Le mysticisme astral dans...

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MYSTICISME ASTRA

DANS L'ANTIQTJITE

PAR

Franz CUMONT

Lecture laite dans ta séance puhliqw d la Classe des h'ttrecl des sciences morales et politiques, le S mai 1909.

BRU X EL LES

HAYEZ, IMPRIMEUR flES ACADÉMIES ROYALES I)E RELGUjUE

Rue de Louvain. 112

1909

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Extrait des BuUeitn de I'Acadernie roa1e de Belgvjue(Classe des lettres, etc.), n 5 (mai), {9O.

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Le mysticisme astral dans l'antiquité (i).

La religion astrale fut l'aboutissement suprême et lamanifestation la plus haute du paganisme antique,qu'elle éleva jusqu'à une sorte de monothéisme. Vers tedébut de notre ère, elle soumit peu à peu à son ascen-dant la vieille idolâtrie gréco-romaine, et, propagée dansles milieux cultivés par les savants et les philosophes,répandue dans les masses populaires par la diffusion desmystères orientaux, favorisée par les Césars, qui lui don-nèrent une consécration officielle, elle régna souveraine-ment dans l'empire romain au 1118 siècle, et elle aida lemonde û passer de l'ancien anthropomorphisme hellé-nique à la théologie chrétienne.

Cette astrolâtrie, dont l'influence fut si puissante, siprolongée, si étendue, est issue de ce muénie coin del'Asie d'où sont sorties quatre grandes religions, cellede Moïse, celle du Christ, celle de Mâni et celle de Malio-met. Depuis des temps très reculés, elle se développadans les temples de la Mésopotamie où un clergé érudit,traditionnellement voué à l'étude du ciel, en formulad'abord les doctrines londamentales. Durant les sièclesqui suivirent les conquêtes d'Alexandre, des Syriens hel-lénisés, dont le plus célèbre est Posidonius d'Apamée,la combinèrent avec la philosophie stoïcienne et lui don-nèrent la rigueur d'un système théologique; puis, quandle panthéisme du Portique, qui enfermait Dieu dans lemonde, cessa de satisfaire les esprits, que l'idéalisme

(1) BuU. de l'Acad. roy. de Be1giue (Classe des lettres, etc.), n° 5,pp. 56-286, 4909.

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néo-platonicien eut placé l'Être suprême dans les hau-teurs suprasensibles de l'infini, ce firent encore des peu-seurs syriens, un Porphyre, un Janiblique, qui rétablirentl'accord entre l'antique culte sidéral des Chaldéens etcette métaphysique transcendante. La même race sémi-tique qui a provoqué la chiite du paganisme est aussicelle qui fil l'effort le plus puissant pour le sauver.

Cette religion est essentiellement savante : elle est encorrélation étroite avec la conceplion que les Chaldéenset les Grecs se lirent du système du monde. Son dévelop-pement suivit en particulier celui de l'astronomie; lesdécouvertes de celle-ci modifièrent peu ù peu, avec laconnaissance du ciel, sa notion de la divinité, et sa doc-trine fut définitivement constituée an moment où lascience antique atteignit son apogée, vers le lie siècleavant notre ère. Nulle part on n'aperçoit plus clairementqu'ici les liens qui, dans les religions do l'Orient,unissent les progrès de l'érudition et l'évolution (le laoi (1), car les spéculations théologiques y reposent surdes faits constatés par l'observation.

Ainsi, ayant reconnu que les progrès, les stations, lesrétrogradations apparentes des planètes étaient liées auxrévolutions du soleil, les Chaldéens en avaient concluque celui-ci déterminait leurs mouvements cii les attirantet les repoussant tour à tour. Mais, suivant eux, la posi-tian (les planètes elles-mêmes provoquait chacun desphénomènes (le cette terre, et rien ici-bas ne se produi-sait qu'en vertu de leurs actions combinées. Dès lors,

(1) Cf. mes ReMgions orientales dans le paganisme romain, édit.,4909, pp. 48 et suiv.

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l'astre-roi, qui réglait le jeu compliqué de leurs évolu-tions, devint l'arbitre des destins, le maître de la natureentière, la raison directrice du monde. Ce système cos-mique et religieux provoqua la transformation du paga-nisme sémitique en une héliolâtrie, et, à l'exemple desSyriens, les empereurs romains vénérèrent dans le« Soleil invincible » (Sol inviclus) la puissance souve-raine gouvernant les dieux et les hommes (1),

On s'étonnera qu'une religion aussi aride et aussiabstruse ait pu conquérir le monde antique. Créationd'astronomes, elle semble n'avoir pu s'adresser qu'à uneélite intellectuelle et séduire que des esprits spéculatifs.Une théologie qui avait pour fondement des théories surla mécanique céleste, qui déifiait de pures abstractionscomme le Temps et ses subdivisions, les Siècles, lesSaisons et les Jours (e), qui attribuait aux Nombres eux-mèmes une nature divine, parait avoir dû rebuter parsa sécheresse métaphysique, et l'on se demande, àpremière vue, comment elle eut prise sur les âmes etput attirer à elle la foule des croyants.

C'est que ce puissant système, qui s'appliquait à sati-tàire l'intelligence, faisait de plus appel au sentiment. Siles cultes de l'Orient ont prétendu répondre à toutesles questions que l'homme se pose sur le inonde et surlui-nième, ils ont aussi cherché à l'émouvoir, à pro-

(1) J'ai développé ceci dans une étude sur La théologie solaire dupaganisme romain, qui 'iient de paraitre dans les 1km. présentéspar divers sai'ants é I'Aead. des Inscr., L KIl, ¶i partie, pp. 447 etsuiv.

(2) Cf. Religwns orientales dans le paganisme romain, pp. 260 etSUiV.

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29(6)voquer en lui le ravissement (le l'extase, et le grandSyrien, qui contribua plus que tout autre à faire accepterdes Grecs les croyances « chaldéennes , Posidoniusd'Apainée, n'était pas seulement im savant d'un savoirencyclopédique, un rhéteur d'un style harmonieux etcoloré, il était tout pénétré d'un mysticisme qui donneun accent caractéristique aux pauvres débris conservésde son oeuvre immense. Plus théologien que philosophe,d'un esprit plus érudit que critique, il fit concourir toutesles connaissances humaines à l'édification d'un vastesystème dont le couronnement était l'adoration enthou-siaste (lu Dieu qui pénètre l'organisme universel et quise manifeste avec le plus (le pureté et d'éclat dans lalumière des astres. La perte presque totale de sesouvrages ne nous permet d'apprécier qu'imparlaitenientla force persuasive de sa prédication, mais son éloquenceabondante et imagée inspire fréquemment le symbolismede Philon d'Alexandrie; Cicéron, qui tht son élève, s'estsouvent souvenu de SOfl enseignement; les Astrono-iniques que le poète Manilius dédia à Tibère, respirent sonenthousiasme Irnur les merveilles de la science en mêmetemps que sa foi convaincue en la puissance des étoiles,révélatrices de l'avenir; enfin, l'écho de ses parolesse propage longuement chez les philosophes stoïciens,comme Sénèque, et 1)1115 tard encore dans les traités desastrologues de l'époque impériale (t). Nous voudrionsessayer d'analyser ici les caractères de ce mysticismesidéral, forme originale, g'il en fut, de la dévotion,

(1) Cf les passages de Veuius Valens et de Firmieus Maternus

cités dans l'appendice, pp. 84-SL

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expression curieuse et peu connue du sentiment relige(uxdans l'antiquité.

s* *

La magnificence du ciel étincelant a toujours vivementimpressionné l'homme, et celui qui a joui de la douceurlimpide d'une nuit d'Orient, comprendra que l'adorations'y Soit naturellement élevée vers les foyers inextin-guibles de la clarté (l'en haut. Mais cette « émotioncosmique (1), comme on l'a appelée, a constammentvarié d'après l'idée qu'on s'est faite de l'univers. Ladistance est assurément énorme entre les appréhensionsdes primitirs qui, levant les yeux vers le firmament,craignirent parfois que cette voûte solide ne les écrasUen s'écroulant, et la vénération d'un Kant, qui, con-sidérant les systèmes stellaires accumulés indéfinimentau-dessus de lui, se sentait saisi de la même admirationrespectueuse qu'il éprouvait pour la loi morale perçueen lui par la raison (e) . Le sentiment a évolué avec les

(1) L'expression de « cosmic emotion » est du moraliste HenrySidgwick cf. l'article de W. KINUD0N CLIFV01tD, Lectures and essays,Londres, '1901, t. II, pp. 57 et suiv. Je dois l'indication de ce volume

M. R. R. Marctt, d'Oxford.KANT. Krti/ der reinen Vernunfi, B&s'elzlusa cd. Kirchinann.

Berlin, 48O, p . 19 .4 Zwci liiiige erfiil]en das Gemùth mit. irnmerneuer 11041 ziinehinerider Rewunderurig und Ehrfurcht je dfter undanlialtender sich das Naclidenktn dauiit besehaftigt der bestirntcIliminel ûber mir tmd tins moralisehe Gcset in mïr... l)as erstefinigt von dein Platze an, den ieh in ter aussern Siimenwelt cm-nehine, und erweitert die Verkn(ipfung, darin jeu siehe, ins unab-sehuich Grosse mit Welten Oher Welten und Systeinen von Systemen,ttherdem noeh in grenzenlose Zeiten ihrer periodisehea Bewe-

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progrès de la connaissance à mesure que se précisaientles notions d'immensité et d'éternité. Pour !es Grecs, lecosmos n'éveillait pas,comme pour nous, la pensée trou-blante d'une étendue prolongée à l'infini au delà des pluslointaines nébuleuses que le télescope puisse atteindre.Le iuonde avait alors (les bornes. Au delà de la sphèredes étoiles fixes,qui l'entourait de toutes parts, les anciensne supposaient plus rien (lue le vide ou l'éther. Le cielétait pour leur astronomie, comme la terre pour leurgéographie, une expression beaucoup plus limitée quepour les modernes. L'énormité des constellations visi-hies n'était pas suivant eux aussi écrasante que selonnotre science, et leurs distances leui' suggéraient moinsl'idée d'un éloignement. tel que le chiffre même (le samesure dépasse la portée de notre imagination. En plon-geant leurs regards dans les profondeurs (le l'espace, ilsn'étaient l)S saisis au même degré du vertige desahimes, ni accablés autant du sentiment de lent' peti-tesse. C'était surtout d'admiration qu'étaient frappés lesanciens. Sénôque (t) développe cette pensée que lesastres, même si nous ne songeons pas auï bienfaits qu'ilsrépandent sur notre demeure terrestre, provoquent parleur beauté notre émerveillement et s'imposent à notrevénération par leur majesté.

gung, etc. ». - On lira aussi avec intérêt les réflexions de Goethedans Wilhelm Mei,sters Wanderjahre, 1. 1, eh. X (p. 16, éd. Heine-mann), sur lesquelles M. de Reul rappelle mon attention : Da.s Unge-heure /i?»( auf erhaben zu sein, es éberreiht nn.gre Passungskrtft,es drohi uns zu vernichien... et l'écrivain romantique oppose laconstance des révolutions célestes à l'instabilité de l'âme humaine.

i) SÈNÈQUE, De benef., 1V, i3. Même idée dans PHIL0N, De pifieionund, 17, 51 (1, 17 Cohn); CIcÉR0N, Nat. deor., li, 6, § 15, etc.

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Parmi les passages consacrés à célébrer leur splen-deur (1), j'en citerai un seul dont le trait final rendrasensible toute la différence qui sépare la conceptionantique de la nôtre. Manilius termine son cinquièmechant par une description grandiose de l'éclat des nuitsobscures où même les étoiles de sixième grandeurallument leurs feux pressés et scintillent, semence lumi-neuse, au fond (les ténèbres. Les temples resplendissantsdu ciel brillent alors de flambeaux plus nombreux queles grains de sable du rivage, que les fleurs de laprairie, que les flots de l'océan, que les feuilles de taforêt. « Si la nature, ajoute le poète, eût donné à cettemultitude des forces proportionnées à son nombre,l'éther lui-même n'aurait pu supporter ses propresflammes et l'olympe embrasé eût consumé tout l'uni-vers ().

Mais en même temps que les regards de l'homme sontravis du spectacle toujours varié des cieux, sou esprit estfrappé de l'harmonie constante de leur mutabilité. Lanature même l'a destiné à les contempler et le pousse àobserver leurs mouvements silencieux. Les autres ani-niaux sont courbés vers la terre, lui lève fièrement latête vers les astres (3). Son oeil, merveille du corps

t) Ainsi Cic , Nal. deor., Il, 10, 101 et suiF.; SÉNÈQUE, DiaL,X1I,De consot. ad (letu., VIII, 4; Epist., XV, (94), 56, etc.

) V, 74'2 : Cui •i pro uniero vires natura dediset huesuas aether (laminas sufferre nequiret, I Totus et accenso snundusflagraret O •yinpo.

13) Lieu ommun souvent développé : Cic., Nat. deor., 11,56, 140:(Proiideritia naturue) hommes Izumo excitatos et celsos constiluit,ut deoruni co(Jnitionem cadum intuentes capere passent; SUnt eniniex terra hommes non ut incolae et habitatores, sed quasi specla tores

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humain, miroir minuscule où se réfléchit l'immensité,porte de l'âme ouverte vers l'infini (1), suit d'ici-bas lesévolutions lointaines des armées célestes. Le cours dusoleil, (1(11 amène les changements des saisons, les phasesde la lune, le lever et le coucher des étoiles fixes, la

su peraruin rerum atque cuelestium, qiwd spectacntu;n ad nullumal.iwt genes anuuantiuni Jiertinet. PHILON, De plant., IV, § 45 (1, 33e,M 11, 137, Wendl.); Quod del. pat. insid., 23, § 85 (1, 207. M. = 1,277, Cohn). Ovma, Metcm., I, 84 et suiv. : Pronaque cum specten ani-malle calera terram Os homini sublime dedil, caelum que mari 1 Jus-sO et erectos ad sidera tollere satins, SÊNÉQL'E, Episi., XV, 2 94). § 56(Nature) ruilas ,wslros erexil ad caeium, etc.; Epi.sl., XIV,4 (92) § 30.Aetua, y . 224 suiv. MANII.lus, IV, 005 et suiv.: Statu unes in arcem IErectus capitis, viaorque nd sidera mit lit Sidereos ocuios; cf.FesMicus MATERNUS, VIII, Praef. (appendice p. 28). - La concor-dance de ces passages montre que tout ce raisonnement, donnantcomme origine i la théologie l'observation des astres, qui attirentnaturellement tes regards, remonte è un auteur commun, qui nepeut être que Posidonius; cf. infra, p. 264, n. 2.

4: L'oeil était pour les vieux astronomes - avant l'invention dutélescope - l'unique instrument d'observation, et de très bonneheure ils ont dù s'émerveiller de sa puissance. Les anciensexpriment souvent leur étonnement sur la portée de la vue, quiatteint les constellations les plus reculées. Non seulement ils luiaccordent la prééminence sur tous les autres sens, mais, au point devue religieux, ils font des veux les intermédiaires entre les dieuxsidéraux et la raison humaine. Voir PIIILON, De opi/. nzundi, 47,

53 (1, p. 12, M 1, 17, Colin). 54, § 447 (p. 35, M = I, p. 51. Cohn),De spec. legi&, lii, 33, § 18.1. et suiv. (Il, 330, M = V, 201, Cohn), 1kplantaI., 5, 29 (1, 133, M = II, 138, Wendland ) ; fragment irEpidpOo ex Ioh. Monacho II, 665, M.); cf. Cic., Net. deor., 11, 56,§ 440; Tuscul., 1, 20. § 46 et suiv.; MANII,IUS, IV, 925 : Parvula sictotem persisil pupria caelum; FuiMicus MATERMJS, 1. c.. (appen-dice, p. 28) et les spéculations de Julien, Or., IV, pp. 134, 141, surle rôle de la lumière. - Le mysticisme oppose ii l'oeil corporell'oeil de la raison, qui pénètre les choses invisibles : Pmior, Il. cc.,(cf. appendice, p. 282); cf. MÀiu.]us, H, 122; IV, 195 Mentis ocutf.

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marche même des planètes qui paraissent errantes, toutest réglé par des lois immuables et se reproduit éternelle-ment suivant (les périodes invariables du temps infini. Laraison, réfléchissant sur les phénomènes admirables queles yeux aperçoivent, se rend compte qu'ils ne peuventêtre produits par le hasard ou provoqués par une forceaveugle, mais reconnaît qu'ils sont réglés par une intel-ligence divine. L'accord perpétuel de mouvements sidivers n'est pas concevable sans l'intervention d'uneProvidence souveraine (1). La contemplation du cieln'est donc pas seulement une source intarissable d'émo-tions esthétiques, elle fournit le motif le plus puissantde croire en une divinité ordonnatrice (2). L'admirationconduit ainsi à l'adoration.

Sauf la ferveur de cette admiration, rien de cecin'est encore trés caractéristique. Toutes les théodicéesinvoquent l'ordre de la nature comme preuve de l'existence de Dieu. Mais voici pal' OÙ les cro y ances antiques(1it1rent profondément de nos idées modernes: les astresétaient pour les anciens des divinités douées de sens et

(1) Cette argumentation théologique est développée notamment parPmLON, De spec. teg. (1. e.), et dans le fragment lispi dp9xXo.Mais, d'une façon générale, la constance des révolutions sidérales estun des arguments favoris des anciens pour démontrer l'existence deDieu. Maton et Aristote l'invoquaient déj. Je iru' borne i citerquelques passages datant de l'époque qui nous occupe : Cis., NaL.deor., 11, M. § 4 et suiv. ; MoL, I, 47 et stuc.; SÊNFQUE, DeProvid., I ; SEx'rus EMPuRICUS, Adv. 'Io(hem., IX, 26-8.

() Posidonius faisait de la contemplation du ciel une dcs sourcesde la croyance en Dieu; cf. AÊTIUS, PIGe., I, G (DuELs, Due ogr.,

i95 et suiv.), qui est un extrait le ce philosophe, et CAPELLE, Die&hrill von der Weli (Etiait des Xeue Jolzrh. /iir 'las kla.ss. Aller-Luin, VIII), Leipiig, 1905. p. 6 [534], n. 4.

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de qualités. Le paganisme tout entier s'accordait à leproclamer, et les philosophes l'enseignaient depuisPythagore et Platon. Le mouvement continu de cesmasses immenses ne montrait-il pas qu'elles étaientanimées, et la régularité comme la pérennité (le leurmarche circulaire ne prouvaient-elles pas leur naturedivine? Ces chars enflammés qui roulaient dans l'espacesans jamais s'entrechoquer ni s'écarter de leur carrière,devaient être conduits par des auriges d'une intelligencesupérieure. Pour refuser aux corps célestes la raison, ilfallait en être dépourvu soi-méme; c'était du moinsl'avis de Cicéron (1).

l)'aufre pari, pour les adeptes de l'astrolâtrie commepour les stoïciens, l'âme est une particule (létachée desfeux cosmiques. La chaleur qui anime le microcosmehumai ri est (le même substance que celle qui vivifie l'uni-vers, et la raison qui le gouverne partage la nature desflambeaux qui l'éclairent. Essence ignée, elle est parentedes dieux qui brillent au firmament ('2). La contemplationdu ciel devient ainsi une communion. Le désir que res-sent l'homme (le lever longuement ses regards vers lavoûte constellée est un amour divin qui le transporte. Unappel céleste l'attire vers les espaces i'adieux. Dans lasplendeur des nuits, son esprit s'enivre de la lumière quelui versent les feux supérieurs. Comme les possédés et lescorybanies dans le délire de leurs orgies, il s'abandonneâ l'extase, qui le délivre de son enveloppe charnelle et

(I) CICERON, Nat. d&r., Il, 1, Caclestium admirahilem ordi-ne,n, incredibilem que constantiam.....qui vacare mense putat, i.ipse mentis expers habendus est. Cf. ibid., e. 44,

) Cf. mes Religions orientales, e éd., 1909, p. 398.

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l'élève, loin au-dessus des brouillards de notre atmo-sphère, dans les régions sereines où se meuvent les astreséternels. Porté sur les ailes de L'enthousiasme, il s'élanceau milieu du choeur sacré des étoiles et suit leurs mouve-ments harmonieux. Il vit alors de la vie de ces êtres étin-celants qu'il voit d'ici-bas palpiter dans le rayonnementde l'éther; avant le terme fatal de la mort, il participe deleur divinité et reçoit leurs révélations dans un ruisselle-ment (le lumière qui éblouit, par son éclat, l'oeil nième (lela raison (1).

Voil les effusions sublimes où se complaisait l'élo-queiice mystique d'un Posidonius. Toutefois, dans cettethéologie savante, qui a pour premiers auteurs des astro-nomes, l'érudition ne perd jamais ses droits. L'hommeéclairé lar la lumière céleste ne prend pas seulement unplaisir indicible à considérer la danse rythmique desétoiles, réglée pal' les accords (l'une musique divine.Insatiable de ce spectacle toujours renouvelé, il ne seborne pas à en jouir. La suif (le savoir, qui lui est innée,le pousse à rechercher quelle est la nature de ces corpsincandescents dont le rayonnement vient l'atteindre, àdécouvrir les causes et les lois le leurs mouvements per-pétuels (e). Il aspire à comprendre le cours des constella-tions et la marche sinueuse des planètes, qui doivent lui

(1) Voir les textes cités dans l'appendice, pp. 282 et 284; cf-p. 969,n. 4.

(2) PHILON, De opif. mundi, 47, § 3 I, 42, M1, 17, Cohn). Cf.77 l, 48, M = 1, 96, Cohn) : '[1 Owp( 'rT xt' op6', &p'

6 'J&pWct iOov7E 'jtow't1Jiç,

6O'roop(&vXc'' o' xo O',66Optu7o &7tŒOvŒ. 1k spet. legib., LII, 34,187 et uiv.

ll, 330, M = V, 902, Cohn).

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révéler les règles de la vie et les secrets du destin. Dèsqu'il approche des limites des cieux, son désir de con-naître ceux-ci s'enflamme par la facilité même qu'iléprouve à le satisfaire (1). Les transports qui l'entraî-nent vers les régions supérieures n'étourdissent pas sonintelligence, mais l'illuminent. La vue du firmamentétoilé le conduit à l'astronomie et à la philosophie, reinesdes sciences, l'une dans le domaine visible, l'autre danscelui des idées (), et leur étude est l'emploi le plus noble

(4) CICÉR., TuscuL, I, 19, § 44 : Nature inesi in ,nentibus nostrisinsatiabili.s qu.aedam cupiditas yen vi4endi et orae ipsac tocorvmilloruin (le ciel) quo perveneriuzus, quo facitiorem nobis cognitionemrerum caele.stium, eo meiorem cognoscendi cupidzla te7n dabun 1, etc.Ce passage de Cicéron se rapporte â la vie future, mais s'appliquaitaussi â l'extase, voyez p. 274 n. 1, et l'appendice p. 282.

(2) Cf. les passages de l'hilon, cités supra p. 266,n. 2. - L'Épi nornis,qui est influencée par des théories orientales (cf. mes Relig. orien-tales, p. 386, n. 34). enseigne déjtt (p. 990 8) que, l'astronomies'occupant de la plus divine de toutes les choses visibles oprtov

v&povdiiov £tvlL. Elle nous donne la vertu laplus précieuse, c'est-âdire la vraie piété. - PHILOFÇ, De congr. erud.gr., 40,i0 (I. 526, M = III, 82. Wendl.) : Kz&tep yip bvOpŒvil, OETS GiVyO'&W,, Ç3L).u2 nâv

v&irà xdrau, oCwtv itspl a&dvYvav oi &pov zr'rs xcd XXatopd'd'o,atÀi

tt,tv, Cf. BREuIER, Les idées philos, de Phi Ion d'Alexandrie,1008. . 167. - SÉNÉQUE, Net. quaest., VII, 4, 6 : Non aliudquis eutmnagn ificen jus qu aes-ieriz au t dilicerit utilius qua in de stellarum.sid'rum que nature. - Mon coI]èiue M. Thomas appelle mon aiten-Con sur l'éloge (le l'astronomie qu'on lit daims l'Aetna, vy.passage particulièieiueit important parce (lue la source de ce poèmeest Posidonius, comme l'a démontré Sudhaus. - Pour les adeptes del'astrologie, celle-ci est naturellriient la ruaitresse de toutes lessciences, cf. mes Religions orientales, 2° éd., p. 93, n. 1, et surPioléniée, BOLL, Siudien dber Cl. Pto(., p. 74.

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qu'il puisse faire de ses facultés. Posidonius définissaitl'homme le contemplateur et l'exégète du ciel (.1).

Comparons cette extase sereine aux transports del'enivrement dionysiaque, tel qu'Euripide, par exemple,nous le dépeint si fortement dans les Bacchantes, et noussaisirons toute la distance qui sépare cette religion astraledu paganisme antérieur. Ici, sous l'excitation du vin,l'âme communie avec les forces exubérantes (le la nature,et l'énergie débordante de la vie physique se traduit parl'exaltation tumultueuse des sens et l'égarement impé-tueux de l'esprit. Là, c'est (le pure lumière que s'abreuvela raison assoiff.Se de vérité, et « l'ivresse abstème »qui la ravit jusqu'aux étoiles, n'allume en elle d'autresardeurs qu'une aspiration passionnée vers la connaissancedivine. La source du mysticisme s'est transportée de laterre au ciel.

Le culte sidéral ne connaît pas les débordements sen-suels des orgies de Bacehus. Il réserve ses adeptes desjoies spirituelles dont l'intensité leur rend fàdes et mépri-sables toutes les jouissances matérielles, et les moralistesopposeront de cent façons l'humilité des choses d'ici-basà la magnificence de celles d'en haut. Comment les ado-rateurs du ciel s'animeraient-ils aux courses du cirqueou seraient-ils séduits par les chants et les danses duthéâtre, eux qui ont le privilège de contempler les dieux

(1) CAPELLE, op. oit., p. 6 1 34j, n. 4. - Cf. SÊNÈQUE, Dial., Xii,De consol. Lut lIeiv., Viii, 4 : Anirnus contemplator admirat orquemundi; PSuUDO-APIJL., AscL, o. 9.

(2) NXo L'expression est dans PIULON infra appendicep. 282, cf. VETTITJS VALENS, infra appendice p. 285: Ti Lavovx6'V1tLXÔV

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269 (46

et d'elIten(lre leurs voix prophétiques (1)? Combien ilsdédaignent, tics hauteurs tic leur brillant séjour, lespalais dorés et le luxe fastueux des riches Ils n'aiiias-sent pas l'or et l'argent, trésors dignes des lénbres dusol dont notre cupidité les lire, niais ils emplissent leuresprit de richesses intellectuelles et le rendent maître detonte la nature, en sorte que ses possessions s'élen(lentjusqu'aux confins de l'Orient et de l'Occident (3). Lesprivations mênie de l'exil ne peuvent les atteindre,puisque sous tous les climats ils retrouvent les mêmesastres i la même distance ile leurs yeux attentifs;pourvu qu'ils puissent se mêler à eux et que leur âmemonte vers ces claires régions où l'attire sa parentéavec les feux célestes, peu leur importe quel sol ilsfoulent aux pieds (4).

Volant à travers l'immensité de l'espace, leur pensée

(4) VETTIUS VÂLENS, VI, I (pp. 42, 8 et sniv., éd. KrolI) 'EttC)V pOt)DOt XŒ tŒatLOO1t &v7t'r4wv

(' xxl X))W' Z XCLi tExX2aIÂlVT

&ofj &? caa 't X. Cf. Fiuucus MATERNeS, Il, 30

( p. 88, Krotl el Skutsch) : Secerne te (ii savoir Fastrologue) ah specta-culorum sem per i1lecen'ii, etc.

(2) SNÈQUE, Not. quaest., prol. § 'I : luvut zn!er a1ra vagantemdivitum paui mente ridere et totem cunz euro suo terram, etc.

3) SÊNÈQUE, Epist., XiV. 4 (9§ 3!.(4) SÉNÈQUE, Dia.1., Xii, De consoi. ad llelvùzm, 8 : (Jndecum que

ex aequo ad caelum erigilur actes, paribus intervaltis ornnia divinaah omnibus Iiu,ncsnis tiistant. Proinde dum ocuU mci ab illo spectacutonon abdwan tur; . . . dam cum his astris) siin et caelestibu.s quahonini [as est imniiscecir; dum aninwm, ad eugnatarum re-ruinconspecluin tenden tein, in suhlinii •sem per hahea w, qvid refert meaquid calcem. . . Angustu.s anhuus eSt quem lerrena delectant, ad illaabducendus est, quae chique aeque apparent, ubique aeque Lplefld2nt.

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(47) 27O

méprise cette terre étroite; embrassant le cercle entierdu monde, elle aperçoit notre globe comme un point àpeine distinct ou comme une fourmilière (lont des troupesd'insectes minuscules se disputeraient la domination.Cette terre, glacée au nord, brûlée au midi, submergéetout alentour par l'océan, entrecoupée de solitudes, dé-vastée et souillée, est à peine partiellement habitable.Combien est vaine la gloire qui s'étend sur ce domaineinfime! Dès qu'elle atteint les sphères des étoiles, laraison s'y nourrit et s'y dilate; libérée de ses entraves,elle retrouve dans sa première patrie ses qualités origi-uielles; sa nature divine se complaît à séjourner parmi lesétoiles divines, et, admirant les phénomènes merveilleuxde leur cours, elle s'attache en spectatrice curieuse à toutobserver, à tout examiner. Mais combien pitoyable alorslui semble la petitesse mesquine de son anciennedemeure! Absorbée dans ses recherches sublimes, elledédaignera les biens périssables du siècle et les plaisirsgrossiers de la foule (1). Ainsi le dévouement à la sciences'auréole dans la dévotion sidérale d'un nimbe religieuxet devient une vocation sacrée, qui afFranchit (le toutepassion terrestre. L'exaltation de la vie intellectuelle yentraîne à l'ascétisme.

(1) Tout ceci est développé p SÊNQUE, Quae.ss. nut., Praef., § 7I2,et en partie par CICÉRON, So pnn. &ip., VI, § 12-14, cf. III, 8, et Tuscul.,J, 20, 4. . La ressemblance parfois textuelle des deux passages etleur coiieordance générale avec lispi xdot. cli. 1, prOuvent que lesidées qui y sont exprimées sont celles de Posidonius. Cf. CAPELLE,

ioc. cet., p. 7, n. 4. - Comparer aussi Fini. MAT., VIII, praef. (appen-dice, p. 285) Mens nostre ... u prauts corporum iUecebri$ liberatur

ab onini pravaruin cvpidiatunz desi4eriis separanur.

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71 (18)

Mais inversement les mortels ne rommuniqucul, (laflS

l'extase, avec Ta divinité que s'ils l'ont mérité par lamoralité de leur conduite. La science est une révélationpromise à la vertu. Il tant que l'âme se purifie de toutesouillure pour se rendre digne de la société des dieuxet de la communication des connaissances célestes; ielle s'affranchit des passions et des besoins corporels,alerte et légère, elle pourra s'envoler vers les astres (I).Dans u pokrniquc véhémente que Posidonius diriacontre lpicure, il lui reprochait, à propos de ses duc-

trines astronomiques, d'avoir été « plus aveugle qu'ctaupe », et il ajoutait : Rien d'étonnant, car décou-vrir la véritable nature des choses n'est pas le faitd'hommes adonnés à la volupté, mais de ceux dont lecaractère vertueux lait du bien son idéal et qui ne lui

(1) SÉNÉQUE, Natur. quaesf., Prol., § 7: Virtus enim i.çta, quani ai-fecla,nus, magnifica est . . . quia animuin laxat et praepara( nacoûnitionem caelestium dignum que effleit qui in consortium deorutnve?aui, etc., . . .H) : Sursum ingentia spatia îun1 in quoriposse.(.(ione?rz a•nimv.s ad;nittitur, si secun minimum ex corpore lUiji,si sorditiuni onine detersit et e.xpeditue leuis que et contentus modi.oemicuit, Sur l'origine de ce passage, cf. supra, p. 270, n. 1.Cf. EpLt., XIV, 4 (92) § 30 : Sed si cui virtus animus que in corporcpraesens, hic deos aequat, illo tendit originis suae ,nenwr, etc.Diai., XII, De consol. ad HeIn., 9, 2 : foc cogilandum est ista(lerrena) nerfs bonis per toisa et prave credita obsiure. Quo Ion gioresporticus expedierint . . . hoc plus erit quod illis caelurn abseondat.Comparer CIcÊRoN. Tuseul., I, 49, § 44. 'ETTIUS VALENS, VI proœm.cité dans l'appendice p. 284; FIRMICUS MATERNUS, ibid., p. 285.- La même opposition entre le corps attaché É la terre et l'Érne quipeut s'élever au ciel apparait dans d'autres passages. Cf. infro

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(49) 72

prétèrent pas la santé de leur chair bien aimée (1).L'absurdité de la cosmographie que professent les épi-curiens est pour lui une conséquence de leur vie dis-solue. On voit poindre l'idée, si dangereusementdéveloppée pins tard, que le vrai savoir est la récom-pense de la piété.

Aussi les astrologues, qui prétendent découvrir dansles étoiles les arcanes dii sort, ont-ils une existenceaustère ou du moins ils la prêchent. Selon Manilius (),si d'autres poursuivent la fortune au prix de mille peines,eux, voués des recherches ardues, doivent se sacriliertout entiers pour qu'un dieu les pénètre de son intelli-gence

Impendendu,s homo est, deu.s esse ut possit in ipso.

Ils insistent volontiers sur la pureté de leurs moeurs (3)ou énumèrent avec complaisance toutes les qualitésmorales qui les rapprochent de la divinité : pudeur,sobriété, intégrité, modération, renoncement (4). Ils

(4) CLÉOMÉDE, De motu ciro., 11, 4, § 87 (p, 159, éd. Ziegler) :'Y&p,I(Œ,VW &VptrIta)V itt' SpTV 'sv 'tOi Ot'

&X).' &vp7t'tiv &p'civ iteuxdwv c,xtatiiirpo&tv roto t ev &X),' opxta'tç xrij&yrwwv. - Tout ce passage de Clornède est emprunté à Posi-donius; cf. DIELS, Doxogr., p. 21, et BOLL, Studien iber Ctaw.lzusPtolemt'tus, 4894, pp 433 et suiv.() MAI'UUUS, IV, 397407. - tudier l'astronomie est pour Posido-

nius, selon l'expression de l'Aetna (y . 57), ingen4un sacrare.(3) Cf. VETTIUS VALENS, infra, appendice p. 28L(4) FIRMICus MÀTERNUS consacre tout un chapitre (li, 30) à exposer:

Qualis viSa et quale instilutuin esse debet mathematicis, et dit notam-ment: Oportez eum qui cotidie de dus vet cum dus loquitur, animuinsimm tormare al que instruere ut ad imilalionem divinilatis sein per

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73 (0)

aiment à se donner les apparences de prêtres incorrup-tibles et saints, et à considérer l'exercice (le leur pro-fession comme un sacerdoce (1).

Nous qui, dans nos villes du Nord, apercevons à peinel'éclat des étoiles, constamment voilé par les brumes etterni par les fumées, nous pour qui elles sont seulement(les corps en ignitiOn mus par des forces mécaniques,nous avons peine à comprendre la puissance du senti-ment religieux qu'elles inspirèrent aux anciens. L'im-pression indéfinissable que produisent les grandsspectacles de la nature, le désir qui nous possède depénétrer les causes de ses phénomènes, s ' y combinaientavec les aspirations de la foi vers ces n dieux visibles »qui s'offraient, toujours préseflts,à l'adoration. La passionpour la science, les ardeurs de la dévotion s' y fondaientdans l'émotion pénétrante que provoquait l'idée d'unecommunion de l'homme avec l'harmonie 4es cieux.

Ce mysticisme devait exercer un prestige d'autant plusfascinateur que l'espérance d'une vie future était moinsassurée potit les adeptes de cette théologie. Sansdoute Posidonius y croyait fermement (), et pour luiles joies (le l'extase donnaient seulement l'hommeun avant-goût de la télicité qui lui était réservéelorsque après la mort sou intelligence, s'élevant dans les

accedat... Eslo pudicus, integer, sobrius, parvo tnctu, parvis opibucontentes, etc. Cf. I. VIII, praef., etc. 5; THÊOPBLLE fl'I'DSSE, Cal.

codd. astrol., V, p.(o Cf. mes Religions orientales,éd., p. .S3, et PSEUDO-APUL.,

Asclepius, 9Paucissimi pure mente praedil sortiti sent cuelisuspiciendi venerabiteku curani.

(2) ZELLER: Philos. der Grit?chen, IV, p. 576, n. 3. Cf. ma Théologiesolaire Li. e., supra p. 5S, n. Oj, pp. 464, 475.

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(21) 274

sphères célestes, en pénétrerait tous les mystères (1).Mais parmi ceux qui se piquaient de philosophie (e),beaucoup niaient la survivance personnelle de l'âme,

• (1) SÉNÈQLrE, Quae,st. nal., Prol. § 47: flaee (caeleslia) inspicere,haec discere, hi incubare, nonne est Lranssilire nwrtaiitalem suamet in meliorem Iranscribi soriem. Cf. PHILON, supra, p. 266, n. 2Kvxoi vsfthç ($v &ajr VETTWS VALENS, IX, 8, cité infraappendice, p. 281.—Ccci ressort d'ailleurs suffisamment de la réuniondes deux idées (conteniplation terrestre et immortalité sidérale) dansles Tusculanes, 1, 19, § 43 [cf. infra appendice, p. 283]. - Dansl'eschatologie exposée è la fin de la Consol. ad Marciam (e. 25) etqui remonte è Posidonius (HEINZE, Xenocrates, p. f97 ; cf. NORDEN,Vergi.L's Bach Vi, p. 25), Sénèque donne comme oceupation auxèmes bienheureuses l'observation des astres qui est, on s'en sou-viendra, dêjà ici-bas l'étude à laquelle se consacre le sage Parenstuas nepotem suu:n... vicinorum siderum local us doce;, nec ex con iec-tara sed omnium ex vero pentus in arcana nalurae libens ducil.Certains passages que nous avons cités pourraient s'appliquer indif-féremment à la béatitude future ou à l'extase dans la vie présente, parexemple le prologue des Quaestiones naturales, et nous pourrionshésiter entre les deux, si le contexte ne nous éclairait. - Je m'aper-çois que BAOSTORNER (I3eilre zur Enidarung der philos. SchriftenSnecas, llambourg, 1901, pp. 10 et suiv.), n déjà montré le parallé-lisme qui existe dans la théologie de Posidonius entre la f6lieité desbienheureux et les occupations idéales du sage en ce monde.

(2 Le véritable stoïcisme plaçait en cette vie l'accomplissementde l'idéal humain, et ses doctrines sur l'au delà lurent ainsi aisémentse transformer. La plupart de ses adeptes se contentèrent d'uneimmortalité restreinte : elle ne devait durer que jusqu'à la e.onflagra.tion finale et ne s'étendait pas, suivant Chrysippe, à tous les hommes(ZELLER, Philos. der Griechen, V, 3, pp. 20! et suiv.; RoHnB, Psycise,Il', p. 312; BÀDSTÛBNER, 07). Cii., pp. I et suiv.). Les péripatéticiensnon plus n'admirent jamais sans contestation la survivance de l'rnehumaine. Les épicuriens la rejetaient résolument.

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275 (2)

OU du moins ils en doutaient (I). Certains croyaient quel'étincelle divine qui animait le corps allait, après lamort, se perdre dans les feux cosmiques sans conserveraucune individualité. Ils n'attendaient alors du trépasque la libération des destins dont ils étaient les pri-sonniers ici-bas; ils échappaient désormais aux néces-sités cruelles et aux vicissitudes impitoyables auxquellesétaient soumis les êtres qui vivaient sous les sphèresplanétaires (i). Leur conception (le l'existence et leursvoeux suprêmes étaient ceux qu'a fortement exprimésle plus antique des poètes modernes, celui qui, repre-nant une définition d'Alfred de Vigny (3), aflirmait enpleine Académie que la vie est « un accident sombreentre deux sommeils infinis (4) », Leconte de Liste,

(4) VETTUJS VÂLENS, IV, 41 (p. 173, (4 Kroll), ne sait si l'on doit

attendre une rétribution après la mort ('Ehriç X&L

iritE xi xxv &tiot); mais, ailleurs, par une de ces

contradictions dont il est coutumier, il dit (IX, 8, p. 3.46, 28)

Xl 7t2'opyoL o)vo 'c&3pov tijç &&avaiç

&))& xi ti' 4vp o'r;o, et il parle aussi dans un autre passage

(VI, Proœrn., p. L41, 44, Kroll) des vatoL f( qui sont au ciel.

- Ptolémée semble ne pas croire l'immortalité (c infra p. 277;.

lJ'une façon générale, les espérances escliatologiques n'occupentaucune place chez les astrologues.

(2) Cf. mes Religions orientoles, pp. 265 et suiv. et WENDLAND,

De helleni.stisch-réiniselte Kultur, p. 171, p. 80; Philo's Schrift éber

die Vorsehung, p. 68, n. 1.(3) Journal d'un poète, Paris, 1867 p. 264. - M. Aiphonse Wiliems,

dont la mémoire n'est jamais en défaut, m'a rappelé l'origine exacte

de cette citation.(4) JaAN Dossis, Essai sur Leconte de Li.sle, Paris, 4909, p. 336.

Vers la tin de sa vie, la pensée (lu poète subit une évolution, et cettenégation absolue ne le satisfit plus dans ses derniers jours.

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(23)276

dont on connaît l'apostrophe harmonieuse et déses-pérée (1)

Et toi, divine Mort, où tout rentre et s'efface,Accueille tes enfants dans ton sein étoilé,Affranchis-nous du temps. du nombre et de l'espace,Et rends-nous le repos que la vie a troublé.

Mais si peut-être tous nos désirs et nos efforts abou-tisseiti à l'anéantissement fluaI, si l'au delà ii'oftrequ'incertitudes et obscurités, si, par suite, l'horizon del'homme se limite à son domaine terrestre, il a la puis-sance ici-bas, dans la pleine conscience de soi, d'entreren communication avec Dieu. 11 ne s'élèvera pas au cielpar la vertu d'incantations, comme les magiciens pré-tendent le pouvoir (), son corps restera toujours attachéà la terre dont il est formé (s), mais sa raison quitteracette prison charnelle pour se transporter et s'épanouirau milieu des astres éternels, consciente dans cetteextase de sa parenté divine (4).

Cette contemplation mystique du ciel, source de touteintelligence, sera l'idéal religieux de très hauts esprits.De tous les savants antiques, le plus influent sur lessiècles qui suivirent, l'astronome Ptolémée, oublierases cakuls compliqués et ses recherches ardues pour

1) Fi n de Oies Irne dans les « Poèmes antiques ».

() Religiens orientales, 2e éd., p. 217, n. 63.(3) Ps. ARIST., [lip't xdao- c. I; SÉNÈQUE, U. ce , supra p. !69,

n. 4; p. 271, n- I IIERSIES TRISM., infra appendice p 28O PlIIlON.

De sper. leg., ibid. p. 282; FlaMicus MATEnSUS, ibid., p. 28.4 SiuFu. Quaesl. nat., Praef, § 12 rcf- supra p. 270, n. f 11cc

habet (animus) arOumentuin diuinilalis suae, qaod ilium divinadelectant, nec ut alienis sed u. suis interest : secure specla .l oceasussiderum... &U ill,a ad se pertinere.

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chanter cet enivrement. Nous avons conservé de luices vers

« Je sais que, mortel, je suis né pour im jour, maisquand je poursuis la foule serrée des astres dans leurcourse circulaire, mes pieds ne touchent plus la terre, jevais auprès de Zens lui-même, nourricier des dieux, merassasier (l'ambroisie (1). »

Quand d'autres croyances se furent imposées an monderomain, que les m ystères orientaux comme le cliristia-nisme curent placé le but de la vie humaine au delà duterme de celle-ci en lui ouvrant les perspectives radieusesd'une héatilude éternelle, le mysticisme astral ne perditcependant pas son empire sur les âmes. Encore auIve siècle, le dernier païen qui ait occupé le trône desCésars, Julien l'Apostat, nous a laissé sur sa foi intimeune confession curieuse. Il avait voué un culte fervent auSoleil, (101)1 il se regardait comme le serviteur né etcomme le fils spirituel qu'il fÛt, en effet, (léjà prédestinéà l'adorer, alors qu'il était encore chrétien, les souvenirsde SOI) âge le plus tefl(lre lui en donnaient l'assu-rance (). « Dès mon enfance, raconte-t-il, je fis pénétréd'un amour ardent pour les rayons dii soleil, et l'extaseOÙ inc plongeait la lumière de l'éther ne me poussait

(1 Anthot. Pat., IX, i77

OIS'&'irç ïpt'#1&)À'

'X'' 7fl)XVV

Oxh'tiaw yç iro&, && tip'ZiLOtpp7rL7r1ŒLL &pOT.

Cf. BOLL, SIudn aber Ctaudiu.s Pto1emiu.s, Leipzig, 4894, pp. 7et suiv.

( j JULÏEN, Or., 1V, début; cf. NASILLE, Jutien t'Apostai et sa phiLo-sophie du poLythéisme, 4877, p. 91.

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pas seulement à regarder obstinément cet astre, mais,s'il m'arrivait de sortir la nuit par un ciel pur et serein,j'oubliais tout le reste pour m'attacher uniquement auxbeautés célestes, ne comprenant plus rien de ce qu'onpouvait me dire et perdant même la conscience de ce queje faisais... Aucun livre d'astronomie ne m'était tombéeiitre les mains, et j'aime mieux oublier ce que je pen-sais alors des dieux, et cependant, lorsque la lumièrecéleste m'enveloppait de sa splendeur, elle m'éveillait etm'excitait à la contemplation, au point que je sus nierendre compte par moi-même du mouvement de la lune,opposé à celui du reste de l'univers, sans avoir jamaisrencontré personne des gens doctes en ces matières. »

Le mysticisme étrange qui se révèle à nous dans cesconfidences fut donc le sentiment qui provoqua laconversion de Julien au culte des astres. Il fut la causepsychologique (le la dernière restauration officielle diipaganisme. Peut-être rn'exdusereZ-VOLIS donc de rn'ctrearrêté si longtemps sur une forme de la dévotion quenous avons peine à concevoir aujourd'hui, tant notreidée du monde s'est métamorphosée, mais qui fut assezpuissante dans l'antiquité, après avoir translbrmé l'ido-1trie romaine, pour ébranler encore, sous le règne del'Apostai, l'empire devenu chrétien 1).

I Ii serait inttrsant de suivre la persistance de rus idéespaïennes travers le mo yeu âge. Ainsi le debul du Paradis de Liante

aurait pu être écrit par un disciple de Posidonius

La gtoria di Celui che LUISe UOVC,

Per Iuuiverso peueLr, e rij,kndelui unslL. pii e menU altreve.Net esel cliC piti delta sua luce jreuileFu je, u sidi cose chu ridireNe sà, ne puô quai di lassiz disceude.

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79 (26)

APPENI)ICE.

Je voudrais essayer d'établir ici, avec plus de préci-sion que je n'ai pu le faire dans l'exposé (lui précède, oùnaquit et comment se (léveloppa le mysticisme astral,en nunissant les principaux textes qui le concernent.

L'idée sur laquelle il repose, celle (le la parenté del'âme humaine, de nature ignée, avec les féux célestes,apparait déjà dans Hipparque au 11e siècle avant Jésus-Christ, et il l'a probablement empruntée aux ((Chaldéens))(cl. ma Théologie solaire [supra p. 58, n. 1], p. 470, n.Je crois que le m ysticisme, qui est une conséquence decette conception, est aussi de provenance orientale.Philon, dans sa polémique contre les c Chaldéens », lesexhorte à descendre du ciel, où ils Prétendent se mou-voir, pour étudier plutôt les choses terrestres et leurpropre personne (De rnigr. Abrah., 33, P. 465 M = II,304, Wendl.) T, OŒui&o, r000',pJvç

r;v/Os xxL rvùxxvtc

)oj xvirLç xd e),iYrt;p6ouç xxiw'&ç€À€iç xouç xptÇrJv

cf. De Somniis, I, 10, § 54 (lIt, 16 Vendl.)Tv cOpçpO ppùvoç yp

z. .k. Il semble donc que les « Chaldéens » de Philon,c'est-à-dire les prêtres-astrologues de l'époque hellé-nistique (Théologie solaire, p. 469, n. 3), aient déjà crutiue l'âme humaine quittait le corps dans l'extase, pouraller rejoindre les astres qu'elle contemplait. D'ailleurs,il est naturel de penser que cette idée, essentielle-ment religieuse, a plis naissance dans les temples de

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la Babylonie. Les Orientaux ont toujours rapporté auxdieux l'origine de toutes les découvertes et de toutesles sciences. Bèl passait spécialement en Mésopotamiepour le révélateur de l'astronomie (Religions orientates,pp. 49 et 3, n. 14). L'explication de phénomènescomplexes, qui, jaillissant des profondeurs du subcon-scient, illuminait soudain l'intelligence de l'observateurdu ciel, dut sembler à celui-ci d'inspiration divine. De làl'illusion que, par une tension intense de l'esprit, oupouvait entrer en communication avec les puissancesastrales. Elles-mèmes dévoilaient à leurs serviteurs atten-tifs les secrets de leurs mouvements.

La littérature sacrée de l'Egypte, où l'astrologie chal-déenne pénétra peu avant l'époque hellénistique, contientdes traces de ce nième mysticisme sidéral. Le fabuleuxPÉTOSIRIS donnait son oeuvre - écrite en réalité vers 150avant Jésus-Christ comme révélée par une voix du cielentendue dans le silence de la Huit (Vettius Valens, VI,Jroœ., p. 41, 17 KrollIr. 1, éd. Riess), et l'hermé-tisme enseignait que la partie divine de l'homme pouvaitmonter au ciel, le corps restant sur la terre (UuEsTiuss. X,, p. 84 Parthey) 0teiç&d yxuirxz v pov xûL7rcJv,

vOpo7roç E.ÇV &V 3VC!. Xp XŒ.

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'fr(xpBiçVJ'd€, XZ,7CY(O'd yjre+v yv x)tV(û yvt;ro',ye6ç ir.v

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it&ystov evc Ov Gvï' .. l) Ps.AI'uL., Asetepius X, c. 10

1) Ce passage d'Hermès offre aver un développement de Senèque[Posidonius] une analogie si singulière que l communauté de leurorigine apparait manifestement: pist., XIV, 4 (9g) 30: Si cui virus

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(p. 46, , Thomas) : homo parte qua ex anima et sensuspirilu atque ratione divinus est, velut ex e1emenis supe-rioribus inscendere posse videatur in caelum, parte veromundana quae constat ex igne, aqua et aere, mortulis resistatin terra; ibid. 6 (p. 41), 24, Thonias) homo dus eognatadivinilate coniuncius est; parten sui qua lerrenus est, infrase despicit; cetera onnia, quibus se necesarium esse cae-lesti dispositione cognoscit, nexu secum caritatis adstringit,sus picit cachun.....non caeum videtur altissirnuin, quasie pro.ximo animi sagacitate metitur. CL Hermès Trism.XII, 20 (p. 111, 9, Parthey).

Cette croyance que la raison de l'homme pouvaits'élever jusqu'au milieu des étoiles divines, fut repriseet développée pal' les asironomes ou philosophes grecs,disciples des u Chaldéens », et POSIRONIUS en fut sans(Ioule le propagateur le plus influent. Elle se retrouvechez les auteurs et dans les oeuvres qui s'inspirent de sathéologie.

PHILON D'ALEXANDRIE se plait à la développer avec lesatténuations et modifications qu'exigeait son judaïsme.Outre les passages que nous avons mentionnés plushaut (p. 266, n. 2, p. 267, n. 2, p. 279), on pourraiten citer une série d'autres (1) De opificio niundi 25,

70 (1, 16, M = 1, 23, Cohu) 'O voGç7C1VÇ pO€x.v ciipŒ xcd .& 'OtÎOU

-x4iEvoç vorriphpEL irpàçip xd r&ç oupoG

animusque in corpore praesens, hic deos aequal, illo tendit oriqinissuac memor ... anirnus, cui in quantum volt licet porririi, a nalurarerum fortn alus est ut parùz dis veUci ... in caclum redit.

() La i;Iupart ont été déjà rêunis par M. Co1n dans son éditionspéciale du 1k opificïo, p. 4.

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(9)

it€pouç, )v*v r xavv op€lcç uit€p'ito-XŒ&ù; ouxç S)EZÇ '.6Louç,evo; iproyrouvr.tvQirv oxvcù4ç,

VŒ ' ipvrt riç vo7rjç xzsfi€rç,t XUpZ,(ÙV€Ç VOOU ÀVQU

(Dieu), d.p6ourràç xpto xzLy;cp.ppotpdtov x6vt, ç TŒÇ

'ui xorvv. De spec. legib. II, 3 § 4S (11, 279, M = V,97, Cohn)opoL;xz.v vcvv

xcv xcpcc xd opvïi xcd &ç vcptEç apEu'd(.LEvor., xL

xoec rv&-tpviytv r€ xc

ŒvçJ.rsp!.7to)oGvreç, r&vxw

Jpovpiho., r&ç ?uy& ùipoç xeu-ovrEç, 7t(ù Œ pOEvE; 'xLL UVÇ

De special. 1eib. I, i § 37 (11 ^1 7, MV, 10, Cohu)Tdirzi.v r'i )o'5i)ç cità yçvwpoç

dp).çO6po3E xprvo)')xc)v x

r7tVT!. OpZV(. T)CE.Y)LVOLU-

porpç jprri. txç , tiÇ3o)ç, xpoi xL

çQuis rerum divin. heres, 14 § 69 (t, 482 MIII, 1G

Wendi.): llOo; v eç ,

yGv x)ïpovot ... xxttcit6pox

xriç,tep o. X e/ÂSVrit xi xop Ç3xyeu-

X XrOEOX6') ILV

bAou'iç y&p xiIxé. our l ' iir i)3'OiV)OLVÏÇ XXtvXd )7CJ 'O1) P(.)Ç

vroç yv-rç xcd itp itv Cf. De

vita confrmpiaL, 11, 475 NI. et les passages cités parConybeare dans son édition (le CC traité, p, 42.

CICÉRON. dans le Songe de Scipion, trans(orrne en un

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rêve ce qui, pour les adorateurs des dieux sidéraux, étaitune vision extatique le spectacle des sphères planétaireset de la terre lointaine aperçues du ciel des étoiles axes(cf. supra, p. 7O, n. 1), et, dans les Tusculanes (I, 19,

43), après avoir exposé comment l'âme, libérée par lamort de ses attaches, s'élève vers les astres et les contem-ple, il ajoute ( 4i) Ilaec (rerum caelestium) pu1chriludoetiasn in terris philosophiam (ognilionis cupiditate incensamexcitant. ï'raecipue vero fruentur ea qui, tunz etiwn, cutnhas terras incoien tes circumfusi cran t caligine, amen aciementis dispicere cupiebant. Bien qu'il ait certainementconnu les théories de Posidonius sur la communion del'intelligence humaine avec les divi tiités astrales, Cicéronne les adopte pas. Son rationalisme, qui n'a rien demystique, écarte ces doctrines aventureuses ou, s'il sehasarde à les reproduire, c'est comme (les fictions con-çues dans le sommeil et aussi incertaines que les mythesde Platon.

SÉNÈQUE est beaucoup plus affirmatif. Le mysticismesidérai inspire tout un développement un 1)e consolalionead Ilelviam (e. 8), le remarquable prologue des Quaestio-nes naturales (cf. p. 7O, n. 14) et plusieurs passages, deses Épures, que nous avons cités (supra, pp.n. 5, etc. Ou en trouvera d'autres relevés par Badstiib-suer (op. ciL, pp. Il et Suir.).

Des stoiciens ces théories se transmirent aux néopta-toniciens. Nous avons traduit (p. 77) un morceau deJULIEN l'Apostat qui est tout à fait caractéristique.

Si (les philosophes nous passons aux astrologues del'époque impériale (nous avons déjà parlé (le Pelosiris),nous trouverons une série ininterrompue de témoignagesdécisit. MANILIUS développe à plusieurs reprises l'idée

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que, montant au ciel pour en décrire les astres, il estattiré vers eux par sa parenté avec les feux célestes(11, 136 et miv.) : flaec ego divino cupiam cun ad siderafiatu I Ferre, nec in turba nec turbae carmina condam, jSed solus vacuo veluti ectatus in orbe. ... Caelo noscendacanam, mirantibus astris; 1, 13 : luvat ire per ipsumAera et immenso spatiantem vivere caelo Signaque etadversos s(ellarum noscere cursus; V, 8 : Me properareviam mundus iubet omnia circum Sidéra ?ectantem et totodecurrere caeio, J Cum semel aetherios iussus conscenderecurrus Summum con tigerim sua per [astigia culmen; etsurtout Il, 115 et suiv. : Quis caelum possit nisi caelinumere nosse Et reperire deum nisi qui pars ipse deorumest ? I Quisve liane conrexi moiem sine fine patentis, ISignorum que choros ac mundi fiammea tecta, A eternuinet stellis adversus sidera bellum Gernere et angusto sub pec-tore claudere posset, Ni tantos animis ocutos natura dedis-set Cognatamque sui naturam vert isset ad ipsam Et tan-tum dictasset opus, co.eloque veniret Quod vocaL in caetumsacra ad commercia caeli; IV, 390: Quod quaeris deusest, conaris scandere caelurn Fata que fatali genituscognoscere lege I Et trans ire tuum pectus mundo que potin.IV, 9O Ipse vocaL nostros anioios ad sidéra mundus.

On pourrait à la rigueur soutenir que ce Sont là (lesimages ou des fictions poétiques,mais un prosateur,récem-nient édité, du 11e siècle, VETTIUS VALENS, s'exprime avecune clarté qui ne laisse place à aucun doute : VI, Proœm.(p.41, 13, éd. Kroll) : (Pétosiris et Nechepso)eç oroGroy lOzç x.L ps; ç t lt

xŒ)&rcçpŒvov'ro.ç 4t.yç xrjcçxc L€3xç ytçvvrç (?) ... Ibid., p.15:

X e)pv OpCwv o)Oiv

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M5 (5f)

xcd ô' rp6nov iouxOpr; xxzc.io)uo xd T't1'.' 4.u>4rtpo)4iz&Qsv XŒI

r& JsLOpo)3x x'R tvTv pu irpôç

T'j'. VTrV1TXôV xxivIbid., p.)

'Evut y&p ô u'ypv xz. Otp oxt

IX, 8 (p. 346, 16 hroll) : "AvOp1zoLtTÇ Tô'

opvvvX2!T)Vp()V Xl!L; ... X TŒÙTTç

7jç cpoywi•\s7Œç ô6z€vET x21 pàxcpo;icpo...

€)prtJÇcy€!. 7CB?.TÇ O'J XrYLOU5rpr-

Ocv vJorxcwi uxç Ep)v

r'ç 7;Z?1 ZÏ8çLôZX6LV.

Nous avons cité plus haut (p. 77) l'épigramme oùITQLÉMÉE aussi célèbre les joies de l'extase qui le trans-porte loin de la terre au milieu des constellations qu'ilétu il le.

Au IVe siècle, FIRMIcLI5 MATERNUS exprime encore ion-gueinent ses convictions mystiques au début de sondernier livre (VIII praef.) : Nihil deberernus cogitare terre-num praesertim cwn sciarnus fabricatorem nostrum deumila nos dwini art'ificii moderatione fecisse, ut recti corpo risforma, ab omni humililatis deiectione seposita, nihil aliudprimum, patefacta oculorum acie, nisi .Çolem et Lunamsteflasque et Iwrum omnium putcherri1nurn alque immor-tale domicilium mundum scilicet videreinus. Caeteros eniinanimant es ita natura composuit, ut ad terram demersiterrenis sem per con»ersa'ionibus in/iaererent

intuere ita que patenhibus oculis caelum et puk.herrimarnislam dirini opens fabricam animas tuas semper aspiciat.Tunc enim mens nostra maiestatis suae recordai jonc fur-mata, a pravis corporum illecebris tiberatur et exuta mor-tal.itatis incommodis ad auctorem suum feshinato nititur

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qressu, nihilque aliud nisi res divin-as per omnia horarummomenta sagaci ac pervigili sem per inquisition.r perquirit.Dabunt igitur nohis haec instuta quan(ulamcujrnque divi-nae scienliae notionem et ad oriqinis nostrae secreta per-ducent. IJivinis enim semper disputa tionibus oc-cupati etaniinum nostrum caeleslibus potestatibus applicantes acdivini.s eu-m caerimoniis initiantes, ah omni pravarwncupiditatum desideriis separainur. Cf. 11, 30 (p. 85,éd. kroll) Oportet enim eunz (sc. astrotogum), qui cotidiede (lus vel cum dus loquitur, anirnum suurn ita forrnarealque instruere ut ad imitationern divinitatis semperaccedat, etc.

Enfin MARTLNUS CÂPELLA, avant d'exposer des doc-trines astronomiques, invoque le Soleil en ces termes(Il, 195) : Va pater aetherios menlem conscendere coetu.Astrigeruznque sacro sub nomine noscere caeium, et JULOEN

DE LAODICtE, qui écrit vers 5(K) ap. J.-C., termine l'in-troduction de son 'Etax€4.ç par les mots(Cat. codd. asrol. graec., IV, p. 104, I. 4): 'II

)wv X2?. 'Jp6pXOE. &'/'Wy)EO€VOLpw)irov. Cf. STEPIL. PHiLOS., ibid , II, p . 185,

1. 7. Même dans ces passages tar(li1 on trouve un échoafTaibhi des antiques croyances dont nous avons essayé desuivre la tradition jusqu'à la fin du paganisme.