LE NOUVEAU LEADERSHIP DU ‘SECOND MACHINE AGE’ · La prochaine vague de création de valeur...

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Par Euan Davis Repenser le rôle des dirigeants tel qu’il a été défini au cours des siècles passés est l’une des priorités dans un contexte de digitalisation. Nos précédentes recherches témoignent de l’intérêt de développer de nouveaux réflexes dès lors que la maîtrise des données, de l’Intelligence Artificielle (IA), des algorithmes et de l’art de donner du sens devient fondamentale pour les entreprises. LE NOUVEAU LEADERSHIP DU ‘SECOND MACHINE AGE’

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Par Euan Davis

Repenser le rôle des dirigeants tel qu’il a été défini au cours des siècles passés est l’une des priorités dans un contexte de digitalisation. Nos précédentes recherches témoignent de l’intérêt de développer de nouveaux réflexes dès lors que la maîtrise des données, de l’Intelligence Artificielle (IA), des algorithmes et de l’art de donner du sens devient fondamentale pour les entreprises.

LE NOUVEAU LEADERSHIP DU ‘SECOND MACHINE AGE’

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3Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’ |

En synthèseAujourd’hui, un grand nombre de dirigeants se retrouve à la tête d’entreprises dont les modèles

opérationnels sont devenus obsolètes, avec des structures de coûts déséquilibrées et des équipes

incapables de suivre le rythme infernal des évolutions technologiques. Les conclusions de nos

récents travaux de recherches (The Work Ahead) effectués en collaboration avec de nombreuses

grandes marques internationales le confirment : nous sommes au cœur d’un bouleversement écono-

mique et technologique dans lequel les entreprises ont l’opportunité de générer de plus en plus de

valeur en combinant les mondes numériques et virtuels. Cet environnement concurrentiel naissant a

fait émerger un nouveau paradigme basé sur quatre éléments fondamentaux : les données, les algo-

rithmes, l’automatisation et l’intelligence artificielle.

Dans une telle reconfiguration des business models, des modes de management et des rythmes

d’innovation, comment piloter une entreprise traditionnelle ? Certains dirigeants y discernent de

réelles opportunités, tandis que d’autres se trouvent désemparés face à des technologies qui évo-

luent rapidement, d’attentes de clients toujours plus exigeants et de hordes de start-up agiles qui

bousculent les positions établies. Le rôle des dirigeants n’a jamais été aussi complexe, difficile, incer-

tain et, clairement, crucial.

Les bouleversements actuels rendent indispensable l’évolution des modes de management et de

pilotage. De nombreuses entreprises se lancent et réorganisent leur façon de travailler pour intégrer

entièrement ce nouveau paradigme et ainsi libérer toute la mesure de leur valeur économique.1

Pour mieux comprendre les qualités nécessaires aux dirigeants en ces temps incertains, le

Center for the Future of Work de Cognizant et Oxford Economics ont réalisé des entretiens qualita-

tifs et approfondis avec 26 des plus grands dirigeants d’entreprise en Europe (voir méthodologie,

page 21), dont les degrés de « maturité numérique » varient.

Il ressort de ces discussions trois recommandations :

Penser plate-forme. Les plates-formes sont des couches logicielles qui agrègent des données

et en produisent la synthèse pour relier des ressources numériques, des produits et services,

des partenaires et des demandes clients. Qu’une entreprise construise, achète ou rejoigne

une plate-forme, le principe de fonctionnement est toujours basé sur le partage des données, la

collaboration et l’intégration des méthodes de travail.

Opter pour des innovations très évolutives. Pour survivre et se confronter à leurs

concurrents plus agiles qui privilégient la collaboration, les entreprises traditionnelles

doivent renforcer leurs capacités à stimuler les idées et à maîtrise l’innovation. Mais les

dynamiques qui reposent sur les modèles historiques de pilotage (l’autorité et une prise de décision

centralisée) ne sont plus pertinentes, à l’heure où vitesse, flexibilité et innovation sont de rigueur

pour toutes les entreprises. Il est dès lors opportun de mettre en place des équipes organisées de

façon plus ouverte et dynamique, et de redistribuer les responsabilités pour faciliter la coordina-

tion, la vitesse d’exécution et le Time-to-Market.

Augmenter la valeur ajoutée offerte aux clients. À l’ère du tout numérique, une techno-

logie qui aide à comprendre ses clients est nécessaire, mais elle n’est plus suffisante.

Désormais, les outils essentiels, qui informent efficacement les décideurs, sont ceux qui

facilitent une empathie croissante avec les problèmes des clients et leur expérience. Les dirigeants

doivent axer leur entreprise autour de ce que disent leurs clients, avec une approche résolu-

ment « Customer-Centric » : les besoins et attentes de ces derniers sont mieux cernés grâce aux

données disponibles et aux observations des comportements humains. Certes, de nouvelles compé-

tences sont nécessaires pour visualiser et expliquer ce que perçoivent les clients ou révéler la signi-

fication de tous les flux de données collectés, mais, aujourd’hui, les technologies permettent

d’atteindre ces objectifs.

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Aucun secteur d‘activité n‘est épargné. Le sec-

teur des assurances est noyé sous les données

fournies par des objets connectés et utilisés pour

générer des profils individuels et personnaliser

les primes. De même, les assureurs automobiles

peuvent désormais s‘appuyer sur la qualité de la

conduite des assurés, grâce à des capteurs ins-

tallés dans les véhicules.5 Les entreprises tradi-

tionnelles sont donc amenées à modifier leurs

façons de travailler, à optimiser et à redéployer

les compétences de leurs équipes, comme nous

l‘expliquons dans nos travaux de recherche The

Work Ahead et notre rapport The Future of

Talent. Les évolutions décisives doivent cepen-

dant être impulsées au plus haut niveau, par les

dirigeants. Ces derniers jouent un rôle essentiel

dans le redesign de leur entreprise pour exploiter

pleinement toutes les opportunités.

Le rôle difficile (et solitaire) des dirigeants Les résultats de notre étude The Work Ahead

soulignent qu‘une certaine génération de diri-

geants estime que le passage au numé-

rique s’avère difficile : sont-ils capables de

persuader leur directeur financier et leur conseil

d‘administration d‘effectuer les investissements

nécessaires avant qu‘une start-up ou qu‘une

innovation technologique venue d‘un concurrent

ne mette en pièces leur business model ? Les

réponses que les responsables (non cadres diri-

geants) ont données à notre enquête ne sont

guère encourageantes (voir figure 1).

La direction passe à côté de la transformation numérique

D’après vous, quelles sont les erreurs les plus graves que commettent les entreprises dans le domaine de la transformation numérique ?

Percentage of Managerial Respondents

Lack of clear digital strategy

Moving too slowly

Employing the wrong leadershipexecutive

Investing toolittle in new

technologies

Ignoring freshthinking fromoutside thecompany

Neglecting tohire the rightdigital talent

Failing to set up a high-

performancedigital team

Building aculture thatdiscouragesInnovation

FocusingInsufficiently

on cyber-security

Building Inadequate

support acrossbusiness unitsand functions

25%

26% 26%

28%

29%

30%

34%

35%

37%

28%

Figure 1

Soutien insuffisant

aux business units et aux fonctions

Gestion insuf-fisante de la

cybersécurité

Création d’une culture qui décourage l’innovation

Incapacité à mettre sur pied

une équipe numérique

performante

Incapacité à recruter les talents

numériques adéquats

Non prise en compte des

nouvelles idées externes à l’entreprise

Investissement insuffisant

dans les nouvelles

technologies

Direction n’offrant pas le leadership

adéquat

Lenteur excessive

Absence d’une stratégie

numérique claire

COMMENT CRÉER DURABLEMENT DE LA VALEUR ?Jusqu’à récemment, les développements numériques ont été régis par le principe des « grands esprits poursuivant de petites idées »2, comme l’écrivait la journaliste spécialiste en nouvelles tech-nologies Kara Swisher ; des like sur Facebook aux tweets interposés, l’expérimentation est d’abord superficielle. Selon nous, nous entrons désormais dans une ère où « les grands esprits se concentrent sur les grandes idées » et où la technologie transforme la façon dont nous sommes formés, managés, distraits, nourris, transportés, assurés, soignés et gouvernés.

La prochaine vague de création de valeur viendra d’entreprises plus établies, dans des secteurs d’activités plus traditionnels, capables d’identifier et d’évaluer les opportunités pour en tirer parti. De nouveaux pans de marché sont d’ores et déjà en train d’émerger. Ils combinent talent, discipline et technologies et sont à l’origine d’un tsunami d’innovations, par exemple avec les véhicules connec-tés, les maisons intelligentes, la santé numérique, etc.3 Le virtuel augmente la valeur générée : quatre des dix premières entreprises du classement Fortune 500, en capitalisation, créent toute ou une partie de leur valeur grâce à des solutions logicielles ! La capacité à façonner de nouveaux modes de production devient déterminante en matière de création de valeur.4

Pourcentage de réponses des dirigeants consultés

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La prochaine vague de création de valeur viendra d’entreprises plus établies, dans des secteurs d’activités plus traditionnels, capables d’identifier et d’évaluer les opportunités pour en tirer parti.

Notre étude met en exergue un inquiétant manque de clarté sur la stratégie digitale à adopter, de la

part des dirigeants de haut niveau (37 %) ainsi qu‘une faible conscience de l‘urgence de la situation

(35 %). Pire, un tiers des managers européens estime que leurs dirigeants ne disposent pas du leader-

ship nécessaire pour prendre les mesures qui s‘imposent. Investissement insuffisant dans la technologie

(30 %), réticence à envisager de nouvelles façons de travailler (29 %) et difficultés à mettre en place

les compétences nécessaires (28 %) reflètent l‘incertitude et le désarroi des dirigeants sur ce qu’il

convient de faire et comment le faire.

Les comportements que ces dirigeants ont forgés au siècle dernier doivent sans aucun doute évoluer.

Lors des entretiens qualitatifs que nous avons menés, nous avons demandé aux managers européens

d‘imaginer les initiatives qui définiront les dirigeants les plus brillants dans le futur. Sans surprise, les

concepts « analyse », « données », « technologie », « capacité d‘adaptation » et « innovation » sont

revenus régulièrement. Ces postures contrastent fortement avec les qualités associées traditionnel-

lement à un bon dirigeant (« contrôle », « pouvoir », « autorité », « omniscience »).

EN LEURS PROPRES MOTS

« En 2025, un dirigeant aura besoin d‘interpréter des données grâce à de solides compétences analytiques et d‘être capable de prévoir les tendances à venir ; la réceptivité à la technologique et la connaissance des tendances émergentes auront une importance cruciale. »CHIEF DATA OFFICER D’UNE ENTREPRISE SUÉDOISE DE LA GRANDE DISTRIBUTION

« Pour réussir, les dirigeants doivent adopter un état d‘esprit plus souple et rester à l‘écoute du marché. Ils doivent penser innovation et adaptation aux changements en intégrant les nouvelles technologies à leur organisation. »CHIEF OPERATING OFFICER D’UNE SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DE SERVICES FINANCIERS

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UNE NOUVELLE POSTURE POUR LES DIRIGEANTSLes difficultés auxquelles font face les dirigeants ne sont pas simplement d’ordre intellectuel : la plupart des décisionnaires sont cernés par des forces perturbatrices; ils se heurtent à des obs-tacles et à la résistance au changement. Le vrai défi consiste à inciter les salariés à partager la vision de la transformation intégrée par le dirigeant et à la mettre en œuvre. Selon nous, trois rôles clés vont incomber aux dirigeants dans un futur proche, au fur et à mesure que la domina-tion des données, la prolifération des algorithmes et l’engouement pour l’analytique afin de donner du sens aux informations deviendront incontournables.

Nouvelle posture 1 Penser plate-forme

En matière de business model opéra-

tionnel, toute innovation commence par

la plate-forme utilisée, c‘est-à-dire les

couches logicielles qui agrègent des données et

en produisent la synthèse pour relier des res-

sources numériques, des produits et services,

des partenaires et des demandes clients. Le

terme plate-forme désigne divers concepts — un

véhicule, un bâtiment, un processus de recherche

et développement, par exemple — qui exploitent

tous des données et des algorithmes pour en

faire émerger des significations. Les entreprises

comme Alibaba, Amazon, Google, Spotify ou

Uber ont su développer des plates-formes à l‘ori-

gine de cultures d‘entreprise et de styles de

management très éloignés de ceux des organisa-

tions historiques.

Amazon a défini un ensemble de principes de

management partagés au sein de son organisa-

tion (inventer et simplifier, apprendre et être

curieux, employer et valoriser les meilleurs, etc.)

tandis que Spotify structure ses équipes en

squads (brigades), chapters (sections) et guilds

(guildes). Ces méthodes forment un cadre aux

valeurs et aux comportements des dirigeants. La

bonne nouvelle est que cette culture de plate-

forme n‘est pas l‘apanage des entreprises du

numérique. Les grandes entreprises tradition-

nelles ont l’atout de leur taille pour élaborer,

construire et organiser des plates-formes, tout

en adaptant leur style de management, par souci

de cohérence. Dans ce contexte, les comporte-

ments des dirigeants qui sont en mesure de par-

tager leur idéal, leur vision, leurs convictions et

d’entraîner les salariés à transformer leur entre-

prise, sont aujourd’hui décisifs.

Par exemple, dans des grandes multinationales

telles que Bosch, GE et DHL, les dirigeants ont

axé leur recherche et développement, leur pro-

duction, leur marketing, leurs ventes et leurs pré-

visions autour des flux de données issus de leurs

processus. En réalité, ces entreprises ont fait le

pari de se transformer en géants du logiciel ! La

plate-forme d‘analyse innovante qu’est Predix de

GE, par exemple, redéfinit l‘organisation des pro-

cessus pour une base de clients très divers, à

partir des données collectées. Ainsi, cette plate-

forme instrumentalise des chaînes de valeur

entières et entraîne dans son sillage tout l‘éco-

système du secteur.6

Le groupe Software Innovations de Bosch, quant

à lui, propose une plate-forme transversale qui

permet d‘accompagner le secteur vers des activi-

tés liées à l‘Internet des objets.7 Pour sa part,

DHL espère disrupter l’industrie de la logistique

avec sa plate-forme web CILLOX dont les ser-

vices de « transport digital » pour les chargeurs

et les transporteurs incluent : la recherche d’un

transporteur et la demande de devis, la souscrip-

tion d’un contrat en ligne, le paiement sécurisé et

le suivi des envois en temps réel.8

Les plates-formes permettent aux dirigeants de

développer de nouvelles offres et des modèles

opérationnels innovants. En effet, elles cana-

lisent les données autour d’une chaîne de valeur

et assurent un avantage concurrentiel certain à

leurs propriétaires, ainsi qu’aux tiers qui les

rejoignent et participent à leur fonctionnement.

Pour en comprendre tout le potentiel, il suffit

d’examiner les voitures autonomes sans conduc-

teur : plusieurs secteurs se combinent et ouvrent

la voie de l’innovation et des opportunités grâce

aux interactions entre plates-formes des sec-

teurs du divertissement et de la technologie.9

Les plates-formes permettent aux dirigeants de développer de nouvelles offres et des modèles opérationnels innovants.

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11Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’ |

Les implicationsNotre étude précédente démontre que les modèles opérationnels numériques gagnants sont centrés sur une plate-forme. Les dirigeants doivent se référer à leur cœur de métier (une tech-nologie ? un produit ? un service ?) et prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre ces activités indispensables à leurs clients. Ces mesures peuvent, par exemple, consister à dévelop-per la fluidité de l‘expérience web en matière de logistique, à intégrer un moteur de paiement destinés aux clients ou à construire une architecture ouverte qui permet, grâce à de simples lignes de code, la connexion à des applications plus complexes.

Les équipes doivent alors se réorganiser autour de ces activités et mettre en œuvre des méthodes agiles de développement logiciel. Le choix de Spotify d‘organiser ses équipes en squads, chapters et guilds semble alors logique. L’objectif est de promouvoir le travail en équipe, la collaboration et l‘adhésion des salariés. C’est l‘algorithme de Spotify qui dirige les opérations : ce dernier décide des tâches à effectuer, sert de référence à la synchronisation du développement produit et suit les performances et la créativité des équipes.

Côté Uber, de nombreux conducteurs tentent de se syndiquer face à la mauvaise presse autour du leadership de l’entreprise et de son approche « data-first » pour la prise de décision. Le pro-blème est que les algorithmes ne sont pas de bons dirigeants et que cela commence à se voir : les algorithmes doivent être encadrés.10

Les mesures à prendreLa première étape est de prendre conscience

qu‘il existe plusieurs manières de construire une

plate-forme. L‘option la moins risquée consiste à

établir un partenariat avec une plate-forme

numérique existante ou d‘investir dans cette

dernière. Stratégie plus ambitieuse : construire

une plate-forme ouverte sur laquelle des tiers

peuvent se connecter, agir et créer de la valeur.

Dans ce cas, vous pilotez cet écosystème, prenez

part à l‘action et exploitez un filon de données

d‘interaction riches en signification. DHL pour-

suit actuellement cet objectif avec sa plate-

forme de fret numérique CILLOX. L‘option qui

consiste à tout faire soi-même est sans doute la

plus contraignante et la plus coûteuse, car elle

exige une grande flexibilité organisationnelle

ainsi qu‘une culture ouverte à l‘expérimenta-

tion. Mais les avantages offerts par la posses-

sion d‘une plate-forme spécifique, évolutive, qui

fait référence dans son secteur économique,

sont tellement prometteurs que cette dernière

option ne peut être négligée.

Nous recommandons aux dirigeants de faire

leur choix en fonction des contraintes cultu-

relles de leur propre entreprise, puis d‘élaborer

une stratégie qui serve de moteur à l‘adoption

de la plate-forme à tous les niveaux de l’organi-

sation. Il convient de commencer par évaluer

comment la valorisation des données et des

algorithmes sera perçue en interne. N’oublions

pas que personne ne souhaite avoir pour mana-

ger un algorithme, et ce particulièrement si le

potentiel humain s‘en trouve pénalisé et la

charge de travail se trouve augmentée. Plus que

jamais, les dirigeants doivent montrer l’exemple.

Loin de l‘affaiblir, les algorithmes rendent le rôle

des dirigeants encore plus indispensable.

Si la vision et l‘ambition d’un dirigeant est

importante, c’est son implication au quotidien

qui assure la coopération des équipes et encou-

rage les comportements innovants. Par

exemple, la construction d‘une API factory

(Application Programming Interface) stimule les

écosystèmes de co-création avec un groupe de

start-up, d‘universitaires ou d‘autres organisa-

tions qui essaiment autour d‘une chaîne de

valeur pour accélérer l‘émergence d‘innova-

tions et d‘avantages concurrentiels. Une telle

solution vise, par exemple, à promouvoir les

échanges continus de données et d‘informa-

tions, qui peuvent être extraites des flux internes

à l‘organisation, sur les produits et services. Les

entreprises ont alors la possibilité d‘étendre le

périmètre de leurs services et ressources afin

d‘exploiter de nouvelles sources de revenus, au

fur et à mesure que leurs équipes s‘habituent

aux nouveaux comportements et objectifs. Une

telle évolution facilite la valorisation des données

et l’amélioration de l‘expérience client; elle

déplace la focalisation de de l‘intérieur d’une

organisation vers son environnement et son

écosystème.

La construction d‘une API factory stimule les éco-systèmes de co-création avec un groupe de start-up, d‘universitaires ou d‘autres organisations qui essaiment autour d‘une chaîne de valeur pour accélérer l‘émergence d‘innovations et d‘avantages concurrentiels.

Les équipes doivent alors se réorganiser autour de ces activités et mettre en oeuvre des méthodes agiles de développement logiciel.

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Nouvelle posture 2 Privilégier les innovations de rupture

La question n‘est pas de savoir si les

hypothèses que vous avez élaborées

concernant la transformation de votre

marché seront chamboulées, mais quand elles

le seront. Les dirigeants doivent accélérer le

rythme de l’innovation pour s’adapter à la nou-

velle donne concurrentielle. Faute de quoi, leur

entreprise ne restera probablement pas dans la

course et pourrait même disparaître. D‘après

notre analyse, le mix entre l‘automatisation, l‘in-

telligence artificielle et des modèles opération-

nels évolutifs correspond à la recette de

l‘innovation, et toute entreprise n’appliquant pas

ces leviers de transformation se risque au déclin.

EN LEURS PROPRES MOTS

« Aujourd‘hui, la clé du succès est l‘innovation et l‘entreprise qui la maîtrise devance les autres. »CHIEF DATA OFFICER DANS UNE SOCIÉTÉ NORDIQUE DE LA GRANDE DISTRIBUTION

« Nos clients sont de plus en plus portés sur l‘automatisation en raison des technologies numériques... La production industrielle est maintenant liée à tous les autres secteurs grâce à l‘émergence d‘idées nouvelles et non conventionnelles. » HEAD OF INNOVATION D’UNE ENTREPRISE EUROPÉENNE DE PRODUCTION INDUSTRIELLE

Les avancées rapides de l‘intelligence artificielle

stimulent fortement l‘innovation. Il suffit d’utili-

ser sa tablette ou son smartphone pour observer

cette intelligence artificielle, si réaliste, en action.

Ainsi, pour leurs recommandations en gestion du

patrimoine, les banques et opérateurs de ser-

vices financiers ont de plus en plus souvent

recours à l’envoi automatique de communica-

tions très ciblées et en temps réel sur les appa-

reils de leurs clients. De tels messages peuvent

influencer les comportements de manière bien

plus efficace que des rencontres ponctuelles en

face à face et elles s‘avèrent beaucoup moins

coûteuses. De même, les grandes compagnies

d‘assurance intègrent de plus en plus l‘intelli-

gence artificielle et ses composantes (apprentis-

sage automatique, réseaux neuronaux, théorie

des décisions) aux algorithmes qui produisent les

modèles actuariels et déterminent les montants

des primes. Pour les dirigeants, il est essentiel de

relever le défi de la vitesse d‘exécution, de l‘expé-

rimentation des technologies disponibles et de

l‘identification du moment opportun pour opérer

le changement.

Selon nous, les données qui inondent les entre-

prises créent un mécanisme vertueux entière-

ment nouveau d‘accélération de l‘innovation, si,

bien sûr, elles sont correctement collectées,

visualisées et analysées. L‘augmentation du

volume et de la diversité des données de proces-

sus, ainsi que de leur vitesse de création, signifie

qu‘au prix de quelques efforts, les dirigeants

peuvent reconfigurer toute une chaîne de valeur

et créer autour de celle-ci un écosystème dyna-

mique de start-up et de partenariats, même s’ils

sont souvent freinés par des forces contraires au

sein même de leur entreprise.

Les implicationsÀ l‘heure actuelle, les dynamiques qui reposent sur l‘autorité et la prise de décision centralisée en

place dans de nombreuses entreprises ne fonctionnent plus : agilité, vitesse, flexibilité et innovation

sont de rigueur dans tous les secteurs. Bien que la plupart des entreprises privilégient une certaine

stabilité, grâce à des hiérarchies établies, des processus d‘approbation lourds ou des décisions de

recrutement qui écartent la diversité pour conserver une compatibilité culturelle, les dirigeants ont

tout intérêt à revoir la répartition des responsabilités et son impact sur les prises de décision. Les

business units existantes, qui fonctionnent encore comme de puissants clans, peuvent étouffer les

nouveaux concepts et les idées innovantes, qui sont perçus comme une menace, alors que ceux-ci

pourraient radicalement améliorer le fonctionnement de l‘entreprise. La célèbre théorie de Clayton

Christensen sur l‘innovation de rupture s‘applique encore aujourd‘hui, vingt ans plus tard.11

Les salariés ont, eux aussi, un rôle fondamental à jouer dans une ère aussi riche en innovations. Des

méthodes simples peuvent favoriser les comportements souhaités, mais, souvent, des approches

plus audacieuses qui stimulent l‘innovation à grande échelle sont nécessaires. Les compétences et

les capacités spécifiques doivent être recherchées au-delà des traditionnelles sources, afin de privi-

légier la diversité des talents, la mixité des équipes et la collaboration au quotidien entre des indivi-

dus dont les profils sont différents mais se complètent. Les pionniers du numérique tels que Netflix

et Google, ainsi que des entreprises plus anciennes comme Microsoft et Siemens, déploient des

structures plus dynamiques dans ce domaine et des approches collaboratives pour développer et

diriger leurs équipes. Des petites équipes fonctionnelles sont organisées de façon transversale aux

activités et aux segments de marché, car elles sont plus faciles à diriger, à motiver et à guider. Des

structures plus horizontales sont alors nécessaires pour élever le niveau de responsabilité de

chacun, améliorer la coordination entre les équipes et la vitesse de communication entre les sala-

riés, ce qui est essentiel pour accélérer l‘innovation.

Les dynamiques qui reposent sur l‘autorité et la prise de décision centralisée en place dans de nombreuses entreprises ne fonctionnent plus : agilité, vitesse, flexibilité et innovation sont de rigueur.

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| Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’14 15Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’ |

Les mesures à prendreThe Future of Talent, notre étude précédente a

révélé une nouvelle approche du travail : les silos

internes qui se sont démultipliés au cours des

décennies précédentes doivent être abattus pour

améliorer la circulation des flux des idées dans

l‘entreprise et en lien avec l‘environnement. (Pour

plus d‘information , consulter : « People – Not

Machines – Will Power Digital Innovation ».) Il

convient de réinventer la façon de déployer une

équipe et d’envisager une nouvelle configuration

des business units autour d’équipes multidimen-

sionnelles, plus petites, chargées des ventes, du

marketing, du service, du développement produit,

de la production et du support pour un seul seg-

ment de clients ou besoin fonctionnel. Faites des

expériences et, par exemple, installez les équipes

en charge de l‘innovation loin du siège pendant un

certain temps. De même, il peut être intéressant de

rejoindre un espace de coworking comme WeWork

pour quelques mois et d’y développer un réseau de

connaissances. Ces espaces se caractérisent par la

présence de nombreuses start-up florissantes dont

les jeunes collaborateurs, aux profils diversifiés,

fourmillent d‘idées qui peuvent inspirer un proces-

sus métier expérimental ou encore élever le niveau

d‘expérience offerte à vos clients. Il ne s‘agit pas

de déstructurer totalement votre organisation,

mais vous pouvez, dans un premier temps, mettre

en place un groupe accélérateur interne dans l‘en-

treprise, avec un défi précis, tel que :

• Comment rendre ce processus vraiment plus

intelligent ?

• Comment innover avec l‘intelligence artifi-

cielle de façon à ce que nos clients intera-

gissent plus avec nous et achètent plus de

nos services ?

Le concept d‘accélérateur aide non seulement

à mettre en cohérence les parties prenantes

internes et leurs équipes afin de favoriser la

coopération dans l‘ensemble de l‘entreprise,

mais aussi à développer rapidement des idées

et concepts novateurs. Considérez-le comme un

centre d‘excellence dédié à la promotion de la

collaboration et de l‘échange de connaissances

au sein de votre organisation et renouvelez-en

les priorités tous les six mois. Donnez-lui une

mission et un budget pour, par exemple, expéri-

menter la réalité virtuelle, l‘Internet des objets

ou l‘intelligence artificielle. Si les essais sont

concluants, vous pouvez envisager d‘investir

dans un laboratoire ou un « espace de jeu » qui

favorise l‘émergence de réflexions novatrices et

le développement de scénarios de type « et si… ».

Par exemple, quels enseignements une entre-

prise peut-elle tirer d‘autres secteurs écono-

miques ? Que ferait AirBnB dans le secteur

de la production industrielle ? C’est une vraie

question. AirBnB pourrait travailler avec des

concepts tels que l‘utilisation à la demande

des machines, la location longue durée ou la

microlocation d‘équipement et l‘augmentation

des taux d‘utilisation des machines grâce à des

algorithmes d‘appariement sophistiqués. La

curiosité quotidienne et les interrogations per-

manentes d‘un dirigeant contribuent à stimuler

l‘innovation, la collaboration et les essais conti-

nus de nouvelles approches et services, dans un

mode Test & Learn.

Faites des expériences et, par exemple, installez les équipes en charge de l‘innovation loin du siège pendant un certain temps. De même, il peut être intéressant de rejoindre un espace de coworking comme WeWork pour quelques mois et d’y développer un réseau de connaissances.

Nouvelle posture 3Augmenter la valeur ajoutée pour les clients

Le premier principe d’action d‘Amazon

est « l‘obsession client ». Il est mainte-

nant clair que la prochaine génération

d‘expérience client numérique (ou omnicanal)

doit être le centre d‘intérêt de toutes les entre-

prises. Personnalisation, transactions via de mul-

tiples canaux, service disponible en permanence

et partout constituent autant d‘atouts indispen-

sables dans un monde où tous les consomma-

teurs sont connectés. Les technologies

sophistiquées avec lesquelles les consomma-

teurs interagissent quotidiennement servent de

repères que les entreprises doivent maintenant

viser ou dépasser, si celles-ci veulent donner la

priorité aux clients.

EN LEURS PROPRES MOTS

« Ce sont les clients qui sont aux commandes désormais. Ils sont devenus plutôt impatients et s’attendent à ce que leurs besoins soient satisfaits aussi rapidement que possible. L‘amélioration de l‘expérience client est maintenant directement corrélée au développement du chiffre d‘affaires. »CHIEF STRATEGY OFFICER DANS UNE INSTITUTION EUROPÉENNE DE SERVICES FINANCIERS

La plupart des entreprises ont largement investi

dans l’expérience client au niveau du Front-Office,

mais les dirigeants ne peuvent pas s’arrêter là.

Lorsque vos concurrents copient l’expérience

client que vous proposez, vos investissements

commencent à perdre inévitablement une partie

de leur valeur. Vous souvenez-vous de l’époque

où les assistants disponibles en chat ou le suivi en

temps réel des livraisons ou « cliquer et aller

chercher » étaient des innovations de grande

valeur pour les clients ? Toutes ces fonctionnali-

tés sont désormais intégrées par défaut, le niveau

d’innovation attendu est ainsi plus élevé. Il en est

de même, si l’on considère le succès rapide

d’Alexa et de Siri : l’intelligence artificielle arrive

dans nos poches et s’impose comme l’assistant

personnel par défaut12. Il suffit également d’obser-

ver comment de plus en plus d’entreprises com-

mencent à intégrer l’analyse de la parole à leurs

applications mobiles et autres points de contact

client pour mieux personnaliser leurs produits et

services. L’évolution rapide des marchés force

les dirigeants à continuellement réinventer leurs

expériences client et même leurs produits. Et ce

n’est qu’une question de temps avant que les

drones atteignent une masse critique ou que la

réalité virtuelle se généralise ou que l’Internet

des objets envahisse nos maisons et nos espaces.

EN LEURS PROPRES MOTS

« Nous nous concentrons principalement sur l’intégration de notre expertise en connaissances à la technologie Ocular Rift parce que nous essayons de répondre aux demandes de nos clients le plus tôt possible. »CHIEF STRATEGY OFFICER CHEZ AU SEIN D’UNE INSTITUTION EUROPÉENNE DE SERVICES FINANCIERS

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| Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’16 17Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’ |

Les dirigeants savent que la technologie a un énorme rôleà jouer et nous pensons qu‘une compré-

hension approfondie du comportement humain est plus que jamais indispensable.

EN LEURS PROPRES MOTS

« Pour susciter l‘intérêt des clients, il faut avoir de l’empathie pour comprendrer leurs problèmes... répondre à leurs attentes est la tâche la plus ardue. »CHIEF STRATEGY OFFICER DANS UNE ENTREPRISE DE SERVICES FINANCIERS

Les systèmes d‘analyse des comportements

des clients éclairent sur les comportements, les

motivations et les besoins humains. Considé-

rez Amazon : les derniers chiffres indiquent

que l‘entreprise dispose de plus de 21 systèmes

d’analyse des données allant des systèmes

d’optimisation logistique aux outils de prévision

des ventes, en passant par un moteur d’optimi-

sation des bénéfices et un moteur de recom-

mandations (liste non exhaustive).

Les systèmes d‘Amazon sont étroitement connec-

tés entre eux et leurs processus sont déclen-

chés automatiquement, MAIS ce sont les

stratèges humains d‘Amazon qui jouent un rôle

essentiel dans la conception d‘expériences en

temps réel et l‘analyse des traces de données :

ils ajustent ces puissants outils pour que

ceux-ci répondent au mieux aux attentes des

clients.

Les implicationsLa technologie aide sans aucun doute à mieux comprendre les clients, mais reste limitée en matière d‘empathie. Les vues client uniques constituent une représentation agrégée, cohérente et globale des données qu‘une entreprise détient sur ses clients, mais elles présentent des limites. Certes, les clients s‘attendent à ce que toutes leurs interactions avec une entreprise reflètent une compréhension cohérente de leur historique d’achats, de leur expérience et de leurs préférences. Cependant, en misant tout sur les données, vous n‘obtiendrez pas le degré d’empathie nécessaire à tout dirigeant d‘entreprise. Celui qui n‘a pas les fonds nécessaires à une rénovation technolo-gique dans le style Amazon doit envisager la valeur client différemment.

Avant d’être des données et des numéros dans vos bases de données, vos clients sont, avant tout, des personnes, dont vous devez essayer de comprendre les problèmes et les motivations pro-fondes. Ainsi, les dirigeants doivent associer de vastes connaissances humaines aux technologies émergentes clés, telles que l‘intelligence artificielle ou les outils d‘automatisation des processus, puis expérimenter et recommencer pour créer davantage de valeur. Par exemple, pour apaiser le stress des patients en cas d‘automédication, une entreprise pharmaceutique a proposé des étiquettes intelligentes qui permettent de monitorer à distance les dispositifs d‘auto injection de médicaments. Elle a ensuite incité les patients au respect des doses prescrites grâce à un système de récompense. Elle est désormais en train de breveter sa solution et génère un nouveau flux de chiffre d‘affaires13 La valeur client prend différentes formes, mais la technologie ne fait pas tout :

il faut comprendre ce que les clients veulent et les problèmes que ceux-ci rencontrent.

En misant tout sur les données, vous n‘obtiendrez pas le degré d’empathie nécessaire à tout dirigeant d‘entreprise.

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| Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’18 19Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’ |

Les mesures à prendreLa principale responsabilité des dirigeants est de

veiller à ce que la technologie reste en arrière-

plan et que les clients soient au centre des préoc-

cupations. Les dirigeants doivent se concentrer

sur le développement de l‘empathie vis-à-vis des

clients au sein de leur entreprise afin d‘éviter la

mise en place de nouvelles « applications gadgets »

ou de logiciels « à prendre ou à laisser » sans

analyse de ce que les clients pourraient sou-

haiter. Soyez ouverts à de nouveaux cadres de

travail et privilégiez des approches qui conduisent

à une meilleure compréhension des raisons qui

poussent les clients à interagir avec vous de telle

ou telle manière. Pensez à croiser les différents

comportements et relations observés avec des

techniques anthropologiques et ethnogra-

phiques ou des principes humains de conception

afin de découvrir les moteurs réels des actions

de vos clients. Utilisez ensuite ces données pour

définir la stratégie de développement des pro-

duits et des services. Bien sûr, dans un premier

temps, ces techniques nécessitent un investisse-

ment et prennent du temps, mais les économies

à long terme seront significatives, notamment en

évitant de mettre en place des technologies sans

usages réels.

Les dirigeants doivent calibrer soigneusement

leurs équipes pour équilibrer l’importance de la

voix des clients et le potentiel de toute nouvelle

technologie. Les business units doivent être axées

sur la voix des clients et combiner les données

avec les connaissances humaines. Il est souvent

difficile d‘obtenir un consensus sur qui dirige, qui

suit, qui analyse, qui conseille, qui autorise, qui

gère, qui pilote, de façon transverse.

De nouvelles fonctions et de nouvelles compé-

tences doivent être créées. Elles doivent être

associées à des capacités de visualisation et des

interfaces qui satisferont les clients ou qui révé-

leront la signification des données produites et la

convertiront en une stratégie pertinente. De leur

côté, les spécialistes de la modélisation des pro-

cessus financiers et métiers doivent prévoir com-

ment les flux de coûts et de chiffre d‘affaires

peuvent évoluer. Les dirigeants auront besoin de

catalyseurs capables d‘obtenir un consensus sur

cette culture centrée sur le client. Il s‘agit de col-

laborateurs persuasifs, qui savent amener les

autres à prendre conscience des possibilités qui

existent et du danger de les ignorer : ce seront

les véritables agents du changement de l’entre-

prise.

Pensez à croiser les différents comportements et relations observés avec des techniques anthropologiques et ethnographiques ou des principes humains de conception afin de découvrir les moteurs réels des actions de vos clients.

UNE NOUVELLE POSTURE POUR LES DIRIGEANTSLe succès des dirigeants dans ces nouveaux rôles clés (lancement de plates-formes, stimulation de

l‘innovation et élaboration d‘une expérience client efficiente) dépend de leur capacité à repenser les

façons de travailler.

Cette analyse révèle comment les dirigeants définissent leurs priorités en termes d‘investissement,

de temps passé et d‘énergie dépensée autour de trois rôles centraux pour préparer leur entreprise

à créer de la valeur et la retenir. La capacité à reconfigurer l’organisation, ses modes de travail et

de collaboration est cependant décisive. Car il s’agit de combiner manipulation des données, intelli-

gence et quête de sens. Le plus difficile est d‘amener les salariés à concentrer leurs efforts sur les

tâches les plus riches en informations relatifs aux comportements humains.

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21Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’ | | Le nouveau leadership du ‘Second Machine Age’20

Décrivez le futur de façon la plus positive possible : comment les salariés travailleront-ils ? Où ? Quelles compétences seront nécessaires et comment votre entreprise créerat-elle plus de valeur ? Puis, identifiez les cent personnes capables de croire en cette vision au sein de votre entreprise. Ce sont vos catalyseurs. Ils vous aideront à guider l’entreprise au cours de sa transformation.

Comment faire ? Cinq pistes de réflexion pour initier cette démarche et préparer votre entreprise aux

évolutions à venir :

Avoir un projet ambitieux est essentiel, visez juste. Les flux de données au sein de votre

entreprise et avec votre environnement sont clés. Vos salariés sont-ils préparés à leur accor-

der l‘importance nécessaire ? Comprennent-ils le concept de plate-forme et la puissance

croissante des algorithmes ? Peut-être votre organisation a-t-elle besoin de compétences nouvelles

pour donner un avantage à vos équipes, un spécialiste de la visualisation de données par exemple ?

Ou un expert en automatisation ? Ou encore un animateur de votre compte Twitter ?14 Êtes-vous équipé

pour prendre en charge le volume et la diversité des données à la vitesse à laquelle celles-ci vous

parviennent et en dégager les informations essentielles ? Êtes-vous capable de changer votre façon

de produire, de servir vos clients et de gérer les risques ? Autrement dit, votre entreprise sait-elle ce

qu‘elle veut devenir et comment y parvenir ?

Mobilisez vos équipes autour de votre projet et supprimez les silos. Dans les entreprises

dont « la marque est leur logiciel », les entreprises entièrement centrées sur les technolo-

gies de l’information, la création de nouvelles structures organisationnelles est décisive et

ne doit pas être menacée par la politique interne ou les conflits de territoire. Les dirigeants doivent

disposer de l’autonomie et des ressources nécessaires à la mise en place de leur projet, être valorisés

en cas de réussite et tenus pour responsables dans le cas contraire.

Donnez la capacité d’agir, cela fera la différence. La dynamique des organisations du XXe

siècle, organisées selon le mode « commandement et contrôle », avec de longs cycles de

décision et un fonctionnement en silos, sera fatale à la vitesse et l’agilité dont les entreprises

ont désormais besoin. N’hésitez pas à expérimenter des structures organisationnelles plus horizon-

tales, plus souples, plus fluides et, surtout, déplacez vos salariés entre les équipes pour éviter de

conserver ou de créer des silos. Mettez en place des équipes plus petites, plus agiles, dédiées à un

produit spécifique ou à une niche client, que vous installerez en dehors du siège.

Assurez-vous d’avoir les compétences en technologies, elles sont essentielles. Rappelez-

vous, un nouveau paradigme est en train d’émerger : après une longue période de gestation

dans les laboratoires de recherche, l’intelligence artificielle va rapidement devenir un outil très

concret pour ceux qui reconnaissent sa puissance de résolution des problèmes liés aux énormes volumes

de données. De plus, avec l’avènement de l’Internet des objets, presque tout ce qui nous entoure va

devenir intelligent et, lorsque la technologie est omniprésente, la transformation peut venir de partout.

Il est temps pour les dirigeants de se rapprocher des start-up où que celles-ci se trouvent.

Combattez les organisations « zombies ». L’inertie dans les organisations ne doit jamais

être sous-estimée. Les cultures construites pendant des décennies, sont encore largement

présentes, peu flexibles et complexes. Elles encouragent la complaisance, voire les compor-

tements paranoïaques. Nous les appelons les organisations « zombies » et estimons qu’il faut les

combattre sans relâche. Décrivez le futur de façon la plus positive possible : comment les salariés

travailleront-ils ? Où ? Quelles compétences seront nécessaires et comment votre entreprise créera-

t-elle plus de valeur ? Puis, identifiez les cent personnes capables de croire en cette vision au sein de

votre entreprise. Ce sont vos catalyseurs. Ils vous aideront à guider l’entreprise au cours de sa trans-

formation.

Notes de bas de page1 The Work Ahead est un ensemble de travaux de recherche qui regroupent observations et conseils sur la façon dont les

entreprises et les métiers doivent évoluer dans une économie d‘algorithmes, d‘automatisation et d‘intelligence artificielle.

Les données économiques montrent que de nouvelles fortunes vont être amassées et que d‘autres vont s‘effondrer, car la

façon de travailler pour créer de la valeur évolue. Voir https://www.cognizant.com/whitepapers/the-work-ahead-maste-

ring-the-digital-economy-codex2115.pdf 2 John Kennedy, « Kara Swisher: ‘In Silicon Valley, There Are a Lot of Big Minds Chasing Small Ideas », Silicon Republic, June 24,

2015, https://www.siliconrepublic.com/start-ups/kara-swisher-in-silicon-valley-there-are-a-lot-of-big-minds-chasing-small-ideas. 3 Le bouleversement que le secteur automobile s‘apprête à subir a été mis en exergue lors d‘un événement berlinois. Les PDG

d‘Uber et de Daimler ont partagé la scène pour présenter leur vision d‘une ville sans embouteillages, traversée par des

voitures autonomes sans conducteur, et d‘entreprises et d‘économies hybrides alliant le monde réel « physique » et le

monde « virtuel ». Voir « People—Not Just Machines—Will Power Digital Innovation », https://www.cognizant.com/digital-

workforce-of-the-future. 4 De nos jours, quatre des dix premières entreprises du classement Fortune 500 de 2015 créent toute ou une partie de leur

valeur grâce à des solutions logicielles. D‘autres entreprises de ce classement, dont Exxon Mobil, GE, Johnson & Johnson et

Wells Fargo, sont présentes dans les secteurs qui sont sur le point de subir des évolutions drastiques, avec l‘omniprésence des

logiciels. Ces derniers sont indispensables à toute entreprise et les rachats de start-up se jouent désormais entre acquéreurs

habituels et géants de l‘industrie, de la distribution ou de la pharmacie désireux de construire ces nouvelles machines. 5 Domaine longtemps dédaigné par le monde des affaires, le marché mondial des assurances, estimé à 5 milliards de dollars

américains, est en passe d‘évoluer de façon fondamentale et de redéfinir entièrement les habitudes des entreprises du sec-

teur. Voir « The Work Ahead, Insurance: Seven Key Trends Shaping the Future of Work in the Insurance Industry », https://

www.cognizant.com/whitepapers/twa-seven-key-trends-shaping-the-future-of-work-in-the-insurance-industry-codex2472.pdf. 6 Predix dispose même de sa propre conférence de développement « Predix Transform ». Cette année, la deuxième édition

rassemblera 2 500 développeurs d‘applications, architectes de solutions, spécialistes de l‘apprentissage automatique et

ingénieurs pour élaborer des solutions destinées au marché de l‘Internet des objets.7 Bosch IoT Suite, https://www.bosch-iot-suite.com/ . 8 Jennifer McKevitt, “DHL Plans to Disrupt Freight Forwarding with CILLOX Platform,” Supply Chain Dive, Jan. 24, 2017,

http://www.supplychaindive.com/news/dhl-cillox-digital-freight-forwarding-disruption/434563/ . 9 Les voitures autonomes sans conducteur sont à l‘origine d‘une combinaison de secteurs économiques qui va bien au-delà

des discussions sur les interfaces de divertissement Android Auto et Apple CarPlay. Les fabricants automobiles s‘em-

pressent de construire l‘écosystème sous-jacent : Audi, BMW et Daimler ont acheté récemment « Here » de Nokia dans le

but de développer une plate-forme dédiée aux services de mobilité connectés.10 L‘algorithme de Spotify détermine une grande partie des tâches à effectuer. Le développement produit est de plus en plus

synchronisé avec ce que l‘algorithme conseille. Les playlists de découverte, par exemple, se transforment en service per-

sonnalisé.11 L‘innovation de rupture décrit un processus par lequel un produit ou un service s‘installe d‘abord dans des applications

simples sur la partie basse d‘un marché, puis se déplace vers le haut de gamme de ce dernier, en finissant par éliminer les

concurrents établis. Voir http://www.claytonchristensen.com/key-concepts/12 La technologie de reconnaissance vocale de Google, par exemple, est passée en deux ans de 84 % à 98 % en 2014. La pré-

cision de la technologie de reconnaissance faciale DeepFace de Facebook est maintenant de 97 %. Quant à Watson d‘IBM,

sa technologie est désormais 2 400 % « plus intelligente » aujourd‘hui que lors de sa victoire au Jeopardy en 2011. Les

systèmes de reconnaissance vocale réalisent aujourd‘hui des dizaines de millions de recherches en ligne chaque mois. Voir

« How AI is improving consumer engagement and customer experience », Network World, Nov. 6, 2015, http://www.

networkworld.com/article/3002308/uc-voip/how-ai-is-improving-consumer-engagement-and-customer-experience.html. 13 La collaboration entre West Pharmaceutical Services et HealthPrize Technologies a donné naissance à un mécanisme de

suivi GPS/Internet des objets qui permet la surveillance à distance des patients qui utilisent des dispositifs d‘autoinjection.

Voir « The Work Ahead, Life Sciences How Data and Digital Mastery will Usher in an Era of Innovation and Collaboration »,

https://www.cognizant.com/whitepapers/the-work-ahead-how-data-and-digital-mastery-will-usher-in-an-era-of-innova-

tion-and-collaboration-codex2628.pdf. 14 Est-ce qu‘animateur de compte Twitter aurait pu être un emploi à part entière il y a cinq ans ? Voir « The Robot and I »,

https://www.cognizant.com/InsightsWhitepapers/the-robot-and-I-how-new-digital-technologies-are-making-smart-

people-and-businesses-smarter-codex1193.pdf.ermöglicht. Siehe The Work Ahead, Life Sciences How Data and Digital Mas-

tery will Usher in an Era of Innovation and Collaboration

Annexe : méthodologie de l‘étudeNous avons réalisé des entretiens détaillés avec 26 entreprises européennes de plusieurs secteurs et

à différents stades de maturité numérique. Chaque participant a été invité à identifier les deux

domaines les plus importants pour son entreprise, les mesures prises et ce que cela implique pour le

rôle des dirigeants d‘entreprise. Une fois consolidées, leurs réponses représentent une vision de leurs

points de vue sur l‘efficacité des différents styles de management et sur la façon dont les entreprises

s‘adaptent aux nouvelles technologies numériques et aux nouvelles manières de travailler.

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À propos de l’auteur

Euan Davis dirige le Center for the Future of Work de Cognizant EMEA. Analyste et intervenant reconnu, il a aidé de nombreuses entreprises du classement Fortune 500 à préparer leur avenir grâce à ses compétences en recherche et en conseil. Au sein du Center for the Future of Work de, il veille à ce que les recherches et les analyses originales de l‘équipe restent en phase avec les tendances et les dynamiques métier et technologiques européennes. Il collabore avec une grande diversité d‘éminents spécialistes afin de savoir à quoi res-semblera l‘avenir des entreprises.

Auparavant, Euan Davis a occupé des postes d‘analyste senior, de consultant et de directeur chez Forrester Research, IDC et Corporate Executive Board. Il vit à Cambridge, au Royaume-Uni.

[email protected] uk.linkedin.com/in/euandavis

Euan Davis Associate Vice-President

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A propos de CognizantCognizant est l’une des premières sociétés de conseil et de services dans le monde. Elle accompagne les entreprises dans leur transformation stratégique, opérationnelle et technologique à l’ère du digital. Avec son approche unique par le métier et le conseil, Cognizant aide ses clients à envisager, concevoir et opérer leurs activités d’une façon plus innovante et efficace. Son siège social se trouve aux Etats-Unis. Cognizant est 205ème au classement du Fortune 500 et fait partie du « Fortune Magazine’s World’s Most Admired Companies ». Plus d’informations sur la façon dont Cognizant aide ses clients à devenir des leaders de leurs marchés grâce au digital sur www.cognizant.com ou sur Twitter @Cognizant.