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Recherchez depuis 1 mois sur Le Monde.fr » Recevez les newsletters gratuites » Abonnez-vous au journal Le Monde : 16/mois Bienvenue M. Esteban Urena Personnalisez votre météo Vos Préférences | Quitter Archives Passion de Lacan Les voies du corpus Article paru dans l'édition du 13.04.01 Entretien avec Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan et éditeur du « Séminaire » et des « Autres écrits » La plupart des intellectuels comme de larges pans du public cultivé avaient lu les Ecrits à l'époque de leur parution. Aujourd'hui, le contexte est différent. Selon vous, qui lira ces Autres écrits ? - Il n'est pas si sûr qu'on ait tant lu les Ecrits à l'époque. On les a achetés, c'est différent. On lit bien davantage Lacan aujourd'hui, et j'y suis pour quelque chose. Les Autres écrits toucheront d'abord, je le crois, la « génération de 1968 ». D'autre part, il n'est pas un analyste qui ne voudra lire ou relire ces textes de Lacan, puisque personne ne l'a supplanté. Et puis ce livre s'adresse aussi à tout le monde, et là, c'est une bouteille à la mer : impossible de savoir à l'avance qui va rencontrer ce volume. C'est ce qui fait l'intérêt du moment. L'occasion du centenaire donne à ces Autres écrits une trouée vers le public, alors qu'en temps ordinaire ce serait obstrué. Lacan pensait qu'au moment où la psychanalyse aurait rendu les armes devant les impasses de la civilisation, on se reporterait à ses écrits. C'est peut-être une raison pour penser que ces Autres écrits viennent à leur heure. - Vingt ans après sa mort, nous ne disposons toujours pas du corpus lacanien dans son ensemble. Faut-il analyser ce délai comme une résistance du discours lacanien lui-même à faire « oeuvre » ? - Oui, le « corpus » lacanien ! Eh bien, il remue encore ! Plus profondément, je crois qu'il y a quelque chose de Lacan et de la psychanalyse elle-même qui reste en souffrance, qui n'a pas trouvé sa destination. Et cet « en souffrance » trouve à s'exprimer par exemple dans la sommation que les Séminaires soient tous publiés, et fissa, comme dit le juge de Plantu, ce qui leur donne un petit air de « lettre volée ». Ses Séminaires ont longtemps embarrassé Lacan, il les a laissés vingt ans sans en autoriser aucune publication, et on aurait pu imaginer qu'ils soient divulgués comme des documents d'archives. Nombre de ses élèves s'y sont cassé les dents, c'est ma façon de faire qu'il a aimée, celle que j'ai inventée pour répondre à son défi. J'aurais été ravi de le convaincre d'en distribuer le labeur, mais il n'y a rien eu à faire ! Il m'a voulu pour coauteur, il m'en a donné le statut. Il faut donc penser que ce n'était pas son idée qu'on en finisse si vite. Au reste, vous n'avez pas un corpus, vous en avez plusieurs ! Le signifiant a ses voies propres. Vous savez bien que l'on pirate, que des sténographies, des notes, circulent dans de multiples versions. Loin de le déplorer, j'y applaudis, tant que cela reste d'ordre scientifique. Et dès lors qu'il n'y a pas d'acte de commerce, pas de dépôt légal, et que cela permet aux chercheurs de s'y reporter, vous remarquerez que Le Seuil n'intervient pas. Il reste que, conformément aux dispositions prises par Lacan, il y a un seul éditeur, un seul contrat d'édition, une seule publication autorisée. Il suffit que chacun connaisse son registre. - Aujourd'hui, d'ailleurs, beaucoup de jeunes praticiens se disent d'abord analystes avant de se dire « freudiens » ou « lacaniens ». Après des années de violence autour du nom de Lacan, va-t-on vers une pacification ? - Dans quelques jours, dans cette capitale de la psychanalyse qu'est Buenos Aires, se tiendra un grand colloque d'hommage à Lacan, où voisineront des représentants de l'Association mondiale de psychanalyse, que j'ai fondée, des membres de ce que j'appelle la « nébuleuse » lacanienne, et un ancien président de l'Association internationale de psychanalyse. C'est vous dire que la civilité a été rétablie. Du moins sous ces latitudes, car il faudra sans doute quelque temps pour que cela advienne ailleurs. Il y a des querelles qui datent, des anathèmes désuets, et il est bien possible que ces Autres écrits soient mieux reçus de jeunes qui n'ont pas été les élèves de Lacan que des anciens qui y revivront une partie de leur propre trajectoire, et où Lacan se manifeste non seulement comme leur maître mais comme leur fléau. - Vous-même, vous continuez de subir certaines critiques concernant les Séminaires, leurs délais de publication et surtout leur mode d'établissement. - Cette antienne dure depuis vingt ans. Les plus impatients de me voir rédiger les Séminaires au Seuil sont aussi les plus mécontents une fois qu'ils les ont ! En fait, il y a là, pour une part, une cabale des dévots, et puis une revendication éternisée que rien n'apaisera jamais, et qui s'adresse plus à Lacan qu'à moi-même. Je reste dans la même ligne, y compris dans le fait de livrer le texte nu, sans appareil critique. Ma façon de faire avait été saluée dans Le Monde en 1973 par un grand article d'Octave Vous êtes abonnés Classez cette archive, vous pourrez ainsi la consulter facilement pendant toute la durée de votre abonnement. Placez cette archive dans votre classeur personnel International Planète Europe Politique Société Carnet Economie Médias Sport Technologies Culture L'économie en crise ACTUALITÉS DÉBATS LOISIRS PRATIQUE LE DESK LE KIOSQUE NEWSLETTERS MULTIMÉDIA RÉFÉRENCES Le Monde.fr : Les voies du corpus http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/ARCHIVES/archives.... 1 of 2 10/2/09 10:27 AM

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Passion de Lacan

Les voies du corpusArticle paru dans l'édition du 13.04.01

Entretien avec Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan et éditeur du « Séminaire » et des « Autres écrits »

La plupart des intellectuels comme de larges pans du public cultivé avaient lu les Ecrits à l'époque de leur

parution. Aujourd'hui, le contexte est différent. Selon vous, qui lira ces Autres écrits ? - Il n'est pas si sûr qu'on

ait tant lu les Ecrits à l'époque. On les a achetés, c'est différent. On lit bien davantage Lacan aujourd'hui, et j'y suis

pour quelque chose. Les Autres écrits toucheront d'abord, je le crois, la « génération de 1968 ». D'autre part, il n'est

pas un analyste qui ne voudra lire ou relire ces textes de Lacan, puisque personne ne l'a supplanté. Et puis ce livre

s'adresse aussi à tout le monde, et là, c'est une bouteille à la mer : impossible de savoir à l'avance qui va rencontrer ce

volume. C'est ce qui fait l'intérêt du moment. L'occasion du centenaire donne à ces Autres écrits une trouée vers le

public, alors qu'en temps ordinaire ce serait obstrué. Lacan pensait qu'au moment où la psychanalyse aurait rendu

les armes devant les impasses de la civilisation, on se reporterait à ses écrits. C'est peut-être une raison pour penser

que ces Autres écrits viennent à leur heure. - Vingt ans après sa mort, nous ne disposons toujours pas du corpus

lacanien dans son ensemble. Faut-il analyser ce délai comme une résistance du discours lacanien lui-même à faire «

oeuvre » ? - Oui, le « corpus » lacanien ! Eh bien, il remue encore ! Plus profondément, je crois qu'il y a quelque

chose de Lacan et de la psychanalyse elle-même qui reste en souffrance, qui n'a pas trouvé sa destination. Et cet « en

souffrance » trouve à s'exprimer par exemple dans la sommation que les Séminaires soient tous publiés, et fissa,

comme dit le juge de Plantu, ce qui leur donne un petit air de « lettre volée ». Ses Séminaires ont longtemps

embarrassé Lacan, il les a laissés vingt ans sans en autoriser aucune publication, et on aurait pu imaginer qu'ils

soient divulgués comme des documents d'archives. Nombre de ses élèves s'y sont cassé les dents, c'est ma façon de

faire qu'il a aimée, celle que j'ai inventée pour répondre à son défi. J'aurais été ravi de le convaincre d'en distribuer le

labeur, mais il n'y a rien eu à faire ! Il m'a voulu pour coauteur, il m'en a donné le statut. Il faut donc penser que ce

n'était pas son idée qu'on en finisse si vite.

Au reste, vous n'avez pas un corpus, vous en avez plusieurs ! Le signifiant a ses voies propres. Vous savez bien que

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tant que cela reste d'ordre scientifique. Et dès lors qu'il n'y a pas d'acte de commerce, pas de dépôt légal, et que cela

permet aux chercheurs de s'y reporter, vous remarquerez que Le Seuil n'intervient pas. Il reste que, conformément

aux dispositions prises par Lacan, il y a un seul éditeur, un seul contrat d'édition, une seule publication autorisée. Il

suffit que chacun connaisse son registre. - Aujourd'hui, d'ailleurs, beaucoup de jeunes praticiens se disent d'abord

analystes avant de se dire « freudiens » ou « lacaniens ». Après des années de violence autour du nom de Lacan,

va-t-on vers une pacification ? - Dans quelques jours, dans cette capitale de la psychanalyse qu'est Buenos Aires, se

tiendra un grand colloque d'hommage à Lacan, où voisineront des représentants de l'Association mondiale de

psychanalyse, que j'ai fondée, des membres de ce que j'appelle la « nébuleuse » lacanienne, et un ancien président de

l'Association internationale de psychanalyse. C'est vous dire que la civilité a été rétablie. Du moins sous ces latitudes,

car il faudra sans doute quelque temps pour que cela advienne ailleurs. Il y a des querelles qui datent, des anathèmes

désuets, et il est bien possible que ces Autres écrits soient mieux reçus de jeunes qui n'ont pas été les élèves de Lacan

que des anciens qui y revivront une partie de leur propre trajectoire, et où Lacan se manifeste non seulement comme

leur maître mais comme leur fléau. - Vous-même, vous continuez de subir certaines critiques concernant les

Séminaires, leurs délais de publication et surtout leur mode d'établissement. - Cette antienne dure depuis vingt ans.

Les plus impatients de me voir rédiger les Séminaires au Seuil sont aussi les plus mécontents une fois qu'ils les ont !

En fait, il y a là, pour une part, une cabale des dévots, et puis une revendication éternisée que rien n'apaisera jamais,

et qui s'adresse plus à Lacan qu'à moi-même. Je reste dans la même ligne, y compris dans le fait de livrer le texte nu,

sans appareil critique. Ma façon de faire avait été saluée dans Le Monde en 1973 par un grand article d'Octave

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Mannoni, elle n'a pas changé depuis. Vous verrez paraître en juin la seconde édition corrigée d'un Séminaire (livre

VIII : Le Transfert ). La parole de Lacan garde une présence active, vivante, sa puissance est là, même si elle est plus

secrète que jadis. L'heure n'est pas venue pour elle d'être réduite au statut de document. Les notes en bas de page

attendront.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN BIRNBAUM

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