Le missel romain : ses origines, son histoire

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LITURGIESérie publiée sous la direction du Révérendissime Dom Cabrol

ABBÉ UE FAKN'BOUGUGH

LE MISSEL ROMAINSes Origines, .^^^3^dfl!;^^

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.r^fÛ^^'oEUXIElVIE

L™s!jcl|PléînerJlY "

PAR JV^vr> \'v^

DoM JuL^R$f^*B'A,0!d;Bénédictin de Farnoorougli

PARIS

LIBRAIRIE BLOUD & O'7, PLACE SAINT-SULPICE, 7

I ET 3, RUE FÉROU, 6, RUE DU CANIVET

I9I2

Reproduction et Traduction intercj^p^é^ v

J^

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NIHIL OBSTAT

-|- Fr. Ferdinandus Cabrol.

Abbas Farnburgensis.

Die 14 Septembrls ipii

IMPRIMATUR

ParisiSy die 20 Ociohrîs ipii.

P. Pages, v. g.

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LE MISSEL ROMAINSes origines, son histoire

(Suite)

TROISIEME PARTIE

Période du Missel plénîer

PRELIMINAIRES

I. Notion du Missel plénier. — Le Misselplénier est le recueil où sont réunies toutes les

prières nécessaires à la célébration de la sainte

Messe, avec l'indication des rites et des cérémo-nies qui accompagnent la récitation de ces prières.

Il renferme le contenu des Sacramentaires (col-

lectes, secrètes, préfaces, postcommunions et

canon de la messe, le contenu des Lectioiinaires

et Evangéliaires (épîtres et évang-iles de l'année),

l'ancien Antiphonaire de la Messe ou recueil des

parties chantées par le chœur (introïts, graduels,

alleluïas ou traits, offertoires, cotnintùnions ; Kyrie,

Gloria in excelsis. Credo, Sanctus et Ag7tus),

enfin les indications données par les Ordines ouCéréinoniaiix et marquant les rites à observerdans l'offrande du saint Sacrifice.

II. Dénomination du recueil. — L'expressionMissel est certainement plus ancienne que le

recueil auquel elle devait être appliquée à partir

du ix^ siècle : on la trouve dansEgbert d'York (i)

(732) sous cette forme Liber Missalis^ elle se lit

(i) Eghert d'York, De Institutione catholica, xvi, i, P. L.,

t. LXXXIX, c. 441.

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LE MISSEL ROMAIN

également dans les Capitulaires de Charle-

magne (i) (789), dans Amalaire (2) au début

du IX® siècle ; mais il est manifeste par le contexte

de ces divers passages que le mot sert à désigner

le Sacramentaire . Ces auteurs entendent simple-

ment indiquer le recueil que Gennade appelait

au V® siècle Sacrainentorum volumen (3), ce qu'au

VI^ siècle, Grégoire de Tours nommait Libellus (4).

Il ne paraît pas qu'on puisse donner un autre sens

aux termes employés par Agnellus (5) : telle est en

eflfet la remarque de Muratori commentant le texte

d'Agnellus, « le recueil appelé Missales ouMissalia, dit-il, se rapproche du Sacramentaire,

avec cette particularité qu'il renfermait des messes

pour les jours ordinaires. » Nous savons quec'était aussi le cas pour la plupart des Sacramen-

taires au VIII® et au IX® siècle. D'ailleurs, en Gaule,

dès le VII® et le Vlir siècle, on trouve l'expression

Missale pour désigner un Sacramentaire ; c'est le

cas du Missale FrancoruiUy du Missale GothicMin^

c'est aussi le cas des missels de Bobbio et deStowe. Cependant entre ces deux derniers docu-

ments et les missels pléniers, il existe un point

de contact nouveau ; les uns et les autres con-

tiennent les lectures de l'épître et de l'évangile en

même temps que les oraisons et les préfaces (6).

L'accroissement donné aux anciens Sacramen-taires amène une modification dans le sens dumot Missel ^t pour marquer cette modification on

(i) Voir P, L., t. XCVII, c. 177.

(2) De ecclesiasticis officiiSy lib. 8, c. 40 ; lib. 4, c, 3o.

P. L., t. CV, c. ii58 et 1219.

(3) P, L., t. LVIII, c. iio3.

(4) De Vitis Patrum, cap. 16. P. L., t. LXXI, c. 1075.

(5) Liber Pontificalis ou Histoire des évêques de Ravenne,écrite vers 840. P. Z.,t.CVI,c.6io,et remarque de l'annotateur.

(6) C'est une remarque du P. Lesley dans ses notes sur le

Missel mozarabe; P. L., t. LXXXV, c. 87.

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LE MISSEL ROMAIN D

ajoute le qn3i\iûc2itifp/émer. On lit dans une lettre

synodale du pape Léon IV (844-855) : « Quechaque église possède un Mïsselplénïer, un Lec-

tio7inaire et un Aniiphonaire (i). » Les motsMissale plenarium impliquent manifestement unrecueil autre que le Sacramentaire. C'est dumoins ce qui résulte des témoignages suivants :

au cours du ix® siècle, dans les comptes rendus devisites pastorales faites par Hincmar de Reims,on relève cette indication : Missale cuin Evait-

geliis et Lectionibus seu Antiphonario volumen (2).

Au x*" siècle, Rathier de Vérone (974) dans unelettre synodale adressée à ses prêtres, reproduità peu près textuellement l'ordonnance du papeLéon IV : Que chaque église, dit-il, possèdeMissel plénier, Lectionnaire et Antiphonaire.L'annotateur qui invoque le témoignage deRéginon de Prûm (892), de Léon d'Ostie (un

des rédacteurs de la chronique du Mont-Cassinau xr siècle), donne l'explication suivante : LeSacramentaire contenait le canon de la messe, les

oraisons et les préfaces ; le Missel plénier y joi-

gnait les évangiles et lesépîtres(3). Quand, aprèscela, nous entendons, au Xl^ siècle, Bernon deReichenau nous assurer que son monastère pos-sède un Missel autrement distribué que celui del'Eglise romaine, nous pouvons croire que le livre

en question n'était pas un pur Sacramentaire (4).

La chronique du Mont-Cassin, écrite à l'époqueoù vivait saint Anselme, constate le même fait

;

elle témoigne même du désir d'en revenir auxrecueils séparés à cause de l'inconvénient de lire

(i) P. L., t. CXV, c. 878.

(2) Guérard : Polyptique de l'abbaye de Salnt-Remi deReims, Paris, i852, p. 78.

(3) P, Z., t. CXXXVI, c. 559.

(4) P. L., t. CXLII, c. 1002.

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6 LE MISSEL ROMAIN

dans le Missel plénier aussi bien les évangiles queles épîtres (i). Comment expliquer ce vœu relatif

aux recueils séparés ? Peut-être est-ce pour le

motif que la pauvreté de certains monastères neleur permettait pas d'avoir un double recueil et

alors, pour les messes conventuelles, le sous-

diacre et le diacre devaient se servir du livre à

l'usag-e du prêtre pour y lire l'épître et l'évan-

gile (2).

On voit, par ces citations, les origines de la

dénomination de Missel plénier ; multiplier ici ces

citations serait anticiper sur l'exposé qu'on trou-

vera dans le chapitre premier de la premièresection. Il fallait dès l'abord avertir le lecteur quela signification de ces mots : Mïssel plénier fut

pendant un certain temps plus ou moins flottante

,

III . Division de la troisième Partie. — Onvient de le voir, les premières origines du Missel

plénier se placent vers le IX® siècle : gardons-

nous de croire pourtant que le recueil apparut

au premier moment avec tous les éléments

énumérés plus haut. Il dut parcourir plusieurs

étapes ; il s'accrut ainsi successivement, devint le

livre liturgique analogue à notre Missel tout auplus vers la fin du XII^ siècle. A côté de lui, pen-

dant cette première époque, on vit encore des

Sacramentaires. A partir du XIIl^ siècle, ceux-ci

disparaissent, et le Missel plénier acquiert uneposition toute prépondérante ; on voit alors

se dessiner le Missel de la curie romaine, et à

côté, les Missels des ordres religieux, ceux des

églises particulières. L'histoire de ces missels

remplit le XIV® et le XV^ siècle. A la fin duXVI® siècle, durant les années qui suivent le saint

concile de Trente (1576), le Missel Romain est

(i) P. L., t. CLXXIII, c. 735.

(2) Zaccaria : Onofnastico7î, au mot Plenarmm, t. II p. 91.

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LE MISSEL ROMAIN 7

mis en harmonie avec le Bréviaire édité par les

soins de saint Pie V : comme le Bréviaire Romain,il fut universellement adopté, et, en dépit del'écart momentané de certaines églises, il est resté

le livre officiel de l'Eglise catholique.

Ainsi dans cette troisième période de l'histoire

du Missel, on peut distinguer dezix époques :

V^ Epoque : Le Missel plénier, sa foriitation et

sa prédoininaiice

.

IP Epoque : Le Missel Romaiji depicis saint

Pie Vj'usqu 'à nosj'ours

.

La première époque comprendra trois cha-pitres :

Chapitre Premier. — La formation du Missel

plénier, où l'on étudiera :

1° Ses précurseurs immédiats et ses débutsau IX^ siècle

;

2° Le Missel plénier improprement dit :

3'^ Le Missel plénier proprement dit.

Chap. IL — L'existence des Sacramentairesparallèlement aux Missels pléniers :

i°Les Sacramentaires aux xr,Xll^ et Xlll^ siècles.

2^ Le contenu de ces Sacramentaires.

Chap. IIL — La prédominance du Missel plé-

nier et son histoire aux XIII^, XIV^ et XV® siècles.

1 " Substitution progressive du Missel plénier

aux Sacramentaires.2*^ Le Missel de la curie romaine.3° Le Missel de quelques églises particulières

et des ordres religieux :

La seconde époque comprendra qtiatj'e cha-

pitres:

Chapitre Premier. — Acheminement vers uneréforme pour l'unification du Missel.

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LE MISSEL ROMAIN

Chap. II. — Le Missel Romain de saint

Pie V(i57o).i*^ Travaux préparatoires et Bulle de promul-

gation.2° Contenu du Missale Piamtin.3° Accueil fait au Missale Piaitîiin et sa prompte

diffusion.

Chap. III. — Le Missel Romain au XVir et

au xviir siècle.

1° Corrections et additions émanant de l'au-

torité légitime.2^ Atteintes portées au Missel Romain dans les

diocèses de France et les autres régions de

l'Europe.i

Chap. IV. — Le Missel Romain au XIX® siècle.

^

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PREMIÈRE ÉPOQUE

Le Missel plénier

Sa formation et sa prédominance

CHAPITRE PREMIER

La formation du Missel plénier

du IX« au XII« siècle.

L'objet de ce chapitre est d'étudier la formationdu Missel plénier en recherchant dans trois

articles : l'aies précurseurs immédiats et les débutsde ce recueil ;

2° ce qu'on peut appeler le Missel

plénier improprement dit;3° enfin ce que fut le

Missel plénier proprement dit.

Article Premier. — Précurseurs immédiats

et débuts du Missel plénier.

I. — Il paraît assez naturel de rattacher les ori-

gines du Missel plénier à la célébration des messesprivées, non pas en ce sens que le recueil désignésous ce nom soit aussi ancien qne la pratique decélébrer en particulier, mais en ce sens que la pra-

tique s'étant généralisée à la longue rendit néces-

saire la formation de recueils moins volumineuxet plus complets sous certains rapports que les

Sacramentaires proprement dits. — Au sentimentdu cardinal Bona (i), la pratique des messes pri-

vées remonte aux premiers siècles du Christia-

nisme : les Pères du v"" siècle, grecs et latins, y

(i) Rerunt liturgicaytun libri duo ; lib. I, c. 14, §1. Voirl'édition Sala, t. I, p. 275. Voir aussi notre premier fascicule,

p. 7-10.

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lO LE MISSEL ROMAIN

font plus d'une fois allusion (i). Il est vrai qu'elle

n'était pas uniformément la même dans toutes les

églises; mais quand elle se fut suffisamment ré-

pandue en Occident, on forma des Libelli Missaedistincts des Sacramentaires. Ces recueils, dit

Ebner (2), contenaient une seule ou quelquesmesses dites quotidiennes ; de cette messe uniqueou de ces quelques messes ils renfermaient tousles éléments (oraisons, lectures, préfaces, canonet même parties chantées). Le Missel de Stowe et

le Missel de Bobbio peuvent être signalés commeexemples. Tels paraissent avoir été les précurseursimmédiats du Missel plénier.

Il ne fut pas difficile de les former ; les Sacra-mentaires du IX® siècle avaient déjà un certain

nombre de messes (les messes quotidiennes, les

messes votives ou diverses, les messes du commundes saints) pourvues soit des parties chantéessoit des lectures, soit des deux à la fois ; il

suffisait de détacher ces messes des messes propresde l'année liturgique pour en former un recueil

moins volumineux et moins long à transcrire.

II. — Un peu plus tard, on en vint à modifier la

composition du recueil pour y introduire plus devariété. Alcuin paraît avoir été le premier à endonner l'idée : nous pouvons nous représenter ceque fut son œuvre par des passages de ses lettres.

Aux moines de Saint-Waast il écrit en 796 : «J'aiextrait de notre Missel (celui de Saint-Martin deTours) quelques messes pour les offices de chaque

(1) Tels sont: Saint Chrysostome, Hoviil. j in epist.ad Ephe-sîos, P. G,, t. LXII, c. 29 ; Homil. ly inepist. ad Hebraeos,P. G., t. LXIII, c. i5i ; Homil. 2 ad populuin Antiochemim,P. G., t. XLIX, c. 39 ;

— Saint Aug-ustin, Epist. ^4 adjamia-rium., P. L., t. XXXIII, c. 200, etc., etc.

(2) Ad. Ebner, Quellen ztnd Foschungen stir Geschichteund Kunstgeschichte des Missale Romanuaï in inittelalter

.

Freiburg-in-B., 1896 ; voir p. 359.

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LE MISSEL ROMAIN I [

jour. » Aux moines de Fulda en 80 1, il dit : « Jevous ai envoyé une Chariula Missalïs pour quevous ayez des prières à adresser à Dieu suivant le

gré de chacun (i). » Si Alcuin se prête ainsi à la

formation de ces Missels abrégés, ce n'est pas qu'il

les jug-e nécessaires pour toutes les contrées :

Eanbald, archevêque d'York, lui avait demandéde compiler pour son église un nouveau Sacra-mentaire ;

« travail considérable et inutile, lui

répond Alcuin, car votre église est abondammentpourvue de recueils où l'accord avec Rome n'est

pas compromis par des formes multiples et desusages locaux (2). » On voit le dessein du promo-teur de l'unité liturgique dans la Gaule et dans la

Germanie : là où des extraits d'anciens Sacra-

mentaires sont jugés suffisants, il se défend d'inter-

venir, ailleurs il se prête volontiers à la confection

de recueils abrégés pour arriver plus sûrement à

son but. A ce double titre, il nous faut donnerici une description de la Chartula Missalïs

,

Le recueil formé par Alcuin n'a point de carac-

tère officiel ; on peut l'appeler un Missel pour la

sentaine, un Sacramentaire privé dans lequel il

n'est pas tenu compte du cycle liturgique. Al'époque où il le compose, Alcuin estime la liturgie

mozarabe dégagée de toute influence adoptia-niste, car il ne craint pas de faire des emprunts à

cette liturgie. La Chartula Missalis peut se divi-

ser en trois parties, savoir : un recueil de messespour la semaine ; les messes communes ou votives

;

les messes dites de Saint-Augustin.A. Le Recueil de messes poitr la semaine com-

prend, pour chaque jour, une double messe sousles titres suivants :

(i) Alcuin, Epist. ^i ad inonachos Vedastinos, P. L., t. C,

c. 2i5 ; Epist. 142 ad fratres Futdeuses, P. L., t. C, c. 385.

(2) Alcuin, Epist. ^5'., P. L., t. C, c. 254. Cf. Gaskoin :

Alcuin, liis tife ajid ttis zuork. p. 229-230.

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Î2 LE MISSEL ROMAIN

Dimanche : i) De SS. Trinitate (c'est une desplus remarquables, l'Eglise catholique l'adopteraquand elle instituera une fête en l'honneur de cemystère)

;— 2) De gratta Spiritus Sancti postu-

landa.

Lundi : i) Pro peccatis ; — Pro peiitione lacry^

inaruin.

Mardi : i) Ad postulanda angelica suffragia ;—2) Pro tentationibus cogitationis

.

Mercredi : i) De Sancta Sapientia ; — 2) Adpostulandam humilitatem.

Jeudi : i) De Caritate ; — 2) Contra teiitaiiones

carnis.

Vendredi : i) De Sancta cruce ; — 2) De tribu-

latione et necessitate.

Samedi : i) De Sancta Maria (remarquable) ;—

-

2) In cominemoratione Sanctae Mariae.N.B.— La consécration du dimanche à la Sainte

Trinité, du mardi aux Saints Anges, du vendredià la Croix, du samedi à la Sainte Vierge, est

restée chère à la piété catholique.

La composition de ces messes n'est pas d'Al-

cuin; il en a emprunté les formules aux diverses

liturgies pour en former une compilation (i).

B , Le Recueil des messes communes ou votives

nous fournit les messes en l'honneur d'un apôtre,

de plusieurs apôtres, d'un martyr (celle ci est

peut-être la messe que l'on chantait en la fête desaint Boniface), la messe d'un apôtre, soit martyr,

(i) Voir Dictionnaire d'Archéologie chrétienne et deLiturgie, t. I, c. 1079, — L'attribution de ces messes à Alcuinse rencontre souvent dans les documents de l'âge suivant. Telssont : \ç. premier Sacramentaire de l'abbaye de Saint- Thierry,fin du IX* siècle, primitivement à l'usage de l'église de Noyon.Bibliothèque de Reims ms. 320-272. Delisle : Anciens Sacra-mentaires, n* xxii, p. 117 ;

— le Sacramentaire d'une église

dzt nord de la France, fin du x° siècle, ms. latin. 1 1689, B. N.Delisle, Ibid., n" xcvii, p. 247.

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LE MISSEL ROMAIN lu

soit confesseur, la messe de plusieurs martyrs, la

messe pour la fête des saints dont on possède les

reliques (ces deux dernières ont sans doutequelque rapport avec le rite de la dédicace), unemesse quotidienne en l'honneur des Saints, desmesses pour les ennemis, pour la confession des

péchés, pour le salut des vivants et pour le repos

des morts.

Nous avons là comme le g'erme de ce quedeviendront le commun des saints et l'ensemble

des messes votives (ou messes en vue d'obtenir

une grâce particulière). Les formules actuellement

employées n'appartiennent pas toutes à la mêmeépoque ;

Alcuin ne parle que des apôtres,

martyrs et confesseurs, encore cette dernière

dénomination semble- t-elle pour lui ne faire

qu'un avec la dénomination d'apôtre et de martyr;il assigne une messe spéciale aux saints patronset à ceux dont on possède des reliques, il songeau sort des ennemis, au précepte de les aimer et

de leur pardonner, comme au souci de faire unebonne confession, il n'oublie pas les âmes du pur-

gatoire et le soin de procurer leur délivrance.

C. Les messes appelées Messes de SaintAugustùi sont des messes de pénitence remar-quables par l'uniformité du caractère, du cadre et

du style ; le cachet en est très ancien, Alcuin, qui

les composa, s'inspira sans nul doute de docu-ments liturgiques en usage au temps où il vivait.

Il convenait de les mentionner ici en passant (i).

— L'œuvre d'Alcuin se termine par des oraisonsnon moins curieuses et rangées sous ce titre : Adhoras ca7îonicas. La première : Dens qui ad prin-

cipiiLfn se dit encore maintenant chaque jour à

(i) Ces messes ont été étudiées par Dom M. Havard dansle volume de Dom Cabrol : les Origines liturgiques, p. 289etsuiv. Voir aussi le Dictionnaire d'Archéologie chrétienneet de Liturgie, 1. 1, c. 449-456.

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14 LE MISSEL ROMAIN

l'heure de prime ; deux autres oraisons sont mani-festement inspirées par la liturgie mozarabe.Chaque messe du recueil d'Alcuin contient une

collecte, une secrète, une post-communion, sou-

vent une préface, parfois l'épître et l'évangile,

une oraison super oblata, ad complendimz, superpopiUîini,

III. — On ne peut guère séparer du nomd'Alcuin, ceux d'Amalaire et d'Agoard, quand onparle du Missel plénier. — Le premier (c'est-à-

dire Amalaire),dans ses Eclogae de ofjîcio mssae,décrit la messe romaine et peut fournir une sorte

de directoire dans l'ordre à suivre pour la célébra-

tion : il copie tout le canon et remarque que les

diptyques sont encore lus de son temps. Le Deofficiis ecclesiasticis du même auteur peut servir à

dater les divers rites et les formules de la messeromaine ;

unité de collecte, évangile, collecte des

offrandes, préface, secrète sur les oblations,

hènèàicùon superpopuhi7fp en carême ; les pièces

qu'il mentionne ; introïts, épîtres, évangiles,

prières du canon, etc., sont sensiblement les

mêmes que celles du Missel actuel. — Agobardcite fréquemment Amalaire quand il parle ducanon de la messe ; il a dans ses divers ouvrages

quelques formules empruntées au Missel, par

exemple, une secrète que le Sacramentaire grégo-

rien donne pour la fête de saint Sébastien et qui

paraît avoir été fréquemment employée à Lyon.Mais cet auteur s'est illustré surtout par sa correc-

tion de l'Antiphonaire dont nous parlerons

ailleurs (i).

IV. — Un intérêt plus grand encore se rattache

(i) Sur Amalaire et Agobard, voir le Dictionnaire

d Archéologie chrétienne et de Litzirgie, t. I, c. ï323et 971.

Les Eclogae de officio inissae sont dans P. L., t. CV,c. i3i5-i332 ; la correction de l'Antiphonaire se rattache à

l'office divin, non à la messe.

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LE MISSEL ROMAIN ID

à l'œuvre désignée sous le nom de Alesse latine ouMesse de Flaccits Illyricus. Au XV!"" siècle, on a fait

grand bruit autour de cette composition : en 1575

,

le chef des centuriateurs de Magdebourg la publia

à Strasbourg sous ce titre : Missa latina quaeolini ante Romanant circa T.XX Doinini amiiLin

in nsii fuit ; il prétendit qu'elle avait été usitée

dans les Gaules avant l'introduction du canonromain. Mais on s'aperçut bientôt que le texte deses formules était contre les erreurs du protestan-

tisme et en faveur de la doctrine catholique (ainsi

on y préconise la dévotion à la Sainte Vierge, le

culte des saints, la doctrine de la messe du sacrifice

et du sacerdoce, la prière pour les morts, etc.).

Alors se produisit un changement de tactique

chez les protestants, ils tentèrent de détruire le

document. — Des études sérieuses ont permisd'en établir les origines. Dom Cabrol, se basant

sur ces études et sur la considération du documentlui-même, arrive à la conclusion suivante : LaMissa latina de Flaccics Illyricus fut une tentative

faite sous Charlemagne, et de cette tentative est

sorti le Missel romain tel qu'il existe encoreaujourd'hui. C'est de là ou d'une source voisine

que certaines prières ont pris place dans ce Gré-gorien renouvelé et refondu, notamment les

prières pour revêtir les ornements, quelquesprières de l'offertoire et de la fin de la messe.Puis après comparaison faite entre plusieurs

pièces de la Missa latina et les ouvrages litur-

giques d'Alcuin, Dom Cabrol ajoute : il serait

vraisemblable de croire qu'Alcuin fut l'auteur dela messe d'IUyricus. Cependant le manque d'argu-ments positifs l'arrête à cette autre conclusionplus large : La messe d'IUyricus fut composéenon loin d'Alcuin, dans un cercle littéraire imbude ses idées, au courant de ses procédés decomposition, habitué à puiser aux mêmes sources

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l6 LE MISSEL ROMAIN

que lui. Les formules y ont pris un développement

considérable ; on se demande comment un célé-

brant pourrait les réciter à moins qu'on ne suppose

un prélat au trône occupé à les dire pendant

qu'on exécute les chants ;mais ces formules enve-

loppent une messe romaine dont on trouve les

éléments prières de préparation, Gloria in excel-

sis, collecte, épître, graduel, alléluia, même la

séquence, évangile, offertoire, prières de l'encen-

sement et de l'oblation, secrète, préface, Sanctus,

prièresdu canon... Dégagée de ses amplifications,

la Missa latina est le type de celles qu'on trouve

dans le Missel plénier ; elle mérite donc bien d'être

rangée parmi les précurseurs de ce recueil, à côté

de la Chartula Missalis d'Alcuin. Ajoutons qu'une

des formules des prières de préparation figure

dans les missels de nos jours comme prière

d'action de grâces : Oratio Sancti Augustini :

Anteoculos TUOS (l).

V. Les débuts du plénier au ix^ siècle n'ont

rien d'officiel : les recueils désignés sous ce nomconservent un caractère privé, comme du reste le

recueil d'Alcuin ; ils ont seulement les parties plus

fréquemment employées pour la célébration de

chaque jour, comme le commun des saints, les

messes votives ou diverses. Ces messes sont

pourvues, soit des parties chantées, soit des lec-

tures, soit même des deux à la fois. Les messes

(i) P. Z., t. CXXXVIII, c. i324. Sur la Missa latina de

Flaccus Illyricus, voir un article de Dom Cabrol dans la

Revue Bénédictine, de ipoS, t. XXII, p. 1 5 1. Le texte de cette

messe se lit dans P. Z., t. CXXXVIII, c. i3o2, et aussi dans

Bona, Rertim litzirgicarnm libri dziOy t. I, p. 229. — M. Ed.

Bishop n'accepte pas les conclusions de Dom Cabrol; voir

Journal oftheological StttdieSy année 1906, t. VII, p. i23. —Dom Ménard a tiré d'un Ordo Roînamis ùm vi° siècle, le CodexTiliamis, une autre Messe latine : à part quelques apologies

et quelques rites, cette messe ressemble beaucoup à la

Messe d'Illyricus. Voir P. L., t. LXXVIII, c. 245 et 566.

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LE MISSEL ROMAlxNI I7

propres demeurent ce qu'elles étaient dans les

anciens Sacramentaires et ceux-ci prédominentencore.

Article II. — Le Missel plénierimproprement dit.

On éprouve quelque embarras pour faire le

classement des premiers Missels pléniers. Dansl'ouvrage plus d'une fois cité, Ebner l'a tenté avecsuccès ; le mieux est de suivre ici un si bon guide,

tout en résumant la première de ses dissertations.

Deux phases partagent l'époque de transition

entre les Sacramentaires et le Missel plénier

(ix^ et x*^ siècles) : dans la première, celle dumissel plénier improprement dit, on utilise les

manuscrits antérieurs, on fait comme une juxta-

position des différents recueils ; dans la seconde,celle du Missel plénier proprement dit, on fait

une transcription nouvelle des éléments et onplace ces éléments dans l'ordre où les récite le

prêtre à l'autel. Le présent article traite du Misselplénier improprement dit.

On obtint ce recueil par divers procédés d'unecombinaison purement extérieure. Ainsi : i° soit

au commencement, soit à la fin de l'ancien Sacra-mentaire, se trouvent reliés tantôt un Antipho-naire (recueil des chants de la messe), tantôt unlectionnaire (épîtres et évangiles), tantôt les deuxà la fois. Exemples : Dans le manuscrit de la

Bibliothèque de Saint Marc à Venise, XI® siècle,

Cod, lat., III, CXXIV, un Antiphonaire est relié

au commencement d'un Sacramentaire ; à Udine,dans la Bibliothèque de l'Archevêché, le Cod.P. ip du xir siècle, le Sacramentaire est suivi duGraduel (i). Les manuscrits, Cod, F. i2d&San

(i Pour le manuscrit de Venise, voir P^bner, ouvr. citéy

p. 278;pour celui d'Udine, ibid., p. 270. On peut placer dans

la même catégorie les trois manuscrits de Saint-Gall 338,339, 340, sur lesquels voir Delisle : Anciens Sacrament.

LE MISSEL ROMAIN. — Tome II. 2

Page 22: Le missel romain : ses origines, son histoire

l8 LE MISSEL ROMAIN

Pietro à Rome, xr siècle, Cod, loo de la Biblio-

thèque capitulaire à Monza, x^ siècle, ont à la fin,

mais séparés, le premier un évang-éliaire, le

second un lectionnaire (i). Pour le Codex loi dela Bibliothèque capitulaire de Monza, ix'^-x® siècle,

et le Codex //(^^ de la Bibliothèque de l'Université

de Wursbourg-, XII® siècle, TAntiphonaire et le

Lectionnaire à la fois sont reliés au Sacramen-taire (2). 2° D'autres fois, on faisait au Sacramen-taire des additions pour adapter le recueil auxusages liturgiques. C'est le cas du Codex 86(ancien 81) de la Bibliothèque capitulaire deVérone, XI^ siècle, où l'on trouve à la fin le texte

de l'épître et de l'évangile pour diverses messes;

du Codex 2S^y (ancien 684 de Saint- Sauveur) dela Bibliothèque de l'Université de Bologne,XI® siècle, où pour les messes du commun et les

messes diverses on trouve le texte des épîtres et

des évangiles avec les premiers mots des parties

chantées ; du Codex 123 de la Bibliothèque Lau-

rentienne à Florence, XI® siècle, analogue auprécédent sauf les parties chantées (3). 3^ Bientôt

les additions pénétrèrent dans le recueil lui

même, on opéra des additions en marge vis-à-vis

de la messe qu'il s'agissait de compléter ; unepremière ou une seconde main y marquait le com-mencement des parties chantées ou le commence-ment des lectures. Tels sont, par exemple : a) le

3i3 àwfonds Ottoboni 2m Vatican, IX® siècle, avec

n' cv, cix et cviii, p. 263, 27061 269. Sur le n* 339, voir aussi

la Paléographie viusica/e, t. I, p. 5i;puis les Codices 7/ et

88 de Zurich ; Delisle, Ibid., p. 262 et 260.

(i) Pour San Pietro, voir Ebner, ibid., p. i85;pour Monza,

cod. 100, ibid., p. 107 et Delisle, ouvr. cité, n* lxvi, p. 198.

(2) Voir : i. Ebner, Ibid., p. 108 ; 2. Ibid., p. 362, not. 3.

(3) Cod. ^<5'de Vérone^ voir Ebner, ibid., p. 286, et Delisler,

Ibid., n° XXV, p. 128. Codex 2^47 de Bologne, Ebner, Ibid.\

p. i5. Cod. i24àe Florence, Ebner, Ibid.., p. 33,

Page 23: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN I9

additions ultérieures ; ce Sacramentaire, auquelMuratori a beaucoup emprunté pour son édition

du Sacramentaire Gréo^orien, était à l'usag-e del'ég-lise de Paris (i) ; âj \e manuscrit 320-2^2 dela Bibliothèque de Reims, premier Sacramentairede l'abbaye de Saint-Thierry de Reims, primiti-

vement à l'usage de l'église de Noyon, deuxièmemoitié du IX® siècle, les additions marginales sont

du xi° siècle et concernent les parties chantées,

premiers mots des introïts, graduels, etc. (2) ; p) le

Missel de Léofric, document du ix^ siècle (3) ;

les premiers mots des introïts, etc., ont été écrits

par une première main à la marge, ceux desépîtres, évangiles et séquences ont été ajoutés

ultérieurement; ci) le Sacramentaire de l'Eglise

de Lorsh, inaniiscrit ^ç5 &w fondspalatin au Vati-

can X^-Xi® siècle ; on a ajouté la lecture évan-gélique pour quelques messes (4).

On le voit, la transformation de l'ancien Sacra-mentaire fut lente ; elle se borna d'abord à la

juxtaposition des recueils ; elle amena ensuite

quelques additions aux messes du commun, puisdes annotations dans les marpfes du recueil. Gêné-ralement les parties chantées furent annexées les

premières, puis vint l'indication de la lecture

évangélique, enfin l'indication concernantl'épître;

(1) Cod. jij, fonds Ottoboni au Vatican, voir Ebner. Ibld.,

p. 23i ; Delisle, Ibid., n" xxxv, p. 149 ; Ehrensberger, Lihrilihtrgici bibliothecae Vaticanae, p. 398

.

(2) Voir Delisle, Anciens Sacrant., n* xxi, p. 1 16.

(3) Le Missel de Léofric a été édité en ces derniers tempspar F.-E. Warren, The Léofric Missal ; voir l'Introduction,

p. xxxvii-xxxvm.

(4) Voir Delisle, Ibid. y n' xcv, p. 238 ; Ebner ouvr. cite,

p. 247. Ehrensberger, ouvr. cité, p. 401. A cette série onpeut ajouter encore les documents ambrosiens du x*-xï* siècle,

décrits par Delisle : n' lxxii, p. 202 ; i.xxiv, p. 204 ; lxxv-lxxvii,

pp. 2o5-2o6; Lxxi, p. 199, où l'on trouve les épîtres et les

évangiles.

Page 24: Le missel romain : ses origines, son histoire

20 LE MISSEL ROMAIN

cela tient sans doute à ce que le prêtre à l'autel

commença d'abord à réciter les parties chantées

pendant que le chœur en exécutait le chant, puis

dut chanter lui-même l'évangile à défaut du diacre,

tandis qu'il pouvait laisser à un lévite de rang

inférieur la lecture de l'épître (i).

Article III. — Le Missel plénierproprement dit.

La seconde phase de la formation du Missel

plénier comporte une transformation plus intime

et plus profonde de l'ancien Sacramentaire;elle

aussi est progressive. On y remarque deux prin-

cipaux degrés.1° Tout d'abord c'est VtUilisation des anciens

recueils ; les copistes font disparaître des éléments

qui ne servent plus et dans les espaces rendus

libres par les ratures font entrer les indications

placées autrefois en marge. Le Missel de l'abbaye

de Saint-Augustin de Cantorbéry publié d'après

un manuscrit du XI"" siècle (2) donne une idée

assez exacte de ce genre de travail. Cinquante-six

préfaces sur soixante-dix ont été raturées;une

seconde main a rempli les vides en y transcrivant

tantôt les parties chantées en entier ainsi que les

épîtres et évangiles (3) ;tantôt les parties chan-

tées en entier avec le commencement des épîtres

et des évangiles (4) ; d'autres fois, comme pour

(i) De nos jours encore, conformément aux rubriques g-éné-

rales du Missel, un lecteur revêtu du surplis peut chanter

l'Epître, quand on célèbre la messe solennelle sans diacre ni

sous-diacre, mais le célébrant chante lui-même l'Evangile.

Riibricae générales : ritus celebrandi missam, c. vi, n* 8.

Cf. Lebrun, Explication des prières de la Messe, t. I, p. 199.

(2) Par M. Martin Rule, à Cambridge, 1898.

(3) Par exemple les fêtes de saint Etienne, de saint Jean,

p. 12, de l'édition M. Rule.

(4) Aux dimanches de Septuagésime, de Sexagésime, p. 19.

Page 25: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 21

les dimanches après la Pentecôte, sous le titre

offinum et toujours à la place que devait occuperla préface se trouve dans son entier le texte desparties chantées, mais sans l'indication desépîtres

et des évangiles (i). Dans le propre des Saints,

reparaît au milieu du texte des parties chantéesl'indication du commencement des épîtres et desévangiles (2). Un certain nombre de messesdiverses présente absolument la même physiono-mie que celle de nos Missels : telles sont les messesde Sancta Trinïtate, de Sancta Maria, etc. (3).

2° Mais bientôt on transcrivit les éléments del'ancien Sacramentaire et l'on y intercala, en sui-

vant l'ordre de la récitation, les emprunts faits àl'Antiphonaire et auLectionnaire : ce fut alors entoute vérité le Missel plénier proprement dit. Il

nous reste des documents du Xl*^ siècle à l'aide

desquels nous pouvons nous en faire une idée. —1° Le manuscrit latin 818 de la BibliothèqueNationale de Paris, Sacramentaire ou Missel del'église de Troyes (milieu du xr siècle) est, d'après

L. Delisle (4) un excellent exemple de la trans-

formation du Sacramentaire carlovingien. Il porteencore l'ancien titre : Incipit liber Sacrainento-

rnin,.. qualiter inissa roinana cœlebratur, mais il

contient tout ce qui constitue le Missel propre-ment dit ; avec les oraisons et la préface, nous ytrouvons Tépître et l'évangile, l'introït, le graduel,

l'offertoire et la communion : ces derniers mor-ceaux sont accompagnés d'une notation en neu-mes. Le volume est incomplet : on distingue,

fol. 3 : la préface, le canon et les diverses prières

de la messe\foL g : le calendrier ; sur \ç.fol. /J'ia

(i) Voir pp. 5(> et suiv.

(2) Voir p. 71.

(3) Voir pp. i3i, i36.

(4) Delisle : Anciens Sacramentaires, n' cxix, p. 296.

Page 26: Le missel romain : ses origines, son histoire

22 LE MISSEL ROMAIN

date initiale du comput est 1060] fol. 16, les prières

avant la messe. Km/oL 24, commence le Missel

proprement dit, où se trouvent seulement unfragment de la messe de la Purification et de la

messe de la Septuagésime, les messes et offices

depuis le Jeudi Saint jusqu*au mercredi après

Pâques et depuis le mardi de la Pentecôte jusqu'au

samedi suivant, les messes des fêtes des saints

depuis le 13 avril jusqu'au 30 novembre, les messesdu commun des saints et les messes diverses, les

messes depuis le premier dimanche après la Pen-tecôte jusqu'au dimanche avant Noël. — 2^ Unautre document du xr siècle est le Codex 26"]

ç

(ancien Saint-Sauveur 686) de la Bibliothèque del'Université de Bologne : on y trouve à leur place

normale les parties chantées avec notation, les

lectures de l'épître et de l'évangile. Le Missel

commence avec la solennité de Pâques, donne unordo pour la réception d'un catéchumène, un autre

pour la bénédiction de l'eau. Dans l'ordinaire dela messe, les particularités suivantes sont à signa-

ler, car c'est peut-être la première fois qu'on les

rencontre : la Confessio ante altare comprendtrois oraisons Ante conspectum majestatis,,. Deuspropitius csto,.. Aufer a iiobis. Au baisement del'autel il y a l'oraison. Oramus te,.. Quando evan-

gelium osculatur, sacerdos dicit : Pax Chrisii

qtùant nobis per evangelmm suuin tradidit confir-

inet... La bénédiction du diacre se donne avec la

formule : Dontinus sitincorde tuo.., K\!o^^r\.o\x^

se lisent des formules dont les suivantes nous sont

restées : Suscipe sancta Trinitas.,. Offeriinustibi..,

Incensicm ïstud... Dirigatur. Après VAgnus et

avant la communion, le prêtre s'incline et dit :

Doînine sancte Pater. . . da niihihoc corpus. A la fin

de la messe, après que le diacre a dit : lie missaest, le prêtre baise l'autel, prononce des formules

analogues à nos formules d'absolution dans l'office

Page 27: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 23

et enfin l'oraison Placeat. — Le recueil contient

ensuite plusieurs messes votives, les messes ducommun, les messes diverses et se termine partoute une série de bénédictions (i).— 3*^ Quelquesautres particularités sont à signaler dans le Codex

5-fO du Mont-Cassin. Ce sont au i^'^ octobre, la

dédicace de l'église du monastère (1071), l'indi-

cation est de première main ; les fêtes de sainte

Marie Madeleine, de la Conception de Marie

(8 déc.) de saint Thomas évêque et martyr(29déc.) (2).

CHAPITRE II

L'existence des Sacramentairesparallèlement aux Missels pléniers

(X*' AU XIII^ siècle)

En deux articles on étudiera ici les documentsde cette époque et leur contenu.

Article Premier. — Les documents.

I. —- Conformément à ce qui a été dit à proposdu Grégorien d'Adrien, les documents romainset gallicans rentrent dans une même catégorie

; ils

forment la portion la plus considérable et se ren-

contrent à Rome, en Italie, en Gaule, en Allemagneet jusqu'en Grande-Bretagne. Nous les grouponspar siècles et d'après l'ordre des Bibliothèques oùils sont conservés ; il n'est pas toujours facile dedéterminer à quelle église ou à quelle abbaye ils

(i) Ebner : otivr. cité, p. 18. — La Paléogyaphie Tnttsicale

,

t. II, pi. i3, contient \ç. fac-similé A^xxnç: page de ce document.

(2) Ebner : Ibid., p. 104 ; voir aussi Mabillon, Muséumiialiczim, t. I, pars II, n* 219, p. 36

;puis nn fac-sim.ile dans

la Paléographie musicale, t. II, pi. 21. — Impossible de pour-suivre cette énumération des documents. On peut voir encorepour le XI* siècle, le Codex 426 du Mont-Cassin décrit dansEbner, p. loi, etc.

Page 28: Le missel romain : ses origines, son histoire

24- LE MISSEL ROMAIN

ont servi, parfois la destination primitive a été

modifiée (i).

1° Manuscrits des X® et xr siècles : A Rome, la

Bibliothèque Vaticane possède deux Sacramen-taires du XI® siècle (ou fin du X®) ; ils ont été à

l'usage de l'abbaye de Fulda. Ce sont les Codtces

lat, n""^ 3548 et 38o6 (2). — Du fonds Palatin, àla même Bibliothèque, sont : un Sacramentairede l'abbaye bénédictine de Celle au diocèse deMayence, le Cod. lat, 4Ç4, du x^ ou XI® siècle ; deuxde l'abbaye de Lorsh, le Cod, 4^S du X® siècle» et

le Cod. 4pp, x®-xi® siècle (3). — Du fonds de la

Reine, même Bibliothèque, est un fragment deSacramentaire, le Cod. lat. Sây du X® siècle (4).

La Bibliothèque de la Vallicellane possède unSacramentaire de Subiaco, le Cod. B. 24, et unautre du Mont-Cassin, le Cod. C. 32, tous deuxdu XI® siècle (5).

En Italie, la Bibliothèque communale d'Arezzoconserve un document du XI® siècle, le Cod. VI, 3.

— La Bibliothèque de l'Université de Bolognea un Sacramentaire du XI® siècle, mentionné à

tort dans le catalogue comme Missel gallican

du XIV®, c'est le Cod. 1084 (6). Florence possèdeà la Bibliothèque Laurentienne deux documentsdu X® siècle, JËd. 121 et Md. /^^; dans le premier

(i) La détermination se fait soit à l'aide d'indications for-

melles (ce qui est plutôt rare), soit par les noms des Saints

mentionnés au calendrier ou au canon de la messe.

(2) Voir Ebner, otivr. cité, pp. 208 et 212. Ehrensberg-er,

ouv7^. citéy pp. 402 et 404.

(3) Ebner, Ibid., pp. 246, 247, 25o. Ehrensberger, Ibid.y

pp. 405, 401, 407 ; Delisle Anciens Sacramentaires, n° xciii,

p. 240 ; xcn, p. 238.

(4) Ebner, Ibid.y p. 242 ; Ehrensberger, Ibid.

y p. 186;

Delisle, Ibid.^ vC xliii, p. 162.

(5) Ebner, Ibid.y pp. 196 et 202.

(6) Ebner, Ibid.y pp. 4 et 6.

Page 29: Le missel romain : ses origines, son histoire

LC MISSEL ROMAIN 25

est un calendrier dont le texte a été publié parBandini, il y a des usages empruntés à l'Angle-

terre, d'autres à la Suisse ou à la Haute-Italie :

puis à la Bibliothèque nationale de la même ville

se trouve un autre document du X^ siècle, il est

coté B. A. 2 (i). Dans la Bibliothèque capitulaire

d'Ivrée sont deux Sacramentaires du Xl^ siècle, les

Codices iç et 86 (2). La Bibliothèque publique deLucques a un Sacramentaire du X^, le Cod, ï2ySqui fut à l'usage d'un monastère de Germanie (3).

Au Mont-Cassin, le cod. N. N. 33p représente unSacramentaire de l'abbaye au xr siècle ; il fut

écrit sous l'abbé Didier (1058- 1087) (4). — Autrésor de la cathédrale de Monza existe un docu-ment attribué, dit Delisle, au VIII^ siècle, mais plus

exactement estimé comme étant du x"^ ou de la

fin du IX® (5). — La Bibliothèque capitulaire

d'Udine possède un sacramentaire du xr siècle, le

Codex y 6. V, dont les dessins rappellent l'école deFulda (6). C'est l'époque qu'il faut assigner éga-lement au Cod. L (lat.) DIX de la Bibliothèque deSaint-Marc à Venise (7). A la Bibliothèque capi-

tulaire de Verceil est conservé sous la cote 18

1

un sacramentaire écrit à Fulda vers la fin du x^ siè-

cle et cédé par l'abbé Erkanbald en usufruit àHenri, évêque de Wursbourg (995-1018) : le docu-ment, paraît-il, ne fit jamais retour à Fulda commel'avait demandé l'abbé (8). — Terminons cette

(i) Ebner, Ibid.^ pp. 29, 3 1 et 42, et Delisle, ^Ibid., n* xlfk

p. 170 pour le premier.

(2) Ebner, Ibid.y p. 52, et Delisle, Ibid., n° xc, p. 233.

(3) Ebner, Ibid., p. 66.

(4) Ebner, Ibid.^ p. 100.

(5) Ebner, Ibid.y p. io5, et Delisle, Ibid.^ n" i.xiv, p. 198.

(6) Ebner, Ibid., p. 258.

(7) Ibid., p. 272.

(8) Ibid.y p. 282, et Delisle, Anciens Sacramentaires,

n* LXXXIX, p. 232.

Page 30: Le missel romain : ses origines, son histoire

20 LE iMISSEL ROMAIN

première revue des Bibliothèques d'Italie pardeux documents de la Bibliothèque capitulaire deVérone ; le Cod. 8y (autrefois 82) est du x^ siècle,

il fut adapté à l'usag-e de l'église de Vérone maisavait été écrit à Ratisbonne, sous Otton III, pourle saint évêque Wolfang- (972-994) ; le Cod. çj(autrefois ^/), de la fin du X^ siècle ou du commen-cement du XI® contient la liturgie véronaise (i).

En France, il faut signaler à la Bibliothè-

que nationale de Paris : le mamiscrit iat. 8îy

,

du xr siècle ; il paraît avoir appartenu à l'église

de Saint-Géréon de Cologne, dans le calendrier

du début beaucoup de noms dénotent une ori-

gine allemande (2) ; le ^namiscrît Iat. 8ipy écrit

au xr siècle, approprié à l'abbaye de Saint-

Bertin, après avoir appartenu primitivement, et

selon toute vraisemblance, à l'église de Liège (3) ;

le mamiscrit Iat . 821 du xi^ siècle, destiné dès l'ori-

gine à une église du Limousin, il passa en 12 10

à l'abbaye de Saint-Martial de Limoges (4) ; le

inaniiscrit Iat. 22()^, du x^ siècle avec quelquesadditions duxi*, présente desfragmentsd'unSacra-mentaire de l'église de Paris et plusieurs feuillets

provenant d'un ou de deux autres Sacramentairesdont l'un fut à l'usage de l'église du Puy (5) ;

le manuscrit Iat. 22p'/, écrit sur deux colonnes,au commencement du XI® siècle, a dû appartenirprimitivement à une église du nord de la Franceoù saint Samsom était honoré (6) ; le ma^iuscrit

Iat. p42g, copie assez incorrecte du X® siècle, sur

(i) Ebner, Ibid.^ pp. 288 et 292 ; Delisle, Ibid.yn" lxii et lxiii,

pp. 194 et 197.

(2) Delisle, Ibid.y n° xci, p. 235.

(3) Ibid.^ n* xcv, p. 242.

(4) Ibid.y n° cxxii, p. 3oo.

(5) Ibid.y n° liv., p. i83.

(6) Ibid.y n" xcvi, p. 244.

Page 31: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 27

deux colonnes ; il fut anciennement possédé et

employé par le chapitre de Beauvais (i) ; le

manuscrit lat. 04^3, écrit au commencementdu Xl*^ siècle, il peut être attribué à l'abbayed'Epternach placée sous l'invocation de saint

Willibrode (2); le manuscrit lat. loSoi, écrit

au x^ siècle dans la province de Trêves, il a servi

un peu plus tard à l'abbaye de Saint-Symphoriende Metz : selon toute apparence c'est le documentquevirent dans cette abbayeen i7i2,Dom Martèneet Dom Durand (3) ; le manuscrit lat. i2o5i ouSacramentaire de l'abbaye de Corbie, il fut écrit

au X® siècle. On ne sait trop pourquoi une inscrip-

tion le donne comme Missale sancti Eligii ; peut-

être fut-il à l'origine recouvert de plaques d'or-

fèvrerie attribuées à saint Eloi par la tradition (4) ;

le maniLScrit lat. 120S2, copié vers la fin duX* siècle par les soins de Ratold, abbé de Corbie,il semble avoir été primitivement destiné à l'ab-

baye de vSaint-Waast d'Arra^, Ratold l'aura

acquis plus tard pour son monastère (5) ; le

manuscrit lat. ij333 exécuté pour Hugues le

Grand, évèque de Nevers (loi 1-1065), il renfermeà la fois les pièces du Sacramentaire et celles duPontifical (6) ; le manuscrit lat. îSooS, écrit audébut du Xl^ siècle pour une église de la provincede Trêves

; il fut affecté un peuplus tard à l'usage

de l'église de Verdun (7).

M. Léop. Delisle signale, en outre, divers ma-nuscrits des Bibliothèques de France, commesont : le Sacramentaire de l'église d'Angers, à la

(i) Delisle, Ibid.^ n* lu p. 178.

(2) Jbid.y n* c, p. 254.

(3) Jbid.y n* lxxxii^ p. 221.

(4) Idid.y n° LF, p. 175.

(5) Ibid.y vC Lvi, p. 188.

(6) Ibid.y n* cxiv, p. 279,

(7) Ibid.y n* xcvni, p. 2 5o.

Page 32: Le missel romain : ses origines, son histoire

2S LE MISSEi. ROMAIN

Bibliothèque de cette ville, inmtuscrit ç^ duX^-xr siècle ; celui de l'église de Lorsh, du xf àla bibliothèque du château de Chantilly ; le Sacra-mentaire de Saint-Père de Chartres, x^ siècle,

manuscrit ^ de la Bibliothèque de cette ville ; unSacramentaire de l'abbaye de Saint-Guillem-du-Désert, xi® siècle avec additions du XIP, jnanus-crit 18 de la Bibliothèque municipale de Mont-pellier ; un autre de l'abbaye de Winchcombe,X"^ siècle, débris de la Bibliothèque de Fleury-sur-

Loire passé à celle d'Orléans sous le n"^ loS ; le

second Sacramentaire de l'abbaye Saint-Thierry,au diocèse de Reims, xr siècle, n^ 418-^52 de la

bibliothèque de Reims. (Les Bénédictins, dans leur

édition du Sacramentaire de saint Grégoire, le

désignent sous le 'nP 62 de la Bibliothèque deSaint Thierry ; c'est à tort qu'ils le font remonterà l'époque de Charlemagne)

; le Sacramentaireanglo-saxon de l'abbaye de Jumièges, xr siècle,

manuscrit Y, <^de la Bibliothèque de Rouen ; unSacramentaire de Winchester du xi® siècle, dési-

gné par E. Warren sous le nom de Livre rouge cte

Derby (i).

Puis dans les Bibliothèques de l'étranger, tou-

jours d'après Delisle, on rencontre un Sacramen-taire de l'abbaye de Hornbach, du X"" siècle,

conservé à Soleure (Dom M. Gerbert s'est méprissur son âge en le rapportant au ix^ siècle) ; le Sacra-

mentaire d'une église indéterminée, XI^ siècle,

n"" 3^3 de la Bibliothèque de Metz ; le Sacramen-taire de l'église de Roda, XI® siècle, à la Biblio-

thèque de l'Académie royale d'histoire, à Madrid

(i) Delisle, Anciens Sacrainentaires, n* lv, p. 187 f

n° xciv, p. 241 ; n* lui, p. 181 ; n" cxxiii, p. 3o2 ; n* lxxix»

p. 211 ; n" cxvi, p. 285 ; n° lxxxi, p. 220 ; ce document a été

édité par la H. B. S. par M. H. A. Wilson sous le titre TheMissal of Robert ofJtimièges, London, 1896 ; n* cxx, p. 299 ;

pour ce dernier Cf. E. Warren : The Léofric Missal^ p. 271.

Page 33: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROALVIM 20)

(Dom Férotin dit au sujet de ce manuscrit :

« Quoique en tète d'un Missel romain à caractères

wisigothiques, il reproduit un calendrier évidem-ment mozarabe (i). »

2*^ Manuscrits des XII® et Xlll® siècles. — LesvSacramentaires purs se font plus rares pendantces deux siècles. Signalons : A, A Rome, Biblio-

thèque San Pietro :

le Cod. F. i3, un manuscrit du XIII^, peut-être

à l'usage de l'église d'Anagni;

le Cod. F. ij:f, manuscrit du XII®, à l'usage d'une

église de Rome ; SS. Tryphon et Respicius;

le Cod. F. i5y manuscrit du xil®, en usage à

Rome ou dans le voisinage, peut-être à Spolète;

le Cod. F. 16, manuscrit du XIV, il donne l'usage

de vSaint-Pierre de Rome;

le Cod. F. 18 , manuscrit du xir-XIir, aussi à

l'usage de Saint-Pierre de Rome (2).

Bibliothèque de la V^allicellane : le Cod. B . ^3,manuscrit du xir-XliP siècle (3).

Bibliothèque du Vatican : le Codex iS-f, dufonds Otioboni, manuscrit du XIl^, à l'usage d'uneéglise du centre de l'Italie (ce document est

donné comme un pur Sacramentaire, bien qu'on

y trouve les parties chantées de la messe de la

dédicace) ; le Cod, 4^6 du fonds Palatin^ manus-crit du XIi®-XIir, à l'usage du diocèse de Wurs-bourg (même remarque que pour le précédent

;

on y trouve des séquences, quelques épîtres et

quelques évangiles) (4). Nous terminons cette

série des manuscrits de Rome par le Cod. XII, 6,

(i) Delisle, Ibid., 11° lvii, p. 190 ; n. xcix, p. 253 ;n° lxxxiv,

p. 224 ;pour ce dernier, voir D. Férotin, Liber Ordinum ;

Calendriers mozarabes, fragment de Madrid, xi*-xii* siècles.

(2) Ebner, ouvr. cité, pp. 186, 187, 188, 190, 191.

(3) Ibid., p. 198.

(4) Ebner, Ibid., pp. 23o et 249 ; Ehrensberger, ouvr. cité,

p. 4i3 et 411.

Page 34: Le missel romain : ses origines, son histoire

OO LE MISSEL ROMAIN

de la Bibliothèque Barbeinni {no\xM . acq. 1858). Il

est du XV® siècle, c'est-à-dire d'une date bienpostérieure aux précédents, mais Ebner le signale

comme l'un des derniers exemples d'un purSacramentaire ;

il fut à l'usage de la basilique desDouze Apôtres (i).

B. Dans les autres bibliothèques d'Italie, le purSacramentaire est représenté au XII® siècle, à la

Bibliothèque Ambrosienne de Milan par le

Codex H, 2SS, manuscrit du Xli'" siècle, à l'usage

d'une abbaye bénédictine de la Haute Italie ; à la

Bibliothèque capitulaire de Modène, par le

Codex II, 20, manuscrit du xii* siècle ; à la Biblio-

thèque capitulaire de Verceil, par le Codex p2 ; àcelle de Vérone, par le Cod. CX (autrefois io3).

Ces deux derniers documents sont aussi duXII® siècle (2).

C. En France, il faut signaler, toujours d'aprèsDelisle, les deux manuscrits S et 6 à^ la Biblio-

thèque d'Albi, à l'usage de la cathédrale de cette

ville (xii® siècle), le manuscrit 88 de la cathédralede Cologne, appelé Sacramentaire de l'abbé

Grimoldus (xr-XII® siècle) (3).

II. — Sacramentaires antbi^osiens , — i. Aux x®et xf siècles. Dans un rituel noté de la provincede Milan, x® siècle, on trouve les prières ducanon de la messe et un certain nombre de messesvotives : M. Am. Gastoué s'est demandé si nousn'aurions pas là le noyau des Sacramentaires (4).

Les Bénédictins de Solesmes ont édité pour la

première fois le Sacramentaire de Bergame du rit

ambrosien ; comme il manquait dans le manuscrit

(i) Ebner, Ibid., p. 146.

(2) Ebner, ouvr. cité, pp. 84, 97, 284, 293. Pour ce dernier,

voir aussi Delisle, Anciens Sacramentaii^es, n* cxxvi, p. 304,

(3) Delisle, Ibid., n" lxxxvii-lxxxviii, p. 227 ; n* ci, p. 257.

(4) Rassegna Gregorianay année 1903, t. II, p. 137.

Page 35: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 3l

les feuilles de l'ordinaire de la messe et du canon,on y a suppléé par un manuscrit de la métropolede Milan du XI" siècle (i). Au trésor de la cathé-

drale de Milan, se trouve un Sacramentaire purqui paraît venir de l'église de Saint Satyre deMilan, il a été écrit au x^ siècle. M. Delisle donneencore comme ambrosiens, le lîtamcscrit C iSjçp

de la Bibliothèque capitulaire de Monza (x^-xrs.)

et le Codex P. jjî02 de la même Bibliothèque : ce

dernier a en effet une grande ressemblance avecle document ambrosien, Cod. A 2^ bis de la

Bibliothèque ambrosienne à Milan. — 2. Enfin la

Bibliothèque Vaticane possède une partie deSacramentaire ambrosien, le Cod. lat, p^Sô, maisil est de date beaucoup plus récente, XV^ siècle (2).

III. — Peut-être est-ce le moment de citer, aumoins en passant, les débuts d'une série qui vaprendre, après le XIII^ siècle, une grande exten-

sion ; ce sont les Missels conformes à. la pratiquede la cuTie romaine. Ces documents appartiennentmanifestement à la catégorie des missels pléniers :

cependant Ebner appelle un pur Sacramentaire le

Cod. lat. 3S^y de la Bibliothèque Vaticane, cemanuscrit est du XIII^ siècle et fut à l'usage desfrères mineurs de Barcelone (3). Toujours d'après

Ebner, le document du Xiv^ siècle qui est à la

Bibliothèque Vaticane, n° 3S6 dn fonds Ottoboni,

serait encore un vSacramentaire pontifical ; le

calendrier y porte des traces de l'influence desfrères mineurs (4). Les deux manuscrits ont desadditions marginales concernant les parties chan-

{i) Auctariuiit Solesmense^ année 1900.

(2) Ebner, oztvr. cité, pp. 90, 107, 110, 228. Delisle, /(5/V.,

n* Lxxii, p, 2o3 ; n* lxv, p. 198 ; n* i,xviii,p. 198; Ehrensberger,ouvr. cité, jj. 5o5.

(3) Ebner, Ibid., p. 206 ; Ehrensberger, Ibid., p. 414;Zaccaria Bibliotlieca rittcalis, t. I, p. 45.

(4) Ebner, Ibid., p. 284 ; Ehrensberger, Ibid., p. 417.

Page 36: Le missel romain : ses origines, son histoire

32 LE MISSEL ROMAIN

tées, et çà et là quelques lectures. On comprendque telle dut être, même au XIII"^ siècle, la condi-tion d'un bon nombre de documents considérésgénéralement comme de purs Sacramentaires.

Article II. — Le contenu des documents.

L'étude des documents énurnérés dans le pré-cédent article, si incomplète qu'en demeure la

liste, est particulièrement intéressante au qua-druple point de vue dont l'objet remplira les

quatre paragraphes suivants : i. Place assignée aucanon de la ^nesse et 7node de distribution dupropre du te'inps comme du propre des saints ;

2 . Développement donné à l'ordinaire de la messe ;

3. Particularités du propre dtù temps et du propredes saints ; 4. Ornementation des manuscrits

.

§ 1. — PLACE ASSIGNÉE AU CANON DE LA MESSE :

DISTRIBUTION DU PROPRE DU TEMPS

ET DU PROPRE DES SAINTS.

I. — Le canon de la messe est désormais fixé et

ne recevra aucune modification dans son contenusinon pour la limitation des noms mentionnésdans le Comimtnicantes, le A^obis quoque et le

Libéra nos. Mais les recueils sont appelés à rece-

voir plus d'une transformation et le canon, ouplutôt l'ordinaire de la messe, n'a pas trouvéjusqu'au XIII® siècle la place qu'il occupe àprésent d'une façon invariable.

Au ix*" siècle, le système adopté tendait à

placer le canon à la fin du Sacramentaire, à l'y

encadrer dans la dernière des messes quoti-

diennes (i) ; il faut excepter les recueils ambro-siens qui mettaient à peu près régulièrement le

(i) On peut donner comme exemple les manuscrits gélasiens

de RheinaUy Zurich, n° 3o, et de Saint- Gall, n° 348.

Page 37: Le missel romain : ses origines, son histoire

I LE MISSEL ROMAIN 33

canon dans le propre du temps après l'octave dela Pentecôte.

Les manuscrits de Gaule, après l'envoi du Gré-gorien d'Adrien, ont le canon au début durecueil ; il fait suite au titre : Incipit et à unesorte d'introduction qui forme un Oi^do Missaeabrégé. Cette disposition se maintient au X^ et

au Xl*^ siècle dans la plupart des documents del'article précédent. Tels sont, par exemple, les

Codices 35^8 et 3806 de la Bibliothèque Vati-

cane, les «°^ ^g5 et ^çp du fonds Palatin à la

même Bibliothèque, le Codex B. 24 de la Vallicel-

lane, le Cod. VI, 3 de la Bibliothèque publiqued'Arezzo, etc.

Au xi*^ et au xii^ siècle, l'espèce d'introduction

ajoutée au titre devint superflue ; les prières dela messe qui précèdent le canon, ayant pris unplus grand développement, furent insérées dansles manuscrits. Dès lors, pour plus de commo-dité, ces prières et le canon furent placés aumilieu. On les trouve entre le propre du temps et

le propre des saints, dans bon nombre de docu-ments, des Xl*^ et xil^ siècles, qui sont plutôt desMissels pléniers (i). Le Codex îS^., du fonds Otto-

boni, à la Bibliothèque Vaticane est à peu près le

seul des Sacramentaires précédemment cités quioffre cette disposition. D'autres fois, quand le

propre du temps et le propre des saints sont fon-

dus ensemble, le canon est placé immédiatementavant la fête de Pâques ; le plus ancien exemplede ce genre nous est fourni par le Codex ^yyo dela Bibliothè jue du Vatican, un Missel plénier duX^-Xi^ siècle (2). Nous trouvons le canon à cette

même place dans le Cod. P, i3 de San Pietro àKome, du xiii^ siècle, le Cod. F. /^'dela même

(i) Ebner, ouvy. cité, p. 372.

(2) Ebner, Ibid.^ p. 278. Rhrensberger, ouvr. cité, p. 446.

LE MISSEL ROMAIN. — Tomc II. 3

Page 38: Le missel romain : ses origines, son histoire

34 LE MISSEL ROMAIN

Bibliothèque (un document qui par ses additions

est plutôt du xiv^ siècle) : ce sera, sauf le

mélange des deux propres, la place assignée aucanon de la messe dans les missels de l'avenir.

Mais avant d'en venir à ce résultat, il faudra

enregistrer plus d'une variante : ainsi le Cod. F. îode San Pietro à Rome, document du xir siècle, a

les prières préparatoires à la messe, les préfaces

et le canon seulement après la vigile de la Pente-

côte; le Cod, IL 20 de la Bibliothèque capitulaire

de Modène (même époque), a le canon entre le

propre du temps et le propre des saints. A cette

même place, on le trouve dans le dernier des pursSacramentaires, le Cod, XII, 6. {N, a. iSSS), undocument du XV^ siècle à la Bibliothèque Barbe-rini de Rome.

II. — Cette variation dans la place donnée aucanon, à une époque où l'on tend à le mettre aumilieu du recueil, tient à ce que la disposition dupropre du temps et celle du propre des saints nesont pas elles-mêmes définitivement arrêtées. Jus-qu'à la fin du Xlii^ siècle, on trouve dans les recueils

à peu près toutes les combinaisons possibles desdeux parties. Tantôt le propre du temps et le

propre des saints sont fondus ensemble, commedans le cas du Cod. lat., ^yyo de la BibliothèqueVaticane (x^-xr siècle), tantôt on les trouve sépa-

rés, comme dans le Cod. ^pS de la BibliothèqueVaticane, fonds Palatin, etc. ; tantôt les deuxpropres sont mêlés l'un dans l'autre par suite decoupures plus ou moins nombreuses dans la partie

d'hiver. Ainsi les coupures sont moins nombreusesdans le n^ JS^S de la Bibliothèque Vaticane : le

propre du temps va se mêlant au propre des saints i

jusqu'à l'Annonciation (25 mars) ; à cette date, le

propre du temps reprend seul avec le dimanchede la Septuagésime et se poursuit jusqu'au der-

nier dimanche après la Pentecôte sans interrup-

Page 39: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROAIAIiN^ 35

tion, à cette série s'ajoutent cinq dimanches del'Avent. Puis vient le propre des saints, ininter-

rompu lui aussi depuis saint Léon, pape, jusqu'à

saint Thomas, apôtre. Dans le Codex ^çç de la

Bibliothèque Vaticane,y^;^<^^ Palatin, xi^ siècle,

le propre du temps est coupé par le propre dessaints de la façon suivante : a) propre du temps,de la vigile de Noël au sixième dimanche après

l'Epiphanie ; ôj propre des saints depuis saint

Sylvestre (31 décembre) jusqu'à saint Ambroise(27 mars) ; cj propre du temps, de la Septuagé-sime à l'octave de Pâques, puis, après intercala-

tion de la seule fête de saint Léon pape, les

quatre dimanches après l'octave de Pâques;

dj propre des saints depuis saint Tiburce, etc.

(14 avril) jusqu'à sainte Pétronille (31 mai) ; ej le

reste du propre du temps depuis la vigile del'Ascension jusqu'au quatrième dimanche del'Avent \fj enfin le reste du propre des saints.

A quelques nuances près, c'est la division quedonnent le Cod. L (lai.) DIX ào. la Bibliothèquede Saint-Marc à Venise, comme aussi les deuxSacramentaires de l'abbaye Saint-Thierry deReims dont Hugues Méhard s'est servi pour l'édi-

tion du Sacramentaire Grégorien. Les coupuresde ce dernier sont au 15 janvier, saint Marcel;au 14 février, saint Valentin; au 25 mars, Annon-ciation ; au 14 avril, saint Tiburce, etc.

; au 24 mai,saint Urbain; au 1®'' juin, dédicace delà basilique

de Saint Nicomède. Plus communément les cou-pures se font au 25 mars où se place le dimanchede la Septuagésime, au 25 mai ou au i*^''juin oùcommence la série des dimanches après la Pente-côte.

Le plus ordinairement, les recueils commen-cent à la vigile de Noël et se terminent avec les

dimanches de l'Avent. Néanmoins quelques ma-nuscrits inaugurent la pratique de débuter avec le

Page 40: Le missel romain : ses origines, son histoire

ôb LE MISSEL ROMAIN

i^'^ dimanche de l'Avent : tel est le cas, parexemple, du Cod. VI, 3, de la Bibliothèque

publique d'Arezzo, Xl"^ siècle ; des Codices F. i3,

P, 14, F. îS, de la Bibliothèque San Pietro à

Rome, xir et Xlir siècles, etc., du Codex 1S4 de la

Bibliothèque Vaticane,/^?;^^^ Ottoboni, Xlii^ siècle.

§ II. DÉVELOPPEMENT DONNÉ A l'ORDINAIREDE LA MESSE.

Pour étudier l'ordinaire de la messe pendantles xr, Xli^ et XIII" siècles, il est bon de mettre à

part le canon et les deux parties qui l'encadrent.

Sur le canon lui-même, il reste peu d'explications

à donner, car fixé définitivement au IX® siècle, il

subit à peine quelques modifications de détail (i).

Mais l'oblation qui le précède et la communionqui le suit, dans la partie appelée messe des fidèles,

sont encore en voie de formation, et il en faut dire

autant des prières de préparation et d'introduction

dans la messe des catéchumènes : là nous trouvonsdes nuances entre la liturgie romano-gallicane et

la liturgie ambrosienne qui survécut aux tenta-

tives d'unification faites d'abord par Charlemagneet un peu plus tard par Nicolas 11(1058-1061). Cesnuances se perpétueront jusqu'à nos jours dans la

liturgie milanaise, puis dans la liturgie lyonnaise,

un mélange de romain et de gallican plus accentuéque celui de la liturgie romaine, enfin dans la

liturgie de certains ordres religieux, comme les

Chartreux, les Carmes, les Dominicains.— Quantaux Franciscains, par le Missel de la Curieromaine ils travailleront à conserver l'œuvre desaint Grégoire VII (1073- 1085). Parles soins de

(i) Il va sans dire qu'on ne peut donner, dans cet opuscule,

un résumé même succinct des explications mystiques si longue-

ment développées dans les liturgistes du moyen âge. Notonsseulement que leurs œuvres fournissent un précieux témoignageen faveur de l'existence des rites.

Page 41: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMALN 87

ce saint Pontife, la liturgie romaine a remplacé la

liturgie gothique en Espagne (i).

Nous renvoyons au chapitre suivant l'étude desMissels des Religieux. Présentement, il noussuffira de suivre le développement de l'ordinaire

de la messe dans la liturgie romano-gallicane et

dans la liturgie ambrosienne.

I. — Liturgie romano-gallicane

oiù liturgie romaine après Charlemagne,

I. Messe des Catéchumènes. — Prières prépara-toires. — On ne les trouve pas écrites dans les

recueils antérieurs au ix^ siècle, c'est qu'alors le

choix en était laissé aux évêques et aux prêtres.

Au Xl*^ siècle, l'auteur du Micrologue indiquequatre psaumes : r.XXXIlI-LXXXV : Qua^n dilecta ;

BenedixisiiDomine, Inclina; et CXV, Credidi, avecKyrie, Pater noster^ et une oraison pour obtenirle pardon des péchés : c'est là, dit-il, la coutumeromaine. Le Sacramentaire de Trêves, documentdu X*^ siècle, marque les trois premiers psaumessignalés dans le Micrologue et les fait suivre delongues litanies (2). Le Missale mixtum placeaprès l'octave de Pâques les prières de prépara-tion à la Messe (3).

Vêture des ornements sacerdotaux, — Aprèsl'ablution des mains, le célébrant revêt les orne-ments, les mêmes que de nos jours. On les présenteparfois dans un ordre différent : ainsi Y OrdoRomamts I fait revêtir l'aube, le cordon, puisl'amict (4) , ensuite la tunique, la dalmatique (l'étole

(i) D. Guéranger, InstihiHons lituygiques, t. I, p. 187et 449.

(2) Lebrun, Explications des Prières de la Messe, t. I,

p. 35. Delisle, ouvr. cité, n* lxxxii, p. 221.

(3) P. L., t. LXXXV, c. 522.

(4) P. L., t. LXXVIII, c. 940.

Page 42: Le missel romain : ses origines, son histoire

38 LE MISSEL ROMAIN

est passée SOUS silence), la chasuble, le manipule.Du IX® au xr siècle, beaucoup de documents ren-

ferment les formules que le célébrant récite enrevêtant ces ornements : tels par exemple, la

messe d'IUyricus, le Sacramentaire de Trêves,celui de Noyon, etc. Pour le revêtement de la

chasuble, le Sacramentaire de Senlis donne uneformule qui rappelle celle prononcée dans l'ordi-

nation du prêtre : Benedictio Patris et Filii et

Spiriius Sancti descendat ( i )

.

Prières du bas de l'autel. — Un Sacramentairedu XII® siècle, conservé à Rome, le Cod. P. /J'de

San Pïetro, indique : Introïbo, Judïca, Conjîteor.

Le Missel mozarabe a l'antienne Introibo au début,

puis le psaumey?^^?'(f<3;, à l'offertoire seulement (2).

Parfois l'évêque commençait à réciter ces prières

en allant de la sacristie à l'autel. — Il y avait des

variantes dans la formule du Confiteor ; celle quenous récitons actuellement date du XII^ siècle :

Rome alors l'adopta.

Les pj'ières : Aufer a nobis et Orainus te;

rencensement de l'autel aux messes solennelles.

La première formule empruntée au Sacramen-taire léonien, se trouve placée en cet endroit parle Codex C. 32 delà Vallicellane, xr siècle ;

elle yest précédée de l'oraison Aures tuae pietatis . Ladeuxième formule : Oramus te, se lit dans un Pon-tifical de Narbonne du XIII*^ siècle. La Messed'Illyricus donne cette prière au singulier Oro te.

.

.

et la fait réciter par le célébrant au moment où il

s'approche de l'autel pour l'oblation ; ce même

(1) Delisle, ouvr. cité, n° XXXII, p. ii3; — P. Z.,

t. LXXVIII, c. 223. — Ces prières sont indiquées sommaire-ment dans un Sacramentaire du Mont-Cassin xi* siècle. Biblio-

thèque de la Vallicellane, Cod. C. 32, à Rome. Voir E^hnev^ouvr.

cité, p. 202 et 339.

(2) Ebner, ouvr. cité, p. 188. Lebrun, Ibid.y p. iii.Bona,Rerum Liturgie, libri dtcoy t. III, p. 34.

Page 43: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 3()

document place la formule Aitfer a nobts avantintroïbo çX Jîcdica me, et au milieu de beaucoupd'autres invocations place l'oraison Aures tuae

pietatïs (i). La pratique de l'encensement del'autel à rintroït et à l'offertoire des messes solen-

nelles est entrée dans la liturgie de l'église latine

dès le X^ ou le Xl® siècle : cependant d'après unancien Missel de Narbonne, l'encensement del'autel n'avait lieu qu'à l'offertoire ;

les premiersOrdines Romanis^ contentent de dire qu'à l'entrée

du célébrant, des ministres ouvrent la marche enportant des encensoirs fumants (2).

Introït et Gloria in excelsis. Au moment o\x se

faisait cette entrée le chœur chantait XIntroït

(voir Antiphonairé). Au ix*^ siècle seulement,d'après un bon nombre de liturgistes, le célébrant

commença à lire cet introït ; d'autres liturgistes

veulent reculer les débuts de cette pratiquejusqu'au xiv^ siècle (3). Les Ordines Romanigardent le silence à ce sujet : d'après V Ordo Ro-manus III, le Pontife arrivé au trône, se tient

debout tourné vers l'Orient ; l'antienne terminée,

la Schola entonne Kyrie et le chef de la Scholadoit, pendant le chant à.\x Kyrie, regarder le Pon-tife pour savoir de lui s'il veut changer le nombredes invocations

; après quoi le célébrant entonneGloria in excelsis (4) Ainsi donc, le Pontife était

libre de déterminer à son gré le nombre des Kyrieà chanter

;il n'est pas dit qu'il fut lui-même obligé

de réciter ces invocations pendant l'exécution du

(i) Pour la messe d'illyricîis, voir P. L., t. CXXXVIII,c. 1324.

(2) Voir Ordo Romamts /et II, P. L., t. LXXVIII, c. 941et 969.

(3) Selon toute probabilité, la lecture de l'introït par le célé-

brant ne devint obligatoire qu'à partir du xiv* siècle. Bona,ouvy. cité, t. III, p. 5i.

(4) P. L., t. LXXVIII, c. 979.

Page 44: Le missel romain : ses origines, son histoire

40 LE MISSEL ROMAIN

chant. Depuis le pontificat de saint Grégoire le

Grand (590-604), le Gloria in excelsis devait être

dit les dimanches et fêtes par les évêques, maisnon par les simples prêtres ; ceux-ci pouvaient le

dire une fois l'année en la seule fête de Pâques :

au Xl*' siècle, Bernon d'Augias écrivait que cette

concession devait s'étendre tout aussi bien à la

fête de Noël et même qu'on devait permettre auxsimples prêtres de dire le Gloria tous les dimancheset toutes les fêtes des saints (i)

; ce fut le point dedépart de l'usage qui s'est maintenu jusqu'à nosjours. L'auteur du Micrologue ne fait plus dedistinction sous ce rapport entre évêques et

prêtres (2) et les Sacramentaires de cette époquecommencent à mentionner léchant du Gloria pen-dant lequel le célébrant récite une prière (3). Laformule de l'hymne angélique est, dès le IX^ siècle

identique à la nôtre : toutefois la messe d'Illyricus

insère les mots : hymmun diciinus tibi, entreGlorificainits te et Gratias agiinus (â^... Sur desfeuillets écritsauxir siècle, le manuscritlatin loSoide la Bibliothèque Nationale, Sacramentaire deSaint-Symphorien de Metz, porte des indicationspour le chant du Gloria i7i excelsis (5).

Collecte, — Les premiers Ordines Romanidonnent Fax vobis ou Fax vobiscuin, comme for-

mule de salutation aux fidèles ; mais au x^ siècle,

le pape Léon VII (936-939) sanctionna que la for-

mule : Fax vobis serait réservée aux cardinaux et

(i) Libellus de quibusdam ad inissam pertînentîbzisy P. L.,t. CXLII, c. io58.

(2) P. L., t. CLI, c. 976.

(3) Voir par ex. le Codex B. 23 de la Vallicellane, xi'-xii* s.

Ebner, ouvr. cité, p. 337.

(4) P. L., t. CXXXVIII, c. i3i4-i3i5.

(5) Delisle, Anciens Sacramentaires, n* lxxxii, p. 222.

Page 45: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL RO.^L\IN 4I

aux évêques (i), les simples prêtres devrontemployer la salutation : Dominus vobisctLm, Suit

l'invitation à prier : Oreinus, Primitivement, ce

n'était pas la seule adressée aux fidèles pendant le

saint Sacrifice; il y avait de fréquentes invitations

au recueillement prononcées par le diacre, parexemple : Aiires ad Dojitiiiuut ; Silentium fa-cite (2). Le mot Orentus leur a été substitué

presque partout; il se trouve au moins cinq fois

au cours de la messe romaine. Il était suivi d'un

développement exposant l'objet de la prière,

comme cela se pratique à l'office du Vendredisaint. L'auteur du Micrologue constatait auxr siècle que VOrdo RomaniLS comportait uneoraison unique, conformément à la structure duSacramentaire grégorien, néanmoins il signalait

la tendance de quelques-uns à multiplier les orai-

sons jusqu'à fatiguer les oreilles des auditeurs;

les additions se faisaient en nombre impair defaçon à ne pas dépasser le nombre sept (allusion

aux sept demandes du Pater) (3).

Lectures et chants, — L'usage primitif était quetousles assistants, même le prêtre, devaient écouterle lecteur, sous-diacre ou diacre, pendant l'épître

et l'évangile, absolument comme cela se pratiquepour les leçons du bréviaire quand on le récite encommun. Mais, dans le cours de la période quenous étudions (xi^'-XIir siècle), certains célébrants,

n'entendant pas bien la lecture, par suite de la

distance où ils se trouvaient de l'ambon, prirentle parti de lire eux-mêmes le passage de l'apôtre

et de l'évangile; certains ordinaires, comme les

coutumes de Cîteaux, donnent cette pratiquecomme facultative

;au XIII^ siècle, l'ordinaire des

(i) Voir P. L., t. CI, c. 1249, Pax vobis dô»fto, commeSalutatio eplscopalis.

(2) P. L., t. LXXXV, c. 539, note.

(3) P, L., t. CLI, c. 980.

Page 46: Le missel romain : ses origines, son histoire

4-2 LE MISSEL ROMAIN

religieux Dominicains marque que le célébrant

s'étant assis, on lui met sur les genoux une serviette

et un Missel pour qu'il lise ce qui lui plaira (i). Ontrouvera dans l'opuscule Antiphonaire, les détails

concernant les chants interlectionnaires, commeGraduel, Allehna ou Traït. Notons seulement ici

qu'au IX*^ siècle, X^Jubihcs (groupe de notes modu-lées sur la dernière syllabe du mot Allelwid)^

appelé aussi Sequeniïa ou protractio , donna nais-

sance à des compositions nouvelles en prose(ix^ siècle) ou en vers (xir siècle) : ce furent nosséquences ou proses. On fait remonter les pre-

mières à Notker de Saint-Gall (ix^ siècle), le

nombre s'en accrut considérablement dans les

siècles suivants. Chartreux et Cisterciens refu-

sèrent de les admettre dans leurs Missels (2).

Certaines liturgies, comme la gallicane et la moza-rabe, avaient ajouté aux cantiques interlection-

naires le Trisagîon distinct de celui qui se chanteaprès la préface

; l'ordinaire romain n'a jamaisinséré cette pratique. La coutume de chanter le

Credo s'introduisit dans les églises de Gaule auIX^ siècle comme une protestation contre l'erreur

de l'adoptianisme; à Rome, on ne le disait pas

encore au commencement du xi^ siècle (3).

(i) Lebrun, Explication des prières de la Messe, t. I,

p. 200. Pour les autres particularités des lectures, voir Lec~tionnaires et Evangéliaires. Une rubrique imprimée dans le

Missel de 1604, publié par Clément VIII, déclare la lecture del'épître par le prêtre obligatoire. Lebrun, otivr. cité, 1. 1, p. 201.

(2) Les correcteurs du Missel Romain sous le pontificat desaint Pie V, n'en ont laissé subsister que quatre : Victitnae

Paschali, attribuée à Notker; Veni Sancte Spiritus attribuée

à Herraann Contract ou au pieux roi Robert ; Lauda Sion,composée par saint Thomas d'Aquin ; Dies irae, qui est d'un

auteur incertain, peut-être du dominicain Frangipani. On aajouté depuis, pour les sept douleurs de Marie, le Stabat Materdu franciscain Jacopone.

(3) Lebrun, oiivr. cité, t. I, p. 242 etBona, ouvr. cité, t. III,

p. 171.

Page 47: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 48

2. Messe des fidèles. — On y àisiingw^ trois

parties : l'oblation ou offrande, la consécration

ou canon et la communion.A. Oblation. Le silence qui suit l'invitation

OrefitîiS de l'offertoire semble marquer la place

des prières, appelées oj^ationes ,ire7iicae, récitées

pour les diverses classes des fidèles. Pendant le

temps consacré à recevoir les offrandes, le chœurchantait plusieurs versets d'un psaume avec reprise

d'un refrain ; c'est notre antienne de l'offertoire,

on en a retranché la reprise (i). Le prêtre récite

maintenant cette antienne avant de faire l'obla-

tion ; la pratique de cette récitation remonte sans

doute à la même époque que celle de l'introït et

du graduel, et il faut en dire autant de la commu-nion.

L'offrande en Gaule se plaçait avant la messeou du moins avant l'évangile ; de cette pratiqueest né le rite observé aujourd'hui encore danscertaines liturgies et dont il sera question auchapitre suivant. A partir du xi^ siècle, l'offrande

des fidèles, en Gaule comme à Rome, fut renvoyéeaprès l'oblation et avant le lavement des mains (2).

En recevant les offrandes de chacun, le célébrant

récitait une formule : Sziscïpe sancfa Tririitas ;

elle a beaucoup d'analogie avec celle dont onparlera plus loin (3). Cette offrande terminée, onétendait le corporal sur l'autel, et il y avait uneprière accompagnant cet acte : on la trouve dans le

Sacramentaire d'Albi, document du xir siècle (4).

( I ) Rerai d' Auxerre, Exposîtio de celebratione 7nissae et ejussignificatione ; intey opéra Alcuini. P. L., t. CI, c. i25i.

(2) Lebrun, oiivr. cité^ t. I, p. 287.

(3) Ebner, p. 339, a relevé cette formule dans le Cod. C. J2de la Vallicellane.

(4) Delisle, Anciens Sacramentaires, n" lxxxvi-lxxxviii,

p. 227.

Page 48: Le missel romain : ses origines, son histoire

44 LE MISSEL ROMAIN

Dans le rite ambrosien, elle est désignée sous le

nom dH Oratio super sindonem (i).

Pour la préparation du calice, il n'était pasencore conforme à la pratique de Rome qu'à la

messe solennelle le sous-diacre fût admis à verser

l'eau dans le calice;Amalaire assigne cette fonc-

tion au diacre (2) ; Innocent III et VOrdo Roma-nus XIV la. réservQnt au célébrant-lui-même qui

prononce en même temps l'oraison : jDezis quihuinaiiae substantiae (3).

De toutes les prières qui se récitent actuellementà l'oblation de l'hostie et du calice, aucune nefigure dans les anciens Sacra mentaires ; Alcuin et

Amalaire gardent le silence à leur sujet ; la Messed'iUyricus a les deux prières : Offerimus et Venisanctifieator, la première est aussi dans le Missel

mozarabe et le sacramentaire de Trêves ; ontrouve également In spiritn huiniliiatis dans le

Missel mozarabe et quelques missels du iX-X^siècle.

Enfin l'auteur du Micrologue mentionne Venisanctificator, comme une prière de la liturgie

gallicane (4). En somme, d'après Lebrun, c'est

vers la fin du xr siècle que Rome emprunte auMissel mozarabe les quatre prières : Suscipesancte Pater, Offerintus tibi, In spiritu huinilitatis

et Veiii sanctificator(5 )

.

Il a déjà été question de l'encensement à proposde l'introït. Pour l'encensement des oblats à l'of-

fertoire, il se rencontre, au IX® siècle, quelques

(i) Lebrun, ouvr.- cité, t. I, p. 197.

(2) P. L., t. CV, c. ii3o. et dans les Eclogae de officîo

missae^ même volume, c. 1324.

(3) Pour Innocent III, voir P. L., t. CCXVil, c. 833;pour

VOydo Romamts XIV, P. L., t. LXXVIII, c. Z164.

(4) P. Z., t. CLI, c. 984.

(5) Lebrun, ouvr. cité, t. I, p. 296 et seq.;on trouve ces

prières dans le Cod. C. $2 de la Vallicellane. Ebner, p. 339.

Page 49: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 4$

témoignages en apparence contradictoires. Ama-laire, dans le prologue de son traité De officiis

ecclesiasticiSy dit qu'il n'y a point d'encense-

ment (i), d'autre part Rémi d'Auxerre men-tionne l'encensement à l'offertoire (2). Il paraît

bien que ce dernier est dans le vrai, si l'on tient

compte decertaines assertions consignées ailleurs,

par exemple celle de Réginon de Prûm (3).

D'ailleurs, la prière pour la bénédiction de l'en-

cens : Per intercessioiteiit est à cet endroit dansla messe d'Illyricus avec le nom de Gabriel'dM lieu

de J//(f//^/(4). A partir du IX^ siècle, les églises

d'Allemagne et de Gaule ont placé le lavement desmains après la réception des offrandes et aprèsl'encensement ; il paraît même qu'il y a eu deuxablutions, l'une après la réception des offrandes^

l'autre après l'encensement. Il n'y est pas question

du psaume Lavabo ; cependant dans certaines

églises, le célébrant en récitait quelques versets. LeMissel romain en le faisant dire tout entier est plus

conforme aux anciennes liturgies d'Orient (5).

Le rite du lavement des doigts date des tempsapostoliques, la récitation du psaume est signalée

dans la liturgie de saint Chrysostome, elle devintd'un usage général dans l'église latine seulementau xv^ siècle.

La prière : Stiscipe sancta Trinitas est en sub-stance dans les liturgies grecques, puis on la

trouve dans le Missel ambrosien ; de là vient sansdoute qu'un Missel d'Auxerre du XIIl^ siècle l'at-

tribuait à saint Ambroise. Au Xl"" siècle, elle

(1) L. P., t. CV, c. 992.

(2) Rémi d'Auxerre, loc. cit. P. Z., t. C, c. 1252, parmi les

œuvres attribuées à Alcuin.

(3) Z. P., t. CXXXVII, c. 204.

(4) P. Z., t. CXXXVIII, c. i328.

(5) Lebrun, Ibid., I, p. 347.

Page 50: Le missel romain : ses origines, son histoire

46 LE MISSEL ROMAIN

n'était encore écrite ni dans l'ordre romain ni

dans le gallican : l'auteur du Micrologue, à qui

nous devons cette constatation, ajoute que, deson temps, cette prière était récitée en vertu d'une

coutume ecclésiastique (i).

La formule : Orafe/ratres présente tout d'abordbien des variantes. Ainsi la messe d'IUyricus

porte : Oraie pro me peccatorey fratres et sororeSy

ut.,. Et tous répondent : Suscipiat... et oraiiones

tuae ascendant i7t •jneinoriant ante Doininum ipse-

que te exaudiat qui te constituit intercessorem propeccatis nostris (2). L'usage de cette invitation se

répand au xil^ et au XIII® siècle en plusieurs églises

éloignées de Rome : la formule est parfois plus

brève, par exemple : Oratepro mepeccatore ^ dansle Sacramentaire de Trêves ; Orate pro ine^ dansV Ordo Romanus VI et les us de Cîteaux (3). Rémid'Auxerre ajoute le premier comme explication

ut ineuin ac vestrum (4). . . ;les réponses aussi sont

diverses ; ainsi Amalaire indique trois versets dupsaume Exaudiat, savoir : Mittai tibi etc. (5)comme le pratiquent encore les Carmes ; desMissels des xr et xil® siècles n'ont aucune réponse,et c'est ainsi qu'en agissent les Chartreux (6).

La secrète est prononcée par le prêtre, sans

oreinus et à voix basse (d'où lui est venu sonnom). Vers le xr ou XII® siècle, des missels pla-

cèrent ici Oremus, quelquefois avec Domine,exaudi orationem ^neam; la rubrique romaine ajugé qu'il suffisait de l'invitation : Orate fratres,

La secrète est encore appelée : Oratio super

(i) P. Z., t. CLI, c. 984.

(2) P, L., t. CXXXVIII, c. 1329.

(3) P. L., t. LXXVIII, c. 993.

(4) P. L., t. CI, c. 1252.

(5) P. Z., t. CV, c. ii32.

(6) Lebrun, ouvr, cité, t. I, p. 369-374.

Page 51: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 47

oblata, et le per oinnia de la préface lui sert deconclusion. Jusqu'au Xl^ siècle, les préfaces furent

très nombreuses, il y en eut pour chaque messeayant des oraisons spéciales ;

en des termesimprovisés par le célébrant elles exprimaientle caractère du mystère commémoré. Au débutdu Xir siècle, le nombre en fut réduit à neuf (i) :

Noël, Epiphanie, Carême, Pâques, Ascension,Pentecôte, Trinité, Croix et Apôtres; deux autres

ont été ajoutées à ce chiffre, la préface communeque l'on attribue à saint Gélase, et la préface de la

sainte Vierge attribuée à Urbain II (1088- 1099) (2).

Une rubrique consignée dans le Cod. B , 24 de la

Vallicellane, XI® siècle, fait dire une oraison parleprêtre pendant qu'on chante le Sanctus (3) ;

d'autres documents attestent que cette prière

commençait par les mots : Aperi, Domine, os

metini... Cette pratique n'a pas été conservée.

B. Consécration oîo Canon. — Nous passeronsrapidement sur cette partie importante du saint

Sacrifice, car il en a été longuement questiondans la première et la seconde période; les détails

de rubriques que nous aurions pu omettre trou-

veront place dans le Cérémonial ou dans la des-

(i) On a prétendu sans raison suffisante que cette réduction

avait été faite par Pelage 11(579-590) le prédécesseur de saint

Grégoire le Grand ; on alléguait une lettre de ce pape auxévèques d'Allemagne et de Gaule^ cette lettre n'est pas authen-tique. Zaccaria Onomaslicon, p. loi. Voir aussi P. L.,t. LXXVIII, c. 285. ^ox\2.^ouvr. cité, t., III. p. 233.

(2) Le rite ambrosien a conservé un plus grand nombre depréfaces.

(3) Ebner, ouvr. cité, p. 196 et 338. Cette prière fut ajoutéeaprès le ix* siècle, quand le prêtre cessa de chanter le Sanctusavec le chœur, Lebrun, ouvy. cité, t. I. p. 394. On trouve auxXI* et XII* siècles bien des exemples de ce genre ; les deuxformules les plus usitées \ facturus memoriamy et Aperz font

demander, parle prêtre, la pureté, le recueillement nécessairespour l'offrande du sacrifice. Voir encore Cod. 1084^ BologneCod. i2y^ Monte-Cassino, etc. Ebner, p. 396.

Page 52: Le missel romain : ses origines, son histoire

48 LE MISSEL ROMAIN

cription du Missel des religieux. Bornons-nous ici

à quelques réflexions sur le texte. La finale : et

omnibus orthodoxis, etc. du Te igitur, était jugéecomme superflue par l'auteur du Micrologue (i)

;

de fait, le Sacramentaire de Trêves au X^ siècle

ne contient pas ces mots, et le Sacramentairede Worms, de la même époque, les a commeaddition à la marge. Toutefois, dit Lebrun, la

raison donnée par l'auteur du Micrologue ne doit

pas être acceptée (2). Dans le Meinenio des

vivants, l'incidente : pro quibus tibi offerimusvel est signalée au xr siècle par saint Pierre

Damien et par l'auteur du Micrologue (3) ; elle

se trouve dans le Sacramentaire de Senlis dontDelisle croit pouvoir rapporter l'écriture à l'an

880 (4). Cependant, même après le xr siècle, des

manuscrits ne l'ont pas. Le moyen âge ajouta à ce

Mémento des vivants, une mention du prêtre célé-

brant : elle commençait ordinairement ainsi : Mihiquoque... (du xi'^au xv^ siècle). L'ancienne lecture

des diptyques amena en cet endroit des dévelop-pements contre lesquels il fallut réagir pourreprendre la forme romaine primitive : le

Cod, 4y'jo de la Bibliothèque Vaticane fournit unexemple de ces développements. Après les nomsCosmae et Damiani du Communicantes, beaucoupde Sacra mentaires et d'anciens Missels ajoutent le

nom d'autres saints, comme Hilarii, Martini, les

noms d'Hilaire et Martin montrent que les addi-

tions se produisirent dans les recueils gallicans;

(i) P. Z., t. CLI, c. 985.

(2) Lebrun, ouvr. cité^ t. I, p. 4i5; — P. L., t. LXXVIII,c. 275, les personnes explicitement nommées étaient le pape,

révêque, le roi ou l'empereur. — Ebner, ouvr. cité, p. 398.

(3) Même référence que i

.

(4) Delisle, ouvr. cité, n° xxxii, p. 143; — Ebner, ouvr,

cité, pp. 402, 403.

Page 53: Le missel romain : ses origines, son histoire

LK MISSEL ROMAIM 49

on ajouta ensuite deux à deux les noms d'Augus-tin et Grégoire, Jérôme et Benoît, etc. Saint Gré-goire III (731 -741) souhaitait qu'on fit une mentionexpresse du saint ou des saints dont on célébrait

la fête en disant : cuJîls ou qiioritm solemnitas

hodie (i).,,\ la pratique a été observée pendantun certain temps et en certaines églises, maisn'a point prévalu, on peut dire qu'elle finit

avec le moyen âge. Aux XIII^ et XIV^ siècles, oninscrivait encore cette commémoraison dansles Missels où elle manquait (2). De nos joursle début de la prière Continunicantes est mo-difié pour les solennités de Noël, Epiphanie,Jeudi saint, Pâques, Ascension et Pentecôte ; ony met en relief la pensée de la fête ; le début deHanc igitiir varie pour le Jeudi saint, Pâques et

la Pentecôte. Ces additions sont fondées sur le

texte des plus anciens Sacramentaires ; on entrouve déjà dans le Léonien et le Gélasien. A enjuger par le grand nombre de formules : Hancigi-tzcr (38) contenues dans ce dernier, on pourraitcroire que cette variation est due à l'influence

gallicane (le manuscrit Regmensis Jj!& est en effet

d'origine gauloise), mais les variations se retrou-

vent en d'autres régions ; dans le Sacramentairede Brescia (Bibliotheca Qiceriniana IX*^ siècle),

il en existe une considérable due, selon toute

vraisemblance, àl'évêque Paulin d'Aquilée (t8o2).Le Grégorien d'Adrien renferme un nombre beau-coup moindre de Hanc igitur ; il témoigne ainsi

d'une tendance à la simplicité et à la fixité desformules liturgiques (3). La grande élévation

actuelle, aussitôt après les paroles de la consécra-

(1) Lebrun, ouvr. cité, t. I. p. 436. Notes de Dom Ménardsur le Sacramentaire Grégorien, P. Z., t. LXXVIII, c. 276.

(2) Ebner, ouvr. cité, p. 410.

(3) Ebner, ouvr, cité, pp. 410-416.

LE MISSEL ROMAIN. — Tome II. 4

Page 54: Le missel romain : ses origines, son histoire

5o LE MISSEL ROMAIN

tion, fut introduite en Gaule dans la secondemoitié du xi^ siècle, comme une protestation

contre l'erreur de Bérenger ; de Gaule elle s'éten-

dit dans les autres régions de l'Eglise latine;

auXlil^ siècle, elle était d'un usage universel. Telle

est l'origine de l'élévation de l'hostie et du calice :

quelques-uns voulurent qu'on attendît la fin desparoles de la consécration du vin pour faire l'élé-

vation de l'hostie, c'était mal comprendre la force

des paroles de la consécration du pain. Par contre,

Eudes de Sully, évêque de Paris, prescrit l'éléva-

tion de l'hostie après les paroles : Hoc est corpusmeum, et ne parle point de l'élévation du calice :

de fait, les Chartreux ne pratiquent pas cette der-

nière élévation (i). Pour l'anamnèse : Unde quisuit la consécration, quelques manuscrits men-tionnent la Nativité avant la Passion ; ce queblâme l'auteur du Micrologue (2). D'autres, sansdoute par distraction omettent l'Ascension.

Dans certains Sacramentaires du x^ siècle (le

Sacramentaire de Worms par exemple et celui deTrêves où il est écrit seulement en marge) nefigure pas le Me^inento des morts; Florus expliquecette lacune en disant que ce Meinento est contenudans le canon, d'autres disent que cette prière

était écrite dans un livre séparé appelé les

Diptyques (d'où l'expression oratio super dipty-

(i) Manifestement il y eut bien des variantes avant d'en

venir à la pratique actuelle : ainsi au xii* siècle, le prêtre éle-vait l'hostie avant la consécration ;

— voir un Pontifical duMont-Cassin le Cod. 614 de la Bibliotheca Casanatensis àRome, dans Ebner, ouvr . citéy p. 329. Le R. P. Thurston adonné des articles intéressants sur les Origiftes de l'élévation,

dans le Tablet, année 1907, 19 et 26 octobre, 2 novembre. Cesarticles ont été traduits en français et publiés dans la Revuedu Clergé français, année 1908, t. LIV, p. 535, et LV, p. 60.

Voir aussi le Dictionnaire d'Archéologie chrétienne et deLiturgie, au mot Amen, t. I, c. i558.

(2) Cap. 13, P. Z., t. CLI, c. 985.

Page 55: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN Si

chd). Ebner ne pense pas qu'un renvoi auxdiptyques suffise pour expliquer cette absence

;

à ses yeux, elle tient plutôt à ce que cette prière

n'avait point de place fixe dans le canon. Ainsidans le Cod. 3o de Zurich, g-élasien du Vlll^ siècle,

ce Mémento est en double, d'abord après le

Mémento des vivants, puis à sa place actuelle;

dans le Cod. B, A, 2, de Florence, il se trouveaprès Nobis quoqtie peccator'ibus en une forme ori-

ginairement plus brève (celle du X*^ siècle) complé-tée plus tard au Xlir siècle (ij. Plusieurs documentsont avant ce Mémento un souvenir spécial pour le

prêtre, ce qui explique la conjonction etiant (2).

Dans des manuscritsdu xr siècle, ce Mémento pourle prêtre est tantôt avant, tantôt après Supplices ;

quelquefois il précède le Mem,ento des vivants,

comme dans certains manuscrits d'Italie ; d'autres

fois il est après le Mémento des défunts. De plus,

il y eut, dans ce dernier, des additions concernantdivers états

;elles sont ou de première ou de

seconde main, parfois on les a ajoutées pour les

effacer ensuite (3). Au Nobis qîwqiie, on a inscrit

plusieurs noms de martyrs particulièrement hono-rés à Rome ; la liste, du IX^ siècle, dans quelqueséglises de Gaule, en était plus considérable, on ylisait les noms des confesseurs particulièrement

vénérés dans ce pays, comme Martin, Hilaire, etc.

Plus tard sera remise en vigueur la règle de men-tionner ici exclusivement des martyrs (4).

—Contrairement à l'interprétation des liturgistes

(i) Ebner, ouvr. cité, p. 421-423.

(2) Lebrun, oîivr. cité^ t. I, p. 5 12.

(3) Voir le Cod. lat. 4^72 de la Bibliothèque du Vatican, unSacramentaire d'Arezzo au xi* siècle. Ebner, p. 224 ;

— le

Missel de Léo/rie^ édit. Warren, p. 61 ;— le Cod. lat. 4yyo

de la Bib. Vaticane, Ebner, p. 219, etc..

(4) Lebrun, Ibid.^ t. I, p. 522.

Page 56: Le missel romain : ses origines, son histoire

52 LE MISSEL ROiMAIN

du IX^ et du X® siècle, les mots : Per quent hœcomnia, se rapportent aux saintes espèces : c'est

en vain qu'on a voulu les rapporter aux nouveauxfruits ou à l'ag-neau, ou aux autres offrandes quel'on bénissait à ce moment (i).

Antérieurement au xil° siècle, le célébrant se

contentait d'élever les dons sacrés à la fin ducanon, aux mots : Per ipsuin^ et toute l'assemblée

restait inclinée jusqu'à ce moment-là. L'élévation

commençait k Per ïpsîini pour finira Omnis honoret gloj^a; c'est pourquoi nul signe de croix n'est

marqué à ces mots dans les Sacramentaires écrits

avant la fin du ix*^ siècle. Même d'après les docu-

ments du IX^ au xi^ siècle, le prêtre continuait detenir élevés l'hostie et le calice jusqu'après la

réponse: ^;/2^/^ de Per omnia,—Vers le Xlll* siècle,

on fait couvrir le calice avant Per omnia et ces

mots qui autrefois formaient la conclusion duCanon, paraissent se rattacher au Pater. Romeadopta cette pratique au début du XV® siècle,

comme on le voit dans VOrdo Romamis XIV {2).

C. Conimtmion. — Dans les premiers temps, la

seule préparation à la communion fut la récitation

Am Pater. La liturgie mozarabe fit précéder cette

récitation de celle du symbole (3). Dans l'église

grecque et dans les Gaules, avant Charlemagne,le prêtre et les fidèles disaient ensemble le Paterà haute voix ; en Afrique et à Rome, le prêtre

seul récitait la prière et le peuple écoutait (4). Ce

(i) Ibid., p. 526. Nous abandonnons ici le sentiment for-

mulé dans les Notions générales de lihtr^ie, pp. 3o-3i.

(2) Voir les Ordines Romani, P. Z., t. LXXVIII ; Ord.

Rom. I, c. 945 ; Ord. Rotn. II, c. 974 ; Of^d. Rom. III, c. 98 1;

Ord. Rom. XIV, c. 1167.

(3) P. Z., t. LXXXV, c. 556.

(4) EpisL S. Gre^orii Mag-ni, lib. IX, ép. 12, P. L.,

t. LXXVIT, c. 957.

Page 57: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAL^ 53

dernier usage a prévalu, mais le peuple récite la

dernière demande comme récapitulation ; VAmendit par le prêtre ne figure pas dans les anciensSacramentaires, par exemple le Sacramentaire deWorms ; cependant Rémi d'Auxerre assure qu'onl'y trouve communément au IX^ siècle (i). C'est

que la prière Libéra nos fut considérée commeun développement, une explication de la dernière

demande ; on la reliait donc le plus étroitementpossible à cette demande. Pierre de Blois donneau Libéra nos le nom A'Enibolisme, c'est-à-dire,

insertion, intercalation, et cette expression se lit

aussi dans V 07^do Roinanus II (2). Dans un bonnombre des manuscrits signalés à l'article i^'', onpeut voir que les églises particulières nommaientaprès saint André d'autres saints auxquels elles

avaient une spéciale dévotion;l'auteur du Micro-

logue observe que toute latitude était laissée sousce rapport (3). — Le même auteur indique aussi le

mode de fraction de l'hostie sainte et la destination

des parties; la fraction en trois parties se faisait

sur la patène, une partie était mise dans le calice,

une autre devait servir à la communion du prêtre,

la troisième était réservée pour la communiondes infirmes (4). A Rome, à la messe du Pape,cette troisième partie était partagée et distribuéeaux diverses églises de la ville : c'est ce qu'onappelait \ç^ fermentnni (5). La fraction, partoutpratiquée, comportait des rites spéciaux qui

variaient suivant les églises : Dom Gougaud, dans

(i) Z'. L., t. LXXVIII, c. 28.

(2) Zaccaria, Onoynasticon, p. 1 25;pour VOrdo Roinanus II,

voir P. Z., t. LXXVIII, c. 974.

(3) P. Z., t. CLI, c. 994.

(4) Ibid.^ c. 995 et 988.

(5) Lebrun, ouvr. cité, t. I, p. 569. — Voir aussi Notionsgénérales de Liturgie, p. 32.

Page 58: Le missel romain : ses origines, son histoire

54 LE MISSEL ROMAIN

un rapport présenté au Congrès Eucharistique deLondres a signalé sur ce point les particularités

de l'église celtique (i); il y trouve un rapproche-ment avec le mode de fraction de la liturgie moza-rabe oii l'hostie est partagée en neuf parcelles,

sept de ces parcelles sont ensuite disposées sur la

patène de manière à former une croix, les deuxautres sont placées sous le bras droit de la croix,

chacune reçoit une désignation, puis une destina-

tion spéciale (2).— Le moment où le prêtre tenait,

comme de nos jours, la petite parcelle et formait

avec elle le signe de la croix sur le calice était,

au ix^ siècle, le signal d'un baiser de paix que se

donnaient les fidèles, d'où les mots : Pax Dominisit (3). Dans la liturgie gallicane et celles qui s'y

rattachent, comme la mozarabe, avant Pax Do-mini,., l'évêque donnait une Bénédiction ; desformules variant pour chaque mystère comme les

préfaces sont données à cet effet dans les recueils,

on désigne ces formules sous le nom de Béiiédic-

tions épiscopales, parce que les simples prêtres

n'en pouvaient user (4).

La fraction de l'hostie est suivie du mélangedes saintes espèces ; unç^ partie de la sainte hostie

est mise dans le calice ; la formule prononcée àce moment a varié : d'après le Micrologue, le

prêtre dit à voix basse : Piat coimnixiio et coiise-

cratio corpovis etsanguinis D , N.J, C. (5); d'après

( I ) Les rites de la consécration et de la fraction dans la

liturgie celtiqzie : Report of the nineteenth EucharistieCongress. London, 1909, p. 357 ^^ s^^*

(2) P. Z., t. LXXXV, c. 557.

(3) Avant cette époque, le baiser de paix précédait la frac-tion

;voir les Ordines Romani 1, II ei V, P. Z., t. LXXVIII,

c. 945, 975, 988.

(4) Dictionnaire d'Archéologie chrétienize et de Liturgie:Bénédictions épiscopales, t. II, c. 717.

(5) P. Z., t. CLI, c. 989.

Page 59: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 55

un manuscrit du Xi" siècle conservé à la Biblio-thèque capitulaire d'Udîne, Cod. y 6, V, la for-

mule est un peu plus longue : F'ïat nobis et oinîii-

bus sumeiitibus, qiiaesttimcs Domine, couiutixtio et

consecratio corpon's et sangicinis D. N. J. C. remis-

sîo omnium peccaioricm testamentum quoquementis et corporis et ad vitam capessendamaeternam praeparatio saliitaris (i). — Dans le

Cod. IVy 3 de la Bibliothèque publique d'Arezzo le

rite de la fraction est intercalé entre les AgnusDei (2) ; mais d'ordinaire VAgnus Dei suit la

fraction. La triple invocation attribuée au PapeSergius P'' (687-761) fut d'abord chantée par le

clergé et les fidèles, puis, vers le xil*^ siècle, les

prêtres commencèrent à la réciter à l'autel, nonpas toutefois d'une façon uniforme : des docu-ments disent trois fois, d'autres deux fois seule-

ment, d'autres trois fois, mais en intercalant

des rites différents (3). D'après Innocent III, ondisait miserere nobis à chaque fois (4) ; le Missel

ambrosien met ces invocations seulement auxmesses des morts avec : dona eis requiem.

Oraisons avant la Communion. — La premièrese lit dans la Messe d'IUyricus (5) et dansleSacra-mentaire de Trêves ;

elle manque dans l'ordinaire

reproduit par l'auteur du Micrologue (6). Quantaux deux autres, elles ne figurent pas dans les

anciens documents;toutes les prières de la messe

paraissaient une préparation suffisante à la Com-

(i) Ebner, ouvr. cité, pp. 258; Ibid.^ p. 191 et 335, pp. 196et 338.

(2) Ibid., p. 4.

(3) Lebrun, ouvr . cite, t. I, p. 579.

(4) P. L., t. CCXVII, c. 908.

(5) P. L., t. CXXXVIII, c. i332.

(6) P. L., CLI, c. 989. Voir dans Ebner, ouvr, cttéf le

Cod. F, 18 de San Pietro, à Rome, pp. 191 et 335.

Page 60: Le missel romain : ses origines, son histoire

56 LE MISSEL ROMAIN

munion. A partir du ix® siècle, la messe d'Illyricus

donne : Percepiio avant et D. J.-C. Fili Deivnnaprès la Communion

; le Micrologue mentionne la

seconde de ces deux oraisons et dit qu'elle est

récitée en vertu d'une tradition chez les reli-

gieux (i).

Jusque vers l'an 1200, ni les Ordmes Routaiii,

ni les liturgistes n'ont dit qui devait prendre la

parcelle de l'hostie sainte mise dans le calice.

Diverses coutumes l'attribuaient au célébrant;

Durand, au XIIl^ siècle, dit que l'Evêque la donnaitau diacre ou au sous-diacre, ce qui s'observe

encore pour la messe papale. La prière : Quodoreest très ancienne ; elle figure comme postcommu-nion dans le Sacramentaire léonien (2), elle est

passée de là dans le Gélasien et le Grégorien. Lesplus anciens Ordines Romani, Amalaire, la Messed'Illyricus, le Micrologue, marquent cette oraisoncomme devant être dite par le prêtre après la

communion. — La seconde prière : Corp^LS tuumest aussi très ancienne : dans le Missale Gothicumelle figure comme postcommunion, et au pluriel,

parce qu'avant Charlemagne les fidèles commu-niaient ordinairement sous les deux espèces (3).

La messe d'Illyricus la signale en cet endroit,

mais non l'auteur du Micrologue. — Jusqu'àInnocent III, les ablutions ne se pratiquaient pascomme maintenant

; les liturgistes remarquent quele prêtre se lave les mains et qu'on jette l'eau dansla piscine.

L'antienne poitr la Coinimmion est marquéedistinctement dans les Ordines Romani, pour être

chantée soit pendant le temps que dure la Com-

{}) P. L., CLI, c. i333, et Ibîd., c. 989 et 995.

(2) Feltoe, Sacramentarmm leonianum, p. 69 et 193.

(3) Lebrun, ouvr. cité, t. I, p. 620.

Page 61: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN $7

munion des fidèles, soit au gré du Pontife (i).

D'après le Microlog-ue, on y joint le psaume chantéà l'introït à moins que l'antienne ne soit extraite

d'un autre psaume (2). Les potscommunions se

disent en même nombre que les collectes et les

secrètes (3). Au ix^ siècle, tout se termine àIte missa est. — Quant à l'oraison Placeat, elle se

récitait à la sacristie, soit avant de quitter les

habits sacerdotaux, soit après. Le célébrant don-nait alors une bénédiction à ses ministres, récitait

les prières d'actions de grâces (les mêmes qu'au-

jourd'hui, d'après le Micrologue) (4). C'est seule-

ment au Xlir siècle que certains prêtres pardévotion récitent de mémoire le début de l'évan-

gile selon saint Jean en allant de l'autel à la

sacristie. — Un manuscrit du XI^ siècle, le Codex264^ (S. Salvatoris 684) de la Bibliothèque del'Université de Bologne, dit qu'à la fin de la messele prêtre bénit le peuple en disant : BenedictioDei Patris et Filii et Spiritiis sancti desceridat

super vos. C'est sans doute le plus ancien exempleque l'on puisse donner de cette pratique à la fin

de la messe. Un canon du Concile d'Adge(506) (5) porte défense aux fidèles de sortir de la

messe avant la bénédiction du prêtre : cette déci-

sion n'a pas manqué d'embarrasser nos liturgistes

du moyen âge. Walafrid Strabon (6) expliquaitla bénédiction du concile d'Agde (qu'il appelait

Concile d'Orléans) dans le sens de la dernière

(i) Ofdo Romamts II, III, P.L., t. LXXVIII, c. 976 et 982.

(2) P. L.y t. CLI, c. 989, 990.

(3) La potscommunion est appelée Oratio ad complen-dzim : aux fériés de Carême, on la fait suivre d'une autreprière, appelée : Oratio sztpra populum.

(4) Ibid., c. 995.

(5) Sur ce concile, voir D. Leclerq et Héfélé, Histoire desConciles, t. II, p. 999.

(6) De rebzts Bcclesiasticis, c. 22, P. L., t. CXJV, c. 951.

Page 62: Le missel romain : ses origines, son histoire

58 LE MISSEL ROMAIN

oraison de la messe ; Amalaire se contente dementionner la dernière bénédiction qui précèdele renvoi sans dire en quels termes elle était don-née ; Raban Maur paraît être de l'avis de WalafridStrabon. Quoi qu'il en soit, la dernière bénédic-tion telle qu'on la donne maintenant n'est pasmentionnée dans les anciens manuscrits, le do-cument de la Bibliothèque de l'Université deBologne est un des rares où on la trouve.

Pourcette dernière partie de la messe des fidèles,

comme pour le début de la messe des catéchu-

mènes, il y a des renseignements intéressants dansEbner, à l'endroit où il fait le relevé des indications

de rubriques et de formules (i). Malheureusementnous ne pouvons tout citer; aux références signa-

lées dans le cours de ce paragraphe, ajoutons

encore le inamcscrit 1084 de la Bibliothèque del'Université de Bologne, document du xf siècle,

indiqué à tort au catalogue comme Missel gallican

du xiv^ siècle (2) ;deux manuscrits de Florence,

Bibliothèque Riccard, du xi*^ siècle, le Cod, 2^çet le Cod. 3oo etc., etc. (3). — Celui de la Biblio-

thèque Ambrosienne de Milan, le Cod, H.^ 255,du xn^ siècle est d'un intérêt spécial pour le rite

ambrosien (4).

II. Liturgie Ambrosienne,

Nous signalons ici les particularités delà Messemilanaise, d'après le Sacramentaire de Biasca et

celui de Bergame (5).

I . Messe des Catéchumènes. — A la sortie de la

sacristie, on chante Vhtgressa; c'est l'équivalent

(i) Ebner, ouvr. cité, pp. 296-356.

(2) Ibid., pp. 7-9.

(3) Ibid.y pp. 297-302.

(4) Ibid,, pp. 306-307.

(5) C'est en résumé l'exposé de la messe ambrosienne,

telle qu'elle est donnée dans le Dictionnaire d'Archéologie

chrétienne et de Liturgie, t. \, c. 140 1-2420.

Page 63: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN Sç

de l'Introït romain, moins le psaume, le Gloria et

la reprise. L'Evèque salue l'assistance en disant :

DojJiinus vobîscum (ce qu'il répétera après chacunedes trois lectures), puis il dit V Oratio superpopu-lu7n. — Le Cod. H, ^^j de la Bibliothèque Ambro-sienne, à Milan, document du XII® siècle, marquequelques prières dites au bas de l'autel : Introibo,

Indidgeiitiant, puis les oraisons : Aufer a nobïs,

et Oramns te (i). — On chante trois cantiques

d'ouverture : le G/or?a m exce/sis (une importationromaine), le Kyrie, trois fois, et le cantiqueBoiedictus (comme dans le rite gallican). Ce der-

nier cantique est appelé aussi : prophetia ; ce quiexplique la Colleciio post prophetiam, récitée à ce

moment. — Comme dans VOrdo gallican, oncompte trois lectures, savoir : la leçon prophé-tique (de l'Ancien Testament), laleçonapostolique(ou épître) et la leçon évangélique. Jusqu'auxr siècle, la première était remplacée par les

Gesta aux fêtes des saints : cette leçon prophétiquene se rencontre aujourd'hui qu'aux messes duCarême, du Saint Sacrement et aux messes aprèsla Pentecôte. — Divers chants se placent entre ces

lectures; un Psalimllus (ou versets d'un psaume)

après la leçon prophétique, VAlléluia après la

leçon apostolique, une antienne spéciale avantl'évang-ile, mais seulement pour les grandes fêtes,

et, à certains jours, le Betiedicite appelé Bénédic-tion (nous avons l'équivalent au samedi des quatreTemps après la cinquième leçon). — Après l'évan-

gile, ont lieu le Sermon ou tractaitis et le renvoides catéchumènes.

2. Messe desJîdèles. —A. Oblation.Y^eDontinusvobisciwt est suivi d'un triple Kyrie, qui marquela place de la prière litanique ; on apporte en pro-cession les éléments du Sacrifice et le chœur exé-

(i) Voir Ebner, Ibid., p. 3o6.

Page 64: Le missel romain : ses origines, son histoire

60 LE MISSEL ROMAIX

cute Vanttphona post evangelium ; un voile pré-

cieux recouvre l'oblation sur l'autel, c'est le suaire

ou sindon. On chante Vofferenda, le diacre dit :

Pacein habete (i), et le prêtre récite la prière duvoile : oratio sitper sindoîieifiy puis l'équivalent dela secrète romaine ou oratio super oblatam. Cesdeux oraisons, dites à voix basse, semblent faire

double emploi.

B. Consécration ou Canon. — Le Sacramentaîrede Biasca, x® siècle (2), offre sous le titre deMissa canonica, une messe quotidienne qui

contient le canon : elle est placée au milieu durecueil après la semaine de la Pentecôte (au

Sacramentaire de Bergame, xi^ siècle, elle se

trouve entre le 4® et le 5*^ dimanche après la

Pentecôte). La préface y appelle une partie

propre : ces préfaces propres sont nombreusesdans le livre de Bergame, elles ont souvent la

forme de collectes, quelques-unes sont des récits;

il en est qui dénotent une main experte. — Aprèsla préface, au temps de saint Ambroise, on tirait

un voile à l'entrée du sanctuaire ; le canon s'accom-plissait dans le mystère, à l'abri du regard desfidèles. — Milan adopta de bonne heure le texte

du canon romain ;cependant il y a quelques

différences d'expression ; la teneur se rapprochedu Gélasien et du Missel de Stowe (3). Par la

comparaison du canon milanais actuel avec le

De Sacrainentis (4) et avec les offices de la Semaine

(i) Cette formule rappelle que le baiser de paix se donnait

autrefois à ce moment de la messe.

(2) Cod. A. 24 bis, part. inf. de la Bibliothèque ambrosienneà Milan ; voir Ebner, ouvr. cité, p. 73.

(3) On trouvera un tableau comparatif du texte du canon dansles trois documents cités par l'auteur de l'article sur le rite

ambrosien : Dictlomzaire d'Archéologie chrétienne et deLiturgie, t. I, c. 1407-1414.

(4) Sur le De Sacramentis, voir notre premier opuscule,

p. 37-39.

Page 65: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE iMISSEL ROMAIN 6r

sainte, on peut constater qu'il y a eu des rema-niements opérés. La partie centrale de la messeambrosienne était, à l'origine, formée presqueexclusivement du récit de l'institution : on l'appe-

lait : Sac7^ae orationis inysterium, consecratio

divina, benedictio verborunt cœlesiiu77t (i). Lecanon milanais se termine par un développementdu passage de saint Paul, I Cor., xi, 26. Aujour-d'hui on lit les prières suivantes : Te igitur,

Mémento, Communicantes, Hanc igitur, Quantoblationem ; après cette dernière prière, le prêtre

va au coin de l'épitre et se lave les doigts ensilence. La consécration se fait par le récit del'institution. Le reste, comme au canon romain ;

la plupart des variantes de rédaction sont celles

du manuscrit de Biasca.

C. Commiùnion. — La fraction et commixtionde l'hostie se font comme dans le rite romain avecune formule un peu différente : on chante le

6"(9;//>'^^/(9r2>/;/^ (ou antienne de la fraction). Puisvient le Pater, suivi d'unedoxologie fort ancienneet du Libéra nos, La paix est souhaitée dans la

forme suivante : Pax et commttnicatio D. N, J, C.

sit semper vobiscum. if Et cîcm spiritu tuo. Et le

diacre dit : Offerte vobis pacem (2) .— On ne

chante \Agnus Z^^/ qu'aux messes des morts et l'on

passe aussitôt aux trois prières avant la commu-nion (ces prières manquent dans les manuscrits).

La formule de la communion du prêtre était autre-

fois différente de la nôtre, elle est maintenant la

même. En distribuant la communion aux fidèles

le prêtre dit : Corpics Christi, et l'on répond :

(i) Voir P. L., t. XVI, c. 641, 406 et 407.

(2) Les formules que l'on s'adresse en donnant et recevantla paix sont dans le Cod. Il ^55, de la Bibliothèque ambro-sienne, Ebner, ouvr. cité, p. 307.

Page 66: Le missel romain : ses origines, son histoire

02 LE MISSEL ROMAIN

Amen (i). Pendant la communion, le chœurexécute un chant appelé transitorùmi. Vientensuite la postcommunion ; le prêtre dit DominusVobiscuni, trois fois Kyine^ une fois Benedicat et

custodiat nos Deus. Amen, Le congé est donnépar le diacre en ces termes : Procédâmes cumpace. In nomine Christù — On a ajouté Placeat,

la bénédiction et l'évangile de saint Jean, commedans le Missel romain.

N.B. — Pour le propre du temps : au Xîl^ siècle,

Béroldus semble ne rien connaître de la secondemesse de Noël ; la plus ancienne mention des trois

messes de Noël dans l'Ambrosien, où elles existent

maintenant, remonte à 1374. — Les vendredis deCarêmesont aliturgiques; le Jeudi saint, on réserve

la sainte Eucharistie pour communier les maladeset pour représenter l'ensevelissement de Jésus ;

le Vendredi saint il n'y a pas de messe des

présanctijîés. Les Rogations ont lieu la semainequi précède la Pentecôte ; la fête du CorpusChristi est célébrée depuis 1335. Pendant quelquetemps la commémoration des défunts actuellement

au 2 novembre fut placée le lendemain du troisième

dimanche d'octobre (2).

III. — Particularités du propre du tempsET DU PROPRE DES SAINTS.

Il reste peu de détails nouveaux à donner après

ce qui a été dit déjà dans le premier opuscule;

peu nombreuses sont ici les particularités qui nefigurent pas dans le Grégorien d'Adrien.

I. Propre du temps. — Au Xl® siècle, quand

(i) C'est la formule du De Sacramentis, P. L., t. XVI,c. 445.

(2) Ce sont là quelques particularités du Calendrier ambro-sien, dans lequel figurent beaucoup de saints, sauf entre le

i8 février et le 10 avril ; on ne trouve là que la fête de

l'Annonciation. Cuthbert Atchley, The A^nbrosian liturgy.

Page 67: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 6.)

l'auteur du Micrologue écrivait son traité, les

dimanches qui suivent l'Epiphanie avaient tous

le même introït et probablement aussi les mêmesautres parties chantées (i). Le jeûne du Carêmefut étendu au samedi (2) ;

il ne fut plus alors

nécessaire d'en faire remonter le commencementaux dimanches de la Sexagésime ou de la Quin-quagésime, néanmoins l'office de ce dimancheresta ce qu'il était auparavant (3). Au point devue liturgique, le commencement du Carême se

place au Mercredi des Cendres, Voratio superpopîUuni, intimement liée à l'observation dujeûne est récitée pendant les quatre jours qui

précèdent le premier dimanche comme pendanttoutes les fériés du Carême : on croit générale-

ment que cette pratique remonte à saint Gré-goire, néanmoins on pourrait la faire remonterplus haut, si l'on tient compte d'une rubrique duSacramentaire Gélasien (4). La bénédiction et

l'imposition des cendres au jour appelé Captit

jejîcnii se rattachent à la récitation des prières

sur ceux qui étaient assujettis à la pénitencepublique : on trouve cette cérémonie mentionnéedans le concile d'Agde (506). A quelle époquefut- elle étendue à tous les fidèles ? \J Ordo Roina-nus XII permet de placer ce rite au plus tard vers

la fin du Xll® siècle : cet Ordo nous dit comment le

pape lui-même reçoit les cendres bénites par le

plus jeune des cardinaux et comment il les imposeensuite à tout le clergé (5). Les offices des jeudis

(i) P. L., t. CLI, c. 1009.

(2) Concile d'Agde, can. 12. — 4* Concile d'Orléans (541),can. 2. (5o6). Voir Héfélé-Leclercq. Histoire des Conciles,t. II. pp. 986 et ii65.

(3) P. L., t. LXXVIII, c. 3o5.

(4) Edit. Wilson, p. i5.

(5) UOrdo Romanus XII fut rédigé par Cencius sousCélestin III (1191-1198).

Page 68: Le missel romain : ses origines, son histoire

64 LE MISSEL ROMAIN

de Carême (le Jeudi saint excepté) furent institués

seulement au vili^ siècle par le pape saint Gré-goire II {715-731) ;

le Souverain Pontife prescri-

vit alors de jeûner et de célébrer la messe cejour-là comme les autres jours ; les éléments de la

messe durent être pris un peu partout et surtout

dans les dimanches de l'été (i). Aux renseigne-ments donnés ailleurs sur les Quatre-Temps nousajouterons ici quelques remarques : une indica-

tion du Sacramentaire Grégorien nous apprendque l'annonce des Quatre-Temps avait lieu à la

messe (sans doute du dimanche précédent) aprèsles paroles : Pax Doimiii sit seinper. La date deces jours de pénitence pour le commencement dechaque saison fut définitivement fixée à Romepar saint Grégoire VII (1073- 1085) ;

toute la chré-

tienté en adopta successivement la pratique,

l'Espagne seulement au xr siècle ; Milan devaitattendre encore jusqu'au temps de saint CharlesBorromée (xvr siècle) (2). Pour chaque saison, le

lendemain du samedi des Quatre-Temps est

marqué de la rubrique : Dommica vacat, dansbeaucoup de documents, sans doute parce que les

ordre conférés la veille de ce dimanche avaientoccasionné une fatigue considérable et qu'il n'yavait alors ni procession ni homélie. Le Vacat à.w

samedi veille des Rameaux donne à entendre que

(i) Voir \ç. Micrologue, P. L., t. CLI, c. 10 14 ; Duchesne :

Liber Pontificalis, t. I, p. 402.

(2) Voir opuscule : Bréviaire Romain, pp. 14, 58 et 71 ;

D. Morin, Revue Bénédictine, 1897, t. XIV, p. 337. Bernond'Augias, auteur du xi* siècle, dans son traité : De qui-busdatn rébus ad m-issam spectantibtts, a tout un chapitresur les Quatre-Temps, P. Z., t. CXLII, c. 1087. Le débutde l'annonce des Quatre-Temps fait connaître le motif de cejeûne : Anniversariam jejunii furitatem qtia et corporiset animae acquîritur sanctitas nos coinmonet mensis instau-ratadevotio. P. L., t. LXXVIII, c. 118.

Page 69: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROiMAIN 65

la messe donnée ce jour-là par les documents est

postérieure à saint Grégoire.Une partie des offices du Jeudi saint, la consé-

cration des saintes huiles (i), passe des Sacramen-.taires aux Pontificaux, le reste demeure dans les

Missels comme aussi les offices du Vendredi et

du Samedi saint. L'office du Vendredi saint,

au xr siècle et aux siècles suivants est conforme à

la description qu'on trouve dans le De divims

officiîs du pseudo Alcuin : on sait que la messedes Présanctifiés tire son nom d'une particularité

spéciale à ce jour : le célébrant seul communieavec une hostie consacrée la veille. Ce rite très

ancien est plus fréquent dans l'église orientale,

les Grecs l'observaient en Carême, sauf les di-

manches, et la fête de l'Annonciation, c'est-à-dire

tous les jours où l'on observait le jeûne (2). Lesoffices du Samedi saint ont conservé des vestigesde l'administration solennelle du baptême quiavait lieu ce jour-là ; notons seulement que le

nombre des lectures (aujourd'hui de douze) varie

beaucoup dans les anciens documents, il est deSIX dans la publication de Pamélius, de huit danscelle de Dom Ménard, de dix dans le Sacramen-taire Gélasien ; le nombre actuel a été empruntéaux recueils gallicans (3). La même variété arégné pour les oraisons qui suivent ces lectures.

Il n'y a pas ^Introït ^m début de la messe, le Kyrieeleison est la conclusion de la litanie chantée auretour des fonts : certains documents appellentcette litanie, litania septena^ probablement parce

(i) N. B. — La bénédiction et procession du dimanche desRameaux remonte à une haute antiquité ; le De divinis officiis,

attribué à Alcuin, décrit la cérémonie (oraisons et chants y com-pris le Gloria laits). P» Z., t. CI, c. 1 200-1 201 ; voir aussi

P.L., t. LXXVIII, c. 3io.

(2) P. L., t. LXXVIII, c. 324.

(3) Note de Lesley dans P. L., t. LXXXV, c. 446.

LE MISSEL ROMALN. — ïome H. 5

Page 70: Le missel romain : ses origines, son histoire

66 LE MISSEL ROMAIN

qu'on la chantait à sept chœurs (i), les invocations

de saints varient selon les recueils et à ce pointde vue l'étude comparative de ces invocations peutservir à déterminer l'époque et le pays des manus-crits. — Durant toute l'octave de Pâques jusqu'ausamedi, veille de Quasimodo, deux messes étaient

célébrées, dont une matinale était pour les nou-veaux baptisés : telle était la pratique de Milan et

des Gaules, on n'ose pas assurer qu'il en fut ainsi

pour l'Espagne (2). Certains recueils n'ont pas la

série des dimanches après Pâques ; les autres nes'accordent pas sur la manière de compter, ils

donnent quatre, cinq, ou six post claiisum pas-chae : le P. Lesley estime qu'on peut tout conci-

lier et ramener à la supputation actuelle ; les

recueils qui vont jusqu'à six comprennent dansce chiffre le dimanche de Pâques, ceux qui

n'ont que quatre font abstraction de ce dimancheet de celui de Quasiinodo (3). Au xil"" siècle, noustrouvons dans les documents des traces certaines

de Litanies des Rogations à Rome : il faut même enfaire remonter à saint Léon III (795-816) l'impor-

tation dans la capitale du monde chrétien ; elles

avaient été établies au v® siècle dans les Gaules parsaint Mamert, évêque de Vienne. La dénomination de litanies mineures est diversement expli-

quée par les liturg-istes; Beleth dit qu'elle tient à

la moindre importance du personnage qui les

institua, la litanie ntajeure du 25 avril étant attri-

buée à saint Grégoire le Grand (4). Mais il est

bon de remarquer que les litanies des Rog'ationsi

sont appelées aussi litanies inajeztres dans certains

(i) P. L.y t. LXXVIII, c. 88 et 338. Zaccaria. Onomasticonp. 189.

(2) P. L., t. LXXV, c. 5i5.

C3) P. L., Ibîd.y c. 579.

(4) J. Beleth, Rationale. P. L., t. CCII, c.

i

Page 71: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 67

documents ; dès lors, rappellation viendrait auxmajeures de leur plus grande solennité (i).

Le samedi, veille de la Pentecôte, et toute l'oc-

tave de cette fête sont calqués sur les solennités

de Pâques et de son octave (actuellement le samedia six lectures au lieu de douze). Alors se faisait

une nouvelle administration solennelle du bap-tême pour ceux qui n'avaient pu être admis à

Pâques.Certaines églises avaient aussi le baptême solen-

nel au jour de l'Epiphanie, certaines autres auxfêtes des saints martyrs ; le pape saint Léons'opposa à cette extension (2). Comme le di-

manche octave de la Pentecôte se trouvait être le

lendemain des Quatre-Temps, il n'aurait pas dûavoir de messe spéciale. Vers le xi^ siècle, on yplaçala fête delà Sai7ite Trinité déjà établie àLiègeun siècle auparavant. L'innovation rencontral'opposition des Papes Léon IX et Alexandre II

(i* 1073)5 l'auteur du Micrologue a consignéquelques-unes des objections soulevées de sontemps ; « tous les jours de dimanche, dit-il, sont

consacrés à honorer ce mystère, les papes eux-mêmes n'y sont pas favorables, on n'a pas defête spéciale pour honorer l'unité de nature (3) ».

Nous n'avons rien de spécial à ajouter pour les

dimanches après la Pentecôte, le nombre en est

désormais fixé comme il le sera jusqu'à nos jours :

il règne néanmoins un certain écart entre les

divers manuscrits, les uns en donnent jusqu'à 27,

(1) Ainsi les autres Kyrie chantés au cours de l'année n'ont

pas le caractère de cette supplication où chaque invocationest répétée deux fois. Voir Tommasi, Œuvres, t. IV, pp. 106et 1 10 ; les Ordînes Romani XIII et XIV^ dans P» L.,t. LXXVIII, c. iriQ, ri 54; Le Micrologtie, P. L., t. CLI,c. 1018.

(2) P, L, t. LXXVIII, c. 389-390.

(3) P. L, t. CLI, c. 1019.

Page 72: Le missel romain : ses origines, son histoire

68 LE MISSEL ROMAIN

d'autres 26 ou 25, le plus grand nombre s'arrête

à 24. Des documents établissent des subdivisions

dans ce groupe comme on peut le voir dansTommasi (i). La divergence pour le nombre pour-rait bien provenir de celle qui existait pour la

durée de l'Avent, certaines églises comptant cinqet même six dimanches avant Noël.

IL Propre des Samts, — Impossible d'entrer ici

dans le détail des saints ajoutés aux documentsdes églises particulières, il faut nécessairementse borner à ceux qui sont restés dans notre Missel

romain. Suivant la remarque de M. Ed. Bishop,vers le milieu du ix^ siècle, on commença à inter-

caler à leurs dates, dans les recueils des messes,

des saints qui n'avaient pas jusque-là figuré dansle Sanctoral grégorien : ainsi, dans le cours dux®et du XI^ siècle, on voit faire leur entrée, les

Quarante martyrs au 9 mars, sainte Potentienneau 19 mai, sainte Praxède au 21 juillet, Apol-linaire au 21 juillet, etc. (2). Au 13 mai, la dédi-

cace de Sainte-Marie aux Martyrs cesse deparaître dans les documents : une autre dédicacede cette église par Grégoire IV (824-827) sera, il

est vrai, mentionnée au i^^ novembre. CependantDom Quentin fait des réserves à propos de la

notice consacrée à cette dédicace dans les marty-rologes, pour expliquer les origines de la Tous-saint : ces origines, dit-il, demeurent encoreobscures (3), car l'assertion du Martyrologed^Adon aurait besoin d'être contrôlée. Le saint

Nicomède du i^^ juin disparaît pour ne plus

figurer qu'au 15 septembre, anniversaire de sonmartyre. Les fêtes de saint Jean-Baptiste et des

(i) Tommasi, Œtivres, t. V, p. 43 1 ; voir Les Evangé-liaires, p. 80.

(2) Gasquet et Bishop, The Bosworth Psalter, pp. 16,17,21.

(3) D. Quentin : Les Martyrologes ati vtoyen âge, pp. (t^i'jy 640.

Page 73: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 69

saints Pierre et Paul figurent avec une vigile

(23 et 28 juin), la rubrique suppose deux messespour chacune de ces vigiles (i). Des documentsont, au 6 juillet, une octave des saints Apôtres

;

d'autres placent, à cette même date, soit unetranslation de saint Martin, soit l'anniversaire deson ordination et de la dédicace de son église (2).

Les recueils bénédictins ont au 10 juillet la vigile

et au II le Natale de saint Benoît ; on pense quecertaines églises ont transféré à cette date la

fête du saint patriarche des moines d'occident,

l'échéance du 21 mars en Carême ne permettant pasde lui donner toute la solennité désirable (3). Aui^"" août, pendant que certains documents ont deuxmesses, l'une de saint Pierre es liens, l'autre des

Machabées, certains autres mentionnent seule-

ment la seconde (4); au 6 août, fête de saint

Sixte, les Sacramentaires de Rodrade et de Ratoldont une bénédiction des raisins (ou des fèves) (5).

Le 1®^ octobre, dans le Codex de Reims, on voit

saint Rémi avec une vigile ;c'est l'anniversaire

de la Translation du corps de ce saint évêquedont la mort est au 13 janvier. Le i^^ novembrerappelle non plus seulement l'anniversaire de la

mort d'un saint Césaire martyr, mais la fête detous les saints comme on vient de le voir à pro-

pos du 13 mai (6).

Nous terminerons ce bref aperçu par une revuedes fêtes en l'honneur de Marie aux xi^ et xir s.

Depuis longtemps déjà la Purification figurait

au calendrier, au 15, puis au 2 février; il est

(i) P. L., t. LXXVIII, c. 394.

(2) Ibid.y c. 396.

(3) Ibid., c. 397.

(4) Ibid., c. 400.

(5) Ibid,, c. 400.

(6) Ibid., c. 410,

Page 74: Le missel romain : ses origines, son histoire

70 LE MISSEL ROMAIN

curieux de constater que si les anciens docu-ments parlent de cierges à l'occasion de cette

fête, ils gardent le silence sur leur bénédiction;

ainsi font les liturgistes, Alcuin se contente dedire que le pontife distribue des cierges auxfidèles. Le premier Sacramentaire qui donne uneformule de bénédiction est peut-être le vSacra-

mentaire des abbayes de Saint-Wast et de Corbie,

copié par les soins de l'abbé Ratold, manuscritdu x^ siècle (i). Les fêtes de l'Annonciation et del'Assomption trouvent désormais leur place aucalendrier la première au 25 mars, la deuxièmeau 15 août. De la fête de la Visitation, il ne sera

question qu'au siècle suivant. La fête de la Nati-

vité a depuis longtemps sa place au 8 septembre.Celle de la Présentation au 21 novembreétait célébrée en Angleterre dès le débutdu XI® siècle (2). Il se confirme de plus en plus

qu'à cette même date du Xl^ siècle, l'Angle-

terre célébrait le 8 décembre une fête en l'honneurde la Conception de Marie : en deux calendriers

de Winchester (Vitellius E. XVII et Titus D.XXVII) les deux fêtes du 21 novembre et du8 décembre sont en connexion l'une avec l'autre.

A la suite de recherches faites récemment à cesujet, M. Ed. Bishop; établit que des moines grecs,

existant au ix® siècle dans la Basse-Italie, avaient

les deux fêtes de la Présentation de Marie au21 novembre et de sa Conception au 9 décembreregardées chez eux comme traditionnelles : « Jecrois, dit-il, que c'est par le contact des Anglaisavec ces moines grecs que ces deux fêtes nous sont

venues vers les premières décades du xf siècle (3).

{i) P. L, \., LXXVIII, c. 298, et Delisle, Anciens Sacra^mentaireSy n* lvi, p. 188, sur le manuscrit latin \ioSi de la

Bibliothèque Nationale.

(2) Gasquet et Bishop, The Bosworth Psalter, pp. 43-53

(3) Dans le passage indiqué, M. Bishop commence par

donner une excellente bibliographie du sujet, et fournit ensuite!

Page 75: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 7?

§ IV. — Ecrit i RE et ornementationDES MANUSCRITS.

Le lecteur aimera sans doute, à être renseig-né

sur l'écriture et rornementation des documentsénun-iérés au cours de cette histoire ; il connaîtrait

imparfaitement Sacramentaires et Missels s'il

n'avai pas au moins une idée sommaire del'influence exercée par ces livres liturg-iques sur

le développement de la calligraphie et de la

miniatu-e. Aussi bien est- on en mesure de signa-

ler dans ce genre de manuscrits des chefs-d'œuvrequi font l'admiration des connaisseurs et cons-

tituent le plus riche ornement de nos biblio-

thèques. i\ous réunirons dans ce paragraphe ce

qui concerne les Sacramentaires et les Missels

envisagés lu point de vue de l'art, ceux qui ont

été mentiojnés précédemment comme ceux qui

feront l'objtt du chapitre suivant ; il y aurait peud'intérêt à -épartir cette matière sur différents

chapitres.

I. Ecriture — On trouvera dans Reusens (i)

des explications sur les écritures dites nationales,

comme la imrovingienne, Virlandaise, Vanglo-

saxon7ie, la vi^igothique, la lombarde et la caro-

lingienne. De (es écritures diverses, la dernière

surtout nous inéresse, car elle domine dans les

Sacramentaires >x. les Missels pendant la périodebrillante des maïuscrits (ix^ à Xlll® siècles) ; auxxii^ et XIII^ sièces on voit paraître l'écriture

gotkiqîte, une dérénération de la demi-oncialeCaroline. Si l'on accepte quelques recueils litur-

giques plus ancien;, écrits en caractères mérovin-giens comme le maïuscrit latin 9427 de la Biblio-

les explications que nou venons de résumer. Ses dernières

conclusions l'inclinent à 6andonner les vues du R. P. Thurstonsur les origines irlandaissàe. la fête deTImmaculée Conception(art. de la revue The Moni^ , 2LX\v\k:ç. 1904, vol. CIV pp. 459,568.)

(i) Reusens, Eléments cp paléographie, chdi^. 11, pp. 37-92.

Page 76: Le missel romain : ses origines, son histoire

72 LE MISSEL ROMAIN

thèque Nationale, un Lectionnaire du vil^ sièc?e

provenant de l'abbaye de Luxeuil (i), ou encaractères lombards comme le manuscrit 348 deSaint-Gall, Sacramentaire de Rémédius, évêque deCoire (800-820) (2), la plupart des manuscritssubsistants sont en écriture carolingienne. Cegenre qui comprend la capitale^ Voiiciale, la deini-

onciale et la imiiiiscule fut, à partir du ix*^ siècle,

cultivé dans les abbayes de Metz, Reims, Saint-

Denis près Paris, Corbie, Orléans et surtout

Saint-Martin de Tours. La capitale fut enployéedans les vSacramentaires pour les tïtjes, puisVonciale et la demi-onciale pour le texte.

M. Léopold Delisle, dans son Mémoire, indiquele genre d'écriture de chaque manuscrit (3).

II. Ornementation, — Ici, les Sacramentaires et

les Missels présentent le plus grand intérêt ; dansces livres liturgiques en effet, comme d'ailleurs

dans les Evangéliaires et les Pontificmx, l'art dela peinture et de l'enluminure se développe sur

un champ bien restreint, il est vrai, mais avec unfini de détails, un éclat et une richesse que nousparvenons difficilement à reprodiire avec desmoyens plus perfectionnés (4) La iécoration desmanuscrits peut être envisagée soit en général

(i) Reusens, ouvr, cité, pp. 37 et 43.

(2) L'écriture lombarde, importée d'Itaîe en France par desmoines, fut cultivée au viii° siècle à Cortie et à Soissons ; auIX* siècle elle se développa dans l'Italie méridionale, notam-ment à l'abbaye du Mont-Cassin, puis fia Cava. — Reusens,

Ibid., p. 61. Voir aussi Delisle, Amiens Sacramentaires,n- X, p. 84.

/

(3) Delisle, ouvr. cité, passim.

(4) Uor fut employé pour les lett)fes ou comme fond auxpremières pages : cette magnifîcen^ atteint son plus haut

point à l'époque carolingienne. \pr disparaît du xi* auXIII* siècle, puis revient comme encjdrement au xiv*. Commefond on emploie aussi le pozir^re ^r vélin soit pour le fron-

tispice, soit pour le canon.

Page 77: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMATN 7.")

dans l'ensemble du recueil, soit en particulier

dans ses parties principales.

I. En général. — Aux Vll'^ et viir siècles, l'or-

nementation des initiales commence timidementdans les préfaces des recueils gallicans, le MissaleFrancoriim, le Goihicuni et le Gallïcanum, Onpeut donner comme type de la décoration auxtemps mérovingiens le n° 316 du fonds de la Reineau Vatican, ou Sacramentaire Gélasien ; il y a

toute une page ornée au commencement dechacune des trois parties, y^'/. 3, i3i, ij2. Mura-tori (i) en a donné des fac-similés très insuffisants

;

les spécimens d'Ebner (2) sont mieux réussis ; dansl'arcade est dessinée une croix et aux bras de la

croix pendent \alpha et \oméga. Au VIII® siècle,

l'ornementation prend un plus grand développe-ment dans le mamiscrit latin 12048 , ou Sacra-

mentaire de Gellone. Les dessins, dit Delisle, ensont très remarquables (3) ; l'œuvre n'est encorequ'un essai , elle mérite néanmoins d'attirer l'atten-

tion. Le canon de la messe s'ouvre par l'image duSauveur sur la croix ; du corps de Notre Seigneurs'échappent des gouttes de sang, au-dessus de la

tête est le titre : IHISXP S^ et de chaque côté

au-dessus des bras planent deux anges. Dans tout

le cours du recueil, les initiales sont formées dedessins dont les oiseaux et les poissons four-

nissent ordinairement le thème; on y voit aussi

des têtes de personnages. L'enlumineur s'essaie

à une adaptation de son sujet aux circonstances :

ainsi, par exemple,/^/. 77, à la messe de l'Inven-

tion de la sainte Croix, dans la première lettre dela collecte sont inscrites trois croix, puis à côté

(i) Muratori, Lihiygia roinana vêtus, I, c. 63, 64.

(2) Ebner, ouvr. cité, pp. 240 et 241.

(3) Delisle, Anciens Sacramentaires, n° vu, p. 80, avecindications bibliog^raphiques, voir D. Guéranger, Instittitions

liturgiqtics, t. IV, pp. 33.S et 349.

Page 78: Le missel romain : ses origines, son histoire

74 L^ MISSEL ROMAIN

un homme est occupé à équarrir une autre croix;

foL 23o, à la messe de tentpore belli, la premièrelettre de la collecte a un cavalier armé sur le piedde guerre, dans la troisième lettre initiale est unemain tenant une hache élevée. Au IX^ siècle, l'art

caroling-ien, sous l'influence g-ermanique et irlan-

daise, développe la décoration des Sacramen-taires, en lui donnant plus d'orig-inalité ; un vaste

champ lui est ouvert par la diffusion du Grégoriend'Adrien. Les miniaturistes et les enlumineurs nese contentent plus de chercher leurs modèles dansle règne végétal et animal, ils donnent à leurs

personnages de plus grandes et de plus exactesproportions, tantôt resserrant la scène qu'ils

représentent dans une simple initiale, tantôt

l'étendant en tableaux merveilleux qui remplis-

sent la page entière du manuscrit. Et l'œuvre se

perfectionne durant tout le moyen âge ; la préfaceet le canon reportés au commencement du recueil,

puis placés au milieu, reçoivent les décorationsde préférence aux autres parties. Aussi les Missels

des xiir et xiv*^ siècles figurent-ils dignement à

côté des Bibles et des Evangéliaires de la meil-leure époque (i).

2. En particulier. — Si nous entrons un peudans le détail, nous verrons que l'originalité dela décoration des Sacramentaires et Missels se

produit dans le début de la préface, dans le débutdu canon, puis à l'occasion des principales fêtes.

A. Préface. Les premières paroles : Veredignuin, toujours les mêmes, donnent naissance à

une décoration dont on peut suivre le dévelop-pement à travers les manuscrits. Tout d'abord,

on abrège les deux mots d'une manière uniforme :

V. D. deviennent (2) ; bientôt le trait d'abrévia-

(i) Voir Les Evangéliaires, pp. 1 02-1 10.

(2) Les deux lettres V et D sont accolées l'une à l'autre ; il ya un trait dans l'ouverture du V.

Page 79: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 75

tion placé dans l'ouverture du V s'abaisse pourcouper la ligne commune, on obtient une croixinscrite en (i) ou mieux (2). Sur ce motif reposentles décorations enchevêtrées et parfois fantas-

tiques qui remplissent presque une page entière

du manuscrit : ces décorations sont placées audébut de la préface commune. Ainsi, pendant queles plus anciens Sacramentaires gallicans écrivent

les mots : Vere digmtin dans leur entier, les ma-nuscrits du ix^ et du x^ siècle ont le dessin dontEbner donne une reproduction d'après le Codex 8y(ancien 82) de la Bibliothèque capitulaire deVérone (3). Il y a comme une gradation dans le

dessin : tantôt le trait transversal est représentépar une feuille élancée, tantôt il est marqué sim-plement par deux points (4) comme dans le

Codex A 2^dù àQ la Bibliothèque Ambrosienne à

Milan (5) ; en Italie, au x"^ siècle, les traits de la

lettre se perdent dans un tissu de vrilles et debranches, puis des bandes chargées de bourgeonset de fleurs s'échappent des extrémités de la lettre

pour l'entourer; en Toscane, au Xl^ siècle, uneréaction se produit contre cette décorationexagérée. Dans la basse-Italie, à la même époque,le signe se développe en une croix avec médail-lons aux extrémités. — Aux xir et Xlir siècles,

l'art gothique ramène une sorte de simplicité

dans la représentation du signe, mais il en variebientôt les couleurs et en multiplie les lignes

;

puis le signe est lui-même transformé ; on a (6) ou

(i) Le trait primitivement placé dans l'ouverture du Vs'abaisse et croise la ligne commune aux deux lettres.

(2) Les deux lettres s'arrondissent.

(3) Ebner, Oîivr. cité, pp. 436 et 288.

(4) Le trait du milieu est remplacé par deux points.

(5) Ebner^ ouvr. cité, pp. 434 et 73.

(6) Les deux lettres sont fermées par un trait supérieurléorèrement arrondi.

Page 80: Le missel romain : ses origines, son histoire

76 LE MISSEL ROMAIN

(i) OU un cercle fermé avec une croix inscrite,

un léger trait de plume laisse apercevoir les

lettres V. D. L'ornementation très chargée est

accompagnée de formes animales grotesques,

elle diminue à la fin du moyen âge. Enfin,

aux XIV"^ et xv^ siècles, le signe disparaît ouquelquefois prend la forme soit du D soit du Vavec une croix, parfois cette dernière entre dans

l'initiale du mot jEterne, (2). — En d'autres

manuscrits, on substitua aux deux lettres V. D.une représentation de Dieu le Père dans sa

majesté : ce qu'on appela la Majesté du Seigneur

Majestas Doinini. Cette image fut ou plus compli-

quée ou plus simple. Le plus ancien exemple de

cette substitution se rencontre dans un documentdu IX"" siècle, le Codex ii/f.i de la Bibliothèque

Nationale, un des plus précieux monuments de

l'art carolingien (3). L'image est assez compliquée,

le Seigneur est assis sur son trône, cinq ordres

d'esprits célestes l'entourent. D'autres fois, l'image

est plus simple : le Seigneur à figure de vieillard

est assis sur un trône ou sur l'arc-en-ciel, il lève la

main droite comme pour bénir ou pour enseigner

tandis que la main gauche tient un livre ouvert

ou fermé, les pieds reposent sur un escabeau, la

tête est ornée d'un nimbe où la croix est inscrite,

deux ou quatre anges sont de chaque côté.

Parfois il y a simplement le buste du Seigneur

inscrit dans un demi-cercle au-dessus du signe (4)

ou dans un médaillon (5). Plus tard on confondit

dans une même représentation Dieu le Père qui

est invoqué comme souveraine majesté et Dieu le

(i) Le trait légèrement arrondi est placé en dessous.

(2) Les deux lettres majuscules O, E, sont accolées l'une à

l'autre, une croix est inscrite dans O.

(3) Delisle, Anciens Sacramentaires, n° xxxiii, p. 146.

(4) Comme à la page 75, note i.

(5) Codex F. 18, San Pietro, à Rome. Ebner, Ibid., p. 191.

Page 81: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 77

Fils dont on célèbre le sacrifice ; on ajouta alors

le symbole des Evangélistes. Le Sauveur Jésusreprésenté ici dans sa gloire faisait contraste avecl'Homme-Dieu humilié sur la croix tel qu'il appa-raissait au début du canon. Plus rarement onjoignit à cette représentation de la majesté divine

d'autres figures, par exemple celle de la Sainte

Vierge (i), ou des personnages bibliques commeAbel ou Melchisedech (2). Ailleurs, on opposal'église et la synagogue (3) ; enfin certains manus-crits étendent la décoration 2lM P Aç^ per outnia,

qui remplit toute la hauteur de la page (4).

Remarquons, en terminant cette premièrerevue, que les liturgistes du moyen âge onttrouvé à ces représentations par l'image desexplications allégoriques. Telles sont, entre beau-coup d'autres, celle de Jean Beleth (xil^ siècle, et

de Sicard de Crémone (xill^ siècle). Par le delta

fermé en cercle, dit le premier, est représentéela nature divine qui n'a ni commencement ni fin,

le /^exprime la nature humaine du Christ quiaeu un commencement dans le sein de la Vierge,mais n'aura pas de fin. Le trait transversal repré-sente la croix comme une sorte de trait d'unionentre l'humanité et la divinité du Sauveur (5).

—Le V, dit à son tour Sicard de Crémone, signifie

l'humanité du Christ, le D sa divinité ; le V est

ouvert à une extrémité et fermé par l'autre, pournous apprendre que l'humanité du Christ émanevisiblement du Saint-Esprit ; le D est complète-

(i) Codex s^4y de la Bibliothèque Vaticane. Ebner, Ibid.y

p. 206.

(2) Codex F. 18, San Pietro, ut supra.

(3) Sacramentaire de Drogonde Met:::, inanuscrit lat, 9428,Bibliothèque Nationale. Delisle, Ibid,, n" xvii, p. loo.

(4) Cod. 614 de la Bibliothèque Casanat, à Rome. Ebner,Ibid., p. i55.

(5) J. Beleth, Rationale, F, L., t. CCII, c. 53.

Page 82: Le missel romain : ses origines, son histoire

78 LE MISSEL ROMAIN

ment fermé parce que la divinité est éternelle,

c'est-à-dire sans commencement ni fin ; le trait dumilieu formant la croix symbolise la passion denotre Sauveur (i).

B. Caîion. — C'est seulement à l'époque caro-

lingienne que commence la décoration du 7^ ini-

tial de Te igitur, La forme la plus simple fut (2) ;

mais aux initiales pures on ne tarda pas à joindreles images tirées soit du règne végétal, soit durègne animal

;puis les deux premiers mots furent

attirés dans la décoration par des entrelace-

ments artistiques, comme on le voit surtout dansle groupe des manuscrits de l'Italie centrale

au xr siècle. Le dessin y est plus varié que pour la

préface. L'idée vint vite de représenter à cette

occasion le Sauveur souffrant sur la Croix, la

messe étant la continuation et la représentationdu Sacrifice du Calvaire et la forme du T ayantbeaucoup d'analogie avec la forme de la croix.

Déjà dans le Gellone (viii^ siècle), le canon de la

messe s'ouvre par l'image de la croix ; l'exemple nefut guère suivi au IX*^ siècle. Puis au x^ siècle (3)et dans les siècles suivants, on groupe des per-

sonnages au pied du crucifix. D'autres fois,

comme au xil^ siècle, on substitue la majesté duSeigneur à l'image qui rappelle ses souffrances,

puis le 7^ prend la forme d'un évêque priant les

bras en croix. Il est des documents où règne uneplus grande simplicité : dans un cadre avec mé-

(i) Sicard, Mitrale, P. L., t. CCXIII, c. 122.

(2) Un T dans lequel fut inscrit un E de moindre proportion.

(3) Ex. le Çod. A, 24, de la Bibliotheqtie Ambrosienne, àMilan, x* siècle. Ebner, ouvr, cité, p. 443. Dans un manuscritdu ix'-x* siècle, le Codex 184 de la Bibliothèque de Tours,des aisselles du grand Z* initial tombent deux fleurs de lis

; àgauche du T une peinture assez grossière représente un prêtreen prière, les mains élevées, devant un autel sur lequel sontle calice et l'hostie. Delisle, ouvr. cîféy n° xxviii, p. i35.

Page 83: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIX ^9

dallions aux quatre coins est inscrit un crucifix,

puis de chaque côté sous les bras est écrit le texte :

e igititr clenientissime Pater, en lettres capitales,

une guirlande de feuilles d'acanthe forme l'enca-

drement (i). Un manuscrit du xii^ siècle, au cou-vent d'Oberminster à Ratisbonne représente le

sein cVAbraham, sinus Abrahae^ on croit quece manuscrit était destiné aux messes pour les

défunts. Les autres parties de l'ordinaire de la

messe ont aussi quelques dessins. Par exemple,à VAgntLS Deiy on voit un médaillon portant

l'Agneau de Dieu, ou encore saint Jean-Baptistedésignant le Sauveur par ce symbole. Un Codexn^ 23 1 actuellement à Gôttingen et originaire deFulda, donne à cet endroit une représentationsymbolique : quatre médaillons portant les évan-gélistes sont réunis par des diagonales à unmédaillon central où est peint l'Agneau blessé,

étendu sur une barque;près des eaux où plonge

la barque et sur une colline verdoyante se tient

une femme symbole de l'Eglise ; celle-ci a uncalice pour recevoir le sang de l'Agneau. Dans le

Sacramentaire de Mtmic/t, dm 4^56, écrit pro-bablement à Ratisbonne au début du xr siècle,

deux pages décorées terminent le canon, la

première représente la main de Dieu dans unmédaillon, la deuxième contient un Agnus Dei,Quelquefois l'image du Sauveur lui-même rem-place celle de l'Agneau de Dieu (2). Une pieusetradition voulait qu'on baisât le livre à l'endroit

de ces images osculum libri. Plus rares sont les

(i) Cod. 1084 de la Bibliothèque Universitaire de Bologne,11* siècle, Ebner. ouvr. cité, p. 9. On peut rapprocher de cedocument le 7ns. lat. 1800^ de la B. N., Sacramentairepour une église de la province de Trêves. Delisle, ouvr. cité,

n* xcviir, p. 25o.

(2) Ex. le Missel d'Eichstadt, xv" siècle, à la Bibliothèquecapitulaire de cette ville et le Missel de Volfenbuttel, xv* siècle,

Cod. Helmstad, 35.

Page 84: Le missel romain : ses origines, son histoire

8o LE MISSEL ROMAIN

décorations au Pater et au Libéra nos, et elles se

bornent à des initiales richement ornées.

Comme pour la préface, les liturgistes du Xll®-

XIII^ siècle n'ont pas manqué d'exposer le sym-bolisme de ces images. « Le canon, ditj. Beleth,

commence par la lettre Tau, cette let'tre a la formed'une croix : tout ce qui s'accomplit à la messes'est réalisé sur la croix par la passion du Sau-veur et tire de la croix toute son efficacité. Dèslors, il faut peindre en cet endroit l'image de la

croix (i). » Innocent III, dit dans le même sens :

Dans le canon, on rappelle le souvenir de la

passion... Voilà pourquoi, entre la préface et le

canon, dans la plupart des Sacramentaires, onpeint l'image du Christ, pour que non seulementl'intelligence du texte, mais aussi la vue del'image réveille la mémoire de la passion du Sau-veur. C'est donc sans doute par un effet de la

divine providence que le canon commence parcette lettre T (tau) qui par sa forme rappelle la

croix (2).

C. Principalesjêtes. — La décoration se borneaux initiales ou s'étend sur les pages entières. —I. Y^ç^ dessin des initiales inauguré, comme on l'a

dit, au vil^ siècle dans les manuscrits gallicans, se

développe timidement au viir siècle et atteint sonplus haut degré de splendeur au ix^ siècle (3).

Aux xiv^ et XV^ siècles, ces initiales servent decadre à des tableaux en miniature d'une exécutionmerveilleuse, telle Missel de Clément VII 2t. Avi-gnon. Beaucoup de manuscrits à cette époque ont

des vignettes en tête de chaque mois dans le

calendrier. D'autres du x^ et xr siècles ont deux

{i)Expl. divin, offtciorum, c. 46

;

Edit. Ltigd. , i562,p.i5i.

(2) Innocent III, de Sacrificio Missae, P. L., i. CCXVII,c. 840.

(3) Le Sacramentaire de Di^ogoii déjà mentionné ; ms

.

lat. p428t Bibliothèque Nationale. Delisle, n° xvii, p. 100.

Page 85: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 8l

sortes d'initiales, savoir ; des lettres capitales

d'un dessin très pur en rouge ou or; des lettres

(or ou argent) fleuronnées sur champ bleu, violet

ou vert (i). — 2. Tableaicx S2tr des pages entières.

Indépendamment du début du canon, beaucoupde recueils renferment divers sujets représentés.

Le Sacramentaire d'Aîitu7i, n° igàis du Séminaire,

représente les ordres sacrés (2). Souvent, dans les

manuscrits des premiers temps du moyen âge, ontrouve les images de saint Gélase, et de saint

Grégoire le Grand, comme auteurs du recueil.

L'image de saint Grégoire, absente des manus-crits d'Italie (3), n'est pas rare dans les manuscrits

de France et d'Allemagne : presque toujours le

saint Pape y est représenté assis, comme dans le

Sacra7nentaire de Drogon. Puis les tableaux sont

plus ou moins nombreux pour retracer tel mys-tère ou telle fête de Tannée liturgique. Les ma-nuscrits de Fulda et ceux qui se rattachent à cette

école ont un cycle typique comprenant les plus

grandes fêtes du Seigneur et des saints, souventles images se présentent deux à deux ou trois à

trois dans une parfaite unité de but et de cadre.

Le Codex î2yS de la Bibliothèque publique deLucques, X" siècle, a les représentations sui-

vantes : entrée de Jésus à Jérusalem le jour desRameaux, le lavement des pieds, la résurrection,

l'Ascension, la Pentecôte, le Martyre de saint

Boniface, saint Jean-Baptiste, saint Laurent (4).

Le Codex 3S^8 de la Bibliothèque Vaticane,xr siècle, a une Nativité, une Epiphanie (5) ;

(i) Delisle, ouvr. cite, n* lxxxii, p. 221 ; n* xcviii, p. aSo.

(2) DelislCj Ibid., n° xvi, p. g6 : on trouvera une reproduc-tion et une description dans le Dictionnaire (PArchéologieclirétienne et de Liturgie, t. I, c. 32 10.

(3) Il faut excepter le Codex 86 du chapitre d'Ivrée. VoirEbner, ouvr. cité, p. 52 et Delisle, Ibid., n* xc, p. 2.33.

(4) Ebner, ouvr, cité, p. 67.

(5) Ibid., p. 211

.

LE MISSEL ROMAIN. — Tome II. 6

Page 86: Le missel romain : ses origines, son histoire

82 LE MISSEL ROMAIN

le Codex y6 V, Bibliothèque capitulaire d'Udine,XI"" siècle, a de plus la Purification, la Descente decroix et la mise au tombeau, saint Pierre et saint

Paul, saint Michel, la Toussaint, saint Willehad,saint Martin, saint André (i). Le inanuscrit 86du chapitre d'Ivrée, xi^ siècle, a des images dusacre des Rois, de la consécration des évêques,

de l'adoration des Mages, du martyre de saint

Etienne, etc., les représentations des Sacrementsde Baptême et d'Extrême-Onction : il est uniqueen son genre pour l'illustration des communs et

des messes votives (2).

CHAPITRE III

Prédominance du Missel plénier

et son histoire aux XII 1% XIV« et XV« siècles.

Avant l'époque où nous nous plaçons dans ce

chapitre, le Sacramentaire avait été allégé desfonctions réservées aux prélats et consignées dansles Pontificaux. L'augmentation qu'il reçoit parl'insertion des lectures et des parties chantéess'explique pour peu que l'on tienne compte de la

pratique déjà signalée et en vertu de laquelle le

célébrant récita à l'autel ces lectures et ces paroles

chantées. Ainsi apparut le Missel plénier.

Toutefois, et il est bon de le répéter, la trans-

formation s'opéra par degrés ; même au XIV® et

au XV® siècle, on trouve encore des Sacramentaires

avec des additions de seconde main. Rien d'éton-

(i) Ebner, Ibid.,\>^. 259-267.

(2) Ibid.y p. 452. Delisle, otivr. cité, n* xc, p. 233. Dansson édition du Missel de Rober t deJumiègesy manuscrit Y G,Bibliothèque de Rouen^ xi* siècle, M. A. Wilson a donné des

reproductions de ce manuscrit : Nativité et Adoration des Ber-

gers, Voyage et Adoration des Mages, Trahison de Judas et

Crucifiement, Descente de la Croix et Saintes Femmes au tom-beau. Ascension et Pentecôte, saint Pierre et saint André.

Page 87: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN <S3

nant à cela, car pour renouveler ces recueils il

fallait recourir à l'écriture, et la transcription

d'un Sacramentaire ou d'un Missel plénier était

une œuvre dispendieuse et de longue haleine;

on faisait servir autant que possible, en les modi-fiant, les anciens manuscrits. Ainsi les Xill®, xiv® et

XV® siècles marquent la prédominance, mais nonencore le règne absolu des Missels plémers.

Désormais, il n'y a rien de nouveau à enre-

gistrer pour le canon de la messe, à peine se ren-

contre-t-il des variantes de détail;des particula-

rités se produisent dans l'ordinaire de la messe,

mais ce sont des vestiges des anciennes litur-

gies ou la prolongation de pratiques introduites

durant l'âge précédent ; telles sont, par exemple,les prières du bas de l'autel ou de l'offrande, les

séquences, les prières qui suivent la communion.La partie vraiment nouvelle est dans Vaccroisse-ment diù calendrier, La réalité de cette assertion

ressortira du développement des trois articles

qui composent ce chapitre : i. Substitution pro-gressive du Missel plénier aux Sacramentaires

;

2. Missel de la curie romaine;3. Missel des églises

particulières de l'Occident et des ordres reli-

gieux.

Article L — Substitution progressivedu Missel plénier aux Sacramentaires.

Pour donner une idée de cette substitution, il

suffit de signaler les principaux documents du xili®

au XV® siècle, conservés dans les bibliothèques deRome et des autres pays de l'Occident.

I. Le Codex i6ç5 (Alt. C. V. 2) de la Biblio-

iheca Casaitatensis , à Rome (xii®-xill® siècle) pré-sente la division de notre Missel actuel : propredu temps jusqu'au Samedi saint, ordinaire de la

messe, propre du temps depuis Pâques jusqu'au24* dimanche après la Pentecôte, propre des

Page 88: Le missel romain : ses origines, son histoire

84 LE MISSEL ROMAIN

saints. Les litanies du Samedi saint renferment

des noms appartenant à la Gaule, comme ceux deMagloire, Eloi, Médard, Denys : on en a conclu

que le document fut à l'usage d'une église deParis (i).

2. Le Codex T. 8 . ii de la Bibliotheca Ange-lî'ca, à Rome, (xilf siècle), est plutôt un Missel plé-

nier improprement dit. Dans les parties chantées

se trouvent plusieurs messes cisterciennes; dans le

propre des saints, on remarque les noms deMaur,Benoit, Scolastique, Vast et Amand, Albin,

Médard, Germain, Evurcius d'Orléans, Léger,Aignan, Columban, Agricole et Vital. Puis dans

un supplément du XIV® siècle ceux de Guillaume

de Bourges, Dominique, Julien, Thomas d'Aquin,

Guthbert, Robert, Huges de Cluny, la fête de la

Sainte Couronne d'épines, saint Louis roi, saint

Wenceslas, saint François, Malachie, Elisabeth,

Edmond (17 novembre canonisé en 1247), Eloi,

Barbe, Jean et Paul, puis la fête du Corptis Christi,

— Suivent les communs, les messes diverses (2).

3. Le Codex XI, îjp (N. a. iSSpJde la Biblio-

thèque Barberini^ à Rome, Xill*^ siècle, est un peucomme le précédent, un Sacrainentaire-Missel

,

avec division normale, comme n° i. Quelquesmots de la consécration du vin, sanguinis mei, et

pro nobis ^/manquaient primitivement ; une maindu XV® au XVI® siècle les a ajoutés (3).

4. Le Codex XII, 4 (N. a, 326), même Biblio-

thèque que le précédent, lui ressemble quant à la

distribution des parties. L'ordinaire de la messe a

(i) Ebner, ozcvr. cité, pp. 1 59-161.

(2) Ebner, Ibid., pp. 138-144. La fête du Cornus Chrîstt

ou Fête-Dieu, se rencontre très fréquemment dans les recueils

du XIV* et du xv* siècle. Un Missel plénier ambrosien du xiv%

le Codex ^06 de la Bibliothèque Vaticane, fonds Palatin,

contient le décret d'Institution de cette fête. Ebner, Ibid.^

p. 25 1. Ehrensberger^ Libri Liturgici, p. 440.

(3) Ebner, ouvr. cité^ p. 141.

Page 89: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN <S5

quelques formules particulières pour l'oblation,

comme : Tibi Domine creatori meo, hostiafn

offero.., Orate pro me peccatore ut ineuin ac ves-

trum sacrïficïum. ( i ) . . .

5. Le Codex 6o3 (B, IV, 25) de la Bibliotheca

Casanatensis, à Rome, Xlir siècle, a été écrit àSaint-Denys de Paris. Tout le propre du tempsse suit sans interruption depuis le i®'' dimanche del'Avent jusqu'au 26^ dimanche après la Pentecôte

;

viennent les préfaces et le canon, puis le propredes saints et les communs. On y trouve la fête duSaint Sacremeiit avec octave; messe Cibavit

;

puis une messe en l'honneur de saint Louis, roi

de France : Gaitdeamtcs omnes ; ce qui place le

recueil après 1297, ^^^^ ^^ 13. canonisation duSaint par Boniface VIII (2).

6. Le Codex Fol. /^de la Bibliothèque archié-

piscopale d'Udine, xm* siècle, est un Sacramen-taire relié avec un Graduel et à Tusage de l'ordre

Bénédictin. Le canon est au début; il y a treize

préfaces, Noël, Epiphanie, Carême, Jeudi Saint,

Pâques, la Croix, Ascension, Pentecôte, Apôtres(deux), Trinité, Sainte Vierge et préface com-mune. On retrouve là l'ancienne distribution duSacramentaire. Le Graduel est relié au commence-ment : il est précédé d'un Calendrier où les nomssuivants doivent être comptés parmi les plus

récents, saint Adalbert, saint Thomas de Can-torbéry (canonisé en 1173), saint Henri, empe-reur (canonisé en 1146), saint Bernard (canoniséen II 74), sainte Cunégonde. Un supplémentcontient la messe de la Conception de Marie (3).

7. Le Codex Fol. ij , même Bibliothèque^ entrele xii« et le XIV« siècle, est un des Missels pléniers

d'une église du diocèse d'Aquilée ; il a un peu

(i) Ebner, Ibid., pp. 144-326.

(2) Ebner, Ibid.y p. i55.

(3) Ebner, Ibid., p. 268.

Page 90: Le missel romain : ses origines, son histoire

86 LE MISSEL ROMAIN

la distribution des Sacramentaires où pour la

partie d'hiver le propre des saints est intercalé

dans le propre du temps. Il comprend plusieursadditions (i).

Ce coup d'oeil sur les documents conservésdans les bibliothèques de Rome ou de l'Italie

vient de faire passer sous nos yeux des manus-crits de l'Ordre Bénédictin usités à Rome ou enGaule. Les documents qui suivent fourniront uneidée de la pratique de la Gaule, d'Angleterre oud'AUemag-ne.

8. Le Codex lat. iioS à^ \2i Bibliothèque Natio-nale, Paris, un Missel de l'abbaye du Bec, auXIII® siècle, présente dans son calendrier un assez

grand nombre de saints normands, anglais et

français dont le culte était particulièrement enhonneur à l'abbaye. Février et mars n'ontpresque pas de saints, sans doute à cause duCarême. Voici quelques particularités : on trouvela conversion de saint Paul au 25 janvier, unetranslation de sainte Marie-Madeleine le 19 mars,saint Cuthbert le 20, saint Ambroise le 4 avril,

saint Dunstan le 19 mai, saint Augustin de Can-torbéry le 26, saint Eloi le 25 juin, une translation

de saint Thomas de Cantorbéry le 7 juillet, saint

Taurin, évêque d'Evreux, le 1 1 août (l'abbaye était

située dans le diocèse d'Evreux), saint Philibert

le 20, saint Antonin^ martyr, le 2 septembre, saint

Lambert, évêque, le 17, saint Léger, le 2 octobre,les saintes reliques du Bec, le 5, saints Chrysantheet Darie, le i*'^ décembre, la Conception de Marie,le 8, saint Thomas de Cantorbéry, le 29 (2).

9. Le Codex 18, S, îp de VAdvocates'Libraryd Edinburg, désigné sous le nom de RosslynMissal, qui fut écrit au xiir-XW*" siècle, en Irlande,

(i) Ebner, Ibid., p. 269.

(2) Chan. Porée, Histoire de l'Abbaye du Bec, t. II, p. 149et Appendice pp. 579-591.

Page 91: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 87

pour l'église cathédrale de Saint-Patrice fDozuuPatn'kJ. Le texte est de provenance anglaise et

peut se rattacher à un document du Xir siècle qui

marque les débuts du plénier. Il comprend quatre

parties : temporal, sanctoral, canon, messesvotives. Le temporal s'arrête au dimanche de la

Pentecôte, est suivi de la fête de l'Invention dela Sainte Croix et des préfaces ;

le sanctoral n'a

qu'un petit nombre de saints, on y remarque les

noms de Brigitte au i'^'" février, Patrice au 17 mars,

puis les fêtes de l'Exaltation de la Sainte Croixau 14 septembre, saint Michel au 29, la Toussaintau i*^'^ novembre. Les messes votives sont plus

abondamment fournies (i).

10. Les usages d'Angleterre, comme ceux desautres régions, varient un peu suivant les églises

et il est difficile de les signaler ici en détail ; onles trouvera dans les divers documents édités

au cours des dernières années, comme sont

le Driunmoiid Missal, le Aiissel de réglise de

Westminster, etc. D'autres documents restés ma-nuscrits pourraient nous renseignersur les usagesdes églises de Hereford, York, Salisbitry (ou

Sariùnt)^ etc. L'usage de Sarttm qui devait acqué-rir dans la suite une certaine importance est bienreproduit dans un document du xv° siècle, XHain-bledon Missal : le calendrier de ce Missel donneune mention spéciale à saint Hugues de Lincoln :

fête, translation de ses reliques, dédicace d'uneéglise en son honneur. Une seconde main a

inscrit les fêtes de la Visitation, de la Transfigu-ration, du Saint Nom de Jésus. Le document est

divisé comme nos Missels, il renferme avant le

propre des saints un recueil de séquences ; commeen beaucoup de manuscrits de la même époque,

(i) Le document a été édité pour la Henry BradshazvSociety par llugh Jackson. London, iScjy.

Page 92: Le missel romain : ses origines, son histoire

88 LE MISSEL ROMAIN

il y a la notation des parties chantées, plus

qu'aucun autre il a des indicationsde rubriques(i).

11. De fait, chaque ég'lise particulière a ses

observances ; un Missel de l'église cathédrale deBrescia(xiir-xiV''s.),le Codex 2246 (S. Salvat. 66p)à la Bibliothèque de l'Université de Bologne,contient des messes pour obtenir la préservation

d'une mort subite et mentionne les indulgences

accordées par Clément V (1342- 1352). Conditionsà remplir : apporter un cierge allumé pendantcinq jours consécutifs. La messe : Recordare, dite

à cette occasion, ne figure plus aux messesdiverses dans le Missel romain (2).

12. Dans le Codex D. y, 3 de la Biblîotheca

Angelica, à Rome, un Sacramentaire de la fin

du xif siècle à l'usage de l'église de Jérusalem,

on trouve beaucoup de détails intéressants,

notamment les noms des saints patriarches,

Abraham, Isaac, Jacob pour lesquels il y a des

messes votives, les noms de personnages évan-

géliques comme Cléophas et Zachée;puis, à côté,

des saints de Gaule comme Albin et Maurille

d'Angers, Léger d'Autun. Au 8 décembre est la

fête delà Conception de Marie. Au 15 juillet se

trouve une fête pour célébrer la prise de Jérusa-

lem par les chrétiens (1099). Un supplémentajouté au XIV^ siècle contient le Dies irae (3).

13. Le Codex 110 y Urbm, de la Bibliothèque

Vaticane, manuscrit du XV^ siècle provenant dela Bibliothèque du roi de Hongrie, Mathias

Corvin, ressemble beaucoup à notre Missel.

(1) Woodsworth et Littlehales : The old service books ofthe Eitglish Chtirch, pp. lyS et seq. L'usag-e de Saruin est

encore donné par un manuscrit du xv* siècle le Codex ^oi de

la Bibliothèque Vaticane fonds palatin. Voir Ehrensberger,

ouvr. cité, p. 483.

(2) Ebner, Ibid., p. 12.

(3) Ebner, Ibid., p. i35.

Page 93: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSKL ROMAIN 89

Cependant il indique des introïts que nousn'avons plus aux mêmes fêtes : Gaudeaimis omnespour la fête de la Visitation de Marie et pourcelle de saint Louis, roi de France (i).

14. Le Codex N. N. 654(583) du Mont-Cassin,Missel plénier du XV^ siècle, a comme messesvotives celles en l'honneur de la Sainte Vierge,de saint Antoine de Padoue, de la Croix, de la

Sainte Trinité, du Saint-Esprit, de saint Fran-çois, etc. (2).

Article II. — Le Missel de la curie romaine.

Les documents de cette époque, qui renseignentsur la pratique de l'église de Rome, portent géné-ralement cette indication : Ordo mïssalïs secuii-

duin consitetudinem curiae romanae. La plupartont aussi les mots \ fratricut minoriuit. On a vudans VHistoire du Bréviaire l'influence exercéeaux xiir et XIV* siècles par les Franciscains ouFrères mineurs pour la transformation de l'office

divin : cette influence devait avoir un contre-

coup sur le Missel. Néanmoins en ce qui con-cerne la messe, il faut atténuer les reprochesadressés à ces religieux par Raoul de Tongres.Saint Grégoire VII (1073-1085) dans sa réformede l'office romain, avait en vue, avant tout, la

chapelle papale. Les Franciscains adoptèrent cet

office abrégé après une révision opérée par Hay-mon, leur général, avec l'approbation des souve-rains pontifes (1277-1280). Le Missel se ressentit

des accroissements donnés au calendrier, au pré-

judice des messes de férié, mais le Grégoriend'Adrien ne fut pas autrement atteint : on peuts'en rendre compte par les manuscrits de cette

époque (3). Ce qui fut modernisé et adapté aux

(i) Ebner, Ibid., p. 246 ; oiivr. cité, p. 478.

(2J Ebner, Ibid., p. 104.

(3) D. Guéranger, Institutions liturgiques, 1. 1, pp. ozo-lil.

Page 94: Le missel romain : ses origines, son histoire

QO LE MISSEL ROMAIN

circonstances nouvelles (éloignement de Rome,séjour à Avignon), ce fut l'ancien cérémonial : il

y eut un nouvel ttsâge de la curie romaine commeon peut le voir en parcourant les Ordines RomaniXIII et XIV. Les Franciscains contribuèrent àopérer ce changement ; de plus, ils firent entrer

dans le calendrier du Missel comme dans celui duBréviaire un grand nombre de saints, donnèrentaux saints de leur ordre un degré qui les assimi-

lait presque aux grands mystères de la vie deNotre-Seigneur. Ainsi, non seulement la fête desaint François d'Assise obtint une octave privi-

légiée, mais aussi la translation de ses reliques;

également les fêtes de sainte Claire, de saint Ber-

nardin et de plusieurs autres (i). Les Missels dela curie romaine comportent une augmentationdu nombre des séquences (moins pourtant queles Missels de l'Ordre dominicain) ; on y constate

aussi l'augmentation du nombre des rubriques

insérées dans l'ordinaire delà messe, elles passent

ainsi des Ordines Romani A'diWs le Missel ; la cou-

leur des ornements y est indiquée pour les divers

temps de l'année liturgique. Notons à ce sujet

qu'au XIII® siècle le noir était employé pour les

jours où nous nous servons maintenant d'orne-

ments violets ; un peu plus tard le noir fut affecté

exclusivement aux offices et aux messes pour les

défunts (2).

11 faut renoncer à donner la nomenclature des

Missels manuscrits durant les deux ou trois siècles

qui précèdent immédiatement l'invention del'imprimerie ; ces documents deviennent par trop

nombreux et il n'est point de bibliothèque

(i) D. Baumer, Histoire du Bréviaire (trad. Biron), t. II,

p. 71.

(2) Voir VOrdo Romanus XIII et XIV ; puis un manuscrit

de la Bibliothèque Nationale de Naples, le Codex VI. G. ;^8,

Ebner, ouvr., cité,^. 120.

Page 95: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 9I

publique qui n'en ait conservé au moins quel-

ques-uns. Nous nous bornerons à signaler, siècle

par siècle, ceux où l'on peut relever quelque par-

ticularité.

i.xiir SIÈCLE. — Le Codex 3j6 de la Biblio-

theca Corsimaua, à Rome, porte, dans les litanies

du Samedi saint, les noms de saint François d'As-sise et de saint Antoine de Padoue. Ce dernier a

une messe spéciale;quant à saint François, on lit

au 4 octobre une messe qui doit servir pourtoutes ses fêtes. Après les Messes votives, unemain plus récente a écrit le Stabat Mater (i).

Dans le Codex 20-f() de la Bibliothèque Vati-

cane figure la messe du roi saint Louis, canoniséen 1297 ; après le calendrier, viennent les prières

pour l'eau bénite et l'aspersion qui se fait chaquedimanche : Asperges me, ou Vidi aquain. Desadditions du XIV® et XV® siècle concernent saint

Pierre, martyr, de l'Ordre des Frères prêcheurs

(29 avril), sainte Eugénie (5 mai), invention (ouplutôt apparition) de saint Michel (8 mai), saint

Paulin (22 juin), dédicace de Sainte-Marie-Majeureet saint Dominique (5 août), saint François d'As-

sise (4 octobre), Conception de Marie (8 dé-

cembre). Et encore, au 19 mai, un saint Pierre,

confesseur, canonisé en 1313; au 20 mai, saint

Bernardin, canonisé en 1450; au 2 juillet, la Visita-

tion de Marie ; au 26 juillet, sainte Anne, mère dela Sainte Vierge ; au 12 août, sainte Claire; au19 août, saint Louis, évêque, canonisé en 1317 ;

au 16 octobre, sainte Justine ; au 19 novembre,sainte Elisabeth et saint Pontien (2).

Le Codex VI, G. 38, de la Bibliothèque natio-

nale de Naples a, dans son calendrier, pourle 7 mars, saint Thomas d'Aquin

;pour le 9 mai,

(i) Ebner, Ibid., p. 167.

(2) Ebner, oiror., cité, p. 244.

Page 96: Le missel romain : ses origines, son histoire

92 LE MISSEL ROMAIN

une translation de saint Nicolas;pour le 13 juin,

saint Antoine de Padoue. Une seconde main a

ajouté, à la fin du recueil, la messe, alors récente,

pour la solennité du Corpus Christi, telle quel'a prescrite le pape Urbain IV. L'ordinaire dela messe y renferme bon nombre de rubriques

;

elles sont en substance celles de notre Missel,

mais un peu plus détaillées et avec quelques par-

ticularités. Ainsi après : Orainus te, etc., le prêtre

monte à l'autel, le baise, puis donne la paix audiacre et au sous-diacre avant de faire l'encense-

ment ; il dit VBitroït avec ses ministres, donne la

bénédiction au diacre avant que celui-ci ait

récité : Mtnida cor meum, se lave les mains avantde faire l'offrande des dons, dit l'oraison : Placeataprès avoir donné la bénédiction et répète encorecette même oraison après l'antienne : Triumptterorum (i).

2. Entre le xiii^ et le xiv'' siècle. — Il faut

noter encore des indications nouvelles dans les

calendriers placés en tête des recueils. Celui duCodex E. î , de la bibliothèque de Saint-Pierre^ à

Rome, porte^ en seconde main, les fêtes de saint

François d'Assise, sainte Claire, sainte Elisabeth

(en rouge), saint Dominique;puis, en supplé-

ment, sainte Eulalie, martyre de Barcelone

(12 février), saint Pierre, martyr de l'Ordre des

Frères Prêcheurs (29 avril) ; un saint Pierre,

confesseur, de l'ordre des Frères mineurs (17 mai :

peut-être est-ce Pierre de Sienne, mort le 4 décem-bre 1289) 5

^3. fête de Notre-Dame des Neiges

(5 août) ; la dédicace des basiliques de Saint-

Pierre et de Saint-Paul (18 sept.); il faut noter

l'absence de saint Thomas d'Aquin. Dans l'ordi-

naire de la messe, il n'y a pas de Lavabo aprèsl'offertoire (2).

(i) Ebner, Ibid., pp. 120 et 3 1 3-3 17.

(2) Ebner, Ibid., p. 176.

Page 97: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN çS

vSaint Thomas d'Aquin manque encore dans le

Codex E (), de la même bibliothèque ; mais unsupplément y fait mention de saint Médard et dela Conception de Marie (i).

Dans le Codex 5o8 de la Bibliothèque Vaticane,

fonds palatin, on trouve des messes de férié pourl'Avent et le Carême ; celles de la Semaine sainte

sont mises à part (2).

Sont à signaler dans le calendrier du Codex 2048de la Bibliothèque Vaticane, fonds de la Reine,

les saints dont les noms suivent : 27 janvier, saint

Chrysostome et saint Julien du Mans ; au 9 février,

saint Savin évêque ; au 16 février, sainte Julienne;

au 23 février, sainte Romaine, vierge et martyre(de Todi) ; au 15 mai, saint Valentin (n'est pasautrement spécifié) ; au 16 mai, saint Ubald ; au

19 mai, saint Pierre Célestin (pape de 1292 à 1294);au 3 juin, saints Laurentin et Pergentin ; au

15 juin, saints Vite, Modeste et Crescence ; au30 juin, saint Fortunat; au 3 juillet, saint Mustiole;au 15 juillet, la division des douze Apôtres ; au2 août, l'indulgence de laPortioncule

; au 5 août,

saint Dominique (au Xlll^ siècle puis au XIV^ Notre-Dame des Neiges) ; au 9 août, vigile de saint Lau-rent et saint Romain (de Lucques) ; au 19 août,

saint Louis, évêque et confesseur (de Toulouse,de l'Ordre des Frères Mineurs, canonisé en 1317) ;

au i^'" septembre, les Douze frères et saint Gilles,

abbé; au 7 septembre, vigile de sainte Marie,au 16 octobre, saint Gall

;au 21 octobre, les onze

mille vierges ; au 30 octobre, saint Germain,évêque de Capoue ; au 7 novembre, décollation

de saint Erculaniis ; au 9 et au 18 novembre,deux fêtes de Dédicace. De plus, dans ce docu-

(i) Ebner, Ibid., p. 181.

(2) Ebner, Ibid., p. 252,

Page 98: Le missel romain : ses origines, son histoire

94 LE MISSEL ROMAIN

ment, l'ordinaire de la messe renferme d'abon-

dantes rubriques (i).

3. xiV SIÈCLE. — Nous nous contentons d'unsimple renvoi aux documents que mentionneEbner (2) ;

il y a, d'ailleurs, peu de particularités

nouvelles à signaler, comme la présence de saint

Romuald au 19 juin, l'indication de séquencespour les grandes fêtes et le commun des saints :

celle de la Visitation de la Sainte Vierge com-mence par ces mots : Vent, praecelsa Domina (3).

4. XV^ SIÈCLE. — Au Codex E, 6 de la Biblio-

thèque de Saint-Pierre à Rome, figurent des fêtes

romaines, comme celle de saint Léon IX (f ^054)au 19 avril; puis la dédicace de la basilique deJérusalem, au 20 mars (4).

Le Codex iço6 B, II, <5'de la Bibliotheca Casa-natensis, à Rome, mentionne une translation desaint Augustin au 28 février et au 11 octobre,

puis la fête de sainte Monique (5).

Le Codex B. 68 de la Bibliothèque de Saint-

Pierre de Rome, dit de saint Bernardin de Sienne,au 20 mai, qu'il fut canonisé sous le pontificat

de Nicolas V, en 1450; — le Codex lat, Ç243de la Bibliothèque Vaticane donne au 10 septem-bre saint Nicolas de Tolentin (f 1308), canoniséen 1448.Le Codex Soo de la Bibliothèque Vaticane,

fonds palatin, écrit pour les Ermites de Saint-

Augustin, vers 13 14, avec des additions du

(i) Ebner, oîtvr. cité, pp. 242 et 349.

(2) Ebner, Ibid., pour Rome, voir pp. 168, 172, 173, 174,

180, 193, 2o3 ; et pour l'Ialie, pp. 6, 117, 276, 278.

(3) Ebner, Ibid., p. 172.

(4) Ebner, Ibid., p. 179.

(5) Ebner, Ibid., p. 175 et 229. Ehrensberger, 07rjr. cité,

p. 442.

Page 99: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 9S

XV^ siècle, renferme comme nouveaux détails :

un bon nombre de séquences dont celle de Noël :

Grates niuic n'a pas encore été mentionnée; le

fréquent emploi de VIntroït : Gatcdeainus ; unemesse votive du Saint-Esprit avec VIntroït : DumSanctijîcatîcs fnero ; une autre en l'honneur de la

croix : Nos auteut gloriari ; une messe des cinq

plaies avec séquence : Laus sit tïbi [i).

Le Codex 221 de la Bibliothèque Vaticane,

aussi à l'usage des Ermites de Saint-Atigicstm (2)

,

renferme : <2^ à la suite du calendrier, une table

des messes et un exposé des rubriques à obser-

ver suivant le degré des fêtes, puis la formulepour la bénédiction des maisons le Jeudi saint

et les prières avant et après la messe ;— ^^ le

propre du temps qui commence au i""^ dimanchede l'Avent et se termine au 24^ dimanche après la

Pentecôte ; il contient un certain nombre deséquences

;— c) les rubriques g-énérales et l'or-

dinaire de la messe ; après le Sanctus sont mar-qués les divers tons, pour Gloria in excelsis, Ite

inissa esi^ Benedicamus Domino, Credo, Requies-cant in pace, Hnmiliate capita, Flectamies genua.Suit le canon de la messe. Ces divers points sontintercalés dans le propre du temps, après le

samedi saint;— djX"^ suite du propre du temps :

à leur place actuelle sont les deux fêtes de la

Très Sainte Trinité et du Corptcs Christi ; — e) le

propre des saints depuis la vigile de saint Andréjusqu'à sainte Catherine : là aussi beaucoup deséquences

;une messe en l'honneur de la sainte

Couronne ;— f) les divers communs, les messes

votives pour intentions spéciales, enfin les messesdes défunts.

(i) Ebner, Ibid., p. 25i ; Ehrensberger, Ibid., p. 442.

(2) Le titre de ce document l'indique comme Missel con-forme à la pratiqtie de la curie romaine. Voir Ebner,Ibid., p. 23o

; Ehrensberger, Ibid., p. 444.

Page 100: Le missel romain : ses origines, son histoire

9^ LE MISSEL ROMAIN

Un supplément de la même époque donne les

messes pour la Présentation de Marie, les saints

Festus et Didier, le saint Nom de Jésus, la sainte

Face du Sauveur, une messe de la Passion, uneautre en l'honneur des Joies de Marie, une autrede saint Raphaël.

Article III. — Le Missel de quelqueséglises particulières

et des Ordres religieux.

On a remarqué que des particularités sub-sistent dans les documents du xir et du xiil'^ siècle

pour l'ordinaire de la messe et spécialement pourles prières du début, quelques formules de l'offer-

toire et les prières qui suivent le Pater, Cependantle canon reste définitivement fixé pour toutes les

liturgies de l'Occident. Les particularités vont se

maintenir dans la pratique de quelques églises et

des ordres religieux fondés à cette époque (à

l'exception des Franciscains) ; elles survivront àl'œuvre d'unité liturgique demandée par le saint

concile de Trente et accomplie sous le Pontificat

de saint Pie V. Au fond, elles ne forment qu'unevariété de la liturgie romaine et ne constituent pasdes liturgies à part, comme furent la liturgie am-brosienne et la liturgie mozarabe : on a pu les

appelei des liturgies roinano-françaises , nées dela fusion de l'élément gallican dans l'élément

romain; la liturgie romaine actuelle en est là,

mais dans une moindre proportion, on sait qu'elle

aussi a reçu des additions venues de Gaule (i).

Par un certain côté, les particularités en ques-

tion appartiennent à l'histoire générale du Missel

et il convient d'en dire ici quelques mots. On les

trouve dans les églises de Milan, de Paris et de

( I ) Du Lac, La liturgie romaine et les liturgiesfrançaises^ \

p. 2i5.I

Page 101: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMALN^ 97

Lyon, puis dans les ordres relig-ieux des Carmes,des Chartreux, des Prémontrés et des Dominicains.Quant aux Franciscains, on a vu comment ils se

rallièrent à la pratique romaine et contribuèrent

à la formation du Missel de la curie.

I. Egijshs particulières. — I. J///<^;/ ; plus

d'une fois déjà il a été question de la liturgie am-brosienne ; on a vu que sur plus d'un point elle est

en conformité avec la romaine, notamment pourle canon et pour un grand nombre d'introïts,

d'oraisons, d'épîtres et d'évangiles. Les Milanais

ont toujours montré un grand zèle pour la conser-

vation de leur rite, et sauf l'addition de fêtes nou-velles, ils l'ont fidèlement gardé dans son inté-

grité; on les a vus lutter au Vlir siècle contre

Adrien P"* soutenu par Charlemagne, au XI® siècle

contre Nicolas II soutenu par saint Pierre Damien,enfin au xv^ siècle contre Eugène IV. Les papesayant ensuite expressément approuvé la liturgie

ambrosienne, saint Charles Borromée pouvaitdire au XVI® siècle : « Cette liturgie est moins mila-

naise que romaine 5> (i). Si nous revenons dans cet

article sur la liturgie de Milan, c'est à cause despoints de contact qu'ont avec elles les liturgies deParis, Lyon, etc. — A. Début de la messe, A Milan,comme ailleurs, l'antienne Introibo a amené la

récitation de tout le psaumey//(^/<f^ ///^auquel elle

est empruntée : suit le verset Confitentiiii Dominoquoniam bonus, puis le Confiteor, Après la Confes-sion du servant, le Prêtre dit : Adjutorium nos-

truin.., Sït nomen Domini benedicfum... puisen montant à l'autel, il récite une première orai-

son : Rogo te Aliissiine ... et Oranius te {2) . Toutes

(i) Du Lac, ouvr. cilé^ p. 107 et li.)na : Reruni liùurgica-rum libyi duo (cdition Sala), t. 1, p. iS.L

^2) O.i reiuir(|uera ici une viriante de certains manuscrits :

ainsi le Codex //. 2^^ de la liiljliotlièque Ambrosienne, déjàmentionnée, donne : Aufer a nobis au lieu de : Rogo le altis-

M: MISSE!- U'OM.MN-, — Toino II. 7

Page 102: Le missel romain : ses origines, son histoire

98 LE MISSEL ROMAIN

les fois qu'il baise l'autel, le célébrant commencepar faire sur l'autel même un signe de croix avec

le pouce droit. — B. Après le Pater, au moment oùse dit l'Oraison dominicale, l'ordre des cérémo-nies est modifié de la façon suivante : a) fraction;— b) Coimnixtion des saintes espèces ; — cj Paternoster ; — dj baiser de paix (i).

2. Paris. D'après Bona (2), les rites spéciaux

de la messe, dans cette église, ne paraissent pasavoir été bien nombreux. Les prières pour revêtir

les ornements ne sont pas celles qui sont entrées

dans l'usage commun ; au bas de l'autel, après

avoir récité ; Introibo Q.tjudica 7ne, le prêtre dit :

Kyrie.

.

. Pater noster. . . CofifitemiiiiDomino . . . puis

le Confiteor dont la formule diffère un peu de la

nôtre, comme d'ailleurs au Milanais. — Avant dedonner la paix, le célébrant baise l'hostie mêmeet non l'autel, la première des oraisons qui pré-

cèdent la communion est spéciale à cette église,

on n'y dit pas la formule Perceptio. La bénédiction

finale se donne en la forme dont usent maintenantles prélats; enfin le prêtre récite le commencementde l'Evangile selon saint Jean en quittant les orne-

ments sacerdotaux. Aux trois messes de Noël, ona deux Epîtres, l'une de l'Ancien, l'autre du Nou-veau Testament ; il y a des proses pour toutes les i

fêtes, pour chaque jour des octaves de Pâques et

de la Pentecôte ; même aux dimanches après '

Pâques, on dit une partie du Victiinaepasckali^n|

commençant à ces mots : Agnus redemit oves.

3. Lyon. Plus nombreux sont les usages spé-

ciaux de cette église ; tandis que ceux de Paris,

sime. Ebner, otivr. cité, p. 3o6. On trouve dans ce mêmedocument les particularités de l'ofFertoire.

(i) Bona, ouvr. cité, t. I, p. i85. Cuthbert Atchley : TkeAmbrosian liturgy, pp. i-85.

(2) Bona, Jbid.y t. I, p. 259.

Page 103: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 99

ont disparu, ceux de Lyon se sont maintenus jus-

qu'à nos jours, grràce au privilèg"e d'exceptionconcédé par la Bulle de promulgation du Misselromain sous saint Pie V. Pourtant Lyon ne peutproduire de livres liturgiques antérieurs auXI^ siècle (i). Un des plus anciens paraît être le

manuscrit ^Sj de la Bibliothèque de cette ville,

un Missel plénier d'origine lyonnaise, comme enfait foi le texte de ses litanies au Samedi saint (2).

Dans le Codex XII 2 (N, a. i863) de la Biblio-

ihèque Barbermi, à Rome, Ebner (3) a cru recon-naître un Missel plénier de l'église de Saint-Michelde Lyon. Le calendrier porte le nom de plusieurs

évêques de cette ville (notamment saint Irénée),

de divers saints dont l'église en question possèdedes reliques ; les noms des saints Bernard, Claude,Anne, Dominique, Andéol, ont été ajoutés auXIV^ siècle. La Conception de Marie figure au8 décembre.Ce qui intéresse ici davantage, c'est l'ordinaire

de la messe : le voici d'après D. Martène. —A. Début de la messe : Introïbo, sans le psaumeJîidîca me ; puis les deux versets : Pone, Domaine,

custodïafn... Confitemïnï Domino, le Coitfiteor

avec cette introduction : Ego reus et indignus.

Après Misereatur et htdulgentiam,, le prêtre dit

les versets : Adjutorium nostrum.,, Sit nomenDom^ini benedictMin.., un autre verset : Pœniten-tiam, pro peccatis mets auquel on répond par le

(i) D. Guéranger, Institutions liturgiques, t. III, p. 3io.

Il est vrai qu'au ix* siècle Agobard contribua à conserver dansl'église de Lyon le rite romain, tel qu'il avait été adopté à la

fin du vin* siècle ; mais son influence se fit particulièrement

sentir pour empêcher l'introduction des textes, autres que ceuxtirés de l'Ecriture, dans les formules de la liturgie. Voir D. Bau-mer, Histoire du Bréviaire (trad. Biron), t. II, p. 36.

(2) Delisle, Anciens Sacramentaires, n* cxiii, p. 278.

(3) Ebner, ouvr. cité, pp. 141 et 324.

Page 104: Le missel romain : ses origines, son histoire

lOO LE MISSEL ROMAIN

Paternoster ^X. Deo gratias. Le prêtre ajoute : Etvobis, récite Ave Maria. Rf Deo gratias. Puis il

monte à l'autel, le baise, ouvre le missel à l'endroit

où se trouve le Crucifix, dit Adoramuste^.., baise

les pieds du Crucifix, dit : Adjîitorium nostrum,et récite VIntro'ït. Pour le Doimnus vobiscuiUy

l'usage de Lyon veut que le célébrant reste tournévers l'autel pour dire : Doimnus et se tourne seu-

lement vers les fidèles quand il dit : vobiscuut. Labénédiction, avant la lecture ou le chant de l'évan-

gile, a une formule différente de la nôtre : ainsi,

à la messe basse, le prêtre dit : Corroboret Doini-

nits sensîiui inemit et labîa i7tea ut proiiîintiein

verba Evangelit. — B. Offertoire. Le prêtre récite

d'abord l'antienne, puis prononce la formuleQuid retribiiain Domino, etc. Prenant alors le

calice, dans lequel on a mis préalablement le vinet l'eau (i), et sur lequel se trouvent la patène et

l'hostie, il fait l'offrande des dons avec la formule :

Hanc oblationent. Il pose le calice et tenant la

patène, il ajoute : In spiritu kuinih'tatis . Il placeensuite l'hostie en avant du calice, recouvre celui-

ci avec le corporal et se lave les mains au coin del'Epître en disant le Psaume : Lavabo. En revenantvers le milieu de l'autel le prêtre dit : VenisanctespirituSy reple iiLoriint... s'incline au milieu pourréciter Suscipe sancta Trinitas (dans cette prière

on fait mention de la Sainte Vierge, de tous les

(i) Les documents que nous avons sous les yeux ne pré-l

cisent pas le moment où le prêtre met le vin et l'eau dans le

calice : nous sommes incliné à croire que la cérémonie s'ac-

complissait dès le début, comme on le voit encore de nos jours.

Ce qui nous rend hésitant, c'est que le Codex XII, 2 de la

Bibl. Barberini donne la formule du mélange : De latei'e,

D. N. J. C. entre la formule pour la lecture de l'Evangile et

Hanc oblationem. Peut-être le vin avait-il été versé dans lé

calice au commencement, et attendait-on le moment de l'offer-j

toire pour y mêler un peu d'eau en disant : De latere D.N. J, C.

exivit, etc. Voir plus bas, le rite des Chartreux, p. io3.

^7 •

Page 105: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIX 10 1

saints, du saint dont on fait la fête, de ceux dontles reliques sont dans la pierre sacrée). Puis le

prêtre se relève, fait un signe de croix sur l'hostie

en disant : In nomine Patris, etc., se retourne, dit :

Orate pro me fraires, ut vestricm sacrificniift

acceptabilejîat a)ite conspecittin Dornùii. PerChris-tum... Actuellement, aux fériés de Carême, dansl'église primatiale de Lyon, on conserve un sou-

venir de l'ancienne offrande, les deux premiersprêtres de chaque côté du chœur, offrent à l'autel

du pain et du vin. — C. Après le Pater : le prêtre

ayant dit : Pax Dojmni, conserve, entre les doigts,

la parcelle sacrée pour dire trois fois : AgiiMS Dei

;

il la laisse ensuite tomber dans le calice en disant :

Haec sacrosancta coutinixtio ; puis il récite trois

oraisons avant la communion, mais la troisième

diffère de la nôtre et commence ainsi : Dominesancte Pater omnipotens, da mihi corpîis . . . Immé-diatement avant la Communion, au lieu de P^;/^;/^

cœlestem et Domine non sum digmcs, le prêtre

récite, en se frappant la poitrine, les versets :

Averte faciem tuam apeccatis fneis. . . Cormundttmcréa in me Deics... Ne projicias me.,, puis il fait

une génuflexion en disant : Redde mihi lœtitiam

salutaris tui, prend la patène et l'hostie, et dit :

Corpus Domini. . . Quand il a pris le précieux sang,

il récite : Perceptio corporis tui... Quod ore su7np-

simus... Qui m^anducat meam carnem... Verbumcarofactumest... enfin le cantique : Nunc dintittis

le tout pendant les dernières ablutions... Aprèsles dernières oraisons, et le congé donné auxfidèles, le prêtre s'incline au milieu de l'autel, dit :

Placeat, baise l'autel, quitte la chasuble, récite

l'évangile : In principio, l'oraison : Protector in

te sperantium^ enfin le cantique Benedicite (i).

(i) D. Martène : De Antlqtiis Ecclesiae ritibus, t. I,

p. 238. Pour les autres détails de la grand'messe, voir le

Cérémonial. Aujourd'hui, l'usage lyonnais est un peu différent

de celui que nous expose D. Martène.

Page 106: Le missel romain : ses origines, son histoire

I02 LE MISSEL ROMAIN

II. Ordres religieux.— L'exposé détaillé de la

messe lyonnaise était nécessaire pourTintelligence

de ce que l'on va dire des religieux. De fait, c'est

la liturgie romano-française et plus spécialement

la liturgie de Lyon qui fournit aux Carmes, Char-

treux, Prémontrés et Dominicains leurs particula-

rités dans la célébration de la messe.— i . Cannes,Il n'entre pas dans notre plan d'examiner l'anti-

quité de ces religieux : nous les prenons aumomentoù ils vont s'établir en Europe. Après la prise

de la Ville Sainte par les Croisés, ils adoptèrent

la liturgie que suivait l'église latine de Jérusalem,

puis apportèrent avec eux cette liturgie en Occi-

dent. Comparaison faite avec les livres liturgiques

français du XII^ siècle, on trouve que la liturgie des

Carmes leur doit bon nombre de pratiques (i).

2. Chartreux. Les Coutumes de Chartreuse,

rédigées au Xir siècle par Dom Guigues,permettent de constater une grande conformité duMissel carthusien avec les Missels de Grenoble et

de Lyon. — A. Les prières du début de la tnesse

sont celles de Lyon ; le prêtre les récite au côté

septentrional entre le chœur et l'autel, puis il lit

au côté de l'Epître, non seulement VIntroït, les

oraisons et les lectures, mais aussi le Kyrie et le

Gloria in excelsis, il porte lui-même le Missel

fermé du coin de l'Epître à celui de l'Evangile.

Les Chartreux n'admettent dans leur liturgie

aucune prose ni séquence, ils chantent tous

ensemble le Credo. Pendant le Credo, après Etincarnatus est, le prêtre se lave les mains en réci-

tant deux ou trois versets du Psaume Lavabo,reçoit la bourse des mains du Diacre et va lui-

même étendre le corporal sur l'autel (2).

(i) Du Lac, ouvr. cité, p. i36. Sur la question de l'antiquité

de l'Ordre des Carmes, voir Zimmerman dans le Dictionnairede Théologie catholique, t. II, c. 1779 et suiv.

(2) Voir pour plus de détails : Lebrun et De Vert, Explica'iion des cérémonies, passim.

Page 107: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN lOJ

B. \Joffertoire étant dit, le prêtre découvre le

calice, vient au coin de Tépître, prend la petite

cuiller dans laquelle il dépose deux ou trois

gouttes d'eau, les verse dans le calice en disant :

De laiere D. N'.J. C. exivit,.., fait l'oblation ducalice comme au rite lyonnais, revient au coin del'épitre pour se laver les doigts en disant deux outrois versets du psaume : Lavabo, Le canon de la

messe ressemble à celui de la messe romaine saufquelques cérémonies, par exemple l'extension desbras, une seule élévation de l'hostie sans élévation

du calice, etc. (i). — C. A la Communion, aprèsavoirprisleprécieuxsang, le prêtre reçoit aussitôt

la première ablution; on ne récite pas de Confiteor

pour la communion des religieux, le Confiteor Amdébut ayant été récité en commun ; on chante

^^/^^^sS" Z^é-^' au choeur seulement au moment où le

prêtre se lave les doigts puis le diacre ayant reçule calice y verse un peu de vin pour le purifier,

prend ce vin s'il a lui-même communié, sinon, le

vin est jeté dans la piscine. Les Chartreux n'ont

pas encore admis à leur messe la Bénédiction et

l'Evangile de saint Jean, mais quand les oraisons

sont terminées, le prêtre s'incline au milieu del'autel pour dire : Placeat (ou commence l'heure desexte). Puis il se retire, et, ayant quitté les orne-

ments sacerdotaux, il récite : Pater noster (2).

3. Les Prémontrés institués par saint Norbertdans les premières années du xir siècle, reçurent

eux aussi de leur fondateur la liturgie alors enusage dans l'église de France (3).

(1) D. Martène, loc. citât., t. I, p. 227. Voir aussi les

CoîUutnes de Chartreuse dans P. L., t. Cl!.IIl, c. 989 et suiv.

— Lebrun, ozivr. cité^ t. I, pp. 403, 438, 485-7, 53 1, 574.

(2) D. Martène, Ibid.y t. I, p. 228. — Lebrun, Ibid., t. I,

pp. 65i, 657.

(3) Du Lac, ouvr. cité, p. i36.

Page 108: Le missel romain : ses origines, son histoire

3 04 LE MISSEL ROMALNf

4. Dominicains (i). Ces religieux ont le romainpur dans le texte de leur Missel, sauf pourtant delégères différences : ainsi ils ont adopté plusieurs

rites et prières tirés des Missels français du XIII® auXV"" siècle. Il y a dans leur liturgie un accent detriomphe qui contraste avec la naïveté des offices

franciscains (2). — Quant à leur ordinaire de la

fjtesse^ A. le début a beaucoup d'analogie avec le

rite lyonnais. Cependant, au lieu de baiser l'autel,

ilsse contentent d'y tracer une croix avec le pouce;ils disent In nomine Patris, etc., avant de réciter

\Introït, et font alors le signe de la croix (3), ils

récitent le Kyrie au coin de l'épître. A la grand'-

messe la lecture de l'Epître par le célébrant est

facultative (ordinaire de 1.254) ; on n'admet pasd'accompagnement d'orgue pour le Credo chantépar tout le chœur (chapitre général de 1582). —B. Pour r(9^^r/<?2>^, voir encore le rite lyonnais.

Toutefois le prêtre place le calice sur le corporal,

à droite de l'hostie (statuts de 1254) ; on nerépond rien à Orate ficaires ; la secrète est pré-

cédée de : Domine exaudiorationem et Oremous.—C. Quant au canon, il ressemble au canon romainsauf les détails suivants : il n'y a pas de baiser

d'autel à Te igitur ; primitivement (c'est-à-dire

avant 1576), il n'y avait pas d'élévation du calice.

Le prêtre a les bras étendus en croix quand il dit :

Unde et inemores. Le baiser de paix était donné

(i) Les liturgistes, comme Lebrun, De Vert, etc., désignent

ces religieux sous le nom de Jacobins, parce qu'ils furent

établis à Paris par saint Louis dans un couvent de la rueSaint-Jacques

.

(2) D. Guéranger, Institutions liturgiques, t. I, p. 325 ;—

Du Lac, ouvr. cité, p. 137.

(3) Les signes de croix que nous faisons a. Adjutorium,Iitdulgentiam, à V Introït, etc., paraissent venir de ce queprimitivement on disait In nomine Patris, etc., avant ces

formules. De Vert : Explication des Cérémonies, t. III, p. i3o.

Page 109: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN lOD

d'abord comme au rite romain, mais au XV!"" siècle,

on régla que le prêtre baiserait la patène et qu'il

y aurait un instrument pour porter la paix auxassistants (i). — D. Comimcmon. La récitation duConjiteor 'àX2in\. la communion des assistants fut

autorisée au xiir siècle. Tous reçoivent un peu devin pour purifier la bouche après avoir communié(statuts de 1254). La communion se chante aprèsque tous ont communié. Entre la communion et

la postcommunion, il est d'usage de dire Latides(c'est-à-dire un cantique d'actions de grâces).

D'après le Missel de 1254 on donnera la bénédic-tion finale si c'est la coutume du pays ; la lecture

de l'Evangile selon saint Jean est laissée à la dévo-tion de chacun. — A l'encontre des Chartreux,les Dominicains ont admis les séquences à la

messe : on trouve beaucoup de ces compositionsdans deux ou trois manuscrits du XVl^ siècle à

l'usage de ces religieux {2). On a sans douteremarqué que pour les Chartreux et les Domini-cains, il s'agit de la messe chantée plutôt que dela messe basse : chez ces religieux comme dansl'Ordre bénédictin, la messe conventuelle est

partie intégrante et non la moindre de l'office

liturgique.

(i) Lebrun, ouv^. cilé, t. I, pp. 144, 200, 247, 3 14, SyS,

376, 403, 484- 7, 593.

(2) Lebrun, Ibid.^ t. I, pp. 628, 634, 641, 648, 6bZ. — Lesmanuscrits sont les numéros 38o5, 5590 et 5591 de la Biblio-thèque Vaticane : Ehrensberger, Libri liturgiciy pp. 47 i

et 472.

Page 110: Le missel romain : ses origines, son histoire

DEUXIEME ÉPOQUE

Le Missel Romain depuis Saint Pie Vjusqu'à la fin du XIX^ siècle.

CHAPITRE PREMIER

Acheminement vers une réformepour l'unification du Missel.

I. Les premiers missels imprimés. — Avec le

XV siècle, l'ère des manuscrits liturgiques est

moralement close ; dès 1477 l'imprimerie donneses premiers missels, et jusqu'en l'année 1500, des

éditions se succèdent à Naples, Milan, Venise

pour l'Italie; à Nuremberg, Mayence pour l'Alle-

magne. Paris, Lyon, Rouen sont, pour la France,

les principaux centres où s'exécutent les impres-

sions liturgiques des diocèses du royaume et aussi

de l'étranger. Ainsi Paris édite les Missels de

Chartres (1482), de Chàlons-sur-Marne (1489), de

Saintes (1491), de Rennes (1492), d'Autun (1493),

de Cambrai (1495); Rouen imprime ceux de

Séez (1488), du Mans (1489), d'Évreux (1497), de

Salisbury (1492) ;Lyon donne non seulement sa

propre liturgie mais encore les Missels de la région

méridionale, comme Viviers, Narbonne, Mar-

seille, etc. — Le Missel romain eut, à lui seul, de

nombreuses éditions, même avant l'apparition duprotestantisme : un fait le prouve, c'est la rapide

diffusion de l'Ordre franciscain ; à la fm duXV^ siècle, grâce à ces religieux, laliturgie romaine

réformée par saint Grégoire VII était en usage

dans presque toutes les églises de l'Europe. Laliturgie de Sarum (Salisbury), à peu près univer-

Page 111: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN IO7

sellement suivie en Angleterre, pouvait seule riva-

liser avec elle (i).

Le nombre des éditions s'accroît encore auXVI^ siècle jusqu'à l'heure ou saint Pie V publie

le Missel romain corrigé par ses soins.

Ces éditions sont dignes des manuscrits qu'elles

remplacent. Par la noblesse du format, la beautéde l'exécution, les livres liturgiques l'emportent

sur tous les autres imprimés et conservent le pre-

mier rang. Le format in-folio est ordinairementassigné au Missel, beaucoup des exemplaires pri-

mitifs sont sur vélin, et, quand le vélin commenceà disparaître, on le conserve encore pour le canonde la messe, la partie la plus vénérable du livre.

Pendant un certain temps, les missels impriméssont en caractères gothiques; dès 1470, il est vrai,

on trouve en Italie des caractères romains, maisune réaction s'opère en faveur des gothiques.Puis, après 1574, la lettre romaine est exclusive-

ment employée dans l'impression des livres

liturgiques; elle s'y développe avec gravité et

magnificence, et plus particulièrement au canonde la messe ; ce développement est dû en grandepartie au format. — Le vermillon est employépour les rubriques : la double couleur des lettres

sera bientôt l'apanage exclusif des livres de la

liturgie, ils en revêtent une physionomie spéciale

qui convient à merveille à leur destination mys-térieuse (2).

Pour rattacher plus étroitement le Missel

(i)D. Guéranger, Instîhitions littirg., t. III, pp. 3i9-323.— Du Lac, La liturs^ie romaine et les liturgies françaises,

p. 199. — J. Weale, Catalogits inissaliuTn ritus latiniab afino

i4y$ impressorum^ London, 1886. On trouvera, dans cedernier ouvrage, une Bibliographie complète des éditions dontnous ne pouvons donner qu'une idée insuffisante. — Zaccaria :

Bibliotheca ritualis, t. I, pp. 52-53.

(2) D. Guéranger f Institutions littirgiqzies, t. III, p. 325-329.

Page 112: Le missel romain : ses origines, son histoire

ÎOS LE MISSEL ROMAIN

imprimé aux vénérables manuscrits dont il pro-

cède, il fallait que les miniatures y fussent repré-

sentées. La gravure sur bois et sur cuivre ne tarda

pas à en fournir les moyens ; en attendant, les

imprimeurs laissèrent en blanc la place des larges

initiales, des demi-pages et quelquefois des pagesentières pour recevoir la peinture des sujets his-

toriques et allégoriques. De la sorte, les premierslivres liturgiques imprimés continuèrent de rap-

peler les beaux manuscrits de l'âge précédent.

On peut citer comme exemples les missels des

Chartres (1482) et de Lyon (1487) avec leurs nom-breuses initiales peintes en couleur, et surtout

le magnifique Missel de Paris (1522), conservé à

la Bibliothèque de l'Arsenal ;il y a dans ce der-

nier au moins 154 miniatures coloriées, puis des

bordures, des initiales peintes avec un soin

-extrême. — Au XVII^ siècle la gravure sur bois

remplace la peinture, elle est remplacée elle-mêmeau XVII^ siècle par la gravure sur cuivre. Notonsen passant que la liturgie fut l'occasion de la

découverte de la gravure sur cuivre faite par

Thomas Finiguerra, orfèvre florentin (1452) (i).

IL — Nouvelles particularités introduitesDANS le missel. — Le Missel imprimé à Naplesen 1477 poi'te pour titre, à la suite du calendrier :

Incipii ordo uiissalis secundîim consuetudinein

citriae romanae : c'est aussi la qualification que se

donnent beaucoup de Missels imprimés par les

diocèses et les monastères. Toutefois cette confor-

mité avec la cour romaine n'excluait pas la pré-

sence de certaines particularités et de développe-ments spéciaux. Ainsi, pour n'être pas atteinte

substantiellement, la liturgie romaine avait eu auXV® siècle ses variantes, ici, la forme purement gré-

gorienne, ailleurs, la réforme de saint Grégoire VII,

(i) D. Guéranger, Iiistihùt. liturg.y t. III, p. 388-393.

Page 113: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN lOÇ

ailleurs encore, la réforme des Franciscains. Danschaque nation, des usag^es locaux avaient cours,

une dévotion ardente charofeait sans cesse le

calendrier de nouveaux saints, avec des offices

plus ou moins corrects (i). On a vu dans l'histoire

du Bréviaire (2), que le grand schisme contribuapour une part considérable à l'altération de la

liturg"ie ; le cérémonial forcément modifié à la

cour d'Avignon donna une entrée plus libre auxusages locaux. Le Missel, en raison même de sonétroite connexion avec le Bréviaire, devait se

ressentir du particularisme introduit dans l'office

divin. Pour n'en donner qu'un exemple, on vit

pendant le séjour des papes à Avignon, des

messes votives, avec circonstances superstitieuses

dans le nombre et le rite à garder, prendre la

place des messes ordinaires (3).

D'autre part, l'influence des humanistes sur

les formules de l'office canonial ne devait-elle

pas s'étendre aux formules du Missel, sinon auxanciennes collectes, du moins auxpartieschantées?Pour n'être pas exposée à un remaniement aussi

complet que celui du Bréviaire de Quignonez, la

structure de la messe pouvait subir quelquesatteintes de ce côté. On devait bientôt s'en aper-

cevoir;car les chefs de la Réforme protestante

s'en prirent au Missel plus encore qu'au Bré-

viaire.

III. Influence du Protestantisme sur l'al-

tération DU Missel. — Luther, il est vrai, ymit quelques ménagements : lorsqu'en 1523, il

réforma la messe et en dressa la formule, il nechangea presque rien de ce qui frappait les yeux

( i) Du r,ac, La lUiwgie romaine et les lihirgies françaises^p. 199. !

(2) Le Bréviaire rojnain, ses origines, son histoire, p. 84.-

(3) D. Guéranger, oiivr. cité, t. I, p. 345.

Page 114: Le missel romain : ses origines, son histoire

I 10 LE MISSEL ROMAIN

du peuple. Ainsi, il garda VIntroït, le Kyrie, la

collecte, l'épître, l'évangile (avec les cierges et

l'encens, si l'on voulait), le Credo, la prédication,

les prières, la préface, le Sanctus, les paroles dela consécration, l'élévation, l'Oraison dominicale,VAgnus Dei, la communion, l'action de grâces...

II conserva le chant, et même le chant en latin, il

y mêla seulement des prières en langue allemandepour l'instruction du peuple (i).

Mélanchton ne se montra pas moins conserva-teur ; mais Calvin fut inexorable à l'égard descérémonies, et bientôt, sous prétexte de rendrela liturgie plus parfaite, le protestantisme changeases formules, la débarrassa de tout ce qui rap-

pelait la foi catholique... Pour rompre ainsi avecla Tradition, on allégua de nouveaux principes,

par exemple : la parole de Dieu est seule digned'être prononcée dans l'office divin (2) ; le latin

de l'Eglise n'est qu'un latin barbare, étrangerau pur classique, il faut lui substituer le latin dela Renaissance ou mieux encore la langue vulgaireque le peuple entend; enfin il faut anéantir le culte

de la Sainte Vierge et des Saints, et toute trace

de religion envers le Siège Apostolique. — Oncomprend sans peine ce que devient le Missel sousla main de ces Novateurs; les livres des églises

luthériennes, calvinistes, anglicanes, montrentl'application du système dans son étendue. Tou-tefois, l'audacieuse réforme n'opéra pas partoutde la même façon ; tandis que les plus avan-cés, sans craindre de se mettre en opposition avecleurs propres principes, éliminèrent les formulesde style ecclésiastique, réprouvèrent même les

lectures et prières empruntées à l'Ecriture Sainte,

(i) Bossuet, Histoire des Variations^ liv, III, c. 5i.

(2 Dom Gasquet et Ed. Bishop, Edward VIand the Book ofCommon Prayer, pp. 84, 217.

Page 115: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE xMISSEL ROMAIN I I I

les autres y apportèrent plus de ménag-ements et

affectèrent même un certain conservatisme : tels

le luthéranisme des premiers temps et l'anglica-

nisme. On vient de voir ce que pensait Lutheravant de formuler ses diatribes contre le canon dela messe ; l'église anglicane, de son côté, voulut

avoir son recueil liturgique où serait rég-lé tout le

service divin (matin et soir). C'est le Book ofContnton Frayer, dont la première rédaction défi-

nitive est de 1549 : la partie substituée à l'ancien

Missel a pour titre : The Stipper of the Lord, LaChie du Seigneur, elle concorde avec le Missel de^'^^r//;/^ jusqu'au Credo inclusivement, on a inséré

en cet endroit une formule qui tient de l'homélie.

Alors se rencontre une lacune (on a omis l'ancien

rituel de l'oblation). La reprise de la concordancese fait à la préface, mais une nouvelle formule aété insérée pourremplacer notre canon de la messe.Cranmer rédigea une suite de prières à peu près

de même longueur que la partie supprimée, il enfit disparaître tout ce qui pouvait éveiller l'idée

d'oblation et de sacrifice. A la fin de l'action, onn'a laissé subsister que les parties suivantes :

Pater noster, Fax Domini et Agmis Dei ; le reste

est entièrement nouveau.— Comme dans la messelatine de Luther, on retrouve ici les anciennes for-

mules (oraisons, lectures, etc.,) spécialement pourles dimanches, mais le calendrier des fêtes a été

singulièrement allégé : en plus des fêtes deNotre-Seigneur, on y a maintenu celles des Apôtres, dela Purification et de l'Annonciation, de saint Jean-Baptiste, de sainte Marie-Madeleine, de saint

Etienne, des saints Innocents, de saint Michelcomme commémoraison des Anges, puis la fête

générale de tous les Saints (i). Mieux conservée

(i) Dom Gasquet et Ed. Bishop, Edward VI and the Bookof Common Prayer, pp. 217, 34.

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112 LE MISSEL ROMAIN

que ses rivales protestantes, la liturgie anglicane

a pourtant connu plus d'un changement pendantses trois siècles d'existence : ainsi V OrdinalcÛEdouard F/fut modifié sous Elisabeth, corrigé

et augmenté sous Jacques P^, remplacé par unecomposition de Cromwell, etc.

Ce seul exemple peut suffire à montrer le dangerqui menaçait la liturgie romaine au moment oùl'autorité suprême intervint pour la protéger et la

fixer dans l'unité. Cette intervention était jugéenécessaire par les catholiques. Un concile tenu

à Cologne en 1536, émet le vœu d'une réformeliturgique : dans le Missel on constate, pour les

réprouver, plusieurs innovations récemment intro-

duites, car elles sont une atteinte au respect dû à

nos saints mystères;on s'en prend d'une façon

spéciale aux nouvelles proses (3). — Même après

l'ouverture du saint Concile de Trente en 1545,des projets de réforme liturgique se font jour,

en Allemagne notamment au Synode de Salz—

bourg {1562), en France aux conciles provinciaux

de Reims (1564), de Cambrai (1565) (2). A la

reprise du concile sous Pie IV, un mémoiredonné au Cardinal de Lorraine lui enjoint, aunom du roi et des Etats Généraux de France,

d'insister fortement sur la nécessité d'épurer le

service divin, de retrancher les superstitions, derevoir les prières et les cérémonies (3).

Ainsi fut introduite, dans les dernières sessions

du Concile de Trente, la question de la réformedu Missel.

(i) Mansi, Conciliorziiu Collecta amplissima, t. XXXIT,p. 1227.

(2) Dom Baumer, Histoire du Bréviaire, t. II, p. i52, note.

(3) Dom Guéranger, Institutions litîirgiques, t. I, p. 412.

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LE MISSEL ROMAL>J I K)

CHAPITRE II

Le Missel romain de Saint Pie V (1570)

Articlp: I. — Travaux préparatoireset Bulle de promulgation.

I. Travaux préparatoires. — La réforme duBréviaire et celle du Missel devaient marcher depair

;Jean Pierre Carafîfa, théatin, plus tard pape

sous le nom de Paul IV (1555- 1559) avait préparélui-même une réforme du Bréviaire, mais il mourutavant d'avoir pu achever son travail. Pie IV, sonsuccesseur (1559- 1565) envoya l'œuvre au Concilede Trente, demandant qu'on l'examinât conjoin-

tement avec les soins donnés à l'affaire du Missel.

Au Concile, on nomma dans ce but une commis-sion, mais l'entente ne put se faire sur l'objet dela réforme liturgique, et l'on décida de s'en

remettre au Pontife Romain : aussi bien, l'œuvrede simple correction, et non pas de reconstitution,

ne pouvait s'accomplir qu'à Rome même; il s'agis-

sait non pas de donner à l'Eglise une nouvelle

liturgie, mais de réviser et de corriger les livres

de l'ancienne liturgie occidentale. Saint Pie Vput, après quelques années, donner au mondecatholique une nouvelle édition du Bréviaire

romain (1568) et un Missel conforme à ce Bré-

viaire réformé (1570) (i).

IL Bulle de promulgation. — Depuis le

14 juillet 1570, date de sa publication, le Missel

Romain porte en tête la Bulle Quo priinmn tein-

pore. Cette Bulle expose : 1° le BiU poursuivi

conformément au vœu du Saint Concile de Trente;

( I ) Pour éviter des redites, nous renvoyons le lecteur à l'opus-

cule sur le Bréviaire romain notamment aux pages 96-104.Il y a bien des points communs entre le projet de la réformedu Bréviaire et celui de la réforme du Missel.

LE MISSEL ROMAIN. — Tome IL 8

Page 118: Le missel romain : ses origines, son histoire

114 LE MISSEL ROMAIN

donner un Missel qui réponde au Bréviaire, pourque dans l'Eglise de Dieu on voie régner un seul

mode de psalmodie et un seul rite pour la célébra-

tion de la messe ;2*^ les précautions prises et la

utéthode employée ; des hommes érudits ont con-fronté les plus anciens manuscrits de la Biblio-

thèque Vaticane et d'autres encore, puis ils ontconsulté les ouvrages des auteurs anciens et

approuvés;3° le caractère obligatoire de la nou-

velle publication ; les prêtres connaissant par cedocument quelles prières, quels rites et quelles

cérémonies ils doivent désormais retenir dans la

célébration des messes, seront obligés de procédersuivant la forme du présent Missel dans toutes les

églises ou chapelles du monde chrétien, à moinsqu'on ne puisse, comme en certaines églises,

exciper d'un usage particulier assidûment observéen vertu d'une première institution ou d'une cou-tume antérieure l'une et l'autre à deux cents ans.

Encore est-il permis à ces dernières églises decélébrer la messe selon le présent Missel, pourvuque l'évêque et le chapitre tout entier y consen-tent

;4° les garanties contre les altérations de

l'avenir : « on ne pourra rien ajouter, retrancher

ou changer au Missel que nous publions, » dit le

pape auteur de la Bulle.

Comme pour le Bréviaire, un délai plus oumoins considérable (un mois, trois ou six mois)est accordé aux localités, suivant qu'elles sontplus ou moins éloignées de Rome, pour se pro-

curer le présent document : passé ce délai, le nou-veau Missel devra être mis en usage.

Article IL— Contenu du Missale Pianum.

Dans la pensée de ceux qui en ont suggéré,préparé et ordonné la publication, ce Missel n'est

pas un livre liturgique nouveau ; à part quelquesadditions, comme celle des documents pontificaux

Page 119: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN II 5

et des rubriques g-énérales, on y retrouve les

éléments et même la distribution des matières duMissel plénier. Le tout peut se ramènera quelquespréliminaires, à quatre parties principales et à

un appendice : les quatre parties sont : i° l'Ordi-

naire de la messe, que l'on a intercalé pour plus

de commodité dans le propre du temps entre le

samedi saint et la fête de Pâques ;2° le Propre du

Temps;3° le Propre des Saints

;4° le Commun

des Saints avec les messes votives. En appendicese trouvent des formules de bénédictions ayantquelque rapport avec la célébration de la messe.

I. Préliminaires du Missel. — i^ Le documentpontifical, placé au début, a été analysé dansl'article précédent. Comme on le voit, c'est unegarantiedel'authenticité du recueil, une attestation

portée par l'autorité suprême du Chef de l'Eglise.

Plus tard on y joindra les bulles des Pontifes qui

travailleront à améliorer l'œuvre de saint Pie V;

désormais la réglementation liturgique devra être

faite ou sanctionnée par le Pontife romain. —2° Comme dans le Bréviaire, on a inséré dans le

Missel, les règles à observer pour déterminer la

fête de Pâques, puis le détail du calendrier, ce

dernier est entièrement conforme à celui du Bré-viaire, là réside l'harmonie demandée entre la

célébration de l'office divin et la célébration dela messe. — 3^ Les rubriques générales du missel

et les rites à observer dans l'offrande du saint

sacrifice font maintenant suite au calendrier. Cetensemble de lois ou d'observances sacrées avait

été rédigé, dans la forme qu'il a conservée depuispar Jean Burchard au début du xvr siècle. Autémoignage deGavantus, une rédaction sommairedes rubriques avait été placée dans les Missels

manuscrits de la Bibliothèque Vaticane ; on la

trouve un peu amplifiée dans les premiers Missels

imprimés, particulièrement dans les éditions de

Page 120: Le missel romain : ses origines, son histoire

Il6 LE MISSEL ROMAIN

Venise. A partir de 1534, dit Bona, la rédaction

de Burchard fut imprimée en tête des Missels et

la commission de saint Pie V n'eut qu'à les ymaintenir (i). Comme les rubriques du Bréviaire,

celles du Missel, sauf quelques corrections, sont

demeurées ce qu'elles étaient en 1570. — 4° Lesprières à réciter, pour revêtir les ornements sacer-

dotaux ont été fixées d'une façon définitive dansle Missel de saint Pie V ; ce Pontife a voulu mettre

un terme aux variations qui s'étaient perpétuéesjusqu'à lui. On trouve des prières pour les orne-

ments dans une foule de manuscrits à partir

du IX® siècle (2). Il faut en dire autant des psaumesde préparation et d'action de grâces : ils paraissent

ici dans le document officiel du XVI® siècle commeles vestiges des anciennes Apologies du début oude l'offertoire et des prièresrécitéesaprès la messe.Désormais l'uniformité régnera dans la pratique

pour ces accessoires de la célébration.

II. — Les quatre parties du Missel. —Nous parlons en premier lieu de V Ordinaire de la

Messe à cause de son importance et de son anti-

quité : on sait que la seule raison d'une plus

grande commodité l'a fait reporter vers le milieu

du recueil, même pendant la période des manus-crits. — Tout y est désormais prévu et réglé

depuis le commencement jusqu'à la fin du Saint

Sacrifice, pour que l'harmonie parfaite règnedans le mode de célébration et l'emploi des for-

mules. Les particularités qui s'étaient maintenuesjusqu'aux Xlir et XIV® siècles, au début et à la fin

du Saint Sacrifice, disparaissent ; le nombre despréfaces est considérablement réduit (onze seule-

(i) Zaccaria, Bibliotheca ritualis, t. I, p. 58.

(2) Voir Doni Martène, De Aiitiquis Ëcclesiae ritibus, t. I,

p. 343. — Lebrun, Explication des prières et cérémoniesde la messe, t. I, p. 40-41.

Page 121: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN I I7

ment subsistent) comme aussi le nombre desvariantes aux formules Communicantes et Hancigitny ; il n'est plus fait mention de la bénédictionépiscopale du rite gallican ou mozarabe ; la béné-diction finale avant le dernier Evangile se donne(sauf aux messes des morts) d'une façon uniformepar tous les prêtres ; les prélats ont une formulespéciale.

2. Propre du temps. — Le Missel de saint Pie Va les trois grands cycles des anciens documents :

Noël [y^'^ dimanche de l'Àvent au dimanche de la

Septuagésime) ;Pâques (dimanche de la Septua-

gésime à la Pentecôte ; Peittecôte (les dimanches quisuivent jusqu'à l'Avent : pratiquement, toute

l'octave de la Pentecôte rentre dans le tempspascal bien qu'on y ait placé les Quatre-Temps).Il y a des parties variables pour la messe tous les

dimanches, pendant le Carême à toutes les fériés,

puis aux mercredis, vendredis et samedis des

Quatre-Temps. Nous allons donner un rapide coupd'œil sur ces parties variables pour établir leur

relation avec les anciens documents : renvoyantpour les lectures aux Lectionnaires et auxEvangéliaires, nous nous bornerons à parler desparties chantées et des oraisons.

A. parties chantées. — La publication officielle

de 1570 est une réponse à Luther et à ses adeptes;

elle montre toute l'injustice de leurs griefs et

l'inexactitude de leurs assertions contre l'ancienne

liturgie. Il n'était guère besoin, en effet, de rem-placer les formules de style ecclésiastique par deslectures d'Ecriture vSainte dans un recueil qui

remettait chaque jour sous les yeux le texte sacré

grâce aux chants et aux passages des Epîtres et

des Evangiles. Pour le rappeler d'une façon sen-

sible aux fidèles et aux prêtres tentés de l'oublier,

on a pris soin de marquer les références dans le

nouveau Missel;par là on constate sans peine que

Page 122: Le missel romain : ses origines, son histoire

Il8 LE MISSEL ROMAIN

les Introïts, Gradîiels, versets alléluïatïques, traits,

offertoires et cojnmunionssontj à quelques excep-tions près, tirés de la Sainte Ecriture (i). Lepsautier y figure pour une large part, et c'est jus-

tice, car le Psalmiste a dans ses hymnes des accentssuaves et variés pour apaiser le ciel (2) : ainsi les

chants du Missel sont,comme ceux l'office divin,

par excellence les chants du psautier, le propre dutemps y reproduit l'Antiphonaire grégorien (3).

Le texte y diffère plus ou moins de celui de la

Vulgate et c'est à dessein que VItala Vêtus aété conservée. Sur cette version qui remonte auir siècle et se maintint dans l'Eglise jusqu'auVU" siècle à côté de la traduction de saint Jérôme,ont été adaptées les mélodies primitives; la modi-fication du texte eût amené la modification desmélodies et l'on ne vit pas la nécessité de ce doubletravail. D'ailleurs, le texte de VItala Vêtus avait

ses avantages, il était suffisamment orthodoxe,aimé du peuple à cause de sa ressemblanceavec l'idiome populaire, apprécié en mêmetemps des hommes instruits parce qu'il reprodui-sait fidèlement la version des Septante. Aussi,quand sur la fin du xvr siècle, des éditeurs ten-

tèrent de substituer, dans les livres d'offices, la

Vulgate à l'ancienne Italique, Clément VIII ré-

prima sévèrement ces libertés dans la Bulle :

Ctiin Sanctissiinu7ft de 1604; de nos jours, le

(i) C. Marbach, Carmina Scripttirarum, i in- 8* Argent-torati 1907, Introduction, p. 20 note, 2. — L'auteur de cet

ouvrage a rendu un réel service aux liturgistes et aux prédi-cateurs en leur indiquant à quels jours, à quelles fêtes et dansquelles occasions les divers textes des saints Livres sont chan-tés dans les oflîces de l'Eglise. — Nous renvoyons à l'ouvrageles lecteurs qui veulent avoir de plus amples détails sur cet

article.

(2) Bona, De divina Psatmodia, cap. 16, § 11.

(3) Voir cet Antipîtonaire Grégorien dans P. L., t. LXXVIII,c. 641 et seq.

Page 123: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 119

Saint-Siège a paru accentuer encore la pensée deClément VIII à ce sujet (i). Le tableau des réfé-

rences du Propre du temps au psautier présente

une mosaïque, assez bizarre à première vue,

comme on peut en juger par ce spécimen des

dimanches de l'Avent.

Introït GraduelVerset

AllèluiatiqueOffertoire Communion

i*'dim.de l'Avent Ps. 24 Ps.42 Ps. 84 Ps. 24 Ps. 84

3- — —4* — —

3o

8418

49

79144

121 84

84

— a

a) N. B. — Le trait — indique les emprunts faits aux livres diffé-

rents du psautier.

Voici les conséquences à tirer de cette consta-tation : I . En général, entre les divers chants d'unemême messe, il n'y a pas de connexion étroite et

logique; il y a pourtant un air de famille; de l'in-

troït à la communion on reste sous l'impressiondes mêmes sentiments ;

— 2. Quand le temps del'année a un caractère bien déterminé commel'Avent, le temps de la Passion, le temps pascal,

les chants de la messe s'inspirent de ce caractère;

le caractère n'est pas aussi bien marqué pour le

carême où chaque férié a sa messe spéciale, ni

pour le temps qui suit la Pentecôte, aussi un rap-

prochement s'est-il établi entre ces deux époquesde l'année, un assez grand nombre de supplica-tions des messes du carême se trouve dans les

dimanches après la Pentecôte (2). Notons pourtantle cachet spécial de certaines fériés de Carême,

(i) C. Marbach, ouvr. cité, pp. 37-38.

(2) Pour tous les jours de fêtes, il y a relation entre les chantsde la messe et l'objet de la fête ; de même pour certaines fêtes

qui présentent un caractère bien tranché, par exemple les Roga-tions.

Page 124: Le missel romain : ses origines, son histoire

I20 LE MISSEL ROMAIN

par exemple le mercredi après le 4^ dimanche a

une messe composée dans toutes ses parties en

vue des Catéchumènes ; en ce jour appelé feria

traditiomi'm, avait lieu, après un dernier examen(scriitiniuin)^ la remise du Symbole et de l'Oraison

dominicale ;— 3- La connexion entre les chants

et les autres parties de la messe est plutôt excep-

tionnelle ; ainsi le graduel n'a de connexion avecrépître que dans des cas isolés : Omîtes de Sabavenient de l'Epiphanie ;

Ecce Sacerdos inagnus

d'un confesseur pontife. Deux fois seulement,

dans les cas peu fréquents où le trait suit immédia-tement une leçon, il y a adaptation parfaite : la4''

et la 11^ prophétie du Samedi saint annoncent par

leurs derniers mots les deux cantiques de Moïse :

Cantemus Domino, et Attende cœlum,

B. Oraisons, — Sous ce nom. sont comprises les

formules de style ecclésiastique pour lesquelles les

protestants ont affecté un profond dédain. Choseétrange, ils n'osèrent pas les supprimer ; non seu-

lement ces formules reposaient sur une tradition

solidement établie, mais le peuple y était habitué

etn'enauraitpasaccepté volontiers la suppression.

Dans le propre du temps toutes les formules duMissale Pianum sont empruntées aux plus anciens

Sacramentaires : déjà nous avons signalé, à proposdu Sacramentaire Léonien, dans quelle mesure ce

document est reproduit au Missel romain ; les

autres formules de celui-ci sont tirées du Gélasien

et du Grégorien, quelques-unes même, émanentdes trois documents à la fois. L'ordre et l'assigna-

tion du jour, donnés par le Grégorien, ont natu-

rellement prévalu ; avec l'édition de Muratori, le

rapprochement s'établit facilement. Ce travail decomparaison nous entraînerait trop loin. —

L'Église ne craint pas de répéter en diverses

circonstances les mêmes formules pourvu quecelles-ci s'adaptent aux lectures ou à l'objet du

I

Page 125: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN^ 121

mystère : ainsi l'oraison : Deits qui Mbus puerisrécitée chaque jour après la messe dans les prières

d'actions de grâces, revient à chaque samedi desQuatre-Temps après la cinquième lecture et le can-tique, Beiiedictits es de Daniel ; la secrète : Obla-

tîiiit tïbi sacrificiunt vivijîcei nos, reparaît audimanche dans l'octave de l'Epiphanie, audimanche de la Septuagésime, au lundi après le

quatrième dimanche de Carême. On trouvera aisé-

ment d'autres exemples pour peu que l'on fasse

rentrer le propre et le commun des saints dans le

champ d'exploration. Les messes des dimanchesaprès l'Epiphanie sont d'origine plus récente queles autres ; elles ont cette particularité que quandles derniers de ces dimanches sont reportés immé-diatement avant le temps de l'Avent, on leur

attribue les parties chantées du vingt-troisième

dimanche après la Pentecôte, mais on leur con-serve les oraisons et les lectures comme avant la

vSeptuagésime. En Carême, on a maintenu pourchaque férié la prière qui se disait après les

postcommunions sur les fidèles inclinés et cette

prière sert d'oraison pour les vêpres : d'ordinaire

la collecte de la messe se dit comme oraison àtoutes les heures de l'office divin. — La liturgie

de saint Pie V a maintenu certaines pratiques despremiers siècles, particulièrement les pratiques

annexées à la préparation des catéchumènes pourle baptême solennel administré le samedi saint.

Ainsi le mercredi qui suit le quatrième dimanchede Carême et le mercredi saint ont deux oraisons

et deux lectures ; les offices du vendredi saint,

ceux des samedis, vigiles de Pâques et de la

Pentecôte ont une structure à part. Les mercredisdes Quatre-Temps ont aussi double oraison et

double lecture;quant aux samedis des Quatre-

Temps, ils ont six oraisons et six lectures avantl'évangile, la cinquième tirée de Daniel est suivie

Page 126: Le missel romain : ses origines, son histoire

122 LE MISSEL ROMAIN

du cantique : Bejtedictus es emprunté au mêmeprophète. — Vers le xr siècle, un changementdes lectures évangéliques à partir du dixièmedimanche après la Pentecôte a brisé l'harmonie

entre collectes, leçons et chants ; l'Eglise n'a pascru devoir rétablir la disposition antérieure à cette

époque.

3. Propre des Saints. — On a soigneusementconservé dans le Missel de saint Pie V les messesdes saints honorés primitivement, quoique à la

même date du calendrier d'autres saints aient été

substitués : par exemple : au 19 janvier, les saints

Marins, Marthe, Audifax et Abacum, à côté desaint Canut, au 12 juin, les saints Basilide, Cyrin,

Nabor et Nazaire à côté de saint Jean de saint

Facond, etc., ces messes en effet sont les plus

anciennes et ont été dans la suite utilisées parfois

pour les communs. Le calendrier du Missel,

comme celui du Bréviaire, reçut après saint Pie Vdes accroissements dont il est parlé dans l'opus-

cule sur le Bréviaire.

4. CoiPifPiun des Saints,— Cette partie du Missel

est amplement fournie : on y recourt pour tous les

saints qui n'ont pas de messe propre ou pourlesquels on ne trouve que des oraisons dans la

partie précédente, i. Sauf le commun des saintes

femmes ajouté sous Clément VIll, la série des

communs dans le Missale Piamtin est celle de nosmissels actuels. Elle comprend : la vigile des

Apôtres (une messe) (i), un martyr pontife

(deux messes), un martyr non pontife (deuxmesses), un ou plusieurs martyrs au temps pascal

(trois messes), plusieurs martyrs en dehors dutemps pascal (trois messes), un confesseur pontife

(i) Il n'y a pas de Commun pour les Apôtres, parce quechaque apôtre ou groupe d'apôtres figure dans le propre des

saints avec une messe spéciale.

Page 127: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 12^

(deux messes), un docteur pontife ou non pontife

(une messe), un confesseur non pontife (deuxmesses), un abbé (une messe), les vierges martyres(deux messes), les simples vierg-es (deux messes),

les saintes femmes martyres ou non (une messe).

Cette série se termine avec la messe pour l'Anni-

versaire de la Dédicace. — 2. On peut rangerdans cette partie du Missel les anciennes messesvotives. Ce sont les messes en l'honneur de la

Sainte Trinité (i), des saints Anges, des saints

Apôtres Pierre et Paul, du Saint-Esprit, duSaint-Sacrement, de la Croix, de la Passion, dela Sainte Vierge (il y a des messes de Beata Vir-

gine pour les diverses époques de l'année).

Viennent des messes votives pour circonstances

particulières : élection du vSouverain Pontife,

élection et consécration d'un évêque, extinction

d'un schisme, une nécessité quelconque, rémission

des péchés, grâce d'une bonne mort, contre les

païens, pourletemps deguerre, pourlapaix, contrela mortalité et la peste, pour les malades, pour les

pèlerins et les voyageurs, pour un mariage ; unesérie d'oraisons diverses fait suite à ces messes,

et la liste se clôt par les messes des défunts (com-mémoraison du 2 novembre, jour de la mort ou dela sépulture, anniversaire, quotidienne) avec desoraisons diverses pour les défunts.

III. Appendice au Missel — i. Ce sont les

bénédictions diverses qui peuvent être donnéesavant, pendant ou après la messe : la liste s'ouvrepar la bénédiction et l'aspersion de l'eau, et

comprend des bénédictions d'aliments (agneaupascal, œufs, pain, fruits nouveaux), des bénédic-tions d'objets ou de lieux (cierges, nouvelle

(i) Nous devons à Alcuin cette messe de la Sainte Trinité;

sauf pour les lectures, elle a été utilisée pour la fête de cemystère.

Page 128: Le missel romain : ses origines, son histoire

124 LE MISSEL ROMAIN

habitation , etc.), bénédictîonsdes vêtements sacer-dotaux et ling-es sacrés (réservées aux Evêques).

2. Enfin le recueil se termine parla série desnouvelles jnesses votives concédées en 1883 parLéon XIII pour chaque jour de la semaine et misesen harmonie avec les offices votifs du Bréviaire.

Article III. — Accueil fait au Missale Pianumet sa prompte diffusion.

I. — Comme l'apparition du Bréviaire, celle

du Missel fut accueillie dans toute l'Eglise avecune véritable joie. Ce Missel, dit Dom Guéran-ger, était puisé aux sources les plus pures del'antiquité, restitué conformément à l'antique

règle des saints Pères ; il mettait fin aux désordreset à l'anarchie dans le culte divin et unissait toute

les églises de la chrétienté dans une même sup-plication (i). Toutefois il admettait certains tem-péraments pour les traditions locales et les cou-tumes que recommandait une pratique déjà

ancienne ; les églises en possession d'un Missel

particulier depuis deux cents ans pouvaient ougarder leur Missel ou adopter le Romain.

Partout, en Occident, on se conforma à la bulle

de saint Pie V. Parmi les églises admises à béné-ficier d'une exception, les unes renoncèrent pure-ment et simplement à leurs privilèges et prirent le

Missel Romain ; telles furent, en Italie, l'église

d'Aquilée, toutes les églises de Sicile ; en Es-pagne, les églises de Tolède et de Séville. Aquelques exceptions près, cet exemple fut suivi

en Portugal, dans les vastes possessions espa-

gnoles et portugaises, puis en Belgique, AutricheHongrie, Pologne. En France, les huit conciles

provinciaux de Rouen, de Reims, de Bordeaux,

(i) Institutions liturgiques, t. I, p. 427.

Page 129: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAL\ 125

de Tours, de Bourg-es, d'Aix, de Toulouse et deNarbonne procurèrent l'exécution de la bulle desaint Pie V ; des mesures analogues furent prises

dans les autres provinces où Ton ne tint pas deConcile. L'Ang"leterre passée tout entière au pro-testantisme resta en dehors de ce mouvement,mais les missionnaires catholiques y firent entrer

insensiblement et à la longue la réforme de saint

Pie V.Plus rares, comme on le voit, furent les églises

qui profitèrent de l'exception ; on cite en Italie

l'église de Milan. Saint Charles Borromée qui la

gouvernait alors maintint avec un grand zèle la

vénérable liturgie ambrosienne ; mais en mêmetemps, il procura l'introduction du Missel desaint Pie V dans toutes les églises de sa ville, deson diocèse et de sa métropole, obligées par le

droit ou la coutume à suivre le rite romain.L'église de Brague en Portugal conserva sa litur-

gie propre, conforme d'ailleurs au romain à part

quelques particularités. On fit aussi d'abordquelques réserves dans les villes des bords duRhin, comme Cologne, Trêves, Mayence, Cons-tance, Wurtzbourg, Worms et Spire; ces réserves

durèrent peu de temps. Il en fut de même dans la

Suisse et la Franche-Comté. En France, la métro-pole de Vienne ne fit qu'épurer ses anciens livres;

Sens et les églises qui en dépendaient commeParis, Meaux, Chartres suivirent cet exemple.Rome d'ailleurs se prêta volontiers à la conces-

sion de propres diocésains où les usages locauxs'unissaient aux pures traditions romaines. On eut

ainsi les Missalia ad Romani formant, ou Juxtamentem Concilii Tridentini {i).

(i) Dora Guéranger Institutions liturgiques, t. I, p. 427.Du Lac, La Liturs^ie romaine et les liturgies françaises

^

p. 2o3. Voir aussi dans le Bréviaire Romain, ses origines,9on histoire, les pages 116 à 122.

Page 130: Le missel romain : ses origines, son histoire

126 LE MISSEL ROMAIN

L'acceptation du Missel de saint Pie V revêtit

les mêmes caractères chez les Ordres religieux.

Les moines bénédictins, dont le Missel n'était

autre que le Missel romain, adoptèrent le Missale

Piamtin. Les Carmes et les Carmélites de l'an-

cienne observance g-ardèrent leur liturgie, commeaussi les Chartreux. Parmi les Ordres mendiants,

les Dominicains conservèrent certains rites et

certaines prières de l'ordinaire de la messe, tout

en ayant le Romain pur dans le texte de leur

Missel. Les Franciscains avaient déjà le Missel dela curie romaine, ils prirent le Missel de saint

Pie V en y fondant leur propre. Les Ordres des

Clercs réguliers suivirent sans exception les

nouveaux livres ; les Théatins avaient pris unepart active à cette réforme ; les Jésuites, par la

volonté de leur saint fondateur devaient suivre la

forme d'office observée parTEglise romaine ; les

autres familles religieuses du même genre mar-chèrent sur ces nobles traces. Les Prémontrésexceptés, tous les Ordres de chanoines réguliers

embrassèrent partout la liturgie réformée. Quantaux religieuses, celles qui se rattachaient auxdivers Ordres d'hommes les imitèrent ; celles dontl'institut était isolé adoptèrent sans plus varier

jamais les livres de la liturgie romaine.

IL — En conséquence, on vit se multiplier

partout les éditions du Missale Piaintm avec la

Constitution du Souverain Pontife. Il est impos-sible de les mentionner toutes : la première en

date, imprimée à Rome en 1570, contient unecorrection au texte évangélique du mardi après

le troisième dimanche de Carême. Aux mots dudébut :

In illo teinpore respiciens Jésus in discipttlos

suos, dixit Sifnoni PeU^o : Si peccaverit... on a

Page 131: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN I27

substitué : In illo tempore^ dixit Jésus discipulis

suis : Sipeccaverit... (i).

L'édition de Venise de 1596 fut siornalée bien-

tôt comme inexacte ; on y avait fait au Missale

Piaiitwt des additions, des retranchements et des

changements. Elle fut prohibée par décret de la

Sacrée Congrégation de l'Index (i'^^ février 1601).

On le voit, Rome veillait à ce que son œuvre fut

intégralement conservée et transmise.

CHAPITRE ni

Le Missel romain aux XVII^ et XVIIF siècles

Article L — Corrections et additions émanantde Pautorité légitime.

L Corrections. — i. Sotts Clément VIII.

(1592-1605). — Vingt-cinq ans s'étaient à peineécoulés et le Missel publié par ordre de saint

Pie V avait déjà subi des altérations plus nom-breuses que celles du Bréviaire. On avait indis-

crètement corrigé, d'après la version de la Bible desaint Jérôme, des introïts, graduels et offertoires

dont le texte, vénérable par son antiquité, était

tiré de l'ancienne Vulgate; on avait bouleverséplusieurs épîtres et évangiles qui se lisaient dansles messes solennelles

; on avait donné aux évan-giles des préludes tout à fait insolites, modifiéplusieurs autres points d'une façon arbitraire.

Une commission fut donc établie;

parmi ses

membres on comptait Baronius, Bellarmin, Ghis-

(i) Zaccaria, Bibliotheca rihmlis, t. I, p. 54. Pour des ren-seignements plus complets sur ces éditions du Missel Romain,voir J. Weale : Catalogus Missaliu^n ritus laiini ab anno1S75 impressorum, Londmiy 1886.

Page 132: Le missel romain : ses origines, son histoire

128 LE MISSEL ROMAIN

leri, Gavanti, etc. ;elle eut pour tâche de ramener

à son intégrité primitive le Missel Romain. Elle

s'en acquitta sans retard, rétablit l'ancienne leçon

sur la foi des plus graves exemplaires, fit aussi

plusieurs améliorations, en particulier pour le

développement et l'éclaircissement des rubriques;

puis elle créa un commun des saintes femmes.Certaines fêtes dont le rite avait été abaissé parsaint Pie V furent relevées, d'autres furent intro-

duites dans le calendrier. Cette augmentationamena une quatrième catégorie de fêtes, celle des

doubles majeures qui prit rang entre les doublesde seconde classe et les doubles (i). Clément VIII,

après Sixte-Quint (1589), avait soumis la Vulgateà une nouvelle revision, mais il défendit de rem-placer dans le Missel les textes provenant del'ancienne version italique ; on vient de voir quedes éditeurs s'étaient montrés trop entreprenants

à ce sujet après l'œuvre de Sixte-Quint.

Enfin Clément VIII prit les précautions pourconserver dans son intégrité l'édition du Missel

publiée sur son ordre; des peines furent édictées

contre les infracteurs et le tout fut consigné dansle Bref Cuin sanciissimum placé en tête des édi-

tions après la Bulle de saint Pie V.2. Sous Urbain F/// (162 3- 1644). — Il paraît

que les précautions de Clément VIII ne produi-

sirent pas tout l'effet désirable, car, en 1634,Urbain VIII publiait un nouveau Bref : Si quidest in rébus hufnanis, ajouté aux deux autres dansles éditions ultérieures du Missel. C'était la sanc-

tion de l'œuvre accomplie par une nouvelle com-mission instituée pour corriger et expliquer les

rubriques du Missel, rétablir dans ce livre litur-

(i) Pour les nouvelles fêtes introduites sous Clément VIII

et ses successeurs immédiats, A'oir le Bréviaire Romain,pp. 128-129.

Page 133: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 1 29

gique le texte de l'Ecriture altéré en quelquesendroits.

Ces deux actes officiels prouvent la vigilance et

le soin des pontifes de Rome pour conserverl'œuvre de saint Pie V, en même temps le zèle

actif, intelligent et discret pour y apporter les

améliorations jugées nécessaires.

IL Additions. — Cependant les mêmes Pontifes

autorisèrent de nouvelles entrées au Missel Romainen harmonie avec celles du Bréviaire. Il noussuffirait de renvoyer à notre opuscule sur le Bré-

viaire Romain pour les renseignements à ce sujet

si nous ne devions signaler les fêtes auxquelles

une messe propre fut concédée : c'est ce que nousferons le plus brièvement possible.

vSoiis Grégoire XIII (157 2- 15 85), fut instituée

une fête particulière du Saint Rosaire : elle neparaît pas avoir eu primitivement une messespéciale.

Sous Sixte- Qinnt [i^'è^-i^go) y l'impression des

stigmates de saint François, étendue à toute

l'Eglise, reçut un introït approprié : Milii autent

absit gloriari... mais les autres parties chantées

furent tirées du commun (i).

Sous 6^r^^<9?r^ X/^( 162 1- 1623), les saintsjésuites

Ignace de Loyola, François Xavier, Louis deGonzague, inscrits au propre, eurent chacun leur

messe; de même aussi saint Philippe de Néri.

Parmi les fêtes introduites au calendrier sousUrbain VIII (1623- 1644) ^^ ^^^ successeurs jus-

cju'à Clément XI (1670- 1676), seule celle des

vSaints Anges Gardiens a une messe propre;

encore les parties en sont-elles empruntées à la

fête du 29 septembre.

(i) Pour les nouvelles fêtes introduites sous Clément VIII

et ses successeurs immédiats, voir le Bréviaire Romain,pp. 128-129.

LE MISSEL ROMAIN. — Tome \\. o

Page 134: Le missel romain : ses origines, son histoire

K^O Lli MISSEL ROMAIN

Pendant le xvur siècle, les messes propres àmentionner sont celles du Sacré Cœur de Jésus,concédée par Clément XIII en 1765 (i) ; celles

des saints Jérôme Emilien, Joseph Calasanz et

Joseph de Cupertino établies sous Clément XIV(1769- 1774), de saint Jean de Kenty établie sousPïe VI{iT^s-^199)'

Signalons, pour n'y plus revenir, les nouvellesmesses instituées pendant la première moitiédu XIX® siècle : la messe propre de saint Alphonsede Lig-ori canonisé sous GrégoireXVI

{1 83 1 - 1 846)

.

Auparavant P/(? VII (1800-1823) avait établi au24 mai la fête de Notre-Dame Auxiliatrice (la

messe est empruntée au commun des messes dela Sainte Vierge) et la fête des Sept Douleurs autroisième dimanche de septembre (même messeque pour la fête de la Compassion précédemmentfixée au vendredi de la Passion).

Article IL — Atteintes portées au MisselRomain dans les diocèses de France et

les autres régions de l'Europe.

I . Le Parlement de Paris ne paraît pas avoir

eu confiance dans l'amélioration des livres litur-

giques opérée à Rome : offusqué de ne pas trou-

ver le nom du roi dans le Missel Romain, il statua

de son autorité laïque, matérielle, de tous points

incompétente, que les imprimeurs du royaumedevraient ajouter au canon de la messe les mots :

Pro rege Nostro N, (1580). L'Espagne catho-

lique, par respect pour l'autorité religieuse en

pareille matière, avait au moins consulté Rome

(i) La fête du Saint Cœur de Marie était, dès le xvii' siècle

J

célébrée avec une messe propre dans la Congrégation du bien-l

heureux Jean Eudes, en Normandie ; mais elle ne fut intronj

duite dans quelques églises de Rome qu'au début du xix' siècle]

sous Pie VII.

Page 135: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMALM 1 .^ I

avant d'agir (i). Les magistrats parisiens sen-

taient qu'une opposition sourde contre les anti-

ques principes de la liturgie allait bientôt se

produire dans les rangs du clergé : leurs prévi-

sions n'étaient que trop fondées.

Dès 1483, le chapitre de Notre-Dame de Paris

refusait de recevoir la liturgie romaine ; il fallut

toute l'habileté del'évèque Pierre de Gondy et de

la commission établie par lui pour introduire à

peu près tous les usages romains dans la liturgie

parisienne.

Au commencement du xyil*^ siècle, commeon l'a vu dans le chapitre précédent, l'église de

France possédait l'unité liturgique ; l'assemblée

du clergé de 1605 alla jusqu'à voter un subside

pour l'impression des livres de la liturgie romaine.

Bientôt cette entente disparaît. L'évêque d'An-

gers, Charles Miron, ordonne l'introduction de la

liturgie romaine dans l'église de la Trinité de sa

ville épiscopale ;le chapitre résiste, puis de

concert avec l'abbesse et les religieuses de Ron-ceray interjette appel au parlement de Paris.

Celui-ci casse les ordonnances épiscopales par

arrêt de 1603. L'assemblée du clergé de 1605 pro-

teste contre cet arrêt, mais, par une singulière

anomalie, concède au roi un droit spécial sur le

culte divin, ordonne l'insertion des mots : Prorege Nostro N. dans le canon de la messe, confor-

mément aux prescriptions du parlement. Cin-

quante ans s'écoulent à peine, et l'on voit la secte

janséniste renouveler contre le Missel romain les

attaques du protestantisme, au nom des mêmesprincipes erronés. Le coup d'essai de la secte est

donné en 1660 par la traduction complète duMissel du docteur Joseph de Voisin (2). En 1684,

(i)Dom Guéranger, Institutions liturgiques, t. 1 451.

(2) Ibid., t. II, p. II -12.

Page 136: Le missel romain : ses origines, son histoire

l32 LE MISSEL ROMAIN

l'archevêque François de Harlay fait à l'ég-lise dede Paris le don d'un nouveau Missel ; non seule-

ment il y change les rubriques, mais rappelantla maxime protestante au sujet de l'Ecriture, il

supprime dans les parties chantées toutes les for-

mules de style ecclésiastique sans égard pour le

dogme qu'elles expriment, pour le cachet mer-veilleux et poétique qui les recommande. Tels le

Salve Sanctaparens, le Gaudeamus omîtes.

Par une étrange contradiction, F. de Harlayconserve les séquences, se permet d'en mutiler et

modifier quelques-unes, supprime les épîtres em-pruntéesaux Livres vSapientiaux pour louer Marie.

Comme ces mutilations n'atteignent pas la ving-

tième partie de l'Antiphonaire Grégorien, oncroit pouvoir dire encore que la liturgie de Paris

demeure la liturgie romaine (i). Bientôt la secte

janséniste pousse plus loin ses audacieuses nou-veautés et tente d'introduire la récitation ducanon de la messe à haute voix. A Meaux, parles soins de l'abbé Ledieu, on voit dans le Misse'

de 1709 des rj" Amen introduits à la suite des

formules de la consécration et de la communion.Une polémique s'engage à ce sujet, et, malgréla dissertation du P. Lebrun (1725) les novateurs poursuivent leur œuvre (2). Ainsi le Missede Troyes de 1736, publié par mandement d(

l'évêque, neveu du grand Bossuet, porte entr«

autres rubriques que le canon de la messe doi

être récité, non secrètement secreto submissavocecomme on lisait dans les Missels antérieurs, maisitbmissiori voce^ c'est-à-dire à voix plus basse qules autres parties de la messe : on n'ose pas raainmtenir les Rf Amen^ mais on tend au même but pa^

il

(i) Dom Guéranger, Institutions liturgiques, t. il

pp. 5i-58.

(2) Ibid., t. II, p. i38.

Page 137: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN l33

une voie détournée. Le même Missel supprimeaussi, pour la communion des fidèles, l'usag-e

ancien de réciter : Conjîteor..., Misereatur... et

même les paroles : Ecce Agiius Dei (\). Contre le

Missel de Troyes, Lang-uet, archevêque de Sens,se fait le défenseur de la tradition au nom desprincipes de la sainte liturgie ; malheureusementil avait lui-même battu en brèche sa protestation

par la réforme du Bréviaire de son diocèse (2).

Les novateurs ne se laissent pas arrêter poursi peu dans ce qu'ils appellent la régénération duculte entier. A Paris, sous le patronage del'archevêque, M. de Vintimille, paraît, en 1738,un Missel bien supérieur, dit-on, à celui desde Harlay et de Noailles (il est vrai qu'on en a

confié la rédaction à l'acolyte Mésenguy). On ymaintient d'ordinaire les épîtres et évangiles dupropre du temps, mais on en change presque tousles introïts, sans égard pour les pratiques de la

diplomatique ancienne qui se servait des premiersmots pour distinguer les dimanches de l'année

;

quelques introïts conservés sont déplacés sansraison, ainsi le Vocein jtLCitnditatis passe du5^ au 3^ dimanche après Pâques. On veut bienencore conserver les anciennes collectes tirées

des Sacramentaires, mais on ajoute de nouvellespréfaces composées par le janséniste Boursier

;

des proses nouvelles sont également ajoutées et

l'on corrige les anciennes, etc. — La discordanceentre les oraisons de l'office et celles de la messedénote une certaine précipitation de la part desrédacteurs. Le Missel parisien de Vintimille est

en soi moins répréhensible que son Bréviaire, il

n'en contribue pas moins efficacement à éliminerla liturgie romaine, soit à Paris, soit dans les

(i) Dom Guéranger, /3/û?., t. II, p. 141.

(2) Ibid., t. II, pp. 143-181.

Page 138: Le missel romain : ses origines, son histoire

104 LE MISSEL ROMAIN

divers diocèses qui avoisinent la capitale, commeBlois, Evreux, Séez, etc. (i)

Le Missel d'Amiens de 1746 affiche la préten-

tion d'être plus catholique que le pape ; beaucoupdes collectes des dimanches après la Pentecôte,

où se trouve préconisée la doctrine de la grâce,

sont supprimées, l'évangile de chaque dimanchedevient la base de la messe entière. Sous ces

rapports, le document se montre plus révolution-

naire que les autres Missels de l'église galli-

cane (2).

Le Missel de Poitiers (1766), rédigé par le

lazariste Jacob, enchérit sur les nouveautés précé-

dentes ; on y supprime tous les anciens introïts,

y compris le Quasiinodo qui est remplacé parBeata Gens. Pendant que Jacob avait, au Bré-

viaire, supprimé toutes les antiennes tirées despsaumes, il entend ici prendre tous les introïts dela messe dans le psautier, mais il écarte systémati-

quement ceux qu'avait choisis saint Grégoire (3).

Désormais, pendant tout le cours du XYIIl"^ siècle,

on ne comptera plus les innovations liturgiques

dans les divers diocèses de France. Lyon gardeses cérémonies, mais adopte les livres de Paris

sous l'archevêque janséniste Montazet, Viennereçoit de l'archevêque Lefranc de Pompignan uneliturgie également éloignée du romain et del'antique viennois, etc. Bref, en ce temps dedéfiances à l'égard de ce qui vient de Rome,chacunfait une liturgie selon ses idéespartictilières

,

tout le monde oublie, délaisse, rejette la liturgie

universelle. On a la liturgie des jansénistes, la

liturgie des catholiques; mais catholiques et

jansénistes se piquent d'émulation, fabriquent des

(i) Dom Guéranger, Ibîd., t. II, pp. 314 et seq.

(2) Ihid., t. II, p. 345.

(3) Ibid., t. Il, p. 5o8.

Page 139: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN l35

Bréviaires et des Missels, les uns comme les autres

semblent ne pas même supposer possible unretour aux livres traditionnels. Ainsi, prêtres

et évêques, profondément dévoués à Tég-lise,

subissent l'influence du gallicanisme, du jansé-

nisme et du classicisme (i). — Il devait en être

ainsi jusque dans la première partie du XIX^ siècle,

malgré les protestations des pontifes romains,comme Clément XII (1730- 1740), Benoît XIV(1740-1758), etc.

Dans les autres pays d'Europe les audacieusesentreprises du Jansénisme contre la liturgie

romaine trouvèrent un certain écho. Joseph II,

surnommé par Frédéric II mon frère le sacristain,

ne pouvait manquer de réglementer la liturgie à

sa façon. Dans les provinces ecclésiastiques d'Al-

lemagne, on se laissa pénétrer par les maximesantiliturgiques prônées en France : ainsi en 1748l'archevêque de Trêves voulut avoir une édition

de livres liturgiques, revue et corrigée d'après les

types français. A Cologne, à partir de 1780, onconnut des innovations analogues ; Munster sui-

vit cet exemple ; l'électeur et archevêque deMayence (1775-1802) voulut créer un nouveauBréviaire en se basant sur les réformes faites à

Cologne, Munster et Trêves. Les innovationscommençaient par le Bréviaire mais s'étendaient

bien vite au Missel pour qu'il y eut harmonie entre

l'un et l'autre.

L'Italie elle-même fut atteinte : au Concile ouSynode de Pistoie (1786), présidé par l'évêque Sci-

pion Ricci, on s'inspira tout à la fois de l'esprit

français plus subtil et de l'esprit allemand plushardi pour réformer Bréviaire et Missel, en variant,

corrigeant et mettant dans un meilleur ordre les

offices divins. Les actes de ce Synode furent

(i) Du Lac, La liturgie romaine et les littirgiesfrançaises,pp 242-243.

Page 140: Le missel romain : ses origines, son histoire

l36 LE MISSEL ROMAIN

condamnés par la Bulle Aîictorenifidei Am papePie VI (28 août 1794 (i).

CHAPITRE IV

Le Missel romain au XIX^ siècle.

I. Retozùr de la France et des pays allemaitds à

la liturgie romaine. — Le mouvement de réaction

naquit de la lassitude occasionnée par tant de nou-

veautés suspectes;le clerg-é français comprit enfin

la nécessité d'appuyer la doctrine de la foi sur uneliturgie immuable, universelle, émanant d'une au-

torité infaillible. Je n'ai pas à redire ici la grandepart prise par Dom Guéranger, abbé de Solesmes,

dans le retour des diocèses de France à la liturgie

romaine. L'unité liturgique, résultat de cette

détermination, était un fait accompli à l'ouverture

du Concile du Vatican (1869) ; trente ans avaient

suffi pour réparer un égarement de cent cinquante

ans (2).

J'ai résumé en quelques lignes le retour

définitif des diocèses d'Allemagne à la liturgie

romaine durant le XIX^ siècle dans l'opuscule sur

le Bréviaire (3).

II. Modifications opérées sous Pie IX et sous

Léon XIII. — L'accroissement du calendrier sous

ces deux grands papes est assez considérable.

Beaucoup des fêtes nouvellement instituées ont

(i) Dora Guéranger, Instihttions lihtrgiques^ t. II, p. 259.

(2) La plus ancienne des liturgies françaises, celle d'Orléans,

est de 1693 ; la plus récente, celle de Meaux est de 1834j

toutes les autres se placent entre ces deux limites extrêmes,

Du Lac, ouvr. cité, p. 255.

(3) P. 160. — De plus amples détails sont donnés dan£

D. Baumer, Histoire du Bréviaire (trad. Biron), t. II

pp. 338-370.

Page 141: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 1^7

une messe propre. Telles sont les fêtes du PrécieuxSang au i^"" dimanche de juillet, de saint Justin

au 14 avril, de saint Paul de la Croix, au 28 avril,

de saint Boniface au 5 juin, des saints Cyrille et

Méthode au 7 juillet (quelques parties de cette

messe sont cependant du commun), de saint Josa-phat au 14 novembre, de l'Immaculée Conceptionau 8 décembre. Ajoutons encore comme étant

d'institution plus récente les messes des Sept Fon-dateurs Servites au 11 février, de saint JeanDamascène au 27 mars, de saint Jean de Capistran

au 28 mars, de saint Jean-Baptiste de la Salle au15 mai, de saint Antoine-Marie Zaccaria au 5 juil-

let. Les fêtes nouvelles occasionnent parfois

un déplacement de date des fêtes plus anciennes;

par exemple celle de saint Zaccaria a fait repor-

ter au 7 juillet la fête des saints Cyrille et Méthode.Sous Léon XIII encore, la fête du Saint Rosaire(i^"" Dimanche d'octobre), élevée au rang- de dou-ble de 2*^ classe, a reçu une nouvelle messe spé-

ciale en même temps qu'un nouvel office.

L'accroissement dans le nombre des fêtes a fait

craindre un encombrement du calendrier, d'autre

part il n'était pas toujours facile de trouver uneplace aux fêtes transférées : aussi Léon XIII acru devoir modifier les règles concernant la

translation. Cette mesure a entraîné des modifi-

cations dans les rubriques générales du Missel

comme dans celles du Bréviaire : à partir de 1897,les nouvelles éditions devront tenir compte desadditions et corrections prescrites. Enfin la

concession (1883) de messes votives pour chaquejour de la semaine a entraîné une nouvelle addi-

tion au Missel. Il est vrai que cette addition est

peu considérable car la plupart de ces messes se

trouvaient déjà dans le corps du recueil ; on se

contente d'y renvoyer.Les règles établies restent toujours subordon-

Page 142: Le missel romain : ses origines, son histoire

l38 LE MISSEL ROMAIN

nées aux modifications de détail occasionnées

par un changement de circonstances ; les Souve-

rains Pontifes prononcent en dernier ressort,

mais pour s'éclairer eux-mêmes sur l'opportunité

des modifications à faire, ils ont établi la Sacrée

Congrégation des Rites (1587). Vers la fin de son

pontificat, Léon XIII a de plus créé une Commis-sion liturgique pour rendre aussi conformes que

possible aux données de l'histoire les prochaines

éditions du Bréviaire, du Missel, du Pontifical et

du Rituel. Ainsi l'Eglise romaine, jalouse de

conserver intacts les livres liturgiques qu'elle a

reçus des siècles antérieurs, reconnaît néanmoins

la possibilité de les améliorer et de les perfec-

tionner.

Conclusion

Jetons un regard en arrière sur le chemin par-

couru dans cette étude. Pendant les cinq premiers

siècles, malgré le mystère qui planesur la célébra-

tion du saint Sacrifice, malgré la réserve avec la-

quelle en parlent les premiers apologistes et les

plus anciens Pères, on peut néanmoins établir les

éléments essentiels de ce grand acte, constater leur

identité avec ceux qui le constituent présentement

dans l'Église romaine. L'Orient et l'Occident

s'accordent pour présenter au Seigneur une mêmeoblation, fondée sur l'acte divin accompli par

Jésus-Christ à la Cène, renouvelée en conformité

avec la prescription donnée par l'Homme-Dieu à

la veille même de sa mort. De part et d'autre,

on trouve dans la messe deux parties distinctes,

savoir : la messe des catéchumènes où dominel'instruction ; les lectures, la prière et les chants

en forment l'élément principal ; la messe des

fidèles dont les actes essentiels sont l' Oblation, la

Page 143: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN lô()

Consécration et la Communion. Dans la Consé-cration est le centre même du vSacrifice

; les

paroles de l'Institution de l'Eucharistie s'y

retrouvent partout et toujours;partout et tou-

jours aussi l'acte de la fraction en est l'accompa-

gnement obligé, à tel point que l'expression

fracUo panis a longtemps été employée pourdésigner le Sacrifice lui-même. Quant aux for-

mules et à leur ordre de succession, l'Occident

voit s'établir au v^ siècle deux courants dont l'un

(le courant gallican) prétend se rattacher plus

étroitement aux pratiques orientales.

Du V^ aie IX^ sûcle, les formules et lectures qui

accompagnent l'offrande du saint Sacrifice sont

distribuées entre plusieurs recueils ayant chacunsa destination spéciale. Le Sacrameiitarre, à

l'usage du célébrant, est le principal et le plus

important : là sont consignées les prières récitées

à l'autel, et surtout les prières du canon, elles ten-

dent à s'y fixer d'une façon invariable pour toutes

les églises occidentales. Rome fournit les plus

anciens de ces recueils dans les vSacramentaires

Léonien, Gélasien et Grégorien. Le Gélasienpénètre le premier en Gaule oii il s'imprègned'éléments gallicans ; le Grégorien l'y supplanteet subit après lui une influence analogue, de sorte

qu'au ix*^ siècle, Rome se trouve en possessiond'une sorte de liturgie utixte : avec des élémentsgallicans, puisés dans les plus anciens recueils dela Gaule, reviennent à Rome certaines pratiquesdu Gélasien qu'elle avait délaissées pour untemps. Le canon de la messe reçoit enfin sa formedéfinitive, tandis que les autres parties de l'ordi-

naire et l'élément variable, en connexion avec le

calendrier, sont encore en voie de formation.(IX^ siècle).

C'est l'époque où le Missel plénier fait sa pre-mière apparition. Dans un même livre, on réunit

Page 144: Le missel romain : ses origines, son histoire

140 LE MISSEL ROMAIN

successivement les oraisons, les lectures, et les

parties chantées. L'initiative de cette innovationparaît due à Alcuin qui composa une série demesses pour les jours de la semaine, premiernoyau de nos messes votives. En attendant que les

copistes puissent donner des missels completsd'après le nouveau plan, on utilise les Sacramen-taires existants par l'addition d'annotations enmarge et même de leçons entières. Lorsque se

ferme définitivement la période des Sacra-

mentaires, l'ordinaire de la messe a reçu quelquesaccroissements, mais la forme en est à peu près

universellement fixée, sauf les particularités decertaines églises et de certains ordres religieux.

Le Missel dit de la Curie romaine^ voit se grossir

soncalendrier, etgrâceauxFranciscains, se répanddans les diverses églises (xv^ siècle).

L'heure paraît venue pour l'Eglise de Romed'intervenir et de présenter à toute la chrétienté

un Missel uniforme ; l'occasion lui en est fournie

par le trouble jeté jusque dans la liturgie par le

protestantisme. Tout semblait promettre ^iW Misselde saint Pie V un succès durable si le particula-

risme janséniste et gallican n'était venu pour untemps opérer une déviation dans les églises deFrance. Heureusement le XIX® sièclea vu le retour à

l'unité liturgique, et l'Occident tout entier (à part

quelques exceptions légitimement autorisées) se

sert du Missel Romain, bien déterminé à recevoir

les améliorations que les Pontifes de Rome appor-tent à ce recueil, mais fermement résolu à n'en pasadmettre d'autres.

Il y a toujours témérité à traiter ce qui touchede près ou de loin à nos redoutables mystères.

Parlant du recueil qui renferme les prières et les

cérémonies de la messe, je n'ai pu me défendred'aborder parfois le grand acte renouvelé chaquejour sur nos autels. Aussi ai-je pris la liberté de

Page 145: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MISSEL ROMAIN 141

donner pour conclusion dernière à ce travail

quelques-unes des paroles du pape Innocent III à

la fin de son Traité sur la messe :

Neino cum expositionem istam audïerii, hoc

sacrificùcm sufjicieiiter aestiniet expositum. . . Praeforibus assidens in vestibulo, feci diligenter ui

poiui, non sufficienter 2it volui... Quocirca, nonsoluni benigniiin imploro lectorent, verum etiain

desidero liberuiit correctorem, Hanc solain apudhomines hujus opitsculi inercedem expectans ut

apud 7msericordeiJt judicem pro meis peccatis

devotas oratiojies effîindant (i).

{i) De sacyo Altaris inysterio : libelli conclusio. P. Z.,

t. CCXVII, c. 913-914.

Page 146: Le missel romain : ses origines, son histoire
Page 147: Le missel romain : ses origines, son histoire

LE MlSbEL ROMAIN I40

TABLE

2- FASCICULE : LE MISSEL PLENIER

TROISIÈME PARTIE

Période du Missel plénier.

PRÉLIMINAIRES 3

Première époque : Le Missel plénier, sa formationet sa prédominance.

Chapitre Premier. — La formation du Missel plénierdu IX* atù xii' siècle 9

Article Premier. — Précurseurs immédiats et débuts duMissel plénier "

9Article ii. — Le Missel plénier improprement dit 17Article iii. — Le Missel plénier proprement dit 20

Chapitre II. — L'existence des Sacramentaires parallè-lement aux Missels pléniers (x* au xiii* siècle.) 2 3

Article Premier. — Les documents 23Article ii. — Le contenu des documents 32

§ I . — Place assignée au canon de la messe;

distribution du propre du temps et

du propre des saints 32

§ 2. — Développement donné à l'ordinaire de la

messe 36

§ 3. — Particularités du propre du temps et dupropre des saints 62

§ 4. — Ecriture et ornementation des manuscrits. 71

Chapitre III. — Prédominance du Missel plénier et sonhistoire aux xm*, xiv* et xv* siècles 82

Article Premier. — Substitution progressive du Missel

plénier aux Sacramentaires 83Article ii. — Le Missel de la Curie romaine 89Article mi. — Le Missel de quelques églises particulières

et des Ordres religieux 96

Page 148: Le missel romain : ses origines, son histoire

144 LE MISSEL ROMAIN

Deuxième époque : Le Missel Romain depuissaint Pie V jusqu'à la fin du XIX' siècle.

Chapitre Premier. — Acheminetnent vers une réformepour l'unification du Missel.

I. — Les premiers Missels imprimés io6II. — Nouvelles particularités introduites dans le Missel. io8III. — Influence du protestantisme sur l'altération du

Missel 109

Chapitre II. — Le Missel romain de Saint Pie V{i^yo).Article Premier. — Travaux préparatoires et Bulle de

promulgation ii3Article ii. — Contenu du Missale Pianum. 114I . — Préliminaires ii5II. — Les quatre parties du Missel : ordinaire de la

messe;propre du temps

;propre des saints ; commun

des saints et messes votives 116III. — Appendice au Missel i23Article m. — Accueil fait au Missale Pianum et saprompte diffusion 124

Chapitre III. — Le Missel Romain au xvii' et att

xviii* siècle.

Article Premier. — Corrections et additions émanantde l'autorité légitime 127

Article h. — Atteintes portées au Missel Romaindans les diocèses de France et les autres régions del'Europe 1 3o

Chapitre IV. — Le Missel Romain au xix* siècle i36

CONCLUSION i38

5i'j-ii.— Imp. des Orph. Appr., F. Blétit, 40, rue La Fontaine, Paris.

Page 149: Le missel romain : ses origines, son histoire
Page 150: Le missel romain : ses origines, son histoire
Page 151: Le missel romain : ses origines, son histoire

Baudot , J . L

.

Le missel romain.

BQT

.B38

PONTIFICAL INSTITUTS

OF MEDÎAEIVAL 3TUD1ES59 QUilEN'S PARK

JoRONTO .5i Canada

Page 152: Le missel romain : ses origines, son histoire