Le Monde Diplomatique 2014 12

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  • 7/24/2019 Le Monde Diplomatique 2014 12

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    Afrique CFA:2 400 F CFA, Algrie:250 DA,Allemagne:5,50 , Antilles-Guyane:5,50 , Autriche:5,50 ,Belgique:5,40 ,Canada:7,50 $C,

    Espagne:5,50 , Etats-Unis: 7,50 $US, Grande-Bretagne: 4,50 , Grce: 5,50 , Hongrie:1835 HUF, Irlande: 5,50 , Italie:5,50 , Luxem-

    bourg:5,40 ,Maroc :30 DH, Pays-Bas :5,50 , Portugal (cont.):5,50 ,Runion:5,50 ,Suisse:7,80 CHF,TOM:780 CFP,Tunisie :5,90 DT.

    La morale en est la justification. Lapanoplie de rponses aux crises se rduitau triptyque condamnation, sanction,exclusion. La morale remplit le videlaiss par la diplomatie, fragilise enrgime dmocratique par la dicult accepter la raison dEtat, le secret etlarmation dintrts suprieursnationaux. Nous ne parlons qu ceux

    quinous ressemblent etrejetons touslesautres ainsi de lIran et de la Russie au risque dencourager unespiralediso-lement et une drive autoritaire.

    Enfin, loccidentalisme sert defondement cette morale. Il a rattraplexception franaise. Bien des Franaissemblent se vivre dsormais en avant-

    poste dune civilisation dclinante etvolontiers aligns sur les Etats-Unis,leader du monde libre, au point dedevancer leurs dsirs.

    H

    Quelques mois plus tard, la ville estdclare en faillite. Pour viter desupprimer les pensions de retraite de sesemploys, la mairie envisage alors devendre aux enchres certaines peintures

    de lInstitut des arts, dont des uvres deRembrandt, Henri Matisse ou DiegoRivera. Mais les fondations Ford, Knightet Kresge, associes quelques citoyensfortuns, parviennent runir 330 millionsde dollars pour consolider les fonds de

    pensio n des employs municip aux : lavente est vite.

    En octobre 2013, cest au tour de lEtatfdral de miser sur la gnrosit prive

    pour assurer des missions dintrt public.Devant lincapacit des dmocrates etdes rpublicains saccorder sur lerelvement du plafond de la dette

    publ iqu e, Washin gto n doi t ferm er,pendant sei ze jours, les services pu blics non essentiels. Afin de maintenir enactivit une trentaine de garderies gres

    par le ministre de la sant, un couple demilliardaires texans fait un don de10 millions de dollars. Cet argent va

    perm ettre des mill iers den fant s de

    rester dans un environnement sr etfamilier. Cest une bonne n ouvelle(1) ,se rjouit la journaliste Eleanor Barkhorndans The Atlantic.

    La mobilisation des g randes fortunesau service duvres sociales nest paschosenouvelle auxEtats-Unis.Au tournantdu XXe sicle, tandis que le nombre demillionnaires saccrot de manirespecta-culaire ils taient une centaine en 1870,et presque quarante mille en 1916 ,merge le concept de philanthropie. Pourdonnerune imagegnreuse deux-mmeset lgitimerleur opulence, les riches inves-tissent dans de nobles causes : ilsconstruisent des bibliothques, des hpitauxou desuniversits, comme JohnsHopkins Baltimore ou Ezra Cornell Ithaca; ilscrent des fondations, limage de lindus-triel du ptrole John D. Rockefeller ou dumagnatde la sidrurgieAndrew Carnegie.

    (Lire la suite page 4.)

    (Lire la suite page 10.)

    LAFRANCEest mal dans sa peau.Elle est tente de se dtourner de la

    politi que trang re dind pendan ce,dinfluence et dquilibre incarne parle gaullisme, au profit de laffirmation

    prog ress ive dun e lign e mili tari ste,moralisatrice et occidentaliste.

    Militariste, non tant parce que la

    France multiplie les interventions, enLibye, au Mali, en Centrafrique ou enIrak, car le premier mouvement peuttre lgitime, mais surtout parce quelleles mne en premire ligne, parfoisseule, sans relle stratgie. Tropsouvent, pour quelques heures, lacertitude de limpuissance laisse place,dans une trange unanimit, lillusionde la victoire. Au scandale dimagesintolrables, la logique mdiatiquesubstitue le spectacle de la guerre.

    5,40 - Mensuel - 28 pages N 729 - 61e anne. Dcembre 2014

    N O T R E P R O J E T P O U R U N E P R E S S E L I B R E pages 20 et 21

    AP OL LI NA IR E

    ET SES PEINTRES

    PAR LAURENCE CAMPA

    Page 14 et 15.

    Le premier ministreManuel Valls affectionne les proclamationsmartiales qui assimilent quelques islamistes un ennemiintrieur. Et son gouvernement a aussitt rejet sur descasseurs la responsabilitdu dramede Sivens. Prolongeantleur raisonnement dans un savant amalgame, un syndicat de

    policiers prtend redouter quune frangedes militants verts ourouges ne bascule vers laction arme, comme au temps desmouvements rvolutionnaires des annes 1970(1).

    Cest dans ce climat dtestable que lAssemble nationale

    vient de voter, la quasi-unanimit, une nouvelle loi anti-terroriste. La quinzime du genre depuis 1986. Officiellementmotivepar lesdangersque feraitpesersur la Francele radica-lisme djihadiste, elle comporte des dispositions gnrales interdiction administrative de quitter le territoire, dlit

    dapologie duterrorisme qui demainpourraientsappliquer nimporte quel combat.

    En2001,le Parlementfranais avait dj adoptunepanoplierpressive du mmeacabit. Alorsun peupenaud, unsnateur

    socialiste senjustifiaitainsi : Il y a des mesures dsagrables prendre en urgence, mais jespre que nous pourrons revenir la lgalit rpublicaine avant la fin 2003(2). Onze ans plustard, un pouvoir dconsidr et sans avenir ne peut plus sepasser dunennemi intrieur.

    (1)PatriceRibeiro, secrtairegnraldu syndicat depoliciersSynergie-Officiers,cit parLe Figarodu 15 novembre 2014.

    (2) Michel Dreyfus-Schmidt, cit parLe Monde, 29 octobre 2001.

    H S O M M A I R E C O M P L E T E N P A G E 2 8

    Depuis trente ans, les gouverne mentsoccidentaux usent de multiples artifices

    pour rduire leurs dpenses. Lun deuxconsiste sous-traiter les services

    sociaux des bnvoles et des associa-tions, tout en encourageant la charit

    priv e. Si le Cana da, la France et leRoyaume-Uni, par exemple, suivent cettemthode, cest aux Etats-Unis quontrouve le modle le plus avanc.

    Dsormais majoritaire au Congrs, ladroite amricaine en a fait un pilier de

    sa stratgie politique.

    ESSOR DE LA PHILANTHROPIE DANS LES PAYS OCCIDENTAUX

    La charit contre lEtat

    P A R B E N O T B R V I L L E

    (1) Eleanor Barkhorn, Head Start will stay openin shutdown, thanks to hedge-fund money, The

    Atlantic,Boston, 7 octobre 2013.

    GRAPHICAARTIS/BRIDGEMAN

    IMAGES

    Lennemi intrieurPAR SERGE HAL IM I

    DANSla nuit du 25 au 26 octobre, une grenade offensivede la gendarmerie a tu Rmi Fraisse, un manifestantde 21 ans. Le gouvernement franais a attendu deux joursavant deragir. Il sest montrplus prompt saluerla mmoire

    dunpatron de compagnie ptrolire dcddans unaccidentdavion.De sonct, le prsident socialistedu conseil gnraldu Tarn a jug carrment stupide et bte de mourir pourdes ides. A vrai dire, son ide lui achever la construction

    dun barrage rclam par les notables de son dpartement nela jamaisexposau mme typede danger; ellevientmmede favoriser sa rlectionau Snat. Nanmoins,il est dsormaisprobableque la grenadetire parles gendarmes auragalementtu ce projet de barrage. En France, doit-on mourir dans une

    manifestation pour faire triompher ses ides?

    En janvier 2011, la ministre des affaires trangres MichleAlliot-Marie avait suggrau dictateurtunisien Zine El-AbidineBen Ali de sauver son rgime agonisant en sinspirant du

    savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces descurit. Unsavoir-fairereconnu,mais clipses : sans parlerdesdizaines dAlgriensassassins Paris le 17octobre1961

    et des neuf personnes tues au mtro Charonne en fvrier delanne suivante, cinq manifestants franais ont perdu la vie

    loccasion daffrontements avec la police.

    Rmi Fraisse sera donc le sixime. Peu aprs sa mort, lecommandant du groupement de gendarmes mobiles oprantsur les lieux a tmoign que le prfet du Tarn avait demand

    aux forces de lordre de faire preuve dune extrme fermetvis--visdes opposantsau barrage. Quarante-deux grenadesoffensives furent tires cette nuit-l.

    PEU AVANT ledclenchementde lacrisefinancire, la municipalit de Detroit fit

    btir un vaste centre communautaire dansun quartier pauvredu sud-ouest dela ville.Unefoisla constructionacheve, en 2008,

    le btiment resta dsesprment vide :frappe par le chmage et la multiplicationdes saisiesimmobilires, la villeplongeaitdans ladpression etcoupait tout-va dansles programmes sociaux. Se sentant peut-tre un peu coupables des malheurs de lacapitale de lautomobile, les dirigeants delentreprise Ford, qui avait dlocalis denombreuses usines, font, en dcem-

    bre 2012, un don de 10 millionsde dollars(8 millions deuros) au centrecommunau-taire.Lequel peut enfin ouvriret distribuerdes colis alimentaires, proposer des coursdalphabtisation ou encore organiser desloisirs pour les jeunes.

    Iran, Syrie, Russie, Gaza : la diplomatie franaise semble

    stre place la remorque des noconservateurs amricains.Ragissant de faon brouillonne aux vnements les plusmdiatiss, elle y rpond par des interventions armes et desleons de morale. M. Dominique de Villepin, qui inspiralopposition de la France la guerre dIrak, rcuse cetteorientation gnrale. Et il suggre un autre cap.

    P A R D O M I N I Q U E D E V I L L E P I N *

    IMPASSE MILITARISTE ET MORALISATRICE

    La Francegesticule...

    mais ne dit rien

    ANONYME. Smiling Man Handing You a Check,(Homme souriant vous tendant un chque), 1954

    * Ancien premier ministre (2005-2007) et ancienministre des affaires trangres (2002-2004).

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    DCEMBRE 2014LEMONDE diplomatique 2

    JaponA la suite de larti cle Libre-

    change, version Pacifique de Mar-tine Bulard (novembre 2014), Mat-sunuma Miho, matre de confrencesen histoire luniversit de Gunma(Japon) et membre de la cooprativede consommation Seikatsu Club, tient prciser:

    Au Japon, il ny a pas que les ruraux etleurs familles constituant une des baseslectorales du Parti libral-dmocrate(PLD) demeurer rticents lgard du par-tenariat transpacifique (PTP): les consom-mateurs conscients sy opposent farouche-ment aussi. (...)Nous ne voulons pas treobligs, sans le savoir mme, de consommerdes nourritures trangres produites par degrandes multinationales, non seulement

    parce que nous ne connatrons pas la faondont ils la produisent (utilisation des pro-duits chimiques ou dorganismes gntique-ment modifis...), mais aussi parce quelaugmentation des importations alimen-taires renforcera le gaspillage dnergie pourle transport.

    Depuis longtemps, la priorit du gou-vernement est dtre reconnu comme le

    bon lve des Am ricains et non de pro-tger les citoyens. Les Japonais ne descen-dent pas dans la rue pour sopposer au PTP,en raison de cette culture qui valorise lor-dre, la discipline et lobissance. Mais cer-tains sorganisent en coopratives et enassociations dans lesquelles des consom-mateurs et des producteurs se battentensemble.

    RgionsLarticle Etats en miettes dans lEurope

    des rgions de Paul Dirkx (novembre) asuscit plusieurs ractions. M. J. De Spie-geleer, de Turnhout en Belgique, rclamequelques nuances:

    Mfions-nous des gnralisations. Ilnest pas tout fait exact de dire que pen-dant la seconde guerre mondiale le mou-vement flamand a fait le choix dune

    Europe nazie . La majorit des nationa-listes flamands (pas tous) a collabor dansune certaine mesure avec loccupant. Maisune partie seulement de ces collaborateursavaient des convictions nazies. Les autresespraient obtenir des Allemands desdroits que ne leur accordait pas lEtat

    belge. (...)

    Autre affirmation nuancer: la N-VAnaurait pas le soutien des intellectuels.Cela vaut seulement pour la majorit desintellectuels de gauche. Toutefois, le Gra-vensteengroep, par exemple, compos din-tellectuels de gauche en vue, dfend fer-mement des thses trs proches de cellesde la N-VA.

    De son ct, Stphane Cuvilli erregrette ce quil voit comme des sim-plifications :

    Larticle expose avec justesse la conni-vence de fait qui existe entre les forma-tions politiques dites rgionalistes ouindpendantistes et le camp fdralistequi campe Strasbourg et Bruxelles et qui,anne aprs anne, voit son importancecrotre aux dpens des Etats-nations.

    Nanmoins, la dmonstratio n de M. Dirkxachoppe sur un point: son renvoi dos

    dos de formations politiques aussi diff-rentes que les partis catalans EsquerraRepublicana de Catalunya et Convergenceet Union, lcossais Scottish NationalParty et le flamand Nieuw-VlaamseAlliantie (N-VA). Ces formations ontadopt pour un temps une stratgie iden-tique (et non commune) au sein des ins-tances de lUnion europenne ; cela neveut pas pour autant dire quelles partagentles mmes valeurs.

    Lors du rfrendum de mai 2005, parexemple, le Parti communiste franais, laLigue communiste rvolutionnaire et dau-tres formations de gauche se sont retrouvs adopter une stratgie identique celle delextrme droite (et vice versa) pour rejeterle trait constitutionnel europen, sans quelon puisse dire, loin de l, quils partagentles mmes valeurs.

    Enfin, en tant que citoyen franais, jeminterroge sur labsence dinterrogation

    DANS LE FRUITClbr par la presse conomique pourses politiques favorables aux entreprises,le Prou ptit dun phnomne decorruption massive, comme le suggrentles dernires lections (Vice,21 octobre).

    Les lections partielles pruviennes ontmis en vidence linfluence gr andissantedu crime organis et de largent de ladrogue dans la sphre politique du premier

    producteur de cocane du monde. Parmiles vainqueurs du scrutin du 5 octobre

    dernier, des centaines font actuellementlobjet denqutes pour trafic de drogue,corruption ou mme pdophilie,selon divers analystes et reprsentantsdes autorits du pays une indicationerayante de lemprise des cartels surla nation andine.(...)Selon une tude de laCommission pour une vie sans drogue duProu (Devida), les cinq Etats de la valle

    Vous souhai tez ragir

    lun de nos articles :Courrier des lecteurs,

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    A U-DELdes clichs. Tel estlclairage, bienvenu, que lanouvelle livraison deManirede voir(1)projette surla Russie. Lerecueiladopte trois focales: le retour de laRussi e sur la scne inte rnati onale aucentre, encadr par une premire partie

    prsentantlempire et ses marges et unedernire sur une socit convalescente.La cartographie largit les sujets traits,complts par de prcieux rappels chrono-logiques avec un ajout original, vu latlvision(russe), composdes traductionsdextraits fort parlants de dbats tlviss.

    Ni diabolisationni visionapologtiquedelaRussie,le puzzleinterprtatif seconstruit

    partir de multiplesentres.A commencerparlhritage, ambigu, du droit des nations disposer delles-mmes dans lURSS deLnine, en pratique bafou par le chauvi-nismegrand-russe stalinien. Lclatement delUnion sovitique a emprunt des cheminscontrasts,de la conciliation au conflit ouvert:sila guerre de Crime na pas eu lieu (en1993-1994), les guerres de Tchtchnielguent de profondes blessures. Dans lesanciennes rpubliques sovitiques dsormaisindpendantes, cest aux Russes de devenir leurtouruneminorit,telsceuxinstallsdans

    lespaysbaltes,en malde citoyennet. EtcestlOsstie du Sud qui fut, pour M. VladimirPoutineen 2008, le laboratoire pour une stra-tgie de retourparmi les grandespuissances.

    Cest l que le recueil bascule vers sadeuxime partie, o la Russie cherche retrouver sonrang. Ellejouesurde multi-

    ples registres et alliances dans un monde enrecomposition. En tmoignent sa mdiationdans la crise syrienne ou laffirmation deracines musulmanes, qui ctoient unetrange lune de miel entre Moscou et Tel-Aviv . Le dossier est jalonn dinterroga-tions: sur lefficacitde linstrumentalisation

    par la Russie des conflits sparatistes chezses voisins ; sur des convergences dintrtsentre Moscouet lespuissancesoccidentales;maisaussisur la stratgiedencerclement dela Russie post-guerre froide via lAllianceatlantique et lUnion europenne. Quoiquilen soit, une nouvelle idologie cherche valoriser la grandeur dun monde russe qui

    sedit eurasien.Cette civilisation englo-

    NOUVELLE LIVRAISON D E MAN IRE D E VOIR

    La Russie sans manichisme

    berai t, selon ses thuri fra ires, lEmpi retsariste et/ou le sovitique, permettant desfronts rouges-blancs contre la dca-dence dun Occident domin par les Etats-Unis. Dans ce monde-l comme dans les

    projet s d e M. Mikha l Gorba tchev ou d eM. Poutine , la relation lEurope est unenjeu majeur. Le conflit ukrainien lillustre.Mais sa dynamique mne dincertainslendemainsgopolitiques : face auxsanctionsoccidentales, Moscou acclre son bascule-ment vers lAsie.

    Ce dossier, passionnant donc discutable,pousse se demander si, vraiment, la Russiese consolide.Lengrenageguerrier en Ukrainenefavorisera gureses projets eurasiatiques.Et lincontestable popularit de M. Poutinene veut pas dire que la socit russe estconvalescente: le titre de la troisime

    partie devrait plutt insister sur le retour lordre,tatiqueet moral. Dansun paysagemilitant bigarr et plurielde populationsmeurtries socialement, alors que le passsovitique travaille encore le prsent russe,de nouvelles formes de rsistance collectivemergent. Il faut y inclure les mobilisationscontre la guerre en Ukraine, criminalises

    par le pouvoir mais bien vivantes.

    CATHERINE SAMARY.

    Economiste, auteure de Yougoslavie.De la dcomposition aux enjeux europens,

    Editions du Cygne, Paris, 2008.

    (1) Russie, le retour,Manire de voir, no 138,dcembre2014- janvier2015,8,50euros, enkiosques(ou sur http://boutique.monde-diplomatique.fr). Les

    photographies sont luvre de Davide Monteleone.

    quant au rle de lagglomration pari-sienne. La capitale franaise concentre eneffet tous les leviers de la vie politique etconomique (Parlement, ministres, sigesdes multinationales, etc.). Est-il impossibledimaginer une France o les institutionsseraient partages ?() Des pays commelAfrique du Sud ou le Canada ont notam-ment fait ce choix de la non-concentrationdes pouvoirs.

    Allocations familialesGilles Bruel, dAix-en-Provence, ne

    partage pas complt ement les ana-lyses dAlain Supiot dans son articleNi assurance ni charit, la solida-rit (novembre):

    Jai apprci la concision et la clart delarticle. Cependant, je ne suis pas nces-sairement lauteur sur sa critique de lamodulation des prestations familiales enfonction des revenus, rcemment vote enFrance. Dans dautres pays la Suisse parexemple , les allocations familiales sontindpendantes du revenu mais intgresdans la base imposable. Elles se trouventde fait rognes hauteur du taux dimpo-sition du mnage, qui augmente de faon

    progressive en fonction des revenus. Onpeut dailleur s se demander pourquoi ce tteoption na pas t envisage par nos gou-vernants. De mme, dautres formes desolidarit sont modules par limpositiondes revenus, par exemple certaines boursesdtudes.

    PRCISION

    Dans larticle Lt de la rvolte se prolonge Hongkong (octobre), il est crit que le chef delexcutifa un droit de veto sur les lois. Il

    peut certes refu ser de promulguer une loi vote,mais il a lobligation de repasser devant le Conseillgislatifau cours desmois suivants laloi devantalors obtenir les deux tiers des surages pour treadopte (art. 49). En cas de dsaccord persistant,le chef de lexcutif doit dissoudre le Conseillgislatif (art. 50).

    C O U R R I ER D E S L E C T E U R SOUR RI ER E S L E T E UR S

    des riviresApurimac et Ene (VRAE) lpicentre de la production de cocaet de cocane ont vu des candidats issusde partis inconnus et nayant pas respectlobligation de dclarer lorigine de leursressources remporter llection ou arriverau second tour.

    MEILLEUR DES MONDESLe journaliste Eric Alterman se demandepourquoi les experts mdiatiquesse montrent si satisfaits de la faondont fonctionne lconomie amricaine(The Nation,20 octobre).

    Comme le remarque Thomas Piketty, ausein de la catgorie des revenus levs,on trouve les conomistes universitairesamricains, dont beaucoup estiment quelconomie de leur pays fonctionne pluttbien et quelle rcompense le talentet le mrite de faon juste et prcise.

    Un commentaire similaire pourrait treformul au sujet des ditorialistes

    politiques, notamment conservateurs.On naurait pas tout fait tort de suggrerque leur disposition dulcorer la situationsociale du pays explique en grande partielignorance de la plupart desAmricainsquant ltendue des ingalits dans leur

    pays. Pour ne prendre quun exemple:lorsquon les interroge, ceux-ci croientquen moyenne les patrons de grandesentreprises gagnent trente fois plus queleurs salaris. Ils gagnent en fait trois cent

    cinquante-quatre fois plus.

    TH DANSANTLe 13 octobre dernier, le quotidien

    britannique The Guardian levait unepartie du voile sur les conflitsdintrts au cur de la politique duRoyaume-Uni.

    Un banquier, un baron de lnergiedorigine ukrainienne, une ribambellede magnats de limmobilier...Voil certains des invits de la plusimportante leve de fonds organise parle Parti conservateur en fvrier dernier(...).Le poids combin de leurs portefeuilles ?Vingt-deux milliards de livres sterling[environ 28 milliards deuros]. (...)En juillet,The Guardianet le Bureaudu journalisme dinvestigation avaientdmontr que des lobbyistes etdes oligarques avaient pay jusqu

    12000 livres[environ 15000 euros]pourrserver une table lors de la fte dt 2013du Parti conservateur. Lors de ces deuxvnements, pour lesquels les billets sevendaient entre 450 et 1000 livres[entre 570 et 1300 euros], les participantstaient assis ct des ministres chargsdes dossiers concernant directementleurs secteurs dactivit.

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    3 LE MONDE diplomatique DCEMBRE 2014

    CRDITS PUBLICS POUR LE SECTEUR PRIV BRITANNIQUE

    Le socialisme existe, pour les riches

    linnovationsubventionne par lEtat, lamarede labondance soulverait la foislesquif salari et le yacht patronal...

    Lconomiste Mariana Mazzucato a misau jour certains des mcanismes qui per-mettent au secteur priv de bnficierdirectement de la gnrosit publique.Depuis les annes 1970, par exemple, leConseilde la recherche mdicale(Medical

    ResearchCouncil, MRC) metau point desanticorps monoclonaux, utiliss dans letraitement de maladies auto-immunes oude certains cancers. Ingnu, lorganisme

    public se flicite davoirrvolutionn larecherche biomdicale et favoris lessordune industrie internationale de la bio-technologiedgageant des milliards(3) .Sil a engendr dimmenses fortunes

    prives celles des dirigean ts d e Face-book, par exemple , Interne t est n derecherchesfinancespar le gouvernementamricain ; quant au World Wide Web, ila bnfici du travail de lingnieur bri-tannique Tim Berners-Lee au sein duneinstitution publique, lOrganisation euro-

    pen ne pour la rec herc he nucl air e(CERN). Le moteur de recherche de lasocit Google (deuxime entreprise dumonde en termes de valorisation bour-sire) nexisterait pas sans un algorithmeque lui a gnreusement offert la Fonda-

    tion amricaine pour la science (NationalScience Foundation). LiPhone dApplemerveillerait sans doute moins sil neconcentrait pas une large gamme dinno-vations finances par lEtat, des cranstactiles au systme de localisation mon-diale GPS (Global Positioning System).

    PAR OWEN JONES *

    Selon la Cour de justice de lUnion europenne, un Etat peut

    restreindre les prestations sociales des migrants intracommu-

    nautaires inactifs , souponns de courir aprs le s allocations

    ce qui est qualifi de tourisme social . Une fois de plus,

    limage du pauvre est associe celle du profiteur. Une autre

    catgorie de la population bnficie pourtant davantage des lar-

    gesses publiques, comme le montre lexemple britannique.

    SURlesplateauxde tlvision, danslestribunes que leur offre la presse, les porte-voix de la classe dominante rabchent quelEtat bride lesprit dentreprise, seul vec-teur selon eux de croissance, dinnovationet de progrs. Llite dpend cependanttroitement des largesses de lEtat.

    Cela commencepar lagarantiede la pro-prit prive, q ui rep ose su r un onreux

    systme judiciaire et policier. LEtat ne secontente pas de protger les entreprisescontre les atteintes leurs biens ou le volde leursproduits. La loibritannique relativeaux brevets, qui interdit lexploitationdune invention ou dun procd par desconcurrents, a t amende en 2013 desorte quil nen cote que 600 livres ster-ling(1) pourfaire breveterune innovationdans toute lUnion europenne.

    Le secteur priv sollicite par ailleursrgulirement lEtat pour quil finance larecherche et le dveloppement dontdpendson activit. Au Royaume-Uni, la facturede cette forme dassistanat rarementdnonce dans la presse slve 10 mil-liards de livres sterling par an, un chiffrequi crot rgulirement. En 2012, la prin-cipale organisationpatronale, la Confd-ration de lindustrie britannique (Confe-deration of British Industry, CBI), se

    flicitait davoirobtenu uneaugmentationde linvestissement dans les infrastruc-tures scientifiques(...)et de recherche ,arguant quecela permettraitau Royaume-Unide continuer dattirer les entreprisesquiinvestissentdans la recherche,le dve-loppement et linnovation(2). Bref,grce

    coalition (entre conservateurs et libraux-dmocrates, lus en 2010) taient desactifs, pas des chmeurs.

    Et, pour finir, la mre de toutes les sub-ventions: le sauvetage des banques par legouvernement britannique en 2008. Desentreprises prives coulent par leur proprefaute, entranant dans leur naufrage une

    partie de lconomie mondiale. Rsultat?Elles exigent que les contribuables paientladdition. Le gouvernement de M. DavidC ameron a ainsi dpens plus de1 000 milliards de livres sterling pour ren-flouer les banques britanniques. Le sys-

    tme financier du pays sest retrouv sousperfusi on dun Etat quil juge pourta ntobse lorsquil vient au secours des

    plus dmunis...

    Socialisme pour les riches, capita-lisme pour les autres. Nest-on pas endroit de rsumer ainsi lidologie de laclasse dominante ?

    millions quatre cent mille travailleurs bri-tanniques gagnaient moins que le salairede subsistance, soit 7,20 livres sterlinglheure en dehors de Londres. En 2012,ce chiffre atteignait quatre millions huitcent mille, dont un quart des femmesactives (contre 18% trois ans auparavant).De faon pouvoir survivre, ces travail-leurs sous-pays comptent sur des crditsdimpt qui compltent leur salaire netaux frais de lEtat. Le cot de cette sub-ventionaux bassalaires? 176,64 milliardsde livres entre 2003 et 2011...

    Mme logique dans le domaine des

    aides au logement, qui slvent 24 mil-liards de livres sterling par an. En 2002,cent mille locataires londoniens ont eurecours ces allocations.A la fin de lre

    New Labour (1997-2010), alors que lesloyersavaient flamb,ils taientdeux centcinquante mille. Ce chiffre illustre lchecdes gouvernements successifs offrir deslogements sociaux abordables. Puisquetoutes les demandes ne pouvaient aboutir,certaines personnes ont d se diriger versle secteur plus coteux de la location

    prive, les aides au logement fonctionnantalors comme uneforme de subventionauxloyers levs quexigeaient les propri-taires. En outre, lesaides au logement per-mettent les bas salaires. Selon une tuderalise en 2012 par la Fondation pour laconstruction et les logements sociaux(Building and Social Housing Founda-tion), plus de 90% des mnages devenus

    bnficia ires pendant les deux pr emires

    annes du gouvernement de lactuelle

    *Auteur deThe Establishment.And HowThey GetAway With It, Allen Lane, Londres, 2014, do cetexte est tir.

    Mille et une douceurs(1) Soit 765 euros. 1 livre sterling = 1,28 euro.

    (2) CBI analysis of the autumn statement 2012,communiqu de novembre 2012.

    (3)Citpar MarianaMazzucatodans TheEntrepre-neurial State : Debunking Public vs. Private Sector

    Myths, Anthem Press, Londres, 2013.

    (4) Gear change can accelerate the UK towardsa 21st century road network, communiqu de laCBI du 8 octobre 2012.

    (5)The greattrainrobbery:Rail privatisationandafter, rapport du Cresc, Manchester, juin 2013.

    (6) David Kynaston, Private schools are blockingsocial mobility, Daily Telegraph, Londres,29 octobre 2013.

    roviaires britanniquesont peru 3 milliardsde livres sterlingsous la formede subven-tions publiques. Au cours de ces quatreannes, elles ont dgag des bnfices de

    plus de 500 millio ns de livre s, dont lamajorit a t redistribue aux actionnairessous forme de dividendes.

    LEtat dorlote l lite de mille et uneautres faons. En gnral, les Britan-niques les plus riches ddaignent lensei-gnement public. En envoyant leursenfants dans des tablissements privs,ils bnficient dune rduction dimptsannuelle de 88 millions de livres sterling,

    parce que ces coles jouissent du statutdorganisme caritatif. Lorsque lon prenden compte lorigine sociale des lves descoles prives, les rsultats quellesobtiennent ne savrent pas meilleurs queceux de leurs homologues publiques. Enrevanche, comme lobserve lhistorienDavid Kynaston, ces tablissementsoffrent de formidables rseaux sociauxqui empchent les enfants de bonne

    famille peu brillants, ou carrment fai-nants, de sombrer(6) . Autrement dit,les contribuables subventionnent direc-tement des privilges de classe et lasgrgation sociale.

    Bien que les entreprises dpendent dutravail qualifi de leurs employs, elles le

    payent de moins en moins. Le s rmun -rations moyennes nont jamais autant

    baiss depuis lre victorienne. Daprsla Resolution Foundation (un think tank

    de centre gauche), en 2009, environ trois

    LEScrateurs de richesse, que lesmdias clbrent comme des hrosmodernes, pourraient-ils par ailleurs se

    passer des inf rastructures publiques qu elEtat met leur disposition: lesroutes, lesaroports, les voies ferres? Si elle exigetoujours plus de coupes dans les budgetssociaux du pays, la CBI ne tolre aucune

    pingre rie dans les secteu rs qui lui sontchers.Dun ct, elle sedclaretout fait

    favorable au p rogramme[du gouverne-ment]de rduction du dficit publicafinde maintenir la confiance des marchstrangers aprs lexamendu budget,en2012, elle a ainsi salu la diminution (entermesrels)des prestationsaccordesauxtravailleurs et aux chmeurs. Simultan-ment,elle milite pourune autreamputation,celle...de limptsur lessocits. Et pour-quoi nepasfairedune pierredeux coups?Ainsi, en 2012, la suite du traditionneldiscours dautomne du ministre de lco-nomie George Osborne,elle a suggr quelesconomies ralisesgrce larductiondes prestations destines aux travailleursservent financer lamlioration durseau routier stratgique et la rductionde lencombrement de la circulation sur les

    petites routes .

    Les infrastructures sont importantespour les entreprise s, a dclar M. John

    Cridland, lactuel directeur gnral de laCBI.Et lvolution de notrerseau compte

    parmi nos plus hautes priorits dans lop-tique dune relance de lconomie(4). Message reu: en juin 2013, le gouverne-mentbritannique promettaitce quele quo-tidien The Guardian a qualifi de plusimportante dpense consacre aux routesdepuis les annes 1970: 28 milliards delivres sterling pour la priode 2015-2020.Unebonne partie desinvestissements rou-

    tiers et laquasi-totalit desfraisdentretiendurseausontdus lacirculationdes poidslourds. Le poids lessieu ncessaire autransport des marchandises justifie ledimensionnement des ouvrages et occa-sionne une usure sans commune mesureavec celle des voitures (selon plusieurstudes, un seul camion de quarante tonnesdgrade les routes autant, sinon plus, quecent mille voitures).

    Le rseau ferroviaire dontla construc-tion a t finance par le contribuableavant sa privatisation reprsente un casdcole. Selon un rapport tabli en 2013

    par le Centre de recherches sur le change-ment socioculturel (Centre for Researchon Socio-Cultural Change, Cresc) lademande du Congrs des syndicats bri-tanniques (TradesUnionCongress, TUC),les dpenses publiques dans les rseauxferroviaires ont t multiplies par six...depuis la privatisation de 1993. Selon ledocument, les socits dexploitation fer-roviaire ont bnfici d une envole desdpenses publiques partir de 2001,quandlEtat sestvu contraintdintervenir

    pour compenser la faiblesse de leursinves-tissements(5) . La privatisation, en effet,navait pas conduit lamlioration pro-mise destrains etdes voies ferres: lerem-

    plac emen t du mat riel roula nt st ait

    espac dans le temps, et les trains, troppeu nombreux, ne pouvaient plus rpondrede faon satisfaisante une demandecroissante. Pour des socits privesrtives linvestissement et la prise derisque,la privatisation a eu surtout poureffet de leur permettre de ponctionnerde la valeur sur les anciens actifs publics,et ce grce aux subventions massives delEtat. L encore, au contribuabledpongerles cots, auxsocitsdempo-cher les profits. Ou, pour reprendre lex-

    pression du rapport: Pile, lesentreprisesgagnent; face, nous perdons. Entre 2007et 2011, les cinq principales socits fer-

    HERBERTSANDBERG.

    Doch die imDunkeln (Mais

    ceux qui sont danslobscurit), 1976

    BRIDGEMAN

    IMA

    GES

  • 7/24/2019 Le Monde Diplomatique 2014 12

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    (1) NDLR. Entre 1853 et 1856, lors de la guerre deCrime, la France de Napolon III aide de ses allis(lEmpire ottoman, le Royaume-Uni et le royaume deSardaigne) affronte la Russie. Puis elle intervient auMexique en 1861 pour y instaurer un rgime ami ;vaincue, elle quitte le pays en 1867. Enfin, en 1898,laFranceest dfaite Fachoda(Soudan)parlestroupes

    britann iques, ce qui donne un coup darr t sesambitions impriales enAfrique(toutes les notes sontde la rdaction).

    (2) Lire Sbastien Gobert, LUkraine se drobe lorbite europenne, Le Monde diplomatique,dcembre 2013.

    (3) Lire Ibrahim Warde, Un plan Marshall sanslendemain pour les printemps arabes,Le Mondediplomatique,octobre 2014.

    4IMPASSE MILITARISTE

    La France gesticule...

    ou du sparatisme russophone dUkraine.LesEtats faillis ou menacs parlimplosion,commeen Libye,en Irak,en Syrie,se multi-

    plient du S ahel l Asie du Sud-Est. Cebrasier identitaire relie les foyers de crisedans la contestation dun ordre conucomme occidental.

    Dans le mme temps, leritement dela souverainet, pilier de lidentit desEtats, a fragilis le droit international. Aunom dune justification morale allant dela responsabilitde protger au changementde rgime,lunilatralismeamricain sestaranchi en 2003 des rgles du droit. LaRussie a ouvert une nouvelle brche enCrime au nomde lautodtermination des

    peuples en Ukra ine.

    Qui plus est, les Etats souverains nematrisent plus le jeu seuls, mis au dfi des titres divers par de gigantesquesentreprises globales capables de produiredes normes, pour Internet ou la finance,mais aussi par les organisations nongouvernementales (ONG), le crimeorganis ou les activistes sans frontires,de WikiLeaks Greenpeace. Rsultat,nous sommes dans un monde sans rgles,imprvisible, o lemportent des acteursqui, par double jeu, sens du secret ou foliefurieuse, peuvent renverser la table toutinstant. Nous devons changer de regardsur nous-mmes et nous librer de la peurqui nous pousse nous calfeutrer.Tournons la France vers le monde.Cessons de nous focaliser sur notre rang

    notre sige au Conse il de scur it etnotre dissuasion nuclaire et renforonsnotre rle de porte-voix, de mdiateurdans les crises et de facilitateur dedialogue. Notre identit, ce nest pas ladfense de lordre tabli, cest notreconscience aigu de la ncessit deconstruire une communaut universelleo chaque vie compte.

    Notre r ichesse, cest notre ouve rture,cest--dire la francophonie, lapport desoutre-mers, lEurope, la culture. Cela

    signifie refonder notre politique trangreen en faisant une diplomatie des peuplesqui tisse des liens et des rseaux au moyendes communauts locales, des institutionsscolaires, des think tanks ainsi que desmilieux associatifs, une diplomatiedmocratique quilibrant les relationsdEtat Etat et les relations de peuple

    peuple. Une diplomatie capable de prendreracine dans les interstices du monde.

    Au cur de notre engagement, nousdevons placer les crises. Ragir ne suffit

    pas. Face laggr avation des crises, dela menace dune troisime Intifada lembrasement cyclique de lUkraine,nous devons traiter les causes politiques,trop souvent oublies, la place desTouaregs au Mali ou des sunnites en Ir ak.

    Sortir de la raction pavlovienne, prvi-sible et courte vue qui prvaut exige

    une mthode et des principes : respect dela lgalit internationale, ft-elledcevante; usage de la force en ultimerecours; responsabilisation prioritaire desacteurs rgionaux. La cl, cest la priorit la politique, dont dcoulent lexigencedu dialogue, y compris avec des acteursque nous dsapprouvons, et lexigencedu processus, fond sur des calendriers,des contacts continus, des tapes en vuedun compromis. Mais la singularitfranaise dans un monde qui pense tropsouvent plat et au prsent, cest ausside prendre en compte lhistoire, lagographie, la culture.

    Par exemple, en Irak et en Syrie, lOrga-nisation de lEtat islamique (OEI) prsentele visage dun acteur opportuniste vocation totalitaire, alli de circonstancede sunnites terrifis par les milices chiiteset en qute de lgitimit travers unerponse du faible au fort, qui sest taillun territoire dans les lambeaux du Proche-Orient en instrumentalisant lislam. Dslors, la guerre contre le terrorisme estune erreur majeure. Elle lgitime lOEIen lui donnant une visibilit mondiale,solidarise les populations sunnites autourdelle et dresponsabilise les Etats de largion, tout leurs arrire-penses,dAnkara Riyad.

    Il faut une stratgie dasphyxie delongue haleine. Asphyxie f inancire desrevenus du ptrole, des trafics et dessubsides venus du Golfe.Asphyxie terri-toriale par lendiguement de lexpansionde lOEI, travers lappui arien prodiguaux Kurdes dIrak et de Syrie, aux Jorda-niens et aux Libanais. Asphyxie politique,enfin et surtout, en la privant de soutiens.En Irak, cela signifie non seulement un

    gouvernement dunion nationale, maisune rforme constitutionnelle pour donner

    plus d e pl ace aux sunnites dans ladmi-nistration et dans larme. En Syrie, celasignifie mettre fin la guerre civiledevenue face--face de monstres, en

    plai dant pour une tran siti on poli tiqu egraduelle, avec de fortes garanties de lacommunaut internationale et descapacits dinterposition. La cl en seraune confrence rgionale impliquantlIran, les monarchies du Golfe, la R ussie.

    La ngociation sur la prolifrationnuclaire en Iran est un tournant. Noustions parvenus en 2003-2005, en nousmobilisant avec le Royaume-Uni et lAlle-magne, au seul accord significatif cestade. Laccord int rimaire de novembreet sa prolongation ont t des signes

    positifs. A l heure o ce texte est crit,un accord dfinitif est difficile finaliser,

    tant cause de la prise de contrle duCongrs amricain par les rpublicainset de la situation du Proche-Orient scellant

    lchecdes Etats-Unis dans la rgionquen raison de ltat de sant du GuidesuprmeAli Khamenei. Pourtant, les basestechniquesdun accord existent, sur leracteur dArak et y compris sur le

    nombre de cen trif ugeu ses que lI ranpour rait mettr e en ser vice . Lar rt de sngociations constituerait un dangermajeur, carlIran est un partenaire indis-

    pen sabl e pour lquilibre rgional. Ilimporte avant tout de trouver une place sa mesure cette civilisation millnaire,

    passerelle entre lesmondes.

    Troisime grande crise, lUkraine,nation divise et Etat quasi failli,dpendant de la Russie pour son gazetde lEurope pour son commerce. Quesignifiait lEuromadan (2) ?Avant toutle ras-le-bol populaire vis--vis des litescorrompues, du mar asme conomique etde linefficacit de ladministration. Lerapprochement avec lEurope promettaitle redressement national, nonle rejet dela Russie. Ctaitcompter sans la spiraledemfiance entre Occidentaux et Russesdepuis la rvolution orangede 2004

    et la guerre du gaz de 2009, envenimepar le jeusingulier des Etats-Unis et parla division desEuropens. Pour un empirehumili depuis la chute de lURSS et enqute de revanche symbolique, laccorddassociation de lUkraine lUnioneuropenne, mal prsent et doubl descraintes lies lexpansion de lOrgani-sation du trait de lAtlantique nord(OTAN), crait une situation inacceptable.LUkraine est trop importante pour

    pouvoir devenir un conflit gel. Notreseule issue aujourdhui, comme je lai ditau prsident Vladimir Poutine rcemment,cest de renouer le dialogue travers lacration dungroupe de contactrassem-

    blant durablementlUkraine, la Russie,le triangle de Weimar Allemagne,France, Pologne , le Royaume-Uni et lesEtats-Unis pour menerune ngociationcomplte etgraduelle, tant surla rformeconstitutionnelle de lUkraine que sur sa

    neutralit militaire, son redressementconomique et sa reconstruction adminis-trative et judiciaire.

    DCEMBRE 2014 LEMONDE diplomatique

    Au fond, nous assistons un retour Guy Mollet, lexpdition de Suez et lalignement atlantiste. Retour qui

    poursuit la IIIe Rpublique de Fachoda,ou le Second Empire du Mexique ou deCrime (1).A chaque priode son illusion,son grand bruit qui cache un profondsilence. La France gesticule, mais ne ditrien. Les gouvernants ny sont pas pourgrand-chose, car cette surenchre est lesymptm e des m oments de douteexistentiel, de repli sur la dfensive lhumiliation de la perte de lAlsace-

    Un brasier identitaire relie les foyers de crise

    Sortir du doute par laction

    LAFrance doute parce quelle changesans matriser sa transformation. Leffa-cement des cadres collectifs familiaux,religieux ou sociaux sous la pressionindividualiste et consumriste a boule-vers les m odes de vie en peinequarante ans. Transforme par les migra-

    tions, la population de la France repr-sente dsormais la diversit du monde,

    jusqu ses conflits.

    La France doute parce que son passlui pse dans un monde rajeuni. Son patri-moine, dont elle est si fire, la rendimmobile quand sa mmoire, dont elle ahonte pour lesclavage, la colonisation,la collaboration , lui donne le sentimentdtre expose aux haines.

    Cest dautant plus tragique que lebouleverseme nt du monde exacerb e l esenjeux didentit et remet en jeu le rle dechacun.

    Dans le basculement vers la multi-polarit se joue la reconnaissance du rangdes nouvelles grandes puissances. Orcelles-ci sont le plus souvent de vieillesnations humilies, soucieuses de ne riencder, commela Chinesur lesconflitsterri-toriaux de la mer de Chine, la Russie surlUkraine orientale et les confettis delUnion des rpubliques socialistes sovi-tiques (URSS), ou encore lInde sur leCachemire.

    Accentuant les interactions et les inter-dpendances,la mondialisation numrisedissout aussi les Etats-nations, les laissanten proie auxhystriesraciales,confession-nelles, linguistiques, claniques, linstarde lislamisme, des populismes europens,des ultranationalismes chinoisou japonaisPH

    OTOGRAPHIE:J.-O.

    ROUSSEAU/ADAGP

    SACHONSaussi nous doter dune visionsur les zones-cls du monde de demain.

    Le Proche-Orient traverse depuis prsde trente ans une crise de modernisationhistorique o sarontent les nationalisteslaques issus des dcolonisations, lesislamistes refusant la modernit occidentaleet enfin la jeunesse des classes moyennes,soucieuse de liberts dmocratiques,dgalit des chances et douverture surlemonde. LEurope et le Proche-Orient sontdesmondesen miroir,habitus se dfinir

    lun contre lautre, destins vivre lunavec lautre. Pourtant lEurope a par soninconstanceaggrav la situation enAfriquedu Nord et au Proche-Orient, tantt sesubstituant aux rvolutionnaires duprintemps arabe, tantt se rfugiantauprs desrgimesautoritairespar craintedes islamistes. La transition ne peut treque longue et douloureuse. Elle exigelaccompagnementconomique et politiquede lEurope, au-del des promesses nontenuesdu partenariat de Deauville (3). Pourla France, lenjeu est de taille, car sa

    population originaire dAfrique du Nordestimportanteet sa mmoirereste mutiledepuis la guerre dAlgrie.

    Nous ne pouvons assister silencieux aupourrissement continu du conflit isralo-palestinien qui gangrne lensemble de largion. Vingt ans durant, la communautinternationale a eu le souci de maintenir

    coteque cotela fictiondune ngociationautour de la solution deux Etats, alorsquecelle-cisloignaitde plus en plus danslesespritscomme dans lesralits, traversle terrorisme et travers la colonisation.Aujourdhui, au lendemain de bombarde-ments intenses de Gaza par larme isra-lienne lt 2014, il est temps que lacommunaut internationale se mette ensituation dimposer la paix, parlacceptationde ladhsion de la Palestine la Cour

    pnale internationale, par la reconnaissancepleine de lEtat de Palestine lOrganisationdes Nations unies (ONU), et plus encore

    par un plan de paix impos aux parties sur

    les bases des accords dOslo avec descapacits dinterpositionet dadministrationinternationales.

    LAfrique est le deuxime espace-clpourla France de demain, ne serait-cequenraisonde sajeunesse etde sadmographie,quien ferontun continentde deux milliardsde personnes en 2050, dont de trsnombreux francophones, et la principalezone de croissance mondiale. Tout est construire pour un codveloppementecace, pour un partenariatappuysur lesorganisations rgionales et les paysles plus

    solides. Au lieu de quoi nous laissonsdautres puissances accompagner lessorconomique du continent, tout en menantune politique dintervention militaire tousazimuts pleine dambiguts. L commeailleurs, il faut dire politique dabord,comme nous avons eu cur de le faireavec Jacques Chirac pour la Cte dIvoireavec les accords de Marcoussis, enfavorisant les gouvernements dunionnationale, les garanties constitutionnelles

    pour les minorits et pour les oppositionspolitiques,en apportant un soutienconcret,financier et humain ladministrationecace des Etats.

    Le troisime espace est lAsie, car l sejoue la confrontation stratgique venirentre lesEtats-Unis etla Chine, bienquat-tnue par leur dpendance conomiquemutuelle. Le choc commercial entre legrand march transatlantique (GMT),

    (Suite de la premire page.) Lorraine en 1870 et la fragilit de la jeuneRpublique ; la dfaite de juillet 1940et une dcolonisation difficile. Pays fleur de peau, la France a toujoursconfondu les tourments du monde avecses remugles internes.

    Aujourdhui, le drame collectif est lapeur de la mondialisation.La France douteparce quelle se sent impuissante. Lint-gration europenne impose de repenser lasouverainet nationale. La mondialisation

    prive un pays ptri de colbertisme de sesleviers conomiques. La dmocratiemdia-tique favorise linertie, les groupesdintrts, la strilit des alternances.

    GASTON CHAISSAC. Totem tricolore, 1963

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    articul autour des Etats-Unis, et le parte-nariat conomique rgional intgral(Regional Comprehensive EconomicPartnership, RCEP), organis autour de laChine, mobilise prs de la moiti de la

    populati on comme du commerce mon-dial (4). Les deux puissances se toisent travers leurs stratgies dendiguement etdesquive, collier de perles amricaincontre route de la soie maritime propose

    par Xi Jinpin g. Sajoute nt des conflitsrgionaux irrsolus, nsde mmoires vifavec le Japon et du nationalisme exacerbdunrgimesoucieux dunitface au ralen-tissement de la croissance. Le rtablis-sementdes liensdiplomatiquesavec Pkin

    parle gnral de Gaulle ds 1964 conserve la France une aura de singularit, mais

    pour combien de temps ? Evitons que laFrancene prennele sillagedes Etats-Unis,l aussi.Profitons de lvolution duneChine qui souvre au monde et qui dsire

    prendre davantage de responsabilits, surlacrisedEbola, surle dficlimatique, surla coopration contre le terrorisme.

    Comment incarner notre politique

    trangre? Dans le destin des nationscommedans lavie desindividus, laquestionde savoir qui lon est nest jamais plusangoissante que lorsque lon ne sait plusquoi faire. Cest par laction que noussortirons du doute.

    Au lieu de nous fantasmer au pass,soyons pleinement nous-mmes : unedmocratie,dans un mondeo la dmocratienest pas et peut tre de moins en moins

    une vidence; un pays europen, dansuneEuropede moins enmoinssre desondestin; une culture universaliste, dans unmonde qui a perdu les cls de luniversel.Au cur du destin franais, il y a lide de

    progrs.Il y a deuxsicles dinventions,dedcouvertes, dentreprises franaises, unmodle social sans cesse enrichi depuis leConseil national de la Rsistance.Le progrsest lme de notre vision de la culture, deCondorcet Malraux enpassant parHugo,

    celledune amliorationde lhumanitparlavancement des artset des sciences. Pournous, pays dhistoire et despoir, croire au

    progrs, cestrefuser la foislordre tabliet le dsordre strile.

    On ne sera pas surpris que la Francedoute, car dans le monde entier le progrstechnologique a substitu le progrs deschoses auprogrs deshommes. Lacultureest dsormais soit un patrimoine, soit unemarchandise, le bien-tre une contrainteconomique et la dmocratie librale unhorizon indpassable.

    Retrouvons lechemindu progrs, lint-rieur comme lextrieur.

    Progrs de lide europenne, dabord.LEurope, si elle cesse davancer, chute.Aujourdhui, elle a cess en mme tempsdeslargiret desapprofondir. Ellese dfait

    dans la crise de leuro. Elle se crispe surses frontires,inquite de voisinsinstablesou autoritaires. Les peuples rejettent lesrgles de Bruxelles, faute de validationdmocratique susante. La relationconstruite aprs guerre avec la petiteAllemagne de Bonn ne peut tre la mmequaveclAllemagne runifieet renforce

    la fois par sa puissance conomique et

    par llargissemen t or iental de l Unioneuropenne. Dsormais devenue le centrenaturel de lespace conomique europen,lAllemagne ne dsire pas en assumer ladirection politique. Je propose depuislongtemps un traitfondateurduneunionfranco-allemande,rapprochant les politiques,les institutions, les lgislations. Commen-ons par un march unique de lemploi etde laformation quedautrespays pourraient

    par l a sui te rejo indre, formant le noyaudune Europeconstituede cercles plusoumoins intgrs zone euro, Unioneuropenne, large ple paneuropenarticulantavec lEurope la Russie, laTurquie,lAfrique duNord afinde peserensembledans le monde multipolaire.

    LEuropea lesclspour sortirde laspiraledflationniste, conditiondune politiquevolontaire de la Banquecentraleeuropenne(BCE), dune revalorisation salariale en

    Allemagne etdun planeuropendinves-tissementproductif,dans lesinfrastructureset linnovation. Lharmonisat ion fiscale en priorit limpt sur les socits etsociale une assurance-chmagecommu-nautaire pour les jeunes actifs est indis-

    pensable . La cration duniversi tseuropennesdans chacundes paysmembres

    permettrait lunification progressive des

    systmes universitaires. Enfin, la pleineresponsabilitde laCommissiondevant leParlement europen ou llectionau surageuniversel direct du prsident du Conseileuropen seront des gages de dmocratieeuropenne.

    Impossible de peser dans le monde desgants sans une politique trangre et dedfensecommune.En matirede dfense,des avances pragmatiques comme unecentrale dachat pour les armements et untat-major commun sont la condition denotre indpendance vis--vis des Etats-Unis, dontles intrts divergentde plusen

    plusdes ntres avec leur pivot asiatique.LOTAN est le verrou. Jtais oppos cequela Francerintgrele commandementintgr (5). Mais, puisquil est impossiblede revenir sur cette dcision sans donnerlimage dune France dansant dun piedsur lautre, posons nos conditions : un

    rquilibrage du poids de lEurope et decelui de lAmrique du Nord, un partagequitabledes postes, unemissionavanttoutdfensive du pacte.

    Reste un dfi vital : inventer une diplo-matie de lge dmocratique. Car ladmocratie est la foisconteste et impuis-

    Une nouvellediplomatiedmocratique,cest dabord une diplomatie qui assumelattractivit de nos dmocraties, notam-menteuropennes.Regardonsla carte desdernires annes. Les indigns, lesOccupy, les printemps ont fleuri travers le monde entier, sous la pousseconjointe de la monte des classesmoyennes et du coup de frein de la criseconomique,maisils nontmen lachutede gouvernements et de rgimes que dansun cercle prcis, celui du voisinageeuropen. Ce nest pas un hasard, mais latrace de linfluence europenne, mmeinvolontaire, et le signe de limpuissancedesEuropens accompagneret canaliserles changements dmocratiques ses

    portes. Pourquoi galement lindignationnest-elle que pour les autres, pourquoiavoir si peutenu compte desrevendicationsdmocratiques ici ? La leon en tirer,cest que notre exemplarit comptedavantage que les leons de morale. Nousferons davantagepour la dmocratie lestde lEurope par une Ostpolitik fonde surle dialogue, louverture et lexemplaritde nos dmocraties que par une logique

    de guerre froide qui ne sert que lesintrts amricains.

    Une diplomatie lge dmocratiqueexige galement de nouveaux moyens.Puisquelle ne peut sappuyer sur le secretet sur les logiques dintrt, elle doit fairede la pression de ses opinions publiquesune force, quand elle est aujourdhui unefaiblesse. Il faut enrichir les diplomatiesde peuple peuple, pour redonner dusoue une politique trangre tropsouvent limite un passe-temps prsi-dentiel. Donnons-lui davantage de forceet dunit travers un Conseil de scuritnationale mobilisant et coordonnantlensemble des acteurs. Cest de notreavenir collectif quil sagit, et cest

    pourquoi il fautun dbatnational,continu,pluraliste.Cest dans le mondeque se jouenotre vie nationale, lheure du redres-sement conomique et de la ncessaire

    remondialisation duneFrance en pertedlan conomique, de comptitivit, deconfiance.Fixons lecap etmettons ensuitetous nosatoutsau service decettemission:notre personnel diplomatique de qualit,nos lyces franais, nos universits et nosgrandes coles, notre modle social.Soyons fidles notre gnie particulier, la marque de fabrique franaise : sur lescrises et la paix, pays modrateur, facili-tateurde dialogue,mdiateur; surla visionde lhomme, pays dinnovation cono-mique, de dveloppement social et humain,dans lducation, dans la sant, pays deculture et douverture.

    DOMINIQUE DE VILLEPIN.

    sante. Conteste par lmergence dune

    oligarchie mondiale dconnecte despeuples et par la mon te en puissance dergimes personnaliss, autoritaires, orantdans les vents de la mondialisation unrefuge communautaire national, commeen Russie, en Chine et mme dans laTurquie de Recep TayyipErdogan.Impuis-sante, elle lest la fois dans son actionextrieure, car les alternances et le poidsdes opinions publiques rendent nosdmocraties court-termistes, versatiles etmoralisatrices, et lintrieur, car elles sesont figes et, trop souvent domines parlargent et les reproductions sociales, nesemblent ni vivantes ni gnreuses. En1989, les dmocraties occidentales ontfait un double contresens. Elles ont cruquelles avaient gagn la guerre froide,alors que ctaient les dissidents quilavaient gagne de lintrieur, lusure.Ellesont cru quelles taient indpassableset sesont assoupiessur leurslauriers, faute

    de rival la hauteur.

    LEMONDE diplomatique DCEMBRE 2014

    ET MORALISATRICE

    mais ne dit rien

    Cet altermanuelregorge dexemplesnouveaux et ignorsBertrand RothMarianne

    Lhistoire tellequon ne la raconte

    pas dans les mdiasFrdric TaddEurope1

    PROGRAMMES

    DE PREMIRE ET

    DETERMINALE

    UNE AUTRE FAONDAPPRENDRE LHISTOIRE

    AEUNREOIT

    ONAFUTREARE

    adddricT

    o n n e l a rtellee

    othand R

    exge dtermanuelal

    uveaux

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    addpas dans lesmdias

    aconteo n n e l a rtelle

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    termanuel

    LEINATERMED

    ETREIPREMED

    SMMEAROGRP

    ope 1adddricT

    pages

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    ,50180 pages 20

    LApaix, cest la scuritcollective, combatlongtempsportpar la France, travers lesvoix dAristideBriand,

    du gnral de Gaulle et de Jacques Chirac. Faisons

    en sorte que la France soit la cheville ouvrire delarchitecture de la gouvernance mondiale. Nous devons

    fixer trois priorits.

    Dabord, la reprsentativitdes Nationsunies. Le systme

    hrit de 1945 ne correspond pas au monde daujourdhui.De nouveaux membres permanents au Conseil de scurit

    doivent trechoisispour un meilleur quilibredes continents.

    Deuxime priorit : une gouvernance financire. Le G8 et

    le G20ont chou parce quils nont pasde lgitimit.Il fautun Conseil de scurit conomique et financier, impliquant

    le Fonds montaire international et la Banque mondiale.

    Troisime priorit : une gouvernance environnementalepour prendre des mesures contre le rchauffement clima-

    tique. Il fautaccentuer la pressionsur lespays rcalcitrants

    en envisageant de conditionner certains accords commer-ciaux, y compris le trait de libre-change transatlantique

    (TTIP), aux meilleures pratiques en matire dmissions de

    gaz effetde serre. LaFrancea tpionnireenla matire.Entmoigne lediscoursde JacquesChirac Johannesburg

    en2002 devantlassembleplniredu quatrime Sommet

    dela Terre ( Notremaison brleet nousregardons ailleurs).Une Organisation mondiale de lenvironnement doit pren-

    niser la production dexpertises, de rgulations et de suivi

    des mcanismes.

    Mais la paix, cest surtout laction. Nous avons besoindoutils adquats.Les missionsdinterpositiononusiennes

    ont montr leurs limites : lentes, au mandat incertain, malformes. Nous pouvons proposer nos partenaires

    europens de crer une force de raction rapide que nous

    mettrionsau servicede la paix,sousla houlette desNations

    unies, pour des interventions dans des zones descaladescuritaire, ainsi quun corps dexperts pluridisciplinaire

    pour la consolidation de lEtat de droit, destination des

    pays fragiles. Ce souci de la paix serait conforme la foisaux savoir-faire et lexprience de notre continent hant

    par la mmoire des guerres.

    D. DE V.

    (4) Lire Martine Bulard, Libre-change, versionPacifique, LeMondediplomatique, novembre2014.

    (5)La Francea quitt lecommandementintgrdelOTAN en 1966. Elle la rintgr en 2009 pendant

    la prsidence de M. Nicolas Sarkozy.

    Trois priorits pour la scurit collective

    PHOTOGRAPHIEOLIVIERLAFFELY,

    VILLEDELAUSANNE/ADAGP/COL

    LECTION

    DELARTBRUT,

    LAUSANNE

    GASTON CHAISSAC. Sans titre , 1949

  • 7/24/2019 Le Monde Diplomatique 2014 12

    6/28

    6LIAISON LYON-TURIN, GRAND PROJET INUTILE PAR EXCELLENCE

    Rsistance dans la valle

    DEPUIS, les tudes dingnieurs oudconomistes ont dmontr ce que leshabitants avaient pressenti tout de suite:ceprojet correspond unmodlede dve-loppement bout de souffle. Comme iltait difficile de soutenir, face aux oppo-sitions,que lnormitde linvestissementvisait seulement diminuer le temps detrajet dun trafic passager trs faible, on a

    prtendu trouver une justifica tion colo-gique en soutenant quil sagissait de ds-engorger le trafic de marchandises et lestunnels routiers (Frjus et Mont-Blanc).Les concepteurs du projet sappuyaient ily a trente ans sur des prvisions de triple-ment du fret: en ralit, il est aujourdhuiinfrieur ce quil tait en 1988. Dans unrfr adressau premierministre franaisle 1eraot 2012, la Cour des comptes esti-mait que le cot global du projet (avec lesaccs) tait pass de 12 milliards deurosen 2002 26,1 milliards (3). Les magis-trats financiers recommandaient de ne

    pas fermer trop rapidement lalternativ econsistant amliorer la ligne existanteet insistaient sur limportance du reportdu trafic transalpin de la route vers la voieferre.Aprs avoir tudi les accs fran-ais au tunnel transfrontalier soit deuxautres tunnels de plus de vingt kilomtreschacun qui devront tre creuss sous

    les massifs de Chartreuse et de Belle-donne , la commission Mobilit 21,ne voit pas leur justification avant lho-rizon 2035-2040 (2).

    Deslus locaux (dputs, maires,conseil-lers rgionaux) de toutes tendances sap-puient maintenant sur un travail de contre-expertise qui dmontre lexistence desolutions alternatives. Ils soulignent parexemple que la ligne ferroviaire actuellenest utilise qu 17% de ses capacits.

    et Budapest. Dabandons en prolongationdtudes chances aussi douteuses quelointaines, il ne reste plus de ce grandioseprojet que le Lyon-Turin, qui comporte lepercement dun tunnel de cinquante-septkilomtresentre cettevalle situe louestde Turin et la valle de la Maurienne. Trsvite, le 15 dcembre 1991, nat dans le valde Suseun comit dune soixantaine de per-sonnes, techniciens, ouvriers,maires, admi-nistrateurs rgionaux, etc. Des mdecins

    jouentun rle dcisifen attirantlattentionsur les nuisances sonores. Dans les nom-breux meetings qui suivent, on fait couterla rumeur du treno ad alta velocita (TAV,train grande vitesse). Lapparition en lettresgantesdu slogan NoTAV sur lesmon-tagnes donne sa signature au mouvement.

    Bien dautres arguments ont t dve-lopps par la suite: linutilit conomiquedu projet,sa nocivitcologique (prsenceduranium et damiante dans les couchesqui devraient tre perces), le saccage duterritoire, la destruction des ressourceshydriques... Mais laccent mis loriginesurle bruitrvle unedimensionparticuliredes lieux. La valle principale est dunetroitessequi renddautantplus violentlim-pact du projet sur un environnement djsaturdinfrastructures (autoroute, ligneshaute tension, voie ferre). La gographienest pasnon plustrangre lhomognitde ce qui reste une communaut monta-gnarde.De lautrect de lafrontire,lin-dustrieet le tourisme ontdepuislongtempsdissous les liens traditionnels, do lecontraste entre limpressionnante ampleurdu mouvement anti-TAV italien et la dis-crtion de son homologue franais.

    sabattent sur les opposants. Accussdavoir particip une manifestation aucours de laquelle il ny a eu aucun blesset o les dgts se rsument un com-pres seur brl , quat re oppo sant s sontarrts en dcembre 2013 et dtenus sousle rgime des lois antiterroristes. Leurprocs est en cours, et lun de ses enjeux,non dpourvu dimportance, consiste savoir si on peut qualifier de terrorismele fait davoir voulu faire pression surle gouvernement et davoir endom-mag limage de lItalie .

    En face, la solidarit a enfl au rythmedes offensives rpressives. Le 26 jan-vier 2012, une rafle anti-No TAV danstoute lItalie provoque des ractions deTurin Cagliari. Le 27 fvrier, lun desopposants historiques, M. Luca Abb,

    monte sur un pylne pour chapper lapolice lors dune protestation contre lex-tension de lenceinte fortifie protgeantle dbut de tunnel dexploration. Il slec-trocute et chute de dix mtres. Laccident,

    dont il ressort grivement bless,dclenche des blocages dautoroutes,lenvahissement de gares de Bologne Rome, des manifestations Naples etPalerme, et la prise partie des respon-sables du Parti dmocrate (PD).

    Car, trs vite,les camps se sont bien dli-mits. Dun ct, les partis de gouverne-ment: de la droite, avec ses tlvisions, la post-gauche nolibraledu PD, avec sesjournaux et intellectuels qui ont dsormaispour unique pense politique le mantra dela lgalit. De lautre, les collectifsforms contre desamnagementsimposs pont sur le dtroitde Messineou bateauxde croisire qui dtruisent la lagune vni-tienne , auxquels viennent sajouter lestudiantset lesprcairesrefusantla nimerforme nolibrale,les ouvriersmtallur-

    gistes luttantcontre la destruction du droitdu travail, lesmal-logsoccupant desmai-sonsvides, sansoublierla solidarit inter-nationale avecNotre-Dame-des-Landesoules antinuclaires.

    DCEMBRE 2014 LEMONDE diplomatique

    Tu par une grenade de la gendarmerie prs de Sivens, le

    militant cologiste Rmi Fraisse sopposait un barrage

    emblmatique dune drive productiviste. Lenttement

    dfendre un modle damnagement surann se heurte

    des mobilisations de plus en plus fortes, comme dans le val

    de Suse, en lutte contre le projet de liaison ferroviaire entre

    Lyon et Turin.

    P A R N O T R E E N V O Y S P C I A L

    S E R G E Q U A D R U P P A N I *

    Cot global, 26 milliards deuros

    COTEAUXplants de vignes en espalier,hameaux aux vastes toits de lauze, coulesdepierraille, rudessedes picsde roche nue,intensit du ciel: en ce point, vers le hautdela valle,le panorama pourraittreexal-tant. Un sentiment doppression lemporteau contraire. Car ce quon vient de dcrirenexiste plus qu ltat rsiduel, dans letiers suprieur du champ de vision. Tron-onn par lautoroute, dcoup par sespiliershauts commedes immeubles de huit

    tages, le reste du paysage consiste en uneterre mille fois retourne: baraquements,grillages, le tout peupl uniquement depatrouilles militaires. Trs r arement, unvhicule de chantier apparat, surgi de cequon devinetrelentre duntunnel.Plu-sieurs kilomtres de galeries ont dj tcreuss departet dautre dela frontire pourreconnatreles couchesgologiques.A cer-tainsdtails,le malaise saccrot encore: unsigle de lOrganisation des Nationsunies (ONU) surdes vhicules, quisignalela prsence de troupes rapatries dun deces thtres doprations o lOccident seconfronte avec le reste du monde, ou biencetteenceintequon saitbtie par uneentre-prise aux mains de la Mafia calabraise (1),avec sesrubansdaciertranchantet sesblocsde bton qui rappellent les contres enguerre civile. Il faut approcher pied lechantier de Chiomonte pour comprendrelagressionsubie parle valde Suse, en Italie,etla rsistanceque luiopposela populationdepuis plus de vingt ans.

    Au dbut des annes 1990, dans lesbureauxde la Commissioneuropenne, estconue une liaison ferroviaire de Lyon lafrontire ukrainienne en passantpar Trieste Une puissance collective concrte

    (1) Sur linfiltration de la Ndrangheta,cf.Torino,aziendain odoredi Ndranghetaneilavoridellastazionedi Porta Susa,Il Fatto Quotidiano,Rome, 12 juin2012; etValentinaParlato, Lyon-Turin : unchantiersous tension, Arte Reportage, 10 novembre 2014.

    (2) Mobilit 21, Pour un schma national demobilitdurable, rapportau ministre chargdestrans-ports, 27 juin 2013.

    (3)Courdescomptes, RfrsurleprojetdeliaisonferroviaireLyon-Turin,1eraot 2014,www.ccomptes.fr

    (4)Sur laspect financieret lessolutionsalternatives,on trouvera une excellente documentation, dont unfilm trs clairant, sur : http://lyonturin.eu

    (5) Selon la direction gnrale pour les politiquesintrieures de lUnioneuropenne,il pourraitatteindre14 milliards. Selon les prvisions du matre duvre,Lyon Turin ferroviaire (LTF), la ligne coterait100millions deurosau kilomtre,149dansle tunnel.

    (6) Tav,nuovidubbisui costi,IlFattoQuotidiano,11 novembre 2014.

    (7) Les approximations de Jean-Jack Queyrannesur le Lyon-Turin, 18 septembre 2014, http://elus-rhonealpes.eelv.fr

    (8) Le tunnel ferroviaire Lyon-Turin franchit unetapeimportante,Le Moniteur,Paris,3 octobre2014.

    (9)Sur le mouvement italien, http://notavtorino.org;sur le mouvement franais, http://notav-savoie.over-blog.com

    (10) En 1343, les communauts montagnardes desdeuxctsde lafrontireactuellerachetrentles droitsseigneuriaux au dauphin. Jusqu la Rvolutionfranaise, elles purent sauto-administrer par le biaisdassembles locales et au prix du versement dunerente annuelle.

    (11) Collectif de cinq crivains italiens,www.wumingfoundation.com

    Les partisans du projet lont juge un peuvite obsolte et trop pentue, alors que samodernisationpourrait permettre dassurerletrafic prvisible unhorizon raliste (4).

    Du ct italien, le Snat vient daudi-tionner les dirigeants des Ferrovie delloStato (FS, Chemins de fer italiens). Leursprvisions ont branl jusqu certains des

    plus fervents soutiens du TAV: le cot duseultunnelde basepasserait de 8,3milliardsdeuros 12milliardsau total (5),et la partde lItalie de 4,8 milliards 6,9 milliards.Plus grave encore: Lanalyse cots-bn-

    fices,a ajoutle prsidentdesFS, a tfaiteavant la crise de la dette souveraine en

    Europe, et depuis le monde a chang.(...)Il y a une incertitude extrme(6).

    Cela na pas empch le ministre destransports,M. Maurizio Lupi,de raffirmerque la construction de la ligne taitstra-tgiquepour lItalie et pour lEurope. Lesrapports des expertsde lEtatfranaisnontpas empch non plus le prsid ent duconseilrgional de Rhne-Alpes,M. Jean-Jack Queyranne, de dfendre, en sep-tembre 2014, la mme position, avec enprime quelques affirmations discutes surlesemploiscrs (7).Les liensconsanguinsentre lesgrandsgroupes du btiment etdes

    travaux publics et les dirigeants rgionauxou nationaux ne sont srement pas pourrien dans cette obstination. Les travaux dereconnaissance continuent, et ils ont reude nouveaux financements le 1er octobredernier.Dbut2015,les tunneliers doivententamer Saint-Martin-de-la-Porte le creu-sementdunenouvelle galerie de neuf kilo-mtres, aux dimensionset lemplacementdu tunnel projet (8).

    En ralit,toutes cesfermes rsolutions persister dansla mmevoie sontsuspen-dues au financement europen. Or, rece-vant le 14 octobre dernier une dlgation

    * Ecrivain,dernier ouvrageparu :MadameCourage,Gallimard, coll. Folio policier, Paris, 2014.

    Calendrier des ftes nationales

    1er-31 dcembre 2014

    1er CENTRAFRIQUE Fte nationaleROUMANIE Fte nationale

    2 MIRATSARABES UNIS Fte nationaleLAOS Fte nationale

    5 THALANDE Fte nationale6 FINLANDE Fte nationale

    11 BURKINA FASO Fte nationale1 2 KENYA F te d e l ind p en d.1 6 BAHR EN F te n at io na le

    KAZAKHSTAN Fte de lindpend.17 BHOUTAN Fte nationale18 NI GER Ft e de l i ndpend.

    QATAR Ft e nat ional e23 JAPON Fte nationale

    CONTRE labstraction des lieux depouvoir, des bureaux roma ins ou bruxel-lois jusquaux hauteurs dmatrialisesde la f inance mondiale, les manifestantsitaliens et europens ont afflu. Ils trou-vent dans la valle de Suse ce quils ontbesoin de constr uire pour eux-m mes :une puissance collective concrte, ancredans la ralit dun territoire, sanstomber dans un nationalisme de clocherou une dfense dintrts strictementlocaux (9). La critique de la croissanceillimite dans un monde limit est sous-

    jacente dans ch acune des expre ssions dumouvement.

    Le souvenir de lhospitalit et durefuge offert aux hrsies religieuses,celui des communauts mdivales auto-nomes, de la rpublique des Escar-tons (10) qui dura quatre sicles, ou celuides rpubliques partisanes, brves ten-tatives issues en 1945 de la rsistanceantifasciste, tout ce pass nest pasvoqu pour figer une identit mais poursa charge mancipatrice.

    Quand lesmembres dune famille nor-male maman garde-champtre, paparetrait, deux garons vous montrent enriant les vidos des confrontations mus-

    cles avec les forces de lordre ; quand lecoiffeur de Bussoleno instaure le sham-

    pooing de solidarit pour soutenir uncollgue emprisonn ; quand les effortsconjugus des procureurs ne parviennentpas dfa ire lal lianc e des dame s quiprient Padre Pio devant le grillage et desragazzi(garons) des centres sociaux quijette nt des pier res par-d essu s ; quandtoutes les manifestations sefforcent derespecter la maxime On partet on revientensemble ; quand on voit les quelquesromanciers critiques qui restent lItalie,

    tels Erri De Luca ou les Wu Ming (11),accueillis fraternellementpour des lecturesdevantlenceinte; quandon esttmoindetout cela, on se dit que le mouvement NoTAV a dj remport une victoire: la for-mation dun sujet collectif oppos aumonde tel quil va.

    Dans cette valle prend corps une ra-lit qui a chapp, des deux cts de lafrontire, un personnel politique nayantplus lom bre dun e visi on poli tiqu e,mme sociale-dmocrate, et qui nen finitpas de sef fond rer inte llec tuel leme nt,humainement et lectoralement. Cette ra-lit charnelleen constante volutionrepr-sente ce dont les politiciens ont perdujusquau souvenir : un peuple.

    franco-italienne dopposants au TGV,M. Michael Cramer, prsident de la com-missiondes transportsau Parlementeuro-pen, a dclar quil taitpeu probableque lUnion europenne soit capable de

    prendre en charge 40 % du cot total duLyon-Turin, comme esprpar les gouver-nements de la France et de lItalie.

    Si, aujourdhui, il y a quelques chancesque soit finalement abandonn ce qui estdevenu le prototypedes grandstravaux inu-tiles, on le doit la rsistance exception-nelledune petitepopulationmontagnarde.Pourtant, les dbutsfurent difficiles. Aprsune premire grande manifestation enmars1996,au moisdaotcommence unesrie dattentats contre des engins et dumatrielferroviaire.La presse se dchanealors contre lcoterrorisme du val de

    Suse. Le5 mars 1998,la policearrte lesmembresdune fantomatique organisationconstitue autour du couple que formentMaria Soledad et Edoardo Massari. Lunet lautre se suicident. Toutes les accusa-tions portes contre eux scrouleront parla suite. A lheure actuelle, on ne sait tou-jours pas qui tait lorigine de ces atten-tats. Beaucoup y voient une ultime rit-ration de la stratgie de la tensionitalienne, comme dans les annes 1970 et1980, lorsquelextrme droite ctoyaitlesservices secrets. La lutte No TAV mettralongtemps sen remettre.

    Nanmoins, de concertsen blocagesdespremiers travaux de sondage, dinterven-tions en assembles, un mouvement demasse se construit: vingt mille personnesdfilent dans la valle en avril 2003. En2005, trente-sept conseils municipauxdclarent leur opposition au projet. Des

    installations permanentes dopposants, lespresidi, apparaissent. En novembre de lamme anne, lvacuation par la force delun deux entrane sa roccupation mas-sive par des milliers de manifestants. Lasaga de la lutte est lance.

    Elle connat dinnombrables pisodes,comme, du 22 mai au 27 juin 2011, cetteLibre Rpublique de la Maddalena,sorte de zone dfendre (ZAD) avant lalettre. La rpression, aussi, prend de lam-pleur : lheure actuelle, plus de quatrecents personnes sontsous le coupde pour-suites et de condamnations diverses. Despeines de pr ison e t d normes amendes

  • 7/24/2019 Le Monde Diplomatique 2014 12

    7/28

    LE MONDEdiplomatique DCEMBRE 2014

    LUKRAINE PLUS DIVISE QUE JAMAIS

    Veille darmesau Donbass

    DIMITRIrevient parfois prendre des nouvellesde sesanciensvoisins,qui habitentencorele quartieren ruine de Putilovka, deuxkilomtresde laroportde Donetsk, dans la rgion orientale de lUkraine.Desexplosions ontemport le toit desbtisses, les

    incendies ont noirci les murs de briques. Quelquescombattants saccroupissent devant un foyer ochauffe une cafetire. Nous ne recevons aucuneaide, se dsolele vieil homme,en contemplantuntas de gravats et des poutrelles de mtal tordues.

    Dimitri dort chez des parents. Dautres ont prfrfuir Kievou en Russie.Selon le Haut-Commissariatdes Nations unies pour les rfugis (HCR), plus dehuit cent trente mille personnes ont quitt leurfoyer (1) depuis le dbut dune guerre qui a dj

    officiellement fait plus de quatre mille morts. Ceuxqui sont rests tentent de survivre comme ils lepeuvent. Le travail se fait rare. Beaucoup dentre-prises, de magasins, ainsi que la grande majoritdes banques ont ferm leurs portes sur le territoire

    des Rpubliques populaires autoproclames deDonetsk (DNR)et de Lougansk(LNR). Tousles jours,les files sallongent devant les bureaux de poste o

    lesgensse font envoyer delargent. Jevissurmesconomies, mais elles vont bientt spuiser,

    explique Alexe, un mineur la retraite.

    Mardi4 novembre, le premier ministre ukrainien,M. Arseni Iatseniouk, annonait larrt des finance-ments publics en direction des rgions contrles

    par les rebelles:Si nous versons aujourdhui cessommes, largent nira pas au peuple mais sera volparles gangstersrusses et servira surtout soutenirle terrorisme russe,justifiait-il. Le 15 novembre, leprsident Petro Porochenko confirmait le retrait de

    tous les services publics et entreprises dEtat. Cesmesures risquent dloigner encore un peu plus leszones en scession. Toutefois, si le gouvernementne paie plus les salaires des fonctionnaires et gleles34 milliards dehryvnias(1,7 milliarddeuros) initia-

    lement destins ces rgions en 2014, il a annoncquil continuerait fournir du gaz et de llectricit.

    Les rgions administratives de Donetsk et deLouganskcomptaient septmillions dhabitants avant

    le conflit. Les rebelles contrlent les zones les pluspeuples, lexception de Marioupol, soit proba-blement autour de cinq millions de personnes. Legouvernementukrainien prfredtourner les yeux.Je neveuxriensavoir dece quilse passede lautre

    ct dela lignede front, martle le vice-gouverneuren exil de la rgion de Lougansk, M. VolodimirHrytsychyn.Il sest installdans lancienbureaudurecteurde luniversit dela ville deSieverodonetsk,devenue sige dune administration dplace.

    Comme beaucoup, il a subi les intimidations desrebelles: Les fonctionnaires, les professeurs, lesretraits quisont rests l-bas, cestleur choix,cestleur droit. LUkraine ne leur doit plus rien, et surtoutpas des salaires ! Il rappelle toutefois que les

    personnesges ontencore la possibilitde toucherleur retraite. Pour obtenirdes espces, ellesdoiventsenregistrer dans une bourgade contrle parlarme ukrainienneet traverser chaque moisla lignede front. Des dmarches que beaucoup sont dans

    lincapacit deffectuer.

    Malgr le cessez-le-feu sign le 5 septembredernier Minsk, les combats sont quotidiens danslaroport de Donetsk, autour du saillant de

    Debaltseve contrl par larme ukrainienne ou proximit de la centrale lectrique de Schastye, aunord deLougansk.Les Nations uniesont dnombrprs de mille morts entre le 6 septembre et le18 novembre. Les rcents renforts de blinds et

    dartillerie laissentcraindreune reprise descombats.Au quotidien, les entits sparatistes savrentincapablesde trouverune rponse la pauvret quise propage. Moscou se contente denvoyer des

    * Journalistes.

    convois humanitaires, dont on ne peut vrifier le

    contenu. Le Kremlin et des soutiens privs assure-raient aussi une partie du budget des deuxrpubliques, sansquil soitpossible de le prouver.Nous ne pourrions pas survivre sans laide

    financire de nosvoisins etamis, concdetout demme M. Igor Kostianok, le ministre de lensei-gnement de la DNR.

    Ds la mi-octobre, lhiver sest install dans laplaine ukrainienne, et les tempratures tombent lanuitbien au-dessousde zro.Chaque matin, ilssontune dizaine se rchauffer autour dune marmitefumante, attabls sous une tente monte dans

    larrire-cour dunimmeubledu centre de Donetsk.On trouvetoutela nourritureque lon veut dans lesmagasins, mais je nai plus un centime, expliqueAna, une ancienne ingnieure. La Fondation RinatAkhmetov est lune des rares organisations qui

    apportentun soutien matriel la population de lestdelUkraine. A la mi-novembre,elle annonait avoirdistribuplus dunmillionde coliscontenant chacunde quoi nourrir unefamille pendantdeux semaines.

    Matre dchu de la rgion et ancien partenairedaffaires du prsident ViktorIanoukovitch, loligarqueRinat Akhmetov est souponn davoir financ auprintemps les premiers mouvements rebelles, afinde faire pression sur le nouveau gouvernement de

    Kiev. Aujourdhui, le jouet quilavaitcontribu crersemble lui avoir chapp, et loligarque nest plusvisible dans la rgion.

    Cette partie du bassin du Don ressemble plusque jamais un no mans land livr lapptit de

    groupes concurrentset de milices. Notrebut,cestde former la Nouvelle Russie. Mais cela va prendredu temps, explique M. Gennadi Tsypkalov, lepremier ministre de la LNR. Nous devons lafois faire face aux urgences du quotidien et fonder

    la lgitimit du nouvel Etat par des consultationspopulaires, assure-t-il.

    Chef de brigade,

    pote idaliste et juge populaire

    Le 2 novembre, les deux entits ont tenu deslections lgislatives et prsidentielles,une semaineaprsles lgislativesofficielles qui avaientconfirmla victoire des partis proeuropens Kiev (2). Sanssurprise, les hommes forts qui dominaient les deux

    rpubliques se sont maintenus au pouvoir:M. Alexandre Zakhartchenko, un ancien lectriciende38 ansdevenuchefde guerre, a tlu Donetskavec environ 77% des suffrages ; le militaire IgorPlotnitski,g de50 ans,a tplbiscit Lougansk,

    avec plus 63% des votes. En ralit, ces lectionsne rservaient aucune surprise, tous les opposantspotentielsayant t cartsles semaines prcdantles scrutins. Tous les candidats qui se prsententaux lections sont des amis, expliquait, quelques

    jours avant le vote, M. Andre Pourguine, vice-premier ministre de la DNR: Les rpubliques

    populaires sont des dmocraties. Cependant, noussommes en guerre et nous ne pouvons tolrer despartis dopposition qui pourraient semer le trouble

    au sein de la population.

    Lvictiondes concurrents potentiels ne signifiepasque lesgroupesau pouvoirdans lesdeux entitssoient homognes et prts cooprer pour fonder

    un Etat fdral, embryon de la Nouvelle Russie (3).Les dputs reprsentent lune ou lautre rpu-blique ; aucun Parlement fdral na t lu.Pourquoi est-cequela DNRet laLNR nesunissentpas ? En premier lieu parce que leurs dirigeants ne

    saimentpas , assure labri desoreillesindiscrteslhistorien Yuli Fyodorovski, dans lhabitacle dune

    0 100 km50

    Gorlovka

    Stakhanov

    Alchevsk

    Krasny Loutch

    ChakhterskThorezMaryinka

    MakiivkaAROPORT

    Krasnodon

    Sverdlovsk

    Debaltseve

    Schastye

    Kramatorsk

    Lyssytchansk

    SieverodonetskLOUGANSK

    DONETSK

    KHARKIV

    Don

    DNIPROPETROVSK

    ZAPOROJIE

    Sloviansk

    Kamensk-Chakhtinsky

    Novochakhtinsk

    Taganrog

    Donetsk

    Marioupol

    LouganskouganskLougansk

    Rostov-sur-le-Don

    RUSSIE

    UKRAINE

    Novoazovsk

    Telmanovo

    Volnovakha

    Donets

    Mer

    dAzov

    Kalm

    ius

    Grabovo

    Sources : Ria Novosti ;Information and Analysis

    Center of the NationalSecurity and Defense

    Council of Ukraine ;texty.org.ua ;

    envsec.org

    Ligne de frontapproximative depuisles accords de Minsk

    Affrontementsrcurrents

    Crash de lavionde la MalaysiaAirlines abattule 17 juillet 2014

    Rpublique populaireautoproclamede Donetsk (DNR)

    Rgion minire

    Rpublique populaireautoproclamede Lougansk (LNR)

    Kiev

    Plus de 50 %

    Taux de participationaux lections lgislativesdu 26 octobre 2014

    Un cessez-le-feu prcairen cessez-le-feu prcaire

    Moins de 50 %

    Boycott du scrutin

    CRIME(rattache de facto

    la Russie depuis mars 2014)

    DONBASS

    De chaque ct de la ligne de front, larrive de nouvelles

    armes laisse redouter une reprise des combats dans

    le Donbass. La victoire des partis ukrainistes louest

    et lincapacit de la communaut internationale

    rechercher un compromis poussent chaque camp miser

    sur la force. Spares de Kiev depuis six mois, les rgions

    contrles par les rebelles sorganisent en ordre dispers.

    P A R N O S E N V O Y S S P C I A U X

    L A U R E N T G E S L I N E T S B A S T I E N G O B E R T *

    voiture gare dans une rue dserte de Lougansk:Le gouvernement de la LNR sait trs bien que, silparticipe la mise en place demcanismesfdraux,lentit sera infode Donetsk. Et, pour linstant,

    ila suffisammentde mal contenirles groupesrivauxqui se disputent son propre territoire.Mme pource fin chroniqueur, difficile didentifier le rle quejoue la Russie: Il est clair que la nbuleuse du

    Kremlin tire un certain nombre de ficelles dans largion. Mais il est la plupart du temps impossiblede dire lesquelles, et pourquoi. Selon lui, laprincipale ligne de fracture entre les dirigeantssparatistes se situe depuis septembre entre les

    groupes qui soutiennent le cessez-le-feu etsouhaitent renforcer lassise de leur pouvoir, etdautres qui refusent la trve et tentent de fairebouger les lignes.

    Ds que la nuit tombe, les rues de Lougansk

    achventde se vider,fautedlectricit.Les appro-visionnements en eau chaude et chauffage sonterratiques. Ils disent que les pannes de courantsont dues aux Ukrainiens. Mais, en fait, cest justequilssont incapables defaire quoi quece soit pour

    leur population, semporte M. Pavel Dremov, unCosaque du Don la barbe hirsute. A unesoixantaine de kilomtres de Lougansk, cet ancienmaon gredunemain de ferla ville deStakhanov,

    et se targue dypratiquer un socialisme sovitique

    doubldune dmocratie directepopulaire, miseenuvreparde grandes assembles citoyennes.A lombre de la maison de la culture locale, entourede soldats, M. Dremov vient plusieurs fois par

    semaine rpondre aux dolances des citoyens.Nous organisons le gouvernement de la cons-cience, linverse du gouvernement de largentquilsont mis en place Lougansk, rsume le chef deguerre. Leau chaude et llectricit ont t

    rapidement rtablies Stakhanov. M. Dremov nesen cac