Le Monde Jan 2014

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La beauté en Technicolor Supplément à M Le magazine du Monde n o 131 du samedi 22 mars 2014. Ne peut être vendu séparément. 22 mars 2014

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Auprogramme.

MesdAMesetMessieurs,voicilepremiernumérodeBpar M Le magazine du Monde.Bcommebeauté,un thèmequi adéjà saplacetoutes les semainesdansM,mais auquelnous avionsenviededonner plus de place.Parceque labeautéestundoMAinePAssionnAnt.unplaisir etunbusiness.un langagepour cellesquiutilisentonguents, fragrances et pigMents,etun secteurd’activitémondialisé aux règles spécifiques.Les asiatiques ne portent pas de parfumet se rêvent avecdesteints translucides.QuelesoccidentAlesontfiniPAriMiter...Quant aux cheveuxdéfrisés,lissés, cirés qu’arborent les africaines, les antillaises mais aussibeaucoup de Latino-américaines, ils sont en traindedevenirla normepour les coquettes àbrushingdumondeentier.united coLors ?oui.Mais le sloganest pris icidans sonacception laplus classique.dans cenuméro,lesteintesexPlosent,fluo,vives,saturéescar –nousexpliqueLili barbery-coulon–, la spécialistede labeauté àM,elles sontdepuissantes sourcesdudésir…d’acheter.desArguMentsdevente.Mais aussi,et c’est plusnouveau,desgages dequaLité dans Le doMaine des soins.Jusqu’auxparfums.oui,lesodeursontunecouleur!Pourmettre en scènecepremierB,l’équipedecréationdeM a fait appel à l’artisteMatMaitlandqui apoussé très loinl’hyPerréAlisMe.commedansunnuancierPantone, il a joué lamonochromie.onestplusprochedupop art que duboudoir.labeauté,c’est aussiune phiLosophie.Marie-pierre Lannelongue

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L’argumentdupigment

Arômeschromatiques

Supplément à M Le magazine du Monde édité par la Société éditrice du Monde (SA).Président du directoire, directeur de la publication : Louis Dreyfus. Imprimé en France : Maury imprimeur SA, 45330 Malesherbes.

Rédaction en chef : Marie-Pierre Lannelongue / Direction de la création : Eric Pillault (directeur), Jean-Baptiste Talbourdet (adjoint) / Rédaction en chef adjointe : Béline Dolat /Conception : Lili Barbery-Coulon / Rédaction : Carine Bizet, Vicky Chahine, Caroline Rousseau / Edition : Yoanna Sultan-R’bibo, Anne Hazard, Julien Guintard avec Elodie Ratsimbazafy /

Photo : Cathy Remy / Correction : Michèle Barillot, Ninon Rosell avec Claire Diot. Ont collaboré : Mat Maitland, Artus de Lavilléon.

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—innovations—

Label sobriété.dans un monde en technicolor, l’épure fait de la résistance.pour une cosmétique à la fois technique et émotionnelle,les marques misent sur des packagings en noir et blanc.

par Vicky chahine et caroline rousseau / stylisme lili barbery-coulon /photos Jean-baptiste talbourdet

piquantEn parallèle de ses parfumscorsés aux notes boiséesdans des flacons aux formesvoluptueuses, Serge Lutensa lancé en 2010 une collec-tion d’eaux dans desbouteilles rectangulaireset élancées. Laine deVerre,la troisième à intégrerla ligne, est un jus glacé etpiquant à l’odeur métallique,et dont l’empreinteolfactive s’accorde avecl’épure de son packaging.Laine de verre, Serge Lutens, 75 €les 50ml. www.sergelutens.com

nipponDiptyque s’était déjà essayéà la cosmétique avec une lignepour le corps aux senteurssubtiles.Le parfumeurdécline à présent son offrepour le visage en cinq soins.Dont la poudre pureté,unmélange d’argile blanche,de pétales de rose,de jasminet de fleurs d’oranger,quise transforme en unemoussenettoyante au contact de l’eau.une texture inspirée parles rituels de beauté japonais.Poudre Pureté pour le visage,Diptyque, 52 € les 40 g.www.diptyqueparis.com

cELLuLairEL’aDn,nouvelle arme dela beauté? Son fort pouvoirévocateur est désormais misen avant par plusieursmarquescommeDr Brandt, dontla dernière ligne anti-âge,Donotage, joue sur l’acronymeanglais Dna (pouraDn).La cautionmédicale est souli-gnée par un packaging blancet des soins alignant les bre-vets haute technologie.ainsi,le sérum antirides contient depetites perles qui libèrent,lors de l’application,un complexe agissant surles cellules pour combattreles effets du vieillissement.DNAsérumantirides, liftant etrevitalisant,Dr.Brandt, 99 € les40ml, en exclusivité sur sephora.fr

nomaDEL’esthèteFrancis Kurkdjiana imaginé un écrin nomadepour accueillir ses jus aux bou-quets délicats.ce vaporisateurde voyage est fabriqué enzamac (alliage de zinc, alumi-nium,magnésiumet cuivre),comme les bouchons desflacons du parfumeur,un clind’œil aux toits de paris.a rem-plir d’oudpour les adeptes deboisé ou d’apompour les afi-cionados des senteurs florales.Globe Trotter, Francis Kurkdjian,85 € la version en zinc (95 € enor), recharges de 11ml,60 à 130 € les trois.www.franciskurkdjian.com

pionniErLe noir et blanc fait partiedes codes de la maisonchanel.cette charte gra-phique est déclinée jusquedans la gamme de cosmé-tiques, notamment les soinsnourrissants Hydra Beauty ré-cemment enrichis d’unbaume pour les lèvres.Baume nourrissant lèvresHydraBeauty Nutrition, Chanel, 36 €les 10 g. www.chanel.com

comBinéLa société iFF, créatrice deparfums pour de nombreusesmarques et auteur de plu-sieurs best-sellers, lance la se-conde édition de son coffretSpeed Smelling.Dix de sesplus grands nez ont été invi-tés à créer un parfum, sansaucune contrainte.résultat :un ensemble de fragrancessingulières comme celle al-liant coca et yaourt, ou cetteautremariant sésame, noi-sette et chèvrefeuille.Coffret Speed Smelling, IFF,100 € chez Colette. www.colette.fr

gLiSSantLancée par le géant suédoisH&m, la marque &otherStories a appliqué à sagamme de soins la même re-cette que pour sa mode :des produits bien travailléset à prix abordable. proposéedans un conditionnementépuré, la ligne corporellecotton care a pour base uningrédient phare : l’huilede graine de coton.Crème de doucheWinceyette,&Other Stories, 9 € les 350ml.www.stories.com

FLoutéconséquence des selfiesembellis à grands coupsde filtres photo, un nouveauproduit a vu le jour ces der-niers mois : le « blur ». Litté-ralement « flou » en anglais,ce type de correcteur permetde lisser la peau grâce à unetexture qui comble les im-perfections. La marque demaquillage nars s’est lancéesur le créneau avec sa lignepro-prime, dont le dernier-néest un stick qui corrigeavec précision les petitsdéfauts de la peau.Instant Line and Pore Perfector,Nars, 26 €, en exclusivitéchez Sephora.www.narscosmetics.fr

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amidonnéavec lamultiplication destutoriels de coiffure sur inter-net, le shampoing sec, idéalpour faire tenir les chignonset les tresses, a connu un ré-cent essor.L’italiendavinessort une version de ce produitmatifiant à base d’amidonde riz,d’huile de citronnelleet d’extraits de yuzu.Hair Refresher, Davines,19,90 € les 150ml.Points de vente : 01-46-33-22-13.

romanesquePour la LondonienneLyn Harris, les parfumssont d’abord ceux desjardins de son enfance :anglais, sauvages, foison-nants.mais ils sont aussiun terreau fertile pourl’imagination. elle a doncregroupé, à la manière d’unéditeur, cinq histoires olfac-tives. Par exemplele tome iV, La Feuille,bien vert mais étonnam-ment fruité, possède l’im-matérialité et la fraîcheurd’un changement de saison.Perfumer’s Library, MillerHarris, 225 € les 100 ml.www.millerharris.com

Visionnairedepuis deux ans, les pro-duits censés allonger ou fairepousser les cils se sont multi-pliés. Les laboratoires Filorgaont intégré cette technologieà un soin complet, permet-tant en un seul geste d’amé-liorer l’aspect général ducontour de l’œil (grâce à satexture de comblement quidonne l’illusion immédiated’une peau lissée) et d’aug-menter le volume des cils.Time-Filler Eyes, Filorga,44,90€ le pot de 15ml.www.filorga.com

singuLieren parfumerie commeenmode, la tendance està la personnalisation.avecses huiles de musc, de rose,d’oud, ou d’ambre,dior pro-pose à chacun de jouer lesnez en manipulant les ma-tières premières.ajouté à sonparfum habituel, un discretpoint viendra en amplifier oucontraster certaines facettes.un jeu de superposition quigarantit un sillage singulier.Elixir Précieux, Christian Dior,280 € les 3 ml. www.dior.com

snobun conditionnement épurépour présenter des soins quirépondent au mal del’époque: les cheveux trèsabîmés par les lissages et lescolorations. La gamme capil-laire développée par le duode coiffeurs suédois sacha-Juan est l’un des snobismesbeauté du printemps.IntensiveHair Oil, SachaJuan,35 € les 50ml, en exclusivitésur birchbox.fr

surmesurePoursuivant sa quête effré-née de précision et de résul-tats quantifiables, la marquede cosmétique ioma a mis aupoint des puces et des ma-chines capables d’établir undiagnostic précis de l’état dela peau, que l’on effectue enboutique.on en ressort avecune base, et huit sérums à yadditionner en fonction dudiagnostic, pour obtenir unecrème sur mesure.ainsi, sous un nom simple,ma Crème, se cache uneformule assez complexe.MaCrème, Ioma, 139 €les 50ml. www.ioma-paris.com

narCissiqueLes 25-35 ans sont devenuesla cible privilégiée desmarques de cosmétique.actives, informées, encoresans enfant, elles ont un bonpouvoir d’achat.Le défi estde satisfaire cette générationobsédée par son image,quiattend d’un soin qu’il embel-lisse aussi efficacement qu’unfiltre sur instagram.sisleys’attaque donc à la préoccupa-tion principale, l’apparitiondes premiers signes de vieillis-sement (peau sans éclat,moinslisse, fatiguée), grâce à uneémulsion fraîche au finimat.Sisleyouth, Sisley, 123 € les40 ml. www.sisley-paris.com

gaLbéLes huiles en roll-on permet-tent de se parfumer autre-ment. Le geste qui consisteà faire rouler la bille surles points de pulsation seraitplus sensuel qu’une vapori-sation. Le débat est ouvertpar byredo, qui vient dedécliner dans ce format mo-derne et adapté aux voyagesses sept parfums les pluspopulaires, parmi lesquelsla délicieuse blanche.sept fragrances de hautetenue, habillées de la mêmecharte graphique épuréequi fait l’identité de lamarque lancée en 2006par le charismatiqueben gorham, ex-basketteuret ami des branchés.Blanche, Byredo, 50 €les 7,5 ml, www.byredo.com

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SeS vidéoS ont été viSionnéeS par deS millionS depersonnes dans le monde. Pourtant, Lisa Eldridge estbeaucoup moins connue que Beyoncé. Cette Anglaise,maquilleuse professionnelle, est devenue une star duNet grâce à ses tutoriels (des leçons en ligne,et en vidéo,face à la caméra). Mais contrairement à beaucoup dejeunes blogueuses amatrices de fards et de fonds deteint,LisaEldridge n’est pas un produit de la générationFacebook-Instagram : elle est née en 1974. Sa force etson originalité résident plutôt dans une solide carrièreconstruite «B.I. » :before Internet.C’est grâce aux femmesde sa famille qu’elle a découvert lemaquillage.«A 6 ans,j’ai trouvé d’anciennes boîtes de fards chez ma grand-mère,raconte-t-elle, et dans la chambre de ma mère, un livre sur lesujet. Je n’avais pas vraiment envie de me maquiller moi-même, je préférais dessiner avec les produits. Le packaging aussime fascinait. Pour mes 13 ans, j’ai reçu un livre sur le ma-quillage de théâtre, écrit par les meilleurs professionnels de cettediscipline. Je n’avais pas réalisé que cela pouvait être une car-rière. Cela m’a donné envie d’en faire mon métier. »Mais comment s’y prendre quand on est une gamine deLiverpool qui veut travailler dans la mode? Quand LisaEldridge se lance, au début des années 1990, les ma-quilleurs ne sont pas encore ces make-up artists que lesgriffes de luxe s’arrachent.Ce sont des artisans de la cou-leur qui œuvrent dans l’ombre. On est loin du statut deVIP,acquis aujourd’hui par des personnalités commePatMcGrath ou Peter Philips. Aucune formation précisen’est alors proposée aux aspirants.Mais la jeuneAnglaisefinit par trouver un cours demaquillage photographique,

animé par des professionnels qui lui ouvrent les portesdumilieu.Commence alors un apprentissage classique :elle s’essaie sur de jeunesmannequins et collabore avecdenouveauxphotographes.Autant d’exercices pratiquesnon rémunérés qui lui permettent d’étoffer son portfoliodans un contexte créatif innocent et festif. « Quand j’aicommencé à travailler sur les défilés, les grandes marques decosmétiques ne sponsorisaient pas encore ces événements, la pro-fession n’avait pas cet aspect commercial. Nous étions pluslibres. » Sa carrière s’épanouit comme son sens de la dis-cipline : de FashionWeeks en couvertures demagazine,Lisa Eldridge travaille beaucoup, depuis vingt ans, avecles femmes les plus belles et les plus célèbres. Les ac-trices Kate Winslet, Keira Knightley ou Liv Tyler, lestop-modèles Lara Stone ou Mariacarla Boscono lui ontconfié leur visage. Pour une bonne raison.

Naturelles ou hautes en couleur, toutes les créations dela maquilleuse ont une chose en commun : elles embel-lissent. Il y a beaucoup de bienveillance dans sa façond’aborder son métier. Et de sens pratique, puisqu’elleapplique aux autres ses propres recettes.Pas celles d’unecréature de mode, mais celles d’une personne qui vit àLondres avecmari, enfants et chats.SonCV impression-nant l’amène un jour sur les plateaux de télévision bri-tanniques pour une émissionde relooking à succès «TenYears Younger », qui lui donne accès à un autre public,celui des femmesde la rue.« J’ai reçu beaucoup de questionsauxquelles je ne pouvais pas répondre. Je me suis dit qu’il yavait une niche pour quelqu’un avecmon expertise. J’ai relancémon site avec des vidéos en tutoriel. Aucune marque ne sponso-rise mon site personnel, je ne parle que de produits que j’aimevraiment. C’est un espace de liberté et d’intégrité. »En 2009, Lisa Eldridge, qui par ailleurs produit des vi-

déos pour Chanel et conseille plusieursmarques de maquillage, commence une vieparallèle de blogueuse vidéaste. « Au début,j’avais peur de ruinerma carrière, car les gens de lamode peuvent être très snobs. J’ai commencé chezmoi, le dimanche. J’ai fait ma première vidéo avecune sévère gueule de bois. Mon mari m’a dit quej’étais folle, mais je voulais montrer aux femmesqu’on a toutes nos bons et nos mauvais moments. Jene voulais pas d’un site intimidant ni jouer à laprofessionnelle autoritaire. C’est davantage uneconversation avec une amie. » Et d’expliquercomment camoufler une poussée de boutonsou se faire un teint frais.Très vite, le bouche-à-oreille fonctionne, le site devient un succès,tout comme sa chaîne YouTube, où certainesvidéos ont séduit plus d’un million et demid’internautes. Le secret : la pureté du fondblanc, l’élégance du cadrage – sonmari, anciendirecteur artistique de Vogue UK, lui a visible-ment donnéquelques conseils – et des thèmesaux antipodes de la dernière tendance recom-mandée par la presse féminine. Pas question

d’accumuler sur les paupières le colorama entier de lapalette branchée.L’artistemaquilleuse considère la cou-leur commeune alliée dans unequête demieux-être.« Ilexiste beaucoup de règles. Je n’y crois pas. La couleur est trèsémotionnelle ; donc s’il y a une nuance que vous aimez, essayez-la. Si elle illumine votre visage, c’est une bonne couleur pourvous et vous trouverez une façon de l’utiliser. »A trois condi-tions : toujours avoir un joli teint, toile de fond indispen-sable à toute pose de pigments réussie ; choisir les yeuxOU la bouche ; résister aux achats compulsifs. « Dans lesmagasins, les éclairages sont réglés soigneusement, il faut essayerles produits à la lumière du jour et voir comment ils réagissentavec la peau sur la durée. Si, une fois à lamaison, c’est toujoursbeau, alors achetez le lendemain. »Lisa Eldridge a choisi lafranchise et la proximité avec les internautes : une stra-tégie payante. lisaeldridge.com

Blogueusesans fard.

la maquilleuSe-Star liSa eldridge diSpenSeconSeilS et leçonS de beauté à madame

tout-le-monde danS deS vidéoS, conSultéeSdeS millionS de foiS. leS cléS de Son SuccèS :

pédagogie et franchiSe.

par carine bizet

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lio— Colorama.

parfums, soins, vernis à ongles… rien n’échappe au pouvoirde la couleur. jouant sur la gamme, l’artiste mat maitland a créé

des tableaux, entre surréalisme et hyperréalisme.

par lili barbery-coulon / illustrations mat maitland

Vernis infaillible, L’OréaL. crème Haute exigence Jourmulti-intensiVe, CLarins. rouge à lèVres addict fluid stickPandore, DiOr. crème Powerful wrinkle reducing, KiehL’s.

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ci-contre, crèMe FutureSolution lX, régénérantetotale, ShISeIdo. creManera eXtreMa, gIorgIoarmanI.eau de toilettepour hoMMe, Karl lager-feld.crèMe le liFt, Chanel.

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20,8 millions d’euros en 2013, contre 11,8 en 2006 :

c’est le chiffre d’affaires généré en France par le marchéde la couleur pour les ongles. Toutes les marques ontdéveloppé leurs propres nuanciers de vernis, certainscomme Formula X (Sephora) atteignant près de deuxcents teintes.« L’explosion récente du vernis à ongles amodi-fié notre rapport à la couleur, nous permettant de la considérercomme un accessoire de mode », considère Alexandra Jubé,chef de projet chezNellyRodi.Moins ostensible qu’unerobe de teinte vive, moins coûteuse qu’une paire dechaussures, la touche de couleur « permet d’apporter unepointe de créativité politiquement incorrecte dans unmonde trèsstandardisé », estime Aurélie Chaffel, directrice conseilchezPerspectivesLab,un cabinet de prospective.Et passeulement sur les ongles.« Le secteur du rouge à lèvres comme celui de la coloration descheveux sont également en pleine mutation, admet Eva Yean,coloriste pour L’Oréal Paris.Adopter une couleur tranchée surlabouche, c’est unenouvelle façonde s’affirmeràmoindres frais. »Lacouleur s’afficheaussi sur les cheveuxdesadolescentes,avec le hair chalking, un maquillage éphémère en poudrequipigmente les longueurspendantunà trois jours.Déve-loppés par des marques comme L’Oréal Professionnel,Bumble and Bumble ou Body Shop, ces produits fluo nesontpasdestinésàséduiredesadeptesvieillissantsdupunkmaisdes jeunesfilles suivant lesmétamorphoses régulièresde leurs chanteuses préférées. « La coloration correspond àl’effacement de l’histoire individuelle et aussi à la permission de seréinventer,analyseAnnedeMarnhac,historienneetauteure

deBeauté : histoire, florilège et astuces aux éditions deLaMar-tinière.Ces phénomènes sont amplifiés par la confrontation per-manente à notre propre image, à travers la culture des selfies, cesautoportraits partagés sur les réseaux sociaux. »Dans les domaines dumaquillage ou de la coloration ca-pillaire, on se doutait que la palette des possibilités fini-rait par s’élargir. Cependant, on n’imaginait pas que lacouleur deviendrait un argument de vente à part entière.Ce n’est pas la durabilité du vernis qui donne envie del’acquérir,ni les bienfaits hydratants d’un gel douche quipoussent à consommer l’intégralité d’une collectionpourle bain, mais bien leur couleur. « On vit dans un mondeconcurrentiel hostile, on n’arrive même plus à envisager l’ave-nir, souligne Mai Hua, créatrice de couleurs de packa-gings et de maquillage pour l’industrie de la beauté. Lacouleur répond à un besoin d’émerveillement immédiat. »Premier à l’avoir compris, Steve Jobs révolutionne le rap-port auxmachines en lançant,chezApple,des ordinateursde couleur à la findes années 1990.« Jusqu’alors, on pensaitle design par la ligne et non par le plein, rappelleMaiHua.Onproposait des appareils électroménagers gris ou noirs, des ordi-nateurs beiges, dont la fonction était définie par le contour, paspar la couleur. Avec l’innovation de Steve Jobs, l’ordinateur a

quitté le discours technologique pour devenir intuitifet sensoriel. Et tous les autres secteurs de la consom-mation ont suivi. » Les appareils électroniquesont été déclinés sur tous les tons, les capsulesde café se sont distinguées grâce à leur palettede couleurs, les boîtes de thé se collectionnentempilées commeunarc-en-ciel…Même la so-ciété Pantone, qui a démarré à la fin du xixe

siècle en proposant des nuanciers pour fabri-cants de cosmétiquespuis adéveloppédans lesannées 1960un systèmede couleurs pour l’im-primerie, a surfé sur la vague en créant des ob-jets aux couleursducatalogue.SelonAlexandraJubé,« l’utilisation de la couleur par ces marques aélargi le spectre du produit de mode. Avant, seul levêtement était considéré comme saisonnier. Au-jourd’hui, la couleur est unmoyen de pousser les gens

à consommer toujours plus, quel que soit le produit ».dans l’industrie de la beauté, lesmarques dema-

quillage ont ouvert le champ. Des précurseurs commeFrançois Nars dans les années 1990, des marques desti-nées aux professionnels comme M.A.C, Make Up ForEver, ou encore Fred Farrugia, qui a créé les premiersgloss colorés chezLancômeen2000…,tous ont participéà l’élargissementde lapalettepour le visage.Aujourd’hui,le nombrede collections demaquillage va parfois jusqu’àhuit par an, reprenant le rythme effréné des collectionsde mode des grands noms du luxe. « Les couleurs les plusflashy ne se vendront pas forcémentmieux,mais elles permettentde retenir l’intérêt des journalistes et des consommatrices. Ainsi,elles vont provoquer de l’émotion autour de la marque », dé-crypteAlexandra Jubé. Lors du défilé haute coutureAr-mani Privé en janvier 2013 à Paris, lamaquilleuse LindaCantello a installé un color lab dans les coulisses, unesorte de laboratoire avec des pigments purs permettantde créer des teintes exclusives pour le défilé.Lamise enscène a entretenu l’engouement chromatique.« On n’estpas loin de la mouvance culinaire : les couleurs se consommentet se préparent comme des pâtisseries, on devient boulimique denouvelles teintes, que l’on va photographier et partager sur

L’argumentdupigment.des teintes de vernis déclinées par centaines,des fragrances coordonnées à des flacons…jusqu’ici décorative, la couleur est devenue

un argument marketing. en exploitant sespouvoirs évocateurs, la cosmétique en a fait

un atout de séduction.

par lili barbery-coulon

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Instagram », remarque Mai Hua. D’où l’apparition degammes, toutes catégories cosmétiques confondues,construites autour de la couleur, comme la collection defragrances baptisée Couleur, de Kenzo, dont chaqueopus parfumé est coordonné à la teinte du flacon. Idemchez JoMalone qui lance en avril la ligne London Rain,quatre parfums dans des bouteilles colorées à collection-ner. L’enseigne Sephora s’est même inspirée des cap-sules de café pourmettre au point un nuancier demono-doses de gel douche. « Ces trois dernières années, les spas,les lieux consacrés au bien-être, les médecines alternatives et lesneurosciences nous ont sensibilisés à l’idée que la couleur pou-vait avoir une inflexion sur l’humeur, pointe Aurélie Chaf-fel.La couleur est ainsi utilisée comme un soin, la chromothé-rapie. » Et peu importe l’efficacité de la formule àl’intérieur du contenant.Cette vague chromatique n’aurait pas pu se propagersans Internet. « Il y a désormais les blogs, les chaînes de té-lévision en continu, les applications sur téléphone mobile etTumblr qui font la promotion du design et de la couleur »,confirmeLaurie Pressman, vice-présidente de PantoneColor Institute. Des blogs comme Plentyofcolour.comrépertorient les plus beaux nuanciers, qu’ils soient issusde la nature, d’expositions artistiques ou de la sociétéde consommation. Sans compter l’influence de Pinte-rest, réseau social qui permet de partager des mood-boards (desmurs d’inspirations) selon les thèmes de sonchoix. La requête « Pinterest colors » dans Google in-duit plus d’un milliard de résultats. « Que ce soit dans ledomaine de la décoration ou de la beauté, les internautes sontdevenus des experts, poursuit Alexandra Jubé.On ne parleplus de vert, de violet ou de jaune : on dit menthe-à-l’eau,lavande et mimosa. »Et si l’on hésite encore à utiliser uneyeliner turquoise au ras des cils ou qu’on ne sait pasquels vêtements porter avec un orange vif sur les lèvres,le Web a réponse à tout. « Les tutoriels sur YouTube, cesleçons de beauté filmées, ou les do it yourself sur les blogs, ontpermis aux femmes d’acquérir une confiance dans leur capa-cité à utiliser la couleur, raconte Eva Yean. La mode descheveux colorés tie and dye [coloration en dégradé] parexemple est née sur Internet avant d’inspirer à L’Oréal Parisla création de son kit Ombré. Plus notre œil absorbe de cou-leurs, plus on s’habitue à elles, plus c’est facile de les adopterau quotidien. » Les consommatrices étant désormaisconsidérées comme des spécialistes, l’industrie de labeauté n’hésite pas à jouer avec leur centre d’intérêt :on ne parle pas de crèmes teintées pour camoufler lesimperfections mais de CC creams, deux initiales pourcolour control (contrôle de la couleur). Une appellation

déclinée du supermarché à la parfumerie de luxe. Il nes’agit plus d’être belle mais de « gérer la colorimétrie »de sa peau au pixel près.Tout un programme…Aussi attirantes que déterminantes dans l’acte d’achat, lacouleur du conditionnement du produit de beauté etcelle du maquillage ne se créent ni au hasard ni à l’ins-tinct. Les marques font appel aux bureaux de style quileur vendent des cahiers de tendances pour savoir quellepalette adopter deux ans plus tard. « On réalise des étudessur les consommateurs, des études de marché, on observe lacréation émergente, relate Alexandra Jubé. Puis on analyseces données avec des créatifs, des sociologues et des économistesafin de dresser des scénarios pour l’avenir. Exemple : nousavons construit un cahier sur le besoin de déconnexion. Noussommes partis d’une expérience d’espace de vente silencieuxlancé par Selfridges à Londres, et nous avons traduit notreanalyse par une palette de pastels, très présents dans le designscandinave. »Des teintes qu’on retrouve au printemps,déclinées en ombres à paupières par plusieurs marques.ChezPantone,on élit à présent la couleur de l’année.En2012, il s’agissait d’un orange appelé « tangerine » inter-prété par de nombreux créateurs de vernis à ongles. En2014, l’expert du nuancier parie sur la teinte « radiantorchid », un rose violacé qui semble avoir déteint sur lesflacons de parfum de ce printemps.

Cependant, lesmarquesne se Contententpasdescabinets de tendance traditionnels. En maquillage, ellescomptent beaucoup sur les conseils desmaquilleurs starsdes défilés qui ont un regard privilégié sur les tendances.D’autres font appel à des experts, consultants extérieursou coloristes. « Pour créer les couleurs de maquillage, je menourris d’expositions, d’architecture, de voyage, d’actualitéséconomiques et, évidemment, je suis très attentive aux défilés demode, détaille Eva Yean.On est beaucoup plus libre dans cedomaine que dans le soin, où tout est très codé. »Chaque cou-leur de packaging a une fonction : le jaune, l’orange et lebronze pour les produits solaires ; le vert pour les produitsamincissants ; le blanc pour les soins antitaches ; le noirpour les crèmes antirides les plus chères, le bleu pour lesproduits hydratants.«Les usages ont formaté les inconscients,reconnaît Mai Hua.Mais il y a quand même des rupturesnotoires, comme celle du flacon bleu d’Angel de Mugler. »Lan-cée en 1992, cette essence boisée, intense et très gour-mande oseune teinte habituellement utilisée pour expri-mer la fraîcheur olfactive. « C’était compliqué parce qu’ilfallait décolorer le jus et stabiliser les pigments bleus, se sou-vient Vera Strubi, qui élabore alors ce best-seller avecThierry Mugler. Aujourd’hui, les marques vantent la cohé-rence entre la couleur et le jus. Je pense que c’est une erreur. Sitout est lissé par le marketing, on s’ennuie! »Mais ne risque-t-onpasde saturer les consommateurs aveccefluxcontinude nouvelles teintes? Certains, commeMaiHua, s’atten-dent àuneffetdebalancierpour reposer la rétine.D’autrespensent au contraire qu’onn’en est qu’aux prémices.Lesprochaines années le diront.

QuandSteve Jobsa créédesordinateursde couleur, lamachineaquitté la technologie

pour le sensoriel.Et tous les autres

secteursde la consom-mationont suivi.

BobbyDoher

ty

le supplément

30

—re

nco

ntr

es—

Créateur des parfums Chanel depuis 1978,

JaCques polge a déJà Composé plusieurs

parfums aux noms de Couleur : Bleu, Beige

ou enCore CoCo noir. « On m’avait pré-senté le flacon opaque de Coco Noirbien avant la créationduparfum.Cenoirintensem’a donné envie de senteurs de

toujours, commeles baumes desRois mages.Mais,au-delà des ingré-dients qui pou-vaient évoquer lacouleur, il fallaitréfléchir à la placedu noir chez Cha-nel. La petiterobe.La veste.Lanuit. C’est riche

poétiquement. Pour Beige, qui est uneteinte inscrite dans la grammaire de lamarque,mon instinct m’a guidé vers lesfleurs blanches, amandées, miellées. Etpuis il y a une facette confortable,velou-tée commeune étoffe endaim.Les évo-cations des couleurs dans les parfumssont toujours soumises à l’esthétiqued’une maison, à son histoire. On doit enêtre conscient lorsqu’on crée. »

auteur de Best-sellers Comme le mâle de

Jean paul gaultier ou for her de narCiso

rodriguez, franCis KurKdJian a lanCé une

marque de parfums à son nom en 2009. « Jedéteste créer des parfums à partir d’unecouleur.D’ailleurs, je viens de perdre un

projet où l’on medemandait unecollection de sen-teurs fondées surdes teintes. Je suissensible à la lu-mière dans unefragrance, mais jene vois pas decouleurs quand jesens. Bien sûr, onpeut caricatureren disant que lemarron rappelleles notes boisées ;

le jaune, les jasmins, lesmimosas, les chè-vrefeuilles ; le vert, la jacinthe, la tige, legazon et le lierre ; le noir peut aussi serestreindre aux odeurs de goudron, dechocolat,de caramel carbonisé.Mais quefairedubleu ?Commentcapturer l’odeurdu ciel ? D’autant que si une essence depatchouli peut sembler sombre, il suffitde lui associer un accord lumineux pourlui donner une odeur de propre. »

instigateur de féminité du Bois, de tuBé-

reuse Criminelle ou d’amBre sultan, serge

lutens aime Jouer aveC les perCeptions

sensorielles. « Je ne décris pas un par-fum avec des couleurs,mais l’ambianceest donnée par le nom : Serge Noire,

allier senteurs et Couleurs pour Créer des Jus uniques et poétiques,telle est l’amBition des grands parfumeurs.

par lili BarBery-Coulon / illustration artus de lavilléon

Arômes chromatiques.le supplément

“La couleur d’unparfum renvoietoujours à l’histoired’une maison.”

Jacques Polge

“Je suis sensibleà la lumière dansune fragrance.”

Francis Kurkdjian

“Les pigmentsconditionnentnos perceptionsolfactives.”

François Demachy

“Les couleursévoquent dessentiments liésà notre culture.”

Jean-Claude Ellena

Clair de Musc,GrisClair.Dans lecas de SergeNoire ou DaturaNoir, je me suisintéressé au déca-lage entre l’évo-cation du nom etl’attente suscitée :j’aime être là oùl’on ne m’attend

pas. Pour De Profundis, dont le jus estcoloré en violet, j’ai piqué la formule aucimetière. C’est un chrysanthème lié àlaToussaint.Onpeut dire que la couleurs’est jetée au nez. »

parfumeur maison Chez guerlain, thierry

Wasser a Composé la petite roBe noire,

l’un des plus gros suCCès en parfumerie.

«J’aiunami,RonWinnegrad,directeurdel’écoledeparfumerieIFFàNewYork,quiest synesthète. Je ne sais pas ce qu’il

prend, mais sesthéories sont gé-nia les . I l es tconvaincu qu’unparfum exprimetoujours une cou-leur dominante etquelques nuances.Dans le processusde création, l’éla-boration d’une fra-grance se fait sou-ventparallèlementà celle du nom et

du flacon. C’est différent pour La PetiteRobe Noire, car le nom existait déjà. J’aitout de suite pensé au patchouli, à la ré-glisse, à la cerise noire. C’est pourquoi ilmesembleessentielque lemarketingquilie l’appellation, l’histoire, leflaconaupar-fum soit cohérent. »

frédériC malle travaille aveC des nez à

l’élaBoration des fragranCes pour sa

marque. la Couleur lui permet d’enriChir

l’éChange aveC le

Compositeur. « Sije dis à un parfu-meurqu’ilmanquedu cassis dans laformule, je fermela discussion. Si jedis que je la verraisbien plus pourpre,alors j’oriente lacréation tout enlaissant le parfu-meur libre. Librede me surprendreet d’avoir une

meilleure idée que le cassis. On disposeaujourd’huidebeaucoupplusdematièrespour s’exprimer.Unpeu commeendéco-ration : avant, il y avait cinq choix demo-quette rouge.Aujourd’hui, il y en a deux

cents. Le spectre des parfums verts, parexemple, s’est beaucoup élargi. On estpassé du vert foncé, le galbanum, à desmultitudes de verts aqueux, diaphanes,transparents, ozoniques. Même si l’onn’estpassensibleauxcomparaisonssynes-thésiques,lesallusionsà lacouleurpermet-tent de faire avancer la création. »

pour françois demaChy, parfumeur-Créa-

teur de dior, les Couleurs assoCiées aux

odeurs diffèrent d’un

individu à l’autre.

«Aujourd’hui,ondéco-lore les solutions alcoo-liquespourlespigmen-ter à nouveau, en rose,envert,enbleu…Celaconditionne notre ma-nièredesentir.Prenonsle vétiver,par exemple.A cause de sa phoné-tique,beaucoup imagi-nentqu’il est vert.Ega-lement parce que denombreuses marquesont choisi de colorer envert lesparfumsauvétiver, leurs étuis ou leurs flacons. Pour-tant,à l’aveugle,jenecroispasqu’ilévoquecette teinte si clairement.Lorsqu’on parlede fleurs blanches, le public peut croirequ’elles sont gentillettes.Alors que ce sontles plus puissantes de la palette florale.Aufond, il y a la réalité et l’imaginaire. Et lechemin entre les deux est aussi poétiqueque sinueux. »

Chez hermès depuis 2004, le parfumeur

Jean-Claude ellena affeCtionne les méta-

phores Colorées pour ses Créations : l’eau

de pamplemousse rose, l’eau de narCisse

Bleu… « C’est un amusement poétique.Pour l’EaudeNarcisseBleu, je joue sur uneconfusion habituelledu public, qui prendles narcisses pour desiris. J’entretiens l’am-biguïté. Je ne pensepas qu’il y ait une réa-lité scientifique dansles correspondancesentre parfum et cou-leur. Un jour, j’ai faitsentir à l’aveugle lamême matière à cinqexperts de la soie chezHermès. Ce sont descoloristes hors pair. Jeleuraidemandédemedire quelle couleur ilsvoyaient en sentant.Ils m’ont tous donnéune réponsedifférente.Lescouleursévo-quent des sentiments liés à notre culture,très différents d’un pays à l’autre. Leblanc en Europe est associé à la pureté.En Inde, c’est la couleur de lamort…»

“Je m’intéresseau décalageentre l’évoca-tion d’un nomet l’attentesuscitée.”

Serge Lutens

“PourLa Petite RobeNoire, j’aipensé à laréglisse et à lacerise noire.”

Thierry Wasser

“Evoquer uneteinte permetd’orienter lacréation tout enlaissant le par-fumeur libre.”

Frédéric Malle