajouter une dizaine d'autres exemples de lacunes moins importantes mais qui conditionnent la qualité des modèles explicatifs de l'insécurité routière.

Chaque fois que l'on est confronté à ce type de lacunes dans les connaissan­ces, on voudrait comprendre quelle est la part de l'inaptitude à savoir et de la volonté de ne pas savoir dans la genèse de cette situation. Ces deux mécanis­mes ne sont pas mutuellement exclusifs et l'inertie du système, son incapacité à redéployer des moyens, s'associent à la crainte de faire émerger des connais­sances qui dérangent. Je soutiens depuis des années que si la communication en sécurité routière s'emparait de la notion de risque lié au véhicule pour démon­trer et installer dans les esprits la réalité de l'existence de «véhicules tueurs>>, inutilement puissants, rapides et lourds, ces véhicules deviendraient insupporta-

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