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Le modèle du choix éducatif interdépendant * Des mécanismes théoriques aux données empiriques françaises et italiennes **. Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui n’est l’est pas est inutilisable. Paul Valéry (, p. ) L’ présente un modèle théorique des mécanismes géné- rateurs de la stratication éducative et il propose une formalisation mathématique de sa structure analytique (section I). Ce modèle est tra- duit ensuite dans un « système multi-agents » (section II). Les résultats des simulations sont enn systématiquement comparés aux données empiriques décrivant la conguration des stratications éducatives françaises et italiennes, telles que celles-ci apparaissaient dans les années quatre-vingt-dix (section III) ainsi que dans leurs évolutions temporelles au cours d’une grande partie du e siècle (section IV). Cet exercice de modélisation, de formalisation et de simulation des mécanismes générateurs d’un phénomène social spécique veut démontrer deux choses. D’une part, nous tâchons de convaincre le * Je tiens à exprimer toute ma reconnais- sance à Frédéric Amblard car, sans ses compé- tences d’informaticien, je n’aurais pas pu mener à bien mon travail de sociologue. Qu’il trouve dans ce texte une première manifesta- tion de notre collaboration et du plaisir que j’ai pris à travailler avec lui. À l’invitation de Filippo Barbera, une version préliminaire de cet article a été présentée au département de Sciences Sociales de l’Université de Turin durant le mois d’Avril . Que Filippo Bar- bera, mes discutants ¢ Nicola Negri et Flami- nio Squazzoni ¢ ainsi que Flavio Bonifacio, Carlo Barone, Flavio Ceravolo et Riccardo Boero soient assurés de la pertinence et de l’utilité de leurs commentaires et suggestions. ** À certains endroits du texte (c’est notam- ment le cas aux pages , , , et ainsi qu’aux notes et ), des données et des analyses sont commentées, sans être pour autant reportées in extenso. Ces informations qui, pour des raisons d’espace, ne trouvent pas leur place dans cet article sont bien évidem- ment disponibles auprès de l’auteur. Autre- ment, le lecteur peut se référer à notre thèse de doctorat (Manzo a), en particulier aux informations contenues dans les chapitres et de celle-ci. Gianluca M, Université Paris IV ¢ Sorbonne, Université de Trento [[email protected]]. Arch.europ.sociol., XLVIII, (), pp. --//-$.per art + $. per page© A.E.S.

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Le modèle du choix éducatif interdépendant *

Des mécanismes théoriquesaux données empiriques françaises et italiennes **.

Ce qui est simple est toujours faux.Ce qui n’est l’est pas est inutilisable.

Paul Valéry (, p. )

L ’ présente un modèle théorique des mécanismes géné-rateurs de la stratification éducative et il propose une formalisationmathématique de sa structure analytique (section I). Ce modèle est tra-duit ensuite dans un « système multi-agents » (section II). Les résultatsdes simulations sont enfin systématiquement comparés aux donnéesempiriques décrivant la configuration des stratifications éducativesfrançaises et italiennes, telles que celles-ci apparaissaient dans les annéesquatre-vingt-dix (section III) ainsi que dans leurs évolutions temporellesau cours d’une grande partie du e siècle (section IV).

Cet exercice de modélisation, de formalisation et de simulation desmécanismes générateurs d’un phénomène social spécifique veutdémontrer deux choses. D’une part, nous tâchons de convaincre le

* Je tiens à exprimer toute ma reconnais-sance à Frédéric Amblard car, sans ses compé-tences d’informaticien, je n’aurais pas pumener à bien mon travail de sociologue. Qu’iltrouve dans ce texte une première manifesta-tion de notre collaboration et du plaisir que j’aipris à travailler avec lui. À l’invitation deFilippo Barbera, une version préliminaire decet article a été présentée au département deSciences Sociales de l’Université de Turindurant le mois d’Avril . Que Filippo Bar-bera, mes discutants ¢ Nicola Negri et Flami-nio Squazzoni ¢ ainsi que Flavio Bonifacio,Carlo Barone, Flavio Ceravolo et Riccardo

Boero soient assurés de la pertinence et del’utilité de leurs commentaires et suggestions.

** À certains endroits du texte (c’est notam-ment le cas aux pages , , , et ainsiqu’aux notes et ), des données et desanalyses sont commentées, sans être pourautant reportées in extenso. Ces informationsqui, pour des raisons d’espace, ne trouvent pasleur place dans cet article sont bien évidem-ment disponibles auprès de l’auteur. Autre-ment, le lecteur peut se référer à notre thèse dedoctorat (Manzo a), en particulier auxinformations contenues dans les chapitres et de celle-ci.

Gianluca M, Université Paris IV ¢ Sorbonne, Université de Trento[[email protected]].Arch.europ.sociol., XLVIII, (), pp. -—-//-$.per art + $. per page©A.E.S.

lecteur de l’impossibilité de mettre en œuvre une explication construiteen termes de mécanismes générateurs sans passer par des techniquesappropriées de simulation. D’autre part, nous voudrions attirer l’atten-tion sur la nécessité de faire une utilisation « orientée vers les données »des méthodes de simulation afin d’éviter de réduire ces méthodes à depures spéculations formalisées.

La première préoccupation renvoie à des évolutions récentes de lasociologie générale. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, denombreuses contributions ont fait du concept de « mécanisme généra-teur » le cœur d’une nouvelle manière d’entendre l’explication sociolo-gique (Cherkaoui ; Hedstrom et Swedberg a, b). On a mêmesuggéré de fonder la notion de « causalité » sur celle de « mécanisme »(Goldthorpe ; Hedstrom ) (). Ainsi, la sociologie dite « ana-lytique » (Barbera , ; Hedstrom ) est en train de seconsolider, en développant par ailleurs une conception de l’explicationdéjà présente dans la tradition sociologique classique () et, plus expli-citement, dans quelques travaux pionniers de Merton (, p. , ,chap. , pp. - ; , p. ), de Boudon (a, , b ;Davidovitch et Boudon ), de Fararo () et de Schelling (,). Ces avancées récentes croisent par ailleurs la constitution enphilosophie des sciences d’une tradition tout aussi tournée vers la notionde « mécanisme générateur » (Bunge , ; « Philosophy of socialscience » ) et vers une conception « générative » de la causalité(Harré ; Harré et Secord ).

Or, un défi majeur pour cette perspective théorique est celui de lamise en œuvre d’une telle conception de l’explication. En effet, commentpourrait-on tester la pertinence de modèles théoriques centrés sur lacombinaison d’entités qui, tout en étant le plus souvent inobservables,sont censées produire des régularités empiriques ? Comment représen-ter concrètement des mécanismes générateurs ? Comment étudier leursconséquences ? Comment animer des boucles « Macro→Micro→Macro » dont le déroulement dynamique est au cœur de la perspective dela sociologie analytique ?

() En dehors de la sociologie, d’autresauteurs ont proposé de réserver la notion decausalité aux situations dans lesquelles il estpossible de mettre en évidence l’action d’un« mécanisme »: cf. C (, p. ), C etW (, p. ) et S et I(, p. ).

() De nombreux auteurs ont mis en évi-dence l’esquisse d’une démarche par les méca-nismes chez les « classiques » : Tocqueville

(B , chap. VI ; C a,a, p. chap. ; E et H ;E , p. -), Durkheim (C- , chap. ; , p. , ; a,chap. ; C , chap. , ; F, p. -, , ), Simmel (B, p. ) ainsi que Weber (Cb, a, chap. , ; H etS b, p. ).

Cette dernière dénonce le « vide » explicatif de toute démarche cen-trée sur l’analyse des relations entre les variables (Boudon ; Cher-kaoui ; Hedstrom , chap. ; Sorensen ). Dégager la forceet la forme des configurations empiriques des phénomènes sociaux laisseleur genèse à expliquer. Quelles méthodes permettraient alors de mettreen relation une concaténation de mécanismes générateurs et les régula-rités empiriques décelées ?

En raison de leur capacité à « écrire » des mécanismes et à « animer »les processus que ces derniers contiennent en puissance, certaines tech-niques de simulation ¢ notamment, les « systèmes multi-agents » ¢

constituent le cadre adéquat pour implémenter des explications cons-truites en termes de mécanismes générateurs. Au sein de la « sociologieanalytique », on commence à prendre conscience de l’importance de cecouplage (Hedstrom , ch. ) ; en dehors de celle-ci, cela semblechose faite (Cederman ) ; au sein de certaines ramifications hétéro-doxes de l’économie contemporaine, enfin, on retrouve une « épistémo-logie générative » en partant des « systèmes multi-agents » (Epstein, , ).

Or, puisque l’objectif de la sociologie analytique est d’expliquer laconfiguration de phénomènes sociaux clairement délimités, introduireen son sein des méthodes de simulation signifie concevoir ces dernièrescomme des outils tournés vers des référents empiriques précis. Nousvenons ainsi au second objectif de l’article : plaider en faveur d’uneutilisation « orientée vers les données » des techniques de simulation.

Durant les années quatre-vingt-dix, en effet, une perspective socio-logique qui se définie « computationnelle » est apparue sur la scèneinternationale (Fararo et Butts ; Hummon et Fararo ). Sonobjectif est de faire des méthodes de simulation l’outil principal pourfaire avancer la théorie sociologique. Sans doute moins visible que la« sociologie analytique », cette perspective est néanmoins en voie dediffusion rapide (Abell , p. ). Mais, le programme même de la« sociologie computationnelle » met au second plan une utilisation« orientée vers les données » des méthodes de simulation. Comme celaest explicite dans de nombreux articles de Carley (, , ),cette technique est conçue comme un « générateur » d’hypothèses sur lesmécanismes plutôt que comme un outil pour tester leur pertinence etleur validité empirique. Ce qui se comprend d’ailleurs aisément dès lorsque l’on note que la « sociologie computationnelle » apparaît, du moinsen partie, comme une filiation de la « sociologie mathématique », dontl’épuisement en tant que branche sociologique à part entière est soulignépar plusieurs auteurs (Edling ; Fararo ; Scott ). Ainsi, si

le langage informatique, en raison de sa plus grande flexibilité, prometdavantage que le langage mathématique (Axtell ; Collins ), lavocation théorique de la « sociologie mathématique » semble cependantse transmettre à la « sociologie computationnelle ».

Quelques rares auteurs commencent cependant à reconnaître lanécessité d’« injecter » du réalisme dans les modèles de simulation, à lafois du point de vue de leur micro spécification et de la validation deleurs conséquences macro (Boero et Squazzoni ; Moss et Edmonds ; Hedstrom et Aberg ). Cet article s’inscrit dans cette lignée.

Ainsi, notre analyse des stratifications éducatives française et ita-lienne repose sur une tentative d’intégration de trois perspectivessociologiques. La sociologie dite « des variables » (Esser ) constitue,d’une part, un « générateur » de régularités empiriques à expliquer,d’autre part, un moyen pour relier les « données simulées » aux donnéesempiriques de départ. Nous prenons ensuite de la « sociologie analyti-que » l’intérêt pour la construction théorique de « modèles générateurs ».Nous tirons enfin de la « sociologie computationnelle » l’idée de forma-liser ces modèles et d’en simuler le comportement (). Cet articlecontinue alors l’exploration d’un programme de recherche que nousavons d’abord annoncé (Manzo b, a), réélaboré ensuite (Manzob), et commencé à appliquer ailleurs (Manzo c).

Le modèle du choix éducatif interdépendant

La stratification sociale des diplômes sera conçue ici comme unmacro phénomène émergent, c’est-à-dire un résultat collectif non vouludérivant de la combinaison des choix scolaires individuels (). Dès lors,

() Au passage, on notera que, à la diffé-rence de certains auteurs (cf. Goldthorpea, ), nous ne proposons pas ici demarier l’analyse quantitative par variables àune théorie sociologie particulière, notammentla théorie du choix rationnel. Comme on ledéduira du modèle théorique proposé, nousn’imposons qu’une forme générale d’explica-tion (l’« individualisme méthodologique com-plexe ») ainsi qu’une méthode de mise enœuvre de telle explication. Le contenu spécifi-que qu’il convient de donner à cette formegénérale d’explication quant à l’image de

l’acteur (« mécanismes Micro-Micro ») dépen-dra du phénomène étudié (cf. sur ce point,E ; H , ch. ).

() Cette conception de la stratificationéducative en tant que phénomène émergentnon voulu nous paraît implicite dans l’ouvragedésormais classique de Raymond Boudon,« L’inégalité de chances » (a). Quelquesannées plus tard, le sociologue français, encommentant la théorie de la stratification deDavis et Moore (), explicitera et élargiracette idée : « [...] les phénomènes de stratificationdoivent souvent être considérés comme la résul-

deux classes de mécanismes doivent être analytiquement distinguées :d’une part, ceux qui gèrent la logique de choix strictement individuelle,d’autre part, ceux qui rendent compte des modalités de composition deces choix.

Le modèle théorique que nous présentons ici prête une attentionparticulière à cette seconde classe de mécanismes, c’est-à-dire à lamanière dont les choix scolaires individuels s’influencent, directement etindirectement, les uns les autres. Dans la mesure où l’élément distinctifdu modèle est de tenter une décomposition analytique d’une pluralité deformes d’interdépendance, nous choisissons l’appellation de « Modèledu Choix Éducatif Interdépendant ». Nous le proposons comme undéveloppement possible du modèle explicatif actuellement dominantdans les études quantitatives de la stratification éducative (Barone ;Breen et Jonsson ), celui qu’on pourrait désormais qualifier d’« ap-proche du choix éducatif rationnel » (Becker ; Boudon a ;Breen ; Breen et Goldthorpe ; Breen et Yaish ; Davies,Heinesen et Holm ; Gambetta ; Goldthorpe b ; Eriksonet Jonsson ; Hillmert et Jacob ; Jonsson et Erikson ;Raftery et Hout ; Schizzerotto ) ().

Ainsi, nous supposons que chaque acteur (indiqué par i) construitune évaluation (notée E) des différents diplômes (noté génériquement d)qui se présentent successivement à lui. Cette évaluation, qui est à l’ori-gine du choix de l’acteur, est supposée dépendre d’un certain nombred’éléments.

) En premier lieu, nous supposons, d’une part, que les acteursconsidèrent la valeur de la rentabilité d’un diplôme sur le marché dutravail (indiquons-là par ROd, rentabilité objective), d’autre part, qu’ilsapprécient subjectivement cette valeur du point de vue de leur positionsociale d’origine g (indiquons cette grandeur par RSigd, rentabilité sub-jective), l’objectif de chacun d’entre eux étant d’atteindre un diplômeutile pour éviter toute expérience de mobilité sociale intergénération-nelle descendante ().

tante non désirée de structures d’interdépendance[...] » (, p. , ).

() Nous avons proposé ce qualificatif dansManzo (). Dans cet article, nous avonsreconstruit dans le détail la littérature qui s’yréfère en abordant également les différencesqui existent entre cette perspective et d’autresthéorisations de la stratification éducative,notamment la théorie dite « du capital cultu-rel » que l’on doit à Bourdieu et à Passeron(, ).

() Ce mécanisme est clairement repérablechez B (a ; et, plus clairement,, p. , ). Il deviendra l’élément essen-tiel de la théorie du choix éducatif rationneldans la version de Goldthorpe (b, p. )et de Breen et Goldthorpe (, p. , ,). Mais, il est déjà présent chez Keller etZavalloni (), desquelles, par ailleurs, tantBoudon (a, p. , ) que Goldthorpe(b, p. ; , p. n) s’inspirent.L’assise empirique d’une telle hypothèse

Une telle conception des bénéfices d’un diplôme implique un pre-mier effet inégalitaire. Plus l’on se situe aux rangs supérieurs de lastructure sociale, plus l’on aura besoin d’instruction pour y rester, etdonc plus l’on évaluera positivement tous les diplômes, notammentceux de niveau élevé. C’est là un mécanisme que, suivant la typologieproposée par Hedstrom et Swedberg (b), on peut qualifier de« Macro→Micro ».

) Puisque l’obtention d’un diplôme n’apporte pas seulement desbénéfices mais entraîne aussi des coûts (notons-les Cigd), nous suppo-sons ensuite que les acteurs soustraient les seconds des premiers.L’appréciation subjective des coûts est, elle aussi, fonction du groupesocial d’origine des acteurs. Nous supposons que plus l’on se situe auxrangs supérieurs de la structure sociale, plus l’on dispose de ressourcespour supporter les différents types de coûts (matériels, immatériels,cognitifs, relationnels) impliqués par le cursus scolaire (). Il s’agit donc

mériterait sans doute d’être approfondie plusque les données d’enquête dont le sociologuede l’éducation dispose à l’heure actuelle nepermettent de le faire. Rares sont en effet lesenquêtes qui collectent des données sur cepoint précis en interrogeant directement lesindividus. À ce sujet, des éléments intéressantsse trouvent, par exemple, dans Thélot ( ;chap. , pp. -). L’auteur fait en effet uneanalyse empirique des projets professionnelsdes jeunes français. La classification empiriqueproposée par l’auteur des aspirations en fonc-tion du milieu social d’origine des individustémoigne clairement de deux faits : d’une part,aucun groupe ne souhaite pour ces descen-dants des positions socioprofessionnelles infé-rieures à celle de départ, d’autre part, les par-cours de mobilité envisagés sontprincipalement de courte portée. Plus récem-ment, Duru-Bellat (, p. , note ) faitréférence à des données de l’OCDE du selon lesquelles « parmi les jeunes Français de ans, aucun ne souhaite devenir ouvrier et employénon qualifié, les deux tiers visant des emplois decadres ou des professions intermédiaires ». Solli-citons, enfin, l’article de Poullaouec () quiétudie directement les aspirations éducatives etsociales que les familles ouvrières françaisesnourrissent pour leurs enfants. Sans ambi-guïté, l’auteur constate que les famillesouvrières souhaitent, au pire, que leurs enfantsne descendent pas plus bas qu’eux et, aumieux, qu’ils puissent atteindre, par la voie dudiplôme, des occupations de meilleur statut

que les leurs (notamment, chez les ensei-gnants).

() Le mécanisme des coûts économiquesde l’instruction est largement pris en comptepar tous les auteurs de l’approche qui nousinspire (cf. G b, p. -, ; B et G , p. - ;G , ; J et E). Boudon (a, pp. , -, -, ; , pp. , , , ) lui attribuemême le rôle principal dans la genèse des iné-galités de chances scolaires. Pour ce qui est enrevanche des ressources immatérielles, le statutque l’« approche du choix éducatif rationnel »leur attribue, reste ambigu. Certains auteursen reconnaissent l’importance plus qued’autres (cf. par exemple, J et E ; G ) : mais, le plus souvent,les facteurs culturels et symboliques ne sontintroduits qu’en s’appuyant sur la distinctionentre « effets primaires » et « effets secondai-res » (B a, p. , , -, , ;G b, p. ; B etG , p. , -, ).Probablement, cette approche gagnerait ensolidité, si l’on attribuait de manière plus fermeune place aux effets que le processus de socia-lisation entraîne en termes des ressourcesimmatérielles et symboliques transmises auxindividus. C’est précisément sur ce point,d’ailleurs, que le modèle du choix éducatifrationnel est le plus souvent attaqué (E-A et M, 2003 ; G et M- ; M ; N ). Un

là d’un second mécanisme « situationnel » en ce sens qu’il tient à latransition « Macro→Micro ».

) Nous faisons cependant, en troisième lieu, l’hypothèse que lesacteurs réévaluent continuellement les coûts qu’ils associent aux diffé-rents diplômes en fonction de la réussite scolaire passée, cette dernièreétant conçue dans le modèle en termes de « nombre de redoublements »(indiquons-le par Nri). C’est là une représentation possible du risque.Sous l’hypothèse de rationalité, puisque les coûts s’aggraveront à mesureque les échecs s’accumulent, les acteurs seront moins prêts à risquer lapoursuite de leur carrière scolaire ().

La signification inégalitaire de ce troisième mécanisme (qui constitueà la fois un « mécanisme Macro→Micro » et un « mécanismeMicro→Micro ») est claire. Si la réussite scolaire passée est influencéepar certaines ressources inégalement distribuées au départ, ceux qui ensont davantage dotés, notamment les individus issus des groupes supé-rieurs, auront une meilleure réussite et, donc, une propension plusfavorable au risque.

Or, les bénéfices subjectifs, les coûts perçus et les risques estimés del’investissement scolaire constituent le cœur de la perspective microso-ciologique désormais qualifiable d’« approche du choix éducatif ration-nel ». Comme nous l’avons rappelé plus haut, notre modèle vise à raffi-ner légèrement la théorie en introduisant un mécanisme additionnel : leschoix éducatifs d’autrui. En nous inspirant de certains modèles écono-miques « hétérodoxes » (cf. Durlauf ; Phan et Pajot ), nousconsidérons en effet important pour la modélisation des choix scolairesde prendre en compte le choix d’autrui dans le contexte des interactionsdyadiques d’adjacence, c’est-à-dire des contacts directs, personnels etimmédiats dont chaque acteur dispose (cf. Goux et Maurin ;Maurin ).

) Ainsi, nous imaginons que chaque acteur a un voisinage (c’est-à-dire, un nombre Vi d’acteurs avec lesquels il est en interaction directe) et

auteur qui a particulièrement insisté sur le rôleque les capacités linguistiques, par exemple,jouent dans la genèse des inégalités de chancesscolaires est sans doute le sociolinguiste anglaisBasil Bernstein (, , , ). Pource qui est par ailleurs du rôle que les ressourcesculturelles des parents issus de milieux sociauxdifférents jouent dans leur capacité et disponi-bilité à entrer en contact avec l’institution sco-laire, l’on se reportera par exemple à l’analyseempirique sur des données anglaises de Lareau(). En ce qui concerne, enfin, les ressour-ces cognitives et sociales nécessaires pour

s’orienter au sein des multiples ramificationsdes systèmes scolaires contemporains, nouscroyons que l’étude de Berthelot () sur lespratiques françaises de l’« orientation scolaire »des élèves constitue un travail d’une trèsgrande richesse et profondeur.

() La notion de risque ainsi conçue est aucœur de l’ « approche du choix éducatifrationnel » depuis la formulation originaire deBoudon (a, p. ). Goldthorpe (b,p. ; b, p. ), Breen et Goldthorpe(, p. ) et Jonsson et Erikson (,p. ) font la même hypothèse.

qu’il calculera le nombre de voisins (indiquons chacun d’entre eux parVi

FD) ayant émis un choix favorable à l’égard du diplôme d.Le statut théorique que nous attribuons à l’interaction dyadique est le

suivant : d’une part, le choix éducatif d’autrui est un véhicule d’infor-mation, d’autre part, il constitue une source d’aide matériel. Au plancognitif, il s’agit d’informations que les acteurs peuvent utiliser pours’orienter et pour mieux appréhender l’articulation et le fonctionnementdu système scolaire. Au plan normatif, il s’agit en revanche d’informa-tions sur la cohérence entre « ce qui se fait depuis toujours » ou « ce qui sefait le plus souvent » au sein d’un groupe donné et ce que l’acteur sou-haite faire (). Les relations de voisinage sont enfin une source poten-tielle de ressources concrètes à utiliser dans le déroulement quotidien dela vie scolaire ().

Précisons que ces interactions directes peuvent être homophiles (onparlera d’« interaction dyadique intragroupe ») ou hétérophiles (on parlerad’« interaction dyadique intergroupes »). Si, dans les deux cas, le choixéducatif d’autrui peut se concevoir comme une source d’imitationrationnelle (cf. Hedstrom , et, en économie, Orléan ), les effetsinégalitaires entraînés par ces deux types d’interactions dyadiques nesont cependant pas les mêmes. Dans le contexte de l’« interaction dya-dique intragroupe », le « mimétisme » éducatif conduit les acteurs àsuivre les choix éducatifs les plus fréquemment émis au sein du groupe.Ce type d’interaction renforce donc les choix émis selon les trois pre-miers mécanismes. L’effet de l’« interaction dyadique intergroupes » estplus complexe. D’une part, elle constitue une source potentielle d’« in-novation éducative » (). D’autre part, si le degré d’hétérogénéitésociale du réseau est faible, l’interaction dyadique intergroupes aural’effet contraire d’accentuer la séparation des choix typiques émis au seindes différents groupes.

() Sur ce point précis, l’on se reportera, parexemple, au travail empirique récent de Beaud() qui livre des aperçues significatives surles normes implicites qui façonnent les choixscolaires des individus issus des milieuxsociaux les plus défavorisés.

() Sur cet aspect, les travaux empiriquesne nous semblent pas très nombreux. C’estsans doute du côté de la littérature sur la notionde « capital social » qu’il faudrait cependant setourner dans le futur. À cet égard, sur le phé-nomène spécifique de la stratification éduca-tive, l’article fondateur est probablement celuide Coleman (). En Italie, Ballarino et

Bernardi () ont récemment tenté d’étudierempiriquement le rôle des relations socialesdans la genèse des inégalités de chances sco-laires.

() En supposant cela, nous avons à l’espritles travaux désormais classiques de Granovet-ter () qui ont introduit l’idée, dans lasociologie économique et du marché du travail,de l’importance des contacts sociaux « faibles »pour obtenir des informations dont on pourraitplus difficilement bénéficier se limitant auxseules relations personnelles les plus fréquen-tes et les plus proches.

Du point de vue de la formation des préférences des acteurs, ces deuxtypes d’interactions représentent un mécanisme que l’on pourrait qua-lifier de « Méso→Micro », ou, en suivant la typologie proposée par Tilly(), de « mécanisme relationnel ». En revanche, si l’on se situe dupoint de vue des régularités agrégées à expliquer, nous sommes là enprésence d’un mécanisme qui pointe une première modalité de remontéedu micro au macro. On peut donc parler d’un mécanisme de transfor-mation (Hedstrom et Swedberg b) (). Puisque ce mécanismeporte sur une forme d’interdépendance (directe) entre les acteurs, nousproposons de le qualifier de « mécanisme de transformation complexe ».

Ces deux formes d’interactions directes n’épuisent pourtant pas leseffets que les choix éducatifs d’autrui ont sur le choix de chaque acteursingulièrement pris. À mesure que les acteurs choisissent, des agrégatsde choix et d’obtentions se constituent pour chaque diplôme d(indiquons-les par NPd, « Nombre de Possesseurs »). Ces cumuls jouentprobablement dans la prise de décision scolaire. C’est pourquoi nousintroduisons dans le modèle deux formes d’interdépendance indirecteentre les choix éducatifs des acteurs.

) D’une part, l’interdépendance qu’on qualifie en théorie des jeuxde « paramétrique » en ce sens qu’elle joue sur des éléments de la situa-tion de choix des acteurs (Abell ). Dans notre cas, il s’agit de larentabilité des diplômes sur le marché du travail. En particulier, noussupposons que, à mesure qu’un diplôme se diffuse, sa valeur décroît.

) D’autre part, nous admettons que la prise de conscience de la partdes acteurs de ce processus inflationniste déclenche chez eux une stra-tégie défensive qui les amène à réévaluer à la hausse le diplôme en coursde dévaluation car son obtention est maintenant d’autant plus néces-saire. Il s’agit donc plus proprement de ce qu’on qualifie en théorie desjeux « interdépendance stratégique » (Abell ).

Ces deux formes d’interdépendances indirectes constituent donc à lafois deux mécanismes « Macro→Micro » (du point de vue de la forma-tion des préférences) et deux mécanismes « Micro→Macro » de trans-formation complexe (du point de vue des régularités agrégées à expli-quer). Elles alimentent par ailleurs un enchaînement d’effets derétroaction du global sur le local et vice-versa qu’on a parfois appelé

() Cette distinction nous permet de pré-ciser, comme le fait très clairement Barbera(, p. , note ), que la qualification d’unmécanisme dépend du point de vue analytiqueque l’on endosse pour l’évaluer. Selon quel’objet de l’analyse soit un état individuel(préférences, croyances, etc.) ou bien une pro-

priété sociétale, un même mécanisme prenanten compte une structure d’interaction pourraêtre considéré ou bien comme un mécanisme« Macro→Micro » ou bien en tant que « méca-nisme Micro→Macro d’agrégation com-plexe ».

« processus de transformation » (Boudon a, chap. V) ou, aussi,« boucle causale récursive » (Morin , p. ; , p. ; Morin etLe Moigne , p. , ). Puisque les interdépendances « paramé-trique » et « stratégique » alimentent un allongement des carrières sco-laires, leurs effets inégalitaires semblent considérables. Elles permettentnotamment aux effets inégalitaires associés aux autres mécanismes des’exprimer pendant un laps de temps plus étendu (cf. Duru-Bellat ).

Telle est donc la structure analytique du « modèle du choix éducatifinterdépendant ». En utilisant les notations introduites jusqu’ici, nouspouvons exprimer mathématiquement ce modèle selon l’équation sui-vante :

Cette expression, que l’on qualifiera de « fonction d’évaluation »,affirme que l′évaluation E qu’un acteur i quelconque émettra d’undiplôme d est fonction des éléments suivants (les nombres entre cro-chets renvoient aux mécanismes tels que nous venons de les énoncer) :

- la rentabilité [)] du diplôme d sur le marché du travail (ROd);- cette rentabilité [)] est cependant une fonction décroissante du

nombre d’individus qui possèdent ce diplôme d [1 / Ln (Npd)] () ;- l’appréciation subjective [)] que l’acteur donne de la rentabilité du

diplôme d à partir de sa position sociale d’origine (RSigd) ;- cette appréciation subjective est cependant réévaluée [)] à la hausse

en fonction du nombre d’individus qui possèdent déjà le diplôme d[Ln(e+ ENT((Npd )/ )))] () ;

() Pour que cette décroissance ne soit pastrop rapide, nous avons besoin d’une fonctionde (NPd) qui augmente de manière lente et,surtout, progressivement plus lente. En raisonde nos connaissances et de son caractère élé-mentaire et familier, le logarithme naturel nousparaît un choix raisonnable.

() Nous choisissons cette spécifiqueforme fonctionnelle pour représenter deuxidées. Premièrement, il s’agit de représenterl’idée d’une réévaluation qui se fait de manièrenon linéaire. Notamment, il nous faut unefonction du nombre de possesseurs qui n’aug-mente pas trop rapidement et, de plus, quiaugmente de manière progressivement pluslente : le logarithme naturel est donc à nouveauune option attrayante. Deuxièmement, et sur-tout, nous voulons une fonction qui n’aug-mente pas de manière continue, mais par

paliers successifs. L’hypothèse théoriquesous-jacente est que les acteurs prennent encompte les effets dépresseurs des choixd’autrui dès que ces effets sont assez grandspour être visibles : il y aura ainsi des phases oùla réévaluation à la hausse sera stable, d’autresoù elle explosera, d’autres encore où elle sera ànouveau stable ou très faible, d’autres où elleexplosera à nouveau, et ainsi de suite (cf. pourdes éléments empiriques allant dans ce sens,C a (chap. , pp. -), b ;C (, chap. )). Si l’on rapporte lenombre de possesseurs à une base fixe (dansnotre cas , en raison de la taille de nospopulations) et l’on prend la « division entière »(ENT) au lieu de la division simple, on serapproche d’une « fonction en marches d’esca-lier » qui traduit cette évolution discontinue.

- les coûts perçus [)] par l’acteur du point de vue de la richesse dupanier de ressources dont il dispose en raison de sa collocation structu-relle (Cigd);

- ces coûts [)] sont cependant pondérés par la réussite scolaire passée(conçue en termes de nombre de redoublements, Nri), si bien qu’ilsseront d’autant moins lourds que les résultats négatifs sont peunombreux [eθ(Nr)i / 1 + eθ(Nr)i] () ;

- le nombre de choix favorables [)] au diplôme d qui existe dans levoisinage de l′acteur i (Vi

FD /Vi).

Une société artificielle gérée

par le «modèle du choix éducatif interdépendant»

Par quel moyen pouvons-nous maintenant déterminer les consé-quences de la concaténation de mécanismes générateurs contenue dansle « modèle du choix éducatif interdépendant » ? Ce modèle opère eneffet une décomposition analytique de la genèse de la stratificationsociale des diplômes en termes d’actions, de réseaux et de structures.Mais, comment démontrer qu’une population d’acteurs agissant etinteragissant selon cet ensemble de règles produit effectivement desphénomènes de stratification éducative ? Cette opération de « produc-tion » demande en effet que de nombreux éléments soient rassemblés.

Premièrement, il faudrait disposer d’un ensemble d’acteurs ayant despréférences et des ressources hétérogènes aussi bien au sein d’un groupedonné qu’entre les groupes. Deuxièmement, il faudrait que la formation

() Comme dans les cas des deux premierstermes, cette forme fonctionnelle spécifiquetâche de représenter une idée précise : la réus-site scolaire passée affecte de manière nonlinéaire la perception subjective des coûts. Enparticulier, nous supposons que : en dessousd’un certain seuil de réussite négative, les coûtsne sont pas particulièrement affectés ; à mesurequ’on s’éloigne de ce seuil, ils le seront de plusen plus ; enfin, au-delà d’un certain seuil deréussite négative, ils seront de plus en plusfaiblement affectés. Il nous faut donc uneforme fonctionnelle « croissante », « mono-tone », « convexe » et de « tendance asymptoti-que égal à ». En raison de nos connaissances,de sa simplicité et de son caractère familier,

nous avons ainsi opté, parmi les nombreusesfonctions qui satisfont ces conditions, pour untype particulier de sigmoïde, la courbe dite« logistique ». Précisons enfin que le paramètreθ a été inséré pour nous laisser la possibilitéd’augmenter ou de diminuer l’importance quele « nombre de redoublements » a dans la« fonction d’évaluation » des agents. C’est doncun élément qui a le rôle d’augmenter la flexi-bilité et les potentialités de développement dumodèle. Dans cette première phase de sonexploration, ce paramètre sera cependant tou-jours maintenu à la valeur de : ce qui veutdire que, dans les analyses reportées dans cetarticle, c’est comme si θ était absent.

des choix éducatifs de chacun de ces acteurs réponde au « modèle duchoix éducatif interdépendant ». Ensuite, puisque le modèle imagine desacteurs en situation d’interaction, il faudrait pouvoir disposer d’unestructure résiliaire « intra » et « intergroupes » dans laquelle insérer cesderniers. Quatrièmement, il faudrait être capable de recueillir les pro-duits de ces actions et de ces interactions locales car, et c’est là un cin-quième élément, il faut ensuite représenter les effets de rétroaction de cesproduits sur les actions qui prennent place à des instants t successifs.Enfin, il faudrait être en mesure d’insérer tous ces éléments dans unedynamique temporelle : le « modèle du choix éducatif interdépendant »contient en effet un processus.

Les difficultés résultent ainsi de ce que notre modèle théorique estune application d’une forme complexe d’individualisme méthodologi-que (Dupuy , ), celle qu’on a parfois qualifiée de « structurelle »(Barbera ; Boudon ; Boudon et Bourricaud a ; Linden-berg ; Raub ; Udehn , ; Wippler , ). Lemodèle implique par ailleurs que l’on démultiplie dans le temps la bou-cle « Macro→Micro→Macro » sous-jacente à cette forme d’individua-lisme (Coleman , ). Le modèle conduit en d’autres termes à cequ’on pourrait appeler l’« extension temporelle » du « Coleman Boat »(Abell , ; Coleman ).

Or, quelle méthode permettrait d’« animer » un ensemble d’hypo-thèses impliquant une telle hétérogénéité d’éléments et une telle multi-plicité de niveaux ? Surtout, nous avons besoin d’un « dispositif » quiproduise des données de façon exogène par rapport aux données empi-riques qu’il s’agira d’expliquer. La notion même de « generativity »(Fararo ), qui est au cœur du concept de « mécanisme générateur »,implique cette exigence de production de données ex novo, pour ainsidire.

Une technique spécifique de simulation ¢ les « systèmes multi-agents » ¢ est particulièrement appropriée pour mettre en œuvre desmodèles théoriques, tels le « modèle du choix éducatif interdépendant »,qui sont construits en termes de mécanismes générateurs et s’inspirentd’une forme complexe d’individualisme méthodologique. Cette techni-que permet en effet de créer de véritables « sociétés artificielles » où lecomportement de chaque membre ainsi que les interactions entre euxpeuvent être modélisés et observés dans leur évolution dynamique.L’intérêt des « systèmes multi-agents » pour l’analyse sociologiquecommence d’ailleurs à être explicitement reconnu (Gilbert ;Hedstrom , ch. ; Macy et Willer ; Moretti ; Sawyer, a, b, ). Il en va de même en économie (Phan ), en

sciences politiques (Axelrod ; Cederman ; Johnson ) et,plus généralement, dans les sciences sociales (Amblard et Phan) ().

Ainsi, si nous indiquons par S le système en tant que tel, par P = Ai

(avec i qui va de à n) la population d’agents qui le composent, par R leréseau qui soutient les interactions de ces derniers et par T le tempsselon lequel le système évolue, le « système multi-agents » que nous uti-liserons pour animer notre modèle théorique d’émergence de la stratifi-cation éducative peut s’exprimer formellement de la façon suivante (cf.Amblard , pp. -) :

S = {P, R, T}

Pour comprendre la nature de P, il suffit de penser un « agent »comme un vecteur d’états, ces derniers pouvant être numériques, logi-ques ou les deux à la fois. Un « système multi-agents » est donc en pre-mier lieu l’ensemble de ces vecteurs. L’influence que les états de telvecteur exercent sur les états de tel autre constitue la source d’alimen-tation de la dynamique du système. Il est essentiel de voir que, dans lecadre de cette technique, le comportement de chaque entité peut êtremodélisé. Dans notre cas, c’est précisément la fonction d’évaluationtraduisant mathématiquement le « modèle du choix éducatif interdé-pendant » qui gère le comportement de chaque agent en ce sens qu’il endétermine les états. L’état final (c’est-à-dire, le choix du diplôme) déri-vera de la confrontation entre la valeur assumée par cette fonction et une« valeur seuil ». Notamment, si la valeur de la fonction d’évaluation estsupérieure à , le diplôme est choisi ; dans le cas contraire, le diplômen’est pas choisi.

Comme on le déduit de l’expression mathématique de la « fonctiond’évaluation », parmi les états des agents, figurent également les choixd’autrui, c’est-à-dire l’état final des agents faisant partie du voisinage del’agent Ai. Or, c’est précisément l’un des grands intérêts d’un systèmemulti-agents pour le sociologue que de permettre une représentationconcrète de ces interactions.

Dans notre cas, le réseau R de liens entre les agents est construit entrois étapes. Premièrement, pour représenter la notion théorique d’« in-teraction dyadique intragroupe », nous disposons les agents sur unréseau régulier au sein duquel chacun d’entre eux est en contact directavec un nombre moyen K d’autres agents. Deuxièmement, puisque le

() Les méthodes de simulation et, en leursein, les systèmes multi-agents, bénéficientd′un succès grandissant au sein des sciencessociales depuis la seconde moitié des années

quatre-vingt. Nous avons reconstruit cettediffusion et étudié la littérature qui la supporteailleurs (cf. Manzo , a).

« modèle du choix éducatif interdépendant » postule également l’exis-tence d’un versant « intergroupes » de l’interaction dyadique, nousdébranchons (aléatoirement) une certaine proportion B de liens intra-groupe pour en faire des liens reliant des agents qui font partie degroupes sociaux différents. Enfin, pour représenter la prédominancedans les interactions sociales de l’homophilie sur l’hétérophilie, nousconstruisons, grâce à une procédure stochastique, un réseau de liensintergroupes de telle sorte que ces liens soient une fonction inversementproportionnelle de la « distance sociale » qui sépare les groupes ().

Aussi stylisée soit-elle encore, cette topologie constitue un supportconcret à la distinction analytique faite par le modèle entre l’« interactiondyadique intragroupe » et l’« interaction dyadique intergroupes ». Lesystème multi-agents nous donne ainsi la possibilité d’insérer les agentsdans une structure réticulaire rendant possible la mise en œuvre desmécanismes qui renvoient spécifiquement à l’interaction entre les choixéducatifs des acteurs.

Le dernier élément constitutif de notre système multi-agents, letemps T, occupe une place capitale. Comme on le dit habituellementchez les informaticiens, « la simulation consiste à faire évoluer dans le tempsl’abstraction du système : le modèle » (Amblard , p. ) (). Lasimulation en tant que telle ne démarre en effet que lorsque le pro-gramme informatique traduisant le modèle est exécuté. Comme l’amagistralement dit Simon (, p. ), c’est seulement à ce moment làque le processus contenu dans une concaténation de « mécanismes » peutse déployer. Simuler le « modèle du choix éducatif interdépendant »signifie donc laisser évoluer dans le temps, c’est-à-dire au fil de plusieurscentaines d’itérations, l’ensemble d’agents dont le comportement et lesinteractions dépendent des mécanismes constitutifs du modèle ().

() Les deux premières phases de la cons-truction du réseau qu’on vient de décrireéquivalent à l’application de l’algorithme(notamment, l’« algorithme ß ») que Watts() propose pour construire des réseauxintermédiaires entre des réseaux réguliers etdes réseaux aléatoires. La seule différence entrenotre modalité de construction du réseau etcelle proposée par Watts est que, dans notrecas, le re-branchement aléatoire s’opère versl’extérieur du groupe, non pas en son sein. Plusen général, l’on se reportera à Chiesi (,chap. ), Degenne et Forsé (, chap. ) etMercklé (, chap. ) pour une introductionau lien qui existe entre la théorie des graphes etl’analyse des réseaux sociaux.

() L’on se reportera à Amblard et

Dumoulin () pour un traitement plusapprofondi du rôle du « temps » dans les« simulations individu-centrées ». Plus engénéral, Ramat () permet de bien com-prendre que la notion de « simulation » est, eninformatique, indissociable de la notion de« temps ».

() Pour ce qui est de la représentation dutemps, notre système se base sur un « tempsdiscret » en ce sens que les états du système seconcatènent par des sauts discontinus : durantcertaines phases, notre société artificielle estrelativement similaire à elle-même tandis que,pendant d’autres, un véritable changementd’état se vérifiera. Pour ce qui est en revanchede la gestion concrète du temps, notre systèmed’agents évolue par « tranches » de itérations

.L’émergence de la stratification éducative

Du point de vue de l’analyse empirique de la stratification éducative,il s’agit maintenant de déterminer si notre société artificielle conduit àdes formes de stratification sociale des diplômes et, auquel cas, queldegré de conformité existe entre celles-ci et les stratifications éducativesempiriquement observées en France et en Italie (). L’intérêt d’unetelle démarche tient à ce que la « vie » de la société artificielle est gérée par

( itération = semaine). En correspondancede chacune d’entre elles, le programme réaliseune « mise à jour » des agents : on calcule lavaleur de la « fonction d’évaluation » EiGD etl’on confronte cette valeur au « seuil de déci-sion » afin de déterminer si l’agent a choisit lediplôme. À chaque itération, % seulementdes agents sont mis à jour : l’on déterminealéatoirement les agents qui le sont. Ce type degestion du temps rentre dans la modalité quel’on qualifie de « activation asynchrone »(A , p. -). Toutes les ité-rations ( itérations = an), enfin, tous lesagents sont mis à jour. Dans cette situationspécifique, toutefois, non seulement on calculele choix des uns et des autres, mais l’on déter-mine également combien d’agents ont obtenutel ou tel diplôme. C’est là que le système estcaractérisé en tant que tel : on comptabilise ladistribution des diplômes.

() Les données françaises utilisées dans cetravail sont issues des Enquêtes Formation-Qualification professionnelle (FQP) de etde . Ces enquêtes sont réalisées parl’INSEE et elles se fondent sur un échantillonde très grande ampleur de la population fran-çaise. Bien que les procédures d’échantillon-nage diffèrent entre les deux enquêtes, il s’agitdans les deux cas d’échantillonnage aléatoire.En raison des particularités de ces procédures,nous avons élaboré les données après les avoirpondérées, notamment en faisant comme s’ils’agissait d’un échantillon aléatoire simple(V c). On se reportera au site duLASMAS (maintenant, Centre Maurice Hal-bwachs) pour obtenir des informations trèsdétaillées sur toutes ces enquêtes. Les donnéesitaliennes sont en revanche issues de deuxenquêtes, celles-ci aussi réalisées par échan-tillonnage aléatoire, qui ont été spécifiquementconçues pour étudier les phénomènes demobilité sociale. La première est connue sous

le nom de « Indagine italiana di mobilità » et ellea été réalisée en ; la seconde porte le nomde « Indagine longitudinale sulle famiglie ita-lienne » et la première vague de collecte a étéréalisée en . Nous avons pu utiliser lesdonnées de la seconde vague, celle de . Surle site http: //www.sociologiadip.unimib.it/ilfi/,cette seconde enquête est très bien décrite etdocumentée. Cobalti et Schizzerotto ()constituent en revanche la source la plus com-plète pour ce qui est de l’enquête de . Pource qui est ensuite des nomenclatures des grou-pes socioprofessionnels et des diplômes, nousavons jugé opportun de recoder les nomencla-tures françaises et italiennes dans une classifi-cation commune. Ce qui a été fait en utilisantles nomenclatures dites « CASMIN » parréférence au projet comparatif homonyme aucours duquel elles se sont consolidées. Cesnomenclatures semblent bénéficier d’unereconnaissance croissante au plan international(cf. B , p. - ; G ,p. ; B et J , p. ;M , p. ). On se reportera àGoldthorpe, Llewellyn et Payne (, p. -), à Erikson et Goldthorpe (, p. -)ainsi qu’à Breen (, p. -) pour les détailsde la classification concernant les groupessocioprofessionnels. On se reportera en revan-che à Koning, Luttinger et Müller (), àMüller, Luttinger, Konig et Karle () ainsiqu’à Müller et Karle () pour ce qui est dela « CASMIN educational classification ». Afinde ne pas faire exploser le nombre de paramè-tres de nos simulations, nous nous sommescependant contentés d’une recodification enquatre postes des nomenclatures CASMIN, cequi, du moins pour les groupes d’origine, estexplicitement accepté par Erikson etGoldthorpe (, p. ) ainsi que, plusrécemment, par Breen (, p. ).

des mécanismes connus : le « modèle du choix éducatif interdépendant »est en effet posé a priori par nous.

Pour étudier ce modèle, il faut bien entendu attribuer une valeurnumérique à ses différentes composantes : ce n’est qu’une fois le systèmeinitialisé que la simulation peut démarrer et la dynamique contenue dansle modèle s’enclencher.

À cet égard, les modalités d’initialisation de la « rentabilité subjec-tive » (RSiGD) et des « coûts » (CiGD) sont d’une importance particulière.En l’absence de données empiriques adéquates, nous avons optés pourune initialisation par tirage aléatoire de deux ensembles de distributionsde probabilité de forme log-normale. Ce sont les relations d’ordreimposées aux moyennes de ces distributions qui traduisent la significa-tion théorique des mécanismes correspondants. En particulier, pour cequi est de l’importance subjective que les agents attribuent aux diffé-rents diplômes (RSiGD), nous contraignons les moyennes des distribu-tions de telle sorte que : ) chaque diplôme est d’autant mieux évaluéque le groupe social de l’agent est élevé ; ) chaque groupe social a uneévaluation prioritaire pour un segment spécifique de la hiérarchie desdiplômes. Quant aux coûts que les agents associent aux différentsdiplômes (CiGD), nous contraignons les moyennes des distributions detelle sorte que : ) un diplôme est d’autant plus coûteux qu’il se situe auxrangs supérieurs de la hiérarchie des diplômes ; ) ces coûts sontd’autant plus soutenables que le groupe d’où l’agent est issu se situe auxrangs supérieurs de la hiérarchie des positions sociales ().

Pour ce qui est ensuite de la structure du réseau, notre société artifi-cielle est caractérisée par : a) une densité de liens relativement limitée(chaque agent a, en moyenne, voisins) ; b) une probabilité d’établir desliens intergroupes relativement basse, mais non nulle ( % environ desliens intragroupe sont déconnectés et rebranchés vers l’extérieur) ; c)une probabilité bien plus grande que ces liens relient des individussocialement proches que socialement éloignés. Nous postulons donc unmonde social, d’une part, relativement peu dense en liens, d’autre part,

() Afin de ne pas alourdir le texte, nous nereportons pas les détails numériques desvaleurs d’initialisation de ces deux grandeurs :elles sont bien évidemment disponibles auprèsde l’auteur. Il importe cependant de soulignerque ces valeurs sont le résultat final d’un travailextrêmement long d’ajustements progressifs etincrémentaux. Comme dans le cas de tout« modèle statistique », les valeurs des paramè-tres ne sont que le résultat d’un processus ité-ratif de rapprochements progressifs aux don-

nées. En informatique, l’on qualifie cette phased’« identification » (des paramètres) ou de« calibration » (du modèle) (A, R- et B ; G et M). Précisons enfin que ce n’est pas la valeurnumérique en tant que telle qui importe, maisbien davantage le fait que ces valeurs respec-tent les contraintes théoriquement significati-ves en termes de relation d’ordre que nousvenons d’énoncer. C’est pour cela qu’elles ontun sens.

particulièrement étanche quant aux frontières qui séparent les grou-pes ().

Sous de tels paramètres, les données produites par le « modèle duchoix éducatif interdépendant » reproduisent de manière particulière-ment satisfaisante la structure globale des données empiriques françaiseset italiennes. La valeur de l’indice de dissimilarité vaut . pour laFrance et . pour l’Italie. Les données simulées peuvent d’ailleurs êtreétudiées inductivement afin de décrire le type de stratification desdiplômes émergé dans nos sociétés artificielles.

La figure restitue, par exemple, le volume des différentes catégoriesdes diplômes (ce qu’on pourrait qualifier de « morphologie de l’éduca-tion ») empiriquement observé en France et en Italie dans les annéesquatre-vingt-dix ainsi que la distribution à laquelle conduit le « modèledu choix éducatif interdépendant ». On constatera que, conformément àla distribution des diplômes qui caractérisait le premier pays, le « sys-tème artificiel français » a engendré une distribution « hypertrophiée » auxniveaux inférieurs du système. Le système multi-agents italien a enrevanche correctement généré une sorte d’« hypertrophie des niveauxscolaires intermédiaires » qui semblait caractériser la population italienneà la fin des années quatre-vingt-dix.

La figure montre, ensuite, comment de telles « morphologies » desdiplômes se modifient à l’intérieur de chaque groupe social : elle restituedonclesdestinationséducatives lesplusfréquemmentatteintesauseindesdifférents groupes, ce qu’on peut qualifier de « flux scolaires ». On voit queles courbes qui décrivent lesflux scolaires engendrés par la dynamique denos systèmes multi-agents présentent une structuration statistique pro-fondémentsimilaireàcelledesfluxéducatifsobservésempiriquement.

() Le premier choix prend un parti expli-cite : bien que nous croyons nécessaire deprendre en compte les phénomènes d’influencedirecte (« interaction dyadique intra et inter-groupes ») dans les choix scolaires, nous nesouhaitons pas non plus en accentuer tropl’importance a priori. Un réseau de liens peudense traduit alors l’option théorique selonlaquelle les agents ne sont pas surplombés parleurs relations sociales. Le second aspect denotre réseau traduit, en revanche, l’idée de latendancielle dominance (statistiquement, dumoins) de l’homogamie/homophilie surl’hétérogamie/hétérophile dans la vie sociale :ce qui paraît un acquis solide de nombreusesétudes empiriques. À ce sujet, pour ce qui estde l’homogamie sociale, l’on pourra se repor-ter, pour l’Italie, à Schadee, Schizzerotto

(), Cobalti et Schizzerotto (, chap. )et Bernardi () ; pour la France, l’onconsultera utilement Thélot (, chap. ) et,plus récemment, l’article de Forsé, Chauvel() ; au plan international, bien que centréesur le niveau d’instruction plutôt que sur legroupe social, l’étude comparative sursoixante-cinq pays de Smith et al. ()constitue une source de très grande richesse.Au sujet de l’homophilie sociale, une étudefrançaise approfondie, mais techniquement deniveau très avancé, est Cousteaux et Lemel() ; l’on consultera également Godechot(). Dans le contexte de la littérature sur les« réseaux sociaux », ensuite, l’on pourraconsulter au sujet de l’« homogamie » et del’« homophilie », par exemple, Mercklé (,chap. ) et Degenne et Forsé (, chap. ).

Distribution des diplômes dans les systèmes multi-agentsgérés par le « modèle du choix éducatif interdépendant »

et dans les sociétés réelles.

En particulier, la société artificielle française se caractérise par desflux éducatifs de sortie qui présente une configuration d’« hypertrophie »des niveaux scolaires inférieurs pour tous les groupes, sauf pour legroupe supérieur. Au sein de la société artificielle italienne en revanche,la destination éducative modale du groupe supérieur et des professionsintermédiaires est la même, bien que les premiers atteignent plus sou-vent le sommet de la hiérarchie des diplômes.

Le « modèle du choix éducatif interdépendant » génère donc unestructuration fine des destinations éducatives les plus hautes obtenues

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selon le groupe d’origine des agents qui suit de près la relation empiriquede « proportionnalité inverse » qui relie le groupe social d’origine et ladestination éducative la plus fréquemment atteinte. De ce point de vue,il importe d’insister sur la capacité du modèle à reproduire aussi bien lessituations éducatives les plus fréquentes chez les différents groupes queles issues les plus improbables. Ainsi, par exemple, les deux systèmesmulti-agents produisent certes la suprématie statistique chez les« ouvriers » des diplômes inférieurs en France et des diplômes secon-daires inférieurs en Italie. Ils engendrent cependant aussi le petit groupede « dissidents » qui, parmi les individus issus de ce groupe, réussissent àdécrocher un diplôme de l’enseignement supérieur.

On peut tirer des données simulées une dernière classe d’informa-tions. Au lieu d’observer où se dirigent majoritairement les individusissus des différents groupes (les flux scolaires de sortie), nous pouvonsnous intéresser à la composition sociale de chaque diplôme. Il s’agit de cequ’on pourrait qualifier parfois d’« afflux ». Pour quantifier de façonprécise et synthétique le degré d’homogénéité/hétérogénéité sociale deces derniers, les courbes de Lorenz () et les indices de Gini ()correspondants s’avèrent des outils attrayants ().

Une telle analyse (graphiques non reportés) montre que le partagesociétal de l’éducation qui caractérise nos deux sociétés artificielles pré-sente une structuration statistique étonnement proche de celle observéeempiriquement. La valeur empirique de l’indice de Gini moyen, parexemple, vaut . pour la France et . pour l’Italie : les valeurs cal-culées sur les données simulées valent respectivement . et .. Unexamen patient des « coefficients distributifs » (valeurs disponiblesauprès de l’auteur) montrerait par ailleurs que la hiérarchie entre lesgroupes propre aux données simulées suit de près celle décelable dans lesdonnées empiriques (). Les systèmes multi-agents reproduisent par-faitement l’inversion dans le degré de concentration que l’on observeentre les groupes sociaux dès lors que l’on monte dans la hiérarchie des

() En ordre, Blau (), Allison (),Chauvel (), Lampard () et Pedersen() permettent de voir le type de débatsauxquels ces outils ont donné lieu en sociolo-gie. Parmi les auteurs qui leur ont reconnu unintérêt spécifique pour l’analyse empirique desinégalités éducatives, citons Barbut (,a, b, ) et Hellevik (, , ) ;d’autres l’ont nié (C ; M- et S , p. ; K et al., p. ).

() Les « coefficients distributifs » repré-sentent le rapport entre la proportion d’indi-vidus issus d’un groupe donné qui sont pré-sents à un niveau scolaire donné et le poidsdémographique de ce groupe. La valeur de cecoefficient exprime ainsi le degré de surrepré-sentation (si supérieure à ) ou de sous-représentation (si inférieure à ) de ce groupeen correspondance de tel ou tel diplôme (B- ; H ).

diplômes. Conformément aux courbes de Lorenz empiriques, l’onretrouve, aussi bien dans la société virtuelle française que italienne, lesgroupes inférieurs et moyens concentrés (au sens de Gini) dans lesdiplômes inférieurs et intermédiaires tandis que la situation exactementinverse se vérifie en correspondance des diplômes supérieurs. Dans lecontexte d’une telle régularité, il importe d’insister sur le fait que lessystèmes artificiels différencient finement les deux pays quant aucontenu spécifique de cet ordre. Notamment, pour les trois situationséducatives inférieures (« absence de diplôme », « diplôme de type CEPou CAP » et « diplôme de tipe BEPC ou BEP »), la société virtuelle ita-lienne se caractérise par une sorte de « monopole éducatif » du groupe« ouvrier » et du groupe « intermédiaire ». En France, cela n’est pas le cas.Compte tenu de ce fait et de l’existence dans la société artificielle fran-çaise d’au moins un diplôme caractérisé par un degré d’inégalité distri-butive particulièrement resserré (à savoir, les diplômes secondairesinférieurs pour lesquels l’indice de Gini empirique vaut ., vs .simulé), les systèmes multi-agents génèrent un profil du partage sociétalde l’éducation conforme aux données empiriques que l’on pourraitqualifier d’« égalité distributive localisée » pour la France et d’« inégalitédistributive diffuse » pour l’Italie.

In vitro, l’action des mécanismes postulés par le « modèle du choixéducatif interdépendant » paraît donc bien aller dans le sens d’une stra-tification éducative émergente par rapport aux comportements et auxinteractions locales des acteurs. La « morphologie de l’éducation »observée sur la population entière est loin de se répercuter de manièresimilaire au sein des différents groupes. Qu’il s’agisse des destinationséducatives les plus fréquemment atteintes (les flux éducatifs) ou bien duquota d’éducation que chaque groupe détient à tel ou tel niveau scolaire,les systèmes artificiels français et italiens engendrent une structurationdes diplômes finement repartie entre les groupes d’agents.

Nous pourrions par ailleurs quitter ce niveau que l’on qualifierad’« absolu » ou de « distributif » pour nous intéresser à la proportiond’individus qui obtiennent tel diplôme plutôt que tel autre au sein d’ungroupe donné par rapport à la situation par rapport à ce qu’il en seraitpour un autre groupe social. Opérer ce changement d’optique signifieanalyser les stratifications éducatives simulées et empiriques d’un pointde vue « relatif ». En nous inspirant d’une distinction courante dans lesétudes quantitatives de la mobilité sociale, nous parlerons à cet égard de« fluidité éducative » ().

() Pour ce qui est des couples conceptuels« mobilité structurelle/mobilité nette » et, plus

récemment, « mobilité absolue/mobilité rela-tive (ou fluidité sociale) », l’on consultera, entre

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Pour la décrire, nous proposons d’utiliser les « odds ratios générali-sés » (cf. Kaufman et Schervish , ), une mesure synthétiqued’association qui exprime la « probabilité moyenne » qu’un groupe socialdonné obtienne tel diplôme plutôt que n’importe quel autre par rapportà tous les autres groupes sociaux (). La figure représente l’ensembledes coefficients calculés sur les données simulées ainsi que sur les don-nées empiriques : la hauteur des cônes équivaut à la valeur de l’« oddsratio généralisé » correspondant à un groupe donné pour une situationéducative donnée.

À la vue de ces graphiques, on pourrait parler d’une configuration« polarisée » des opportunités éducatives empiriques () : les sociétésartificielles engendrent aussi cette structure. Les cônes les plus hauts sesituent aux deux coins opposés du plan : d’une part, du coté des situa-tions éducatives les moins désirables, d’autre part, face aux diplômessecondaires longs et, encore plus, de l’enseignement supérieur. Ici et là,les groupes qui disposent des avantages concurrentiels les plus forts nesont évidemment pas les mêmes : les « ouvriers » et les « indépendants »monopolisent les opportunités éducatives inférieures tandis que les« intermédiaires » et les « cadres supérieurs » ont des avantages compé-titifs particulièrement forts pour accéder aux strates supérieures de lahiérarchie des diplômes.

Les systèmes multi-agents gérés par le « modèle du choix éducatifinterdépendant » ne se limitent pourtant pas à engendrer cette structu-ration statistique polarisée de la « fluidité éducative ». Sur ce fondcommun, ils différencient correctement la France et l’Italie. C’estd’abord une différence d’intensité : les deux aires d’« attraction forte »décrites à l’instant s’expriment bien plus fortement en Italie qu’enFrance. C’est ensuite une différence d’extension : les avantages dugroupe des « cadres supérieurs » pour les diplômes de l’enseignementsupérieur (et, bien que de manière atténuée, du « secondaire long », c)

autres, Boudon (a, pp. - ; b),Boudon et Bourricaud (b), Cherkaoui(, ), Cobalti (a, b ; ,chap. ), Cuin (, chap. ), Goldthorpe,Llewellyn et Payne (, chap. ), Erikson etGoldthorpe (, chap. ; ), Lemel(, p. -), Merllié (, chap. V),Merllié et Prévot (, pp. -), Thélot(, p. ), Vallet ().

() Pour une utilisation de cette mesurepour décrire la « mobilité sociale relative », onse reportera à Cobalti (a, b ; ), àCobalti et Schizzerotto (), à Ballarino etCobalti () et à Pisati et Schizzerotto

(). Très rarement, on a en revanche sug-géré d’utiliser cette statistique pour décrirel’aspect « relatif » de la stratification éducative(cf. Cobalti , pp. -).

() Ce qui constitue une configuration bienconnue dans les études de mobilité sociale. Àconclusion d’une analyse comparative de la« fluidité sociale » dans seize pays européens etnon, Grusky et Hauser (, p. ) affir-maient, par exemple : « Within all sixteencountries, the picture that emerges is one of severeimmobility at the two extremes of the occupatio-nal hierarchy and considerable fluidity in themiddle ».

sont en quelque sorte exclusifs en France tandis que, en Italie, legroupe « intermédiaire » partage cette position d’avantage relatif.L’Italie semble donc être moins fluide que la France dans les annéesquatre-vingt-dix. Les données supportent une telle idée. La valeurmoyenne des « odds ratios généralisés » est dans le premier pays presquedeux fois plus élevée que dans le second (. vs .). Cette différenceapparaît ponctuellement dans les « odds ratios généralisés » calculés surles données simulées : la société artificielle italienne est globalementmoins fluide que la société artificielle française et, qui plus est, selon unordre de grandeur identique à celui observé empiriquement (.vs .).

Ainsi, aussi bien sous le profil « absolu » que « relatif », le « modèle duchoix éducatif interdépendant » engendre une stratification sociale desdiplômes qui suit de près les multiples facettes des stratifications édu-catives française et italienne des années quatre-vingt-dix. La pertinencede ce modèle théorique devrait néanmoins être jugée non seulement surcette capacité à produire des données conformes aux observationstransversales, mais surtout pour ce qu’il nous apprend sur leur genèse.Les mécanismes constitutifs du « modèle du choix éducatif interdépen-dant » contiennent en effet une dynamique dont le profil nous permet demieux comprendre le processus d’émergence de la stratification éduca-tive.

En dépit de la connaissance plus ou moins fine que nous pourrionsacquérir du fonctionnement du modèle, il ne permet pas de conduire ipsofacto à une stratification aussi fine des diplômes des agents. Le code duprogramme (écrit en JAVA) qui supporte la structure et le fonctionne-ment de nos systèmes artificiels ne prévoit a priori aucune règle qui aitl’effet de forcer l’issue agrégée ou sociétale du processus microsociolo-gique dans un tel sens. Ce sont bien les interactions locales entre desmilliers d’agents gérés par les principes du « modèle du choix éducatifinterdépendant » qui conduisent à ce résultat global.

Certes, la population d’agents est différenciée au départ en groupesselon les objectifs éducatifs et les ressources. Mais, et c’est là un pointessentiel, il existe une certaine variabilité au sein de chaque groupe carles agents sont initialisés sur ces grandeurs par tirage aléatoire à partir dedistributions probabilistes. Ce qui veut dire aussi que les frontières entreles groupes sont au départ particulièrement floues : les distributionsd’où l’on extrait les valeurs d’initialisation des agents ont des aires dechevauchements extrêmement étendues. En d’autres termes, nos agents,surtout aux premiers niveaux scolaires à franchir, ont des appréciationssubjectives des diplômes et des ressources qui ne sont pas aussi diffé-

renciées qu’on pourrait le croire à en juger des frontières en termes dediplômes obtenus repérables à la fin du processus.

Or, ce décalage a précisément son origine dans les interactions dya-diques continuellement à l’œuvre entre les agents : elles creusent pro-gressivement les différences de départ. Les interactions dyadiques loca-les entre les agents sont en effet le moteur du modèle à double titre.D’une part, elles permettent que les choix éducatifs se diffusent au seindes différents groupes ; d’autre part, elles alimentent un processus lentde cristallisation autour des choix éducatifs typiques, c’est-à-dire lesplus fréquemment émis en raison des évaluations éducatives subjectiveset des ressources majoritairement répandues au sein d’un groupe donné.Puisque le réseau global qui relie les agents privilégie les liens intra-groupe et, parmi les liens intergroupes, les liens de courte distance(c’est-à-dire, entre des groupes socialement proches), les interactionsdyadiques locales conduisent à une ségrégation progressive des choixéducatifs des agents selon le groupe. Ce qui était relativement peu dif-férencié au départ le devient de plus en plus à mesure que la dynamiquedu modèle progresse.

À l’appui du processus ainsi décrit au sein de nos systèmes artificiels,deux preuves formelles peuvent être produites. Lors de l’analyse expé-rimentale à laquelle nous avons soumis le « modèle du choix éducatifinterdépendant » (analyse partiellement reportée dans Manzo c,§ ), deux régularités virtuelles ont été attestées. Premièrement, nousavons observé que, si l’on efface complètement les interactions dyadi-ques entre les acteurs, aucune forme de stratification des diplômesn’apparaît au sein de nos sociétés artificielles. La dynamique du modèleest brisée. Presque tous les agents, quel que soit leur groupe social,s’arrêtent aux situations éducatives du plus bas niveau. Deuxièmement,nous avons constaté que, si l’on élimine le versant intergroupes del’interaction dyadique, on obtient une stratification des diplômes encoreplus ségréguée que celle que l’on observe en présence d’un nombrelimité de contacts intergroupes. Les interactions dyadiques intergroupesalimentent donc bien des choix hétérodoxes au sein des différentsgroupes : puisque il y en a peu dans nos sociétés artificielles, c’est bienl’interaction dyadique intragroupe qui prime en écartant progressive-ment les groupes les uns par rapport aux autres.

Ainsi,commecequeSchelling()a faitpour laségrégationspatiale,le « modèle du choix éducatif interdépendant » fait de la stratification édu-cative le résultat émergent non voulu (ce qui ne veut pas forcement dire« surprenant » du point de vue de l’observateur) d’un processus parfoisqualifié d’« amplification » (Boudon a, pp. -), c’est-à-dire une

dynamique qui accentue itérativement les différences de départ en termesdepréférencesetderessources individuelles ().

L’émergence des transformations temporelles

de la stratification éducative

Une bonne théorie de l’émergence des inégalités éducatives devraitrendre compte tant de la structure de ces inégalités à un instant temporelprécis que de ses transformations temporelles. Certains auteurs ontdécliné cette exigence de parcimonie en identifiant les transformationstemporelles avec la stabilité au fil du temps des opportunités éducativesrelatives (cf. Breen et Goldthorpe , p. , - ; Goldthorpeb, p. ). À la lumière de résultats empiriques récents (cf. Breen etal. ; Barone ), les opportunités éducatives relatives pourraientnéanmoins être moins résistantes au changement qu’on ne le croyait il ya encore quelques années (Blossfeld et Shavit ). Une modélisationréussie des mécanismes générateurs des inégalités éducatives devraitdonc être capable de rendre compte des différentes évolutions diachro-niques décelables dans les données empiriques, que ces dernières soientétudiées en perspective « absolue » ou bien « relative ».

Nos systèmes multi-agents animés par le « modèle du choix éducatifinterdépendant » seraient-ils en mesure de générer les principales lignesd’évolution temporelles des stratifications éducatives française et ita-lienne telle que celles-ci peuvent être détectées empiriquement sur unesuite de cohortes d’individus couvrant une grande partie du e siècle ?

Pour répondre à cette question, nous avons simulé le modèle théori-que séparément pour chaque cohorte à partir d’une hypothèse très sim-ple. D’une cohorte à l’autre, un seul élément de nos sociétés artificiellesvarie : les évaluations subjectives (RSiGD) et les coûts (CiGD) que lesagents associent aux différents diplômes.

En particulier, nous avons supposé que les agents de chaque groupeévaluent, en moyenne, progressivement mieux les différents diplômes etque, en même temps, ils y associent, en moyenne, des coûts moinsimportants. Nous nous sommes cependant donné la contrainte addi-

() L’on se reportera à Forsé et Parodi() pour une analyse critique de certainesinterprétations abusives du travail de Schel-

ling. Bruch et Mare () livrent aussi uneanalyse instructive de ce travail pionnier.

tionnelle de ne jamais violer la hiérarchie entre les groupes (). Rien n’aen revanche été modifié, dans le passage d’une cohorte à une autre, quantà la structure des interactions entre les agents (c’est-à-dire, la configu-ration du réseau sur lequel ils sont « posés »). Nous avons maintenu laconfiguration de liens adoptée lors de l’analyse des données transversa-les ().

Sous une telle structure paramétrique, le « modèle du choix éducatifinterdépendant » génère des données qui reproduisent de manière trèssatisfaisante la configuration des données empiriques diachroniques. Enallant de la cohorte la plus ancienne (-) à la plus jeune (-), la valeur de l’indice de dissimilarité entre la distribution bivariateempirique et celle simulée vaut, dans le cas français, ., ., ., .et . et, dans le cas italien, ., ., ., . et .. De même quelors des analyses transversales, pour mieux percevoir cette homologie destructure globale, nous pouvons d’ailleurs élaborer inductivement lesdonnées diachroniques simulées et empiriques. Les évolutions tempo-relles de la stratification éducative caractérisant nos sociétés artificiellesen ressortiront ainsi plus clairement.

Une première classe d’informations que l’on peut extraire de cesdonnées concerne les transformations de la morphologie de l’éducation,c’est-à-dire les changements de consistance des différentes catégorieséducatives (graphiques non reportés). On constaterait ainsi que l’appli-cation diachronique du « modèle du choix éducatif interdépendant »permet d’engendrer un mouvement de diffusion des diplômes formelsqui suit de prés les vagues de contraction/expansion des différentescatégories des diplômes ayant eu lieu au fil du siècle dans les deuxsociétés réelles. Le pourcentage d’individus en échec scolaire, parexemple, décline de . % (cohorte -) à % (cohorte -) dans la société française et de . % à . % dans la société ita-lienne : au sein des sociétés artificielles, ces mêmes pourcentages valent,

() De même que dans le cas des initiali-sations des agents adoptées lors des simula-tions transversales, nous ne reportons pas lastructure finale des distributions de probabilitéutilisée pour l’initialisation des agents au seindes différentes cohortes pour ne pas alourdirl’exposé. Bien entendu, ces valeurs sont dis-ponibles auprès de l’auteur.

() Une telle démarche « minimaliste »nous paraît justifiable au double titre de sonréalisme et de sa simplicité. Le caractère réa-liste tient aux éléments suivants : a) il paraîtraisonnable de supposer que les individus ontattribué au fil du temps une importance crois-

sante à l’instruction ; b) il paraît égalementvraisemblable que les transformations écono-miques et institutionnelles ont modifié la per-ception des acteurs quant aux coûts de l’inves-tissement scolaire ; c) il paraît enfin fondé depenser que l’hétérophilie des relations socialesn’a pas encore supplanté leur caractère ten-danciellement homophile. Il s’agit ensuited’une démarche simple en ce sens que lamodification d’un seul aspect de la structureparamétrique du modèle fait de ses variationséventuelles de comportement le résultat d’unesource précise, spécifique et connue.

respectivement, . % à . % et % à . %. À l’autre extrémité de lahiérarchie des diplômes, le pourcentage d’individus obtenant undiplôme de l’enseignement supérieur passe de . % (cohorte -) à . % (cohorte -) dans la société française et de . % à. % dans la société italienne : les sociétés artificielles font enregistrerune augmentation, respectivement, de . % à . % et de . % à. %.

Au sein de cette tendance commune à la France et à l’Italie, nos sys-tèmes multi-agents ont également été capables d’engendrer un mouve-ment éducatif en expansion dont les temps et les modalités différencientcorrectement les deux pays. La « société artificielle française », touten produisant une proportion chroniquement élevée d’individusnon diplômés, conduit à une diffusion de l’éducation par vagues éche-lonnées : une diffusion progressive des diplômes de l’enseignementsupérieur a ainsi pu se réaliser. La « société artificielle italienne » a enrevanche engendré un mouvement d’expansion de l’éducation princi-palement soutenu par le développement des diplômes de niveaux inter-médiaires. L’expansion des diplômes de plus haut niveau en a souffert.Un mouvement qu’on pourrait qualifier de « diffusion éducative ina-chevée » a donc été correctement engendré par le système multi-agentsitalien.

Les figures et montrent ensuite que la simulation du « modèle duchoix éducatif interdépendant » a également permis d’engendrer desévolutions diachroniques des flux scolaires présentant la même structu-ration statistique que les flux scolaires empiriques. Aussi bien le systèmemulti-agents français que italien ont conduit à une diffusion de l’éduca-tion généralisée. Dans les deux cas, conformément aux données empiri-ques, tous les groupes d’agents ont concouru à la réduction des diplômesinférieurs ainsi qu’à l’expansion des diplômes intermédiaires et supé-rieurs.

Pour autant, nos sociétés artificielles présentent aussi les quelqueséléments qui différencient la France et l’Italie quant à la manière dont lesdifférents groupes sociaux ont participé à ces changements. Notamment,la société artificielle française tend vers des flux scolaires relativementhomogènes aux rangs inférieurs et intermédiaires et engendre correcte-ment la position particulière du groupe supérieur. En France, pour cequi est des diplômes de l’enseignement supérieur, ce groupe a en effetdistancié au fil du siècle tous les autres. Au sein de la société artificielleitalienne, les flux scolaires diachroniques ont en revanche eu un caractèreplus segmenté en ce sens que l’évolution de certaines destinations édu-catives a été portée davantage par certains groupes. En particulier, le

Pourcentage d’agents/individus issus des différents groupes sociaux

qui atteignent les différents diplômes en tant que destination éducative finaleau sein de chaque cohorte.

Données produites par les systèmes multi-agents géréspar le « modèle du choix éducatif interdépendant »

et données empiriques.FRANCE.

Pourcentage d’agents/individus issus des différents groupes sociaux

qui atteignent les différents diplômes en tant que destination éducative finaleau sein de chaque cohorte.

Données produites par les systèmes multi-agents géréspar le « modèle du choix éducatif interdépendant » et données empiriques.

ITALIE.

système multi-agents reproduit correctement un fait empirique central :la diffusion des diplômes secondaires inférieurs a été tout particulière-ment le fait des « indépendants » et des « ouvriers » pour qui ces diplômesont constitué une sorte de piège (dans la mesure où les membres de cesgroupes n’ont pas su aller au-delà).

Aussi négligeables que ces différences puissent paraître, il est possiblede montrer que leurs conséquences redistributives ne le sont point. Onpourrait en effet extraire des données simulées un dernier élément : lestransformations du degré d’homogénéité/hétérogénéité sociale des dif-férents diplômes. Ce qui peut se faire en construisant les courbes deLorenz et en calculant les indices de Gini correspondants pour chaquesituation éducative et au sein de chacun de nos cinq cohortes (graphiquesnon reportés).

En dépit d’un certain nombre de différences dans les estimationsponctuelles des valeurs des coefficients de Gini, la configuration descourbes ainsi que des indices qui en synthétisent la concavité dégagentglobalement l’image d’une très grande proximité entre les deux sociétésréelles et les systèmes artificiels qui tâchent d’en représenter le fonc-tionnement. Par exemple, la valeur de l’indice de Gini correspondant à ladistribution des diplômes de l’enseignement primaire passe en Francede . (cohorte -) à . (cohorte -) : la sociétéartificielle présente une augmentation du même ordre de grandeur (de. à .). Ou encore, le degré d’inégalité de la distribution desdiplômes de l’enseignement supérieur décline (au sens de Gini) de . à. dans la société française réelle et de . à . dans le systèmemulti-agents lui correspondant.

Le « modèle du choix éducatif interdépendant » génère par ailleurscorrectement tant les similarités que les différences qui caractérisentl’évolution de la répartition sociétale de l’éducation en France et en Ita-lie. Parmi les premières, on retiendra la relation non linéaire qui sembleexister entre la réduction des sorties de niveau inférieur et les modifica-tions du degré d’inégalité de leur distribution. En particulier, la réduc-tion de la proportion d’individus qui s’arrêtent aux situations éducativesinférieures ne s’accompagne pas d’une diminution de l’inégalité, mais,bien au contraire, d’un accroissement de celle-ci. Parmi les différences,ensuite, force est de constater l’existence d’un mouvement d’égalisationdistributive aux contours moins nets en Italie qu’en France. En parti-culier, la société artificielle française génère une baisse claire de l’inéga-lité distributive des diplômes secondaires courts et longs ainsi que desdiplômes de l’enseignement supérieur. En revanche, la société artificielleitalienne, bien qu’elle présente des signes clairs d’égalisation aux

niveaux éducatifs supérieurs, engendre, conformément aux donnéesempiriques, moins d’égalité distributive dans la répartition sociétale desdiplômes secondaires courts (l’indice de Gini empirique passe de . à. et celui simulé de . à .).

Face à ces évolutions multiples, nous avons essayé de dégager unetendance générale et synthétique en suivant l’évolution au fil des cohor-tes de la valeur moyenne de l’indice de Gini.

La figure représente cette évolution temporelle globale qui résultede l’agrégation des évolutions locales de chaque diplôme. La significa-tion des courbes est claire. Alors qu’une tendance générale vers l’égali-sation distributive s’esquisse nettement dans les données françaises, c’estplutôt une fluctuation autour de la valeur . que l’on constate pourl’Italie. Pour ce pays, on pourrait donc parler d’une « démocratisationdistributive incertaine ». Or, en dépit de quelques différences (encore qued’ampleur limitée) en termes d’estimation ponctuelle, les systèmes arti-ficiels gérés par le « modèle du choix éducatif interdépendant » sonttraversés par la même divergence d’évolution.

Évolution de l’indice de Gini moyen calculé sur les données empiriques

et sur les données produites par les systèmes multi-agentsgérés par le « modèle du choix éducatif interdépendant ».

Pour l’Italie, les estimations ne sont pas statistiquement significatives.

Qu’en est-il en revanche des opportunités éducatives relatives ? Eneffet, comme nous l’avons fait lors de l’étude des données transversales,les données produites par nos systèmes artificiels peuvent être interrogéesd’un second point de vue. En particulier, nous pourrions nous demandercomment s’est transformée au fil du temps la probabilité qu’un individuissu d’un groupe social donné obtienne tel diplôme plutôt que tel autrepar rapport à un autre groupe social considéré sur cette même alterna-tive. En multipliant les comparaisons, l’on arriverait à une descriptioncomplète des transformations diachroniques de la « fluidité éducative »,c’est-à-dire de la configuration des positions que les groupes occupent lesuns par rapport aux autres face au système des diplômes. Pour synthé-tiser ces transformations, nous avons choisi d’estimer, aussi bien sur lesdonnées empiriques que sur les données simulées, deux modèles log-linéaires couramment utilisés dans les études de mobilité (Breen ,chap.) :d’unepart, lemodèleditd’« associationconstante »,d’autrepart,le modèle dit, bien souvent, « Unidiff », acronyme qui est pour « différenceuniforme » (Erikson et Goldthorpe , p. - ; cf. aussi Xie ).Le premier suppose qu’aucune modification de la « fluidité éducative »ne se serait produite. Le second, en revanche, suppose qu’une transfor-mationaeulieu,maisdetypeparticulier : tousles « oddsratios »seseraientrapprochés (ou éloignés) de selon un facteur uniforme ßw. C’est assu-rément une hypothèse spécifique et simplificatrice : elle a néanmoinsl’intérêt d’être parcimonieuse et de pouvoir être testée statistiquement.

Le tableau reporte les résultats de ces estimations. Les valeurs desdifférents indices d’ajustement autorisent à préférer le modèle de « dif-férence uniforme » au modèle d’« association constante » pour la France(modèle et ). Cela n’est en revanche pas le cas de l’Italie. Les donnéesdiachroniques de ce pays ne sont pas mieux reproduites par le modèle de« différence uniforme » (modèle et ). Or, l’estimation de ces deuxmodèles statistiques concurrents sur les données simulées conduitexactement aux mêmes conclusions. Selon les mêmes règles d’inférence,nous ne pouvons pas préférer le modèle de « différence uniforme » aumodèle d’« association constante » pour les données simulées diachroni-ques italiennes (modèle et ) tandis que nous sommes en droit de fairece choix dans le cas français (modèle et ).

C’est là, nous semble-t-il, un argument de poids pour affirmer que lessystèmes multi-agents mettant en œuvre le « modèle du choix éducatifinterdépendant » engendrent des modifications temporelles de l’aspect« relatif » des stratifications éducatives française et italienne qui ont unestructuration statistique largement similaire à celle décelable dans lesdeux sociétés réelles.

Estimation du modèle log-linéaire d’« association constante »

et du modèle log-multiplicatif de « différence uniforme »sur les données empiriques et sur les données simulées.

La direction et l′extension de ces modifications en constituentd’ailleurs une preuve additionnelle. À cet égard, considérons la figure .Elle reporte, cohorte par cohorte, la valeur de ß, c’est-à-dire le paramètredu modèle « Unidiff » qui synthétise le sens et l’intensité des transfor-mations temporelles décelables dans l’ensemble d’« odds ratios » quidécrivent la « fluidité éducative » d’un pays. On constate ainsi que les« écarts relatifs » entre les groupes se sont régulièrement resserrés enFrance, bien que l’intensité de ce mouvement se soit affaiblie dès lescohortes nées durant les années cinquante. Le résultat principal estcependant que l’évolution du paramètre ß estimé sur les données simu-lées suit de près celle observée empiriquement. Au-delà de sa nonsignificativité statistique, l’évolution du paramètre ß estimé pour l’Italienous importe aussi : il montre une fois de plus la proximité entre les

Valeur assumée par ßw au sein de chaque cohorte selon les estimations

des modèles (), (), () et () (cf. Tableau ).

évolutions engendrées par notre système multi-agents et les tendancesempiriques .

Ainsi, si nous rassemblons les différents éléments accumulésjusqu’ici, nous aboutissons à un portrait fort intéressant des transfor-mations temporelles des stratifications éducatives française et italienne.En France, il semble avoir co-existé au fil du siècle une diffusion consi-dérable de l’éducation, un mouvement clair d’égalisation distributive (ausens de Gini) et une tendance claire vers l’égalisation des chances(au sens du modèle « Unidiff »). En Italie, en revanche, une diffusion

() Sur ce point important de la baisse desinégalités éducatives d’un point de vue relatif,nous retrouvons ainsi pour la France les résul-tats de Thélot et Vallet () et de Vallet(, a, b) ainsi que des résultats plusanciens (cf. Garnier et Raffalovich ;Smith, Garnier ). Ce résultat ne faitcependant pas l’unanimité (cf. Goux et Maurin ; Duru-Bellat et Kieffer ; Merle). Pour l’Italie, nous confirmons enrevanche la thèse de la stabilité soutenue parCobalti (), par Cobalti et Schizzerotto

(, ), par Ballarino et Cobalti (),par Pisati (, ), par Pisati et Schizze-rotto () et par Schizzerotto ().D’autres auteurs, en Italie (Benedusi ,pp. , , -) tout comme à l’étranger(Shavit et Westerbeek , ), ont parailleurs contesté ce résultat. Barone ()constitue probablement l’étude italienne laplus à jour sur cette question : l’auteur débou-che sur une confirmation de la thèse de la sta-bilité, sauf pour les groupes agricoles.

généralisée de l’éducation de plus faible intensité a donné lieu à uneégalisation distributive bien plus tâtonnante et, surtout, à une absence detransformations dans la « fluidité éducative ». Dans le cas français, lesévolutions le long de l’aspect « distributif » et « relatif » de la stratifica-tion éducative sont allées de concert : cela n’a pas été le cas de l’Italie.Or, il est essentiel de retenir qu’une même concaténation de méca-nismes générateurs nous a permis d’engendrer cette hétérogénéité deparcours macro sociaux. Nos systèmes multi-agents animés par le« modèle du choix éducatif interdépendant » ont en effet été capablesd’engendrer les multiples facettes de ce double parcours qui semble avoircaractérisé la France et l’Italie réelles au cours d’une grande partie due siècle.

Si l’importance de tels résultats diachroniques est de démontrer lapossibilité que, du point de vue de l’évolution en longue période, l’aspect« absolu » (ou « distributif ») et l’aspect « relatif » de la stratification édu-cative peuvent se transformer selon des rythmes, une extension et desdirections hétérogènes, l’intérêt d’y être arrivé par simulation d’unmodèle théorique précis est de disposer de quelques éléments explicatifsde ces discordances possibles entre « démocratisation quantitative » et« démocratisation qualitative », pour reprendre la distinction avancée parAntoine Prost (, p. ).

La configuration paramétrique diachronique à la base de nos sociétésartificielles mettant en œuvre le « modèle du choix éducatif interdépen-dant » fournit ces éléments. Notamment, l’élément mis en cause estl’extension selon laquelle les bilans individuels « évaluations subjectives(RSigd)/ coûts (Cigd) » varient au cours du temps. Plus ces bilans setransformeront favorablement à RSigd, plus augmentera la probabilitéque les transformations temporelles de la stratification éducative soientconcordantes entre l’axe « distributif » et l’axe « relatif ». Il existerait unseuil critique au-delà duquel la cristallisation de choix éducatifs pluspositifs engendrerait une élévation des flux scolaires suivie non seule-ment d’une égalisation de la répartition sociétale de l’éducation maisaussi d’un rapprochement entre les groupes du point de vue des oppor-tunités éducatives relatives.

Au sein de nos systèmes artificiels, cette différence de degré expliqueles comportements diachroniques différents pour la France et pourl’Italie. Comme le montrerait une analyse graphique (non reportée ici)des valeurs d’initialisation de ces deux paramètres, qu’il s’agisse des« évaluations subjectives » que les agents ont attribué au fil des cohortesaux différents diplômes (la rentabilité subjective, RSiGD) ou bien descoûts qu’ils y associaient (CiGD), les transformations ont été bien plus

importantes au sein du système multi-agents français qu’italien. Lahausse des évaluations subjectives a été d’une extension majeure ; lescoûts ont baissé de manière plus radicale. Surtout, des mouvements deconvergence entre les différents groupes apparaissaient dans l’évolutiondynamique de la structure de ce second paramètre. Dans ces conditions,pour le système multi-agents français, une concomitance d’« égalisationdistributive » et de « fluidification éducative » a émergé ; alors que dans lesystème multi-agents italien, seules des faibles signes d’« égalisationdistributive » sont apparus et on a pu constater une absence complète designes en faveur d’une augmentation de la « fluidité éducative ».

À cet égard, le passage suivant mérite d’être cité : « How is it possible tohave, as Marshall et Swift, claim, a stable mechanism of allocation and atthe same time a less and less unequal distribution of the positions allocated ?I challenge them to present any kind of model of an allocation mechanismcapable of such feat » (Hellevik , p. ). Certes, Hellevik relève unefaiblesse majeure des analyses quantitatives de la stratification éducatives’inspirant de la tradition anglo-saxonne. Mais, dans le feu du débat (cf.Hellevik , ; Kivinen et al. ; Marshall et Swift , ; Ringen , ), l’auteur nous paraît répondre à une bonnequestion de manière trop radicale. À l’issue des analyses reportées dansce paragraphe, nous pensons avoir gagné le défi lancé par Hellevik. Nousavons en effet montré qu’une combinaison unique de mécanismesgénérateurs peut engendrer des combinaisons variables de stabilité et dechangement selon le pays et, surtout, au sein d’un même pays, hétéro-gènes selon l’aspect (« absolu » ou « relatif ») que l’on considère de lastratification éducative. Qui plus est, la simulation diachronique du« modèle du choix éducatif interdépendant » apporte une réponse théo-rique à cette discordance possible qui pourrait paraître, au premierabord, fort énigmatique.

Conclusions

Pour certains aspects, cet article constitue une application de ce qu’ona parfois qualifié de « sociologie théorique générale », un programme derecherche qui viserait à montrer « how novel social structure emerge, howgiven social structure are maintained, how social structures vary withvarying cultural or other parameters, and how social structures are trans-formed over time, either gradually or more abruptly » (Fararo ,p. ). Nous avons en effet produit la configuration du lien qui existe au

niveau sociétal en France et en Italie entre le groupe social d’originedes individus et leur réussite scolaire ainsi que les changements tempo-rels de ce lien. C’est donc là, nous semble-t-il, un exemple de modéli-sation de l’émergence d’une structure sociale ainsi que de son change-ment.

Selon les principes de la sociologie dite « analytique », cet objectif aété atteint par la construction d’un « generating model » (Boudon b ;Fararo ; cf. aussi plus récemment, Manzo b). Nous avonsélaboré théoriquement un modèle de prise de décision scolaire qui fait decelle-ci le résultat de la combinaison d’un certain nombre de mécanis-mes. Nous avons ensuite essayé de démontrer qu’il était possible dedéduire de ce modèle théorique les structures statistiques à expliquer.C’est l’animation du modèle par simulation qui a rendu possible cette« production exogène de données ». En particulier, les systèmes multi-agents nous ont permis de déclencher le processus contenu dans lesmécanismes générateurs théoriques. Les stratifications éducativesempiriques française et italienne ainsi que leurs transformations tem-porelles ont représenté les « attracteurs » de ce processus.

Or, ce travail étant accompli, nous jugeons nécessaire, en guise deconclusion, de rendre explicite les raisons qui nous ont poussé à soutenir,dans l’introduction, que les systèmes multi-agents constituent un sup-port particulièrement adéquat pour mettre en œuvre des explicationsconstruites en termes de mécanismes générateurs. En raison de la placeque la « sociologie des variables » occupe dans le domaine de recherchequi est le nôtre (à savoir, la sociologie quantitative de la stratification),c’est principalement à la technique statistique qu’il est impératif de seconfronter ().

Un premier point concerne le caractère inobservable d’un méca-nisme. Notre « modèle du choix éducatif interdépendant » n’est niobservable ni mesurable en soi. Certaines de ses composantes pourraientcertainement s’appuyer sur des données empiriques (cela est d’ailleursdéjà le cas pour ce qui est de la « rentabilité objective » des diplômes).Mais, la logique de fonctionnement du modèle dans son ensemble nesemble pas saisissable empiriquement. Il serait donc vain d’espérer ensaisir la configuration par des variables qui reposent sur des donnéesempiriques. Mahoney () donne un caractère général à cette remar-que. Attribuer aux « variables » la vertu de renvoyer à des mécanismesconstitue donc nécessairement une opération artificielle (). La tech-

() Nous affinons ici une réflexion entaméedans Manzo (b).

() Puisqu’un mécanisme n’est pas mesu-

rable tandis qu’une variable est, par définition(en sociologie quantitative), une propriétéopérationnalisée dont les valeurs sont suscep-

nique statistique peut, dans le meilleur des cas, saisir les effets d’unmécanisme. Mais, en l’état actuel de son développement, elle ne peut pasen représenter le fonctionnement.

Un second point essentiel tient à ce que l’idée même de « gene-rativity » suppose de démontrer que les relations empiriques sontproduites par des entités et des activités se trouvant à des niveaux dif-férents de celui auquel ces relations sont observées. De ce point devue, tel qu’il est conçu, notre « modèle du choix éducatif interdépen-dant » est un « dispositif » pour générer des données. En cela, il permetde faire temporairement abstraction des données empiriques pour yrevenir ensuite, armés des données « simulées ». Ce changement deniveau est totalement absent de l’analyse par variables. Dans le cadre decette perspective de recherche, toutes les constructions se réalisent surdes données relevant du même niveau d’analyse. Il n’y a pas de « pro-duction exogène de données », pour ainsi dire (cf. Stinchcombe ()). Aussi sophistiquée soit-elle, l’analyse ne fait que restituersous une autre forme les données de départ. Certes, ces données sontrestituées sous une forme plus condensée, plus synthétique, éventuelle-ment plus informative et parlante. Mais, rien ne permet de rendrecompte de l’engendrement de ces structures, car on ne dispose d’aucunélément qui soit, comme c’est le cas du mécanisme, externe aux donnéesempiriques.

Une troisième difficulté considérable à laquelle on est confronté dèslors que l’on cherche à implémenter le raisonnement par les mécanismesdans le cadre de l’analyse par variables standard tient à la prise en comptedes structures d’interdépendance et d’interaction entre les acteurs.Notre « modèle du choix éducatif interdépendant » repose fortement surces structures. Nous avons en effet tenté de décomposer analytiquementun certain nombre d’influences directes et indirectes entre les choixscolaires des individus. C’est grâce aux systèmes multi-agents que nousavons pu représenter ces formes d’influences. La technique permet eneffet, d’une part, de construire des topologies de liens entre les entités (cequi constitue le support pour les interactions directes), d’autre part, de

tibles de changer dans chaque cas, Mahoneyaffirme que les mécanismes « [...] cannot enterinto a correlational analysis as an empirical stateto be measured across cases for its covariationwith some outcome » (, p. ).

() Voici le passage complet : « ‘‘Causalmodeling’’ in the social sciences, when it is merelya collation of regression equations, is not the samething as ‘‘modelling’’ as it is understood in eco-nomic theory or in statistical mechanics or in

simulation [...]. This is because the levels of unitsof analysis to which the ‘‘control variable’s’’values are supplied are the same as the levels ofanalysis of the original relation to be explained.And this «multiplies entities» at the social level ofanalysis (the level of father-son pairs) ratherthan explaining relations among entities at thelevel by reference to mechanisms at a lower level »(Stinchcombe , p. ).

« stocker » les produits agrégés des actions ayant lieu à l’instant t et deréinsérer successivement ces produits dans le système (ce qui constituele support pour les interactions indirectes).

De points de vue différents, aussi bien Coleman (, p. ) queBoudon (a, p. ; , p. ) ont admis que, s’il est certain queces structures d’interaction directes et indirectes sont essentielles pourexpliquer le passage du « micro » au « macro », il n’en demeure pas moinsque la sociologie a systématiquement échoué à les modéliser. Trèsrécemment, Hedstrom (, p. ) est revenu sur la question ennotant que « this unfortunate state of affairs is due, at least in part, to thelack of appropriate methodology for addressing these types of questions ».L’analyse statistique par variables rentre dans ces méthodologies inap-propriées pour représenter et modéliser directement l’interaction entreles acteurs. Quelle que soit la technique statistique utilisée, en effet, une« variable » ne dérive que de la « sommation » d’informations recueilliesau niveau des individus. Ces derniers sont traités isolement les uns desautres, et la variable ne fait que juxtaposer les informations concernantdes acteurs « solipsistes ». Du point de vue du passage du « micro » au« macro », la statistique multivariée ne peut donc que traiter les formesd’agrégation simple (juxtaposition immédiate des actions individuel-les) : elle est muette en revanche sur les formes d’agrégation complexecentrées sur l’interdépendance directe ou indirecte entre les acteurs(Esser ) ().

Cette difficulté de la « sociologie des variables » est sans doute ali-mentée par la domination de protocoles de collecte des données quiconsistent à relever des attributs individuels en dehors de toute infor-mation sur les multiples contextes d’interdépendance dans lesquels lesacteurs sont enracinés (Hedstrom et Swedberg ; Hedstrom ,p. ). De ce point de vue, des bases de données strictement relation-nelles ne peuvent qu’ouvrir des pistes stimulantes (cf. par ex., Bianco). Nous croyons cependant que ce serait là une solution fort partielleà l’incapacité de la statistique multivariée d’implémenter la démarchepar mécanismes. Celle-ci exige, en effet, que l’interdépendance entre lesacteurs soit représentée directement et, surtout, que l’on étudie ce queson articulation dynamique engendre au fil du temps. Des donnéesrelationnelles ne feraient ainsi que restituer au chercheur un autre typed’explananda, sans livrer les « mécanismes d’agrégation complexe » quiles auraient vraisemblablement engendrées.

() En particulier, Esser affirme: « VS(« variable sociology », n. d. a.) knows only oneform of aggregation ¢ the transformation of

individual responses into distributions of varia-bles and into coefficients for causal effects »(, p. ).

Venons en enfin à un quatrième point. Le « modèle du choix éducatifinterdépendant » présenté dans cet article avait parmi ses objectifs defaire de la stratification sociale des diplômes (et de ses transformations)un phénomène macro social émergent. Si l’on partage une conception du« macro social » selon laquelle il faut être en mesure de pointer la pré-sence d’une ou plusieurs structures d’interdépendance entre les acteurspour pouvoir soutenir que la « structure » est sui generis par rapport aux« actions » de départ, nous sommes en droit a posteriori de qualifier de« macro » les structures de données produites car notre modèle contientdes acteurs en situation d’interactions multiples. Ce sont les systèmesmulti-agents qui nous ont permis de montrer ce que ces interactionspouvaient produire. Or, si, comme nous venons de le dire, l’analyse parvariables ne peut pas tenir compte des structures d’interdépendancedans lesquelles les acteurs sont plongés, elle se trouve alors dansl’impossibilité de rendre compte du passage du « micro » au « macro »(Cherkaoui c, d ; , chap. ). Puisque elle ne connaît que desformes d’« agrégation simple », c’est-à-dire fondées sur la « juxtaposi-tion » immédiate d’attributs individuels, elle ne peut aboutir au « macro »car celui-ci se fonde, par définition, sur la présence de structuresd’interdépendance.

Ce qui a une conséquence additionnelle de taille. Dès lors que l’onn’est pas en mesure d’engendrer les éléments relevant de la « structure »,on ne peut a fortiori rendre compte des effets de retour et de rétroactionque ces derniers peuvent avoir sur des actions successives. En d’autrestermes, l’étude de l’enchevêtrement des niveaux et de leur récursivitédynamiques est globalement impossible dans le cadre de la techniquestatistique standard. La forme complexe d’individualisme méthodolo-gique qui fonde la « sociologie analytique » ¢ et que nous avons pu ani-mer ici grâce aux systèmes multi-agents ¢ reste ainsi en dehors de laportée de la « sociologie des variables ». À cet égard, des techniquesavancées ¢ telles que les techniques d’analyse de données de durée(Blossfeld , ) ou les variantes multiples de l’analyse multi-niveaux (Courgeau , , chap. , ) ou encore les méthodesd’« appariement optimal » (Abbott , ; Abbott, Hrycak ;Abbott et Tsay ) ¢ méritent certainement d’être surveillées deprès. Bien que par des voies différentes, ces méthodes se donnent, eneffet, pour objectif de mieux étudier la connexion entre les niveauxmicro et macro de l’analyse à travers la prise en compte du « temps » etl’introduction de différents niveaux d’agrégation. Elles remettent parailleurs au premier plan la nature dynamique des phénomènes sociauxainsi que la cohérence des séquences d’événements caractérisant la vie

sociale et individuelle. Contrairement à ce que soutiennent leurs pro-moteurs (cf. Abbott a, b) (), on peut néanmoins penser qu’il s’agitlà encore de solutions partielles. Dans la mesure où ces méthodes restenten effet basées sur des données structurellement similaires à celles destechniques plus classiques, elles ne peuvent représenter directement etdynamiquement stricto sensu l’action des mécanismes multiples sous-jacents à l’enchaînement de ces événements et responsables de leurémergence (). De ce point de vue, on peut convenir avec Sorensen(, p. ), selon qui ces techniques avancées « has become just anotherway of doing regression analysis with rich opportunities for controlling foreverything ».

Cet article voudrait en être la preuve. C’est un dialogue systématiqueentre les techniques de simulation, notamment « individus-centrées », etla statistique multivariée classique qu’il faudra plus activement recher-cher dans le futur. Si la « sociologie analytique » nécessite les premièrespour mettre en œuvre ses « modèles générateurs », elle ne peut pas nonplus se passer de la seconde. L’analyse par variables est nécessaire eneffet pour décrire soigneusement ce qu’il faut expliquer ; elle est égale-ment indispensable pour mieux fonder empiriquement au niveau microet mésociologique les modèles de simulations ; elle est enfin extrême-ment utile pour rende possible la confrontation systématique entre les« données simulées » et les régularités empiriques qu’il s’agit d’expli-quer. Ce que nous prônons c’est donc le renforcement d’une interfaceentre théorie sociologique, modélisation mathématique, simulation

() Pour des applications ou des discus-sions critiques de l’approche prônée parAbbott, on pourra consulter, respectivement,Halpin et Chan () et Levine (), San-toro () et Wu ().

() Sur ce point, on peut mobiliser plusprécisément trois arguments. En premier lieu,tel qu’il est implémenté dans ces techniques, letemps s’identifie à la durée d’un « épisode » ou,ce qui est équivalent, à la rapidité de sortied’un état donné. Les trajectoires individuellesont donc un caractère dynamique au sens oùelles sont conçues en tant que suite depermanence/sortie dans une série d’événe-ments enchaînés. En ce sens, la technique nepermet pas de modéliser des mécanismes et,surtout, d’animer concrètement leur action defaçon dynamique. Ici encore, seuls leurs effetspeuvent être, éventuellement, capturés. Onreste, pour ainsi dire, à la surface des choses.En second lieu, la seule forme d’interdépen-dance que l’on peut ici décrire est celle qui

existe entre les états des choses que les indivi-dus expérimentent : le fait de se marier, parexemple, a-t-il un effet sur la probabilitéd’avoir un enfant ? Si c’est le cas, est-ce lemême effet pour les hommes et pour les fem-mes ? Etc. Là encore, nous restons à la surface.Les structures d’interdépendance concrètesentre les individus responsables de l’existencede telle ou telle structuration des événementsne sont pas modélisées. Enfin, même dans lesversions multi-niveau les plus sophistiquées, lemicro et le macro se réduisent à la coprésencede variables individuelles et agrégées. Lecontextuel n’est pas produit par des mécanis-mes spécifiques construits par le chercheur et iln’existe pas de représentations dynamiques desboucles multiples de rétroaction qui s’instau-rent entre l’individu et son contexte parl’intermédiaire des diverses structures d’inter-dépendance qui lient les acteurs les uns auxautres.

informatique et analyse statistique (cf. Backman et Edling ; Halpin, p. et ). Aussi improbable que ce couplage puisse paraîtreen l’état actuel de la sociologie, c’est probablement là l’une des voies àpoursuivre pour renforcer le versant scientifique de notre discipline.

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