Le Maroc s’ouvre au 21e siècle. Cahiers, n° 154...Le Maroc s’ouvre au XXIe siècleN 154 - mai...

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Le Maroc s’ouvre au XXI e siècle N° 154 - mai 2010 trimestriel numéro double - 30 ISSN 0153-6184 www.iau-idf.fr IAU île-de-France

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  • Le Maroc s’ouvre

    au XXIe siècle

    N° 154 - mai 2010trimestrielnuméro double - 30 €ISSN 0153-6184www.iau-idf.fr

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  • L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France est une fondation nationale reconnue d’utilitépublique par le décret du 2 août 1960.Directeur général : M. François DUGENY

    OrganisationLe conseil d’administration de l’Institut, composé de vingt-sixmembres, est présidé par le président du conseil régional d’Île-de-France, M. Jean-Paul HUCHON.

    Le conseil d’administration comprend:- treize membres du conseil régional d’Île-de-France pour la durée

    de leur mandat dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifsmembres de ce conseil ;

    - le président du conseil économique et social de la région Île-de-France ou son représentant, désigné parmi les vice-présidents de ce conseil ;

    - deux membres du conseil économique et social de la région Île-de-France, désignés par lui, pour la durée de leur mandat dans ce conseil, ou leurs suppléants respectifs membres de ce conseil, désignés en même temps et dans les mêmesconditions ;

    - quatre représentants de l’État, dont le préfet de la région Île-de-France représentant le ministre de l’Intérieur, le directeurrégional de l’Insee représentant le ministre du Budget, le représentant régional de l’Équipement d’Île-de-France,représentant le ministre chargé de l’Urbanisme et un représentant du ministre des Transports ;

    - les représentants des membres fondateurs : le gouverneur de la Banque de France, le directeur interrégional de la Caisse des dépôts et consignations, le président du directoire du Créditfoncier de France et la présidente du directoire du Crédit de l’équipement des PME;

    - le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

    MissionsOrganisme d’études du conseil régional d’Île-de-France, l’IAU îdFapporte en priorité son appui technique aux collectivités localesd’Île-de-France.

    Il réunit un large éventail de compétences : aménagement urbain et rural, environnement, transports, logement et mode de vie,économie et développement local, équipements et foncier, santé.

    Ses diagnostics et ses propositions permettent ainsi de préparerles choix des élus régionaux et locaux avant de les traduire en termes de projets.

    L’IAU îdF agit en partenariat avec d’autres opérateurs français et étrangers à travers son système d’information géographique et sa médiathèque en réseau.

    Il exporte son savoir-faire à travers des contrats directs et des accords de coopération technique.

    IAU île-de-FrancePUBLICATION CRÉÉE EN 1964

    Directeur de la publicationFrançois DUGENY

    Directrice de la communication Corinne GUILLEMOT (01 77 49 76 16) [email protected]

    Responsable des éditionsFrédéric THEULÉ (01 77 49 78 83) [email protected]

    Rédactrice en chefSophie MARIOTTE (01 77 49 75 28) [email protected]

    CoordinateursVictor SAID (01 77 49 76 32) [email protected] ZEIGER (01 77 49 78 51) [email protected]ëlle ZUNINO (01 77 49 79 08) [email protected]

    Secrétaire de rédactionAgnès FERNANDEZ

    PresseCatherine BRAMAT (01 77 49 79 05) [email protected]

    FabricationSylvie COULOMB (01 77 49 79 43) [email protected]

    Maquette, illustrationsAgnès CHARLES (01 77 49 79 46) [email protected]

    CartographieSylvie CASTANO (01 77 49 78 72) [email protected] TILLOY (01 77 49 75 11) [email protected]

    Biographies et bibliographiesChristine ALMANZOR (01 77 49 79 20) [email protected]

    Médiathèque – photothèqueClaire GALOPIN (01 77 49 75 34) [email protected]élie LACOUCHIE (01 77 49 75 18) [email protected]

    ImpressionPoint 44

    CouvertureOlivier CRANSAC (01 77 49 75 16) [email protected] : © Agostino Pacciani / www.agostino-reportages.com

    Commission paritaire n° 811 AD ISSN 0153-6184

    © IAU île-de-FranceTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés. Les copies, reproductions, citationsintégrales ou partielles, pour utilisation autre que strictement privée et individuelle, sont illicites sansautorisation formelle de l’auteur ou de l’éditeur. La contrefaçon sera sanctionnée par les articles 425 etsuivants du code pénal (loi du 11-3-1957, art. 40 et 41).Dépôt légal : 2e trimestre 2010

    Diffusion, vente et abonnement :Olivier LANGE (01 77 49 79 38) [email protected]

    France ÉtrangerLe numéro : 18 € 20 €Le numéro double : 30 € 32 €Abonnement pour 4 numéros : 72 € 84 €(Étudiants, photocopie carte de l’année en cours, tarif 2009) : 50 €

    Sur place : Librairie ÎLE-DE-FRANCE, accueil IAU - 15, rue Falguière, Paris 15e (01 77 49 77 40)

    Par correspondance :INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE15, rue Falguière - 75740 Paris Cedex 15Abonnement et vente au numéro : http://www.iau-idf.fr

    Bulletin d’abonnement annuelSouhaite s’abonner pour un an (3 numéros + 1 numéro double)

    aux Cahiers de l’IAU île-de-France

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    Étudiant : 50 € (photocopie de la carte de l’année en cours)

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    N° 153 N° 152 N° 151

    N° 150 (n° double) N° 149 N° 148

    France : 36 € Étranger : 38 €

    Crédits photographiquesp. 1 : Jean-Luc Comier/le bar Floréal photographie/Région ÎdFp. 2 : service de presse de l’Ambassade de France au Marocp. 4 : Christian Lauté

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  • Île-de-France - Maroc : développer un partenariat fructueux

    La coopération décentralisée est une dimension majeure de l’action internationale de la région Île-de-France.

    Les nombreux partenariats établis dans des domaines aussi variés que la culture, l’éducation et la formation,l’environnement ou la santé, l’aménagement

    et les transports, le développement économique, mobilisent ainsi les moyens humains et financiers des collectivités. Ils visent le renforcement des capacités d’action de l’ensemble des partenaires, la réalisation de projets porteurs et la mise en synergie des acteurs sociaux et économiques au niveau national ou métropolitain.

    Depuis plusieurs années, la région Île-de-France conduit des actions en direction du Royaume du Maroc. Elles s’adressent notamment aux jeunesgrâce, par exemple, aux bourses d’études permettant aux étudiantsmarocains de poursuivre un cursus de master dans un établissementd’enseignement supérieur en Île-de-France.

    La région Île-de-France a toujours à cœur de développer les échanges de savoirs et de compétences pour soutenir le développement, en mobilisantson expérience, ses réseaux et son savoir-faire. Ces échanges permettent aussi d’apprendre de la part de pays qui, comme le Maroc, font preuve de dynamisme et de créativité, et utilisent la tradition comme socle de la modernité.Au Maroc, de longue date, l’IAU île-de-France a su apporter sa pierre à cet édifice.

    L’IAU île-de-France a accentué sa mobilisation au service d’un urbanismedurable en signant à Rio avec ONU Habitat un partenariat pour soutenir la campagne mondiale pour le développement urbain durable. Au travers de cet engagement, l’Île-de-France entend valoriser le rôle des acteurs et des réseaux professionnels au service d’un développement responsable,comme c’est le cas au Maroc où un Collège des architectes urbanistes a été récemment créé.

    C’est cette action soutenue et pérenne de l’IAU île-de-France et de ses partenaires que le présent numéro des Cahiers entend retracer. Il servira, je le souhaite, de référence à tous ceux qui s’intéressent aux défiset au renouveau des politiques urbaines et de logement au Maroc et partout ailleurs dans le monde.

    Jean-Paul HuchonPrésident du conseil régional d’Île-de-FrancePrésident de l’IAU île-de-France

    Éditorial

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  • Coopération franco-marocaine : imaginons ensemble l’urbanisme de demain

    La publication de ce Cahiers spécial de l’IAU île-de-Franceconsacré au Maroc est une excellente initiative qui intervient à un moment important de l’histoire des villes au marocaines. En effet, la population urbaine vient de dépasser celle qui vità la campagne et les autorités marocaines sont doncengagées dans la construction rapide de logements

    pour répondre aux besoins croissants.Il faut rappeler par ailleurs que le Maroc a su créer dès le début du XXe siècleune dynamique architecturale et urbaine innovante et imaginative qui ne s’est jamais démentie et qui a répondu aux nécessités de sa modernisation et de son essor.Dans ce double contexte, le Maroc est également attentif aux expériencesd’urbanisme que d’autres pays ont conduites, pour s’assurer en particulierque les citoyens seront effectivement au cœur de la cité et que les extensions urbaines ne deviendront pas des poches d’exclusion.Les relations établies entre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocainsprennent ainsi tout leur sens. Articuler transports publics et privés pour favoriser la mobilité, construire des logements résidentiels et sociauxdans les mêmes zones pour assurer de la mixité urbaine, penser les espacesverts et les aires de jeux et de sport pour la jeunesse, imaginer les emploisau cœur de la cité pour éviter les déplacements trop longs, tels sont les défis qui se posent aux autorités marocaines. La coopérationentre l’IAU île-de-France et ses partenaires marocains, les réflexionspartagées entre professionnels, sont des réponses adaptées à ce contexte de projection et de production urbaine intensive.Bien sûr, c’est aux acteurs marocains qu’il appartient d’imaginer et de construire leurs espaces à vivre de demain. Mais devant le risqued’uniformisation et de solutions toutes faites, donc inadéquates, le partenariat et le dialogue entre la France et le Maroc dans ces domainess’inscrivent dans notre longue histoire commune. Comme par le passé, il pourra contribuer à l’invention de solutions proprement marocaines,préservant l’âme des cités de ce pays tout en assurant un cadre de vieagréable pour les futures générations.En outre, à l’heure où le Maroc, sous l’impulsion de son Souverain, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, s’est engagé dans une vaste et profonde réforme de sa gouvernance territoriale comme du champ social,les relations entre collectivités locales françaises et marocaines, qui sont très vivaces, constituent un autre atout. En effet, la formation des cadres des collectivités locales marocaines et des institutions qui leur sont rattachées devient une priorité. La coopération décentraliséefranco-marocaine a, par conséquent, un nouveau champ d’application dans l’appui à ce vaste mouvement de réformes et dans le renforcement des compétences gestionnaires des villes marocaines.Je salue donc l’initiative de l’IAU île-de-France qui permet d’avoir une visiondes défis posés au Maroc et des apports possibles de l’expertise françaisepour contribuer à répondre, dans un esprit de coopération et de partage, à la définition des solutions durables pour les villes marocaines de demain.

    Bruno JoubertAmbassadeur de France au Maroc

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    Préface

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    IAU île-de-France - Maroc : les enjeux de la métropolisation

    L’IAU île-de-France mobilise compétences et ressources pour transmettre son expérience et ses savoir-faire dans le cadre de partenariats multiples, mais aussi pour apprendre et comprendre les évolutions du monde qui nous entoure, identifier les bonnes pratiques, assurer sa place dans le concert des grands bureaux d’expertise

    nationaux et internationaux. Dans cette mobilisation, les partenariats nouésavec le Maroc tiennent une place particulière, du fait de leur ancienneté, de leur intensité, de leur durabilité.

    Cette continuité a couvert des situations bien différentes, le Maroc et l’Île-de-France ayant connu des évolutions profondes de leurs contextesinstitutionnels, économiques, sociaux, environnementaux. Aujourd’hui, le Maroc développe une stratégie de mise à niveau généralisée de ses infrastructures et de ses services urbains. L’enjeu est triple : assurerle développement humain en luttant contre la pauvreté, organiser une gouvernance multi-acteurs pour articuler contraintes publiques et recouvrement des coûts, et assurer la coordination des projets de développement territorial dans le cadre de la décentralisation. Ce moment nous a semblé opportun pour porter un regard sur les évolutions qui sont en cours aux plans national et régional, sur leurs articulations avec les grandes tendances à l’œuvre au niveauinternational. C’est aussi l’occasion de développer dans ce numéro des Cahiers de l’IAU île-de-France ce qui a constitué la matière autour de laquelle se sont noués les partenariats actifs entre notre institut et l’ensemble de nos interlocuteurs marocains.

    En donnant la parole à ces partenaires, à des experts, à ceux de l’institutqui se sont mobilisés auprès des institutions, des villes et des territoires du Maroc, ce numéro des Cahiers a certes pour ambition de retracerplusieurs dizaines d’années de coopération fructueuse entre notre institutet le Maroc, mais aussi et surtout de donner à comprendre et à voir les enjeux auxquels les métropoles marocaines, comme nombre d’autresmétropoles du monde, sont confrontées : nécessité d’accueillir rapidementdes populations de plus en plus nombreuses engendrant une urbanisationaccélérée, développement de nouveaux moyens de transport, réalisation denouveaux programmes d’équipements, prise en compte des problématiquesenvironnementales, notamment celles liées aux risques. Autant de sujetsauxquels les villes européennes ont dû répondre lorsqu’il s’est agid’adapter les villes traditionnelles aux besoins générés par l’émergence de sociétés nouvelles.

    François DugenyDirecteur général de l’IAU île-de-France

    Avant-propos

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  • PrologueLes Cahiers de l’IAU îdF

    n° 154 - mai 2010

    Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

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    Aspirer à la modernité en s’attachant à une forte identité propre est une traditionbien marocaine.À travers son histoire et sa situation géopolitique, le Maroc a su s’adapter à l’évolu-tion du contexte régional et international pour se positionner sur l’échiquier mon-dial en jouant souvent un rôle d’avant garde.Le pays se transforme en même temps avec un mouvement perpétuel de passagede la ruralité à l’urbanité. Si ce phénomène a démarré au VIIIe siècle avec la créationde la ville (médina) de Fès, il connaît depuis la deuxième moitié du siècle dernierune accélération. La vie urbaine n’est donc pas récente dans un Maroc qui a vu sacapitale déménager au gré des civilisations entre Fès, Marrakech, Mekhnès et Rabat.Cette diffusion de la culture urbaine à travers le temps et l’espace a doté le paysd’une armature urbaine variée capable de structurer le vaste territoire national.Dans ce contexte, les villes marocaines se sont développées rapidement, par desextensions difficilement maîtrisables. Désormais, pour faire face aux enjeux du nou-veau siècle, l’essor du pays se joue essentiellement par la métropolisation de sesgrandes villes. La mondialisation, la concurrence internationale, la crise énergé-tique, le changement climatique, la maîtrise du développement urbain dans unevision de durabilité sont aujourd’hui autant d’enjeux auquel le pays doit répondre.La volonté politique exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI place l’Hommeet son épanouissement au premier rang des objectifs nationaux. L’habitat digneprôné par Sa Majesté se traduit par la politique nationale des Villes sans bidonvilleset par le développement massif de l’habitat social, l’amélioration des conditions devie de la population la plus vulnérable trouve son écho à travers l’initiative nationalede développement humain et le développement durable s’invite dans les réformesen cours. Le Maroc se transforme rapidement pour répondre aux nouveaux besoinsde sa population et se prépare dans tous les domaines pour se confronter aux défisdu XXIe siècle.Ce numéro des Cahiers consacré au Maroc se veut une contribution à la foisdémonstrative des expériences et analytique des dynamiques de transformation etdes réformes qui sont à l’œuvre pour moderniser le pays.Pour se préparer à pénétrer le nouveau siècle avec les atouts d’un pays ancré soli-dement dans ses valeurs et son territoire mais aussi ouvert pleinement à la mondia-lisation, cette contribution cherche à clarifier la complexité des mécanismes et laportée des réformes récentes. Ceci, grâce à des contributions que les hauts respon-sables marocains ont bien voulu accorder ainsi que celles des acteurs de la sociétécivile et de chercheurs passionnés. En outre, la riche expérience partagée entrel’IAU îdF et les agences urbaines ainsi que les directions de l’aménagement du ter-ritoire et de l’urbanisme au Maroc met en lumière et jalonne le travail d’explorationdes solutions adaptées aux différentes problématiques en commun entre la Franceet le Maroc.Dans sa première partie, ce numéro des Cahiers retrace l’évolution urbaine depuisle début du XXe siècle à nos jours et démontre l’aspiration et la préparation à lamétropolisation des grandes villes marocaines. La deuxième partie jette en perspec-tive des regards croisés sur le Maroc de demain en regroupant les contributions ensix thématiques transversales. La troisième partie développe des exemples de lapanoplie des actions de coopération de l’IAU îdF depuis presque trente ans avecles différents partenaires marocains.Nous espérons que cette publication sera un jalon supplémentaire pour avancerensemble et prolonger les relations de coopération entre l’IAU îdF et ses parte-naires marocains.

    Victor SaidIAU île-de-France

    Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

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  • Éditorial : Île-de-France - Maroc : développer un partenariat fructueuxJean-Paul Huchon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

    Préface : Coopération franco-marocaine : imaginons ensemble l’urbanisme de demainBruno Joubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

    Avant-propos : IAU île-de-France - Maroc : les enjeux de la métropolisationFrançois Dugeny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

    Prologue : Le Maroc s’ouvre au XXIe siècleVictor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouverturePhilippe Louchart, Jean-François Saigault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autreLE DÉVELOPPEMENT URBAIN DU XXe SIÈCLE

    De la médina à la « ville européenne» au Maroc . . . 15Jean-François Troin

    L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècleRachid Ouazzani . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

    Retour à la planification urbaine au MarocAbdelhai Bousfiha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

    À LA RECHERCHE DE LA MÉTROPOLISATION

    Une nouvelle approche de la planification stratégiqueFrançois Dugeny, Victor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

    Casablanca : laboratoire de l'évolution urbainePauline Zeiger, Gwenaëlle Zunino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

    Marrakech : la métropolisation d’une cité royaleVictor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

    Rabat-Salé, ville capitaleMohamed Aouzaï, Jean-Pierre Palisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

    Le Maroc en perspective : regards croisésLES POLITIQUES URBAINES À L’ŒUVRE

    Villes sans bidonvilles, une priorité nationaleInterview de Ahmed Taoufiq Hejira . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

    Les villes nouvelles marocainesAbderrahmane Chorfi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

    Réintégration des médinas dans la dynamique des villesAsmae Sedjari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

    QUAND L’ÉCONOMIE FAÇONNE LE TERRITOIRE

    Les enjeux territoriaux de l’économie marocaineAbdelaziz Adidi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

    L’âme des villes, vecteur du développement touristique du littoralInterview de André Azoulay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

    Une armature commerciale en pleine évolutionKawtar Tazi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

    Retour à la Méditerranée : Tanger Med en pointeJean-François Saigault, Pauline Zeiger, Gwenaëlle Zunino . . . 69

    VERS UNE MOBILITÉ DURABLE

    Articulation urbanisme-transports dans le Grand RabatMohamed Aouzaï . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

    Rabat-Salé : le tramway pilote du MarocLoubna Boutaleb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

    Trame urbaine de Casablanca et mobilité durablePierre Mayet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

    Mobilité et urbanité : les défis du PDU de CasablancaPaul-Richard Marsal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

    Le Maroc face au défi logistiqueLydia Mykolenko . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

    L’ENVIRONNEMENT : L’ENJEU DE L’AMÉNAGEMENT DE DEMAIN

    Les villes marocaines face au changement climatiqueAnthony Gad Bigio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

    Une réglementation parasismique pour le MarocHayat Sabri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

    Les défis de l’eau : le bassin du SoussChristian Thibault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

    Des plans verts pour les villes marocainesNelly Barbieri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

    Développement et gouvernance des services publics urbainsClaude de Miras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

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    Sommaire

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    VERS UNE APPROCHE GLOBALE DE LA QUALITÉ DE VIE

    La qualité urbaine face aux enjeux de la ville de demainAllal Sakrouhi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

    La qualité architecturale, une tradition qui se perpétueOmar Farkhani . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

    La place des quartiers Art déco dans les villes d’aujourd’huiAbderrahim Kassou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

    Le patrimoine au Maroc : l’enjeu identitaire à travers l’histoireSalima Naji . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

    ADAPTATION DES OUTILS JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS

    Évolutions institutionnelles, décentralisation et jeu d’acteursMinistère de l’Intérieur du Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

    Aménagement du territoire : du stratégique à l’opérationnelAbdelouahed Fikrat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

    Le développement durable dans la réforme de l’urbanismeHafida Aarab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

    Les statuts complexes d’un foncier rareAzzeddine Hafif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

    30 ans de coopérationavec le MarocDES ACTIONS PARTENARIALES ADAPTÉES AUX TERRITOIRES

    La vallée du Bouregreg : plaidoyer pour un développement durableJean-Louis Pagès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

    Plan de référence pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

    Salé : redynamiser la médina en la sauvegardantAnne-Marie Roméra, Jean-Pierre Palisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

    Salé : intégrer l’habitat irrégulier dans une vision d’agglomérationÉtienne Berthon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

    Grand Casablanca : le Sdau en appui au projet métropolitainVictor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

    Quelle stratégie d’aménagement pour le littoral de Casablanca?Gwenaëlle Zunino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

    Casablanca : intégration du grand projet urbain d’AnfaPierre Mayet, Victor Said, Bertrand Warnier . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

    Satama : référentiel pour la métropole d’AgadirAbdelillah Laslami, Victor Said . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

    Requalification et renouvellement urbain du centre d’AgadirGérard Abadia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

    Le parc de Souss-Massa, territoire d’exception à l’équilibre fragileChristian Thibault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

    Agadir : rétrospective sur le Sdau et les cités nouvellesNelly Barbieri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

    Fès : articuler la médina avec son environnementAnne-Marie Roméra, Victor Said, Christian Thibault . . . . . . . . . 157

    OBSERVER, ANALYSER ET DÉCIDER : LES OUTILS ADAPTÉS

    Un centre de documentation pour la direction de l’UrbanismeLinda Gallet, Micette Hercelin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

    Des observatoires urbains pour comprendre et agirAgnès Charousset . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

    Les SIG au service de l’urbanisme et de l’aménagement au MarocMichel Hénin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

    Le système d’information géographique, un outil de planification et d’évaluationSophie Foulard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

    Tableaux de bord et gestion des documentsd’urbanismeLaurie Cransac, Nicolas Laruelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169

    RessourcesBiographies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

    Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

    Sommaire

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  • Le Maroc a précocement engagé une poli-tique de modernisation, dans tous lesdomaines, en optant pour une ouverturevers l’extérieur, une insertion dans l’économiemondiale et une accélération des réformes cesdix dernières années.

    Les ambitions du Maroc dans la course mondialeAfin de se positionner sur la scène internatio-nale, de s’intégrer dans l’économie mondiali-sée et d’accroître sa compétitivité, le Royaumea fait des choix stratégiques d’ouverture del’économie, de libéralisation des échanges etd’intégration régionale.La volonté de renforcer les relations bilatéraleset multilatérales s’est traduite par la multiplica-tion d’accords de libre-échange, tant avec lespays voisins qu’avec des pays lointains repré-sentants de fortes opportunités (États-Unis,ALE(1), Turquie), notamment en ratifiant lesaccords du GATT(2) en 1994. Ainsi, le Maroc aintégré le processus d’Agadir (Tunisie, Égypte etJordanie) et la Grande zone arabe de libre-échange (18 pays arabes du Maghreb, d’Afriqueet du Moyen-Orient).Un volet important de cette stratégie d’intégra-tion régionale est la constitution de liens privi-légiés avec l’Union européenne (UE). Le Marocs’est toujours distingué par sa vision et sa forcede proposition au sein de la politique euro-péenne de voisinage (PEV) comme du Proces-sus de Barcelone (Union pour la Méditerra-née). Compte tenu du rôle qu’il joue non

    seulement au Maghreb et en Afrique, mais aussidans toute la région méditerranéenne, le parte-nariat avec le Maroc a une valeur fondamentalepour l’UE. Dans ce sens, le Maroc a signé unaccord d’association avec l’UE, entré en vigueuren 2000, et a obtenu en octobre 2008, le trèsconvoité « statut avancé». Le Maroc est le pre-mier pays à bénéficier de ce statut qui constitueune reconnaissance des réformes politiques etéconomiques engagées par le Royaume, etdresse une feuille de route avec un ensemblede propositions dans les champs politique,humain et économique. En matière écono-mique et sectorielle, celles-ci visent à l’harmo-nisation législative et réglementaire et à l’ap-profondissement des relations commerciales àtravers un accord de libre-échange couvrantde nouveaux domaines (marchés publics,droits de la propriété intellectuelle, mouve-ments des capitaux, concurrence, développe-ment durable, etc.). Enfin, le Maroc est le pre-mier bénéficiaire des fonds d’aide européenneprévus pour la période 2007-2010 dans le cadrede la PEV.

    Le Royaume a pour ambition d’assurer sa stabi-lité économique et financière, et d’améliorer leclimat d’affaires ; il a, pour cela, entamé de nom-breuses réformes qui se poursuivront au cours

    Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

    Le Maroc d’aujourd’hui :dynamisme et ouverture

    Le Maroc a mis en place de nombreuses stratégiesnationales visant à renforcer son développement économique et humain, ainsi que sonpositionnement international.

    Philippe LouchartJean-François Saigault

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    Les grandes tendances actuelleslaissent entrevoir que le « systèmemonde » va accélérer la mise en relation des différentes parties du globe et s’appuyer sur une nouvellerépartition des richesses, avec le risqued’une marginalisation de quelquesespaces géographiques. Face à cette concurrence, le Maroc opère degrands changements, au prix d’effortssignificatifs, en définissant de nouvellesstratégies de modernisation et dedéveloppement humain.

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    Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

    (1) Association européenne de libre-échange comprenantl’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.(2) General Agreement on Tariffs and Trade. Ce texte a étésuivi, en 1995, par la création de l’Organisation mondiale ducommerce (OMC).

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  • des prochaines années. Par ailleurs, sa volontéd’atteindre les standards internationaux et derenforcer sa compétitivité s’est traduite par unambitieux programme d’investissements por-tant notamment sur l’énergie, les infrastructuresde transport, les équipements, particulièrementl’assainissement, et l’accès à l’eau.

    La stratégie nationale de positionnementet de modernisationLes transformations imposées par le processusde mondialisation ont donc nécessité d’impor-tantes réformes structurelles, sociales et institu-tionnelles, visant à la modernisation du pays.De nombreuses actions ont été menées afind’établir un état de droit comme socle du déve-loppement du Royaume, et de corriger les dis-parités sociales et régionales (Initiative natio-nale pour le développement humain, INDH).Des réformes structurelles massives ont étémises en œuvre afin de renforcer la compétiti-vité des entreprises et de libéraliser l’écono-mie. Sur ce dernier point, les réformes ont étéparticulièrement marquées : privatisation desentreprises publiques et décentralisation ; pro-motion des investissements nationaux et inter-nationaux ; réforme du secteur financier et dela fiscalité ; libéralisation du contrôle deschanges, du commerce extérieur et des prix ;abaissement des barrières douanières ; encou-ragement de la concurrence et libéralisationde secteurs-clé, tels que les télécommunica-tions, le transport routier de marchandises etl’électricité.La définition de projets économiques « por-teurs» et les choix politiques ont permis de des-siner les grands objectifs de marche duRoyaume. Des actions nationales et sectoriellessont venues appuyer cette stratégie : la Vision2020, le plan Azur et le plan Biladi pour le tou-risme ; le plan Rawaj pour le commerce et leplan Maroc vert pour l’agriculture. Dans l’indus-trie, le plan Émergence définit les priorités éco-nomiques dans les domaines de l’offshoring,de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électro-nique, du textile et du cuir, de l’agroalimentaire,de la transformation de produits de la mer et del’artisanat. Il a été suivi récemment par le planEnvol, qui recommande l’orientation vers denouvelles filières comme les biotechnologies,les nanotechnologies, la recherche et dévelop-pement.Le Maroc s’est également engagé dans une poli-tique d’aménagement de pôles de compétiti-vité structurés autour de projets de coopéra-tion technologique. Il s’agit d’une volontéstratégique visant à fortifier chaque territoire àpartir de réseaux d’acteurs mobilisés autourd’objectifs de compétitivité et d’attractivitécommuns.

    Enfin, des initiatives dans les domaines de lalogistique, des transports terrestres et portuairesnotamment, vont accentuer le positionnementdu Maroc à l’international : la réalisation d’unréseau autoroutier performant, et comprenantl’autoroute transmaghrébine, permettra derelier les grandes agglomérations marocaines.La création de Tanger Med 1 et 2, ports de nou-velle génération, ainsi que la réalisation d’untroisième port de standard international dans larégion de l’Oriental, Nador West Med, contri-bueront au rééquilibrage national.

    Une mutation multifacette de la société marocaineLe développement du pays et son urbanisationont été accompagnés de mutations profondesde la société et des modes de vie de la popula-tion. Ces évolutions sont notamment allées depair avec une scolarisation massive et prolon-gée des nouvelles générations, en particulierdes filles, le recul régulier de l’âge du mariage,l’usage croissant de moyens contraceptifs etl’exercice de plus en plus fréquent d’une acti-vité professionnelle en dehors du foyer pourles femmes.La diffusion des valeurs modernes dans lasociété marocaine via l’école publique ou l’ac-cès massif aux médias audiovisuels, surtout enville, est indéniable. L’évolution du droit maro-cain témoigne par ailleurs d’un effort politiqueconstant pour faciliter ces transitions. Laréforme récente du code de la famille, adop-tée en 2004, consacre des droits et des obliga-tions fondés non seulement sur le principed’égalité entre l’homme et la femme, mais éga-lement et essentiellement sur la volonté degarantir les droits de l’enfant et de préserver lacohésion de la famille. Cette réforme fait duMaroc l’un des pays les plus progressistes de larégion et ceci, même si les mentalités évoluentplus lentement que le droit.

    Une urbanisation galopante à maîtriser d’urgenceLe territoire marocain a connu une urbanisa-tion massive depuis la deuxième moitié duXXe siècle, en particulier le long du littoral. Lemilieu urbain accueille aujourd’hui 56 % de lapopulation du Maroc, contre 29 % en 1960. Enmoins de 50 ans, la population s’est accrue deprès de 20 millions d’habitants, dont environ70 % (14 millions) se sont installés en ville. Si lapopulation du pays a été multipliée par 2,7durant cette période pour atteindre 31 millionsd’habitants en 2009, celle des villes a été multi-pliée par 5,1, contre 1,7 dans les zones rurales.Le nombre et la taille des villes marocainesn’ont cessé de progresser depuis 1960 : ondénombrait 350 villes en 2004, dont 54 comp-

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    «D’après un classement établi sur lespublications scientifiques acceptées dansles revues internationales entre 2004et 2008, dans 21 disciplines, par ThomsonReuters, une douzaine de pays africains,disposent de capacités scientifiquessignificatives. Parmi les pays francophones,le Maroc se distingue en arrivant deuxièmepour les mathématiques. »

    Source : L'Afrique se réveille. Les Echos, 29 avril 2010.

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    La scolarisation massive et prolongée des nouvellesgénérations permet la diffusion de valeurs modernes.

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    Le Maroc d’aujourd’hui : dynamisme et ouvertureLes Cahiers de l’IAU îdF

    n° 154 - mai 2010

    Découpage administratif selon le code réglementaire du Royaume du Maroc

    Découpage administratif du Maroc en 2009

    Source de données : Ministère de l’Intérieur du Maroc, 2009Cartographie : Direction de l’Aménagement du TerritoireCarte fournie par l’administration marocaine

    Oued ed-dahab-lagouira

    Laayoune-boujdour-sakia el hamr

    Guelmim-es-semara

    Souss-massa-draa

    Gharb-chrarda-beni-hssen

    Chaouia-Ouardigha

    Marrakech-tensift-al-haouz

    Oriental

    limite de communelimite de province oupréfecturelimite de région

    Grand Casablanca

    Rabat-sale-zemmour-zaer

    Doukala-Abda

    Tadla-Azilal

    Meknes-Tafilalet

    Fes - Boulemane

    Taza-al hoceima-taounate

    Tanger-Tetouan

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  • tent aujourd’hui plus de 50000 habitants.Cette urbanisation massive, notamment à lapériphérie des grandes villes, a été, d’une part,largement spontanée, avec le développementde l’habitat non réglementaire et, d’autre part,facilitée par la multiplication des dérogationsaccordées. Les programmes récents deconstruction de logements sociaux ou de villesnouvelles ont également renforcé la tendanceà l’urbanisation du pays. Néanmoins, l’accom-pagnement de cet important phénomène s’estfait sans vision globale inscrite dans le temps.Il en résulte une faible mixité sociale et fonc-tionnelle dans ces espaces périphériques, cou-plée à une insuffisance d’équipements et deservices, publics ou privés.À l’horizon 2030, les simulations réalisées par le Haut-commissariat au Plan (HCP) condui-sent à une stabilité en volume de la popu-lation rurale (aux alentours de 13 millions d’habitants) et à une hausse continue de la population urbaine (+ 7 millions d’habitants aminima). Cette évolution suppose le renforce-ment et la multiplication des polarités urbainesen milieu rural, et la structuration des espacesmétropolitains à l’échelle des régions dans unevision de long terme. Faute de quoi, la pressionconstante de la demande continuera d’entrete-nir les multiples formes de spéculation autourdu foncier urbain – facilitée par l’absence d’undroit de préemption –, avec le risque d’accen-tuer la dualisation de la société marocaine etd’entraver son développement équilibré à longterme.Pour limiter l’exode rural qui en résulterait et lapression déjà forte sur les villes existantes, ledéveloppement des bourgs paraît un enjeu fortpour fixer une population de moins en moinsagricole, mais qui continuera à vivre en milieurural. Ceci, au même titre que la préservationet la reconquête des milieux naturels dégradés,une gestion plus efficace et plus équitable desressources en eau et une réflexion sur la voca-tion des terres à l’échelle du Maroc dans sonensemble, et dans chaque région.La structuration des tissus urbains et ruraux àl’échelle des régions métropolitaines constituel’autre face de cet enjeu ; il s’agit de penser en même temps et dans la durée, le déve-loppement économique, la consommation/préservation du capital naturel ainsi que ledéveloppement humain, et ce, à la bonneéchelle.

    Des classements mitigés au niveau mondialEn dépit de toutes ces avancées, le Maroc faitaujourd’hui face à de multiples enjeux et défis,notamment en matière de développementhumain. Le dernier « Rapport mondial sur le

    développement humain », paru en octo-bre 2009, témoigne de la persistance d’un déca-lage entre le développement économique et ledéveloppement social du Maroc : certains indi-cateurs sociaux tels que l’indice de dévelop-pement humain (IDH) sont inférieurs à sonpositionnement économique, et d’autres sontnettement au-dessus (malnutrition, espérancede vie). L’insuffisance de la croissance écono-mique du Maroc explique pour partie ce déca-lage, mais pour partie seulement.

    Des politiques nationales et sectoriellesfavorables au développement humainLes travaux menés par le HCP intitulés « Pros-pective Maroc 2030 » indiquent que le scéna-rio de l’efficience économique prioritaire quiconduirait à une croissance annuelle du PIBde 6 % l’an ne constitue pas une option viableà long terme sur le plan social ou écologique.L’avenir souhaité, celui de l’émergence, conduità une croissance un peu plus modérée du PIB(5,5 % l’an), mais s’accompagne d’une forteréduction du chômage et de la pauvreté. Cescénario passe notamment par une ouverturemaîtrisée et progressive de l’économie maro-caine à la mondialisation, une diversificationdes partenaires extérieurs, une réforme pro-fonde de l’éducation et de la formation, ainsiqu’un meilleur ciblage et un partage plus équi-table des charges du développement socialentre les différents acteurs. Il permettrait auMaroc de se rapprocher, à l’horizon 2030, del’actuel PIB par tête des pays aujourd’hui émer-gents.

    Le choix du développement humain pour construire l’avenirLe Maroc a clairement pris conscience que ledéveloppement du capital humain est un enjeumajeur pour lui permettre d’avancer dans lavoie du développement économique et dura-ble. Sa Majesté le Roi Mohammed VI soutientdepuis plusieurs années une vision à forteorientation sociale, à l’origine de nombreusespolitiques nationales récentes (la Charte natio-nale pour l’éducation et la formation, la straté-gie d’alphabétisation, l’Initiative nationale pourle développement humain, le programme Villessans bidonvilles, etc.) ou de projets d’envergure(Tanger Med, plan Azur, etc.). Les déficits enmatière de développement humain sont ainsiclairement identifiés et reconnus, et leur résorp-tion assimilée à un investissement consenti parla nation.

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    Le Maroc dans le mondeLe Maroc figure à la 118e place mondialeen termes de revenu par habitant alorsqu’il est relégué au 130e rang pour l’indicede développement humain (IDH) et même au 150e rang pour le seulindicateur d’éducation. À l’inverse, d’autres indicateurs classent le Maroc à un niveau parfois bien supérieur à son développement économique (entre le 62e et le 98e rang), notammentl’espérance de vie, la malnutritioninfantile, l’indice de pauvreté humaine oul’indice sexospécifique du développementhumain – qui mesure la place des femmesdans la société.

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    Population 27,8 31,6(en millions d’habitants) (2008)

    PIB/hab (parité de pouvoir 2575 2769d’achat) en dollars (2008)

    Investissements directs étrangers 0,4 2,46(en milliards de dollars) (2008)

    Espérance de vie à la naissance 67 ans 71 ans

    Taux d’alphabétisation des adultes (% de la population 47,1 55,6de plus de 15 ans)

    Taux de mortalité maternelle (pour 100000 naissances 230 240vivantes) (2005)

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    L’évolution urbainedu Maroc : d’un siècle à l’autre

    Mettre en perspective la ville d’aujourd’hui au regard de l’évolution urbaine depuis le début du XXe siècle, c’est comprendre les transformations propres à chaquepériode pour anticiper les possibilités d’adaptation aux exigences de la vie urbaine du XXIe siècle.Analyser les caractéristiques des villes européennes,juxtaposées aux médinas, et les interactions mouvantes,c’est mettre en lumière la recherche de modernité, en dialogue avec l’identité et le riche patrimoine urbain,architectural et culturel.Explosion urbaine de la deuxième moitié du siècle dernier,prolifération des bidonvilles, transformation et densificationdes médinas : autant de phénomènes que les autoritésmarocaines ont essayé de maîtriser à travers des politiques et des structures publiques adéquates.Ainsi, au début des années 1980, un retour à la planification urbaine a été opéré, donnant lieu à une nouvelle génération de documents réglementaires.Aujourd’hui, le positionnement international, le développement humain et économique et la recherche de l’image des grandes villes marocaines s’inscriventparfaitement dans leur aspiration à la métropolisation.

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  • De la médina à la « ville européenne» au Maroc

    L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

    Retour à la planification urbaine au Maroc

    Le développementurbain du XXe siècle

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  • «Ville nouvelle », « ville européenne », « villeoccidentale», «ville coloniale», la termino-logie utilisée pour désigner les nouveauxquartiers édifiés sous le Protectorat, installé auMaroc à partir de 1912, est quelque peu floue.La réalité de ces ensembles bâtis est pourtantbien réelle : de vastes quartiers d’immeubles,de villas, d’édifices publics se dressent de Tan-ger à Agadir et de Rabat à la frontière algé-rienne, remarquables par leur architecture,leurs dimensions et leurs formes métissées. Unmoment rejeté par les Marocains commetémoin inacceptable de la période du Protecto-rat(2), ce bâti est aujourd’hui mieux perçu etmieux intégré au patrimoine national. Certainsimmeubles sont, depuis peu, protégés et fontpartie intégrante d’un héritage progressivementaccepté. Les pressions spéculatives sont fortes,leur entretien de ce bâti pose néanmoins pro-blème et interroge sur la sauvegarde de cepatrimoine architectural.

    Médina et ville nouvelle européenne : un doublet urbain en oppositionIl faut dire que la différence entre ville arabe etville occidentale, qui était manifeste au débutdu XXe siècle, n’est plus aujourd’hui la seulecomposante de la ville marocaine. La ville ex-coloniale est aujourd’hui noyée dans unemasse urbaine étendue et complexe qui l’en-serre et la digère presque.En effet, forte d’une longue histoire, la villemarocaine contemporaine accumule desstrates successives d’urbanisation et présente,

    de nos jours, une étonnante diversité. Dans laplupart des grandes villes, se trouvent ainsi juxtaposés à un noyau historique appelémédina(3) une ville ex-européenne bâtie lors duProtectorat, des quartiers d’immeubles et de vil-las récents post-Indépendance, des cités delogements sociaux de diverses époques, deszones d’autoconstruction (urbanisation nonréglementaire) envahissantes et des bidonvillessans cesse renouvelés.Cependant, ce qui frappe avant tout au Maroc,par comparaison avec d’autres pays maghré-bins et surtout avec l’Algérie voisine, c’est l’im-portance des tissus de médinas que les Euro-péens tinrent à l’écart de leurs projets deconstructions. En effet, alors qu’Alger, Constan-tine et Tunis connurent des modifications d’en-vergure qui portèrent atteinte à leur intégrité, lesmédinas marocaines furent relativement épar-gnées par le Protectorat. Des mesures de protec-tion, voulues par Lyautey(4), vont leur être appli-quées dès 1913 par souci de conservation dupatrimoine bâti et de séparation entre la «vieilleville » et la «ville nouvelle ».Curieusement, lors de l’Indépendance (1956),les médinas seront à nouveau perçues par lesresponsables politiques du pays « comme les

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

    Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

    À Rabat, comme dans de nombreusesvilles marocaines, la dichotomie entre médina et ville européenne est encore visible dans le tissuurbain.

    Jean-François Troin(1)

    Université de Tours

    Dans la première moitié du XXe siècle,ont été créées au Maroc des villesnouvelles juxtaposées aux médinas,pour loger la population européenne et respecter patrimoine et traditionslocales. Elles incarnaient un nouvelaménagement esthétique et fonctionnel, basé sur des plansd’urbanisme aux conceptions les plusmodernes. Comment leurs rapportsont-ils évolué au fil du temps et des usages ? Quel est leur avenirface à la rareté du foncier ?

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    Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

    Le développement urbain du XXe siècle

    De la médina à la « villeeuropéenne» au Maroc

    (1) Jean-François Troin est géographe et professeur hono-raire à l’université de Tours.(2) Certains ensembles, comme le théâtre municipal de Casa-blanca, ont même été détruits après l’Indépendance et, plusrécemment, le marché couvert de Marrakech a disparu sanssusciter beaucoup de réactions.(3) Médina signifie ville en arabe.(4) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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  • symboles du sous-développement, de l’insalu-brité, de l’archaïsme, voire de l’anarchieurbaine. Leur historicité étant totalement niée,elles constitueront des obstacles gênants à lamise en œuvre des politiques ambitieusesd’aménagement urbain» [P. SIGNOLES, 2006]. Lapériode coloniale aurait-elle constitué pour cestémoins historiques de l’urbanisme tradition-nel une sorte de parenthèse ? Toujours est-ilque, figées dans leurs volumes spatiaux et leursbâtis, elles connaîtront de 1912 à 1956 une fortedégradation et seront alors concurrencées,pour l’accueil des migrants ruraux, par un nou-veau type d’espace urbain : les bidonvilles.Il est essentiel d’avoir à l’esprit cet antagonismeentre la ville historique, la médina, perçue parles Européens comme un héritage obligé dontils se méfieront parfois, et la ville dite « nou-velle », édifiée à l’écart, exemple de moder-nisme et image de réussite.

    Une ville pour Européens, séparée, aérée, aux équipements spécifiquesLa volonté de séparer spatialement la ville nou-velle de la médina préexistante est clairementaffirmée au Maroc. Si la médina est encoreenserrée de remparts, les nouvelles construc-tions s’implantent par-delà un boulevard à dis-tance des murailles (à Rabat par exemple). Si latopographie est accidentée (ravins, versantsabrupts), la ville nouvelle s’installe sur unespace plan (Meknès, Fès) en ménageant unintervalle avec la médina. À Marrakech, le quar-tier européen du Guéliz s’implantera avec uncertain recul par rapport aux portes de lamédina. Casablanca fait office d’exception : les

    constructions européennes enserrent lamédina pour des raisons historiques. En effet, ledébarquement français de 1907, précédant decinq ans l’établissement officiel du Protectorat,a privilégié l’établissement d’un port modernequi se situe au pied de la ville ancienne et quise prolonge tout naturellement par desconstructions nouvelles jouxtant les vieux quar-tiers marocains.Ainsi, pendant deux à trois décennies, dans laplupart des grandes villes, un espace tampon,parfois une forme de no man’s land, parsemémalgré tout de casernes, baraquements, campsmilitaires, au mieux bordé par des espacesverts, servira de relais entre ville ancienne etville nouvelle. Il s’agit, officiellement, de trou-ver des sites spacieux où la ville pourra « s’ins-taller » dans le respect des habitats et traditionsdes populations locales ; des mesures de pro-tection des monuments anciens (mosquées,portes, médersas, fontaines, remparts) serontpar ailleurs édictées. En réalité, ce « chacunchez soi » est sécuritaire, avec une volonté decoupure, un désir de ne pas mélanger ancienset nouveaux citadins ; c’est aussi le prétexted’une recherche de surfaces étendues et librespour étaler les nouvelles constructions sanscontrainte.De fait, les urbanistes concevront des ensem-bles d’immeubles ou de villas aérés séparés parde larges voiries, des plans géométriques à l’op-posé du lacis de ruelles de la médina, desespaces verts pour oxygéner ces nouveaux tis-sus urbains. La ville se distend, s’étire, la circu-lation y est aisée : elle se veut en tous pointstotalement différente de la ville historique.Elle est par ailleurs destinée à satisfaire desbesoins typiquement occidentaux et s’équipepour cela. On y trouve en abondance casernes,édifices de commandement administratif,immeubles élevés avec appartements degrande superficie, villas avec jardins bien dessi-nés, équipements commerciaux pour résidentseuropéens comme le marché couvert, lesgrands magasins sous arcades, les galeries com-merciales, les agences bancaires au décor soi-gné, et des églises, voire des cathédrales àRabat ou Casablanca. On y crée des lieux théâ-traux : esplanades pour défilés, parcs urbains,parcs pour expositions, avenues plantées et cor-niches flattant la perspective. Besoins fonction-nels, volonté esthétique, dimensionnementsgénéreux s’entremêlent pour créer un nouvelaménagement, un décor à la fois de comman-dement et rassurant pour les Européens instal-lés ex nihilo en terre étrangère. Le Maroc duNord, occupé par l’Espagne, présente quelquesdifférences dans l’agencement des villes euro-péennes. La proximité des habitats marocainset européens est ici bien plus grande : les quar-

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    Le développement urbain du XXe siècle

    De la médina à la « ville européenne» au Maroc

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

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    À Meknès, la topographie accidentée autour de la médina a conduit la ville nouvelle à s’installer sur un espace plan, de l’autre côté de la coupure verte.

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  • tiers des deux communautés se touchent, voires’interpénètrent par le biais de grandes placesde liaison entre médina et quartier nouveau(ceci est très visible dans la disposition urbanis-tique à Tétouan, Larache, Chefchaouen), imagesymbolique d’une abolition des distancessociales. Mieux, les Espagnols parent les entréesde médinas de portes monumentales commepour affirmer une sorte de reconnaissance desespaces historiques (une continuité d’El Anda-lous ?). Cette forme de rapprochement est àopposer à la distanciation prônée par le Pro-tectorat français dans les villes qu’il développeplus au sud.

    Un développement anarchique puis régulé par les plans d’urbanismeL’afflux de population européenne est rapide etconsidérable. À Casablanca, les Européens, quiétaient un millier en 1907, sont 20000 en 1912,31000 en 1914 pour culminer à 150000 en 1956au moment de l’Indépendance [D. NOIN, 1971].Aussi, dans un premier temps, les constructionsse feront dans le désordre, sans plan ; la spécu-lation foncière sera maximale, notamment àCasablanca, véritable Far West du Protectorat. ÀRabat, capitale officielle ayant remplacé Fès, lecontrôle sera plus sévère et la volonté de créerun ensemble urbain ordonné, majestueux,comme il sied à la ville du pouvoir, sera plusmanifeste. Les témoins architecturaux de l’his-toire marocaine comme le Chellah, la Tour Has-san et la porte de Bab Rouah seront intégrés à la ville nouvelle. On a pu parler d’un «urba-nisme concerté » pour la capitale politique,opposé à une « urbanisation spéculative d’af-fairistes» à Casablanca, la capitale économique[J. DETHIER, 1970].On assistera aussi à la création de villes nouvelles ex nihilo, comme Port-Lyautey(aujourd’hui Kénitra) autour d’un port créé detoutes pièces à l’embouchure de l’oued Sebou,dès 1914, au nord de Rabat, ou encore Fédala(aujourd’hui Mohammedia), port annexe deCasablanca. Une ville minière avec des quar-tiers hiérarchisés selon les niveaux sociopro-fessionnels sera également fabriquée pouraccompagner l’exploitation phosphatière àKhouribga. Une ville «militaire» sera implantéeà Kasba Tadla. La volonté constructrice et lesouci de créer un nouveau réseau de villes sontévidents. L’accent sera mis sur le corridor atlan-tique, en opposition avec les villes tradition-nelles de l’intérieur, développant ainsi un axelittoral qui est aujourd’hui encore un élémentgéographique et économique de déséquilibredans le fonctionnement de l’espace marocain.Avec l’arrivée d’Henri Prost(5), architecte urba-niste appelé par Lyautey en 1913, des principes,règles et dispositions législatives seront adoptés

    et permettront à la fois de disposer de terrainsofficiels pris sur les terres de fondations pieuses(habous) ou étatiques (magkzen) et de contrô-ler plus rigoureusement l’expansion urbaine.De nombreux plans d’aménagement des villesseront réalisés, appliquant les conceptions lesplus modernes de l’urbanisme. Le Maroc seraainsi un véritable terrain d’expertise disposantd’outils urbanistiques qui n’existent pas encoreen France à cette époque.

    Expériences architecturales, liberté d’expression et importants moyens disponiblesTerrain d’essai législatif pour l’urbanisme, leMaroc du Protectorat le sera également pourla création architecturale. Une très grandeliberté sera laissée aux hommes de l’art. À Casa-blanca, par exemple, « le pluralisme desapproches caractérise la production architectu-rale : références à l’Art nouveau ou au néo-classicisme dans les années 1910, puis auxthèmes Art déco dans la décennie suivante » [P. SIGNOLES, 2006]. Mais les productions archi-tecturales métissées (styles néo-mauresque ounéo-marocain), si caractéristiques des édificespublics, voisineront avec des réalisations detype franchement moderne comme le rappel-lent Jean-Louis Cohen et Monique Eleb [1998] :«Aux types d’habitat courant des années 1920,tels que le petit immeuble de ville et la villa,s’ajoutent les immeubles de luxe équipés àgrands appartements, les habitations à bon mar-

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    En 1934, dans la ville de garnisonKasba-Tadla, sont juxtaposées la trame urbaine sinueuse typiquedes médinas et la trame urbainerégulière des quartiers européens.

    (5) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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  • ché et les cités patronales destinés aux Maro-cains. La course vers la grande hauteur, carac-téristique des immeubles de bureaux, affecteaussi l’habitation».Toute une série de courants architecturauxpourront ainsi s’appliquer au bâti, donnant une étonnante et foisonnante variété deconstructions : styles Art déco, arabo-européen,influences californiennes et scandinaves mani-festes dans la réalisation de villas cossues. Jean-Louis Cohen et Monique Eleb [op. cit.] ont uti-lisé le terme de «Babel africaine» pour désignerCasablanca. Une très grande liberté sembleavoir régné dans l’entre-deux-guerres dans lescabinets d’architectes, autorisant des audaces,parfois des productions mimétiques ou des pastiches, parfois des adaptations et métissagesd’une grande inventivité. Le parc d’immeublesde Casablanca en témoigne encore aujour-d’hui, offrant un échantillon étendu de bâtisdiversifiés. Ajoutons à cela la qualité desconstructions, les compétences des entreprisesaujourd’hui reconnues, les moyens financiersimportants mis à disposition, tous éléments quel’on n’aurait pas trouvés à l’époque en métro-pole. Profitant de cette chance, les concepteursont pu ainsi laisser libre cours à leur esprit créa-tif. À Casablanca, la place Administrative, l’hôteldes Postes, le palais de justice, l’hôtel de villeet même la cathédrale du Sacré Cœur témoi-gnent de ce mariage, que l’on peut estimerréussi, entre art hispano-mauresque et construc-tion moderne.

    Un intérêt tardif pour l’habitat populairemarocainEn dehors de la réalisation du quartier desHabous à Casablanca(6), amorce d’une « nou-velle médina» conçue selon un modèle «cultu-raliste »(7), quartier alliant thèmes traditionnelsde l’habitat local et conceptions d’habitat et decirculation « à l’européenne », peu de projetsfurent dévolus à l’habitat des Marocains. Il y eutbien quelques « cités ouvrières » (Cosumar,Socica à Casablanca, cité OCP à Khouribga)liées au patronat industriel, mais ces réalisa-tions restèrent limitées en nombre et dans l’es-pace. Le concept intéressant de « nouvellemédina » ne fut guère reproduit à travers leMaroc. À Casablanca, il fut en réalité dévolu àune classe que l’on peut qualifier de«moyenne-inférieure» (artisans, commerçants,petits fonctionnaires) et non aux populationspauvres, les plus mal logées et pourtant trèsnombreuses.On devra attendre 1944 pour qu’un plan d’amé-nagement de Casablanca, demeuré fort discret,

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    Le développement urbain du XXe siècle

    De la médina à la « ville européenne» au Maroc

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

    Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

    Aménagement et extension de la ville de Casablanca - 1913

    Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

    Aménagement de la ville de Marrakech - 1914-1924

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    (6) Le quartier des Habous concerne 5000 habitants.(7) Ce modèle visait à attirer une nouvelle classe socialemarocaine en progression.

    Henri Prost a appliqué des principes d’urbanisme innovants dans les plans d’aménagementdes villes de Casablanca, Marrakech, Fès et Rabat. Il distingue la ville traditionnelle, la ville européenne, les villas et les secteurs industriels.

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  • le plan Courtois, prévoie de l’habitat sur degrandes surfaces pour la population maro-caine. Cette préoccupation deviendra majeureavec l’arrivée d’un autre grand urbaniste,Michel Écochard(8) en 1946.Il faut dire que la situation est devenue explo-sive : l’exode rural bat son plein, la crise écono-mique produit au Maroc des effets désastreuxdepuis 1931, la guerre mondiale affecte le paysà partir de 1940. Médinas et, de plus en plus,bidonvilles absorbent une population crois-sante qui s’entasse dans des conditions d’insa-lubrité indignes, tandis que les lotissementsclandestins fleurissent. Sous-emploi et chômagese développent de façon inquiétante et lapopulation européenne bien logée ressent unemenace d’encerclement. Écochard, qui a tra-vaillé au Moyen-Orient, va s’attaquer frontale-ment au problème du logement des plus dému-nis. Dans les grandes villes, il lance « l’habitat duplus grand nombre », ce qui manifeste claire-ment un changement d’orientation.Comme le relate avec précision Jean Dethier[1970], Écochard donne priorité au quantitatif,crée des cités satellites en périphérie urbaine,des unités d’habitation denses, des trames d’ha-bitat évolutif. Le modèle « progressiste » a prisle relais, le logement populaire est enfin pris encompte dans des programmes de constructionassez uniformes, spatialement isolés. La Charted’Athènes est appliquée rigoureusement et setraduit par une sectorisation affirmée de l’es-pace urbain. C’est un urbanisme autoritaire,mais nécessaire. Malheureusement, il ne pro-duira qu’une faible proportion de logementsau regard des besoins immenses du pays. Lesprincipes d’urbanisme et d’aménagementd’Écochard, remercié en 1953, perdureront uncertain temps sous le Maroc indépendant.

    Le devenir de la ville ex-coloniale après l’IndépendanceLa libération de milliers d’appartements aprèsle départ des Européens – relativement étalédans le temps –, la disponibilité de centaines devillas vont provoquer un afflux de populationnationale vers cet habitat dont elle avait étéécartée. Fonctionnaires (dont le nombre s’ac-croît rapidement du fait du départ des cadresfrançais), commerçants, propriétaires terriens,cadres militaires rechercheront tout particuliè-rement ces quartiers et s’y installeront progres-sivement.Dans un premier temps, on se contentera detransformer le bâti : dans les immeubles, on fer-mera les balcons et patios, on récupérera lesterrasses, on modifiera la distribution despièces ; dans les villas, on verra apparaître des

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    Aménagement de la ville de Fès - 1915-1917

    Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle

    Aménagement de la ville de Rabat - 1916-1951

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    (8) Voir sa biographie dans ce numéro des Cahiers, p.172.

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  • surélévations, des clôtures de jardins par murs,des extensions de la surface bâtie, des transfor-mations de garages en logements pour domes-tiques. On insèrera des mosquées dans les îlotsex-européens. Des familles plus grandes, desmodes de vie différents, des usages et traditionsbasés sur l’intimité du foyer expliquent cestransformations. Paradoxalement, on conser-vera les noms symboliques des quartiers rési-dentiels, comme Bellevue, Val Fleury, Belvédère,Polo, Bel Air, Touraine, réalisant ainsi une sorted’affichage de la promotion sociale qui s’estaccomplie avec ce transfert d’habitat vers la« ville nouvelle », ce terme continuant à êtreemployé par les Marocains bien après l’Indé-pendance.Dans un second temps, à partir des années1970, un bouleversement beaucoup plus impor-tant va affecter la ville ex-européenne. La cen-tralité des quartiers, la qualité du bâti (malgrédes dégradations liées à un entretien insuffi-sant), le manque de logements en périphérie,la proximité des équipements, mais aussi uneimage redorée de la ville ex-européenne vontprovoquer une forte spéculation foncière etimmobilière. On assistera alors à la démolitionsystématique de nombreuses villas remplacéespar des immeubles (quartier Agdal à Rabat ouMaârif à Casablanca), à la surélévation brutaledu bâti dans le centre-ville (Fès) ou à des modi-fications de façades. Des immeubles de verre etd’acier surgiront pour abriter des fonctions ter-tiaires en plein développement (sièges sociaux,banques), d’anciens hôtels seront remaniés, lesdernières friches ou terrains vagues du tissuurbain seront remplis par de nouveaux immeu-bles à l’architecture provocante.

    Ainsi, ces quartiers vont-ils rapidement chan-ger d’échelle, passant de noyau central pourrésidents européens aux fonctions de centresdirectionnels régionaux, voire nationaux (etmême internationaux pour Casablanca). Ilssont, dans le même temps, plébiscités commelieux favoris de loisirs, de promenades, de sor-ties familiales, de fréquentation des cafés et res-taurants par une population qui n’y réside sou-vent pas. Ce sont des lieux-vitrines, des espacesde démonstration, de rencontres pour jeunes – célibataires ou en couple – car ces îlotsurbains sont ouverts, relativement permissifs etévocateurs d’un certain au-delà, une Europeexotique pourrait-on dire.

    Une patrimonialisation encore incertaineEn ce début du XXIe siècle, se pose le problèmede la conservation, de la sauvegarde et de l’in-tégration au patrimoine national de cet héri-tage bâti qui a vieilli, dont l’entretien est devenucoûteux et qui a longtemps évoqué la forte pré-sence étrangère. Nous avons évoqué les démo-litions survenues, dans un premier temps, deconstructions emblématiques. Il semble qu’unintérêt nouveau pour ce legs architectural eturbanistique se manifeste chez les jeunes géné-rations. Les classements d’immeubles sont plusnombreux, les projets de démolition suscitentde plus en plus de manifestations et de protes-tations, des associations prônant la sauvegardesont créées. Des banques, des sociétés ou com-pagnies prennent conscience de l’image«noble» que peut donner leur installation dansdes immeubles à l’architecture historique etenvisagent leur restauration plutôt que leur des-truction, pour laquelle il n’y aurait eu guèred’hésitation il y a encore quelques années.

    Les perceptions évoluent, les mesures de pro-tection sont plus nombreuses. On ne peutcependant pas dire que la totalité de la sauve-garde soit assurée. Pression supplémentaire, latension spéculative sur le foncier et l’immobi-lier dans ces quartiers devenus hypercentraux,recherchés pour les fonctions du tertiaire dedirection, est très présente. Il faudra un réel courage aux administrateurs et aménageursurbains pour continuer à maintenir cet héritage et s’opposer à sa disparition, mêmepartielle.

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    Le développement urbain du XXe siècle

    De la médina à la « ville européenne» au Maroc

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

    Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

    Références bibliographiques

    • ABU-LUGHOD Janet, Rabat, UrbanApartheid in Morocco, Princeton Studieson the Near East, Princeton UniversityPress, 1981.

    • COHEN Jean-Louis et ELEB Monique,Casablanca. Mythes et figures d’uneaventure urbaine, Paris, Hazan, 1998.

    • DETHIER Jean, « Soixante ans d’urbanismeau Maroc », Bulletin économique et socialdu Maroc (BESM), n° 118-119, 1970, pp. 5-55.

    • NOIN Daniel, « Les grandes villesd’Afrique et de Madagascar.Casablanca ». Notes et étudesdocumentaires, n° 3797-3798, Ladocumentation française, Paris, 1971.

    • SIGNOLES Pierre, « La ville maghrébine»,chapitre III, dans TROIN Jean-François (dir.), Le Grand Maghreb,Armand Colin, coll. « U », Paris, 2006.

    • TROIN Jean-François et SIGNOLES Pierre, « Do new towns exist in Maghrebcountries (Morocco, Algeria, Tunisia) ? »,volume III, New Towns Symposium,Jubail, 1988, The Royal Commission forJubail and Yanbu et Arab UrbanDevelopment Institute (AUDI), Riyad,1993, pp. 1-20.

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    Aujourd’hui, la conservation du patrimoine peut être

    problématique. Certains choisissentde conserver l’esthétique du bâti,

    mais de modifier sa volumétrie.Exemple de façadisme

    à Casablanca.

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  • L’explosion urbaine au Maroc, au coursde la deuxième moitié du siècle der-nier est le résultat de la convergencede plusieurs facteurs. Le taux de natalité dansles années 1960, 1980, voire 1990, est resté assezélevé. Par ailleurs, la longue période de séche-resse et l’appel de main-d’œuvre non qualifiéepour le développement industriel d’enverguredans les grandes villes, particulièrement à Casa-blanca, ont accéléré la dynamique migratoiredes campagnes vers les villes. S’est ajoutée àtous ces phénomènes l’évolution sociétalenaturelle qui s’est traduite par l’aspiration dela population à une vie économiquement plusconfortable et à un meilleur accès aux servicesde santé, d’éducation et de loisirs. Cette aspira-tion ne trouvait son écho qu’en ville, lesespaces ruraux à cette époque étant enclavéset les équipements de première nécessité fai-sant grand défaut.Cette situation a obligé les autorités à étendreles périmètres urbains des villes existantes et àpromouvoir de nombreux centres ruraux encentres urbains, sans que ces actions ne s’ac-compagnent d’un développement planifié entermes d’infrastructure et d’équipement.

    L’explosion urbaine et ses conséquencesLe premier recensement de 1960 estimait letaux d’urbanisation de la population maro-caine à environ 29 %; en 2004, il était de 55 %.Sur cette période, la population urbaine apresque quintuplé, passant de 3,4 millions à16,5 millions d’habitants.

    En 1960, le Maroc comptait 112 villes, dont 11 de plus de 50 000 habitants. En 2004, plus de350 villes étaient recensées, dont 54 de plus de50 000 habitants. Cette catégorie de villes, quireprésente 15 % de l’ensemble des localitésurbaines, abrite près de 80 % de la populationurbaine. Aussi, l’armature urbaine atlantiqueregroupe 14 villes dont Casablanca avec ses4 millions d’habitants, 3 villes de plus de 500000habitants – Rabat, Salé et Tanger – et 9 villesd’un peu plus de 100000 habitants.

    La prolifération des bidonvilles en statut d’« habitat clandestin »À partir de l’Indépendance, en 1956, la surden-sification des médinas, mais surtout la multipli-cation des bidonvilles et leur éloignement desagglomérations au fur et à mesure des exten-sions des périmètres urbains, ont rendu l’accèsaux services de base difficile ou impossible àbon nombre de citoyens. Les bidonvilles ontcontinué à proliférer avec leur statut d’« habitatclandestin», privant leurs habitants de tout droitd’accès aux services urbains de base.Malgré les efforts accomplis au lendemain del’Indépendance, cette forme d’habitat n’a puêtre endiguée. Bien au contraire, les années1970 ont vu apparaître, sous l’effet d’une crois-sance démographique forte, une autre vagued’urbanisation, incontrôlée celle-là, poussant lequart de la population urbaine à vivre dans des

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

    Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

    L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

    À Fès, toutes les variables du bâtisont exploitées pour faire face à la pénurie de logements liée à l’explosion urbaine.

    Rachid Ouazzani(1)

    Collège des architectesurbanistes du Maroc

    Sécheresse et industrialisation sont des facteurs majeurs de l’explosionurbaine au Maroc. Cette situationaccélère la transformation d’un pays à dominante agricole vers une urbanitédifficilement maîtrisable. L’arsenald’outils et d’organismes n’arrive pas à répondre à la problématique de l’habitat, notamment face à la prolifération des bidonvilles. Le dilemme entre une politique de rattrapage et celle d’une anticipationreste d’actualité.

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    Le Maroc s’ouvre au XXIe siècle

    Le développement urbain du XXe siècle

    (1) Rachid Ouazzani est architecte urbaniste et président duCollège des architectes urbanistes du Maroc.

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  • bidonvilles. Informelle, dynamique et ignorantles normes de salubrité, cette forme urbainerépondait à l’urgence et à l’immédiateté propre à la survie. En moins d’un demi-siècle, l’espace urbain marocain a connu deprofondes mutations, dont l’un des stigmatesles plus criants est l’étendue de ces poches depauvreté qui ponctuent le paysage des périphé-ries des villes.

    L’urbanisation stimule la modernisation,mais soulève de grands défisLa dynamique urbaine de cette période auMaroc commence ainsi à poser des questionsde fond en termes d’aménagement du terri-toire, d’organisation des activités productiveset de compétitivité. Ces questions sont d’autantplus cruciales que l’émergence de grands pôlesurbains constitue, dans le contexte de la mon-dialisation, un critère déterminant d’attracti-vité.L’urbanisation est, en outre, un vecteur puissantde transformation sociale et de développementhumain de la population. En effet, en s’urbani-sant, la société marocaine s’est ouverte à denouvelles valeurs et à de multiples mutations.Parmi les grandes mutations sociospatiales quele territoire national a connues au cours descinquante dernières années, l’urbanisation aété indiscutablement l’une des plus mar-quantes. Si ce changement a créé des potentia-lités considérables pour la stimulation de l’éco-nomie, l’équipement et la modernisation dupays, il a également soulevé de nombreux défisnouveaux : l’équipement en infrastructures, laproduction de logements en quantité suffi-

    sante, la mise à disposition d’équipements etservices dont les populations et les entreprisesont besoin, la lutte contre les formes d’exclu-sion sociale, ainsi que le contrôle, l’organisa-tion et la maîtrise de l’extension des agglomé-rations.

    La problématique cruciale du logementDepuis l’Indépendance, le traitement de laquestion de l’habitat par les pouvoirs publics aconnu quatre phases principales :- la décennie 1960, durant laquelle le milieu

    rural a bénéficié d’une relative priorité éta-tique, avec le lancement des grandes opéra-tions de réforme agraire, la promulgation ducode d’investissement agricole en tant quecadre juridique d’intervention et la mobilisa-tion de ressources hydrauliques, minières eténergétiques. Durant ces années, l’urbanisa-tion s’est accélérée, et les bidonvilles et l’ha-bitat non réglementaire se sont développéspour concerner en 1972, près du quart de lapopulation ;

    - la décennie 1970, au cours de laquelle lespouvoirs publics ont été amenés à créer desorganismes spécialisés, notamment les éta-blissements régionaux d’aménagement et deconstruction (Erac), chargés de la promotionimmobilière, pour le compte et sous tutellede l’État. Les opérations spécifiques d’amélio-ration des conditions de vie dans les zones àurbanisation dégradée par la restructurationdes bidonvilles, la création de lotissementssur trames d’accueil et trames sanitaires amé-liorées, et l’équipement minimum en eau etélectricité n’ont eu qu’un effet limité, en rai-

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    Le développement urbain du XXe siècle

    L’explosion urbaine de la seconde moitié du XXe siècle

    L’évolution urbaine du Maroc : d’un siècle à l’autre

    Les Cahiers de l’IAU îdFn° 154 - mai 2010

    À Marrakech, comme dans d’autres médinas

    du Maroc, des demeures sur cour sont réaménagées pour loger

    plusieurs familles. V. S

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  • son des faibles performances de ces orga-nismes et de la nature sommaire de leur inter-vention ;

    - la décennie 1980 a vu l’émergence d’uneréelle prise de conscience de la questionurbaine et de ses incidences socio-écono-miques à travers ses manifestations les plusapparentes : les bidonvilles et l’habitat nonréglementaire. En rupture avec le passé, unevéritable stratégie a été adoptée, avec unevision nouvelle considérant les bidonvilles etl’habitat non réglementaire comme des caté-gories formelles intégrables au tissu urbain, àtravers des programmes de développementurbain. Cofinancés par l’État et la Banquemondiale, ces programmes ont concerné lesgrands bidonvilles de Rabat, Casablanca, Mek-nès et Kénitra. Les insuffisances d’ordre orga-nisationnel, les contraintes de financementet les difficultés de mobilisation d’une réservefoncière appropriée ont eu raison de cettestratégie et l’ont menée à l’échec. Dans ladeuxième moitié de la décennie, de nou-veaux organismes ont vu le jour : l’Agencenationale de lutte contre l’habitat insalubre(ANHI), la société nationale d’équipement etde construction (Snec) et Attacharouk. Lesobjectifs de résorption de l’habitat insalubrepar des opérations d’aménagement fonciersont restés néanmoins en deçà des attentes ;

    - depuis la décennie 1990, les interventions despouvoirs publics s’orientent vers une poli-tique conventionnelle, associant l’État, lesorganismes sous tutelle, les populations et lespromoteurs du secteur privé, en vue d’accélé-rer le rythme de production de logement,moyennant des mesures d’accompagnementdans les domaines financier, fiscal et régle-mentaire.

    Une politique de rattrapage sans vision prospective globaleLe bilan des principales étapes qui ont marquél’intervention publique sur la question du loge-ment au Maroc montre que, durant ces cin-quante dernières années, des constantes ontprévalu :• L’offre de logement n’a jamais rattrapé lademande, ni quantitativement ni qualitative-ment. Ceci s’est traduit par le développementde phénomènes urbains aigus, dont l’habitatclandestin et non réglementaire. Les bidonvillesen sont les expressions les plus fortes.• L’intervention des pouvoirs publics a manquéde vision globale inscrite dans le temps. Elleest restée « obnubilée » par la résorption desdéficits cumulés à cause du décalage structurelentre l’offre et la demande, tout en étant pri-sonnière de l’ampleur et de la complexité duproblème. Différentes expériences, parfois alter-

    natives et réussies, ont été successivementmenées. Néanmoins, faute d’une véritable éva-luation et d’un retour sur expérience, une poli-tique cohérente de l’habitat n’a pu être miseen œuvre.• L’État, en matière de logement social, a « jon-glé » entre le rôle d’opérateur direct et celui derégulateur d’acteurs privés plus efficients quelui. La résurgence de la question du logementcomme préoccupation centrale de l’équilibresocial et sécuritaire a conduit les pouvoirspublics à revenir sur leur stratégie de désenga-gement et à renouer avec un rôle de produc-teur direct de logements sociaux.• Par ailleurs, l’État n’a jamais engagé de poli-tique volontariste dans le secteur locatif. L’ac-cession à la propriété a été érigée en voiepresque exclusive d’accès au logement, ce quia bloqué toute solution d’offre dans le locatif.De ce fait, le secteur locatif s’est souvent heurtéà une législation inopérante sur les loyers, à deslitiges judiciaires prolongés et à une hausse desloyers disproportionnée eu égard à la rareté del’offre.

    La problématique de la planificationurbaineÀ partir de 1981, suite aux événements sur-venus à Casablanca et dans la région du Rif(Tétouan), les considérations de salubrité et desécurité publiques entraînent des changementsdans la politique urbaine en général, et danscelle adoptée à Casablanca en particulier, pré-lude à une extension à d’autres cités. Une orga-nisation selon de nouveaux découpages admi-nistratifs est mise en place. Casablanca esttransformée en wilaya(2), subdivisée en plu-sieurs préfectures.

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    Depuis les années 1950, face à la pénurie de logements, les bidonvilles se sont multipliés à la périphérie des villes, comme ici à Bachkou, Casablanca.

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    (2) La wilaya est une division administrative qui correspondglobalement à la région.

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  • Les documents d’urbanisme, outil sécuritaire pour la gestion urbaineEn 1984, un schéma directeur d’aménagementurbain (Sdau) de la wilaya du Grand Casa-blanca est élaboré. C’est le premier d’une géné-ration de documents(3) qui planifient les exten-sions urbaines des principales agglomérationsmarocaines selon des standards d’équipementet d’infrastructure dépassant la capacité d’in-vestissement du pays. Ce document, qui pro-pose la création d’une agence urbaine et d’uneagence foncière pour assurer la mise en œuvreet la gestion de cette planification, a permis dedoter Casablanca de la seule agence urbainedu Maroc. En 1985, la direction de l’Urbanismeet celle de l’Aménagement du territoire sontrattachées au ministère de l’Intérieur. Aussi Fès,Marrakech, Meknès et Agadir connaissent desdécoupages administratifs analogues à celuide Casablanca et sont dotées, au fur et àmesure, de Sdau et de plans d’aménagement.Bien qu’en matière de gestion urbaine, la créa-tion d’agences urbaines ait pu être considéréecomme un empiètement sur les prérogativesdes présidents de communes, il est décidé degénéraliser ce système et d’assurer la couver-ture de l’ensemble du territoire national par lamise en place de ces nouvelles structures.

    Une nouvelle politique de l’urbanismeLa politique d’urbanisme marocaine se dis-tingue par deux faits majeurs. Tout d’abord, surle plan juridique, les lois adoptées jusqu’alorsen matière d’urbanisme avaient une approcheréglementaire assez rigide face aux besoins deréactivité de la ville pour répondre aux exi-gences du développement économique et auxévolutions institutionnelles et sociales. Ensuite,sur le plan urbanistique, la ville marocaine sedistingue par un certain gigantisme, par unespace périurbain relativement dense et trèsfortement occupé par l’habitat, par des équipe-ments et services collectifs insuffisants et peuefficients, ainsi que par un tissu économiquerelativement faible.

    Ces caractéristiques sont la résultante d’unepolitique où les autorités publiques, essentielle-ment préoccupées par le fonctionnement decertaines utilités premières (eau, électricité), sesont limitées à parer à l’urgence.Une telle posture ne répond pas aux exigencesde la ville, qui présente un corps social com-plexe à plusieurs titres : d’abord, par la diversitédes origines de ses habitants ; ensuite, par l’am-pleur des aspirations communes de ces der-niers à l’habiter ensemble, à avoir l’accès àl’éducation, à la santé, aux loisirs et à l’urba-nité. Enfin, par les implications de l’exercice dela citoyenneté, incluant la concertation entretous les partenaires concernés par la cité, oùs’expriment leurs problèmes et