le meilleur des mondes

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catalogue exposition david saltiel frac haute normandie

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le meilleur des mondesdavid saltiel au frac haute-normandie24.01 - 08.03 2009

textes de anaël pigeat et mathieu sourdeix

édition frac haute-normandie & ceysson krings-ernst gallery

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Le meilleur des mondes, tel est le titre que David Saltiel à choisi pour sa nouvelle exposi-tion au FRAC Haute-Normandie. Référence au roman d’anticipation d’Aldous Huxley, dont le titre en Français se réfère lui-même au Candide de Voltaire, le ton est donné, ce-lui d’une invitation au voyage dans l’univers des possibles. Longtemps préoccupé par les notions de seuil et de passage, l’artiste s’in-téresse ici à l’entre-deux, « entre les lignes, entre les mots, entre les autres », dit-il. Et c’est autour de l’horizon, ligne invisible et vi-sible à la fois, qu’il bâtit sa réflexion, passant de l’échelle du paysage à celui de l’espace mental.

Au rez-de-chaussée de l’ancien bâtiment in-dustriel qui abrite le FRAC, David Saltiel avait d’abord projeté d’utiliser les colonnes exis-tantes pour réaliser la salle hypostyle d’une chapelle œcuménique. Finalement, c’est plu-tôt l’échelle humaine, peut-être celle des fi-dèles, qu’il a choisi de représenter à travers sa séduisante installation quatre centres délimitant un carré. Plusieurs œuvres sont irrégulièrement posées au sol. Chacune se compose de quatre centres, intersections à 90 degrés de deux plaques de métal poli dont la hauteur, 1m83, est issue du Modulor de Le Corbusier. On entre dans l’installation comme dans un labyrinthe. On s’y promène, on y erre, on se perd, happé par les images qui se reflètent à l’infini. Comme dans les labyrinthes de Robert Morris, ou celui de la cathédrale de Chartres, nous nous retrou-vons face à nous même, nous perdant, tout en essayant de nous connaitre. Pourtant,

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complètement ouverte sur la salle, l’œuvre n’est pas une construction mais une série de sculptures. Vus de la coursive qui forme l’étage supé-rieur, les miroirs s’opacifient pour former une masse grise. On ne voit plus que les re-flets du sol, animés par les pavés de verre rond qui dérident étrangement cette œu-vre sérieuse. Des images d’art cinétique viennent aussi à la mémoire, dont on ne sait si elles ont réellement inspiré l’artiste ou bien si elles appartiennent simplement à la mémoire collective.

Deux vidéos prolongent l’exposition. Sur double écran, horizon n°1 présente simul-tanément et en boucle, un lever et un cou-cher de soleil. Il s’agit en réalité de la même image, inversée verticalement comme par un effet de miroir. Saltiel propose ainsi un coup d’œil impossible, semblable à ceux qu’offre quatre centres. La seconde vidéo, where elsewhere ? mon-tre deux paysages, sur deux écrans légè-rement écartés. Un personnage passe de l’un à l’autre, comme s’il franchissait le bord l’image, et lui offrait un hors-champ. Ce tra-vail qui rappelle certaines vidéos de Bruce Nauman, renforce la cohérence de l’exposi-tion, dans un jeu perpétuel entre intérieur et extérieur, entre infini et inachevé.

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A l’étage supérieur, les perspectives sans point de fuite sont inspirées d’une série de photos rapportées d’un voyage en Islande. De ces paysages, il ne reste plus qu’une ligne. Des plaques de verre accrochées verticale-ment, de la hauteur d’un homme les bras le-vés, sont agencées en séries, régulièrement alignées ou par couples. Elles sont laquées, chacune en deux nuances de gris. Au centre de chaque plaque, la jonction des couleurs détermine une frontière à peine visible qui de plaque en plaque, dessine une ligne d’horizon tout autour de la salle. Comme les pièces précédentes, ces œuvres dans lesquelles on se reflète incitent à l’introspection. Un beau livre rétrospectif (Ed. Archibooks) accompa-gne l’exposition et documente divers projets de l’artiste au cours des dernières années. Son titre horizon intérieur, souligne encore ce champ d’investigation dans lequel Saltiel nous entraine.

Anaël Pigeat(texte paru dans artpress en avril 2009)english version p.34

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Qu’est-ce qui se reflète dans les miroirs du meilleur des mondes ? Ce reflet, les pers-pectives sans point de fuite le laissent apparaître dans toute son ambiguïté : l’horizon intérieur. Cet horizon est celui de la représentation, dont les miroirs sont l’incarnation. Conformément à la réflexivité intérieure de la représentation, les miroirs se réfléchis-sent eux-mêmes, comme les perspectives sans point de fuite reflètent l’obscurité de notre présence à l’intérieur de cet espace.Mais quel passage nous conduit de l’horizon intérieur à l’horizon de la représentation ? Comment sortons-nous de l’intériorité ? Il n’y a pas de passage, parce qu’il n’y a qu’un seul et même horizon qui se révèle dans toute l’infinité de son extension : l’horizon intérieur s’étend aussi loin que le monde. L’étendue et le profondeur de l’horizon n’est autre que celle d’un monde. L’horizon est intérieur au sens où c’est à l’intérieur de l’horizon de la représentation que le monde s’ouvre, dans l’oeuvre. Dans cette pers-pective, l’installation se présente comme une exploration de cet espace mondial, de sa

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profondeur, de son horizon, de sa fondation et de son caractère abyssal, mais aussi, avec une certaine ironie, de sa valeur («le meilleur»), et de la «supériorité» de sa bonté et de son excellence.Le meilleur des mondes est une épreuve de la visibilité moderne. Son ironie tient à l’inversion à laquelle se trouve confronté celui que l’oeuvre fait s’apparaître à lui-même au miroir de la représentation. Au lieu de se clore sur une transparence à soi-même, l’oeuvre montre en effet l’exposition d’une visibilité démultipliée, dont les reflets se frag-mentent selon une harmonie préétablie. Enfin, c’est aussi à l’égard de l’interprétation mimétique de l’art, par laquelle Platon pensa l’oeuvre d’art en tant que miroir reflétant et dupliquant l’apparence, que la subtile ironie du meilleur des mondes se révèle.

Mathieu Sourdeix, avril 2009english version p.35

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Le rez-de-chaussée abrite un monde miroitant quand il est vu de face, un monde enraciné et structuré qui pourtant renvoie une sensation de confusion, fait de reflets précis et d’angles trompeurs, un monde attirant, jouant avec ce qui l’entoure, aplatissant, fragmentant et multipliant ce qu’il happe, un monde qui capture, saisissant le lumineux pour le renvoyer, insaisissable alors qu’il donne le sentiment de ne rien cacher, un monde si visible qu’il en devient aveuglant, un monde apparemment sans fin. Ce monde complexe s’organise à partir de la répétition d’un espace réel limité et démultiplié : quatre centres délimitant un carré. Chaque centre est en inox poli miroir, il a la taille d’un homme, sa forme est celle d’un repère orthonormé ou bien celle d’une croix marquant une place. Se reflètant sur lui-même, il se représente, donnant le sentiment d’être vu dans son intégralité à celui qui le regarde, qui lui, se verra décomposé. Vus du dessus, quand on leur échappe, les re-flets se clarifient, la décomposition n’opère plus, les centres semblent alors à la fois transparents et faits du même ma-tériau que celui du sol sur lequel ils reposent.A l’étage, sont disposées quatre séries de perspective sans point de fuite, des rectangles verticaux qui chacun pourrait contenir un homme debout les bras levés. Ils sont en verre laqué, surface dont l’épaisseur capte discrètement le re-flet uniformisé de notre silhouette, comme si nous étions à l’intérieur d’un autre espace dont chaque rectangle serait l’entrée possible.Chaque série varie par le rythme de succession des rec-tangles qui la composent ; chacune laisse apparaître, par nuance et par contraste, une ligne imaginaire sans limite, un horizon à perte de vue, tout ce qui est au-delà. Au-delà de la perception du monde immédiat qui nous en-toure, celui dont nous sommes à l’origine et dont l’organisa-tion nous échappe, un monde ambivalent, présent, confus, porteur d’ailleurs dont on ignore la nature, un monde où le sentiment de peur et de perte côtoie celui d’emerveillement ; à travers cette perception troublée, il est question de no-tre rapport aux autres, à ce monde, à ses paysages et ses au-delà, et de la nécessité d’une perception au-delà de nous-mêmes.

David Saltiel, janvier 2009english version p.36

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The title chosen by David Saltiel for his show at the FRAC Haute-Normandie (Upper Nor-mandy regional art center) was Le meilleur des mondes (The best of all possible worlds), both the French title of Aldous Huxley’s dys-topian novel Brave new world and a citation from Voltaire’s Candide. These references clearly set the tone - we were invited to explore a universe of possibilites. Long obsessed with the concepts of threshold and passage, here Saltiel focused on the in-between, «between the lines, between the words, between the others,» he explains. The horizon - a simulta-neously invisible and visible line - was at the center of his thinking as he went from the scale of landscapes to that of mental space.In the basement of the former industrial buil-ding that houses the FRAC, Saltiel initially plan-ned to use the existing columns to set up the hypostyle of an ecumenical chapel. Instead he ended up deciding to represent a more hu-man scale - perhaps that of the congregation - in his fascinating installation quatre centres délimitant un carré (four centers delimiting a square). A number of pieces were placed on the floor at irregular intervals. Each com-prised four centers, four mirror polished metal sheets intersecting at right angles. The 1.83 meter height of these metal sheets echoed Le Corbusier’s Modulor. Visitors entered the installation as if it were a labyrinth. There they wandered around until they got lost, pulled in by images reflecting to infinity. As in a Robert Morris maze or the one in Chartres cathedral, they found themselves face to face with them-selves, losing themselves even as they tried to recognize themselves. Yet the installation was not a closed construction but a series of sculptures completely open to the room. Seen from the walkway on the upper floor, the mirrors turned opaque, forming a gray mass. You could no longer see anything but the re-

flections of the floor, made to dance by round pieces of glass that seemed to oddly lighten up this serious work. Varions kinetic artworks came to mind, but it wasn’t clear if they were Saltiel’s source of inspiration or simply lodged in our collective memory. The exhibition also included two videos. Horizon n°1, shown on a double screen, simultaneously presented a sunset and sunrise over and over again. In reality, they were the same picture vertically reversed as if by a mirror. Thus Saltiel offered an impossible view, similar to the one presen-ted by quatre centres délimitant un carré. The second video, where elsewhere ?, showed two landscapes on two screens slightly apart. A character went from one screen to the other, as if passing out of the frame. This video, re-miniscent of some of Bruce Nauman’s work, reinforced the coherence of the exhibition with a constant interplay between interior and exterior, infinite and unfinisned.Upstairs, Saltiel’s perspectives sans point de fuite (perspectives without vanishing point) were inspired by a trip to Iceland. In these landscapes nothing was left but a line. Sheets of glass hung vertically, as tall as a person with raised arms were organized into series, regularly aligned or coupled. Each was lacque-red with two shades of gray. At the center of each sheet the junction of the colors created a barely visible boundary line, which, from one sheet to the next, formed a horizon line run-ning all around the room. Like the preceding pieces, seeing your own refection encouraged introspection. Archibooks published a retros-pective book on the occasion of this exhibition. Its title, Horizon intérieur, underscores once again the field of investigation into which this artist leads us.

Anaël Pigeat, published in artpress n° 355 translation L-S Torgoff

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What is reflected in the mirrors of The best of all possible worlds (Brave new world) ? Perspectives without vanishing point reveal the reflection in all its ambiguity: the inner horizon. This horizon is representational, and the mirrors are its embodi-ment. In keeping with the representation’s inner reflectiveness, the mirrors reflect themselves and each other, as the perspectives without vanishing point reflect the obscurity of our presence inside this space.But, how do we get from the inner horizon to the representational horizon? How do we emerge from this interior horizon? There is no passage way, because there’s only one horizon – one and the same – which is revealed in all its infinite ex-tent: the inner horizon extends as far as the world. The expanse and depth of the horizon are none other than those of a whole world. The horizon is “interior” in that it is inside the representational horizon that the world opens up, in the work. From this perspective, the installation is not only an ex-ploration of this world space, its depth, horizons, its very foundations and its abyss-like nature, but also, with a touch of irony, its worth (“the best of all possible worlds”), and its “superior” goodness and excellence. The best of all possible worlds is modern visibility put to the test. Its irony lies in the inverted image which the viewer reflected in the mirror of repre-sentation is faced with when contemplating the work. Instead of being confined to a transparency of oneself, the work shows manifold visibility, who-se reflections are fragmented in predetermined harmony.Lastly, it is also in terms of interpreting art as mimesis, which led Plato to consider art to be a mirror reflecting and duplicating appearance, that the subtle irony of The best of all possible worlds is revealed.

Mathieu Sourdeix, April 2009 translation Paul Richman

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exposition réalisée avec le soutien de la fondation d’entreprise hermès, la fondation d’entreprise ricard et marc sliwka

et avec l’aide de la galerie krings-ernst, pohl et thyssenkrupp

copyright photographiques

couverture, pages 2 à 7, 14, 24/25, 28/29, 36/37 © marc domage 2009

pages 8 à 13, 16 à 23, 26/27, 32/33 © david saltiel projet 2009

page 30 © pad 2009

remerciements chaleureux à pierre-alexis dumas et catherine tsekenis, colette barbier, marc sliwka heiner pohl, gérald berrebianaël pigeat, mathieu sourdeixmarc donnadieu et toute son équipe

le frac haute-normandie bénéficie du soutien de la région haute-normandie, du ministère de la culture et de la commu-nication / drac haute-normandie, ainsi que de la ville de sotteville-lès-rouen

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l’édition de ce catalogue a été imprimée à 600 exemplairespar grafix centrum poligrafii, gdansdk, polognedépot légal 3ème trimestre 2009 isbn 123-4-4568-9876-4

© david saltiel projet 2009

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