LE MARIAGE DE MADEMOISELLE

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MARIAGE DE MADEMOISELLE ET

SES SUITES

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OUVRAGES DE LA VARENDE

La Navigation sentimentale, mo- nographie.

Les Belles Esclaves, monogra- phies.

Guillaume le Bâtard, Conqué- rant, illustré, monographie. Le Maréchal de Tourville et son temps, monographie.

Suffren et ses ennemis, mono- graphie.

Anne d'Autriche, monographie. Nez-de-Cuir, gentilhomme d'a-

mour, roman. Pays d'Ouche, suite romanesque,

Prix des Vikings, 1934. Les Manants du Roi, suite

romanesque. La Rose des vents, traduit de

l'espagnol (Concha Espina). Collaboration de M. Audrain y Perez.

L'Abbaye du Bec, monographie. Dans le Goût espagnol, suite

romanesque. Heureux les Humbles, suite

romanesque. Monsieur Vincent et L'autre Ile,

essais cinématographiques. La Tourmente, suite romanesque. Amours, suite romanesque. Le Centaure de Dieu, grand prix

du roman, 1936. M an' d'Arc, roman. Le Roi d'Écosse, roman. L'Homme aux gants de toile,

roman. Le Troisième Jour, roman. Indulgence plénière, roman. Eaux vives, suite romanesque,

luxe. Le Souverain seigneur, roman. Amours, nouvelles, luxe. La Phœbé, nouvelle, luxe.

L'Autre Ile, luxe. Le Petit Notaire, nouvelle, luxe. Bateaux, luxe. Le Miracle de Janvier, nouvelles,

luxe. Les Châteaux de Normandie,

monographie. Contes sauvages, suite roma-

nesque. Contes amers, suite romanesque. Contes fervents, suite roma-

nesque. Mademoiselle de Corday, mono-

graphie. Grand Normands, critique. Le Sorcier vert, nouvelle. Les Côtes de Normandie, mono-

graphie. Le Roi des A ulnes, nouvelle, luxe. Les Gentilshommes, nouvelles. Esculape, suite romanesque. Le Cheval et l'Image, monogra-

phie, luxe. Surcouf, monographie. Tourville, monographie. Le Saint-Esprit de M. de Vin-

timille, nouvelle, luxe. Broderies en Bretagne, luxe. Rodin, luxe. Le Mont-Saint-Michel, mono-

graphie. Les Broglie, monographie. La Valse triste de Sibélius, roman. La Dernière Fête, roman. La Sorcière, roman. En parcourant la Normandie,

monographie. Six Lettres à un Jeune Prince, roman. Au Seuil de la Mer, monogra-

phie, luxe. L'Amour de M. de Bonneville,

roman. Le Cavalier Seul, roman.

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Jean de LA VARENDE

LE

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SES SUITES

HACHETTE

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© Librairie Hachette, 1956. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

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Le dessein de ce fascicule annuel serait de favoriser la lecture des Mémoires et d'appuyer leur qualité. Découper cet immense territoire semblerait insolent si l'on n'avait d'autre volonté que d'en ouvrir l'accès, dans la déférence et la sympathie.

L. V.

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SES SUITES

A U XVII siècle, on donna le titre de Mademoiselle à la petite-fille aînée du Roi, ou, à défaut, à sa nièce. Il y eut ainsi, au début du règne de Louis XIV,

la Grande et la Petite Mademoiselle ; la Grande, la fameuse Mlle de Montpensier, dont les amours avec Lauzun restent encore énigmatiques ; la Petite, sa demi- sœur, issue du mariage de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, de son second mariage, avec la princesse de Lorraine. Ces titres, assez étranges quand on peut se débarrasser de leurs sonorités devenues habituelles, sont nés des exagérations hiérarchiques du Grand Siècle. Ainsi celui de MONSEIGNEUR, Monseigneur tout court, réservé au Dauphin et qui date de Louis XIV, qui lui fut peut- être donné par jeu et devint bientôt une prérogative, dans son emploi exclusif et courant ; ainsi celui de MADAME, appliqué à la belle-sœur du Roi. Il y eut alors, dans la grande époque française, une floraison orgueil- leuse de vocables tout à fait inusités, changeant subite- ment l'ancienne familiarité affectueuse en déférence banale, et paraissant insupportables aux gens de « vieille roche », aux tenants de l'aristocratie active et non pas seulement décorative : dont, évidemment, M. de Saint-Simon.

Cette petite étude, tirée de ses Mémoires, serait forte- ment instructive, pour lui et contre elle, contre cette fille du futur Régent et de Mlle de Nantes (cadette du Roi et

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de Mme de Montespan) à laquelle aucune étude ardente n'a encore été consacrée. Elle permettra d'apprécier, du petit duc, la force intellectuelle, le génie déductif et la magistrale judiciaire. Elle nous démontre mieux encore sa qualité de méticuleux exécutant ; nous révèle, dans toute sa complication, la valeur du politique si piètre- ment utilisé et de l'homme d'État à qui manquèrent les grandes occasions.

Quant à la princesse, nous y trouverons l'extraordi- naire image aristocratique d'une demi-démente, carac- tère, qui, avec ses inflexions, n'a pu naître qu'au XVII siècle, dans son audace et dans ses fléchissements, dans son ampleur comme dans ses limites : une fleur de Cour, vénéneuse et mordicante ; un type féminin sans équiva- lence. Un de ces êtres aussi violents que ceux de la Renais- sance italienne, mais contraint par la force nouvelle de l'étiquette, alors si développée ; se servant de l'étiquette autant pour appuyer sa folie que pour la ployer : Made- moiselle, dans ses dévergondages, exagérant les primautés royales qu'elle déshonore ; reprise, de temps à autres, par le souci de son rang, et, dans un athéisme diabo- lique, par la terreur du démon.

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FIANÇAILLES DIFFICILES

H ISTOIRE singulière parmi tant d'histoires éton- nantes contées par M. de Saint-Simon : faire épouser Mademoiselle au duc de Berry, dernier

fils du Grand Dauphin ; donner, au fils favori de Mon- seigneur, la fille de l'homme que le Dauphin tenait pour son pire ennemi, qui était réellement sa « bête noire » ; ainsi, la lui faire préférer comme bru à la fille de sa meil- leure amie, à Mlle de Bourbon. Cette Mlle de Bourbon était née de la fille aînée du Roi et de Mme de Montes- pan, de Mlle de Blois, alors veuve prématurée du duc de Bourbon, dit « M. le Duc », ce nain sauvage et maléfique qui mourut un Mardi Gras parmi les masques (voir M. le duc de Saint-Simon et sa Comédie Humaine, page 136).

M. de Saint-Simon fut le minutieux artisan de cette alliance paradoxale, dont l'idée première ne lui appartint pas, mais qu'il réalisa dans une tension de toutes ses facultés attentives ; d'abord réduit à lui-même et cher- chant à mettre en œuvre les ressorts les plus actifs, les groupant ; puis y tenant la main avec une clarté d'esprit, une justesse, une économie, un discernement, tous impec- cables. Retendre et distendre. Pousser l'un, freiner l'autre ; se servir du secret comme de l'indiscrétion, tour à tour. Se mouvoir avec dextérité au milieu de ces engre- nages en mouvement. Notion du possible autant que de l'impossible. Toujours de l'audace et en même temps une prudence qui ne se dément jamais. Sens aigu du réel.

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Et pourquoi ? PAR INTÉRÊT PERSONNEL. L'ar- tiste ne le dissimule pas ; dès les premiers mots, il l'avoue, emporté, malgré tout et au souvenir, par un peu de griserie en écrivant, en décrivant l'incroyable intrigue qu'il sut agencer, négocier.

Sa partialité, pour ce mariage, comme son application vinrent, nous prévient-il, des avantages qu'il en escomp- tait pour améliorer sa position de Cour et celle de son maître et ami. L'opération fut à la fois de couverture et de conquête. Personnellement, la duchesse de Bourbon était son ennemie irréconciliable depuis le procès Lussan où M. de Saint-Simon l'avait emporté. Mme la Duchesse s'y était âprement engagée, et le petit duc l'y avait faite quinaude. Plus généralement, Mme la Duchesse appartenait à cette redoutable cabale qui assiégeait Monseigneur, voulait le chambrer et dénigrait le duc de Bourgogne son fils, avec un art, une méchanceté sans nom. Rendre odieux le jeune prince, lui enlever la moindre influence sur le Dauphin, qui, morne et sans idées, n'avait pour lui que le craintif entêtement des sots.

La cabale prenait à sa charge, et par flatterie, toutes les inimitiés de Monseigneur, donc faisait profession de haïr avant tout le duc d'Orléans. Or M. de Saint-Simon, on le sait, était infiniment dévoué à celui-ci, attache- ment d'enfance, indiscuté, irraisonné bien plus encore qu'irraisonnable.

Le duc d'Orléans, quand le Dauphin aurait succédé, devait tout craindre du nouveau roi. Le mariage de sa fille l'eût mis à l'abri de la haine royale. M. de Saint- Simon s'était toujours compromis par sa fidélité outran- cière au duc de Chartres, puis à l'héritier de Monsieur. Il semble qu'on puisse trouver, dans cette soumission, une prédestination nominale : le duc de Chartres et le

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vidame de Chartres ne se quittaient pas. Assurer la position du duc d'Orléans, c'était immédiatement affer- mir la sienne. Son autorité sur M. d'Orléans venait de se marquer par une action dont toute la Cour avait retenti ; il était parvenu, grâce à une ténacité épuisante, à une fermeté presque excessive, à l'arracher des bras de Mme d'Argenton, sa maîtresse depuis plusieurs années.

Le grief impardonnable qui alimentait la haine de Monseigneur contre son cousin germain venait de légè- retés que ce dernier s'était permises en Espagne, dans une mission militaire de secours. Le brillant Phi- lippe d'Orléans avait séduit quelques têtes brûlées espa- gnoles qui intriguèrent pour qu'il prît la place de Phi- lippe V, qu'avec raison, on trouvait mollasse.

Le duc n'avait pas su, pensait-on, assez radicalement s'en défendre ; il avait au moins coqueté avec la faction rebelle, s'était amusé de l'idée, de la perspective offerte. Le Grand Dauphin avait tout simplement demandé la tête de son cousin pour crime de lèse-majesté envers son fils. On voit donc à quel point de gravité les choses en étaient venues. M. de Saint-Simon avait paré juste à temps (voir page 413).

Mme la Duchesse avait de la grâce, de l'activité ; sans aucun sens moral, elle ne s'était pas privée de tromper passionnément son vilain époux avec le prince de Conti, l'exquis prince de Conti, le dernier mort. Son influence sur le Grand Dauphin, sur son demi-frère, était déjà fort redoutable. Jusqu'où parviendrait cette emprise si Mme la Duchesse se rapprochait ainsi de Monseigneur ? Elle haïssait sa sœur d'Orléans par jalousie de rang ; jalousie encore augmentée par la hauteur avec laquelle la Duchesse se voyait traitée, elle princesse du sang, par sa cadette que son mariage avait rendue fille de France.

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L'esprit de la duchesse d'Orléans, son esprit et son orgueil lui avaient valu, de son époux, le surnom de MADAME LUCIFER, qui ne lui déplaisait point.

Le duc d'Orléans, quoique amnistié, restait suspect au Roi ; Mme de Maintenon ne lui pardonnerait jamais sa fameuse raillerie indicible (voir page 109). Sa vie débau- chée lui faisait le plus grand tort. La cour de Louis XIV, qui semblait dépendre d'une majorité de viveurs, se trouvait cependant, quant au moral, sous la direction d'esprits fort sérieux, intègres, qu'on n'écoutait qu'aux moments difficiles, mais qui restaient une puissance non discutée (Bossuet, Bourdaloue, Fagon, les ducs de Beau- villiers, de Chevreuse, de Boufflers, de Saint-Simon...). Il semblait presque impossible, sans folie, de miser sur le duc d'Orléans. Quelle audace, quelle témérité, quelle légèreté fallait-il pour espérer réussir ! Relier ces person- nages qui se méprisaient, se détestaient ! voilà ce qu'al- lait entreprendre le petit duc et qu'il réaliserait.

D'ailleurs, avant de rien mettre en place, M. de Saint- Simon fit sur soi-même une sorte de retraite, un examen de conscience qui montre bien la gravité du projet. Aurait-il la force, l'entregent, de grouper une assez « PUISSANTE CABALE » ? Nourrissait-il au fond de lui- même un espoir qui l'entretiendrait ? Et, pour agir « puissamment », pourrait-il agglomérer tout ce que la Cour comptait de plus honorable, certes, mais aussi de plus solide, donc de moins mobile ? Ce sont des bandits qui forment des bandes....

« Il fallait », déclare-t-il, « que je commençasse par être persuadé moi-même de la possibilité du succès avant de pouvoir en persuader les autres.... » Et il ajoute un tout petit membre de phrase qui reste anxieusement sympto- matique de son malaise : « Et ceux-là même qui y avaient tout intérêt. »

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Ceux-là, justement. Le duc et la duchesse d'Orléans « s'épuisaient inutilement en désirs et qui les noyaient dans une oisiveté PROFONDE ». Là gisait la première et la plus pénible des difficultés, cette mise en branle de toute l'affaire. Il fallait leur donner de l'espoir, le courage qui en devait suivre pour les amener à cette activité de toute nature qui sortirait du courage et de l'espoir.

M. de Saint-Simon ne se cachait pas que ce mariage du duc de Berry n'était qu'un pis aller, fût-il réalisé avec Mademoiselle ou Mlle de Bourbon. Pour le jeune prince et pour l'État, il eût été infiniment préférable de le marier dans une famille royale étrangère. Pour le duc de Berry, quoi qu'on fasse, on transfusait le sang bâtard dans le sang encore pur de la lignée royale française, et ceci était affreux. Pour l'État, on ne pouvait douter que le prix d'un mariage étranger eût compté beaucoup pour la politique de détente dont le besoin se faisait si cruellement sentir. Mais, précipitant tout raisonnement et le rendant caduc, on ne pouvait nier qu'au point où en étaient les choses Mme la Duchesse n'avançât à grands pas et ne semblât bien près de réussir l'alliance Bourbon. Donc, toute considération sur l'impureté native de Mademoiselle devait être rejetée puisque celle qu'on des- tinait au prince royal se trouvait être d'une origine encore moins haute, à bâtardise égale, n'étant pas fille d'un enfant de France.

Il était trop tard pour penser à un mariage étranger, dont même le Roi ne désirait plus l'avantage, faute de pouvoir le réaliser sans trop d'attente ; le Roi l'avait déclaré. L'état des guerres et du royaume le reculait trop loin. Autre question, difficile à avouer. Fournir une dot au prince ne paraissait pas facile. Un mariage en famille,

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Imprimé en France.

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