Le naufrage en droit maritime au XIX siècle · par lequel le navire, les corps et les biens ayant...

93
UNIVERSITE de BORDEAUX Mémoire de Master II Histoire du droit et des institutions Le naufrage en droit maritime au XIX ème siècle Eva RIVIÈRE Mémoire dirigé par M.Bernard GALLINATO-CONTINO, Professeur à l’Université de Bordeaux Soutenu le 5 septembre 2016 à Bordeaux. 1

Transcript of Le naufrage en droit maritime au XIX siècle · par lequel le navire, les corps et les biens ayant...

UNIVERSITE de BORDEAUX

Mémoire de Master II Histoire du droit et des institutions

Le naufrage en droit maritime

au

XIXème siècle

Eva RIVIÈRE

Mémoire dirigé par M.Bernard GALLINATO-CONTINO,

Professeur à l’Université de Bordeaux

Soutenu le 5 septembre 2016 à Bordeaux.

�1

�2

�3

Je remercie très sincèrement mon directeur de recherches, le Professeur Bernard GALLINATO-

CONTINO, pour sa disponibilité, son aide précieuse et sa clairvoyance.

En cette fin de cycle universitaire, que soient également remerciés tous les enseignants qui, depuis

mon entrée à l’université par leurs qualités et leurs exigences, m’ont donné goût au droit, et mon

donné l’envie de poursuivre une carrière dans l’avocature.

Je remercie également John Ferrère et Aurélien Turrettini de l’inlassable galerie pour les

photographies des ex-votos.

Un grand merci enfin à mon entourage et plus particulièrement à ma mère, mon beau-père et mon

compagnon Nicolas pour l’aide morale et matérielle qu’ils m’ont apportée.

�4

�5

« Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage,

Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,

Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,

Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage » Pierre de Marboeuf - À Philis

�6

�7

SOMMAIRE

SOMMAIRE …………………………………………………………………………………………8

INTRODUCTION ………………………………………………………………………………….9

Partie I- Une inadaptation de la législation du naufrage du Code de commerce au Second Empire

Chapitre I- Le caractère passéiste du Code de commerce

Section I- La reprise de l’Ordonnance de la marine de 1681

Section II-Le légalisme au service de la suspicion des gens de mer

Chapitre II- Les lacunes tangibles du Code de commerce

Section I- Une législation imprécise en matière d’assurance maritime

Section II- Une législation dépassé en matière d’assurance maritime

Partie II- Vers un perfectionnement du régime juridique du naufrage dès le début de la IIIème

République

Chapitre I- L’adoption d’une vision contemporaine du naufrage

Section I- Une distinction nouvelle entre l’échouement et le naufrage

Section II- L’admission de critères modernes du naufrage en matière d’assurance maritime

Chapitre II- Une résolution évoluée du naufrage

Section I- Vers une régime juridique nouveau du naufrage

Section II- Vers de nouvelles préoccupations: la prévention du naufrage

CONCLUSION

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Sources:

Bibliographie:

HISTORIOGRAPHIE

Annexe:

TABLES DES MATIÈRES

�8

INTRODUCTION

Le lapin animal maudit dans la marine car rongeur capable de couper les cordages, il était le

symbole du malheur, de la voie d’eau, mais surtout du naufrage. Embarquer un lapin était donc

impensable, même encore aujourd’hui en manger la vieille d’embarquer sur un navire reste

synonyme de mauvais présage preuve que la superstition séculaire résiste au progrès des techniques.

Cette superstition des gens de mer fut toujours notable en raison de la mer, élément incertain et

donc dangereux.

Traditionnellement, le naufrage est le nom donné à la perte d’un navire par bris ou par

submersion . Ainsi, pour Boistel « le naufrage est l’engloutissement du navire qu’il soit brisé et 1

qu’il ne surnage que des débris » . Cauvet parlait de naufrage en évoquant « le bris complet du 2

navire en mer » . Et à une époque plus contemporaine, Ripert définissait le naufrage par « la rupture 3

du navire sous l’action des flots » . Etymologiquement, le mot naufrage vient du latin naufragium 4

qui signifie l’accident qui brise le navire. En tout état de cause, le naufrage était un évènement de

mer fatal par lequel le navire était détruit. En outre, notre étude portera essentiellement sur le

naufrage maritime ainsi le naufrage fluvial sera exclus de notre analyse.

Au XIXème siècle, le naufrage pouvait émaner de plusieurs causes . En premier lieu, il 5

pouvait provenir du mauvais temps c’est-à-dire de la tempête ou des brumes à une époque où les

instruments de détection étaient ou inexistants ou encore loin d’atteindre la précision et la fiabilité

CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, 1987, p. 6091

BOISTEL (A.), Cours de droit commercial (…) p. 10752

CAUVET (J.-V.), Traité sur les assurances comprenant la matière des assurances, du contrat à la grosse et 3

des avaries (…) Tome II, p. 23

RIPERT (G.), Droit maritime, (…) Tome III, p. 7784

TAILLERIE (E.), « Les naufrages à l’ère des grands vapeurs » In: Le naufrage-Actes du colloque tenu à 5

l’institut catholique de Paris, 28-30 janvier 1998 sous la direction de Christian Buchet et Claude Thomasset, Paris, 1999, p. 101

�9

que nous leur connaissons aujourd’hui. En second lieu, le naufrage pouvait émaner des

insuffisances des cartes et des documents nautiques. En effet, malgré les progrès considérables

réalisés par l’hydrographie depuis la mise au point de méthodes rigoureuses par Beautemps-

Beaupré et ses disciples, la connaissance des fonds marins même dans les eaux européennes restait

encore insuffisante. Le naufrage pouvait venir également d’explosions accidentelles ou d’incidents

mécaniques liés au mauvais état de certains navires. Enfin l’incendie pouvait être une des causes du

naufrage. Néanmoins, le mauvais temps restera très longtemps une des causes principales de

naufrages. La faiblesse des machines des premiers navires à vapeur ne leur permettait guère de

lutter efficacement contre une mer violente. D’ailleurs, quant on parle de naufrage, on a en tête

l’image de la corvette à vapeur Le Papin qui fut jetée à la côte près de Mazagran au Maroc où elle 6

se cassa en deux avant de disparaitre. On peut également évoquer l’exemple du naufrage inexpliqué

par lequel le navire, les corps et les biens ayant été perdus, les causes du sinistre resteront à jamais

mystérieuses. Tel fut le cas, en juin 1841 du paquebot Président de la Compagnie Great Western,

qui fut le premier transatlantique à faire escale au Havre. Parti de New York le 12 juin 1841, il ne

donna plus jamais de ses nouvelles.

Traditionnellement, les sinistre de mer étaient combattus au moyen du principe de

répartition inscrit dans les sociétés marines mais grâce également grâce au principe de la 7

contribution aux avaries communes . En revanche, dure loi de la nature que de faire face à un 8

naufrage puisqu’il était maintenue en dehors des règlements en contribution communes. Le seul

partage qui était admis était que personne ne contribuait aux pertes mais chaque propriétaire

subissait sa charge entière de biens naufragés. Ainsi, le voyage commercial maritime comportait un

très grand risque c’est la raison pour laquelle très vite les gens de mer ont su développer l’assurance

maritime.

Pour le Code de commerce de 1807, le naufrage était une avarie particulière. En revanche, il

ne donnait aucune définition juridique de la notion de naufrage. Ainsi, tout au long du XIXème

siècle, le naufrage a pu revêtir plusieurs significations dans la langue maritime et dans le droit

Petit navire de guerre, léger et rapide qui est apparu en France à la fin du XVIIème siècle. 6

CHIAPPORI (P.-A.), Risques et Assurances, Paris, 1997, p. 277

L’institution de contribution en avarie est une institution très ancienne selon laquelle l’armateur et les 8

propriétaires de marchandises devaient contribuer à la réparation des avaries survenus au cours de l’expédition. L’avarie désigne alors tous les dommages et les pertes survenus au cours de l’expédition maritime.

�10

maritime . En effet, la doctrine et la jurisprudence ont tantôt assimiler certains évènements de mer

au naufrage, et parfois ils ont distingué des évènements de mer du naufrage. Si bien qu’à la fin du

XIXème siècle, la notion de naufrage revêtait une signification plutôt extensive.

Notre étude portera ici uniquement sur le développement et le perfectionnement du régime

juridique du naufrage puisque ce régime dérogatoire du droit comme a soulevé bien des questions 9

au cours de la période étudiée et qui sera le pivot du droit du naufrage évolué.

Historiquement il remarquable de voir que les Romains ont adopté une conception

relativement moderne de la notion de naufrage puisque en 1807 les codificateurs du Code de

commerce français en reprendront certains principes. Le notion de naufrage issue du droit romain

provient pour une grande partie des lois Rhodiennes . Durant le Bas moyen-âge, le droit français 10

était essentiellement coutumier et une compilation nommée Consulat de la mer fut réalisée en 1250.

Par la suite, sous l’influence d’Aliénor d’Aquitaine, les Rôles d’Oléron furent rédigés. Il s’agissait

d’un recueils de jugements compilés en un Code en 1266 et qui ont été utilisés comme un code

maritime dans toute l’Europe . Plus tard, en 1288, sur la base des jugements d’Olérons, ont été 11

rédigés les ordonnances de Wisby afin de réglementer le commerce dans la mer baltique . Enfin, en 12

1681, sous le règne de Louis XVI, fut adoptée l’Ordonnance de la Marine de Colbert. Cette

ordonnance reprenait les anciennes coutumes, ainsi que les diverses entreprises de codifications

mentionnées précédemment afin de codifier ce qui se pratiquait sur les mers dans le but d’unifier la

législation nationale en se suppléant à la coutume. L’ordonnance de la marine de 1681 est assez

complète concernant le droit des avaries et le naufrage et elle entendait répondre aux attentes des 13

marins du XVIIème siècle. En effet, les navires faisaient parfois naufrage mais le plus souvent le

naufrage était absolu et donc il n’appelait pas à une législation spécifique et le principe était 14

Le régime juridique du naufrage est compris ici dans son acception la plus, celui-ci comprenant l’ensemble 9

de règles qui viseront à prévenir ou à régler le naufrage.

Code maritime établi par les habitants de l’ile de Rhodes lors des IVe-IIIe siècles av. J.-C10

BOULAY-PATY (E.), Cours de droit commercial maritime, Bruxelles, 1831, p. 2211

HALLAM (H.), L’Europe au Moyen-Age, Bruxelles, 3ème édition, 1848, p. 15712

Le droit des avaries était régi par le livre 3, au titre VIII intitulé « Du jet et de la contribution » aux articles 13

15 à 19.

Par naufrage absolu, on étend la perte totale du navire14

�11

simple puisqu’en pareil situation chacun des propriétaires de l’expédition maritime supportait sa

perte.

Si le droit maritime est identique dans ses traits essentiels à travers toutes les civilisations à

tous les âges historiques de l’humanité, il s’est formé en tant qu’ensemble cohérent au Moyen-Age

par la rédaction d’usages suivis dans la navigation. Quand sous l’Ancien Régime, ce droit fut

codifié par ordonnance royal, il conservera son caractère traditionnel, il l’a conservé également dans

le Code de commerce de 1807 qui n’a pas innové, puisqu’il a repris en grande partie l’ordonnance

de Colbert. Ainsi, par son origine, le droit maritime a un caractère original remarquable en témoigne

entre autre l’institution des avaries communes ou encore l’assurance qui n’avaient pas d’équivalent

dans le droit commun. En effet, c’est notamment grâce à l’assurance que les gens de mer ont pu

combattre le coup du sort du naufrage. Effectivement, les gens de mer ont très vite pris conscience

qu’il fallait reportait le risque de naufrage sur un tiers à l’expédition. Pourtant, ce caractère si

particulier du droit maritime s’est atténué au cours du XIXème siècle. Effectivement, l’insertion des

règles maritimes dans le Code de commerce avait conduit les auteurs à lui appliquer la technique

générale de l’interprétation. Les affaires maritimes autrefois confiées autrefois à des juges

particuliers, étaient soumises en première instance aux tribunaux de commerce et sur recours aux

d’appel et à la Cours de cassation.

En revanche, c’est durant le XIXème siècle, que le droit maritime a connu son plus grand

essor. Cette période de révolution des techniques et d’industrialisation a marqué une rupture avec

les enjeux maritimes des siècles précédents. En ce qui concerne le naufrage, la construction de son

régime juridique a débuté en 1807 avec la promulgation du Code de commerce et s’est finalisé avec

en 1910 avec la ratification d’un traité international unifiant au niveau européen les règles en

matière de naufrage. Ainsi, nous avons pu remarquer que le droit maritime du début de la période

étudiée devait faire face aux nombreuses lacunes du Code e commerce laissant la place à une

multitude d’interprétations jurisprudentiels. Ainsi, il faudra véritablement attendre la seconde moitié

du XIXème siècle, pour que le régime juridique du naufrage se perfectionne sous l’impulsion de la

jurisprudence, de la doctrine et de la pratique. Cependant, cette seconde période a apportait avec

elle de nouveaux enjeux. En effet, l’essor du commerce maritime s’accompagne du développement

des assurances maritimes. Ainsi, le droit des assurances s’est développé afin de contrecarrer les

conséquences du naufrage. Le droit des assurance est alors devenu un véritable remède au naufrage.

�12

En outre, la fin du XVIIIème siècle a été marqué par le développement des machines à

vapeur, nouvelle forme d’énergie qui trouvera son application en droit maritime grâce au charbon et

non plus au vent, au début du XIXème siècle. Ce siècle a alors connu la révolution des techniques.

Seulement, le navire à vapeur n’a pas remplacé immédiatement le navire à voile dans l’usage

commercial. En effet, l’apparition de la navigation à vapeur ainsi que sa généralisation fut

progressive et plutôt lente . En effet, en 1914, une importante partie de la flotte marchande 15

fonctionnait encore à la voile. En outre, la propulsion mécanique et la construction métallique des

navires étaient de nature à renforcer la résistance des coques et donc à rendre les naufrages plus

rares. Pourtant, les progrès dans ce domaine furent relativement lent, puisqu’il est apparu que

jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, le nombre de naufrages resta assez élevé.

Ensuite, le XIXème siècle était celui aussi de l’essor des grandes manufactures navales. On a

tous en tête les grandes compagnies de navigation de l’époque comme par exemple la Compagnie

générale transatlantique fondée en 1855 par le frères Pereire. En effet, durant cette période, de

nombreux chantiers de construction et de réparations navals ont vu le jour. Cet essor des grandes

manufactures a alors permis le développement du commerce maritime. Les conséquences en

matière de navigation n’étaient alors pas négligeables puisque indubitablement l’augmentation du

nombre de navires en navigation entrainait forcément par là-même une augmentation du risque de

naufrages. Ainsi, on comptait par exemple en 1862, 384 naufrages en moyenne en France . 16

Il y a alors eu un changement d’horizon du paysage maritime qui a évolué grâce notamment

à l’essor très important du commerce et du trafic maritime. Le monde maritime changeait et les

situations de navigations se complexifiaient en même temps que les enjeux s’intensifiaient. Pour

autant la législation du naufrage et la notion même du naufrage n’avaient que très peu évolué depuis

le Moyen-Âge. En outre, le Code de commerce ne répondait plus à l’état des faits en 1807. Les

progrès techniques tel que la construction en acier avait permis d’avoir des navires considérables

mais surtout d’une très grandes valeur. Mais encore la découverte de la machine à vapeur mais aussi

l’hélice, la turbine ou le moteur à explosions avaient permis d’avoir des navires rapides adoptant

une marche régulière. Pourtant au XIXème siècle, il n’y avait peu ou pas de prévisions

météorologiques fiables. Les bateaux étaient équipés de baromètres, mais cet instrument de mesure

TAILLERIE (E.), « Les naufrages à l’ère des grands vapeurs », In: Le naufrage, op.cit., p. 10115

BATTESTI (M.), « Le sauvetage maritime en France au XIXème siècle ou la mer apprivoisée ? » In: Le 16

naufrage, op, cit., p. 133�13

des variations de pressions de l’atmosphère était d’une part insuffisante pour prévenir les risques

d’une tempête en mer, et, d’autre part n’équipait que peu de navires. Pourtant, comme nous avons

pu l’évoquer précédemment, une grande partie des naufrages étaient imputables à une mauvaise

météo.

Ainsi toutes les conditions étaient réunies et propices à la multiplication des naufrages. En

outre, l’évolution du monde maritime expliquait en partie l’indentation du Code de commerce avec

les nouveaux conflits qui émergeaient. En effet, les enjeux des naufrages devenaient de plus en plus

importants, que ce soit les enjeux économiques, humains ou même politiques. C’est la raison pour

laquelle, face à cette législation lacunaire, la doctrine et la jurisprudence ont dû produire des efforts

constants afin de faire face aux naufrages.

Concernant l’étude du naufrage en droit maritime durant la période du XIXème siècle, nous

ne trouvons pas de travail de recherche rétrospectif en histoire du droit sur la matière. En effet, les

quelques thèses thèses en histoire du droit qui concernaient le naufrage concernaient en réalité le

droit des avaries et traitaient principalement du droit romain. En revanche, il existe un travail de

recherche portant sur les conséquences juridiques du naufrage à travers plusieurs siècles . En outre, 17

il existe de nombreux travaux portant sur le naufrage en droit des assurances et en droit des avaries

durant la période envisagée dans notre étude, mais pour la plupart ces travaux sont des oeuvres

contemporaines de droit positif. Enfin, nos recherches ont pu également être conduites durant le

XXème et XXIème siècle afin d’avoir un aperçu sur des poins précis du naufrage.

Plusieurs supports ont guidé nos recherches. Dans un premier temps, il a fallu étudier la

législation relative à la matière. Dès lors, nous avons pu constater la médiocrité du Code de

commerce de 1807, frappante en ce qui concerne le naufrage puisque pas une seule fois le naufrage

n’était définit. Ce sentiment a été confirmé par l’étude des divers travaux doctrinaux sur le sujet.

Dans un deuxième temps, nous avons étudier les différents débats parlementaires concernant

un projet de réforme du Code de commerce qui fut ensuite avorté. Ensuite, nous avons étudier les

oeuvres de la doctrine souvent faites pour faciliter le travail des juges et informer les gens de mer.

REHAULT (A.-E.), Le naufrage: les conséquences juridiques de l’infortune de mer en France et en 17

Angleterre du XVIème au XIXème siècle, Thèse histoire du droit, Paris, 2002�14

Mais aussi, nous avons étudier la pratique telle qu’elle était au XIXème siècle notamment en

droit des assurances grâce à l’analyse de différentes polices d’assurances. En effet, les règles

légales contenues dans le Code de commerce n’étant pas en général d’ordre public, il a été facile de

remédier à l’archaïsme de la législation par le jeu des polices types d’assurances. Ainsi, le droit

maritime et la liquidation du naufrage par le droit des assurances avaient pu suivre les évolutions

économiques et techniques de ce siècle.

Par la suite, nous avons étudier des décisions jurisprudentielles afin de comprendre la

construction du droit maritime mais également afin d’appréhender la notion de naufrage. Enfin, ces

recherches se sont parachevées par la prise de connaissance de différents compte rendus de congrès

internationaux sur le sujet qui ont eu lieu durant la fin du XIXème siècle.

Ainsi, au vu des considérations, se pose la question de savoir comment la jurisprudence, la

doctrine et la pratique ont définit et utilisé la notion de naufrage en droit maritime ? Autrement dit,

le législateur étant plutôt lacunaire voir dépassé en la matière, de quelle manière s’est perfectionné

le régime juridique du naufrage ?

Il est certain que c’est principalement en marge du législateur que la notion de naufrage s’est

développée et affinée. En effet, la doctrine et la pratique ont su perfectionner le régime juridique du

naufrage que ce soit en droit des avaries ou en droit des assurances. Assurément, la législation de

l’époque était bien assez insuffisante pour élaborer et délimiter la notion de naufrage en droit des

avaries et en droit des assurances. Véritablement, c’est la doctrine et la jurisprudence qui ont eu la

responsabilité de préciser et de perfectionner le régime juridique du naufrage. En effet, le Code de

commerce apparaissait réellement inadapté et lacunaire en ce qui concerne la notion de naufrage.

De plus, dès la seconde moitié du XIXème siècle, les assureurs et la pratique ont véritable

perfectionné le droit des assurances ce qui a permis de d’établir les contours de la notion de

naufrage. En outre, au cours de la période étudiée, nous avons constater que les évolutions du droit

maritime tendait à ce que ce dernier s’émancipe du droit commercial. Mais encore, le naufrage fera

l’objet d’une vrai prévention grâce à l’aide de nouvelles théories juridiques dégagées par des

auteurs soucieux de perfectionner la prévention des sinistres de mer fatals pour l’expédition

maritime.

�15

Ainsi, il conviendra d’étudier dans un premier temps, l’inadaptation de la législation du

Code de commerce dès l’Empire (Partie I) et dans un second temps, le perfectionnement du régime

juridique du naufrage dès la seconde moitié du XIXème siècle (Partie II).

�16

Partie I- Une inadaptation de la législation du Code de

commerce dès l’Empire

Les conflits juridiques en matière de naufrage maritime durant une grande partie du XIXème

siècle témoignent de l’inadaptation du Code de commerce de 1807, qui en réalité semble soulever

dans bien des domaines du droit commercial bien plus de problèmes qu’il ne donne de solution.

Cette défaillance législative est d’autant plus marquante qu’elle touche à un domaine très particulier

du droit commercial à savoir le droit commercial maritime, et qu’en 1807, lorsque le Code de

commerce est promulgué, il légifère sur un domaine en plein expansion, à savoir le commerce

maritime. Le législateur, loin d’être visionnaire en la matière, reprend en grande partie les règles

posées par l’Ordonnance de la Marine de 1681 , certainement adaptées aux conflits du XVIIIème 18

siècle, mais évidement inadaptées aux nouveaux enjeux soulevés par les naufrages au XIXème siècle.

Ainsi, en 1807, le législateur reprend assez fidèlement que ce soit sur le fond ou sur la forme, la

législation du XVIIIème siècle. Or, dès le début du XIXème siècle, la doctrine constate à l’unanimité

que la loi en la matière est insuffisante pour régler les conflits survenant à l’issu d’un naufrage.

Il conviendra dans un premier temps d’étudier le caractère passéiste du Code de commerce,

avant d’envisager dans un second temps les lacunes tangibles de ce Code de 1807.

Annexe 118

�17

Chapitre I- Le caractère passéiste du Code de commerce

Le caractère passéiste du Code de 1807 découle du fait que dès son origine, il était tourné

vers le passé . En effet, les rédacteurs qui se sont attelés à la rédaction du code étaient pour la 19

plupart des commerçants qui se sont sentis prisonniers des textes qui existaient et que reconnaissant

comme remarquables, ils ont trop servilement suivis. Il s’agit un thème classique que ce soit en

droit des sociétés ou encore en droit des faillites. Il semble alors que le droit maritime n’échappe

pas à ce constat. En effet, les rédacteurs du Code de commerce ont fait le choix d’insérer une très

grande partie de l’Ordonnance de Colbert au lieu de consacrer à cette matière un code à part comme

il le fut été auparavant (Section I). En effet, il en ressort que le droit maritime de 1681 a été

pratiquement repris dans son intégralité et cela peut s’expliquer par le fait que les rédacteurs attelés

au projet du Code de commerce ont été semble-t-il prisonniers des textes existants. Effectivement,

ce fameux Code de 1807 dans sa partie maritime était fortement sous influence de l’Ordonnance de

Colbert, cette dernière lui servant ni plus ni moins d’épine dorsale. Par conséquence, à l’époque, on

reprochait au Code d’être vieux avant même d’être né.

En outre, le XIX ème siècle est celui du légalisme autrement celui du respect absolu de la loi.

Il en ressort que la législation du naufrage n’y fait pas exception. En effet, le juge ou encore une

partie de la doctrine semblent tous suivre la démarche de l’exégèse avec pour seul objectif faire

l’interprétation littérale de la loi et cela au service de la suspicion des gens de mer (Section II).

Section I- La reprise de l’Ordonnance de 1681

Dès son origine le Code de 1807 est tourné vers le passé, l’Ordonnance de Colbert

constituant son épile dorsale sinon son modèle (joindre annexe du tableau de Rehaut). A la lecture

des articles du livre II s’intitulant « Du commerce maritime », on se rend compte qu’il en ressort

A la différence du Code civil qui lui reniait d’une certaine façon le passé et se projetait dans l’avenir en ce 19

qu’il est resté très longtemps moderne. �18

une vision traditionnelle de la notion de naufrage en tant que risque de mer (§ 1). Effectivement, le

droit maritime de l’époque et la législation du naufrage sont restés identiques dans leurs traits

essentiels. Lors de l’Ancien Régime, ce droit fût codifié par ordonnance royale et la législation du

naufrage a conservé son caractère traditionnel puisque le Code de commerce n’a pas innové en la

matière. Ainsi, nous étudions dans un second paragraphe les critères classiques de distinction du

naufrage (§ 2).

§ 1- Une vision traditionnelle de la notion de naufrage

Cette vision traditionnelle de la notion de naufrage était déjà présente en droit romain et

dans l’Ordonnance de la Marine. En effet, en 1681, l’article 15 du livre 3 du titre 8 relatif au jet et à

la contribution en avarie disposait que: « Si le jet ne sauve le navire, il n’y aura lieu à aucun

contribution, et les marchandises qui pourront être sauvées du naufrage, ne seront point tenues du

paiement ni dédommagement de celles qui auront été jetées ou endommagées ». Le Code de

commerce reprend ce principe et dispose à son article 423 du titre XI relatif aux avaries que: « Si le

jet ne sauve le navire, il n’y aura lieu à aucun contribution. Les marchandises sauvées ne sont point

tenues du paiement ni dédommagement de celles qui auront été jetées ou endommagées ».

Ces articles montrent que le naufrage est exclu du jeu des contribution en avarie car en présence

d’un naufrage engendrant la perte absolue ou partielle du navire avec son chargement, tous les

protagonistes de l’expédition maritime subissaient l’infortune de mer: l’armateur du navire perdait

son navire et le fret, et, les marchands, leurs marchandises. Par conséquent, le naufrage constituait

un risque de navigation très important. On constate alors une symétrie indéniable entre ces deux

articles, seul le vocabulaire ayant évolué.

Ainsi, il resort de cette lecture que le naufrage est exclu du jeu des contributions en avarie

(A) et que le naufrage répond au principe suivant: « chacun sauve qui peut » (B).

A- L’exclusion du naufrage du jeu des contributions en avarie

En droit maritime, il existe un usage très spécifique dit de contribution en avarie.

L’étymologie du mot avarie semble douteuse. Certains le font venir du mort arabe « avar » qui

signifie gâté. Tandis que d’autre présente une autre hypothèse: l’avare ou encore la haver étaient

�19

semble-t-il les marchandises composant le chargement du navire. Vers les XII ème et XIII ème 20

siècles, il était alors admis que certains frais de navigation devaient être supportés en commun par

les chargeurs. Cela donnait lieu à la tenue d’un compte, appelé compte d’avers ou de l’averie. Le

montant était alors réparti entre les chargeurs à proportion de l’aver de chacun . Ainsi, l’expression 21

« compte de l’averie » présenta l’idée d’une contribution. On s’habitua d’ailleurs à dire qu’un

chargeur avait à payer tant pour avaries. Ainsi, on a finit par appeler avaries, les dommages donnant

lieu à un recours des chargeurs ou du propriétaire du navire contre les assureurs, puis tout dommage

ou toute dispense extraordinaire en l’absence même d’une assurance. Par conséquent, le mot

avaries a un sens très général: « Il s’agit d’une part de tous les dommages et pertes qui peuvent

survenir au cours de l’expédition maritime, aussi bien la perte totale du navire que le dommage

matériel subi par la marchandise ou par le navire. D’autre part, les avaries comprennent toutes les

dépenses, d’un caractère exceptionnel ou anormal, qui peuvent être exposées au cours de

l’expédition maritime pour arriver à sauver cette expédition » . 22

En outre, le mot avaries communes n’a de sens seulement si on l’oppose à l’expression

avaries particulières. Une avarie est commune « quand elle donne lieu à une contribution de ceux

qui sont intéressés à l’expédition maritime, c’est-à-dire, d’une part l’armateur et, d’autre part les

chargeurs » . Ainsi, une solidarité était créée dans le cadre d’avaries communes. En effet, cette 23

institution reposait sur le principe suivant: les propriétaires, dont les biens avaient pu être conservés

grâce aux sacrifices de la propriété des autres, devaient dans ce cas participer aux pertes ou

dommages des biens sacrifiés . Le fondement juridique de la théorie des avaries communes était 24

alors l’équité naturelle . En effet, cette règle des avaries communes était basée sur la prise en 25

compte des risques de mer et la nécessité de parfois sacrifier les biens des uns pour permettre la

conservation de celles de autres . En outre, il nous faut comprendre que le droit maritime tout 26

entier était ordonné autour de la notion de risque de mer qui imposait une solidarité (au sens non

TRONCHE-MACAIRE (P.), Des avaries communes en droit romain, thèse droit, Paris, 1892, p.7-920

LYON-CAEN (C.), Précis de droit commercial, Paris, 1884, p.22821

RODIÈRE (R.) et DU PONTAVICE (E.), Droit maritime, Paris, 1997, p.47022

Ibid, p.47023

RÉHAULT (A.-E.), Le naufrage: les conséquences juridiques de l’infortune de mer en France et en 24

Angleterre du XVI ème siècle au XIX ème siècle, Tome 1, thèse droit, Paris, 2002, p.33

MAUREL (F.), Théorie générale des avaries communes, thèse droit, Paris, 1903, p.3025

RÉHAULT (A.-E.), Le naufrage, op.cit., p.3426

�20

juridique du terme) entre participants à l’expédition commerciale maritime et une division du risque

et ce d’autant plus que les marchandises mises en risque étaient souvent fortes couteuses.

A contrario, l’avarie particulière désigne la perte ou la dépense supportée par celui qui l’a subie ou

exposée, et qui ne donne lui à aucun recours . 27

L’institution de contribution en avarie est alors très ancienne mais également spéciale au

droit maritime . Il est fort probable que cette institution fut connue sous l’Antiquité notamment par 28

les romains grâce à la Lex Rhodia de jactu . On retrouve également cette institution dans les 29

recueils d’usages du Moyen-Age, notamment dans le Consulat de la mer. Ainsi, en la matière

l’Ordonnance de 1681 n’a fait que reproduire les règles traditionnelles et le Code de commerce a

copié l’Ordonnance. Finalement, le Code de 1807 ne fait que recueillir les anciennes règles et les 30

anciens usages en particulier dans la matière des avaries. Pardessus disait du droit maritime: « Il a

traversé les âges sans jamais vieillir ».

Il en ressort que le naufrage en tant que risque de mer est alors un sinistre de mer maintenue

en dehors des règlements en contribution en avarie. Autrement dit, lors d’un naufrage aucun des

protagonistes ne contribue aux pertes des autres, mais chaque propriétaire subit sa charge entière de

biens naufragés. En effet, les sources anciennes montrent que le naufrage a toujours été une avarie

particulière soit une avarie hors du jeu des contribution, la source la plus ancienne étant la Lex

Rhodia de jactu du Digeste. Par conséquent, les avaries subies au cours d’un naufrage restaient à la

charge de leur propriétaires respectifs. Ainsi, il n’existait aucun système de solidarité entre les

différents protagonistes à l’expédition maritime et en ce sens aucune personne ne devait contribuer

aux pertes fatales des autres. Le professeur Anne-Estelle Réhault relevait à juste titre dans sa thèse:

« La dure loi de la nature fait qu’en cas de naufrage, chacun sauve pour soi ! » . 31

RODIÈRE (R.) et DU PONTAVICE (E.), Droit maritime, op.cit., p.470 27

Ibid, p.47028

Dig. XIV, 2.I. 29

RODIÈRE (R.) et DU PONTAVICE (E.), op.cit., p.9. 30

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., p.3531

�21

B- Le naufrage en tant qu’avarie particulière: Le principe du « chacun sauve qui peut »

En cas de naufrage, on considérait qu’aucun sacrifice n’était effectué pour l’intérêt commun

puisque toute les propriétés avaient subi au cours du même péril de mer une immense catastrophe.

Par conséquent, on appliquait l’adage suivant: res petit domino qui en droit maritime a pris la forme

du principe « chacun sauve qui peut ». Effectivement, en présence d’un naufrage engendrant la

perte absolue ou partielle du navire avec son chargement, tous les protagonistes de l’opération

maritime subissaient donc en principe l’infortune de mer et des avaries particulières . Par 32

conséquent, dans ce cas de figure, le propriétaire-armateur du navire perdait son navire et le fret, et,

les marchands leurs marchandises. L’application de ce principe induisait que les dépenses effectuées

ultérieurement au naufrage et les pertes pour débris de navires ou de marchandises restaient à la

charge de leurs propriétaires. Finalement, le naufrage apparaissait traditionnellement comme une

fatalité d’origine divine pour les plus pieux et de nature météorologique pour les laïcs emportant la

perte du navire et maintenu en dehors des règlements en contribution commune; le seul partage

étant qu’aucune personne ne contribuait aux pertes des autres et chaque propriétaire subissait sa

charge entière de biens naufragés. Le naufrage était une de ces situations d’une extrême gravité et

c’est la raison pour laquelle il importait peu qu’un jet ou un déchargement de marchandises fut

effectué car dans un naufrage, ces différentes pertes ne faisaient qu’anticiper le sinistre. Le naufrage

apparaissait alors comme une perte de navire par force majeure et toutes les avaries restaient à ce 33

titre particulières.

En distinguant les avaries particulières des avaries communes dans la Lex Rhodia de Jactu,

les romains considéraient déjà que la malchance devait rester entièrement à la charge des différents

protagonistes à l’expédition commerciale maritime. Effectivement, il s’agissait d’un malheureux

Ibid, p.3332

La force majeure s’entend ici dans une acceptation beaucoup plus large qu’en droit civil. « Le droit 33

maritime se fait du naufrage et de la force majeure une idée plus concrète, plus banale et n’exige pas nécessairement que le naufrage réunisse les conditions d’extériorité, d’insurmontabilité et d’imprévisibilité que la Cour de cassation décline comme essentielles pour la reconnaissance de la force majeure » Sur ce point Antoine Vialard dans son ouvrage intitulé Droit maritime, Paris, 1997, p.40 rajoute les propos de Chauveau qui disait que « le juge français, bien installé qu’il est, au moment où il doit s’en faire une opinion, sous les lambris dorés de la d’audience et bien à l’abri du moindre courant d’air, n’a aucune idée de la violence d’une tempête en mer, lorsque le vent atteint ou dépasse la force 10 sur l’échelle de Beaufort ». Cela montre que le droit maritime ne peut être aussi exigent que le droit civil en matière de force majeure tant la mer est un élément incertain.

�22

hasard dont personne n’était responsable. En admettant des avaries comme particulières, les

romains reconnaissaient qu’il n’existait aucun lien entre les marchandises jetées et celles qui étaient

sauvées d’un naufrage . Ainsi, ils concevaient que le poids du hasard restait toujours en dehors du 34

des contributions en avaries communes.

Nous avons vu précédemment qu’une avarie était commune si un sacrifice avait été

effectué . A ce titre, un sacrifice est un renoncement volontaire à quelque chose, une perte que l’on 35

accepte, une privation volontaire au profit de quelqu’un d’autre . Or lors d’un naufrage même si il 36

était décidé par le capitaine conjointement avec l’équipage d’effectuer des jets de marchandises ou

de couper les mât pour éviter que navire coule; tout cela n’était pas considéré comme un sacrifice

car de toutes les manières, le naufrage était inévitable. Effectivement, il n’y avait pas d’avaries

communes si il n’y avait pas de sacrifice. Par conséquent, le naufrage était sous la coupe du

principe des avaries particulières. La Lex Rhodia de Jactu envisageait également la situation de 37

naufrage pur et simple c’est-à-dire le naufrage d’une navire qui est brisé par la tempête et durant 38

lequel aucun jet de marchandises n’avait été effectué. Dans ce cas, le naufrage était considéré

également comme une avarie particulière par laquelle chacun doit sauver ce qu’il peut. Ainsi, en cas

de naufrage pur et simple là encore sauve qui peut. Cette maxime juridique apparait alors comme la

voûte de la règle des avaries particulières par laquelle chacun subi entièrement sa perte autrement

dit res petit domino. Par la suite, le droit romain à travers la Lex Rhodia de Jactu perdura et sera

repris pratiquement à l’identique par l’Ordonnance de la Marine de 1681 . Ainsi, même dans 39

l’Ordonnance de Colbert, le naufrage était exclu du jeu des contributions en avaries communes et le

droit romain inscrit dans le Digeste restait une influence indéniable du droit maritime du XIX ème

siècle.

Nous avons vu précédemment que le naufrage constituait un très grand risque de navigation

pesant sur tous les protagonistes à l’expédition maritime. Ainsi, nous venons de comprendre qu’au

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., p.4034

Cf supra p.13 35

Le grand Larousse illustré, 2016, édition Larousse. 36

PARDESSUS, (J-M) Collection des lois maritimes antérieures au XVIII ème siècle, p.5337

ROUJE (J.), Recherches sur l’organisation du commerce maritime en Méditerranée sous l’Empire romain, 38

Paris, 1966, p. 407

Annexe 239

�23

XIX ème siècle, la notion de naufrage revêtait un caractère traditionnel au sens que le naufrage était

présenté comme une fatalité issu du pur hasard. A ce titre, en cas de naufrage, on admettait aucune

contribution en avarie et chacun des protagonistes à l’expédition maritime supportaient ses pertes.

Cependant, le XIX ème siècle ne pouvait se satisfaire de cette vision traditionnelle du naufrage, il

fallait donc distinguer juridiquement le naufrage des autres pertes de navires.

§ 2- Des critères classiques de distinction en matière de naufrage

Traditionnellement, le naufrage était une catastrophe maritime emportant la perte d’un

navire. Cependant, le XIX ème siècle a connu une avancée des techniques en matière de navire et une

amélioration de la cartographie. Ainsi, en marge de ces évolutions en matière navale, il apparaissait

essentiel de distinguer juridiquement le naufrage des autres pertes de navires au regard du droit des

avaries.

En outre, l’époque étudiée correspondait à une époque d’une quête de qualification du

naufrage au sens juridique des avaries. En effet, toutes les pertes de navire ne constituaient pas un

naufrage et le but était de ne pas confondre juridiquement le naufrage de d’autre cas de perte de

navire. Le naufrage va alors perdurer comme un sinistre maritime inévitable et aucune extension de

contribution en avarie commune ne fut étendue au cas du naufrage. En revanche, la doctrine va

s’attacher à opérer des distinctions entre les différentes pertes de navires afin de limiter l’application

de la règle « chacun sauve qui peut » seulement au naufrage.

Ainsi dans un premier temps nous verrons la distinction entre le naufrage et le navire

innavigable (A) pour ensuite voir dans un second temps la distinction entre le naufrage et l’abandon

de navire (B).

A- Le naufrage et le navire innavigable

Au XIXème siècle, les avancées de la construction navale et de la sécurité en mer avaient

permis de diminuer les risques de naufrage pur et simple. Notamment, parmi les avancées les plus �24

remarquable, nous trouvons le doublage des coques de navire par des plaques de cuivres. Ainsi, les

navires devenaient plus résistants. Dès lors les navires pouvaient en cas de périls imminents, rallier

un port de refuge. Par conséquent, les demandes en contribution d’avaries communes furent de plus

en plus nombreuses à la suite de l’arrivée au port d’un navire en état d’innavigabilité complet.

Lorsqu’un navire marchand prenait la mer pour transporter une cargaison confié jusqu’au

port de destination, il préservait malgré tout sa fonction de transporteur à partir du moment où le

navire parvenait à rallier un porte de refuge avec les marchandises affrétées. Dès lors, la capacité

d’un navire à continuer son chemin malgré les périls de mer avait conduit à reconnaitre ce type de

navire comme sauvé au sens des avaries communes lorsque des biens avaient été sacrifié pour lui

permettre de poursuivre sa destination . En outre, l’état d’innavigabilité d’un navire c’est-à-dire 40

l’état d’un navire incapable de naviguer de nouveau ne modifiait pas ce droit car malgré

l’innavigabilité du navire, les jets de marchandises avaient permis de conserver le navire. Et les

biens.

Une fois n’est pas coutume, le Code de 1807 s’est contenté de reproduire les règles

contenues dans l’Ordonnance de 1681 à quelque que chose près puisque en effet des doutes sont

nées de l’article 425 C.com (1°). Cependant, la doctrine et la jurisprudence ont rejeté une lecture

stricte de cet article 425 et ont permis de dissocier le naufrage du navire innavigable (2°).

1°) Des doutes nées de l’article 425 du Code de commerce

L’Ordonnance de 1681 disposait dans son article 17 que les marchandises sauvées ne

contribueront en aucun cas au « payement du vaisseau perdu ou brisé », a contrario le Code de

commerce disposait dans son article 425 que les marchandises sauvées ne contribueront en aucun

cas au « payement du vaisseau perdu ou réduit à l’état d’innavigabilité ». Ainsi, un doute était né,

puisque le Code de 1807 assimilait le navire innavigable au naufrage. Cependant, la doctrine et la

jurisprudence ont continué à distinguer le naufrage et le navire innavigable. Pour eux, les

marchandises sauvées participaient à la perte des objets sacrifiés lorsque le navire arrivait dans un

port, même en état d’innavigabilité.

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., p.8540

�25

2°) Le rejet par la doctrine et la jurisprudence d’une lecture stricte de l’article 425 du Code de

commerce

Le législateur a adopté en la matière une approche complètement légaliste en assimilant le

naufrage au navire innavigable dans l’article 425 C.com et cela sans prendre en compte la réalité du

monde de la mer et des améliorations des constructions navales. Effectivement, le législateur XIX

ème siècle semblait n’avoir aucune approche factuelle du droit maritime. De ce fait, la doctrine et la

jurisprudence vont s’attacher rejeter cette lecture stricte de l’article 425 du Code de commerce, le

jugeant trop restrictif.

Pour la doctrine, un navire arrivé dans un port en état d’innavigabilité ne devait pas être

qualifié de navire perdu autrement dit de navire ayant fait naufrage an sens du droit des avaries

communes. A ce titre, pour Maurel, un navire qui pu tenir la mer et atteindre un port de refuge et un

navire qui a été sauvé et non un navire naufragé . Desjardins , Caumont ou encore Valroger 41 42 43 44

admettaient la même solution. Courcy relevait à ce sujet « Quand le capitaine, en pline possession

de sa volonté, a pris une mesure habile, a fait un acte libre qui a produit un résultat utile; quand loin

d’abandonner la cargaison, il l’a véritablement préservée et remise tout entière , ou presque tout

entière; à ses propriétaires, est-ce qu’il admissible qu’il soit déchu de tout recours en contribution

parce que son navire se trouvera, par suite même de la mesure qui a sauvé la cargaison, réduit à

l’état d’innavigabilité ? » . Ainsi, Courcy questionnait sur l’admissibilité d’une telle législation qui 45

assimilait le navire innavigable au naufrage.

Cependant, la jurisprudence avait rejeté elle aussi une lecture stricte de l’article 425 du Code

de commerce et avait admis le navire arrivé dans un port en état d’innavigabilité comme un navire

sauvé au sens du droit des avaries communes . Cela constituait une avancée majeure puisque la 46

MAUREL (F.), Théorie générale des avaries communes, thèse droit, Paris, 1903, p.12641

DESJARDIN (A.), Traité de droit commercial maritime, , Tome 4, Paris, 1880 p.18842

CAUMONT (A.), Dictionnaire universel de droit maritime, Paris, 1867, p.40143

VALROGER (L.de), Commentaire théorique et pratique du livre II du Code de commerce, Tome 5, Paris, 44

1885, p.243

COURCY (A.de), Question de droit maritime, Série 1, Paris, 1877, p.25345

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., p.8846

�26

jurisprudence permettait de distinguer le navire naufragé placé hors du jeu des contributions et dont

les pertes étaient supportées par chacun des protagonistes à l’expédition commerciale maritime, du

navire innavigable arrivé dans un port de refuge et dont les marchandises avaient pû être sauvées; et

qui ouvrait un droit en contribution en avarie commune. En outre, la Chambre des requêtes jugea le

18 décembre 1867 que « si c’est le navire qui malgré sa détresse a sauvé la cargaison, ce navire 47

ayant alors rempli sa destination, et ne pouvant, par suite, vis-à-vis des chargeurs être traité

commune navire perdu dans le sens de l’article 425 ». En l’espèce, un sacrifice avait été

régulièrement ordonné, d’une partie de la mature d’un navire assailli par la tempête. Ce navire

navire rejoignit un port pour y être réparé, mais il fut déclarer innavigable. En témoigne, la décision

de la Chambre des requêtes, un navire innavigable arrivé dans un port était considéré comme un

navire sauvé grâce aux sacrifices, lorsqu’il avait pu atteindre un port de refuge. En revanche, le

naufrage continuait d’être un évènement fatal qui mettait fin à l’expédition maritime en faisant

perdre le navire comme moyen de transport. En outre, il fallait encore distinguer le naufrage du

navire abandonné.

B- Le naufrage et l’abandon de navire

Le début du XIX ème siècle a été marqué par une expansion de l’utilisation des navires à

vapeur qui avaient une plus grande force motrice que les navires à voiles. Cette plus grand force

motrice des navire permettait alors de remorquer les navires en mer et donc de sauver des navires

abandonnés en mer. Par conséquent, il y a eu une multiplication de navires abandonnés en mer et

remorqués jusque dans un port. C’est la raison pour laquelle, ces navires abandonnés en mer puis

remorqués furent distingués juridiquement des navires naufragés au regard du droit des avaries.

A priori, le capitaine et son équipage ne devaient pas quitter le navire marchand en mer

lorsque ce dernier menaçait de se perdre. En effet, abandonner un navire en mer en allait de leur

réputation, c’est la raison pour laquelle il était coutume pour les capitaines de navires marchands

d’être exemplaires et de prendre les bonnes décisions tout encourageant leurs équipages à 48

combattre les éléments. Cependant, en situation de menace importante, le capitaine et ses matelots

D.1868,I,14547

EMÉRIGON (B-M.), Commentaire sur l’Ordonnance de la Marine du mois d’août 1681, Tome 1, Paris, 48

1803, p.274�27

pouvaient quitter le navire. Ainsi, il a fallu en matière d’avarie distinguer le navire abandonné en

mer et le navire naufragé. Par la suite, il fut reconnu par le Code de commerce comme l’avait fait

auparavant l’Ordonnance de Colbert, qu’un navire abandonné en mer puis remorqué dans un port de

refuge était un cas d’espèce d’avarie commune. Il était alors très important de distinguer le naufrage

du navire abandonné puisque ce dernier permettait l’ouverture d’une contribution en avarie.

En la matière, les juges devaient analyser en cas de conflits, les circonstances de faits.

Autrement dit, ils essayaient d’apprécier si le navire abandonné avait été effectivement sauvé grâce

aux mesures prises par le capitaine et son équipage . Ainsi, il ressortait de la jurisprudence que 49 50

l’abandon suivi d’un remorquage certifiait que les sacrifices avaient concédé au navire d’être sauvé

au moins momentanément. De ce fait, les juges envisageaient que contrairement au naufrage qui

faisait sombrer le navire, le navire abandonné en mer avait pu poursuivre son chemin en tant que

support de transport commercial. L’abandon était alors considérer comme une continuité de

l’expédition maritime. Maurel faisait état de cette jurisprudence constante en rapportant notamment

dans sa thèse une décision du 29 novembre 1876 de la Cour de Douai: « Le sacrifice de la mâture

avait empêché le navire de chavirer et permis le remorquage du navire et de sa cargaison jusqu’à un

port » . 51

Quant à la doctrine, cette dernière fut divisée sur ce sujet. En effet, les auteurs du XIX ème

siècle, étaient pas tant préoccupés par les conflits que par l’exégèse. L’époque était celle du règne

de la loi et du sens littéral de cette dernière. De ce fait, les auteurs étaient accaparés à vouloir

examiner ce sens propre de la loi et notamment de ce qu’il fallait considérer par l’expression « si le

jet sauve le navire » des articles 423 et 424 du Code de commerce. Il en ressortait, que la doctrine

était partagée quant à l’appréciation de savoir si le navire abandonné devait être qualifié de navire

sauvé ou non au sens des avaries. Pour Courcy et Desjardins , le navire abandonné par l’équipage 52 53

attestait que le sacrifice n’avait pas été efficace. Pour eux, le capitaine et son équipage n’avaient

aucunes raisons de quitter le navire si les opérations effectuées comme des sacrifices avaient permis

RÉHAULT (A-E.), op.cit., p.9149

D.1878, I, 47850

MAUREL (F.), op.cit., p 13051

COURCY (A.de), Question de droit maritime, op.cit., p.25052

DESJARDINS (A.), Traité de droit commercial maritime, Tome 4, op.cit., p.18753

�28

de sauver l’expédition maritimes. Ainsi, pour ces auteurs, le fait d’avoir dû quitter le navire

témoignait que le navire était perdu pour l’équipage. L’abandon de navire était alors une perte de

navire assimilait au naufrage, prévu à l’article 423 du Code de commerce. Par conséquent, toutes les

avaries devaient demeurer à la charge de leurs propriétaires respectifs. En revanche, Caumont , 54

Maurel ou encore Valroger expliquaient que la sacrifice avaient permis au navire de se sauver de 55 56

l’impasse imminente dès lors que le navire était arrivé au port. En effet, Valroger soulignait la

conformité de l’article 424 du Code de commerce à l’article 16 de l’Ordonnance et au fragment 4

§1 de la Lex Rhodia de Jactu qui tous indiquent « si le jet sauve le navire, et si le navire, en

continuant sa route vient à se perdre, les effets sauvés contribueront au jet sur le pied de la valeur en

l’état où ils se trouvent, déduction faite des frais de sauvetage ». Par conséquent, l’auteur insistait

sur le fait que le sacrifice opérait « momentanément » lors d’un abandon de navire, ce qui permettait

de réaliser les sauvetages ultérieurs. Néanmoins, indéniablement le naufrage persistait en tant

qu’une perte irrémédiable du navire dont tout acte effectué par le capitaine et son équipage s’avérait

vain pour anticiper la perte de l’expédition maritime. En revanche, pour l’abandon de navire,

puisque le navire avait pu continuer sa route, cela prouvait que les dommages effectués

volontairement avaient été efficaces.

Finalement, cette controverse doctrinale montre que le Code de commerce était déjà à

l’époque largement dépassé; il était trop vieux en ce qu’il reprenait pratiquement mot pour mot la

lettre de l’Ordonnance de 1681. En effet, le législateur en reprenant cette Ordonnance avait

implicitement repris toutes les catégories juridiques de perte de navire, qui en droit maritime avaient

pour objectif d’enserrer la réalité de la navigation maritime. Ainsi, la codification du droit des

avaries a alors rigidifier le système légal réduisant les traditionnels commentaires de la doctrine à

l’exégèse . 57

En outre, le légalisme du XIX ème siècle oeuvrait à la suspicion des gens de mer.

Effectivement, le Code de commerce semblait être un code pour brimer le monde du commerce et

par extension le monde du commerce maritime. On retrouve alors l’empreinte de Napoléon qui

CAUMONT (A.), op.cit., p.40254

MAUREL (F.), op.cit., p.13055

VALROGER (L.de), op.cit., p.24356

GUIGNARD (L.) et MALANDAIN (G.), « Introduction: usages du droit dans l’historiographie du XIX 57

ème siècle » in: Revue d’histoire du XIX ème siècle 1/2014 (n°48), p.9-25�29

voulait surveiller tous les milieux se trouvant dans l’Empire. Ainsi, nous pouvons affirmer que les

gens de mer n’échappaient pas à cette suspicion.

Section II- Le légalisme au service de la suspicion des gens de mer

En 1807, le législateur a fait le choix de reprendre dans le Code de commerce le droit écrit

issu de l’Ordonnance de 1681. Ce code de tradition mercantiliste se montrait alors soucieux de 58

« moraliser » le commerce par une législation faisant peu confiance aux gens de commerce mais 59

également aux gens de mer. En outre, légalisme du XIX ème siècle préconisait une application stricte

et littérale des articles du Code qui en l’occurence disposaient pour prévention des risques de

fraudes dans de la cadre de la perte volontaire de navire (§ 1).

Par la suite, une partie de la doctrine avait orienté le droit des avaries autour de la notion de

résultat utile du sacrifice. Mais une autre partie de la doctrine critiqua le légalisme du XIX ème

siècle. Cependant, l’exigence d’un sauvetage du navire et des marchandises restait la condition

nécessaire pour ouvrir la contribution en avarie commune. De ce fait, le droit des avaries semblait

être à assez stricte et était ouvertement critiqué par certains auteurs (§ 2).

§ 1- La perte volontaire du navire et la volonté traditionnelle de prévenir les risques de

fraudes

L’adoption des règles des avaries avait conduit à une mis en place d’expertises et d’enquêtes

sur les circonstances des dommages et pertes. En effet, les rapports de mer effectués par les 60

capitaines semblaient être le seul moyen de comprendre les circonstances des avaries subies. Ces

Le mercantilisme n’est pas propre à la France. Il s’agit d’une doctrine générale d’origine anglais basée sur 58

la théorie de l’enrichissement des nations par l’accumulation des métaux précieux. L’or et l’argent étaient la référence constante de l’économie puisqu’à l’époque la seule monnaie était le métal précieux. Par conséquent, chaque Etat, chaque nation devaient avoir pour but d’acquérir un maximum d’or et d’argent, de le conserver dans le territoire national, et aussi d’essayer de s’enrichir d’autres façons en particulier par la fabrication de produits de luxe (SZRAMKIEWICZ (R.) et DESCAMPS (O.), Histoire du droit des affaires, Paris, 2013, p.115)

HALPÉRIN (J.-L.), Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, 1996, p.2859

RIPERT (G.), Droit maritime, Paris, 1952, Tome I, p.23460

�30

rapports de mer devaient faire l’objet d’une vérification par le juge en cas de naufrage. Le problème

est que l’objectivité de ces rapports de mer était tout à fait critiquable puisque c’était également les

capitaines qui décidaient de la mise en oeuvre ou non d’un sacrifice ou d’un jet.

Par conséquent, la jurisprudence s’est appliquée à rejeter explicitement les pertes volontaires

de navire soit les échouements volontaire (B). En effet, la jurisprudence et une partie de la doctrine

ont une vision très traditionnelle du naufrage, son but ultime étant d’éviter la fraude et les abus

autrement dit de ne pas faire entrer un naufrage soit une perte de navire entrant dans la catégorie des

avaries particulières, dans la catégorie des avaries communes qui elle ouvre la contribution en

avarie. Il en ressort un régime plutôt répressif du naufrage et la jurisprudence aura tendance à avoir

une conception extensive du naufrage et à assimiler certaines pertes de navire au naufrage dans le

seul but d’éviter la fraude (A).

A- L’assimilation juridique de l’échouement au naufrage

Vers la fin du XVIII ème siècle et vers le début du XIX ème siècle, les coques de navires se

sont renforcées grâce au cuivre qui a été rajouté à la construction en bois. Par conséquence, les

navires sont devenus plus résistants aux choix, ce qui pouvait permettre aux capitaines de procéder

à des échouements volontaires afin d’échapper à des périls plus grands. Cependant, la doctrine avait

une vision extensible de la notion de naufrage puisque pour elle, un navire échoué était un navire

perdu et hors d’état de continuer son voyage et par conséquent similaire à un navire naufragé. De ce

fait, l’échouement volontaire fut une grande préoccupation juridique de l’époque. Autrement la

question qui se posait était celle de savoir si il fallait assimiler l’échouement volontaire (perte

volontaire) au naufrage. Traditionnellement, en droit des avaries, l’échouement était alors assimilé

au naufrage. En effet, pour une partie de la doctrine l’échouement était la preuve d’une perte

inévitable du navire comparable au naufrage. Le problème c’est que cette vision était tout à fait

critiquable puisque les conséquences de cette assimilation juridique étaient lourdes. En effet, en cas

d’échouement, l’adage res perit domino s’appliquait. Ainsi, au même titre qu’un naufrage, en cas

d’échouement, chacun des protagonistes à l’expédition maritime subissait la perte ou la dépense

qu'il avait subit ou exposée. Cette assimilation juridique s’explique également par une méfiance du

�31

législateur et de la doctrine envers les gens de mer . En effet, la doctrine voulait éviter les risques 61

d’abus d’échouement volontaire, apparement trop nombreux à l’époque . Par conséquent, le 62

législateur et la doctrine se sont attachés à restreindre les cas d’ouvertures en avaries communes et

l’échouement volontaire restait alors une avarie particulières. Pour la doctrine, la sécurité juridique

passait avant tout, et éviter par là, la multiplication des contentieux mais assurer également le bon

déroulement du commerce maritime.

En outre, pour la doctrine il pouvait y avoir des risques de fraudes c’est la raison pour

laquelle l’échouement d’un navire n’était pas assimilable à une perte voulue effectuée dans l’intérêt

commun de l’expédition, autrement dit l’échouement n’était pas un sacrifice. A titre d’exemple,

pour Cauvet , la perte d’un navire ne pouvait être le fait d’un sacrifice volontaire. En effet, pour cet 63

auteur, sacrifier un navire tout entier était équivaut à reconnaitre la nécessité de sa perte. Ainsi, il ne

pouvait pas y avoir d’avarie commune. Cauvet pensait d’ailleurs « parce qu’on n’opte pas entre une

perte dont on est menacé et un moyen de salut qui exige un sacrifice, on n’a plus le choix du mode

de perte ». Puis, par la suite, les juges se sont attachés à rejeter explicitement les échouements

volontaires.

B- Le rejet explicite des échouements volontaires

Pour la jurisprudence un navire échoué non renfloué était juridiquement assimilé à un navire

naufragé et toutes les pertes étaient envisagées comme des avaries particulières. En la matière, les

juges considéraient qu’un navire n’avait jamais été sauvé si à la suite de l’échouement,

Certains auteurs expliquent dans leur ouvrage que Napoléon voulait grâce au Code surveiller tous les 61

milieux qui pouvaient se trouver dans l’Empire et en particulier le monde des commerçants. En effet, Napoléon voulait contrôler de très près les commerçants et pour se faire il a été crée un Code brimant le monde des affaires. Par extension, nous pouvons appliquer cette analyse aux gens de mer, cercle particulier ayant ses propres usages et sa propre législation contenue dans le Livre II du Code de commerce de 1807 (SZRAMKIEWICZ (R.) et DESCAMPS (O.), op.cit., p.355)

REHAULT (A.-E.), Le naufrage, op.cit., p.9862

CAUVET (J.-V.), Traité sur les assurances maritimes comprenant la matière des assurances, du contrat à 63

la grosse et des avaries, Paris, 1862, Tome II, p.103�32

l’embarcation n’avait pas poursuivi son expédition . En outre, la jurisprudence avait considéré 64

qu’un navire perdu à la suite d’un échouement volontaire n’était pas un remède issu d’une volonté

humaine mais bien la preuve que l’accident de mer était insurmontable . Ainsi, pour les juges la 65

perte définitive du navire continuait de constituer un critère à partir duquel ils reconnaissaient que

l’accident de mer avait été manifestement insurmontable. Par conséquent, assimilé au naufrage, les

dommages causés au navire et dus à l’échouement volontaire n’étaient pas soumis à une quelconque

contribution des propriétaire des marchandises sauvées . Mais surtout, la jurisprudence avait 66

précisé les choses en continuant à assimiler juridiquement l’échouement volontaire à un naufrage à

partir du moment où le navire n’avait pas pu continuer son voyage . Pour les juges, l’échouement 67

volontaire devait permettre d’obtenir le résultat d’éviter le naufrage et non pas d’en atténuer les

conséquences.

Ensuite, la jurisprudence s’est attachée à dessiner les contours d’une conception juridique

du navire naufragé. En ce sens, dans une décision du 25 octobre 1877 , le Tribunal de commerce de 68

Marseille considérait qu’un navire naufragé correspondait à: « un navire submergé pendant

plusieurs jours, à la suite d’une tempête, est un navire naufragé, bien qu’il ait flotté de nouveau

après que la cargaison a été retirée ». En l’espèce, un capitaine avait fait couler sa barque pleine de

soufre car cette dernier allait être jetée par la tempête contre les rochers. Pour les juges, le coulage

de la barque n’était pas un sacrifice volontaire effectué pour le salut de tous, car quoique qu’il en

était, la barque aurait été perdue. Dans cette décision, les juges considéraient, que le capitaine

n’avait qu’anticiper la perte de la barque. En outre, le tribunal rappela une nouvelle fois que le

sacrifice devait avoir été fait pour échapper au péril qui menaçait le navire. Or, en l’espèce, la

Exemple: arrêt du tribunal de Marseille du 10 septembre 1818. En l’espèce, le tribunal avait été amené à 64

assimiler un échouement volontaire au naufrage. En effet, un capitaine avait fait échouer sa felouque (embarcations méditerranéennes) pour pouvoir la relever dans le futur. Dans son rapport de mer, le capitaine avait indiqué qu’il n’avait pu retirer le reste des marchandises de l’embarcation. En outre, le capitaine avait brisé le pont du navire afin de sauver le plus de marchandises possible situées à fond de cale. Par la suite, le vent souffla si fort, que le navire fut brisé. Pour l’expert nommé par le Tribunal de Marseille, la perte était dû au coupement du pont. Pour celui-ci, le coupement avait permis de dissoudre toutes les liaisons du navire.

Plus précisément pour les juges, l’échouement n’était en l’espèce « que l’avant-coureur d’un bris et d’un 65

naufrage » (ibid.)

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., p.10266

Exemple: arrêt du tribunal de commerce de Marseille du 6 septembre 1861. En l’espèce, les juges avaient 67

rappelé le principe juridique des avaries communes par lequel les dommages effectués, c’est-à-dire les sacrifices, devaient prévenir du danger et non pas simplement en atténué les conséquences (Ibid.)

Exemple: arrête du tribunal de commerce de Marseille du 25 octobre 1877 (M.1878,I,29.) ou sous la thèse 68

du professeur Anne-Estelle RÉHAULT, Le naufrage, op.cit.,Tome I, p.103�33

décision du capitaine avait tout au plus diminuer les conséquences du naufrage, mais n’avait pas

prévenu le naufrage.

Finalement, la multiplication du contentieux en matière d’échouements volontaires ainsi que

la jurisprudence en la matière s’expliquent par le fait que Code de 1807 était déjà dépassé au XIX ème siècle. En effet, la législation quelque peu vieillotte contenue dans ce code n’avait pas anticipé

l’amélioration des constructions navales qui permettaient le renforcement des coques des navires.

Grâce à ces améliorations, les capitaines pouvaient échouer leurs navires afin de les renflouer

ultérieurement mais surtout afin d’éviter des périls plus grands. Ainsi le nombre d’échouements

volontaires s’étaient multipliés. Pourtant, par méfiance, le législateur et la jurisprudence ont

continué de considérer que l’échouement volontaire était à assimiler au naufrage lorsque que

l’échouement n’avait pas permis au navire de continuer son expédition. En effet, le critère du

sacrifice utile paraissait être à l’époque être le critère ultime pour admettre un règlement en avarie

commune.

§ 2- Le critère désuet du sacrifice utile en matière de contribution en avarie

La doctrine avait une vision tout à fait différente de la jurisprudence et elle commençait à

entrevoir l’idée qu’il fallait adopter une vision beaucoup plus libérale et préventive de la notion

naufrage en droit des avaries. Pour la doctrine, le critère du sacrifice utile en matière de contribution

en avarie est alors désuet. Il y aura bien un projet de réforme en 1867 mais ce dernier sera

rapidement avorté (A), ainsi la doctrine va émettre une critique très virulente du légalisme français

sur ce critère jugé désuet de « sacrifice utile » (B).

A- Le projet de réforme avorté de 1867

En concordance avec l’article 15 de l’Ordonnance de la Marine de 1681, l’article 423 du 69

Code de commerce disposait: « Si le jet ne sauve le navire il n’y aura lieu aucune contribution ».

L’article 15 de l’Ordonnance de 1681 dispose: « Si le jet n’a pas sauvé le navire, il n’y a pas de 69

contribution »�34

Ainsi, au XIXème siècle, le résultat utile du sacrifice était considéré comme le critère nécessaire des 70

avaries communes. Autrement dit, le navire devait avoir été grâce au sacrifice. De ce fait, l’intention

de sauver l’embarcation ne suffisait pas puisqu’il fallait que le sacrifice ait effectivement sauvé

l’expédition maritime.

Quant à la doctrine, que ce soit Valin , Pothier ou encore Emérigon , tous ont interprété 71 72 73

strictement l’article de l’Ordonnance de Colbert. Par exemple pour Pothier: « le jet ne donne lieu à 74

contribution, que lorsqu’il a procuré la conservation, du navire et des marchandises qui y sont

restées. Il faut pour cela, que deux choses concourent: qu’il ait été propos de faire le jet et que le jet

ait effectivement préservé le navire du naufrage ou du pillage ». Cette doctrine a d’ailleurs était

reprise mais surtout, elle a été analysé dans les travaux préparatoire du Code de commerce. Les

auteurs de ce dernier n’ont pas cherché à innover et on repris l’article 15 de l’ordonnance. Par

conséquent, en application de l’article 423 du Code de 1807, les juges devaient vérifier si le navire

et sous-entendu son chargement avaient été sauvé grâce au sacrifice. En outre, en vertu du

légalisme, les juges appliquaient eux aussi strictement la lois. Ainsi, le droit des avaries en matière

de naufrage va conserver son caractère traditionnel compte tenu des échecs successifs des projets de

révision, en particulier le projet de 1867 ne verra jamais le jour. Cependant, le projet de réforme de

1867 prévoyait de remplacer l’article 423 par un article 412 qui disposait: « Il n’y a lieu à aucun

contribution pour le remboursement des choses jetées ou sacrifiées si le sacrifice n’a pas profité à

l’intérêt commun et si les choses qu’on se proposait de sauver n’ont été sauvées no en totalité ni en

partie » . Néanmoins, le projet n’a pas abouti. Surement trop idéaliste et pas assez réaliste, le livre 75

II, titre XI des avaries du Code de commerce voulait un navire effectivement sauvé grâce aux

A contrario, nos amis les anglais considéraient dans chaque cas d’espèces quel était le but poursuivi par le 70

capitaine au moment du sacrifice avant d’admettre l’ouverture à un règlement en avaries communes. En Angleterre, on considérait en vertu de l’équité que les marchandises jetées ou les agrès coupés (autrement dit sacrifices) ne devaient pas rester à la seule charge de leur propriétaire, que le navire soit sauvé ou pas.

VALIN (R.-J.), Nouveau commentaire sur l’Ordonnance de la Marine, du mois d’août 1881, La Rochelle, 71

1760, p.191

POTHIER (R.-J.), Oeuvre de Pothier, contenant les Traités du droit français, nouvelle édition mise en 72

meilleur ordre et publiée par les soins de M.Dupin, Paris, 1824, Tome V, p.373

EMÉRIGON (B.-M.), Traité des assurances et des contrats à la grosse, Marseille, 1783, Tome I, p.61673

Dans son ouvrage le professeur Jean-Louis Halpérin explique que tous les juristes du 19 ème siècle 74

conviennent de la nécessité d’un travail d’exégèse c’est-à-dire d’interprétation littérale, comme on le faisait depuis des siècles pour la Bible. D’après l’auteur, une partie des juristes voyaient dans l’exégèse un moyen de connaitre le droit identité à la loi (HALPÉRIN (J.-L.), Op.cit., p.37)

DESJARDINS (A.), Traité de droit commercial maritime, Paris, 1878, Tome IV, p.19675

�35

sacrifices effectués pour admettre un règlement en avaries communes. Pourtant, une partie de la

doctrine appelait à la réforme, notamment Courcy indigné qui disait: « Le système de la loi 76

française est aujourd’hui condamné par tous les bon esprits. Il appelle certainement une réforme

législative ». Cependant, aucun projet ne viendra modifier le droit des avaries. Par conséquent la

doctrine émettra une critique sans précédent de la législation française en matière des avaries.

B- La critique virulente de la doctrine

La doctrine du XIXème siècle rejetait une lecture stricte des articles du Code de 1807 en

matière de contribution en avaries communes. La doctrine va critiquer la rigidité du Code de

commerce et certains auteurs vont alors critiquer ouvertement le critère du sacrifice utile, critère

nécessaire à l’admission d’une contribution en avarie. Ces auteurs vont rejet le système exégétique

en s’opposant à une lecture trop littérale des textes de loi. Par exemple, pour Basset , il suffisait 77

que le sacrifice ait été profitable à l’intérêt commun pour qu’il y ait contribution en avaries

communes. Il expliquait que sa pensée allait à l’encontre de la doctrine générale qui elle même

considérait que le salut du navire était assurément indispensable pour qu’une avarie soit admise en

tant qu’avarie commune. En outre, Desjardins critiquait lui aussi la législation. En effet, il trouvait 78

injuste que l’on ne puisse pas appliquait la règle des avaries communes à des marchandises qui

avaient été sauvé par le sacrifice de d’autres marchandises avant que le navire ne fasse naufrage

dans un second temps. Pour l’auteur, un tel recours en contribution en avaries communes pour des

marchandises sauvées avant un que le navire ne fasse naufrage, était impossible pour la simple

raison que selon l’auteur: « les règle du droit des avaries communes inscrites dans la législation

française ne permettaient pas un tel recours ». Ainsi, une grande partie de la doctrine voulait un

changement de la législation afin que le Code de commerce admette en avaries communes, les

sacrifices profitants à l’intérêt commun et cela sans s’attacher exclusivement au salut du navire.

Néanmoins, en cas de naufrage, il en ressortait qu’aucun sacrifice n’avait été effectué pour

l’intérêt commun puisque selon le législateur, toutes les protagonistes à l’expédition maritime

autrement dit les différents propriétaires avaient subi au cours du même péril, l’inévitable

COURCY (A.de), Question de droit maritime, op.cit., p. 23576

BASSET (F.), Des avaries communes en droit romain, thèse droit, Paris, 1881, Tome II, p.2677

DESJARDINS (A.), op.cit., p.19078

�36

catastrophe naturelle. Ainsi, toutes les pertes et les dépenses restaient à la charge des propriétaires.

La doctrine trouvait alors le Code de commerce bien trop rigide mais surtout elle trouvait la

jurisprudence trop stricte dans sa lecture de la loi. Que ce soit le législateur ou la jurisprudence tous

rejetaient sans exception le règlement en avaries communes si le navire n’avait pas été

effectivement sauvé, alors même que des marchandises avaient pû être sacrifiées. Sans aucun doute,

la doctrine voyait en cette loi, une conception trop ancienne du règlement en avaries communes et

du naufrage.

Ainsi, nous pouvons penser que les règles du droit des avaries communes étaient stricte afin

de circonscrire au maximum la contribution en avarie commune. Ainsi, dans certains cas, la loi

assimilait une perte de navire comme par exemple l’échouement volontaire au naufrage afin de ne

pas admettre de contribution en avaries communes. En effet, durant une grande partie du XIX ème

siècle aucune extension de contribution en avaries communes ne sera admise pour le naufrage. Le

naufrage restait une perte irrémédiable dont les dommages et sacrifices étaient qualifiés d’avaries

particulières. En définitif, le naufrage obéissait à l’adage res perit domino ou autrement dit en droit

maritime « sauve qui peut ». Or, par conséquent, le naufrage induisait un recours à l’assurance

maritime. En effet, la société contemporaine du XIX ème siècle semblait ne plus vouloir accepter les

catastrophes connues religieusement comme des manifestations du divin. La tendance générale va

alors tendre vers un refus de ne pas trouver aux victimes des réparations face aux accidents fortuits

tel que le naufrage . 79

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., p. 8179

�37

Chapitre II- Les lacunes tangibles du Code de commerce

L’activité humaine en mer étant par nature, périlleuse, les gens de mer et les marchands qui

s’aventuraient en mer avec leur navire ou leurs marchandises ont toujours recherché les moyens

juridiques d’une certains sécurité. En outre, l’importance des mises en risque rendait encore plus

nécessaire cette protection pour éviter qu’un seul coup du sort, trop certain, ne vienne ruiner celui

qui acceptait de s’y exposer . L’assurance a des origines anciennes qui remonteraient au XIVème 80

siècle . Historiquement elle est apparue sous la forme d’un contrat passé par un armateur ou par un 81

marchand avec un « capitaliste » qui garantissait la bonne fin de l’expédition.

Au XIX ème siècle, le développement de la navigation marchande faisait encore plus ressentir

le besoin de garantir les risques de mer comme le naufrage . D’autant plus qu’à l’époque le 82

commerce se développe au même où la morale économique catholique est battue en brèche à la fois

par le développement du protestantisme et par les théories mercantilistes et libérales . Dans ce 83 84 85

contexte, l’argent perd son aspect immoral mais surtout il n’est plus honteux de faire du profit.

L’Europe occidentale connaît alors l’avènement d’un capitalisme commercial. Ainsi, l’assurance

maritime va prendre son véritable essor au XIX ème siècle. Par conséquent, l’assurance maritime a

permis de garantir des risques de mer très important tel que le naufrage. En effet, le naufrage restait

pour l’époque un sinistre majeur de navigation malgré les améliorations de la construction navale et

VIALARD (A.), Droit maritime, Paris, 1997, p.8380

Pour aller plus loin dans l’origine de l’assurance: GUYONNET-DUPÉRAT, L’assurance maritime sur 81

marchandises ou facultés, thèse droit, Bordeaux, 1927, p. 5-10

HESSE (P.-J.), Droits maritimes (…) Tome 1, p.4082

Nous pouvons dire que les liens du protestantisme et des affaires ont suscité bien des réflexions. 83

Cependant, en simplifiant à l’extrême, nous pouvons expliquer que les protestants portaient en eux une angoisse à cause de la prédestination, ce qui les amenèrent à pratiquer la fuite en avant pour oublier une possible éternité de damnation. Par conséquent, ils se lancèrent dans les affaires, cherchant ainsi à se prouver par leur prospérité que Dieu les aime et a décidé de les sauver. Autorisant en outre, le prêt à intérêt, la religion protestante était alors la mieux adaptée aux affaires. Ainsi, la grande bourgeoisie protestante a pris une importance décisive dans le développement économique du XIXe siècle (SZRAMKIEWICZ (R.) et DESCAMPS (O.), Histoire du droit des affaires, Paris, 2013, p. 564)

Cf supra p.2284

Le libéralisme est une doctrine politique visant à limiter les pouvoirs de l’Etat au regard des libertés 85

individuelles. Pour aller plus loin: Ibid, p.115�38

de la sécurité maritime. En outre, le naufrage apparaissait surtout comme un sinistre dont les

propriétaires de marchandises puis ceux des navires tentèrent naturellement d’en atténuer les

conséquences en souscrivant des contrats d’assurances. Ainsi, durant une expédition, le navire et les

marchandises étaient protégés contre le risque de naufrage par l’assureur c’est-à-dire un tiers par

rapport à l’expédition.

En outre, le libéralisme du XIX ème siècle expliquait les évolutions juridiques en droit des

assurances. Cependant, une nouvelle fois, le Code de commerce avait largement puisé dans

l’Ordonnance de 1681 , ce qui en faisait un code plutôt lacunaire en matière des assurances 86

maritimes. Pourtant, la révolution des navires à vapeur appelait à des changements de la législation.

Cependant durant une grande période, le code de 1807 est resté imprécis (Section I). Mais surtout,

malgré les progrès de la construction navale, les naufrages ont perduré en tant que sinistre de

navigation et le code de commerce semblait là aussi dépassé en la discipline des assurances

maritimes (Section II).

Section I- Une législation imprécise en matière d’assurance maritime

Les navires et le commerce maritime du XIXème n’étaient pas les mêmes ni de la même

envergure que ceux du XVIIIème par conséquent, le Code de 1807 en puisant largement dans

l’Ordonnance de 1807, a fait que la législation en matière d’assurance maritime était imprécise voir

lacunaire. Ainsi, la doctrine et la jurisprudence ont du s’attacher à préciser la notion de naufrage au

regard du droit des assurances (§ 1) mais surtout, les auteurs et les juges ont du préciser les critères

constitutifs du risque de naufrage (§ 2).

§ 1- Le naufrage et l’assurance maritime

RODIÈRE (R.) et DU PONTAVICE (E.), Droit maritime, Paris, 1992, p.49586

�39

Il est certains que les différents protagonistes à l’expédition maritime soit les propriétaires

des marchandises et des navires tentèrent de diminuer les conséquences du naufrage en concluant à

des contrats d’assurances. Généralement, les polices couvraient ce risque de naufrage expressément

par un système d’énumération des risques: système qui d’ailleurs a été repris par le Code de 1807

de l’Ordonnance de la Marine de 1681 (A). Mais les polices d’assurances pouvaient également

couvrir le risque de naufrage dans le cadre d’un système de termes généraux (B).

A- Le système de l’Ordonnance de 1681 repris par le Code de commerce

L’article 26 de l’Ordonnance de Colbert énumérait les différents aléas maritimes autrement

dit, les différents accidents dont les assureurs couvraient naturellement les risques: « tempête,

naufrages, échouements, abordages, changements de route, de voyage ou de vaisseau, jet, feu,

prise, pillage, arrêt de prince, déclaration de guerre, représailles ». L’article 350 du Code de

commerce reprenait la même énumération des risques que l’Ordonnance et disposait du naufrage

parmi les risques assurés: « Sont aux risques des assureurs toutes pertes et dommages qui arrivent

aux objets assurés, par tempête, naufrage, échouement, abordage, changements forcés de route, de

voyage ou de vaisseau, par jet, feu, prise, pillage, arrêt par ordre de puissance, déclaration de

guerre, représailles ». En outre, l’article 26 disposait que toutes les fortunes de mer étaient l’objet

d’une couverture par les assureurs. Ainsi, la législation du XVIII ème siècle énumérait des risques

mais utilisait aussi le système de termes généraux à travers l’expression « fortunes de mer ». Au

XIX ème siècle, les rédacteurs du Code de commerce ont repris le même système de l’Ordonnance.

Autrement dit, le Code énumérait des risques mais il utilisait également l’expression suivant dans

son article 350: « et généralement toutes autres fortunes de mer ».

B- La confusion entre les expressions: « naufrage », « fortunes de mer » et « périls de mer »

Le droit maritime énumérait des accidents dont les assureurs couvraient naturellement les

risque mais il utilisait également le système de termes généraux à travers différentes expressions. Si

bien que l’on ne savait plus très bien quels risques étaient couverts par les assureurs, puisque le

naufrage était un risque nommément couvert par les assureurs mais était également compris sous les

�40

expressions « fortunes de mer », mais encore « périls de mer » . Cela constituait alors une lacune 87

indéniable du Code de 1807. Cependant, les polices d’assurances pour plus de clarté vont préférer le

principe de l’énumération des risques. La pratique est alors venue combler les lacunes du Code de

commerce.Finalement, le naufrage était un risque à la fois nommément couvert mais également plus

généralement compris sous les termes généraux de fortunes. En outre, en droit des assurances

maritimes, le naufrage était un fait juridique autrement dit, un évènement de nature à produire des

effets de droit. Ainsi, le naufrage ouvrait aux assurés le droit à recouvrement de la somme assurée

par l’assureur pour l’objet mis en risque. Cependant, il nous faut à présent définir juridiquement le

naufrage au regard du droit des assurances.

§ 2- Les critères traditionnels du naufrage en tant que risque assuré

Traditionnellement, les critères constitutifs du naufrage au XIX ème siècle dépendaient de la

nature du naufrage (A) et des causes du naufrage (B). Le Code de commerce étant assez silencieux

en la matière, la doctrine et la jurisprudence ont dû dégager ces critères constitutifs que nous allons

à présent étudier.

A- La nature du naufrage

Nous avons vu précédemment que le Code de commerce nommé expressément le naufrage

comme un risque à charge des assureurs. Cependant, à aucun moment, le législateur ne définit le

naufrage au sens des assurances maritimes. C’est la encore une lacune indéniable du Code de 1807,

qui une nouvelle fois est imprécis sur la notion de naufrage en tant que risque de mer couvert par les

assureurs. C’est la raison pour laquelle, les juges et la doctrine ont tenté de trouver des critères

constitutifs de la nature du naufrage.

Au XIXème siècle, pour la doctrine et la jurisprudence, le naufrage semblait au navire brisé.

En effet, un navire faisait naufrage lorsque par exemple par une tempête, il venait se brisé contre

des rochers. Mais encore, le naufrage était définit en droit des assurance comme « la perte d’un

navire qui, par fortune de mer ou autre événement, va se briser contre les écueils ou sur une cote, de

RÉHAULT (A.-E.), Le naufrage, op.cit., p. 12687

�41

manière à être détruit, en totalité ou enraie, et donner ouverture à l’eau » . Ainsi, pour la 88

jurisprudence un naufrage était la perte de navire jeté sur la côte et cette perte était un sinistre à la

charge des assureurs . Traditionnellement, les juges rappelaient régulièrement que le naufrage se 89

définissait par la perte d’un navire en mer qui par vétusté ou par la tempête a sombré, a coulé ou a

été jeté sur les rochers et sur les côtes. En définit, la jurisprudence confirmait le sens traditionnel du

naufrage qui prenait la forme d’un navire bris et perdu en touchant la côte; cette jurisprudence était

en conformité avec le droit ancien.

Mais encore, le naufrage pouvait être également la conséquence d’un bris. En effet, le plus

souvent le naufrage émanait d’un bris qui avait précédé sa destruction, ce qui en faisait un sinistre

majeur. Le naufrage était également le cas du navire échoué et qui ensuite s’était brisé. Finalement,

pour la doctrine d’époque un naufrage au sens des assurances maritime était le navire qui était

détruit et cela dans son acceptation la plus globale. Cependant, tout navire brisé n’était pas

juridiquement un naufrage. Par exemple, pour Emérigon, le bris et le naufrage n’était pas toujours la

même chose c’est la raison pour laquelle, il fallait pour la doctrine dégager des critères constitutifs

de la nature du naufrage. Pour l’auteur, si le bris restait partiel et qu’il n’occasionnait ni naufrage, ni

échouement, alors le bris et le naufrage ne se confondait pas. En revanche, si le bris partiel avait

pour conséquence un naufrage ou un échouement, alors le bris et la perte de navire se confondait et

l’on était en présence d’un sinistre majeur . Durant le XIXème siècle, la doctrine était unanime 90 91

pour dire que le naufrage était un évènement de mer par lequel un navire était partiellement ou

totalement détruit . Autrement dit, pour qu’il y ait juridiquement un naufrage au sens du droit des 92

assurance, le navire devait avoir souffert d’un bris qui avait conduit à sa perte. C’est la raison pour

laquelle, la jurisprudence admettait également qu’un naufrage était un risque par lequel le navire

TOUSSAINT (V.), Code-manuel des armateurs et des capitaines de la marine marchande, Paris, 1873, p.88

276

Exemple de décision: Tribunal de Marseille 20 février 1817 sous DAGEVILLE (G.-F.), Code de 89

commerce expliqué par la jurisprudence, Paris, 1828, p.399

EMÉRIGON (B.-M.), Traité des assurances et du contrat à la grosse, (à compléter), Tome 1, p.40090

CAUVET (J.-V), Traité sur les assurances comprenant la matière des assurances, du contrat à la grosse 91

et des avaries (compléter), Tome 2, p. 23 DE LA LANDELLE (G.), Naufrages et sauvetages, Paris, 1867, p. 1 PARDESSUS (J-M), Cours de droit maritime, Paris, 1821, Tome 3

RÉHAULT (A.-E), Le naufrage, op.cit, Tome 1, p.13492

�42

était détruit même si le navire pouvait s’apparenter à un navire . Pour les juges, en conformité avec 93

la doctrine, le naufrage était alors considérait comme l’ensemble des évènements par lequel le

navire était désintégrer dans ses parties essentielles.

En outre le naufrage correspondait également au navire submergé c’est-à-dire au navire 94

ensevelie sous l’eau. En droit des assurances, le navire submergé était alors admis comme un

naufrage à la charge des assureurs. Pour la doctrine , il était indéniable que le navire submergé, 95

coulé ou sombré, constituait juridiquement un naufrage à la charge des assureurs. Au même titre

que la doctrine, pour les juges , la submersion d’un navire était considérée comme un naufrage. 96

Enfin, il fallait aussi que les juges et la doctrine dégagent les causes du naufrage afin de savoir à

quoi correspondait juridiquement un naufrage en droit des assurances maritimes.

B- Les causes du naufrage

Le Code de commerce n’a pas non plus définit les causes du naufrage, ainsi de nombreux

auteurs ont tenté de le faire. Au XIXème siècle, le contrat d’assurance maritime était un contrat

aléatoire dénué de la garantie de faute de l’assuré et de vice des objets assurés. Le contrat était alors

construit sur l’aléa maritime auquel l’assuré était étranger. A ce titre, pour les auteurs

contemporains, René Rodière et Emmanuel Du Pontavice, il est indéniable que « les parties ne

doivent rien faire pour produire le risque ». Pour la période étudiée, la même analyse s’applique

puisque le contrat devait à tous prix conserver son caractère aléatoire. Par conséquent, pour que le

Exemple de décision: Tribunal de Nantes le 12 juillet 1856 qui considérait que « le naufrage suppose un 93

évènement grave, (…), produisant enfin l’anéantissement, la destruction du navire ».

Le navire submergé est compris ici de façon extensive. Il peut s’agir d’un navire sombré ou encore coulé à 94

l’instar du non moins célèbre Titanic.

PARDESSUS (J.-M.), op.cit., Tome 3, p. 69 « L’agitation violente des eaux, l’effort impétueux des vents, 95

de l’orage ou de la foudre, peuvent engloutir le navire, ou le fracasser de manière qu’il n’en subsiste plus que des débris, c’est ce que l’on appelle faire naufrage ». CAUMONT (A.), compléter, p. 360 « Le navire peut être brisé, si une lame le submergeant ou un coup de vent le faisant chavirer, il est tout entier englouti par les eaux » DESJARDINS (A.), Tome 6, p. 292 « Un tribunal ne pourrait donc pas juger en droit qu’il n’y a pas naufrage s’il n’y a submersion totale. Le naufrage n’implique pas nécessairement, à notre avis la rupture et la perte du navire de manière qu’il n’en reste que des débris ».

Par exemple: Jugement du tribunal de commerce du Havre qui considéra que « le naufrage implique l’idée 96

d’un sinistre majeur, entrainant la submersion ou l’échouement avec destruction complète du navire comme moyen de transport, de manière qu’il n’en reste plus que des débris ».

�43

contrat d’assurance puisse produire ses effets, il fallait qu’il y ait fortune de mer autrement dit, il

fallait être en présence d’un cas fortuit. De cette conception aléatoire du contrat d’assurance, il faut

bien comprendre, que les assureurs comptaient couvrir uniquement le naufrage compris en tant que

cas fortuit. Dans ces conditions, le naufrage était considéré comme une perte de navire issu d’un

évènement imprévisible et irrésistible susciter par une cause naturelle. En définitif, le naufrage était

à l’époque étudiée, un cas fortuit et de force majeure produit par la mer. Le naufrage devait être

imprévisible mais également inattendu, étant entendu que la condition d’imprévisibilité était

comprise de façon large en droit maritime.

Ainsi, le naufrage était considéré comme un sinistre imprévisible lorsque la perte du navire

au cours de l’expédition survenait malgré la prudence du capitaine et de son équipage. En effet, les

auteurs distinguaient le cas fortuit du cas imprévu. Pour la doctrine le cas imprévu était celui « que

la prudence pouvait avoir évité ». A contrario, le cas fortuit, était l’idée d’un évènement contre

lequel on ne pouvait pas luter malgré toute la prudence humaine. Pour Emérigon, la perte qui arrive

par imprudence est imprévue mais elle n’est pas fortuite . Le naufrage devait alors être un 97

évènement survenu malgré la prudence du capitaine et de son équipage, pour être à la charge des

assureurs. Ce sens du risque répondait d’ailleurs au but recherché par l’assuré c’est-à-dire celui de

se protéger contre les aléas de la navigation maritime.

En outre, le naufrage devait être inattendu. En effet, les assureurs concédaient à couvrir

seulement les dangers de la navigation et non pas les risques certains. Selon l’article 352 du Code

de commerce, il n’ était pas admis la couverture des risques de vice propre du navire et de

l’innavigabilité du navire. Il ressortait de cet article que si un navire était en état d’innavigabilité 98

lors de son départ et que cet état du navire avait été la cause du sinistre alors les assureurs étaient

exonérés du chef de vice propre. Par conséquent, traditionnellement étaient exclus de l’assurances,

les vices propres mais également les circonstances normales de la navigation. Ainsi, le naufrage

devait être un évènement inattendu et non un risque certain. Par exemple, pour Pardessus « … »

page 164.

EMÉRIGON (B.-M), op.cit., Tome 1, p. 35897

L’article 352 du Code de commerce disposait que les assureurs étaient exonérés de pertes et dommages qui 98

arrivaient par vice propre. �44

De plus, le naufrage était également présenté comme un cas de force majeure irrésistible.

Autrement dit, le naufrage devait être inévitable et se produire par la mer. Il fallait que le naufrage

en tant que sinistre soit insurmontable malgré les précautions humaines. Cependant, le critère

d’inévitabilité du naufrage ne devait être pas entendu de façon stricte. En effet, l’assurance du

naufrage devait reposer sur la couverture d’un risque produit au cours de l’expédition maritime et

cela uniquement en l’absent de faute de l’assuré et de ses préposés. Le naufrage était alors un risque

survenu par la mer. Le naufrage pouvait venir de la tempête, des vagues violentes, ou tout simple

par la mer mais aucun cas il ne devait porteur d’un élément fautif ou encore par le fait d’un tiers. En

définitif, à la lecture des auteurs, nous nous apercevons que la cause du naufrage devait être

étrangère à toute intervention de l’Homme et devait être le fait de la nature. Le naufrage

apparaissait alors être un sinistre fatal de la mer . Mais encore, nous qualifions juridiquement le 99

naufrage de péril de mer fortuit. En outre, le droit maritime n’exigeait pas et encore aujourd’hui

n’exige pas que toutes les conditions de la force majeurs soient réunies . D’ailleurs, à juste titre, 100

Antoine Vialard affirmait que « le péril de mer est l’évènement de mer majeur, celui qui se produit

parce que l’on se trouve en mer » . Ainsi, au XIXème siècle, si les assurés souscrivaient à une 101

assurance, c’était pour la simple et bonne raison qu’ils voulaient réduire les risques aléatoires,

d’autant plus qu’avec le développement du commerce maritime, le besoin de sécurité financière se

faisait sentir. Il fallait alors garantir la bonne fin de l’expédition marchande maritime et pour se faire

l’assurance a su couvrir les risques aléatoires encourus par la marine marchande. Dans ce cadre du

droit des assurances maritimes, le naufrage était une perte fortuite du navire lors d’une expédition,

provenant d’éléments naturels, que la capitaine n’avait pu évincer. Par conséquent, le naufrage

entendu comme un accident mis à la charge des assureurs ne pouvait venir d’un risque certain lié à

un vice propre, ou d’une action de l’Homme.

Cependant, dans certains cas, la perte d’un navire survenu du fait d’une action humaine,

pouvait être un risque de la navigation couvert par les assureurs en l’absence de toute faute du

capitaine. Il s’agissait du sinistre d’un tiers à l’équipage. Dans ce cas, la perte du navire était

juridiquement assimilée à un naufrage. Le pilote lamaneur ou encore pilote côtiers était le guide 102

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., Tome 1, p. 16799

Cf supra p. 15100

VIALARD (A.), Droit maritime, Paris, 1997, p.40101

Le pilote lamaneur ou pilote côtier est à distinguer du pilote hauturier qui guide en haute mer. 102

�45

des navires lors de l’entrée ou de la sortie des ports dangereux. En principe, la présence du pilote

côtier était obligatoire puisque cela permettait d’éviter au navire des risques de navigations dans les

ports dangereux. Le risque de fausses manoeuvres du pilote côtier était alors un risque contre lequel

le propriétaire du navire avait recherché la protection en souscrivant à un contrat d’assurance. Au

XIXème siècle, la jurisprudence reconnait alors la faute du capitaine qui n’a pas pris de pilote

côtiers . Ainsi, d’une part, nous pouvons affirmer que la faute du capitaine était reconnue lorsque 103

l’absence d’un pilote côtier à bord du navire avait été constaté, alors même que la présence de ce

dernier était obligatoire. D’autre part, était juridiquement assimilé au naufrage, la perte de navire

résultant de la seule faute du pilote côtier. Nous pouvons expliquer cette assimilation juridique par

le fait que le pilote côtier ne faisait pas parti de l’équipage et donc l’armateur ou le propriétaire du

navire n’étaient pas tenus des fautes d’un tiers. Ainsi, au delà de la faute d’un tiers, ce qui comptait

en droit des assurances maritimes c’est que l’assuré et ses préposés n’aient pas commis de faute ou

de négligence. En définitif, le capitaine n’avait pu éviter la survenance du sinistre alors même qu’il

avait été prévoyant en prenant un pilote côtier à bord du navire. Ainsi, la faute du pilote c’est-à-dire

un tiers à l’équipage était un risque couvert par les assureurs. En outre, la révolte passager était

également un risque couvert par les assureurs en l’absence de toute faute ou négligence du capitaine

et de son équipage. Il semblerait que ce risque de révolte fut couvert par la garantie des fortunes de

mer. En effet, l’article 350 du Code de commerce énumérait des risques puis utilisait une formule

générale: « fortunes de mer » ce qui laissait subsister des doutes. Tout au long du XIXème siècle, la

doctrine et la jurisprudence ont tenté de trouver la signification de fortune de mer. Ce problème

d’interprétation montre encore une fois les imprécisions et les lacunes du Code de 1807.

Néanmoins, il semblerait pour la jurisprudence que la révolte des passagers était comprise dans la

garantie des fortunes . 104

Il a été vu précédemment que la législation en matière d’assurance maritime était imprécise.

En effet, à aucun moment dans le Code de commerce, le législateur ne définissait la nature et les

causes du naufrage en tant que risque assuré. A présent, nous allons voir que la législation du droit

des assurances en plus d’être imprécise est également dépassée sur certains points.

Exemple: décision de la Cour du havre du 7 novembre 1854103

En ce sens, une décision de 1868 de la Cour de Bordeaux104

�46

Section II- Une législation dépassée en matière d’assurance maritime

A bien des égard, la législation en matière assurance maritime semblait être dépassée avant

même la fin du XIXème siècle. Même lorsque le législateur décidait d’innover comme par exemple

pour la baraterie, la pratique est venue se substituer aux règles contenues dans le Code de 1807 tant

celui était dépassé.

En outre, le Code de commerce semblait à l’époque être dépassé voir insuffisant pour régler

efficacement l’issu du naufrage. L’institution du délaissement était alors une action propre au droit

maritime qui permettait le règlement du naufrage. A ce titre, il est remarquable de constater

l’imprécision des règles contenues dans le Code de 1807 à l’égard du délaissement. Outre ces

imprécisions, il est intéressant de voir comment les assureurs ont su supplanter la législation en

instaurant leur propre système de délaissement.

Ainsi, dans un premier temps nous étudierons comment le cas de baraterie a laissé la place à

la pratique (§ 1), pour ensuite voir que la législation était insuffisante en matière de règlement du

naufrage (§ 2).

§ 1- Le cas de baraterie ou la place laissé de fait à la pratique

La baraterie consistait en toutes les fraudes, fautes et négligences accomplies par le capitaine

ou l’équipage. A l’origine et jusqu’en 1681, la baraterie était couverte de plein droit par les

assureurs en vertu d’une règle législative. En revanche, le Code de commerce est venu innover en la

matière puisqu’en 1807, le législateur a décidé que la baraterie ne serait plus admis de droit comme

un risque à charge des assureurs (A). En revanche, les praticiens, les assureurs ou autrement dit les

parties au contrat d’assurance pouvaient insérer un telle clause c’est-à-dire une clause garantissant

le risque de baraterie (B).

�47

A- Un cas de baraterie non admis de droit comme un risque à charge des assurances

Avant 1681, la garantie du risque baraterie étant entendu comme toutes les fraudes, fautes

volontaires ou involontaires, les simples négligences ou omissions des préposés à la navigation,

était reconnue de plein droit. En effet, il était notoire dans la mentalité de l’époque que les gens de

mer n’étaient pas digne de confiance. Ainsi, les propriétaires de navires devaient être assurés contre

les actes de leur capitaine et équipage. Traditionnellement, on considérait que les actes de gens mer

étaient imprévisibles. Puis par la suite, il y a eu une évolution juridique, puisque dans le Code de

commerce en conformité avec l’Ordonnance de 1681, le risque de baraterie du patron n’était plus

reconnu de plein droit. Ainsi, la couverture de la baraterie n’était pas prohibée, elle n’était

seulement pas reconnue de plein droit en vertu de l’article 353 du Code de commerce. Cette 105

disposition montre que plus que jamais, législateur veut responsabiliser les gens de mer, autrement

dit, le capitaine et l’équipage ne devaient pas commettre de fautes, ni de simples négligences, ces

derniers devaient être le plus prudent que possible.

Pour le législateur du XIXème siècle, la baraterie était compris de façon extensive

puisqu’elle recouvrait l’ensemble des actes du capitaine et des gens de l’équipages qui était

préjudiciable à l’assuré. Ainsi, la baraterie pouvait consister aussi bien en une fraude du capitaine

qu’à une simple faute légère d’un des membres de l’équipage. En effet, J.V Cauvet avait établit que

les assurances maritimes contrairement aux assurances terrestres n’avaient pas distingué les fautes

volontaires des fautes involontaires . De ce fait, peu importait si la faute ou fraude émanait d’un 106

acte passif ou actif du capitaine puisque la baraterie entendait recouvrir tout cela. Cependant, petit à

petit, la doctrine reconnaissait que les assureurs garantissaient toutes les fautes très légères et cela 107

même si il n’avait pas été souscrit de clause de baraterie . Nous pouvons penser que cette doctrine 108

commençait à dégager le principe d’une assurance pour faute. La doctrine présentait déjà

l’évolution de l’assurance, puisqu’à l’époque, il était pressenti qu’il fallait envisager le risque de

faute des préposés du propriétaire du navire. Cependant, l’article 353 du Code de commerce fut vite

L’article 353 disposait que: « L’assureur n’est point tenu tenu des prévarications et fautes du capitaine et 105

de l’équipage, connues sous le nom de baraterie de patron, s’il n’y a de convention contraire ».

CAUVET (J.V), op.cit., p. 255106

Par fautes légères, nous parlons d’erreurs de manoeuvres, d’erreurs nautiques, de méprises de position ou 107

encore d’imprudences des membres de l’équipage.

COURCY (A.), op.cit., p. 1-75108

�48

dépassé, puisque en raison de la liberté contractuelle, les parties étaient tout à fait libre d’insérer une

clause de baraterie dans les polices d’assurances. Un projet de loi de 1867 voulait venir modifier cet

article 353 du Code de commerce afin de reconnaitre la baraterie du patron de plein droit à la charge

des assureurs parce que la pratique des assurances montrait que les polices d’assurances couvraient

la baraterie, mais celui-ci n’aboutira jamais.

Ainsi dans le cadre d’un naufrage, il ressortait des assurances maritimes, que soit le naufrage

provenait d’une faute volontaire ou involontaire, ou résultant d’une négligence de l’équipage et les

assureurs n’en étaient pas tenus. Soit, le naufrage émanait d’un cas fortuit ou de la force majeure et

les assureurs en étaient tenus. Dans ces conditions, le naufrage était considérait en droit des

assurances comme la perte totale d’un navire par fortune de mer, c’est-à-dire par un fait de force

majeure, étranger à toutes fautes commises par le capitaine et l’équipage . A contrario, les pertes 109

de navires occasionnées par un acte volontaire ou involontaire ou par négligence, étaient une

baraterie non couverte de plein droit par les assureurs. Néanmoins, la pratique a montré que le plus

souvent était inclue dans le contrat d’assurance une clause de baraterie. En effet, la pratique

contractuelle permettait aux parties de supplanter le droit commun.

B- L’utilisation manifeste de clauses par les praticiens

De plus en plus, les praticiens sont venus supplanter la législation en utilisant des clauses

venant d’une part admettre la baraterie du patron et venant d’autre part restreindre la baraterie en

raison du développement des assurances et de l’augmentation des fraudes. Ici encore, le Code n’a

pas su anticiper les évolution du droit des assurance mais surtout il n’a pas su apprendre la nouvelle

mentalité commerciale, avec cette grande évolution de la pratique contractuelle. C’est alors la

jurisprudence qui est venue entériner cette évolution contractuelle.

Dans un premier temps, il semblerait que la plupart des assureurs incluaient la baraterie

dans leurs polices d’assurances, même si certaines compagnies d’assurances cherchaient à ne plus

courir systématiquement la baraterie pour tous les assurés. Certains compagnies voulaient en effet

ne plus couvrir la baraterie et en particulier la baraterie du patron tant cette dernière était devenue

un terme trop générique a qui on avait donnait un sens trop extensive.

RÉHAULT, (A.-E.), op.cit., Tome 1, p. 193109

�49

Pour la pratique, le sens extensif de la baraterie donné par le Code de commerce donnait lieu à de

trop nombreux procès. Le Code de commerce était alors dépassé, puisqu’il n’a pas su envisagé

plusieurs choses à savoir: le sens trop extensif qu’il a donné à la baraterie mais aussi le fait qu’il

n’est pas couvert de droit le risque de baraterie alors même que la pratique le faisait. Ainsi, durant la

seconde moitié du XIXème siècle, plusieurs assureurs sont venus limiter le sens de la baraterie du

patron en y exclut la fraude et le dol du capitaine . 110

En conformité avec cette évolution de la pratique contractuelle, les juges ont restreint 111

notamment la baraterie du patron, le but étant de responsabiliser le propriétaire du navire en faisant

le choix d’un bon capitaine mais également de responsabiliser le capitaine à agir comme un bon

capitaine. En revanche, les juges rappelaient régulièrement que la baraterie de l’équipage pour dol

ou pour fraude restait couverte par les assureurs, puisque les actes des équipages restaient compris

dans la baraterie. Les juges voulaient donc restreindre le sens de la baraterie uniquement pour la

fraude et le dol du capitaine choisi par l’armateur le but étant d’éviter tous les risques de fraude à

l’assurance.

Par exemple les polices d’assurance sur corps de Bordeaux excluait de la baraterie du patron, la fraude ou 110

le dol du capitaine, préposé de l’assuré-armateur, lorsqu’il était choisi pour lui. En effet, à l’époque, une nouvelle forme d’escroquerie faisait son apparition et qui consistait à assurer des marchandises et à faire naufrage volontairement un navire.

Exemple: décision de la Cour Impériale de Bordeaux du 18 novembre 1867111

�50

§ 2- Une législation insuffisante en matière de règlement du naufrage.

La législation du règlement du naufrage était insuffisante au regard des évolutions que

connaissait le XIXème siècle. En effet, le Code de commerce était assez imprécis sur l’institution

du délaissement qui permettait de liquider le naufrage. Le Code de 1807 était assez concis en la

matière puisqu’il admettait seulement que le naufrage était un cas légal d’ouverture au délaissement

sans jamais préciser en quoi consister juridiquement un naufrage au regard de l’action en

délaissement. En revanche, petit à petit, les assureurs ont su créer un nouveau système de règlement

du naufrage mais non sans difficultés.

Ainsi, dans un premier temps, nous étudierons le système obsolète de la perte légale

irréfragable pour le règlement du naufrage par le délaissement (A), puis nous verrons dans un

second temps comment la pratique des assurances a crée un nouveau système de règlement du

naufrage beaucoup plus précis (B).

A- Le système obsolète de la perte légale irréfragable pour le règlement du naufrage par le

délaissement

Le délaissement était une institution aux origines anciennes à caractère exceptionnel et 112 113

qui n’existait que dans l’assurance maritime. Il s’agissait d’une institution originale par laquelle

l’assuré recevait l’intégralité de la somme assurée en abandonnant à l’assureur la propriété de la

chose assurée. Le délaissement est apparu pour la première fois dans le Guidon de la mer au XV ème

siècle qui indiquait que le délaissement impliquait un transfert de propriété. L’ordonnance de la

Marine a alors reproduit le chapitre 7 du Guidon de la mer et à son tour le Code de commerce a

copié l’ordonnance. Le Code de commerce distinguait sept cas de délaissement dont le naufrage en

tant que sinistre majeur. Le naufrage était un sinistre majeur qui n’était pas réglé par l’action en

avarie puisqu’en effet, en tant que sinistre majeur, il donnait lieu à l’ouverture d’une action en

délaissement. Le délaissement consistait alors « à obtenir le paiement de toute la somme assurée,

Le délaissement ne doit pas être confondu avec l’abandon qui revêt un autre sens c’est-à-dire l’abandon 112

du navire aux créanciers.

RODIÈRE (R.) et DU PONTAVICE (E.), op.cit., p. 576113

�51

moyennant l’abandon par l’assuré de tous ses droit sur la chose assurée » . Le délaissement était 114

alors une action translative de propriété et revêtait la forme d’in usage purement maritime.

En outre, le délaissement était basé sur le principe de la perte légale. C’est la raison pour

laquelle le naufrage en tant que sinistre majeur ouvrait à l’assuré l’action en délaissement et cela

indépendamment de l’étendu des pertes et des dommages matériels. Dans ces conditions, l’assuré

avait donc la possibilité d’accepter un délaissement afin de recouvrer la somme intégrale assurée.

Dans le Code de commerce le naufrage était alors un cas légal d’ouverture du droit au délaissement.

Mais surtout, le naufrage était un cas de présomption légale irréfragable de perte totale du navire. 115

En effet, le naufrage était expressément énuméré par le Code de 1807. L’article 369 du Code de

commerce établissait une distinction entre d’une part la nomination des évènements de mer dont le

naufrage et d’autre part la perte matériel des trois quarts des objets assurés. Pour J.V. Cauvet , le 116

Code de commerce envisageait deux pertes entières qui permettaient d’ouvrir l’action en

délaissement: l’une légale et l’autre réelle provenant des pertes matérielles. Le naufrage en tant que

sinistre majeur était présumé constituer perte légale. Le législateur de 1807 considérait également

que du naufrage émanait la perte entière des effets assurés alors même que des marchandises

avaient pû être sauvées ultérieurement au délaissement. Pour Valin , il était sûr que le naufrage 117

constituait une perte présumée. Pour Caumont , le naufrage était « une cause légitime de 118

délaissement, bin qu’il puisse arriver que la perte soit totale ou presque totale ». Le principe était

simple: en cas de naufrage, l’assuré avait le droit à l’ouverture légale à l’action en délaissement. En

outre, le naufrage qui devait être prouvé par l’assuré représentait une présomption de perte totale du

navire avec son chargement sans qu’il soit possible pour l’assureur d’apporter aucune preuve

contraire de la perte entière. Autrement dit, les sauvetages ultérieures au délaissement ne

changeaient rien sur le droit au délaissement de l’assuré. Ainsi, l’article 381 du Code de commerce

disposait que le sauvetage ultérieure des objets assurés ne bloquait pas le délaissement. Ainsi,

VALROGER (de.L), Commentaire théorique et pratique du livre II du Code de commerce, (…) Tome 4, p. 114

162

La présomption légale est une présomption établie par la loi; cette présomption est irréfragable lorsque la 115

présomption légale ne peut être combattue par aucune preuve (CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, 2009, p. 712

CAUVET (J.V.), Traité des assurances comprenant la matière des assurances, du contrat à la grosse et 116

des avaries (…) Tome 2, p. 21

VALIN (R.-J.), op.cit., Tome 2, p. 99117

CAUMONT (A.), Dictionnaire universel de droit maritime, (…), p. 357118

�52

clairement, le législateur n’entendait pas s’opposait au délaissement en cas de naufrage et cela

malgré les sauvetages qui avaient pû avoir lieu ultérieurement. Surtout, plusieurs auteurs relevaient

à juste titre que l’article 369 du Code de commerce ne distinguait pas le navire et les marchandises.

Ainsi, il n’était pas exigeait que les objets mis en risque aient soufferts, il fallait seulement un

naufrage et peu importait les dégâts matériels. Pardessus disait d’ailleurs que « le délaissement 119

des facultés peut avoir lieu pour cause de naufrage, malgré le sauvetage de tout ou partie des choses

assurées ».

Sous jacent au délaissement, se posait le problème de la qualification du naufrage puisque

de la qualification de l’évènement de mer en naufrage dépendait l’ouverture de l’action en

délaissement. Cette qualification du naufrage était une question purement de fait laissée à

l’appréciation des juges. Finalement, il apparaissait que le Code de commerce laissait une très

grande liberté d’interprétation au juge puisque de ce dernier il dépendait de la qualification de

l’évènement de mer en naufrage et donc de l’ouverture ou non de l’action en délaissement.

Finalement, le juge devait répondre à la question suivante est que l’évènement de mer était

juridiquement un naufrage ou non. En outre, le naufrage était considéré par les juges du fond

comme un acte consommé et le sauvetage ultérieure du navire et des marchandises ne constituait

pas une fin de non recevoir à l’action en délaissement. Cette analyse du naufrage fut entérinait par

la Chambre des requêtes en 1850. Ripert rajoutait que « le délaissement est possible, malgré le 120

sauvetage parce que le droit a été acquis à l’assuré après le sauvetage ».

La présomption légale de perte totale de navire en cas de naufrage s’expliquait avant tout

qu’à l’époque, le législateur souhaitait avant tout régler rapidement le naufrage grâce à l’action en

délaissement d’où cette présomption légale irréfragable de perte totale de navire en cas de naufrage.

Le soucis premier du législateur était d’éviter les litiges mais surtout de gagner en rapidité dans le

règlement des sinistres majeurs. En effet, la présomption de perte totale permettait en premier lieu

d’éviter des liquidations trop longues du naufrage. Le législateur permettait en outre aux

propriétaires des navires et marchandises de réinvestir la somme assurée dans une autre expédition

maritime sans attendre durant des années que le règlement du naufrage soit effectué. Ce appétence

de célérité du règlement du naufrage répondait au monde commercial et maritime. C’est la raison

PARDESSUS (J.M.), Cours de droit commercial, (…) Tome 3, p. 367119

RIPERT (G.), op.cit., Tome 3, p. 779120

�53

pour laquelle, le Code de commerce ne soumettait pas le naufrage à une évaluation des pertes

réelles de la valeur assurée . 121

En outre, le Code de 1807 semblait vouloir assurer une certaine simplicité du règlement du

naufrage. En effet, les échanges commerciaux et le monde du commerce avaient besoin de règles

simples afin d’assurer la rapidité des relations commerciales. Ainsi, nous pouvons penser que la

sécurité des relations commerciales pouvaient être menacée par des contentieux trop longs. Qui plus

est, le législateur mettait en avant la sécurité de la navigation qui exigeait un sauvetage efficace.

Pour la doctrine et la jurisprudence, la présomption légale irréfragable incitait voir encourageait le

capitaine et les assurés à oeuvrer efficacement au sauvetage des objets assurés. D’ailleurs pour

Ripert : « Le motif juridique cade des raisons pratiques plus sérieuses: d’une part, il ne faut pas 122

décourager l’assuré, qui ne travaillerait plus au sauvetage s’il perdait, en y travaillant, la faculté de

délaissement ». Enfin, pour la Cour de cassation , il ressortait de la combinaison des articles 369 123

et 381 que le sauvetage des marchandises ultérieur au délaissement ne créait pas une fin de non

recevoir.

Pour conclure, nous pouvons dire qu’en matière de délaissement, le naufrage était un cas de

présomption légale irréfragable de perte totale du navire même si des marchandises avait pû être

sauvées ultérieurement au délaissement. Autrement dit, la survenance d’un naufrage équivalant à la

possibilité d’ouvrir une action en délaissement. En outre, l’action en délaissement n’était pas

subordonnée à l’évaluation des pertes et dommages. Le principal argument à l’époque était que

l’action en délaissement basée sur cette présomption légale irréfragable permettait une certaine

sécurité juridique nécessaire au monde du commerce mais surtout cela était sensé permettre de

garantir la rapidité du règlement du naufrage. Cependant, au XIXème siècle les techniques de

sauvetages se sont améliorées et le naufrage n’entrainait plus automatiquement une perte totale de

navire. En outre, avec l’ère de la vapeur, les sauvetages en haute mer étaient devenus plus fréquent.

Mais surtout certains auteurs tel que Fleury interpelait sur l’injustice de cette présomption légale. 124

En effet, alors même que toutes les marchandises avaient pû être sauvé, l’assuré en cas de naufrage

pouvait ouvrir son droit au délaissement. L’assureur n’avait alors d’autre choix que de payer à

Le tribunal de Commerce de Nantes dans une décision du 11 août 1869 allait en ce sens. 121

RIPERT (G.), op.cit., Tome 3, p. 778122

Décision de la Cour de cassation du 20 janvier 1869123

FLEURY compléter p. 24124

�54

l’assuré l’intégralité de la somme assurée. Ainsi, les assureurs ont développé non sans difficulté un

autre système d’action en délaissement.

B- Un nouveau système élaboré par la pratique

Avant l’apparition des navires à vapeurs, les naufrages étaient très souvent des pertes

entières de l’expédition maritime mais surtout les sauvetages étaient rares. Au XIXème siècle, l’ère

des navires à vapeur et la multiplications des échanges commerciaux maritimes ont fait les

sauvetages étaient de plus en plus fréquent. Dans ce contexte nouveau du monde maritime, la

présomption légale irréfragable de perte totale de navire en cas de naufrage apparaissait inadéquate

avec la réalité. En effet, le développent des navires à vapeur permettait de remorquer d’autres

navires en haute mer. En outre, même si le nombre de naufrage restait élevé, les sauvetages étaient

de plus en plus nombreux. Le Code de commerce apparaissait alors de plus en plus obsolète en ce

qu’il n’avait pas su anticipé les changements du monde maritime. Ainsi, les assureurs ne voulaient

plus indemniser des naufrages qui n’étaient plus majeurs, c’est la raison pour laquelle ils dérogèrent

dans leur police d’assurance à la présomption légale dans la mesure que les règles du Code de

commerce n’étaient que supplétives. Pour une partie de la doctrine , il était clair que les règles du 125

Code de commerce en matière de délaissement étaient devenues désuètes.

La pratique va alors aboutir à un nouveau système de règlement du naufrage car le système

de la perte légale avait donné lieu à de nombreux litiges. En effet, pour certains auteurs les 126

assurés avaient plutôt intérêt à actionner le délaissement tant il était avantageux pour eux. En outre,

le délaissement permettait aux assurés d’éviter les clauses F.A.P mais permettait aussi aux 127

assurés de rejeter sur les assureurs les conséquences d’une opération commerciale désastreuse sous

prétexte d’un naufrage. Autrement dit, avec le système de la perte légale, le délaissement permettait

aux assurés de frauder aisément. Ainsi, le nouveau système de délaissement en matière de naufrage

Pour Fleury, il était indéniable qu’il y avait un profond décalage entre la législation sur le délaissement et 125

la réalité des naufrages.

Dont Fleury qui expliquait dans son ouvrage les cas dans lesquels l’assuré avait un intérêt pécuniaire à 126

préférer le délaissement p. 11

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., Tome I, p. 248127

�55

va consister pour les assureurs à adopter des clauses dérogatoires très précise c’est-à-dire moins

lacunaires que les règles du Code de 1807. La pratique est venue limiter contractuellement les

ouvertures de l’action en délaissement à la condition d’une perte réelle du navire et des facultés en

cas de naufrage.

A l’époque, le droit commercial était le plus souvent de nature supplétive et grâce au

principe de la liberté contractuelle, les parties au contrat d’assurance pouvaient déroger aux règles

légales contenues dans le livre II du Code de commerce relatif au droit maritime. Dans un premier

temps, pour pallier aux problèmes d’interprétation du Code de 1807, les assureurs sur corps optèrent

pour des termes très précis relatifs au résultat matériel du naufrage. Pour les assureurs, le naufrage

ne pouvait ouvrir l’action en délaissement seulement si l’on était en présence d’une destruction

irrémédiable, totale ou quasi-totale du navire. Nous verrons ultérieurement, que la jurisprudence

adoptera la même position . Dans un second temps, le assureurs sont venus limiter le délaissement 128

des facultés à la perte réelle. Les assureurs entendaient alors insérer dans les polices d’assurances

grâce à des clauses, le principe de la perte réelle des marchandises en exigeant une perte des trois

quarts des objets assurés. Cependant, pour les juges, les clauses étaient souvent trop imprécises.

Ainsi, au grès d’une jurisprudence aléatoire, les juges ont tantôt rejeté ces clauses puis parfois ils 129

ont accepté ces clauses de limitation à la perte réelle.

Finalement, nous entrevoyons ici les limites d’un droit maritime codifié. En effet, il

semblait difficile à l’époque de codifier un droit dont le but était de permettre au monde maritime

de bien fonctionner, le problème étant qu’il s’agissait d’un monde en perpétuelle mutation.

Précédemment, avons pû remarquer que le législateur de 1807 n’avait que très peu innové par

rapport à l’Ordonnance de la Marine de 1681. Nous avons également soulevé les nombreuses

imperfections que contiennent les articles du Code de commerce mais aussi nous avons relevé leurs

insuffisances. Ainsi, cela va nous conduire à présent à étudier comment les acteurs du droit ont

essayé de construire un régime juridique du naufrage, en marge de toute intervention législative.

Partie II- Chapitre 2- Section I- §2- B- Les usages contemporains des praticiens-assureurs. 128

Par exemple: Décision de la Cour de cassation du 22 juin 1826, décision de la Chambre des requêtes du 129

29 décembre 1840. �56

Partie II- Vers un perfectionnement du régime juridique du naufrage dès la seconde moitié du XIXème siècle

Dès la seconde moitié du XIXème siècle, le nombre de naufrages absolus diminuait compte

tenu de l’essor des techniques de remorquages et de sauvetages. Par conséquent, le règlement du

naufrage par les assureurs connaissait des évolutions en prenant en compte les transformation des

techniques du milieu maritime. Cette période a été également marqué par l’engouement

international qui s’est opéré autour des naufrages en mer et de leurs conséquences juridique. En

outre, alors qu’auparavant le souci premier était celui de régler et liquider le naufrage rapidement,

dès le début, de cette seconde période, l’objectif premier a été celui de prévenir le naufrage avant

toute chose. En effet, pour les acteurs du droit, il devenait plus important d’axer le régime juridique

du naufrage sur la prévention, le règlement et la liquidation du naufrage venant dans un second

temps. Le but de cette second moitié du XIXème siècle était alors de rendre la navigation en mer plus

sûre afin d’assurer le salut commercial de l’expédition maritime.

Ainsi, nous verrons dans un premier temps que les acteurs du droit ont adopté une vision

contemporaine du naufrage (Chapitre I), pour ensuite rendre compte de la résolution évoluée du

naufrage (Chapitre II).

Chapitre I- L’adoption d’une vision contemporaine du naufrage

Par crainte de fraudes, le législateur de 1807 avait préféré assimiler l’échouement volontaire

au naufrage. En effet, le législateur ne voulait pas instaurer trop de cas d’évènements de mer

susceptibles d’ouvrir un droit au règlement en avarie commune. A l’époque, on rapprochait

l’échouement volontaire du naufrage. Mais vers la seconde moitié du XIXème siècle, sous

l’influence des anglais, la doctrine et la jurisprudence françaises ont commencé à distinguer

l’échouement volontaire et le naufrage. Désormais, l’échouement volontaire était susceptible d’un

règlement en avarie commune. On admettait enfin que l’échouement volontaire effectué par le

capitaine d’un navire pouvait être un sacrifice utile effectué dans l’intérêt commune de l’expédition

maritime.

�57

En outre, on recherchait des critères plus précis de la notion naufrage, le but étant de

délimiter le naufrage afin de ne pas admettre des évènements de mer ne remplissant pas les critères

constitutifs spécifiques dans la catégorie des avaries particulières. La jurisprudence et la pratique

ont alors voulu alors délimiter la notion naufrage que ce soit en droit des avaries ou en droit des

assurances. Des décisions ont été apporté quant à l’assimilation du navire submergé à un naufrage.

Ces précisions ont été apporté mais car les naufrage de la seconde moitié du XIXème siècle n’étaient

pas les mêmes que ceux du début de ce siècle. En effet, on comptait de moins en moins de

naufrages absolus, c’est la raison pour laquelle la jurisprudence a du apporter des précisions sur la

notion de navire submergé afin de savoir quand est-ce qu’il fallait assimiler ce type d’évènement de

mer au naufrage.

Il y a eu également un nouvelle assimilation juridique d’un évènement de mer au naufrage.

Le but de cette nouvelle assimilation était sans doute commercial. En effet, la jurisprudence a

considéré que le navire abandonné par son équipage devait être assimilé juridiquement au naufrage.

En effet, on entendait à l’époque garantir le salut commercial de l’expédition. En assimilant le

navire abandonné au naufrage, cela permettait aux différents propriétaires des marchandises et à

l’armateur du navire de toucher la prime d’assurance afin de la réinvestir dans une autre expédition

commerciale. A cette fin, la jurisprudence a entendu régler rapidement la liquidation des

événements de mer tel que le navire abandonné en l’assimilant au naufrage étant donné que le

naufrage donnait lieu à une ouverture légale d’un droit au délaissement . 130

Nous allons voir dans un premier temps la distinction nouvelle entre l’échouement et le

naufrage (Section I) puis ensuite voir dans une seconde partie les critères modernes de la notion de

naufrage (Section II).

Section I- Une distinction nouvelle entre l’échouement et le naufrage

Dans un premier temps, le législateur ne voulait pas que le capitaine soit incité à la fraude en

inscrivant dans son rapport de mer qu’il avait effectué un échouement volontaire pour échapper à un

naufrage et ainsi pouvoir demander à un règlement en avarie commune. Cependant, la doctrine

anglais qui était favorable à l’échouement volontaire a inspiré la pratique et la jurisprudence

cf supra: Partie I- Chapitre II- Section II- §2- A- Le règlement du naufrage par le délaissement 130

�58

française. Mais surtout, les assureurs entendaient à tout prix éviter les pertes absolus de navires afin

d’assurer le salut commercial de l’expédition. C’est la raison pour laquelle, ils permirent aux

capitaines d’effectuer des échouements volontaires afin d’échapper à un sinistre de plus grande

envergure comme le naufrage. Enfin, au niveau international, les résolutions prises notamment par

l’Association pour la réforme et la codification du droit des gens et par les Règles d’York et

d’Anvers ont cherché à assurer un sain déploiement du commerce maritime.

Ainsi, en premier lieu, nous verrons que que la doctrine française fut convaincue par les

idées anglais à propos de l’échouement volontaire (§ 1), pour ensuite, voir en second lieu, que les

usages internationaux ont permis de favoriser la préconisation de l’échouement volontaire (§ 2).

�59

§ 1- Une doctrine convaincue par les idées anglaises

Avant de la seconde moitié du XIXème siècle , l’échouement volontaire était assimilé 131

juridiquement au naufrage. En effet, pour la doctrine traditionnelle, l’échouement volontaire était la

preuve que le navire était inévitablement perdu au même titre qu’un navire faisant naufrage. Ainsi,

la finalité première du législateur de l’époque était de prévenir avant le risque et il n’entendait pas

favoriser les échouements volontaires. Mais au milieu du XIXème siècle, les mentalités ont évoluées

et le but premier des acteurs du droit n’était plus d’éviter les fraudes en matière d’échouement

volontaire. Au contraire, ils entendaient favoriser le salut commercial de l’expédition. En outre, la

multiplications des renflouements montrait que les Hommes pouvaient faire face aux éléments

naturels. Mais aussi, la nouvelle résistance des navires grâce au renforcement des coques par l’ajout

de cuivre aux constructions en bois, permettait aux capitaines de pouvoir plus facilement faire

échouer un navire afin d’éviter le naufrage en vue d’un éventuel renflouement ultérieur. La doctrine

française influencée par les idées anglaises a alors accepté que les capitaines puissent procéder à des

échouements volontaires afin d’échapper à des périls plus grands tel que le naufrage.

Ainsi, dans un premier temps, nous allons voir qu’il s’agissait ici d’une vision libérale de

l’échouement volontaire qui était saluée (A), pour ensuite dans un second temps voir, que la

doctrine préconisait même la valorisation de l’échouement volontaire (B).

A- Une vision libérale saluée

Petit à petit, influencée par la doctrine anglais, la doctrine française distinguait l’échouement

volontaire du naufrage. Cette vision libérale était salutaire puisque déjà en 1790, Valin soutenait que

« si pour éviter une perte totale, le naufrage étant imminent, le capitaine prend parti de faire échouer

le navire, le dommage que le vaisseau aura souffert, et causé par-là, sera avarie commune » . On 132

acceptait alors liée qu’un péril mineur comme l’échouement volontaire puisse permettre d’échapper

à un péril plus grand comme le naufrage. Le but ultime de cette distinction nouvelle était alors

d’éviter de perdre le navire et ses marchandises avec toutes les conséquences que cela entrainait.

Cf supra: Chapitre I-Section II- § 1131

VALIN (J.-V.), op.cit., Tome 2, p. 586132

�60

Pour la doctrine, il était important de favoriser avant tout le salut commercial de l’expédition

en évitant grâce à l’échouement volontaire de perte totalement le navire à cause d’un naufrage.

Ainsi, une partie de la doctrine française était favorable à l’extension des cas d’ouverture des

avaries communes. La doctrine a distingué l’échouement volontaire du naufrage. Désormais,

l’échouement volontaire faisait parti de la catégorie des avaries commune et ouvrait un droit à

l’action en contribution des avaries. Plusieurs juristes français étaient enclins à admettre

l’échouement volontaire commune sacrifice utile à l’expédition maritime. En suivant les idées

anglaises, les auteurs français admettaient que l’échouement volontaire pouvait favoriser le salut

commercial de l’expédition en permettant d’éviter un naufrage. Ainsi, au regard du coût financier

d’une expédition maritime, pour une partie de la doctrine, l’échouement volontaire pouvait

permettre d’éviter un plus gros sinistre. C’est la raison pour laquelle, il ne fallait pas décourager les

marins de l’expédition maritime, en leur rejetant juridiquement ce moyen. Définitivement,

l’échouement permettait la préservation de la sécurité des relations commerciales entre les

différents protagonistes de l’expédition maritime.

Pour la doctrine anglaise , il était indéniable qu’il fallait inclure l’échouement volontaire 133

parmi les cas d’avaries communes. En cas d’échouement volontaire, il fallait avant tout vérifier le

but du sacrifice en se demandant si l’échouement volontaire effectué par le capitaine était vraiment

volontaire. Autrement dit, est-ce que le capitaine avait voulu réellement sauver le navire et sa

cargaison en effectuant un échouement volontaire. En définitif, le capitaine devait avoir eu le choix

d’opter pour un échouement. La doctrine anglaise du XIXème siècle insistait et transmettait alors aux

juristes français ses idées sur l’utilité de la distinction juridique entre l’échouement volontaire et le

naufrage. Ainsi, les auteurs français sont venus préconiser la valorisation de l’échouement

volontaire.

RÉHAULT (A.-E.), op.cit., Tome I, p. 107133

�61

B- La préconisation de la valorisation de l’échouement volontaire

Plusieurs auteurs pensaient en ce milieu de XIXème siècle, qu’aucune règles contenues dans

le Code de commerce ne prohibait l’échouement volontaire comme un cas d’ouverture en avarie

commune . Par exemple, Maurel insistait pour dire que « retournant l’article 423, que si 134

l’échouement ne sauve la cargaison, il n’y a lieu à contribution. Du moment que celle-ci a été

sauvée, l’avarie commune existe ». En effet, l’article 423 du Code de commerce concernait les

sacrifices de marchandises pour sauver le navire. Il était impossible de se prévaloir de cet article

pour rejeter la demande en contribution en cas échouement volontaire suivis d’une perte de navire,

puisqu’il agissait en cette hypothèse d’un sacrifice d’un navire pour sauver la marchandise.

Mais aussi un auteur soulignait l’importance de la prise en compte de l’intérêt commercial 135

commun aux différents protagonistes de l’expédition dans l’échouement volontaire. En effet,

l’auteur expliquait que lorsque le navire était perdu volontaire, cela était autant avantageux pour

l’armateur, que pour les propriétaires de la cargaison. En effet, la cargaison était sauvée donc les

propriétaires de marchandises pouvaient terminer leur opération commerciale mais encore

l’armateur avait certes perdu son navire en revanche, il recevait un fret proportionné à la distance

parcourue par le navire jusqu’au jour de sa perte. En définitif, à la fin du XIXème siècle, le principe

était le suivant: tout sacrifice ou acte effectué dans l’intérêt commun devait être gratifier en avarie

commune en vertu de l’équité universelle.

A une époque plus contemporaine, pour Ripert, il était certain qu’il fallait prendre en

considération la perte du navire, lorsque le capitaine avait vraiment voulu sauver la cargaison en

sacrifiant son vaisseau lors d’un échouement volontaire. L’auteur préconisait alors l’utilité de

l’échouement volontaire en insistant: « l’intérêt commun, c’est la réussite de l’expédition maritime.

Il ne s’agit pas de sauver tous les éléments unis dans le consortium d’intérêts; il suffit de faire un

acte utile à l’expédition, fût-ce au prix d’un sacrifice de toute la cargaison ou du navire » . C’est 136

ainsi, que pour conclure, nous pouvons affirmer qu’en cette fin de période étudiée, la perte du

REHAULT (A.-E.), ibid, p. 109134

GOVARE (P.), Des avaries communes en droit romain et en droit français, Thèse de droit (à compléter), 135

p. 117

RIPERT (G.), op.cit., Tome III, p. 228. 136

�62

navire n’était plus considéré comme une fin de non recevoir dans la demande en contribution en

avaries. En effet, pour la doctrine française, il fallait sans aucun doute distinguer juridiquement

l’échouement volontaire du naufrage: les capitaines ne devaient plus craindre de procéder à des

échouements volontaire et seul le naufrage devait rester un sinistre majeur de la navigation inclus

dans les cas d’avaries particulières . 137

Nous allons voir à présent qu’au niveau international, les usages des gens de mer ont eux

aussi tendu à préconiser l’échouement volontaire.

§ 2- L’adoption compliquée d’usages internationaux favorisant l’échouement volontaire

Le besoin d’usages internationaux se faisait de plus en plus sentir mais leurs adoptions a été

difficile en raison notamment de l’opposition du comité des Lloyd’s. En premier lieu, 11 résolutions

ont été établis lors d’une conférence mais elles ne furent pas adoptées (A). Par la suite lors d’une

conférence internationale à New York, les 11 résolutions furent reprises, et c’est ce que l’on a

appelé les Règles d’York et d’Anvers (B).

A- L’adoption imminente d’usages internationaux

L’association pour la réforme et la codification du droit des gens était la première

association anglaise qui était venue réglementer les conflits en matière de naufrage et en matière

d’avaries communes. Il s’agissait de la première association qui est intervenue. En 1860, cette

association s’est réunie lors d’un congrès à Glasgow, afin d’aborder onze problèmes juridiques qui

furent résolus selon la méthode anglais de la casuistique. Mais ces résolutions furent un échec en

raison de l’opposition du comité des Lloyd’s mais également du fait qu’elles ne furent adoptées par

aucun pays. Lors de la session d’York de 1864 et de celle d’Anvers de 1877, l’association adopté à

quelques modifications prêts ces résolutions venant régir les avaries communes. Ces résolutions

furent révisées en 1890 lors du Congrès de Liverpool. Ces résolutions n’étaient alors adoptées par

aucun Etat mais elles rêveraient une importance pratique puisque conformément au principe de la

Cf supra: Partie I- ChapitreI- Section I- §1137

�63

liberté contractuelle, les parties pouvaient stipuler par exemple que les avaries étaient réglées selon

les règles d’York et d’Anvers.

Ces résolutions issues des règles d’York et d’Anvers avaient pour finalité l’expansion du

commerce maritime. En effet, à la fin du XIXème siècle, il est apparu urgent de mettre en place des

usages au niveau international afin de ne pas entraver cette expansion du commerce maritime. Les

RYA sont alors des usages et des résolutions pris au niveau international. Et à la lecture de ces

résolutions, on constate qu’en accord avec la législation française, le naufrage était un cas fortuit

devant être supporté par chacun des propriétaires de l’expédition maritime.

Concernant l’échouement volontaire, ce dernier était distingué du naufrage. En effet, dès la

seconde moitié du XIXème siècle, il y a eu une prise de conscience internationale de l’importance de

l’intérêt économique découlant du salut de l’expédition commerciale. C’est la raison pour laquelle,

lors du congrès de de Liverpool de 1890, les RYA ont adopté la distinction entre l’échouement

volontaire et le naufrage avec la même idée que la législation française: le naufrage restait une perte

fatale de navire et donc un cas d’avarie particulière. En revanche, l’échouement volontaire était un

sacrifice effectué dans l’intérêt commun et donc un cas d’avarie commune. Ainsi, dans les usages

internationaux des RYA, le naufrage n’était pas un sacrifice et se distinguait alors de l’échouement

volontaire qui permettait d’éviter un sinistre encore plus important.

Avec les RYA l’idée de base était celle de créer un Code international afin qu’en matière

d’avarie commune, la législation soit la même dans tous les pays.

B- Les règles d’York et d’Anvers de 1877

Pour la période étudiée nous nous accordons pour nous pencher sur les RYA de 1877 et de

1890. Les RYA n’avait pas de fondement législatif, ainsi les différents protagonistes de l’expédition

devaient faire une convention expresse pour écarter le droit commun et dire expressément qu’ils

entendaient régler les éventuels conflits par les RYA . En France, il y a eu une certaine opposition 138

des armateurs a adopté ces nouveaux usages internationaux parce qu’ils ne voulaient pas perdre les

MAUREL (F.), Théorie générale des avaries communes, thèse droit, Paris, 1903, Chapitre XII- 138

Dérogations aux dispositions légales sur les avaries communes. �64

avantages qu’ils avaient grâce à la législation française. En revanche, la doctrine était plutôt

favorable à l’utilisation des RYA.

A propos de l’échouement volontaire, les Lloyd’s étaient d’accord dès la fin du XIXème siècle

d’inscrire l’échouement volontaire dans les résolutions des RYA. Ainsi, l’échouement volontaire

était un cas d’ouverture d’avaries communes. L’idée s’est alors largement propagée dans le milieu

maritime et notamment chez les assureurs français qui admettaient alors que les capitaines puissent

effectuer des échouements volontaires afin de contrer des sinistres plus importants.En définitif, en

matière d’échouement volontaire, l’objectif premier des RYA était de prévenir les pertes totale de

navire avec toutes les conséquences que cela pouvait engendrer. Les usages internationaux ont alors

permis d’unifier le droit des avaries au niveau international mais ils ont surtout permis de dessiner

les contours de la notion de naufrage. Désormais, que ce soit au niveau national ou international,

l’échouement volontaire n’était plus assimilé juridiquement au naufrage. En vertu de la règle V des

RYA, l’échouement volontaire était un cas susceptible d’être un cas d’avarie commune. Puis en

1890, les RYA ont terminé de parfaire le droit des avaries en entendant s’attacher seulement à savoir

si l’acte ou le sacrifice avait été effectué dans l’intérêt commun plutôt qu’à s’attacher au résultat.

Ainsi, contrairement à la législation française les RYA ne prévoyait pas la nécessité du salut

commun du navire et de la marchandise pour ouvrir l’action en contribution d’avaries communes.

En somme, l’acte ou le sacrifice ne devait être utile mais devait avoir été effectué dans l’intérêt

commun de l’expédition. A la fin du XIXème siècle, les armateurs et les assureurs français

adoptèrent les usages contenus dans les RYA. En somme, les RYA entendaient favoriser les

échouements volontaire qui devaient permettre au capitaine d’échapper à une perte fatale.

Cependant pour Ripert, il fallait se montrer prudent dans l’admission des échouements volontaire:

« On ne doit considérer l’échouement volontaire que celui où la volonté du capitaine joue un rôle

prépondérant. Si l’échouement est fatal et si le capitaine se borne à subir dans les meilleurs

conditions possibles, l’avarie est particulière. Plus récemment, Rodière et Du Pontavice classaient

l’échouement volontaire dans les avaries communes mais ils rappelaient aussi qu’il y avait une

certaine défiance à bonifier en avarie commune cette sorte d’avarie du navire. Pour ces auteurs, il

fallait que « la nature de l’acte démontre que la sacrifice a été volontaire pour reconnaitre l’avarie

commune » 139

RODIÈRE (R.) et DU PONTAVICE (E.), op.cit., p. 484139

�65

Nous avons vu précédent que tout au long du XIXème siècle, le naufrage avait été interprété

de manière plus ou moins extensive. Et, il en ressortait que les dommages issus du naufrage étaient

des avaries particulières réglementées par l’adage « chacun sauve qui peut ». Au terme des RYA, en

cas de naufrage du navire, chacun des propriétaires supportaient sa part de dommage. En outre, pour

le Code de commerce de 1807 et la jurisprudence, il fallait dans certains cas précis assimiler

l’échouement volontaire au naufrage. Il s’agissait du cas où l’échouement volontaire avait été

réellement décidé par le capitaine et lequel n’avait pas été fatal au navire. Ainsi, à la fin du XIXème

siècle, le naufrage prenait la forme d’un navire brisé ou coulé ou il était un sinistre fatal entraînant

la perte définitive du navire par bris ou submersion. Finalement, il était considérait que seule la

volonté divine pouvait remédier au naufrage.

En droit des assurances, la jurisprudence est venue consacrer de nouveaux critères modernes

du naufrage. En effet, les juges ont voulu combler les lacunes du Code de commerce en précisant la

notion de naufrage.

Section II- L’admission de critères modernes du naufrage en matière d’assurance maritime

La jurisprudence a permis un perfectionnement et un développent définitif du droit des

assurances maritime en dégageant des critères plus précis du naufrage. De plus, les assureurs de la

second moitié du XIXème siècle ont pris en considération les améliorations des techniques de

l’univers maritime afin de faire évoluer les règlements du naufrage. Indéniablement, le droit des

assurances maritimes avaient besoin de précisions autour de la notion de naufrage. Ces précisions

ont alors été apportées par la jurisprudence (§ 1). En revanche, la doctrine fut divisée quant à la

situation du navire abandonné (§ 2).

§ 1- Le nouvel apport jurisprudentiel

La jurisprudence a oeuvré en droit des assurances maritimes en apportant dans un premier temps

des précisions sur la notion de naufrage. En effet, pour la jurisprudence, le navire submergé n’était

pas un toujours synonyme d’un naufrage (A). Enfin dans un second temps, les juges ont assimilé un

évènement de mer comme l’abandon de navire au naufrage dans un but de toujours plus préciser et

circonscrire la notion de naufrage au sens du droit des assurances (B). �66

A- Quant au navire submergé

Les juges ont apporté de nouveaux apports jurisprudentiels afin de clarifier les limites notion

de naufrage. Traditionnellement, il était admis que le navire submergé était juridiquement assimilé à

un naufrage. A ce titre, le Code de commerce de 1807 établissait que le l’action en délaissement

pouvait être ouverte par l’assuré afin d’obtenir le paiement intégral de la somme assurée dès qu’un

naufrage ou un échouement avec bris étaient survenus. Le délaissement n’était alors pas soumis à

une perte totale du navire, autrement dit, cette action spécifique des assurances maritimes ne

nécessitait pas une perte totale du navire.

Cependant, la pratique se différenciait de la législation, puisque dès la seconde moitié du

XIXème siècle, les polices d’assurances avaient mis en place des actions en délaissement en matière

d’échouement avec bris qui étaient subordonnées à une condition d’une perte réelle des trois-quarts

de la valeur agréée. En revanche, pour le naufrage aucune condition de perte réelle n’était

déterminée. La pratique comme la législation admettait qu’en cas de naufrage, la perte du navire

était une perte légale irrémédiable ouvrant le droit à l’action en délaissement. Ainsi, les juges ont dû

préciser la notion de naufrage.

Par exemple, le tribunal de Nantes dansa sa décision de juillet 1856 considérait qu’un navire

resté pendant trois jours sous l’eau puis renfloué ne pouvait être assimilé à un naufrage . En 140

l’espèce, pour les juges, la submersion du navire Le Juste ne lui avait causé qu’un préjudice peu

impressionnant. Pour le tribunal de Nantes, la gravité du dommage effectif était en l’espèce pas

important et qu’il convenait dans ce cas de s’attacher au dommage et donc à son origine ou à sa

nature. Enfin, la Chambre des Requêtes sur la même affaire rappelait qu’il s’agissait en tout état de

cause d’une question de faits laissée à l’appréciation des juges de fond. En somme, selon les

circonstances de faits, le navire submergé puis renfloué ne pouvait être juridiquement assimilé à un

naufrage. Les contours de la notion de naufrage se dessinait alors. Le naufrage en tant que fait

juridique laissé à l’appréciation des juges du fond devait avoir provoqué la perte du navire. Le

naufrage était avant tout un sinistre majeur frappant le navire dans ses parties essentielles. En droit

des assurances maritimes, les juges appréciaient des faits et devaient alors véritablement expliciter

la notion de naufrage. Cependant, en raison de l’appréciation des faits, les solutions juridiques

Statuant sur la même affaire, la Cour impériale de Rennes et la Chambre des Requêtes en 1857 ont 140

considéré que le naufrage supposait un évènement grave et entrainant ou la submersion complète du navire ou le bris du nacre contre une côte ou tout le moins la destruction du navire.

�67

pouvaient diverger: parfois un navire submergé pouvait être assimilé à un naufrage tandis que

d’autres fois il ne l’était pas.

Pour Desjardins, il en allait de la sécurité juridique d’admettre deux solutions juridiques sur

un même problème. Pourtant pour la jurisprudence en raison de l’appréciation des faits, le navire

submergé n’était pas systématiquement assimilé au naufrage. Finalement, le naufrage était soit un

accident de mer par lequel le navire avait été brisé ou détruit soit le navire était submergé étant

entendu que le naufrage en tant que sinistre majeur de la navigation devait entrainer la perte totale

ou partielle du navire avec son chargement. Le naufrage en tant que péril de mer était alors à la

charge des assureurs.

En outre, afin d’explicite la notion de naufrage, la jurisprudence a entendu lui assimilé

d’autres évènements de mer. Notamment, la jurisprudence considérait comme le navire abandonné

par son équipage comme un naufrage.

B- Quant au navire abandonné

En droit des assurance maritimes, les juges assimilaient juridiquement au naufrage le navire

abandonné par son équipage. Il s’agit alors d’une assimilation juridique moderne puis qu’au début

du XIXème siècle, la jurisprudence tendait à distinguer le navire abandonné du naufrage. Ainsi, les

juges ont entendu établir une véritable extension juridique de la notion de naufrage puisque pour la

jurisprudence, le navire abandonné par son équipage était à assimiler à un naufrage même si

ultérieurement le navire avait pû être conduit dans un port. Dans une décision de 1837, la Cour de

Bordeaux considérait « qu’un navire qui démâté, poussé par la tempête, ne pouvait recevoir aucune

direction, coulant bas par l’invasion de l’eau de la mer, a été abandonné par l’équipage au moment

où l’on supposait qu’il allait sombrer; et cela encore bien qu’il ait été plus tard retrouvé flottant et

ramené dans le port » était un naufrage. Pour, les juges, l’abandon du navire était à assimiler au

naufrage car le navire était de toutes manières destiné à être perdu. Par la suite, la Chambre des

requêtes a entériné cette jurisprudence . 141

Décision du 29 décembre 1840. 141

�68

Cependant, la jurisprudence a entendu également établir des critères constitutifs du navire

abandonné par son équipage. En effet, pour le Tribunal de Bordeaux , le navire abandonné se 142

distinguait du naufrage puis dans le cas d’espèce, l’équipage avait « quitté » le navire dans le seul

but d’effectuer un renflouement .Pour les, l’abandon de navire en droit maritime devait être

synonyme d’une intention de non retour pour pouvoir être assimilé au naufrage.

En outre, l’article 241 du Code de commerce de 1807 instituait l’abandon du navire et

disposait expressément que « le capitaine ne peut abandonner son navire, pour quelque danger que

ce soit, sans l’avis des officiers et principaux de l’équipage ». En effet, pour Desjardins, l’abandon

du navire ne devait pas être issu de la panique des gens de mer . 143

En réalité, le naufrage pouvait provenir de l’abandon du navire seulement si cet abandon

avait été légitime. Ainsi, pour la jurisprudence, le naufrage était le cas d’un navire détruit par la mer.

En revanche, il n’était pas toujours exiger que le navire naufragé soit réduit à l’état de débris, c’est

la raison pour laquelle le navire abandonné légitimement par l’équipage était assimilé au navire

naufragé.

La doctrine était majoritaire pour dire que le navire abandonné légitimement

indépendamment d’un éventuel sauvetage ultérieur était un cas de naufrage légal. Cependant, une

partie de la doctrine n’était pas d’accord avec cette affirmation.

§ 2- Une doctrine partagée

Assurément la doctrine fut divisée quant à la question de savoir si il fallait véritablement

assimiler le navire abandonné par son équipage au naufrage. Pour la doctrine majoritaire, il était

incontestable, qu’il ne fallait plus distinguer du naufrage le navire abandonné légitimement par son

équipage (A). En revanche, pour la doctrine minoritaire, le navire abandonné ne devait pas être

assimilé juridiquement à un naufrage. Incontestablement, cette doctrine avait une approche

restrictive de la notion de naufrage (B).

Jugement du 3 avril 1848. 142

DESJARINS (A.), op.cit, Tome 7, p. 198143

�69

A- La doctrine majoritaire

Pour la doctrine majoritaire, le navire abandonné par son équipage ne devait plus être

distingué du naufrage. Pour ces auteurs , le navire abandonné légitimement est un naufrage légal 144

et cela indépendamment d’un sauvetage ultérieure. Pour ces auteurs, le navire abandonné doit être

assimilé à un naufrage car le navire devenait ingouvernable et donc voué à une perte proche. Le

naufrage était né de l’abandon régulier, ainsi ils ne prenaient pas encore compte si le navire avait pu

ou pas être ramené dans un port. Pour Courcy, le naufrage pouvait prendre la forme du navire

« qu’il faut abandonner parce qu’il a perdu toute sa mature » . Mais encore Droz disait que « le 145

navire qui s’engloutit, celui qui chavire et flotte la quille en l’air, celui qui est abandonné au milieu

des flots parce qu’il menace de sombrer et n’est plus gouvernable, sont des navires naufragés. Il se

peut qu’à la suite d’un naufrage le navire soit sauvé et échappe à la destruction ». Ainsi, pour ces

auteurs, le naufrage émanait de l’abandon du navire parce que ce dernier devenait ingouvernable et

donc perdu. De plus, peu importait que le navire abandonné est pu être sauvé et ramené au port,

pour la doctrine la navire abandonné légitiment était un navire naufragé.

A une époque plus contemporaine, Ripert confirmait encore que « on entend par naufrage, la

rupture du navire sous l’action des flots, mais l’on entend par là, la submersion totale du navire et

même le cas où abandonné par son équipage, flotte comme une épave errante » . 146

En revanche, pour une autre partie de la doctrine le navire abandonné ne pouvait être

assimilé juridiquement au naufrage.

Droz, Valroger ou encore Desjardins admettaient le navire abandonné comme un navire naufragé car il 144

était devenu ingouvernable et destiné à une perte imminente.

COURCY (A.), op.cit., p. 328145

RIPERT (G.), op.cit., Tome 3146

�70

B- La doctrine minoritaire

Pour la doctrine minoritaire, le naufrage était une perte effectue d’un navire par un bris ou

par submersion. Fleury écartait la jurisprudence et la doctrine majoritaire. Pour cet auteur, le 147

navire abandonné légitimement puis ramené au port par un autre navire ne pouvait être un naufrage.

Il considérait que le naufrage était une submersion du navire dans les flots. Dès lors que le navire

flottait, pour l’auteur, il ne s’agissait pas d’un navire naufragé. En outre pour Lyon-Caen et

Renault , le naufrage était le cas du naufrage absolu par lequel le navire est complètement détruit. 148

Nous avons vu précédemment qu’au cours du XIXème siècle, la jurisprudence et la doctrine

se sont attachés à définir la notion de naufrage afin de suppléer les lacunes du législateur de 1807.

Les précisions apportés à la notion de naufrage, on permit dans certains cas de distinguer des

événements de mer du naufrage, tandis que dans d’autres cas, on assimilait des évènements de mer

comme l’abandon légitime de navire au naufrage. Après avoir tenter de définir la notion de naufrage

, nous allons voir comment la pratique, la doctrine et la jurisprudence se sont attelés à moderniser le

dénouement du naufrage.

FLEURY (?), Du délaissement en matière d’assurances maritimes en droit français, (…) p. 39147

Voir en général: LYON-CAEN (CH.) et REVALUT (L.), Manuel de droit commercial (?) 148

�71

Chapitre II- Une résolution évoluée du naufrage

La fin du XIXème siècle était une période de développement de la pensée juridique et d’un

certain foisonnement d’idée. Les domaines du droit des assurances, du droit pénal, du droit civil ou

encore du droit international étaient directement touchés par les répercussions du nombre constant

de naufrage. En outre, l’essor du droit maritime était certain en cette fin de siècle. Cet essor

considérable a fait que différents domaines du droit tendaient tous à converger vers une

amélioration du droit maritime. Il y a eu un intérêt juridique certain à l’égard des accidents de la

navigation tel que le naufrage. De plus, le développement du droit des assurance a eu des

conséquences directes sur le développement de la navigation.

En outre, la progression de la navigation à vapeur et et la conclusions d’accords

internationaux favorisant la sécurité en mer avait conduit le législateur à encadrer la navigation en

mer mais à surtout responsabiliser le capitaine du navire grâce à la pénalisation du droit maritime.

Ainsi, dans un premier temps, le législateur a été tenté d’adopter un régime répressif du

naufrage. Autrement dit, il a voulu responsabiliser le capitaine et son équipage. Le but était qu’ils

deviennent le plus prudents et vigilants que possible. Ensuite, il y a eu un véritable essor des

assurances car on n’admettait plus de pas pouvoir trouver de réparation à la survenance des

dommages issus du naufrage. On considérait alors l’assurance maritime comme un véritable remède

au naufrage. Et enfin dans un second temps, on admettait enfin qu’il fallait mettre en place une

véritable prévention du naufrage. Ainsi, les juristes se sont penchés sur la théorie juridique de

l’obligation de secours et d’assistance. En outre, le droit maritime semblait enfin revêtir son

particularisme afin de tendre vers une véritable autonomie par rapport au droit commercial.

Dans un premier temps, nous allons voir que le naufrage a connu un nouveau régime

juridique (Section I), pour ensuite voir dans une seconde partie que les nouvelles préoccupations du

droit maritime ont tendu vers la prévention du naufrage (Section II).

�72

Section I- Vers un régime juridique nouveau du naufrage

La fin du XIXème siècle est marqué par une amélioration notable du droit maritime grâce au

développement de différent domaines du droit comme le droit pénal. Cette matière qui auparavant

ne s’intéressait pas ou que très peu au régime juridique du naufrage est venue apportée des

innovations afin de réglementer les situations de naufrages.

En outre, on pouvait constater à cette époque un important essor du droit des assurances. En

effet, nous avons pu remarquer dans nos précédemment développement que le mécanisme des

assurances trouvait sa source dans le milieu maritime. Ce développement du droit des assurances

était la conséquence directe de l’essor de la navigation et du commerce maritime. En effet

l’assurance maritime était devenu un véritable remède au naufrage.

Dans un premier temps, nous mettrons en exergue l’éventualité d’une législation répressive

du naufrage (§ 1), pour ensuite étudier dans une seconde partie, l’essor des assurances (§ 2).

§ 1- L’éventualité d’une législation répressive du naufrage

La loi du 10 mars 1891 sur les accidents et collisions en mer est la première loi pénale qui

est venue s’intéressé au droit maritime et plus spécifiquement au droit du naufrage. En effet, avant

cette loi, le droit pénal était complètement étranger au droit maritime puisqu’il n’existait aucune

faute nautique (A). Ainsi, ce n’est véritablement qu’à la fin du XIXème siècle, que la faute nautique

a été mise en avant (B).

�73

A- L’absence de faute nautique avant la loi du 10 mars 1891 sur les accidents de mer

La faute nautique était le manquement à l’obligation de sécurité . Si aujourd’hui cette faute 149

nautique fait partie intégrante du droit pénal maritime, au début du XIXème siècle, elle était ignoré en

tant qu’infraction pénale. Il existait bien des cas de responsabilités pénales comme par exemple

celle du capitaine en cas de baraterie ou encore lorsque le capitaine quittait le navire en laissant son

équipage lors d’un péril de mer imminent. A part ces quelques cas de responsabilité pénal, le droit

pénal n’établissait aucune faute nautique.

En outre, la loi du 10 avril 1825 pour la sureté de la navigation et du commerce maritime

avait introduits quelques articles relatifs aux crimes de piraterie et de baraterie . Il s’agissait des 150

seuls cas où la justice pénal s’intéressait au droit maritime au début du XIXème siècle. Ce début

d’intérêt du droit pénal au droit maritime prenait la forme de dispositions pénales sporadiques,

anecdotiques intéressant principalement les règles du régime des responsabilité pénal commun que

l’on entendant appliquer par transposition au droit maritime comme par exemple l’interdiction de

frauder les assurances ou encore l’interdiction de voler ou de porter atteinte à l’intégrité physique

d’une personne.

Le droit pénal commençait alors à porter un intérêt croissant au droit maritime et notamment

aux accidents en mer comme le naufrage. En revanche, il s’agit d’un intérêt très tardif puisque le

législateur n’est intervenu seulement qu’en 1891.

Cependant avant la loi du 10 mars 1891, il y avait désintérêt total du droit pénal pour le droit

maritime. C’est véritablement de la loi du 10 mars 1891 sur les accidents et collisions en mer qu’a

émergé un droit pénal spécifique au droit maritime et par extension au naufrage.

Faute qui aujourd’hui prend la forme d’une obligation de résultat. 149

Baraterie: malversation, sorte de fraude commise par le capitaine, maitre ou patron d’un navire, ou par 150

l’équipage, au préjudice soit des armateurs, soit des assureurs, et qui consiste le plus souvent à faire essuyer au bâtiment un naufrage volontaire ou à supposer des avaries communes.

�74

B- La reconnaissance de la faute nautique en cas de naufrage

La faute nautique fut reconnue par la loi pénale du 10 mars 1891 sur les accidents de mer.

En vertu de l’article 3 de cette loi: « Tout homme de l’équipage qui se rend coupable d’un défaut de

vigilance ou de tout autre manquement aux obligation de son service, suivi d’un abordage ou d’un

naufrage est puni d’une amande ».

L’idée était alors de prévenir le naufrage par une pénalisation du droit maritime. Cette loi

signée par le président Sadi Carnot dite la loi sur les accidents et collision en mer était la première

loi à pénaliser le droit maritime et donc à pénaliser le régime juridique du naufrage. Le législateur

entendait par cette loi sanctionner pénalement la faute nautique afin d’assurer l’effectivité des règles

prévenant les naufrages.

Cette loi instituait alors de nouveaux délits et ériger en délit pénal l’inobservation des

règlements de navigation visant à prévenir les naufrage. En outre, en cas de naufrage, les blessures

ou les morts en découlant étaient des circonstances aggravantes qui venaient durcir les sanctions

prises à l’encontre du capitaine qui avait commis une faute nautique.

Ainsi, cette première loi pénal a constitué les premières empreintes du droit pénal sur le

droit maritime et sur le naufrage. D’ailleurs le législateur continuera de produire des efforts afin de

déployer un régime répressif du naufrage et donc encadrer pénalement la navigation maritime. Ces

nouvelles règles de la navigation étaient instituées pour prévenu les naufrage et le législateur a

entendu leur donner une véritable effectivité en venant pénalement sanctionner l’inobservation de

ces règles.

On constate également un véritable essor des assurances maritimes qui se sont développées

en marge du développement du commerce maritime.

�75

§ 2- Le choix certain d’une prévention curative du naufrage

Il est certain que le premier remède au naufrage était un remède curatif soit la conclusion

d’un contrat d’assurance venant garantir le risque de perte totale du navire avec sa marchandises. A

ce titre, le XIXème siècle a connu un véritable essor des assurances maritime (A). Enfin, les

assureurs ont adopté de nouveaux usages afin de répondre à cet essor de l’assurance (B).

A- L’essor des assurances maritimes

Valin parlait de l’assurance en disant « elle est si favorable que sans son secours le

commerce par mer ne saurait se soutenir » . L’assurance maritime a permis le développement 151 152

du commerce maritime en garantissant le salut commercial de l’expédition et à l’inverse le

commerce maritime a permis le développement grandissant de l’assurance.

Même si le contrat d’assurance n’était pas un acte de commerce de mer pour autant il a eu

une très grande importance au cours du XIXème siècle. En effet, sans le contrat d’assurance, le

développement du commerce maritime n’aurait pas pû se faire. Il est indéniable que sans les polices

d’assurances, sans doutes les marchands auraient hésité à exposer leurs capitaux en faisant

transporter des marchandises par la mer s’ils n’avaient pu se mettre à l’abri des risques de naufrage

notamment.

A contrario, le développement du commerce maritime a de facto permis l’essor des

assurances maritimes. En effet, l’assurance n’était pas seulement avantageuse profitable pour les

assurés, elle l’était également pour les assureurs qui touchaient alors des primes d’assurances.

On a vu précédemment qu’historiquement l’assurance avait trouvé sa source dans le

commerce maritime. Pourtant au XIXème siècle, elle sera étendue à d’autres domaines notamment au

droit civil. Par ailleurs l’extension du contrat assurance à d’autres domaines s’était faite par la

pratique puisque le Code de 1807 n’avait seulement proposé que l’assurance maritime.

VALIN, op.cit., p. 26151

L’assurance maritime est le nom donné aux assurances lorsqu’elles ont pour objet les risques de mer. 152

�76

Pour Albert Chaufton , l’assurance permettait de compenser « des effets du hasard qui 153

détruisent ou diminuent le patrimoine de l’homme par une répartitions des fonds destinés à couvrir

la perte que le hasard a causée ». Il convient ici de ne pas s’éterniser sur le mécanisme du droit des

assurance puisque nous l’avons déjà fait dans une précédente partie. Cependant, il convient de

rappeler que cette matière était réglementée par les articles 332 à 397 du Code de commerce. Ces

articles reprenaient en grande partie les dispositions de l’Ordonnance de la Marine de 1681. De

nombreux reproches furent adressés à l’encontre de ces dispositions du Code de 1807. Ainsi, une

réforme du droit des assurances qui a pris forme par la loi du 12 aout 1885, a permis de supprimer

les dispositions les plus critiquées même si depuis bien longtemps la pratique avait supplanté la

législation.

L’essor de l’assurance maritime a été notamment déclencher dans le mouvement général. En

effet au début du XIXème siècle, l’assureur était le plus souvent un marin enrichis qui s’entourait de

banquiers ou de négociants qui devenaient associés et ils formaient ainsi une réunion . Au cours 154

du XIXème siècles ces organisations rudimentaires ont cohabité avec les grandes compagnies

anonymes pour ensuite finalement laisser leur place à ces grandes sociétés. Cependant en province

comme par exemple à Bx en 1850, les assureurs particuliers étaient encore préférés aux compagnies

anonymes d’assurances. Mais en 1880, il n’existait plus qu’un seul assureur particulier qui prenait

place à Rouen. Les assureurs particuliers se sont en effet adaptés aux évolutions du monde des

affaires en adoptant des formes sociétales particulière comme la société anonyme ou la société en

commandite. Ainsi, en 1818 fut créée la compagnie d’assurances générales . A partir de cette date 155

et cela tout au long du XIXème siècle, l’industrie des assurances prospérait et réalisait des progrès

considérables que ce soit en termes de revenus ou en termes de nombres d’assureurs.

En revanche, à partir de 1870 et ce jusqu’en 1874, une grande dépression fut perdre aux

assureurs énormément d’argent . Pour contrer cette crise, les assureurs s’accordèrent pour relever 156

les tarifs. Cependant, cet accord ne dura pas et les pertes ne cessèrent d’augmenter. Les causes de la

CHAUFTON (A.), Les assurances, leur passé, leur présent, leur avenir, études théoriques et pratiques, 153

Paris, 1884, Tome I, p. 4

DOUGADOS (R.), La construction du régime juridique de l’abordage maritime au XIXème siècle, 154

Mémoire histoire du droit, Bordeaux, 2015, p. 134

SZRAMKIEWICZ (R.) et DESCAMPS (O.), op.cit., p. 314155

CHARLIAT (P.), Trois siècles d’économie maritime française, Paris, 1931, p. 133156

�77

crise étaient multiples. En premier lieu, il semblait qu’il avait trop d’assureur sur le marché et par

conséquent la concurrence était rude. Le problème était que la concurrence avait eu pour effet

d’abaisser exagérément les primes et donc cela avait eu pour conséquence de diminuer les

ressources des assureurs. En outre, il s’agissait d’une période où certains capitaines de navire

dégradaient volontairement leurs navires afin de toucher les primes d’assurance, ce qui avait eu

pour effet d’accentuer le krash des compagnies d’assurance. Mais, en 1884, les assureurs semblaient

être sortis de la crise . 157

A la fin du XIXème siècle, il était flagrant de constater que la plupart des ouvrages consacrés

au naufrage s’intéressaient surtout au droit des assurances. En effet, cela apparaissait évident dans la

mesure que le risque de naufrage était encore très élevé. En conclusion, les assurances culminaient

toute la vie maritime. Et en cas de naufrage, ce n’était pas l’armateur qui plaidait pour faire

reconnaitre la faute de l’autre partie puisqu’il s’agissait du rôle de l’assureur. En effet, l’armateur

ayant déjà était indemnisé, c’était l’assureur qui faisait valoir les droits de son assuré afin de

récupérer tout ou partie de l’indemnité qu’il avait versée . Ca serait alors pour cette raison que les 158

ouvrages de droit maritimes traitant du naufrage et de sa liquidation par le droit des assurance

entendaient avant tout s’adresser à des professionnels des assurances afin qu’ils puissent recevoir

des éclaircissements sur le régime alambiqué de la liquidation du naufrage. C’était là, une des

manifestations les plus audibles de l’essor des compagnies d’assurances maritimes.

Nous avons vu précédemment que l’essor des assurances maritimes avait été considérable

notamment grâce au développement du commerce maritime. A l’inverse, le développement du

commerce avait pû être favoriser par les assurances car elle permettait de garantir les expéditions

maritimes contre le risque de naufrage. A présente, nous allons voir que les assureurs ont adopté de

nouveaux usages en marge de la législation afin de répondre au développement du commerce

maritime mais aussi afin de liquider rapidement le naufrage.

DESJARDINS (A.), Traité de droit commercial maritime, Paris, 1887,Tome VI, p. 29 157

DOUGADOS (R.), op.cit., p. 136158

�78

B- Les usages contemporains des praticiens-assureurs

A la fin du XIXème siècle, la pratique des assurances rejetait inéluctablement le système de

délaissement instauré par le Code de commerce. En 1873, lors d’un congrès réunis à Paris, les

assureurs créaient une police-type sur corps et une police-type sur facultés. Le but de ce congrès

était de supprimer les disparités de formes de contrats d’assurances entre les différentes compagnies

d’assurance. En outre, les assureurs souhaitaient supprimer le système délaissement issu du Code de

1807. En effet, précédemment, nous avons vu que le naufrage ouvrait un droit à l’action en

délaissement et cela sans condition de résultat du sinistre. En effet, la législation en vigueur à

l’époque avait instauré une présomption légale irréfragable de perte totale du navire en cas de

naufrage. Ainsi, lors du congrès, les assureurs ne voulaient plus s’attacher à la cause du sinistre

mais au résultat du sinistre et donc en l’espèce au résultat du naufrage. Après ce congrès, le

délaissement pour naufrage était admis seulement dans le cas de perte totale du navire pour

l’assurance sur le corps et était soumis à une perte réelle des trois-quart des marchandises ou à l’état

d’innavigabilité du navire pour l’assurance sur les facultés. A tout le moins, le naufrage ouvrait

l’action en délaissement seulement si il y avait une perte effective de navire ou une innavigabilité.

Quant aux facultés, il était exigé que la perte réelle soit au moins des trois-quarts. Pour Desjardins,

il était clair que « la police française sur faculté proscrit le délaissement en cas de naufrage » . 159

Finalement, avec le développement du sauvetage, les naufrages provoquaient plus rarement

la perte totale du navire si bien que la présomption du Code de commerce de la perte totale du

navire en cas de naufrage était de venus obsolète et pire elle fut préjudiciable aux assureurs qui

devenaient les nouveaux propriétaires des marchandises naufragés. Les assureurs ont alors

supplanté la législation en utilisant des clauses dérogatoires au Code de 1807 si bien que ce dernier

fut désuet.

En définitif, la pratique des assurances commandait à ce que le délaissement soit subordonné

aux pertes réelles du naufrage . Les assureurs ont alors su adopter des usages communs et 160

DESJARDINS (A), op.cit., Tome VII, p. 201159

RIPERTT (G.), op.cit., Tome III, p. 789160

�79

contemporains à leur époque en vertu du développement des techniques de sauvetage afin de

dépasser l’archaïsme du Code de commerce.

Section II- Vers de nouvelles préoccupations: la prévention du naufrage

A la fin du XIXème siècle, des théories juridiques nouvelles étaient proposées par des auteurs

qui entendaient résoudre les problèmes soulevés par le régime juridique du naufrage. En cette fin de

période étudiée, la vision du droit maritime était bouleversée avec notamment l’apparition d’une

nouvelle forme de responsabilité.

En outre, la physionomie du droit maritime n’était plus la même, alors que le particularisme

avait disparu au lendemain de la révolution française, le droit maritime semblait être en voie

d’acquérir son autonomie.

Dans un premier temps nous allons étudier les nouvelles idées novatrices en matière de

naufrage (§ 1), pour dans un second temps voir que le droit maritime a connu un retour au

particularisme (§ 2).

§ 1- Des idées novatrices en matière de naufrage

Des réformes relatives au droit maritime ont été faites afin de compléter les anciens principes.

Ainsi, la doctrine s’est penchée sur l’obligation de venir en aide aux personnes en danger en

introduisant une nouvelle conception de la responsabilité civile et pénale.

En outre, il y a eu une progression indéniable du sauvetage en mer en raison du

développement de navires plus performants et plus solide qui permettaient alors de remorquer

jusqu’en dans un port de refuge des navires en difficultés.

Dans une première partir, nous allons voir si il fallait à l’époque étendre l’obligation de

secours et d’assistance au naufrage (A), pour ensuite dans une deuxième partie, voir la fulgurante

progression du naufrage (B).

�80

A- L’opportunité de l’extension de l’obligation de secours et d’assistance au naufrage

La plus ancienne manifestation écrite de la volonté de venir en aide aux marins en péril

remonterait au XIIème siècle. Lors d’un séjour sur l’île d’Oléron, Aliéonor d’Aquitaine fut témoin

d’un usage barbare très ancien sur cette côte qui consistait, au lieu de porter secours aux marins en

détresse, à terminer le travail de la mer en tuant les naufragés rescapés et en récupérant toutes leurs

marchandises. C’est ainsi que la jeune Duchesse fit rédiger une sorte de code maritime connu sous

le nom des Rôles d’Oléron en 1152. Dès lors, les marins qui osaient mettre à mort des naufragés

étaient « mis en mer et plongés tant ils soient à demi-morts, et puis les retirer dehors et les lapider

ou les assommer comme on ferait les loups ou les chiens enragés ».

Durant l’Ancien Régime, le devoir d’assistance aux marins en péril n’était pas prévu par la

législation néanmoins l’Ordonnance de 1681 était venue poser des règles en matière de sauvetage.

Ainsi en vertu de l’article premier du titre IX, des Naufrages: « Déclarons que nous avons mis et

mettons sous notre protection et sauvegarde les vaisseaux, leur équipage et chargement qui auront

été jetés par la tempête sur les côtes de notre royaume ou qui autrement y auront échoué, et

généralement tout ce qui sera échappé du naufrage ». Ici déjà on constate qu’en cas de naufrage,

les pilleurs n’étaient pas seulement perçu comme des voleurs, les pilleurs commettaient alors un

crime de lèse-majesté ce qui était extrêmement grave à l’époque. Cependant le secours aux marins

en détresse n’était qu’un devoir moral.

Plus tard durant la seconde moitié du XIXème siècle, la santé de l’équipage semblait être une

préoccupation certaine en témoignent des ouvrages d’auteurs incitant à obliger la présence de

médecins à bord des navires de commerce. En outre une loi de 1861 imposait la présence d’un

barbier qui exerçait également la profession de chirurgien afin de soigner les marins de l’équipage

mais également afin de sélectionner les marins trop épuisés pour manoeuvrer . 161

Cependant, le code pénal, le code civil ou encore le code de commerce ne prévoyaient

aucune obligation d’assistance en cas de naufrage. D’ailleurs pour Courcy, l’assistance réciproque

des navigateurs était considérée comme «un devoir d’humanité et une sorte de loi du droit

LAUNNEY (A.-A.), Le médecin du bord, à l’usage de Messieurs les capitaines et officiers de la marine 161

marchande, Paris, 1864.

�81

naturel» . Ainsi, la seule sanction de cette loi pouvait être l’éventuel déshonneur du marin qui 162

manquerait à accomplir son devoir moral.

Néanmoins, sur les mers et les océans, les actes de courages étaient fréquents alors même

qu’aucune loi ne venait sanctionner le fait de laisser à son sort le marin en disgrâce.

En revanche, la société centrale de sauvetage des naufragés était première réglementation de

du dévouement des assistants en mer puisqu’elle avait crée des stations où étaient placées des

embarcations insubmersibles. Des équipages étaient alors prêts à venir en aide au moins appel à

l’aide des marins en situations de détresse ou de naufrage. Ces marins sauveteurs n’étaient pas

rémunérés pour ces actes d’humanité. Ces marins faisaient preuve d’un dévouement sans faille en

témoignent les nombreux récits narrant l’héroïsme et le courage de ces marins sauveteurs . Durant 163

une grande partie de la période étudiée et en l’absence de loi, l’assistance en mer n’était en principe

pas rémunérée.

Nous devons à présente faire une distinction fondamentale entre l’assistance et sauvetage.

L’assistance était la mise en oeuvre de moyens nécessaire pour sauver les marins qui risquaient un

péril de mer comme par exemple le naufrage. A contrario, le sauvetage consistait en un sauvetage

du navire et de la cargaison du navire ayant subit des avaries. A ce titre, en cas de sauvetage, une

règle légale prévoyait que les sauveteurs se voyaient attribuer le tiers de la valeur des effets trouvés

en plein mer. En revanche et en principe, il n’y avait pas de rémunération en cas d’assistance mais

les parties pouvaient convenir d’un prix pour l’assistance effectuée.

La fin du XIXème siècle était témoin d’une évolution fondamentale puisque la loi du 10 mars

1891 sur les accidents en mer disposait dans son article 4 que: «Après un abordage, le capitaine,

maitre ou patron de chacun des navires abordés; est tenu, autant qu’il peut le faire faire sans

danger pour son navire , son équipage et ses passagers d’employer tous les moyens dont il dispose

pour sauver l’autre bâtiment, son équipage et ses passager du danger crée par l’abordage. Hors le

cas de force majeur, il ne doit pas s’éloigner du lieu du sinistre avant d’être assuré qu’une plus

COURCY (A.), op.cit., p. 6162

A contrario, en Angleterre, le secours aux marins était véritable métier rémunéré. On appelait les 163

sauveteurs les wreckers. Une fois, l’assistance effectuée au navire en détresse, les wreckers réclamaient en général 60% de la valeur de la cargaison du navire.

�82

longue assistance leur est inutile, et, si ce bâtiment a sombré, avant d’avoir fait tous ses effets pour

recueillir les naufragés. Tout capitaine, maitre ou patron qui enfreint les prescriptions précédentes

est puni d’une amende de 200 à 3,000 francs, d’un emprisonnement d’un mois à un an et du retrait

temporaire ou définitif de la faculté de commander. L’emprisonnement peut être porté à deux ans, si

une ou plusieurs personnes ont péri dans le naufrage».

La loi est venue pénaliser l’inaction d’un capitaine comme on l’avait vu précédemment. C’est

d’ailleurs cette loi qui est à l’origine de l’article 223-6 du Code pénal. Cette législation était très

novatrice en ce sens qu’elle instaurait une nouvelle forme de responsabilité. Avant, seule l’action

était une source de responsabilité, mais avec cette nouvelle loi, le droit français admettait et

reconnaissait une responsabilité émanant de l’inaction d’un capitaine.

En outre, avec la loi de 1891, le législateur entendait de répondre à la question de savoir si

l’obligation d’assistance était légale ou morale. Ainsi, il est apparu que l’obligation d’assistance

était légale pour les situations d’abordage. De là une distinction fondamentale apparaissait en droit

français entre l’assistance obligatoire et l’assistance facultative. Les articles 4 et 5 de ladite loi

règlementaient l’assistance obligatoire pour l’abordage. A contrario aucunes dispositions

législatives sur l’assistance facultative, elle demeure donc soumise au droit commun.

Concernant la distinction assistance facultative et assistance obligatoire: il en ressortait que

l’assistance était obligatoire seulement à la suite d’un abordage. Certains auteurs se alors sont 164

demandés si il ne fallait pas aller plus. Notamment, Tronche-Macaire dans sa thèse s’est demandé si

il ne fallait pas imposer l’obligation d’assistance à tout navire rencontrant un autre navire en

détresse comme l’avait fait l’Italie . La législation française n’est pas allée jusque là. Ainsi en 165

dehors du cas d’abordage, l’assistance était purement facultative puisque les articles 4 et 5 de la loi

du 10 mars 1891 ne semblait pas concerner le naufrage. A la base cette loi fut votée en raison de la

multiplications des naufrages et des catastrophes maritimes en général. Le naufrage du paquebot

« Ville du Havre » en 1873 provoqua alors une crise de conscience en particulier d’Eugène Farcy

qui déposa à l’Assemblée nationale une proposition tendant à rendre obligatoire après un abordage.

Pour un aperçu général de la question voir: TRONCHE-MACAIRE (P.), Des avaries communes, Du 164

sauvetage et de l’assistance maritime, thèse droit, Paris, 1892.

Article 120 du Code de la marine marchande. 165

�83

En revanche, le naufrage semblait à l’époque n’intéresser personne. On laissait alors le sort des

naufragés entre les mains de Dieu.

Ainsi, un auteur s’est posé la question de savoir si l’assistance ne devait pas être déclaré

obligatoire en dehors de tout abordage. Nous l’avons vu précédent, en Italie, « le capitaine d’un

navire italien qui rencontre une navire quelconque, étranger ou national, en péril de se perdre, doit

accourir à son aide et lui prêter toute assistance ». Il en était de même aux Pays-bas ou encore en

Autriche. Pour Tronche-Macaire, un navire était autant en détresse par quelqu’évènement de mer

que ce soit que par un abordage. Pour l’auteur, il fallait approuver la législation des pays cités et

faisait partager l’exemple suivant: « Un navire est consumé par un incendie, il fait eau, il va faire

naufrage. Un autre navire est à l’horizon. Il peut au prix d’un court retard et de quelques efforts

sauver la vie de plusieurs personnes ». ?

En France, l’article 475, 12 ° du Code pénal punissait le refus de prêter secours en cas

d’accidents. Le motif de cette disposition était qu’il y avait urgence. Ainsi, sur terre une disposition

pénale venait sanctionner le manquement à ce devoir. Pour l’auteur, il était souhaitable de

promulguer une disposition analogue contre la navire le pouvant sans danger lui même qui aurait

refusé de secourir un navire en détresse.

En outre, d’un point de vue moral, nous pouvons rajouter qu’il était hors de doute qu’il y

avait lieu de prescrire l’assistance en mer même en dehors de tout abordage. A ce titre, au niveau

international, une résolution fut voté sans discussion lors du Congrès d’Anvers. La résolution était

la suivante « le capitaine qui rencontre un navire même étranger ou ennemi en danger de se perdre

doit s’il le peut venir à son aide et lui prêter toute assistance sous des pénalités à déterminer par la

loi ». Ainsi, en cette fin de XIXème siècle, les raisons ne manquaient pas en faveur de l’adoption de

l’obligation générale d’assistance en France.

Qui plus est, d’un point de vue pratique, l’obligation générale d’assistance voté lors du

Congrès d’Anvers était rémunérée d’après la loi de l’assistant . C’est la raison pour laquelle ce

dernier n’avait pas l’excuse de prétendre qu’il était lésé par une loi étrangère puisque c’est sa loi

nationale qui déterminait l’étendue de ses droits. Quant au Congrès de Bruxelles art 2 du 23

septembre 1910 , il réglementé l’obligation d’assistance à la suite d’un abordage mais n’a pas

évoqué de l’obligation générale d’assistance déjà consacrée au Congrès d’Anvers. �84

Ainsi, la loi du 10 mars 1891 et le Congrès d’Anvers et de Bruxelles avaient ouvert une

brèche quant à l’adoption d’une obligation d’assistance générale. Cependant, en France, la loi ne

concernait que l’obligation d’assistance pour l’abordage. En cas de naufrage, l’assistance restait

facultative. Néanmoins, en raison du développement et de l’amélioration des navires, le sauvetage

connaissait une fulgurante progression.

B- La fulgurante progression du sauvetage

Nous l’avons vu précédent le sauvetage se distinguait de l’assistance et consistait en un

sauvetage du navire et de la cargaison du navire ayant subit des avaries. A ce titre, en cas de

sauvetage, une règle légale prévoyait que les sauveteurs se voyaient attribuer le tiers de la valeur

des effets trouvés en pleine mer. Dès la seconde moitié du XIXème siècle, il y a eu une véritable

progression du sauvetage dut à plusieurs raisons.

En premier lieu cette fulgurante progression du sauvetage en mer était la conséquence du

développement de la force motrice des navires qui permettait ainsi de remorquer des navires en

détresse jusqu’au port de refuge. En effet, le monde maritime a connu au cours du XIXème siècle,

des améliorations des techniques navales permettant d’avoir des navires plus résistants capables

d’aller en pleine mer pour effectuer des sauvetages.

En second lieu, il s’agissait d’une époque où l’on acceptait de moins en moins l’issu fatal du

naufrage. Ainsi, on insistait pour mettre en oeuvre un sauvetage du navire afin de le sauver mais

également afin de sauver les marchandises qui parfois étaient de très grande valeur.

En troisième lieu, le cout élevé des nouveaux bateaux à vapeur et des navires dotés de

moteur à explosion avait entrainer à ce que les armateurs et les différents propriétaires des

marchandises fassent effectuer un sauvetage.

Enfin, le sauvetage étant rémunéré, les marins mais aussi des professionnels du sauvetage en

mer étaient beaucoup plus enclins à apporter leur aide et leur travail. C’est la raison pour laquelle, le

législateur de 1807 avait prévu une rémunération des sauveteurs afin de les encourager. �85

Finalement, plusieurs éléments poussaient à ce que le sauvetage soit en nette progression et

cela dès la seconde moitié du XIXème siècle. En outre, eu égard au développement du sauvetage

mais également à la mise en lumière d’une obligation d’assistance, le droit maritime tendait à

retrouver son caractère particulier.

§ 2- Le retour à la tendance du particularisme du droit maritime

A la fin du XIXème siècle, on assistait à un double phénomène: celui du retour au

particularisme du droit maritime (A), phénomène qui permettra alors un début d’autonomisation de

cette matière du droit (B).

A- Un particularisme renforcé du droit maritime

Les tribunaux maritime commerciaux ont succédé aux anciens tribunaux d’amirauté dont la

compétence s’étendait à «tous les crimes et délits commis sur la mer, ses ports, havres et rivages»

en vertu de l’article 10 du titre II de l’Ordonnance de 1681. Globalement, à la fin du XVIIIème siècle,

le droit maritime a conservé toute son originalité avec ses commentateurs, ses juges, ses juridictions

et ses justiciables qui formaient cette société si partiuclière des gens de mer. Cependant, les

tribunaux d’amirauté furent supprimés au cours de la révolution française par l’assemblée

constituante en 1791 et leurs compétences furent réparties entre les tribunaux de commerce, les

juges de paix et les tribunaux ordinaires. Cette suppression des tribunaux d’amirauté a apporté un

rude coup au caractère particulariste du droit maritime.

En outre, la codification de 1807 avait fait du droit maritime une partie du droit commercial.

Ainsi, il était désormais commenté à l’aune du droit commun, comme il a été mise en oeuvre devant

les tribunaux de commerce, dont le magistrats n’avaient que peu ou pas de connaissances

particulières en droit maritime. Mais encore, le XIXème siècle idolâtrait la loi et on écartait au profit

celle-ci les coutumes et les usages si fréquent sur la mer. En effet, l’insertion des règles maritimes

dans le Code de commerce avait conduit les auteurs à lui appliquer la technique générale

�86

d’interprétation. Ainsi, peut être à tord, il était défendu l’idée selon laquelle les transports et les

assurances maritimes devaient être soumises aux règles générales qui gouvernaient ces contrats . 166

Cependant, dès la seconde moitié du XIXème siècle, en raison du développement du

commerce maritime, le droit maritime revêtait un certain particularisme. En effet, la jurisprudence,

la doctrine et la pratique avait réussi à construire un droit maritime et un régime juridique du

naufrage en dehors du Code de commerce. En outre, tant par la conservation des usages anciens que

par la création de règles nouvelles à caractère international et par la persistance des périls de mer

comme le naufrage ont conduit à ce que le particularisme du droit maritime se renforce par rapport

au droit commercial terrestre. Plus tard, Ripert écrivait d’ailleurs dans l’introduction de son traité de

droit maritime: « le droit maritime doit être dressé dans toute son originalité, non point comme une

discipline accessoire, mais avec son vrai caractère: le droit de tous les rapports juridiques dont la

mer est le théâtre ». Ainsi, le retour de ce particularisme en cette fin de XIXème siècle n’avait rien

d’étonnant en sachant qu’il remontait aux origines même du commerce maritime qui n’empruntait

rien aux lois de la terre . 167

Nous allons voir que le retour du droit maritime au particularisme a tendu à faire de ce droit

une véritable matière autonome.

B- Vers une autonomisation du droit maritime

En 1956, Ripert définissait le droit maritime comme « la partie du droit commercial, ou

mieux du droit privé, applicable aux rapports qui naissent entre ceux qui exploitent les navires et

ceux qui en usent ». Pourtant au XXème siècle, le droit maritime était toujours une branche du droit

commercial. Néanmoins, il était indéniable que ce droit commençait à trouver son autonomie.

Dès le XIXème siècle, plusieurs pays européens étaient doté d’un code de lois maritime. La

France avait elle aussi son code maritime avec l’Ordonnance de Colbert de 1681 mais le Code de

BONNECASE (V.), Le particularisme du droit commercial maritime, Bordeaux, 1931, p. 425166

« Il était un petit navire: le naufrage et le juge » (Henri Legohérel) p. 240167

�87

commerce avait eu pour effet de faire du droit maritime une branche du droit commercial.

Cependant, tout au long du XIXème siècle, le droit maritime n’avait cessé prendre de l’importance et

de se complexifier. Le Code de commerce de 1807 avait très rapidement montré ses limites et était

surtout devenu insuffisant pour régler les problèmes issus du naufrage. Le développement du

commerce maritime, conséquence directe de la navigation à vapeur, avait conduit une certaine

internationalisation du commerce et par conséquent du droit commercial maritime. Or, les lois

nationales se montraient lacunaires voir insuffisantes pur régler les problèmes de conflits autour du

naufrage. Ainsi, à la fin du XIXème siècle, on a assistait à un début de phénomène de décodification

des lois maritimes contenues dans le Code de commerce puisque c’est la doctrine et la

jurisprudence qui ont conduit à améliorer le droit maritime.

Enfin, petit à petit, le droit maritime s’est alors détaché du droit commercial. En effet,

auparavant la matière avait peu d’importance et donc le législateur avait cru bon de l’intégrer dans

le droit commercial. Mais surtout le droit maritime du début du XIXème siècle connaissait très peu

d’articles. Cependant, au cours du siècle, la matière maritime a connu un essor important en

particulier du fait du développement du commerce maritime et de la multiplication des naufrages

maritimes. Le droit maritime s’est alors enrichi. Finalement, il n’y avait pratiquement plus de

véritable lien entre le droit maritime et le droit commercial.

L’autonomisation droit maritime devenait de plus en plus certaine car la création de règles

international a concédé à notre droit maritime interne une véritable armature. C’est ainsi, qu’à la fin

du XIXème siècle, le droit maritime devenait de plus en plus indépendant en ce qu’il était un droit

spécial dérogeant au droit commun et aux principes du Code de commerce.

En outre, les anciennes oeuvres de droit maritime étaient étudiées par des commentaire du

Code de commerce. Mais, en acquérant son autonomie, il était étudié comme une matière

indépendante du droit commerciale. Cependant, à la fin de période étudiée, le droit maritime était

toujours une branche du droit commercial. En revanche, la tendance du droit contemporain sera de

faire, non pas des lois générales, mais des lois adaptées aux divers genres d’exploitation. Il est

certain que nous ne tenons plus au caractère général de la règle de droit. Or le commerce maritime

se fait dans des conditions qui motivent une législation spéciale. En en droit maritime, les risques de

la navigation et le besoin de sécurité à raison de l’importance des risques nécessitent des règles

spécifiques. �88

CONCLUSION

« Sur la mer, personne ne vous prend en tutelle. C’est le dernier espace au monde où vous êtes

responsables » . 168

L’apparition de la navigation à vapeur et sa généralisation progressive qui fut d’ailleurs

assez lente puisqu’en 1914 une importante partie de la flotte marchande marchait encore à la voile,

aurait dû entrainer une amélioration sensible de la sécurité en mer et donc réduire le nombre de

naufrage. Finalement, les progrès dans ce domaine furent relativement lent et il est apparu que

jusqu’au lendemain de la second guerre mondiale, le nombre de sinistre maritime graves restait

assez élevé. A titre d’exemple, le 26 octobre 1891, Edmond de Goncourt notait dans son journal

« quelqu’un disait ce soir que, d’après des relevés de statistiques paraissent très exacts, il se perdait

par jour un paquebot à vapeur dans les océans du monde ». Ce chiffre était sans doute exagéré mais

il montrait bien l’ampleur du phénomène de naufrage à la fin du XIXème siècle.

Aujourd’hui, le naufrage continue d’apparaitre comme un évènement scandaleux à l’instar

de la mort, il entraine ou peut entrainer une disparition totale de cette entité vivante que constitue un

navire et son équipage. Le naufrage survenant à l’improviste et sans avertissement est un évènement

imprévisible alors même que les sciences ont progressé. En effet, des découvertes scientifiques ont

permis d’accroitre la sécurité des navires grâce notamment au radar, au GPS, au dispositif anti-

collision et aux émissions météorologiques. Pourtant les naufrages persistent et le scandale est

d’autant plus grave car la responsabilité du naufrage est renvoyée à l’erreur humaine. Finalement,

encore aujourd’hui, le naufrage a conservé ce caractère de fatalité auquel s’est rajouté deux

dimensions. En effet, désormais le naufrage est synonyme d’atteintes aux environnements

maritimes et terrestres à cause de la pollution par le pétrole. Mais surtout, le naufrage a conservé

l’idée selon laquelle il faut rechercher juridiquement un responsable de ce sinistre mas surtout une

entité solvable. En définitif, aujourd’hui comme hier, le naufrage est égal à la disparition des

navires et de pertes en vie humaine mais également depuis peu de pollution.

Citation de Paul Guimard. 168

�89

A la fin de la période étudiée soit ce long XIXème siècle, le droit maritime semblait être un

droit élaboré notamment en ce qui concerne le régime juridique du naufrage. Le flou législatif

introduit par le Code de commerce de 1807 a induit de nombreux problèmes d’interprétation de la

notion de naufrage que ce soit en droit des avaries ou en droit des assurances maritimes. Cependant,

la fin du siècle connait un développement et une amélioration tangibles des règles relatives au

naufrage. Outre, le perfectionnement de la législation du régime du naufrage, la mise en oeuvre de

règles de la navigation, la pénalisation de la faute nautique et le développement de l’assistant ont

permis une modernisation de la notion du naufrage et plus en plus efficace de la liquidation du

naufrage mais également une amélioration de la prévention du naufrage.

Nous constatons également que les premiers oeuvres doctrinales qui concernaient le

naufrage avaient pour ambition d’aider les gens de mer. En revanche, ces oeuvres étaient plutôt

guidés par des motivations d’ordre économique et politique vers la fin du XIXème siècle.

En outre, nous constations également que mis à part la réforme avortée de 1867, le

législateur se désintéressera du droit maritime jusqu’en 1910. Ainsi, le siècle suivant connaitra de

nouveaux enjeux. Le développement de l’énergie motrice et l’essor de la navigation de plaisance et

du commerce international provoquera une augmentation de la fréquentation des routes maritimes.

Le risque de naufrage est alors encore très important en témoigne le non moins impressionnant

naufrage du Titanic dans la nuit du 14 avril 1912, navire pourtant réputé insubmersible. Les moyens

technologiques tels que les prévisions météorologiques se sont développés et évolués mais le risque

de naufrage est toujours présent. En effet, il s’avère difficile de prévoir une tempête l’une des

premières causes du naufrage. Aujourd’hui encore, au regard de tous les moyens techniques comme

le radar ou la radio, le risque de naufrage est important. Dès, il faut entrevoir la difficulté du navire

à naviguer à une époque où il n’y avait pratiquement pas de règles de navigation et de discipline

entre marins. Ainsi, à la fin du XIXème siècle, la matière du naufrage a pris une place importante

dans plusieurs branches du droit. Nous sommes alors passés d’une législation désuète et inadaptée

au naufrage à une législation perfectionnée.

Au terme de nos recherches, en premier lieu, nous soutenons que la législation du naufrage

telle qu’elle résulte de son développement opéré durant la période étudiée, est une législation que

nous pouvons qualifier de perfectionnée.

�90

En second lieu, nous soutenons que la construction et le développement d’un régime

perfectionné du naufrage s’est fait en marge de toute intervention législative. Au regard, des

nombreuses imperfections du Code de commerce de 1807, il est indiscutable que le droit maritime à

l’égard du naufrage s’est construit en partie par la pratique, par la doctrine et par la jurisprudence eu

égard à l’inaction du législateur en la matière.

En dernier lieu, nous soutenons que si le législateur n’a pas été un acteur de premier plan

dans le perfectionnement du régime juridique du naufrage, la jurisprudence, la doctrine, la pratique

mais également les associations internationales doivent être salués pour avoir réussi à élaborer un

règlement et une prévention efficace du naufrage. En outre, en l’absence d’intervention législative,

assurément, la jurisprudence a su poser les principes directeurs en matière de naufrage. Mais

également, la doctrine est venue apporter des éclaircissements quant à la notion de naufrage afin

d’aider les juges et les gens de mer eu égard à l’obscurité du régime juridique du naufrage que ce

soit en droit des avaries ou en droit des assurances maritimes ou à la prévention du naufrage avec

l’obligation d’assistance. Cependant, le Code de commerce faisant une trop grande place à

l’interprétation, les oeuvres doctrinales se sont multipliées laissant place à la confusion. Ainsi, la

pratique à travers des associations internationales ont permis d’oeuvrer à l’unification du régime

juridique du naufrage et du droit maritime en général. En conclusion, nous pouvons affirmer

l’importante place que ces acteurs ont occupé dans la construction d’un droit efficace.

Enfin pour terminer, nous pouvons exprimer quelques regrets à l’égard de ce travail. En

premier lieu, il aurait été intéressant d’étudier comment l’Angleterre auparavant gouvernée par les

mêmes coutumes maritimes, a fait évoluer sa législation relative au naufrage. En effet, durant le

XIXème siècle, si les anglais influençaient quelques fois la doctrine française sur certains points, le

plus souvent la législation française et la législation anglaise s’opposaient sur bien des

problématiques en matière de naufrage. Enfin en second, lieu, il aurait été intéressant d’effectuer

une étude plus approfondie du droit du sauvetage tant il est indéniablement lié au régime juridique

du naufrage.

�91

�92

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Sources: à rajouter

Bibliographie: à rajouter

ANNEXE:

à rajouter

�93