Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

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HAL Id: tel-03066312 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03066312 Submitted on 15 Dec 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories de l’alignement stratégique et de l’AMO youssef Souak To cite this version: youssef Souak. Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories de l’alignement stratégique et de l’AMO. Gestion et management. Université de Bordeaux, 2020. Français. NNT : 2020BORD0109. tel-03066312

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HAL Id: tel-03066312https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03066312

Submitted on 15 Dec 2020

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Le partage de la fonction ressources humaines : uneétude par les théories de l’alignement stratégique et de

l’AMOyoussef Souak

To cite this version:youssef Souak. Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories del’alignement stratégique et de l’AMO. Gestion et management. Université de Bordeaux, 2020.Français. �NNT : 2020BORD0109�. �tel-03066312�

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THÈSE PRESENTÉE POUR OBTENIR LE GRADE DE

DOCTEUR DE

L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

ÉCOLE DOCTORALE ENTREPRISE, ÉCONOMIE, SOCIÉTÉ (ED 42)

SPÉCIALITÉ SCIENCES DE GESTION

Par Youssef SOUAK

LE PARTAGE DE LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES :

UNE ÉTUDE PAR LES THÉORIES DE L’ALIGNEMENT

STRATÉGIQUE ET DE L’AMO

Sous la direction de M. Olivier HERRBACH, Professeur à l’Université de Bordeaux

Soutenue le : 17 septembre 2020

Membres du jury :

M. Julien CUSIN Professeur des Universités, Université de Bordeaux - Président

Mme Anne LOUBES Professeure des Universités, Université de Montpellier- Rapporteur M. Marc VALAX Professeur des Universités, Université de Lyon - Rapporteur

M. Olivier HERRBACH Professeur des Universités, Université de Bordeaux – Directeur de recherche

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Titre : Le partage de la fonction ressources humaines : une étude par les théories de l’alignement

stratégique et de l’AMO

Résumé : La gestion des ressources humaines a connu des changements importants au cours des trois

dernières décennies. Cantonnée jusqu’à lors à des activités administratives, elle évolue progressivement

en mettant au centre de ses priorités le développement et la gestion des individus alors considérés comme

une ressource pour l’organisation. Ce nouvel agenda aboutit à la mutation du périmètre de la fonction

ressources humaines (FRH) avec, notamment, l’intégration des managers comme acteurs à part entière.

En se mobilisant sur les aspects opérationnels de la fonction, ils permettent aux spécialistes RH de se

focaliser sur des activités stratégiques. Pour aborder ces enjeux, l’organisation s’appuie sur l’usage des

systèmes d’information (SI). Leur développement a justifié l’apparition de nouvelles formes de travail

telles que le partage de la FRH. Cette orientation stratégique implique la mise en place de profondes

mutations qui se soldent parfois par des échecs que certains attribuent à la cohérence des choix

organisationnels. Basée sur l’étude d’un cas, cette recherche mobilise l’alignement stratégique comme

cadre explicatif du PFRH. Les résultats montrent que la cohérence des choix organisationnels joue un

double effet sur la position des managers en contexte de PFRH. D’une part, elle influence leurs capacités

matérielles et immatérielles d’agir par un effet direct le niveau de compétences et l’accès aux tâches.

D’autre part, les résultats montrent que la cohérence des choix organisationnels agit par un effet

d’amplification sur la motivation des managers. Nos réflexions aboutissent à la formulation d’un modèle

conceptuel et à la proposition d’un outil de pilotage des projets organisationnels basé sur l’alignement

stratégique.

Mots clés : Partage de fonction – Usages des SI – Ressources Humaines – AMO – Alignement stratégique

Title : The human resources function sharing : a study through strategic alignment and AMO theories.

Abstract : The end of the twenty-first century has been filled by great changes in the human resources

function (HRF). This new agenda, lead to the integration of operational managers as new main actors.

Focusing on the operational side of the function, they permit HR specialists to focus on more strategic

roles. Sharing the HRF has needed the thinking of new infrastructure and particularly required human

the use of human resources information systems. These tools have introduced new capacities of

information manipulation, treatment and sharing. Their diffusion in management both has been

reinforced and has justified the new need for collaboration between departments. But the HRF sharing

is a strategic orientation which may result in failure. This acknowledgement questions companies about

how they coordinate their choices and how they fit them with their strategic goals. Based on a case

study, this research explores the way organizational infrastructure is deployed and the consequences of

that on the managers’ position. The aim of this work is to understand how the consistency of

organizational choices can explain the success of the HRF sharing. Results show that the consistency

may generate two effects. On the one hand, it influences their material and immaterial capacities to

implement their HR roles by a direct effect on their skills and on their access to HR tasks. In another

hand, results show that the alignment of organizational choices acts indirectly on the managers’ position

by an impact on their motivation. Our work results in formulation of a conceptual framework including

our research inputs.

Keywords : Function sharing – Human resources – IS use – AMO – Strategic alignment

Unité de recherche

Institut de Recherche en Gestion des Organisation (IRGO)

35 avenue Abadie - 33072 Bordeaux Cedex

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Dédicaces

À mon père

À mes deux petits amours Aya et Maryam

À mon épouse pour son soutien indéfectible

À mes tantes, mes amis et ma famille qui m’ont soutenu dans ce voyage

À ma grand-mère dont les espoirs nourrissent encore nombre de mes efforts

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Remerciements

À l’issue de ce travail, je tiens à exprimer mes remerciements et ma gratitude à l’ensemble des acteurs qui

sont intervenus d’une manière ou d’une autre dans mon parcours. Alors que la thèse se veut être un exercice

solitaire, il faut reconnaitre que dans les faits, nombreux sont les acteurs qui apportent de précieuses

contributions à sa réalisation.

Mes remerciements vont tout d’abord à mon directeur de recherche, le Professeur Olivier HERRBACH pour

son suivi, son expertise et son accompagnement dans l’accès à un terrain d’étude riche en informations. Je

tiens également à remercier mesdames Dhiba LHAJJI et Laïla BENRAÏSS-NOAILLES pour leur

disponibilité, leurs précieux conseils et leur accompagnement durant ce parcours. Le soutien et la

bienveillance dont j’ai pu bénéficier de la part de mon équipe de recherche ont participé à faciliter mon

expérience doctorale et ont considérablement renforcé mon appétence pour l’enseignement et la recherche.

Je souhaite également adresser mes remerciements aux Professeurs Anne LOUBES et Marc VALAX qui ont

accepté d’être rapporteurs de cette thèse et qui ont, de ce fait, manifesté un intérêt particulier au présent

travail. Je remercie également le Professeur Julien CUSIN qui a accepté de participer au jury de cette thèse.

Je tiens également à remercier le département de l’IUT Techniques de Commercialisation de Bordeaux qui

a soutenu le déroulement de mes activités de recherche en me proposant un contrat d’ATER. Mes pensées

vont particulièrement à Monsieur Bernard ANDRUCCIOLI pour son accueil, sa bienveillance et sa passion

de l’enseignement. Je souhaite aussi évoquer le rôle de Christine GEORGET qui a participé à nourrir ma

réflexion à de multiples occasions et qui a toujours manifesté un grand intérêt pour ce travail. Je remercie

également toutes les personnes de l’entreprise ABC, qui ont accepté de m’accorder leur temps et qui m’ont

permis de collecter des informations riches et utiles à mon travail.

Je souhaiterais également souligner la contribution incontournable de ceux qui ont su appuyer mon travail

par leurs conseils ou leurs relectures. Je tiens particulièrement à remercier Mariyam LAKHAL, Razika

DAUT, Khalil AÏT-SAÏD, Laure BERTHELET, Anne LUCAS, Elodie CHABROUX, Fédérica

ANTONAGLIA, Linda GONZALES-LAFAYSSE, Lionel CHAMBRIER et Abdé RCHOUK.

Cette aventure a également été l’occasion de créer ou renforcer de précieux liens d’amitié au sein du

laboratoire de recherche. Mes pensées vont à mes camarades Chafik, Salma, Warda, Karen, Claudia,

Médéssè, Hayat et Alvaro pour leur présence lors de ce cheminement.

Enfin, j’adresse mes derniers mots à ma famille pour tous ces sacrifices consentis. Je remercie mon épouse

Leyla pour son soutien moral et ses encouragements. Je remercie mes petites filles qui, malgré elles, ont été

une source intarissable d’espoir. Enfin, je remercie mon père, mes tantes, mes proches pour leur aide et leur

soutien.

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i

SOMMAIRE

LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES ................................................................ II

LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................................... III

LISTE DES FIGURES ............................................................................................................................................ V

LISTE DES ANNEXES ........................................................................................................................................ VII

INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................................................... 1

CONCLUSION GÉNÉRALE ....................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 283

ANNEXES .......................................................................................................................................................... 298

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ii

LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES

BPR : Business process reengineering

DRH : Direction des ressources humaines

DG : Direction générale

DR : Direction régionale

DT : Direction territoriale

EP : Entretien professionnel

EPA : Entretien professionnel annuel

ERP : Enterprise resource planning

FRH : Fonction ressources humaines

GRH : Gestion des ressources humaines

HR : Human resources

RH : Ressources humaines

PFRH Partage de la fonction ressources humaines

SI : Systèmes d’information

SIRH : Système d’information ressources humaines

TI : Technologie de l’information

TIC : Technologies de l’information et de la communication

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iii

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 0-1 : Plan schématique de la thèse.......................................................................................................... 17

Tableau 1-1 : Synthèse des approches de la fonction ressources humaines ........................................................ 21

Tableau 1-2 : Usages du SIRH et effets sur les processus organisationnels .......................................................... 49

Tableau 3-1 :Justification de l’étude de cas ........................................................................................................ 128

Tableau 3-2 : Composition des domaines stratégiques ...................................................................................... 146

Tableau 3-3 : Grille d’analyse du fit stratégique ................................................................................................. 147

Tableau 3-4 : Design de la recherche .................................................................................................................. 152

Tableau 3-5 : Processus de formation ................................................................................................................. 172

Tableau 4-1 : Agrégation des résultats d’alignement entre les compétences et savoirs et les objectifs

du PFRH ............................................................................................................................................................... 187

Tableau 4-2 : Effets du désalignement entre niveau de formalisation et objectifs stratégiques sur l’AMO ...... 191

Tableau 4-3 : Effets du désalignement entre les conditions matérielles et la participation aux activités RH

sur l’AMO ............................................................................................................................................................ 195

Tableau 4-4 : Effets du désalignement entre valorisation du PFRH et objectifs stratégiques du PFRH sur

l’AMO .................................................................................................................................................................. 198

Tableau 4-5 : Synthèse des résultats de l’alignement des infrastructures organisationnelles ........................... 199

Tableau 4-6 : Agrégation des résultats d’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les

objectifs du PFRH ................................................................................................................................................ 200

Tableau 4-7 : Effet du désalignement entre le niveau de préparation du contexte RH et des objectifs

stratégiques sur l’AMO ....................................................................................................................................... 205

Tableau 4-8 : Effets du désalignement entre les rôles des spécialistes RH et les objectifs stratégiques

sur l’AMO ............................................................................................................................................................ 210

Tableau 4-9 : Effets du désalignement entre la centralisation des procédures et les objectifs stratégiques sur

l’AMO .................................................................................................................................................................. 214

Tableau 4-10 : Agrégation des résultats d’alignement entre les processus de travail et les objectifs

du PFRH ............................................................................................................................................................... 215

Tableau 4-11 : Synthèse des effets des dysfonctionnements sur la facilité d’usage et l’utilité perçues ............ 225

Tableau 4-12 : Effets du désalignement entre les infrastructures organisationnelles et les processus SI ......... 229

Tableau 4-13 : Objectifs du partage de la FRH .................................................................................................... 231

Tableau 4-14 : Effets du désalignement entre les infrastructures organisationnelles et celles des systèmes

d’information ...................................................................................................................................................... 237

Tableau 4-15 : Effets du désalignement entre les infrastructures et processus organisationnels et les

compétences SI ................................................................................................................................................... 242

Tableau 4-16 : Synthèse des alignements entre les composantes du domaine stratégique et du domaine

des infrastructures organisationnelles ................................................................................................................ 245

Page 9: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

iv

Tableau 4-17 : Synthèse des alignements entre les infrastructures organisationnelles et les infrastructures

du système d’information ................................................................................................................................... 247

Tableau 4-18 : Synthèse des éléments de succès de partage de la FRH ............................................................. 253

Tableau 4-19 : Disparité de perceptions du partage de la fonction ressources humaines entre managers

stratégiques et managers de proximité .............................................................................................................. 257

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v

LISTE DES FIGURES

Figure 0-1 : Modèle d’alignement stratégique ..................................................................................................... 11

Figure 0-2 : Contribution principale de la recherche ............................................................................................ 14

Figure 1-1 : Matrice des rôles des responsables RH de Storey (1992) .................................................................. 32

Figure 1-2 : Matrice des rôles de la fonction RH de Ulrich (1998) ........................................................................ 34

Figure 1-3 : Les stades de l’usage des systèmes d’information ............................................................................ 47

Figure 1-4 : Effet de la qualité du système et de l’information sur la satisfaction et l’utilisation des systèmes

d’information ........................................................................................................................................................ 52

Figure 1-5 : Évaluation du succès de partage de la FRH par le GAP ...................................................................... 64

Figure 2-1 : L’effet indirect des pratiques de GRH sur la performance productive .............................................. 69

Figure 2-2 : Synthèse des déterminants des capacités de partage de la FRH ....................................................... 75

Figure 2-3 : Synthèse des déterminants de la motivation de partage de la FRH .................................................. 78

Figure 2-4 : Effet de la distribution de l’influence sur le lien intégration-performance ....................................... 86

Figure 2-5 : Synthèse des déterminants de l’opportunité de partage de la FRH .................................................. 87

Figure 2-6 : Les domaines stratégiques de l’organisation ..................................................................................... 94

Figure 2-7 : Composition des domaines stratégiques externes ............................................................................ 96

Figure 2-8 : Composition des domaines stratégiques internes ............................................................................. 98

Figure 2-9 : Modèle de l’alignement stratégique d’Henderson et Venkatraman (1993) ...................................... 99

Figure 2-10 : Les perspectives d’alignement stratégique ................................................................................... 101

Figure 2-11 : Représentation des objectifs stratégiques du partage de la FRH .................................................. 113

Figure 2-12 : Composition des infrastructures et processus organisationnels ................................................... 114

Figure 2-13 : Proposition d’étude de l’alignement des domaines du partage de la FRH .................................... 115

Figure 2-14 : Impact des choix organisationnels sur l’implémentation des pratiques RH .................................. 116

Figure 2-15 : Impact de l’alignement des choix organisationnels sur le PFRH .................................................... 116

Figure 3-1 : Processus de codage et de production d’une grille d’analyse mixte ............................................... 143

Figure 3-2 : Domaines et alignements explorés dans le cadre de la recherche .................................................. 146

Figure 3-3 : Organisation du département ressources humaines d'ABC ............................................................ 154

Figure 3-4 : Chaine de communication entre les acteurs du projet SIRH ........................................................... 161

Figure 3-5 : Acteurs du déploiement opérationnel de l’outil .............................................................................. 162

Figure 3-6 : Composition du système d'information ressources humaines ........................................................ 165

Figure 3-7 : Représentation des modules du progiciel intégré au sein d’ABC .................................................... 166

Figure 4-1 : Étude du fit stratégique ................................................................................................................... 182

Figure 4-2 : Étude de l’alignement vertical entre compétences et savoirs et objectifs stratégiques

du PFRH ............................................................................................................................................................... 183

Figure 4-3 : Étude de l’alignement vertical entre infrastructures organisationnelles et objectifs

stratégiques du PFRH .......................................................................................................................................... 188

Figure 4-4 : Étude de l’alignement vertical entre processus de travail et objectifs stratégiques du PFRH ......... 201

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vi

Figure 4-5 : Étude de l’intégration stratégique ................................................................................................... 216

Figure 4-6 : Étude de l’alignement horizontal entre les infrastructures et processus organisationnel et les

infrastructures des SI .......................................................................................................................................... 216

Figure 4-7 : Étude de l’alignement entre les infrastructures et processus organisationnels et les

processus des SI .................................................................................................................................................. 230

Figure 4-8 : Étude de l’alignement entre les infrastructures et processus organisationnels et les

compétences SI ................................................................................................................................................... 237

Figure 4-9 : Modèle de la recherche .................................................................................................................. 271

Figure 4-10 : Outil de diagnostic et de rétroaction de l’alignement stratégique organisationnel ...................... 277

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vii

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Guide d’entretien fonctions support ................................................................................................ 299

Annexe 2 : Guide d’entretien manager ............................................................................................................... 303

Annexe 3 : Liaisons fonctionnelles du système d’information global ................................................................. 306

Annexe 4 : Extrait du plan stratégique abordant le processus de déconcentration ........................................... 307

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Introduction Générale

1

INTRODUCTION GÉNÉRALE S’il y a des choses que l’on partage volontiers, il est des acquis que l’on souhaiterait bien garder.

À ce sujet, un des illustres ministres de la République française a tenté la démonstration d’une

assertion éprouvée par l’expérience d’une vie : « le pouvoir ne se partage pas »1.

Actualité et intérêt du sujet

La gestion du personnel, pièce maîtresse de la coordination du travail dans l’organisation,

semble avoir toujours fait partie intégrante du management d’équipe. Elle a toutefois pris des

formes et une importance différentes selon les contextes géographiques et temporels.

Tyson (1987) propose de s’intéresser aux bouleversements économiques, sociaux et politiques

qui ont atteint les entités productives et de pointer leurs conséquences sur les rapports de travail

et sur la fonction ressources humaines (FRH).

Le 18e siècle a tout d’abord été marqué par une industrialisation croissante des économies, qui

s’est accompagnée du développement des entreprises et du recours à une main d’œuvre peu

qualifiée. À partir du début du 20e siècle, l’obsolescence du capital technique, induite par un

manque d’investissement dans les capacités productives, a entrainé une perte d’efficacité dans

la plupart des industries occidentales. Cela s’est traduit par l’augmentation drastique du

chômage et par la modification de la structure du travail entre emplois qualifiés et non qualifiés.

Sur le plan productif, l’intensification de la rivalité concurrentielle souligne l’importance de la

relation établie avec le client. Le positionnement par rapport à la valeur de l’argent évolue, et

ce, même dans le secteur public qui cherche à rééquilibrer ses comptes par l’amélioration de

son efficacité productive. Cette nouvelle manière de voir l’entreprise a participé au

renforcement d’une logique financière de gestion. Cette dernière serait alors caractérisée par

une insécurité professionnelle croissante, des prises de risques disproportionnés et une

flexibilisation accrue de la masse salariale (Tyson, 1987).

En matière de gestion des ressources humaines (GRH), les différentes problématiques

économiques rencontrées par les organisations dans la fin des années 1970 ont justifié une

intensification de la formulation stratégique et un regain d’intérêt pour les politiques du

1Dans un ouvrage paru aux éditions Fayrard en 2009, Edouard Balladur décrit la période délicate où il était Premier ministre de François Mitterrand. Dans ce récit, il montre l’opposition tenace, mais passive, des deux hommes politiques. Celle-ci a marqué leur relation durant tout le mandat présidentiel. Ce rapport de force a poussé E.Balladur à poser cette assertion forte : le pouvoir ne se partage pas.

Page 14: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

2

personnel. Selon Tyson (1987), les changements dans le paysage économique et industriel se

sont accompagnés d’un basculement des modèles de GRH mis en place. On passe d’une logique

de gestion des forces de travail à une logique de développement du capital humain justifiant la

redéfinition des objectifs et des moyens d’action de la GRH. Cette dernière occupe une place

de plus en plus importante dans les fonctions de gestion de l’organisation.

Ces évolutions ont finalement contribué à actionner deux mécanismes institutionnels

simultanés : l’intégration stratégique de la GRH et le partage de la fonction ressources humaines

(Chambrier, 2000 ; Loubes, 1998).

L’intégration stratégique désigne le processus d’association d’un ou plusieurs membres de la

DRH dans les décisions organisationnelles. Il s’agit d’une dynamique de déplacement de la

GRH à un niveau plus stratégique qui est justifié par des principes de rationalisation

économique. La masse salariale et les objectifs de productivité étant devenus de véritables

enjeux de performance, l’intégration de la GRH au sein des activités stratégiques s’est imposée

comme une priorité de l’agenda organisationnel. D’un autre côté, même si les responsables des

ressources humaines souhaitent orienter un peu plus leur fonction vers une finalité de conseil

stratégique, la tâche s’avère difficile, car ils conservent une certaine dépendance fonctionnelle

rendant cette mission illusoire. La position des spécialistes RH a toujours été identifiée comme

ambigüe, ces derniers étant prostrés entre la nécessité de servir loyalement les objectifs

organisationnels et celle de répondre aux attentes managériales (Tyson, 1987).

Le partage de la fonction ressources humaines (PFRH) favorise l’intégration de nouveaux

acteurs, qu’ils soient à l’extérieur de l’organisation ou en son sein. Ce dernier cas,

particulièrement intéressant dans le cadre de ce travail, a trait au redéploiement du champ en

interne et implique les managers dans la GRH de l’organisation. Cette extension de la fonction

concourt initialement à une meilleure connaissance de la gestion locale des effectifs et à une

plus grande anticipation des tendances économiques et sociales. Mais ses finalités basculent

rapidement vers la nécessité de rationaliser les moyens de production (Loubes, 1998).

Le repositionnement progressif de la DRH et l’intégration de nouveaux acteurs au sein de sa

fonction ont permis aux managers de proximité de prendre de plus en plus de responsabilités

dans la GRH. Que ce soit sur le plan académique ou empirique, l’intérêt porté au phénomène

de PFRH se développe à partir des années 2000. Pourtant, Schuler proposait déjà en 1990 de

voir la GRH autrement. Il incitait à la considérer comme une activité de coordination et de

Page 15: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

3

canalisation des attributions des managers par le travail conjoint de ces derniers avec les

spécialistes RH. La collaboration entre les deux parties permettrait, effectivement, de faire

émerger des effets de complémentarité bénéfiques pour l’organisation.

Mais partager la FRH constitue également un enjeu du point de vue managérial. Dans les années

1980, plusieurs rapports voient le jour dans le cadre du mouvement de la décentralisation et

encouragent l’enrichissement des tâches du manager qui devient responsable de son unité et de

ses RH. Ces nouvelles attributions permettraient alors au manager de proximité de renforcer

ses leviers d’action et de devenir l’acteur le plus pertinent pour relever ces nouveaux défis

organisationnels.

Valéau (2013) définit la FRH comme « l’ensemble des activités destinées à fournir à

l’organisation les ressources humaines nécessaires à son développement » (p. 78). Cette

définition propose une approche globale axée sur l’atteinte de l’objectif de développement de

l’organisation. La FRH est alors un outil permettant d’assurer le lien entre l’entité et sa force

de travail. Dans la littérature, la diversité des définitions proposées pour caractériser le PFRH

montre que cette pratique traduit une réalité plurielle. Certaines recherches étudient une forme

de partage fonctionnel à travers la notion de « décentralisation » (Azémar de Fabrègues, 1992

; Chambrier, 2000 ; Loubes, 1998). Celle-ci renvoie au processus par lequel les centres de

commandements sont délocalisés à des agents ou entités situés à une échelle plus locale. Le

phénomène est alors empreint à une tension issue de la volonté de rendre plus rapide la prise de

décisions d’une part, et d’autre part, la crainte des décisionnaires de subir une fuite de pouvoirs.

Hall et Torrington (1998) évoquent une certaine confusion entre le PFRH et la décentralisation.

Ils tiennent alors à souligner que cette dernière recouvre un processus de transfert d’une

fonction centralisée vers des experts situés à des niveaux plus bas dans l’organisation. Le PFRH,

est quant à lui, évoqué comme un processus qui aboutit à l’implication de nouveaux acteurs,

potentiellement novices, et qui sont rattachés à une autre fonction principale. L’importance de

la distinction entre les deux notions est justifiée par les implications et réalités qui en découlent.

Comme ces objets sont proches et sont souvent utilisés de manière interchangeable (Chambrier,

2000), il conviendra dans le corps des développements d’en éclaircir les contours et d’en lever

l’ambiguïté définitionnelle.

Les définitions concernant le PFRH sont rares et les travaux prenant cette pratique comme objet

y font davantage référence de manière implicite. Dans une des recherches incontournables sur

Page 16: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

4

le sujet, Heraty et Morley (1995) définissent le PFRH comme « le degré avec lequel les

pratiques de développement RH impliquent et donnent des responsabilités aux managers de

proximité davantage qu’aux spécialistes » (p. 31). Cette définition propose d’appréhender le

phénomène comme le lieu d’exercice d’un rapport de force. Pour qu’il y ait partage, il faudrait

que la GRH relève davantage de la responsabilité des managers que de celle des spécialistes.

Une définition moins restrictive vise à appréhender le PFRH comme « l’allocation, a des

parties de l’organisation plus localisées, de tâches précédemment à la charge de spécialistes

du personnel » (Hoogendoorn et Brewster, 1992, p. 4). Il s’agirait donc de transférer un certain

nombre de tâches RH aux managers. Dans cette approche, la nécessité de renversement du

rapport de force s’efface. Les définitions proposées du partage en font à la fois une orientation

stratégique et en dictent les implications opérationnelles. Mais il apparait qu’une partie d’entre

elles occulte largement le transfert de pouvoir et réduit le partage à un transfert de tâches à

réaliser. Or, dans le sens commun, « partager » possède à la fois une acception liée à l’inclusion

(partager avec d’autres), et un sens faisant intervenir la répartition et la division d’un ensemble

en sous-ensembles plus petits (céder à d’autres)2. Négliger cette deuxième approche revient à

occulter une réalité non des moindres : la dépossession. Appliquée à l’étude du PFRH, cette

dernière approche a trait à un phénomène d’ampleur. Il s’agit de la perception, par certains

acteurs, de l’amputation de leurs pouvoirs par l’inclusion d’un plus grand nombre (Loubes,

1998) et pourrait aboutir au développement de rapports interindividuels conflictuels

(Chambrier, 2000). C’est pourquoi Loubes (1998) axe son approche du partage sur la délégation

du pouvoir de décision et en fait le levier de mobilisation des managers : « le partage de la

GRH repose essentiellement sur le partage des décisions visant à impliquer les responsables

opérationnels » (p. 67).

Cette approche souligne l’importance particulière de la dimension décisionnelle dans le

phénomène. Elle en fait non seulement partie, mais elle permet surtout d’impliquer les

managers dans le champ de la GRH. La prise en compte de ces deux dimensions (le transfert

de responsabilités et le pouvoir de décision) est d’ailleurs identifiée comme une condition sine

qua non à l’acceptation par les managers de leurs nouvelles responsabilités et à la mise en place

effective des activités RH (Hall et Torrington, 1998).

2 Éléments issus de la recherche « Partager » dans le Petit Larousse illustré 2019 (Edition 2019). Larousse.

Page 17: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

5

Problématique

Depuis les années 1990, une littérature importante a émergé pour expliquer la genèse du PFRH

avec les managers (e.g. Brewster, Larsen et Trompenaars, 1992 ; Colling et Ferner, 1992 ;

Hoogendoorn et Brewster, 1992, 1992). Ces recherches visent à montrer les fondements de

cette nouvelle orientation stratégique de la GRH, proposent des études descriptives

comparatives entre les pays et les secteurs d’activités et tentent de mettre en lumière les facteurs

qui en facilitent ou en freinent la mise en place.

Il en résulte que la GRH implique un plus grand nombre d’acteurs et voit le périmètre de sa

fonction s’élargir et se transformer. Les professionnels RH officiant au sein de l’organisation

et dont le cœur de métier consiste à fournir une expertise en la matière ont longtemps été

considérés comme les uniques protagonistes de la FRH. Mais ils n’officient plus seuls et doivent

accepter et intégrer la mutation de leur fonction. Ils seront désignés dans cette recherche comme

les « spécialistes RH » ou les « experts RH ». Le détachement de ces derniers de certaines

opérations pour les affecter au niveau de la gestion opérationnelle souligne le rôle central des

managers de proximité dans ce nouveau chainage de la GRH. Il participerait, effectivement, à

la transformation des politiques RH en « théories en action » (Thornhill et Saunders, 1998, pp.

462-463). Dans ce cadre, les résistances que pourraient manifester les responsables d’équipe à

l’encontre de l’organisation pourraient aboutir à diluer, si ce n’est à anéantir, les tentatives de

traduction des politiques définies en pratiques réelles. Par sa dimension stratégique et

l’ensemble des implications opérationnelles qu’il peut générer, le PFRH est identifié comme

une caractéristique clé du management stratégique des RH (Tabassum Azmi, 2010).

En tout état de cause, le PFRH s’est imposé comme une orientation ancrée dans les mutations

économiques, mais surtout technologiques du contexte organisationnel. Il va sans dire qu’il

induit une plus grande transversalité dans le travail, nécessitant la mise en place d’outils

permettant la collaboration au sein et entre les équipes. Depuis les années 1990, le PFRH a été

facilité, si ce n’est propulsé, par le développement massif des technologies de l’information et

de la communication (TIC). En retour, ces nouvelles réorganisations du travail, basées sur la

collaboration et l’échange, ont également justifié la conception de systèmes d’information

puissants. Des dispositifs sont alors créés pour faciliter le transfert d’informations au sein de

l’organisation. Dans le champ de la GRH, ces nouvelles interactions sont étudiées à travers la

notion de « e-HRM » pour « electronic human resources management » (Grant et Newell,

2013). Ces vastes réseaux de communication et d’information numériques intègrent dans leur

Page 18: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

6

champ le système d’information ressources humaines (SIRH) qui est défini comme un

« système utilisé pour acquérir, stocker, manipuler, analyser, retraiter et distribuer de

l’information pertinente au sujet des ressources humaines d’une organisation »3 (Tannenbaum,

1990, p. 260).

Participant à la modernisation et à l’optimisation de la GRH, les SIRH sont aussi élaborés dans

une finalité collaborative. Partant de ce constat, Grant et Newell (2013) les définissent comme

des objets permettant « de mettre en place l’automatisation et la délégation de nombreuses

routines administratives traditionnellement assurées par les départements RH » (p. 187). Dans

ce cadre, l’intégration du SIRH dans la gestion du personnel est devenue un moyen de

modernisation et d’optimisation de la GRH. L’usage de ces systèmes par les managers peut

même faire partie des buts de PFRH. Cette approche du SIRH laisse émerger un double objectif

particulièrement intéressant dans le cadre de la présente recherche. D’une part, elle pose les

finalités du système qui sont articulées autour des processus facilitant la manipulation de

l’information. D’autre part, elle met en évidence le véritable rôle d’outil au service du projet de

partage fonctionnel.

Ces constatations ont naturellement mené les chercheurs du champ à s’intéresser aux facteurs

favorisant la réussite des projets liés aux SI. Longtemps focalisée sur les dimensions techniques

de ces outils, la recherche dans ce champ a progressivement évolué depuis le début des années

2000, pour intégrer les dimensions sociale et organisationnelle dans son spectre d’analyse. Ces

préoccupations ont notamment été abordées à travers l’étude de l’usage des SI. Pour DeSanctis

et Poole (1994), par exemple, la mise en place d’un SI consiste à définir les caractéristiques

fonctionnelles ou techniques, mais aussi son « esprit ». L’usage est appréhendé comme la

manière dont une technologie est utilisée. L’introduction de cette notion d’usage des SI permet

d’intégrer des dimensions sociales et humaines absentes jusqu’à lors dans les travaux. Mais ce

basculement s’inscrit dans un changement paradigmatique plus profond. Les recherches se

détachent d’une perspective purement technique pour épouser un courant sociotechnique

propulsé par les travaux d’Orlikowski (1992). Les SI y sont considérés comme des dispositifs

sociotechniques servant de supports à la réalisation des tâches et des processus dans les

organisations. Ils font évoluer et évoluent eux-mêmes avec la sphère sociale. On ne se demande

3 Traduction Personnelle : « In its most basic form HRIS is a system used to acquire, store, manipulate, analyze, retrieve and distribute pertinent information about an organization’s human resources. It is often regarded as a service provided to an organization in the form of information ».

Page 19: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

7

alors plus « comment fonctionnent-ils ? », mais « comment sont-ils utilisés ? ». Ce changement

épistémique se base sur le postulat que les usages des SI sont fondamentalement influencés par

le contexte technologique et social de l’entité.

Ces interactions entre les dimensions techniques et sociales du développement de projets SI ont

largement été discutées dans les travaux épistémiques relatifs aux systèmes d’information. Sur

le plan organisationnel, les questions se cristallisent sur la propension de ces technologies et de

ses applications à structurer l’espace de travail et les relations entre les individus et à créer des

rigidités non prévues. Implémentées dans un contexte de changement stratégique, ces nouvelles

technologies peuvent alors contribuer à renforcer les difficultés d’appropriation des enjeux

directement liés à la production.

D’un point de vue stratégique, les échecs de projets SI sont nombreux alors que les

investissements sont importants. Orlikowski (1992) évoque un paradoxe de la productivité des

TIC pour souligner l’absence ou la faible corrélation positive entre les investissements et les

résultats de performance. Les retours sur investissement attendus en matière de qualité ou de

productivité du travail, de suppression des tâches fastidieuses et répétitives ou même d’accès

plus rapide à l’information sont parfois bien en deçà des espérances. Cela provoquerait alors

déceptions et interrogations des décideurs quant à la pertinence des choix technologiques

effectués.

Parallèlement à cela, certaines observations du PFRH intriguent les chercheurs. Alors que des

auteurs concluent à des effets positifs de l’association des responsables d’équipe, tels que le

renforcement des leviers managériaux (e.g. Currie et Procter, 2001 ; Heraty et Morley, 1995 ;

Ryu et Kim, 2013), une frange importante de la littérature met en évidence des problématiques

dans la mise en place effective d’une fonction partagée (e.g. Cascón-Pereira, Valverde et Ryan,

2006 ; Colling et Ferner, 1992 ; Harris, Doughty et Kirk, 2002). Les résultats mettent en cause

la pertinence des choix stratégiques et organisationnels sur la capacité des managers à assurer

sereinement les responsabilités proposées, ce qui aboutit à des situations de décalages entre les

objectifs initiaux et les configurations finales (Bos-Nehles, Van Riemsdijk et Kees Looise,

2013 ; Dietrich, 2009). Les mutations des rôles des managers proviennent alors de changements

imposés par de nouveaux modèles de management. Ces changements ne sont pas souhaités ni

même négociés avec les acteurs, ce qui participe à remettre en cause le partage effectif de la

FRH (Fenton-O’Creevy, 2001).

Page 20: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

8

Ces problématiques de partage sont encore éminemment d’actualité. En juillet 2019, un rapport

de l’Observatoire de l’Engagement4 pointait le « paradoxe du manager de proximité ». Alors

que le manager semble constituer le maillon essentiel dans la poursuite des nouveaux enjeux

de la GRH, le manque de moyens et d’importance accordés à l’orientation du PFRH tend à en

freiner le développement. La gestion critiquable de la nouvelle posture des responsables

d’équipe par l’organisation laisse émerger des problématiques profondes de tensions de rôle et

altère leur engagement dans l’organisation. Les auteurs du rapport mettent en cause l’incapacité

des organisations à faire du rôle RH des managers une priorité. Il apparait alors que, dans les

faits, la prise en main de leur nouvelle fonction reste limitée, rendant ces nouvelles

organisations figées au stade de la théorie. Les conclusions de ce rapport sont donc un pied de

nez fait au travail de Peretti (2012) qui exhortait dans son bien connu ouvrage « Tous DRH »

l’inévitable et universelle conversion des managers aux métiers de la gestion des ressources

humaines.

Or, l’implémentation effective de cette orientation est considérée comme une condition

nécessaire à l’efficacité de la GRH (Grant et Newell, 2013). Les recherches se sont alors

focalisées sur les facteurs qui déterminent le succès du partage. Ce dernier est étudié dans la

littérature à travers la notion d’implémentation de la FRH par les managers. Trullen, Stirpe,

Bonach et Valverde (2016) le définissent ainsi : « l’implémentation efficace est le

chevauchement idéal entre les pratiques attendues et celles réellement mises en place.

Inversement, une implémentation inefficace a lieu lorsque les pratiques RH sont partiellement

mises en place, introduites d’une manière incohérente avec l’objectif initial, ou ne sont pas du

tout mises en place »5 (p. 451). Dans cette approche, le succès peut s’évaluer à travers l’écart

entre le projet initial de partage et la configuration réellement observée sur le terrain. Les

auteurs ayant traité ce sujet se sont alors questionnés sur les causes de tels décalages dont

certains entravent la réussite du projet. Dans les faits, les mutations dans la fonction managériale

se sont également accompagnées de tensions entre les logiques de GRH et de production. Hall

et Torrington (1998), par exemple, montrent que les spécialistes RH développent une attitude

dissonante. Malgré leur conviction de la contribution du partage du champ à la performance de

4 L’observatoire de l’engagement (2019), Managers de proximité et dynamiques d’engagement : discours et réalité des pratiques, Université Paris Dauphine, http://observatoire-engagement.org/wp-content/uploads/2019/07/Etude-Managers-de-proximit%C3%A9-2019.pdf 5 Traduction personnelle : « An HRP is effectively implemented when there is an ideal overlap between intended and actual practices. Conversely, ineffective implementation occurs when the HRPs are only partially implemented, introduced in ways that are inconsistent with their initial intent, or not implemented at all ».

Page 21: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

9

leur fonction, ils développent des mécanismes de résistance lorsqu’il faut se détacher de

certaines activités opérationnelles. L’attrait pour ces responsabilités ou la peur de dilution de

l’approche RH seraient avancés pour justifier les craintes quant à cette nouvelle forme

d’organisation. Ces facteurs agissent sur la capacité de l’organisation à impliquer les managers

dans le PFRH tant et si bien que les situations résultantes relèvent davantage d’une relation

transactionnelle que d’une réelle délégation des responsabilités (Currie et Procter, 2001). Ainsi,

il apparait de nombreux décalages entre les objectifs stratégiques du PFRH et les choix faits par

l’organisation pour accompagner cette orientation. Ces écarts créent des situations où les

managers ne se sentent pas en mesure cognitive d’atteindre les objectifs, n’en ont pas les

moyens matériels et/ou ne sont pas dans des conditions les incitant à le faire. Par exemple,

certains d’entre eux reprochaient aux spécialistes RH de ne pas être eux-mêmes prêts pour les

changements que cette réorganisation implique (Davis et Luiz, 2005). Ces experts représentent

pourtant l’organisation et sont censés défendre les changements qu’elle porte. Le manque de

connaissance et la déconnexion vis-à-vis des réalités productives, ou encore la mise en place de

barrières à l’autonomie managériale sont évoqués pour illustrer l’incohérence entre les

ambitions posées par le projet de PFRH et les infrastructures en place pour les supporter

(Whittaker et Marchington, 2003). Ces résultats suggèrent alors que des choix organisationnels

peuvent être inadaptés aux finalités poursuivies. Or, le PFRH est un processus qui implique des

changements importants, tant pour les spécialistes RH que pour les managers. En tant

qu’orientation stratégique, il implique des modifications profondes dans l’identité de la FRH,

nécessite un accompagnement des acteurs (Hall et Torrington, 1998) et un déploiement de

moyens suffisants pour soutenir ces changements (Dietrich, 2009).

Des travaux s’intéressant à cette problématique suggèrent que le partage effectif de la FRH

pourrait être affecté par la capacité de l’organisation à assurer le développement des

compétences des managers, à intégrer des incitations motivantes et enfin, à mettre en place des

espaces suffisants pour le faire (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert, De Winne et Sels, 2015 ;

Trullen et al., 2016). De ces constats, se développe un cadre théorique visant à étudier le succès

de mise en place du PFRH. Dans le prolongement de la théorie des attentes de Vroom (1964),

puis du travail fondateur d’Appelbaum (2000), la communauté de l’AMO (Ability, Motivation,

Opportunity) met effectivement en évidence l’impact des choix organisationnels sur le

comportement des collaborateurs dans une situation d’action. Plus précisément, ces travaux

montrent que les décisions de l’organisation affectent le comportement individuel en impactant

Page 22: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

10

les capacités (Ability), la motivation (Motivation) et les opportunités (Opportunity) qu’ont les

managers d’agir. Bien que cette approche théorique soit largement éprouvée dans le champ de

la gestion des organisations, ses applications en GRH et plus particulièrement à l’étude du

PFRH soulèvent encore de vifs questionnements (voir Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert, De

Winne et Sels, 2015 ; Trullen et al., 2016).

Aussi, les réflexions en amont ont mis en évidence l’intérêt académique et pratique pour les

SIRH, et particulièrement en contexte de partage fonctionnel. Le recours croissant aux SIRH

dans les organisations soutient le développement du phénomène de PFRH sur les plans

stratégique et opérationnel. Cependant, de nombreux travaux montrent que la mise en place

d’un SIRH fait également émerger des questionnements liés à la technicité de l’outil, mais aussi

à ses influences organisationnelles plus générales. Lorsqu’elles sont insuffisamment maîtrisées,

les contraintes liées aux SI favorisent une déviation des usages (De Vaujany, 2006) et

potentiellement un échec de collaboration (Oueslati, 2011). De manière paradoxale, certains

travaux montrent que la mise en place de SI aboutit parfois au développement de conflits

verticaux et d’une centralisation accrue des processus organisationnels, alors même que leur

vocation était de décentraliser la structure et de favoriser la collaboration (Besson, 1999).

Comment expliquer alors, qu’au-delà de manquer l’objectif initial, une organisation soit

amenée à produire des résultats contraires à ceux qui étaient attendus ? Des travaux portant sur

la question mettent en évidence le rôle de la cohérence des choix organisationnels dans les

problématiques constatées.

En 1989 puis en 1993, Henderson et Venkatraman réalisent des travaux majeurs visant à établir

un lien entre la cohérence des choix de l’organisation et la performance de cette dernière. Ils

proposent le modèle de l’alignement stratégique pour expliquer l’efficacité des investissements

réalisés en matière de technologies de l’information. Le travail des deux auteurs est guidé par

une question insoluble : « Pourquoi les dépenses en technologies de l’information et de la

communication ne produisent-elles que de faibles résultats, alors même que les investissements

initiaux sont conséquents ? ». L’observation de plusieurs entreprises américaines les mène à

mettre en avant une problématique d’alignement stratégique. Les unités qui montrent le plus de

cohérence dans leurs choix seraient les plus productives. La performance pourrait alors

s’expliquer par un double mécanisme (figure 0-1) :

Page 23: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

11

- Un alignement horizontal des choix stratégiques : entre la stratégie générique (business)

et celle des technologies de l’information (TI) d’une part, et d’autre part, entre les

infrastructures business et celles des TI ;

- Un alignement vertical des choix stratégiques : d’une part entre les choix de stratégie

générique avec les choix d’infrastructures génériques, et d’autre part, entre les choix de

stratégie des TI et leurs infrastructures respectives.

Figure 0-1 : Modèle d’alignement stratégique

Source : Modèle adapté d’Henderson et Venkatraman (1989)

Initialement cantonné à l’analyse du champ des nouvelles technologies, ce cadre théorique sera,

par la suite, utilisé dans des disciplines variées pour étudier les effets de la cohérence des choix

stratégiques. Le manque d’alignement, aussi désigné comme un « désalignement » est alors mis

en cause pour expliquer les échecs de projets organisationnels (Bergeron, Raymond et Rivard,

2004 ; Chan et al., 1997 ; Walsh, Renaud et Kalika, 2013).

Ainsi, de nombreuses recherches tentent de fournir une explication à la manière dont

l’alignement stratégique permet de rendre optimale l’atteinte des objectifs initialement fixés.

Certaines d’entre elles s’intéressent à la manière dont la cohérence entre les infrastructures

organisationnelles et celles propres aux SI permettrait d’accroître les résultats (Avison et al.,

2004 ; Bergeron et al., 2004 ; Chan et al., 1997). Or, le recensement des travaux faits en la

Page 24: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

12

matière ne permet pas d’établir que le modèle d’alignement stratégique a été mobilisé dans le

champ de la GRH ni pour analyser le cas d’un projet SIRH.

En matière de PFRH, les travaux recensés montrent qu’il s’agit d’un corpus relativement récent

avec des contributions essentiellement descriptives. De nombreux travaux recourent à des

études comparatives pour analyser les disparités de partage en Europe (e.g. Brewster et Larsen,

2000 ; Harris, Doughty et Kirk, 2002 ; Larsen et Brewster, 2003) ou pour s’intéresser à

l’incidence de la nature des pratiques RH sur leur propension à être partagées (Bond et Wise,

2003 ; Harris et al., 2002). Des auteurs se sont intéressés à l’effet des choix organisationnels

sur l’attitude et le comportement des acteurs (Fenton-O’Creevy, 1998, 2001 ; Hall et

Torrington, 1998), mais aussi à l’étude du niveau optimal de partage des activités et du pouvoir

de décision (Dany, Guedri et Hatt, 2008). Cependant, il semblerait qu’aucune contribution

académique ne traite de la question du PFRH dans un contexte d’évolution du SIRH. De même,

notre revue de littérature montre que les travaux s’inscrivant dans le corpus de l’alignement

stratégique n’abordent pas la question de la cohérence des choix organisationnels entre les

objectifs du PFRH et la mise en place d’un SIRH.

Par ailleurs, de nombreuses recherches inscrites dans le courant théorique de l’AMO mettent

en évidence le lien entre choix organisationnels et succès de mise en place du PFRH. Ce cadre

théorique est largement mobilisé en matière de GRH, car il permet d’identifier l’impact des

choix organisationnels sur les capacités, la motivation et les opportunités des managers.

Cependant, aucune contribution n’explore la manière dont ces mécanismes opèrent lors de la

mise en place d’un SIRH, ce que nous proposons de faire dans le cadre de cette recherche.

Enfin, dans la littérature sur le PFRH, aucune recherche n’a encore tenté d’articuler les cadres

théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO pour expliquer la mise en place des activités

RH des managers. Or, nous avons montré dans les développements précédents que s’intéresser

à la cohérence des choix, davantage qu’au choix en eux-mêmes, pourrait fournir un matériau

analytique pertinent. Dans la présente recherche, notre principale contribution consiste à

proposer un modèle théorique articulant ces deux approches. L’intérêt de ce travail est d’étudier

la manière dont une organisation peut se trouver dans une situation de désalignement

stratégique et de voir comment ce déséquilibre pourrait impacter la disposition de cette dernière

à fournir aux managers les capacités, motivations et opportunités nécessaires à la mise en place

d’un PFRH.

Page 25: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

13

Question de recherche

Il ressort des apports de la littérature que l’étude des choix organisationnels et de leur

alignement semble constituer un cadre d’analyse pertinent du partage de la FRH. La

problématique globale de ce travail est de comprendre l’incidence des choix

organisationnels, et notamment ceux impliquant les systèmes d’information, sur le succès

de partage de la FRH avec les managers.

La présente étude sera alors guidée par la question de recherche suivante :

- Comment le désalignement stratégique contribue-t-il au faible développement des

capacités, des motivations et des opportunités des managers de mettre en place le

partage de la fonction ressources humaines ?

Cette question principale de recherche peut se décliner en trois questions sous-jacentes :

- Quels facteurs organisationnels peuvent expliquer le développement de freins et de

moteurs de l’alignement stratégique ?

- Quelle est l’incidence des usages des SI dans le partage de la fonction ressources

humaines ?

- Comment l’alignement stratégique contribue-t-il au développement des usages des SI

attendus ?

Notre recherche vise alors un double objectif. Sur le plan théorique, elle propose deux

contributions. La première consiste à enrichir la littérature, encore sommaire, de l’alignement

stratégique dans le champ de la GRH. Elle permet ainsi d’étudier comment l’alignement

stratégique explique la performance, entendue ici comme le partage effectif de la FRH. La

seconde revient à combiner de manière inédite les deux approches conceptuelles que sont

l’alignement stratégique et l’AMO pour fournir un modèle unique englobant les deux grilles

d’analyse. Afin de clarifier cet élément, la contribution principale de la recherche est

schématisée dans la figure 0-2 suivante.

Page 26: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

14

Figure 0-2 : Contribution principale de la recherche

Source : auteur de la thèse

Sur le plan pratique, nous cherchons à montrer la manière dont la fixation des choix

organisationnels peut aboutir à des situations de désalignement entre les objectifs stratégiques

de l’organisation et les processus mis en place. De plus, cette recherche tend à souligner

l’impact des désalignements stratégiques sur la capacité, le désir et la possibilité des managers

à partager la FRH avec les spécialistes. Enfin, elle vise à fournir une réflexion sur les dispositifs

permettant l’opérationnalisation d’outils d’alignement stratégique.

Méthodologie de recherche

Pour mener à bien cette démarche, la méthode par étude de cas a été retenue. Ce choix est

justifié par le caractère exploratoire conféré par la question de recherche. L’étude de cas est une

méthode d’investigation permettant l’explication d’un phénomène par la richesse

informationnelle et par le processus de contextualisation consécutif. Elle facilitera donc

l’obtention du matériau nécessaire pour aborder les questionnements proposés. L’objectif fixé

dans la présente thèse consiste à décrire et analyser les modalités et les facteurs de succès

d’implémentation d’une orientation stratégique. Il apparait alors que seule une démarche

qualitative pourrait servir ce projet.

Le choix d’un cas unique s’est avéré également pertinent du fait de la spécificité de la question

de recherche et de l’intérêt particulier du cas. Le groupe ABC est né, en 2009, de la fusion de

deux entités : une entité A spécialisée dans l’accompagnement à l’emploi et gérant des salariés

Page 27: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

15

de droit privé ; une entité B officiant dans le traitement et l’attribution d’indemnisations à ses

bénéficiaires. Cette fusion est particulièrement intéressante par les nombreuses implications

qu’elle comporte. Des salariés de statuts, de métiers et de cultures différents et dont les

infrastructures et les orientations stratégiques imposées par la nouvelle organisation peuvent

être perçues comme sensiblement particulières. Ces spécificités qui ont imprégné le contexte

organisationnel ont constitué autant de contraintes qui se sont imposées à ABC dans la mise en

place de leur nouveau SIRH et de leur FRH partagée. Afin de mettre en évidence la nature des

choix organisationnels stratégiques et opérationnels et l’incidence de la cohérence entre ces

derniers sur la position des managers, les données ont été collectées selon trois procédés. Une

période d’immersion de 6 mois durant l’année 2015 a permis d’observer directement le contexte

réel du personnel en situation de travail. Elle a également facilité la mise en place d’entretiens

avec les managers et les spécialistes RH. Sur la base d’un guide d’entretien, les répondants se

sont exprimés sur des thèmes ouverts en lien avec la question de recherche. L’accès facilité à

un terrain riche en informations nous a permis de rencontrer 55 répondants composés de 43

managers et de 12 spécialistes RH. Les managers sollicités dans cette recherche ont été

sélectionnés sur la base du critère d’encadrement d’équipe. Cette population intègre donc des

managers de proximité, des managers intermédiaires (responsables d’agence) et des managers

supérieurs (directeurs de territoires). La diversité des répondants (géographique, fonctionnelle,

hiérarchique) a facilité l’obtention d’une information diverse et la mise en évidence de résultats

à la fois complémentaires et divergents. Cela constitue une richesse qui a permis de stimuler la

qualité de l’analyse. Enfin, la collecte d’une documentation riche auprès des membres de

l’organisation nous a permis la constitution de données secondaires en complément de

l’information obtenue par l’intermédiaire des entretiens et des observations. Afin de garantir

l’anonymat du cas, les annexes ne comportent que peu de documents relatifs à l’organisation

étudiée.

Notre protocole de recherche, incluant les phases d’élaboration théorique, de collecte et

d’analyse des données, a été établi dans le cadre d’une méthodologie abductive. Ainsi, la

recherche se fonde sur des phases itératives d’exploration de la littérature et d’analyse des

résultats empiriques. L’étude des données a été réalisée en recourant au logiciel de traitement

NVivo 12. Une analyse heuristique par unités de sens a permis, dans un premier temps,

d’identifier les thèmes issus d’un codage ouvert. Par la suite, une analyse thématique a permis

d’identifier les désalignements organisationnels et leurs impacts sur les différentes dimensions

Page 28: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

16

de l’AMO. La combinaison des deux niveaux d’analyse a mis en exergue les facteurs expliquant

les désalignements observés et leur influence sur le PFRH via les différentes dimensions de

l’AMO.

Plusieurs implications découlent de ce travail. Sur le plan théorique, il aboutit à la production

d’un modèle conceptuel ancré dans les théories de l’alignement stratégique (Henderson et

Venkatraman, 1989a) et de l’AMO (Appelbaum et al., 2000 ; Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert

et al., 2015). Ce cadre conceptuel assoit l’intérêt de l’étude de la cohérence des choix et de leurs

impacts sur les capacités, la motivation et les opportunités de mise en place d’une orientation

stratégique. De plus, en étudiant le PFRH à travers l’usage des SI, ce travail mobilise deux

littératures très peu abordées conjointement. Sur un plan managérial, cette recherche aborde la

question de la reconfiguration des processus organisationnels (reingineering) et souligne son

importance dans une perspective d’alignement des champs décisionnels. Cette activité constitue

effectivement une ressource supplémentaire dans la mise en cohérence des infrastructures, et

notamment dans un contexte de résistance des acteurs au changement. Enfin, cette recherche

propose un outil de pilotage global basé sur l’alignement stratégique et suggère d’intégrer la

cohérence des choix dans les tableaux de bord de suivi des projets organisationnels.

Afin d’aborder le sujet et les questionnements formulés, ce travail sera structuré selon le plan

suivant (voir tableau 0-1). Dans une première partie consacrée à l’état de l’art, nous proposons

d’étudier la littérature du PFRH et nous évoquerons, particulièrement, les travaux mobilisant

l’AMO dans l’étude du succès de mise en place (Chapitre 1). Par la suite, la notion de cohérence

des choix organisationnels sera abordée par le recensement des travaux mobilisant l’alignement

stratégique (Chapitre 2). La deuxième partie du présent document sera axée sur la dimension

empirique de notre travail de recherche. Elle sera l’occasion de présenter les fondements de

l’étude de cas et de présenter le groupe ABC (Chapitre 3). Enfin, ce travail débouchera sur une

discussion des résultats obtenus et la proposition d’un modèle de recherche (Chapitre 4).

Page 29: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Introduction Générale

17

Tableau 0-1 : Plan schématique de la thèse

Première partie : Revue de littérature

Fondements et apports théoriques dans le champ d’étude du partage de la FRH

Chapitre 1

Le partage de la FRH : une explication de

la mise en place par la théorie de l’AMO

Chapitre 2

Le partage de la FRH : effet de l’alignement

stratégique des choix organisationnels sur

l’AMO

Deuxième partie : Cadre méthodologique et épistémologique de la recherche

Présentation du cas et discussion des résultats de la recherche

Chapitre 3

Le cadre opératoire : l’étude de cas unique

en recherche qualitative

Chapitre 4

Mode opératoire de l’alignement stratégique

dans le partage de la FRH

Page 30: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

18

Première partie

ÉTUDE DES DÉTERMINANTS DU PARTAGE DE LA

FONCTION RESSOURCES HUMAINES :

UNE EXPLICATION DU SUCCÈS PAR LA THÉORIE DE

L’ALIGNEMENT STRATÉGIQUE ET LA THÉORIE DES

CAPACITÉS, MOTIVATION ET OPPORTUNITÉS

Page 31: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

19

Le partage de la fonction ressources humaines : une explication

du succès par la théorie de l’AMO

Section 1 - Partage de la fonction ressources humaines : définitions,

typologies et mesures

Le partage de la FRH est un champ de la littérature de la GRH qui a émergé avec la mutation

des formes organisationnelles. L’industrialisation et l’impératif de rationalisation des

ressources ont abouti à considérer l’individu comme un actif source de valeur ajoutée. Ce

dernier est appréhendé comme une véritable ressource humaine à la fois dans le champ

académique et dans la sphère de l’organisation. Deux phénomènes se sont alors opérés de

manière simultanée (Chambrier, 2000) : d’une part, la récupération par la DRH de certaines

activités en lien avec le renforcement d’un rôle plus stratégique ; et d’autre part, la

décentralisation structurelle par la relocalisation des pouvoirs dans les établissements. Ce

dernier processus, particulièrement, s’est accompagné de la décentralisation des responsabilités

RH avec des personnes extérieures au service. Elle s’est traduite par l’implication croissante et

progressive des managers de proximité dans la GRH. La littérature aborde le PFRH comme une

orientation stratégique reposant sur un double objectif : la participation des managers dans les

activités RH et leur association dans les décisions RH. L’implication des managers dans le

périmètre de la FRH a suscité une modification substantielle de leurs rôles, mais également de

ceux des spécialistes RH dont le repositionnement a été identifié comme un facteur clé de

succès du projet.

Ce partage fonctionnel est particulièrement favorisé par la mise en place des SIRH dont l’usage

à des fins transformationnelles participe à modifier l’organisation du travail. Ce chapitre sera

donc l’occasion de mettre en évidence les déterminants du PFRH, d’aborder le rôle particulier

des SIRH dans le phénomène, et enfin de montrer comment le succès de partage de la FRH a

été abordé dans la littérature.

Page 32: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

20

Le partage de la fonction ressources humaines : deux approches

complémentaires

11. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation en lien

avec des traditions de gestion

La FRH peut être appréhendée comme « l’ensemble des activités destinées à fournir à

l’organisation des ressources humaines nécessaires à son développement » (Valéau, 2013,

p. 78) et est étudiée dans la littérature anglo-saxonne à travers les notions de « personnel

function » et « HR function » (Currie et Procter, 2001, p. 53). Legge (1999) identifie quatre

approches pour définir la FRH : une approche normative, une approche fonctionnelle

descriptive, une approche évaluative et une approche comportementaliste.

- La conception normative est axée sur ce que la fonction devrait être. Elle consiste à

définir les ressources et les moyens qui permettent à l’organisation d’atteindre ses buts

principaux ;

- L’approche fonctionnelle porte sur des dimensions de régulation des relations de travail.

Elle met en évidence le rôle prédominant des activités de contrôle et de négociation pour

pallier les conflits d’intérêts entre employeurs et employés ;

- L’approche évaluative critique pose le postulat de l’exploitation des employés par

l’employeur et envisage la FRH comme l’ensemble des activités qui permettent à

l’organisation de s’assurer que le personnel poursuit les objectifs ;

- L’approche « comportementale » est basée sur l’étude des comportements des

spécialistes et sur leurs effets sur l’attitude du personnel.

Ces différentes approches résumées dans le tableau 1-1 fondent des paradigmes tantôt distincts

tantôt entremêlés et influenceraient la manière dont les organisations appréhendent les rapports

en leur sein et par voie de conséquence, la manière dont les politiques et les pratiques RH

seraient définies. De même, ces approches donnent des acceptions différentes de la FRH et

impactent la manière dont elle sera étudiée dans les travaux académiques (Legge, 1999).

Page 33: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

21

Tableau 1-1 : Synthèse des approches de la fonction ressources humaines

Approches de la

fonction RH

Normative Fonctionnelle Évaluative

critique

Évaluative du

comportement

Principaux

processus

organisationnels

Définition des

ressources et

objectifs

Régulation des

relations

Contrôle des

objectifs

Maîtrise des

comportements

Source : synthèse des travaux de Legge (1999)

D’une manière plus globale, la FRH concerne un ensemble de processus permettant

« l’utilisation optimale de ressources humaines dans la poursuite des objectifs de

l’organisation » (Legge, 1995, p. 3). Ces approches mettent en évidence la centralité des

ressources comme canal de l’efficacité de la GRH et de l’organisation. La FRH a également été

étudiée comme un ensemble de pratiques permettant de répondre aux objectifs de l’activité

globale de la GRH dont les principales sont le recrutement, les relations interpersonnelles, la

gestion administrative et de la rémunération, la gestion de la rétribution et de la performance,

la formation et le développement et la gestion des talents (Davis et Luiz, 2015). Ces pratiques

peuvent être regroupées en cycles tels que la sélection, la performance, l’évaluation, la

rétribution et le développement (Storey, 1992).

Cette FRH a longtemps été développée et déployée par les spécialistes RH, acteurs évoluant

exclusivement au sein d’un service RH physiquement intégré à l’organisation. Mais tout comme

le contenu de ses pratiques, la manière dont la FRH opère au sein de l’entité productive a connu

des mutations et particulièrement par l’inclusion d’acteurs non spécialisés dans son périmètre.

L’évolution de l’environnement concurrentiel des organisations a mené ces dernières à

considérer leurs RH comme une variable d’ajustement financière à travers la gestion de la masse

salariale, mais aussi comme un actif dont le développement permettrait d’être plus efficace sur

la scène de marché. Dans ce contexte, les rôles des experts RH seraient amenés à évoluer

conformément à l’analyse de Storey (1992). L’extension de la FRH aux différents niveaux de

management de l’organisation, et plus particulièrement aux responsables d’équipe, apparait

alors comme une orientation stratégique incontournable. La FRH contribue alors à la

coordination et à la canalisation des activités des managers par le travail conjoint entre ces

derniers et les experts RH. La collaboration entre les deux parties permettrait de faire émerger

Page 34: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

22

des effets de complémentarité. Le PFRH constitue en ce point une priorité inscrite dans l’agenda

des organisations (Schuler, 1990).

Historiquement, la littérature sur le PFRH connait ses premières contributions dans le début des

années 1990 avec des analyses descriptives sur les spécificités géographiques en Europe et

Amérique du Nord (e.g. Brewster et Larsen, 2000 ; Hoogendoorn et Brewster, 1992 ; Larsen et

Brewster, 2003) et l’étude des modalités de partage sur la performance de l’organisation (e.g.

Cascón-Pereira et al., 2006 ; Cunningham et Hyman, 1995, 1999 ; Hall et Torrington, 1998 ;

Valverde et al., 2006). Par la suite, et surtout dans le début les années 2000, les travaux se sont

davantage focalisés sur l’impact des choix organisationnels en matière de partage sur la

performance et les variables attitudinales des managers et experts RH (e.g. Alves, 2009 ; Hunter

et Renwick, 2009 ; Perry et Kulik, 2008 ; Whittaker et Marchington, 2003). La diversité des

pratiques observées dans les différentes entités ne permet que difficilement aux chercheurs de

trouver un consensus sur ce que représente concrètement le PFRH. Les travaux font état d’un

clivage entre ceux qui la considèrent comme un processus nécessitant un transfert de

responsabilités et ceux qui se focalisent sur le transfert de pouvoirs de décision vers les

responsables d’équipe.

12. Une approche axée sur la participation aux activités de gestion des

ressources humaines

Dans la littérature anglo-saxonne, les travaux reprennent le concept de partage de la fonction

en s’intéressant à la manière dont les managers sont associés à différentes activités RH. Le

partage y est étudié sous les termes de « devolution », ou « devolvement » (Cascón-Pereira et

al., 2006 ; Cunningham et Hyman, 1999 ; Davis et Luiz, 2015 ; Hall et Torrington, 1998 ; Harris

et al., 2002 ; Heraty et Morley, 1995 ; Hoogendoorn et Brewster, 1992 ; Perry et Kulik, 2008 ;

Whittaker et Marchington, 2003) qui peuvent être traduits par « décentralisation » et

« délégation »6, de « distribution of HRM responsibilities » (Valverde et al., 2006), ou bien

encore « involvement in HRM » (Hunter et Renwick, 2009 ; Renwick, 2003). Dans la littérature

francophone, les rares travaux qui s’intéressent au phénomène l’étudient uniquement à travers

la notion de « partage de la FRH » (Alves, 2009 ; Dany et Hatt, 2009 ; Dietrich, 2009 ; Loubes,

1998).

6 Traductions issues de Collins dictionary, 2019.

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

23

Cette approche basée sur le transfert de responsabilités ou de tâches vers les managers de

proximité a été proposée par Valverde et al. (2006) à travers la terminologie de « devolution »,

« spreading » ou encore « distribution » comme des équivalents au concept de fonction

partagée (shared function). Ils étudient à travers ces notions les modalités de partage des

responsabilités avec les managers. Dans cette lignée, Hoogendorn et Brewster (1992) la

définissent comme la « redistribution ou le transfert de tâches ou activités personnelles

traditionnellement assurées par les spécialistes aux managers intermédiaires»7 (p. 4). Ce point

de vue axé sur la redistribution des responsabilités a été adopté dans d’autres travaux (e.g.

Brewster et al., 1992 ; Hall et Torrington, 1998) et envisage le partage comme la redistribution

de tâches et activités. Elle suppose la mise en place d’une réflexion sur la répartition actuelle

des tâches RH et une redéfinition des rôles et des responsabilités dans une configuration prenant

en compte l’ensemble des acteurs.

Dans une autre perspective, Heraty et Morley (1995) envisagent le PFRH comme « le degré

avec lequel les pratiques de développement RH impliquent et donnent des responsabilités aux

managers de proximité davantage qu’aux spécialistes » (p. 31)8. Ici, les auteurs soulignent que

les traductions courantes du terme « devolution » renvoient aux processus de décentralisation

et de délégation. La proximité de ces deux notions et les potentielles confusions qu’elles

peuvent générer dans l’étude du PFRH ont amené Hoogendoorn et Brewster (1992) à préciser

que la décentralisation implique la réallocation de tâches d’une entité centrale à des entités

locales de l’organisation alors que le partage de fonction consiste en une réallocation des tâches

des experts vers des non-experts. Par conséquent, le terme « dévolution » peut être accepté et

traduit comme délégation et intégré comme une manifestation du partage. La définition de

Heraty et Morley (1995) comporte deux éléments qu’il convient de noter. Premièrement, elle

s’intéresse à la mesurabilité du PFRH en en proposant l’étude à travers la notion de « degré ».

Cette acception écarte alors une conception binaire du phénomène consistant à envisager que

la FRH peut être partagée ou ne pas l’être. Elle propose donc une approche restrictive,

potentiellement inadaptée à la réalité du phénomène. Ensuite, cette définition recourt au verbe

« impliquer » qui peut comporter en sciences de gestion des aspects cognitifs et émotionnels.

Dans leurs travaux, Heraty et Morley (1995) précisent toutefois qu’ils acceptent l’implication

7 Traduction personnelle : « The redistribution or transfer of personnel tasks or activities traditionally carried out by human resources specialists to middle managers ». 8 Traduction personnelle : « Devolvement refers to the degree to which HRD practice involves and gives responsibility to line managers rather than specialists ».

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

24

uniquement comme la manière d’associer les managers par la communication et la consultation.

Ils ne s’intéressent donc pas aux différentes dimensions du concept (normative, affective ou

calculée) de l’attachement de l’individu à son organisation.

13. Une approche basée sur la participation au pouvoir de décision

Une partie des travaux portant sur le PFRH considère que cette pratique comporte une

dimension décisionnelle. Dans cette optique, une nouvelle clarification a été faite pour fixer les

frontières avec la décentralisation. Dans ses travaux, Chambrier (2000) étudie la

décentralisation comme un processus de transfert des responsabilités vers l’encadrement

opérationnel. Ce processus a lui-même deux dimensions :

- une décentralisation structurelle consistant au transfert des unités de décisions RH du

pouvoir central à des centres de décisions intégrés dans la DRH, mais situés en

périphérie. Elle permettrait de neutraliser les rigidités dans la prise de décisions ;

- une décentralisation managériale qui consiste à partager les responsabilités et les

décisions avec des acteurs externes à la DRH. Dans ce processus, les managers

recevraient une délégation de services fonctionnels ainsi que des pouvoirs de décision.

La perspective offerte par Chambrier (2000) dans cette dernière approche comporte l’intérêt

d’intégrer les activités et les pouvoirs décisionnels comme deux pendants de la décentralisation.

La proposition faite par l’auteur montre une nuance importante. Alors que la décentralisation

est axée sur le transfert de missions et de décisions d’une unité centrale vers une unité

périphérique, le partage de la fonction est un processus s’établissant entre les experts et les non-

experts. Hoogendoorn et Brewster (1992) précisent clairement ce point : « By decentralization

we mean the allocation out to more local parts of the organization of tasks formerly undertaken

centrally. By devolution we mean the allocation of tasks formerly undertaken by the personnel

specialists to line managers. These are separate, though related, forms of organizational

change » (p. 4). Cette précision met en évidence l’opposition entre la décentralisation axée sur

le transfert d’une unité à une autre et la délégation dont le partage se fait entre acteurs de

différentes fonctions.

Pour Loubes (1998), la délégation du pouvoir de décision est identifiée comme critère de

réussite de l’implication des managers dans la GRH. Sur cette base, elle identifie deux modèles

différenciés de GRH :

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

25

- une configuration où les décisions sont prises par le DRH dans le cadre d’un comité de

direction avec une participation des managers ;

- une configuration où les décisions sont essentiellement prises par les managers de

proximité, c’est-à-dire seuls ou presque seuls.

Dans cette approche qui pourrait être qualifiée de binaire, le degré de participation des managers

dans les décisions n’est pas proposé comme un continuum. Dans le premier modèle, le niveau

de participation des managers est très faible, voire inexistant, alors que dans le second modèle

les managers agissent seuls. Il semble toutefois peu plausible que les organisations s’appuient

sur l’un ou l’autre des modèles de manière exclusive. D’ailleurs, Loubes (1998) affirme que ces

deux modèles sont étroitement imbriqués et solubles. Les structures pourraient emprunter aux

deux configurations laissant émerger des niveaux d’implication des managers plus ou moins

importants selon la nature des décisions. Toutefois, ses travaux mettent en évidence le rôle

central de l’association des managers à la prise de décisions dans leur satisfaction à l’égard du

PFRH. Plus les managers perçoivent une autonomie dans la prise de décisions et plus le partage

de la GRH serait effectif. Cette approche pose la dimension décisionnelle comme la pierre

angulaire de la mise en place effective du PFRH.

L’importance de l’association des managers dans la prise de décisions a également été soulignée

dans un travail de Dany et al. (2008) mené auprès de 3442 entreprises. L’étude porte sur la

capacité des acteurs à prendre des décisions à travers le concept d’« influence ». L’étude de la

distribution des influences montre alors comment l’association des managers dans les décisions

impacte le lien entre intégration stratégique de la GRH et la performance de l’organisation en

contexte de PFRH. L’analyse de quatre configurations distinctes met en évidence des impacts

significativement différents sur les liens causaux. Il apparait alors que l’intégration de l’avis

des managers dans les décisions prises par les experts RH permettrait de créer des conditions

plus favorables à l’efficacité de la GRH. L’implication des managers doit alors intervenir à

différentes étapes de la GRH, de la formulation stratégique au déploiement des pratiques. De

manière inattendue, les résultats de cette recherche montrent que l’attribution démesurée de

pouvoirs décisionnels aux managers serait contreproductive et que la recherche d’un équilibre

serait nécessaire pour permettre au potentiel de la GRH de se libérer.

En résumé, ces approches du PFRH laissent apparaitre deux dimensions fondamentales : la

participation des managers dans les activités RH et leur association dans la prise de décisions.

Alors que certaines approches tendent à négliger l’importance de l’association dans la prise de

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

26

décisions, d’autres soulignent sa centralité dans l’efficacité de la GRH. La prise en compte de

ces deux dimensions est d’ailleurs identifiée comme une condition nécessaire à l’acceptation

par les managers de leurs nouvelles responsabilités et la mise en place effective des activités

RH (Hall et Torrington, 1998). Dans leur définition, Hoogendoorn et Brewster

(1992) conçoivent le PFRH comme « le processus de redistribution ou le transfert de tâches

ou activités personnelles traditionnellement assurées par les spécialistes aux managers de

proximité »9 (p. 4). Reprise dans de nombreux travaux s’intéressant au phénomène de PFRH,

cette définition semble revêtir un caractère prégnant pour décrire une partie du phénomène. Or,

une autre frange de la littérature souligne l’importance de l’association des managers dans la

prise de décisions. Pour ces raisons, une définition synthétique reprenant ces deux dimensions

est proposée dans le cadre de cette recherche. Le PFRH sera donc appréhendé comme : « Le

degré de redistribution, vers les managers opérationnels, d’influences, de tâches, et

d’activités de gestion des ressources humaines initialement à la charge des spécialistes RH ».

Cette définition met en perspective les deux dimensions du phénomène. Les influences sont

alors considérées comme la capacité réelle des managers d’interférer dans les processus de

décision des champs de GRH (Dany et al., 2008). Cette définition propose également une

possibilité de mesure du processus par la notion de « degré » et met en évidence l’importance

des acteurs dans le phénomène.

Les le rôle des acteurs de la gestion des ressources humaines

Les mutations du paysage économique se sont accompagnées de la nécessité pour les

organisations de développer des formes de travail basées sur la collaboration et la transversalité.

Ceci a encouragé de profonds changements dans la structure et les rôles, tant du côté des

spécialistes RH que de celui des managers. Il convient alors d’étudier les interactions entre la

mise en place du PFRH et les rôles de ces acteurs.

21. Le manager de proximité : définition et réalités

Dietrich (2009) précise que le terme de « manager » peut être considéré comme un artefact

représentant des réalités nombreuses et différentes. Il peut renvoyer à la fonction de gestion

d’une tâche ou d’un processus (e.g. le manager financier ou RH), à un statut hiérarchique

9 Traduction personnelle : « The redistribution or transfer of personnel tasks or activities traditionally carried out

by human resources specialists to middle managers ».

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

27

identifié dans une classification particulière, ou à une fonction d’encadrement de personnes

dans l’organisation.

Dans un premier temps, il convient d’opérer une distinction entre la fonction de manager et le

statut de cadre. Alors que dans certaines organisations, le niveau hiérarchique de cadre est

associé à la fonction de manager, il n’y a pas de correspondance absolue entre les deux notions

et notamment dans le cas des organisations de droit public. Les agents de maîtrise ouvrière, par

exemple, disposent d’un niveau hiérarchique de cadre sans avoir de fonction d’encadrement

(Codo et Soparnot, 2012).

Un moyen proposé pour définir le « manager » consiste à se focaliser sur les objectifs

poursuivis. Il peut être défini comme « l’acteur qui a pour premier but d’atteindre les objectifs

de production, d’opération et de manufacture définis par l’organisation » (Heraty et Morley,

1995, pp. 32-33). Cette approche met au premier plan de la fonction la proximité avec les

opérations productives comme un trait fondamental. Dans une autre approche, le manager est

défini en fonction de sa place dans les échanges entre l’organisation et les collaborateurs.

Intégré dans une ligne hiérarchique, il est un relais de l’organisation chargé de diffuser les

directives, valeurs et investissements d’une autorité et de faire adhérer les collaborateurs sous

sa responsabilité pour atteindre les résultats recherchés (Dietrich, 2009). Cette proposition de

définition s’appuie essentiellement sur le caractère vertical et la dimension hiérarchique de

l’organisation. La réduction des niveaux hiérarchiques et le développement des formes

d’organisation en réseau participent à la mutation du métier de manager en faveur d’échanges

horizontaux et d’interactions croissantes avec les fonctions supports. Dans le cadre de ces

évolutions, il a été montré que la nature et la qualité des interactions fluctuent selon la position

hiérarchique du manager. Ainsi, des recherches soulignent que les managers de proximité,

intermédiaires ou stratégiques, ont des sensibilités différentes concernant le PFRH. Leur place

stratégique pourrait influencer leur niveau d’information et d’implication dans les orientations

de l’organisation et particulièrement celle du PFRH (Heraty et Morley, 1995 ; Renwick, 2003).

Currie et Procter (2001) précisent ces spécificités. Le manager de proximité ou opérationnel,

« front line manager » ou « supervisor », est caractérisé par sa proximité avec les

collaborateurs. Les managers intermédiaires, « middle managers » sont également considérés

comme des responsables de premier niveau avec une faible intégration stratégique. Ils ont la

responsabilité du management général dans l’organisation sans pour autant être spécialisés dans

un domaine particulier. Les managers stratégiques, « top manager », ont une connaissance et

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

28

une intervention stratégiques supérieures et sont souvent représentés à des postes de direction

d’unités et de commandement. Même s’il subsiste des divergences concernant la définition des

différents niveaux, il apparait que le niveau stratégique intervient comme un élément impactant

les relations avec les autres fonctions de l’organisation.

Le manager est un acteur central dont l’appui est utilisé par les organisations pour conduire le

changement. Il apparait que ces derniers sont parfois objets et sujets du changement, ce qui rend

plus difficile l’appropriation des enjeux qu’ils portent (Tabassum Azmi, 2010). De plus, les

managers ont tendance à évoluer dans des environnements caractérisés par des ressources et

des compétences limitées. Cette situation se caractérise par l’augmentation de tâches à réaliser,

des contrôles permanents des résultats, des changements stratégiques fréquents, une gestion

dans l’urgence et une diminution du rapport d’autorité (Hales, 2005). Dans le cadre de ces

évolutions et de la transformation de leur fonction, la proposition du PFRH est apparue au

manager comme le moyen de récupérer du contrôle sur le métier et de renforcer la relation avec

leurs collaborateurs (Currie et Procter, 2001).

Dans sa recherche, Piney (2015) met en évidence l’impact des évolutions dans le paysage

économique et industriel sur les rôles et la fonction des managers. Ces dernières auraient placé

ces protagonistes au centre du processus de recherche de performance de l’organisation et des

questionnements des collaborateurs sur les réorganisations successives. Dans cet

environnement, il apparait que les managers proches de la base de commandement sont

davantage à même d’aligner leurs comportements avec les objectifs fixés. Cet alignement des

comportements est le résultat d’un processus d’adhésion qui peut découler d’un choix délibéré

ou de la conséquence d’un contrat implicite émergeant des interactions entre le responsable

d’équipe et sa direction. La position des managers interviendrait sur leur manière de percevoir

la réalité vécue dans l’organisation et particulièrement sur la nécessité de répondre à des attentes

contradictoires (Dietrich, 2009). Les contextes de confusion dans lesquels ils évoluent les

amènent à adapter leurs comportements en fonction de leurs interprétations et à établir des

compromis dans lesquels ils doivent se repositionner constamment. D’une part, la proximité du

manager avec son terrain renforce sa position en le dotant d’informations et de relations

professionnelles de meilleure qualité, et d’autre part, elle le met dans la situation critique de

maillon absorbant les tensions de la chaine de commandement. Par ailleurs, la volonté de

mobiliser les équipes peut causer la méfiance de la part de sa hiérarchie. Ces pressions qui

s’exercent sur la position managériale se sont renforcées avec l’inclusion de responsabilités RH

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

29

dans leur activité et mèneraient les responsables d’équipe à avoir l’impression qu’ils sont « pris

en sandwich » (McConville et Holden, 1999).

Quoi qu’il en soit, il en ressort que les managers ne forment pas un corps homogène. Considérer

le contraire serait une imprécision tant les trajectoires professionnelles et les réalités

professionnelles vécues peuvent être différentes (Tabassum Azmi, 2010). Pourtant, un point de

vue proposé par Piney (2015) consiste à les considérer comme un tout, puisant leur homogénéité

dans la réalité organisationnelle vécue. Ils constituent, à ce titre, un groupe social composé

d’individus ayant pour fonction principale la production et l’encadrement et devant faire face à

des problématiques communes liées à leur intermédiation. Dans ces situations, ils sont

confrontés à la nécessité de réaliser des arbitrages entre leurs rôles techniques et managériaux.

Pour ces raisons, les managers expriment la sensation d’être pris « entre le marteau et

l’enclume » et peuvent être considérés comme un seul objet d’étude indépendamment de leur

niveau stratégique (p. 59).

Dans la littérature relative au PFRH, il apparait que les managers de proximité constituent le

principal objet de recherche. Leur fonction de supervision fait qu’ils sont particulièrement

concernés par la délégation de pratiques RH (Ryu et Kim, 2013). Par ailleurs, leur intégration

stratégique relativement faible constitue une caractéristique intéressante dans l’étude du

phénomène d’acceptation de cette nouvelle orientation (Perry et Kulik, 2008). Il ressort de ces

travaux que le manager est un acteur dont les mutations environnementales ont amené à

développer de nouveaux rôles. Son niveau stratégique pourrait expliquer sa propension à

comprendre et accepter les nouvelles orientations organisationnelles. Pour ces raisons, le

manager de proximité constituera le principal objet de notre étude.

22. Les rôles des spécialistes ressources humaines : des essais de classification

221. Une typologie de rôles basée sur les traditions managériales

Les finalités et le champ du département RH ont connu des changements importants qui ne sont

pas restés sans conséquence sur les rôles des experts. La FRH est passée d’un modèle basé sur

des opérations administratives à une véritable gestion des individus, considérés comme des

ressources à part entière de l’organisation (Tyson et Fell, 1986). Ces repositionnements ont

introduit de nouveaux rôles que Tyson et Fell (1986), Storey (1992) et Ulrich (1998) proposent

d’analyser à travers différentes typologies. Basée sur les rôles des RRH uniquement, la

détermination de ces classifications permet de comprendre et appréhender l’évolution du

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

30

périmètre d’action des praticiens et donne des éléments de compréhension sur le partage

progressif de la FRH avec les managers.

La classification de Tyson et Fell (1986) propose une analyse axée sur les modèles de

management. Leur réflexion est inscrite dans un contexte de crise de la FRH au Royaume-Uni

et repose sur le postulat d’un ébrèchement de la confiance accordée par les salariés à la DRH.

Les auteurs identifient des mouvements dans les rôles et influences d’une FRH basée sur le

contrôle à une fonction visant le développement du personnel. Dans un premier temps, ils

identifient quatre traditions managériales dans lesquelles vont ensuite prendre racine les

modèles de management des responsables RH :

- une tradition sociale prenant source dans l’amélioration des relations industrielles et

visant à concilier les intérêts organisationnels avec ceux des individus (welfare

tradition) ;

- une tradition enracinée dans le processus de bureaucratisation du travail se basant

essentiellement sur les outils de contrôle permettant de maximiser la coopération des

collaborateurs (employment management tradition) ;

- une tradition visant au maintien de relations harmonieuses par l’instauration et le

renforcement de processus de négociation (industrial relations tradition).

- une tradition basée sur la séparation des identités professionnelles et le maintien d’une

expertise des professionnels RH par leurs connaissances des sciences sociales, des

techniques de gestion et la réglementation du travail (professional tradition).

La manière dont les modèles managériaux des organisations s’ancrent dans ces traditions

pourrait influencer les rôles que les spécialistes vont endosser. Par ailleurs, les auteurs

identifient plusieurs rôles dont les particularités permettent aux experts RH d’atteindre les

objectifs de l’organisation de manière plus ou moins aisée selon la nature de ces derniers.

Les auteurs établissent une grille de classification des rôles des acteurs de la FRH. Ils identifient

trois rôles : « the clerk of works », « the contract manager », « the architect ».

- « The clerk of work » a un rôle centré sur une fonction administrative. Sa mission

principale relève de l’exécution de tâches bureaucratiques et ses activités de gestion se

limitent principalement au recrutement, à la gestion des registres et des relations

sociales. Ce modèle est ancré dans les traditions « welfare » et « employee

management » ;

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Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

31

- « The contract manager » désigne le gestionnaire focalisé sur la négociation sociale ou

industrielle et agissant surtout sur le court terme. Il formalise les règles et les procédures

et joue le rôle d’intermédiaire entre l’organisation, les syndicats et les salariés. Ce

modèle est ancré dans les traditions « welfare », « employee management » et

« industrial relations ».

- « The architect » est un bâtisseur focalisé sur des fonctions politiques et stratégiques et

cherche à construire l’organisation dans son ensemble. Il agit à travers des politiques

explicites impactant le succès de l’organisation et des systèmes de contrôles intégrés.

Ce modèle est ancré dans l’ensemble des traditions managériales.

Les rôles développés par les experts de la DRH sont amenés à évoluer en fonction de

l’environnement et des objectifs à atteindre. Lors d’une réflexion sur la manière dont se sont

opérées ces transitions, Tyson (1987), particulièrement, introduit les variables individuelles

dans le phénomène d’adoption de nouveaux rôles. Il associe une part du processus du

changement aux attentes qu’ont les responsables RH concernant ce que doit être la FRH. Il

tente, par cet apport, de dépasser le cadre normatif et limitant que propose l’analyse des

pratiques de l’organisation. Dans cette approche, les différences entre les attentes individuelles

peuvent naitre des interprétations subjectives des quatre traditions historiques de la gestion du

personnel vues précédemment et de la manière dont elles doivent se développer dans

l’organisation. Les experts RH auraient tendance à adapter leur attitude et adopter les rôles en

fonction de ces interprétations.

Pour Tyson et Fell (1986), l’intérêt de l’analyse des rôles réside davantage sur son aspect

dynamique et particulièrement dans la manière dont les rôles évoluent pour s’adapter aux

contingences organisationnelles. Ils concluent de leurs observations que l’évolution des rôles

nécessite l’acquisition par les responsables RH d’une expertise basée sur les connaissances

théoriques inhérentes à la gestion des individus. Ce processus permettrait en effet aux experts

RH d’asseoir leur légitimité et de limiter les résistances face aux transitions de rôle.

Parallèlement à cela, cette quête de légitimité du département RH s’est traduite par la nécessité

de mettre en avant l’impact de ses actions dans la performance de l’organisation et précisément

en développant des pratiques d’évaluation du management et des politiques RH. Elle se

caractérise ainsi, par le développement de dimensions stratégiques et politiques dans leur

fonction. Ces résultats de Tyson et Fell (1986) mettent donc en évidence à la fois des facteurs

psychologiques et politiques dans le phénomène de changement de rôle des spécialistes RH.

Page 44: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

32

222. Une typologie basée sur le degré d’intervention opérationnelle et

stratégique

À partir de l’observation de quinze cas d’entreprises britanniques, Storey (1992) a mis en place

une matrice caractérisant les rôles RH à travers deux dimensions : le degré d’intervention

opérationnel et le niveau d’intervention stratégique des RRH. Cette matrice permet de

caractériser quatre types de rôles : « advisers », « handmaidens », « regulators » et

« changemakers » (voir figure 1-1).

Figure 1-1 : Matrice des rôles des responsables RH de Storey (1992)

Strategic

Interventionnary

Changemakers

Advisers

Non

interventionnary

Regulators

Handmaidens

Tactical

Source : Storey (1992, p. 168)

- Advisers : supports stratégiques agissant comme des consultants internes au degré

d’intervention opérationnelle faible ;

- Handmaidens : conseillers tactiques dévoués aux managers et agissant dans une logique

client-fournisseur avec ces derniers ;

- Regulators : interviennent davantage pour s’assurer que les règles sont respectées et

notamment pour garantir les relations avec les syndicats ;

- Changemakers : chargés de la mise en place du changement et visent à favoriser des

relations entre les employés de façon à les aligner avec les besoins de l’organisation.

Storey (1992) souligne la difficulté pour les spécialistes RH expérimentés de trouver un

positionnement équilibré. La complexité des relations interpersonnelles les a amenés à chercher

davantage l’acceptation par leur équipe de travail que la performance de l’organisation. Dans

le cadre des changements de l’espace économique, le transfert des compétences vers les

Page 45: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

33

managers a permis l’implication croissante de ces derniers dans le déploiement de la FRH.

Certains travaux mettent en évidence le lien entre les rôles endossés par les experts RH et la

facilité avec laquelle la FRH est partagée dans l’organisation. C’est le cas de Storey (1992),

Khilji et Wang (2006) qui constatent que la mise en place de cette nouvelle prérogative

organisationnelle a nécessité que les experts RH développent leur rôle de « changemakers ».

Plus précisément, il s’avère que les organisations dans lesquelles les experts ont endossé le rôle

d’agents du changement pour ensuite se positionner en tant que conseillers, sont celles où

finalement les managers sont les plus associés dans la GRH de leurs collaborateurs (Khilji et

Wang, 2006). L’échec du partage de la FRH pourrait donc provenir d’une transition de rôles

incontrôlée. Plus particulièrement, le développement d’experts « regulators » axés sur les

processus de contrôle des règles et des procédures, de surveillance accrue des managers

constituerait un frein à la mise en place d’une organisation basée sur la collaboration (Barnett,

Patrickson et Maddern, 1996 ; Conway et Monks, 2010).

223. Une typologie basée sur la distinction des dimensions stratégique et

individuelle

Tout comme Storey (1992), Ulrich (1998) met en évidence le repositionnement du département

RH induit par les changements industriels. Il montre que le recul de l’intervention des

spécialistes RH au niveau opérationnel a permis d’agir sur un champ plus stratégique. À

l’opposé des classifications établies par Storey (1992), Tyson et Fell (1986), l’analyse d’Ulrich

(1998) se veut plus dynamique, en considérant la coexistence de rôles divers. Les spécialistes

RH sont amenés à développer des tactiques leur permettant d’endosser les différents rôles et

facilitant l’adaptation à leur environnement. L’analyse des auteurs se fonde sur deux

dimensions : l’orientation long terme/court terme et l’orientation processus/individus. La

matrice résultante permet ainsi d’identifier quatre types de rôles (voir figure 1-2) :

- Administrative experts : experts focalisés sur le fonctionnement de la GRH et les

processus de travail ;

- Strategic partner : agents focalisés sur la mise en place des orientations stratégiques et

l’alignement de l’organisation au marché ;

- Change agent : agents focalisés sur les changements organisationnels et la gestion de la

culture d’entreprise ;

- Employee champion : agents focalisés sur l’engagement et la compétence des salariés.

Page 46: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

34

Figure 1-2 : Matrice des rôles de la fonction RH de Ulrich (1998)

Future / Strategic Focus

Processes

Strategic partner

Change agent

People

Administrative expert

Employee Champion

Day-to-day / Operational Focus

Source :Ulrich (1998, p. 24)

Ulrich (1998) soutient que les pressions de l’environnement sur l’organisation, et

particulièrement les évolutions industrielles, aboutissent au repositionnement du département

RH et amènent les spécialistes à adopter un rôle de partenaires stratégiques et d’agents du

changement alors qu’auparavant leurs rôles étaient essentiellement centrés sur l’exécution de

tâches administratives. Ces évolutions se sont accompagnées d’un recul de la mobilisation au

niveau opérationnel et d’un repositionnement en tant que support des managers et de

développement des compétences individuelles.

En résumé, ces différentes typologies mènent au constat que les évolutions environnementales

ont amené les entités productives à opérer une réorganisation de leur FRH. Le service du

personnel, initialement cantonné à la réalisation d’opérations administratives et juridiques, a

progressivement évolué pour se repositionner sur une dimension plus stratégique. Cette

transformation de la fonction s’est accompagnée d’un changement dans les rôles occupés par

les experts. Anciennement agents interventionnistes axés sur des missions de contrôle du droit

et de l’activité, ils se repositionnent progressivement sur des rôles d’accompagnateurs au

changement, architectes de nouvelles organisations de travail et focalisés sur le développement

des compétences. Ces travaux mettent également en évidence les transitions de rôles comme un

processus nécessaire au partage de la FRH. En effet, l’ampleur avec laquelle s’opèrent ces

changements semble impacter la capacité des acteurs à travailler ensemble et l’efficacité des

nouvelles formes de collaboration. Mais ce repositionnement de la FRH ne s’est pas réalisé de

manière intuitive. Schuler (1990) évoque le dilemme pour les praticiens RH partagés entre le

désir de conserver un rôle de spécialistes fonctionnels et la nécessité de s’établir en tant que

véritables appuis des managers. Cette dualité n’est pas sans conséquence sur les rapports

Page 47: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 1. Partage de la fonction ressources humaines : définitions, typologies et mesures

35

qu’entretiennent les deux corps. Alors que le repositionnement en tant qu’appui du réseau a

impulsé un partage croissant de la fonction et un développement de nouvelles compétences, la

volonté de retenir les centres d’expertise les conduirait à agir de manière opportuniste et à

accroître la charge de travail des managers. Dans une seconde section, il convient de s’intéresser

plus spécifiquement aux déterminants mis en évidence dans la littérature.

Section 2 - Les déterminants du partage de la fonction ressources

humaines : effets de contingences et rôle des systèmes d’information

L’étude du PFRH s’est développée de manière sensible dans la littérature à la fin du vingtième

siècle. Même si certains analysent cet objet avant cette période, peu de réflexions stratégiques

et d’applications dans le cadre de la recherche de performance étaient mises en place jusqu’à

lors. Et pour cause, l’intégration massive des technologies de l’information et de la

communication dans les années 1990 a favorisé la remise en cause de l’organisation du travail

et finalement l’identification du partage de la FRH comme une source d’avantages productifs

(Grant et Newell, 2013). Les SIRH, particulièrement, sont des systèmes d’information

permettant le partage et la diffusion de l’information RH. Ils ont justifié autant qu’ils ont permis

le développement du partage fonctionnel. Cette section met en évidence les facteurs

déterminants dans la mise en place du PFRH à travers l’étude de la nature des pratiques pour

ensuite aborder le rôle du SIRH.

Le rôle des contingences du partage de la fonction ressources

humaines

Dans un premier temps, il convient de voir que la nature des pratiques est un élément à prendre

en compte dans l’étude du phénomène pour ensuite s’intéresser aux contingences liées à

l’expérience des acteurs et à la taille de l’organisation.

11. La nature des pratiques de la fonction ressources humaines

Le partage de la FRH n’est pas un processus qui se fait de manière homogène à travers les

champs de la GRH, mais dépend de la nature des pratiques. Pour Chambrier (2000), le

phénomène de partage est tributaire des enjeux perçus par la DRH. Les pratiques les plus

partagées avec les managers seraient celles considérées par l’organisation comme prioritaires

et celles comportant des enjeux forts (par exemple, l’organisation du travail, la communication

interne, l’organisation du travail et l’évaluation individuelle). L’enjeu des pratiques

Page 48: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

36

particulières peut également être appréhendé à travers la notion de risque lié au partage. Dans

une série d’entretiens menés auprès de 13 managers intermédiaires, Whittaker et Marchington

(2003) montrent que l’organisation s’oppose à partager certaines activités comportant des

risques légaux ou politiques. Il en va de même des activités liées à la gestion de relations de

travail, l’évaluation et la gestion des contrats. Ces choix seraient alors expliqués par la nature

particulièrement complexe de ces tâches et le fait qu’elles demanderaient un effort de formation

des managers considérable. Du point de vue de l’organisation, le choix des pratiques partagées

reposerait essentiellement sur le calcul d’un ratio entre les avantages apportés par la diffusion

des pratiques aux managers et les ressources à mobiliser pour la mettre en place. Ces critères

de discrimination des pratiques semblent susciter un consensus avec les managers puisque ces

derniers considèreraient ces tâches comme étant chronophages et peu valorisantes. Étant

particulièrement spécialisées, elles ne correspondent pas au projet tel que l’imaginent les

managers. Ces résultats mettent en exergue l’importance de la représentation des managers de

la FRH et plus précisément, le rôle central de la cohérence entre cette représentation et la réalité

des pratiques. Améliorer cette cohérence permettrait alors de favoriser l’acceptation par les

managers des pratiques partagées (Whittaker et Marchington, 2003).

Les disparités quant à la diffusion des pratiques sont également étudiées par Davis et Luiz

(2015) qui réalisent une segmentation entre des items transactionnels et des items

transformationnels. Les items transactionnels correspondent aux pratiques caractérisées par la

répétition et qui impliquent des formes standardisées des tâches quotidiennes (développement

des employés, gestion des talents, l’équité au travail). Les items transformationnels relèvent des

pratiques qui sont mises en place pour transformer l’organisation (pilotage des compétences,

allocation des ressources, organisation globale du travail). Alors que les décideurs ont tendance

à déléguer plus facilement les items transactionnels, il y a une résistance à déléguer les items

transformationnels qui sont identifiés comme étant plus structurels et plus stratégiques. Ces

choix s’expliqueraient par les risques supplémentaires induits par la délégation de ces pratiques

et par les potentielles conséquences organisationnelles induites.

Dans une autre perspective, Bond et Wise (2003) montrent que certaines pratiques sont

particulièrement critiques, car elles favorisent un contexte favorable à la collaboration. Sans

dresser de liste exhaustive de pratiques, ils proposent deux critères d’identification. Ils évoquent

les pratiques permettant de favoriser les interactions entre les managers de proximité et les

services de la DRH, et celles pour lesquelles les responsables RH disposent d’une expertise et

Page 49: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

37

d’une maîtrise. Ces deux types de pratiques sont sensibles, car elles permettraient d’actionner

les mécanismes de collaboration d’une part, et d’autre part, elles favoriseraient les expériences

positives du partage.

12. Les effets de taille et d’expérience

Dans les développements précédents, il a été mis en évidence que les managers font l’objet de

certaines spécificités particulièrement inhérentes à leur niveau d’intervention stratégique. Mais

il ressort également que le niveau d’expérience est un facteur qui influence le résultat du PFRH.

Whittaker et Marchington (2003) concluent que le niveau d’expérience a une influence sur la

perception d’auto-efficacité des managers et que cette dernière influence positivement

l’acceptation des pratiques RH par ces derniers. Dans leurs travaux, les « seniors managers »,

c’est-à-dire ceux ayant une expérience significative dans le management, expriment une

moindre appréhension concernant leurs rôles RH. Ils seraient alors plus à même de prendre en

main les nouvelles responsabilités RH. Les managers se situent dans une position où ils sont

sollicités de manière croissante dans les différents services de l’organisation. Accompagnée de

contraintes matérielles (baisse des moyens financiers, augmentation des effectifs à gérer,

accroissement du volume d’activité), cette pression tend à rendre la fonction de manager

difficile à assurer. C’est dans ce cadre que l’effet expérience exercerait un effet modérateur sur

la pression perçue dans le management et faciliterait l’articulation des fonctions de supervision

d’équipe et celle de GRH. La complexité perçue de la GRH et celle de la gestion d’équipe se

combineraient et se renforceraient. Dans ce cadre, les managers plus expérimentés

parviendraient à réduire considérablement la perte de contrôle perçue en neutralisant

l’incertitude liée à leur fonction traditionnelle et en se reposant sur la connaissance de leur

métier et de leur équipe.

La taille des organisations est une autre contingence qui a particulièrement été mise en évidence

pour expliquer le succès de PFRH. Tout d’abord, cette caractéristique aurait un impact sur la

propension des managers à accepter l’orientation comme faisant partie de leurs responsabilités

(Hunter et Renwick, 2009). Ils auraient davantage tendance à les accepter dans les petites

organisations, car le volume de l’activité et le degré d’élaboration des pratiques RH restent

relativement faibles. Cet effet de la taille de l’effectif employé sur le degré d’élaboration des

pratiques est précisé dans l’étude de Loubes et al. (1998). Les auteurs soulignent que même s’il

ne s’agit pas de l’unique facteur, le niveau d’effectif influence le degré d’élaboration des

politiques RH. Dans les PME, le dirigeant occupe une place centrale et joue le rôle d’expert

Page 50: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

38

fonctionnel en matière de GRH. Pour cette raison, ce type organisations présente des

caractéristiques propres (politiques, procédures et pratiques de GRH plus formalisées, des

ressources matérielles et humaines limitées, une expertise de GRH moindre) influençant le

PFRH. Lorsqu’elle est partagée en interne, la FRH est assurée par le dirigeant pour sa partie

stratégique alors que les activités RH opérationnelles sont de facto intégrées dans les

responsabilités du manager. La prise en compte de cet effet taille permet d’intégrer l’aspect

contingent de la mise en place du partage de la FRH.

Ces éléments mettent donc en évidence le rôle de certaines contingences organisationnelles tant

dans la conception stratégique du PFRH que dans sa mise en œuvre. Certains auteurs se sont

intéressés à la place qu’occupaient les progrès technologiques dans le développement des

organisations transversales. Plus précisément, certains travaux soulignent le rôle

particulièrement important des systèmes d’information dans le phénomène de partage de la

FRH. Le recours à ces outils est justifié par les possibilités de traitement plus efficace de

l’information et les possibilités de mutations de la structure du travail.

Systèmes d’information ressources humaines : le rôle de l’usage dans

le partage de la fonction ressources humaines

21. Définition du système d’information ressources humaines

211. Les caractéristiques fonctionnelles

L’intérêt académique pour les SI a émergé de manière concomitante avec leur développement

dans les organisations à la fin des années 1990. C’est dans ce contexte que Tannenbaum (1990)

introduit la dimension d’utilisation et propose une contribution qui fera autorité dans le champ

des SI. Il conçoit le SIRH comme un « système utilisé pour acquérir, stocker, analyser, extraire

et distribuer une information pertinente à propos des ressources humaines de l’organisation

(p. 261). Cette définition sera reprise par tout un courant de chercheurs, car elle pose les finalités

de ces outils. Pour l’organisation, l’intérêt premier de la mise en place de tels systèmes réside

surtout dans leur capacité à mettre en lien les processus en coordonnant les flux d’information

au service de la stratégie.

En matière de GRH plus particulièrement, les SIRH permettent la décentralisation de la

structure décisionnelle (Besson, 1999). Ils participeraient finalement à la transformation des

processus de travail. Pour Grant et Newell (2013), ces systèmes aident les organisations à

« recueillir, stocker, et analyser des informations relatives aux forces de travail et à accroître

Page 51: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

39

la disponibilité et le flux de ces informations. Ils permettent aussi de mettre en place

l’automatisation et la délégation de nombreuses routines administratives et les fonctions de

conformité, traditionnellement assurées par les départements RH » (Grant et Newell, 2013,

p. 187). Cette manière d’appréhender les SIRH comporte un intérêt double : d’une part, elle

met en évidence la valeur ajoutée apportée par ces systèmes sur le traitement et la valorisation

de l’information ; et d’autre part, elle justifie leur pertinence dans le cadre du PFRH. Le « e-

HRM » acronyme anglais pour « Gestion des Ressources Humaines électronique » désigne le

vaste réseau de communications numériques intégrées à l’approche de la GRH. Il est défini

comme « l’application de la technologie de l’information mise en place, à la fois, pour la

création de réseau et le soutien d’au moins deux acteurs individuels ou collectifs dans la

réalisation partagée d’activités RH » (Strohmeier, 2007, p. 20). Ces technologies sont utilisées

dans un double objectif : l’intégration de l’information et la connexion des individus, mais aussi

le soutien des acteurs par l’assistance partielle ou totale dans la réalisation d’activités RH.

L’étude des projets SIRH nécessite deux précisions. La première tient à la compréhension des

termes « technique » et « technologie ». La confusion qui parait régner autour de ces termes

appelle un effort de définition. La technique est un ensemble de procédés méthodologiques

fondés sur des connaissances scientifiques et employés pour produire une œuvre ou un résultat

déterminé (Bachelet, 2004). Appliquant cette définition au champ de la communication, Breton

et Proulx (2002) font référence à l’origine grecque du mot « techné » qui signifie la

« connaissance de procédés utilisés ». Elles sont donc le résultat d’une démarche consistant à

condenser les savoirs actuels. Les supports de communication sont le fruit d’inventions

techniques sophistiquées et c’est, selon eux, l’usage des techniques qui différencie les

communications humaine et animale. Quant aux technologies de l’information et de la

communication, il s’agit des techniques modernes et complexes qui permettent de saisir, traiter,

stocker et communiquer l’information (Reix et Rowe, 2002). Basées sur des innovations

techniques, les TIC permettent à la fois une compression du temps et de l’espace et

l’accroissement de l’information stockée. Elles offrent enfin un très large potentiel d’utilisation

(communication asynchrone, collaboration à partir de sites différents, etc.) en autorisant des

usages flexibles (Bachelet, 2004).

Deuxièmement, il convient de faire la différence entre le management électronique des

ressources humaines « e-HRM » qui est un système global utilisé par tous les employés (Grant

et Newell, 2013) et l’ERP (Entreprise Resource Planning) également désigné comme progiciel

Page 52: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

40

de gestion. Ce dernier est un outil informatisé permettant de connecter en temps réel toutes les

informations et les fonctions d’une organisation et voit le jour dans le développement massif

du management électronique des RH. Il permet l’autonomisation de certaines procédures

manuelles et administratives et participe à leur simplification en régulant le flux de travail

(workflow). En matière de GRH, plus particulièrement, les SIRH reposent communément sur

le recours à des ERP et désignent des systèmes gérés par les experts RH eux-mêmes et dont les

utilisateurs sont principalement les acteurs de la FRH (Silva, Plazaola et Ekstedt, 2006).

L’intérêt porté à ce type de solutions est fondé sur la possibilité de mise en cohérence des

sphères technologique et organisationnelle. Ces objets constituent une alternative à des

systèmes et des applications juxtaposés dans l’organisation (Deltour et Mourrain, 2017).

L’intégration est le processus par lequel une application particulière est reliée et synchronisée

au cœur du système. Lorsque toutes les activités de l’entreprise sont gérées via les modules

d’un ERP, on peut dire que l’intégration est complète. D’une manière générale, ces outils

contribuent au renforcement de la transversalité dans l’entreprise entre les différents métiers

tels que la production, la vente, la finance, les ressources humaines, les achats, etc. (Deltour et

Mourrain, 2017). Ils permettent notamment d’éviter certaines contraintes telles que les saisies

multiples, les redondances, les incohérences d’informations ou le manque de données pour le

pilotage des affaires. Un projet ERP est donc un projet qui concerne un grand nombre de

services de l’entreprise, voire toute l’entreprise.

Le succès de l’ERP est vraisemblablement dû à ses caractéristiques fonctionnelles qui en font

un outil simple d’utilisation. Celui-ci est dépeint comme une « application paramétrable,

modulaire et intégrée, qui vise à intégrer et à optimiser les processus de gestion de l’entreprise

en proposant un référentiel unique et en s’appuyant sur des règles de gestion standards » (Reix

et al., 2016, p. 358).

L’ERP se compose d’une base de modules dont certains sont développés pour répondre aux

besoins de la GRH (e.g. gestion administrative, rémunération, gestion des résultats et de la

performance). Il se caractérise par son architecture modulaire, c’est-à-dire composée d’un

ensemble de modules de base, éventuellement complété par des éléments supplémentaires. La

performance de ces progiciels repose sur des principes de fonctionnement fondamentaux

(Valenduc, 2000) :

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

41

- L’unicité de l’information : est un principe qui garantit que la saisie d’une information

permette l’intégration de cette dernière dans l’ensemble du système. La synchronisation

instantanée de la donnée permet d’en garantir l’unicité ;

- La rapidité et la réactivité : la mise à jour des informations saisies dans un module

s’effectue immédiatement, ce qui facilite la validité des informations en temps réel ;

- La saisie à la base et le traitement au sommet : le fonctionnement est basé sur un schéma

pyramidal dans lequel les niveaux d’autorisation et d’habilitation évoluent

concomitamment avec le niveau hiérarchique ;

- La sélectivité des prérogatives des utilisateurs : le niveau d’information accessible

évolue concomitamment avec le niveau hiérarchique. La configuration de l’outil permet

de filtrer les informations en fonction du niveau de l’utilisateur.

Ces principes de fonctionnement des ERP doivent être connus et intégrés lors du choix de mise

en place d’un ERP. Une prise en compte insuffisante de ces aspects a été mise en évidence

comme un facteur d’échec des changements impulsés par les organisations (Valenduc, 2000).

En effet, bien que les ERP soient plébiscités pour leur facilité d’utilisation et leur coût

relativement faible, ce sont des outils n’ayant pas vocation à être modifiés. L’intégration de

spécificités organisationnelles dans le cahier des charges doit se faire dans une faible ampleur

sans quoi l’efficacité du progiciel pourrait être sacrifiée. Cela a amené certains auteurs à leur

associer une rigidité fonctionnelle non négligeable (Deltour et Mourrain, 2017). Le manque de

considération de cette caractéristique et l’absence de réflexion concernant la compatibilité entre

l’outil et les infrastructures de l’organisation amènent parfois cette dernière à devoir adapter les

processus de travail à l’outil. Dans ce cadre, et à l’opposé d’autres solutions, les ERP peuvent

être considérés comme des outils structurants dans la mesure où leur architecture et leurs

processus peuvent orienter les choix de l’organisation.

212. Effet structurant et effet d’adaptation

La littérature sur les SI met en évidence deux principaux phénomènes qui peuvent avoir lieu

lors de la mise en place ou de l’évolution d’un SI. Le premier est un effet de structuration.

Inscrit dans le paradigme déterministe de la technologie, ce phénomène postule que

l’introduction de nouvelles technologies dans l’organisation aboutit à la mutation de la structure

et des processus de cette dernière. Le second est un effet d’adaptation proposant d’appréhender

l’organisation comme un système unitaire dans lequel sont introduites les nouvelles

technologies. Ces dernières peuvent être adaptées pour favoriser leur intégration. Cette

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

42

approche holiste fait intervenir la recherche de la cohérence lors de la mise en place d’un SI

comme vectrice de performance de l’ensemble. L’objet de la présente recherche n’étant pas de

fournir une analyse sur les influences sociotechniques des TIC, il convient tout de même de

pointer les éléments cruciaux ayant guidé la réflexion sur ce sujet.

Le processus de structuration du système d’information

Le structurationnisme est une approche considérant l’existence d’influences mutuelles entre les

technologies et l’organisation. L’introduction des SI produirait des interactions entre individus

et systèmes. Ces phases successives de mutations s’inscrivent dans le courant sociologique

structurationniste de Giddens (1984). Appliquée au champ des nouvelles technologies, cette

perspective envisage les SI comme des outils capables de façonner les environnements dans

lesquels ils sont implémentés. Il s’agit alors d’une logique qui pourrait être qualifiée d’inversée

dans la mesure où les caractéristiques structurelles de l’organisation, ainsi que les rapports

sociaux en son sein, s’adaptent aux fonctionnalités technologiques. De Vaujany (2000) précise

que l’objet du strucurationnisme appliqué aux TIC consiste à « voir comment vont être

produites ou reproduites les structures sociales au contact de la technologie » (p. 5).

Inscrits dans cette perspective structurationniste, DeSanctis et Poole (1994) proposent une

théorie de la structuration adaptative dans laquelle les SI sont appréhendés selon deux

dimensions : leurs caractéristiques structurelles et leur esprit. Les caractéristiques

correspondent aux aspects techniques, procéduraux et fonctionnels offerts par la technologie.

L’esprit d’une technologie, quant à elle, correspond à l’intentionnalité et aux valeurs qui sous-

tendent les choix sous-jacents. Il s’agit de la dimension formelle ou conventionnelle,

fondamentalement liée à l’usage attendu. Les SI peuvent donc être utilisés dans l’optique

d’apporter du changement dans l’organisation. Mais dans ce contexte, une étude insuffisante de

leur compatibilité avec la structure amène cette dernière à s’adapter aux fonctionnalités

technologiques. La complexité qui en résulte pourrait alors expliquer l’apparition de conflits

horizontaux et verticaux et un phénomène de centralisation des processus. Les SI seraient donc

en mesure d’influencer, voire de déterminer, les environnements dans lesquels ils sont

implantés. Cette thèse a été désignée comme un déterminisme technologique (Valenduc, 2000).

En ce qui concerne le cas particulier de l’ERP, la flexibilité offerte par ce type de solution est

sommaire, se limitant à l’ajout de modules et de paramétrages marginaux. À la différence de

nombreuses autres technologiques innovantes qui offrent des produits sur mesure, l’ERP est

une solution potentiellement structurante basée sur l’intégration centralisée des données. Dans

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

43

une série d’entretiens menés auprès de 32 responsables d’achat, suivis d’une étude quantitative

de 600 salariés, Guibert (1996) met en évidence la manière dont l’ERP, implanté dans un

service commercial, a modifié la relation entre le client et le fournisseur. Il montre que la

structure d’interface technologique induit une évolution des interactions entre les deux groupes

d’acteurs. La complexification des outils pousserait alors le service commercial à accentuer son

rôle de coordination pour faciliter la définition des besoins et le développement des échanges.

De plus, la formalisation croissante occasionnée par le progiciel favoriserait la mutation des

activités au profit de tâches d’administration et de contrôle. D’un point de vue global, cette

recherche de Guibert (1996) montre que l’organisation du département a muté de manière non

prévue vers une spécialisation des taches et une différenciation fonctionnelle accrues.

Mais l’effet structurant induit par le SIRH a également été identifié comme une caractéristique

possiblement recherchée lors du choix de SI. Dans une étude longitudinale menée sur plusieurs

cas, Laval et Guilloux (2010) montrent que l’implémentation du SIRH au sein d’une entreprise

a été un moyen d’impulser une transformation des fonctions administrative et stratégique. Dans

ce contexte, les usages des utilisateurs émergent sans contrôle de l’organisation et tendent à

devenir de nouvelles pratiques partagées. Associée à une formalisation réduite des processus,

le recours à cette approche inductive de la structuration du travail permet de laisser émerger

une réorganisation des processus de travail. Les dirigeants joueraient un rôle d’observateurs et

interviendraient pour réajuster a posteriori les processus réels. Par exemple, un outil qui serait

inutilisable pourrait modifier la relation d’emploi en augmentant la durée des périodes d’essai

(le temps de valider les fonctionnalités informatiques). Mais il ressort que, dans certains cas,

les processus organisationnels ne peuvent pas absorber à eux seuls l’ampleur des

dysfonctionnements des SI ou le manque d’adéquation de ces derniers avec la réalité du travail.

Ces frictions peuvent alors aboutir à la mise en place d’arrangements entre les spécialistes RH

et les managers. Les adaptations de leurs interactions leur permettent alors d’atteindre leurs

objectifs respectifs et de pallier leurs difficultés (Laval et Guilloux, 2010). D’autre part, la

surestimation de l’effet structurant des SI peut aboutir à l’échec d’utilisation. Ce biais peut

s’expliquer par la focalisation des décideurs sur des aspects techniques et par la négligence de

l’incidence des aspects organisationnels dans le processus d’adoption. À cet égard, Bertrand et

Geffroy-Maronnat (2005) montrent que la divergence de visions métier entre les spécialistes

chargés des projets informatiques et les utilisateurs finaux peut aboutir à la mise en place de

systèmes en décalage avec la réalité du terrain. Ce point de clivage sur un aspect substantiel du

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

44

projet est suffisamment critique pour limiter la structuration du SI. Les auteurs soulignent alors

que cette dernière doit se limiter à des aspects non substantiels du projet.

Pour autant, le courant structurationniste fait l’objet de nombreuses critiques. Celles-ci mettent

principalement en cause une perspective déterministe de la technologie trop prégnante dans

l’analyse. Ces observations ont laissé place à des positionnements épistémiques plus modérés

consistant à accepter que si l’approche purement causaliste liant technologie et organisation est

critiquable, il n’en demeure pas moins que les TIC interfèrent sur la manière dont se comportent

et évoluent les individus dans l’organisation (De Vaujany, 2003). Vedel (1994) montre que les

caractéristiques techniques et technologiques intrinsèques des SI influenceraient même la

nature du savoir et la distribution du pouvoir dans les groupes sociaux. Cette particularité a

notamment été étudiée à travers du concept d’usage des systèmes d’information qui sera vu

dans un prochain point.

Le processus d’adaptation du système d’information

Sur la base des travaux de DeSanctis (1986), un courant de littérature des SI se positionne en

rupture avec le paradigme techniciste qui s’est alors imposé jusqu’à lors. Dans ce courant, les

systèmes d’information sont appréhendés comme « des systèmes spécialisés au sein d’un

domaine spécifique de l’organisation et façonnés pour soutenir les processus de planification,

d’administration, de prise de décisions et de contrôle de la gestion des ressources

humaines » (DeSanctis, 1986, p. 261)10. Cette perspective, complètement différente, propose

que les SI soient des outils choisis et mis en place pour soutenir les processus de l’organisation.

Le SIRH est alors considéré comme un outil non structurant qui, intégré aux autres

infrastructures de l’organisation, permet de servir les objectifs définis dans la stratégie. C’est

au sein de cette approche que l’urbanisation (ou urbanisme) est posée comme processus

d’élaboration et d’intégration des solutions dans une vision globale du SI. Il consiste à

considérer les solutions existantes comme un tout, imbriqué dans les infrastructures globales de

l’organisation. Sur la base d’une métaphore avec l’habitat humain, Noy et Ruiz (2007)

proposent de voir l’urbanisation comme « l’art d’organiser les SI pour les adapter aux besoins

de leurs utilisateurs et des bénéficiaires de leurs services » (p. 3). De manière pragmatique, il

est question d’un processus « d’assemblage de logiciels parfaitement interfacés, de réseaux

10Traduction personnelle : « Specialized information system within the traditional functional areas of the organization, designed to support the planning, administration, decision-making, and control activities of human resource management ».

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

45

parfaitement sécurisés, de structuration de bases de données et de connaissances parfaitement

agencées » (p. 94).

L’urbanisation consiste à organiser la transformation progressive et continue du système

d’information visant à le simplifier, à optimiser sa valeur ajoutée et à le rendre plus réactif et

flexible vis-à-vis des évolutions stratégiques. Pour De Vaujany (2006), il convient de créer une

cohérence entre plusieurs vues :

- une vue métiers décrivant les processus métiers et leurs relations ;

- une vue fonctionnelle, décrivant les fonctions supportées par le système d’information ;

- une vue applicative décrivant les éléments relatifs aux logiciels du système

informatique ;

- une vue technique décrivant l’architecture technique du système informatique.

À travers l’impératif de mise en cohérence, l’urbanisation propose de concevoir l’alignement

de champs organisationnels comme une source d’efficacité des technologies de l’information.

Au-delà des aspects purement techniques, il s’agit de prendre en compte l’expression des

acteurs, de leur vie et de leur travail dans la réflexion d’adaptation des outils qu’ils utilisent au

quotidien. L’objectif de l’urbanisation est alors de favoriser une structuration de SI permettant

l’amélioration des performances et d’en faciliter son évolution. Cette approche contingente de

la technologie repose alors sur une analyse des systèmes existants et la proposition

d’innovations dans une perspective de cohérence et de performance.

Ces deux perspectives de la technologie soulignent l’importance de considérer les effets

d’interactions des SI avec l’environnement organisationnel. Les développements mettent alors

en évidence la centralité du questionnement sur la cohérence entre les objectifs des technologies

et ceux de l’organisation. Ces problématiques ont notamment été étudiées à travers la notion

d’usage.

22. L’usage des systèmes d’information : spécificités, caractéristiques et

déterminants

La mise en place des SI implique des investissements que les organisations entendent faire

fructifier par l’automatisation et le traitement facilité des tâches au travail. Une condition

préalable à l’atteinte de cet objectif repose sur l’usage effectif de ces systèmes par les

utilisateurs finaux.

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

46

221. Spécificités et déterminants de l’usage des systèmes d’information

L’usage d’un SIRH peut être appréhendé comme l’utilisation adéquate de l’outil compte tenu

des finalités poursuivies par l’organisation. Il s’agit de « l’appropriation effective par les

utilisateurs en situation opérationnelle réelle qui se développe plus ou moins selon les

conditions dans lesquelles s’opère le processus de changement » (Noy et Ruiz, 2007, p. 91).

Cette définition propose l’usage comme un processus dépassant la simple validation de la

solution technique. Au-delà des aspects prescriptifs, il s’agit de ce que les individus font

effectivement des objets et dispositifs techniques. La finalité du SI dans l’organisation est

éminemment inhérente à l’évolution de l’environnement et des avancées technologiques, mais

aussi des objectifs poursuivis par l’entité.

Définition des usages

L’usage renvoie à ce que les individus font effectivement avec les objets et dispositifs

techniques (Breton et Proulx, 2002). Si de nombreux chercheurs en gestion s’intéressent à la

manière dont les TIC sont introduites dans l’entreprise et à leurs effets, on peut remarquer que

la définition de cette notion d’usage reste assez floue. Cette dernière fait essentiellement

référence aux variables qui servent à effectuer des mesures, notamment l’intensité d’utilisation

et la satisfaction des utilisateurs (Bachelet, 2004). L’usage n’est pas un objet naturel, mais un

construit social qui renvoie à un continuum (Chambat, 1994) allant de la simple adoption à

l’utilisation puis à l’appropriation (Breton et Proulx, 2002) (voir figure 1-3). L’adoption

consiste en l’achat et la consommation d’un objet stable. L’utilisation fait référence à l’emploi

fonctionnel d’une technique dans un face-à-face avec le dispositif, et conformément au mode

d’emploi. L’appropriation d’un objet technique correspond au stade le plus avancé de la

maîtrise de l’outil et nécessite la satisfaction de trois conditions (Breton et Proulx, 2002) :

- l’usager démontre un minimum de maîtrise technique et cognitive de l’objet ;

- cette maîtrise s’intègre de manière significative aux pratiques quotidiennes de l’usager ;

- l’appropriation ouvre vers des possibilités de détournement, contournement, réinvention

ou des possibilités d’accès à la conception d’innovations.

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

47

Figure 1-3 : Les stades de l’usage des systèmes d’information

Source : auteur de la thèse

La notion d’usage dépasse les considérations et enjeux d’ordres technique et technologique.

Elle met en évidence l’incidence des rapports sociaux entre les individus dans le comportement.

À ce titre, Walsh et al. (2013) introduisent la culture usager comme dimension importante de

l’usage. Elle est définie comme « l’ensemble des valeurs épousées par les individus et les

groupes et qui peuvent être amenées à interférer dans la gouvernance et la gestion des systèmes

d’information » (p. 47)11.

Elle a également été proposée comme « l’aptitude des utilisateurs à s’approprier de nouveaux

outils et à accepter un nouveau rôle des technologies dans l’organisation, dans leur activité et

dans leur métier. Elle définit la capacité des utilisateurs à comprendre la nécessité du

changement et influence positivement, tant leur implication dans le projet, que la qualité de la

définition de leurs besoins contextuels » (Renaud, Walsh et Kalika, 2016, p. 17).

La culture des technologies de l’information est appréhendée comme un outil de gestion et

d’accompagnement des projets SI, mais aussi comme l’occasion de la transformation des rôles

et des contextes organisationnels. L’étude de cet outil montre la nécessité de s’intéresser aux

dimensions sociales qui fondent la notion d’usage. Certains auteurs ont ainsi opéré une

distinction entre technologies d’adhésion et technologies d’usage. Les technologies d’adhésion

sont celles qui sont achetées et installées dans les bureaux, c’est-à-dire les modules intégrés de

matériel et de logiciels comportant des caractéristiques prédéfinies. Les technologies d’usage

sont celles qui sont effectivement utilisées et correspondent aux caractéristiques spécifiques

auxquelles les acteurs font appel d’une manière particulière en fonction de leurs compétences,

de leurs activités, de leur attention et de leurs objectifs (Bachelet, 2004). Cette distinction

confirme l’intérêt d’une réflexion concernant la notion d’usage. Cette rupture entre les types

11 Traduction personnelle : « The set of IT values espoused by individuals and groups that may come into play and interfere with IS management and governance ».

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

48

d’usages a une implication forte. Pour être efficace, un SI doit être utilisé d’une façon

particulière. Cette acception fait de l’usage une dimension centrale de la réussite des projets SI.

Elle explique notamment pourquoi il n’y a pas de lien automatique entre les investissements

dans les infrastructures technologiques et les résultats observés.

Les typologies d’usage

Dans une perspective organisationnelle, les usages peuvent être appréhendés comme les

objectifs poursuivis lors de la mise en place du SI. Les travaux pionniers de Zuboff (1988)

mettent en évidence trois usages généraux des SI : l’automatisation, l’information et la

transformation. À travers cette notion d’usage, il introduit une vision épistémique du rôle de la

technologie dans l’organisation : « aussi longtemps que la technologie sera traitée de manière

étroite dans sa fonction d’automatisation, elle perpétuera la logique de machine industrielle,

réduisant la dépendance aux compétences humaines. Cependant, quand la technologie informe

également le processus pour lequel elle est appliquée, elle accroît le contenu d’information

explicit des tâches et met en action une série de dynamiques qui, finalement, reconfigureront la

nature du travail » (pp. 10-11).

Zuboff (1988) identifie trois phases correspondant chacune à un usage particulier des systèmes

d’information par les organisations.

Dans la phase d’automatisation, les SI sont d’abord utilisés pour automatiser les systèmes

manuels et réduire les besoins de personnel pour effectuer les activités routinières. Ils

participeraient à réduire la quantité globale de travail routinier, permettant ainsi aux

collaborateurs d’utiliser pleinement leurs capacités intellectuelles. En matière de GRH, cela

favoriserait l’optimisation des ressources personnelles allouées aux activités de saisies, de

reporting et de production de données pour se focaliser davantage sur l’interprétation de

l’information.

La phase d’information correspond à une situation où les systèmes dépassent l’automatisation

et accroissent l’efficacité et les bénéfices de ceux qui les utilisent. Les SI fournissent alors un

plus grand niveau de transparence en générant une « information concernant les processus

administratifs et productifs sous-jacents à travers lesquels une organisation accomplit son

travail » (p. 9). Les individus connaissent davantage ce qui se passe dans l’organisation par

l’accès à une information plus globale. Cela peut se caractériser, par exemple, dans la cadre de

la GRH par l’intégration de cartographies des effectifs permettant de comprendre de manière

plus globale comment s’opèrent les recrutements et les mobilités au sein de la structure.

Page 61: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

49

La phase de transformation renvoie à la capacité des SI d’altérer les opérations et les pratiques

de l’organisation. La force d’innovation permet d’accroître la flexibilité et les capacités de

l’entité. En matière de GRH, les SI peuvent opérer des transformations par la mise en place de

nouvelles pratiques rendues possibles par le développement de la communication et des

échanges.

Une autre typologie des usages des SIRH est proposée par Noy et Ruiz (2007) et conçoit le SI

à travers sept finalités résumées dans le tableau 1-2.

Tableau 1-2 : Usages du SIRH et effets sur les processus organisationnels

Finalité du

SI

Effets organisationnels

Normalisant Normaliser des procédures, répertorier des flux physiques ou d’informations.

Structurant Réorganiser les flux et les processus de l’organisation. Les possibilités de

formalisation et de contrôle offertes par les applications de type ERP

permettent d’introduire, sous la forme d’un changement technologique, de

nouvelles règles et procédures.

Illustrant Utiliser pour véhiculer une image, une iconographie nouvelle. Le recours à

une nouveauté technologique permet ainsi d’altérer l’imager perçue par les

parties prenantes internes ou externes.

Virtualisant Mettre en place un SI dans une optique de créer un imaginaire partagé et d’y

tester des actions hors de la réalité pour réduire les risques liés à l’erreur.

Mutualisant Favoriser le développement d’échanges et d’interactions entre les acteurs de

l’organisation par la minimisation des contraintes matérielles (temps et

espace)

Gratifiant Mettre en place des espaces d’expression des utilisateurs. Ces derniers sont

alors amenés à développer des interactions de natures différentes (artistiques,

créatives, intellectuelles…).

Fertilisant Renforcer le développement des connaissances et des savoirs.

Source Noy et Ruiz, 2007

Page 62: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

50

Basée sur une revue de la littérature des usages et d’une étude empirique, cette grille met en

évidence des usages qui se situent au niveau des individus. Lors de la mise en place d’un SI, les

usages peuvent être définis par l’organisation comme un but recherché du système, tout comme

ils peuvent émerger de manière pragmatique sans intentionnalité préalable. Il advient également

que les usages ne sont pas exclusifs et qu’un SI peut être associé à plusieurs usages. Noy et

Ruiz (2007) montrent toutefois que du point de vue de l’organisation, l’identification des usages

recherchés et la focalisation sur un faible nombre d’entre eux permettraient de circonscrire plus

aisément les objectifs, mais aussi de déterminer les priorités et les actions à mettre en place. La

formulation de la marche à suivre facilite également l’émergence des moyens de contrôle des

projets et l’identification des déterminants de succès du projet SIRH. Du point de vue de

l’utilisateur, le ciblage des usages permet de développer des outils de communication, et

d’assurer la cohérence du projet à travers des éléments de formalisation.

Enfin, la contribution francophone majeure de De Vaujany (2003) propose trois archétypes

d’usages des SI. L’auteur propose que les SI façonnent des configurations sociotechniques

durables à travers trois types d’influence :

- l’archétype neutre concerne des systèmes peu utilisés et qui sont dissous dans les

routines organisationnelles. Ils viennent alors renforcer le fonctionnement de

l’organisation ;

- l’archétype régénéré engage des outils contribuant à redynamiser le système social. La

mise en place de ces dispositifs implique de nouveaux réseaux d’échanges et de

communication et contribue donc à la mutation des relations sociales ;

- l’archétype perturbé, enfin, implique des systèmes générant des conflits et une

restructuration des processus organisationnels. Ce dernier type peut se superposer aux

autres.

Alors que le type neutre alimente la confiance des utilisateurs qui sont plongés dans une

continuité sociale et technologique, le type perturbé tend à produire ou accentuer des situations

de stress et d’instabilité émotionnelle. Dans une perspective dynamique, De Vaujany (2003)

propose la notion de « trajectoire appropriative » qui constitue « un enchainement régulier

d’archétypes technologiques » (p. 4). Les SI évoluent du fait des interactions avec leur contexte

et les relations qu’ils entretiennent avec celui-ci sont également amenées à muter. L’archétype

alors observé, lors de la mise en place ou de l’évolution de ces systèmes, connait des

perturbations potentielles tout au long de son cycle de vie.

Page 63: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

51

L’effet des interactions entre technologies et groupes sociaux sur l’évolution des usages a

effectivement suscité l’intérêt de la communauté des usages. Vaast (2002) montre que le

développement de nouvelles technologies peut être propice à la mutation des usages. Il montre

comment l’intranet a joué un rôle dans le fonctionnement et le renforcement des usages. Ces

derniers transforment à leur tour, à la fois la technique et les relations au sein des groupes. Ces

dynamiques favorisent les ajustements entre nature des relations interprofessionnelles et usages

observés jusqu’à l’obtention de ce qui pourrait s’assimiler à une situation équilibre. Mais cette

configuration est difficile à caractériser a priori puisque les usages sont eux-mêmes instables

dans le temps et entre les individus. Dans un rapport de l’ANACT, Bérard et Rocher (2002)

montrent, par exemple, que les usages d’une même technologie en entreprise peuvent être très

différents selon les utilisateurs. Ils opèrent ainsi une distinction entre les utilisateurs qui font un

usage minimal des outils dont ils disposent, notamment lorsqu’ils les utilisent seulement en

remplacement d’un autre média (par exemple transmettre une pièce jointe par messagerie au

lieu de l’envoyer en papier) et ceux qui font un usage avancé en réinventant les pratiques

attendues. Bien que cette réflexion porte uniquement sur l’intensité d’utilisation et néglige les

aspects qualitatifs, elle permet de mettre en évidence que les particularismes d’usages sont liés

à des facteurs tant collectifs qu’individuels.

222. Les variables individuelles de l’usage : les caractéristiques techniques

et sociales

La dimension technique de l’usage

La littérature traitant de l’effet des aspects techniques sur les variables explicatives en SI a

connu un développement important à la suite des travaux de DeLone et McLean (2003). Les

auteurs proposent que la qualité du système d’information ainsi que la qualité de l’information

soient deux variables explicatives de l’usage. La qualité du système réfère à sa performance et

a été décomposée en plusieurs éléments (facilité d’utilisation, fonctionnalité, fiabilité, la

flexibilité, qualité des données, portabilité, intégration et importance). Quant à la qualité de

l’information, elle recouvre les éléments relatifs à la précision, la traçabilité, la rapidité, la

pertinence et l’homogénéité de l’information. DeLone et McLean (2003) suggèrent alors deux

hypothèses concernant les effets de la qualité du SI et de la qualité de l’information sur l’usage

de ce dernier (voir figure 1-4).

Page 64: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

52

Figure 1-4 : Effet de la qualité du système et de l’information sur la satisfaction et

l’utilisation des systèmes d’information

Source : Delone et McLean, 2003

D’autres recherches basées sur ce modèle ont démontré que les qualités du système et de

l’information avaient un impact positif sur les variables individuelles et organisationnelles de

l’usage (Chien et Tsaur, 2007 ; Gorla, Somers et Wong, 2010 ; Rajan et Baral, 2015 ; Sternad

et Bobek, 2013).

L’importance de la qualité de l’information a été mise en évidence à travers un double effet.

D’une part, elle influencerait l’organisation par des effets directs sur son fonctionnement, et

d’autre part, elle jouerait un rôle modérateur dans la relation entre la qualité du système et les

impacts sur l’organisation (Gorla et al., 2010). À l’inverse, la qualité du système ne semble pas

impacter l’organisation. Une explication pourrait relever de la manière dont est appréhendée

cette variable. Les mesures proposées se basent sur des caractéristiques qui la lient de manière

indirecte à l’organisation (configuration, absence d’erreurs, facilité d’apprentissage, niveau de

documentation, flexibilité, etc.). Une autre explication repose sur la position médiatrice de la

qualité d’information qui annulerait les effets de la qualité du SI sur les variables dépendantes.

Autrement dit, la qualité de l’information pourrait avoir un effet annulant ou compensant les

effets de la qualité du SI. Ce résultat souligne donc le rôle crucial de la qualité de l’information

des SI.

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

53

Par ailleurs, Gorla et al. (2010) s’intéressent à la qualité de service. Ils montrent que la fiabilité,

la réactivité, l’assurance et l’empathie sont des caractéristiques influençant positivement la

perception des utilisateurs à l’égard du SI et améliorent leur productivité lors de l’usage.

Dans une étude portant sur des enjeux similaires, Rodger et al. (1998) montrent que les attentes

des usagers (agréabilité des procédures et des formulaires, des transactions informatiques

simplifiées, contenu et fréquence des rapports du SIRH) contribuent à favoriser une expérience

positive d’usage. Par ailleurs, il apparait que la fiabilisation insuffisante des informations à

travers la consolidation des bases de données, des logiciels et des réseaux de travail génère une

méfiance des usagers à l’égard de la technologie. Ce phénomène est particulièrement sensible

puisqu’il provoque une attitude négative que l’organisation peine à neutraliser, et ce, même si

la qualité de service perçue est forte.

Ces résultats mettent en évidence une absence de compensation des qualités de système

d’information et de service dans l’usage des SI. Dans ce contexte, la fiabilisation et la

praticabilité insuffisante du système expliqueraient une diminution de la valeur ajoutée perçue

par les utilisateurs. Rodger et al. (1998) s’intéressent alors au reengineering du système

d’information qui permettrait, selon eux, de réajuster le développement de ses modules et son

aspect général en fonction de la perception des usagers.

La dimension sociale : de l’usage

Une restriction aux seuls éléments techniques dans l’analyse des problématiques d’utilisation

ne permettrait de saisir qu’une partie du phénomène. La focalisation des décideurs sur des

aspects techniques pour résoudre les problématiques d’usage conduirait même nombre de

projets de SIRH à l’échec (Bertrand et Geffroy-Maronnat, 2005). Une recherche menée par

Saint-Léger (2004) montre que les répondants s’expriment davantage lorsque sont évoquées les

thématiques organisationnelles. L’auteur note que les retours sur la dimension technique du SI

sont moins qualitatifs. Il attribue ces écarts de contenu du discours au fait que les

problématiques organisationnelles sont identifiées comme centrales dans le phénomène d’usage

(Saint-Léger, 2004).

C’est dans cette perspective que Reix et Rowe (2002) définissent le SIRH comme « un

ensemble d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des représentations via des

technologies de l’information et des modes opératoires » (p. 11). Cette définition propose de

voir les SI comme des systèmes intégrant les acteurs et les espaces sociaux qu’ils produisent.

Page 66: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

54

Les éléments critiques du succès des projets SI se meuvent alors d’un champ technologique

vers un champ plus général incluant les aspects techniques, humains et organisationnels.

Une partie importante de la littérature traitant de la question de l’usage s’intéresse aux

interactions entre les acteurs. Dans une étude sur les comportements des individus lors de la

mise en place d’un SI, Markus et Keil (1994) évoquent les conséquences des approches

technicistes qui guident de manière disproportionnée les projets. Le manque de communication

entre les utilisateurs finaux et les experts informatiques expliquerait que les systèmes résultants

intègrent peu ou pas les réalités opérationnelles. Lors de la définition du cahier des charges, les

organisations privilégieraient le déploiement de systèmes jugés performants sur le plan

technique tout en négligeant leur capacité à s’inscrire dans l’écosystème professionnel.

L’approche dans laquelle ils sont conçus et mis en place laisse apparaitre une intégration

insuffisante des contraintes de l’activité dans la conception des outils. Cette déconnexion entre

les réalités techniques et métiers créent des dysfonctionnements et incohérences qui mènent les

utilisateurs au constat que les SI ne sont pas utiles. Markus et Keil (1994) suggèrent que la

composition des équipes projet intègre les managers de proximité en les dotant d’une autorité

sur les concepteurs. Cette collaboration permettrait l’alignement des intérêts des deux corps et

favoriserait la détermination d’objectifs et outils de mesure de performance en lien avec les

finalités productives. L’implication des utilisateurs finaux dans les phases de réflexion et de

mise en place des projets a alors été proposée comme un moyen de favoriser l’attitude positive

de ces derniers à l’égard des nouvelles applications technologiques (Bondarouk et al., 2009 ;

Swanson, 1974 ; Tait et Vessey, 1988).

D’autres travaux ont mis en exergue l’effet des choix organisationnels sur l’attitude des

managers. L’étude de Hartwick et Barki (1994), par exemple, souligne le rôle de la pression

sociale et des attentes de l’organisation dans le phénomène d’usage des utilisateurs finaux. Il

apparait de cette recherche que les attentes des collaborateurs et de la hiérarchie influenceraient

la manière dont ces derniers se comportent. Plus précisément, sur la base de ses interactions

avec l’environnement, les individus évalueraient l’utilité et la mesurabilité de leurs usages.

Cette appréciation affecterait alors leur attitude.

Dans une autre perspective, Haines et Petit (1998) s’intéressent à l’accompagnement proposé

par l’organisation. Les auteurs mettent avant le rôle positif du développement des compétences

sur la satisfaction des utilisateurs. Les efforts mis en place par l’organisation agiraient comme

un signal envoyé aux utilisateurs et influenceraient leur propension à utiliser le SI. Ces travaux

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

55

suggèrent que l’appréhension des problématiques d’usage, assujettie à une approche

techniciste, limiterait la qualité du diagnostic. Alors qu’il s’intéresse à la problématique des

saisies erronées, Saint-Léger (2005) montre que la formation technique débouche rarement sur

la correction des erreurs. Ces dernières seraient plutôt traitées par une démarche de refonte des

processus. Indépendamment de l’outil, les dysfonctionnements observés sont le résultat d’une

communication rompue entre les services, mais aussi d’un contrôle insuffisant des saisies, a

posteriori. La redéfinition du processus physique permettrait alors de réduire les erreurs.

Dans une autre mesure, Besson (1999) met en évidence le rôle des conflits qui peuvent émerger

lors de la mise en place d’un projet de SIRH. Ses travaux soulignent que les difficultés que

rencontrent les utilisateurs finaux sont essentiellement liées aux conflits verticaux et

horizontaux qui accompagnent ces mutations organisationnelles. Les périodes de changements

sont enclines à l’apparition de zones d’incertitude ou certains acteurs tentent de conserver, voire

d’accroître, leur part de pouvoir. Alors que les systèmes d’information sont destinés à rendre le

travail plus collaboratif, il résulte paradoxalement de leur mise en place une centralisation des

processus et d’une fragmentation des équipes et des services. Pour Besson (1999), la prise en

compte insuffisante de cette dimension par les organisations participerait à occulter les

difficultés profondes auxquelles elles sont confrontées et mène finalement à une prise en charge

approximative des problématiques d’usage.

223. Les déterminants de l’usage : utilité perçue et facilité d’usage perçue

Les travaux réalisés dans le champ des SI mettent en évidence deux types de déterminants de

l’usage : l’utilité perçue et la facilité d’usage perçue.

Dans une série de travaux portant sur l’attitude des utilisateurs finaux, Davis (1989) définit

l’acceptation des SI comme un préalable à leur utilisation. Il identifie la facilité d’usage et

l’utilité perçues comme les deux déterminants principaux de l’usage des SI. Ces travaux

donneront par la suite naissance au modèle de l’acceptation des systèmes d’information (Theory

of Acceptance Model, Davis et al., 1989) et repris dans de nombreuses recherches s’intéressant

aux questions d’usage. D’une part, ce cadre théorique est fondé sur la théorie de l’auto-efficacité

de Bandura (1982)12 qui pose la facilité d’usage et la perception d’utilité comme des

déterminants basiques du comportement de l’utilisateur. D’autre part, il s’inscrit dans la théorie

12 Bandura, A. (1982). Self-efficacy mechanism in human agency, cité dans Davis, F. D. (1989). Perceived Usefulness, Perceived Ease of Use, and User Acceptance of Information Technology. MIS Quarterly, 13(3), 319-340.

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Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

56

des coûts-bénéfices (Beach et Michell, 1978)13 qui établit que, face à un système d’information,

l’utilisateur évalue le ratio coûts/bénéfices afin de décider si le comportement doit être engagé.

L’utilité perçue

L’utilité perçue (Perceived Usefulness) est définie comme « le degré avec lequel une personne

croit qu’utiliser un système particulier améliorera sa performance au travail » (Davis, 1989,

p. 320)14. L’utilité perçue est une variable permettant de réguler la résistance aux changements

technologiques. La mise en place ou l’évolution d’un SIRH constitue un changement de

l’environnement organisationnel et peut être soumise à un phénomène de rejet des acteurs. Plus

précisément, les utilisateurs mettent en perspective les coûts induits par son appropriation et les

avantages retirés par son usage. Cette évaluation se fait à plusieurs moments lors du projet. Une

première analyse est effectuée lors de la présentation du projet par l’organisation et une

évaluation postérieure se fait une fois le projet mis en place. Cette double évaluation permettrait

de limiter les biais liés aux effets d’annonce. Dans une étude menée auprès de 4073 managers,

Bertrand et Geffroy-Maronnat (2005) montrent que l’utilité perçue de l’outil est mise en avant

par les utilisateurs pour expliquer leur attitude face à une nouvelle application de gestion des

processus transactionnels. Lorsqu’ils sont convaincus que le SIRH vise à apporter des bénéfices

sur la situation de travail, les utilisateurs développent une attitude positive. Deux résultats

apparaissent alors comme particulièrement intéressants.

Le premier consiste à souligner l’importance de l’accompagnement et de la communication mis

en place lors de la phase préalable à l’implémentation du projet SIRH. En effet, ils permettraient

de favoriser les prédispositions des utilisateurs à accueillir favorablement le nouvel outil. Plus

étonnamment encore, l’accompagnement en amont contribuerait à développer une perception

positive de l’utilisateur quant à la valeur ajoutée de l’outil, et ce, même si ce dernier est

finalement défaillant.

Le second résultat mis en évidence par le travail de Bertrand et Geffroy-Maronnat (2005)

consiste à souligner l’importance de la prise en compte de la position de travail des utilisateurs

finaux lors de la conception de l’outil. L’association de ces derniers lors de la phase de

conception et de mise en place permettrait de réduire l’évaluation négative à l’égard de

13 Beach, L. R. et Mitchell, T. R. (1978). A contingency model for the selection of decision strategies, cité dans Davis, F. D. (1989). Perceived Usefulness, Perceived Ease of Use, and User Acceptance of Information Technology. MIS Quarterly, 13(3), 319-340. 14 Traduction personnelle : « The degree to which a person believes that using a particular system would enhance his or her job performance ».

Page 69: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 2. Les déterminants du partage de la fonction ressources humaines

57

l’efficacité du SIRH. Dans le cas où ces outils seraient implémentés sans l’appui des managers,

une communication axée sur les liens entre l’outil et la situation de travail pourrait modérer

l’attitude négative de ces derniers. Il apparait de ces travaux que la perception de l’utilisateur

concernant l’utilité du SIRH se construirait davantage sur la base d’interactions avec

l’organisation que d’une évaluation directe de l’outil.

La facilité d’usage perçue

La facilité d’usage perçue (perceived ease of use) est le « degré avec lequel une personne croit

que l’utilisation d’un système particulier peut se faire sans effort » 15 (Davis, 1989, p. 320). Ici,

la définition s’appuie sur le postulat que l’effort est une ressource finie qu’un individu alloue

dans ses différentes activités. Dans cette optique, il est supputé l’existence d’une relation

positive entre la facilité d’usage perçue et l’usage effectif d’un SIRH. Le travail de Rajan et

Baral (2015) aborde les caractéristiques techniques d’un SI pour expliquer les problématiques

d’usages. Les auteurs concluent à l’effet combiné des caractéristiques individuelles et

technologiques sur la facilité d’utilisation et l’utilité perçues. Ils montrent que le soutien

organisationnel ressenti par les usagers et la formation des utilisateurs influencent positivement

la facilité d’usage perçue. La formation favoriserait les interactions avec le SI et stimulerait une

attitude positive à l’égard du système.

Ces développements montrent que la prise en compte des facilités d’usage et de l’utilité perçues

permettrait d’expliquer le phénomène d’utilisation des SI. Ils mettent également en évidence

que cette dernière comporte à la fois une dimension technique, liée aux fonctionnalités et

caractéristiques technologiques et une dimension organisationnelle liée aux choix

d’accompagnement et de pilotage des projets.

Section 3 - Le succès de partage de la fonction ressources humaines : des

essais de mesure quantitative à une approche basée sur le gap

Le PFRH représente une orientation stratégique comportant des investissements matériels et

immatériels non négligeables. Pour ces raisons, des chercheurs se sont affairés à proposer des

définitions et mesures de son succès. Dans une réflexion sur le concept de performance, Bos-

Nehles et al. (2013) s’inscrivent dans la théorie de la performance au travail (Cummings et

15 Traduction personnelle : « Perceived ease of use, refers to the degree to which a person believes that using a particular system would be free of effort ».

Page 70: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

58

Schwab, 1973) qu’ils appréhendent comme le comportement associé à l’accomplissement de

rôles spécifiques et formels attendus. S’intéressant au PFRH, ils définissent la performance

comme l’efficacité des managers dans la mise en place des pratiques RH. Tout en concédant

que cette approche est sujette à de nombreux biais, ils mesurent la performance par le niveau

de satisfaction des collaborateurs subordonnés concernant ces nouveaux rôles RH. Cette

proposition se base donc essentiellement sur un ressenti qui peut être altéré par de nombreux

biais (relation à l’organisation et au manager, satisfaction à l’égard d’autres dispositifs). Il

apparait alors que la mise en place d’un indicateur de mesure est rendue difficile. De manière

concomitante avec les réalités plurielles que recouvre le partage de la fonction et qui ont été

présentées précédemment, il existe différentes manières de mesurer le phénomène. Dans une

première section, les développements ont permis de mettre en évidence que le PFRH peut être

appréhendé comme l’association des managers dans les activités RH uniquement, comme

l’implication de ces derniers dans les prises de décisions, ou bien les deux. Dans une perspective

évaluative, certains travaux ont tenté de proposer des définitions du succès de partage et d’en

fournir des outils de mesure en découlant. La littérature propose ainsi deux principales

approches. La première tente de définir des outils de mesure quantitatifs du succès à travers

l’évaluation métrique de l’atteinte des objectifs posés dans le PFRH. La seconde approche se

base sur un procédé comparatif et caractérise le succès de partage en fonction de l’écart entre

pratiques prévues et pratiques mises en place.

Des essais de mesure métrique du succès de partage

Des essais de mesure du succès de PFRH ont été proposés sur la base d’une évaluation

quantitative de la concrétisation du processus. La mise en place de ces outils d’évaluation ne

s’est pas faite sans difficulté, loin s’en faut. Sur le plan empirique, le manque d’informations

disponibles concernant le phénomène est pointé comme une difficulté majeure. L’implication

des managers en matière de GRH se faisant souvent dans un contexte de tensions et de

méfiance, les tentatives mises en place pour évaluer le travail RH des managers ont tendance à

être interprétées comme des pratiques de surveillance et de contrôle (Fenton-O’Creevy, 2001).

Sur le plan conceptuel, mesurer la participation où l’association des managers à travers des

outils quantitatifs d’évaluation mènerait à occulter une partie importante du phénomène. La

dimension qualitative de l’association, que ce soit en matière de participation aux activités ou

à la prise de décisions RH, apparait difficile à capturer à l’extérieur du ressenti des sujets. Il

n’en demeure pas moins que certains auteurs ont tenté de mesurer le phénomène.

Page 71: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

59

Boselie et al. (2005) proposent d’évaluer l’association d’un manager à une pratique RH en

analysant l’exposition des membres de son équipe à cette pratique. Ils retiennent trois niveaux

de partage :

- La présence : échelle qui permet d’évaluer si la pratique est présente ou absente dans

les interactions entre le collaborateur et son manager.

- La couverture : échelle continue de la proportion des collaborateurs couverts par la

pratique.

- L’intensité : échelle continue du degré avec lequel un employé est exposé à la

pratique ou à la politique. Elle représente une intensité d’exposition.

L’indicateur se focalisant sur une approche binaire présence/absence est celui qui est le plus

couramment utilisé dans la littérature du fait de la simplicité de mesure (Boselie et al., 2005).

Toutefois, le recueil d’informations portant sur la confrontation de points de vue parfois

divergents entre les spécialistes RH et les managers rendent les conclusions difficiles à établir.

La méthodologie fournie par les auteurs comporte l’intérêt de proposer trois niveaux d’analyse

permettant une mesure quantitative fine des pratiques partagées. Cependant, ceux-ci ne

précisent pas comment mesurer les niveaux. Le seul sondage des collaborateurs pourrait

constituer une limite à cette approche. Dans une précédente section, il a été effectivement

montré que selon le niveau stratégique, les collaborateurs n’avaient pas le même niveau de

connaissances concernant les pratiques et les orientations de l’organisation. Cette hétérogénéité

pourrait alors constituer un biais dans les réponses collectées.

Dans une autre recherche, Harris et al. (2002) étudient l’association des managers dans un

ensemble d’activités : recrutement et sélection, développement des compétences, processus de

promotion, champ disciplinaire. Des entretiens menés auprès de managers de proximité et de

spécialistes RH ont permis de recenser des points de vue complémentaires. Cette étude met en

évidence trois situations obtenues sur la base d’une analyse des niveaux de décentralisation et

de PFRH :

- Une structure centralisée avec un niveau minimal de partage ;

- Une décentralisation partielle et un partage avec les managers ;

- Une décentralisation significative et un partage avec les managers.

Page 72: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

60

Dans cette proposition de mesure, l’analyse intègre la participation des managers dans les

activités RH et leur association dans les décisions RH. Cette dernière est étudiée à travers le

concept de décentralisation. L’approche présentée aboutit alors à une typologie composée de

trois catégories. Malheureusement, aucun élément méthodologique n’est présenté dans cette

recherche. Cela ne permet donc pas de connaitre la manière dont les auteurs ont réalisé leur

typologie, ni comment le classement des organisations est fait à travers cette matrice. D’ailleurs,

la grille qui est proposée semble davantage être le résultat d’une analyse ex post de cas

d’entreprises. L’absence de références méthodologiques rend cette contribution difficilement

exploitable.

Enfin, dans leurs travaux, Sikora et Ferris (2014) soumettent un projet de mesure. Cette

évaluation se base sur une enquête auprès des collaborateurs ayant effectivement expérimenté

des pratiques RH dans leur contexte de travail. Par la suite, l’agrégation des réponses permettrait

une mesure globale du PFRH à travers le pourcentage des pratiques RH de l’organisation

effectivement implémentées par les managers. Cette proposition comporte au moins deux

limites. La première relève du postulat qui est de considérer les salariés suffisamment experts

en la matière pour identifier les pratiques RH dans leur contexte de travail. La seconde limite

tient à l’absence de dimension qualitative dans l’évaluation proposée. Il se pourrait, par

exemple, qu’un manager participant à un recrutement sur une période donnée soit identifié

comme concerné au même titre qu’un homologue réalisant tous les recrutements. Sikora et

Ferris (2014) établissent alors une typologie globale de l’état du PFRH dans l’organisation :

- un fort niveau d’implémentation : situation où les managers choisissent de mettre en

place de manière cohérente de nombreuses pratiques ;

- un faible niveau d’implémentation : situation où les pratiques mises en place par les

managers sont peu nombreuses et/ou manque de cohérence.

La proposition de typologie fait alors implicitement référence à un continuum de situations

caractérisées par deux dimensions : nombre de pratiques partagées et degré de cohérence. En

ajoutant ce dernier dans l’analyse, les auteurs introduisent une dimension qualitative dans

l’évaluation proposée. Pour autant, et une fois de plus, cette approche comporte comme

principale difficulté de définir les modalités de mesure de la cohérence entre les pratiques. Cette

problématique a largement été abordée dans le courant s’intéressant aux systèmes de pratiques.

Il en résulte davantage de questionnements que de réponses sur la manière de définir les

conditions permettant d’optimiser cette harmonie et sur les moyens de la mesurer. Malgré ces

Page 73: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

61

quelques points discutables, la grille proposée par Sikora et Ferris (2014) permet, une fois le

cadre méthodologique posé, de mettre en place une cartographie du partage dans une entité

donnée et de comparer spatialement ou temporellement des mesures du PFRH.

Il apparait de ces travaux que la définition d’outils d’évaluation est une entreprise rendue

périlleuse pour au moins deux raisons. Une première problématique qui semble insoluble,

relève de la capacité à mettre en place des instruments permettant de capter les dimensions

quantitatives et qualitatives du partage. Cette difficulté a mené certains auteurs à se limiter à la

proposition de typologies tout en restant prudents sur la question de la mesure. Une deuxième

problématique consiste à trouver un consensus sur la configuration optimale d’une pratique,

voire d’un ensemble de pratiques. Alors qu’un parti pris consisterait à se limiter à la

comparaison spatiale ou chronologique pour conclure sur le succès de partage, une autre

approche consiste à mesurer les écarts de résultats entre pratiques prévues et pratiques

effectivement mises en place. Ainsi, la mesure du partage peut se faire de manières statique et

idiosyncrasique.

Une étude du succès de partage par le gap

En matière de GRH, il apparait que les pratiques qui sont mises en place ne sont pas

systématiquement celles qui sont définies initialement. À ce titre, Purcell et Hutchinson (2007)

introduisent une particularité sémantique pour souligner ce phénomène. Les auteurs font la

différence entre politiques et pratiques. Les politiques relèvent du domaine stratégique

puisqu’elles contribuent directement à l’atteinte d’une stratégie et sont affectées par les valeurs

sociales et les objectifs opérationnels déterminant les compétences et les exigences de l’emploi.

Quant aux pratiques, elles représentent l’ensemble de comportements, règles et procédures qui

sont effectivement mis en place. L’étude des écarts obtenus entre la conception initiale des

pratiques et les résultats obtenus suscitent d’autant plus d’intérêt qu’ils sont identifiés comme

générateurs de sous-performance (Brandl, Madsen et Madsen, 2009 ; Khilji et Wang, 2006).

Les pratiques prévues ou envisagées (intended practices) peuvent être définies comme celles

qui sont « formulées par les responsables RH ou directeurs », alors que les pratiques

implémentées (implemented practices) sont des « pratiques opérationnalisées dans les

organisations et déployées par les employés » (Khilji et Wang, 2006, p. 1172). Brandl et al.

(2009) montrent que le degré de réalisation des objectifs définis est un signal donné par

l’organisation sur son niveau de contrôle de certains processus. Dans le prolongement de ces

éléments, la performance des pratiques RH a été définie comme un construit à trois dimensions :

Page 74: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

62

un alignement horizontal, un alignement vertical et le degré d’opérationnalité des pratiques

(Gratton et Truss, 2003 ; Purcell et Hutchinson, 2007). Ainsi, en plus de vérifier une cohérence

stratégique et une cohérence systémique, les pratiques mises en place conformément à leur

projet initial participeraient à renforcer l’appréciation des salariés. Cette dimension liée à

l’alignement trouve ses fondements dans l’existence de différents niveaux de mise en place

possibles lors de leur conception. L’évaluation proposée par Gratton et Truss (2003) est basée

sur une approche binaire déterminant deux niveaux d’implémentation : pratique

implémentée/pratique non implémentée. Dans leurs travaux, Khilji et Wang (2006) tentent de

rendre cette mesure plus précise en intégrant une mesure continue de l’implémentation. Ils

mettent en évidence l’intérêt d’étudier l’écart entre les pratiques de GRH prévues et leur mise

en place opérationnelle, notamment en soulignant l’effet de cet écart sur la satisfaction des

employés. Ils recourent à des entretiens semi-directifs et des questionnaires administrés auprès

de managers, non-managers et spécialistes RH. Un ensemble de pratiques jugées critiques sur

la base d’un état de l’art a d’abord été identifié : l’évaluation, la rémunération, la formation, le

recrutement et la définition du poste. Par la suite, les spécialistes RH ont été sollicités pour

s’exprimer sur les caractéristiques spécifiques de ces pratiques et les managers se sont

prononcés pour donner une description de leur mise en place opérationnelle. La valence de la

comparaison des points de vue se base sur le postulat que le niveau d’intégration stratégique

diffère selon les répondants. Les spécialistes sont considérés comme des représentants de la

direction et fournissent la dimension stratégique des pratiques. Les managers, eux permettraient

d’en obtenir le versant opérationnel. Il apparait finalement que des écarts importants existent

entre les croyances des spécialistes RH concernant l’état de la FRH et ce qui est effectivement

mis en place dans les organisations. Il en résulte alors que les pratiques RH proposées

initialement ne sont pas vraiment mises en place. Khilji et Wang (2006) définissent alors trois

niveaux de pratiques :

- Une implémentation élevée concerne les entreprises ayant un faible écart entre les

objectifs lors de la conception des pratiques et les résultats observés lors de leur mise

en place. Ce faible écart se traduit par une convergence dans le discours des

répondants concernant les pratiques. Les organisations intègrent cette catégorie

lorsque 80 % des spécialistes RH et managers définissent les pratiques RH de

manière similaire.

Page 75: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

63

- Une faible implémentation a lieu lorsque moins de 20 % des répondants présentent

des similitudes dans la description des pratiques. Les organisations sont alors

considérées comme ayant un faible niveau de mise en place.

- Une implémentation moyenne a lieu lorsque les discours convergents sur l’état des

pratiques RH représentent 20 % à 80 % du corpus. Le niveau de mise en place est

défini comme moyen.

Ces résultats montrent que les employés qui perçoivent une implémentation insuffisante des

pratiques annoncées montrent une satisfaction plus faible à l’égard de la GRH. Par ailleurs, il

apparait que les moyens mis en place par l’organisation pour rendre visible l’implémentation

des pratiques influencent également leur motivation. La capacité de l’organisation à développer

une culture et une structure en lien avec ces nouvelles configurations est avancée comme

facteurs clivants entre les entités à fort niveau d’implémentation et les autres. L’adoption, à

l’identique, de pratiques RH au sein de différents services ou de différentes organisations est

qualifiée d’« isomorphisme mimétique » et montre des résultats moins satisfaisants (Khilji et

Wang, 2006, p. 1185). Ce processus de déploiement qui ne tient pas compte des contingences

et des environnements spécifiques dans lesquels sont déployées les nouvelles pratiques limite

la satisfaction et la motivation des collaborateurs à l’égard de ces dernières.

Cette méthode de mesure par le gap a l’avantage de proposer une évaluation basée sur un

procédé clair de comparaison et de quantification de similitudes. Pour autant, la manière

d’appréhender ces dernières interroge. Les auteurs donnent peu d’indications sur la façon dont

le corpus est étudié, et plus précisément sur les modalités de choix de l’unité de sens. La notion

de « similitude » telle qu’acceptée par les auteurs n’est probablement pas restrictive à la

correspondance des verbatim, mais ce rapprochement doit vraisemblablement être croisé avec

l’observation des individus en contexte de travail. Malgré ces questionnements, cette recherche

basée sur le gap permet d’introduire une approche intéressante du succès de PFRH.

Pour Trullen et al. (2016) la correspondance entre pratiques initiales et pratiques effectivement

implémentées est fondamentalement un élément permettant de caractériser le succès de PFRH :

« HRM is effectively implemented when there is an ideal overlap between intended and actual

practices. Conversely, ineffective implementation occurs when the HRPs are only partially

implemented, implemented in ways that are inconsistent with their initial intent or not

implemented at all » (p. 451). Cette approche fournit alors une évaluation du succès à travers le

degré d’adéquation entre projet initial et projet final du partage (figure 1-5).

Page 76: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

64

Figure 1-5 : Évaluation du succès de partage de la FRH par le GAP

Source : auteur de la thèse

Cette réflexion comporte l’intérêt notable de proposer une mesure de l’efficacité de facto

introduite dans la définition. En effet, le partage consiste ici en la mise en œuvre de pratiques

selon des modalités conformes à celles initialement pensées. La manière de l’appréhender

permet de libérer l’analyse des contraintes méthodologiques évoquées dans les approches

présentées dans le point précédent. Dès lors que l’organisation est en mesure de dresser un

cahier des charges précis de ce qu’elle entend à travers son projet de fonction partagée, il

apparait aisé de faire une analyse postérieure de la concrétisation des objectifs. La réflexion

proposée ici ne vise pas à définir les caractéristiques d’une organisation cible, mais plutôt une

étude de l’efficacité du point de vue des situations particulières des entités. Il s’agit alors d’une

approche idiosyncrasique de l’organisation lui permettant de faire un auto-diagnostic de sa

capacité à assurer le lien entre le domaine stratégique et le domaine opérationnel. Le processus

de mise en adéquation des deux domaines a particulièrement été étudié dans le courant

théorique de l’alignement stratégique (Henderson et Venkatraman, 1989) pour expliquer la

performance. Les principes et mécanismes de ce cadre théorique seront développés dans un

prochain chapitre.

Ce premier chapitre a permis de mettre en évidence le PFRH comme une orientation qui s’est

imposée aux organisations. Elle s’est établie dans leur agenda comme un enjeu vital leur

permettant, d’une part, de voir la GRH se repositionner à un niveau plus stratégique, et d’autre

part de solliciter les managers de proximité comme des leviers de mobilisation des salariés par

le renforcement de leurs relations. Dans cette optique, la transition des rôles des spécialistes

RH a été identifiée comme un déterminant de la réussite du partage. Les organisations dont les

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Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

65

spécialistes sont parvenus à se positionner en agents du changement et en soutien des managers

seraient celles mettant en place cette orientation le plus efficacement. Mais le rôle des acteurs

n’est pas le seul facteur déterminant du PFRH. Il est apparu que les pratiques ne sont pas

partagées identiquement selon leur nature. Il ressort de la littérature que celles qui comportent

un enjeu stratégique affairant à leur potentiel de création de valeur ou des risques qu’elles

comportent ont tendance à être plus difficilement partagées. Les décideurs feraient donc des

arbitrages sur les pratiques incluses dans le processus. Ces premières réflexions ont également

été l’occasion de mettre en évidence le rôle des SIRH dans cette nouvelle orientation

stratégique. À la fois objet et facteur du développement du PFRH, les SI ont été conçus et

implémentés pour différents usages. Ainsi, le centrage des projets sur leur rôle

transformationnel s’est accompagné par la mise en place des infrastructures en lien avec

l’objectif de partage. Du point de vue des usages de ces systèmes, la littérature pointe les

dimensions technique et organisationnelle comme facteurs explicatifs de l’usage du SI.

Pour rappel, l’objectif de cette recherche est de comprendre les éléments pouvant être mobilisés

pour expliquer le succès de PFRH. Les développements exposés en amont soulignent le

caractère hétéroclite de ses définitions et les différentes perspectives proposées pour en

permettre l’étude. Ce premier chapitre a mis en évidence les éléments de la littérature dressant

les traits du paysage du PFRH. Dans un second chapitre, il conviendra de montrer comment la

mobilisation d’une grille d’analyse mixte permettrait de comprendre le phénomène étudié.

La littérature fait état d’approches théoriques variées pour comprendre le PFRH. La théorie des

ressources (Wernerfelt 1984 ; Barney 1991)16, par exemple, est mobilisée pour démontrer que

les choix en matière de partage se font dans une logique d’économie des ressources. Elle est

mobilisée par Dany et al. (2008), en particulier, pour mettre en évidence que la recherche

d’économies de ressources peut aboutir à des situations de partage limitant les effets positifs de

l’intégration stratégique de la GRH sur la performance. Cette grille théorique accorde une

importance particulière à la gestion stratégique des ressources au détriment d’autres facteurs

organisationnels et individuels dans l’explication du partage. Pour cette raison, elle n’a pas été

retenue dans le cadre de notre réflexion. Par ailleurs, la théorie de l’échange social (Blau, 1968)

a également été mobilisée dans certains travaux. Elle permet d’établir la norme de réciprocité

16 Wernerfelt, B. (1984), A Resource-Based View of the Firm, cité dans Dany et al. (2008), New insights into the link between HRM integration and organizational performance: the moderating role of influence distribution between HRM specialists and line managers. The International Journal of Human Resource Management, 19(11), 2095-2112.

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Chapitre 1 - Section 3 : le succès de partage de la FRH : essais de mesure et approche par le gap

66

comme explication des attitudes individuelles. L’utilisation de cette lecture a permis à

Hutchinson et Purcell (2010), notamment, de montrer que l’engagement des salariés dépendrait

de leur perception concernant le comportement de leurs managers et plus globalement de leur

organisation. Malgré l’intérêt a priori de ce canevas théorique, il apparait qu’il place les

comportements individuels comme des pierres angulaires du phénomène de partage et laisse la

dimension organisationnelle en recul de l’analyse. Une autre grille théorique a particulièrement

été utilisée dans le cadre de travaux sur le PFRH et prend les managers de proximité comme

sujets de recherche. Elle présente l’intérêt particulier de fournir une analyse de l’effet des choix

organisationnels sur la situation globale des managers. La théorie de l’AMO (Ability,

Motivation, Opportunity) met en évidence l’incidence des choix des décideurs sur les capacités,

la motivation et l’opportunité des individus d’adopter un comportement particulier. En matière

de GRH, des travaux récents ont mobilisé cette approche théorique pour expliquer l’incidence

des choix organisationnels sur le succès de PFRH (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al., 2015 ;

Trullen et al., 2016). Pour autant, la force analytique de cette grille théorique semble, à elle

seule, limitée du fait qu’elle incite à aborder l’effet direct des choix individuels sur les variables

attitudinales. Or, l’intégration de la cohérence des choix organisationnels pourrait s’avérer

pertinente. Dans un second chapitre, nous abordons les cadres théoriques de l’alignement

stratégique et de l’AMO et nous évoquons la pertinence de les mobiliser tous deux au vu de

notre question de recherche.

Page 79: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

67

Le partage de la fonction ressources humaines : effets de

l’alignement stratégique des choix organisationnels sur l’AMO

Enraciné dans le champ disciplinaire de la psychosociologie, le cadre théorique de l’AMO a été

proposé pour expliquer les effets des choix organisationnels. Dans son esprit initial, il est

proposé par Appelbaum et al. (2000) afin d’expliquer la performance d’une entité. Par la suite,

divers développements ont finalement mis en relation les choix de l’entité et les variables

attitudinales des salariés d’une organisation. La littérature s’est focalisée sur l’explication des

déterminants de l’AMO et leur opérationnalisation pour ensuite tenter de mettre en évidence

les facteurs expliquant le succès de PFRH. Par ailleurs, le modèle de l’alignement stratégique

(Henderson et Venkatraman, 1989a) a été proposé pour montrer comment la cohérence des

choix d’une organisation pouvait en expliquer la performance. Initialement conçu pour étudier

les entités spécialisées dans les nouvelles technologies, il a par la suite été développé dans

différents champs de la gestion. Dans le cadre de la présente recherche, il est envisagé

d’explorer l’articulation de ces deux approches théoriques. Dans une première section, nous

évoquerons la pertinence du recours à l’AMO en présentant ce corpus. Ensuite, nous

introduirons la théorie de l’alignement stratégique et le bien-fondé de sa mobilisation dans

l’objet de la présente recherche.

Section 1 - La théorie de l’AMO, un cadre analytique du succès de partage

de la fonction ressources humaines

Le cadre théorique de l’AMO a été initialement développé pour mettre en évidence les facteurs

explicatifs de la performance de production. Les nombreux travaux utilisant ce cadre trouvent

leur principal fondement dans les réflexions d’Appelbaum et al. (2000) qui interrogent la

manière dont les entreprises américaines se sont adaptées pour être plus performantes dans

l’après-guerre. Dans cette approche, l’analyse porte sur des pratiques mises en place de manière

systémique plutôt qu’individuelle. Initialement, la théorie est développée dans l’objectif

d’améliorer les processus productifs, mais les auteurs mettent en avant la pertinence de

s’intéresser aux pratiques de GRH, car elles permettent d’acquérir les connaissances et les

compétences requises.

Ce cadre se fonde sur la théorie des attentes (Vroom, 1964) qui révèle que la performance au

travail serait le résultat de la combinaison de la capacité (ability) et de la motivation

Page 80: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

68

(motivation). La capacité est alors une notion fondamentalement inhérente aux connaissances

individuelles en lien avec les tâches à réaliser. Les organisations mettant en place des processus

et des pratiques favorisant ces deux variables montreraient alors une plus grande efficacité

productive. Mais cette approche semble montrer une limite dans son pouvoir prédictif et

notamment du fait de l’absence d’une dimension dans sa modélisation. De nombreuses

observations focalisées sur les seules motivations et capacités individuelles mettent

effectivement en évidence des résultats équivoques. C’est en 1982 que l’influence de

l’environnement est intégrée pour pallier l’insuffisance prédictive de l’approche initiale. Un

modèle amélioré introduit alors une nouvelle variable, « opportunity », afin d’expliquer les

effets de l’environnement et plus particulièrement le rôle direct des choix organisationnels dans

l’intention d’action des collaborateurs (Blumberg et Pringle, 1982).

En 2000, Appelbaum et ses collaborateurs mettent en place un modèle générique qui sera à la

base de nombreux travaux mettant en lien les choix de GRH avec leurs conséquences sur les

variables attitudinales. Cette approche s’inscrit à cheval entre un courant de psychologie

industrielle qui considère le recrutement et le développement des individus (Capacités) comme

de solides prédicteurs de la performance et un courant de sociologie industrielle s’intéressant

davantage à la motivation (Motivation) comme source de performance. Les auteurs proposent

alors que les individus sont plus performants dans leur travail lorsqu’ils disposent des capacités

en lien avec la tâche à réaliser (Capacités), les incitations alimentant le désir d’effectuer cette

dernière (Motivation) et que leur environnement leur offre les possibilités matérielles de la

réaliser (Opportunité).

Appelbaum et al. (2000) s’intéressent particulièrement à un type de pratiques porteuses de

valeur ajoutée et identifient les effets de synergie lorsqu’elles sont déployées ensemble. Ils

définissent alors les systèmes de pratiques de haute performance (High Performance Work

Systems) comme des systèmes permettant, davantage que les autres, « d’inclure les employés

dans les décisions substantives, de les doter de compétences et de mettre en place un système

Page 81: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

69

d’incitation » (p. 8). La nature de ces pratiques influencerait indirectement la performance

productive par le biais d’un effet sur les comportements individuels (figure 2-1).

Figure 2-1 : L’effet indirect des pratiques de GRH sur la performance productive

Source : Appelbaum et al. (2000)

L’efficacité de ces systèmes de pratiques dépendrait à la fois du choix des pratiques prises

individuellement, mais aussi de la cohérence de ces pratiques entre elles et avec

l’environnement organisationnel. Cette hypothèse posée par Appelbaum et al. (2000) donnera

lieu, par la suite, au développement d’un courant académique portant sur les systèmes de

pratiques RH. Mais cette approche fondée sur les systèmes de pratiques tend à effacer le rôle

des variables individuelles en se focalisant sur une analyse au niveau organisationnel. Pour cette

raison, certaines recherches écartent ce construit de l’analyse (voir Bos-Nehles et al., 2013).

Ces premières réflexions ont permis d’introduire la manière dont les capacités, la motivation et

les opportunités affectent la réussite de nouveaux projets organisationnels. Il convient

dorénavant de voir comment la littérature en GRH conçoit ces variables et d’identifier ensuite,

leurs effets sur le PFRH.

Capacités, Motivation et Opportunités : détermination des

antécédents

Dans les travaux portant sur le PFRH, plusieurs recherches proposent l’étude du rôle de l’AMO

dans l’attitude des managers (e.g. Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al., 2015 ; Trullen et al.,

2016). Certains soulignent que les capacités, la motivation et les opportunités sont trois

concepts perceptuels qui constituent un « empowerment » psychologique (Gilbert et al., 2015,

p. 603). En effet, le développement suffisant de ces trois éléments permettrait de renforcer la

propension des acteurs à agir dans une situation donnée. À l’inverse, un niveau insuffisant

d’AMO pourrait entrainer les individus dans un état de « réticence » (Bos-Nehles et al., 2013,

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

70

p. 862). L’intérêt relatif de ce cadre d’étude se situe dans le déplacement du champ d’analyse.

Alors que les recherches antérieures visaient à expliquer comment la GRH pouvait améliorer

l’AMO des salariés, les variables sont ici abordées comme antécédents explicatifs d’une

variable d’action de GRH. Pour cette raison, ce travail constitue un véritable contrepied au

courant mobilisant l’AMO comme cadre théorique. Les points suivants présenteront les

variables et la manière dont elles ont été étudiées dans la littérature du PFRH.

Afin de préserver la richesse du terme « ability » et des réalités qu’il représente dans les travaux

étudiés, il sera repris dans la suite des développements tel quel ou traduit par la notion générique

de « capacités ». Aussi, contrairement aux variables « capacités » et « opportunités » qui

désignent toutes deux des ensembles pluriels, la variable « motivation » sera systématiquement

désignée au singulier. En effet, il s’agit de s’intéresser au désir qu’ont les managers

d’enclencher un comportement et non aux différents éléments idiosyncrasiques qui les

pousseraient à agir. Pour cette raison, il nous semble que l’usage du singulier est plus approprié

pour son étude dans le cadre de cette recherche.

11. Ability : les capacités individuelles comme variables d’action

Le concept de « ability » peut être appréhendé comme la capacité naturelle ou acquise

permettant à un individu de développer une tâche convenablement (Rothschild, 1999). Elle

recouvre des attributs humains tels que les compétences, l’expérience, les attitudes et le savoir

initial cohérents avec l’accomplissement de ces tâches. Bos-Nehles et al. (2013) précisent cette

définition en l’appliquant au champ de la GRH. Les capacités sont les « compétences en lien

avec la GRH et nécessaires pour mettre en place des pratiques de GRH de manière satisfaisante

sur le champ opérationnel » (p. 864). L’approche présentée ici est plus restrictive puisqu’elle

prend pour objet l’étude les connaissances en action à travers le concept de compétences. Dans

leurs travaux, les auteurs étudient leur impact sur la performance au travail. Cette dernière est

alors appréhendée comme le degré avec lequel les managers produisent les actions attendues

dans le cadre de leurs attributions RH et sont satisfaits de ces actions produites.

Bos-Nehles et al. (2013) retiennent deux types de capacités fondamentalement en lien avec la

mise en place du PFRH avec les managers :

- les connaissances et compétences relatives aux aspects légaux et pratiques de GRH ;

- et les compétences concernant le management du personnel

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

71

Les différentes approches du concept de capacités font donc intervenir deux caractéristiques

principales. La première relève du fait qu’il s’agit d’éléments intangibles directement liés au

capital de savoirs détenus par l’individu et dont la mise en action lui permettrait d’agir en faveur

d’un comportement visé. Les capacités sont donc envisagées comme des ressources permettant

l’action. Le deuxième élément qu’il convient de retenir porte sur la nature des capacités qui

peuvent être différentes et concerner des aspects spécifiques de la GRH, mais également du

management d’équipe. Il semblerait effectivement que le partage de responsabilités RH avec

les managers affecterait leur position en tant que responsables d’équipe et nécessiterait de

réquisitionner les compétences en matière d’encadrement (Bos-Nehles et al., 2013).

Le développement de compétences en matière de GRH est rendu possible par différents moyens

complémentaires. Deux d’entre eux sont particulièrement mis en évidence dans les travaux

relatifs au PFRH. Le premier relève du processus de formation permettant l’acquisition de

connaissances cibles et leur mise en action dans l’organisation du travail définie. Le second

repose sur l’apprentissage par l’expérience et notamment par « l’approche partenariale » dans

laquelle managers et spécialistes déploient conjointement certaines pratiques (Whittaker et

Marchington, 2003, p. 255).

111. L’acquisition des capacités par la formation

D’un point de vue organisationnel, la formation constitue un facteur central de succès de PFRH.

D’une part, les investissements réalisés par les organisations dans l’effort de formation seraient

un indicateur de volonté de partage (Loubes, 1998). D’autre part, il apparait que les difficultés

relatives au déploiement de la formation constitueraient le principal frein au PFRH dans ces

entités (McGovern et al., 1997). Pour cause, les nouvelles attributions RH induisent un

changement dans l’organisation du travail des managers et nécessitent un questionnement sur

l’état des connaissances et des compétences à développer pour mener à bien leur nouveau

mandat. Pour autant, ces nouvelles attributions seraient considérées par les responsables

d’équipe comme tout à fait naturelles puisqu’elles constitueraient un prolongement logique de

la fonction managériale (Cunningham et Hyman, 1999). Cette perception serait alors d’autant

plus prégnante que ces derniers ont l’impression d’être de bons managers. L’auto-efficacité

perçue dans le champ managérial et l’association mentale des attributions RH à ce dernier

permettraient de neutraliser le sentiment de complexité des pratiques RH. La prise en main des

nouvelles attributions serait alors facilitée par le fait que les compétences requises sont

communes avec celles développées dans le cadre de la fonction d’encadrement. Dans une étude

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

72

de cas mobilisant le ressenti de 13 managers, Whittaker et Marchington (2003) confirment que

les managers ont tendance à accepter facilement leurs nouvelles attributions RH et ne se sentent

pas particulièrement en difficulté en ce qui concerne leur niveau de maîtrise des connaissances

nécessaires.

Mais ce résultat doit toutefois être nuancé en deux points. Premièrement, il n’est pas valable

pour l’ensemble des champs de GRH. Ceux qui demandent une expertise importante du fait de

la prédominance d’aspects réglementaires ou d’une complexité formelle (e.g. la sécurité au

travail, l’évaluation au travail, la gestion des contrats) ne sont pas maîtrisés. Pour cette raison,

les managers refusent d’emblée de les accepter dans leur périmètre fonctionnel. En effet, dans

une analyse coûts-bénéfices, ces deniers conçoivent leurs nouvelles attributions comme le

moyen d’enrichir leur travail et de renforcer le lien avec leurs collaborateurs. Parallèlement, ils

opèrent un choix sur les activités qui ne sont pas trop consommatrices de temps et d’efforts

d’apprentissage. Il semblerait également que ces arbitrages en fonction du niveau d’expertise

requis soient également fondés sur des éléments davantage politiques. Les managers ne veulent

pas voir leur métier comportant une dimension technique et opérationnelle importante se diluer

et faire d’eux des « consultants internes » (Whittaker et Marchington, 2003, p. 254). Ce résultat

semble converger avec les développements précédents mettant en évidence les choix

organisationnels comme facteur segmentant des pratiques selon leur nature. Ici, la segmentation

semble davantage relever de perceptions individuelles sur la capacité à maîtriser certains types

de pratiques.

Un deuxième point de vigilance à porter concernant ces observations tient aux caractéristiques

structurelles de la population étudiée. Effectivement, la recherche de Whittaker et Marchington

(2003) porte sur des managers expérimentés (senior managers) dont le temps passé au sein de

l’organisation est une ressource leur permettant plus facilement d’accepter de nouveaux

changements et leur a même permis de développer antérieurement ces compétences de GRH de

manière informelle.

Mais la formation des individus constitue un enjeu stratégique tant sur le plan organisationnel

qu’individuel. Ceci pourrait expliquer qu’elle soit abordée d’une manière contreproductive.

L’impératif d’optimisation des ressources au niveau de l’organisation et la logique coûts-

bénéfices intégrée par les managers amènent les parties à faire des arbitrages potentiellement

décalés avec l’objectif de PFRH.

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

73

Au niveau des acteurs, McGovern et al. (1997) montrent que les différentes restructurations et

la perception de changements continus poussent les managers à adopter des attitudes de

résistance face au développement de nouvelles compétences. Celle-ci s’inscrit plus globalement

dans un comportement de rejet de leurs nouvelles responsabilités. Dans ce cadre, les

responsables d’équipe mettent en place des initiatives pour rediriger le contenu des formations

en faveur de compétences qu’ils maîtrisent déjà, ou du moins qui en sont proches. Sur le plan

organisationnel, les auteurs soulignent également l’existence de contraintes qui empêchent, de

manière consciente ou involontaire, le processus de développement des compétences en faveur

d’un PFRH. Deux sources de pressions sont alors identifiées. Premièrement, le renforcement

institutionnel mène les organisations à être centrées sur l’objectif de performance productive.

Les efforts de formations pour soutenir cette finalité pourraient alors être surreprésentés dans

les choix de développement des compétences effectués. Deuxièmement, les auteurs évoquent

les logiques temporelles concurrentes. Ils montrent que la focalisation sur des projets de court

terme implique une faible incitation de l’organisation au développement RH. Cet effet structurel

pourrait alors influencer le développement des compétences RH qui ne font pas partie des

priorités. Cette concurrence des orientations a également été soulignée par Loubes (1998). Dans

ses travaux, l’auteur montre que la formation constitue un véritable enjeu basé sur la gestion de

la divergence entre les besoins stratégiques de l’organisation et les attentes opérationnelles des

collaborateurs. La concurrence de fait qui existe entre les logiques stratégique et opérationnelle

crée des configurations où le développement des compétences RH est rendu difficile. Cette

observation est d’autant plus prégnante que les contenus et les modalités des formations sont

intégrés dans des plans de formation. Ces documents centralisés au niveau des sommets

décisionnels intègrent l’ensemble des besoins organisationnels et réalisent une hiérarchie des

priorités.

112. L’acquisition des capacités par la relation partenariale

Le rôle des spécialistes RH a été mis en évidence comme un facteur central du partage effectif

de la FRH (Whittaker et Marchington, 2003). La disponibilité et le support de ces derniers

permettraient de rendre les responsables d’équipe autonomes sur les activités où ils agissent

seuls. La définition des modalités d’intervention des spécialistes semble alors être un élément

critique du PFRH puisqu’il réduirait le risque de dépendance de certains managers à l’appui de

la DRH. L’incidence du soutien des gestionnaires RH a également été soulignée dans des

travaux mettant en évidence le manque de confiance en soi ressenti les par managers concernant

leur propension à agir. Dans ce cadre, consulter un expert lorsqu’une situation est jugée

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

74

problématique est un moyen de se protéger et de limiter les risques psychologiques liés aux

erreurs potentielles. Ce constat est particulièrement saillant dans certains champs de la GRH

tels que la gestion disciplinaire où le recours aux spécialistes RH permet à la fois de protéger la

relation du manager avec son équipe, mais aussi de réduire les risques liés à de mauvaises prises

de décisions (Hunter et Renwick, 2009). Cette façon d’agir aboutirait à transformer les

managers en de véritables « clients internes » (p. 457). De cette manière, les managers se

sentent plus confiants pour mettre en place les pratiques RH. Ils recourent alors massivement à

la disponibilité et la flexibilité des spécialistes, profitant de ce que Trullen et al. (2016)

désignent comme une « une politique de la porte ouverte » (p. 457). Plus particulièrement, la

présence physique des spécialistes RH sur les sites de production permettrait aux managers de

se former par les échanges et les questionnements, mais elle est aussi l’occasion de déployer,

de manière plus sécuritaire, des pratiques qu’ils n’avaient pas pu ou voulu aborder auparavant.

Le soutien des experts dans le processus de formation peut prendre d’autres formes dont la

manière la plus basique est de fournir des supports matériels comme des manuels ou des boites

à outils (Trullen et al., 2016). En général, ces supports fournissent une documentation technique

et des indications sur la manière d’opérer. Il est également commun de mettre en place une

formation avant le lancement d’une nouvelle pratique. La transmission des supports permettrait

de constituer un élément tangible sur les enseignements techniques qui ont été dispensés, mais

aussi, et surtout, ils permettent de matérialiser les interventions physiques et plus globalement

le soutien apporté par les spécialistes. En ce sens, ces documents constitueraient un élément de

preuve en cas de remise en cause de l’accompagnement proposé par le passé. Il convient

toutefois de souligner que la mise à disposition de supports peut aboutir à des résultats

contreproductifs dès lors qu’ils sont perçus comme inutilement complexes ou trop exhaustifs.

La complexité perçue du support peut effectivement aboutir à l’idée que les documents sont

distribués de manière instrumentale dans une optique de justification par les RH de leur

intervention (Trullen et al., 2016). Cette perception, potentiellement néfaste sur l’attitude des

managers en situation de PFRH, est d’autant plus forte que les échanges physiques avec les

spécialistes RH sont limités. La mise en place des documents devrait également s’accompagner

d’une intervention réelle par la DRH pour montrer que ces supports s’inscrivent dans une

véritable politique de soutien aux agents du réseau opérationnel.

Page 87: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

75

Les travaux présentés dans ces deux premiers points suggèrent finalement que la formation et

la relation partenariale sont deux composantes intervenant dans le développement des capacités

(figure 2-2).

Figure 2-2 : Synthèse des déterminants des capacités de partage de la FRH

Source : auteur de la thèse

12. Motivation : la motivation externe comme antécédent du partage de la

fonction

Dans le cadre de la théorie de l’AMO, la motivation est exprimée par le désir d’agir. Appliquée

au phénomène de PFRH, elle est définie comme « le désir et la volonté des managers de

proximité de déployer des tâches RH » (Bos-Nehles et al., 2013, p. 865). Elle comporte une

dimension interne et externe (Marin-Garcia et Tomas, 2016). Les dimensions externes sont liées

à des incitations telles que des gains économiques, souvent associés à un horizon de court terme

alors que les facteurs internes émanent plutôt de valeurs et intérêts individuels. En situation de

PFRH, les managers porteraient peu d’intérêt aux incitations internes et seraient plus sensibles

à celles mises en place par l’organisation (Brewster et Larsen, 2000). Certains travaux ont alors

porté sur l’identification des facteurs de motivation et leurs impacts sur l’attitude du manager

dans ce contexte de partage. Ils mettent en évidence deux principaux facteurs : le rôle de la

valorisation par l’organisation des nouvelles responsabilités (Brandl et al., 2009 ; Harris et al.,

2002 ; McGovern et al., 1997 ; Whittaker et Marchington, 2003) et le développement

d’interactions sociales valorisantes avec les spécialistes RH (Currie et Procter, 2001 ; Heraty et

Morley, 1995 ; Renwick, 2003 ; Watson et al., 2006 ; Whittaker et Marchington, 2003).

121. Le rôle de la valorisation des nouvelles attributions

La valorisation des nouvelles attributions des managers constitue un moyen d’en reconnaitre

l’importance. Les travaux de Renwick (2003) montrent que lorsque le climat organisationnel

est orienté vers des objectifs du PFRH, la mise en place des pratiques serait plus efficace. La

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

76

définition d’incitations fondées sur la réalisation de ces objectifs favoriserait les efforts des

managers dans leur implication en matière de GRH. De la même manière, lorsque les pratiques

RH sont pleinement intégrées dans le management et que des comptes sont demandés aux

managers, ces derniers seraient davantage investis (Watson et al., 2006). Pourtant, McGovern

et al. (1997) montrent que les nouveaux rôles RH des managers ne sont que rarement inclus

dans les critères de performance. Ces derniers seraient davantage évalués sur l’atteinte de leurs

résultats de production. Or, dans des configurations où les managers ont l’impression que leurs

responsabilités dépassent les ressources à disposition, ces lacunes dans la reconnaissance des

contributions en matière de GRH sont identifiées comme affectant la motivation externe. Ce

décalage les amènerait à mettre en place des priorités dans leurs missions et à négliger leurs

attributions RH étant donné leur non-intégration dans les éléments de valorisation (Harris et al.,

2002 ; McGovern et al., 1997). Cette compétition des priorités amènerait les managers à

relativiser l’importance de leurs responsabilités RH et cela d’autant plus que la valorisation de

la GRH est insuffisante. Par ailleurs, le manque de formalisation les empêcherait de voir les

effets de leur implication en matière RH sur leur contexte professionnel, et ce, même si des

rétributions sont mises en place par l’organisation (Whittaker et Marchington, 2003). Ce

résultat souligne donc l’importance de la formalisation sur le contenu de leur implication en

matière de GRH et des rétributions qui sont proposées en retour. Plus précisément, les actions

de valorisation par la communication auprès des managers ont été mises en avant par Brandl et

al. (2009) comme un élément impactant la désirabilité des tâches par ces derniers. La mise en

place effective des tâches par les managers passerait nécessairement par le développement de

leur intérêt à l’égard de celles-ci. Ils montrent que dans un contexte de division entre les

spécialistes RH et les managers, un travail insuffisant sur les perceptions qu’ont ces derniers de

certaines tâches RH favoriserait l’émergence de tâches populaires (celles qui seraient orientées

sur le développement du bien-être du personnel, par exemple) et impopulaires (celles axées sur

le règlement des conflits, par exemple). La communication auprès des managers constituerait

donc un activateur du PFRH, mais aussi un indicateur du niveau de ce dernier (Loubes, 1998).

Les modalités de partage de l’information sont effectivement perçues par les managers comme

un signal envoyé par l’organisation sur la volonté de collaborer avec eux et de les impliquer

réellement dans le champ.

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

77

122. Les effets de la qualité et de la réciprocité relationnelles sur la

motivation

La question de la relation a été soulevée dans une étude de Purcell et Hutchinson (2007) qui

mettent en évidence son rôle modérateur dans le PFRH. Ils montrent que la mise en place de

pratiques RH de mauvaise qualité entraine un effet négatif sur la volonté des managers de

s’impliquer en matière de GRH. Cependant, la perception d’un comportement de leadership

participerait à compenser la mauvaise qualité du système de pratique et favoriserait

l’implication des managers dans la FRH. Ce dernier est défini comme « l’ensemble des

comportements visant à influencer et donner la direction » (p. 3). Les auteurs concluent alors

que les managers perçoivent les pratiques et l’accompagnement comme un engagement de

l’organisation. Lorsque cette dernière introduit des pratiques inefficaces, mais les compense par

des comportements jugés favorables, les managers perçoivent cette situation comme un signal

positif et développent une attitude à l’encontre de ces pratiques. De manière réciproque, les

effets de pratiques RH de qualité peuvent être annulés par une relation jugée médiocre. Dans

ces cas, les managers refuseraient d’adopter leurs nouvelles responsabilités de manière

volontaire. Ces résultats mettent alors en évidence l’alignement entre la qualité des pratiques et

RH et l’accompagnement apporté par l’organisation comme un prédicteur de l’attitude des

managers à l’égard de la FRH.

Dans un autre contexte, l’étude des interactions entre managers et spécialistes RH mène

Renwick (2003) à conclure à l’existence d’un partenariat. Ce dernier reposerait sur un principe

de réciprocité de nature asymétrique et souvent informel. Le partenariat reposerait sur les

attentes des managers qui, lorsqu’ils s’investissent dans la FRH, attendent des spécialistes qu’ils

s’investissent également dans les problématiques que rencontrent les responsables d’équipes

dans le cadre plus général de leur métier. Il s’agirait d’un contrat psychologique informel qui

permettrait d’expliquer l’attitude de ces derniers lors de leurs interactions avec les membres de

la DRH. Mais Renwick (2003) montre que l’exigence de réciprocité s’applique à des champs

plus précis de la relation entre les deux parties. Il y a une tendance à ce que les spécialistes RH

soient positionnés à des niveaux hiérarchiques plus élevés que les managers de proximité et

définissent les objectifs en matière de GRH qui doivent être atteints par ces derniers. Dans

certains cas, l’atteinte de ces réalisations est évaluée et intégrée dans des systèmes de

rétribution. L’auteur montre alors que les managers formulent en retour des attentes en matière

de qualité de service rendu par les spécialistes. Ces attentes peuvent être de nature et d’ampleurs

variées (e.g. transparence dans les processus, disponibilité en cas de besoin, rapidité de

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

78

réponse), mais constituent une dimension de la qualité de la relation entre les deux parties. La

mise en place d’une investigation sur les attentes permettrait ainsi au département RH

d’intervenir sur la motivation des managers, et ce à deux niveaux. Un premier niveau tient à

l’intérêt de l’organisation perçu par les responsables d’équipe. Un second niveau a trait à la

satisfaction directe de ces attentes.

Ces développements montrent donc les effets potentiels des incitations positives et de la qualité

de la relation sur la motivation à partager la FRH (figure 2-3).

Figure 2-3 : Synthèse des déterminants de la motivation de partage de la FRH

Source : auteur de la thèse

13. Opportunity : la définition des conditions de partage de la fonction

La manière dont est considérée l’opportunité dans la littérature de l’AMO et pour le peu

équivoque. Certains auteurs la considèrent comme le design de la position de travail et

l’empowerment des acteurs (Lepak et al., 2006). Elle représenterait les possibilités offertes aux

acteurs d’agir. D’autres soulignent des activateurs environnementaux ou contextuels de

comportement productifs comme la quantité nécessaire de ressources pour réaliser une tâche,

les distractions physiques des collaborateurs en milieu de travail ou encore le niveau de menace

présent dans l’environnement (Stajkovic et Luthans, 1998). En contexte de PFRH, l’opportunité

peut être appréhendée comme « l’ensemble des circonstances qui rendent possible la

réalisation de quelque chose » (Bos-Nehles et al., 2013, p. 865). Elle représente non seulement

les « avenues » laissées par l’organisation pour permettre aux managers d’agir, mais aussi la

mise en place d’un soutien de l’organisation favorisant le déploiement des activités RH (p. 862).

La volonté de l’organisation de développer la participation devrait s’accompagner par la mise

en place de moyens tout en réduisant la distance entre les managers et les spécialistes RH. Pour

Bos-Nehles et al. (2013), l’opportunité doit être considérée comme un ensemble de contraintes

opérationnelles et situationnelles. Dans cette optique, plusieurs facteurs permettraient de la

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

79

développer : des conditions matérielles favorables, la formalisation en tant que moyen de

clarification des rôles, le soutien organisationnel et les choix d’articulations des processus de

travail.

131. L’effet de la définition des conditions matérielles

La capacité de l’organisation à concevoir le PFRH comme une pratique intégrant les contraintes

et les besoins de l’ensemble des acteurs a été identifiée comme un élément crucial de sa réussite.

L’intégration de responsabilités RH dans le périmètre fonctionnel des managers a été identifiée

par ces derniers comme une évolution naturelle de leur métier (Renwick, 2003). Bien que ces

nouvelles prérogatives semblent compatibles avec celles liées aux champs de la production et

du management, elles seraient consommatrices de temps et entreraient en concurrence avec les

autres activités des managers. Par conséquent, l’intégration des responsabilités RH sans regard

de l’ensemble de l’activité des managers pourrait les amener à l’incapacité d’accomplir leurs

tâches fonctionnelles (Whittaker et Marchington, 2003). Dans de nombreux cas, l’intégration

de la GRH dans l’activité des managers ne s’est pas faite avec la mobilisation de moyens, de la

formation, et de l’allocation de temps supplémentaire. En l’absence d’une véritable réallocation

des ressources en contexte de PFRH, les managers se sentant démunis opèrent un arbitrage dans

leurs attributions fonctionnelles en défaveur des activités liées à la GRH (Hunter et Renwick,

2009).

Pour Whittaker et Marchington, (2003) l’évolution de la fonction managériale doit s’inscrire

dans une réflexion plus globale articulée autour de la recherche de nouveaux équilibres. Dans

le cas contraire, le déploiement de trop nombreuses responsabilités RH sur le plan managérial

alimente le risque que les problématiques RH ne soient pas prises en main correctement. Cela

pourrait également freiner l’intégration dans les priorités opérationnelles ou qu’elles génèrent

des hétérogénéités dans leur déploiement. Inversement, une rétention trop importante de ces

responsabilités au sein des spécialistes RH présente un risque d’appropriation insuffisante par

les managers et finalement une application insuffisante dans les actions de l’organisation.

132. La formalisation des règles et procédures

La formalisation peut être définie comme « la mesure avec laquelle les procédures écrites

communiquant avec les résultats et les comportements désirés existent et sont

utilisées » (Bodewes, 2002, p. 219). À travers la notion de mesure, cette définition établit la

formalisation comme un processus graduel. En matière de GRH, le concept a été défini par « le

nombre de politiques et pratiques de GRH existantes en lien avec ces dernières, et par

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

80

l’utilisation similaire, mais différente de listes de politiques de GRH qui identifient les différents

niveaux de formalité (à la fois en nombre et en qualité), qui sont originaires de différentes

sources » (Hunter et Renwick, 2009, pp. 399-400).

Ainsi, il s’agit dans un premier temps de la production matérielle d’un ensemble de procédures

supposées alignées avec les objectifs de l’organisation. Dans un second temps, la formalisation

a trait à la mise en place effective des processus visés par ces dernières. Les disparités pouvant

naitre entre le stade du discours et celui de la réalité ont toute leur importance. Dans certains

cas, bien que l’implémentation du PFRH puisse être qualifiée de formelle par l’existence de

règles et de procédures nombreuses, le recours limité à ces dernières et leur contournement

mènent à la conclusion que l’orientation est en réalité non formalisée (Hunter et Renwick,

2009). La formalisation est un objet qui a suscité d’importantes discussions dans les travaux sur

le PFRH. Alors que certains défendent le point de vue de l’effet structurant et homogénéisant

de la formalisation sur les comportements des managers, d’autres mettent en avant les limites

posées par ce processus rigidifiant. Finalement, la formalisation pourrait intervenir sur les

opportunités PFRH à travers un effet de complémentarité des structures formelles et

informelles.

L’effet structurant de la formalisation

Le caractère structurant de la formalisation a particulièrement été mis en avant dans une étude

de Payre (2017) qui met en évidence le rôle de la production d’un cadre dans la prise en main

des responsabilités RH par les managers d’une PME. Tout d’abord, l’absence de formalisation

pourrait être justifiée par l’organisation par le manque d’intégration de la GRH dans les

préoccupations prioritaires des dirigeants. Cette absence de formalisation agirait ensuite à deux

niveaux.

Du point de vue de l’organisation, il apparait que les dirigeants ont tendance à considérer la

FRH comme secondaire par comparaison aux activités dites productives. De ce fait, ils vont en

relativiser son importance. Cette posture limite l’intégration stratégique de la fonction et relègue

au second plan les pratiques d’accompagnement des managers dans leurs responsabilités RH.

Elle réduirait la propension des organisations à mener des actions de développement de

compétences.

Du point de vue des managers, ceux qui sont exposés à un tel contexte laisseraient apparaitre

des difficultés de positionnement par rapport à leur style de management et à la manière dont

ils doivent mettre en place les pratiques. La formalisation du « mandat hiérarchique du

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

81

manager » contribuerait à fixer son périmètre d’activité et lui permettrait la représentation de

son positionnement dans l’organigramme, de son champ d’action et de son degré d’autonomie

(Payre, 2017, p. 67). La formalisation agirait également en réduisant les écarts entre les

pratiques mises en place et participerait à l’homogénéisation de l’état de la FRH dans les

différentes unités ou services. Ces mécanismes seraient encore plus prégnants en période de

changements organisationnels. En effet, dans un contexte d’incertitudes et de dilution des

repères, la matérialisation des règles et des procédures écrites permettrait au personnel

d’identifier les priorités de l’organisation (Ramus, Vaccaro et Brusoni, 2017). La formalisation

serait alors un processus dynamique permettant l’accompagnement en période de mutation

organisationnelle.

L’effet limitant de la formalisation

Les travaux sur la formalisation mettent également en évidence un effet contraignant du

processus. L’étude menée par Hutchinson et Purcell (2010) montre que les rôles qui sont

effectivement mis en place dans les organisations n’émanent que très rarement des règles et des

procédures écrites. Les rôles adoptés sont identifiés comme le résultat de comportements

discrétionnaires dont la nature dépend du design et de la variété des pratiques qui sont

implémentées dans l’organisation. Lorsque leur fonction est peu encadrée, les managers sont

laissés libres de développer leurs propres dispositifs. A contrario, la mise en place d’outils, de

techniques et de procédures imposés limite leur capacité à improviser dans la gestion du

personnel et à faire émerger des pratiques qui peuvent être potentiellement bénéfiques pour

l’organisation.

Par ailleurs, Hunter et Renwick (2009) montrent que les choix en matière de formalisation ne

sont pas sans conséquence sur le rapport des managers avec leur équipe. Les contraintes

exercées sur les choix de management peuvent effectivement aboutir à la réduction des marges

de manœuvre et à la détérioration des relations interpersonnelles. En effet, le manque de

flexibilité génèrerait une incapacité à développer des pratiques et à résoudre les problématiques

de manière adaptée aux spécificités de la situation. Ces rigidités sont mises en avant pour

expliquer la dégradation de la relation que les collaborateurs ont avec leurs managers et

contribueraient à l’insatisfaction de ces derniers à l’égard de la FRH. Dans certains cas, la

formalisation est identifiée comme une contrainte à l’efficacité managériale des managers

(Hunter et Renwick, 2009). La complexité qu’implique le respect de règles et de procédures

peut expliquer la difficulté qu’éprouvent les managers à développer un rôle significatif dans

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

82

leur nouveau mandat de gestionnaire RH. Pour contourner les problématiques liées à la

sophistication intensive des procédures, les managers recourent à l’entre-aide avec leurs pairs.

La complémentarité des processus formels et informels

En situation particulière de PFRH, il se pourrait que les aspects formels et informels de la mise

en place des pratiques se couplent pour constituer un système de production de règles plus

efficace. Dans une recherche menée auprès de PME, Hunter et Renwick (2009) montrent que

ces deux dimensions constituent des sources complémentaires d’information des managers. Ils

qualifient cet aspect combinatoire comme un « couple ». Il s’agit effectivement de systèmes

constituant deux « routes alternatives » et contribuant à la même finalité : la mise en place de

la GRH (Hunter et Renwick, 2009, p. 407). Cette complémentarité est d’autant plus forte qu’il

s’agit combiner des savoirs codifiés permettant de se conformer à la GRH (source formelle) et

à une source de savoirs tacites émanant de comportements observés (source informelle). Cette

dernière forme fait référence à l’apprentissage par l’expérience que Brewtser et al. (1992) ont

évoqué pour souligner le caractère informel de la formation des managers en GRH.

L’apprentissage formel, quant à lui, est mis en place à travers des programmes de

développement du management, axé sur le développement personnel, la prise de décisions et

l’endossement de responsabilités. Cet aspect de l’information est particulièrement important

pour l’organisation, car il permet de développer et de renforcer son rôle d’accompagnement

auprès du personnel. Dans ce contexte, les entités qui mettent en place une structure formelle

suffisante seraient celles qui bénéficient de plus grande légitimité et d’une confiance plus

importante auprès de leur personnel. Pourtant, Hunter et Renwick (2009) insistent sur le fait

que le développement disproportionné d’une structure formelle aboutirait à une rigidification

de l’organisation avec une intégration insuffisante de l’information par les destinataires. En

revanche, une structure trop informelle aboutirait à la production incontrôlée d’informations et

à la perception que l’organisation est absente. Ils proposent alors le développement d’une

formalisation équilibrée intégrant les structures formelle et informelle selon les besoins de

l’organisation. La prise en compte de l’environnement et la mise en place d’une structure

adaptée permettraient d’offrir à la gestion opérationnelle souplesse et efficacité dans la mise en

place des pratiques RH.

133. Le soutien des spécialistes ressources humaines

Dans une section précédente, des développements ont été mis en évidence pour souligner le

rôle du soutien des spécialistes RH dans le développement des capacités des managers. Ce

Page 95: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

83

dernier permettrait alors aux managers d’acquérir des capacités en lien avec le PFRH. Ce

soutien n’intervient pas uniquement dans la phase de formation des managers, mais aussi à

travers l’expérience plus générale des managers en contexte de gestionnaires RH.

Heraty et Morley (1995) montrent à ce sujet que la manière dont le département RH met en

place une configuration où les managers peuvent agir de manière autonome constitue un

message positif envoyé à ces derniers. La façon dont sont distribués les responsabilités et les

protocoles de décision favorise la confiance perçue. Ainsi, les auteurs montrent que les champs

ne sont pas identiquement partagés avec les managers. Le champ de la formation, par exemple,

dont les aspects de développement ou bien de formulation des politiques ont tendance à être

saisis par les spécialistes seuls. Ces éléments, considérés comme particulièrement stratégiques,

ont tendance à être exclus du périmètre d’action des managers. Or, ces derniers considèrent que

leur niveau d’intervention en matière de GRH doit se situer à la fois sur le plan stratégique et

opérationnel. D’ailleurs, Watson et al. (2006) montrent que le niveau d’action stratégique des

managers influence leur perception quant à leur niveau de responsabilité dans le management

des hommes et dans la GRH. Plus ils interviendraient dans des décisions stratégiques et plus ils

auraient l’impression d’être associés dans la gestion des hommes.

Mais le soutien apporté par les spécialistes RH ne se limite pas à la seule confiance dans le

processus de partage de responsabilités. Il prend une forme différente en aval de la prise en

main des pratiques RH par les managers. L’attribution de responsabilités RH a effectivement

tendance à renforcer le lien entre ces derniers et leurs collaborateurs. Mais cette proximité

comporte également le risque de rendre la résolution des conflits plus difficile (Watson et al.,

2006). C’est dans ce contexte qu’émergent de nouvelles attentes relatives au soutien

organisationnel dans les décisions prises auprès des collaborateurs. Lorsque des décisions font

l’objet de contestations, l’absence de soutien formel tend à susciter un sentiment de trahison.

Cette posture, interprétée comme un désaveu, favorise alors l’impression d’être « pris en

sandwich » et modifie négativement l’attitude des managers à l’égard d’une collaboration

future (McConville et Holden, 1999). Dans les réflexions portant sur l’incidence du soutien

perçu, Watson et al. (2006) livrent une observation particulièrement intéressante. Ils suggèrent

que cette perception pourrait être influencée par le niveau hiérarchique du responsable d’équipe.

Les managers stratégiques seraient davantage convaincus que les spécialistes RH leur apportent

un soutien dans leur GRH. Cette perception relèverait alors à la fois de l’auto-efficacité perçue,

mais aussi du sentiment d’être appuyé par la direction dans les décisions. Ces résultats présentés

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

84

par Watson et al. (2006) comportent l’intérêt de souligner le rôle du niveau stratégique sur la

perception des managers concernant leurs relations avec les spécialistes RH. Or, rien ne permet

de conclure si cette divergence de perceptions est liée à leur position dans la ligne managériale

où s’il s’agit réellement d’un traitement différencié de la part des experts RH.

Du point de vue des spécialistes RH, l’étude du soutien apporté au manager laisse également

apparaitre des résultats intéressants. La difficulté à mobiliser ces experts sur les enjeux du

PFRH a été mise en évidence comme une cause centrale de leur soutien insuffisant. Certains

travaux montrent que le manque de préparation des spécialistes aux mutations induites par le

partage débouche sur le développement de mécanismes de résistance de ces derniers (Hall et

Torrington, 1998 ; Harris et al., 2002 ; Manz et al., 1990). Le transfert de responsabilités et de

pouvoirs décisionnels serait perçu comme une dépossession. Les spécialistes RH seraient alors

dans la crainte de se voir retirer une partie enrichissante de leur activité. Mais le phénomène de

résistance pourrait trouver une autre explication. Kulik et Brainbridge (2006) montrent que les

responsables RH estiment que leur fonction nécessite une expertise dont les managers ne

peuvent pas se prévaloir. Dans ces conditions, ils considèrent que transférer les activités et

centres de décisions aux responsables d’équipe comporterait un risque de dilution de la fonction

et en favoriserait l’éclatement. Dans cette configuration, les spécialistes RH seraient amenés à

entraver le partage de la fonction en réduisant l’autonomie des managers. Les modalités de

communication de l’information et de définition des procédures viseraient alors à maintenir la

dépendance des managers et à les empêcher de s’emparer de leurs nouvelles attributions.

134. Les choix d’articulation des processus de travail

Partant du postulat que les rôles des acteurs pouvaient avoir un impact sur le succès du PFRH,

certains auteurs se sont intéressés à la manière dont les modalités de partage pouvaient impacter

la mise en place effective des pratiques RH.

Dans leurs travaux, Thronhill et Saunders (1998) mettent en évidence une configuration bien

particulière. Ils se sont demandé ce que seraient les résultats si les managers étaient les seuls

gestionnaires RH. Ils ont donc mené une étude de cas dans laquelle les spécialistes RH

s’effacent pour donner l’entière responsabilité de la GRH aux managers. Leurs résultats sont

pour le moins surprenants. Ils montrent que l’absence de désignation d’un rôle de spécialiste

RH a un impact négatif sur la capacité de la DRH à atteindre une dimension stratégique. Qui

plus est, elle entrainerait des effets négatifs sur la flexibilité et la qualité de l’organisation de la

FRH. Dans cette configuration, l’absence de ligne directrice RH amène les managers à agir

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

85

selon des schémas qu’ils jugent appropriés, mais qui sont finalement contreproductifs.

L’absence de spécialistes RH empêcherait la mise en place d’une structuration des actions et

aboutirait à une configuration sclérosée. Les managers, ne sachant pas où trouver de références

sur la manière de déployer les pratiques, se fient à des structures informelles d’information et

de formation et montrent une prudence qui les empêche d’agir efficacement. Pour ces raisons,

les auteurs de la recherche concluent que ce type de configurations conduit à un risque

manifeste d’échec de PGRH. Ces résultats soulignent alors l’aspect crucial d’identifier un

département ou un individu ayant une fonction d’expertise RH. Même s’il se base sur une

situation extrême (délégation totale de la FRH), ce travail souligne que la définition des

responsabilités est un déterminant du succès de partage. Les résultats de cette recherche

suggèrent alors un questionnement : existerait-il une configuration qui permettrait d’optimiser

les résultats du PFRH ?

Cette question a été soulevée par Dany et al. (2008) dans une recherche quantitative menée

auprès de 742 entreprises européennes de plus de 200 salariés. Les auteurs étudient l’impact de

l’intégration de la GRH sur la performance organisationnelle. Ils proposent de voir si la manière

dont sont distribués les pouvoirs de décisions entre les managers et les spécialistes joue un effet

modérateur sur la performance. Leur recherche met en évidence l’existence d’une répartition

idéale des responsabilités RH dans l’organisation (figure 2-4). Plus particulièrement, ils

montrent que l’intégration stratégique des RH contribue plus faiblement à la performance

organisationnelle lorsque les spécialistes RH ont une influence trop faible ou trop forte dans les

décisions concernant de pratiques RH centrales. La distribution de l’influence sur le pouvoir de

décisions entre spécialistes managers aurait des effets positifs sur la performance uniquement

lorsque la FRH est partagée entre les deux parties. Dans ce contexte, ils identifient quatre

situations possibles : les managers décident seuls (1), les managers décident en consultation des

spécialistes (2), les spécialistes décident en consultation des managers (3), les spécialistes

agissent seuls (4). L’étude débouche sur la détermination d’une configuration optimale

correspondant à une prise de décisions par les spécialistes RH en consultation avec les

managers. Conformément aux résultats des travaux de Thronhill et Saunders (1998), la situation

où les managers décident seuls est la plus défavorable, et ce, pour des raisons similaires aux

travaux cités précédemment. Dany et al. (2008) montrent à travers cette recherche que laisser

les experts comme seuls décisionnaires aboutirait à une situation également défavorable du

point de vue de la performance. Cela s’explique par le fait que les managers acceptent

difficilement des pratiques et décisions qui leur paraissent imposées. Les configurations

Page 98: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

86

fondées sur le partenariat, quant à elles, aboutissent à des résultats plus satisfaisants. En cela,

cette recherche constitue un nouveau fondement du PFRH comme une priorité de la GRH.

Figure 2-4 : Effet de la distribution de l’influence sur le lien intégration-performance

Source : Dany et al. (2008, p. 2108)

Contrairement aux principaux travaux de la littérature sur la répartition des rôles en matière de

GRH, il se détache de ces résultats que le PFRH doit nécessairement impliquer un rôle

prédominant des spécialistes dans la définition de la stratégie et dans la mise en place des

pratiques. Ce résultat s’explique par le caractère particulièrement complexe de certaines

activités telles que la gestion culturelle des équipes ou la législation du travail, mais aussi par

l’effet structurant du rôle des spécialistes qui définissent les pratiques dans une perspective

stratégique. Ces activités requièrent des compétences et une expertise que les managers ne

peuvent développer dans le cadre des contraintes qui leur sont imposées (temps, charge de

travail).

Pour conclure, les travaux abordés dans ce point mettent en évidence quatre principales

composantes des opportunités (figure 2-5).

Page 99: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

87

Figure 2-5 : Synthèse des déterminants de l’opportunité de partage de la FRH

Source : auteur de la thèse

Effets de l’AMO sur le partage de la fonction ressources humaines

Le modèle de l’AMO a connu de nombreux développements pour expliquer la causalité entre

choix organisationnels et variables dépendantes. En matière de GRH, il apparait que ces

causalités ont abouti à des résultats variés concernant les interactions entre les variables. Ces

résultats montrent d’une part que l’AMO a été appréhendé comme un modèle aux effets

compensatoires ou non compensatoires dont chaque variable opère à travers des effets directs

ou indirects sur le PFRH.

21. Les modèles compensatoires et non compensatoires

Inscrite dans la théorie de la performance au travail (Cummings et Schwab, 1973), la théorie de

l’AMO postule que chacune de ses variables influence le succès de mise en place du PFRH.

Deux modèles théoriques proposent alors de modéliser les interactions : un modèle

compensatoire et un modèle non compensatoire.

Le modèle non compensatoire est issu des travaux de Vroom (1964). Il pose le développement

des trois antécédents comme une condition sine qua non à la réalisation de l’action. Dans cette

perspective, les capacités, la motivation, et les opportunités agissent sur le comportement. Ce

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

88

postulat implique que la performance ne peut pas être assurée en négligeant une des trois

variables de l’AMO. Toutes trois opèrent de manière complémentaire.

Quant au modèle compensatoire, il a été développé plus tard, dans les travaux de Boxall et

Purcell (2015). Dans cette perspective, chaque antécédent de la performance a un effet direct et

indépendant de la contribution des autres antécédents. Le développement d’un d’entre eux

aboutirait à renforcer la performance au travail et pourrait combler les lacunes des autres

variables. Partant de ces éléments, différents points de vue se sont opposés et montrent que la

question de la supériorité d’un modèle par rapport à l’autre ne peut être facilement tranchée du

fait de la difficulté de mesurer les contributions distinctes de chacun des antécédents à la

performance. Bos-Nehles et al. (2013) proposent une approche « combinatoire » faisant

l’hypothèse que seules les capacités ne peuvent être compensées dans la mise en place du PFRH

(p. 864). Peu de temps après, Gilbert et al. (2015) souscriront à ce point de vue en établissant

que le développement des capacités est le seul élément fondamental dans le processus de

partage. Les opportunités et les capacités, pourraient quant à elles, faire l’objet de

compensations par des pratiques mises en place par les managers eux-mêmes. En ce sens, il ne

s’agit donc ni d’un modèle où toutes les composantes peuvent être compensées ni d’un modèle

ou chacune est indispensable. Seules les capacités influenceraient directement la performance

et joueraient, à ce titre, un rôle central dans le PFRH.

22. Effets directs et indirects des de l’AMO sur le partage de la fonction

ressources humaines

Dans une recherche menée auprès de 174 managers, Bos-Nehles et al. (2013) s’intéressent à

l’effet des choix organisationnels sur les capacités, la motivation et des opportunités des

managers et la manière dont celles-ci influencent la performance au travail. Cette dernière est

mesurée par le niveau de satisfaction des subordonnés par rapport aux pratiques mises en place

par les managers. Le postulat sur lequel repose le choix de cette variable pour mesurer la

performance consiste à accepter que le niveau de satisfaction des collaborateurs reflète la

manière dont les managers mettent en place les pratiques RH, que ce soit d’un point de vue

quantitatif ou qualitatif.

Ces résultats, qui seront confirmés par la recherche de Gilbert et al. (2015), montrent que seules

les capacités ont un effet positif sur la performance. La motivation et l’opportunité quant à elles,

n’auraient pas d’effets significatifs directs. Cela impliquerait alors que les modalités de

formation des managers auraient un effet sur la façon dont ces derniers mettent en place les

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Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

89

pratiques. En revanche, ni les incitations proposées par l’organisation, ni les politiques et le

soutien mis en place n’affecteraient la mise en œuvre effective des pratiques. Plus encore, Bos-

Nehles et al. (2013), particulièrement, soulignent le rôle intrigant de la motivation qui serait

négativement liée à la performance. Les managers les plus motivés seraient les moins

performants de l’échantillon. Cette observation s’expliquerait par la volonté de conformisme

de ces derniers qui chercheraient obstinément à faire « selon les règles »17 (p. 873). Cet état

d’esprit les amènerait alors à évoluer à l’intérieur de contraintes et aurait deux conséquences

contre-intuitives. La première relève de l’incapacité d’adapter les pratiques selon les besoins

du contexte. La seconde tient à leur comportement, puisqu’ils seraient tentés d’agir comme des

bureaucrates fermant la porte aux possibles arrangements avec leurs collaborateurs. Pour ces

raisons, Bos-Nehles et al. (2013) défendent la mise en place d’une démarche idiosyncrasique

et contingente et dénoncent la recherche du « bien-faire » (p. 873).

Les résultats proposés par Bos-Nehles et al. (2013) doivent toutefois être acceptés avec

prudence pour au moins deux raisons. Premièrement, la performance est acceptée comme étant

le niveau de satisfaction des collaborateurs à l’égard des pratiques. Elle est donc mesurée à

travers le filtre des perceptions des subordonnés. Les résultats seraient probablement différents

si les perceptions des managers eux-mêmes ou de leurs hiérarchiques avaient été étudiées.

Deuxièmement, les auteurs reconnaissent eux-mêmes les biais potentiels dus au choix de

l’échantillon. Effectivement, les managers retenus dans le cadre de cette étude étaient tous, a

priori, volontaires pour développer les nouvelles activités RH. Cela pourrait expliquer les effets

peu probants des incitations mises en place sur leur comportement.

Pour autant, la prise en compte de l’impact des capacités sur l’implémentation des pratiques a

mené Trullen et al. (2016) à souligner l’importance de la proactivité de la DRH. Favoriser la

mise en place de rôles politiques et techniques permettrait d’intervenir plus sereinement auprès

des managers. Le développement des compétences est alors souligné comme un facteur

déterminant de la proximité entre pratiques initialement conçues et pratiques déployées.

Concernant l’opportunité, Bos-Nehles et al. (2013) montrent qu’elle n’a pas d’impact direct sur

l’implémentation effective des pratiques, mais qu’elle joue un rôle d’amplification à travers un

effet modérateur sur le lien entre les capacités et la performance. À travers le soutien apporté et

la clarté des politiques et des procédures, l’organisation facilite l’intégration des connaissances

17 Traduction personnnelle : « by the book ».

Page 102: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 1. La théorie de l’AMO : un cadre analytique du partage de la FRH

90

et des compétences nécessaires à leurs missions RH. Ainsi, les managers qui bénéficieraient

d’une définition claire de leurs rôles et qui savent donc, de ce fait, quelles sont leurs

responsabilités seront plus aptes à déployer les pratiques RH pour lesquelles ils auront été

préalablement formés. Les travaux de Gilbert et al. (2015) se situent dans le prolongement de

ceux de Bos-Nehles et al. (2013), à l’exception près qu’ils mettent en évidence un impact direct

des opportunités sur la mise en place de pratiques RH. Construisant leur étude sur un échantillon

de 125 managers de proximité, ils montrent que la définition des règles et des procédures a un

effet direct sur la clarté des rôles et limite la fatigue émotionnelle liée à la gestion de cette

dernière. Ainsi, la définition précise des conditions de travail et des processus permettrait de

faciliter les arbitrages entre les sollicitations, parfois concurrentes, des parties prenantes. La

nécessité de changer de « casquette » et de devoir concilier des attentes contradictoires

constituerait effectivement un effort émotionnel rendant leurs rôles confus et ambigus (p. 612).

L’intervention de l’organisation permettrait alors aux managers d’être plus disponibles

émotionnellement pour prendre en main leurs responsabilités RH.

Cette première section a permis de présenter l’AMO comme une cadre d’étude pertinent des

facteurs explicatifs du PFRH. Ces développements ont permis de montrer que les capacités, la

motivation et les opportunités peuvent être influencées par la mise en place de pratiques

organisationnelles. Dans un deuxième temps, l’étude plus précise des impacts de l’AMO sur le

comportement des managers souligne l’existence de plusieurs modèles proposant des effets

d’interactions pluriels. Dans leurs travaux, Gilbert et al. (2015) mettent en évidence un résultat

intéressant. La clarté du signal envoyé par l’organisation aux managers permettrait d’influencer

positivement l’AMO. Une des manières d’appréhender cette clarté relèverait de la cohérence

dans l’approche globale lors de la mise en place de nouvelles pratiques RH. Or, cette notion de

cohérence des choix organisationnels a également été étudiée dans un autre contexte théorique.

En 1993, Henderson et Venkatraman définissent le modèle de l’alignement stratégique qui pose

la cohérence ou l’harmonie de choix organisationnels comme un prédicteur de la performance.

La section suivante a donc pour objet l’étude des fondements et des principes de ce cadre

théorique.

Page 103: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

91

Section 2 - L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la

fonction ressources humaines

Proposé par Henderson et Venkatraman en 1989, l’alignement stratégique aborde la cohérence

des choix organisationnels comme un prédicteur de la performance. Initialement produite pour

étudier l’efficacité productive d’entités liées aux nouvelles technologies, cette analyse a été

reprise dans de nombreux domaines des sciences de gestion. Le choix de ce cadre conceptuel a

été motivé par deux principaux constats. Dans un premier temps, la revue de littérature montre

sa mobilisation dans les travaux prenant pour objet les systèmes d’information. Deuxièmement,

il propose de s’intéresser la cohérence des choix davantage qu’aux choix eux-mêmes et pourrait

comporter, à ce titre, une force analytique supérieure. Il convient donc de s’intéresser à la

manière dont cette approche s’est imposée comme un outil de prédiction de la performance des

choix stratégiques organisationnels pour ensuite voir en quoi sa mobilisation pourrait être

pertinente pour étudier le partage de la FRH.

Contexte de développement, principes et mesures de l’alignement

stratégique

11. Proposition d’un cadre d’analyse de la cohérence des choix

organisationnels

Le modèle de l’alignement stratégique proposé par Henderson et Venkatraman (1993) voit le

jour dans le contexte d’une gestion stratégique croissante des nouvelles technologies dans les

organisations. Dans sa conception initiale, le modèle vise à expliquer la manière dont les

entreprises peuvent atteindre un avantage compétitif dans le marché concurrentiel des systèmes

d’information. La propension de ces dernières à capter de nouvelles technologies sur le marché

et leur capacité à les intégrer dans leurs processus organisationnels seraient deux éléments

permettant de générer et conserver un avantage économique. Les réflexions sur l’alignement

stratégique naissent de la constatation d’observations empiriques. Les auteurs identifient une

rupture problématique entre le rôle croissant des technologies de l’information et l’absence de

productivité à l’échelle globale. Ceci constitue à ce titre un paradoxe de la productivité des

systèmes d’information. L’absence de lien entre les sommes investies dans la mise en place de

nouvelles technologies et leur capacité à générer de la valeur intrigue. L’hypothèse posée est

celle d’un manque de valorisation de ces dernières lors de leur intégration. Cette problématique

Page 104: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

92

relèverait alors d’un manque d’alignement à deux niveaux. D’une part, les choix opérés sur le

plan stratégique entre les domaines de l’entreprise ne seraient pas suffisamment en accord.

D’autre part, la manière de définir et de déployer les infrastructures ne serait pas cohérente du

point de vue des objectifs que ces dernières sont supposées soutenir.

Henderson et Venkatraman (1993) prennent comme fondement du modèle l’axiome établissant

comme nécessaire la cohérence entre les choix de l’organisation. Pour produire des résultats

optimaux, les orientations stratégiques des différents domaines fonctionnels doivent être en

harmonie avec la stratégie générique. L’alignement a été étudié à travers une terminologie

variée : fit (Henderson, John C. et Venkatraman, 1989), integration (Broadbent et Weill, 1993),

bridge (Ciborra, 1997), harmony (Luftman, Lewis et Oldach, 1993), fusion

(Smaczny, 2001). Chacune de ces acceptions vise à faire transparaitre un mode opératoire

particulier de l’alignement des choix.

L’intérêt de ce cadre réside dans la mobilisation de la cohérence des choix pour expliquer

l’efficacité organisationnelle des SI. Au vu des travaux réalisés par Henderson et Venkatraman

(1993), l’alignement stratégique apparait comme une condition nécessaire à l’exploitation totale

du potentiel des choix opérés par les décideurs. Silva et al. (2006) remarquent que l’absence ou

le manque d’alignement induiraient une incapacité des organisations à profiter pleinement de

la valeur de leurs investissements. Or, il y a une faible représentation de la problématique de

l’alignement au niveau de la direction des entreprises. Ce constat, qui dénote avec le potentiel

analytique du modèle, en fonde son intérêt. Initialement, ce cadre théorique visait uniquement

à analyser la performance des entreprises s’établissant sur les marchés des produits ou services

liés aux nouvelles technologies. Dans ce sens, la dimension stratégique des technologies de

l’information concerne l’ensemble des décisions relatives au positionnement de l’organisation

sur ce type de marché. Ce modèle sera ensuite repris par toute une communauté de chercheurs

pour tenter d’expliquer comment les investissements réalisés par les organisations dans les

nouvelles technologies créent de la valeur, et ce, quel que soit le domaine d’activité de

l’organisation.

Malgré une utilisation accrue dans la littérature des SI, le cadre théorique de l’alignement

stratégique souffre de quelques faiblesses, et notamment, du fait d’un décalage entre sa

robustesse analytique et la difficulté de transposition des résultats dans le champ empirique.

Les travaux dans la littérature peinent à expliquer la manière dont le phénomène opère dans la

réalité. C’est ce que met en évidence Ciborra (1997) dans un travail de réflexion où il

Page 105: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

93

déconstruit le concept d’alignement stratégique pour tenter d’en proposer une compréhension

accrue. L’auteur montre que différents outils méthodologiques ont permis de cartographier les

stratégies d’une organisation et de dresser des relations entre les niveaux d’alignement de ces

stratégies. Ces derniers débouchent sur la conception d’indicateurs à plusieurs niveaux de

l’organisation, mais ne précisent pas les modalités d’opérationnalisation de leurs contributions.

Par ailleurs, Ciborra (1997) assène à l’alignement stratégique une critique de taille en soulignant

les difficultés que comporte la mesure du phénomène. Il précise que la mise en place d’un outil

de mesure mathématique ou économétrique est rendue difficile, du fait, notamment, d’une

compréhension limitée de la manière dont il opère. D’autres critiques reposent sur le postulat

visant à établir que les organisations mettent en place des stratégies de manière structurée,

visible et consciente à travers un processus de formalisation suffisant. Dans les faits, il s’avère

que les contraintes et l’incertitude auxquelles sont confrontées les organisations forcent bon

nombre d’entre elles à mettre en place des structures flexibles et des choix stratégiques volatiles.

Ce caractère d’instabilité est renforcé par la variabilité des comportements humains et leur

décalage par rapport aux modèles préétablis. Ces deux observations font de la stratégie un

concept flou (Chan et al., 1997) et participent à renforcer les écarts entre la stratégie formulée

et celle mise en œuvre (Avison et al., 2004). L’ensemble des critiques mènent alors certains

travaux à relativiser la valence de l’alignement stratégique dans l’analyse de la performance de

l’organisation (Ciborra, 1997) et même à le caractériser le phénomène « d’illusoire » (Maes,

1999, p. 5). Un point de vue plus mesuré consisterait à considérer que ce cadre est soumis aux

contingences de l’organisation et de son environnement, ce qui le rendrait pertinent pour

expliquer la performance d’une proportion limitée d’entités (Smaczny, 2001). En dépit de ces

constats, ce cadre théorique reste largement utilisé, précisément pour sa force analytique, mais

aussi pour ces questionnements restés en suspens et qui en font un objet de recherche

particulièrement intéressant pour la « communauté de l’alignement » (Silva et al., 2006, p. 3).

Basées sur leurs réflexions initiées en 1989, les recherches d’Henderson et Venkatraman (1999)

constituent le fondement de nombreuses recherches. Elles ont été reprises plus de 5000 fois

dans des travaux académiques inscrits dans une diversité de champs tels que le management

stratégique, le champ des systèmes d’information ou encore la gestion des ressources

humaines18.

18 Éléments issus d’une recherche sur le moteur Google Scholar avec les termes « strategic alignment model » le 18 juin 2018.

Page 106: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

94

12. Les domaines stratégiques et les processus d’alignement

121. Les deux domaines stratégiques

Dans leur modèle, Henderson et Venkatraman (1993) stipulent que les dirigeants peuvent

effectuer des choix stratégiques dans quatre domaines différents : la stratégie générique, la

stratégie SI, les infrastructures organisationnelles et les infrastructures SI. Les auteurs

identifient alors deux dimensions d’analyse de ces choix : une analyse relevant de leur nature

interne/externe ; et une analyse relevant de leur nature générique/technologique (voir figure

2-6).

Figure 2-6 : Les domaines stratégiques de l’organisation

Source : Henderson et Venkatraman, 1989

Le domaine externe : l’étude des stratégies

Henderson et Venkatraman (1989) définissent la stratégie comme une formulation des décisions

relatives au choix de compétitivité de marché. Le domaine externe est un champ décisionnel

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

95

dans lequel l’organisation met en place des choix de stratégie générique et de stratégie des

systèmes d’information pour acquérir ou maintenir un avantage sur son marché concurrentiel.

Ils proposent de définir la stratégie générique « en termes de choix de l’entreprise relatifs à

son positionnement sur la scène du marché. La stratégie reflète la série d’objectifs (finalités),

de moyens (actions) et d’hypothèses sous-jacentes relatives à ces choix » (p.9)19.

Ce construit recouvre un large spectre puisqu’il intègre les choix d’objectifs, les moyens et les

modes opératoires pour atteindre ces finalités. Les auteurs retiennent deux composantes de la

stratégie générique :

- Les compétences distinctives représentent l’ensemble des attributs de l’organisation

lui permettant de maintenir un avantage sur ses concurrents (la tarification, les services

à valeur ajoutée, les canaux de distribution, l’image) ;

- Les structures de gouvernance représentent l’articulation des mécanismes de

gouvernance permettant d’obtenir un avantage sur les concurrents (partenariats

stratégiques, alliances).

Le domaine de la stratégie des technologies et systèmes d’information est défini « en termes

de choix relatifs au positionnement de l’activité dans la place de marché des technologies de

l’information. Elle reflète la série d’objectifs (fins), de moyens (actions) et d’hypothèses sous-

jacentes qui se rapportent à ces choix » (p.10)20.

Ce domaine se compose de trois champs.

- Le champ des technologies de l’information intègre des éléments supportant ou

définissant la stratégie globale de l’organisation. Il se réfère à l’ensemble des champs et

des fonctionnalités TI mis à disposition de l’organisation. Cet ensemble inclut les voies

électroniques, les réseaux locaux et étendus, les experts système et robotique.

- Les compétences distinctives sont les décisions qui influencent la capacité de la firme

à différencier son infrastructure. Elles incluent les compétences permettant la cohérence

du système, la rentabilité, l’interconnectivité et la flexibilité des technologies.

19 Traduction personnelle : « The Business Strategy domain is defined in terms of the firm’s choices pertaining to its positioning

in the product-market arena. Strategy reflects the set of goals (ends), means (actions), and underlying assumptions pertaining

to these choices ». 20 Traduction personnelle : « IT strategy is defined in terms of the choices pertaining to the positioning of the business in the

information technology marketplace. It reflects the set of goals (ends), means (actions and underlying assumptions that relate

to these choices ».

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

96

Ces éléments qui façonnent également la stratégie globale sont directement liés aux

compétences distinctives de la stratégie globale.

- La gouvernance des technologies de l’information inclut le choix et l’utilisation des

mécanismes permettant d’obtenir les compétences technologie de l’information

(alliances stratégiques, fusions, acquisitions). Les décisions prises en matière de

gouvernance ont des implications sur les choix de gouvernance d’infrastructures

émergentes.

La composition des domaines du champ externe est proposée dans la figure 2-7.

Figure 2-7 : Composition des domaines stratégiques externes

Source : Henderson et Venkatraman (1989)

Le domaine interne : études des infrastructures

Dans leurs travaux, Henderson et Venkatraman (1989) conçoivent les infrastructures comme

une série de choix et d’actions visant à soutenir les décisions formulées sur le plan stratégique.

Ils définissent alors celles relatives à l’organisation et celles propres aux systèmes

d’information.

Les infrastructures et processus organisationnels sont définis « en termes de choix relatifs

aux arrangements internes particuliers qui supportent la position choisie par l’organisation

sur le marché. Ils reflètent la série d’objectifs (choix), de moyens (actions) et d’hypothèses

sous-jacentes soulignant le design de la structure de management et des processus de

travail »21 (p.10).

21 Traduction personnelle : « Organizational Infrastructure and Processes is defined in terms of the choices pertaining to the particular internal arrangements that support the organization’s chosen position in the product-market arena. It reflects the goals (ends), means (actions) and underlying assumptions pertaining to the design of management structure and work processes ».

Page 109: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

97

Les auteurs choisissent trois composantes dans le cadre de l’étude de ces infrastructures

organisationnelles. Ce choix a été guidé par la volonté de retenir des éléments qui favorisent

directement l’étude des stratégies globales et TI.

- Les infrastructures administratives se composent de la structure, des rôles et des

responsabilités organisationnels nécessaires pour exécuter la stratégie générique.

- Les processus de travail intègrent l’articulation du flux de travail et son flux

d’informations associées qui sont nécessaires pour exécuter les stratégies.

- Les compétences et savoirs reflètent la capacité de l’organisation à mettre en place une

stratégie. Les choix faits dans ce domaine affectent la capacité à exécuter la stratégie

business et établissent les besoins critiques pour les architectures et processus IS.

Les infrastructures des systèmes d’information quant à elles, sont définies « en termes de

choix relatifs aux arrangements et processus qui déterminent la gamme et le type de produits

et services IS qui sont fournis à l’organisation. Elles reflètent les buts (fins), moyens (actions)

et hypothèses sous-jacentes soulignant ces choix »22 ( p. 12).

Le champ des infrastructures et processus SI se compose de l’architecture, des processus et des

compétences SI.

- L’architecture des systèmes d’information regroupe les définitions, politiques et

règles qui permettent de fixer le cadre de la gouvernance dans trois domaines clés :

applications, données et configurations technologiques. L’architecture des données se

constitue d’un ensemble de liens mutuels entre les différents produits qui composent le

système et en permettent le fonctionnement. L’infrastructure SI comporte les choix

relatifs au portefeuille des applications, à la configuration des matériels, des logiciels,

de la communication et à l’architecture des données qui définissent l’infrastructure

technique.

- Les processus SI sont les choix critiques qui guident le développement et la mise en

place des infrastructures SI. Ils incluent le développement des systèmes, leur

maintenance, le pilotage et contrôle et demandent des procédures de sécurisation et

sauvegarde, de contrôle, de centralisation des données.

22Traduction personnelle : « Information systems infrastructures and processes are defined in terms of choices pertaining to internal arrangements and the processes that determine the range and types of I/S products and services delivered to the organization. It reflects goals (ends), means (action) and underlying assumptions that relate to these choices ».

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

98

- Les compétences SI sont les choix relatifs à l’acquisition, la formation et le

développement des connaissances et des capacités nécessaires pour gérer et mettre en

place efficacement les infrastructures. Il s’agit de la dimension humaine relative à la

gestion de projets SI.

Les composantes des éléments du domaine interne sont synthétisées dans la figure 2-8

Figure 2-8 : Composition des domaines stratégiques internes

Source : auteur de la thèse

Les composantes des domaines étant précisées, Henderson et Venkatraman (1989) conçoivent

l’alignement stratégique à travers deux processus. Le fit stratégique, d’une part, représente

l’alignement entre les stratégies et leurs infrastructures et processus respectifs. L’intégration

fonctionnelle, d’autre part, représente l’adéquation entre les stratégies et la cohérence entre les

infrastructures et processus.

122. Les deux processus de l’alignement stratégique : fit stratégique et

l’intégration fonctionnelle

Pour Henderson et Venkatraman (1993), la mise en place d’une gestion efficace des SI requiert

une conception stratégique et opérationnelle coordonnée et en concordance avec les gestions

stratégique et opérationnelle globales de l’entreprise.

« Par essence, nous posons que le défi de gérer les systèmes d’information doit être mené

parallèlement avec celui du management stratégique de l’entreprise. Un management des

technologies de l’information efficace requiert une large panoplie de choix reflétant à la fois

une perspective fonctionnelle et stratégique » (p. 3).

Dans ce cadre, le modèle est développé en utilisant deux dimensions : le fit stratégique,

correspondant à l’alignement vertical entre les stratégies et leurs infrastructures et l’intégration

fonctionnelle correspondant à l’alignement mutuel des stratégies et des infrastructures (figure

2-9).

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

99

Figure 2-9 : Modèle de l’alignement stratégique d’Henderson et Venkatraman (1993)

Source : Modèle adapté d’Henderson et Venkatraman (1993)

Le fit stratégique (strategic fit) est un alignement vertical. Il est défini comme les

« interrelations entre les domaines internes et externes » (p. 472). L’alignement externe

consiste à articuler les infrastructures organisationnelles et celles spécifiques aux systèmes

d’information avec les stratégies globales de sorte à en assurer la cohérence. Dans leur réflexion

initiale, les auteurs insistent sur l’importance de l’alignement externe, le considérant comme

porteur d’un enjeu de réussite sur le marché de l’entreprise.

L’intégration fonctionnelle (functional integration) est un alignement horizontal. Elle est

définie comme le « processus d’intégration entre les domaines business et fonctionnel »

(p. 472). Elle consiste à analyser l’impact des choix du champ des SI sur celui de l’organisation

et vice versa. Le processus peut s’opérer en matière stratégique et représenter la manière dont

la stratégie TI définit et supporte la stratégie organisationnelle (strategic integration). Ce

processus peut également s’opérer au niveau infrastructurel et représente le lien existant entre

les infrastructures organisationnelles et celles des SI (operational integration).

L’alignement stratégique est un processus d’adaptation et de changement continu. Le

dynamisme de l’organisation réside davantage dans sa capacité à opérer des changements et à

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

100

s’adapter que par la sophistication de ses solutions. Dans leurs travaux, Henderson et

Venkatraman (1993) se basent sur une analyse bivariée. Ils se focalisent sur l’étude des

domaines deux à deux. Toutefois, ils admettent que, même si l’organisation peut décider de

focaliser ses efforts sur l’intégration fonctionnelle ou le fit stratégique selon son environnement,

il est central de considérer les changements dans le domaine business conjointement à ceux du

domaine SI, de même que les changements dans les choix externes doivent aboutir à une remise

en question de ceux du domaine interne. Partant de ces considérations, les deux auteurs

établissent que l’alignement stratégique peut intervenir selon quatre principales perspectives.

123. Les perspectives d’alignement

Henderson et Venkatraman (1993) identifient quatre principales perspectives d’alignement :

« strategy execution », « technology transformation », « competitive potential » et « service

level ». Chacune correspond à des configurations initiales différentes et à une opération

particulière de l’alignement (voir figure 2-10). Pour chaque perspective, les auteurs identifient

un domaine d’ancrage à partir duquel est impulsé le changement, un domaine pivot par lequel

agit l’alignement et finalement un domaine d’impact sur lequel les effets opèrent.

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

101

Figure 2-10 : Les perspectives d’alignement stratégique

Source : Henderson et Venkatraman (1993)

Les deux premières perspectives présentées (strategy execution ; technology transformation)

proposent de définir la stratégie business comme pilote. Il s’agit alors de montrer que la stratégie

business peut guider les changements dans les infrastructures TI.

L’exécution stratégique consiste à considérer la stratégie générique comme ancre des

changements organisationnels. Dans ce cas, les choix du champ générique vont entrainer la

modification des infrastructures et processus organisationnels et vont enfin aboutir à un

alignement des infrastructures et processus de TI. Ici, la dynamique se compose d’un fit

stratégique suivi d’une intégration fonctionnelle. La direction organisationnelle tient une

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

102

fonction de formulation de la stratégie et les responsables des SI ont une mission

d’implémentation.

Bergeron et al. (2004) concluent que lorsque la stratégie générique est pilote, l’alignement

opère en réponse à la refonte de sa structure en adaptant les niveaux appropriés de formalisation

et de différenciation professionnelle. Ces évolutions de la structure de l’entité seraient ensuite

traduites dans les infrastructures technologiques par l’adaptation des processus informatiques

et des réseaux d’habilitations.

La transformation technologique (technology transformation) est la deuxième perspective

proposée dans le modèle et repose sur un alignement des infrastructures des TI par

l’intermédiaire de la stratégie TI. Dans cette dynamique, les changements au niveau de la

stratégie business vont être intégrés dans la stratégie TI. Les infrastructures TI seront ensuite

réorganisées pour s’adapter à ces choix. L’enchainement est donc une intégration puis un fit.

Le rôle de la direction organisationnelle est de fournir la vision technologique permettant de

supporter les changements. Les responsables SI ont une mission de développement et de mise

en place des infrastructures cohérentes avec la stratégie TI.

Les deux perspectives suivantes proposent que la stratégie SI redessine les infrastructures

organisationnelles. Les alternatives alors envisagées sont le potentiel compétitif et le niveau de

service.

Le potentiel compétitif (competitive potential) est une perspective mettant en action

l’influence de la stratégie SI sur les infrastructures organisationnelles via la stratégie business.

Dans ce cas, les technologies émergentes apportent de nouvelles capacités organisationnelles.

Ces évolutions vont entrainer une modification de la stratégie business et ensuite des

infrastructures organisationnelles. Dans cette configuration, la direction d’entreprise joue un

rôle de visionnaire ayant pour mission l’intégration des changements technologiques et le

développement des infrastructures pour les porter. Les responsables SI ont une mission

d’accompagnement de la direction dans la mise en place des changements.

Le niveau de service (service level) est une alternative proposant l’adaptation des

infrastructures organisationnelles à la stratégie TI via les infrastructures TI. Dans ce cas, les

réorientations stratégiques TI sont directement déployées dans les infrastructures TI. Par la

suite, ces dernières sont intégrées au niveau organisationnel. La direction organisationnelle joue

un rôle indirect en allouant les ressources aux projets prioritaires.

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

103

13. Le concept d’alignement dans la littérature : approches et principes

131. Les approches de l’alignement stratégique

Le concept d’alignement stratégique a fait couler beaucoup d’encre. En effet, si certains ont

cherché à comprendre comment il opérait, d’autres se sont plutôt axés sur l’étude épistémique

de ses modalités de mise en œuvre.

Les travaux mobilisant ce cadre théorique ont rapidement cherché à comprendre comment

opérait l’alignement. Ce courant a favorisé la mobilisation de particularités terminologiques

censées traduire la spécificité des approches. Pour Chan et al. (1997), la notion de fit peut être

acceptée comme le degré de cohérence entre deux domaines du modèle. Les auteurs l’étudient

pour évaluer le degré d’harmonie entre les stratégies. Dans cette approche, l’alignement

représente une correspondance entre les domaines d’une organisation. La réalité présentée par

la notion de fit est également étudiée comme un « lien » (linkage), un pont (bridge), une

harmonie (harmony) ou encore une fusion (fusion). Chan et al. (1997) précisent que bien que

des différences subtiles existent entre ces termes, ils sont utilisés de manière interchangeable

dans la littérature pour étudier le même phénomène. Initialement proposée dans les travaux

d’Henderson et Venkatraman (1989), le fit est considéré comme un processus d’adaptation

unilatéral d’un domaine à un autre. Dans cette optique, les auteurs définissent plusieurs

perspectives en identifiant des domaines d’ancrage et l’enchainement permettant l’adaptation

jusqu’au domaine d’impact. D’une part, cette approche considère que l’alignement se fait de

manière unilatérale d’un domaine à un autre et, d’autre part, elle met en avant l’étude des

domaines pris deux à deux. L’alignement serait donc un enchainement par étapes successives

de processus d’adaptation d’un domaine par rapport à un autre.

Mais cette approche n’a pas fait l’unanimité puisque certains considèrent que l’adaptation entre

les domaines pourrait se faire de manière synchronique, réactive et multivariée. Il s’agirait alors

de considérer le processus dans une perspective de co-alignement. Bergeron et al. (2004) sont

de cet avis. La notion de co-alignement apparait pertinente pour comprendre les incidences de

la mise en place d’un SI. Elle est surtout plus riche que d’autres approches qui étudient des

alignements par paires, ce qui ne permet pas une analyse globale des interactions entre les

domaines étudiés.

Inscrit dans une perspective de contingence, le travail de Bergeron et al. (2004) repose sur la

considération que les quatre domaines étudiés (stratégie générique, stratégie SI, infrastructures

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

104

business et infrastructures SI) évoluent de manière synchrone. Cette approche rompt alors avec

la perspective bivariée et permet de neutraliser le postulat de domination de certains domaines

par rapport à d’autres. En effet, leur travail montre que l’alignement des domaines se fait à la

fois de manière descendante et remontante. La performance de l’organisation pourrait alors être

prédite par la capacité de cette dernière à mettre en place des ajustements mutuels entre les

quatre domaines stratégiques. L’insuffisante conformité de ces derniers a alors été

naturellement définie comme une situation de désalignement. Elle est désignée comme un

« missfit » (Walsh et al., 2013) et « misalignment » (Bergeron et al., 2004 ; Chan et al., 1997 ;

Velcu, 2010). Le désalignement représente alors une configuration dans laquelle les domaines

ne sont pas totalement harmonieux. Mais ces réflexions soulèvent la question de la mesure qui

sera abordée dans un prochain point et constitue un élément problématique dans les recherches

en la matière. Pour autant, il a été proposé que le désalignement entre les choix d’infrastructures

d’un ERP et les objectifs initiaux pourraient être la cause des échecs de mise en place des ERP

(Velcu, 2010) et une baisse de la performance organisationnelle (Chan et al. 1998 ; Bergeron

et al. 2004). En dépit des difficultés de mesure, ces résultats semblent proposer une définition

du désalignement par les impacts négatifs observés sur des variables dépendantes.

Par ailleurs, une frange de la littérature porte sur des questionnements concernant la nature

dynamique ou statique à privilégier lors de l’étude de ce phénomène. L’environnement étant de

nature changeante, les réflexions sur l’état de cette congruence pourraient s’opérer

régulièrement et en continu. Cette proposition établie par Sabherwal et al. (2001) guide un

corpus de recherche qui étudie l’alignement stratégique comme un processus dynamique et non

statique comme l’avaient envisagé Henderson et Venkatraman (1993). L’alignement

stratégique n’est donc plus une configuration optimale figée, mais devient une « cible

mouvante » (Thompson, 2003, p. 234).

Dans cette perspective, Walsh et al. (2013) soulignent la nécessité de mise en cohérence

continuelle des domaines de l’entreprise dans la conquête de performance. Dans ce cadre, une

veille sur les choix de l’organisation et de leurs impacts concrets constituerait un outil

indispensable. Ainsi, les décisions prises dans un domaine spécifique de l’entreprise pourraient

se faire en cohérence avec celles des autres domaines de la firme. Analysé dynamiquement, cet

alignement des SI passe par des phases cycliques de stabilité et d’instabilité, engendrant des

situations d’alignements et de désalignements (Sabherwal et al., 2001).

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

105

Toutefois, certains auteurs tendent à attirer les difficultés épistémologiques inhérentes à cette

vision dynamique. C’est le cas de Bergeron et al. (2004) qui soulignent le caractère

fondamentalement inertiel du champ stratégique. Pour observer les réels impacts des choix sur

la performance, il conviendrait de laisser opérer les effets sur des temporalités suffisantes.

Même si dans les faits, les mutations s’opèrent en continu, définir des unités de temps

suffisantes permettrait de garantir une validité analytique. Dans cette perspective, le principal

enjeu relève de l’identification des délais nécessaires à observer pour accepter que l’ensemble

des effets ait opéré. D’un point de vue pragmatique, l’observation en continu, sinon régulière,

des effets des choix stratégiques est une démarche nécessitant une étude longitudinale et la

mobilisation de moyens importants. Par ailleurs, la nécessité d’observer les différentes

interactions entre les choix stratégiques et de reconstituer les chainages causaux rend cette

approche complexe à mettre en œuvre (Bergeron et al., 2004). Pour ces raisons, et au vu de la

question de recherche et du positionnement épistémique proposé plus en aval, nous

appréhenderons l’alignement stratégique à travers une approche statique.

132. Modalités d’alignement stratégique : le rôle des usages des systèmes

d’information et de l’ingénierie des processus

La place des usages dans l’étude de l’alignement stratégique

Les développements proposés en amont mettent en évidence la place des usages dans les

recherches prenant pour objet les systèmes d’information. Une partie d’entre eux s’intéresse à

l’alignement stratégique et à la manière dont il affecte ces usages. En (2005), Fernandes

critiquait déjà une vision mécaniste de l’alignement. Celle-ci postule que l’usage du SI est

mécaniquement conforme aux attentes des décideurs. Sur cette base, Fimbel (2007) propose

une conception plus opérationnelle de l’alignement stratégique qui recouvrerait des manœuvres

et des efforts permanents. Ces derniers viseraient à renforcer et à rétablir la convergence des

capacités et des usages avec les exigences évolutives formulées par les parties prenantes

managériales. L’auteur met ainsi en exergue une deuxième cible de l’alignement qui est l’usage.

En 2013, Walsh, Renaud et Kalika proposent un modèle d’alignement stratégique amélioré

(Translated Strategic Alignment Model) basé sur une approche par les pratiques et mobilisant

la théorie de l’acteur en réseau. Cet apport ambitionne alors de fournir un complément au

modèle initial d’Henderson et Venkatraman (1993) en y intégrant une dimension sociale. Les

notions d’usages et d’interprétation des buts par les acteurs visent alors à expliquer les

comportements individuels et les résultats en matière d’alignement. Approfondissant davantage

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

106

leur étude critique du modèle initial, ils soulignent une problématique méthodologie stylistique

qui aboutit à concevoir les stratégies de manière descendante. La prise en compte des acteurs

et de leur incidence sur les capacités d’alignement doit mener les organisations à concevoir des

ajustements dans une logique remontante. Par conséquent, il propose que la conception et la

mise en place des projets SI aboutissent à l’implication des acteurs visés par les changements.

L’introduction de l’intermédiation via le ressenti des acteurs permettrait alors d’intégrer des

perceptions différentes, mais également la culture individuelle dans le pilotage des projets. Cet

enjeu de gestion des usages a amené Fimbel (2007) à préconiser la mise en place d’une maîtrise

d’alignement stratégique en complément des traditionnelles maîtrises d’œuvre et d’ouvrage

présentes dans les projets SI. Le rôle de cet intermédiaire serait d’assurer que les conditions

internes sont mises en œuvre pour favoriser l’alignement des choix stratégiques, lui-même

porteur de cohérence entre les usages des SI.

L’ingénierie des processus : un outil d’alignement stratégique

L’ingénierie des processus ou « business project reengineering » (BPR) est introduite en 1990

dans les travaux d’Hammer (1990), Davenport et Short (1990). Ces derniers, lors de réflexions

sur les origines et le fondement du reengineering, proposent que « dans le cœur du

reengineering réside la notion de réflexion discontinue, de la reconnaissance et de la rupture

avec des règles et des hypothèses fondamentales désuètes sous-tendant les opérations »

(p. 107)23. La performance est donc assujettie à la remise en cause de ces règles et postulats. La

redéfinition des processus devient une priorité, d’autant que les innovations technologiques

prolifèrent. L’ingénierie est une démarche d’analyse de la composition et de l’articulation des

infrastructures et des processus de l’organisation. Elle porte plus précisément sur l’étude de la

structure organisationnelle (forme visible de l’organisation) et des processus de coordination et

de contrôle (permettant de mettre en relation les différents composants de la structure)

(Kefi, 2011).

Cette démarche est abordée dans la littérature sous une terminologie diverse : « business

process improvement », « business process redesign », « core process redesign », « business

restructuring », « business process reengineering ». Bien que différentes, ces notions renvoient

toutes à un continuum d’activités allant de l’amélioration continue de processus à la

restructuration complète des organisations (Zairi et Sinclair, 1995).

23 Trad. Personnelle : « At the heart of reengineering is the notion of discontinuous thinking-of recognizing and breaking away from the outdated rules and fundamental assumptions that undelie opérations ».

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

107

Grover et al. (1995) définissent la mise en place de l’ingénierie des processus comme

« l’implémentation d’un changement fondamental délibéré pour atteindre des améliorations de

rupture dans la performance »24 (p. 111). Dans leur réflexion, les auteurs insistent sur la nature

consciente de la démarche qui permettrait de prévoir une planification et un accompagnement

au changement. Ils précisent tout de même que la démarche se doit d’être contingente afin de

s’adapter aux éléments non planifiés. En effet, les auteurs montrent que les problématiques de

mise en place des SI intègrent à la fois des éléments de changement planifiés, mais aussi

émergents. L’approche du BPR partage des ancrages communs avec le paradigme

sociotechnique vu précédemment. En effet, lorsqu’ils sont en contact, les individus, les

processus et les tâches sont amenés à s’influencer et à altérer leurs sphères respectives.

Concernant les modalités de mise en œuvre du BPR, Hammer (1990) proposait déjà quelques

pistes dans son travail fondateur. Alors qu’il semble anticiper les critiques de ses potentiels

détracteurs, il souligne que la plupart des organisations sont capables d’enclencher ces

processus de transformation, car une grande partie de la population qu’elles emploient est

instruite et capable d’assumer des responsabilités. Par cet aspect, il souligne que le

développement du capital humain est un atout clé du BPR puisqu’il permettrait une plus grande

flexibilité des ressources humaines. Par ailleurs, Hammer (1990) suggère aux décideurs de

mettre en place des contextes de travail permettant et incitant les collaborateurs à agir de

manière autonome. Ainsi, l’observation des comportements résultants pourrait indiquer aux

décideurs les pratiques appropriées et les réajustements structurels à mettre en place. Dans un

second temps, l’organisation est invitée à définir de nouvelles règles et de nouveaux processus

sur la base des diagnostics réalisés. À ce titre, Hammer (1990) préconise la mise en place d’un

système de contrôle des pratiques. Ce dispositif constitue la base de l’évaluation des projets

d’ingénierie et permet de réitérer les boucles de reengineering en y apportant de nouveaux

ajustements.

La démarche de BPR a également été mobilisée comme outil de l’alignement stratégique. Basée

sur l’étude d’un cas, la recherche de Lockamy et Smith (1997) explore les relations entre

l’alignement stratégique et le BPR. Les auteurs s’interrogent sur la manière dont le BPR

permettrait de favoriser l’alignement entre les processus organisationnels et la stratégie

générique. Ils émettent un ensemble de recommandations proposé sous forme de principes et

24 Traduction Personnelle : « business reengineering implementation can be characterized as the implementation of deliberate and fundamental change in business processes to achieve breakthrough improvements in performance ».

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

108

soulignent l’importance d’intégrer le BPR dans les indicateurs de performance. Cette démarche

favoriserait une plus grande flexibilité et un positionnement permettant à l’organisation de

répondre aux attentes en interne et en externe.

Plus récemment, Kefi (2011) s’intéressait au cas particulier de l’alignement entre les SI et les

processus organisationnels. L’auteure investigue les effets de l’intégration fonctionnelle sur la

performance organisationnelle. Sa recherche est ancrée dans la théorie de la contingence qui

stipule que pour être efficace, l’organisation doit s’adapter à son environnement. Pour ce faire,

Burns et Stalker (1961)25 conçoivent deux archétypes organisationnels. Le modèle mécanique

basé sur un contrôle et une division du travail important et le modèle organique, fondé sur une

décentralisation de l’autorité et sur une collaboration interfonctionnelle plus fortes. Kefi (2011)

mène une réflexion sur la manière dont le développement de certains usages des SI contribue à

la performance de l’organisation. Ses résultats, basés sur une étude quantitative menée auprès

de 321 PME, montrent que l’alignement stratégique se compose d’une partie mécanique et

d’une partie organique. De manière non surprenante, il apparait alors que les SI de coordination

sont davantage en phase avec les processus de coordination (alignement organique), alors que

les SI de contrôle montrent une plus grande cohérence avec les processus de contrôle

(alignement mécanique). De plus, Kefi (2011) suggère que les organisations qui sont les plus

performantes sont celles où s’opère un co-alignement. L’adaptation des SI n’est donc pas

suffisante pour espérer tirer profit de ses ressources productives, il convient également de veiller

à ce que la structure s’ajuste. Les résultats vont alors dans le sens d’une réflexion stratégique

sur la définition et la redéfinition des processus au regard des caractéristiques technologiques

en place.

14. L’alignement stratégique : mesures et typologies

141. Les perspectives d’évaluation de l’alignement stratégique

La mesure de l’alignement est un sujet entier qui a créé des discussions denses depuis l’origine

du modèle. Dans leurs travaux, Henderson et Venkatraman (1989) proposent six configurations

permettant l’analyse pratique de l’alignement : la modération, la médiation, le matching, la

gestalt, la déviation de profil et la co-variation.

25Burns, T., G. M. Stalker (1961). The Management of Innovation, dans Kefi, H. (2011). Processus organisationnels et systèmes d’information et de communication : alignement et performance. La Revue des Sciences de Gestion, 5, 189-200.

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

109

La modération : Il s’agit de l’interaction entre le fit et le lien des variables (dépendantes et

indépendantes) d’un modèle. Dans une approche bivariée, une régression linéaire permettrait

de déterminer si les deux facteurs évoluent ensemble (voir Chan et al., 1997)

La médiation : dans cette perspective, le fit est une variable intermédiaire entre deux variables.

L’alignement renforce ou annule l’existence d’un effet entre les éléments à l’étude. Par

exemple, l’augmentation du niveau de formation professionnelle de salariés peut ne pas aboutir

à l’augmentation de leur efficacité si les compétences visées ne sont pas en accord avec leurs

tâches réelles. Cette approche a été mobilisée dans les travaux de Chan et al. (1997)

Le matching consiste à étudiée le score obtenu par deux variables et à mesurer par la

comparaison de l’évolution des deux scores leur propension à varier ensemble. Cette approche

est consubstantiellement liée à la problématique de la manière de mesurer l’alignement

stratégique.

La déviation de profil : le fit est mesuré à partir du degré de congruence d’une configuration

avec un profil idéal défini préalablement de manière théorique ou empirique. Cette approche

suppose de pouvoir être en mesure de définir une organisation cible.

La co-variation : le fit représente la cohérence entre un ensemble de variables. Cette cohérence

influence le niveau d’une variable dépendante. La co-variation est mesurée par une analyse

factorielle qui permet de voir la contribution de chacune des variables au fit (Croteau et al.,

2001).

La gestalt consiste à analyser la congruence entre plusieurs variables et à les classer en fonction

de la force de leurs liens. Il s’agit alors d’une approche systémique permettant de définir

l’alignement comme le résultat de plusieurs sous-alignements.

142. La mesure par la typologie

Depuis les travaux pionniers d’Henderson et Venkatraman (1989), certains auteurs se sont

essayés à mettre en place des propositions de mesure quantitative de l’alignement stratégique

en se basant notamment sur les perspectives vues précédemment (e.g. Henderson et

Venkatraman, 1993 ; Luftman, 2003). Ciborra affirmait en 1997 qu’il était possible pour la

direction d’une entité de représenter les stratégies dans des « cases » et de définir des « relations

linéaires » qui pourraient ensuite être évaluées. Mais de manière opérationnelle, les

propositions de mesures restent peu satisfaisantes. Cette problématique de mesure semble

essentiellement relevée d’une grande inconnue dans ce champ académique : l’incapacité à

établir précisément comment s’opère l’alignement des domaines. Ciborra (1997) propose alors

Page 122: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

110

que la mesure des intentions de l’entreprise et des objectifs clés de leurs départements respectifs

pourrait permettre d’évaluer l’alignement stratégique. Mais l’auteur ne donne pas vraiment

d’indications sur la manière de mettre en place ces mesures.

Ces difficultés à mettre en place une mesure quantitative de l’alignement entre les domaines

ont poussé certains chercheurs à se concentrer sur des approches de nature typologique. L’une

d’entre elles est proposée par Bergeron et al. (2004). Elle s’inscrit dans une perspective de

modération et de gestalt du fit et repose sur une méthodologie quantitative. Les auteurs tentent

alors de déterminer comment la performance de l’organisation est impactée par les quatre

domaines stratégiques étudiés (Buisiness strategy, IT strategy ; Business infrastructures, IT

infrastructures). Un questionnaire a été administré aux responsables de 1000 entreprises afin

d’évaluer le niveau de développement de chaque domaine stratégique via des échelles de

mesure (faible, moyen, fort). Par la suite, les auteurs forment des paires de domaines et évaluent

le niveau de cohérence entre les degrés de développement de chaque domaine constituant la

paire. Ils établissent alors qu’une situation de cohérence a lieu lorsque les niveaux de

développement des deux domaines étudiés sont similaires. Conformément à l’approche de la

gestalt, la dernière étape consiste à étudier la représentation numérique d’alignements faibles,

moyens et forts sur l’ensemble des huit paires constituées.

Sur la base de ce travail, les auteurs identifient deux situations possibles :

- Une situation conflictuelle (missalignment) caractérisée par une surreprésentation

d’alignements faibles.

- Une situation non conflictuelle (alignment) caractérisée par une surreprésentation

d’alignements forts.

Les situations de désalignements sont alors considérées comme ayant un impact négatif sur la

performance de l’organisation. Il s’agit ici d’une approche holiste où la fréquence d’un type

d’alignement est censée prédire la performance. Malgré l’intérêt de cette approche qui propose

une évaluation typologique, il convient de souligner deux éléments importants. La première

repose sur la modalité de mesure des construits qui reposent sur l’administration de

questionnaires. Or, cela pourrait introduire certains biais notamment liés à la mémoire et aux

perceptions individuelles. Le second point relève de la démarche additive qui consiste à

considérer qu’un nombre d’alignements forts supérieurs permettrait de conclure à une situation

favorable. Cette approche se base sur le postulat fort que l’alignement est un processus linéaire

dans lequel chaque sous-alignement a la même contribution dans l’alignement global. Dans les

faits, supposer qu’il existe des asymétries concernant le poids de certains domaines dans la

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

111

performance ne serait pas incongru. Cela remettrait en question le caractère linéaire des

contributions à l’alignement.

Dans une première partie, la présentation du cadre théorique de l’alignement stratégique a pu

mettre en évidence ses principaux déterminants et modes opératoires. Dans un second temps, il

convient de montrer l’intérêt de mobiliser ce modèle dans l’étude du PFRH.

Un cadre d’analyse du partage de la fonction ressources humaines

21. La mobilisation de l’alignement stratégique dans le champ de la gestion

des ressources humaines

De nombreux travaux dans le champ de la GRH mobilisent l’alignement comme un prédicteur

de la performance à travers notamment, l’étude de la cohérence des choix. Sur le plan vertical,

le PFRH a principalement été étudié à travers la cohérence des choix organisationnels et des

objectifs stratégiques. Des travaux montrent en effet que le décalage entre les objectifs posés

dans la cadre du PFRH et les moyens mis en œuvre pourraient expliquer les barrières à la prise

en main effective des rôles RH par les managers (Conway et Monks, 2010). McConville (2006)

s’est intéressé spécifiquement aux ressources financières mises à disposition dans le cadre de

la GRH. Il montre que les responsables d’équipe n’estiment pas être suffisamment dotés pour

pouvoir atteindre les objectifs qui leur sont fixés. En matière de rétribution particulièrement, il

semblerait que les enjeux qui sous-tendent les champs (récompense et motivation des

collaborateurs) ne peuvent être correctement abordés par les managers du fait de l’insuffisance

de ces dotations.

Ces écarts observés sur le plan opérationnel pourraient s’expliquer par la difficulté de

l’organisation à développer une vision commune des acteurs pour servir les objectifs du PFRH.

La divergence de points de vue des managers et des spécialistes RH pourrait être une source

majeure d’échec. Alors que ces deniers s’inscrivent dans des logiques gestionnaires et sur une

dimension stratégique de la fonction, les responsables d’équipe seraient eux, davantage

focalisés sur des aspects opérationnels. Cela entrainerait une confrontation de logiques de long

terme et de court terme et expliquerait les positions différentes sur l’attribution des moyens

nécessaires (Cunningham et Hyman, 1995 ; Kulik, 2006). Ces résultats mettent alors en

évidence la problématique de la convergence des objectifs des managers et de ceux du

département RH en contexte de partage. Cette convergence est d’ailleurs avancée comme une

condition permettant à la fonction de s’opérer de manière efficace (Townsend et al., 2012). Or,

dans les faits, il semblerait que la nécessité de faire des arbitrages, dans un contexte de

Page 124: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

112

ressources limitées, pousserait les managers à agir de manière opportuniste. Ils agiraient pour

atteindre les résultats fixés dans le cadre de leur nouveau mandat de gestionnaire RH et non

pour favoriser la performance de GRH (McGovern et al., 1997). Ce constat amène alors au

questionnement sur la manière dont l’organisation développe l’orientation du PFRH en lien

avec la dimension qualitative de la GRH. Cette mise en cohérence serait tributaire de la façon

dont les décideurs définissent les objectifs, mais aussi les actions opérationnelles.

L’alignement stratégique a également été étudié dans une perspective horizontale pour

expliquer la performance du PFRH. Barrette (2005) propose effectivement d’étudier l’efficacité

du département RH à travers le concept d’architecture RH qu’il définit comme un concept

reposant sur un alignement vertical et un alignement horizontal. Le premier opère entre les

pratiques RH et les aspects organisationnels dominants comme la stratégie. Il implique que les

systèmes de GRH soient alignés sur la stratégie de l’entreprise et que les éléments de cette

dernière soient intégrés dans les processus de GRH. Le second alignement a trait à la cohérence

des pratiques que Barrette (2005) étudie à travers le concept de système de pratiques. La

définition des pratiques dans une approche systémique permettrait le développement d’une

cohérence et en développerait la facilité de mise en place. Cette notion d’alignement horizontal

a également été étudiée par Purcell et Hutchinson (2007) qui se sont intéressés aux effets de

compensation entre la qualité perçue des pratiques et le comportement de leadership

organisationnel observé. Leurs travaux, abordés en amont, abordent l’alignement comme un

processus de compensation entre la qualité des pratiques RH et le soutien organisationnel.

Ces observations mènent alors à se questionner sur les possibilités d’adapter l’alignement

stratégique à l’étude du partage de la FRH.

22. Le partage de la fonction ressources humaines : un objet de recherche de

l’alignement stratégique

Les différentes définitions de la FRH et les travaux présentés précédemment ont permis

d’établir que ce phénomène comporte à la fois une dimension stratégique relevant des finalités

poursuivies, mais aussi une dimension opérationnelle ayant trait aux actions et processus mis

en place. Tout d’abord, il convient de rappeler, d’un point de vue stratégique, que les travaux

de Hall, Torrington (1998), Hoogendoorn et Brewster (1992) ont permis de définir le partage

de la FRH comme « le processus de redistribution de tâches, activités et influences

initialement à la charge des spécialistes RH vers les managers opérationnels ». Cette

acception est essentiellement fondée sur les contributions théoriques qui définissent cet objet à

Page 125: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

113

la fois comme reposant sur la participation effective des managers dans les processus et activités

de GRH, mais aussi sur leur intervention dans les prises de décisions. La littérature montre

également que le PFRH repose sur un double enjeu organisationnel. Il permettrait au

département RH de se saisir de problématiques plus profondes de GRH en se positionnant à un

niveau plus stratégique tout en transférant une partie du champ sur le plan opérationnel. De

plus, il impacterait positivement la fonction managériale par le renforcement de leviers

managériaux et l’enrichissement des tâches. Le PFRH comporterait donc un enjeu stratégique

dans la mesure où il permettrait à l’organisation d’être plus efficace en servant les objectifs plus

généraux qu’elle s’est fixée. Par ailleurs, il ressort des travaux évoqués que certaines pratiques

s’avèrent particulièrement cruciales dans le succès de PFRH. Ainsi, la capacité d’une

organisation à assurer une transition des rôles des acteurs ou à favoriser un usage cohérent des

SI, par exemple, serait un facteur impactant la mise en place de cette orientation. Henderson et

Venkatraman (1989) définissent le domaine stratégique comme la « série d’objectifs (finalités),

de moyens (actions) et d‘hypothèses sous-jacentes relatives à ces choix » (p. 9). Partant de ces

éléments, le PFRH peut être étudié comme une orientation comportant une dimension

stratégique à travers deux objectifs : la participation des managers dans les activités RH et la

participation de ces derniers dans les prises de décisions (figure 2-11).

Figure 2-11 : Représentation des objectifs stratégiques du partage de la FRH

Source : auteur de la thèse

Sur le plan opérationnel, nous avons pu mettre en évidence que le PFRH nécessitait la mise en

place d’un ensemble d’infrastructures. À travers la lecture théorique de l’AMO, il apparait que

les moyens déployés par l’organisation pour développer les capacités, la motivation et les

opportunités des managers pourraient impacter les résultats en matière d’implémentation

effective du PFRH. Le déploiement de ces moyens devrait s’opérer dans des aspects liés au

développement des compétences, du soutien organisationnel, des conditions matérielles, mais

aussi par le développement d’une relation partenariale entre les managers et les spécialistes RH.

Page 126: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

114

Dans la littérature relative au PFRH, l’étude des SI a été justifiée par des implications à la fois

stratégiques et opérationnelles. D’une part, leur mise en place permettrait de rationaliser un

ensemble de processus de travail par le traitement intégré et systématisé des données RH.

D’autre part, y recourir serait un moyen permettant de faciliter la mise en place d’une fonction

partagée. Les problématiques d’usage et d’utilisation rencontrées par les organisations mettent

en évidence le développement des infrastructures des SI comme un élément incontournable aux

succès des projets. Dans une précédente section, les travaux d’Henderson et Venkatraman

(1989) proposent de définir les infrastructures comme les « choix relatifs aux arrangements

internes particuliers qui supportent la position choisie par l’organisation sur le marché. Elles

reflètent la série d’objectifs (choix), de moyens (actions) et d’hypothèses sous-jacentes

soulignant le design de la structure de management et des processus de travail » (p. 10).

Dans ce cadre, il s’avère plausible de considérer que le PFRH relèverait de la mise en place

d’infrastructures et processus organisationnels. Celles-ci se composeraient des infrastructures

administratives (structure, rôles et responsabilités), des processus de travail (articulation entre

flux de travail et flux d’informations) et des compétences et savoirs nécessaires pour

l’accomplissement des objectifs stratégiques permettant de soutenir le PFRH. L’aspect central

des SIRH dans le PFRH pourrait également justifier que le succès de ce dernier soit affecté par

la mise en place d’infrastructures et processus propres aux SI. Ceux-ci se composeraient de

l’architecture de systèmes d’information (politiques et règles de gouvernance), des processus

SI (choix guidant le développement et la mise en place des SI) et des compétences SI (choix

relatifs à l’acquisition, la formation et le développement des compétences nécessaires) (figure

2-12).

Figure 2-12 : Composition des infrastructures et processus organisationnels

Source : auteur de la thèse

Page 127: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

115

Dans une section précédente, nous avons montré que l’intérêt principal de cette grille théorique

réside dans sa capacité à inclure des dimensions organisationnelles et techniques pour expliquer

le phénomène d’usage des SI. En matière de GRH, les travaux y recourant montrent comment

l’alignement stratégique peut expliquer la performance de la FRH. D’une part, l’alignement

vertical entre le domaine stratégique des RH et les infrastructures mises en place, et d’autre

part, l’alignement horizontal entre les infrastructures entre elles sont une source d’efficacité des

organisations mises en place. De ce point de vue, s’intéresser aux processus d’alignement entre

les domaines stratégiques et opérationnels du PFRH s’avère intéressant. Une transposition

schématique du modèle d’alignement stratégique à l’objet de la recherche est proposée dans la

Figure 2-13.

Figure 2-13 : Proposition d’étude de l’alignement des domaines du partage de la FRH

Source : auteur de la thèse

Pour conclure, cette première partie a permis de voir comment les modèles de l’AMO et de

l’alignement stratégique ont été mobilisés pour expliquer le PFRH. Il ressort des travaux

académiques que l’AMO est également un cadre d’analyse approprié pour appréhender le

phénomène (Appelbaum et al., 2000 ; Bos-Nehles et al., 2013 ; Gibb, 2003 ; Trullen et al.,

2016). Ces travaux expliquent que les choix organisationnels influenceraient les capacités, la

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Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

116

motivation et les opportunités des managers à agir et ces dernières détermineraient la mise en

place effective du PFRH (voir figure 2-14).

Figure 2-14 : Impact des choix organisationnels sur l’implémentation des pratiques RH

Source : auteur de la thèse

Pour autant, limiter l’explication de la mise en place des pratiques RH aux effets individuels

induits par les choix organisationnels sur l’AMO semble effacer une partie de la complexité du

phénomène. En effet, à travers le modèle de l’alignement stratégique (Henderson et

Venkatraman, 1989), il ne serait pas incongru de s’attendre à un effet de la cohérence des choix

organisationnels sur le succès de partage. Ainsi, en s’adossant à des observations empiriques,

l’objectif de cette recherche est de proposer une articulation entre l’alignement stratégique des

choix organisationnels et l’AMO comme une explication du PFRH. Par conséquent, il ne

s’agirait plus de s’intéresser à l’effet des choix pris séparément sur l’AMO, mais bien de

l’impact de leur cohérence sur ces variables (figure 2-15).

Figure 2-15 : Impact de l’alignement des choix organisationnels sur le PFRH

Source : auteur de la thèse

L’objectif de cette recherche est d’explorer les facteurs explicatifs du PFRH. Une première

partie consacrée à la présentation de l’état de l’art a permis de mettre en évidence les travaux

majeurs en la matière. Plus précisément, les discussions académiques font intervenir le rôle des

acteurs, mais aussi des infrastructures technologiques comme déterminants du phénomène. Le

Page 129: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 2 - Section 2. L’alignement stratégique : un cadre d’analyse du partage de la FRH

117

partage de la FRH est alors appréhendé comme une orientation stratégique, mais également

comme un ensemble de choix d’infrastructures dont le succès de mise en place pourrait être

mesuré à travers l’étude des écarts entre intentionnalité et réalité organisationnelles.

Par la suite, nous nous sommes intéressés à la manière dont les travaux académiques

appréhendaient le phénomène sur un plan conceptuel. Deux cadres d’analyse sont apparus

comme particulièrement adaptés pour capter l’ensemble des dimensions de notre objet. D’une

part, l’AMO propose que les capacités, la motivation et les opportunités constituent trois

déterminants principaux au succès de PFRH. Les choix organisationnels portés sur le

développement de l’AMO permettraient d’en assurer le succès. D’autre part, le modèle de

l’alignement stratégique souligne le rôle de la cohérence des choix organisationnels sur la

capacité d’une organisation à atteindre ses objectifs. Utilisé dans de nombreux champs de la

gestion des organisations, ce cadre théorique de l’alignement stratégique pourrait constituer une

grille d’analyse intéressante du point de vue de notre objet de recherche. En effet, nous avons

montré que le partage de la FRH comporte à la fois une dimension stratégique et une dimension

opérationnelle. En ce sens, s’intéresser à la cohérence des choix organisationnels en la matière

pourrait étendre la portée explicative de l’analyse proposée dans le cadre de cette étude.

Dans une deuxième partie, il est proposé de présenter les résultats obtenus de la collecte de

données empiriques. Nous proposerons également de préciser la méthodologie utilisée en

expliquant les tenants et les aboutissants des choix effectués. Ainsi, le chapitre 3 permettra de

développer les principes méthodologiques et les réflexions épistémologiques qui sous-tendent

cette recherche. Plus particulièrement, il s’agira de mettre en évidence le rôle que joue l’étude

de cas dans la production de la recherche scientifique dans le champ de la gestion. Le chapitre

4 sera l’occasion de présenter les résultats obtenus de l’étude de cas et d’engager une discussion

de ces derniers à la lumière des travaux de la littérature exposés précédemment.

Page 130: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

118

Deuxième partie

LA PHASE EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE :

ÉTUDE DU CAS ABC ET PROPOSITION D’UN

CADRE EXPLICATIF DU SUCCÈS DE PARTAGE

DE LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES

Page 131: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

119

Notre recherche a pour objectif de mettre en évidence et d’appréhender les facteurs explicatifs

du succès de PFRH. Dans une première partie, une étude de la littérature a permis de

circonscrire l’objet de l’étude. Nous avons pu mettre en évidence les travaux analysant l’objet

du PFRH et plus particulièrement en contexte d’usage du SIRH. Ce premier temps de la

recherche a également été l’occasion de montrer comment les ancrages de l’AMO et de

l’alignement stratégique ont été mobilisés en matière académique pour expliquer le succès de

projets organisationnels. Dans cette seconde partie, nous proposons d’aborder la dimension

empirique de la recherche. Le chapitre 3 sera dédié à la discussion des aspects méthodologiques

et épistémologiques de notre travail ainsi qu’à la présentation du cas ABC qui a constitué le

support principal de notre analyse. Enfin, le chapitre quatre sera le lieu de présentation des

résultats de la recherche et de leur discussion au vu de l’étude de la littérature réalisée en amont.

Le cadre opératoire : l’étude de cas unique en recherche

qualitative

La présente recherche s’inscrit dans une démarche de production de connaissances par la

fertilisation croisée des champs théoriques et empiriques. Dans un premier temps, ce chapitre

pose les réflexions méthodologiques et épistémologiques qui ont guidé notre recherche. Par la

suite, il fera l’objet d’une présentation du cas qui a permis la collecte du matériau d’analyse.

Section 1 - Fondements épistémologiques et méthodologiques de la

recherche

Positionnement épistémologique et méthodologie de recherche pour

l’étude de cas

11. Une recherche qualitative abductive

111. La recherche qualitative comme outil de production scientifique

Les travaux mis en place dans le cadre de la présente thèse s’inscrivent dans une démarche

qualitative. Ce type de recherche se distingue par sa finalité moins portée sur la généralisation

des résultats que sur l’explication d’un phénomène étudié. Elle mobilise une richesse des

éléments de contenu étudiés et le processus de contextualisation consécutif. La démarche

Page 132: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

120

qualitative permet de fournir des « explications riches et solidement fondées de processus

ancrés dans un contexte local. Avec les données qualitatives, on peut respecter la dimension

temporelle, évaluer la causalité locale et formuler des explications fécondes » (Miles et

Huberman, 2003, p. 11). La richesse des informations issues du contexte est donc valorisée

alors que la quantification joue un rôle secondaire. La recherche qualitative repose davantage

sur l’analyse des contextes d’apparition du phénomène, avec des modes de collecte de données

différents, dont l’observation et les entretiens semi-directifs, essentiellement de manière non

structurée et avec comme finalité la création de sens (Perret et Séville, 2014). L’objectif fixé

dans la présente thèse consiste à décrire et analyser les modalités de mise en place d’une

orientation stratégique pour identifier les facteurs explicatifs de son succès. Au vu de la

définition proposée précédemment, il apparait que la dimension qualitative de notre recherche

permettra de répondre à cet objectif.

Dans ce type de démarche, la position du chercheur doit être animée par un double objectif :

l’activation des connaissances de l’auteur et la construction d’un cheminement rigoureux et

intéressant les acteurs du terrain (Giordano, 2003). Il apparait toutefois que le processus

d’investigation et les résultats obtenus ne peuvent être déconnectés de l’influence du chercheur

(Miles et Huberman, 2003). Ainsi, la communication par le chercheur de l’ensemble des

informations permettant la discussion des modalités de son travail est nécessaire. Cette rigueur

procédurale est un moyen permettant l’expression des contradictions et constitue un critère de

validité de la production scientifique.

Dans cette démarche, le chercheur est expert, du point de vue de ses lectures et de ses

expériences passées, mais il reste cependant ouvert à la découverte. La connaissance du

contexte dans lequel il évolue doit se conjuguer à l’ouverture intellectuelle nécessaire à la

naissance de l’étonnement et de l’interrogation (Hlady-Rispal, 2002). En effet, la connaissance

de l’environnement d’étude et des dimensions théoriques est essentielle. Elle permet un ancrage

intellectuel nécessaire à la progression de la réflexion scientifique et au développement d’un

esprit critique au sujet des observations. Toutefois, il apparait que l’observation sous l’unique

prisme théorique réduirait potentiellement la faculté du chercheur à être critique vis-à-vis de ce

qu’il observe. En effet, la richesse des résultats obtenus dépend également de la capacité du

chercheur à s’étonner de ce qu’il observe.

Ainsi, la nature des connaissances produites et la place du chercheur dans ce processus doivent

nécessairement faire l’objet d’une réflexion. Perret et Séville (2014) soulignent que ce dernier

Page 133: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

121

doit être en mesure d’appréhender les présupposés et hypothèses implicites et participer aux

débats épistémologiques structurant son champ de recherche. Il doit également être en mesure

d’expliciter sa démarche et de construire son projet scientifique dans un souci de cohérence et

de pertinence par la mise en pratique des outils de la réflexion épistémologique. Dans la section

suivante, nous nous proposons d’entamer cette réflexion en évoquant les modalités de l’étude

et les potentielles conséquences des choix méthodologiques sur la production des résultats.

112. Les positionnements du chercheur en recherche qualitative

L’épistémologie est l’étude visant à porter une analyse critique sur ce qu’est la connaissance,

les conditions de sa production et celles permettant d’en apprécier sa validité. Elle est définie

comme « l’étude philosophique critique de la connaissance, de ses fondements, de ses

principes, de ses méthodes, de ses conclusions et des conditions d’admissibilité de ses

propositions » (Legendre, 2005, p. 606). Le questionnement sur la nature de la réalité et des

conditions de production de la science au sens général apparait comme un devoir du chercheur

à chaque stade de son travail (Hlady-Rispal, 2002). Cette réflexion s’affine au fur et à mesure

que se forge l’expérience. Ainsi, à défaut de proposer de manière exhaustive un avis sur la

complexe question de l’interaction du chercheur avec son contexte et ses implications en

matière de production de la science, les développements suivants visent à produire quelques

considérations issues de nos réflexions et des lectures faites en la matière. La discussion

épistémologique relève de deux dimensions : elle peut porter sur la seule relation entre le

chercheur et son objet, mais aussi sur la nature de la réalité observée. L’enjeu d’opérer les

questionnements de l’articulation entre méthodologie, ontologie et épistémologie réside

essentiellement dans la capacité de la recherche à être évaluée (Giordano, 2003).

Les réflexions menées sur la relation du chercheur à son objet ont abouti à l’émergence de trois

principaux courants épistémologiques dans la littérature : le courant positiviste, le courant

subjectiviste et le courant constructiviste (Giordano, 2003).

La posture positiviste

Le courant positiviste considère la réalité comme un phénomène qui est et se manifeste

indépendamment de l’action du chercheur. Celui-ci a pour principale finalité de comprendre

comment s’opèrent les mécanismes qui structurent cette réalité sans pouvoir y exercer une

quelconque influence. Les organisations sont considérées comme des entités objectives et le

chercheur parviendrait à se maintenir distant de son objet de recherche. La posture positiviste

repose alors indéniablement sur le postulat de l’insolubilité de l’action du chercheur et de son

Page 134: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

122

contexte. En d’autres termes, cela revient à accepter que l’un et l’autre ne peuvent pas avoir

d’influence réciproque sur les trajectoires prises initialement. Dans ce cadre, le recours à la

démarche hypothético-déductive permettrait de répondre aux questionnements posés. Cette

démarche consiste à définir une série d’hypothèses ou de propositions issues principalement

d’une revue de littérature préalable et de fonder les travaux de recherche sur la validation ou

l’invalidation des éléments théoriques proposés.

La posture constructiviste

Le constructivisme est un courant épistémologique considérant l’imbrication entre les

phénomènes sociaux et postule que les effets d’interactions entre eux les amènent à des

évolutions conjointes (Mucchieli, Mesure et Savidan, 2006). En contexte de recherche, cette

posture revient à accepter que la réalité observée par le chercheur est elle-même influencée par

ce dernier. Ces effets d’altération de l’objet observé doivent mener le chercheur à intégrer son

rôle et son influence dans la production de la science. Les différentes acceptions de ce que

représente la posture constructiviste en font une posture complexe. Il en résulte que les outils

méthodologiques intégrés dans cette démarche sont également difficiles à identifier.

La posture interprétativiste

Dans ce courant, la réalité observée ne peut être objective du fait qu’elle est ancrée à sa propre

histoire et à celle du chercheur. L’analyse de celui-ci résulte des interprétations qu’il fait de ses

observations. Par ailleurs, les acteurs composant l’objet étudié sont eux-mêmes producteurs

d’une vision subjective de ce qu’est la réalité puisqu’ils la décrivent de manière interprétative

(Giordano, 2003). Ces deux niveaux de subjectivité ou « double subjectivité » concourent au

postulat qu’il est impossible d’appréhender la réalité dans son essence (p. 21). Pour évoluer

dans cet environnement, le chercheur doit comprendre le vécu des acteurs, mais également

analyser par ses interprétations les éléments préalablement décodés. Le fait d’être partie

intégrante de la réalité observée produit des processus d’influences réciproques entre le

chercheur et l’objet étudié. Le chercheur influence l’objet qui lui-même, influence le chercheur

et en change la manière d’interpréter. Toutefois, à la différence de l’approche constructiviste,

la posture distanciée du chercheur par rapport à son objet ne permet pas de considérer que la

réalité est co-construite.

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

123

Une grille d’analyse permet de synthétiser les clivages entre ces trois courants selon la nature

de l’objet d’étude, la place du chercheur, la démarche méthodologique privilégiée et la finalité

du projet de recherche (voir tableau 3-1).

Tableau 3-1 : Synthèse des courants épistémologiques majeurs

Réalité observée Chercheur Démarche

privilégiée Projet

Positivisme Existe

indépendamment

de l’action du

chercheur

- Distant

- Non intrusif

- Cherche à

comprendre

Hypothético-

déductive

- Décrire

- Expliquer

- Confirmer

Interprétativsime

La réalité est le

résultat

d’interprétations

des sujets et du

chercheur

- Intègre l’objet

de recherche

- Analyse selon

ses

interprétations

Comprendre

Constructiviste Est co-construite

entre le chercheur

et le sujet

Intègre le projet

de recherche

Multiples

- Ingiénérique

- Interventionniste

- Participative

Construire

Synthèse de Giordano (2003)

À l’instar des réflexions proposées par Miles et Huberman (2003), il apparait difficile

d’accepter l’idée que tout chercheur est en mesure de s’émanciper de son histoire, ses

connaissances et ses préjugés. Le présent travail propose d’identifier les facteurs explicatifs du

résultat de mise en place d’une pratique organisationnelle. Au vu des éléments avancés

précédemment, il apparait que les choix méthodologiques du chercheur et sa vision de la réalité

sont empreints à une subjectivité incompressible. Cette subjectivité est d’autant moins

négligeable que les observations portent sur des sujets mouvants, s’exprimant selon des canevas

et des sensibilités qui leur sont propres. La réalité sociale est une construction « contingente des

représentations que les acteurs s’en font et du langage par lequel ils expriment et partagent ces

représentations » (Perret et Séville, 2014). Les éléments composant la réalité observée sont à la

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

124

fois le résultat d’interprétations des sujets, mais aussi l’objet de l’analyse du chercheur. Ainsi,

il apparait dans ce travail que le positionnement interprétativiste est le plus adéquat pour

caractériser la relation entre le chercheur et l’objet d’étude.

113. Une recherche abductive

Par ailleurs, cette recherche s’inscrit dans une démarche abductive. Elle se caractérise par un

processus itératif entre la théorie et le réel permettant de renforcer la compréhension de la réalité

observée et de construire un cadre théorique pouvant expliquer celle-ci. Pour Kœnig (1993)

l’abduction permet de s’extraire des schémas logiques intellectuels et ainsi d’envisager un

ensemble de conjectures sur les phénomènes observés qu’il convient par la suite de tester et

discuter. En procédant de la sorte, le chercheur laisse place à l’inattendu et favorise l’émergence

de nouvelles connaissances en dehors du cadre théorique prescrit. Ce positionnement est

cohérent avec notre recherche tant du point de vue de la littérature que des questionnements

posés.

Cette démarche peut paraitre laborieuse au sens premier du terme, tant elle nécessite de

multiples consultations alternées des éléments théoriques et empiriques. Il convient de

souligner, à ce titre, l’importance de disposer d’un référentiel théorique maîtrisé qui, sans se

vouloir limitatif, permet de circonscrire l’objet de l’étude et de donner une ligne directrice aux

investigations pratiques (Hlady-Rispal, 2002). Pour reconnaitre et s’étonner des faits observés,

il convient d’avoir préalablement un ensemble de référence constitué de connaissances

existantes.

Le présent travail a pour objet de recherche initial d’explorer les conditions explicatives du

partage de la FRH à travers, notamment, la lecture théorique de l’alignement stratégique. La

littérature à ce sujet faisait émerger les choix des organisations en matière de ressources

humaines comme éléments explicatifs de la volonté, de la capacité, de la possibilité des

managers de mettre en place les activités RH. Une partie des travaux a d’ailleurs montré que

les choix des organisations pris séparément pouvaient impacter la position des managers en

situation de travail (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al., 2015 ; Trullen et al., 2016). Par

contre, il semblerait que peu de recherches aient porté sur l’impact de la cohérence des choix

(entre eux et avec la stratégie) sur l’implémentation du partage de la FRH. En effet, la littérature

mobilisant le cadre théorique de l’alignement stratégique prend essentiellement comme objet

d’étude la mise en place d’une innovation productive ou d’un système d’information.

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

125

Aucune recherche ne s’était intéressée à la manière dont ces désalignements stratégiques

pouvaient expliquer l’attitude des managers face au déploiement de responsabilités RH dans

leur fonction. Dans cette perspective, la démarche abductive a permis d’identifier les principaux

processus proposés dans les corpus théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO. Par la

suite, les observations ont pu être catégorisées et comparées à la théorie. Ces confrontations des

éléments empiriques avec les concepts théoriques ont suscité des questionnements qui, eux-

mêmes, ont impliqué de nouvelles recherches conceptuelles. L’objectif de cette approche était

de construire une grille d’analyse enrichie des observations théoriques et empiriques. La

production de cette grille n’est pas considérée comme un processus de formulation d’assertions

à vérifier ou de résultats à approfondir. Son objet n’est que la limitation du sujet et permet

ensuite de laisser s’exprimer librement le terrain afin de saisir le plus profondément possible

ses spécificités. Elle permet de préciser les concepts qui sont au cœur de l’étude afin de les

déceler dans les différentes étapes de l’observation. Une représentation du design de la

recherche est proposée dans le point suivant.

À ce titre, il faut rappeler que la démarche abductive n’est ni une théorie enracinée (« grounded

theory ») (Glaser et Strauss, 1967) dont l’objectif est de faire émerger un cadre théorique à

partir d’un matériau empirique ni un test d’hypothèses (Eisenhardt, 1989) propre à la démarche

hypothético-déductive. Il s’agit d’une entreprise hybride empruntant à l’une et l’autre de ces

approches pour créer un processus itératif de production de la connaissance.

Il faut enfin préciser que le choix de la méthodologie abductive trouve ses fondements dans les

différentes étapes qui ont structuré la recherche. Dans un premier temps, la rencontre avec les

acteurs de terrain a permis d’identifier les modalités d’implication des managers dans la FRH

et de repérer les dispositifs d’accompagnement mis en place. Ces premiers entretiens avec des

acteurs stratégiques de la DRH et de la stratégie générale ont rapidement fait émerger des

incohérences entre les choix stratégiques et l’état des processus et des infrastructures dans

l’organisation. En outre, il apparaissait que ces derniers n’avaient pas été repensés pour

répondre à la nouvelle organisation du travail induite par les choix récents. C’est dans ce

contexte que l’alignement stratégique a été choisi comme grille d’analyse théorique. Elle

permet effectivement d’analyser les effets de l’incohérence des choix organisationnels.

Par la suite, les entretiens alternés entre experts RH et managers de proximité ont permis

d’identifier plus précisément la manière dont les choix de l’organisation s’étaient répercutés sur

la position de ces derniers en contexte de travail. Ces observations laissaient émerger des

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

126

problématiques liées à leurs capacités, leur désir et la possibilité matérielle d’intégrer les

responsabilités RH dans leurs fonctions. C’est donc sur la base de ces résultats que la littérature

a été de nouveau explorée et que le corpus de l’AMO s’est avéré particulièrement intéressant

pour constituer un enrichissement de la grille d’analyse initiale. Enfin, les entretiens ont été

menés jusqu’à « saturation théorique », stade à partir duquel aucun élément nouveau n’émerge

du terrain (Glaser et Strauss, 1967, pp. 61‑62). Tout au long de ces allers-retours entre théorie

et terrain, une attention particulière a été portée à l’identification des différences de points de

vue entre spécialistes RH et managers, car nous avions identifié dans la littérature que cela

pourrait être un indicateur important des écarts entre pratiques envisagées et pratiques mises en

place.

Enfin, l’analyse des données, qui sera présentée dans un prochain point, a permis la construction

et l’affinement d’un cadre d’analyse combinant les deux approches théoriques initiales. Ce

procédé a finalement abouti à la réalisation d’une proposition de recherche principale et d’un

cadre théorique intégrateur des résultats de la recherche.

Afin de garantir la fiabilité de notre démarche, nous nous sommes attachés à poursuivre les

quatre finalités proposées par Deslauriers (1991) : la crédibilité, la fiabilité, la validation et la

transférabilité.

- Crédibilité de la recherche : rigueur observée par le chercheur lors des phases de collecte

et d’analyse des données ;

- Fiabilité : s’assurer que les résultats obtenus lors de l’observation auraient été les mêmes

avec des conditions d’analyse différentes ;

- Validation : faire valider les éléments du cas par un interlocuteur expert du contexte et

les éléments d’analyse par d’autres chercheurs ;

- Transférabilité : s’assurer que les caractéristiques du cas permettent une possibilité de

généralisation des résultats à d’autres cas.

Dans le cadre de nos recherches, nous nous sommes attaché à suivre les fondements

méthodologiques retenus et reconnus dans la recherche abductive présentés précédemment.

Par ailleurs, nous avons entretenu des échanges avec d’autres chercheurs sensibilisés à la

problématique de nos travaux afin de valider la conformité des processus de collecte et

d’analyse. Cette action permet d’interroger les faits pour produire une analyse purifiée des

jugements personnels, d’ancrages théoriques précipités et d’éviter les erreurs

d’interprétation triangulation (Stake, 2005 ; Yin, 2003). Concernant la triangulation,

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

127

Piekkari et al., (2009) s’interrogent sur la nécessité de prendre en compte comme critère de

rigueur de la recherche la convergence ou la diversité des données. Il n’en demeure pas

moins que la combinaison de différentes sources de données permettrait d’augmenter la

validité du construit de l’étude en faisant émerger différentes réalités (Stake, 2005) et en

créant une convergence dans les analyses (Yin, 2003).

12. L’étude de cas et le choix du cas unique

121. Le choix de l’étude de cas comme méthode d’analyse

Les choix méthodologiques de toute recherche sont primordiaux, car ils déterminent la capacité

du chercheur à répondre aux questionnements posés et plus globalement d’atteindre les

objectifs de la recherche. Les méthodes ne sont ni vraies ni fausses, elles sont plus ou moins

utiles. Pour Hlady-Rispal (2002), ce n’est pas la méthode d’investigation qui guide le problème,

mais bien ce dernier qui détermine la méthodologie à utiliser. L’approche qualitative,

essentiellement focalisée sur le « pourquoi » ou le « comment » permet la compréhension de

l’opération de certains phénomènes. Parmi les outils à disposition en recherche qualitative,

l’étude de cas fait autorité. Le terme « étude de cas » est appliqué à des réalités plurielles. Étant

donné les différents types d’étude de cas, il est difficile d’en donner une définition unique et

synthétisant l’ensemble de ses dimensions (Piekkari et al., 2009). Elle peut représenter une

courte description d’une entreprise qui vise à illustrer de manière simplifiée une problématique

de gestion dans le cadre d’une situation d’enseignement. Dans ce cas, elle est dite pédagogique

(Hlady-Rispal, 2002). Son utilisation peut être également justifiée par l’existence de frontières

insuffisamment apparentes entre le phénomène et le contexte et lorsque de multiples sources de

données sont utilisées (Yin, 2003). Dans une approche plus instrumentale, l’étude de cas a

également vocation à pouvoir confronter des notions théoriques avec des réalités empiriques

(Piekkari et al., 2009). La prise en compte de la temporalité du phénomène est une dimension

importante, car elle permet d’en saisir les dimensions « historiques, contextuelles et

circonstancielles » (Giroux, 2003, p. 46). L’ensemble de ces dimensions sont présentées dans

le tableau 3-2 ci-après.

Page 140: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

128

Tableau 3-2 : Justification de l’étude de cas

Auteurs

Hlady-Rispal

(2002)

Yin

(2003)

Piekkari et al.

(2009)

Giordano

(2003)

Justification

de l’étude de

cas

Illustrer une

situation dans le

but d’enseigner

Frontières entre

phénomène et

contexte floues

Confrontation

entre théorie et

pratique

Étude d’un

phénomène dans

une perspective

historique

Source : auteur de la thèse

L’objectif de cet outil de recherche est de créer du sens en utilisant des informations riches

obtenues suite à des observations ayant eu lieu à différents moments. Les cas analysés sont

construits sur la base d’une documentation importante dont la variété des données (documents

internes ou externes, verbatim, observations) permet d’accroître la précision de la description

du contexte. Les données utilisées sont de nature qualitative et/ou quantitative puisqu’il ne

s’agit que de la matière première à partir de laquelle le chercheur va construire son analyse.

Hlady-Rispal (2002) précise à ce sujet que l’on peut faire une recherche qualitative en utilisant

des données quantitatives puisque c’est davantage la manière dont le chercheur collecte et traite

ses données qui déterminent le statut de sa recherche que la nature des données utilisées.

Dans une réflexion autour de la finalité de la démarche, il apparait que l’étude de cas n’est pas

la méthode la plus adaptée pour tester une théorie dans le cadre d’une approche hypothético-

déductive. Elle conserve tout de même un intérêt pour la mise à l’épreuve de propositions

débouchant sur la génération de pistes de généralisation théorique. Toutefois, son intérêt

premier réside dans la possibilité qu’elle offre au chercheur de décrire des phénomènes

complexes en ayant une posture « compréhensive » (Giordano, 2003, p. 27). Les critiques

formulées sur cette méthode d’analyse portent essentiellement le caractère non généralisable

des résultats. En d’autres termes sa validité externe est remise en cause du fait que les résultats

seraient spécifiques au contexte particulier de la recherche (Hlady-Rispal, 2002). De plus, les

résultats obtenus seraient propres aux interprétations et analyses du chercheur. Une relation

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

129

insuffisamment contrôlée entre chercheur et objet comporterait un risque de « contamination »

de ce dernier (Giordano, 2003, p. 15). Pour ces principales raisons, l’étude de cas est parfois

utilisée comme une « pré-recherche » ou une « post-recherche », c’est-à-dire à une étape

périphérique à un procédé de recherche plus global (Giroux, 2003, p. 43). Il n’en demeure pas

moins que cette méthode d’analyse a montré de nombreux avantages et notamment une validité

interne importante du fait de la proximité du chercheur avec son objet de recherche. Par ailleurs,

il s’agit d’un outil d’analyse flexible qui s’adapte aisément aux particularités du terrain. Sur la

base de ces éléments et du constat que cet outil est utilisé depuis des années en sciences de

gestion, elle est définie comme une « démarche scientifique légitime en sciences humaines »

inscrite dans « une tradition de recherche qualitative » (Giroux, 2003, p. 44).

L’objectif de notre travail de comprendre comment les mécanismes d’alignement décrits par

Henderson et Venkatraman (1993) s’opèrent dans le cas particulier d’une réorganisation de la

FRH. Il apparait de ce point de vue que l’étude de cas est un outil pertinent pour atteindre cette

finalité. Concernant les paradigmes de recherches adoptés dans les travaux utilisant l’étude de

cas, il s’avère que les recherches scientifiques utilisent des positions épistémologiques variées

(Giordano, 2003).

122. L’utilisation du cas unique

En matière de recherche qualitative, il serait très certainement risqué de prétendre à la capacité

de généralisation des résultats obtenus. Cependant, les organisations ont tendance à copier leurs

décisions. Les phénomènes et processus se répliquent donc entre les différentes organisations

(Hlady-Rispal, 2002). Ainsi, les conclusions issues des observations dans un cas donné ont

potentiellement une portée générale. Il convient toutefois de rester raisonnable dans la volonté

d’extrapolation des résultats tant il est difficile d’établir précisément la portée des résultats. Un

point précédent a permis de mettre en évidence l’intérêt de l’étude de cas comme méthode

d’analyse. Des discussions académiques ont porté sur les modalités de mise en place de cet outil

et de la validité de la connaissance produite. Le choix de la nature et du nombre de cas a fait

couler beaucoup d’encre. Ces deniers devraient être effectués en fonction de la question de

recherche et des informations intrinsèques contenues dans le ou les cas (Hlady-Rispal, 2002).

Concernant le nombre de cas, Yin (2003) et Eisenhardt (1989) privilégient le choix de plusieurs

cas puisque cela permettrait de renforcer la validité analytique grâce à la comparaison possible

entre les différentes situations. Toutefois, le cas unique ne pourrait être justifié que s’il est

suffisamment riche en informations et si les sources documentaires et d’analyse sont variées.

Page 142: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

130

Dans ce cadre, la manière dont le cas est choisi et documenté comporte un aspect

particulièrement critique.

Intérêts et choix du cas unique

Le recours au cas unique a largement été argumenté par Stake (2005) qui pose le principal

objectif de cette méthode qui n’est ni nouvelle ni essentiellement qualitative. L’étude de cas est

un outil dont la finalité est pédagogique avant tout. Dans une métaphore avec l’enfant malade,

il montre l’utilité de recourir à un des procédés qui permettent de pallier les insuffisances des

observations quantitatives. Ils résument ces dernières par une principale faiblesse : négliger une

partie considérable de la réalité. La force prédictive de l’étude de cas repose sur plusieurs

éléments : le choix d’une problématique pertinente, une triangulation rigoureuse, un savoir

expérientiel, une prise en compte des contextes (sociaux, politiques et autres) et une étude

précise des activités.

Stake (2005) affirme que le cas peut être un objet de forme, de taille ou de nature diverse, mais

dont l’essence première est sa spécificité. L’auteur met en avant un débat sur l’identification de

l’objet et de l’utilité du cas. Plusieurs types d’études de cas sont alors identifiés :

- Le cas intrinsèque : bien que de nombreux arguments militent en faveur de la fonction

utilitariste du cas en suggérant sa capacité à être comparé aux méthodes d’analyse

utilisées, l’intérêt du cas intrinsèque réside essentiellement dans la problématique qu’il

pose et les enseignements qu’il peut potentiellement apporter. Dans cette perspective,

l’étude de cas est « à la fois une méthode d’investigation d’un cas et le produit de cette

investigation » (p. 444).

- L’étude de cas instrumentale : constitution d’un cas dont l’objectif est de donner un

aperçu sur une problématique ou de renforcer une généralisation de résultats. Le cas est

secondaire et permet de comprendre quelque chose d’autre que ce qui est directement

présenté.

- L’étude de cas multiples : lorsqu’un cas ne comporte pas d’intérêt particulier et que

ses possibilités d’exploitations instrumentales sont limitées, le recours à l’utilisation de

l’étude de cas multiple peut s’avérer judicieux puisqu’il permettra d’obtenir des

explications à un phénomène donné.

Stake (2005) ajoute que certains travaux de recherche ayant recours à l’étude de cas l’utilisent

avec une ou plusieurs de ces finalités. Quoi qu’il en soit, il apparait que la généralisation des

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

131

résultats ne doit pas être un objectif poursuivi au détriment de la nature première de l’étude de

cas : produire de la connaissance à partir d’un phénomène observé. C’est pour cette raison que

le choix de cas multiples peut être justifié lorsque ceux-ci, pris individuellement, comportent

peu d’informations. Inversement, le choix d’un unique cas s’avère judicieux lorsque celui-ci a

un contenu informationnel suffisant et varié pour répondre aux questionnements centraux

préalablement établis.

Dans le cadre de la présente recherche, nous étudions le cas ABC, un établissement public à

caractère administratif qui est né de la fusion de deux entités autonomes. Ce cas est marqué par

des particularités notables : le rôle de la fusion dans son histoire et dans son fonctionnement, la

particularité du secteur d’activité, le statut hétérogène du personnel, la stratégie globale et les

objectifs RH poursuivis, la particularité de mise en place d’une fonction partagée par

l’utilisation d’un SI. Ces caractéristiques tendent à rendre l’environnement organisationnel

complexe et les choix stratégiques difficiles à opérationnaliser. C’est dans ce cadre que nous

avons été amené à étudier le PFRH en tant que choix stratégique et la mise en place des

infrastructures organisationnelles et informatiques permettant d’en assurer le déploiement

opérationnel. L’ensemble de ces éléments a favorisé la constitution d’un contexte riche et

contribue à rendre le cas particulièrement spécifique.

Les étapes de l’analyse à partir du cas unique

L’analyse à partir d’un cas peut s’opérer en trois principaux temps (Hlady-Rispal, 2002).

La rédaction du cas

Lors de cette étape, la présentation des éléments du cas s’est faite le plus fidèlement possible

au contexte de la recherche. L’ensemble des éléments permettant l’analyse de la situation a été

clairement exposé de sorte que le lecteur soit en mesure d’opposer une analyse comparative et

possiblement contradictoire à celle proposée (Hlady-Rispal, 2002). Ainsi, cette description doit

présenter les différents points de vue des acteurs en mentionnant les données manquantes et

ambigües (Giroux, 2003). Une description détaillée du contexte permettra de susciter

l’empathie du lecteur et de faciliter la mémorisation des éléments. Le cas a été construit sur la

base de l’analyse des données primaires et secondaires collectées et dont une présentation sera

faite dans le point. Il convient de souligner l’importance de la structure du cas qui doit permettre

l’émergence de questionnements secondaires à l’origine de réflexions sur les causes profondes

des problématiques (Stake, 2005).

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

132

La validation du cas

Afin de vérifier le degré de compréhension des éléments observés. Une rédaction complète du

cas a été opérée et soumise à un interlocuteur expert dans l’organisation. Ce document visait à

exposer de manière descriptive les processus, les faits marquants et les dates qui ont jalonné ces

événements. Cette étape est importante puisqu’elle permet, préalablement à l’interprétation, de

vérifier la compréhension de terminologie technique et de s’assurer de la prise en compte de

l’ensemble des données en lien avec le sujet d’étude (Hlady-Rispal, 2002). Concernant le

calendrier de la rédaction du cas, Giroux (2003) met en évidence des divergences de points de

vue et identifie deux traditions : celle axée sur l’importance de rédiger le cas avant le traitement

des résultats pour éviter toute influence de ceux-ci sur la description du contexte ; et celle que

nous avons adoptée en rédigeant le cas après le traitement des données. En ayant pris soin de

distinguer les aspects descriptifs et analytiques obtenus jusqu’à lors, nous avons privilégié la

rédaction du cas a posteriori de sorte à avoir une vision et une compréhension du contexte

organisationnel plus affinées.

L’analyse à partir du cas

L’étude de cas est une méthode d’analyse qualitative couramment utilisée dans le cadre de la

« théorie enracinée » (Hlady-Rispal, 2002). Dans une démarche abductive, elle permet, à partir

de l’analyse et le décryptage profonds d’un phénomène, de produire tout ou partie d’une théorie.

Nos travaux s’inscrivent dans une démarche abductive au sein de laquelle nous tâchons de

comprendre dans quelle mesure une théorie existante, affinée par des interactions empiriques

permettrait d’expliquer un phénomène observé. L’objectif de l’analyse du cas est la théorisation

qui constitue une production de connaissances (Giroux, 2003). Cela consiste à trouver des

explications à des phénomènes observés et à les formuler le plus clairement possible. Ce

processus s’appuie également sur la mise en évidence de schèmes, de similitudes et de

différences entre les situations observées. Cette contrainte que s’impose le chercheur permet

alors d’augmenter la validité interne du cas. Stake (2005) souligne l’importance de mettre en

place un processus d’analyse réflectif et qui intègre à chaque étape un croisement entre les

observations du contexte et l’expérience du chercheur.

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

133

Les étapes de collectes et d’analyse des données

21. La procédure de collecte des données primaires et secondaires

Il convient de rappeler que la distinction doit être faite entre la nature des données et celle de la

recherche. Ni le caractère prétendu qualitatif des données ni celui des outils de traitement n’est

suffisant pour donner une dimension qualitative au travail mené. La recherche qualitative peut

s’emparer d’outils quantitatifs dans la mesure où ceux-ci ne concourent pas à la généralisation,

mais plutôt à la compréhension et la signification dans des contextes d’étude uniques (Miles et

Huberman, 2003). Dans le cadre de notre travail, les données proviennent de deux sources : les

données primaires directement disponibles et collectées par le chercheur sur le lieu

d’observation et les données secondaires. Par ailleurs, notre analyse se base à la fois sur des

éléments quantitatifs (e.g. études, enquêtes et rapports sociaux, effectifs représentés dans les

unités, nombre de pratiques déployées, taux d’encadrement) et qualitatifs (e.g. participation à

des réunions, séminaires, conférences, observations en contexte de travail, analyse de

document, entretiens formels et informels). Pour mettre en œuvre cette collecte, Yin (2003)

identifie plusieurs sources d’informations dont la documentation interne des archives, le

discours des acteurs, l’observation directe et l’observation participante. Dans le cadre de nos

travaux, la collecte d’informations s’est opérée par la mise en place d’une immersion du

chercheur pendant une durée de six mois dans l’organisation. Cette phase de collecte garantit

une « puissance explicative » et une qualité d’analyse (Miles et Huberman, 2003, p. 27). Le

caractère flexible de la recherche qualitative permet au chercheur de s’assurer une plus grande

complétude de son étude et des données collectées.

211. La collecte des données primaires

Les entretiens semi-directifs : principal outil de collecte de données primaires

L’entretien permet la compréhension de la manière dont s’opère le phénomène. En partie

exploratoires, ils permettent d’identifier les phénomènes en présence du contexte étudié. Ce

mode de collecte de données se caractérise par des interactions entre le répondant et le

chercheur avec une volonté de ce dernier de guider la conversation par des questions ouvertes.

Il se distingue de l’entretien non directif au cours duquel le chercheur évoque des thèmes et

laisse son interlocuteur s’exprimer de façon totalement libre. Lors de ces échanges, les

questionnements sont effectués de manière non contrainte et en fonction de l’évolution du

discours du répondant (Demers, 2003). Les entretiens semi-directifs ont été menés avec les

acteurs identifiés comme centraux au vu des questionnements posés.

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

134

L’entretien est défini comme un outil incontournable de l’étude de cas tant il permet de cerner

la réalité observée (Eisenhardt, 1989). Ce type de recueil de données est central puisqu’il éclaire

la compréhension du phénomène par le croisement de la subjectivité des acteurs sur des

organisations du travail a priori semblables. C’est donc après une première phase d’observation

et d’entretiens non directifs qu’il a été entrepris d’investiguer plus en profondeur

l’environnement d’étude avec l’expression du vécu des acteurs. L’enjeu était de comprendre

les représentations, la motivation et les freins à l’action. Les entretiens ont été menés de

préférence sur le lieu de travail des répondants ou à défaut dans un lieu choisi par eux. Guelfand

(2013) soutient que cette connexion du sujet à son objet est le meilleur moyen d’obtenir une

parole riche en informations.

La phase des entretiens s’est tenue après la validation du guide et l’analyse du contexte

professionnel. Effectivement, l’observation des acteurs dans leur environnement de travail et

leurs interactions avec l’outil ont été un prérequis fondamental afin de développer une expertise

en la matière et de pouvoir échanger avec les répondants.

Les entretiens se sont par la suite tenus avec les membres de la direction des ressources

humaines et les managers de manière alternative de sorte à pouvoir croiser les réponses et

enrichir les questionnements relatifs à chaque population. Les rencontres avec les acteurs ont

été effectuées, pour la plupart, dans le cadre de rendez-vous formels et d’échanges improvisés

lors de la visite de site. Afin de faciliter la retranscription, les entretiens ont été enregistrés.

Dans de rares cas et à la demande des répondants, le contenu des échanges a été collecté par

voie de notes écrites. Pour ces échanges précis, il a été décidé de sacrifier l’exhaustivité pour

une plus grande authenticité de la parole.

a. Le choix des répondants

Pour Hlady-Rispal, (2002), le choix des répondants n’est nullement guidé par un impératif de

représentativité numérique de l’échantillon, mais davantage par la recherche de la variété du

contenu informationnel. Il est alors apparu fondamental de pouvoir identifier les experts du

point de vue des thématiques abordées afin d’obtenir l’information la plus riche possible.

L’étude portait sur la compréhension de l’utilisation du SIRH par les managers à travers le

prisme théorique de l’alignement stratégique. Sur l’ensemble de la région, ABC compte environ

2500 salariés, dont 192 managers, et 43 salariés de la DRH. L’objectif de la présente recherche

était d’identifier les éventuels désalignements au sein des processus et des pratiques RH et d’en

fournir les explications. À l’instar des travaux de Khilji et Wang (2006) portant sur

Page 147: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

135

l’identification des écarts entre pratiques envisagées et pratiques mises en place, nous avons

utilisé plusieurs points de vue. Par ce biais, nous cherchions à mettre en évidence des

incohérences et des écarts entre les pratiques et les processus envisagés et ceux qui ont été mis

en place. Le choix des répondants s’est fait de manière totalement libre et indépendante d’une

quelconque influence institutionnelle. Les entretiens ont été réalisés jusqu’au moment où

l’apport incrémental d’informations est devenu résiduel. Glaser et Strauss (1967) évoquent la

« saturation théorique ». Cette saturation est la résultante de trois critères bien spécifiques : la

contrainte empirique informationnelle qui se caractérise par la quantité limitée de données

disponibles dans un environnement particulier, l’intégration de la théorie qui délimite le

périmètre des données exploitables et la sensibilité théorique de l’analyste.

La population finale interrogée se constitue de 55 individus, dont 12 spécialistes RH (chef de

services RH et responsables RH), et 43 managers. Dans un souci d’équilibre entre la nécessité

de garantir l’anonymat des personnes et le besoin de précision quant à leur profil, les répondants

ont été désignés comme suit :

- Manager de proximité : désigne un ou une responsable d’équipe de conseillers.

Directement visés par le PFRH, ils constituent les principaux sujets de notre étude ;

- Direction d’agence : désigne un ou une responsable d’agence qui encadre une équipe

de managers de proximité. Il s’agit des managers intermédiaires ayant le statut de

directeur ou directrice et leurs adjoints ;

- Direction territoriale : désigne un ou une directeur ou directrice du territoire. Ils

opèrent à un niveau de management stratégique supervisant l’évolution des membres

des directions d’agence ;

- DRH : désigne un membre des services de la DRH (paie, formation, relations et études

sociales, DRH et adjoints) ;

- Responsable DSI : membre de l’équipe de pilotage et/ou de réflexion du projet SIRH.

- Correspondant RH : acteur déployé en agence par la DRH en soutien du réseau pour

constituer un relai entre ce dernier et les services RH.

L’ensemble des spécialistes RH a été interrogé afin de faciliter la compréhension du

fonctionnement du département. Concernant les managers, 43 d’entre eux ont été interrogés,

quels que soient leur niveau de responsabilité (manager de proximité, intermédiaire ou

stratégique) et leur situation géographique. Cette variance des statuts, des départements et des

agences avait pour objectif de mettre en évidence d’éventuelles spécificités et donc d’accroître

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

136

le contenu de l’information. Il convient de préciser toutefois qu’un interlocuteur de la DRH a

systématiquement été consulté concernant le choix d’un répondant. Cette action a permis

d’évaluer a priori la qualité potentielle des informations recueillies, mais surtout d’obtenir

indirectement des informations concernant les rapports professionnels de la direction avec les

structures et les salariés observés. Il convient de préciser que le recours à cet expert n’était en

rien une directive et que le chercheur s’est laissé la possibilité de sélectionner les répondants de

manière libre, y compris ceux qui n’étaient pas identifiés par la DRH comme des interlocuteurs

à privilégier. Bien évidemment, l’ensemble des salariés de la région n’a pas été interrogé et la

mise en œuvre de choix de répondants laisse entrevoir la possibilité de biais de sélection et

l’éventualité que les résultats aient pu être différents avec d’autres réponses. Cependant, la

sélection aléatoire et l’existence de la saturation de l’information contribuent à limiter l’ampleur

de ces biais. Afin de faciliter le repérage des répondants dans la section des résultats, un numéro

d’anonymat ainsi que le service de rattachement ont été précisés pour chaque verbatim.

b. Le déroulement de l’entretien semi-directif

Le déroulement de l’entretien s’est articulé autour de quatre phases (Giannelloni et

Vernette, 2012).

La phase d’introduction permet au répondant d’évacuer les problématiques en lien avec

le sujet, mais qui n’en font pas réellement partie. Cette phase permet de mettre le sujet en

confiance et d’évoquer des thématiques plébiscitées afin d’éviter un cantonnement en

territoires refuges lors de questions embarrassantes. Elle permet également le recueil du

discours rationnel, les clichés pouvant constituer des motivations ou des freins (Giannelloni et

Vernette, 2012). Lors de cette phase, une présentation brève de la problématique est abordée.

À ce stade, si le répondant use de la langue de bois, il sera nécessaire de revenir en arrière et de

changer les conditions de l’échange (Piekkari et al., 2009).

La phase de centrage du sujet (Giannelloni et Vernette, 2012) ou de transition (Piekkari

et al., 2009) permet d’établir le lien entre l’intérêt du chercheur et celui du répondant. Il est

également question de clarifier les enjeux de la recherche et la position du chercheur dans

l’environnement de l’enquête. Il convient ainsi de rappeler la neutralité du chercheur du point

de vue des relations internes à l’organisation, mais également l’intérêt et l’utilité des entretiens

qui sont entrepris. Considérer le répondant comme partenaire du travail permet de dépasser le

stade déclaratif et de détecter les intentions à la base des comportements (Guelfand, 2013). Il

apparait effectivement évident que l’un des critères de réussite de la recherche est l’adhésion

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

137

du sujet à celle-ci. La conviction des répondants de l’intérêt réciproque de l’étude est

indispensable. La complexité de la tâche relève dans les attentes et perceptions divergentes de

la manière dont les acteurs voient l’étude (Hlady-Rispal, 2002). L’information et la

communication préalables par la direction ainsi que la sensibilité des répondants à la

problématique abordée ont facilité le recueil d’informations.

L’approfondissement est une phase dans laquelle le répondant est pleinement immergé

dans le thème et les mécanismes d’autocensure de la pensée sont réduits au minimum

(Giannelloni et Vernette, 2012). Il importe alors d’entrer dans le cœur du sujet pour comprendre

les freins ou les motivations expliquant son comportement. Si la confiance a bien été instaurée,

le répondant approfondit sans grande difficulté (Giannelloni et Vernette, 2012). Lors de cette

étape, des relances instantanées et différées ont permis de revenir sur des éléments essentiels

pour susciter des approfondissements et améliorer la compréhension de certains phénomènes.

La conclusion est un moment collectif où chacun des partenaires de l’entretien peut

revenir sur des éléments pour lesquels il subsiste des questionnements (Piekkari et al., 2009).

Nous avons été amené à synthétiser les thèmes abordés et particulièrement ceux qui ont fait

l’objet d’approfondissements. Cette phase de conclusion s’est parfois avérée cruciale tant elle

a permis d’aborder des éléments non évoqués dans le corps de l’entretien. La mise en place

d’une discussion dans un cadre moins formel permet effectivement une libération de la parole

et des idées potentiellement bridées.

c. Le guide d’entretien comme canevas de recherche

Pour orienter le répondant vers des thèmes particuliers, un guide d’entretien a été élaboré. Celui-

ci vise à comprendre précisément comment se déployaient les pratiques définies dans la

nouvelle organisation du travail. L’utilisation du guide d’entretien répondait à la volonté d’avoir

un fil conducteur structurant de manière générale la discussion avec les répondants. La mise en

place d’un canevas semblable, mais non unique pour tous les entretiens s’est appuyée sur le

principe de flexibilité des données énoncé par Giannelloni et Vernette (2012) et selon lequel le

processus de questionnement doit s’adapter le plus possible à la personne interrogée tout en

laissant des marges de manœuvre au pilotage de la discussion. Il s’agit là d’un élément clivant

entre le guide d’entretien et le questionnaire. Ainsi, compte tenu du niveau de connaissance

variable concernant les thématiques abordées, il a été décidé de laisser les répondants

s’exprimer sur les parties pour lesquelles ils avaient le plus d’expertise. L’évocation de

l’ensemble des parties du guide a toutefois été jugée pertinente, et ce, même si le niveau de

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

138

connaissance était réduit. Ces situations de silences relatifs ont effectivement permis de mettre

en lumière des résultats potentiellement intéressants en matière d’hétérogénéité de niveaux de

connaissances. Dans cette perspective, il a également été laissé à l’initiative du répondant

d’aborder les thèmes dans l’ordre souhaité.

La construction de deux modèles de guide conformément aux deux statuts identifiés : managers

et personnels des fonctions support. Le guide destiné à ces derniers avait pour objectif

l’approfondissement de la connaissance du contexte et des enjeux stratégiques et

organisationnels (voir Annexe 1). Les fonctions visées étaient : la DSI, la DRH et les RRH sur

site. Le guide destiné aux managers avait pour finalité d’éclairer les processus en contexte

opérationnel (voir Annexe 2). Elles ont été ensuite déclinées en questions ayant pour objectif

de préciser le contenu de la rubrique. La première thématique abordée est la description du

métier du répondant. Par la suite, ont été évoqués l’expérience du PFRH et le rapport du

répondant au SIRH. Ce canevas a été construit de telle sorte que le contact et la relation avec le

répondant soient privilégiés. Nous avons décidé d’entamer les échanges par des

questionnements portant sur le métier et le contexte de travail afin de connaitre le profil du

répondant, mais surtout pour lui permettre de s’exprimer librement et d’éviter les situations de

blocage (Hlady-Rispal, 2002). La thématique du SIRH a été abordée en fin d’entretien, car

présumée complexe pour les individus interrogés. Lors de la rédaction du guide, une attention

particulière a été portée aux termes utilisés avec un enjeu double : d’une part, formuler les

questions avec un langage concret et donc compréhensible de tous les répondants, et d’autre

part, ne pas influencer les réponses de ces derniers (Demers, 2003).

La principale difficulté rencontrée lors de la mise en place des entretiens a consisté à définir le

type de questions à poser aux interlocuteurs. En effet, dès les premiers entretiens, nous avons

constaté que le niveau d’information des répondants était hétérogène. Une partie de cette

variance informationnelle était prévisible. Sur le plan vertical, nous nous attendions

effectivement à obtenir des niveaux d’informations hétérogènes selon l’implication stratégique

des répondants. En effet, Dietrich (2009) montre que le niveau stratégique tend à influencer la

maîtrise de l’environnement et le champ de l’organisation. Cependant, il faut noter que sur le

plan horizontal, nous nous attendions à obtenir un niveau d’information homogène selon les

répondants. Il en résulte finalement que le niveau d’expertise et d’information stratégique était

variable entre les unités, mais aussi au sein des unités. Cette particularité a été prise en compte

dès les premiers entretiens afin d’adapter les échanges en fonction de ce niveau de

Page 151: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

139

connaissance. L’objectif était à la fois d’obtenir une information riche selon l’expert sondé,

mais aussi de dissiper les éventuels malaises dus à l’incapacité de répondre.

Les deux versions du guide ont ensuite été testées auprès d’un professeur des universités expert

de la méthodologie qualitative ; une consultante RH ayant une expérience significative dans les

secteurs privé et public en tant que responsable de mise en place d’un SIRH ; et enfin le DRH

d’une PME spécialisée dans la production d’énergies renouvelables et coordinateur principal

dans le projet SIRH de son entreprise. Cette phase de test avait pour finalité la validation de la

fluidité des questions par le répondant et la valence des questions compte tenu des thématiques

abordées. Comme ces répondants ont été sélectionnés selon leur champ de compétence, il leur

a été demandé de se référer à l’expérience la plus significative en lien avec le sujet de l’étude.

À la suite aux premiers entretiens, des affinements du guide ont été réalisés. Les discussions se

sont tenues avec une responsable RH chargée du développement des conseillers, mais aussi

avec des managers de proximité. De nouvelles thématiques spécifiques à l’organisation et non

identifiées jusqu’à lors sont apparues comme centrales dans le phénomène étudié.

Les premiers entretiens ont été réalisés en collaboration avec un chercheur expert en méthode

qualitative avec l’objectif de valider et développer les pratiques nécessaires au recueil des

données lors d’entretiens semi-directifs. Par la suite, les entretiens ont été menés avec des

salariés de manière individuelle pour la plupart et en binômes dans de rares cas. Nous avons

pris la précaution d’organiser les rencontres dans des espaces clos et isolés de façon à minimiser

l’autocensure des répondants.

Observation non participante : une source d’information complémentaire

L’observation comme méthode de collecte de données peut être justifiée par la volonté de

comprendre un phénomène peu connu jusqu’à lors. Dans ce cas, elle a une visée exploratoire et

permet de créer des connaissances nouvelles (Groleau, 2003). Ce type de recueil de données

peut également être utilisé en complément des informations obtenues à l’issue d’entretiens. Le

postulat de départ est que les répondants ne sont pas en mesure d’exprimer leurs expériences et

leurs sentiments de manière précise et objective. Observer les individus dans leur situation de

travail permettrait ainsi de capter le phénomène dans son ensemble.

La position du chercheur vis-à-vis de son objet de recherche prend différentes formes. Junker

(1960) identifie quatre types de positions :

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

140

- participant complet : le chercheur participe au même titre que les autres acteurs à

l’activité de l’organisation en masquant son statut de chercheur et potentiellement son

identité. Il mène son observation sous complète discrétion et sans donner d’information

sur sa qualité de chercheur.

- le participant observateur : le chercheur participe à l’activité de l’organisation, mais en

informant les salariés de son statut.

- l’observateur qui participe : le chercheur est un observateur qui participe, mais de

manière informelle à l’activité de l’organisation.

- l’observateur complet : le chercheur observe sans avoir de contact direct avec les sujets.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons davantage occupé une fonction d’observateur

participant. Bien qu’un soin particulier ait été apporté au développement de l’expertise en

matière de GRH et des SI, notre rôle s’est exclusivement limité à l’observation des acteurs dans

leur environnement de travail et à des échanges dans le cadre d’entretiens formels et informels.

L’enjeu dans la position du chercheur vis-à-vis de son terrain réside essentiellement dans la

gestion de la distance. Si une participation pleine permet d’être immergé et de capter les

interactions d’un point de vue interne, il demeure que cette proximité limite la prise de recul et

l’objectivation du point de vue du chercheur. À l’inverse, l’observateur participant tente

d’appréhender le phénomène à l’étude sans pouvoir entrer pleinement dans la réalité des

acteurs. Il se prive donc potentiellement d’un niveau d’information de qualité. Sur la base de

ces éléments de réflexion, nous avons entrepris nos recherches en prenant part aux échanges,

rencontres et réunions tout en gardant une prise de recul quant aux interactions entre les acteurs.

L’observation, quel que soit le degré de participation du chercheur, vise à « appréhender le

point de vue des sujets étudiés dans la situation dans laquelle ils évoluent » (Groleau, 2003, p.

220). Cette réalité peut se définir comme « la manière dont les membres de la collectivité créent

du sens de leur expérience au sein de cette communauté » (p. 220). Bien que la compréhension

de cette réalité puisse revêtir un aspect quantitatif en se basant, par exemple, sur le nombre de

rencontres avec les acteurs, nous avons préféré privilégier une lecture qualitative des échanges

en caractérisant la qualité des interactions (Hlady-Rispal, 2002). L’ensemble des réflexions

survenues à l’issue de nos observations ont fait l’objet de rédactions de notes. Ces dernières ont

permis de consigner des éléments de description concernant le contexte organisationnel, des

réflexions méthodologiques relatives à l’incidence du chercheur et de ses choix d’investigation

sur son objet de recherche et enfin, des notes comportant une analyse des données sous la

perspective de la problématique posée (Giordano, 2003).

Page 153: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

141

212. La collecte des données secondaires

Les données secondaires sont des informations et documents ayant un caractère formel et qui

sont communiqués par des tiers. Alors que les données primaires sont directement issues de

l’observation et de l’interprétation du chercheur, les données secondaires viennent apporter un

complément d’information aux éléments directement observés.

Ce type d’informations peut être obtenu par la consultation des éléments communiqués par

l’organisation elle-même ou en s’intéressant aux éléments mis à dispositions par des entités

tierces.

Dans l’étude du cas présent, la collecte des données secondaires a été effectuée tout au long du

processus de réflexion. La consultation de ces éléments a permis une définition plus précise du

contexte durant la phase exploratoire. Elle a également contribué à la production d’informations

supplémentaires, utiles dans le croisement des sources en phase d’analyse.

Les données ont été retranscrites immédiatement pour éviter une déperdition de l’information

due aux limites de la mémoire humaine, mais aussi pour intégrer un maximum d’éléments qui

ne sont pas contenus dans les verbatim (Allard-Poesi, 2003). Un journal de bord et des comptes

rendus d’analyse ont également été rédigés directement après observation de sorte à pouvoir

obtenir une analyse précise. De plus, dans le cadre de la démarche itérative induite par la

recherche qualitative, la comparaison de ces comptes rendus rédigés au moment de

l’observation avec l’analyse produite lors de l’étape empirique constitue un moyen de créer de

nouvelles connaissances.

22. L’analyse des données

221. Le choix de l’unité d’analyse

Avant d’expliquer les modalités d’opération de l’analyse heuristique et de définir les catégories,

il convient de préciser la nature des unités d’analyse. Hlady-Rispal, (2002) identifie deux

catégories d’unités d’analyse. Celle qui va proposer un découpage sémantique du discours en

prenant comme matériau le mot, la ligne ou les ancrages spatiaux ou temporels. Mais dans le

cadre de nos travaux, nous avons décidé de nous attacher à celle reposant sur l’unité de sens. Il

a effectivement été pris le parti d’accorder davantage d’importance au contenu et au sens du

discours des répondants qu’à la manière dont celui-ci est formulé. Concernant les entretiens, il

convient de préciser que les répondants organisent leur argumentation de manière plus ou moins

structurée. Il a donc été décidé de recomposer la construction des idées pour leur donner une

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

142

unité de sens et d’en faciliter l’analyse. Toutefois, la structuration des idées des répondants a

été prise en compte dans le processus afin de dégager des centralités des éléments énoncés.

Allard-Poesi (2003) évoque un passage de « l’unité naturelle » à « l’unité de sens » (p. 254).

Ce découpage et cette réorganisation s’inscrivent dans la nécessité d’heuristique, c’est-à-dire

de création de sens. Aussi, nous considérons que la recomposition des verbatim n’altère pas le

contenu du sens et n’affecte donc pas la production de connaissances.

222. Le codage : un processus en deux niveaux

Pour l’ensemble des données, un codage a été réalisé avec le support du logiciel NVivo. Allard-

Poesi (2003) définit le codage comme le processus consistant à « découper les données en

unités d’analyse, à définir les catégories qui vont les accueillir puis à placer ces unités dans

les catégories » (p. 246). Selon l’auteure, l’objectif de ce type de traitement est de faire

apparaitre des catégories au sein du discours des répondants, car la seule lecture des données

ne permet pas de faire émerger les éléments profonds qui expliquent le phénomène. La validité

du processus de codage est soumise à deux exigences (Allard-Poesi, 2003). La première

concerne la scientificité des codes. Elle repose sur la définition précise des unités d’analyse et

des catégories. La seconde a trait à l’élaboration du sens, une heuristique qui repose sur la

capacité du chercheur à prendre du recul et créer du lien entre les éléments observés.

Les discours et documents ont été analysés et des catégories ont été créées selon le thème central

évoqué dans le fragment de matériau. Une catégorie est un ensemble regroupant plusieurs

éléments, en l’occurrence des unités d’analyse ayant une signification proche, des

caractéristiques formelles ou des propriétés similaires. L’objectif du regroupement par

catégorie est de pouvoir analyser un corpus d’unités d’analyse répondant à ces critères de

proximité et provenant de sources différentes. Les catégories ont été déterminées par

l’identification d’idées ou de mots centraux dans les observations pour le premier niveau

d’analyse et le recours à des concepts pour le niveau d’analyse théorique.

Le codage des données a donc été opéré à deux niveaux :

Un premier niveau de codage (codage ouvert) a permis la création de codes et catégories

formulés à l’issue d’une lecture proche du texte et donc non théorique. Ce codage élémentaire

permet de faire émerger les perceptions des répondants en interrogeant leur ressenti, leur façon

de penser. Une attention a été portée à l’identification du discours particulier utilisé par les

répondants. Durant cette phase, la connaissance du contexte permet d’éclairer la compréhension

des processus et donc d’ajuster l’analyse. Ce premier niveau de codage nous a permis dans un

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

143

premier temps de mettre en évidence des thèmes présents dans la littérature et ceux qui en

étaient absents. Dans un second temps, ces premiers codes ont permis d’apporter un éclairage

au phénomène observé grâce au croisement avec le codage axial.

Ce codage, basé sur les corpus théoriques de l’alignement stratégique et de l’AMO, a permis

de faire émerger les relations entre ces deux approches conceptuelles. Ce processus

d’articulation a permis de produire une analyse globale de ce que Miles et Huberman (2003)

nomment les « méta catégories » (p.117). Lors de cette étape, nous nous sommes attachés à

identifier les récurrences, les causes et explications des comportements et interactions dans

l’organisation. Le croisement de cette nouvelle grille théorique avec l’analyse du codage ouvert

a permis de développer une grille d’analyse mixte (figure 3-1) et de mettre en perspective les

causes de désalignement et leurs incidences sur l’AMO.

Figure 3-1 : Processus de codage et de production d’une grille d’analyse mixte

Source : auteur de la thèse

La catégorisation est un processus qui se construit selon le niveau d’inférence que le chercheur

attribue aux unités d’analyse. En effet, la lecture du contexte dans lequel l’information est

captée, mais également le cadre théorique et la question de recherche vont influencer le niveau

d’analyse et donc la catégorisation. Selon Allard-Poesi (2003), l’étude des données peut

s’opérer à des niveaux allant de la description à l’interprétation. Lorsqu’elles relevaient de

plusieurs thèmes, les unités d’analyse ont été attribuées à la catégorie la plus proche

sémantiquement de l’idée centrale évoquée.

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

144

Concernant la construction de notre grille catégorielle, nous nous sommes d’abord attachés à la

création de sous-catégories pour ensuite former, de manière agrégative, des ensembles

comportant plusieurs de ces sous-catégories en fonction de leur degré de congruence. Le

processus de création de thèmes s’est caractérisé par plusieurs allers-retours entre ces derniers

et les unités d’analyse. Il a pris fin lorsque les possibilités de création ou de modification de

thèmes ont été rendues marginales, ce que Miles et Huberman (2003) définissent comme la

« saturation de la production catégorielle » (p. 121). Afin de minimiser le risque de subjectivité

en phase de codage, plusieurs sources de données ont été soumises à chercheurs différents pour

analyse. Pour ne pas influencer leur démarche, peu d’informations sur le contexte de l’étude et

sur le cadre théorique utilisé ont été données. Cet exercice a permis d’identifier des éléments

qui pouvaient apparaitre centraux et ont donc participé à la création de nouvelles catégories du

codage ouvert.

Par la suite, nous avons procédé à un réseau des thèmes pour identifier ceux qui occupaient une

place centrale et pour établir des connexions entre eux.

223. Les procédés d’analyse de l’alignement stratégique

Cette recherche poursuit le principal objectif d’identifier et expliquer les désalignements des

choix organisationnels et leur impact sur le PFRH. En ce sens, la mesure du niveau

d’alignement constitue un enjeu fort du présent travail. Nous avons fait le choix de nous inspirer

des travaux de Deltour et Mourrain (2017), mais aussi, et surtout, de la démarche de Bergeron

et al. (2004) présentée dans l’état de l’art en chapitre 2. Dans le cadre de leur recherche, ces

auteurs mesurent les dimensions des différents domaines stratégiques et les comparent deux à

deux pour conclure si le niveau d’alignement est faible, modéré ou fort. Considérant

l’alignement comme une forme de cohérence, ils identifient trois niveaux d’alignement :

- Un alignement fort lorsque les niveaux de développement des deux domaines sont

semblables (faible-faible, moyen-moyen, fort-fort) ;

- Un alignement faible lorsque les niveaux de développement de deux domaines sont

différents (faible-fort) ;

- Un alignement modéré lorsque les niveaux de développement des deux domaines sont

proches (fort-moyen, moyen-faible).

Une fois ceci fait pour l’ensemble des couples de composantes, ils réalisent une méta-analyse

des alignements obtenus au niveau de deux domaines. Ils concluent à un alignement

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

145

« conflictuel » si le nombre d’alignements forts est supérieur à celui des alignements faibles, et

de « non conflictuel » dans le cas contraire.

Dans le cadre de la présente recherche, nous sommes basés sur les définitions génériques des

domaines d’alignement stratégique proposées par Henderson et Venkatraman (1989). Ce choix

est justifié par le caractère éminemment abductif de cette recherche et son objectif : faire

émerger des éléments explicatifs de l’alignement stratégique. Trois domaines ont alors été

étudiés :

- Le domaine stratégique composé des objectifs stratégiques du partage de la fonction

RH : participation aux activités RH et participation à la prise de décisions RH ;

- Le domaine des infrastructures et processus de l’organisation composé des

infrastructures organisationnelles, des processus de travail et des compétences et

savoirs ;

- Le domaine des infrastructures et processus du SIRH composé de l’architecture SI, des

processus de SI et des compétences SI.

Une fois les domaines définis, nous nous sommes intéressés à deux types d’alignement : un

alignement vertical (fit stratégique) correspondant à la cohérence entre les objectifs stratégiques

du PFRH et les infrastructures organisationnelles ; et un alignement horizontal (intégration

fonctionnelle) correspondant à la cohérence entre les infrastructures (figure 3-2).

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

146

Figure 3-2 : Domaines et alignements explorés dans le cadre de la recherche

Source : auteur de la thèse

Pour opérationnaliser l’étude de l’alignement, les domaines stratégiques ont ensuite été

décomposés en un total de huit composantes (tableau 3-3).

Tableau 3-3 : Composition des domaines stratégiques

Objectifs du partage de la FRH Participation aux activités RH

Participation à la prise de décisions RH

Infrastructures organisationnelles

Infrastructures administratives

Processus de travail

Compétences et savoirs

Infrastructures SIRH

Architecture SI

Processus SI

Compétences SI

Source : auteur de la thèse

Par la suite, nous avons identifié l’ensemble des couples d’alignements possibles. Pour un

domaine, chacune de ses composantes peut être couplée avec les composantes d’un autre

domaine. Il en résulte que l’étude de l’alignement s’effectue sur la base de six couples de

Page 159: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

147

composantes pour le fit stratégique et de neuf couples pour l’intégration fonctionnelle. Pour

chacune des composantes, l’étude du matériau empirique a permis de déterminer le niveau de

développement (fort, modéré, faible). Ces niveaux de développement ont ensuite constitué la

base de l’étude de la cohérence entre les couples de composantes. La grille d’analyse utilisée

pour mener à bien cette démarche est présentée dans le tableau 3-4 ci-après.

Tableau 3-4 : Grille d’analyse des alignements stratégiques

Fit stratégique

Alignement

Vertical

Domaine interne Domaine externe Niveau de

désalignement Effets sur

l’AMO Infrastructures admin Participation aux activités RH Faible - Médian - Fort

Infrastructures admin Participation à la prise de décisions Faible - Médian - Fort

Processus de travail Participation aux activités RH Faible - Médian - Fort

Processus de travail Participation à la prise de décisions Faible - Médian - Fort

Compétences et savoirs Participation aux activités RH Faible - Médian - Fort

Compétences et savoirs Participation à la prise de décisions Faible - Médian - Fort

Intégration

fonctionnelle

Alignement

Horizontal

Domaine des SI Domaine de l’organisation Niveau de

désalignement Effets sur

l’AMO Architecture SI Infrastructures admin Faible - Médian - Fort

Architecture SI Processus de travail Faible - Médian - Fort

Architecture SI Compétences et savoirs Faible - Médian - Fort

Processus SI Infrastructures admin Faible - Médian - Fort

Processus SI Processus de travail Faible - Médian - Fort

Processus SI Compétences et savoirs Faible - Médian - Fort

Compétences SI Infrastructures admin Faible - Médian - Fort

Compétences SI Processus de travail Faible - Médian - Fort

Compétences SI Compétences et savoirs Faible - Médian - Fort Source : auteur de la thèse

Pour chaque paire de composantes, l’analyse consiste à étudier la manière dont l’alignement ou

le désalignement entre les éléments est lié à un effet observé sur l’AMO. Dans leurs travaux,

Deltour et Mourrain (2017) proposent de s’intéresser aux composantes des domaines

stratégiques et d’en évaluer leur niveau de maturité. Par la suite, ils comparent les niveaux de

maturité des composantes prises deux à deux pour en donner une mesure d’alignement. Une

valeur entre 1 et 5 est ainsi donnée à la force de cohérence des maturités (1 étant le niveau le

plus faible et 5 le plus fort). Leur évaluation se base essentiellement sur une grille d’analyse

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

148

fondée sur leur état de l’art. Étant donnée la nature abductive de la recherche, nous avons

privilégié une analyse des niveaux d’alignement à partir des effets observés. Les

désalignements ont finalement été évalués selon les trois niveaux proposés par Bergeron et al.

(2004) (fort, médian, faible). Contrairement à ces auteurs qui analysent les niveaux

d’alignement, nous nous sommes particulièrement intéressés à la notion de « désalignement »

étant donné le manque de cohérence des choix organisationnels émergeant des observations

empiriques initiales.

Enfin, nous avons mobilisé la règle de décision de Bergeron et al. (2004) pour conclure sur

l’état de l’alignement entre deux domaines stratégiques :

- Si le nombre de désalignements forts est supérieur, alors l’alignement est non

conflictuel. Il s’agira d’une situation d’alignement des domaines stratégiques.

- Si le nombre de désalignements forts est inférieur, alors l’alignement est conflictuel. Il

s’agira d’une situation de désalignement des domaines stratégiques.

Cette règle de décision a été utilisée pour caractériser les deux niveaux d’alignements étudiés.

Il convient toutefois de souligner qu’au-delà de l’évaluation de ce niveau, la finalité principale

de l’analyse est de proposer une recherche des explications des désalignements et alignements

et de leurs conséquences sur l’AMO.

Par ailleurs, nous proposons une mesure du PFRH. Sur la base des définitions proposées par

Trullen et al. (2016) et Khilji et Wang (2006), le succès de PFRH est accepté comme la capacité

de l’organisation à mettre en place des pratiques conformes au projet qui a été défini

initialement. Ainsi, la démarche abordée dans ce travail consiste à comparer les résultats

obtenus en matière d’association des managers dans les activités RH et dans les prises de

décisions RH et de voir si ces niveaux de participations sont cohérents avec les objectifs

initiaux. L’analyse mise en place est alors tirée des travaux de Bergeron et al. (2004) qui

consiste à caractériser un écart important de « fort », un écart moyen de « médian » et un écart

peu important de « faible ».

Protocole de la recherche

Le protocole de la recherche constitue l’architecture sur laquelle repose l’articulation des

différentes étapes de la recherche (Giordano, 2003). La construction de celui-ci permet de poser

la question de recherche ainsi qu’une liste d’objectifs poursuivis lors des développements. La

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

149

manière dont le chercheur a procédé pour construire sa problématique y est également

explicitée. Il est nécessaire de souligner le caractère « récursif » associé à la construction du

design de recherche (Hlady-Rispal, 2002, pp. 177-178). En effet, l’architecture du projet de

recherche est influencée par les résultats obtenus des observations. Elle est donc amenée à

évoluer au fur et à mesure du cheminement du chercheur.

Durant l’ensemble du processus de recherche, quatre principaux temps ont été identifiés

(Giordano, 2003) :

La conception, caractérisée par la formulation de la problématique et les questions de

recherche. Cette première étape a consisté à définir l’objet théorique, c’est-à-dire ce sur quoi

porte la recherche. La définition de cet objet est étroitement liée avec la volonté de susciter et

asseoir l’intérêt de la recherche qui repose dans la propension de cette dernière à déployer des

connaissances théoriques et pratiques additionnelles suffisantes. Il s’agit finalement de « briser

des cadres de références existants et d’ouvrir de nouvelles possibilités » (Giroux, 2003, p. 50).

La première étape de notre projet de recherche réside dans la formulation des questionnements

et de la problématisation du sujet choisi. Ce processus est largement inspiré par l’existence d’un

sujet intéressant du fait de sa capacité potentielle à produire des connaissances nouvelles. Des

échanges avec les acteurs du terrain permettent à ce stade de valider certaines intuitions, mais

aussi de favoriser l’apprentissage du contexte empirique de l’étude. La dimension itérative du

projet de recherche s’exprime alors par la construction progressive de la problématique

consécutivement à des consultations alternées du terrain et du corpus théorique. C’est à l’issue

de ce processus que s’élaborent la problématisation de la question de recherche et les

questionnements. Les choix méthodologique et épistémologique sont finalement définis en

fonction de la conception du projet de recherche.

La mise en œuvre de la recherche correspond à l’articulation entre les aspects

théoriques définis et la méthodologie déployée. La collecte des données est un processus qui

s’opère tout au long de la recherche. C’est un élément qui confère à celle-ci un aspect itératif.

On peut cependant distinguer des moments clés dans la collecte des données. Dans un premier

temps, un recensement des documents externes a été effectué. Cela a permis d’évaluer la

consistance du cas et l’intérêt du contexte au vu de l’objet de recherche. Cette première

approche du terrain à travers des documents contextuels permet de déterminer les repères

spatiaux et temporels de l’étude à travers une chronologie des faits et la représentation des

processus organisationnels. Les informations recueillies sont précieuses puisqu’elles

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Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

150

permettront d’avoir une compréhension globale de l’environnement, mais surtout de pouvoir

affiner la problématisation de la recherche.

Les modalités de rencontre avec les acteurs de terrains sont primordiales puisqu’elles

conditionnent le déroulement des échanges avec ces derniers et la qualité des échanges (Hlady-

Rispal, 2002). La clarification du rôle du chercheur et la transparence auprès de ses

interlocuteurs permettent de garantir un accueil et un alignement des intérêts propres aux

acteurs. La préparation des entretiens par la collecte d’informations contextuelles globales, mais

aussi particulières à la position des individus rencontrés permet d’affirmer l’expertise du

chercheur et donc sa crédibilité (Giordano, 2003).

L’analyse et l’évaluation portent sur l’interprétation des résultats et l’appréciation de

leur validité. Dans ce cadre, une confrontation des résultats obtenus de plusieurs sources et

analysés par différents moyens permet de limiter les biais de subjectivité du chercheur. La

confrontation des résultats de la recherche avec ceux obtenus dans des travaux antérieurs a

finalement permis d’identifier les incohérences qui par la suite ont été revérifiées. Ce processus

a contribué à distinguer les erreurs et les conclusions hâtives des véritables apports

scientifiques.

La diffusion des résultats permet les valorisations théorique et managériale de la

recherche. La spécificité de la recherche qualitative réside dans le fait que ces processus sont

itératifs. En effet, le chercheur effectue des va-et-vient entre ces quatre étapes de manière non

prédéfinie, mais plutôt selon les besoins éprouvés lors de sa recherche.

La présente recherche s’est articulée autour de trois principaux cycles :

- Un cycle d’exploration caractérisé par la place prépondérante de la découverte des

éléments problématiques issus du terrain et la définition d’un périmètre théorique large

d’investigation.

- Un cycle de détermination visant à circonscrire les champs théoriques étudiés et à

préciser l’orientation des investigations empiriques.

- Un cycle de confirmation reposant sur le recueil de matériaux théorique et empirique

permettant de produire les résultats conformément aux objectifs de la recherche fixée.

Les cycles sont composés de trois temps qui interviennent de manière répétitive dans le

processus de recherche. Leur caractère récursif permet de modifier le cours de la recherche en

orientant les choix d’investigation dans les champs théoriques et pratiques. Chaque temps de la

Page 163: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

151

recherche a permis la production de maillons essentiels permettant de collecter et analyser les

données, de construire l’objet de recherche et de produire des résultats en lien avec les objectifs

du travail (voir tableau 3-5).

Page 164: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

152

Tableau 3-5 : Design de la recherche

Cycles de la

recherche

Temps de la

recherche

Évènement de la recherche Production

Cycle 1

Exploration

Temps 1

Recueil des

données

Rencontre des acteurs sur le

terrain et identification des

problèmes terrain

Identification des

problématiques terrain

Temps 2

Problématisation

Mise en correspondance des

éléments observés avec les

connaissances théoriques

Proposition d’une

première

problématique

Temps 3

Analyse

Lectures théoriques en lien avec

les éléments de terrain observés

Identification des

cadres théoriques

d’analyse

Cycle 2

Détermination

Temps 1

Recueil des

données

Nouvelle exploration du terrain

avec des éléments théoriques

Premiers entretiens

avec les managers

Temps 2

Problématisation

Mise en correspondance des

éléments théoriques et des

premiers entretiens

Validation du cadre

théorique retenu et

définition des grilles

d’entretien

Temps 3

Analyse

Analyse des premiers entretiens

et production de nouveaux

éléments théoriques

Production d’un

nouveau modèle

conceptuel

Cycle 3

Confirmation

Temps 1

Recueil des

données

Rencontre des acteurs sur le

terrain et identification des

problèmes terrain

Affinage des guides

d’entretien et de la

méthode d’observation

et collecte de nouvelles

données

Temps 2

Problématisation

Mise en correspondance des

éléments observés avec les

connaissances théoriques

Affinage de la grille

d’analyse théorique

Temps 3

Analyse

Détermination d’une analyse

permettant la production d’un

modèle de recherche

Production d’un

modèle intégrant les

éléments théoriques et

empiriques de la

recherche et

élaboration du cas

Source : auteur de la thèse

Page 165: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 1. Fondements épistémologiques et méthodologiques de la recherche

153

Les différents choix épistémologiques et méthodologiques ont été abordés dans une première

section. Il convient à présent de présenter le cas ABC.

Section 2 - Le Cas ABC

Dans cette section, nous nous proposons d’évoquer les éléments centraux permettant de

caractériser le cas d’étude. Il s’agit d’un établissement public à caractère administratif né en

2009 de la fusion de deux entités et ayant une activité d’accompagnement à l’emploi. Il emploie

près de 55 000 individus sur le territoire national. Pour préserver son anonymat, nous le

désignerons par ABC, ses entités prendront la dénomination A et B.

Le partage de la fonction ressources humaines : de la définition des

enjeux aux moyens déployés

11. Les objectifs de l’organisation et leur déclinaison dans le département des

ressources humaines

ABC est né de l’agglomération de deux entités : l’entité A exerçant dans l’accompagnement à

l’emploi et gérant des salariés de droit privé ; et l’entité B étant spécialisée dans le calcul et

l’attribution d’indemnisations à ses adhérents. En 2009, ces deux entités fusionnent et donnent

naissance à ABC.

Ce groupe national est configuré selon un découpage régional puis territorial. La direction

générale (DG) fixe les orientations et les objectifs qui sont ensuite déployés au sein de chaque

direction régionale puis dans les différentes directions territoriales. La composition des

directions est similaire au sein des trois niveaux.

En Aquitaine, la direction régionale comprend les directions des ressources humaines, des

opérations, de la maîtrise des risques, administrative et financière, de la stratégie et des relations

extérieures. Chacune de ces équipes est chargée du déploiement de la stratégie au niveau local.

Le département RH, plus particulièrement, dispose d’une organisation spécifique. Il se compose

de 5 services (voir figure 3-3).

Page 166: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

154

Figure 3-3 : Organisation du département ressources humaines d'ABC

Source : auteur de la thèse

- Le département formation comprend une cellule dédiée aux agents et une autre aux

managers. Il est chargé de l’atteinte des objectifs prévus dans le plan ;

- Le département de la gestion administrative et de la paie est chargé de la mise en

conformité des formations administratives par rapport au profil de l’agent. Il intègre les

informations relatives au volume de travail effectué, aux absences et aux changements

professionnels pour une prise en compte dans le profil des salariés ;

- Le département des relations sociales est chargé de la préparation et de la mise en place

des réunions en lien avec le dialogue social ;

- Le département des études sociales a pour objectif principal de produire des rapports

sur demande de la DRH. Pour ce faire, il utilise un progiciel d’exécution de requêtes :

RHi.

Les autres acteurs du service RH

Les correspondants RH sont des agents travaillant au sein des directions territoriales et

sélectionnés sur la base de leur appétence pour le champ des ressources humaines. Leur prise

de fonction n’est pas accompagnée d’une formation spécifique à la GRH. Leur montée en

compétence se fait directement sur le terrain et par le biais de réunions, de conférences

téléphoniques et d’ateliers organisés par la DRH. Leur rôle est essentiellement caractérisé par

celui de relais que d’expert et leurs attributions et champs d’action diffèrent selon les territoires.

Ils peuvent être amenés à communiquer des informations en provenance de la DRH, former les

agents et managers à l’utilisation d’outils et processus ou à produire des états administratifs

pour les directions. En matière de SIRH, ils sont intégrés dans l’arbre des services du progiciel

avec un profil agent, ce qui limite leur accès à certaines informations dont ils ont parfois besoin

pour venir en appui du réseau. Dans certains territoires, ces rôles et attributions ne sont pas

confiés à un correspondant RH, mais à un chargé de mission.

Direction des Ressources humaines

Formation

agents

Formation

Managers

Gestion

Administrati

ve Paie

Relations

sociales

Études

Sociales

Page 167: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

155

Les chargés de mission sont également employés au niveau des territoires. Leur fonction

dépend des prérogatives de la direction du territoire. Ils peuvent être associés à la gestion du

temps, à des missions de correspondants RH ou en appui de la direction territoriale sur d’autres

tâches telles que le suivi des CDD. Les chargés de mission sont sous la responsabilité de la

direction territoriale et sont directement formés par la DRH.

La formulation stratégique

Les orientations stratégiques d’ABC sont déterminées au niveau national. Elles sont annoncées

dans le plan tripartite engageant ABC, les Pouvoirs publics et les Instances syndicales et sont

réaffirmées dans le volet social du plan stratégique.

La DRH aquitaine est ensuite chargée de dupliquer les orientations stratégiques à l’ensemble

de la région. La définition des rôles et attributions des directions locales varie selon les champs

de la GRH. Ceux qui ont fait l’objet d’une étude précise au niveau national sont formalisés et

dupliqués au niveau local.

Les objectifs de la DRH sont consignés dans des documents officiels tels que le plan

stratégique :

- Allouer l’ensemble des ressources humaines prévues.

- Réaliser plus de 90 % du plan de formation annuel.

- Contrôler la réalisation des EPA (suivi hebdomadaire du taux de convocation et de

réalisation)

- Assurer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Afin de favoriser la connaissance de ses objectifs et de ses orientations, la DRH les communique

aux responsables d’unité lors de séminaires ou de réunions d’encadrement ayant lieu une fois

par an.

Le département RH est composé pour environ deux tiers de professionnels RH et pour un tiers

d’agents techniques opérationnels ayant été formés pour l’occasion. Les différents services du

département fonctionnent de manière autonome et parcellaire. Ils opèrent de façon à répondre

aux objectifs fixés conjointement avec la DRH, mais disposent d’une vision limitée sur

l’organisation générale des services au sein du département et sur l’ensemble du réseau.

Page 168: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

156

12. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation

implémentée dans un contexte de changements organisationnels

Lors de la fusion, le groupe emploie près de 38 000 personnes. Les ressources humaines sont

alors composées de deux groupes de statuts différents : l’un rattaché à l’entité A, régie par le

statut de droit public et regroupant près de 35 000 fonctionnaires et l’autre rattachée à l’entité

B employant près de 3000 salariés de droit privé.

Au moment de la fusion, en 2010, ABC prend un cap stratégique. En matière de ressources

humaines, le groupe affirme sa volonté d’employer une population essentiellement de statut

privé. Par la suite, le groupe adopte une classification des métiers qui est basée sur le modèle

de l’entité B. Ce choix est justifié au niveau de la direction générale (direction nationale) par la

volonté de ne pas repartir de zéro, mais de s’appuyer sur une classification alignée avec les

orientations prévues. Cinq ans plus tard et des contraintes juridiques dépassées, ABC entame

un chantier de définition d’une nouvelle classification des métiers qui se veut plus adaptée à la

réalité. La démarche ambitionne de supprimer, ou du moins limiter les décalages entre les

données de la classification et la situation réelle des salariés. Cette évolution s’accompagne

d’une revalorisation des rémunérations pour les salariés de l’entité A et d’une suppression de

leurs avancements automatiques de carrière.

Les politiques de gestion des ressources humaines

En matière de pilotages de ses RH, ABC peine à mettre en place une gestion prévisionnelle des

emplois et des compétences. Les difficultés à intégrer les contraintes organisationnelles

consécutives à la fusion et l’absence de classification précise des métiers empêchent La DRH

de mener une véritable réflexion de fond sur cet aspect de gestion prévisionnelle. Sur le plan

des compétences, il est décidé de conserver les périmètres spécifiques de ces deux catégories

de personnel et de procéder à des efforts de formation pour mettre à niveau l’ensemble des

salariés. Depuis 2010, ABC axe sa politique de formation vers la double compétence. L’objectif

est alors qu’une grande partie des employés soit à la fois compétente sur les champs de

l’indemnisation et de l’accompagnement.

Concernant la politique de recrutement, les besoins de travail lors de surcroît d’activité sont

satisfaits par des embauches en externe. En 2011 puis en 2013, le groupe met en place une

vague de recrutements afin de répondre à la charge d’activité croissante. Près de 2000 contrats

à durée indéterminée sont établis et depuis, l’organisation fonctionne avec des effectifs

constants. Les salariés proviennent ainsi de trois environnements différents : des salariés issus

Page 169: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

157

de l’entité A, des salariés provenant de l’entité B et des nouveaux entrants fraichement

recrutés. Cela constitue un véritable enjeu de GRH. Sur le plan administratif, une réflexion sur

l’harmonisation des statuts est impulsée afin de faciliter la gestion de ces profils hétérogènes.

Sur le plan culturel, le défi consiste à faire converger les visions avec celles qu’ABC entend

mettre en place.

La digitalisation

Depuis 2009, ABC met en place un SIRH destiné à favoriser le travail collaboratif entre les

managers opérant dans le réseau et la direction des ressources humaines. Les objectifs de l’outil

sont enracinés dans un chantier de « déconcentration de la FRH » posé dans le plan stratégique

et qui correspond à un processus de partage de la fonction (Annexe 4). La mise en place de cette

orientation stratégique est impulsée par la volonté d’autonomisation des managers et de

repositionnement stratégique du département RH. Ce dernier serait finalement davantage une

fonction d’appui au réseau. La direction justifie la mise en place de ce chantier de partage par

l’implémentation du SIRH censé permettre aux managers de prendre en main de nouvelles

responsabilités de gestion de leurs équipes. Le déploiement de ces nouvelles responsabilités RH

s’est rapidement accompagné de la diffusion d’un questionnaire auprès des managers afin de

cartographier leurs compétences.

En 2015, un document officiel, « La lettre de performance », est communiqué à l’ensemble des

membres du réseau. Il intègre le partage de la FRH comme une orientation centrale et définit

les managers comme les « premiers RH des sites ». Ce document s’inscrit dans le dialogue de

performance qui est l’outil de définition du plan d’actions des managers.

Accueil de l’orientation par les experts RH

Lors de son annonce et de son déploiement, le chantier de la FRH partagée est accueilli comme

une orientation incontournable. Toutefois, certains acteurs au sein de la DRH appréhendent les

changements à venir. Pour accompagner ce partage fonctionnel, une réorganisation des services

de la DRH s’opère. Les déplacements sur sites sont nécessaires afin de former et accompagner

les managers dans leurs nouvelles responsabilités. Ces visites du réseau sont mises en place afin

de permettre de diffuser des informations ciblées en fonction des besoins. Elles permettent

également de recueillir des retours d’expériences.

Ce processus de partage se décompose en plusieurs niveaux. En premier lieu, la DRH

déconcentre une partie des processus RH aux directions territoriales. Ce partage se fait de

Page 170: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

158

manière plutôt intuitive. Les grandes lignes sont communiquées par le plan stratégique et lors

des différents comités de direction. À ce moment-là, la DRH n’envisage pas de formaliser

l’orientation processus par processus. Comme le chantier vient d’être initié, les directives ne

sont pas stables et les règles du jeu peuvent être amenées à changer. Parallèlement à cela,

chacune des entités territoriales est autonome concernant la manière d’organiser le travail et le

partage de ces nouvelles responsabilités avec les agences. Les nouvelles organisations du travail

résultantes sont alors particulières et propres à la politique menée au sein de chaque territoire.

Par la suite, la direction d’agence effectue un nouvel arbitrage sur la manière de partager les

processus ressources humaines avec les managers en place. Sur l’ensemble de ces champs, les

managers ne sont pas associés identiquement selon les agences. L’intérêt qu’y portent les

directeurs et la disposition des managers à s’impliquer peuvent expliquer des situations

sensiblement différentes. L’origine de la variation dans les niveaux de partage tient à l’aversion

de la direction aux risques induits par le partage. Dans certains champs, tels que celui des

relations sociales, le risque juridique est tel que l’association des managers reste limitée.

Déploiement du PFRH

Pour assister les managers dans leur prise de responsabilités RH, la DRH met en place des

outils. Ils visent à faciliter la gestion des budgets, de la consommation des contrats à durée

déterminée et des contrats aidés. Des guides sont élaborés et distribués afin de reprendre les

éléments clés, et particulièrement ceux relatifs à la législation du travail, pour permettre aux

managers d’avoir un document de référence dans le cadre de la gestion des ressources

humaines. Ces formations sont ensuite dispensées dès qu’une évolution importante s’opère dans

le champ RH. C’est dans ce cadre que certains points critiques dans la gestion des ressources

humaines apparaissent comme étant non maîtrisés ; c’est le cas par exemple de la confidentialité

ou la neutralité dans la rédaction des rapports d’entretiens professionnels.

Suivi du partage

Les communications en matière de GRH s’opèrent lors de réunions de comités de direction où

les directeurs territoriaux et parfois les directeurs d’agence sont conviés. Les problématiques

ou difficultés que peuvent rencontrer les managers sont connues par la DRH lors de la séance

des questions exposées en réunion de délégués du personnel.

Mais la DRH d’ABC n’a pas d’indicateurs institutionnels sur l’évolution des utilisateurs en

contexte de PFRH. Les seules données dont elle dispose sont celles recueillies lors des

formations ou de discussions informelles.

Page 171: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

159

En tant qu’orientation stratégique nationale, le PFRH et l’ensemble des outils

d’accompagnement sont prévus par la direction générale d’ABC. Toutefois, la direction

régionale a mis en place des groupes de travail associant managers et membres de la DRH, afin

de permettre de faire émerger les problématiques en provenance du niveau opérationnel. Les

propositions issues de ces échanges sont soumises à validation du comité de direction et ensuite

proposées à l’échelle nationale.

Au niveau local, les directions d’agences déploient le PFRH en suivant les grandes lignes de la

lettre de performance. Les entités restent toutefois autonomes concernant les modalités de mise

en œuvre. Certaines organisations formalisent le processus dans le cadre de chartes de

fonctionnement ; d’autres se limitent aux communications orales faites lors des rencontres.

Le système d’information ressources humaines : impacts des

caractéristiques fonctionnelles sur l’état des processus réels

Pour accompagner ses changements organisationnels, ABC a décidé de retenir l’ERP afin de

centraliser et systématiser l’utilisation des données. Mais les difficultés rencontrées pour

adapter le fonctionnement du système d’information à son organisation générale se soldent par

la mise en place d’un outil au potentiel inexploité.

21. Le choix d’un outil fonctionnellement rigide pour une organisation en

mutation

211. Le choix du progiciel

Avant 2009, les entités A et B, détenaient leur propre SIRH. Celui de l’entité A sera délaissé

au profit de celui de l’entité B qui est jugé plus en accord avec les changements stratégiques

induits par la fusion : l’évolution vers une population essentiellement composée de

collaborateurs de droit privé. Le progiciel de l’entité A se compose alors de la solution « HR

Access », largement utilisée pour la gestion des ressources humaines. L’entité B, quant à elle,

utilise la solution People Soft version 8.8. Ce progiciel est pensé et configuré pour une

utilisation par le département RH et non pour une cible de managers. Il a pour objectif de

permettre la communication entre les cellules qui composent la DRH.

À l’issue de l’année 2009, le choix a été fait de garder People Soft pour la gestion du personnel

d’ABC. La justification du choix de ce logiciel réside essentiellement dans son adaptation

préalable pour la gestion de salariés de droit privé. La mise en place de l’outil est utilisée pour

affirmer la naissance de la nouvelle entité ABC.

Page 172: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

160

En 2012, une montée en version est entreprise afin d’opérer une homogénéisation de la saisie

des informations ressources humaines. L’outil est développé en plusieurs lots : la paie et la

gestion administrative, puis la formation et enfin le développement des compétences.

L’utilisation de People Soft est marginale au sein d’ABC. Les unités fonctionnelles étant

indépendantes, seules celles qui le souhaitent en font usage. Progressivement, une formation

des managers est mise en place afin de développer son utilisation par cette population.

La mise à jour s’accompagne dans le même temps, d’une réflexion sur la refonte de certains

processus de ressources humaines. La direction assoit People Soft comme le seul outil de saisie

des informations ressources humaines en l’établissant comme socle du pilotage national. Cet

outil est articulé à différents modules par la mise en place de liaisons fonctionnelles permettant

l’intégration des informations entre les champs administratifs et de la paie.

212. L’organisation de l’équipe projet et le choix de l’ERP

Le progiciel People Soft est la propriété d’Oracle, éditeur américain de solutions informatiques.

Le processus d’intégration est, quant à lui, réalisé par ADP, un prestataire externe d’Oracle.

ADP se charge donc de la mise en place ainsi que de la maintenance et de l’assistance a

posteriori. La collaboration avec un prestataire disposant de l’expertise technique implique une

dépendance en cas de rupture de la continuité de service.

Au sein d’ABC, la définition du cahier des charges est déléguée à une équipe projet composée

essentiellement de professionnels de la DRH, mais aussi de celui des systèmes d’information.

Cependant, la gestion du budget de développement est confiée à la direction des systèmes

d’information (DSI). Ainsi, comme le présente la figure 3-4, les décisions et requêtes effectuées

par l’équipe projet, doivent passer par la DSI afin d’être validées. Par la suite, les requêtes sont

envoyées à ADP qui les traitent directement ou sollicite Oracle si nécessaire. De manière

parallèle, lorsque des informations doivent être transmises à l’équipe projet, elles passent

nécessairement par la DSI. Cette dernière occupe un véritable rôle de donneur d’ordre.

La maîtrise d’ouvrage est donc composée de deux niveaux directement sous contrôle de la

direction générale : l’équipe projet à dominante RH et la DSI en commanditaire. En 16 mois,

le contact direct du prestataire ADP par l’équipe projet n’a lieu qu’à deux reprises.

L’accompagnement et la résolution des problématiques sont directement opérés par la

sollicitation de la DSI.

Page 173: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

161

Figure 3-4 : Chaine de communication entre les acteurs du projet SIRH

Source : auteur de la thèse

213. Le déploiement de People Soft

Sur la base des orientations de la DSI, l’outil est utilisé selon une stratégie dite « Big Bang ».

Cette stratégie se caractérise par la mise en place à un instant précis, de la totalité ou la quasi-

totalité des modules composant la solution. Ce choix peut s’expliquer par les difficultés

techniques et organisationnelles auxquelles aboutissait l’ancienne version et donc, par la

nécessité d’avoir un système rapidement opérationnel. Ainsi, l’ensemble des modules est

déployé de manière uniforme sur tous les sites au mois de septembre 2013, sauf les modules

Libre-Service Employés et Libre-Service Managers qui sont les deux briques soutenant la

gestion opérationnelle des activités. Ce décalage temporel s’explique par la volonté de vouloir

assurer un fonctionnement correct des fonctionnalités de base avant d’ouvrir l’accès du

progiciel à l’ensemble des salariés. Pendant cette période de tests, de nombreux

dysfonctionnements techniques sont recensés dont une partie reste inexpliquée. Les deux

modules sont finalement intégrés un mois après le début du déploiement.

Le déploiement et l’accompagnement sont opérés de manière pyramidale. Dans un premier

temps, les membres des fonctions supports sont formés à l’outil afin de les sensibiliser aux

fonctionnalités et vocations de cette nouvelle version. La communication s’axe alors sur l’utilité

des modules qui dépassent le périmètre historique de la gestion administrative et de la paie. Des

interlocuteurs sont identifiés à des niveaux fonctionnels et identifiés comme des relais. Ils ont

pour principale fonction de s’assurer de l’appropriation des innovations et de faire remonter les

problématiques constatées. Ainsi, trois niveaux émergent de cette organisation (figure 3-5) :

Page 174: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

162

l’équipe projet, les directions régionales et les agences où sont présents une grande partie des

utilisateurs finaux.

Figure 3-5 : Acteurs du déploiement opérationnel de l’outil

Source : auteur de la thèse

Afin d’accompagner la mise en place du progiciel, des ateliers d’animation sont mis en place

au niveau de l’équipe de pilotage afin d’assurer la coordination et la montée en compétences de

ses membres. Ces échanges sont suivis par l’ensemble des interlocuteurs de la direction

régionale qui réalisent des vidéos afin de rappeler le cadre stratégique dans lequel s’inscrit le

SIRH. Ensuite, des formations physiques au sein des DRH régionales sont proposées afin de

permettre à ses membres de prendre en main l’outil et de s’approprier les particularités

techniques. Par la suite, ces derniers déploient l’outil au niveau opérationnel. Pour ce faire, les

correspondants RH sont des relais de communication formés et chargés de la transmission des

éléments techniques relatifs à l’outil et la remontée des problématiques rencontrées sur le

terrain.

L’outil a été amené comme une solution permettant aux managers de trouver plus rapidement

et de manière autonome les informations utiles dans le cadre de leur management.

Accompagnement des utilisateurs à People Soft

Les régions ont déployé des sessions de formation en groupes pour l’accompagnement

théorique et pratique des managers. Ces espaces d’échanges ont pour vocation de transmettre

Page 175: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

163

les particularités techniques de la nouvelle version, mais également de faire le lien entre les

fonctionnalités ouvertes et les processus métiers correspondants.

Afin de permettre d’identifier et de suivre les difficultés de prise en main de l’outil, divers

indicateurs sont créés par l’équipe projet. Ils permettent de mesurer le niveau d’urgence et

d’importance de ces dysfonctionnements et de les remonter avec précision à la DSI. En

complément de cela, une réunion mensuelle est organisée au sein de la direction générale afin

de réunir l’ensemble des acteurs du déploiement pour évoquer les points critiques de la mise en

place du progiciel.

Lorsqu’un utilisateur est confronté à une difficulté lors de la manipulation du progiciel, il peut

consulter le guide qui lui a été communiqué. Ce document décline l’utilisation de l’ensemble

des fonctionnalités ouvertes dans People Soft. Par ailleurs, le département RH se positionne en

appui pour répondre aux difficultés de prise en main.

214. La définition du cahier des charges

Lors de la fusion des deux entités en 2009, la version 8.8 du progiciel People Soft est déployée.

Elle s’inspire largement du progiciel de gestion en place dans l’entité A, celle employant

essentiellement des salariés contractuels. Ce choix est justifié par l’anticipation de

l’accroissement de cette catégorie de personnel dans le futur.

De mai 2012 à septembre 2013, une nouvelle adaptation de l’outil est opérée dans le cadre du

« Plan Stratégique 2015 ». La mise en place de la version 9.1 s’inscrit dans le cadre du chantier

de déconcentration de la fonction ressources humaines et dans une optique de simplification

des actes métiers des salariés. People Soft est décrit comme un support du changement. Tel

qu’il a été présenté, il doit permettre la digitalisation de l’offre de services RH afin de rendre

les utilisateurs acteurs de leur environnement professionnel.

Le choix d’intégration d’une nouvelle version est motivé par l’amélioration technique de

l’interface, mais aussi par la volonté de refondre les processus RH. Lors de cette étape, une

étude du fonctionnement de l’activité est faite pour voir comment les adaptations à l’outil

peuvent s’opérer. Une documentation est produite afin de représenter l’évolution souhaitée des

processus. D’autre part, la DSI définit le cahier des charges afin que l’outil proposé intègre les

spécificités permettant une cohérence par rapport à l’organisation. Lors de la définition du

cahier des charges, le respect du budget constitue la contrainte principale.

Page 176: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

164

Par ailleurs, la DSI prend la décision de privilégier l’intégration fonctionnelle des modules en

interne et donc de n’en externaliser aucun. L’ERP est personnalisé de façon à répondre aux

besoins fonctionnels de l’organisation. Par rapport au produit proposé initialement par le

développeur, plus de 20 % de l’architecture globale du système est modifiée.

Lors de la définition du cahier des charges ABC demande l’intégration de l’historique personnel

de l’ensemble des salariés. Cette commande est partiellement satisfaite. Alors que les

informations des employés issus de l’entité B sont disponibles, celles des agents de l’entité A

son inaccessibles, et pour cause, leur entité historique d’appartenance n’utilisait pas de SIRH

informatisé. ABC doit donc accepter de n’avoir dans sa nouvelle version de People Soft que les

informations qui ont pu être récupérées oralement ou par l’intermédiaire de documents écrits.

Cette carence informationnelle est amenée à disparaitre naturellement avec le départ progressif

des collaborateurs concernés. Ce sont essentiellement les données relatives à la formation

individuelle et à la pénibilité du travail qui n’ont pas pu être retracées. Dans ce cadre, des

employés du département de gestion administrative sont chargés de reconstituer ces

informations.

En ce qui concerne les habilitations et l’ergonomie, l’outil ne peut pas être personnalisé

localement. L’ensemble de ces éléments sont définis au niveau national et seule la DSI détient

la capacité de faire évoluer le système. Ces évolutions ont lieu sur demande des prescripteurs

(DRH), des référents métiers ou des prescripteurs de la stratégie globale de l’entreprise.

Lorsqu’un besoin d’évolution s’exprime, il doit être communiqué à la direction régionale qui,

ensuite, transmet une requête à la direction métiers pour validation de la demande. Les

habilitations sont définies de manière restreinte selon le profil de l’utilisateur. Cette

caractéristique est fondée sur la volonté de sécuriser l’accès à l’information et d’en limiter les

risques d’utilisation inappropriée. Initialement, l’organisation souhaitait opérer une

correspondance entre les habilitations informatiques et les niveaux hiérarchiques. Comme les

managers n’avaient pas accès aux informations nécessaires dans le cadre de leur fonction, une

nouvelle définition des habilitations est mise en place en mai 2015. Une nouvelle configuration

permettant de déterminer les accès en fonction des besoins opérationnels a vu le jour.

215. La composition du SIRH

Le produit People Soft est un produit américain initialement configuré pour la gestion de la paie

américaine. Comme il s’est avéré impossible d’adapter la solution aux spécificités françaises,

un module de gestion administrative et de la paie (Zadig) est greffé à l’infrastructure du

Page 177: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

165

progiciel. Par la suite, des connexions sont créées entre les modules initiaux de People Soft et

le celui de la paie développé par ADP. Parallèlement à ces deux solutions, ABC utilise un

progiciel spécifique pour la gestion de la paie : Horoquartz. Tous les 7 du mois, les informations

validées dans cette dernière solution sont transférées dans Zadig afin de permettre la mise en

paiement des salaires.

Enfin, en aval, le progiciel est lié à RHi un Buisness Object permettant d’effectuer des requêtes

et d’éditer des états à partir des données présentes dans les différents progiciels (voir figure

3-6).

Figure 3-6 : Composition du système d'information ressources humaines

Source : auteur de la thèse

Les gestionnaires sont également amenés à utiliser des outils directement accessibles sur

l’intranet dans certaines situations telles que le traitement des arrêts maladie, les déclarations

annuelles de salaires et de cotisations sociales.

Page 178: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

166

Composition de People Soft

Sur l’ensemble des 15 briques que comporte le progiciel, seules 5 sont utilisées au niveau

opérationnel par les managers. Ces modules sont regroupés dans l’ensemble fonctionnel

« Libre-Service Manager » (figure 3-7).

Figure 3-7 : Représentation des modules du progiciel intégré au sein d’ABC

Source : auteur de la thèse

Le progiciel est configuré selon deux profils : un profil salarié et un profil manager accessible

uniquement pour les responsables d’équipe.

- Référentiel métier : ce module comporte les métiers chez ABC. Les managers y trouvent

les fiches métiers comportant l’intitulé du poste, le périmètre des missions et la position dans

la classification des métiers.

- Rémunération : comporte l’historique des rémunérations théoriques versées aux

collaborateurs. Il s’agit uniquement d’un accès consultatif et non de saisie.

- Formation et gestion des carrières : ce module comporte les informations personnelles

relatives à la carrière et l’historique des stages effectués, ainsi qu’un accès pour inscrire les

collaborateurs aux sessions de formation. Lorsqu’un agent en réalise une et que celle-ci est

saisie dans Peple Soft par son manager, les compétences sont automatiquement mises à jour

dans le profil de l’agent. Toutes les informations relatives aux compétences et aux

responsabilités sont liées au code activité. Alors qu’il est central dans le département RH pour

identifier le périmètre d’action et les compétences des agents, ce code n’est pas considéré

comme tel par les salariés pour qui il reste un élément abstrait.

Page 179: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

167

- Gestion EPA : ce module permet la saisie des échanges ayant lieu pendant les entretiens

professionnels annuels. Quatre étapes sont identifiées pour ce processus. Notification et saisie

des EPA par le manager, envoi à l’agent pour rectification et validation, validation par le

manager, transmission à la DRH. Cette dernière peut demander un complément d’information

et le dossier retourne alors à la première étape.

- Bourse des emplois : ce module est l’outil utilisé pour la gestion des recrutements. Il

permet de consulter les offres d’emploi pour lesquelles le manager est identifié comme

initiateur par la direction RH, consulter les candidatures envoyées par cette dernière,

présélectionner les candidats, planifier les entretiens, saisir les synthèses d’entretiens et émettre

un avis pour transmission à la DRH.

Correction des erreurs

Les informations présentes dans People Soft sont en grande partie issues des saisies faites par

le service administratif. Depuis la mise en place de l’outil, les opérations de fiabilisation sont

rares, voire inexistantes. La mise à jour des informations a lieu de manière impromptue lors de

l’observation d’une incohérence à l’occasion d’une saisie ou de la production d’états.

Lorsqu’une erreur est identifiée par un utilisateur, elle est remontée directement au service

administratif pour correction.

22. La contribution du système d’information aux champs de la gestion des

ressources humaines

Le SIRH a été déployé dans le cadre du nouveau projet stratégique de la DRH de

« déconcentration » des processus organisationnels, dans lequel s’inscrit le PFRH avec les

managers. Les objectifs poursuivis sont alors posés à travers une formulation générale dans le

plan stratégique (voir Annexe 4). Sur la base de ce principe posé, la DRH opère un déploiement

au niveau opérationnel par des sessions de formation et des comités de pilotage, mais ne produit

pas de documents reprenant les objectifs ou la manière de partager la FRH. Cette connaissance

se développe essentiellement sur la base des lignes directrices posées par les documents

stratégiques, mais aussi, et surtout, par la formation de communautés informelles. Ces dernières

sont le moyen privilégié de pallier les manques informationnels et de développer les bonnes

pratiques.

Chronologiquement, le premier champ partagé avec les agents du réseau est celui de la gestion

des temps. Lui ont succédé les processus de recrutement, de l’entretien professionnel, et des

revues de personnel.

Page 180: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

168

221. La gestion administrative, des temps et de la paie

Le département paie occupe une position centrale dans le service RH puisqu’il est garant de la

gestion administrative et de la paie des salariés. Il met à jour les informations concernant les

salariés lors d’un recrutement ou lors du changement de situation. Ces modifications peuvent

également être opérées par les responsables de la paie :

- Il gère l’actualisation des profils de collaborateurs. Lorsque la direction générale met à

jour des profils d’emploi, le département de gestion administrative doit les faire opérer

par les salariés de la direction régionale. Ces mises à jour ont souvent des implications

en matière de rémunération ;

- Il gère les habilitations dans le SIRH lorsqu’a lieu un mouvement dans l’organigramme

ou une nouvelle arrivée.

Par ailleurs, le département de gestion administrative est également garant du processus de

gestion des temps de travail dont il a piloté le partage. ABC a recours à une solution

informatique pour le contrôle de cette gestion des temps avec l’utilisation de badges. Ainsi, les

salariés doivent badger à leur arrivée, leur départ, leur reprise d’activité ou lorsqu’ils effectuent

des heures supplémentaires. L’ensemble des informations liées à la présence au poste de travail

est enregistré dans le progiciel Horoquartz. En début de mois, le département opère une analyse

des anomalies existantes afin de les corriger avant la clôture de la paie et éviter des erreurs dans

le versement des salaires. Les anomalies sont des écarts constatés entre les heures

prévisionnelles d’un salarié et les heures qu’il a effectivement effectuées. Elles peuvent être

dues à un dysfonctionnement dans le passage de badge, à la non-comptabilisation d’une

formation passée en extérieur, à la non-réception des documents justificatifs d’absences

maladie, etc.

Le partage du processus

Le processus de gestion de la paie est le premier processus à être partagé. Le découpage des

rôles et attribution et son accompagnement se sont faits de manière minutieuse dans le cadre

d’un accord syndical. Historiquement opérée au niveau de la région, la gestion des temps est

placée sous la responsabilité des directions territoriales qui en opèrent un partage de façon libre,

en interne depuis mars 2013. À titre expérimental, les premiers territoires concernés par cette

évolution ont été ceux de la Dordogne, du Lot-et-Garonne et des Landes. Les territoires les plus

grands ont ensuite appliqué la démarche : la Gironde et les Pyrénées Atlantiques. Le

déploiement de cette pratique s’est fait par l’intermédiaire des gestionnaires appelés également

Page 181: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

169

correspondants RH. Des séances d’animations sont réalisées pour former ces interlocuteurs afin

qu’ils déploient les bonnes pratiques dans les agences. Ces sessions ont lieu de manière

intensive au moment de la mise en place du chantier et ensuite par l’intermédiaire de

conférences téléphoniques mensuelles. Des documents présentant l’organisation du champ avec

les acteurs intervenants sont transmis (exemple : « qui fait quoi ? »). Lors de ces présentations,

la responsable du service administration et paie évoque le contexte du partage de la gestion des

temps, les orientations suivies par l’organisation, les enjeux qui sous-tendent cette nouvelle

pratique et enfin les livrables attendus. Cette orientation est accueillie avec enthousiasme par

les managers, car elle leur permet de prendre davantage de responsabilités et de renforcer la

relation avec les membres de leur équipe. Une charte de la gestion des temps est mise en place

entre les directions régionales et territoriales. Elle permet de définir le périmètre d’action de

chacun des acteurs concernés par ce processus. La gestion des temps est le seul champ pour

lequel une charte a été rédigée. Par la suite, des conférences téléphoniques sont proposées et

des fiches techniques sont élaborées pour mettre à jour les connaissances des correspondants

RH en matière juridique et sur les spécificités techniques du SI. Toutes ces sessions de

formation donnent lieu au dépôt des comptes rendus, guides et documents techniques qui sont

stockés dans l’espace communautaire de l’intranet.

La mise en place du chantier de PFRH et de la version 9.3 de People Soft s’accompagne de la

prise en main de nouvelles responsabilités en matière de gestion des temps.

- Demande, qualification et validation des heures supplémentaires des collaborateurs de

l’équipe ;

- Gestion des absences : planification et accord de congés.

Le département de la gestion administrative et de la paie opère en appui et vérifie que les

obligations légales sont effectivement respectées. Il s’assure que les pratiques mises en place

en agence ne contreviennent pas aux dispositions réglementaires et qu’elles sont en accord avec

les orientations définies par l’établissement.

La direction de la paie n’a pas prévu d’outil de mesure de la réalisation des missions RH par

les managers. Cependant, les sollicitations par les correspondants RH et l’analyse des anomalies

non traitées permettent d’évaluer le niveau de prise en compte du champ par les managers. Par

ailleurs, un rapport d’interface est envoyé mensuellement par la direction générale au

département administratif de chaque région pour dresser un état des écarts. À l’approche de la

clôture des saisies, les responsables de la gestion administrative se mobilisent sur les territoires

Page 182: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

170

pour lesquels le nombre d’anomalies est plus important que prévu pour apporter un soutien

technique. Comme les directions territoriales sont libres de gérer ce champ, il existe une

hétérogénéité dans les modalités du partage de la gestion des temps. Alors que certains

directeurs d’agence préfèrent laisser la gestion du champ aux managers de proximités, d’autres

préfèrent que cette tâche se réalise au niveau de la direction. Par contre, la direction régionale

impose qu’en fin de mois, les validations définitives s’opèrent impérativement au niveau de la

direction territoriale.

222. La formation

Jusqu’à fin 2013, chaque région était autonome concernant la formation qu’elle souhaitait

réaliser. Les chargés de formations étaient également libres de choisir les outils de gestion et

pilotage du processus. Depuis 2014, le champ est directement piloté par la DG qui en définit

les grandes orientations dans le cadre du plan pluriannuel de formation. Ce plan a vocation à

servir le plan stratégique dressé sur le même horizon temporel. Il prévoit que tout salarié doit

recevoir un forfait de 5 jours de formation par an. Parallèlement à cela, les budgets sont passés

d’une gestion régionale à une gestion entièrement centralisée au niveau national. Dans ce cadre,

sont transmis à toutes les directions régionales les axes stratégiques sur lesquels il est prévu que

les agents soient formés et le nombre attendu de personnes formées par module. De plus, il est

attendu que tous les agents et les managers assistent respectivement à 5 et 10 jours de formation

dans l’année. Par la suite, des déclinaisons sont opérées en fonction des besoins spécifiques

régionaux dans le cadre d’un plan prévisionnel local. Les modules proposés tiennent compte

essentiellement des besoins exprimés par le plan national et dans un second temps de ceux des

agences et des salariés. Les responsables de formations indiquent les thématiques souhaitées,

le nombre de stagiaires prévus et les catégories de personnel pour chaque module. Une fois le

plan de formation régional établi, il est soumis à la validation de la direction générale avant le

31 décembre de chaque année. Enfin, cette dernière suit l’avancement du plan par

l’intermédiaire d’indicateurs de réalisation et d’absentéisme.

Structure du département au niveau régional

Historiquement, le département de la formation en région aquitaine était composé de deux

cellules : une cellule chargée de la formation et une autre chargée du développement des

carrières. Depuis 2013, il est subdivisé en deux équipes comportant chacune une direction.

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Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

171

- Le département de formation des agents est composé du directeur chargé de la

supervision de l’équipe, d’un chargé de formation affecté à la mise en place de la

formation pour les agents, d’un pilote du plan de formation (managers et agents).

- Le département de formation des managers est composé d’un directeur chargé de la

supervision de l’équipe, d’un chargé de formation des managers, d’un chargé de l’e-

formation (formation numérique) et de la formation des contrats précaires.

Concernant les intervenants, l’établissement en identifie deux types selon la nature des

formations. Il dispose d’un centre de formation interne dédié qui propose des sessions pour

l’acquisition de connaissances bureautiques. Par ailleurs, il fait appel à des intervenants

extérieurs lorsqu’il s’agit de contenus spécialisés portant sur des actes métiers (management,

gestion de la paie, comptabilité).

Le partage du processus

Une fois les sessions validées par le centre de formation, le responsable de la formation est le

premier acteur à déployer le processus. Il met en place une série d’actions reprises dans un

document support du pilotage :

1. Choix des formations à mettre en place au sein d’un catalogue contenant plusieurs centaines

de modules homologuées et identifiées par des codes. Ces codes varient au fil du temps selon

des remaniements opérés en DG. Lorsque des codes n’existent pas, dans le cas, par exemple,

des formations de Droit Individuel à la Formation (devenu Compte Personnel de Formation),

le pilote doit lui-même créer un code et l’attribuer au module qui sera dispensé. Selon le

parcours du salarié, le chargé de formation doit identifier les modules qui n’ont pas été suivis

afin de compléter le profil du collaborateur. Il doit vérifier que les modules de formations

qui sont proposés dans le plan national correspondent en volume d’heures au plan qu’il a

lui-même défini.

2. Désignation des participants intéressés par les modules retenus. Jusqu’en 2014, le

département formation envoyait un fichier à compléter par les managers afin d’identifier les

formations demandées pour chacun de leurs collaborateurs. Progressivement et sous

l’impulsion de la DRH, cet usage s’est effacé au profit d’une saisie des besoins directement

dans People Soft.

3. Envoi de la proposition du plan prévisionnel local de formation à la direction générale.

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Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

172

4. Validation des plans, identification des animateurs et planification spatiale et temporelle des

formations par la direction générale. L’ensemble de ces opérations donne lieu à la création

de sessions sur le SIRH.

5. Le chargé de formation informe le réseau et des fonctions supports et demande l’inscription

effective des volontaires sur les sessions sur un tableur élaboré par ses soins. Une fois le

tableur renseigné par les managers présents sur site, il est traité par le département formation

qui inscrit finalement les stagiaires aux sessions de formation.

6. Les convocations et informations concernant la formation sont envoyées automatiquement

par le biais du SIRH.

7. Le chargé de formation opère la gestion des absences, la clôture des sessions, l’édition des

documents (convocations, émargement, attestation de présence) sur le SIRH.

8. Analyse : le responsable de formation peut tirer, via des requêtes programmées, des états des

formations mises en place en ayant accès aux historiques des réalisations. Une liste de

requêtes opérables est proposée et il n’est pas possible de modifier les paramètres de la

requête. Si les informations obtenues sont insuffisantes, le pilote de la formation peut utiliser

un autre progiciel : RHi.

9. Le stagiaire reçoit un message du SIRH l’invitant à remplir son évaluation à chaud.

Au cours des principales étapes du déploiement de la formation, trois supports différents sont

utilisés (tableau 3-6)

Tableau 3-6 : Processus de formation

Rang Action Outil Acteur

1 Évaluation des besoins Plan de formation Pilote

2 Choix de la formation

SIRH Pilote

3 Planification (lieu, participants,

animateur) SIRH Pilote

4 Analyse SIRH + Rhi Pilote

Source auteur de la thèse

Historiquement, le processus de formation et le pilotage via le progiciel faisaient l’objet d’une

formation pour tout nouveau collaborateur intégré dans le processus. Les formations ont

progressivement cessé d’être dispensées de manière systématique. Les nouveaux collaborateurs

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Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

173

sont formés de manière locale sur des aspects dont le contenu reste à la discrétion du formateur

avec la perte de la visibilité globale sur le processus.

Sur le plan opérationnel, les directions territoriales encadrent la réalisation du plan de

formation. La formation est l’un des processus les plus dépendants du SIRH. L’outil occupe

une place centrale dans le processus puisqu’il est utilisé de la définition des besoins au pilotage

opérationnel. Or certaines problématiques techniques rendent son utilisation difficile. L’intitulé

des modules et leur indexation dans le catalogue sont parfois erronés ou approximatifs. Ainsi,

plusieurs modules similaires se trouvent associés à des codes différents tandis que des modules

intégrés dans le catalogue font plus partie de l’offre de formation. Or, la gestion et le pilotage

du processus de formation se font essentiellement via le SIRH et par l’utilisation de ces codes

d’identification des modules de formation. Par ailleurs, les modules sont identifiés pour une

catégorie de personnel. Par exemple, les formations de managers ne peuvent être dispensées

qu’à des managers. Depuis le début de l’année 2015, le progiciel a connu des modifications

visant à le rendre plus ergonome et à intégrer la possibilité d’émettre une évaluation directement

après une session de formation. Cette nouvelle fonctionnalité n’est pas pleinement utilisée. Les

utilisateurs ne reçoivent pas l’e-mail prévu afin de leur rappeler la nécessité d’évaluer leur

formation.

Au niveau du pilotage, la DRH ne peut pas utiliser le SIRH pour réaliser son plan de formation

et de développement des compétences local, car la possibilité n’est pas ouverte dans l’outil.

Cela représente un véritable manque dans la gestion stratégique du processus. Pour éviter les

situations problématiques, le plan de formation est saisi en doublon dans le SIRH, mais

également dans un fichier Excel. Même si elle est consommatrice de temps et mobilise l’équipe

formation, cette double saisie permet de s’assurer de la remontée effective des données au

niveau national.

223. Les entretiens professionnels annuels et les entretiens professionnels

L’entretien professionnel annuel (EPA) est un moment durant lequel chaque salarié rencontre

son manager afin de faire un bilan d’étape sur les objectifs fixés et d’aborder l’évolution

professionnelle envisagée. La préparation de cet échange se fait sur la base des informations

présentes dans le SIRH. Il permet d’avoir des précisions sur l’historique de carrière et de

rémunération.

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Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

174

Ce n’est que depuis 2015 que l’entretien professionnel (EP) a été mis en place à ABC. Il a

vocation à aborder le projet professionnel plus global du salarié et notamment ses choix de

réorientation professionnelle à l’extérieur de l’organisation.

Ces deux moments sont cruciaux. Sur l’aspect management, ils permettent de définir les

objectifs, les résultats et le projet du salarié et de renforcer la relation managériale.

Juridiquement, ils revêtent un aspect sensible puisque la manière dont ils se déroulent peut

déboucher sur des contestations et de l’insatisfaction de la part des acteurs, voire des recours

contentieux en cas de conditions non régulières. L’entretien professionnel, particulièrement, est

un support déterminant lors de l’attribution des gratifications professionnelles au moment des

revues de personnel, mais aussi lors du montage du plan de formation local puisqu’il permet le

recueil des besoins. Pour ces raisons, la direction régionale a mis en place des formations

physiques sur les sites lors du déploiement de chaque évolution organisationnelle ou

informatique du progiciel. Il a été prévu également la mise en place d’accompagnements

personnels concernant l’EPA lorsque les managers rencontrent des difficultés récurrentes.

Chaque année, la campagne des entretiens de carrières est ouverte par la DG entre avril et août.

Dès que la campagne est lancée, ce sont les directions régionales qui activent les modules sur

le SIRH ce qui formalise le lancement effectif de l’événement. Dès lors, les managers reçoivent

les formulaires sur leur espace managers et peuvent convoquer informatiquement leurs

collaborateurs pour les entretiens.

Le partage du processus

L’entretien professionnel constitue un champ où le rôle du manager de proximité est

incontournable. La configuration de l’arbre des services permet de mettre en correspondance le

niveau d’habilitation avec les modules du SI. Concernant les entretiens de carrière, la direction

des ressources humaines a décidé d’intégrer l’ensemble des managers dans l’arbre des services

à l’exception des responsables d’équipe. Cette décision de non-inclusion de ces derniers dans

l’arbre des services s’est opérée dans un contexte de contraintes techniques. Le nombre

maximal de niveaux ayant été atteints, la DRH a décidé d’écarter les managers de proximité de

la configuration. Par conséquent, ces derniers n’ont pas accès aux informations relatives au

profil salarial de leurs collaborateurs (formulaires de saisie des entretiens, niveau de

rémunération, niveau de promotion, historique de promotion, données signalétiques). Cela

implique que les informations nécessaires lors des campagnes d’entretiens professionnels sont

communiquées de manière individuelle par un membre du service formation à chaque

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Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

175

responsable d’équipe. En début de campagne, les managers de proximité sont sollicités pour

faire remonter la composition de leur équipe et reçoivent par la suite les informations

nominatives de chaque collaborateur. Dans l’état actuel de sa configuration, le SIRH ne permet

pas de déterminer la composition des équipes et du fait de la contrainte fonctionnelle évoquée

précédemment, il ne permet pas non plus d’identifier les responsables d’équipe au niveau

opérationnel. Ces derniers sont intégrés en tant qu’agents.

224. La gratification du personnel

En matière de gratification, les directions territoriales disposent chacune de l’équivalent de

0,8 % de leur masse salariale pour l’attribution de primes. Elles effectuent par la suite un

arbitrage sur les modalités de distribution selon les entités. Ces éléments de gratifications

apparaissent centraux puisqu’ils sont considérés par les managers comme les rares outils de

motivation dont ils disposent.

Le partage du processus

En agence, les revues de personnel correspondent à un moment durant lequel les équipes locales

de directions abordent le parcours de chacun des agents présents dans l’agence. Une revue des

objectifs fixés et accomplis et du potentiel d’évolution de ce dernier permet d’envisager l’octroi

de primes, de promotions ou d’identification en tant que « potentiel manager ». En général, ces

échanges ont lieu entre la direction d’agence et les managers de proximité. Les décisions qui

sont prises pour chaque manager sont consignées et défendues par la suite lors des comités de

carrière. Ces instances sont des espaces de décisions durant lesquels l’ensemble des directeurs

de sites de la région se retrouvent au siège régional et décident ensemble de l’attribution des

valorisations. Les choix de gratification sont contraints par le montant des budgets alloués

comparativement au personnel éligible, mais également par des paramètres définis par la

convention collective nationale. Un article en particulier détermine qu’un salarié doit obtenir

une promotion au moins tous les trois ans. Dans le cas contraire, la décision de non-promotion

doit être justifiée.

ABC a mis en place un processus nommé « détection des potentiels » permettant d’identifier

les conseillers en capacité d’assurer la fonction de manager. Une fois identifiés comme

« potentiels managers » par leur responsable, les conseillers sont sélectionnés sur la base

d’entretiens qui ont lieu au siège de la direction aquitaine. Pour ce faire, des jurys comprenant

chacun un responsable RH et un manager sont constitués. Cette mixité fonctionnelle vise à

Page 188: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

176

introduire un regarde croisé permettant de déceler chez les conseillers les compétences clés

pour devenir manager de proximité.

Pour autant, la prise de décisions en matière de gratification ou de détection des potentiels est

bridée par le niveau et la qualité de l’information disponible. Les utilisateurs n’ont pas la

possibilité d’obtenir les informations sur l’ensemble des agents qu’ils managent. Ils ne peuvent

les avoir qu’au cas par cas. Ils ont donc tendance à demander au service RH de leur fournir les

informations dont ils ont besoin même si ces dernières sont disponibles sur le SIRH. Cette

carence informationnelle s’explique, d’une part, par les difficultés rencontrées par le groupe

pour intégrer dans le SI les données de l’ensemble de collaborateurs. D’autre part, lors de son

intégration, le SIRH est programmé avec un référentiel métier qui a très rapidement évolué dans

les faits. Par conséquent, le référentiel intégré dans l’outil est très rapidement devenu obsolète.

Le système ne peut donc pas constituer une source d’information fiable pour les prises de

décisions.

225. Le recrutement

Depuis mars 2015, la direction régionale décide de communiquer le document de suivi des

charges et des ressources liées à l’emploi de CDD. Avant l’arrivée du nouveau directeur

régional, le réseau n’avait pas de visibilité sur la manière dont étaient prises les décisions

stratégiques de recrutements. Ces informations étaient considérées comme stratégiques, ce qui

a justifié leur caractère confidentiel.

Une fois que les ressources de chaque territoire sont définies au niveau régional, c’est aux

directions territoriales de les allouer au sein de chaque agence en fonction des besoins et selon

une politique qu’elles définissent elles-mêmes. Comme ces choix se font de manière autonome,

chaque direction territoriale décide de la manière dont elle opère les allocations. Certains

territoires optent pour l’attribution égalitaire des ressources selon les agences. D’autres tablent

sur la définition d’un contingent au niveau local et la mise en réserve d’une partie des ressources

pour les ajustements durant l’année et selon les besoins spécifiques (absentéisme, maladie,

départ, maternité, etc.).

Le partage du processus

La politique de recrutement d’ABC fait l’objet d’une segmentation entre les emplois courts et

les emplois longs. Pour les contrats à durée indéterminée, l’ensemble du processus est assuré

directement au sein de la DR. Ce type de relation d’emploi est considéré comme critique, car

elle engage l’organisation sur le long terme. Pour cette raison, les managers ne sont pas associés

Page 189: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

177

à cette catégorie de recrutement. En ce qui concerne les contrats courts (CDD, contrats aidés),

la DR délègue le processus au niveau local.

Le processus de recrutement est alors différent pour le profil manager et le profil agent.

Concernant le recrutement des agents, les agences pilotent le processus. Elles rédigent la fiche

de poste, communiquent et sélectionnent les profils. Le partage de ce processus avec les

managers est tributaire de la volonté de la direction d’agence. Alors que dans certaines

directions d’agence le choix est fait d’associer les managers depuis la définition du besoin

jusqu’au choix final du collaborateur recruté, dans d’autres, l’implication du manager est

partielle, voire inexistante. Une fois les profils sélectionnés, ils sont proposés au niveau régional

pour une validation par la direction territoriale et la DRH. Concernant la titularisation d’un

conseiller, la validation se fait sur la base d’une appréciation conjointe entre un directeur

d’agence et un manager d’une entité différente à celle de rattachement du conseiller concerné.

Concernant le recrutement des managers, il s’opère par la direction régionale en collaboration

avec les directeurs. Une fois le recrutement effectué, le service de la formation et de la gestion

des carrières assure l’accompagnement et la formation des managers.

Utilisation du SIRH

Les managers disposent d’un module « Bourse Des Emplois » qui permet le recrutement et la

candidature. Ce module est le seul moyen de postuler à un poste donc il est incontournable dans

le processus de mobilité interne. Concernant les recrutements externes, le module met à

disposition des managers une banque de CV parmi lesquels peuvent être sélectionnées les

futures recrues. Il existe également d’autres outils permettant l’identification des candidats, ce

qui rend partiellement incomplet le module BDE.

Les habilitations de People Soft ont été définies de manière précise selon des habilitations

définies au niveau national. La DRH a accès, comme tout autre manager, aux éléments

professionnels relatifs à leurs collaborateurs directement sous leur responsabilité. L’outil ne

propose pas la présentation des CV des candidats. Ces documents sont recensés par la DRH et

redistribués aux parties prenantes du recrutement.

Le module de recrutement est limité à la mobilité interne et ne permet pas de gérer les

candidatures externes. La mise en place d’une fonctionnalité permettant de constituer un vivier

de candidats et de retracer un historique de recrutement est largement attendue par les

spécialistes RH et les managers qui participent au recrutement. Cependant, comme les

Page 190: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

178

embauches externes ne sont pas incluses dans l’offre de service, il n’a jamais été jugé pertinent

de mettre en place de telles fonctionnalités. Ce nouveau besoin émerge de manière croissante

des responsables d’équipe depuis leur association progressive dans le recrutement de leurs

collaborateurs.

226. Les relations sociales

Historiquement, les syndicats ont toujours marqué leur présence dans le paysage de

l’organisation en raison de leur activité. Le dialogue avec les instances représentatives du

personnel est relativement difficile du fait d’une situation d’opposition permanente entre ces

dernières et la direction. Par conséquent, le pilotage du dialogue social se fait au niveau de la

DR. La sollicitation du service des relations sociales concernant les questions des délégués du

personnel est très limitée sur ces points-là alors que les questions sont finalement nombreuses

en instance. En réalité, ces préoccupations comportent une dimension plus stratégique et sont

directement traitées au niveau de la DR.

Partage du processus

La direction DRH est composée d’un département relations sociales qui est centré sur les

aspects administratifs relatifs au dialogue social. Il est composé de trois personnes chargées de

la préparation des dossiers pour les instances telles que le Comité d’Entreprise, le Comité

d’Hygiène et de Sécurité au Travail, et les réunions de Délégués du Personnel. Pour préparer

ces instances, ils sont amenés à collecter l’ensemble des informations pertinentes auprès des

managers de proximité. Des comptes rendus leur sont par la suite transférés afin de les tenir

informés des échanges tenus lors de ces instances.

Concernant les relations sociales, les managers restent relativement en retrait du dialogue social.

Il leur arrive de solliciter le service en cas de doute sur une pratique, mais ils ne sont pas

directement associés au dialogue social. Il existe une certaine appréhension au sein du DRH

concernant la professionnalisation des agents et managers du fait d’une crainte de fuite des

compétences et des informations. Les managers peuvent solliciter le service en cas de situation

particulièrement sensible. Mais de manière générale, ce sont plutôt les responsables des

relations sociales qui réalisent un travail de veille en allant à la rencontre des managers pour

évoquer des difficultés particulières. Dans ce genre de situation, les managers identifient les

interlocuteurs pertinents pour chacune des problématiques rencontrées. Effectivement,

l’organigramme de la DRH et de ses différents services n’est pas clairement identifié par tous

Page 191: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

179

les managers. La résolution des cas difficiles se fait par la constitution d’un réseau virtuel des

experts pour chaque sujet.

23. Le recours au SIRH

L’utilisation du SIRH est limitée au seul module qui permet de gérer les élections

professionnelles et pour lequel les utilisateurs ne rencontrent pas de difficultés particulières.

L’étude comparative de la contribution du SIRH aux différents champs de la GRH montre que,

même s’il est plus efficace dans certains domaines que dans d’autres, il comporte des

dysfonctionnements qui rendent l’expérience d’utilisation défavorable.

D’un point de vue fonctionnel, il aboutit à des résultats peu satisfaisants en matière d’utilité réelle.

Les informations étant incomplètes ou erronées, elles ne peuvent pas être exploitées directement

par les managers. Il est effectivement nécessaire de se référer à une vérification par des personnes

tierces pour s’assurer de la valence de ces dernières. Cette situation amène certains à contourner

l’outil en développant des pratiques alternatives telles que l’utilisation d’une base de données

personnelle, de recours à des outils parallèles (Acces, Excel) ou même la sollicitation systématique

des services RH pour des requêtes particulières. Ces arrangements permettraient de répondre plus

favorablement aux besoins des managers dans leurs activités RH.

Du point de vue de l’ergonomie et de la praticabilité, le SIRH offre des performances peu

plébiscitées et qui dénotent avec ce que les managers peuvent trouver à l’extérieur à l’organisation.

Son apparence visuelle et la manière dont sont organisées les informations dans l’interface suscitent

l’impression qu’il est à la fois peu agréable et peu intuitif. À cela s’ajoutent les problématiques

d’ordre technique qui amènent le système à planter ou à se déconnecter pendant son utilisation.

Lorsque ces dysfonctionnements surviennent de manière répétée sur des processus longs comme

celui de l’EPA, le recours au SIRH devient anxiogène. Pour ces raisons, bon nombre de managers

contournent cet outil dès que possible à l’exception de son usage dans certains champs tels que

l’entretien professionnel ou l’entretien professionnel annuel pour lesquels l’usage du SIRH est

incontournable et donc contrainte.

Or, lors de sa mise en place, People Soft a été proposé comme le nouvel outil central de la GRH.

Bien plus encore, il est instrumentalisé comme le moyen de déployer une nouvelle organisation

basée sur la transversalité et la collaboration interfonctionnelle. Mais en dépit des actions mises

en place pour accompagner les nouvelles orientations tant sur le plan des processus que sur le

plan technologique, les résultats obtenus s’éloignent de ceux qui étaient escomptés initialement.

Des informations informelles circulent quant à la mise en place d’une nouvelle version de

Page 192: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 3 - Section 2. Le cas ABC

180

People Soft prenant en compte les dysfonctionnements rencontrés actuellement et proposant

des fonctionnalités répondant davantage aux processus de travail.

Page 193: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

181

Mode opératoire de l’alignement stratégique dans le partage de

la fonction ressources humaines

Dans une première partie, nous avons mis en évidence les éléments permettant de comprendre

les forces en présence dans le processus de partage de la FRH. Une étude de la littérature

académique a permis d’établir la pertinence du cadre théorique mobilisant les capacités,

motivations et opportunités comme facteurs explicatifs du comportement d’action (Appelbaum

et al., 2000) et particulièrement en contexte de partage de la fonction RH avec les managers

(Boselie et al., 2005 ; Gilbert et al., 2015 ; Trullen et al., 2016). Par la suite, l’étude de certains

travaux a permis de montrer la valence de l’alignement stratégique par sa capacité à expliquer

la performance des choix organisationnels en fonction de leur cohérence (Henderson, John C.

et Venkatraman, 1989). Ce cadre théorique, proposé dans une réflexion initiale pour étudier les

rentabilités des investissements en nouvelles technologies, s’est avéré particulièrement efficace

lorsqu’il a été mobilisé dans d’autres domaines. Dans le cadre de cette recherche, nous

cherchons à comprendre les facteurs explicatifs de la mise en place du partage de la FRH à

travers la cohérence des choix organisationnels. La mobilisation des modèles de l’alignement

stratégique et de l’AMO nous a alors mené à la question suivante :

Comment le désalignement stratégique explique-t-il les faibles capacités, motivations et

opportunités des managers de mise en place du partage de la fonction ressources

humaines ?

Sur le plan empirique, cette recherche a mobilisé l’étude d’un cas, ABC, comme outil de recueil

et d’analyse des données. Les observations alors réalisées ont fait émerger un ensemble de

problématiques inhérentes à l’impact des choix de l’organisation sur l’objectif de partage de la

FRH.

Le chapitre actuel propose une présentation ainsi qu’une discussion des résultats au vu des

travaux académiques de cette phase de collecte et d’analyse des données. Une première section

sera dédiée à l’étude et à l’évaluation empiriques des alignements horizontal et vertical. Dans

un second temps, ces éléments seront discutés et nous proposerons un modèle théorique de

recherche reposant sur l’articulation des modèles de l’alignement stratégique et de l’AMO.

Page 194: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

182

Section 1 - Résultats de la recherche

Le fit stratégique : étude du désalignement entre les objectifs

stratégiques et les infrastructures organisationnelles

Dans ce premier point, il convient d’explorer la manière dont s’opère le fit stratégique. Il s’agira

alors de voir comment les objectifs stratégiques du PFRH (participation aux activités RH et

participation à la prise de décisions RH) et les choix d’infrastructures organisationnelles

(infrastructures administratives, processus de travail et compétences et savoirs) sont opérés

dans une logique de cohérence (figure 4-1).

Figure 4-1 : Étude du fit stratégique

Source : auteur de la thèse

Afin de faciliter le suivi de la présentation des résultats dans les prochains points, le schéma

présenté ci-dessus (figure 4-1) sera repris avec une mise en évidence des éléments étudiés.

11. L’alignement entre objectifs stratégiques et compétences développées

Dans ce premier point, il s’agit d’aborder l’alignement entre les objectifs stratégiques du PFRH

et les compétences et savoirs développés (figure 4-2).

Page 195: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

183

Figure 4-2 : Étude de l’alignement vertical entre compétences et savoirs et objectifs

stratégiques du PFRH

Source : auteur de la thèse

L’accompagnement du PFRH a fait l’objet d’un véritable dispositif tant sur le plan de la

communication que sur celui de la formation. Les actions mises en place pour accompagner le

PFRH ont essentiellement porté sur les aspects techniques de certaines pratiques en particulier.

Sur le plan opérationnel, les dispositifs mis en place par l’organisation pour accompagner les

managers sont reconnus.

Dans ce processus d’accompagnement en compétence, la DRH tente de mettre en place une

analyse des besoins réels exprimés par le terrain pour répondre plus précisément aux attentes.

« Du coup, cette année, lorsqu’on a relancé les entretiens professionnels, on leur a fait la même offre

de services que les autres territoires. Par contre, on a bien intégré qu’eux, ils avaient une longueur

d’avance. Donc pour eux, on n’a pas déployé la même chose. On a déployé des ateliers plus courts, sur

une demi-journée, spécifiquement pour les responsables d’équipe, pas pour les directeurs d’agence et

on a traité spécifiquement l’entretien professionnel. On a donc fait plus court et ensuite, je leur ai

proposé de travailler uniquement les points qui leur posaient question sur les EPA. Mais on voit bien

que ce qu’on a fait l’année dernière avec eux, ça a généré tout un niveau d’acquis qu’on n’avait pas

forcément sur les autres territoires, ce qui fait, que cette année, on n’a sans doute pu aller plus vite et

plus loin », DR09-DRH.

Page 196: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

184

La prise en compte par la DRH des besoins réels permet de rendre l’accompagnement plus

efficace en développant les compétences RH de manière ciblée. Par ailleurs, cela contribue à

renforcer son efficacité perçue auprès des managers.

La formation mise en place couvre un spectre large des compétences de managers. Les

compétences plus globales ayant trait à la posture managériale et la manière dont les nouvelles

responsabilités pouvaient les affecter ont également fait l’objet d’un accompagnement

« La plus-value qu’on pourrait avoir ? Alors les ateliers RH ça biaise ça, c’est-à-dire qu’on a sorti des

EPA, on a enlevé les noms, on a fait des photocopies et on travaille sur un regard croisé : “qu’est-ce

que vous pensez de cette EPA ?” ; “Ah bah il manque tel élément, je trouve que les rubriques sont

redondantes ”. Enfin voilà, pour leur faire prendre conscience de, comment du quanti on passe au

quali. C’est ce que j’ai fait lundi toute la journée. Je leur ai dit ce que c’était un EPA, comment il était

complémentaire de l’EP… ils ont été très sages. 11 managers, 11 directeurs d’agence. Là, je voudrais

quelques fois qu’ils soient un peu plus remontés », DR06-DRH.

La diversité des dispositifs mis en place et leur caractère interactif ont été mis en avant par les

managers de proximité pour souligner l’intérêt de ces outils dans leur montée en compétences.

Toutefois, malgré l’efficacité des dispositifs, ces derniers sont jugés comme étant ponctuels et

spécifiques à un contexte bien particulier. Certains managers soulignent que l’absence d’une

politique globale de développement et de renforcement des compétences managériales

empêche la progression des managers et notamment ceux qui sont situés à des niveaux

supérieurs tels que les directeurs territoriaux. Ces derniers semblent laissés pour compte des

politiques de développement de compétences mises en place.

« Moi je me dis, souvent : “Mais c’est incroyable, on est dans une boutique où plus on grimpe dans le

management et puis on se considère hors-champs de tout le système de contrôle et de développement”.

C’est une connerie. Une connerie monumentale. Imaginez que tous mes RE progressent, tous mes

responsables d’équipe progressent fond et forme, que tous les directeurs progressent fond et forme et

que moi je reste toujours au même stade. Alors peut-être que j’étais en avance sur eux il y a deux trois

ans, et que je pouvais me permettre de leur donner des leçons puis maintenant ça se trouve je suis

complètement à la ramasse. Donc moi j’étais demandeur que ce même travail soit réalisé par les RH

en analysant 3, 4 entretiens de chefs de territoire. Il y a des moments aussi, on besoin de réinterroger

nos pratiques. Moi j’entends des personnes qui nous disent la même chose depuis 10 ans tout le temps.

Pourtant les choses ont évolué ont bougé, mais ils ne se réinterrogent jamais, ils ne se questionnent

pas, ils ne se remettent pas en cause. En management, il faut avoir des certitudes, mais des certitudes

éclairées par une remise en cause préalable quoi », DT05-Direction territoriale.

Page 197: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

185

De plus, sur le champ de la GRH, des singularités émergent et font tout de même état d’un

accompagnement incomplet. Pour des champs nouveaux ou particulièrement sensibles, la

formation des managers est un élément central du processus de partage. C’est le cas pour

l’entretien professionnel dont l’objectif est d’aborder l’orientation professionnelle des

collaborateurs et qui est une mission nouvellement partagée avec les managers.

« Est-ce que nous sommes accompagnés sur l’entretien professionnel annuel et l’entretien

professionnel ? Oui. Après peut-être pas assez en profondeur, sur l’entretien professionnel notamment.

Parce qu’on touche au conseil en évolution professionnelle, donc là on ne s’estime pas assez outillés

», MA018-Manager de proximité.

La friction qui émerge de la perspective de ces deux résultats peut trouver des explications

diverses : une hétérogénéité dans l’accompagnement proposé aux différents managers, des

problématiques plus globales et qui empêchent l’instauration de relations interpersonnelles

saines. Quoi que puissent être les causes de ce décalage, la mise en place d’une évaluation a

posteriori des effets des dispositifs d’accompagnement serait susceptible d’en limiter

l’ampleur.

Le dispositif d’accompagnement du groupe ABC prévoit la mise en place d’interlocuteurs sur

le terrain afin de favoriser le transfert d’informations, tant ascendantes que descendantes, entre

la base opérationnelle et la DRH. Cette fonction d’intermédiation n’est pas clairement

identifiée dans l’organigramme de l’organisation. Soit elle prend la forme d’une ressource à

part entière à travers la fonction de correspondant RH, soit elle est incluse parmi d’autres

responsabilités du chargé de mission. Ces deux types d’interlocuteurs ont pour principale

mission d’assurer le relai pour désengorger les services de la DRH et de fournir un premier

support aux managers. Or, cette mission est entravée par l’accès insuffisant à l’information RH

nécessaire et le manque de professionnalisation des personnes.

« Les grandes orientations RH d’ABC actuellement, c’est très vaste comme question… Moi je vois plus

par le petit bout de la lorgnette. C’est vrai que les grandes orientations maintenant ça me passe un peu

à côté. Autant, quand j’étais directeur d’agence, ce sont des choses que j’intégrais, maintenant, il y a

une énorme différence au niveau de l’accès à l’information. C’est-à-dire que quand on est manager, on

a accès à l’espace manager de l’intranet et quand on ne l’est pas, et bien, on ne l’a pas ; y compris sur

la fonction RH. Il y a des trucs dont j’aurais besoin, si c’est dans l’espace manager je n’ai pas. Donc

les grandes orientations tout ça j’avoue que je ne m’y intéresse plus trop. Je vous ai dit, maintenant je

suis sur des trucs très opérationnels, très concrets. Les orientations n’ont aucune incidence sur mon

Page 198: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

186

travail. Du coup, je m’y intéresse moyen. Donc les orientations RH je ne les connais pas vraiment. Ça

ne m’intéresse pas parce que je ne peux rien en faire », DT007-Correspondant RH.

L’absence de correspondance entre les besoins métiers de ces correspondants RH et leurs

missions RH crée des situations où ils ne sont pas en mesure de développer leur rôle. Bien

conscients de cette dissonance, les collaborateurs, frustrés, viennent à se désintéresser de leurs

activités et limitent leur implication. Le groupe se retrouve alors à employer des collaborateurs

qui ne peuvent assurer leurs missions. Cette situation, bien que spécifique à la position du

correspondant RH, montre comment un désalignement entre objectifs et moyens mis en œuvre

peut créer des conséquences en matière de motivation, mais aussi des implications directes sur

les retours sur investissements. Les correspondants RH et les chargés de mission sont déployés

pour accompagner les managers dans leurs responsabilités RH, mais dans les faits ces derniers

sont amenés à recourir directement à l’appui des RH pour avoir un soutien fiable.

Ces résultats mettent donc en évidence des besoins de compétences qui sont partiellement

satisfaits. Il apparait que le niveau de formation et d’accompagnement mis en place participe

au développement de capacités de GRH. Certains éléments mènent toutefois à la conclusion

que le développement des compétences ne semble pas s’effectuer de manière efficace au vu de

l’objectif de participation universelle des managers dans les activités RH. D’une part, une

analyse géographique montre des disparités sur l’appropriation des savoirs en matière de GRH.

Ce résultat s’explique d’abord par le fait que les formations tendent à être proposées d’une

manière homogène par la DRH, ce qui exclut la prise en compte des besoins individuels ou

géographiques dans la montée en compétences. De plus, l’existence d’une structure

décentralisée d’accompagnement par la mise en place de chargés de mission ou de

correspondants RH s’accompagne souvent par une fuite de contrôle sur le soutien apporté aux

managers. D’autre part, il apparait que certains champs sont particulièrement sensibles et

pourraient demander un renforcement des compétences ou une approche d’accompagnement

différenciée. C’est le cas de l’entretien individuel qui est un champ nouveau. Son déploiement

dans le cadre des responsabilités des managers nécessite la maîtrise de compétences spécifiques

liées à l’analyse du projet professionnel et au conseil en orientation professionnelle. Les

difficultés rencontrées par les managers concernent tant le processus de participation aux

activités (par le déploiement de pratiques jugées correctes du point de vue de l’organisation)

que la sphère de la prise de décisions. Effectivement, certains champs sont assortis de

contraintes qui les rendent particulièrement techniques et nécessitent un niveau de

connaissance rarement détenu par les managers. C’est le cas des champs de la promotion et de

Page 199: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

187

la gestion des temps qui demandent une connaissance des lois et textes réglementaires

statutaires des deux populations. Le développement incomplet de leurs connaissances sur cet

aspect les amène à ajourner leurs décisions ou à solliciter l’avis de pairs et spécialistes RH pour

éviter les décisions problématiques.

Ces observations mettent en évidence que la prise en compte approximative des besoins réels

des managers mène la DRH à développer des pratiques d’accompagnement qui ne leur

permettent de ne répondre que partiellement à l’objectif de PFRH. Ceci aboutit alors à une

difficulté pour les managers de participer aux champs RH prévus dans le cadre de leur mandat.

Il faut toutefois noter que ces dysfonctionnements en matière de développement de

compétences semblent générer des effets amoindris sur la participation effective des managers

sur certains champs. Une explication pourrait alors être avancée : le développement de

pratiques permettant de compenser ces lacunes. À ce titre, il est possible de mentionner le

soutien des experts RH qui comblent les difficultés rencontrées par les managers en proposant

un service d’assistance réactif. Cela pourrait alors constituer un effet de compensation de

l’alignement stratégique par lequel l’organisation comblerait des lacunes par la mise en place

de pratiques correctives. Les désalignements entre les compétences et savoirs et les objectifs

de PFRH semblent alors affecter les capacités. Ces résultats sont présentés dans le tableau 4-1.

Tableau 4-1 : Agrégation des résultats d’alignement entre les compétences et savoirs et les

objectifs du PFRH

Domaine interne

Domaine externe

Niveau de désalignement

Effet sur l’AMO

Compétences

et savoirs

Transfert de

responsabilités Fort

Le manque de prise en compte des

besoins spécifiques des champs et des

individus rend le niveau de capacités

hétérogènes (Capacités)

Compétences

et savoirs

Prise de

décisions Médian

Le manque d’accompagnement

influence les capacités de prises de

décision sur les champs promotion et

gestion des temps (Capacités)

Source : auteur de la thèse

Page 200: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

188

12. L’alignement stratégique entre objectifs stratégiques et infrastructures

mises en place

Cette partie vise à mettre en évidence les mécanismes interférant dans l’alignement entre les

infrastructures organisationnelles et les objectifs du PFRH (voir figure 4-3). Il s’agit alors de

s’intéresser à l’alignement des objectifs avec les choix de conditions matérielles et avec les

choix de valorisation et de contrôle.

Figure 4-3 : Étude de l’alignement vertical entre infrastructures organisationnelles et

objectifs stratégiques du PFRH

Source : auteur de la thèse

Lors de sa mise en place, le PFRH a fait l’objet d’une production de règles et de procédures

sous différentes formes. L’objectif de cet effort de formalisation repose sur la volonté de définir

un cadre délimitant l’action de certains collaborateurs et de prémunir l’organisation contre des

comportements déviants potentiellement préjudiciables.

« Je pense qu’on est vraiment dans la ligne du national, excepté en matière de gestion des temps où le

national n’autorise pas la déconcentration jusqu’au niveau des managers, et c’est pour ça que nous,

on a fait une charte. Parce que l’outil ne nous permettant pas de déconcentrer, on a fait une charte, en

fait, pour garantir la fiabilité des informations et le respect des règles », DR006-DRH.

L’absence de mise en place d’une structure formelle visait alors à laisser émerger les pratiques

directement des acteurs et à la volonté de dissocier le PFRH d’une orientation imposée. Mais

Page 201: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

189

certaines observations mettent en évidence des fuites de contrôles sur les objectifs initialement

fixés. Effectivement, il apparait des configurations où le partage ne se matérialise pas de la

même façon dans toutes les agences.

« Le partage de la fonction est un processus trop intuitif et non suffisamment organisé. En fait, notre

compétence s’arrête là où commence celle de l’échelon supérieur. Mais cette compétence n’est pas

écrite, n’est pas décrite, elle est compliquée à décrire », DA008-Direction d’agence.

D’autre part, il apparait que la formalisation peut être vue comme un outil de développement

du PFRH sur le court terme. Il semblerait toutefois qu’à long terme elle peut générer des

résultats contreproductifs. En effet, certains managers évoquent la volonté de contrôle et la

présence trop importante des spécialistes RH dans le développement opérationnel des

pratiques, tant et si bien que les managers ont l’impression qu’on ne leur fait pas confiance ou

que l’on veut limiter leurs marges de liberté.

Par ailleurs, il apparait que la spécificité des contextes professionnels n’a pas été suffisamment

prise en compte dans les choix organisationnels. En matière de formalisation, les observations

mettent en évidence des besoins hétérogènes selon les agences et au sein des agences.

« Personne ne s’est aperçu réellement de quoi que ce soit. Comme c’était un processus évolutif, les

gens n’ont pas forcément pris conscience de tout ça. Alors, comment dire ? Certains le vivent mieux

donc naturellement ils ont pris. Ils sont rentrés dans les prérogatives. D’autres se cachent encore dans

un petit coin, à attendre qu’on leur envoie ce fameux règlement », MA004-Manager de proximité.

Ces résultats montrent, d’une part, que la formalisation constitue une protection pour certains

collaborateurs et que le développement insuffisant de cette dernière influence l’attitude vis-à-

vis des pratiques RH. D’autre part, il apparait que le niveau de formalisation est contingent au

contexte professionnel et nécessite d’être adapté. Cependant, les rigidités structurelles et la

forte centralisation des processus et décisions qui ont été présentées précédemment limitent les

possibilités d’adaptations locales du niveau de formalisation.

Les résultats mettent alors en évidence l’effet de l’inadéquation du niveau de formalisation sur

les opportunités de partager la fonction. Ce décalage participerait à produire des configurations

où les acteurs sont livrés à eux-mêmes. Une formalisation inadaptée agit de deux manières sur

l’opportunité. D’une part, elle renforce la réticence de quelques managers de prendre

concernant la prise de décisions jugées sensibles ou risquées. Dans ce cas, le recours à la DRH

est privilégié pour régler certaines problématiques.

Page 202: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

190

D’autre part, elle agit sur la standardisation des pratiques à mettre en place dans les entités.

Une formalisation inadaptée contribuerait à laisser certains acteurs prendre des décisions

arbitraires et parfois opportunes. Ces comportements qui sont en contradiction avec l’objectif

d’impliquer l’ensemble des managers dans les activités et décisions RH peuvent avoir des

sources diverses : la volonté des hiérarchiques de préserver des managers manquant de temps

d’activités chronophages ; le souhait de les protéger de certains processus qui les exposent d’un

point de vue relationnel ; mais aussi la volonté de conserver certaines activités jugées

gratifiantes et conférant un pouvoir d’influence en matière de GRH.

« On avait un fascicule qui s’appelait Repères Managériaux et dans le cadre de la charte qualité on a

donné des périmètres d’action à chacun, voilà. Moi, j’ai un directeur adjoint. Ensemble, nous nous

partageons la fonction RH suprême c’est-à-dire la validation des décisions de promotion, le pouvoir

disciplinaire. Ensuite, les RE (responsables d’équipe) eux, la gestion des congés, c’est eux qui l’ont, le

logiciel c’est eux qui le gère quoi », DA001-Direction d’agence.

Cet extrait comporte deux éléments marquants. Le premier est l’utilisation de l’adjectif

« suprême » qui semble renvoyer à des connotations subjectives concernant les différents

champs de la fonction. Certains seraient plus attrayants que d’autres. Par ailleurs, il apparait

que les choix de découpages s’opèrent de manière arbitraire et en considèrent un clivage entre

la fonction de direction « nous » et le reste des équipes « ensuite les RE ».

Ce manque de formalisation se caractérise ainsi par une hétérogénéité des pratiques selon les

sites. Dans certains cas, les managers sont partiellement associés dans les processus :

Aujourd’hui, ça dépend effectivement de notre responsabilité de proposer l’augmentation de tel ou tel

collaborateur. Donc là, effectivement c’est la déconcentration, sur certains sujets qui nous ont permis

effectivement d’être plus impliqués sur les décisions de nos propres collaborateurs. Voilà après en

matière de recrutement moi, à mon niveau bah c’est pas moi qui décide, là c’est au niveau du directeur

ou de la directrice d’agence qui décide. Mais voilà, la déconcentration pour un responsable d’équipe,

c’est effectivement le fait d’être acteur sur la promotion de ses conseillers », MA002-Manager de

proximité.

Cette situation entraine la mise en place d’organisations dans lesquelles les managers semblent

subir le PFRH plus qu’ils n’en sont acteurs.

« Moi, les conseillers ils arrivent dans mon équipe, point barre. Mon travail consiste à faire avec ce

que j’ai. Mon directeur d’agence a décidé que l’ensemble des recrutements devraient être pilotés par

Page 203: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

191

sa personne. À vrai dire, il n’y a rien de bien précis qui stipule le contraire », MA001-Manager de

proximité.

De ce fait, la mise en accord du niveau de formalisation avec la réalité des agences permettrait

de donner un socle aux processus en en constituant un élément de structuration. Or, la tendance

de l’organisation à générer des règles et procédures de manière standard et centralisée rend ces

adaptations difficilement réalisables. Parfois, le niveau de formalisation est trop important pour

pouvoir mobiliser les acteurs alors que dans certaines entités il est insuffisant pour contrer des

comportements déviants compte tenu des objectifs qui ont été fixés (tableau 4-2).

Tableau 4-2 : Effets du désalignement entre niveau de formalisation et objectifs stratégiques

sur l’AMO

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Niveau de

formalisation

Participation

aux activités

RH

Médian

La formalisation est un processus

nécessitant une étude des besoins locaux.

Le manque d’alignement entre ces

derniers et les pratiques mises en place

rendent la participation effective des

managers difficile (Opportunité)

Niveau de

formalisation

Participation à

la prise de

décisions RH

Fort

Le niveau de formalisation intervient à

travers un aspect protecteur de la prise de

décisions. Le manque de développement

de la formalisation tend à réduire la

propension des managers à prendre des

décisions (Opportunité)

Source : auteur de la thèse

121. L’alignement des objectifs stratégiques et des conditions matérielles

L’élargissement de la FRH sur le plan opérationnel s’est d’abord fait auprès des directeurs

d’agence pour permettre leur adhésion et disposer de relais dans la généralisation de

l’orientation auprès des managers de proximité. Le PFRH est une orientation qui est apparue

comme tout à fait naturelle et cohérente dans le cadre des attributions managériales. Les

nouvelles responsabilités RH sont même parfois identifiées comme des éléments

indispensables à la fonction de responsable d’équipe :

« Ces nouvelles responsabilités sont indissociables. On ne peut pas être directeur sans avoir un

minimum de délégation sur le plan des ressources humaines. Les primes, les promotions, une partie des

recrutements, participer aux recrutements, la gestion d’enveloppes CDD, des emplois, des postes, les

Page 204: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

192

entretiens professionnels, voilà. On ne peut pas si on n’a pas ça, c’est le minimum, c’est le minimum

syndical pour moi. Si on n’a pas ça, on ne peut pas être en exercice de responsabilités », DT001-

Direction d’agence.

Mais si l’attribution des nouvelles responsabilités apparait comme renforçant les leviers de

management et l’approche globale, l’efficacité du processus semble modérée par la capacité de

l’organisation à mettre en place un équilibre entre les fonctions managériales et RH.

« Après, c’est plus simple d’avoir à justifier de son action quand on a aussi d’autres marges de

manœuvre et une capacité à prendre des décisions qui sont importantes, notamment sur des volets RH.

On va décider, donner un avis sur qui on recrute. Donc voilà. Pour le coup, c’est important d’avoir une

approche en termes de compétences utiles ou pas sur le site, sur le potentiel des personnes aussi. Donc

voilà. Sur la question des promotions vous imaginez bien que ce sont des sujets un peu sensibles en

interne avec l’équipe. Quand il y a des promus et non promus, ce sont des situations qui prêtent toujours

à discussion. Il ne peut pas y avoir que des promus donc forcément on a des ratios entre guillemets, des

enveloppes à respecter et du coup, c’était important de les associer de plus en plus pour avoir le bon

équilibre entre responsabilités. C’est là aussi un discours qu’on entend depuis quelques semaines,

quelques mois, d’avoir le bon équilibre entre responsabilités opérationnelles, les résultats de site et les

responsabilités sociales finalement, et les RH que je grefferais aussi là-dessus finalement. Donc, c’est

donner le bon équilibre. Donc, pour moi, l’enjeu c’était de trouver le bon équilibre entre la

responsabilité opérationnelle et la responsabilité plutôt versant social et notamment la question des

ressources humaines », DA004-Direction d’agence.

Cette observation laisse apparaitre une opposition entre le champ opérationnel correspondant

aux actes de management en lien avec la gestion d’équipe et un champ moins opérationnel qui

serait essentiellement composé des activités RH. Même si les effets de complémentarité et de

synergie sont mis en avant pour caractériser les relations entre les deux fonctions, certains

acteurs tendent à maintenir une représentation de champs cloisonnés et insolubles. Cette

perception est renforcée par le constat que les ressources ne sont pas suffisamment mobilisées

pour déployer leurs nouvelles attributions. Dans cette situation, les managers se retrouvent dans

une position où ils ne peuvent pas mettre en place les actions prévues dans leur mandat. Cela

pourrait s’expliquer par l’insuffisance des ressources financières déployées. La gestion des

carrières est un champ particulièrement concerné par cette problématique. Les managers sont

censés rétribuer le travail de leurs collaborateurs par des primes ou des propositions de

promotion. Mais dans certains cas, l’arsenal est tout simplement insuffisant, que ce soit pour

récompenser ou pour sanctionner des comportements déviants :

Page 205: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

193

Alors, comment dire ça ? Chez ABC, on n’a ni la carotte ni le fouet. On n’a pas de moyen en fait. On

n’a pas les moyens. Sans se leurrer, on ne peut pas spécialement récompenser les gens parce qu’on a

un budget qui est donné pour les promotions. Pour moi, ce qui est vraiment le plus frustrant c’est de ne

pas pouvoir récompenser les gens qui méritent réellement, les gens qui méritent. Quand je dis le bâton,

on sait très bien que lorsqu’on fait remonter, à ABC on est sur du climat social. Ma foi, le climat social

à quel prix, quoi ? C’est beaucoup dans la culture ABC. Deux cultures qui sont différentes et qui se

sont associées. Moi je viens d’une culture voilà si on ne faisait pas l’affaire, voilà quoi. Après le

militaire, j’ai travaillé dans d’autres boites qu’ABC, en tant que responsable, je veux dire voilà,

quelqu’un qui ne faisait pas l’affaire dans une boite, là du coup on est un peu obligés de le garder quoi.

C’est complexe, on va dire », MA007-Direction d’agence.

Des observations mettent en évidence l’existence de moyens, mais leur nature ne permettrait

pas de répondre aux besoins métiers. En matière de gratification, par exemple, il apparait que

d’autres spécificités participent à contraindre le processus. C’est le cas de la classification des

métiers qui contraint les possibilités d’évolution du fait de son obsolescence.

« Je ne sais pas pourquoi ça a été décidé comme ça. Après, il y en a ils ne bougent pas. Ils arrivent à

230, qu’est-ce qu’on peut leur proposer comme levier pour les faire avancer ? À un moment donné,

c’est pour ça que la nouvelle classification va peut-être permettre un allongement des carrières parce

que quelqu’un qui a avancé et qui arrive au bout, peut-être que c’est pas facile de lui dire… Bon à part

changer de fonction, comment il peut évoluer ? Comment il peut avancer et espérer quelque chose ?

Comment il peut espérer progresser quand il lui reste des années à faire ? Ça c’est pas correcte. Surtout

que chez nous les marges ne sont pas énormes en termes de salaires », MA005-Manager de proximité.

Outre le fait que les rigidités structurelles constituent une contrainte, il semble que les moyens

mis en place par l’organisation pour définir des outils alternatifs de gratification ne sont pas

satisfaisants. Cela limite la possibilité de développer correctement les pratiques, mais aussi de

prendre les décisions dans certains champs.

Pour surpasser ces difficultés matérielles, certaines initiatives sont impulsées de manière locale.

Elles consistent à développer une réflexion sur les moyens subsidiaires qui permettraient de

répondre plus favorablement à la réalité des performances individuelles.

« Aujourd’hui, chaque DT a une somme allouée pour les promotions. Environ 0,8 % de la masse

salariale est donné par la DR, la DT fait ensuite un arbitrage. C’est de plus en plus frustrant parce que

les RE voudraient valoriser davantage les conseillers qui le méritent. Le nombre de gens

potentiellement gratifiables est bien supérieur au volume attribué. On travaille sur d’autres types de

gratifications comme par exemple attribuer un projet. Les primes ont bien été déconcentrées. La DR

Page 206: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

194

nous donne le volume et les agences font remonter les élus, mais il faudrait plus de moyens », DT002-

Direction territoriale.

Confrontés à des impasses, les acteurs de terrains sont amenés à développer des attitudes

proactives. Le retrait de la DRH dans l’impulsion et l’accompagnement de ce type de bonnes

pratiques pourraient alors s’interpréter comme la non-prise en compte de ces frictions au niveau

opérationnel. Elle peut également être perçue comme une volonté des spécialistes RH de laisser

émerger des solutions directement des acteurs concernés. En tout état de cause, l’absence de

communication à ce sujet rend la situation équivoque et potentiellement source de frustrations

pour les managers.

En ce qui concerne les conditions matérielles, le temps disponible pour s’adonner à des activités

de GRH semble également influencer la situation des acteurs. Il apparait comme une contrainte

à la mise en place effective de certains processus. Plus particulièrement, le temps nécessaire à

la préparation et l’organisation des activités n’est pas forcément visible et contribue à réduire

l’expérience RH des managers.

« L’entretien nous prend du temps, mais c’est tout bénéfice. Tout ce qui a en amont de cette préparation,

de cette planification c’est du boulot. Et ça ça compte pas, c’est pas que ça compte pas c’est que ça fait

en gros, pour l’agence 14 demi-journées pour chacun de nous, mais ça ne représente pas 14 demi-

journées quoi. C’est beaucoup plus et après c’est… Enfin, on est souvent sur le planning, mais enfin…

C’est vraiment… Ce qui est chronophage c’est plus la gestion de l’organisation de l’EPA, pas l’EPA

en lui-même parce que l’EPA, c’est tout bénéfice quoi », MA004-Manager de proximité.

Cette observation met en évidence une perception d’inefficience du fonctionnement de la FRH

et notamment un manque de soutien des services de la DRH dans l’organisation et la

planification de l’activité. Pour autant, ce qui semble davantage susciter l’insatisfaction tient

surtout au manque de reconnaissance de ce travail accompli par les managers pour préparer les

activités. Ainsi, le désalignement ente temps alloué et objectifs à atteindre génère le sentiment

que les spécialistes ne sont pas suffisamment conscients des besoins réels pour assurer

convenablement leurs tâches. Cela semble alors générer une déception qui est renforcée par

l’absence de reconnaissance, en aval, de l’investissement réalisé par les managers.

« Dans une logique protectrice, certains managers au niveau territorial ou local mettent en place des

ajustements qui peuvent être en contradiction avec l’implication des managers en matière de GRH. Ces

initiatives sont favorisées par la volonté de la DRH de laisser les acteurs s’emparer eux-mêmes de la

mise en œuvre du partage de la FRH. La fonction RH c’est aussi gestion des temps, c’est Horoquartz.

Page 207: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

195

C’est à la fois important et ça peut occasionner des tensions, c’est le nerf de la guerre quoi, mais c’est

chronophage. Le RE met en place la stratégie d’ABC. On essaie de dégager les RE des tâches

chronophages. Ils ont beaucoup de sollicitations par rapport à la gestion des temps. Par exemple, j’ai

une directrice d’agence, pour travailler sereinement sur une problématique de production, il faut

qu’elle ne soit pas embêtée toutes les 10 minutes par la gestion des temps. Dans notre DT, on a une

chargée de mission gestion des temps », DT002-Direction territoriale.

Les différences de pratiques seraient alors d’autant plus importantes que les réflexions sur les

problématiques d’équilibre des fonctions semblent avoir été relativisées par la DRH et que les

espaces d’échanges de pratiques semblent rares.

Ces résultats mettent en évidence les effets du désalignement entre les objectifs du PFRH et les

moyens matériels mis en place. Ce décalage génère l’incapacité des responsables d’équipe

d’assurer convenablement certaines de leurs prérogatives RH (Opportunité). Mais cette

problématique d’ordre matériel est renforcée par les frustrations et les déceptions nées du

décalage entre les effets annoncés du PFRH et l’investissement de l’organisation (Motivation).

Ces résultats sont présentés dans le tableau 4-3.

Tableau 4-3 : Effets du désalignement entre les conditions matérielles et la participation aux

activités RH sur l’AMO

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Conditions

matérielles

Participation

aux activités

RH

Faible

Les dotations financières et le temps

alloués rendent certains processus sous-

optimaux ce qui génère des difficultés à

les mettre en œuvre (Opportunité) et des

frustrations (Motivation)

Source : auteur de la thèse

122. L’alignement des objectifs stratégiques et du processus de

valorisation du partage de la fonction ressources humaines

La valorisation du PFRH semble passer par une reconnaissance de l’orientation comme axe

important auprès des services RH. Cela parait à la fois reposer sur l’intégration des missions

RH dans le champ de l’évaluation managériale, mais aussi par la mise en place d’un suivi du

succès de partage.

Page 208: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

196

Concernant son intégration dans le champ de l’évaluation des managers, les résultats montrent

que les objectifs fixés dans le cadre du PFRH ne sont pas intégrés dans le processus

d’évaluation des managers.

« On n’a pas d’objectifs à atteindre au niveau des RH. La seule chose qu’on a à faire en ce moment ce

sont des entretiens annuels d’activités, ce qui est une obligation. On est obligés de sonder tous nos

conseillers avant le 31 août. Après on n’a pas d’objectifs particuliers. On doit aussi avoir en charge

tout ce qui est programme de formation pour nos conseillers. Donc tout ce qui est formation à faire tout

au long de l’année. Et on nous oblige, on nous demande aussi de nous occuper des demandes de congés.

Donc c’est un serveur informatique sur lequel nous sommes amenés à travailler régulièrement pour

accepter des congés, des absences, valider tout ça », MA001-Manager de proximité.

Les observations mettent en évidence une orientation mise en place sous le prisme de

l’obligation et étant peu l’objet de mesures incitatives. En particulier, l’absence d’évaluation

des managers sur les pratiques RH ne permet que difficilement de reconnaitre la qualité et la

quantité de travail réalisé par les managers en matière de GRH. Plus globalement, cela

complique la mesure de l’efficacité du PFRH. Mais la question de l’évaluation, lorsqu’elle est

évoquée, est directement associée par les managers à une pratique négative visant à surveiller

encore davantage leurs faits et gestes.

« Je n’ai pas réellement confiance en la manière dont nous pourrions être évalués vu ce qui se passe.

Je demande à voir. À ce moment-là, je pense que si on doit être évalués, on devra être évalués à tous

les niveaux pour que tout le monde puisse voir qu’elle est sa participation », MA005-Manager de

proximité.

La réticence préalable dont font preuve certains managers s’explique par un manque de

confiance envers la DRH. La légitimité de la direction est ébranlée par son incapacité à rendre

compte sur ses pratiques autant qu’elle en demande aux managers. Cette asymétrie dans le

niveau d’exigence et le manque de transparence dans le fonctionnement de la DRH semblent

renforcer un sentiment d’iniquité des responsables d’équipe.

L’absence d’intégration du champ de la FRH dans la fonction managériale contribue par

ailleurs à fragiliser sa représentation comme une fonction à part entière dans le management

d’équipe. Elle devient une notion dissoute et greffée à des responsabilités déjà déployées. Ce

phénomène contribue à une identification difficile de ce qui relève de la FRH et une situation

où les objectifs et priorités des orientations RH ne font pas consensus sur un plan horizontal

entre les collaborateurs à un même niveau fonctionnel.

Page 209: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

197

Concernant les moyens mis en place pour évaluer le PFRH, il apparait que le manque

d’indicateurs ne permet pas de mesurer l’importance du phénomène. Cela s’explique en partie

par l’absence de définition d’objectifs clairs et précis en ce qui concerne le partage de la

fonction. Pour autant, il ne s’agit pas de la seule explication puisque dans les faits, l’évaluation

ne semble pas être une pratique centrale dans la conduite de nouveaux projets.

« On évalue davantage la production. Un bon manager, c’est celui qui produit les résultats attendus en

premier… donc c’est bien, hein, mais sur la manière de produire les résultats c’est une évaluation qui

est plus intuitive que formalisée. Bon, s’il n’y a pas de questions de délégués du personnel, s’il n’y a

pas de problèmes, que les résultats sont au rendez-vous… on va approfondir ces aspects-là. Je pense

que si les résultats sont bons… Les premiers critères d’alerte se sont effectivement des résultats ou des

pétitions de collectifs ou des trucs comme ça. On traite plus qu’on anticipe en fait », DR004-DRH.

Le processus d’évaluation et de contrôle est donc davantage basé sur la réaction que sur la

prévision. Cette absence de contrôle a posteriori permettrait alors d’expliquer, pour partie, la

multiplication de pratiques hétérogènes entre les pratiques et entre les différentes agences, mais

aussi une difficulté de pilotage au niveau opérationnel.

« Des outils qui ont été mis en place ? Bah, il y a toutes les études sur la déconcentration et puis le

baromètre social. Bon ça, on voit bien que sur les territoires ou la délégation est moins bien menée ou

sur des périodes où la délégation subit quelques entorses on a le contre coup sur le baromètre social,

sur les enquêtes de déconcentration. Mais ce n’est pas décliné au niveau de mon territoire. Pour le

moment, c’est aux niveaux national et régional. Donc moi, pour le moment, il n’y a pas d’outils, le

feeling. Je sais quand je le perds. Là, sur cette décision, j’ai vu que je les perdais. Je les ai perdus.

Donc y‘en a un qui m’a interpelée donc j’en ai profité pour lui expliquer, mais bon, c’est vraiment du

feeling », DT001-Direction territoriale.

Les résultats montrent alors que le manque d’intégration du partage de la FRH dans les priorités

de l’organisation à travers un dispositif formel d’évaluation des objectifs et de contrôle pourrait

expliquer le manque d’envie des managers de s’impliquer dans leurs responsabilités RH

(motivation). Cela pourrait également constituer un fondement à la mise en place de pratiques

hétérogènes au sein des unités (tableau 4-4).

Page 210: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

198

Tableau 4-4 : Effets du désalignement entre valorisation du PFRH et objectifs stratégiques

du PFRH sur l’AMO

Domaine interne Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Valorisation du

partage de la

FRH

Participation

aux activités

RH

Fort

Le manque de valorisation du partage de la

FRH et la tentation des managers de mettre

en place des priorités dans leurs missions

tendent à leur faire relativiser l’importance

de s’impliquer dans les activités RH

(motivation)

Source : auteur de la thèse

Ces résultats montrent finalement que les alignements entre les différentes infrastructures

organisationnelles et les objectifs du PFRH s’opèrent différemment. L’ensemble des

observations présentées précédemment est synthétisé dans le tableau 4-5 suivant.

Page 211: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

199

Tableau 4-5 : Synthèse des résultats de l’alignement des infrastructures organisationnelles

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Conditions

matérielles

Participation

aux activités

RH

Fort

Les dotations financières et le temps alloués

rendent certains processus sous-optimaux, ce

qui génère des difficultés à les mettre en

œuvre (Opportunité) et des frustrations

(Motivation)

Niveau de

formalisation

Participation

aux activités

RH

Médian

La formalisation est un processus nécessitant

une étude des besoins locaux. Le manque

d’alignement entre ces derniers et les

pratiques mises en place freinent la

participation effective des managers

(Opportunité)

Valorisation du

partage de la

FRH

Participation

aux activités

RH

Fort

Le manque de valorisation du PFRH et la

tentation des managers de mettre en place des

priorités dans leurs missions tendent à leur

faire relativiser leur volonté de s’impliquer

dans les responsabilités RH (Motivation)

Niveau de

formalisation

Participation à

la prise de

décisions RH

Fort

Le niveau de formalisation intervient dans un

aspect protecteur de la prise de décisions. Le

manque de développement de la formalisation

tend à réduire la propension des managers à

prendre des décisions (Opportunité)

Source : auteur de la thèse

Les observations permettent alors de dire que le désalignement entre les infrastructures mises

en place et l’objectif de participation aux activités RH est fort et que le désalignement entre les

infrastructures et l’objectif de participation à la prise de décisions est fort. Ces éléments sont

présentés dans le tableau 4-6 ci-dessous et seront intégrés dans l’analyse globale de

l’alignement entre les deux domaines.

Page 212: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

200

Tableau 4-6 : Agrégation des résultats d’alignement entre les infrastructures

organisationnelles et les objectifs du PFRH

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Infrastructures

et processus

Orga.

Participation

aux activités

RH

Fort

Alors que le niveau de formalisation semble

présenter un niveau d’adaptation satisfaisant,

les niveaux de centralisation des procédures et

de dotations semblent être insuffisamment

maîtrisés et agissent à la fois sur l’opportunité

et la motivation de partager la FRH

Infrastructures

et processus

Orga.

Participation

à la prise de

décisions RH

Fort

La forte centralisation des procédures impacte

également le processus de décision. Elle rend

ce dernier rigide et affecte la motivation de

partager la FRH

Source : auteur de la thèse

13. L’alignement stratégique entre objectifs stratégiques et processus de

travail

Cette section vise à mettre en évidence les mécanismes en action dans l’alignement entre les

processus de travail et les objectifs du PFRH (voir figure 4-4). Il s’agit alors de voir

l’alignement entre les objectifs de PFRH et le contexte, les rôles des acteurs et le niveau de

centralisation.

Page 213: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

201

Figure 4-4 : Étude de l’alignement vertical entre processus de travail et objectifs

stratégiques du PFRH

Source : auteur de la thèse

131. L’alignement entre les objectifs stratégiques et la préparation du

contexte social

Il apparait que certains processus sont identifiés comme particulièrement stratégiques par la

DRH parce qu’ils comportent une dimension particulièrement conflictuelle. Ainsi, la gestion

des temps et le pilotage des recrutements sont délégués au niveau territorial et non pas au niveau

opérationnel et le dialogue social est géré au sein de la direction régionale. Concernant ce

champ, les résultats montrent qu’historiquement, la DRH peine à assurer un rapport de force

avec les instances syndicales. Cela participe à mettre le dialogue syndical en difficulté, à créer

un climat de tension et à rendre freiner l’évolution des managers dans l’acquisition de leurs

nouvelles attributions. Cette difficulté devient d’autant plus critique que ces nouvelles

responsabilités renforcent l’engagement que ces derniers ont envers leurs salariés et les

exposent davantage dans leur relation. Ils sont alors plus sujets à des velléités de la part des

syndicats.

« Le dialogue social est parasité par des positionnements purement philosophiques qui polluent le

quotidien des équipes de direction. On en arrive à se demander qui dirige les boutiques ? », DA008-

Direction d’agence.

Page 214: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

202

Ces situations aboutissent à des blocages et des tensions qui poussent les managers à modifier

leurs attentes et modérer leurs efforts dans la réalisation de leurs missions RH. La participation

dans les activités RH et dans la prise de décisions est alors rendue difficile à la fois par la

pression ressentie par les managers, mais aussi par l’appréhension des membres de la GRH qui

redoutent les erreurs. Cette attitude est particulièrement visible en matière de recrutement dans

lequel le groupe met en place une politique basée sur la prudence. Le pilotage des CDD se fait

au niveau des territoires qui en assurent la gestion stratégique et le respect des contraintes

réglementaires. Le mot d’ordre est alors d’assurer la mise en place d’un cadre plus restrictif

que celui prévu par la loi ou les conventions de branche en vigueur.

« Un CDD temporaire en remplacement, on va jusqu’à 18 mois alors que la loi autorise jusqu’à 24,

chez ABC c’est 18. Et les CDD pour surcroît d’activité, c’est 12 mois tous contrats additionnés »,

DT004-Direction territoriale.

De plus, ce principe de précaution contribue à établir la validation par la DRH des propositions

faites au niveau opérationnel.

« C’est-à-dire qu’on nous prenons la décision de prendre telle personne et eux, à la DR, la valident.

Tout est soumis à validation, à validation finale parce qu’il y a des aspects juridiques, etc. Et une

expertise, un niveau d’expertise que moi je n’ai pas. Moi je n’ai absolument pas de formation RH »,

DT004-Direction territoriale.

Cette validation à l’échelon régional constitue un filet de sécurité à la fois pour les agents situés

au dans les directions territoriales et pour ceux de la DRH. Ce processus peut toutefois devenir

problématique lorsque les choix réalisés par les responsables d’équipe et qui remontent

successivement à la DT puis à la DR, sont rejetés par l’une ou l’autre des directions. Les refus

insuffisamment justifiés ou accompagnés suscitent l’incompréhension des managers qui, figés

dans l’incertitude, interprètent l’action des spécialistes RH comme une volonté de les court-

circuiter ou comme un manque de confiance. Ces situations sont particulièrement caractérisées

du fait que les personnes qui sont proposées par les managers de proximité sont évaluées en

entretiens croisés dont le jury est constitué d’un membre de la DRH et d’un directeur territorial

ou d’agence. L’annulation des décisions prises par les responsables d’équipe est alors

considérée comme une infériorisation de leur expertise.

Les managers tendent à évaluer la manière dont les rôles sont distribués et interprètent cette

dernière comme un signal sur la qualité des relations que la DRH souhaite mettre en place.

Page 215: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

203

« Heu… comment dire ? Oui c’est vrai que sur les trucs basiques on a été plus responsabilisés. Non,

on nous a donné plutôt, bon je vais être trivial, les emmerdes plutôt que le tout quoi. Après il se trouve

que sur les prérogatives on ne peut pas négocier les temps partiels, c’est obligé, on ne fait qu’appliquer

le règlement quoi. On a très peu de marges de manœuvre », DA001-Direction d’agence.

La question de l’autonomie et des marges de manœuvre apparait centrale dans le processus

d’acceptation des nouvelles responsabilités RH tant sur le plan de la prise de décisions que sur

celui du déploiement de l’activité.

« Ma vision de la politique RH ? Aujourd’hui, on est dans un système quand même où les choses sont

assez bien définies, on est assez calés, assez normatifs même, par moment. Aujourd’hui, on se trouve

confrontés, ça on a dû vous en parler aussi, de la mobilité un peu organisée… Parfois, on ne choisit

pas toujours les collaborateurs. On nous dit : “voilà telle personne, dans le cadre de la politique de la

mobilité, vous devez la recevoir”. On a eu deux cas récemment dans le 64. Bon ça fait partie, c’est la

contrepartie. On est acteurs sur certaines choses et on subit sur d’autres », DT005-Direction

territoriale.

Les problématiques concernant la préparation de la FRH reposent également sur la manière

dont les pratiques sont préparées. Celles relatives aux comités carrières sont particulièrement

évoquées comme faisant état de dysfonctionnements. Ce processus est proposé par la DRH

comme une étape incontournable pour obtenir les promotions permettant d’acquérir une

fonction d’encadrement. Dans le cadre de la FRH partagée, l’association des managers dans le

processus de choix des individus promus est avancée comme un élément permettant un regard

croisé entre la DRH et le champ opérationnel. Or, la manière dont il est réellement mis en place

laisse émerger des doutes sur son bien-fondé.

« C’est une évaluation des deux qu’on a présentés et qu’ils n’ont pas retenus et trois mois après ils ne

savaient toujours pas pourquoi. Peut-être même quatre mois après, ça s’est passé en fin d’année

dernière. Je crois qu’ils ont su au printemps et ils ont eu l’entretien il y a quelques jours quoi, on est

en septembre… Donc là, ce n’est pas très cool. Parce que nous-mêmes on ne savait pas. Je ne sais pas

comment… ça n’a pas été accompagné ça. Là, il y a des dégâts humains qu’ils ne mesurent pas. Ce

sont des gens qui ont vraiment beaucoup travaillé le projet, qui ont vu passer devant eux certains qui

ne sont pas passés par les comités de carrière. On se pose des questions sur le sens de tout ça »,

MA005-Manager de proximité.

Ces observations font intervenir des ressentis concernant les pratiques de la DRH et

particulièrement un sentiment d’iniquité manifeste. Le manque d’efficacité dans certaines

Page 216: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

204

pratiques a des conséquences négatives sur les collaborateurs et leur position en situation de

travail.

« Oui le comité carrière, ma manière dont on traite les gens. Des cas concrets. Voilà je pense que la

fonction RH quand on est au niveau régional, elle devrait être impeccable en termes de comportement,

de valeurs humaines, etc. Moi je trouve qu’on n’y est pas du tout. On s’assoit sur les managers, on fait

les petits coups en douce, c’est les petits copains », MA005-Manager de proximité.

Le manque d’intégration des managers dans la pratique des comités carrière et l’insuffisante

communication sur les choix qui sont faits participent à créer une défiance vis-à-vis de la DRH,

défiance qui peut être s’expliquer par le sentiment de trahison qu’éprouvent certains managers.

Dans ce contexte, il est difficile d’envisager une attitude volontaire de ces derniers concernant

la collaboration en GRH.

« Il y a un manque de transparence sur la détection des potentiels. Il y a encore des incertitudes sur la

manière dont se font les choix. On n’a pas d’explications sur les arbitrages. On ne peut faire qu’une

proposition et non 2 ou 3 », MA006-Manager de proximité.

Le manque de transparence et de communication favorise l’émergence de tensions dans un

processus qui vise à permettre des regards croisés entre le champ opérationnel et celui de la

GRH. Lorsque les décisions définitives qui sont prises par la DRH ne correspondent pas aux

avis émis par les managers, ces derniers ne les comprennent pas et tendent à remettre en cause

le bien-fondé de s’impliquer dans ce qui s’apparente à une collaboration fictive.

« La DR dirige des entretiens et un courrier est envoyé au candidat en disant : “ vous n’êtes pas

retenu” ; “vous vous êtes retenu”. Il n’y a pas de regards croisés. À un moment, la décision devrait

revenir. Et la décision devrait appartenir au manager et pas à la seule fonction RH parce qu’on peut

prendre un pari en disant : “vous, à travers un entretien d’une heure vous avez vu ça, mais nous, à

partir d’une collaboration qui date depuis 3 ou 4 ans, on voit ça”. La personne pendant une heure elle

peut foirer son truc, voilà vous c’est votre perception. Pour autant on la connait bien donc le pari, in

fine, c’est nous qui allons le prendre et la responsabilité, c’est nous qui allons la prendre. Mais il faut

avoir du courage pour prendre la responsabilité et dire : “vous, votre gars c’est pas le bon, bah moi

pour autant je la maintiens dans un système de potentiel”. Qu’après on régule, on ne veut pas recruter

j’en sais rien, en tout état de cause qu’on ne fasse pas remonter, que la machine s’arrête et on n’a plus

rien à dire. Alors ça je le conteste et ça je l’ai porté au niveau du DR en disant ça il faut qu’on le revoit

le comité des carrières », MA017-Manager de proximité.

Page 217: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

205

Ces résultats montrent que certains processus ne sont pas déployés conformément à ce qui avait

initialement été prévu. En l’occurrence, l’association réelle des managers dans les décisions ne

se fait pas dans les conditions qui avaient été annoncées. Il semblerait, effectivement, que la

possibilité que se réserve la DRH de neutraliser la décision des managers tend à limiter leur

association effective. Alors que l’accès des managers aux champs est permis (opportunité), il

apparait que la prise de décisions n’est pas véritablement partagée. Ce type de procédé tend

alors à remettre en cause la légitimité de la DRH qui, dans la perception des managers, se place

en tant que décisionnaire ultime alors qu’elle devrait se positionner en tant que support et laisser

la décision aux managers, responsables des futures recrues. Cette remise en cause s’opère à

travers une critique des processus qui sous-tendent la mise en place du champ de comité

carrière. Celui-ci serait défini de telle sorte qu’il mette en avant la dimension administrative du

choix au détriment des aspects opérationnels (motivation) (tableau 4-7).

Tableau 4-7 : Effet du désalignement entre le niveau de préparation du contexte RH et des

objectifs stratégiques sur l’AMO

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Préparation du

contexte et des

pratiques

Participation

aux activités

RH

Médian

Dans la conception des pratiques, une

réflexion est engagée sur la manière de mettre

en place le partage de la fonction, mais le

contexte social participe à freiner la prise en

main des rôles (Opportunité)

Préparation du

contexte et des

pratiques

Participation à

la prise de

décisions RH

Fort

Les pratiques ne sont pas définies de manière

à favoriser suffisamment l’incidence des

managers dans la prise de décisions. Même

s’ils sont associés, leur avis reste adossé à une

validation ou une neutralisation de la DRH.

Cela remet en cause l’intérêt et la volonté des

managers de participer dans la prise de

décisions (Motivation)

Source : auteur de la thèse

132. L’alignement entre objectifs stratégiques et rôles développés par les

spécialistes

Il semble que les attentes des managers sur le rôle des spécialistes RH ne soient pas satisfaites.

Alors que la nature interventionniste prend une place importante dans leur rôle, les managers

estiment qu’une position de conseillers permettrait une meilleure appropriation de leurs

prérogatives RH. Les difficultés rencontrées pour investir ce rôle créent des situations où les

Page 218: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

206

responsables d’équipes ont l’impression de ne pas être autonomes et qu’on ne leur fait pas

confiance.

« Le partage de la FRH se base sur le principe de subsidiarité. On nous a dit : “vous êtes les premiers

RH”. Ça n’a pas été bien accueilli, car c’est très descendant. Moi ce que j’attends de la FRH, ce n’est

pas qu’on me trace la voie et qu’on me dise : “voilà comment tu dois faire”. J’attends des services RH

qu’ils identifient toutes les possibilités et la manière dont je peux utiliser mes marges de manœuvre »,

DT005-Direction territoriale.

Dans la nouvelle organisation du PFRH, il est proposé que les managers soient progressivement

investis de responsabilités RH et qu’ils travaillent en collaboration avec leurs homologues du

département RH. Cette nouvelle orientation prévoit que ces derniers se positionnent en soutien

des responsables d’équipe pour mettre à contribution leur expertise dans la mise en place des

activités RH et la prise de décisions. Mais le développement de ce rôle d’experts ne s’est pas

fait de manière homogène au sein de la DRH.

« Le degré d’implication de chacun dans les activités RH… Je pense que ça prend beaucoup de temps

aux directeurs d’agence. Je ne sais pas en fait au niveau des délégations ce qui relève plus du directeur

que de son adjoint, plus du responsable d’équipe… Alors je dirais que la gestion des temps, c’est plus

le responsable d’équipe en proximité avec son équipe, mais entre le responsable d’équipe, le directeur

d’agence, l’adjoint, je ne sais pas le degré d’implication ou est-ce que c’est bien défini le rôle de

chacun ? », DR010-DRH.

Les observations montrent un niveau d’information hétérogène au sein même de la DRH et

pour cause, un cloisonnement de ses services entrave sérieusement la diffusion de l’information

et la collaboration entre les équipes. Ces barrières intangibles pourraient certainement prendre

source dans les éléments de culture organisationnelle présentés précédemment. Les

observations font état d’un fonctionnement empreint d’une forte hiérarchie et parfois même de

rivalités entre les acteurs. Ces barrières pourraient également tirer leurs racines dans les

changements profonds induits par la fusion et ses conséquences sur l’évolution du nombre et

de la structure des emplois. Il apparait ainsi que les luttes de pouvoirs et les cloisonnements qui

ont lieu au sein de la DRH rendent difficile la communication entre les services et mettent en

concurrence ses acteurs dans leur évolution professionnelle. Les rivalités observées favorisent

la mise en place de barrières à la diffusion de l’information et à la communication en interne.

Alors que le partage de la FRH repose sur un principe de collaboration entre les fonctions, il

apparait qu’au sein même de la DRH, le fonctionnement transversal se met difficilement en

place.

Page 219: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

207

« Moi depuis trois ans que j’y suis, j’essaie de travailler sur la transversalité et sur un processus dans

sa globalité et, bon, il y a des problèmes d’urgence et de priorisation des activités. Mais je trouve que

ça nuit à la qualité et à la visibilité de notre offre de services à l’extérieur auprès des directeurs

d’agence et des directeurs territoriaux. C’est-à-dire, “bah moi je ne peux pas vous renseigner” alors

que l’information est dans le SIRH, par exemple, vous voyez. Alors que l’objectif c’est qu’on est tous

des généralistes et on donne tous une information de base et on va plus loin si on est spécialiste »,

DR006-DRH.

Mais la difficulté à passer au rôle d’experts peut également s’expliquer par les politiques de

gestion d’effectifs et de compétences. Encore marquée par l’inertie consécutive à la fusion, la

DRH peine à mettre à niveau les compétences de ses agents.

« Il y a un certain nombre de personnes qui viennent du terrain. Je dirais qu’il y a peut-être un tiers…

deux tiers de professionnels RH et un tiers de gens de terrain qui se sont après professionnalisés en

RH. Et il me semble qu’il y a une nécessité, quand même, de réactualiser les connaissances terrain,

même de ceux qui en viennent depuis peu de temps. Parce qu’il y a de tels changements et de telles

évolutions que l’immersion terrain, pour moi, nécessiterait qu’elle soit plus régulière et au moins une

fois par an, pour chacun. On organise plutôt des immersions pour des personnes qui ont des projets

professionnels de rejoindre le réseau, mais pas systématiquement pour maintenir la connaissance

terrain. Il faudrait. Mais bon, c’est une question de temps », DR006-DRH.

La gestion de la fusion semble alors absorber l’énergie de la DRH qui peine à déployer des

moyens sur les problématiques plus opérationnelles en lien avec le PFRH. Les frictions

résultantes pourraient alors constituer des éléments d’explication à la difficulté d’assurer

efficacement le rôle de soutien opérationnel et à délivrer un service de qualité. L’action de la

DRH se trouve ainsi décrédibilisée auprès de certains managers qui s’interrogent de la

cohérence de certaines pratiques.

« Il n’y a pas si longtemps de ça on me demandait un état de mes effectifs. C’est bizarre que personne

ne sache qui est dans mon agence. Je devrais moi-même plutôt être en droit de demander aux services

RH un état de mes effectifs ! », DA002-Direction d’agence.

Les experts RH étant eux-mêmes garants de la définition de la fonction, il semble cohérent que

ces derniers soient en mesure de définir les objectifs et les moyens et qu’ils se positionnent en

tant que support. Lors de leurs interactions avec les spécialistes RH, les managers évaluent la

capacité de ces derniers à se positionner en tant qu’experts de la fonction. Cette attente semble

à la fois découler d’un contrat implicite émergeant de la nouvelle organisation proposée par la

Page 220: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

208

DRH dans le cadre du PFRH, mais serait aussi rattachée à l’identité particulière de

l’organisation.

« J’ai passé un test de compétences managériales avec un cabinet parisien, mais ça ne donne pas

confiance finalement dans l’outil. On passe encore par des trucs comme ça et on paie le cabinet je ne

sais pas combien pour faire la même chose qu’il y a 20 ans. C’est effrayant quoi ! Par rapport à notre

métier premier, on a intérêt à faire un truc qui soit plutôt un modèle et qui soit un cahier des charges

lorsqu’on veut se tourner vers un cabinet de recrutement en disant : “ tiens nous on est arrivés à ces

travaux-là, à ces conclusions-là, ces méthodes-là, à minima pour les cadres sup et cadres dirigeants”.

Quand nos cadres dirigeants ou cadres sup ils ont l’impression d’avoir fait le truc il y a 20 ans alors

que le management a un peu évolué depuis 20 ans quand même… On ne va pas chercher les mêmes

choses, enfin, je ne sais pas. Je suis peut-être un peu naïf ou idéaliste, je n’en sais pas ? », DT005-

Direction territoriale.

L’une des principales missions d’ABC est d’accompagner ses bénéficiaires dans l’insertion

professionnelle. Dans ce champ où le groupe se positionne en tant qu’expert auprès des parties

prenantes externes, les managers sont dans l’attente que la DRH propose le même niveau de

service en interne. Mais ces derniers observent un décalage. Cet écart souligne l’incapacité de

l’organisation à assurer des ponts entre les processus externes et internes et pourrait expliquer

une baisse de confiance des collaborateurs concernant l’expertise de la DRH et une moindre

volonté de s’impliquer dans les pratiques RH. Ce constat qui a été établi par un directeur

territorial en matière de développement des compétences est partagé sur le champ du

recrutement par un manager de proximité.

« Voilà, aujourd’hui on participe au recrutement des CDD. C’est nous qui choisissons nos CDD, etc.

Mais ça valorise aussi nos missions, nos actions et puis quand on travaille à ABC, on explique aux

entreprises, on leur dit comment faire pour recruter et on serait nous-mêmes pas capables de recruter

pour notre propre compte ? Moi ça me pose un vrai souci cette question-là. ABC n’est pas une

entreprise comme une autre quand il s’agit de recruter. Et donc on ne peut pas considérer… enfin on

est obligés de considérer les managers de proximité comme différents d’un manager d’une autre

entreprise dont la mission première n’est pas d’accompagner les entreprises qui recrutent », MA002-

Manager de proximité.

Cette observation souligne à la fois une problématique de cohérence entre la création de valeur

et celle délivrée en interne et plus particulièrement auprès des managers. Ces derniers

s’interrogent sur les facteurs qui expliquent qu’un groupe spécialisé dans l’accompagnement

en matière de recrutement n’est pas en mesure de proposer en interne une expertise et un

Page 221: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

209

accompagnement de même qu’elle le fait auprès de ses clients. La question des attentes des

managers concernant la relation avec les spécialistes ne se limite pas au besoin d’une plus

grande expertise sur les questions RH. Les observations montrent que ces derniers sont

également attachés à un professionnalisme de la part des spécialistes. Ils attendent de ces

derniers qu’ils soient aussi exigeants avec eux-mêmes qu’ils ne le sont avec les managers. Les

discours des managers font émerger la question de la légitimité au centre de ces processus.

Cette légitimité s’acquiert en montrant que la DRH est autant capable d’attendre des comptes

que d’en donner. Effectivement, certains managers s’offusquent de voir à quel point la DRH

fonctionne de manière opaque, jusqu’à ne pas communiquer efficacement sur les rôles et les

responsabilités de chacun dans le département alors qu’ils demandent des comptes aux

responsables d’équipe. Ce décalage est à l’origine d’un sentiment d’iniquité qui contribue lui-

même à refuser les objectifs fixés.

« Il y a toujours ce sentiment assez vilain quelque part, mais que je ressens aussi, de deux poids deux

mesures. Il y a une forte pression et de fortes attentes concernant les managers. Et je crois que c’est

une phrase que j’ai dite quand le nouveau directeur régional est arrivé. Il m’a demandé ce que

j’attendais de lui et je lui ai dit : “que vous ayez le même niveau d’exigence avec vos services que vous

en avez avec les sites”. Moi je pense que ça réduirait l’incompréhension entre la structure et les

opérationnels. Parce que c’est vrai et il faut le dire, la pression du public et du reste sur un site, on ne

l’a pas en structure. Alors ils ont d’autres pressions ok, mais la pression stratégique on l’a aussi. Et je

trouve que d’une certaine manière ce sentiment presque de « pas de comptes à rendre » il existe dans

le regard qu’ont les opérationnels », DA011-Direction d’agence.

Ce sentiment d’iniquité relève que la DRH se prémunit de la critique à travers l’absence de

processus d’évaluation de sa performance propre. De manière plus générale, la transparence de

son fonctionnement est remise en cause.

« Je suis persuadée, à contrario, qu’il y a une représentation de comment fonctionne le site et je me dis

que si cette transparence-là existait, parce que nous nos résultats sont visibles par tous, je me dis que

ce serait intéressant que ces enquêtes-là existent de manière un peu différente, et qu’elles soient

communicables. Et ça les contraindrait un peu. Parce qu’aujourd’hui, nous, quand on n’est pas à la

cible, on a des plans d’action correctifs, et on rend compte de ces plans d’action correctifs à nos N+1,

N+2 pour réajuster le tir pour qu’on soit dans les clous du service à rendre et dans la qualité qu’on

doit délivrer. Ça devrait être la même chose et ça pourrait être un très bon outil de management pour

le DRH », DA011-Direction d’agence.

Page 222: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

210

Ces résultats mettent en évidence les difficultés des spécialistes RH à se hisser en tant

qu’experts. Davantage axé sur la gestion du changement, leur rôle n’est pas suffisamment

développé pour permettre de soutenir les managers dans la mise en place de leurs nouvelles

responsabilités RH. Cette lacune apparait particulièrement critique du fait qu’elle crée une

friction entre le rôle des spécialistes RH et le métier de l’organisation. Finalement, les managers

ne comprennent pas comment l’organisation peut leur demander de développer des

compétences d’accompagnement afin de devenir des experts en la matière alors qu’en interne,

ils sont eux-mêmes confrontés à des pratiques sous-optimales. Cela contribue alors à entacher

leur confiance vis-à-vis de la DRH et leur désir de s’impliquer dans un champ qu’ils jugent peu

performant (motivation). Ce résultat est présenté dans le tableau 4-8.

Tableau 4-8 : Effets du désalignement entre les rôles des spécialistes RH et les objectifs

stratégiques sur l’AMO

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Adoption des

rôles par les

spécialistes

Participation

aux activités

RH

Fort

La difficulté des spécialistes à se positionner

en tant qu’experts remettrait en cause la

pertinence des managers à s’impliquer en

matière de GRH (Motivation)

Source : auteur de la thèse

133. L’alignement entre objectifs stratégiques et niveau de centralisation

Le phénomène de centralisation observé dans le cas ABC est une cause majeure des frictions

existantes entre les infrastructures en place dans l’organisation et les objectifs poursuivis dans

le cadre du PFRH. Le fonctionnement centralisé hérité des deux entités existant avant la fusion

se caractérise par l’implémentation de règles et de procédures exigeant la validation d’une

grande partie des décisions RH par des centres décisionnels localisés au sein de la direction

régionale, mais également par la reproduction de la structure organisationnelle nationale. La

centralisation est profondément ancrée dans le fonctionnement de l’organisation. Elle se

retrouve essentiellement à deux niveaux :

- Au niveau de la structure, le schéma organisationnel de la DG est reproduit dans chaque

région au sein des directions régionales, chaque département au sein des directions

départementales, et enfin dans chaque agence ;

Page 223: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

211

- Au niveau des processus de prise de décisions, les choix doivent s’opérer dans le cadre

de la ligne dictée par la DG. Par la suite, l’ensemble des décisions prises sur le plan

opérationnel doit être conforme aux directives territoriales et régionales. Pour s’assurer

de cette double adéquation, une grande partie des décisions est contrôlée et validée par

la DRH.

Cette force gravitationnelle exercée par le centre au niveau de l’organisation générale du cas

ABC est valable dans l’ensemble des directions fonctionnelles et particulièrement dans la

DRH.

« Nous sommes garants pour la direction nationale de l’application et l’harmonisation de l’ensemble

des processus RH de l’établissement. Nous définissons à chaque fois la stratégie régionale en

concordance avec ce que le national nous demande et nous la déclinons au niveau des territoires et des

services », DR004-DRH.

La centralisation est instituée par des règles et des procédures qui vont établir un périmètre

d’action encadrant les marges de manœuvre des différentes directions.

« On n’est pas indépendants. On a une certaine autonomie plus qu’une indépendance. On reste… on

agit toujours dans le cadre qui est prescrit. C’est sur la manière de faire où on peut avoir, selon les

sujets des marges de manœuvre. Il y a des sujets où il n’y en a pas, en particulier le plan de formation,

les orientations formations. Aujourd’hui, il y a très peu de marges de manœuvre parce que c’est

conditionné au budget et comme on a eu des baisses de budget, ça limite les marges de manœuvre. Mais

si on prend le sujet de la Qualité de Vie au Travail, on a énormément de marges de manœuvre parce

qu’il n’y a pas grand-chose de formalisé au niveau national. Il y a des sujets où c’est plus ou moins

facile que d’autres. Quand le process est très bien décrit, connu au niveau national, il est plutôt déployé

en région. C’est-à-dire que là, on va dupliquer. Voilà, j’ai envie de dire. Pour les nouveaux chantiers,

il n’y a pas de process, bon on va s’approprier les choses et on va construire notre propre process. Sur

des sujets mieux maîtrisés au niveau national, on ne va pas perdre son temps à inventer des choses qui

sont déjà existantes », DR004-DRH.

À travers ces éléments, la centralisation apparait comme une ligne directrice qui détermine les

manières de concevoir la structure et de déployer les processus. Mais cette caractéristique se

diffuse jusque dans les champs de la FRH. Concernant la formation, par exemple, la DG prévoit

un plan pluriannuel de formation reprenant les objectifs de compétences et aboutissant à un

catalogue proposé aux différentes régions. Ce plan prévoit en outre les modules qui sont

obligatoires, ceux qui sont prioritaires et ceux qui sont secondaires ainsi qu’une quantification

du jour de formation prévu pour chaque salarié.

Page 224: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

212

« Aujourd’hui, on propose, chaque année, en moyenne, à peu près 5 jours de formation par salarié,

c’est assez ambitieux. Voilà, est ce que dans toutes les entreprises on a 5 jours de formation en interne ?

Je n’en suis pas sûr. J’ai lu quelque part qu’on cible autour de 10 jours de formation pour les managers

par an donc là aussi c’est ambitieux. C’est un jour par mois quasiment si on neutralise les périodes de

congés. Donc, voilà, c’est aussi un investissement fort sur le management », DT009-Direction

territoriale.

La centralisation des procédures constitue une véritable barrière au développement des

pratiques RH telles que définies dans les objectifs. Au niveau de la formation, par exemple, les

managers sont sollicités pour faire remonter les besoins de formation en lien avec les entretiens

tenus lors des EPA. Par la suite, ces besoins sont confrontés aux objectifs définis dans le cadre

du plan pluriannuel de formation national et des orientations régionales spécifiques.

« Maintenant depuis l’arrivée du plan pluriannuel de formation, les grandes orientations sont définies

par la DG, c’est-à-dire qu’ils nous déclinent une liste de modules sur lesquels ils souhaitent voir tous

les agents formés. Après ces orientations du national sont déclinées en régions parce que certaines

régions ont des besoins plus spécifiques que d’autres et puis en fonction de la montée en puissance, de

la formation sur les sites, ce ne sont pas forcément des besoins égaux à répartir de façon homogène.

Donc il faut prendre en compte ça. Et ensuite, il y a les besoins qui sont exprimés au cours des EPA.

Donc il faut faire en sorte de combiner ces trois sources, ces trois éléments à prendre en compte pour

donner la meilleure formation possible ou qui répondre le mieux possible aux besoins en même temps

qu’aux injonctions de la DG. Ce n’est pas toujours facile de tout combiner », DR001-DRH.

De ce fait, les logiques financières et politiques peuvent créer des pratiques qui ne sont pas en

correspondance avec les besoins réels exprimés par les salariés sur le terrain. La confrontation

de ces logiques avec la réalité opérationnelle aboutit parfois à des choix en défaveur des besoins

réels exprimés par les collaborateurs.

« On a des demandes qui croisent ce qui est déjà dans le plan de formation donc on va pouvoir les

traiter. Ou on a des choses qui sont très spécifiques. Pour certaines, on va pouvoir trouver des réponses

et pour d’autres on ne peut pas trouver des réponses parce qu’une fois qu’on a traité ce qui est prévu

par le national dans le plan. Pour certaines soit on n’arrive pas à trouver la réponse parce qu’elle est

très spécifique soit elle est externe et pour la fabriquer en interne il nous faut un budget ce que nous

n’avons plus depuis qu’on a une logique nationale. Donc on a une frange des besoins qui reste difficile

à attraper, mais on travaille à traiter un maximum des besoins », DR009-DRH.

Lorsque l’origine de ces frictions n’est pas assez explicitée, ces situations peuvent déboucher

sur de l’incompréhension des salariés. Les managers sont alors tenus de justifier des choix

Page 225: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

213

qu’ils n’ont eux-mêmes pas compris. Ils doivent par ailleurs, accepter fait que les choix opérés

ne sont pas respectés.

À travers un curieux paradoxe, ces résultats soulignent la volonté de mettre en place un partage

de la FRH en introduisant une décentralisation des pouvoirs de décisions alors que les

dynamiques présentes sont essentiellement basées sur un phénomène de centralisation. Ces

observations mettent en évidence le caractère conflictuel de la structure mise en place et

l’objectif de partage de la prise de décisions dans le champ de la GRH.

La centralisation de la structure qui peut être justifiée par un héritage historique d’une volonté

de contrôler les processus s’est particulièrement renforcée avec le nouveau plan stratégique.

Elle a, par la suite, marqué les processus de prise de décisions. Elle se matérialise effectivement

par la nécessité de valider l’ensemble des décisions qui sont jugées trop stratégiques ou qui

comporteraient un enjeu trop important pour l’organisation. Les décisions concernant le

recrutement, les promotions, l’identification des potentiels managers doivent alors

systématiquement faire l’objet d’une approbation des services la DRH, qui dispose d’un

pouvoir de décision supérieur en cas d’avis conflictuels. Ce phénomène aurait alors deux

implications. D’une part, les managers observent des difficultés à prendre certaines décisions

du fait de procédures qui rendent le processus fastidieux et parfois impossible en cas d’absence

des chargés de validation. Ce résultat impacte alors leur capacité à prendre des décisions dans

certains contextes (Opportunité). D’autre part, la remise en compte de leur décision et

l’incapacité de prendre des décisions seuls font émerger des questionnements sur la confiance

qui leur est accordée et modère leur motivation dans leurs décisions RH et dans leur

participation au processus (Motivation). Ces observations soulignent que le manque de

confiance perçue par les managers et la remise en cause de certaines décisions amplifient l’effet

du désalignement stratégique sur leur attitude. Alors que l’alignement entre le niveau de

centralisation et l’objectif de participation aux processus RH semblent impacter l’opportunité

laissée à ces derniers d’agir, le manque de cohérence entre niveau de centralisation et

participation à la prise de décisions affecterait la motivation à travers une réduction du désir de

s’impliquer en matière de GRH (tableau 4-9).

Page 226: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

214

Tableau 4-9 : Effets du désalignement entre la centralisation des procédures et les objectifs

stratégiques sur l’AMO

Domaine interne Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Centralisation

des procédures

Participation

aux activités

RH

Fort

La nécessité de validation de

nombreuses décisions et leur remise en

cause potentielle créent un effet négatif

amplifié sur le désir de partage

(Motivation)

Centralisation

des procédures

Participation à

la prise de

décisions RH

Fort

Un niveau de centralisation ne

permettant pas une délégation fluide des

processus (Opportunité)

Source : auteur de la thèse

Les résultats obtenus dans ce point 1.3 sont synthétisés dans le tableau 4-10 suivant.

Page 227: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

215

Tableau 4-10 : Agrégation des résultats d’alignement entre les processus de travail et les

objectifs du PFRH

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Préparation du

contexte et des

pratiques

Participation

aux activités

RH

Médian

Dans la conception des pratiques, une

réflexion est engagée sur la manière de mettre

en place le partage de la fonction mais le

contexte social participe à rendre la prise en

main des rôles difficile (Opportunité)

Adoption des

rôles par les

spécialistes

Participation

aux activités

RH

Fort

La difficulté des spécialistes à se positionner

en tant qu’experts remettrait en cause la

pertinence des managers à s’impliquer en

matière de GRH (motivation)

Centralisation

des procédures

Participation

aux activités

RH

Fort

La nécessité de validation de nombreuses

décisions et leur remise en cause potentielle

créent un effet amplifié sur le désir de partage

(Motivation)

Préparation du

contexte et des

pratiques

Participation

à la prise de

décisions

RH

Fort

Les pratiques ne sont pas définies de manière

à intégrer suffisamment l’incidence des

managers dans la prise de décisions. Même

s’ils sont associés, leur avis reste adossé à une

validation ou une neutralisation de la DRH.

Cela remet en cause l’intérêt et la volonté des

managers de participer dans la prise de

décisions (Motivation)

Centralisation

des procédures

Participation

à la prise de

décisions

RH

Fort

Un niveau de centralisation ne permettant pas

une délégation fluide des processus

(Opportunité)

Source : auteur de la thèse

Ces éléments mettent en évidence que le désalignement entre les processus de travail et

l’objectif de participation des managers aux activités RH est fort. Il en va de même concernant

le désalignement entre les processus de travail et la participation.

L’intégration fonctionnelle : étude du désalignement stratégique

entre les infrastructures et des effets sur l’AMO

Dans cette section, il convient d’explorer la manière dont s’opère l’intégration fonctionnelle.

Il s’agira alors de voir comment les choix d’infrastructures organisationnelles (infrastructures

administratives, processus de travail et compétences et savoirs) et ceux en matière

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

216

d’infrastructures des SI (architecture, processus de travail et compétences et savoirs) sont

opérés dans un objectif de cohérence (figure 4-5).

Figure 4-5 : Étude de l’intégration stratégique

Source : auteur de la thèse

Afin de facilité le suivi de la présentation dans résultats dans les prochains points, le schéma

présenté ci-dessus (figure 4-5) sera repris avec une mise en évidence des éléments étudiés.

21. L’alignement stratégique entre les infrastructures et processus

organisationnels et les infrastructures des systèmes d’information

Dans ce point, il convient de voir comment le niveau de cohérence entre les infrastructures du

SI et celles de l’organisation influence l’AMO. Les résultats suivants montrent que le décalage

entre les besoins réels des infrastructures du SI et des processus de fiabilisation a impliqué la

mise en place d’ajustements organisationnels (figure 4-6).

Figure 4-6 : Étude de l’alignement horizontal entre les infrastructures et processus

organisationnel et les infrastructures des SI

Source : auteur de la thèse

211. L’alignement entre choix de structure organisationnelle et choix

d’ERP

Lors de la fusion et de la création d’ABC, les instances dirigeantes ont réalisé une série de

choix de SI en fonction des orientations stratégiques à venir. La volonté de passer d’une

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

217

population majoritairement issue du droit public vers une surreprésentation de salariés de droit

privé. Cet objectif a fait pencher le choix de l’organisation en faveur d’un SI permettant la

gestion de populations essentiellement contractuelles et a supposé de mettre en place un plan

d’accompagnement d’envergure pour justifier ce choix. Les orientations stratégiques ont alors

impliqué le développement de nouvelles infrastructures qui ont fait émerger un enjeu

d’appropriation des systèmes d’information.

« Le jour de la fusion, cet outil était principalement déployé au niveau de la direction générale avec un

peu moins de 3000 agents et encore, je pense que je suis généreuse. People Soft a été choisi en lieu et

place de HR Acces et a été déployé pour 35 000 agents. Je pense que le choix était quand même porté

sur le fait que HR Access était orienté vers la gestion d’une population dite publique, alors que People

Soft était déjà dans les clous d’une gestion privée, enfin d’agents privés. Donc, du coup, on s’est

retrouvé avec ce fameux People Soft à déployer au niveau national pour 55 000 agents. Vous imaginez

bien que l’exercice n’était pas facile », DR008-Responsable SI.

Mais l’ERP est un outil informatique dont l’adaptation des infrastructures est rendue difficile

par ses caractéristiques intrinsèques. Son fonctionnement repose sur une architecture

standardisée par l’éditeur et n’ayant pas vocation à être personnalisée, ou du moins,

modérément. Les modifications susceptibles d’être apportées doivent rester marginales sans

quoi les performances s’altèrent. Les développements spécifiques successifs opérés par la

direction des SI depuis l’adoption de l’outil représentent finalement plus de 20 % de ses

fonctionnalités initiales. Selon les membres de la DSI, l’ampleur de ce phénomène contribue à

expliquer l’origine des problématiques fonctionnelles et ergonomiques rencontrées par la suite.

« C’est ce que je vous disais tout à l’heure, finalement, on a eu pas mal de spécifique, ce qui a quand

même, pas mal fragilisé Peple Soft, qui reste un ERP […] Par exemple, le module Entretiens

Professionnels Annuels est une solution spécifique à l’établissement. L’ERP initial a du mal à prendre

en compte les spécificités. L’outil doit être réadapté. Sur la partie GRH, l’outil a été largement et

lourdement customisé, si vous me permettez. Il est largement spécifique. Il y a eu également des

modifications de Peple Soft pour l’adapter dans les domaines Bourse Des Emplois, l’Evaluation

Annuelle et les Entretiens Professionnels », DR008-Responsable SI.

Outre le fait que les modules proposés par l’éditeur ont pu connaitre des modifications dans

leur contenu, l’organisation a, de surcroît, demandé l’intégration d’un module complet. Ces

éléments mettent en évidence la volonté initiale de l’organisation d’intégrer les orientations

stratégiques futures dans les choix infrastructurels, mais les décalages entre le SIRH proposé

et les besoins réels ont toutefois nécessité des modifications substantielles. Les difficultés de

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

218

mise en cohérence de l’organisation et de l’ERP pourraient être attribuées à la sous-estimation

de la rigidité structurelle de l’outil par l’organisation. Elles peuvent également s’expliquer par

la surestimation de la capacité de la structure de s’adapter à la donnée technologique.

Cette rigidité n’est pas la seule explication au manque d’intégration des processus réels. La

standardisation des fonctionnalités est également le fruit d’un choix organisationnel en lien

avec l’objectif de centralisation du fonctionnement global du groupe.

« Aucune, aucune customisation n’est possible dans les régions. Alors, tout simplement parce que nous

sommes un établissement national. Donc, à ce compte, il n’y a pas de spécificités locales à prendre en

compte. Donc non aucune customisation locale », DR008-Responsable SI.

Cette organisation centralisée repose sur l’identification d’un fonctionnement jugé optimal au

niveau des centres de décisions et ensuite sur la réplication des infrastructures et des processus

à des niveaux opérationnels. Ce mode opératoire limiterait la capacité des décideurs à intégrer

les spécificités locales et donc les possibilités de créer des liens entre l’ERP et l’organisation.

Il favoriserait alors l’apparition de frictions entre technologies et besoins réels.

Ces difficultés de mise en cohérence ont généré des anomalies et des dysfonctionnements qui

limitent la capacité de l’outil à atteindre son objectif initial : la transformation des processus

réels en faveur d’une FRH partagée. L’accès insuffisant à des informations fiables a

effectivement été désigné par les utilisateurs comme un frein important à leur participation à la

FRH.

212. L’alignement entre besoins informationnels et qualité des données

informatiques

L’accès à l’information utile : le rôle du choix des habilitations

Le SIRH a comme vocation première de permettre le partage de l’information et fait de celle-

ci une ressource indispensable dans la participation à la FRH par les managers. Les habilitations

sont des autorisations informatiques d’accès à l’information et à des fonctionnalités

particulières selon le profil de l’utilisateur. Il apparait alors incontournable que l’organisation

assure la correspondance entre les besoins individuels d’information et les niveaux

d’habilitations. Mais les résultats montrent que le SI ne permet pas de répondre aux besoins

réels, ce qui complique la réalisation des missions. Ces dysfonctionnements impactent

également les managers dans leur participation à la prise de décisions RH. Dans le cadre de la

FRH partagée, les managers de proximité et les directeurs d’agence sont appelés à prendre des

Page 231: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

219

décisions et à participer de manière conjointe dans la FRH. Mais les niveaux d’habilitations

sont différents entre les deux populations, privant des managers de proximité d’une partie

importante de l’information.

« On a besoin d’être informés pour les entretiens obligatoires annuels qu’on a à faire, pour se tenir un

petit peu au courant des évolutions de postes qui existent. Mais voilà. Après je n’ai pas à rentrer non

plus dans un dossier. Enfin moi je ne peux pas. Mon responsable il peut, mais moi je ne peux pas rentrer

dans le dossier d’un conseiller. C’est impossible. Il n’y a que lors de l’entretien professionnel que j’ai

accès aux entretiens professionnels passés, mais ça s’arrête là », MA001-Manager de proximité.

Ces problématiques d’accès à l’information peuvent freiner la volonté des managers de prendre

certaines décisions de peur des conséquences sur les agents.

« Il y a des agents moi je ne les connaissais pas il y a deux ou trois ans. Comment je peux savoir quelles

opérations de carrière ils ont eues ? Parce que je n’ai pas la vision sur leur carrière, on n’a pas accès

à ces informations. J’ai un document-là, j’ai leur ancienneté, j’ai pas leur année d’indice. On est, donc

obligés de leur poser la question et là, on nous demande un truc… C’est important parce qu’en fait si

on se trompe on leur met « non » alors que c’est « oui » parce que derrière il faut avoir une proposition

de plan de progrès ceux pour qui c’est oui. Alors, le plan de progrès on peut supposer que si quelqu’un

n’a pas eu de promo depuis trois ans, il y a des points à améliorer donc ça à la rigueur on peut arriver

à faire, mais c’est lié à cette question. Mais bon là, j’en ai deux ou trois où je ne sais pas quoi mettre.

Ça c’est un exemple où, là-dessus on n’est pas outillés », MA005-Manager de proximité.

Ces restrictions d’accès à l’information pourraient tenir leurs origines des contraintes

inhérentes à l’ERP. Le nombre de niveaux de profils disponibles dans l’outil ne correspondrait

pas à celui de l’organigramme de l’organisation. Des choix auraient donc été réalisés en tenant

compte de ces contraintes de niveaux d’habilitations disponibles. Pour autant, expliquer le

manque d’informations uniquement par des contraintes techniques liées au SIRH reviendrait à

occulter une partie de la réalité. Il apparait effectivement que certaines informations ne sont

pas accessibles du fait de choix réalisés par l’organisation.

« Bah une habilitation c’est pas une contrainte de l’outil, c’est le national qui définit les habilitations

par métier, métiers RH. Les habilitations oui c’est au niveau national. Donc nous on est dépendants.

Nous, on dit voilà, il y a tel manager qui arrive, il y a tel agent, il a telle habilitation et le pack

habilitation est défini par le national qui va lui donner des accès qui sont limités », DR006-DRH.

Ces restrictions d’informations et la définition des accès pourraient alors trouver des

explications dans des éléments de nature diverse. Ces choix semblent toutefois, largement

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

220

guidés par un principe de précaution qui pousse l’organisation à rendre un grand nombre

d’informations confidentielles, y compris celles qui pourraient être utiles dans le management

des équipes.

« Ce que les managers n’ont pas et c’est normal, par souci de confidentialité, ce sont les fiches

individuelles agents et ça je sais qu’ils nous l’ont demandé. Ils ont déjà fait cette remarque surtout, ce

qui relève des données signalétiques, tout ce qui est « personne à prévenir en cas d’urgence » ça ils ne

l’ont pas eux. Nous on l’a, moi je l’ai, non pas comme manager ni salarié, mais comme gestionnaire

RH, mais eux ne l’ont pas. Moi j’ai tout c’est normal. Et ça c’est ce que j’ai moi en tant qu’agent, en

tant que salarié. Ça c’est si je veux changer de situation, moi j’envoie le justificatif et c’est les filles de

la gestion administrative qui valident », DR007-DRH.

Ici, le « souci de confidentialité » légitimerait la restriction aux informations selon le niveau

d’utilisateur. Cette restriction a été soulignée par les managers comme aberrante, car ces

informations peuvent revêtir un caractère vital et leur nature confidentielle ne serait pas

justifiée. Les managers, quel que soit leur niveau hiérarchique, ne sont en mesure d’accéder à

aucune des données signalétiques sur leurs agents. En cas d’urgence sur le lieu de travail, ils

doivent solliciter les services de la DRH, ce qui peut générer des délais supplémentaires et des

risques pour leurs collaborateurs.

Dans certains cas, les choix organisationnels sont eux-mêmes générateurs de

dysfonctionnements techniques. C’est le cas pour l’EPA pour lequel l’outil ne permet pas de

mettre en place l’entretien tel qu’il a été prévu dans la description des processus. Il est prévu

que cette rencontre entre le collaborateur et son manager soit un moment d’échanges et de

discussions durant lequel ce dernier peut saisir des éléments directement sur le support

informatique. Or, le choix du calendrier pour l’ouverture de l’application est tel que l’essentiel

des entretiens a lieu au même moment, entrainant une saturation fréquente de l’outil. Par

ailleurs, les déconnexions fréquentes contraignent l’utilisateur à saisir de nouveau l’ensemble

de l’entretien.

« Donc SIRH euh… Oui, souci. Et un souci aussi, c’est un souci de charge, hein de charge informatique.

Pour saisir les EPA par exemple, on leur conseille de les saisir tôt le matin ou tard le soir. Bah si tu

saisis des EPA en cours de journée quand tout le monde est sur SIRH, c’est-à-dire toutes les fonctions,

tous les services RH y travaillent… Donc c’est à la fois l’outil de travail, mais aussi des managers qui

saisissent les entretiens. Quand il est vraiment trop en surcharge bah il est beaucoup plus en anomalie,

plus souvent, il bug. Et c’est là qu’il se déconnecte le plus souvent. Donc... Alors ça, ça va mieux.

Page 233: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

221

Depuis l’année dernière, ça va mieux, mais les premières années ça a été un gros souci, mais ça va

mieux », DR009-DRH.

Ce résultat montre que la manière dont est piloté le processus peut impacter la performance de

l’outil. La mise en place d’un calendrier permettant la prise en charge de l’ensemble des

sollicitations informatiques et les incitations particulières faciliteraient le développement de

pratiques facilitant l’usage et d’améliorer le déploiement des champs.

Les dysfonctionnements résultants semblent créer une appréhension concernant l’efficacité de

la technologique. Il semblerait alors que cette dernière influence la manière dont sont

appréhendées les pratiques RH en influençant le désir de les mettre en œuvre.

« Lors de l’EPA, le conseiller prépare son entretien même s’il va regarder un petit peu tout, c’est vrai

que le moment où… Il ne faut pas que l’outil soit un élément de blocage, Il faut qu’il soit facilitant au

possible. Mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas parce que moi pour, justement, restituer

la réalité à l’instant t de l’EPA, je vais saisir direct avec l’agent et c’est vrai que si ça bug, ou s’il y a

des ralentissements, ou si ça plante ou autre… On perd du temps et aussi ça peut faire en sorte que la

personne se déconcentre et du coup, c’est pas… Ça reste un élément important, un échange important

entre un conseiller et son supérieur et je trouve que c’est dommage parce que du coup on appréhende

un peu l’EPA pour ça. Mais bon j’ai bien compris qu’on n’a pas le choix, ça va pas changer ? »,

DA005-Direction d’agence.

Au-delà de l’accès à l’information, les résultats montrent que la qualité de cette dernière joue

également un rôle important dans le phénomène de PFRH.

La qualité de l’information : une fiabilisation insuffisante

Dans le cadre de leurs responsabilités RH, les managers sont amenés à utiliser un certain

nombre d’informations leur permettant de prendre les décisions. La FRH partagée repose sur

une organisation permettant la diffusion de l’information entre les différents services. Or, les

informations disponibles présentent une qualité insuffisante. Ces lacunes s’expliquent,

notamment, par les difficultés rencontrées par le groupe pour intégrer une quantité importante

d’informations et relatives à des salariés de statuts différents.

« Il faut savoir que l’historique des formations c’est un truc, ça fait deux ans que la DR est capable de

le fournir. Avant on ne l’avait pas. Moi je n’ai jamais eu l’historique de formation de mes agents quand

je faisais mes EPA. Il fallait leur demander : “ tu as suivi quoi comme formation ?”. Ça fait un peu

désordre et pas très sérieux. Bon après je savais dans quoi je les avais inscrits ou pas. Mais il fallait

que je me fasse un suivi, sinon appel à la DRH », MA004-Manager de proximité.

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

222

Ces difficultés d’accès à des données fiables peuvent s’expliquer par une intégration

approximative et incomplète de ces dernières dans le progiciel. Pour certains champs tels que

la formation, le manque de fiabilité de l’outil crée des situations où ce dernier devient un

véritable handicap. La nécessité de devoir opérer manuellement les mises à jour de

l’information génère une appréhension quant aux évolutions futures. Cela aboutit à des

situations où les responsables d’équipe ne sont pas en mesure d’accéder à des informations

centrales dans le cadre de leur fonction managériale.

« Moi je trouve qu’on n’a pas grand-chose en termes de profils des personnes. On n’a pas la formation,

j’ai pas le parcours de la personne, enfin j’ai pas le parcours avant ABC. C’est-à-dire qu’aujourd’hui

on ne sait pas vraiment qui sont nos collaborateurs finalement. Ce qu’on sait c’est le nom prénom, leur

date de naissance, où ils travaillent, le salaire qu’ils touchent approximativement, et le dernier EPA, le

dernier EP. Ça peut être, dans certaines circonstances, un peu court », MA006-Manager de

proximité.

Ce type de dysfonctionnements apparait comme particulièrement important sur deux plans.

Premièrement, il ne permet pas d’assurer la prise de décisions et le déploiement de processus

RH particuliers. Deuxièmement, ces problématiques remettent en cause la vocation première

du SIRH et de son usage dans le cadre de la FRH partagée : il ne permet pas de renforcer les

leviers managériaux. Le champ de la formation est particulièrement critique en la matière, car

une partie importante de son pilotage et de la saisie des informations est censée passer par le

SIRH. Or, le manque de précision des informations rend son utilisation difficile.

« La direction générale a repris la main là-dessus et elle a uniformisé les codes. Ce qui commence par

C, c’est la DG ; ce qui commence par 01, c’est la région. En 01 c’est l’Aquitaine, mais chaque région

a un numéro. Le problème, c’est qu’on va encore fusionner (rires) donc là je ne sais pas ce qui va

advenir des codes. Tous les codes qu’on n’utilise plus on les met en inactifs. On ne fait pas d’erreurs,

on va plus les chercher. Par contre, ils remontent toujours dans l’historique, c’est ce qu’on appelle le

catalogue. Donc tous les modules de formations sont identifiés en grands thèmes selon que c’est pour

le réseau, que c’est pour les fonctions support. Après on peut rajouter à ça tous les DIF qu’on crée.

Tous les DIF ils ne sont pas automatiquement chargés, on est obligés de créer un code DIF, un code

spécial. Si c’est l’anglais et qu’il y en a à chaque fois 50 qui demandent l’anglais, on va utiliser le code

même si c’est pas tout à fait la même formation, en fonction des prestataires, de la durée, etc. Mais bon,

logiquement, pour chaque DIF on crée un code », DR001-DRH.

L’absence de fiabilisation initiale et les rigidités fonctionnelles dont est doté le SIRH

nécessitent de multiples interventions qui ne devraient pas avoir lieu. Ces actions humaines

Page 235: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

223

sont autant de risques d’erreur et aboutissent à l’établissement d’un catalogue où prospèrent de

nombreux codes qui ne sont plus d’utilité, car ils ne renvoient à aucune formation réelle.

Parallèlement à cela, certaines formations ont vu leur code évolué plusieurs fois en un court

laps de temps, ce qui rend leur mémorisation et le suivi de l’historique difficiles.

« Dans SIRH on travaille par matricule, on travaille par code, on travaille beaucoup par code, par

numéro. Et justement c’est ce que je vous disais tout à l’heure : un même module, mais, qui depuis dix

ans a changé trois fois de nom, trois fois de codes, ce n’est pas évident d’aller se remémorer les codes

précédents quoi. Parce qu’il y a 10 ans moi je n’étais pas là quoi », DR001-DRH.

Par ailleurs, la manière dont sont intégrés les processus dans l’outil informatique ne correspond

pas à ce qui se passe réellement. Cela amène les membres de la DRH à devoir analyser les

informations qui sont proposées sur l’interface pour faire correspondre ces éléments avec les

besoins du terrain.

« Donc moi dans mon plan de formation j’ai, admettons 10 personnes qui vont faire un tel parcours,

j’ai pas. Ça veut dire que la DG, quand ils rentrent ils ont décomposé le parcours en modules et à

chaque fois ils ont rentré 10 agents. Donc le rapprochement avec ça, il est difficile à faire parce que

sur certains modules tu peux mettre des nouveaux et tu peux ne pas mettre d’anciens salariés. Alors

parfois c’est délicat. Il y a toujours une gymnastique à faire. C’est pour ça que moi quand ils ont rentré

le plan dans la machine j’ai été tout de suite l’éditer et je suis allée tout de suite voir comment ils

rentraient chaque parcours par rapport à ce que moi, j’avais prévu », DR001-DRH.

En aval, SIRH prévoit un ensemble d’opérations permettant la convocation, l’envoi d’emails

de rappel et l’évaluation des sessions de formation. Mais il arrive que certaines de ces

opérations ne soient pas correctement réalisées par l’outil. Ces défaillances informatiques

constituent une complexité supplémentaire au processus réel de formation.

« La convocation part directement de SIRH. Et sur les sites, ils n’y vont pas. Sur les sites, ils vont sur

SIRH pour remplir l’évaluation. Dès que la session est terminée, normalement, le stagiaire, quand il

retourne sur son site, il a un mail qui l’informe qu’il doit remplir son évaluation à chaud. Mais SIRH,

ça ne marche pas très bien. Des fois, il ne reçoit pas le mail. Alors le formateur le leur explique quand

même. Il faut qu’ils aillent dans leur Libre-Service pour aller chercher l’évaluation en question parce

que c’est important quand même. Parce qu’avant, c’était rempli sur table. Puis on ramassait les feuilles

en fin de session. Très souvent, sur des chantiers nouveaux qui impactaient plein de gens, il fallait faire

une compilation d’évaluations pour voir ce que pensent les gens, pour réajuster éventuellement le

contenu du module si ça ne répond pas précisément à ce qu’ils ont souhaité. Même si t’as les infos dans

un module peut-être qu’elles ne sont pas exprimées de la bonne façon. Il faut remodeler, il faut

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

224

reformuler, creuser certains points. Donc c’est important que le SIRH marche bien à ce niveau-là »,

DR001-DRH.

Ce résultat montre que les dysfonctionnements sont d’autant plus problématiques qu’ils

recouvrent une dimension stratégique du processus. Les évaluations des participants aux

sessions de formation permettent d’opérer des changements substantiels sur le processus. Le

SIRH joue un rôle critique dans l’amélioration des champs de la FRH.

Les problématiques rencontrées sur le SIRH ont amené la DRH à développer des alternatives

permettant de pallier l’incapacité de ce dernier à répondre aux besoins métiers. Concernant la

formation, des outils de gestion parallèles sont créés et communiqués aux managers pour leur

permettre d’assurer leurs tâches tout au long du processus.

« Toutes les sessions sont créées dans le SIRH par notre centre de formation. Donc, on a un calendrier

qui est sous format Excel en général. Nous envoyons ensuite ce calendrier aux managers sur les sites

pour que les gens soient positionnés sur les dates prévues. Donc, en général on essaie de les aider en

se faisant un tableau Excel avec le nombre de lignes, en leur indiquant quels sites on veut voir sur ces

sessions, combien on a de places disponibles parce que ça peut être soit une région entièrement pour

les Aquitains, soit ça peut être une session qui est partagée entre Limousin, Poitou-Charentes jusqu’à

maintenant les Pyrénées et l’Aquitaine. Donc on essaie de synthétiser toutes ces infos dans un tableau

que l’on envoie très préparé aux sites pour qu’ils nous donnent le nom des agents », DR001-DRH.

Les dysfonctionnements relatifs au SIRH ont amené la DRH à opérer des ajustements par la

mise en place de pratiques alternatives. Alors que ces initiatives sont contre-indiquées dans le

projet initial de PFRH, elles deviennent tolérées pour répondre à des besoins non satisfaits par

le progiciel.

Les résultats montrent alors que les problématiques rencontrées au cours de l’expérience

d’utilisation affectent l’utilité et la facilité perçues des utilisateurs. Ces effets sont synthétisés

dans le tableau 4-11.

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

225

Tableau 4-11 : Synthèse des effets des dysfonctionnements sur la facilité d’usage et l’utilité

perçues

Dysfonctionnements techniques identifiés Effets sur l’utilisateur

Ergonomiques ; graphisme ; intuitivité ;

déconnexions et saturations ; temps de réponse

Le SI a une facilité d’usage perçue limitée

Les habilitations ne correspondent pas aux

besoins réels des métiers. Il ne permet pas

d’assurer les finalités affichées

Le SI a une utilité perçue limitée

Les informations intégrées ne sont pas fiables.

Elles ne peuvent être utilisées dans la prise de

décisions et la participation aux activités RH sans

vérification

Le SI a une utilité perçue limitée

Source : auteur de la thèse

213. L’alignement des comportements et pratiques : une mesure

compensatoire des dysfonctionnements

Les dysfonctionnements auxquels sont confrontés les utilisateurs tendent à affecter la facilité

d’usage et l’utilité perçue du SI. L’expérience d’utilisation, en particulier, semble être une

dimension centrale dans l’intention d’y recourir à nouveau. En effet, les failles dont a fait

preuve l’outil ont suscité le développement d’expériences négatives que les utilisateurs

évoquent comme une explication majeure de la remise en cause de la performance de l’outil.

Par exemple, des mails envoyés via l’outil et non parvenus remettent en cause la capacité du

système à réaliser cette opération.

« Le SIRH a été produit une fois et puis il n’a pas bien marché, il y a eu que des petits bouts et puis je

m’y suis pas intéressée. Oui, c’est vrai qu’il y a eu des améliorations sur certains champs. C’est le cas

de l’EP, par exemple, il y a moins de déconnexions intempestives. Mais bon, sur le fond il n’a pas trop

changé », MA008-Manager de proximité.

Outre l’expérience négative, il apparait que les difficultés rencontrées pour adapter le SIRH

aux caractéristiques de l’organisation ont finalement abouti à l’émergence de

dysfonctionnements et particulièrement concernant l’information délivrée. Les managers

semblent les avoir profondément associés à l’outil. Finalement, les utilisateurs interrogés ne

sont pas convaincus de sa valeur ajoutée et recourent à d’autres moyens tels que la sollicitation

directe de la DRH ou l’usage de l’intranet pour obtenir les informations recherchées.

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Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

226

« Je ne suis pas convaincu de la plus-value ou peut-être que je ne l’ai pas trouvée.

Pourtant, je le connais SIRH, ça fait 15 ans que je l’utilise », MA009-Manager de proximité.

Du point de vue des décideurs, le manque d’opérationnalité et les dysfonctionnements de SIRH

ont abouti à de réelles remises en cause de la pertinence de son usage.

« Comme vous le savez, dès qu’on fait trop de spécifique sur un ERP, ça le fragilise, c’est-à-dire qu’il

y a des bugs qui sont difficilement explicables en termes de Workflow. Donc ça on l’a expérimenté et

on a vraiment eu des fois des retours de la DSI qui disaient « écoutez, on ne sait pas d’où ça vient ».

Pour moi c’était clairement lié au spécifique un peu trop important sur ce type d’environnement. Et

puis troisièmement il y a aussi, cette option aussi de coût. C’est-à-dire que les difficultés aussi sont liées

au fait que le budget de maintenance et d’évolution de l’outil explose. Je pense, je ne veux pas parler

pour la direction, je n’ai pas suivi les débats, je pense que tous ces éléments-là ont concouru à ce

qu’aujourd’hui on se pose la question de savoir si Peple Soft peut, doit, rester le seul et unique outil de

développement RH », DR008-Responsable SI.

Pour compenser les dysfonctionnements du SI, les utilisateurs mettent en place des initiatives

prenant la forme d’outils parallèles et de pratiques alternatives. Ces dernières visant à pallier

les défaillances techniques du SIRH sont nombreuses. Elles contribuent à faciliter le

déploiement des activités et missions des managers et sont justifiés par la nécessité d’adapter

les processus réels pour atteindre les objectifs initiaux, le SI étant rigide. L’organisation est

elle-même consciente des difficultés du SIRH à répondre aux objectifs fixés. Elle propose donc

des adaptations des processus RH pour faciliter le partage.

« Alors, certains managers avaient lu des choses, ils avaient commencé à convoquer leurs agents par

exemple. Donc ils avaient bien lu le mail parce que le mail leur disait : “ n’attendez pas l’ouverture de

SIRH, on vous autorise à convoquer vos agents par mail”. Il faut savoir que pour convoquer des agents

en EPA et en EP, on a l’obligation de le faire par SIRH. Mais, dès lors qu’il n’est ouvert que le 15 avril,

tu ne peux pas les convoquer avant le 15 avril d’accord ? Et le cadre légal prévoit que tu dois convoquer

ton agent en ayant respecté un délai de prévenance de 15 jours ouvrés donc ça fait trois semaines. On

est d’accord ? Donc, si nos managers attendent le 15 avril qu’on appuie sur le bouton SIRH pour

convoquer leurs agents, ils ne peuvent les convoquer que 3 semaines après au plus tôt donc en gros ils

perdaient le mois d’avril et la première semaine du mois de mai. Donc pour neutraliser ce délai-là, le

25 mars on leur a dit : “d’accord on vous autorise à convoquer par mail. Par contre, vous le faites par

mail pour qu’on ait une trace”. On vous autorise à convoquer par mail comme ça vous respectez le

délai de 15 jours que vous devez à vos agents et après vous faites vos EPA et vous régulariserez sur

SIRH » DR009-DRH.

Page 239: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

227

Les conditions imposées par le cadre réglementaire, les fonctionnalités technologiques et le

processus réel créent des contraintes importantes sur la FRH. Dans ce cadre, la mise en place

de concessions de la DRH permet de simplifier le déploiement du champ et de créer des

configurations plus favorables au déroulement des entretiens professionnels avec leurs

collaborateurs. L’instauration de ces arrangements semble être le seul moyen de faciliter le

partage de la fonction avec les managers et d’en faciliter son acceptation.

Pour contourner le manque d’efficacité de l’outil, le développement d’outils parallèles s’est

également fait à l’initiative des managers. L’utilisation de ces outils permet de compenser les

dysfonctionnements et se fait de manière discrétionnaire et parfois non contrôlée par

l’organisation. Ces arrangements sont parfois même institutionnalisés et encouragés par la

direction et permettraient de compenser les désalignements initiaux entre les processus et

infrastructures du SI et ceux de l’organisation. Ils contribueraient ainsi à limiter les effets

négatifs des incohérences initiales sur la possibilité de prendre de déployer les pratiques

(Opportunité). Mais s’il s’agit d’un moyen de contourner les difficultés sur le court terme, le

développement de ces pratiques et outils alternatifs semble avoir un effet limité sur la capacité

à résoudre les dysfonctionnements. La pluralité des outils contribuerait même à générer des

situations de confusion.

« Et puis bon, SIRH, pour les directeurs c’est un outil parmi beaucoup, beaucoup, beaucoup d’autres.

Donc si vous voulez, trop d’outils tuent les outils quelque part. Parce qu’il y a ceux de la RH, il y a

ceux du pilotage, il y a les outils pour les réclamations, il y a des outils pour tout. Donc forcément, si

on n’est pas en veille systématique là-dessus… », DA004-Direction d’agence.

Par ailleurs, la manière dont est pensée l’organisation ne permet pas toujours la mise en place

de pratiques alternatives.

« La question des habilitations pose la problématique de la gestion quotidienne d’une agence. Cela

remet en cause le rôle du directeur adjoint. Il est prévu qu’en cas d’absence du directeur, son adjoint

assume un certain nombre de responsabilités et notamment au niveau de la gestion des ressources

humaines. Or, il est arrivé que je sois absente et que mon adjointe attende mon retour pour finaliser

des dossiers, car l’outil ne lui en permettait pas l’accès », DA008-Direction d’agence.

Ces arrangements montrent l’incapacité relative de l’organisation à déployer des infrastructures

en lien avec les objectifs de partage de la FRH. À ce titre, ils sont considérés comme

contreproductifs par les managers et remettent en cause l’efficacité de la DRH.

Page 240: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

228

« Mais, en fait, moi je m’aperçois que je considère qu’on est à l’inverse de ce qu’on devrait être, quoi.

Je veux dire qu’on a créé des outils parallèles pour fiabiliser le SIRH. On devrait être plutôt dans :

fiabiliser le SIRH et contrôler par derrière ; éventuellement exploiter des outils parallèles parce que

l’on veut faire des moulinettes particulières où on veut faire des requêtes des éléments du SIRH. On a

développé des choses qui font qu’aujourd’hui on est un peu à l’inverse de ce que devrait faire le

fonctionnement », DR005-DRH.

Les décalages entre les infrastructures de l’outil et le métier des managers pourraient alors

contribuer à entacher la perception que ces derniers ont de leurs propres rôles RH.

« Oui mais moi je ne pense pas comme ça. Je trouve ça dommage, à plus forte raison quand on est

ABC. Je suis peut-être sévère. Je trouve qu’on devrait être modélisant, on devrait être un peu

exemplaire. Vous voyez une grosse boite à qui on fait totalement confiance pour recruter et qui a un

outil SIRH pas super développé quoi. Moi je n’ai jamais montré le SIRH à un DRH de Turboméca ou

de Total. Des fois, c’est vrai ce sont des échanges qu’on peut avoir, moi je travaille avec l’ANDRH, on

peut avoir des échanges, mais quelques fois je le vois, il me dit : “ Ah, tiens, tu me montres ton outil ?

”. Je ne vais pas montrer mon SIRH, j’aurais l’impression de passer pour une pipe. Non, mais c’est

vrai, vous voyez ce que je veux dire, on devrait être exemplaires ou en tout cas à chercher à l’être. Au

moins, se dire : “il faut qu’on ait un outil qui soit à la hauteur, qui serve notre mission, ce rôle”. On

doit conseiller, accompagner les grandes entreprises, les petites, les moyennes, etc. On peut avoir des

outils qui soient pour nous-mêmes à la hauteur. Ça s’appelle une ambition », DT005-Direction

territoriale.

Pour synthétiser, ces observations mettent en évidence que les caractéristiques initiales de

l’outil ne lui permettent que très peu de s’adapter aux infrastructures changeantes de

l’organisation. Afin de pallier ces frictions, l’organisation a tenté de mettre en place des

ajustements au niveau de ces processus, mais avec tout de même une marge de manœuvre

limitée. Ces écarts entre besoins informationnels et situations réelles semblent alors générer

des impacts négatifs sur l’expérience des utilisateurs et, in fine, sur leur volonté d’utiliser le

SIRH. Ces derniers préfèreront les moyens alternatifs consistant à recourir aux spécialistes RH

ou utiliser des outils parallèles pour participer aux champs RH, mais aussi pour prendre les

décisions. Par ailleurs, il apparait que ces écarts entre informations disponibles et informations

souhaitées expliquent également les difficultés rencontrées par certains acteurs à remplir

correctement leurs missions RH (Opportunité). Même si la limitation des opportunités de

partage de la FRH semble être compensée par l’intervention des spécialistes RH en soutien et

par la mise en place de pratiques alternatives, ces dysfonctionnements d’ordre technologique

contribuent également à renforcer l’effet négatif de l’inefficacité perçue de la FRH. Ainsi,

Page 241: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

229

certains managers expriment leur volonté de ne plus s’intéresser aux champs de la GRH. Même

si ce détachement tire certainement ses racines dans d’autres choix organisationnels, il apparait

que les problématiques de SI renvoient aux effets négatifs de l’efficacité perçue de la FRH

(Motivation). Il convient alors de noter que les limitations observées sur les opportunités

peuvent être compensées par des interventions ponctuelles, mais corrigent difficilement les

impacts négatifs sur la motivation (tableau 4-12).

Tableau 4-12 : Effets du désalignement entre les infrastructures organisationnelles et les

processus SI

Domaine de

l’organisation

Domaine

du SI

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Infrastructures

organisationnelles

Infrastructu

res SI

Fort

Le niveau insuffisant d’informations fournies

par le SI entrave certaines prises de décisions

(Opportunité) et renforce le détachement de

certains en matière de GRH (Motivation)

Processus de

travail

Infrastructu

res SI Fort

Les rigidités de l’outil et son manque de

fiabilisation rendent difficile l’articulation des

flux de travail avec les objectifs de partage.

Les informations disponibles ne permettent

pas de répondre aux attentes des processus.

C’est le cas, notamment, pour les processus de

formation et de gratification. (Opportunité)

Compétences et

savoirs

Infrastructu

res SI Médian

L’outil n’est pas développé dans une optique

de professionnalisation des managers en

matière de RH. Mais cette faille semble

compensée par le fait que le développement

des compétences se fait par d’autres moyens.

Même si le désalignement entre les domaines

est faible, les impacts sur les variables de

l’AMO semblent limités

Source auteur de la thèse

22. L’alignement stratégique entre infrastructures organisationnelles et

processus des systèmes d’information

Cette section présente les résultats relatifs à l’alignement entre les infrastructures et processus

organisationnels et les processus SI (voir figure 4-7).

Page 242: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

230

Figure 4-7 : Étude de l’alignement entre les infrastructures et processus organisationnels et

les processus des SI

Source : auteur de la thèse

221. L’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les

processus de valorisation de l’usage

La valorisation de l’outil à travers la communication de ses finalités permet de donner du sens

à son usage. Dans le projet initial, le projet de SIRH a été mis en place dans la finalité

d’accompagner les changements auxquels se préparait l’organisation.

« L’outil avait comme vocation de permettre un véritable accompagnement au changement. Je pense

que c’est ce qui a été le plus frappant sur ce projet. Euh… En termes de communication, on a quand

même eu un investissement de la ligne managériale très important. On a même été jusqu’à faire des

vidéos avec l’ensemble des interlocuteurs de la direction générale. Donc, chaque directeur a eu son

mot pendant 3 minutes, 4 minutes sur une vidéo qui était utilisée pour chacune des formations, pour

chacun des événements de communication en rappelant bien les objectifs du projet, les objectifs

rattachés systématiquement aux objectifs stratégiques de l’entreprise. Donc voilà, je pense que le

principal succès c’est ça en fait », DR008-Responsable SI.

Mais dans les faits, il apparait que les objectifs attribués par les utilisateurs de l’outil ne sont

pas ceux prévus par l’organisation. Alors que cette dernière l’a développé pour transformer

l’organisation à travers la mise en place de nouveaux processus, seul son usage informationnel

est opérationnel. D’un point de vue des objectifs du SI, l’analyse thématique fait émerger deux

familles d’objectifs compris du SIRH : une famille centrée sur les finalités de l’organisation et

une famille centrée sur les finalités en lien avec l’utilisateur individuel (tableau 4-13).

Page 243: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

231

Tableau 4-13 : Objectifs du partage de la FRH

Une finalité organisationnelle Une finalité utilisateur

Autonomie des utilisateurs

Centralisation de l’information

Fiabilisation de l’information

Harmonisation des procédures hétérogènes

Redéfinition des processus

Planification des processus

Traçabilité de l’information

Transparence de l’organisation

Information des collaborateurs

Levier de management

Partage de la fonction

Source auteur de la thèse

La compréhension des objectifs du SIRH par les managers est un point qui est intéressant dans

la mesure où il montre un nombre relativement important de finalités associées à l’outil. Ces

résultats mettent en évidence que le SIRH semble être appréhendé comme un outil davantage

au service de l’organisation qu’à celui de l’utilisateur.

D’un point de vue plus qualitatif, certains objectifs exprimés par les acteurs stratégiques du

management ou de la DRH essentiellement, mettent en évidence le caractère structurant du SI.

À travers la dynamique d’harmonisation des procédures, de redéfinition et de planification des

processus et de transparence de l’organisation, les répondants soulignent la capacité de l’outil

à refondre l’organisation pour en proposer une conception nouvelle.

En aval, il semblerait que le processus de suivi et de contrôle mis en œuvre soit limité à la

mesure de la performance technique de l’outil.

« Oui. On mesure la performance technique : le temps de réponse, les connexions, l’indisponibilité, les

incidents et on a des indicateurs processus métiers qui sont des indicateurs d’usage fonctionnel par

région et par agence », DR002-Responsable SI.

Sur le plan de la fonction RH, les indicateurs de suivi de l’utilisation de SIRH ne semblent pas

être considérés comme une priorité. L’efficacité de l’outil se mesure par des indicateurs dérivés

tels que le nombre de requêtes de réinitialisation de codes de connexion lors de la période

d’EPA, par exemple :

« On voit l’utilisation du SIRH, parce que quand t’as une pile de demandes de codes d’agents tu sais

qu’ils n’y vont qu’une fois par an quoi, au moment de la campagne annuelle d’EPA », DR006-DRH.

Page 244: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

232

Ce résultat montre que cet indicateur, purement quantitatif, permet de voir que l’usage du SIRH

est limité à la fois dans l’étendue des fonctionnalités, puisqu’il n’est utilisé que pour les EPA,

mais aussi dans la fréquence d’utilisation, puisqu’il semble être mobilisé une fois par an.

D’autres indicateurs détournés peuvent être proposés pour mesurer l’usage de SIRH. Il s’agit

des sollicitations des membres de la DRH pour produire des informations ou pour saisir des

opérations qui devraient être réalisées par les managers sur l’outil. À ce titre, évaluer ces

sollicitations est admis comme un moyen potentiel de mesurer de manière quantitative et

qualitative les difficultés rencontrées par les managers :

« Ça, tu vois c’est une vision qu’on n’a pas mais peut-être qu’ils se prennent la tête à se construire des

outils des trucs particuliers pour aller travailler sur telle ou telle caractéristique de leur population

d’agents, sans imaginer que nous derrière, peut-être en 3 fois moins de temps on a la possibilité

d’exploiter. Ça pourrait être intéressant, justement de mesurer s’ils mesurent bien la richesse de toutes

les infos qu’on pourrait leur restituer », DR005-DRH.

Cette évaluation de l’usage s’inscrit dans une logique où le SIRH est un outil parmi d’autres

dans une logique de partage de la FRH. La priorité n’est alors plus donnée à l’usage, mais

finalement à la capacité de l’organisation à atteindre les objectifs posés dans le cadre de la

FRH.

« SIRH c’est un outil, c’est un moyen. Donc moi, un indicateur sur un moyen, je m’en moque un peu.

Je préfère un indicateur sur le résultat, sur l’efficacité ou sur la performance. Mais du coup, ce sont

des indicateurs un peu différents qui vont me renseigner là-dessus. C’est plutôt le taux de réalisation

de ma campagne EPA qui me renseigne à la fois sur le fait qu’ils ont fait leur EPA, mais qui de fait, va

me renseigner sur le fait qu’ils ont utilisé SIRH pour faire leurs EPA », DR009-DRH.

La définition de critères permettant de suivre l’usage du SI est identifiée par les managers

comme un élément qui permettrait d’avoir une visibilité sur le rapport qu’ils ont à l’outil.

« Pour les managers, il manque des tableaux de bord. Il faudrait des tableaux de bord sur tout : les

consultations, l’utilisation, etc. Donc là aujourd’hui, au niveau DT, au niveau agence on n’a pas de

tableaux de bord. On n’a aucune possibilité d’extraire des choses. Donc c’est dommage parce que du

coup on ne sait pas comment c’est utilisé et du coup comme on ne sait pas, on ne se pose pas la question

de comment on pourrait faire mieux puisque globalement chacun l’utilise un peu comme il le

souhaite. », DT008-Direction territoriale.

Le suivi quantitatif et qualitatif de l’usage comporte un intérêt à deux égards. D’une part, il

permettrait à l’organisation et aux managers de situer les comportements d’usage par rapport

Page 245: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

233

aux objectifs fixés. D’autre part, cela faciliterait les questionnements sur le fonctionnement

global de l’outil. Certaines observations révèlent que la remontée des dysfonctionnements

techniques se fait a posteriori et non dans le cadre d’une démarche proactive de diagnostic.

« L’autre jour, en faisant une requête, je me suis rendu compte que, manifestement dans ma requête il

me manquait une partie de la population. Je me suis demandé pourquoi il me manquait une partie de

la population. J’ai repéré que dans SIRH il y a une saisie qui n’était pas bonne. C’est-à-dire qu’il y a

une zone qui faisait partie de ma requête qui n’était pas renseignée pour une partie de la population.

Donc, elle ne sortait pas dans la requête finale. Donc, c’est pour ça qu’en tirant le fil, un petit peu, j’ai

mis le doigt sur des saisies qui n’étaient pas présentes ou qui étaient fausses », DR005-DRH.

Le manque de proactivité sur la fiabilisation des données peut ainsi aboutir à des situations où

des informations erronées sont utilisées pendant plusieurs mois.

« Donc c’est assez lourd comme échange, ça ne nous permet pas de le faire très régulièrement. Donc

voilà, pendant 6 mois, peut-être qu’on va voir une information… Si le profil de l’agent change un mois

après notre requête pendant 5 mois, notre info n’est pas bonne. Je veux dire, pendant un moment t, on

a l’information, mais elle n’est forcément pas valable pendant les 6 mois jusqu’à la prochaine

enquête », DR005-DRH.

Ces dysfonctionnements sur le processus de contrôle des informations constituent donc une

source potentielle de prises de décisions inadaptées. Cette perspective aborde le PFRH à travers

une volonté d’efficacité alors que l’intégration de l’usage SIRH comme une finalité permettrait

de réduire les sollicitations de la DRH et permettrait d’être axé sur un objectif d’efficience.

222. L’effet des désalignements sur le phénomène de centralisation

L’incapacité de l’outil à répondre aux objectifs initiaux et le manque de valorisation des enjeux

de sa mise en place contribuent à alimenter la perception qu’il sert l’organisation davantage

que les utilisateurs.

Tout d’abord, le manque de questionnement sur ses processus aboutit à des configurations qui

ne sont pas comprises par les utilisateurs. Alors que le SIRH vise à réduire les opérations de

traitement et de saisie, son inefficacité et ses incohérences suscitent l’incompréhension.

« Jusqu’à l’année dernière dans le SIRH, par exemple, on saisissait les EPA mais il fallait quand même

faire remonter les besoins de formations sur un tableau à côté. Donc, on ne voyait pas bien l’intérêt.

Personne n’exploitait les EPA et la seule chose qui pouvait être exploitée ne l’était pas. Donc voilà, sur

le sens c’était compliqué à expliquer. Maintenant que ça se fait autrement et mieux, ça devient plus

intéressant et ça a beaucoup plus de sens. Après toutes les autres informations mises à disposition dans

Page 246: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

234

le SIRH, bah, encore une fois, Je n’ai pas le souvenir qu’on ait fait, en tout cas, moi depuis 4 ans, en

tout cas ici, j’ai pas le souvenir qu’on ait fait une communication particulière autour de ce qu’on attend

de l’utilisation du SIRH », DT008-Direction territoriale.

L’incapacité de l’organisation à développer une approche basée sur la cohérence entre

fonctionnalités du SIRH et processus RH tend à remettre en cause l’utilité perçue de l’outil.

Plus précisément, il apparait que l’incapacité de l’outil à développer des fonctionnalités

particulières tend à remettre en cause la performance de la FRH.

« Je trouve dommage qu’on n’ait pas un peu notre cv en ligne quoi. Pour expliquer aux demandeurs

qu’on développe des banques de profils, etc. On ne le fait pas nous-mêmes. Encore un truc. C’est le

cordonnier le plus mal chaussé, je vais dire, mais bon. Une sorte de frilosité là-dessus hallucinante

quoi. À un moment, il y a quelqu’un qui postule où on me dit « tiens, machinette ou machin il serait

vachement bien sur ce truc. D’accord, qu’est-ce que j’ai comme information ? Ah bah j’ai pas grand-

chose si ce n’est ce que tu me racontes. Bon je peux aller voir l’EPA. Mais si on n’était pas dans une

trajectoire là–dessus, l’EPA il n’a pas forcément tourné autour de ça. Voilà, je n’ai pas d’éléments, je

trouve que c’est très administratif. Je pense qu’il reflète bien la partie visible. Il reflète bien à quoi sert

l’outil », MA015-Manager de proximité.

Le rôle que pourrait jouer le système d’information dans le processus de prise de décisions

apparait comme un élément intéressant. Les difficultés que rencontrent les managers pour être

associés dans les décisions, en particulier, relèvent de phénomènes qui dépassent l’outil SIRH

et pourraient davantage relever de choix organisationnels.

« Alors non. Même si c’est mal je dis non. J’en ai pas besoin pour prendre des décisions. Elles sont

limitées quand même nos décisions. Et puis si vraiment, j’ai un doute, j’appelle les collègues RH. Je ne

sais pas pourquoi j’ai appelé la dernière fois, mais j’ai eu une réponse aussitôt, donc voilà. Après, on

est confrontés à quoi, au volet formation ? Et ça, à force, on maîtrise un petit peu. Non on n’a pas de

questions. Après si, c’est les conventions collectives, je leur dis de se référer à l’outil internet et voilà.

Mais c’est tout. Je rentre pas plus dans le détail », MA010-Manager de proximité.

En l’absence de valorisation de la démarche guidant la mise en place du SIRH et en contexte

de sous-performance de ce dernier, l’outil peut être considéré comme un moyen de

centralisation des pouvoirs. D’un point de vue organisationnel, l’outil destiné initialement à la

collaboration et au partage est perçu par les managers comme un moyen pour les fonctions

supports et la hiérarchie d’exercer une influence supplémentaire sur les niveaux opérationnels.

La mise en place de l’outil s’est accompagnée pour les utilisateurs d’une crainte de voir

l’autonomie de travail réduite par la mise en place d’une organisation de travail plus

Page 247: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

235

transparente. Un des répondants fait état de suspicions vis-à-vis des objectifs réels de la

nouvelle application.

« Mmm… ça a pu être un peu compliqué au début. Je pense que les professionnels RH avaient peur de

perdre un peu d’expertise. Je prends par exemple la question de la gestion des temps au moment de la

fusion, il était hors de question qu’on déconcentre la gestion des temps », DR004-DRH.

L’outil ne serait donc pas l’unique cause des freins d’utilisation. Le manque de communication

concernant la stratégie dans laquelle il est inscrit pourrait en être un facteur explicatif. Ces

tensions et dysfonctionnements qui existent entre les différents acteurs de la GRH peuvent

trouver leurs fondements dans des rivalités bien réelles, mais qui sont parfois latentes et non

exprimées. La référence à cette lutte d’influence à travers la censure du terme « pouvoir »

suscite des réactions qui montrent que cette réalité est taboue.

« Oui c’est ça. Le partage de la FRH fait référence à la distribution de marges d’autonomie, de

manœuvre. On ne dit pas pouvoir. C’est marrant, c’est un terme qu’on n’utilise pas trop. Ça doit être

tabou. Ce n’est pas dans la culture. Ou si on le dit, ça peut être… c’est dans les couloirs, avec une

connotation un peu péjorative (rires). Si on en parle, c’est plus pour les gens qui en abusent. Du coup,

c’est vrai que c’est un terme qu’on n’utilise pas tellement », DT006-Correspondant RH.

Cette association sémantique négative du terme « pouvoir » est utilisée pour évoquer des

configurations où certains acteurs participent à mettre en péril de nouvelles formes

d’organisation.

« Je milite pour convaincre mes directeurs d’agence dans un premier temps parce que quand on veut

enlever toute forme de pouvoir à quelqu’un il nous dit : “ah bah ça se passait super bien, c’est moi qui

recrutais, pourquoi vous voulez qu’on change ?”. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il y a trois ou quatre ans

c’est moi-même qui recevais les candidats en recrutement de CDD. Et on se dit : “est-ce que c’est

vraiment, mon job, en DT ?”. Alors c’est super intéressant de faire du recrutement parce que je suis

passionné par les ressources humaines, mais c’est pas dans la logique du partage », DT009-Direction

territoriale.

En l’absence de clarification et d’accompagnement, les managers peuvent se construire une

représentation contreproductive des objectifs de PFRH et des finalités poursuivies par

l’organisation.

« Je pense que l’outil il ne leur permet pas grand-chose aujourd’hui. Et comme je vous l’ai dit, je ne

connais pas quel est le niveau d’utilisation par les managers, en dehors des modules d’EPA. L’EPA

Page 248: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

236

c’est obligatoire maintenant. Qu’est-ce qu’ils en font ? J’ai l’impression qu’ils considèrent que ça nous

serre plus à nous qu’à eux », DR004-DRH.

Le sentiment d’instrumentalisation du SIRH a été renforcé par le manque d’implication des

managers dans le projet. Lors de la phase de définition des besoins et de la mise en place du

SI, une équipe projet constituée des directions nationales des SI et des RH a été constituée. Les

managers ont été sollicités dans la phase de tests destinés au recensement des avis et des

problématiques rencontrées lors de l’utilisation de l’outil. Cependant, la direction a fait le choix

d’écarter les managers de la réflexion préalable au développement et notamment lors de la

constitution du cahier des charges. Cela à contribuer à amener les responsables d’équipe à

découvrir un outil conçu par et pour la direction.

« La direction régionale a entrepris un effort d’information essentiellement sur la manière d’utiliser le

SIRH, l’importance de l’utiliser, mais pas sur les fondements de pourquoi c’est important. Par

conséquent, la plupart des managers sont persuadés que l’outil a été développé au service des fonctions

support, que c’est un outil qui sert les personnes qui sont dans leur bureau », DA008-Direction

d’agence.

Les résultats de ce deuxième point montrent que la fiabilisation des informations contenues

dans le progiciel a été rendue difficile par les difficultés d’intégration des données disponibles

avant la fusion. Par la suite, les processus de suivi et de contrôle n’ont pas été développés dans

la perspective d’anticipation des erreurs d’usage dans le cadre du PFRH. Cela a contribué à

contraindre la prise de décisions RH en particulier (Opportunité). Par ailleurs, la valorisation

de l’usage de l’outil n’a pas permis de développer chez les managers le sens de l’usage

escompté : un outil de partage de l’information. Le SIRH a alors appréhendé comme un gadget,

inefficace et surtout au service de la DRH. Certains acteurs sont alors identifiés comme agissant

de manière opportuniste dans le cadre du PFRH en limitant le rôle des acteurs dans la

participation aux activités et décisions RH (Opportunité). Cela aurait contribué à neutraliser

l’efficacité de la DRH perçue par les managers puisque cette dernière est incapable de mettre

en place un pilotage en lien avec les objectifs (Motivation) et aurait conçu un outil à des fins

personnelles.

Les résultats relatifs à l’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les processus

SI sont présentés dans le tableau 4-14.

Page 249: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

237

Tableau 4-14 : Effets du désalignement entre les infrastructures organisationnelles et celles

des systèmes d’information

Domaine de

l’organisation

Domaine

du SI

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Infrastructures

administratives

Processus

SI Médian

L’absence de valorisation et de contrôle

aboutissent à la production d’informations

erronées et inutilisables (Opportunité)

Processus

organisationnels

Processus

SI Fort

L’incapacité de l’organisation de l’outil à

répondre aux besoins initiaux et le manque de

communication alimentent la perception qu’il

est un moyen de centralisation des pouvoirs

(Motivation) et d’inefficacité de la DRH

(Motivation)

Compétences et

savoirs

Processus

SI Pas d’éléments

Source : auteur de la thèse

23. L’alignement entre infrastructures organisationnelles et compétences en

systèmes d’information

Cette section présente les résultats de l’alignement horizontal entre les infrastructures et

processus organisationnels et les compétences SI (figure 4-8).

Figure 4-8 : Étude de l’alignement entre les infrastructures et processus organisationnels et

les compétences SI

Source : auteur de la thèse

231. L’alignement entre les besoins d’accompagnement et la structure

décisionnelle

L’ensemble du processus de la définition des besoins à la mise en place effective de l’outil a

été une démarche rendue complexe par l’organigramme des acteurs. Le relai d’informations

entre l’éditeur et prestataire de services (ADP) et les besoins en contexte réel a été opéré par

Page 250: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

238

de nombreux intermédiaires. Or, une perte des ressources humaines au niveau de l’éditeur a

rendu les opérations de suivi, de contrôle et de correction de la mise en place difficile.

« Déjà, en termes de mémoire du spécifique, nous avions des personnes côté ADP qui étaient

historiquement chargées du développement pour ABC et qui avaient donc une compréhension et étaient

vraiment, je dirais, maîtres des développements qui avaient été faits pour ABC. Lorsque ces personnes

ont été amenées à partir, ADP n’avait plus cette mémoire de développement et n’était plus aussi réactive

par rapport à la customisation qu’on pouvait leur demander par rapport à cet environnement qui était

très customisé déjà. Là, on est très dépendants de prestataires et je pense qu’on veut se libérer un petit

peu de cette dépendance », DR008-Responsable SI.

Le SIRH a fait l’objet d’une montée en compétences des managers à travers la mise à

disposition de supports, mais surtout de formations physiques. Ces sessions se sont alors surtout

opérées lors du déploiement de nouvelles pratiques RH. Les évolutions informatiques ont alors

et surtout été l’occasion de redéployer un accompagnement sur les pratiques RH de manière

générale et de s’interroger sur le lien entre les processus réels et l’outil.

« Euh… de mémoire, sur l’utilisation du Libre-Service, on avait fait une com, il y a un an peut-être,

peut-être un peu moins. Après, il n’existe pas de livret dédié au SIRH, non. Après il y a des processus

purement techniques, des méthodo, voilà des déroulés, mais pour le SIRH non, non », DR003-DRH.

Mais le discours des utilisateurs montre que le manque de maîtrise technique n’est pas un

élément explicatif des problématiques d’usage. Il apparait effectivement que les managers se

satisfont du niveau de maîtrise de l’outil. Les dispositifs mis en place par l’organisation et la

simplicité de l’outil faciliteraient l’autoformation.

« Si on les a formés, on les a accompagnés ? Peut-être assez rapidement, trop rapidement, surtout dans

une période de changements où il y avait beaucoup de choses à assimiler de part et d’autre donc ça a

été une période dense. Donc effectivement, ils sont rentrés par l’outil et ils rentrent dans l’outil

majoritairement, je dirais une fois dans l’année, enfin pas une fois dans l’année en tout cas à un timing

au moment des EPA » DR004-DRH.

L’accompagnement se fait également par le soutien des managers lorsqu’ils sont confrontés à

des problématiques d’usage. Lorsqu’ils ne maîtrisent pas suffisamment certains champs, le

recours à la DRH permet de corriger leurs lacunes et en facilite l’utilisation. Mais, la manière

dont les managers sont accompagnés ne contribue pas à améliorer le phénomène d’usage de

manière globale. À défaut de développer une approche pédagogique favorisant l’autonomie des

utilisateurs, le support proposé est axé sur une intervention rapide et peu professionnalisante.

Page 251: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

239

« Pour certains, on a toujours l’impression qu’on va perdre du temps entre guillemets à faire cet

accompagnement alors qu’au final, on va aider la personne à gagner autonomie. Mais sur le coup,

voilà, “je sais où est la réponse, je vais y aller, ça va me prendre 5 secondes. S’il faut que je lui explique

le cheminement, que je le guide dans le cheminement, j’ai l’impression que je vais perdre 5 minutes”

et comme on est un petit peu tous dans une course contre la montre. Le phénomène est exactement

celui-ci avec un manager qui vient demander une information réglementaire. Je la connais, je lui donne.

Alors que je ferai mieux de lui dire où il peut la trouver et la prochaine fois il sera autonome pour aller

la chercher. Voilà, on est souvent confrontés à cet élément-là. Une approche qui n’est peut-être pas

suffisamment pédagogique et qui n’accompagne pas l’utilisation d’un certain nombre d’outils. Voilà,

“ je vais au plus vite, mais je ne travaille pas forcément toujours sur la montée en autonomie de mes

collaborateurs” », DR005-DRH.

Ces éléments montrent que l’approche privilégiée pour la formation des managers se fonde

davantage sur la volonté de gagner du temps dans le déploiement des processus internes que

de développer des pratiques visant l’autonomisation. Cette démarche semble constituer un

consensus entre spécialistes RH et managers qui y perçoivent un certain confort. Pour autant,

elle participe à créer des automatismes fondés sur la systématisation du recours aux spécialistes

RH, alimente une dépendance fonctionnelle et freine le développement d’une relation

équilibrée en situation de partage.

« C’est vrai que les RH sont plutôt disponibles. Une fois qu’on a identifié les bons interlocuteurs, on a

une assistance assez rapide et efficace. Après, c’est vrai qu’on a tendance à privilégier ce moyen plutôt

qu’à aller chercher dans tel document où se trouve telle information ou je ne sais quoi. Du coup, c’est

vrai que si on sollicite les RH pour une question sur SIRH, on en profite aussi pour poser des questions

sur des choses plus globales, sur les EPA ou autre. Mais bon c’est vrai que dès fois si la personne

compétente n’est pas là, ou qu’on n’arrive pas à les joindre, on est un peu bloqués quoi », MA014-

Manager de proximité.

L’instauration de ce type de relation semble toutefois avoir ses limites. Elle semble entraver la

professionnalisation et l’autonomisation des managers sur certains champs en favorisant le

recours systématique à l’aide des experts.

232. L’alignement entre besoins de maîtrise technique et développement

des compétences

Le développement des compétences en matière de SIRH n’est pas un élément qui a

particulièrement été central dans la réflexion de l’organisation. Et pour cause, lorsqu’ils sont

confrontés à des problématiques SIRH, les managers ont tendance à surestimer le poids de leur

Page 252: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

240

maîtrise informatique dans leurs difficultés. Pourtant, il semble que le SI suit les évolutions de

l’organisation et nécessite donc une mise à jour des connaissances. Ce besoin de revalorisation

des connaissances SI n’est pourtant pas être intégré comme une priorité du plan de formation.

« Les managers ne savent pas forcément où aller chercher. Parce que si tu veux, bon quand tu installes

un nouveau matériel tu as toute une série de formations pour toutes les régions qui sont ouvertes. Donc

les régions envoient les agents pour travailler sur les outils, ils n’ont pas le choix. Et puis au fil du

temps, il y a moins de sessions qui s’ouvrent et puis il y a une ligne où il n’y a pas du tout de sessions

sur SIRH. Par exemple, le module formation, il y a peut-être une formation dans l’année, mais les

services changent, les gens changent, y a des nouveaux qui arrivent, y n’en a qui partent, il y en a qui

changent, etc. Donc, souvent ce qui se passe c’est que tu formes le collègue qui arrive, mais on le forme

sur la partie qui l’intéresse et ils perdent cette vision d’ensemble. Déjà, rien que quand tu visualises le

cœur du noyau c’est-à-dire la GA et que tu rajoutes le module, tu vois mieux comment ça peut

fonctionner et après tu rentres sur le module en question, dans la plateforme formation tu peux piloter

le plan de A à Z. mais toi tu arrives on va te demander de mettre en place quelques sessions et bien on

va te former uniquement sur la partie qui t’intéresse. Et après, si le pilote il s’en va tu ne sais pas où

aller chercher le plan. Donc si tu veux, il faut sans arrêt aller surveiller que les bonnes pratiques sont

mises en œuvre quoi », DR001- DRH.

Ce résultat montre que les difficultés de mise à jour des connaissances individuelles seraient

essentiellement dues au manque de cohérence entre le niveau de formation proposé et les

besoins réels des managers. Alors que les formations portent essentiellement sur la manière

dont le SI peut répondre aux besoins métiers, il s’avère que la compréhension globale du

système d’information et de ses connexions avec les processus réels est un besoin non satisfait.

L’usage pourrait alors être lié à la capacité des managers à piloter les processus RH et plus

particulièrement à leur capacité à développer une vue d’ensemble.

D’un autre côté, il apparait que les véritables difficultés auxquelles ils sont confrontés ont trait

aux processus RH davantage qu’à la maîtrise du champ technologique.

« Voici le SIRH. Ça c’est le salaire théorique annuel, donc il faut déjà savoir ce qu’est un salaire

théorique annuel, ce qui n’est pas le cas de tout le monde… et après il y a tous les changements de

données, donc c’est plutôt bien en termes d’historique notamment au moment de la campagne de

promotion où ils peuvent regarder s’il y a eu l’année passée, un changement de promo, etc. etc. Voilà

comment c’est noté, donc il y a une notion de coefficient. Alors là, je suis sur un agent public donc c’est

différent. C’est un peu plus compliqué. Une majoration au titre de l’article 19, enfin, il y a des choses

Page 253: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

241

qui touchent à la paie donc je ne sais pas si tout le monde est à l’aise sur cette donnée-là, mais je sais

que, en tout cas l’aspect rémunération y’en a pas beaucoup qui y touchent », DR007-DRH.

Il est attendu des managers qu’ils utilisent exclusivement le SIRH pour réaliser certaines de

leurs missions RH. Mais la complexité dans certains domaines RH constitue une explication

aux freins à l’usage. :

« Parce que l’outil, il est lourd. Vous voyez tout ce qu’il y a à remplir et enregistrer tous les pavés et il

y a des pavés il faut remonter en haut, c’est pas le petit cadre non. Il faut remonter tout à fait en haut.

Bon, il marche mieux quand même, il bug moins qu’avant, mais c’est pas… c’est perfectible là. Alors

il y a une chose, voilà. La question que je me pose : “examen professionnel 20.4 ?” je ne sais pas ce

que c’est. Je ne sais pas quels sont les agents concernés. J’ai demandé, j’ai demandé au directeur de

site, j’ai demandé aux RH, elle n’a pas la lise. Elle est obligée de faire agent par agent pour voir qui

relève de cet article », MA005-Manager de proximité.

Ces résultats montrent que les compétences en systèmes RH ont tendance à être surestimées

par les managers qui se pensent compétents sur les différentes fonctionnalités de l’outil. Or, il

subsiste un manque de compréhension globale du fonctionnement de l’outil et d’interactions

avec les processus. Par ailleurs, il apparait que certaines problématiques associées au SIRH

relèveraient davantage du niveau de compétence des processus réels.

Les résultats relatifs à l’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les

compétences SI sont présentés dans le tableau 4-15.

Page 254: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

242

Tableau 4-15 : Effets du désalignement entre les infrastructures et processus

organisationnels et les compétences SI

Domaine de

l’organisation Domaine du SI

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Infrastructures

administratives Compétences SI Faible

Le niveau de connaissance en SI semble

suffisant pour chaque niveau

d’utilisateurs. Ainsi, chacun semble

pouvoir utiliser l’outil dans le cadre des

responsabilités et missions RH

attribuées

Processus

organisationnels Compétences SI -

Pas d’éléments

Compétences et

savoirs Compétences SI Médian

Une montée en compétence développée

par le biais de formations, de supports,

mais surtout par l’autoformation des

managers, semble impacter positivement

le niveau de capacités. Le

développement d’une relation basée sur

la dépendance génère des automatismes

empêchant la professionnalisation

(Capacités)

Source : auteur de la thèse

Ces deux premiers points ont été l’occasion d‘étudier les alignements et désalignements

observés au sein d’ABC et leurs effets sur l’AMO. Les résultats mettent alors en évidence que

les alignements et les désalignements impactent la position du manager en situation de PFRH

en affectant leurs capacités, leurs motivations et leurs opportunités. Le point suivant a pour

objet de proposer une synthèse de ces résultats et de proposer une évaluation de générale de

l’alignement stratégique.

Une évaluation de l’alignement stratégique et du partage de la

fonction ressources humaines par la typologie

Il convient de proposer une synthèse des résultats d’alignement présentés dans les deux points

précédents. Dans un premier temps, une étude du niveau des désalignements verticaux et

horizontaux sera présentée. Par la suite, nous aborderons l’effet de ces situations d’alignement

Page 255: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

243

sur le PFRH sur la base de l’observation directe des pratiques, mais aussi du contenu

informationnel du discours des répondants.

31. Alignement stratégique : mise en œuvre asymétrique du fit stratégique et

de l’intégration fonctionnelle

311. Évaluation du fit stratégique

Les résultats précédents mettent en évidence que les désalignements stratégiques entre les

différentes composantes des infrastructures organisationnelles et ceux des objectifs du PFRH

impactent la manière dont les capacités, la motivation et les opportunités de partage sont

développées. Il apparait plus particulièrement que les difficultés rencontrées par l’organisation

pour mettre en place cet alignement entre les deux domaines stratégiques ont été renforcées par

les effets d’une gestion inappropriée des conséquences de la fusion. Cette dernière a participé

à l’intégration d’infrastructures organisationnelles différentes et parfois inappropriées. Les

résultats relatifs aux alignements observés entre les objectifs stratégiques du PFRH et les

infrastructures organisationnelles sont proposés dans le tableau 4-16. Celui-ci présente une

synthèse des niveaux d’alignement entre les composantes ainsi que la répercussion de ces

derniers sur les variables de l’AMO.

Sur la base des travaux de Bergeron et al. (2004), une évaluation linéaire des désalignements

entre les composantes des domaines interne et externe a été opérée. La détermination du niveau

d’alignement a été effectuée sur la base d’une analyse des conséquences observées sur l’AMO.

Concernant le fit stratégique, les résultats montrent que sur les 6 paires de composantes

étudiées, 5 présentent un niveau de désalignement fort. Seul un niveau d’alignement est

médian. Il concerne les domaines des compétences et savoirs et celui de la participation à la

prise de décisions. Pour cette observation particulière, deux éléments ont justifié un alignement

médian. D’une part, les difficultés rencontrées par les managers pour prendre leurs décisions

concernent essentiellement deux champs particulièrement sensibles : la gestion des temps et

les promotions. D’autre part, il convient de souligner que les effets de compensation permettent

aux managers de pallier les difficultés rencontrées dans le cadre des prises de décisions. En

effet, le recours à un appui des experts, du responsable hiérarchique ou de leurs pairs

permettrait de limiter l’effet des dysfonctionnements infrastructurels. Concernant les autres

paires de contingences, il semblerait que les mécanismes de compensation n’aient pas pu

s’opérer, ou du moins, pas de manière significative. C’est le cas particulièrement du résultat

Page 256: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

244

relatif au niveau de formalisation. Dans certains cas, le manque de formalisation semble avoir

généré un effet dissuasif sur la participation aux activités, mais également à la prise de

décisions. L’absence de cadre a effectivement abouti à des configurations où les responsables

d’unité agissaient de façon discrétionnaire que ce soit délibérément ou de manière opportuniste.

Ces comportements constituent alors des blocages matériels qu’il est apparu difficile à

contourner. Cela explique en partie l’absence de participation des managers à la FRH. De la

même manière, le manque de moyens attribués par l’organisation constitue une limite

matérielle au déploiement de certaines activités et contraignent leurs décisions. C’est le cas

particulièrement du processus d’attribution des promotions et des recrutements qui ne peuvent

pas être déployés de la manière prévue. Les résultats montrent alors que ce manque

d’alignement entre les objectifs prévus et les moyens mis en œuvre par l’organisation impacte

à la fois l’opportunité de partage, mais également et surtout la motivation des managers. Cela

est particulièrement observé pour le processus de gratification. En effet, les managers

expriment des frustrations consécutives à l’incapacité à gratifier comme il se devrait les

individus qu’ils jugent méritants. Au-delà des effets directs sur la situation de leurs

collaborateurs, la déception tient à l’incapacité de l’organisation à tenir sa promesse : celle de

renforcer les leviers managériaux et de contribuer au développement de la relation avec les

managers.

De manière plus générale, les effets des alignements sur la motivation seraient dus à l’échec

qu’attribuent les managers au projet. En effet, il semblerait que la légitimité de la DRH soit

entachée par son inefficacité. L’incapacité à aligner les objectifs poursuivis avec les moyens

mis en place contribuerait à la formulation d’attentes non satisfaites.

Page 257: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

245

Tableau 4-16 : Synthèse des alignements entre les composantes du domaine stratégique et du

domaine des infrastructures organisationnelles

Domaine

interne

Domaine

externe

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Compétences et

savoirs

Participation

aux activités

RH

Fort

Le manque de prise en compte des besoins

spécifiques des champs et des individus rend le

niveau de capacités hétérogènes (Capacités)

Compétences et

savoirs

Participation à

la prise de

décisions

Médian

Les carences d’accompagnement influence les

capacités de prises de décision sur les champs

promotion et gestion des temps (Capacités)

Infrastructures

admin.

Participation

aux activités

RH

Fort

Le niveau de formalisation impacte la propension

des activités à être partagée de manière homogène

(Opportunité) mais constituent également un

frein à la prise d’initiatives (Motivation)

Le manque de conditions matérielles semble

impacter la capacité de déployer certaines

activités (Opportunité) et génère de la frustration

(Motivation)

Infrastructures

admin.

Participation à

la prise de

décisions RH

Fort

La formalisation insuffisante semblerait

dissuader la participation des managers à la prise

de décisions RH, du fait d’un manque de

sécurisation des choix (Opportunité)

Processus de

travail

Participation

aux activités

RH

Fort

Le phénomène de centralisation des processus et

les rôles adoptés par les spécialistes RH semblent

influencer la volonté des managers de participer

aux activités RH (Motivation). Même s’il semble

maîtrisé le dialogue social constitue une

contrainte dans la participation des managers à

certaines activités (Opportunité)

Processus de

travail

Participation à

la prise de

décisions

Fort

La participation des managers au processus de

prise de décisions est affectée par les tensions non

résolues du contexte social (Opportunité), mais

aussi par la centralisation des procédures qui

remet en question la confiance accordée aux

managers (Motivation)

Sur la base de ces éléments, il est conclu que le désalignement entre les objectifs du PFRH et

les infrastructures mises en place (fit stratégique) est Fort.

312. Évaluation de l’intégration fonctionnelle

Les résultats relatifs à l’intégration fonctionnelle sont sensiblement différents de ceux obtenus

pour le fit stratégique. Une synthèse est proposée dans le tableau 4-17 ci-dessous.

Page 258: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

246

Dans un premier temps, il faut souligner que sur les neuf pairs de composantes étudiées, on

observe trois désalignements forts, trois médians, et un faible. Il convient alors de désigner ces

domaines comme désalignés, mais dans une plus faible mesure puisque le nombre de

désalignements est moins important que pour le fit stratégique. Pour autant, cela n’est pas le

gage que l’organisation parvient à développer des infrastructures parfaitement cohérentes. Les

résultats présentés précédemment soulignent effectivement de nombreux dysfonctionnements

techniques et organisationnels. Ceux-ci pourraient entraver de nombreux processus RH et les

possibilités de prise de décisions. Plus particulièrement, certaines observations montrent que

l’accès à l’information utile et le manque de coordination entre les processus SI et métiers

pourraient participer à réduire l’opportunité de PFRH. De plus, il semblerait que la motivation

soit également altérée par la situation vécue par les managers. Pour autant, les managers ne

seraient pas directement impactés par les performances du SI puisqu’ils sont parvenus à se

détacher de l’outil. Autrement dit, les attentes en matière de PFRH semblent davantage dirigées

vers le résultat de leur implication dans la FRH que dans l’usage de l’outil. La motivation

semble donc impactée dans une moindre mesure en matière d’intégration fonctionnelle que

lorsqu’il s’agit du fit stratégique. Cela implique alors que les dysfonctionnements rencontrés

dans le cadre de l’usage du SIRH font plus facilement l’objet de compensations lorsqu’il s’agit

de l’alignement horizontal (intégration fonctionnelle). Cela expliquerait alors que les forts

désalignements sont proportionnellement moins nombreux en matière de fit stratégique.

Page 259: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

247

Tableau 4-17 : Synthèse des alignements entre les infrastructures organisationnelles et les

infrastructures du système d’information

Domaine de

l’organisation

Domaine

du SI

Niveau de

désalignement Effet sur l’AMO

Compétences et

savoirs

Infrastructu

res SI Médian

L’outil n’est pas développé dans une optique de

professionnalisation des managers en matière de RH. Mais

cet écart est compensé par le fait que le développement des

compétences se fait par d’autres moyens. Même si le

désalignement entre les domaines est médian, les impacts

sur les variables de l’AMO semblent limités

Infrastructures

admin.

Infrastructu

res SI Fort

L’outil ne permet pas à tous les utilisateurs d’avoir le

niveau d’information concernant son métier. Cela entrave

l’accès à l’information dans certaines prises de décisions

(opportunité) et renforce le détachement de certains en

matière de GRH (motivation)

Processus de

travail

Infrastructu

res SI Médian

Les rigidités de l’outil et son manque de fiabilisation

rendent difficiles l’articulation des flux de travail. Les

informations disponibles ne permettent pas de répondre aux

attentes des processus. C’est le cas de la formation et du

processus de formation notamment (opportunité)

Compétences et

savoirs

Processus

SI

Pas d’éléments

Infrastructures

admin.

Processus

SI Médian

L’absence de fiabilisation et de contrôle aboutissent à la

production et à la production d’informations erronées et

inutilisables (opportunité)

Processus de

travail

Processus

SI Fort

L’incapacité de l’organisation de l’outil à répondre aux

besoins initiaux et le manque de communication alimentent

la perception qu’il est un moyen de centralisation des

pouvoirs (motivation)

Compétences et

savoirs

Compétenc

es SI Fort

Une montée en compétence développée par le biais de

formations, supports mais surtout par l’autoformation des

managers semble impacter positivement le niveau de

capacité (capacités)

Infrastructures

admin.

Compétenc

es SI Faible

Il semblerait que le niveau de connaissance en SI soit

suffisant pour chaque niveau d’utilisateurs. Ainsi, chacun

semble pouvoir utiliser l’outil dans le cadre des

responsabilités et missions RH attribuées (capacités ;

opportunités)

Processus de

travail

Compétenc

es SI - Pas d’éléments

Sur la base de ces éléments, il est conclu que le désalignement entre infrastructures (fit

stratégique) est Fort.

Page 260: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

248

La comparaison des niveaux d’alignement sur les plans vertical et horizontal pourrait mener au

constat que bien que des incohérences apparaissent sur les deux niveaux, l’ampleur des

désalignements ne semble pas identique. Alors qu’en matière de fit stratégique, 80 % des

composantes sont désalignées, seulement 30 % d’entre elles sont désalignées concernant

l’intégration fonctionnelle. Pour ces raisons, et sur la base unique de l’analyse relative des deux

alignements présentés dans la présente recherche, nous proposons que le désalignement du

domaine externe est relativement fort et que le désalignement du domaine interne est faible.

Cette évaluation a posteriori de l’alignement n’a pas vocation à comporter de caractère de

généralisation, mais davantage à identifier le manque de fit stratégique comme principal

élément explicatif du PFRH.

32. Le succès de partage de la fonction ressources humaines : une atteinte

asymétrique des objectifs

Le premier résultat qu’il est possible de mettre en évidence c’est que les dimensions

quantitative et qualitative des réponses sont sensiblement différentes concernant le sujet des

infrastructures informatiques et celui des infrastructures organisationnelles. Alors que les

thématiques du guide d’entretien abordent de manière similaire ces deux thématiques, il

apparait que les éléments apportés par les répondants concernant les SI sont plus concis et

moins riches en informations. Cette tendance se dessine tant pour les managers de proximité

que pour ceux ayant un fort niveau stratégique. Ce résultat mène au constat que les éléments

d’ordre organisationnel semblent comporter une place plus importante dans les problématiques

identifiées que les éléments liés au SIRH. Cela peut également s’expliquer par le faible usage

du SIRH.

Les résultats montrent que les choix organisationnels ont un effet sur les capacités, la

motivation et les opportunités des managers de partager la FRH. Plus particulièrement, les

résultats soulignent la manière dont le désalignement entre les choix organisationnels impacte

la position des managers en contexte de PFRH.

L’organisation ABC avait pour objectif principal l’association de l’ensemble des managers

dans les activités principales de la FRH : la gestion des temps, les EP et les EPA, le recrutement,

la gratification, la formation. Il convient de voir les effets réels des pratiques organisationnelles

sur ces champs.

Page 261: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

249

321. Une évaluation par l’observation : un succès hétérogène de partage

selon les champs

Dans ce champ, il convient de voir comment les pratiques organisationnelles ont impacté les

pratiques visées par le PFRH.

La gestion des temps

Ce champ est partagé dans une grande partie des agences sur les processus de vérification,

contrôle et validation des saisies. Sur la partie décisionnelle, il y a également une tendance

générale au partage de cette pratique sauf en ce qui concerne les demandes particulières liées

au statut de représentants du personnel qui sont exclusivement réservés à une approbation au

niveau territorial. La participation des managers dans la gestion des temps est identifiée par la

direction stratégique comme participant à la fluidité du processus. Dans de rares cas, l’absence

d’association des managers au champ est justifiée par la volonté de libérer ces derniers d’une

activité chronophage.

Sur le plan de la prise de décisions, la gestion des temps comporte une dimension stratégique

puisqu’il s’agit de valider des motifs et demandes d’absence selon des situations spécifiques.

Le champ étant directement lié au processus de paie, les erreurs potentielles en la matière sont

jugées comme critiques. Pour cette raison, les décisions s’opèrent au sein de la direction

territoriale et de la direction régionale. Cette organisation a été formalisée dans une charte

communiquée et s’impose à toutes les unités du territoire. Ainsi, le niveau d’association à la

prise de décisions des managers est réduit, conformément à ce qui est prévu dans les objectifs

initiaux.

La gratification

Concernant les processus de gratification, la DRH prévoit une association dans le processus.

Sur l’ensemble des sites, les managers de proximité ont connaissance de ce processus et des

enjeux. La dimension principale de ce champ repose sur la prise de décisions puisqu’il consiste

à étudier le cas de chacun des collaborateurs et à proposer des dispositifs de gratification. Or,

il s’avère que le niveau d’association dans la prise de décisions est variable selon les agences.

Alors que dans certains cas ce champ fait l’objet de discussions permettant la mise en place

d’une décision collégiale, certains managers évoquent le fait de n’être qu’informés par leur

responsable hiérarchique des propositions qui seront faites auprès de la DRH. Cette modalité

de déploiement serait alors justifiée d’une part, par la nécessité d’optimiser le temps alloué au

Page 262: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

250

champ, mais aussi par les dotations financières limitées qui contraindraient les décisions et

rendraient illusoire la prise de décisions. Les responsables hiérarchiques tendent à estimer

l’association des managers comme incompatible avec la limitation des ressources. Dans ce

contexte, décider seul.e devient une solution rationnelle.

L’entretien professionnel et l’entretien professionnel annuel

Ces champs sont ceux qui montrent le plus grand niveau d’homogénéité dans les agences

s’agissant de la participation des managers à l’activité. Il apparait que le caractère

particulièrement confidentiel du champ et la nécessité de recourir à l’espace personnel SIRH

pour en assurer le déploiement aboutissent au fait que l’ensemble des agences associe

pleinement les managers. Par ailleurs, des directives données régulièrement rappellent le

caractère obligatoire de cet entretien et la nécessité qu’il soit déployé par les managers selon

les modalités définies.

Sur le plan décisionnel, les évaluations et la définition des objectifs futurs sont établies par les

managers eux-mêmes. Il semblerait que les tentatives de contrôle de ces champs par les

responsables hiérarchiques soient dissuadées par l’absence de dimension décisionnelle directe

et son caractère chronophage. Pour ces raisons, le champ est partagé conformément à ce qui

est prévu dans les objectifs de PFRH.

Le recrutement

Le recrutement est un champ particulièrement sensible, car il est le moyen de choisir les

collaborateurs avec lesquels les managers devront opérer. Il convient de souligner que

l’organisation ne permet pas aux managers de choisir les personnes recrutées à durée

indéterminée. Ce choix stratégique est directement opéré par la DRH dont l’intervention est

justifiée en deux points. D’une part, l’appréhension du cadre réglementaire qui rend critique

l’intégration d’un collaborateur dont la compatibilité avec l’organisation n’est pas garantie.

D’autre part, les enjeux structurels de la gestion des effectifs mènent la DRH à opérer des

arbitrages entre les mobilités internes et l’intégration de nouveaux collaborateurs. Concernant

les recrutements pour les contrats à durée déterminée, le niveau de participation des managers

au processus est variable d’un site à un autre. Différentes considérations sont alors avancées

pour justifier le déploiement du processus sans y associer le manager (gain de temps,

complexité du recrutement, etc.).

Page 263: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

251

Concernant la prise de décisions, l’association se fait également de manière hétérogène. Mais

les observations montrent qu’il y aurait un lien entre la participation aux champs et

l’association à la prise de décisions. En général, les managers participant au champ sont

également associés à la prise de décisions. Dans les cas où les managers sont écartés de la

gestion du processus, il apparait que ces derniers montrent une appréhension concernant le fait

de travailler avec des collaborateurs qu’ils n’ont pas choisis. Ils évoquent également la

fragilisation a priori de la relation et des leviers managériaux. Pour ces raisons, il s’avère que

la participation des managers dans les deux dimensions du champ est moins effective que ce

qui était prévu dans les objectifs initiaux.

La formation

Concernant le champ de la formation, les managers semblent être capables de sonder les

besoins de leurs collaborateurs, notamment par le biais des entretiens professionnels. Ils sont

également associés à la prise de décisions puisqu’ils proposent des modules de formation

conformément aux souhaits formulés. Il faut tout de même souligner que le plan pluriannuel

de formation impose de respecter certains objectifs et guide les choix de dispositifs de

formation possibles. Ces orientations nationales peuvent alors constituer des contraintes aux

choix finaux. Pour ces raisons, la participation des managers en matière de formation est

conforme aux objectifs initiaux.

Le dialogue social

Du fait d’un contexte social turbulent, le champ est particulièrement sensible. Les managers ne

sont pas associés dans cette activité, que ce soit en matière de participation au champ ou à

l’association dans la prise de décisions. Ceci est conforme aux objectifs initiaux qui ne

prévoyaient pas que ce champ soit déployé par des services extérieurs à la DRH.

Pour conclure ce point, les observations mettent en évidence deux résultats principaux. Le

premier revient à souligner que le niveau et la qualité d’association des managers sont liés à la

capacité de l’organisation à mettre en place des conditions matérielles favorables. Les champs

qui sont partagés de manière homogène entre les unités sont ceux où aucune alternative n’est

possible (formation, entretiens professionnels). Ceux qui montrent des résultats moins

satisfaisants du point de vue des objectifs initiaux sont ceux où le niveau de contrainte est le

plus faible. Ces marges de manœuvre laissées aux décideurs locaux aboutissent alors à une

mise en place hétérogène de pratiques.

Page 264: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

252

Le second résultat concerne plus particulièrement la prise de décisions dans les champs de la

GRH. D’une part, il semblerait que de manière tendancielle, l’organisation ait été moins

performante pour développer cette dimension du PFRH ; d’autre part, il subsisterait également

des particularités selon les champs et les agences. La participation à la prise de décisions

comporte un enjeu critique étant donné qu’elle est reliée à la notion d’influence dans

l’organisation. Certains répondants évoquent à ce titre que le terme de « pouvoir » est sensible

au sein de l’organisation. Et pour cause, le contexte dans lequel se réalise le partage semble

avoir été insuffisamment préparé. La fusion et les réorientations stratégiques en perspectives

créent un environnement caractérisé par une forte incertitude et dans lequel les individualités

cherchent à s’exprimer pour faire reconnaitre leur utilité et leur valeur ajoutée dans

l’organisation. Dans ce contexte, le PFRH devient stratégique pour le directeur d’agence qui

cherche un équilibre entre la satisfaction des objectifs proposés et la volonté de garder une

influence. Cela les amène à réaliser des arbitrages de manière potentiellement opportuniste et

à entraver l’accès de certains collaborateurs au processus de prise de décisions.

Sur la base de la définition proposée par Trullen et al. (2016) et Khilji et al. (2006), le succès

de partage de la FRH est appréhendé à travers les écarts entre pratiques attendues et pratiques

mises en place. D’un point de vue holiste, les résultats mènent à conclure au succès relatif du

partage de la FRH. Cette conclusion doit tout de même être précisée en deux points.

Premièrement, cette approche est basée sur une évaluation relative. Elle conçoit le succès

comme la capacité de l’organisation à assurer une cohérence entre ses intentions et les pratiques

implémentées. Ainsi, cette approche ne vise pas à fournir une évaluation absolue du partage ni

à caractériser la propension dont les pratiques sont partagées. Ces résultats qui sont

particulièrement prégnants dans les champs du recrutement et de la gratification sont présentés

dans le tableau 4-18 ci-dessous.

Page 265: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

253

Tableau 4-18 : Synthèse des éléments de succès de partage de la FRH

Dimension Écart Observations

Gestion des

temps

Participation au

champ Moyen

Les managers sont associés dans la gestion des

temps sauf dans de rares cas

Participation à la

prise de décisions Faible

Conformément à ce qui est prévu dans les objectifs

stratégiques, les managers ne sont pas associés à la

prise de décisions

Gratification

Participation au

champ Faible

Conformément à ce qui est attendu dans les

objectifs stratégiques, les managers sont associés

de manière homogène au champ

Participation à la

prise de décisions Fort

D’importantes disparités existent dans la manière

dont les managers sont associés dans la prise de

décisions

Entretiens

professionnels

Participation au

champ Faible

L’ensemble des managers déploient eux-mêmes le

champ

Participation à la

prise de décisions Faible

Les managers évaluent et définissent eux-mêmes

les objectifs futurs de leurs collaborateurs

Recrutement

Participation au

champ Fort

La participation au processus varie selon la

manière dont le responsable d’unité conçoit le

projet de partage et d’importantes disparités sont

observées entre les agences

Participation à la

prise de décisions Fort

La participation à la prise de décisions est liée à

l’l’inclusion du manager dans l’activité

Formation

Participation au

champ Faible

La participation au champ est liée à l’entretien

professionnel et aux accès informatiques. Ces

contraintes participent à une participation

homogène entre les unités.

Participation à la

prise de décisions Moyen

Les décisions sont prises par les managers, mais

contraintes par des directives organisationnelles

Dialogue

social

Participation au

champ Faible

Conformément à ce qui est prévu dans le projet de

partage, les managers ne sont pas associés

Participation à la

prise de décisions Faible

Conformément à ce qui est prévu dans le projet de

partage, les managers ne sont pas associés

Source : auteur de la thèse

Page 266: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

254

Sur la base de ces résultats, deux éléments centraux doivent être évoqués.

Premièrement, l’analyse globale des écarts mène au constat du succès de PFRH tel que défini

dans le premier chapitre. Les faibles écarts étant surreprésentés dans ces observations, il

convient de proposer que l’organisation est parvenue à atteindre relativement efficacement ses

objectifs initiaux. Pour autant, il faut reconnaitre que cette approche du succès de PFRH biaise

quelque peu la notion de performance. Effectivement, elle amène à conclure qu’une

organisation a atteint efficacement ses objectifs sans se questionner sur leur nature. Une

organisation qui concourt à ne pas partager l’ensemble de ses champs et qui parvient à le faire

est considérée comme efficace. Cette situation caricaturale n’est pas d’actualité ici, mais il faut

noter que sur certains champs, ces mécanismes sont en action (voir la dimension prise de

décisions de la gestion des temps).

Deuxièmement, il faut noter que certains champs présentent un écart fort entre les pratiques

envisagées et celles mises en place. Il convient alors de s’intéresser à l’origine de ces écarts

puisqu’ils permettent d’expliquer les problématiques d’atteinte des objectifs que l’organisation

s’est elle-même fixée. C’est le cas, par exemple, pour le recrutement, la gratification ou sur la

dimension décisionnelle de la gestion du temps. Dans une section précédente, une analyse

réalisée à travers le cadre théorique de l’AMO a permis de mettre en évidence la manière dont

le développement des capacités, des opportunités et de la motivation pouvait entraver le PFRH.

Il a également été souligné que l’incapacité d’atteindre les objectifs fixés participerait à

renforcer les effets négatifs sur le comportement des managers, notamment à travers l’effet

d’amplification de la motivation. Pour cette raison, s’intéresser à ces inefficiences apparait

légitime. Il convient alors de rejeter cette perspective holiste du succès et de s’intéresser, d’une

part, aux résultats obtenus pour chaque pratique et d’autre part, aux effets de ces derniers sur

le comportement des managers.

322. Une évaluation par le contenu du discours : une hétérogénéité du

niveau d’information

Les résultats montrent que le niveau d’information connue est sensiblement différent entre les

managers selon l’entité d’exercice. Lorsqu’ils sont amenés à se prononcer sur les orientations

RH qui guident les actions managériales, cette question montre des aspects qualitatifs et

quantitatifs variables. Certains responsables d’équipe sont incapables de citer des éléments de

réponses à cette question ou émettent des idées vagues ou imprécises, alors que dans d’autres

Page 267: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

255

agences, le niveau de maîtrise est plus élevé. Il semble par ailleurs que le niveau de

connaissance en matière de GRH et celui relatif aux orientations globales de l’agence sont liés.

Ainsi, ce phénomène ne serait non pas circonscrit au champ de la GRH, mais tiendrait plus

globalement à l’implication des managers dans le champ informationnel de la vie du groupe.

« D’ailleurs, la collègue le sait quoi, elle me dit : “tu peux écrire ce que tu veux, mais je pense que ça

va pas donner grand-chose - mais pourquoi tu dis ça ?”. Parce qu’en fait, quand on est sur l’EPA et

l’EP, nous on n’a pas l’indice. Il n’indique pas, on n’est pas au courant. Elle me dit : “je suis déjà à

265”. Je lui ai dit : “Ah, effectivement ça va être problématique”. Je suis un peu dubitatif. Donc je vais

peut-être avoir besoin d’une aide des RH parce que je ne sais pas trop comment remplir l’appli quoi.

Je ne comprends pas qu’on nous donne des objectifs sans être outillés derrière », MA010-Manager de

proximité.

Les résultats montrent que les managers forment un corps hétéroclite du point de vue des

compétences et des objectifs poursuivis. Ces singularités, lorsqu’elles ne sont pas suffisamment

intégrées dans l’accompagnement au PFRH, produisent des résultats hétérogènes et

potentiellement éloignés des objectifs initiaux.

« Aujourd’hui, il n’y en a pas de réel suivi des compétences. Quelques fois, on a des grands chantiers,

on a des kits pour accompagner les collaborateurs, il faut remplir des rubriques « je maîtrise, je ne

maîtrise pas ». On ressasse. À chaque fois c’est morcelé. À chaque fois c’est adapté. Aujourd’hui, on

n’a pas ça. Alors je ne dis pas que c’est simple à créer, mais c’est vrai qu’on n’a pas. Et on voit bien

toute la différence, regardez, on a des managers, on peut avoir un directeur d’agence qui est très

pilotage au sens contrôle de gestion, performance ; un autre qui va être plutôt branché offre de service,

un plutôt tourné partenariat. Voilà c’est plus financé plus ceci plus cela. Vous allez vous dire “ mais

lequel d’entre eux est plus RH ?”. Toute cette clé d’entrée c’est plutôt dans le management qu’ils sont

très attentifs à la question des hommes et des femmes dans la boutique, voilà. C’est très inégal. Et à un

moment donné, on leur demande de reproduire la même chose. Donc ça c’est un peu compliqué »,

DT005-Direction territoriale.

Cet accompagnement, important sur le plan de l’information stratégique, est également critique

en matière de développement des compétences. Les nouveaux champs RH inclus dans le

périmètre managérial ont suscité des questionnements sur leur capacité à déployer correctement

les activités et ont constitué des freins dans les domaines techniques tels que la gestion des

temps. Pour ce champ, les managers recourent systématiquement aux spécialistes RH pour

toute demande jugée particulièrement spécifique. Les dispositifs mis en place par

l’organisation ont permis de compenser les problématiques de formation des managers et de

Page 268: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

256

répondre à leurs besoins ponctuels. Mais si cet appui et cette disponibilité constituent une

réponse conjoncturelle, elle complique l’atteinte d’un des objectifs sous-jacents du PFRH :

l’autonomisation des managers en matière de GRH. Ce processus semble être ralenti, à la fois

par le niveau de compétence a priori insuffisant des managers, mais également par la présence

d’un climat d’appréhension face aux erreurs potentielles. Ce contexte semble particulièrement

dissuasif pour la prise de risques et l’apprentissage.

Par ailleurs, il apparait des observations que le niveau stratégique du manager influence son

niveau de connaissance concernant le PFRH. L’étude de la fréquence des réponses fait émerger

des disparités dans l’analyse du contenu informationnel entre les managers de proximité et les

managers stratégiques. Ces disparités interviennent tant sur le volume que sur la qualité des

réponses puisque les managers de proximité sont globalement plus concis et moins exhaustifs

dans leurs interventions. Cela préfigure que dans une certaine mesure, ils sont des acteurs

passifs de ce chantier du PFRH, du moins sur le plan cognitif.

Plus précisément, cette recherche met en évidence la cohérence des choix de l’organisation sur

la situation des managers en situation de PFRH. Les résultats montrent effectivement des

disparités concernant leur niveau de connaissance relative aux objectifs globaux de la FRH,

mais également à leur application sur le plan opérationnel. Une étude du corpus des répondants

a permis de mettre en évidence ces disparités. Sur le plan quantitatif, il en ressort que la durée

des entretiens et la quantité d’informations apportées sur les thématiques abordées sont d’autant

plus importantes que le niveau stratégique des managers augmente. À ce titre, on observe que

la durée moyenne est d’un entretien est de 21 minutes pour un manager de proximité et de 43

minutes pour un/une directeur/directrice d’agence ou un/une directeur/directrice de territoire.

Sur le plan qualitatif, il apparait également que la qualité des informations apportées sur les

éléments abordés dépend également du niveau stratégique du répondant. Ces éléments mettent

en évidence un niveau de connaissance plus important sur les orientations RH, leurs enjeux et

les moyens de mis en œuvre par des managers situés à un niveau plus stratégique (tableau

4-19).

Page 269: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

257

Tableau 4-19 : Disparité de perceptions du partage de la fonction ressources humaines entre

managers stratégiques et managers de proximité

Acteurs Objectifs stratégiques du PFRH

Managers

intermédiaires

Amélioration des conditions de travail

« Autre orientation importante c’est la prise en compte des conditions de travail. Là aussi

on est un établissement avec des instances représentatives du personnel avec, au sein des

services RH, un service dédié à l’action de la qualité de vie au travail, vous les avez peut-

être rencontrés ou interviewés », DT009-Direction territoriale.

Développer la responsabilité du management

« Pour ce que je peux vous en dire. Ce que je peux vous dire sur les orientations RH d’ABC,

c’est la volonté de pouvoir déconcentrer beaucoup de gestion et de décisions au plus près

du terrain, de pouvoir développer la formation et… voilà ce sont deux axes qui semblent

importants dans les politiques régionales. On a également un axe sur la veille et

l’amélioration des conditions de travail et…. je rajouterais le développement d’un

management plus responsabilisation », DT008-Direction territoriale.

Développement des compétences

« Parmi les autres orientations fortes également, c’est de faire en sorte que l’on soit dans

le développement de compétences. Nous sommes un établissement avec le plan de

formation assez riche. En nombre de jours de formations, que ce soit pour les conseillers

ou pour les managers, avec un investissement très fort qui est fait sur le développement de

compétences », DT009-Direction territoriale.

Développement de l’autonomie des managers

« Bah, c’est tout le thème qui tourne autour du développement des marges de manœuvre.

Ça s’appuie sur le principe de faire confiance à nos collaborateurs jusqu’aux conseillers

et donc du coup d’avoir un management qui soit adapté à ça. Plus de marges de manœuvre,

plus de confiance, ça veut dire qu’on manage non plus en directif, mais qu’on manage de

manière plus à accompagner les personnes, de donner les moyens de réaliser ce qu’elles

souhaitent faire », DT008-Direction territoriale.

Managers de

proximité

Développement des compétences

« Les objectifs RH à mon niveau c’est, au travers tout le dispositif formation que propose

ABC, c’est à moi de détecter le besoin d’un collaborateur pour le faire monter en

compétence ou lui venir en aide s’il a certaines difficultés et donc de lui proposer une

formation qui serait effectivement possible pour lui de faire. Donc pour moi c’est ça, c’est

la détection de besoins et le rapprocher avec l’offre de formation qui existe », MA002-

Manager de proximité.

Page 270: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 1. Résultats de la recherche

258

Il faut également noter que ces disparités s’observent également sur un plan plus transversal

entre les managers de proximité. Ces différences opèrent, de manière générale, entre les

managers de différents sites. On voit alors une hétérogénéité de mise en place en fonction de

la situation géographique des agences sur le territoire. Cette dernière pourrait alors être

expliquée par la volonté des décideurs au niveau territorial et/ou local de mettre en place le

partage de la fonction de manière plus ou moins poussée.

Section 2 - Discussion des résultats et propositions de recherche

La présente section sera l’occasion d’entamer une discussion des résultats au vu de l’état de

l’art dressé dans une première partie. Dans un premier temps, il s’agira d’évoquer la manière

dont cette recherche contribue à enrichir les travaux réalisés dans le champ de l’AMO et

notamment à travers le prisme de l’alignement stratégique des choix organisationnels. Par la

suite, nous montrerons que cette recherche participe à la compréhension des rouages de l’AMO.

L’alignement stratégique : effets de compensation et d’amplification

sur le partage de la fonction ressources humaines

11. L’alignement stratégique : l’incidence de la cohérence des choix

organisationnels sur le partage de la fonction ressources humaines

111. L’alignement stratégique : un modèle global, compensatoire et non

linéaire

Les travaux ayant abordé l’alignement stratégique convergent vers le constat d’une difficile

compréhension de la manière dont s’opèrent ses mécanismes. La présente recherche met en

évidence des phénomènes de compensation des désalignements et alignements. Cette

observation est particulièrement avérée en matière d’accompagnement des acteurs dans leurs

nouveaux rôles. Pour compenser les dysfonctionnements résultant d’incohérences entre les

choix organisationnels, la DRH développe sa qualité de service et son appui aux acteurs. Même

si nous avons montré que cette pratique freine le développement soutenu des compétences RH

des managers, il s’avère que cela permet, à court terme, de pouvoir atténuer les tensions et de

développer une attitude favorable de ces derniers à l’égard du PFRH. Dans leurs travaux,

Bergeron et al. (2004) s’inscrivent dans une perspective de gestalt (approche globale

d’évaluation de l’alignement stratégique). Ils proposent de mesurer l’alignement entre deux

Page 271: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

259

domaines par la représentation numérique des alignements faibles et forts. Une

surreprésentation de faibles alignements révèlerait alors une situation défaillante. Leur travail

se base sur un modèle compensatoire et linéaire dans lequel les alignements et désalignements

contribuent au fit général. Les résultats de notre recherche ébranlent cette conclusion en

proposant une approche non linéaire de l’alignement stratégique. Certains désalignements

auraient des effets plus importants que d’autres. Ce phénomène serait alors dû à l’existence de

compensations, mais également de l’effet amplificateur de la motivation qui renforcerait les

impacts directs des incohérences constatées par les managers sur leur comportement. Ce

résultat s’inscrit alors dans la volonté de Ciborra (1997) qui concluait à l’enjeu majeur de rendre

le phénomène plus intelligible. Bien que certains travaux aient permis de comprendre dans

quelle situation il était possible de conclure à un alignement, rares sont ceux qui montrent

comment fonctionne effectivement cette mise en cohérence. Tout comme Ciborra (1997), nous

considérons que l’alignement stratégique est un objet multifactoriel et multidimensionnel. Par

conséquent, la recherche d’effets d’alignement sur une variable dépendante nécessiterait de se

positionner dans une approche holiste intégrant la compensation des incidences des choix

organisationnels.

Notre recherche propose également de s’intéresser aux effets de l’alignement sur les usages

des SI. Elle met en évidence le rôle de l’incapacité du système d’information à servir les usages

initiaux dans l’échec d’association des managers dans la FRH. Dans les cas où l’entité peine à

développer des mesures compensant les dysfonctionnements techniques de l’outil, les

managers mettent eux-mêmes en place une organisation informelle leur permettant d’atteindre

leurs objectifs et notamment concernant le PFRH. Il faut citer, par exemple, le développement

de communautés informelles de pratiques qui s’organisent au détour d’un comité ou d’un

séminaire, ou le développement de relations privilégiées avec des membres de la DRH en

mesure d’apporter le soutien nécessaire. Ces ajustements ont favorisé la constitution de réseaux

informels d’acteurs permettant la captation de l’information utile et des ressources nécessaires.

En ce sens, l’étude de Vaast (2002), traitant des communautés de pratiques, souligne que le

développement de nouvelles technologies peut être propice à la mutation des usages. En

s’intéressant au cas de l’intranet, il montre que ce dernier joue un rôle dans le fonctionnement

et le renforcement des usages. Ceux-ci transforment progressivement à la fois la technique,

mais aussi les relations au sein des groupes. Ces dynamiques favoriseraient des ajustements

incrémentaux des relations interprofessionnelles et des usages observés jusqu’à l’obtention de

ce qui pourrait s’assimiler à une situation d’équilibre. Nos résultats montrent que cette situation

Page 272: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

260

d’équilibre semble se dessiner progressivement lorsque les utilisateurs obtiennent

l’information leur permettant de progresser.

D’un point de vue organisationnel, la résorption du décalage entre usages attendus et usages

réels est impulsée par deux types de comportements des spécialistes RH. Premièrement,

l’organisation tend à laisser se développer, voire à encourager la constitution de groupes

informels permettant de créer une communauté d’usages. Cette communauté partage les

pratiques, les difficultés et surtout les informations permettant de neutraliser l’incertitude. Il

apparait alors intéressant de voir que la résolution d’une partie des problématiques est déléguée

de manière informelle aux managers alors que ceux-ci étaient initialement écartés de la

réflexion stratégique en amont du projet. Deuxièmement, l’organisation réalise un réajustement

des usages attendus de sorte à sauvegarder la satisfaction globale des managers concernant le

PFRH. En outre, au vu des dysfonctionnements et des problématiques rencontrées, les usages

attendus ont été réévalués pour les aligner avec ceux prévus initialement.

D’un point de vue plus individuel, les variances d’usages sont observées et semblent relever de

facteurs dépassant les dimensions techniques. Bérard et Rocher (2002) montrent que les usages

d’une même technologie peuvent être très différents selon les acteurs. Ils opèrent ainsi une

distinction entre les utilisateurs qui font un usage minimal des outils dont ils disposent,

notamment lorsqu’ils les utilisent seulement en remplacement d’un autre média, et ceux qui

font un usage avancé, c’est-à-dire faisant preuve d’inventivité, et qui innovent par rapport aux

usages possibles et/ou prescrits. Nos résultats montrent que cette variabilité des usages semble

tenir de facteurs multidimensionnels dont l’incidence technologique ne constituerait qu’une

faible part. En effet, il apparait que les managers faisant un usage avancé du SIRH sont ceux

dont les opportunités et la motivation sont les plus développées. Ceux ayant réussi à tisser un

réseau informel important au sein et en dehors de leur agence ont la capacité d’accéder à

l’information utile, et ce, même si le SI limite l’action (opportunité). Par ailleurs, notre

recherche met en avant l’incidence des pratiques favorisant la motivation des managers dans

l’usage du SI. Les résultats soulignent alors que la relation avec le supérieur hiérarchique, le

soutien organisationnel perçu ou les dispositifs d’incitations participent à orienter le

comportement des responsables d’équipe et pourraient fonder les différences d’usage

(motivation). Dans cette dimension propre à la motivation des usagers, il faut noter le rôle de

la qualité de l’usage. Lorsque ce dernier est contraint, par le risque de sanction par exemple, il

apparait que l’appropriation de l’outil est négativement affectée. L’usage est alors le résultat

Page 273: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

261

d’une analyse transactionnelle. Il permet d’avoir une évaluation positive ou de se prémunir

contre une sanction. Cette contrainte semble générer un phénomène de détachement concernant

la technologie, voire de l’orientation plus globale du PFRH.

Ces résultats montrent donc que le désalignement stratégique contribue à un décalage entre

usages attendus et usages réels, mais aussi que ce décalage peut être maîtrisé. Cet écart peut,

non seulement, être corrigé par un alignement ex post des choix stratégiques, mais aussi, et

surtout, l’effet négatif en résultant peut être modéré par un réalignement des usages. Lorsque

les attentes sont redéfinies pour s’adapter à la réalité des pratiques, cela contribuerait ainsi à

réduire les effets négatifs sur la motivation des managers concernant le PFRH. Le réalignement

des usages constitue donc une ressource supplémentaire pour pallier le manque d’intégration

stratégique.

112. Les effets de l’alignement des choix stratégiques sur la motivation

Cette recherche met en évidence que l’alignement entre les choix stratégiques d’une

organisation contribue au développement des capacités, de la motivation et des opportunités

des collaborateurs de participer à la FRH.

Sur le plan du fit stratégique (alignement vertical), il apparait que le désalignement entre les

infrastructures et les objectifs stratégiques s’est soldé par des effets particulièrement sensibles

sur la motivation. Dans leurs travaux, Purcell et Hutchinson (2007) évoquent que le

comportement de leadership contribue à donner la direction et à influencer le comportement

des collaborateurs. Il constituerait alors un moyen de mobiliser (ou démobiliser) les managers

dans la mesure où ceux-ci interprètent les pratiques proposées par l’organisation comme des

signaux positifs (ou négatifs). Les auteurs soulignent également un effet de compensation entre

la qualité des pratiques RH et le comportement de leadership perçus. Nos résultats mettent en

évidence que l’incapacité des décideurs à déployer les moyens permettant de mettre en place

l’organisation ciblée est assimilée à une promesse non tenue. Cette notion de « promesse »

renvoie à la dimension affective et psychologique de l’attitude. Outre les effets directs des

désalignements sur les capacités, sur les opportunités et sur la motivation de partage,

l’inefficacité de l’organisation à tenir sa promesse semble susciter des frustrations chez des

managers qui avaient construit des attentes fortes en matière de leviers managériaux et de

renforcement de la qualité de la relation. Les mécanismes de compensation évoqués par Purcell

et Hutchinson (2007) s’opèrent alors de manière asymétrique et variable, notamment par l’effet

modérateur de la motivation. Il semblerait que la perception des managers du manque de

Page 274: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

262

confiance organisationnel renforce l’image négative à l’égard de leur structure. Dans cette

situation, ils jugent plus sévèrement leurs dirigeants qu’ils considèrent incapables d’atteindre

leurs propres objectifs. Deux hypothèses pourraient alors être avancées pour expliquer ce

phénomène. La première tiendrait à un mécanisme de défense permettant aux managers de se

construire une immunité psychologique face à la dévalorisation de l’organisation en attaquant

cette dernière. La seconde reposerait sur l’activation d’un ressentiment négatif jusqu’à lors

neutralisé par des pratiques organisationnelles positives.

Sur le plan de l’intégration fonctionnelle, il apparait que l’alignement entre les infrastructures

constitue un facteur de PFRH. Comme le concevaient Henderson et Venkatraman (1993),

l’intégration fonctionnelle intervient comme un élément explicatif du succès des projets mis en

place. L’incapacité de l’organisation à instaurer une cohérence entre les infrastructures

organisationnelles et celles relevant du SIRH semble générer des situations de blocage. Il

apparait alors que les dysfonctionnements observés aboutissent pour partie à des

problématiques d’usage. L’impossibilité d’accéder à l’information utile pourrait, en effet,

ralentir la capacité des utilisateurs à déployer le processus, mais réduirait également leur

volonté de recourir à nouveau au dispositif informatique. Afin de limiter les effets de

problématiques sur le partage effectif de la FRH, l’organisation opère un réajustement. Celui-

ci consiste à redéfinir ses processus de travail (reengineering) afin de garantir une plus grande

congruence entre ceux-ci et les infrastructures technologiques. Notre recherche contribue alors

à enrichir les travaux d’Henderson et Venkatraman (1989) qui proposent l’implémentation

stratégique (strategy implementation) comme une perspective dans laquelle les choix

stratégiques guident ceux relatifs aux infrastructures SI. Les résultats de ce travail montrent

que lorsque les capacités d’évolution des infrastructures SI sont insuffisantes ou sous-estimées,

cela participe à renverser la perspective stratégique envisagée. Alors que les SI sont censés

accompagner le changement, ils contribuent ici à impulser de nouvelles mutations dans les

processus et infrastructures organisationnelles. En fait, cette perspective remontante avait déjà

été identifiée par Henderson et Venkatraman (1989) qui définissent « IS capacity » comme

l’utilisation d’une ressource technologique pour maximiser l’atteinte des objectifs stratégiques.

Notre recherche montre alors que les difficultés à anticiper les possibilités d’adaptation des SI

impliquent la mise en place subie de cette perspective dans l’optique de réduire les effets

négatifs sur la motivation des managers. De plus, lorsque ces réajustements sont insuffisants,

les décideurs semblent réévaluer leurs attentes concernant l’usage des SI. Afin de limiter les

effets négatifs de l’échec du projet SI sur l’attitude des managers, l’organisation aligne les

Page 275: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

263

usages attendus par rapport à ceux observés. Ces réajustements visent alors à éviter la remise

en cause du projet global de PFRH par les managers.

Pour autant, les résultats montrent que ces nombreux dysfonctionnements tendent, tout de

même, à remettre en cause la nouvelle organisation proposée par la DRH et le bien fondé des

intentions de cette dernière. Les managers auraient tendance à dissocier les objectifs initiaux

avancés par l’organisation et ceux qu’ils considèrent comme avérés. L’incapacité à rendre

opérationnel le SI aboutirait effectivement à le concevoir comme un outil au service de la DRH.

Les efforts de valorisation en tant qu’outil de collaboration et d’aide à la décision sont alors

interprétés comme un élément rhétorique visant à dissimuler les intentions réelles de la DRH.

Cette configuration serait alors propice au développement de la méfiance et d’une réticence à

l’égard du projet global. Ces résultats font échos à ceux de Besson (1999) qui identifie des

situations potentielles de conflits d’influence, tels que des conflits verticaux entre les acteurs

de différents niveaux hiérarchiques. Ces conflits reposent essentiellement sur la question de la

centralisation ou de la décentralisation des pouvoirs. L’auteur montre que la mise en place d’un

ERP peut être à l’origine d’un paradoxe. La recherche d’une organisation plus transversale

basée sur la collaboration des équipes se solderait finalement par une plus grande centralisation

du pouvoir et de l’information. Selon Besson (1999), cela serait d’autant plus prégnant que

l’outil ne s’accompagne pas d’un transfert des pouvoirs de décision, et lorsque sa principale

finalité est la récupération d’informations dans le but de renforcer la position stratégique des

experts RH. Ce phénomène comporterait alors des aspects contreproductifs dans la mesure où

les managers interprèteraient la situation comme une tentative d’instrumentalisation et que les

véritables intentions derrière le déploiement de l’ERP seraient de capitaliser par leur biais des

informations précieuses. Notre travail montre que cette perception est d’autant plus renforcée

que l’organisation est basée sur une forte hiérarchie et une centralisation importante de

données. La mise en place de nouvelles orientations est alors associée à la volonté de

l’organisation de faire perdurer ce type de fonctionnement. En aval, l’impossibilité de percevoir

les avantages réels de l’outil contribue à renforcer cette perception de force centralisatrice.

Pour autant, attribuer l’échec relatif du PFRH aux problématiques liées au SI reviendrait à

ignorer une partie du phénomène. Les résultats montrent effectivement que les désalignements

les plus importants ne sont pas observés au niveau de l’intégration fonctionnelle, mais

davantage en matière de cohérence entre les objectifs stratégiques et la définition des choix

d’infrastructures. Ainsi, les problématiques de partage sont d’avantages liés à un manque de

Page 276: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

264

cohérence entre la préparation du contexte organisationnel et les finalités poursuivies.

Concernant ce résultat précis, nous constatons que la prise en compte insuffisante de

l’historique récent de l’organisation et de l’impact de la fusion sur les relations

interindividuelles n’ont pas permis de mettre en place l’environnement propice à l’acceptation

de cette nouvelle organisation et semblent avoir réduit la tolérance des acteurs à l’échec.

12. L’alignement des rôles et de la formalisation sur le succès de partage

121. La cohérence des rôles organisationnels : une réponse aux besoins des

managers

Les résultats de cette recherche montrent que les rôles des acteurs du PFRH sont développés

de manière dynamique et réactive. Dans leurs typologies, Storey (1992), Ulrich (1998), Tyson

et Fell (1987) identifient l’importance d’une transition effective de rôles dans le succès du

partage fonctionnel. Plus particulièrement, ils montrent que le passage de rôles administratifs

à des rôles d’accompagnement du changement permet de favoriser la mise en place d’une

transition de la FRH. Les résultats de la présente étude mettent en évidence une réelle volonté

des spécialistes de s’établir en soutien du réseau en se positionnant en tant qu’agents au service

des managers (handmaidens). Ils ont également favorisé les efforts permettant d’accompagner

le changement et de susciter l’acceptation des réformes (changemakers). Mais l’appréhension

concernant l’effet de cette transition sur le comportement des managers et la peur de l’échec

les ont menés à développer ces rôles de manière exacerbée de telle sorte que les spécialistes

ont créé une véritable dépendance fonctionnelle. Il apparait que cette configuration participe à

altérer l’autonomie des managers et finalement à réduire l’efficacité dans la prise de décisions.

Cela a contribué au développement de barrières au PFRH. Même si les spécialistes sont

effectivement en mesure de fournir un soutien de qualité aux managers, il apparait que, sur le

long terme, cette relation nuit au développement des compétences RH. Dans ses travaux, Ulrich

(1998) souligne l’importance de la capacité de l’organisation à mettre en place une

reconfiguration ponctuelle des activités RH. Il détermine cette réalisation comme un critère de

réussite des périodes de transitions caractérisées par la mise en place de nouvelles pratiques. Il

souligne cependant que la confiance mutuelle et l’acceptation des erreurs potentielles sont des

moyens de favoriser la réalisation de ces transitions de rôle. Notre recherche montre que

l’appréhension des spécialistes RH à l’égard des erreurs crée ou exacerbe des situations

ambiguës où il est attendu que les managers évoluent de manière autonome, mais tout de même

sous contrôle accru de l’organisation. Ces messages contradictoires participent à altérer la

Page 277: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

265

compréhension qu’ont les managers de leurs propres rôles. Ils doivent à la fois gérer la

difficulté de devoir se positionner par rapport aux experts, mais également de gérer ces

flottements auprès des collaborateurs dont ils ont la responsabilité. Un pan important de la

littérature s’intéressant aux ambivalences des rôles managériaux évoque même des

conséquences plus profondes de cette gestion sur l’apparition de tensions sur les rôles de ces

derniers (Bedeian et Armenakis, 1981 ; Caldwell, 2003 ; Fenton-O’Creevy, 1998, 2001 ;

Shepherd et Fine, 1994). Ces tensions se manifestent par la nécessité de gérer des postures

différentes, parfois contradictoires résultant de leur appartenance fonctionnelle multiple.

122. L’effet structurant et protecteur de la formalisation

Dans ses travaux, Ramus et al. (2017) montrent que le niveau de formalisation de la FRH serait

lié à l’importance accordée à cette dernière. Les orientations les plus formalisées seraient les

plus prioritaires dans les projets de l’organisation. Par la production de procédures écrites, la

formalisation permettrait de fournir un cadre structurant les processus de travail. Elle

déboucherait alors sur la constitution d’un espace délimitant les prérogatives des acteurs et

constituerait également un moyen de communication supplémentaire de ce qui est important.

Toutefois, les résultats de cette recherche montrent que le niveau de formalisation observé n’est

pas directement lié à l’importance accordée par l’organisation à l’orientation du PFRH. Le

retrait de l’organisation en la matière serait davantage justifié par la volonté de laisser les

pratiques se développer et se déployer de manière ancrée. Afin de créer une cohérence entre

les finalités du partage et la modalité de mise en place, les acteurs locaux sont appelés à

s’approprier eux-mêmes les objectifs de l’orientation pour implémenter par la suite les

pratiques. Réduire le niveau de formalisation permettrait de laisser émerger les rôles

directement des contextes de travail et d’en favoriser l’acceptation par les acteurs (Hunter et

Renwick, 2009). Il apparait alors que lorsque les destinataires de ces règles ne sont pas la

principale cible, le niveau de formalisation n’agirait pas de la même manière. Nos résultats

montrent effectivement que lorsque la définition des règles est insuffisante, les responsables

hiérarchiques des managers peuvent être amenés à jouer le rôle de médiateurs dans le processus

de partage. Les marges d’autonomie laissées par l’organisation permettent à ces derniers d’agir

de manière discrétionnaire et de limiter potentiellement l’accès des responsables d’équipe à

certains champs de la GRH. Ce phénomène est encore plus prégnant concernant l’association

à la prise de décisions. Pour Hunter et Renwick (2009), limiter la formalisation favoriserait une

plus grande flexibilité et stimulerait finalement la performance marginale organisationnelle.

Mais il découle des résultats de la recherche que ces avantages seraient circonscrits au contexte

Page 278: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

266

où la production de règles s’applique directement aux managers. Lorsque la configuration

intègre des intermédiaires (managers intermédiaires et stratégiques), il semblerait que cet effet

ne soit pas vérifié particulièrement lorsque les comportements opportunistes sont stimulés.

Dans le cas précis de cette recherche, il convient de noter que les rivalités interpersonnelles et

la volonté d’enrichir le poste par un contenu en lien avec la FRH mènent certains acteurs à

interférer sur la distribution des responsabilités et surtout des pouvoirs décisionnels.

Par ailleurs, il semblerait également que la formalisation impacte le comportement des

managers de proximité à travers un effet direct. Dans ses travaux, Payre (2017) montrait que

cette dernière intervenait en définissant le « périmètre du mandat hiérarchique » (p. 67). La

constitution des règles permettrait à chaque acteur de se positionner par rapport aux autres

acteurs dans la chaine de commandement et d’intervention. La formalisation jouerait alors un

rôle structurant facilitant la délimitation des fonctions de chacun dans les processus de travail.

Nos résultats montrent qu’elle interviendrait également sur un plan psychologique en favorisant

un phénomène de sécurisation des prises de décisions. En effet, il découle de nos observations

que la production de règles et de procédures permettrait au manager d’opérer des choix en

limitant la perception de risque de sanction en cas d’erreur. Ce constat semble alors

particulièrement lié au contexte organisationnel dans lequel la prise de risque est déconseillée

et où les managers ont tendance à ne pas être appuyés dans leurs décisions.

Mais la formalisation semble également constituer des contraintes limitant l’opportunité

d’action. En matière de gestion de promotion, par exemple, la nécessité de se plier aux

différentes procédures administratives décourage la prise de décisions, la rendant même parfois

illusoire. Ces effets négatifs de la formalisation ont été évoqués par Perry et Kulik (2008) qui

montrent que la surabondance de règles contribue à rendre les managers peu attentifs aux

problématiques RH et à s’abstenir de participer à certaines tâches. Ces derniers finissent alors

par réallouer leur temps de travail en faveur des activités pour lesquelles ils peuvent agir de

façon plus effective. Nos résultats montrent cependant que ces mécanismes relèvent davantage

de l’exception. Les managers semblent, au contraire, vouloir montrer leur volonté de participer

aux activités, même si leur intervention peut paraitre illusoire. La participation aux activités

RH leur permettrait d’être intégrés dans les processus décisionnels et de s’informer sur les

politiques RH et les orientations globales de l’organisation. La FRH est une clé d’entrée dans

le management stratégique de leurs unités.

Page 279: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

267

De manière synthétique, la présente recherche montre que les attentes en matière de

formalisation des règles et des procédures sont hétérogènes. Une friction s’oppose entre le

besoin d’opérer librement et de se sentir en confiance managériale et la nécessité d’encadrer

les comportements déviants et de sécuriser la prise de décisions. La non-prise en compte de ces

spécificités mène les décideurs à mettre en place des niveaux de formalisation homogènes et

donc potentiellement inadaptés aux situations réelles. Compte tenu de ces observations, nous

avons intégré la formalisation comme une infrastructure essentielle du PFRH.

Les effets directs et indirects de l’AMO sur le succès de partage de

la fonction ressources humaines

21. Les effets directs de l’AMO et le rôle amplificateur de la motivation

La présente recherche a mobilisé l’AMO comme cadre d’analyse des facteurs explicatifs du

PFRH. Elle s’inscrit dans la lignée des travaux de Bos-Nehles et al. (2013), Gilbert et al. (2015)

et Trullen et al. (2016) qui considèrent que le niveau de développement des capacités, des

opportunités et des motivations est un prédicteur du partage effectif de FRH. Dans leurs travaux

Bos-Nehles (2013) puis Gilbert et al. (2015) montrent que seules les capacités ont un effet

direct sur le PFRH. Elles joueraient un rôle central dans le processus. Par conséquent, leurs

recommandations vont dans le sens du développement des compétences RH des managers pour

une prise en main effective de leurs responsabilités. Parallèlement à cela, les auteurs

aboutissent au constat que ni le niveau des opportunités ni celui des motivations n’auraient

d’influence significative dans l’implication des managers dans la FRH. La présente recherche

remet en question ces résultats en proposant que les trois variables semblent agir sur le

phénomène. Elle souligne également l’effet amplificateur du rôle de la motivation. Nous

montrons effectivement que le développement insuffisant de l’AMO aboutirait à réduire la

propension et la qualité du partage.

Ces résultats rompent avec ceux proposés jusqu’à lors et pourraient s’expliquer de deux

manières. Un premier élément relève de la sélection des individus composant les sujets de la

recherche. Dans l’étude quantitative de Bos-Nehles et al. (2013), l’échantillon est constitué

d’individus particulièrement « motivés », puisque volontaires dans le projet pilote de PFRH.

Ces prérogatives suscitaient, a priori, un intérêt intrinsèque des sujets étudiés pour la fonction.

Cela a d’ailleurs été souligné par les auteurs eux-mêmes qui admettent que l’absence de lien

entre motivation et PFRH pourrait être expliquée par ce biais. Dans la présente recherche, les

individus ont été sélectionnés de manière aléatoire. Cela pourrait, en partie, expliquer pourquoi

Page 280: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

268

les éléments de motivation jouent un rôle particulièrement important. Plus précisément, cette

recherche montre que la prise en compte de la cohérence des choix organisationnels constitue

un éclairage supplémentaire à l’explication de l’effet de l’AMO sur le PFRH. En effet, les

désalignements entre les choix stratégiques, et notamment entre les objectifs et les

infrastructures, participeraient à expliquer les frustrations et les déceptions managériales nées.

Le deuxième élément expliquant que toutes les variables de l’AMO pourraient prédire le

PFRH tient du rôle particulier de l’alignement stratégique des pratiques organisationnelles.

Nous avons effectivement évoqué précédemment des effets de compensation qui pourraient

expliquer que des défaillances organisationnelles dans un champ puissent être compensées dans

un autre. Dans la présente recherche, nous montrons particulièrement que les spécialistes RH

ont su se positionner en soutien des managers pour mettre en œuvre les transitions. Cet

accompagnement s’est traduit par la mise en place d’une disponibilité accrue. Dans une

précédente section, nous avons souligné en quoi ce type de pratiques permettait de répondre à

des besoins ponctuels de compétences, mais constituent à long terme une solution freinant

l’autonomisation des managers. Il n’en demeure pas moins que sur le plan des perceptions, les

managers se sentent totalement investis des capacités cognitives leur permettant d’agir. Nos

résultats mettent alors en exergue que les limites sont autant de l’ordre des opportunités d’agir

que des incitations à le faire. Pour ces raisons, nous proposerons dans le modèle présenté dans

la section suivante de garder l’ensemble des variables de l’AMO en tant que déterminants du

PFRH (voir figure 4-9 dans le point suivant).

22. Effet de la rhétorique managériale sur la motivation

Dans leurs travaux, Whittaker et Marchington (2003) évoquent une focalisation sélective des

organisations sur certaines tâches lors du PFRH. Ce centrage les amènerait à orienter les efforts

de communication et de formalisation vers des pratiques qui sont jugées prioritaires. Par

ailleurs, cette sélectivité s’exercerait également par la mise en place de barrières au partage

concernant certaines pratiques qui sont jugées particulièrement sensibles. Notre recherche

montre que le phénomène de rétention est particulièrement à l’œuvre concernant des champs

comportant des aspects légaux ou politiques critiques. C’est le cas, par exemple, de la gestion

administrative et de la gestion des relations syndicales. Les résultats font état d’une

segmentation dans les choix et modalités de partage du point de vue organisationnel. Certaines

pratiques, telles que le dialogue social, ne sont pas du tout partagées. Elles semblent renvoyer

l’organisation face à ses difficultés à gérer un contexte social difficile. Les risques perçus

Page 281: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

269

concernant les possibles erreurs des managers dans le processus neutralisent toute éventualité

de partage. Mais les résultats montrent que ces restrictions peuvent s’expliquer autrement.

C’est le cas, par exemple, de la gestion des temps dont les spécificités techniques en font, a

priori, un champ dont la complexité justifierait qu’il soit géré par des acteurs stratégiques.

Whittaker et Marchington (2003) identifient que la volonté d’épargner les managers de

processus de formation laborieux pour des retours managériaux limités pourrait alors orienter

les décisions de partage de ce type. Mais il apparait ici que bien que cette volonté de

« protéger » les managers soit avancée, l’explication réelle des barrières mises en œuvre

localement relèverait davantage du contexte social défavorable et de la faible tolérance à

l’erreur. Ainsi, les résultats montrent que l’utilisation du motif de la sauvegarde de l’intérêt du

manager pourrait en réalité être une façade. Ce recours à des motifs fictifs serait alors un moyen

rhétorique de préserver la confiance perçue par les managers.

Cette rhétorique est également mobilisée localement par les responsables hiérarchiques des

managers (directeurs d’agence). Elle viserait alors à dissimuler les raisons premières de

l’absence d’association des managers dans certains champs de la GRH. Alors que ces

responsables d’unités avancent une démarche motivée par la volonté de protéger les managers

de pratiques complexes ou qui les exposeraient à une altération de la relation avec leurs

collaborateurs, il semblerait que la mise en place de barrières s’expliquerait autrement.

L’intérêt personnel porté à ces pratiques ou la volonté de garder une influence dans

l’organisation pourraient en être des éléments d’explication. Il en débouche alors que l’usage

de prétextes pour justifier des pratiques managériales en décalage avec l’objectif cible semble

modérer la volonté des responsables d’équipes de s’impliquer dans les responsabilités RH.

Qu’il s’agisse de procédés infantilisants visant à leur cacher la vérité ou de comportements

opportunistes de leurs responsables, les managers considèrent ces détournements comme une

remise en cause de la confiance qui leur est accordée.

Proposition de recherche

Dans le cadre de cette thèse, nous avons abordé la question de l’alignement stratégique en

cherchant à savoir si la cohérence des choix organisationnels pouvait impacter le PFRH. Une

étude de la littérature a permis d’identifier l’alignement stratégique et l’AMO comme des

modèles d’analyse particulièrement prégnants pour étudier le succès de partage. La mise en

place d’une étude de cas a pu confirmer la pertinence d’articuler ces corpus théoriques pour

notre objet d’étude. Les résultats soulignent effectivement le rôle de la cohérence des choix

Page 282: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

270

stratégiques sur le développement des capacités, des motivations et des opportunités des

managers à développer le PFRH. La discussion de nos résultats et des travaux issus de la

littérature nous permettent finalement de formuler les propositions suivantes :

Proposition centrale : Le désalignement stratégique des choix stratégiques d’une

organisation influencerait les capacités, motivations et opportunités des managers à partager

la fonction ressources humaines.

Proposition 1 : Le désalignement stratégique entre les objectifs du partage de la fonction RH

et les infrastructures déployées influencerait les capacités, motivations et opportunités des

managers à mettre en place le partage de la fonction RH.

Proposition 2 : Le désalignement stratégique entre les infrastructures du partage de la

fonction RH et celles du SIRH influencerait les capacités, motivations et opportunités des

managers à mettre en place le partage de la fonction RH.

Proposition 3 : Le désalignement stratégique entre les infrastructures du partage de la

fonction RH et celles du SIRH influencerait les usages du SIRH développés dans

l’organisation.

Proposition 4 : L’alignement des usages attendus et observés influencerait les capacités,

motivations et opportunités des managers à mettre en place le partage de la FRH.

Proposition 5 : Les capacités, motivations et opportunités des managers à mettre en place le

partage de la fonction ressources humaines influenceraient l’implémentation effective du

partage de la fonction RH.

Ces propositions se composent d’une proposition centrale et de cinq sous-propositions qui

constituent le fondement du modèle de la recherche présenté dans le schéma ci-dessous

(figure 4-9). Ce dernier constitue une représentation synthétique de l’analyse réalisée dans la

présente thèse et schématise des propositions susceptibles d’être examinées dans de futures

recherches.

Page 283: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Chapitre 4 - Section 2. Discussion des résultats

271

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Page 284: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

272

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le PFRH est un sujet éminemment actuel qui suscite l’intérêt des chercheurs et des praticiens.

Cette pratique a connu un intérêt croissant depuis les années 1990 du fait, principalement, de

l’intégration des SIRH dans les organisations. Ces outils, utilisés pour permettre un ensemble

d’opérations de traitement et d’analyse de l’information, ont participé à la mise en place d’une

transversalité du travail et à l’interconnexion de services initialement cloisonnés. Les travaux

s’intéressant au phénomène montrent que la cohérence entre les objectifs organisationnels et

l’usage envisagé du SI permet d’en renforcer le succès de mise en place. Dans le contexte

particulier du PFRH, le centrage sur les usages transformationnels et informationnels semble

favoriser l’intégration des infrastructures organisationnelles et technologiques. Par ailleurs,

l’étude du SIRH sous l’angle de l’usager met en évidence les dimensions technique et

organisationnelle comme facteurs explicatifs de l’utilisation des outils. Le recours à ces

systèmes informatisés revêt un enjeu important, puisqu’il permettrait de rentabiliser les

investissements initiaux.

Mais ces changements, appliqués au domaine de l’organisation et à celui des comportements

individuels, ont parfois abouti à des difficultés de mise en place. Certains travaux en particulier,

soulignent l’incidence des choix organisationnels sur les capacités, les opportunités et la

motivation individuelles à adopter un comportement favorable. Basées sur les réflexions

d’Appelbaum et al. (2000), ces recherches donnent naissance au cadre théorique de l’AMO.

Dans l’étude du PFRH, la mobilisation de ce cadre a permis de mettre en exergue l’incidence

des choix des décideurs sur la propension des managers à être associés dans les activités de

GRH. Pour autant, il semblait que la force prédictive de cette grille d’analyse pouvait être

renforcée en y intégrant la cohérence des choix organisationnels. Cette dernière a été proposée

à travers le concept d’alignement stratégique (Henderson, John C. et Venkatraman, 1989).

L’étude du cas ABC a permis de mettre en évidence la pertinence de l’articulation de l’AMO

et de l’alignement stratégique pour comprendre les facteurs de PFRH. En effet, le manque

d’intégration fonctionnelle et de fit stratégique pourrait expliquer un développement

insatisfaisant des capacités, des opportunités et des motivations des managers. Plus

précisément, les résultats montrent que le développement incohérent des infrastructures

Page 285: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

273

organisationnelles et technologiques entre elles, mais aussi avec les objectifs stratégiques

génère des situations sous-optimales. Ces résultats ayant été confrontés aux travaux réalisés

par le passé, il convient dorénavant de préciser les implications théoriques et managériales qui

découlent de cette recherche.

Contributions de la recherche

La présente recherche comporte des implications théoriques et managériales qu’il convient de

mettre en exergue.

11. Contributions théoriques

111. L’alignement stratégique et ses effets sur l’AMO : une cadre

d’analyse

Sur le plan théorique, cette recherche propose une grille conceptuelle novatrice permettant de

fournir une explication au partage effectif de la FRH. Basée sur l’articulation des théories de

l’alignement stratégique et de l’AMO, la présente recherche met en évidence le rôle de la

cohérence des choix organisationnels sur la position des managers. Ainsi, ce travail montre que

la mobilisation conjointe de ces deux approches forme une matrice théorique particulièrement

intéressante pour l’étude des facteurs du succès d’implémentation d’une orientation

stratégique. Ce cadre hybride est un outil pertinent pour expliquer l’attitude des individus

concernant un processus organisationnel.

Par ailleurs, le caractère novateur de la présente approche est également fondé par la

combinaison de deux champs de la littérature qui n’avaient jamais été mobilisés conjointement

jusqu’à lors. Notre recherche a effectivement été l’occasion de croiser les objets du PFRH et

du SIRH pour proposer un modèle explicatif du succès de partage en considérant le système

d’information comme une infrastructure à part entière de l’organisation. Alors que la littérature

des systèmes d’information tend à aborder les capacités, la motivation et les opportunités

individuelles comme des variables expliquant les attitudes et les comportements d’usage des

SI, notre recherche propose une relation inversée. En effet, les résultats du présent travail

mettent en évidence que l’alignement des usages participe au PFRH. La mise en cohérence des

attentes d’usage par rapport à ceux développés participerait effectivement à affecter la

motivation des managers de partager la FRH.

Page 286: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

274

112. La compensation des alignements : un mécanisme complexe

Sans pour autant apporter de solution à l’épineuse problématique de l’explication des modalités

d’alignement stratégique, cette recherche met en exergue des résultats qui permettent de

comprendre plus en profondeur le phénomène. Le premier consiste à souligner un effet de

compensation des contingences. Dans cette perspective, nous avons proposé que le

désalignement entre deux composantes puisse être compensé par ailleurs. Il est question,

notamment, de certaines pratiques pour lesquelles les managers se sentent incompétents. Cette

recherche montre alors que le soutien organisationnel participe à développer une attitude

positive concernant ladite pratique. De manière inverse, certains désalignements n’ont pas pu

être compensés malgré des efforts soutenus de la DRH. C’est le cas, par exemple, du SIRH

dont les trous fonctionnels et les informations erronées ont généré un détachement des usagers,

et ce, malgré la mise en place de changements ergonomiques, de mise à jours fonctionnels et

d’un accompagnement renforcé par l’organisation. Ces éléments tendent à définir l’alignement

stratégique comme un processus non linéaire, dans lequel une dimension qualitative des

alignements doit être prise en compte. Effectivement, il convient d’intégrer le poids relatif des

éléments qui composent le processus pour une plus grande prédiction. Nos résultats nous

amènent à suggérer que cette caractéristique non compensatoire des alignements tienne pour

partie, de l’effet amplification de la motivation.

113. Phénomène d’amplification de la motivation

L’articulation des théories de l’alignement stratégique et de l’AMO permet d’expliquer

l’impact de la cohérence des choix organisationnels sur des variables prédisant les

comportements individuels. Certains auteurs ayant traité du PFRH ont souligné les effets

directs des choix de l’organisation sur l’AMO. Ces derniers permettraient de prédire le niveau

et les modalités d’association des managers à la GRH (Bos-Nehles et al., 2013 ; Gilbert et al.,

2015 ; Trullen et al., 2016). Cette recherche montre que s’intéresser à la cohérence des choix

permettrait d’identifier le phénomène en y intégrant une dimension supplémentaire.

L’incapacité de la DRH à mettre en place des moyens en accord avec les objectifs

communiqués participerait effectivement à réduire la motivation des managers en contexte de

PFRH. La définition et la communication des objectifs du partage fonctionnel et de l’usage du

SIRH affectent les attentes des managers. Par la suite, les décalages entre les attentes et les

réalités participent, d’une part, à créer chez ces derniers des frustrations nées de l’impossibilité

de réaliser les tâches et missions attendues, et d’autre part, à entacher la crédibilité et la

confiance qu’ont les responsables d’équipes concernant leurs homologues. Ces observations

Page 287: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

275

constituent un fondement à la démarche de reengineering des processus et/ou des objectifs

pour créer une harmonie entre les deux domaines. Il en découle alors que l’organisation

incapable d’adapter ses infrastructures et processus doit réévaluer ses objectifs et ses attentes.

Alors que la motivation joue un rôle direct sur la volonté de partager la FRH, par le biais des

incitations par exemple, les résultats montrent qu’en plus de cet effet direct, elle renforce l’effet

négatif de l’opportunité et des capacités sur la volonté de partage. Ce résultat pointe l’incidence

de l’alignement stratégique sur la dimension psychologique du comportement individuel des

managers.

12. Contributions managériales

121. L’usage transformationnel du système d’information au service

d’une fonction partagée

Le partage de la FRH et l’usage des SIRH sont deux objets qui n’ont pas été abordés ensemble

dans la littérature académique. Pourtant, dans le champ pratique, de nombreuses

problématiques et questionnements rendent leur étude conjointe justifiée. Les résultats

montrent l’importance de questionner la cohérence des choix stratégiques lors de la mise en

place d’une nouvelle orientation stratégique. Dans le cas particulier des ERP, tant la littérature

que les résultats de ce travail mettent en évidence la rigidité fonctionnelle et architecturale des

progiciels de gestion. Dans le cas présent, le progiciel étudié était particulièrement peu flexible,

ce qui rendait difficiles ses possibilités d’adaptation aux infrastructures organisationnelles. Par

conséquent, le processus d’alignement entre les deux domaines a largement reposé sur le

mécanisme de reconception des processus organisationnels (Business Process Reengineering).

Cette ingénierie infrastructurelle entraine des changements lourds et difficiles à mettre en

œuvre dans l’organisation. Les observations mettent alors en évidence des choix

organisationnels sclérosés par deux facteurs : la rigidité du progiciel et la résistance des

collaborateurs aux changements. Dans les observations effectuées, il apparait que l’objectif est

de permettre une structuration des infrastructures grâce à l’outil. Il est alors attendu que ce SI

participe à la redéfinition des activités. Pour autant, si l’usage informationnel de l’outil a pu

être développé malgré certains dysfonctionnements, les problématiques récurrentes et

profondes auxquelles font face les utilisateurs remettent en cause leur confiance vis-à-vis du

système, et, de manière plus dommageable, celle attribuée au département RH. Dans ce cadre,

la mise en place de la vocation transformationnelle du progiciel est rendue difficile. Or, cette

dimension du SI apparait comme centrale dans le changement désiré des pratiques. Cette

Page 288: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

276

observation mène alors au constat que l’incapacité du progiciel à soutenir les mutations qu’il

accompagne doit amener une réflexion sur les solutions à apporter par ailleurs. Ces solutions

peuvent relever d’un changement de l’outil incompatible ou une réorientation des

infrastructures organisationnelles pour compenser les failles technologiques.

122. La cohérence des choix dans une approche globale de la réflexion

stratégique

L’entité productive est une structure en mouvement continu de sorte que l’état réel des effectifs,

des compétences et des ressources au sens général peut varier et se trouver en décalage avec la

configuration prévue. Dans le cas d’un groupe de taille importante, il apparait que malgré les

efforts de contrôle mis en place, les unités qui forment le groupe évoluent de manière différente

pour aboutir, à un instant t, à des niveaux de compétences, de ressources et des besoins

hétérogènes. Dans le cadre de la mise en place du PFRH, les décideurs doivent considérer

l’ensemble des processus et des infrastructures de manière globale. Un des postulats forts sur

lesquels s’appuie cette réflexion consiste à accepter que les organisations connaissent et

intègrent les objectifs visés et les infrastructures à dispositions dans la perspective des

changements entrepris. Par la suite, l’alignement stratégique opère par la mise en cohérence

des choix stratégiques. Les résultats de cette recherche montrent, par exemple, que la prise en

compte de l’hétérogénéité des sites géographiques permettrait de rendre les actions locales plus

cohérentes avec le contexte réel de travail des managers. Cela permettrait de développer des

pratiques et des routines plus en accord avec les objectifs poursuivis dans le cadre du PFRH.

On voit ainsi que le niveau de formalisation, le niveau d’accompagnement, le service

d’expertise requis ne sont pas identiques dans les différentes unités. En outre, le développement

homogène d’infrastructures pour répondre à des besoins hétérogènes aboutit à un décalage

entre les attentes et les ressources et provoque des situations de désalignements. Mener une

étude des besoins précis de chaque unité et mettre en place les moyens de manière

proportionnée participeraient ainsi à rendre l’approche plus cohérente. Dans une perspective

de co-alignement, il convient de souligner que le processus d’ajustement des domaines peut se

faire de plusieurs manières. C’est pourquoi un décalage entre les infrastructures et les objectifs

initiaux peut être résorbé en revoyant les infrastructures, en opérant une réévaluation des buts,

mais également en opérant les deux adaptations de manière mutuelle.

Enfin, la présente recherche montre que l’alignement stratégique est un véritable outil

permettant de mettre en évidence la cohérence stratégique comme explication de succès du

Page 289: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

277

PFRH. Basé sur une approche où l’alignement n’est pas une fin recherchée, mais un processus

latent, il est mobilisé ex post pour donner des éléments d’analyse a posteriori du succès de

partage. Toutefois, les résultats de la présente recherche suggèrent que l’alignement stratégique

pourrait être appréhendé comme un outil de pilotage structurant la démarche stratégique. Dans

une perspective dynamique, Deltour et Mourrain (2017) proposent le concept de

« trajectoires d’alignement » pour révéler le processus de mutation des profils

organisationnels. La recherche d’une cohérence inscrite à l’agenda stratégique pourrait alors

servir de guide-fil des orientations prises au sein de l’organisation. Nous proposons alors la

mise en place d’un outil permettant l’évaluation de la cohérence entre les choix stratégiques,

mais également de l’alignement entre les usages (attendus et réels) des SI et/ou des résultats

(attendus et réels) du PFRH (voir figure 4-10).

Figure 4-10 : Outil de diagnostic et de rétroaction de l’alignement stratégique

organisationnel

Source : auteur de la thèse

À défaut de fournir une évaluation métrique de l’alignement stratégique, cet outil permettrait

d’intégrer un double niveau de vérification de la cohérence et donc de pouvoir ajuster les

pratiques organisationnelles pour favoriser cette cohérence en amont et en aval. Produit sur la

base des résultats de cette recherche, il intègre la double incidence de la motivation des

managers dans le phénomène de PFRH. L’ajustement des pratiques et des attentes est proposé

à travers un processus dynamique et réactif de boucles de rétroactions. Les désalignements des

domaines stratégiques et des usages seraient vérifiés par le biais de leurs conséquences sur la

perception des acteurs, mais également des observations directes. Par la suite, nous proposons

une évaluation de ces désalignements afin d’identifier ceux qui sont les plus problématiques

Page 290: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

278

dans l’atteinte de l’organisation cible. Enfin, il s’agira par la suite de procéder à des

réajustements, tant au niveau des objectifs, que des infrastructures (du PFRH et des usages des

SI) afin de développer un contexte favorable au partage.

La préconisation de cet outil va dans le sens de la réflexion de Fimbel (2007) qui propose, en

complément des maîtrises d’œuvre et d’ouvrage, la constitution d’une maîtrise d’alignement

stratégique ayant pour but de veiller à l’alignement des choix substantiels du projet. Notre

proposition s’inscrit plus spécifiquement dans la méthodologie de business project

reengineering puisqu’elle se base sur la redéfinition des infrastructures organisationnelles. Plus

précisément, cette démarche propose d’intégrer l’ajustement des objectifs, des attentes, mais

aussi des structures et processus génériques et ceux des SI afin de faciliter l’atteinte des finalités

poursuivies par l’entité.

123. La mobilisation des acteurs dans les changements qui les visent

Cette recherche souligne l’importance de rendre les acteurs sujets des changements qui les

concernent. Les conditions psychologiques et matérielles auxquelles ils sont confrontés les

amènent à agir différemment dans une situation de PFRH. Cette observation transparait à

travers deux principaux éléments. Dans un premier temps, les résultats mettent en évidence

l’importance de l’implication des managers dans les phases de réflexions et de mise en place

des nouveaux projets. Cela est particulièrement avéré en ce qui concerne le PFRH puisque

l’intégration d’un grand nombre d’acteurs permet de donner une dimension partagée du

processus et réduit cette perception que l’orientation stratégique imposée. Cela participe à

renforcer l’acceptation et l’appropriation par l’ensemble des destinataires des enjeux et

modalités des changements qui s’opèrent. Les résultats ont mis en évidence une incidence

significative du facteur culturel dans le résultat d’alignement stratégique. La prise en compte

insuffisante des spécificités contextuelles entraine des difficultés sur le plan managérial, mais

aussi au niveau des usages. Walsh et al. (2013) montrent que l’alignement stratégique est alors

renforcé par la prise en compte de ces dimensions dans les processus d’adaptation, mais

également par l’implication des acteurs dans les processus de formulation et de mise en place

stratégique. Dans leur modèle d’alignement stratégique revisité, ils proposent des ajustements

au modèle initial. La stratégie doit être planifiée, désignée et émergente et suivre une logique

remontante (bottum up). Ils suggèrent également que la perspective d’alignement est

managériale, technique et sociale et que les besoins technologiques soient exprimés par les

analystes, les techniciens, les experts et les managers. Nos résultats nous poussent à abonder

Page 291: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

279

dans ce sens. L’intégration des managers dans la réflexion et le pilotage permettrait d’inclure,

dans les projets SI, la vision métiers portée par les acteurs terrain. Cela pourrait

vraisemblablement impacter l’alignement des choix stratégiques en amont, mais aussi, et

surtout, celui des usages en aval. En effet, nous supposons que cela favoriserait l’acceptation

et l’appropriation par les parties prenantes des changements qu’ils ont eux-mêmes impulsés.

Cette conjecture fait d’autant plus sens dans le contexte de projets liés au PFRH qui sont fondés

par la volonté de faire collaborer les équipes.

Dans un second temps, il apparait particulièrement prégnant que la manière dont tous les

acteurs prennent leurs rôles en main influence la propension des activités à être partagées. En

se positionnant en tant qu’experts au service des managers, les spécialistes RH leur permettent

d’évoluer librement dans le cadre prescrit. Pour autant, lorsqu’elles sont insuffisamment

formalisées, les interactions interindividuelles aboutissent à la mise en place délibérée ou

involontaire de pratiques extérieures aux objectifs initiaux. Dans ce contexte, il semble que

l’organisation doit jouer un rôle particulièrement central : celui de réguler par la production de

règles et de procédures, mais aussi par la proposition d’incitations positives. Effectivement, ce

dernier point est apparu comme particulièrement névralgique du point de vue des managers.

Dans un contexte de surcharge de travail perçu, la reconnaissance de l’ampleur des réalisations

en matière de GRH dans l’ensemble des attributions managériales permet d’en accroître la

valence et constituerait un moteur à l’action. Cette observation va dans le sens de la prise en

compte du contexte social et de la réalité des acteurs dans la conception des choix stratégiques.

Nos résultats font alors écho à la préconisation principale du rapport de l’Observatoire de

l’Engagement produit en 2019 et qui pointe d’inévitables problématiques d’engagement des

managers et de perte de temps dans les projets qui les visent lorsqu’ils ne sont pas associés à la

réflexion stratégique dès le départ. Cette démarche permettrait alors d’intégrer plus facilement

la complexité de la fonction managériale et d’en réduire les tensions26.

Limites et perspectives de recherche

21. Limites de la recherche

Cette recherche avait pour objectif de mettre en évidence les facteurs permettant d’expliquer

le succès de PFRH. Sur le plan théorique, elle a mobilisé, notamment, la lecture de l’alignement

26 L’observatoire de l’engagement (2019), Managers de proximité et dynamiques d’engagement : discours et réalité des pratiques, Université Paris Dauphine, (http://observatoire-engagement.org/wp-content/uploads/2019/07/Etude-Managers-de-proximit%C3%A9-2019.pdf)

Page 292: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

280

stratégique qui permet d’expliquer la performance par le niveau de cohérence entre quatre

domaines stratégiques de l’organisation (stratégie générique, stratégie SI, infrastructures

génériques et infrastructures SI). Dans leurs travaux pionniers, Henderson et Venkatraman

(1989) intègrent dans leur analyse le domaine l’entreprise et le domaine des systèmes

d’information. D’autres recherches reprennent ces domaines en les abordant de différentes

manières (e.g.Bergeron et al., 2004 ; Chan et al., 1997). Dans le cadre de la présente recherche,

le matériau empirique ne permettait pas d’accéder au champ de la stratégie SI. Les choix faits

en la matière n’étaient pas accessibles et ne pouvaient, de facto, pas être pris en compte dans

le cadre de l’analyse. Par conséquent, le modèle de recherche résultant propose d’expliquer le

PFRH sur la base de l’alignement de trois domaines et non quatre. Pour autant, cette limite n’a

que peu des impacts sur les résultats de la recherche, et ce pour deux raisons. Premièrement,

une partie des décisions qui ont été prises en matière de SIRH ont été intégrées dans les

observations puisque des membres de la DRH ont pris part, de manière significative, à l’équipe

projet chargée de la définition des besoins et de la mise en place du progiciel. Deuxièmement,

lorsqu’ils abordent les moyens dont l’alignement s’opère à travers la notion de « perspectives

d’alignement », Henderson et Venkatraman (1989) voient différents schémas intégrant chacun

trois domaines du modèle. Ainsi, ils considèrent que l’alignement s’opère à travers un domaine

ancre, un domaine pivot et un domaine d’impact. À ce titre, le centrage sur trois domaines

apparait comme une approche envisageable.

Sur le plan méthodologique, certains points méritent d’être évoqués. Basée sur l’étude d’un cas

unique, elle a permis de mettre en évidence un certain nombre d’éléments permettant la

compréhension du phénomène étudié. Cette approche méthodologique s’est alors imposée

comme pertinente au vu de la richesse du cas et de sa spécificité. Mais il faut tout de même

souligner que les discussions académiques concernant le nombre de cas à étudier dans le cadre

d’une recherche qualitative sont encore animées. Alors que le recours au cas unique peut être

justifié par sa richesse en informations et sa particularité au vu de la question de recherche

(Stake, 2005), la mobilisation de cas multiples permettrait de renforcer la valence des éléments

d’analyse par l’observation de régularités (Yin, 2003). Dans le cadre de cette recherche, il aurait

donc pu être envisagé d’intégrer d’autres organisations afin de comparer les éléments d’analyse

et d’introduire une diversité de matériau, ne serait-ce que du point de vue des contextes

organisationnels. Le recours à l’étude de cas multiple permettrait d’inclure une comparaison

des résultats obtenus à travers une étude transversale du phénomène (Yin, 2003).

Page 293: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

281

Une autre limite qu’il convient d’évoquer concernant ce travail relève de l’aspect

méthodologique quant à l’évaluation du succès de PFRH et de l’alignement entre les domaines.

En ce qui concerne le premier point, l’appréciation a été faite sur la base des travaux de Trullen

et al. (2016) qui comparent les objectifs initiaux de partage et les résultats effectivement

observés. Du point de vue de l’alignement stratégique, notre méthode d’évaluation est basée

sur le travail de Bergeron et al. (2004) qui proposent une détermination des niveaux

d’alignement par une mesure quantitative du niveau de développement d’une composante et

finalement de la correspondance des niveaux pour chaque contingence. Dans le prolongement

de ce travail, nous proposons une évaluation de la cohérence au niveau de la paire de

composantes. Pour ces deux points, il faut souligner que l’évaluation se fait par le chercheur

sur la base de l’étude du matériau empirique. Le niveau d’alignement entre deux composantes

a été évalué en fonction des effets sur les variables de l’AMO. Bien que ce travail ait été guidé

par un impératif d’objectivité et de neutralité du point de vue de l’objet de recherche, il convient

d’évoquer le phénomène de subjectivité du chercheur. Le croisement des points de vue avec

d’autres chercheurs sur cet élément de la recherche a été rendu difficile. L’analyse nécessitant

une compréhension profonde de l’objet de recherche, des soubassements théoriques et du

contexte empirique spécifique.

22. Perspectives de recherche

Les résultats du présent travail et les éléments qui viennent d’être évoqués justifient des voies

de recherche à venir.

Sur le plan théorique, la prise en compte du domaine stratégique relatif aux SI permettrait

certainement d’apporter des éléments supplémentaires concernant les mécanismes de prise de

décisions, les canaux de collaboration entre les services RH et les services de la direction des

systèmes d’information. Nos résultats laissent effectivement entrevoir l’existence de rapports

de force intrigants entre les départements lors des projets SI. Dans cette perspective de

domination fonctionnelle, quelles pourraient être alors les possibilités d’adaptation de l’outil

par rapport aux processus réels ?

Ensuite, la présente recherche aborde le phénomène d’alignement stratégique sur la base d’une

approche statique. Or, il a été évoqué à plusieurs reprises que l’organisation est une structure

mouvante dans laquelle les équilibres, lorsqu’ils sont atteints, ne peuvent être considérés

comme définitifs. Ainsi, et comme le propose une partie de la littérature traitant de l’alignement

stratégique, il pourrait être intéressant de voir comment la mise en cohérence des choix

Page 294: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Conclusion Générale

282

organisationnels se répercute sur les dimensions de l’AMO. De manière parallèle, il serait

intéressant de voir comment l’évolution de l’AMO influencerait le gap entre objectifs initiaux

et pratiques observées.

De même, lors de la discussion des résultats, nous évoquions les effets potentiels tensions de

rôles sur l’attitude des managers. Ce pan de la littérature n’a pas été intégré à la présente

recherche du fait d’un lien insuffisant à son objet. Mais il pourrait être intéressant de

s’intéresser aux tensions des rôles managériaux en contexte de PFRH et plus particulièrement

en s’intéressant à la mécanique liant alignement stratégique et tensions de rôles.

Enfin, sur le plan méthodologique, les résultats de cette recherche ont été obtenus sur la base

de l’étude d’un cas unique. Il pourrait être intéressant de recourir au croisement de ces premiers

résultats en dupliquant ces investigations dans d’autres contextes et de déterminer des éléments

permettant éventuellement d’affiner davantage le modèle. Aussi, les recherches prenant pour

objet le PFRH se sont essentiellement focalisées sur des méthodologies qualitatives et en

particulier sur des études de cas. Il pourrait être judicieux de définir des échelles de mesure du

partage sur la base des deux dimensions qui ont été proposées dans le cadre de cette recherche

(association effective dans les activités RH, participation effective à la prise de décisions RH).

Ce faisant, il pourrait être intéressant de mesurer quantitativement le gap entre les objectifs

initiaux et la mise en place effective de cette orientation. Concernant le processus d’évaluation,

il serait également judicieux, et cela relève d’un véritable challenge posé par la littérature de

l’alignement, de proposer une méthode de mesure quantitative de l’alignement stratégique

entre les domaines de notre modèle pour en identifier l’impact de ce dernier sur l’AMO. Cette

dernière suggestion constitue une voie de recherche particulièrement intéressante. Ayant

proposé l’alignement stratégique comme un processus non compensatoire, il pourrait être

intéressant de se pencher sur la mise en place d’un outil intégrant la dimension qualitative du

processus (par l’attribution de coefficients aux différentes contingences, par exemple). Ce

tableau de bord permettrait, à défaut de donner une mesure précise du niveau d’alignement,

d’insuffler une réflexion sur la problématique d’alignement stratégique aux décideurs en phase

d’introduction d’un changement organisationnel.

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Annexes

298

ANNEXES

Page 311: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

299

Annexe 1 : Guide d’entretien fonctions support

Caractéristiques des répondants

Quel est l’intitulé de votre poste ?

Quel est votre pôle de rattachement ?

Quelle est votre ancienneté :

• Dans la vie professionnelle

• Au sein d’ABC

• Dans votre poste

• Au sein de la fonction SIRH

Éléments de contexte à demander en personne aux interlocuteurs concernés

Quel est l’effectif :

- du ABC Aquitaine (répartition droit privé, droit public) ?

- de la DRH ?

- de l’équipe SIRH ?

Y-at-il des domaines RH qui sont externalisés ? Lesquels ?

Quelle est la date de mise en place du SIRH pour ABC Aquitaine ? Pour ABC national ?

Quelles ont été les grandes étapes de ce projet ?

Demander un compte rendu des réunions des sessions de travail SIRH avec les managers.

Y-a-t-il des modules qui sont externalisés ?

Existe-t-il une charte (ou une procédure) qui définit la répartition des rôles RH entre la DRH

et les managers de proximité (la demander) ?

La stratégie Ressources Humaines

Quels sont les acteurs de la gestion des ressources humaines chez ABC Aquitaine ?

Quels sont les rôles de la DRH au sein d’ABC Aquitaine ?

Quels sont les objectifs de la DRH d’ABC Aquitaine ?

Quelles sont les spécificités de ces objectifs par rapport à ceux d’ABC national ?

En matière :

• de recrutement

• de mobilité

• de compétences/gestion des carrières

• de formation

• de communication interne

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Annexes

300

• etc…

Quelle est la marge de manœuvre dont dispose de la direction territoriale pour prendre les

décisions ?

De quelle manière ces objectifs ont-ils été communiqués aux managers de proximité ?

Quels moyens ont-été mis en place pour s’assurer que les managers intègrent les objectifs

RH Diriez-vous qu’ils sont tous partagés par ces derniers (est-ce qu’ils y adhérent) ?

Quelles sont les compétences que les managers ont dû développer pour accomplir ces rôles ?

Avez-vous vu vos responsabilités et rôles changer après la mise en place du SIRH ? Dans

quel sens ?

- Quelles sont les compétences que vous avez dû développer pour assurer ces rôles ?

- Ces nouvelles responsabilités sont-elles compatibles avec votre métier ?

Partage de la fonction RH

Quels sont les principaux processus RH auxquels participent les managers de proximité

(recrutement, mobilité, compétences/gestion des carrières, formation, communication

interne…) ?

➢ Quels sont les processus RH auxquels ils participent le plus et ceux auxquels ils

participent le moins ?

➢ Quelle explication pourriez-vous en donner ?

En tant que DRH/DG/correspondants SIRH, quels sont les dispositifs (formation, journées

de sensibilisation…) que vous aviez mis en place pour sensibiliser/accompagner les

managers de proximité dans leurs nouveaux rôles RH ? Comment ces dispositifs sont-ils

perçus par les managers ?

Parlez-nous des rôles des managers dans la mise en place de la politique/ ou stratégie RH ?

Existe-il un système de mesure (indicateurs, tableau de bord, reporting) pour évaluer la

contribution des managers à la fonction RH ?

Diriez-vous que la mise en place d’un système de mesure à modifié/modifierait l’attitude des

managers concernant la fonction RH ?

Comment le partage de responsabilités a-t-il été accueilli par l’ensemble des RRH ? (lors des

réunions, par leur implication dans le projet, par l’accompagnement des managers) ?

Comment les correspondants RH ont-ils-été formés aux métiers RH ?

L’outil SIRH

Page 313: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

301

Quelles ont été les raisons/objectifs de la mise en place du SIRH ? Comment ces objectifs

ont-ils été communiqués auprès des managers et salariés ?

Pourriez-vous citer quelques incidents qui ont marqué cette mise en place ? Si c’était à

refaire qu’auriez-vous changé dans la/votre démarche ?

En tant que DRH/ ou correspondant SIRH (selon les cas) quel est/était votre rôle dans ce

projet ?

Dans quelle mesure les managers ont-ils été impliqués dans le projet SIRH ?

➢ Quels étaient leurs rôles ?

Avez-vous déjà organisé des sessions de travail avec les managers/chefs d’équipes au sujet

de SIRH ?

➢ Quels en étaient les objectifs (Conseil, Harmonisation) ?

➢ À quelle fréquence ?

Les managers/chefs d’équipes sont-ils informés des évolutions des lois (juridiques ou

règles) dans le domaine RH ?

➢ Comment ?

Quelles sont les fonctionnalités couvertes ou présentes dans le SIRH ? À votre avis cette

couverture fonctionnelle est-elle satisfaisante ?

Quelles sont les fonctionnalités qui sont ouvertes aux managers ?

Est-ce que le recours au SIRH permet au manager d’agir plus efficacement (rapidité, atteinte

des objectifs…) ?

L’utilisation du SIRH

Parlez-nous de l’usage que vous faites du SIRH ? Existe-t-il d’autres outils que vous utilisez

dans le cadre de votre activité RH à part le SIRH ?

Quels sont les services ou les personnes qui utilisent le SIRH ?

Quels sont les moyens qui ont été mis en place pour encourager les managers à utiliser le

SIRH ?

Comment les SIRH vous aident pour prendre les décisions en matière RH (recrutement, la

formation, la gestion des rémunérations, la gestion des carrières, le dialogue social, le

reporting, la gestion administrative ?

Quels sont les problèmes les plus récurrents que vous rencontrez avec l’utilisation du SIRH ?

Selon vous, quels seraient les points à améliorer dans le SIRH actuel :

➢ Ergonomie

➢ Convivialité

Page 314: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

302

➢ Les fonctionnalités

➢ Interfaces

➢ Etat/ Extraction

➢ …

Quel temps passez-vous quotidiennement sur le SIRH ?

Des indicateurs de performance ont-ils été mis en place pour évaluer le niveau d’utilisation

SIRH ?

➢ Lesquels ?

Est-ce que certains services/managers utilisent davantage le SIRH que d’autres ?

Si à l’avenir, vous étiez chargé de mettre en place un SIRH, comment procéderiez-vous (du

début à la fin) ?

➢ l’outil en lui-même

➢ l’implication des managers dans le projet,

➢ l’accompagnement durant/après la mise en place ?

Les impacts du SIRH

En définitive, qu’est-ce que le SIRH a changé dans le fonctionnement de votre service ou

équipe ? Quel est l’impact du SIRH sur les objectifs RH (GPEC, Recrutement….) ?

Pouvez-vous nous parler des impacts de SIRH sur la fonction RH ?

• Organisation du travail

• Connaissance des équipes

• Rapports des pouvoirs

• Partage de responsabilités

• Fiabilité des données

• Gains économiques

• …

Comment le SIRH contribue-t-il à repositionner la FRH ?

• DRH plus stratégique

• Managers plus RH

Page 315: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

303

Annexe 2 : Guide d’entretien manager

Caractéristiques des répondants

Quel est l’intitulé de votre poste ?

Quel est votre site de rattachement ?

Quel est l’effectif de votre service ?

Quel est votre parcours ?

➢ Quelle est votre ancienneté (relance) :

• Dans la vie professionnelle

• Au sein d’ABC

• Dans votre poste

• En tant que manager

La stratégie Ressources Humaines

Quelles sont les grandes orientations RH d’ABC ?

Parlez-moi des différentes politiques RH (recrutement, formation, mobilité, GPEC…)

Quels sont les objectifs RH (recrutement, formation, EAP,…) de votre service ?

➢ Comment ont-ils été définis ?

➢ Sont-ils réalisables ?

De quelle manière les objectifs RH vous ont-ils été communiqués ?

Partage de la fonction RH

Selon vous, quels sont les enjeux de l’association des managers aux tâches RH ?

Avez-vous vu vos responsabilités et rôles changer suite au partage de la fonction RH ?

➢ Dans quel sens ?

➢ Quelles sont alors vos nouvelles responsabilités RH ? (relance)

Quels sont les processus RH auxquels vous participez le plus et ceux auxquels vous participez

le moins

➢ (recrutement, mobilité, compétences/gestion des carrières, formation, communication

interne…) ?

➢ Quelle explication pourriez-vous en donner ?

Comment s’est opéré le partage des rôles RH entre la DRH et vous-même ? Existe-il une

charte qui définit vos rôles respectifs ?

Comment les managers ont-ils accueilli ces nouvelles responsabilités ?

➢ Sont –elles pertinentes ?

➢ Quel est leur impact sur l’organisation du travail ?

Page 316: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

304

Ces nouvelles responsabilités sont-elles compatibles avec votre métier ?

Quelles sont les compétences que vous aviez dû développer pour assurer ces

rôles/responsabilités ?

De quelle manière ce passage de responsabilités a-t-il été accueilli par l’ensemble des parties

prenantes (RRH, collaborateurs…) ?

Comment percevez-vous les dispositifs mis en place pour vous accompagner dans vos

nouveaux rôles RH : i.e. Formations, journées de sensibilisation, atelier… ?

Quels types d’échanges avez-vous avec la DRH ? (proximité, support/assistance)

Quels sont les retombées du travail collaboratif entre managers et RRH ?

➢ Un système de mesure du travail collaboratif serait-il pertinent ?

Si vous aviez dû mettre en place ce partage de responsabilités RH, comment auriez-vous

procédé ?

➢ Comment seraient-elles partagées ?

➢ Quelles responsabilités seraient partagées et quelles sont celles qui ne le seraient pas ?

L’outil SIRH

Quelles ont été les raisons/objectifs de la mise en place du SIRH ? Comment ces objectifs

vous ont-ils été communiqués ?

Quels ont été les moments forts lors de la mise en place de l’outil SIRH au sein de votre

équipe ?

➢ incidents, difficultés ?

Que dites-vous des moyens mis en place par la DRH pour aider à vous approprier l’outil ?

➢ Quels-sont-ils ?

➢ Sont-ils satisfaisants ?

Avez-vous déjà participé à des sessions de travail avec la DRH / correspondant SIRH au sujet

de SIRH ?

➢ Quels en étaient les objectifs (Conseil, Harmonisation) ?

➢ À quelle fréquence ?

Êtes-vous informés des évolutions des lois (juridiques ou règles) dans le domaine RH ?

➢ Comment ?

L’utilisation du SIRH

Parlez-nous de l’usage que vous faites du SIRH ? Quelles sont les fonctionnalités du SIRH

que vous utilisez dans le cadre de votre activité ?

Existe –il d’autres outils que vous utilisez dans le cadre de votre activité RH (à part le SIRH) ?

Page 317: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

305

Est-ce que le SIRH vous aide à prendre les décisions en matière RH (recrutement, la

formation, la gestion des rémunérations, la gestion des carrières, le dialogue social, le

reporting, la gestion administrative) ?

Comment le SIRH a-t-il changé votre quotidien ? (en termes de fonctionnement de votre

service par exemple, charge de travail) ?

➢ Selon vous, le recours au SIRH vous permet-il d’agir plus efficacement (rapidité,

atteinte des objectifs…) ? (relance)

Quels sont les problèmes les plus récurrents que vous rencontrez avec l’utilisation du SIRH ?

Selon vous, quels seraient les points à améliorer dans le SIRH actuel :

➢ Ergonomie

➢ Convivialité

➢ Les fonctionnalités

➢ Etat/ Extraction

➢ Interfaces

➢ …

Quel temps passez-vous quotidiennement sur le SIRH ?

Des indicateurs de performance ont-ils été mis en place pour évaluer le niveau d’utilisation

SIRH ?

Serait-il pertinent de les mettre en place ?

Si à l’avenir, vous étiez chargé de mettre en place un SIRH, comment procéderiez-vous (du

début à la fin) ?

➢ l’outil en lui-même

➢ l’implication des acteurs dans le projet,

➢ l’accompagnement durant/après la mise en place ?

Les impacts du SIRH

Comment le SIRH contribue-t-il à repositionner la FRH ?

• DRH plus stratégique

• Managers plus RH

Page 318: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

306

Annexe 3 : Liaisons fonctionnelles du système d’information global

Page 319: Le partage de la fonction ressources humaines: une étude ...

Annexes

307

Annexe 4 : Extrait du plan stratégique abordant le processus de déconcentration

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Table des matières

308

Table des matières

SOMMAIRE ............................................................................................................................................................ I

LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES ................................................................ II

LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................................... III

LISTE DES FIGURES ............................................................................................................................................ V

LISTE DES ANNEXES ........................................................................................................................................ VII

INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................................................... 1

11. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation en lien avec des traditions de gestion .......... 20

12. Une approche axée sur la participation aux activités de gestion des ressources humaines .............................. 22

13. Une approche basée sur la participation au pouvoir de décision ...................................................................... 24

21. Le manager de proximité : définition et réalités .............................................................................................. 26

22. Les rôles des spécialistes ressources humaines : des essais de classification ................................................... 29

221. Une typologie de rôles basée sur les traditions managériales .................................................................. 29

222. Une typologie basée sur le degré d’intervention opérationnelle et stratégique ........................................ 32

223. Une typologie basée sur la distinction des dimensions stratégique et individuelle .................................. 33

11. La nature des pratiques de la fonction ressources humaines ............................................................................ 35

12. Les effets de taille et d’expérience ................................................................................................................... 37

21. Définition du système d’information ressources humaines ............................................................................. 38

211. Les caractéristiques fonctionnelles .......................................................................................................... 38

212. Effet structurant et effet d’adaptation ...................................................................................................... 41

Le processus de structuration du système d’information .............................................................. 42

Le processus d’adaptation du système d’information ................................................................... 44

22. L’usage des systèmes d’information : spécificités, caractéristiques et déterminants ....................................... 45

221. Spécificités et déterminants de l’usage des systèmes d’information........................................................ 46

Définition des usages ................................................................................................................... 46

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Les typologies d’usage ................................................................................................................. 48

222. Les variables individuelles de l’usage : les caractéristiques techniques et sociales ................................. 51

La dimension technique de l’usage .............................................................................................. 51

La dimension sociale : de l’usage ................................................................................................. 53

223. Les déterminants de l’usage : utilité perçue et facilité d’usage perçue .................................................... 55

L’utilité perçue ............................................................................................................................. 56

La facilité d’usage perçue ............................................................................................................ 57

11. Ability : les capacités individuelles comme variables d’action ........................................................................ 70

111. L’acquisition des capacités par la formation ........................................................................................... 71

112. L’acquisition des capacités par la relation partenariale ........................................................................... 73

12. Motivation : la motivation externe comme antécédent du partage de la fonction ............................................ 75

121. Le rôle de la valorisation des nouvelles attributions ................................................................................ 75

122. Les effets de la qualité et de la réciprocité relationnelles sur la motivation ............................................. 77

13. Opportunity : la définition des conditions de partage de la fonction ................................................................ 78

131. L’effet de la définition des conditions matérielles ................................................................................... 79

131. La formalisation des règles et procédures ................................................................................................ 79

L’effet structurant de la formalisation .......................................................................................... 80

L’effet limitant de la formalisation............................................................................................... 81

La complémentarité des processus formels et informels .............................................................. 82

132. Le soutien des spécialistes ressources humaines ..................................................................................... 82

133. Les choix d’articulation des processus de travail ..................................................................................... 84

21. Les modèles compensatoires et non compensatoires ....................................................................................... 87

22. Effets directs et indirects des de l’AMO sur le partage de la fonction ressources humaines ........................... 88

11. Proposition d’un cadre d’analyse de la cohérence des choix organisationnels ................................................ 91

12. Les domaines stratégiques et les processus d’alignement ................................................................................ 94

121. Les deux domaines stratégiques .............................................................................................................. 94

Le domaine externe : l’étude des stratégies .................................................................................. 94

Le domaine interne : études des infrastructures ........................................................................... 96

122. Les deux processus de l’alignement stratégique : fit stratégique et l’intégration fonctionnelle ............... 98

123. Les perspectives d’alignement ............................................................................................................... 100

13. Le concept d’alignement dans la littérature : approches et principes ............................................................. 103

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310

131. Les approches de l’alignement stratégique ............................................................................................ 103

132. Modalités d’alignement stratégique : le rôle des usages des systèmes d’information et de l’ingénierie des

processus ....................................................................................................................................................... 105

La place des usages dans l’étude de l’alignement stratégique .................................................... 105

L’ingénierie des processus : un outil d’alignement stratégique .................................................. 106

14. L’alignement stratégique : mesures et typologies .......................................................................................... 108

141. Les perspectives d’évaluation de l’alignement stratégique .................................................................... 108

142. La mesure par la typologie .................................................................................................................... 109

21. La mobilisation de l’alignement stratégique dans le champ de la gestion des ressources humaines .............. 111

22. Le partage de la fonction ressources humaines : un objet de recherche de l’alignement stratégique ............. 112

11. Une recherche qualitative abductive .............................................................................................................. 119

111. La recherche qualitative comme outil de production scientifique ......................................................... 119

112. Les positionnements du chercheur en recherche qualitative .................................................................. 121

113. Une recherche abductive ....................................................................................................................... 124

12. L’étude de cas et le choix du cas unique ........................................................................................................ 127

121. Le choix de l’étude de cas comme méthode d’analyse .......................................................................... 127

122. L’utilisation du cas unique .................................................................................................................... 129

Intérêts et choix du cas unique ................................................................................................... 130

Les étapes de l’analyse à partir du cas unique ............................................................................ 131

21. La procédure de collecte des données primaires et secondaires ..................................................................... 133

211. La collecte des données primaires ......................................................................................................... 133

Les entretiens semi-directifs : principal outil de collecte de données primaires ......................... 133

a. Le choix des répondants .......................................................................................................... 134

b. Le déroulement de l’entretien semi-directif ............................................................................ 136

c. Le guide d’entretien comme canevas de recherche ................................................................. 137

Observation non participante : une source d’information complémentaire ................................ 139

212. La collecte des données secondaires ...................................................................................................... 141

22. L’analyse des données ................................................................................................................................... 141

221. Le choix de l’unité d’analyse ................................................................................................................. 141

222. Le codage : un processus en deux niveaux ............................................................................................ 142

223. Les procédés d’analyse de l’alignement stratégique .............................................................................. 144

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311

11. Les objectifs de l’organisation et leur déclinaison dans le département des ressources humaines ................. 153

12. Le partage de la fonction ressources humaines : une orientation implémentée dans un contexte de

changements organisationnels ............................................................................................................................. 156

21. Le choix d’un outil fonctionnellement rigide pour une organisation en mutation ......................................... 159

211. Le choix du progiciel ............................................................................................................................. 159

212. L’organisation de l’équipe projet et le choix de l’ERP .......................................................................... 160

213. Le déploiement de People Soft .............................................................................................................. 161

214. La définition du cahier des charges ....................................................................................................... 163

215. La composition du SIRH ....................................................................................................................... 164

22. La contribution du système d’information aux champs de la gestion des ressources humaines .................... 167

221. La gestion administrative, des temps et de la paie ................................................................................. 168

222. La formation .......................................................................................................................................... 170

223. Les entretiens professionnels annuels et les entretiens professionnels .................................................. 173

224. La gratification du personnel ................................................................................................................. 175

225. Le recrutement ....................................................................................................................................... 176

226. Les relations sociales ............................................................................................................................. 178

23. Le recours au SIRH ....................................................................................................................................... 179

11. L’alignement entre objectifs stratégiques et compétences développées ......................................................... 182

12. L’alignement stratégique entre objectifs stratégiques et infrastructures mises en place ................................ 188

121. L’alignement des objectifs stratégiques et des conditions matérielles ................................................... 191

122. L’alignement des objectifs stratégiques et du processus de valorisation du partage de la fonction

ressources humaines ...................................................................................................................................... 195

13. L’alignement stratégique entre objectifs stratégiques et processus de travail ................................................ 200

131. L’alignement entre les objectifs stratégiques et la préparation du contexte social ................................. 201

132. L’alignement entre objectifs stratégiques et rôles développés par les spécialistes................................. 205

133. L’alignement entre objectifs stratégiques et niveau de centralisation .................................................... 210

21. L’alignement stratégique entre les infrastructures et processus organisationnels et les infrastructures des

systèmes d’information ........................................................................................................................................ 216

211. L’alignement entre choix de structure organisationnelle et choix d’ERP .............................................. 216

212. L’alignement entre besoins informationnels et qualité des données informatiques ............................... 218

L’accès à l’information utile : le rôle du choix des habilitations ................................................ 218

La qualité de l’information : une fiabilisation insuffisante ......................................................... 221

213. L’alignement des comportements et pratiques : une mesure compensatoire des dysfonctionnements .. 225

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312

22. L’alignement stratégique entre infrastructures organisationnelles et processus des systèmes d’information 229

221. L’alignement entre les infrastructures organisationnelles et les processus de valorisation de l’usage ... 230

222. L’effet des désalignements sur le phénomène de centralisation ............................................................ 233

23. L’alignement entre infrastructures organisationnelles et compétences en systèmes d’information ............... 237

231. L’alignement entre les besoins d’accompagnement et la structure décisionnelle .................................. 237

232. L’alignement entre besoins de maîtrise technique et développement des compétences ........................ 239

31. Alignement stratégique : mise en œuvre asymétrique du fit stratégique et de l’intégration fonctionnelle ..... 243

311. Évaluation du fit stratégique .................................................................................................................. 243

312. Évaluation de l’intégration fonctionnelle............................................................................................... 245

32. Le succès de partage de la fonction ressources humaines : une atteinte asymétrique des objectifs ............... 248

321. Une évaluation par l’observation : un succès hétérogène de partage selon les champs ......................... 249

322. Une évaluation par le contenu du discours : une hétérogénéité du niveau d’information ...................... 254

11. L’alignement stratégique : l’incidence de la cohérence des choix organisationnels sur le partage de la fonction

ressources humaines ............................................................................................................................................ 258

111. L’alignement stratégique : un modèle global, compensatoire et non linéaire ........................................ 258

112. Les effets de l’alignement des choix stratégiques sur la motivation ...................................................... 261

12. L’alignement des rôles et de la formalisation sur le succès de partage .......................................................... 264

121. La cohérence des rôles organisationnels : une réponse aux besoins des managers ................................ 264

122. L’effet structurant et protecteur de la formalisation .............................................................................. 265

21. Les effets directs de l’AMO et le rôle amplificateur de la motivation ........................................................... 267

22. Effet de la rhétorique managériale sur la motivation ..................................................................................... 268

CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

11. Contributions théoriques ................................................................................................................................ 273

111. L’alignement stratégique et ses effets sur l’AMO : une cadre d’analyse ............................................... 273

112. La compensation des alignements : un mécanisme complexe ............................................................... 274

113. Phénomène d’amplification de la motivation ........................................................................................ 274

12. Contributions managériales ........................................................................................................................... 275

121. L’usage transformationnel du système d’information au service d’une fonction partagée .................... 275

122. La cohérence des choix dans une approche globale de la réflexion stratégique .................................... 276

123. La mobilisation des acteurs dans les changements qui les visent .......................................................... 278

21. Limites de la recherche .................................................................................................................................. 279

22. Perspectives de recherche .............................................................................................................................. 281

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................................. 283

ANNEXES ............................................................................................................................................................. 298

TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................................ 308