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Introducon « Prendre le maquis » ; cee expression traduit la démarche des jeunes (les réfrac- taires) qui souhaitent échapper en 1942 au service du travail obligatoire en Allemagne (le STO). Ces réfractaires gagnent les forêts et les montagnes. Les uns se cachent en aendant des jours meilleurs, les autres, un ers environ, rejoignent la Résistance. La Résistance en France est complexe et mulforme. Pour essayer de comprendre cee diversité, il faut se rappeler que les résistants sont des hommes et des femmes ve- nus dhorizons poliques, culturels et sociaux divers reflétant la société de l époque. Les communistes, les socialistes, les différents courants de la droite républicaine jusqu à lextrême droite (la Cagoule) vont devoir œuvrer à un objecf commun : « libérer la Pa- trie et retrouver la Liberté », mais aussi sopposer au régime de Vichy, surtout après les lois sur les Juifs et l officialisaon de la Collaboraon scellée par la poignée de main Pétain-Hitler à Montoire. La Résistance est aussi incarnée par les officiers de lOrganisaon de la Résistance Armée (ORA) qui rejoindront les « Gaullistes » après le débarquement en Afrique du Nord pour former le corps expédionnaire puis la nouvelle armée de la France. Si les militaires se proposent simplement de chasser lenvahisseur, les responsables des mouvements ont des objecfs poliques : construire une nouvelle société fondée sur des bases différentes de celles de la III ème République. A cee diversité sajoutent des divergences sur la manière de mener la lue : les mi- litaires défendent les règles de la guerre convenonnelle apprise à l Ecole de Guerre, les civils, eux, ulisent la stratégie du combat asymétrique (la guérilla) théorisée par les An- glais des services secrets dès 1938. Les communistes, quant à eux, sont pour une lue permanente qui doit conduire à l insurrecon et à la grève générale : cest le peuple qui doit se libérer. Le Maquis du Vercors : 1942-1944 Une mémoire douloureuse et polémique

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Introduction

« Prendre le maquis » ; cette expression traduit la démarche des jeunes (les réfrac-

taires) qui souhaitent échapper en 1942 au service du travail obligatoire en Allemagne (le STO). Ces réfractaires gagnent les forêts et les montagnes. Les uns se cachent en attendant des jours meilleurs, les autres, un tiers environ, rejoignent la Résistance.

La Résistance en France est complexe et multiforme. Pour essayer de comprendre cette diversité, il faut se rappeler que les résistants sont des hommes et des femmes ve-nus d’horizons politiques, culturels et sociaux divers reflétant la société de l’époque. Les communistes, les socialistes, les différents courants de la droite républicaine jusqu’à l’extrême droite (la Cagoule) vont devoir œuvrer à un objectif commun : « libérer la Pa-trie et retrouver la Liberté », mais aussi s’opposer au régime de Vichy, surtout après les lois sur les Juifs et l’officialisation de la Collaboration scellée par la poignée de main Pétain-Hitler à Montoire.

La Résistance est aussi incarnée par les officiers de l’Organisation de la Résistance Armée (ORA) qui rejoindront les « Gaullistes » après le débarquement en Afrique du Nord pour former le corps expéditionnaire puis la nouvelle armée de la France.

Si les militaires se proposent simplement de chasser l’envahisseur, les responsables des mouvements ont des objectifs politiques : construire une nouvelle société fondée sur des bases différentes de celles de la IIIème République.

A cette diversité s’ajoutent des divergences sur la manière de mener la lutte : les mi-litaires défendent les règles de la guerre conventionnelle apprise à l’Ecole de Guerre, les civils, eux, utilisent la stratégie du combat asymétrique (la guérilla) théorisée par les An-glais des services secrets dès 1938. Les communistes, quant à eux, sont pour une lutte permanente qui doit conduire à l’insurrection et à la grève générale : c’est le peuple qui doit se libérer.

Le Maquis du Vercors :

1942-1944

Une mémoire douloureuse et polémique

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Enfin la Résistance en France vit souvent mal la tutelle de la France Libre par l’inter-médiaire de Jean Moulin, d’autant que certains mouvements n’ont pas fait allégeance au général de Gaulle, du moins au début.

Après la disparition de Jean Moulin, les relations avec Londres se distendent.

On comprend mieux alors ce que fut la Résistance menée par des hommes et des femmes hors du commun à forte personnalité, que le danger permanent d’une arresta-tion, de la torture, de la déportation et de la mort exacerbait.

Comment se situe le « maquis » dans cette diversité ?

Les officiers résistants élaborent une doctrine consistant à se replier sur des terri-toires isolés dénommés « réduits » afin de reconstituer des unités combattantes dans la plus grande discrétion. Les unités combattantes reconstituées, en coordination avec le plan des Alliés, harcèleront les Allemands pris en étau afin de faciliter l’avancée des troupes débarquées sur le sol français et ainsi libérer progressivement le territoire.

En décembre 1942 l’instauration du service du travail obligatoire en Allemagne pousse les jeunes, «les réfractaires», à gagner les zones de montagne et les forêts ; donc les « réduits ».

L’afflux de ces jeunes nécessite une organisation nouvelle. C’est alors que l’on parle de la constitution des « Maquis ». On en comptera 7 ; les Glières et le Vercors sont les deux les plus importants, au moins par le nombre (3000 maquisards pour le Vercors). Ils auront une fin tragique, que nous essaierons d’expliquer et de comprendre, ainsi que les polémiques dont elle fut source.

Chapitre I :

Naissance du maquis du Vercors

Comment est née l’idée de la Résistance dans le Vercors ?

En visitant le musée de la Résistance au col de la Chau dominant Vassieux, un diapo-rama nous montre, dans le verger de sa villa, « La grande Vigne » aux Côtes de Sasse-nage, Pierre Dalloz jeune architecte de 41 ans, écrivain et alpiniste en compagnie d’un de ses amis, Jean Prévost, médecin, également écrivain ayant publié une étude sur Sten-dhal. Ils profitent des derniers rayons de soleil d’un bel automne 1940 face au Vercors.

Dalloz lève les yeux sur le Vercors et réalise que ce massif taillé dans le roc, facile à fermer compte tenu des accès étroits, pourrait abriter des bataillons de parachutistes qui interviendraient le moment venu sur l’arrière des troupes ennemies. C’est déjà

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l’ébauche du plan « Montagnards » que nous verrons plus loin. La géographie de ce massif séduit en effet à première vue.

La situation géographique du Vercors : première incitation ?

Le Vercors est un vaste plateau de 40 km du Nord au Sud et de 20 km d'est en ouest. C'est un massif calcaire de 120 km de périmètre bordé par de vertigineuses murailles. A l'est, une chaîne de montagne très fermée s'étend de Grenoble au col du Rousset à l'aplomb de Die. Le point le plus élevé est le Grand Veymont (2300 m) accessible très difficilement depuis l'est (Gresse-en Vercors) par le Pas de la Ville ou le Pas des Chatons.

Depuis Grenoble on ne peut accéder que par les gorges d'Engins et les Ecouges. A l'ouest, les nombreuses entailles creusées dans le rocher rendent l'accès très difficile par les gorges de la Bourne, les Grands Goulets et Combe Laval.

En outre, le plateau domine et contrôle les lignes de communication : N 92 Grenoble - Valence, N 75, Grenoble - Marseille par Veynes, ainsi que la voie ferrée, N 75 Grenoble - Sisteron, N 532 Grenoble - Romans, enfin la N 7, donc la vallée du Rhône.

Cette situation exceptionnelle de véritable citadelle, se révélera un piège pour les maquisards prisonniers du verrouillage des accès, au moment de l'assaut final par les troupes alpines allemandes.

L’installation de la résistance sur le plateau le 6 avril 1942 ; la Résistance d’inspiration civile.

La réflexion de Pierre Dalloz de novembre 1940 commence à se concrétiser en août 1941 autour d’Aimé Pupin, cafetier à Grenoble. Il forme un petit groupe composé de Paul Deshières, employé des chemins de fer, d’Eugène Feragiat, garagiste, d’Eugène Chavant, cafetier, et de Léon Martin, pharmacien et médecin, militant socialiste attaché au salut de la République et à la sauvegarde de la laïcité. Il rêve de réorganiser le parti socialiste et de diffuser un journal comme l’a fait André Philip dans le Rhône.

La citadelle Vercors

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Cette orientation politique explique que le ma-quis du Vercors sera pratiquement dominé par le mouvement Franc-Tireurs, à la quasi-exclusion des autres tendances.

Au début de l’automne 1941, un nouveau groupe de résistants socialistes et francs-maçons se réunit à Villard-de-Lans sous l’autorité du Docteur Samuel, roumain d’origine juive fuyant le régime de Vichy. Le groupe est constitué d’un hôtelier, Théo Racouchot, d’un inspecteur des Impôts, Marius Charlier, du directeur de la Banque Populaire de Vil-lard, Edouard Masson, et des quatre frères Huil-liers, propriétaires d’une entreprise de transport qui se révélera précieuse. A Romans, le Dr. Ganimède prendra la tête des maquis de la région.

Ces deux groupes se retrouvent le lundi de Pâques 1942 à Villard-de-Lans et fusion-nent.

La Résistance civile du Vercors est née ce 6 avril 1942. Elle va rapidement se mettre en liaison avec la capitale de la Résistance à Lyon par l’intermédiaire d’un journaliste au Progrès, Yves Farge. En 1943, l’afflux massif de jeunes réfractaires au Service du travail obligatoire (STO) conduit à ouvrir le premier camp, installé à la ferme d’Ambel près de Bouvante, en novembre 1943. Par la suite, huit camps civils, dont Lans, Autrans, Méaudre, La Balme et Pont - en-Royans verront le jour.

Cette résistance civile se double d’une Résistance militaire installée par les officiers de l’armée d’armistice en rupture avec Vichy.

Ci-dessus : carte de la

citadelle Vercors

Ci-contre : les premiers

résistants

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La Résistance d’inspiration militaire

Au lendemain de l'armistice, certains officiers rentrent dans la clandestinité, comme le Général André Laffargue qui organise la défense de la zone alpine regroupant le Ver-cors, la Chartreuse et les Bauges.

Dans la Drôme, le commandant Henri Delaye est chargé de dissimuler les armes qui doivent être livrées aux Allemands selon les accords de l'armistice. Il ouvre 150 dépôts clandestins en 1941 ; malheureusement en 1942 des délateurs signalent aux autorités de Vichy la cachette de la cimenterie de Vif qui renferme 22 canons de 75 qui feront cruellement défaut aux maquisards en 1944 lors de l'assaut final.

Le commandant Marcel Descour prend le commandement de la région Rhône-Alpes et le lieutenant Narcisse Geyer (Thivollet), du 11ème Cuirassiers, gagne en novembre 1942 le massif du Grand Serre dominant le camp de Chambarand près de la forêt de Thi-vollet ; d'où son nom de résistant. Il reconstitue un embryon du 11ème Cuirassiers auquel il donne le nom de 1er corps franc de la Drôme, et rejoint le Vercors. On installe quatre camps militaires sur le plateau sous la bannière du mouvement Combat (Henri Frenay).

La stratégie militaire adoptée pour le Vercors : « le Plan Montagnards ».

Pierre Dalloz l’élabore avec Jean Lefort, sous-lieutenant aux chasseurs alpins, et le capitaine Jean Le Ray, commandant une compagnie de chasseurs. Il est accepté et finan-cé par Jean Moulin puis soumis au gouvernement de Londres par le Général Delestraint. Un message codé de la BBC « Les Montagnards doivent continuer à gravir les cimes » scelle l'accord de Londres (25 février 1943).

Ce plan doit rester un plan militaire et national comme nous allons le voir.

L'idée est d'utiliser le Vercors comme un centre de regroupement de corps francs instruits par les militaires qui, le moment venu, c'est-à-dire après le débarquement de Provence, sera utilisé pour agir sur les voies ferrées, les routes, les ponts, les installations électriques, les régions industrielles de la périphérie afin de déstabiliser l'ennemi re-fluant devant l'avancée des Alliés.

En somme, le Vercors serait le point de départ de raids offensifs contre les troupes allemandes sur la ligne des Alpes et sur l'axe de la vallée du Rhône avec possibilité de jonction avec les maquis du Dauphiné, du Dévoluy, de Chartreuse, d'Oisans et des Bauges. Le projet, ambitieux, devait regrouper 7 500 hommes en un bataillon d'infante-rie et le Vercors devenir un morceau de France Libre d'où pourraient être lancés des raids de perturbation et surtout un appel au soulèvement national.

« La République Libre du Vercors » est ainsi proclamée le 3 juillet 1944. Yves Farge en devient le commissaire de la République à l'issue d'une prise d'armes à Saint Martin-en-Vercors. Il est même proposé que le général de Gaulle arrive sur le plateau et pro-nonce une allocution radio-diffusée sur tout le territoire avec une entrée solennelle dans Grenoble. On touche là la méconnaissance de l'entreprise du Général, qui avait le souci de n'être l'otage d'aucune tendance politique. On verra plus loin que ce plan était en

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concurrence avec le Plan Caïman imaginé par Alger et qui donnait la part belle au Mas-sif Central ; mais les conditions de la réussite n’en furent jamais réunies.

Chapitre II

L’accueil des réfractaires du STO ; l’installation des camps.

Le 16 février 1943, l’instauration du service du travail obligatoire (STO) va boulever-

ser l’organisation de la résistance du Vercors. On assiste à un afflux continu de réfrac-taires dans les massifs de la Chartreuse, de Belledonne, de l’Oisans, en Grésivaudan,

mais aussi dans le Vercors où Aimé Pupin héberge en février 400 hommes envi-ron dans les huit nouveaux camps créés, dont 85 pour le seul camp (C1) de la ferme d’Ambel.

Le 12 mars 1943, le SOE (Service des 0péra-tions Extérieures) informe Londres que le

nombre de réfractaires pour les deux départements de l’Isère et de la Savoie est de 5000 hommes.

Motivations et profils des réfractaires.

Outre des motifs patriotiques et de déso-béissance civile, on trouve l’attrait d’une vie hors la loi au sein des montagnes et des forêts pour une jeunesse tentée par l’aventure et em-preinte d’un certain romantisme.

En mai 43, 60% venaient de Rhône-Alpes, 10% de la région parisienne, 15% étaient des étrangers (Espagnol notamment) et 15% vien-nent de l’est de la France, dont 50% d’ouvriers, 28% de techniciens, 12% d’étudiants, 10% de militaires. Toutes les convictions politiques sont représentées.

La Résistance connut ses marginaux comme Fabien Rey, dit « Blaireau », braconnier de son état, ou ses aventuriers, voire des malfrats profitant de la situation pour vivre de

La ferme d’Ambel

Maquisards : pas d’uniforme

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vols, de marché noir, et régler des comptes personnels comme nous le verrons plus loin.

Gestion des maquis.

Le financement de ces concentrations de résistants appelées « les maquis » a plu-sieurs sources : collectes auprès des familles, des sympathisants sur les lieux de travail, mais surtout, par l’intermédiaire de Jean Moulin, la France libre qui, le 18 février 1943,

alloue 3,2 millions de francs au plan Montagnards et le mois suivant 1,75 millions pour le Vercors sur les 13,4 millions destinés à toutes les organisations de résistance.

Enfin, des dons privés ar-riveront sur un compte ou-vert par Pupin à la Banque Populaire de Villars- de-Lans. Le Vercors est de loin celui qui a été le plus financé par Londres.

La vie au quotidien dans les maquis varie d’un camp à l’autre. Au printemps 1943, la plupart des camps étaient dirigés par un officier ; l’ordre et la discipline régnaient, les règles de sécurité étaient respectées et de bonnes relations étaient entretenues avec la population. Ailleurs la vie des « maquis » avait l’allure de « colonies de vacances ». Le quotidien était rythmé par les corvées : ravitaillement, ramassage du bois, distribution du courrier, cuisine, lessive, …

Formation militaire des hommes des maquis.

Il fallut très vite rompre cette monotonie peu propice à préparer les hommes au com-bat.

L’école des cadres d’Uriage fut transfor-mée en un foyer résistant par son directeur, Pierre Dunoyer de Ségonzac, et en dé-cembre 1942 on constitue des

« équipes volantes » de trois à quatre élèves et d’enseignants passant d’un camp à l’autre pour la formation militaire,

l’éducation politique et culturelle. Un petit livret fut rédigé : « Comment devenir un résis-tant. »

La vie dans les camps

Instruction des jeunes par les

Américains.

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Chapitre III

1943 : La répression s’abat sur le Vercors

Les premières arrestations

L’année 1943 est marquée par une série de coups sévères portés à la Résistance à Paris, Lyon (21 juin, arrestation de Jean Moulin à Caluire) et dans les Alpes.

Le Vercors n’échappe pas aux offensives des Italiens en charge du secteur.

Le premier mars, Farge, Pupin, Dalloz et Léon Martin montent repérer les zones de parachutage à Vassieux et Villard-de-Lans. Sur le chemin du retour ils sont informés par Léon Martin que les Italiens ont fait une descente à la Rotonde à Grenoble et arrêté Ma-dame Pupin et 14 membres du réseau. Heureusement, Mme Pupin a eu la présence d’esprit de brûler toutes les archives, mais on prend conscience du danger de leur cen-tralisation.

Le 27 mai l’OVRA (équivalent de la Gestapo pour les Italiens) et la Milice arrêtent à Pont-de-Claix un commando de résistants qui seront déportés après un interrogatoire. Le 28 mai, c’est à Villars-de-Lans que Victor Huillier, Marius Charlier, les frères Glandas, Rémy Bayle et Alain Pupin sont arrêtés. La femme de Dalloz quitte Sassenage « La grande Vigne » avant l’arrivée des Italiens. Mais tous les dossiers écrits sur le réseau sont saisis. Les hommes restants du réseau rentrent dans la clandestinité ; Farge gagne Paris, Dalloz Aix- les- Bains, Chavant, Chamrousse. Londres ordonne à Delestraint de ces-ser toute action militaire.

« Le Vercors doit être mis en sommeil : cesser toutes les conversations avec Londres, plus personne ne doit prendre le maquis jusqu’à nouvel ordre et le Vercors doit être reconstitué plus tard ».

Le 21 juin Jean Moulin est arrêté ; il faut réorganiser la Résistance.

L’Organisation Vercors, juin 1943.

En juin 1943, deux hommes, Alain Le Ray, jeune officier, et Jean Prévost se retrou-vent pratiquement seuls pour reconstruire l’organisation et le financement de la Résis-tance sur le plateau. Une réunion est organisée dans le Château de Murinais.

Un nouveau comité de combat baptisé « Organisation Vercors » est composé de cinq hommes et deux femmes : Jean Prévost, Eugène Chavant, Eugène Samuel, Denis Chevalier, Henri Tarze, Charlotte Mayaud et Geneviève Blum-Gayet.

Chavant dit le « Patron » prend la tête du comité où siègent deux représentants mili-taires : Alain Le Ray et Roland Costa de Beauregard. Cette structure persistera jusqu’à la fin de la guerre ; les relations avec la France Libre seront plus distantes.

Chavant sépare l’administration civile en deux unités couvrant respectivement la partie nord et la moitié sud du plateau. Le Ray divise le commandement militaire selon

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le même schéma et réorganise la formation des jeunes réfractaires et l’armement des camps tout en coordonnant son action avec l’administration civile, donnant une unité à l’ensemble.

En visite à la ferme d’Ambel il déclare :

« Vous faites désormais partie de la nouvelle force française que le général De Gaulle met debout, avec l’appui de nos grands Alliés, pour conquérir l’indépendance et refaire la puissance du pays »

Puis Le Ray va mettre secrètement sur pied une « réserve » composée de quatre compagnies de jeunes hommes des communes avoisinantes comme Romans-sur-Isère, Bourg-de-Péage et Saint-Donat-sur-Herbasse. Chaque fin de semaine, ces jeunes mon-tent dans le Vercors pour s’entraîner. Le financement sera assuré par des collectes au sein des usines, des clubs et des églises. La Banque Populaire de Romans récolte les fonds.

On réaffirme la stratégie pour le Vercors, c’est-à-dire « le plan Montagnards » aux dépens de deux autres options, à savoir « Le Vercors est une forteresse que l’on défend contre toute intru-sion », et « Le plateau est utilisé comme base pour lancer des ex-péditions contre les Allemands dans les terres basses avant de se replier dans les forêts après l’attaque ».

Cette stratégie est à l’origine de la tension entre civils et militaire sur la façon de me-ner la lutte expliquant en partie la tragédie du Vercors comme celle des Glières. Pour Chavant, chef civil, la logique du combat repose sur les principes de la guérilla : pas d’engagement frontal mais opérations de commando éclair, puis repli rapide, l’objectif étant atteint.

Implantation des structures de défense et de commandement.

Les points de défense du Vercors sont organisés à Saint - Martin, à La Chapelle - en- Vercors et à Vassieux - en -Vercors.

Les responsables militaires et civils organisent leurs postes de commandement.

• Sur le plateau d’Herbouilly, Jean Prévost (Goderville) commande la 4ème compagnie depuis la ferme d’Herbouilly .

• A Saint Julien-en-Vercors, on installe le PC régional à la ferme « Perronet »

Zone de parachutage d’Herbouilly

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et au hameau de la Matrassière. Ce lieu est à l’écart de la route Nord-Sud reliant les gorges de la Bourne au col du Rousset en direction de Die. Ce PC abrite une équipe de

transmission radio (opérateur Pierre Lassalle). Le 18 mars 1944, les Allemands investissent les lieux par surprise après avoir été renseignés par un habitant lo-cal. Cinq résistants seront tués. Pierre Lassalle « le radio » ainsi que deux lieu-tenants (Jacques Pe-rol et Auguste Gros)

et le trésorier arrivent à s’échapper. Neuf fermes sont brûlées.

• A Saint-Martin-en-Vercors, le lieutenant Huet installe le Quar-tier Général Vercors et un hôpi-tal militaire. Chavant respon-sable de la Résistance civile, oc-cupe avec le lieutenant Huet l’Hôtel Breyton.

• A Saint Agnan-en-Vercors, le Chef d’Etat-Major de la Résis-tance, Marcel Descour de la Ré-gion R1, installe son PC à la Brière au sud de Saint- Agnan.

Mission est confiée à Alain Le Ray, sous les ordres du Chef d’Etat-Major, d’unifier les éléments disparates de la Résistance sous un commandement militaire efficace au niveau de l’ensemble de la région. Le Ray instaure une collaboration avec « Chavant », responsable civil, et divise, à l’image de l’organisation civile, le commandement militaire en deux structures ; l’une au Nord avec Costa de Beauregard, une au Sud avec Jeannest. Nous verrons plus loin que cette mission sera à l’origine d’un conflit entre le Chef d’Etat-Major et son subordonné.

Cette réorganisation est facilitée jusqu’en août 1943 par l’absence d’intervention des Italiens préoccupés par l’invasion de la Sicile par les Alliés (17 août). D’ailleurs, le 25 juil-let, Mussolini est destitué et le 8 septembre le maréchal Badoglio signe l’armistice avec les Alliés.

Plateau de Vassieux

Herbouilly

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Mais les difficultés persistent sur le plateau. La période de désorganisation du prin-temps 1943 facilite la constitution de groupes encadrés par des gens peu recomman-dables comme cet ancien policier, Marcel Roudet, héroïnomane qui, à la tête de son propre maquis fait d’une bande spécialisée dans le vol, le marché noir et l’extorsion, va monter, comme nous le verrons plus loin, des embuscades sans valeur militaire condui-sant à des représailles dont sont victimes les civils.

Le groupe Vallier fondé par Paul Gariboldy est un autre exemple. Ce personnage flamboyant, patriote à l’extrême commet de nombreux assassinats de « collabos » et d’espions, ainsi qu’un autre extrémiste, le « Petit René ».

Les Allemands remplacent les Italiens

L’inquiétude la plus sérieuse vient des mouvements des troupes allemandes en di-rection du Sud et de Grenoble venant remplacer les Italiens. Le 30 juillet, le général Karl Ludwig Pflaum, le liquidateur du Maquis des Glières, installe son QG à Grenoble. La Ges-tapo occupe l’Hôtel Moderne cours Berriat à proximité de la Milice. Face à cette situa-tion, à l’occasion de l’anniversaire de l’Armistice de 1918, la Résistance organise un ras-semblement à Grenoble. La police de Vichy procède à de nombreuses arrestations con-duisant à six cents déportations ; cent-vingt périront dans les camps.

Deux jours plus tard, Aimé Requet fait sauter 150 tonnes de munitions stockées au Polygone. La riposte connue sous le nom de « Saint-Barthélemy grenobloise », se tra-duit par deux semaines d’exécutions, d’assassinats et de déportations par la Gestapo ai-dée de la Milice. La Résistance grenobloise est décimée à la suite de la découverte d’ar-chives stockées en un seul lieu indiqué par un couple français.

L’année 1943 s’achève

Pendant cette période le Vercors est relativement calme, permettant ainsi le pre-mier parachutage de matériel à Darbounouse (13 septembre 1943). La récupération des containers fut difficile en raison de la dispersion des parachutes par le vent et la configu-ration du terrain boisé et enneigé.

Après la répression sur Grenoble, les Allemands sont décidés à ne pas laisser s’instal-ler la Résistance sur le plateau.

La fin de 1943 est marquée par un différend entre Marcel Descour, nommé chef d’état-major de la région 1 de l’Armée secrète, et Alain le Ray.

Descour reproche à ce dernier d’avoir toléré qu’un civil (Chavant) soit responsable de l’ensemble des structures de la Résistance. Lors d’une réunion à Lyon, Descour se livre à un long réquisitoire contre Le Ray qui, exaspéré, donne sa démission ; « accepté ! » répond Descour. Plus tard ils regretteront cette impétuosité.

Geyer (Thivollet), officier de cavalerie aux idées réactionnaires le remplace. Il se trouve en face d’un civil socialiste qui a une conception différente du rôle des maquis.

Pour « Thivollet », il faut construire des unités de combattants pour le jour J afin, le moment venu, de prendre une place majeure dans la libération du pays ; pour Chavant il

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faut harceler les Allemands en créant un climat d’insécurité par multiplication des raids et des sabotages. En décembre 1943 cet activisme se manifeste par une série d’expédi-tions : lignes à haute tension de Bourg-de-Péage détruites, explosion à la caserne de Grenoble tuant 23 Allemands et blessant 150 civils, locomotives sabotées, voie ferrée Valence-Grenoble sabotée au prix de représailles allemandes.

En cette fin d’année 1943 la neige recouvre le plateau dès le 6 novembre, et à Noël on note un mètre de neige à la ferme d’Ambel. La vie dans les camps est paralysée et la monotonie s’installe ; le moral est au plus bas, expliquant le retour dans leur famille de certains jeunes réfractaires, si bien que l’on fusionne les camps C8 et C11 (210 restants à Noël sur 400 en septembre).

Chapitre IV

1944 : Les opérations de liquidation de la Résistance par les Alle-mands

Les Allemands n'ignorent rien de ce qui se passe sur le plateau. Ils sont informés par leurs réseaux de renseignements issus de la population locale qui infiltrent en profon-deur « l’organisation Vercors ». Ils sont aidés également par la Milice qui infiltre les camps et par l’action d’espions comme un patron de café en contact avec un belge dénommé Lecuy, en relation à Grenoble avec le chef de la Gestapo Klaus Barbie.

On retrouvera plus tard son corps dans un bois.

La Résistance a égale-ment ses réseaux d’infor-mation, aidée par la sec-tion M16 (Intelligence Ser-vice) du SOE.

L’activisme de certains maquis

Le début de l’année 1944 commence par des actions spectaculaires de la part de mouvements de résistance incontrôlables, échappant à l'autorité des MUR (Mouvements Unifiés de la Résistance) et désapprouvées par le lieutenant Geyer (Thivollet) qui déplore en retour les représailles sur la population.

C’est par exemple en janvier 1944 l’embuscade montée par un groupe de maqui-sards au pont de la Goule Noire, étroit passage traversant le torrent de la Bourne. Deux

Le pont de la Goule Noire

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Allemands, Herr Bold et Herr Schönfeld, ainsi qu’un journaliste hollandais, Meneer Koneke, en poste à Valence, visitaient le Vercors par une belle journée ensoleillée d’hi-ver. L’embuscade permit de capturer « les touristes » qui furent conduits au quartier gé-néral de Geyer aux Combes et emprisonnés. Le lendemain, quatre soldats allemands sil-lonnent le Vercors à la recherche des « touristes ». La voiture des Allemands se dirige

vers La Chapelle -en-Vercors ; à la sortie d’un petit village dit Le Rousset, Marcel Roudet, ancien policier corrom-pu, dirigeant le maquis Raoul, fait mi-trailler par ses hommes la voiture des Allemands qui tombe dans le fossé. L’un des Allemands blessés est achevé, trois autres s’enfuient dont l’un sera capturé ; les deux autres parviennent à téléphoner pour alerter Valence.

La réplique allemande est immé-diate : au matin du 22 janvier, 300 sol-dats armés de mitrailleuses lourdes et de deux canons de 37 montent de Sainte- Eulalie en direction des Grand

Goulets ; Marcel Roudet tente, en vain, de ralentir la progression en renversant un ca-mion dans les Goulets.

Mais le renfort des chasseurs alpins al-lemands escaladant les rochers dominant les tunnels prend par surprise les maqui-sards situés en-dessous d’eux, et l’ordre de repli est donné. Les Allemands détruisent le village des Baraques-en-Vercors situé au pied du dernier tunnel.

Le lieutenant Geyer dit Thivollet désap-prouve ces actions sans grande valeur stra-tégique entraînant des représailles dont sont victimes les civils.

Les Allemands décident d’en finir

Les Allemands sont exaspérés par le climat d'insurrection qui règne sur le pla-teau : Le drapeau tricolore, visible de Gre-noble, flotte à Saint-Nizier ; les maquisards bloquent le tramway Grenoble – Saint-Nizier ; les familles viennent visiter à partir

Les Grands Goulets

L’assaut final

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de Sassenage les camps du maquis situés à Lans et Autrans …, on est loin de la discrétion prévue par le plan Montagnards.

Le dispositif allemand va se mettre progressivement en place.

Le premier objectif est de s’assurer de toutes les voies d’accès au plateau.

Le martyre du Village de Malleval

De janvier à mars 1944 les Allemands verrouillent la périphérie du Vercors en anéan-tissant le camp installé à Malleval par des militaires de l’Organisation Résistance Armée (ORA) antigaulliste, qui souhaitent reconstituer le 6eme BCA (Bataillon des Chasseurs Al-pins).

Malleval est un petit village blotti dans le fond d’un vaste espace de verdure aux al-pages bordés, du côté Vercors, par de hautes falaises. L’accès n’est possible que par des sentiers muletiers et la géographie du site donne une impression de refuge inaccessible. Le seul accès routier se fait depuis la vallée de l’Isère à la hauteur de Cognin sur la route reliant Grenoble à Romans au travers des gorges du Nan, défilé sinueux et très étroit sur-monté d’un promontoire dit « Pont du Moulin » permettant l’observation du trafic dans les gorges.

Le lieutenant de Reyniès installe sous les ordres du Lieutenant Eyssière un camp de 40 chasseurs alpins embryon du 6eme BCA à reconstituer. Mais la place est déjà occupée par un camp de maquisards sous l’égide de l’abbé Grouès, dit l’abbé Pierre, depuis l’été 1943. Le conflit, violent, se termine le 20 janvier par la rupture des deux groupes et le départ de l’abbé Pierre et de ses maquisards en direction du plateau du Vercors, … ce qui va lui sauver la vie ainsi qu’à son groupe.

Les chasseurs sont entre eux et vont subir les 28 et 29 janvier l’assaut des Allemands qui ont engagé un bataillon et installé des mitrailleuses à tous les passages coupant la route aux fuyards. Le groupe de résistants est décimé, les Allemands s’emparent des armes stockées dans le presbytère, brûlent les réserves de foin et hommes, femmes, maquisards sont brûlés vifs ; plusieurs autres villageois seront déportés.

Cette tragédie montre combien, face à une armée solidement appuyée par un arme-ment lourd, le courage et la détermination des résistants ne peut vaincre. C’est malheu-reusement un tragique avertissement de ce qui va se passer sur le Plateau.

Le 18 mars 1944, le PC régional abritant les postes émetteurs-récepteurs à Saint-Julien-en-Vercors est détruit ; on dénote six morts et neuf fermes brûlées.

La prise de Saint-Nizier (contrôle de l’accès nord du plateau).

Les Allemands lancent une première attaque le 11 juin 1944 contre la ligne de crête Charvet qui domine Grenoble, abritant le village de Saint-Nizier et le hameau Charvet ; c’est la porte nord de l’entrée du Vercors.

Costa de Beauregard a déployé ses maquisards sur les trois kilomètres de crête, per-mettant d’observer la montée des troupes allemandes depuis Grenoble. Les combats

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durent la journée et se traduisent par quelques échanges d’armes légères. On com-prend, lorsque les Allemands redescendent le soir sur Grenoble, qu’il s’agissait d’une simple opération de reconnaissance.

La seconde bataille de Saint-Nizier débute à l’aube du 15 juin 1944 par des tirs d’artille-rie au canon de 155mm. Le tir dure trois quarts d’heure. Au lever du jour on a la surprise de voir que les Allemands ont installé des mitrailleuses prenant en enfilade toute la lon-gueur de la crête Charvet. Le groupe de la compagnie Brisac postée au pied des Trois Pu-celles, massif rocheux situé au sud-est de Saint-Nizier est pris à revers. L’attaque se dé-clenche le 16 juin à 5 heures. La Résistance est submergée et l'ordre de repli est ordon-né à 9 heures 45. Désormais, les Allemands contrôlent l’entrée Nord du Vercors, coupant une des voies de repli aux résistants par la destruction du tunnel d’Engins, et l’accès sud par le bombardement de la ferme Belle à Combovin.

Le 19 juillet débute l'attaque par les troupes alpines de l'est du Vercors fait de sommets d’accès difficile, comme le Grand-Veymont.

Le bouclage au soir du 19 juil-let est complet ; le Plateau de-vient une véritable souricière pour le maquis.

Curieusement l’ambiance sur le Vercors est à l’euphorie.

On assiste en effet le 3 juillet 1944 à la proclamation de la République française officielle-ment restaurée dans le Vercors. La population est invitée à ma-nifester sa foi républicaine le 14 juillet.

A la Chapelle en Vercors on organise ce 14 juillet un défilé militaire suivi d'un para-chutage, en plein jour, par 72 avions Halifax de containers d'armes sur Vassieux, et ceci au vu des Allemands qui interviennent très rapidement par un premier mitraillage au sol des équipes récupérant les containers. Les maisons brûlent à Vassieux et les maquisards se replient dans les bois.

Les derniers combats, 21-27 juillet 1944.

Les Allemands sont décidés à en finir avec le Vercors qu'ils surveillent par photos aé-riennes. Le Général Pflaun, après avoir liquidé le maquis des Glières, élabore un plan qui va du 21 au 27 juillet 1944.

Tout commence le 21 juillet par l'apparition dans le ciel de 20 avions remorquant des planeurs qui seront à terre à 9 heures 30 sur le plateau de Vassieux, déposant 400

Panneau d’époque

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hommes du commandant Schäfer. Ce commando est appuyé par quatre bataillons, deux batteries de montagne et un bataillon de la 9 ieme Panzerdivision. La surprise est totale. La dispersion des résistants dé

bute, décidée par les mili-taires (Zeller) et par Chavant.

Simultanément, les Alle-mands lancent l’offensive se-lon un axe nord-sud, ouvrant un troisième front.

Le 21 juillet à midi, Villard-de-Lans et Corrençon sont investis avec l’objectif de pro-gresser nord-sud pour faire la jonction avec les hommes arrivés en planeurs à Vassieux. L’itinéraire normal passe par les gorges de la Bourne ouvrant la route en direction du Col du Rousset, mais celle-ci a été rendue impossible car les résistants ont fait sauter le pont dit « la Goule Noire » pour protéger, à Saint-Julien, le PC du lieutenant Huet, chef mili-taire du Vercors. La seule voie possible passe par Valchevrière, hameau d’accès très diffi-cile. L’attaque débute le 22 à l’aube ; elle est repoussée avec courage à la lisière de Bois-Barbu par le lieutenant Passy, jeune polytechnicien qui perdra la vie dans ce combat. Pendant la nuit l’ennemi s’était infiltré dans la forêt, encerclant les résistants, et à 6 heures les mortiers lourds et les armes automatiques entrent en action ; la situation est dramatique, Passy est tué et les survivants se replient à 9 heures 30 dans les bois. A 11

heures le village brûle et la voie est libre vers le Sud du Plateau.

A l’est, les maquisards décrochent des som-mets du Veymont que les chasseurs alpins allemands ont investis au pas des Chatons, de la Ville ou de la Selle à partir de Gresse- en-Vercors.

Combats de Valchevrière

Bombardement de

La Chapelle-en-Vercors

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L’ordre de dispersion des maquis

Le 23 juillet à 16 heures, Huet (Hervieux) adresse, par radio, à Londres le message suivant :

« Défenses percées le 23 à 16 heures après une lutte de 56 heures. Ai ordonné dis-persion par petits groupes en vue de reprendre la lutte, si possible ».

Pour certains maquisards des groupes plus récemment formés, l’ordre de dispersion signifiait retour dans leur famille. Malheureusement, en raison du verrouillage, beau-coup furent fusillés par la Milice en tentant de rejoindre leurs foyers.

Par contre, les groupes d’anciens maquisards disciplinés et aguerris vont se réfugier dans les secteurs les plus inaccessibles, loin des voies de communications ou dans les forêts. Ils se terrent jusqu’au signal de Huet, le 2 août, pour reprendre l’offensive.

La répression s’abat sur le Vercors.

Le 25 juillet 1944, la population de La Chapelle-en-Vercors est regroupée sur la place du village. Les Allemands et la Milice arrêtent 16 jeunes de 17 à 38 ans et les re-groupent dans la ferme Albert. Le soir même ils sont exécutés contre le mur de la ferme (Le mur des Fusillés). Le village est incendié, détruit à 95%.

Du 28 juillet au 3 août, c’est le village de Vassieux et la grotte de la Luire (hôpital où les blessés furent achevés) qui sont l’objet d’une répression terrible. Vassieux est dé-truit à 97,2 % et 82 civils sont exécutés.

Au total sur 3909 maquisards, on compte 639 morts soit 16% ; 201 civils sur 8024 composant les 13 communes du Vercors, furent tués du 21 au 3 août 1944, soit 2,5%.

Cérémonie au Mur des Fusillés

à La Chapelle-en-Vercors

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Reprise de l’offensive par les rescapés du Vercors.

A partir du 2 août, Huet, avec les maquisards qui ont échappé au massacre, monte une série d’embuscades : le 8 au col Croix-Perrin, le 16 sur la route de Valence à Gre-noble (25 Allemands tués). Huet a reconstitué son PC à Combe-Laval, Geyer s’installe à la Baume d’Hostun, près de l’Isère.

Les unités du Vercors reconstituées autour de Cammaerts (SOE) et Huet faciliteront la progression rapide des Alliés débarqués en Provence le 15 Août 1944. C’est ainsi que les rescapés du Vercors défileront à la libération de Grenoble le 22.

Localisation

des principaux sites cités

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Conclusion

Au regard de cette situation, on ne peut éviter de se poser la question des raisons de

cet échec.

L’explication favorite, partagée notamment par les Résistants, est le sentiment de l'abandon par les Alliés du sort du Vercors. Les troupes aéroportées et les armes lourdes promises ont fait défaut. Il faut aussi bien comprendre que la préparation du débarque-ment de Normandie et de celui de Provence nécessitait une mobilisation considérable de matériel et d’hommes, indispensable à la réussite primordiale de ces opérations. La stratégie des Alliés consistait à coordonner les opérations de débarquement en Pro-vence avec la mobilisation des maquis en leur fournissant des armes et des troupes pa-rachutées qui ne purent être disponibles à temps, afin de prendre en étau les Alle-mands. Le 25 juillet, les Alliés avaient programmé un parachutage, mais c’était trop tard : l’ordre de dispersion était donné. Il faut ajoute que le Gouvernement Provisoire de la République française, à Alger, privilégiait le Plan Caïman concernant l’Auvergne. Mais, là non plus, les moyens militaires ne pouvaient être disponibles.

De l'avis des militaires, c'est une illusion de croire que les parachutistes auraient pu changer l'issue des combats. En réalité, les troupes aéroportées ne peuvent être déter-minantes - mais sans certitude - que dans la mesure où elles sont appuyées par des forces terrestres qui, en juillet, ne pouvaient être présentes car le débarquement de Pro-vence n'aura lieu qu'en août. Les Allemands, d’ailleurs, ne réussirent le parachutage sur Vassieux que grâce à l'appui massif de forces sur le terrain (on dit que 20 000 hommes furent mobilisés) en face d’un ennemi bien inférieur en nombre et en armes.

Un autre exemple est fourni par la libération de la Corse. Celle-ci ne fut possible que grâce au débarquement à Ajaccio, le 15 septembre, d’un bataillon de choc encadré de trois officiers instructeurs du SOE utilisant les techniques de la guérilla, appuyant les ma-quisards qui étaient tentés de former des corps d’assaut offrant aux Allemands des cibles plus facile. Deux leçons auraient pu être tirées : la libération d’un territoire néces-site l’action combinée des maquisards utilisant la tactique de la guérilla et d’un apport de troupes extérieures.

Le second reproche est d'ordre stratégique.

La critique porte sur la conception même du plan Vercors et, de façon générale, la conception des « réduits » élaborée par des militaires prisonniers des doctrines ensei-gnées à l'Ecole de Guerre et inadaptées à la nature d’une guerre asymétrique faite d'interventions ciblées et ponctuelles suivies d'un repli- dispersion rapide après action. Cette conception a conduit notamment au drame des Glières et du Mont-Mouchet, ma-quis du Massif central.

On a vu plus haut que le succès de Huet vient de l’abandon du plan « Montagnards » et de l’adoption à la fin juillet des techniques propres à la guérilla.

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En outre, les conditions d’application du plan Montagnard ne furent jamais rem-

plies : la symbiose entre la Résistance, la France Libre et les Alliés ne fut jamais totale ;

de plus, comme nous l’avons vu, la discrétion nécessaire à la réussite du plan ne fut ja-

mais respectée.

Enfin, dernière remarque, le déclenchement prématuré du plan après le débarque-

ment en Normandie alors qu’il devait intervenir lors de celui de Provence pour faciliter

l’avancée des troupes alliées, réduit à néant la stratégie du plan Montagnards pour le

Vercors.

Au-delà de ces critiques, et aussi de la malchance comme les arrestations de Jean

Moulin, du général Delestraint et de la plupart des protagonistes du plan Montagnards,

les rescapés des maquis du Vercors purent rejoindre les maquis de l’Oisans qui appuyè-

rent efficacement les Alliés remontant par la vallée du Rhône et par les passages alpins

vers Grenoble après le débarquement en Provence, justifiant dans une certaine mesure

le titre du livre de l’historien anglais Paddy Ashdown « La bataille du Vercors, une amère

victoire », chez Gallimard.

La Résistance intérieure a joué un grand rôle dans la libération du territoire à partir

du moment où elle s’intégra dans la vision stratégique de la lutte armée. A cet égard, la

coordination avec la Résistance en Normandie a dans une large mesure assuré le succès

du Débarquement.

Ainsi, le sacrifice des hommes et des femmes de la Résistance n’aura pas été vain,

comme le déclare en ces termes le général Koenig en juillet 1944:

« Les forces de la Résistance en Vercors, en fixant d’importants effectifs allemands,

ont rendu d’immenses services à la bataille de France en cours ».

Louis-Marc Patricot

Bibliographie restreinte

• J. La Picirella : Témoignages sur le Vercors, éd. J. Brunet, nov. 1969; • Paul Dreyfus : Vercors, Citadelle de la Liberté, éd. Arthaud, avril 1969. • Michael R. D. Foot : Des Anglais dans la Résistance, le SOE en France, 194O -

1944, éd. Tallandier; 2002 - 2011. • Jean-Louis Crémieux - Brilhac : La France Libre II, éd. Gallimard, 2013. • Paddy Ashdown : La Bataille du Vercors, 1943 - 1944, éd. France - Loisirs,

1993. • Patrice Escolan, L. Rabatel : Guide - Mémorial du Vercors résistant, 1994.