Le manuel du généraliste endocrinologie-métabolisme

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Cancer de la thyroïde

M Popelier, T Delbot

L es cancers de la thyroïde représentent environ 2 % de l’ensemble des cancers et sont responsables de quatrepour mille décès liés à un cancer. Ils regroupent plusieurs formes dont le pronostic et le traitement sont très

différents. Les quatre variétés principales sont les carcinomes papillaires, vésiculaires, médullaires et anaplasiques.Si l’on excepte le cas particulier et rare du cancer anaplasique, il n’y a jamais d’urgence à diagnostiquer ni à traiter uncancer de la thyroïde car son évolution naturelle est lente.Leurs prises en charge relèvent toujours d’une équipe spécialisée.© Elsevier, Paris.

■Quand doit-on évoquer le cancer

de la thyroïde ?

‚ Découverte d’un nodule thyroïdien oud’une adénopathie cervicale

Facteurs de risque de malignité en présenced’un nodule

¶ ÂgeLe risque de malignité est plus important chez

l’enfant et l’adulte de plus de 60 ans.

¶ SexeLorsqu’il existe un nodule, le risque de malignité

est quatre fois plus important chez l’homme.

¶ Radiations ionisantesLe risque concerne essentiellement l’enfant,

d’autant plus élevé que l’irradiation est importante etsubie à un jeune âge. Le risque relatif est de 7,7 pargray (multiplication par dix à vingt des cancersthyroïdiens de l’enfant en Ukraine et en Biélorussiesuite à l’accident de Tchernobyl. A noter qu’enFrance aucune augmentation de l’incidence descancers thyroïdiens n’a été observé à la suite de cetaccident car l’irradiation est demeurée très audessous des seuils de risque).

¶ Thyroïdite lymphocytaire chronique deHashimotoElle augmente le risque relatif de lymphome

thyroïdien qui demeure rare.

‚ Découverte de métastases pulmonairesou osseuses, d’origine indéterminée

Elle justifie la recherche d’un cancer thyroïdienpuisque celui-ci relève d’un traitement spécifique etle pronostic de survie est à ce stade de plus de 50 %à 5 ans (les métastases d’origine thyroïdienne étantgénéralement accessibles au traitement parradio-iode).

Les métastases pulmonaires sont le plus souventde type miliaire ou micronodulaires sur laradiographie de thorax, bilatérales, prédominant auxbases.

L’atteinte osseuse est surtout l’apanage descancers vésiculaires et concerne le squelette axial, etles ceintures à l’exclusion des segments distaux desmembres. Les lésions sont toujours lytiques, jamaiscondensantes, volontiers soufflantes, hypervascu-laires, souvent multiples.

La découverte d’un nodule thyroïdien dans lecadre d’un bilan de métastases ne doit pas faireconclure trop hativement à une origine primitivethyroïdienne compte-tenu de la fréquence desnodules thyroïdiens bénins dans la populationgénérale.

■ Si la découverte est échographique, lascintigraphie est inutile pour les nodulesinfracentimétriques, et on peut proposer unecytoponction échoguidée s’il s’agit d’un nodule nonkystique solitaire de plus de 8 mm.

■ Si la découverte est clinique, la scintigraphieaprès confirmation échographique est justifiée,éventuellement avec cytoponction en cas de nodulefroid.

‚ Association diarrhée motrice et flush

Bien que rare, doit orienter vers la recherche d’uncarcinome médullaire.

‚ La découverte d’un cancer

Il peut être également de découverte fortuitelors de l’examen histologique d’une pièce dethyroïdectomie réalisée pour des raisons noncarcinologiques.

■Épitheliomas différenciés

papillaires et vésiculaires

Le cancer papillaire représente plus de 70 % descas et le cancer vésiculaire environ 15 %.Globalement, la survie à long terme est excellente,en moyenne 98 % à 5 ans, 80 % à 10 ans.

Il existe deux pics de fréquence : l’adulte jeune etla soixantaine. Le principal facteur de mauvaispronostic est la présence de métastases osseuses ou

pulmonaires au moment du diagnostic. L’âge,inférieur à 45 ans, et le caractère histologique biendifférencié constituent deux facteurs de bonpronostique. Sont à prendre en compte : la taille dela tumeur, l’atteinte ganglionnaire, l’extensiontumorale extra capsulaire pour les formes papillaires,l’invasion vasculaire pour les formes vésiculaires.

‚ Première étape du traitement

Elle est chirurgicale :La thyroïdectomie totale est défendue par la

plupart des équipes compte tenu du risque élevé demultifocalité (en un ou deux temps selon quel’examen extemporané a permis d’établir ou non lediagnostic de cancer). Une thyroïdectomie partielle(lobo-isthmectomie) est proposée par certainslorsqu’il s’agit d’une lésion papillaire uniqueinfracentrimètrique.

On associe un pick-up ganglionnaire récurrentielet sus-claviculaire systématique, étendu à la chaînejugulocarotidienne en cas d’envahissement lors del’examen extemporané.

Dans le cas particulier du microcancer (taille <1 cm), le diagnostic est le plus souvent porté après lachirurgie. L’attitude dépendra alors de l’ampleur dugeste chirurgical initial, des facteurs pronostiques etdu risque opératoire. Elle relève d’un avis spécialisé.

L’hospitalisation pour chirurgie thyroïdienne estd’une durée inférieure à une semaine.

La mortalité est quasi nulle. La morbidité dépenddu type d’exérèse et de l’expérience du chirurgien.

Le risque d’hématome compressif justifie unesurveillance rapprochée dans les 24 premièresheures postopératoires.

Une hypoparathyroïdie survient dans 10 % descas. Elle reste le plus souvent asymptomatique etn’est définitive que dans moins de 1 % des cas. Encas de lobectomie simple, la surveillancesystématique du calcium est inutile s’il n’y a pas desymptomatologie (paresthésies péribuccales ou desextrémités, crampes). En cas de thyro•dectomietotale, un dosage systématique de la calcémiepostopératoire est préférable. En dessous de

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2 mmol/L (80 mg/L), s’il existe des signes cliniquesd’hypocalcémie, il faut traiter par du calcium 1g/jouret vitamine D dans sa version 1 ou 1-25 hydroxylée(Un-alphat ou Rocaltrolt) en débutant à 0,25 µg parjour. La surveil lance d’un tel traitementvitaminocalcique repose sur le contrôle tous les 6mois de la calcémie et de la calciurie (sur échantillonassocié à un dosage de la créatininurie).

L’incidence des lésions du nerf récurrent varieselon le type de la thyroïdectomie : quasi négligeableen cas de lobectomie simple et plus importante s’ils’agit d’une thyroïdectomie totale, pour cancernotamment.

L’examen systématique des cordes vocales avantl’intervention n’est pas justifié de manièresystématique. Dans moins de 1 % des cas l’atteintedu récurrent est définitive, avec 2 à 3 % de formestransitoires. Si l’évolution n’est pas spontanémentfavorable, une rééducation phoniatrique peutcorriger la dysphonie.

Plus rare est l’atteinte de la chaine sympathiquecervicale responsable d’un syndrome de ClaudeBernard Horner ou l’atteinte du nerf laryngé externe.

‚ Traitement par l’ iode 131

L’administration d’iode 131 à dose ablative(IRAthérapie) permet la destruction des reliquatsthyroïdiens avec pour objectifs de permettre unesurveillance ultérieure fiable par le dosage de lathyroglobuline et la détection de métastases fixantsle radioiode, qui sont parfois masquées en présencede reliquats thyroïdiens cervicaux. Elle nécessite unehospitalisation de 48 heures en chambre protégée ets’effectue idéalement 6 semaines après lathyroïdectomie totale. Afin d’obtenir une stimulationthyréotrope de la captation du radioiode, touteadministration de L-T4 doit être interrompue unmois avant l’IRAthérapie (20 jours avant pour LaL-T3). Toute surcharge iodée intempestive doit biensûr être évitée et il faut s’assurer de l’absence degrossesse. Il n’y a pas d’altération de la fertilité aprèsl’ IRAthérapie, mais il est cependant souhaitable dedifférerer une éventuelle grossesse pendant un an.

‚ Traitement hormonal

Il a plusieurs objectifs :– inhiber la sécrétion de TSH compte tenu de

l’hormonodépendance des cancers thyroïdiensdifférenciés ;

– compenser l’hypothyroïdie postchirurgicale.

Quel degré de freination faut-il obtenir ?

L’obtention d’une TSH à 0,1 mU/L permet deréduire significativement le risque de récidive.L’intérêt d’abaisser davantage la TSH estcontroversé. Il faut mettre alors en balance le risquecarcinogène, à moduler en fonction des facteurs degravité, et les effets secondaires d’un ralentissementresponsable d’une hyperthyroïdie fruste iatrogène :

– tolérance clinique (palpitations, irritabilité), uneprescription simultanée de â bloquants pouvant êtrenécessaire ;

– risque osseux : celui-ci n’étant démontré quechez la femme ménopausée non substituée ;

– risque cardiaque, actuellement mal évalué.

La dose de L-thyroxine requise est de l’ordre de2,5 µg/kg, à poursuivre à vie.

Faut-il doser les fractions libres des hormonesthyroïdiennes dans la surveillance du bilanhormonal ?

C’est le dosage de la TSH seul qui permet devérifier l’efficacité du freinage. En cas de mauvaisetolérance clinique évocatrice d’un état d’hyperthy-roïdie, le dosage de la T3 libre peut permettre depréciser la réalité biologique d’un éventuelsurdosage. En revanche, il est fréquent d’observer untaux de T4 libre légèrement au dessus des normessans que cela ne reflète une posologie excessive.

‚ Quelle surveillance postopératoire à pluslong terme ?

Elle relève d’une équipe spécialisée et repose surla propriété du tissu thyroïdien, même tumoral, àfixer l’iode et à produire la thyroglobuline, quiconstitue un marqueur tissulaire très sensible. Lastratégie des examens complémentaires, et enparticulier le rythme des scintigraphies de contrôle àl’iode 131 est variable d’un centre à l’autre. Uncontrôle clinique et un dosage de la thyroglobulineannuels sont un minimum.

Le dosage de la thyroglobuline doit être couplé àla recherche d’anticorps antithyroglobuline (sourced’interférence) ou validé par un test de« recouvrement ».

La scintigraphie totocorporelle à l’iode 131 apour objectif de visualiser le tissu thyroïdien restantet/ou d’éventuelles métastases, les cellulesmétastatiques gardant la propriété de fixer l’iodesous le contrôle de la TSH. Elle ne peut être effectuéequ’après sevrage en hormones thyroïdiennes pourpermettre une stimulation thyréotrope satisfaisante :on suspend le traitement par L-T-4 4 semaines avantl’examen avec relais par la T3 libre de demie vie pluscourte, qui doit être arrêté 15 jours avant l’examen.Cela permet au patient d’éviter de ressentir demanière trop prolongée les symptômes d’« unehypothyroïdie annoncée ».

L’utilisation d’une TSH recombinante, pourraitdans l’avenir permettre d’éviter les défreinages.

■Cancer médullaire de la thyroïde

Développé aux dépend des cellules C de lathyroïde, il représente moins de 10 % de l’ensembledes cancers de la thyroïde. Il est caractérisé par unmarqueur hormonal, la calcitonine qui permet sondiagnostic et sa surveillance. Il survient le plussouvent dans la quatrième décennie.

Dans 25 % des cas, il s’agit de forme héréditaireimpliquant un dépistage familial. Soixante-quinzepourcent de ces formes familiales s’intègrent dansdes néoplasies endocriniennes multiples (NEM) quiassocient au cancer médullaire un phéochromo-cytome et/ou une hyperparathyroïdie.

‚ Quand faut-il penser au cancermédullaire ?

La symptomatologie endocrinienne associantdiarrhée motrice et flush n’est retrouvée que dans

30 % des cas. Le plus souvent il s’agit d’un nodulethyroïdien ou d’une adénopathie cervicalemétastatique, voire d’une métastase à distance.

Le pronostic est directement lié à la diffusion :survie supérieure à 95 % à 5 ans dans les formeslocales et inférieure à 40 % en cas de diffusionsmétastatiques. Globalement, environ 10 % despatients décèdent de leur cancer.

Faut-il demander le dosage de la calcitoninedevant tout nodule thyroïdien ?

Dans moins de 1 % des nodules, il s’agira d’uncancer médullaire. La connaissance du diagnostichistologique avant l’intervention chirurgicale estimportante : curage ganglionnaire plus large,recherche d’un éventuel phéochromocytome quidoit être alors opéré avant le cancer thyroïdien pourdes raisons de risque opératoire possible (choc) s’iln’y a pas de précaution anesthésique spécifique. Parconséquent, si une intervention pour nodule estprogrammée, il est légitime de réaliser un dosage decalcitonine (pas de consensus). L’association d’untaux de calcitonine élevé (supérieur à 10 pg/mL) à unnodule thyroïdien constitue une forte présomptionde cancer médullaire. Une élévation de la calcitoninepeut se retrouver chez l’insuffisant rénal en dialyse etdans d’autres cancers, en particulier bronchiques,mais le test à la pentagastrine est alors négatif.

‚ Comment conduire l’enquête familiale ?

Tout d’abord par l’interrogatoire, à la recherchede chirurgie thyroïdienne dans la famille. L’arbregénéalogique est à reconstituer. Pour les parents,enfants et collatéraux du premier degré, on réaliseun dépistage hormonal (test à la pentagastrine à0,5 µg/kg) et génétique (recherche d’une mutationspécifique du protooncogène Ret).

‚ Test à la pentagastrine

L’obtention d’un pic de calcitonine supérieur à100 mg/L confirme le diagnostic et celui-ci estdouteux entre 30 et 100 pg/mL. Il faut alorsinterpréter le résultat à la lumière du dépistagegénétique. Si une mutation est présente, onrenouvelle le test à la pentagastrine tous les ans.

On ne peut éliminer une forme familiale que si letest à la pentagastrine a pu être réalisé chez aumoins trois apparentés au premier degré et s’estrévélé négatif.

Quand le diagnostic d’un cancermédullaire est confirmé, il faut :✔ doser la calcémie, la phosphorémie,la PTH et les métanéphrinesurinaires à la recherche d’unehyperparathyroïdie et d’unphéochromocytome ;✔ déclarer le nouveau cas au registrenational ;✔ réaliser une enquête familiale ;✔ adresser un tube de sang à unlaboratoire de génétique spécialisépour la recherche d’une mutation.

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‚ Traitement chirurgical

On réalise une thyroïdectomie totale bilatérale etcurage ganglionnaire dont l’étendue est variableselon la taille de la tumeur, les résultats des examensextemporanés et la nature sporadique ou familiale.La surveillance postopératoire s’effectue sur ledosage de la calcitonine et de l’ACE.

■Cancer anaplasique

Il s’agit d’une tumeur rare (2 à 6 % des tumeursmalignes de la thyroïde), rapidement extensive,touchant les patients âgés. Le pronostic restecatastrophique, la survie excédant rarement 6 mois.

Le diagnostic s’effectue sur des symptômes decompression (dysphonie, toux, dyspnée, dysphagie)parfois associés à une cervicalgie antérieure (1/3 descas), souvent dans un contexte de goitre ancienayant rapidement augmenté de volume. Il s’agitd’une masse solide, volontiers hypoéchogène, ethypofixante à la scintigraphie. Le diagnostic estconfirmé sur la cytoponction ou la biopsie (ou lors de

la tentative d’exérèse chirurgicale). Il n’y a pas demarqueur biologique spécifique.

Le bilan d’extension, compte-tenu de l’envahis-sement local fréquent, comporte un examen ORL,une radiographie et un scanner thoracique. Deslocalisations à distance sont possibles mais la gravitétient à l’atteinte locorégionale.

Le traitement doit être réalisé le plus vite possibleet a pour objectif essentiel d’éviter la mort parsuffocation. On combine une chirurgie, uneradiothérapie externe et une chimiothérapie à based’adriamycine. Le traitement par iode radio actif estsans intérêt car les cellules anaplasiques neconcentrent pas l’iode.

■Lymphome thyroïdien

Il représente 1 à 2 % des tumeurs malignesprimitives de la thyroïde. Il peut être hodgkinien ounon hodgkinien. La prépondérance féminine restede règle comme pour les autres tumeursthyroïdiennes. La présentation est souvent celled’une thyroïde nodulaire, parfois douloureuse ou

d’un goitre diffus. Une hypothyroïdie le plus souventfruste est retrouvée dans plus de 40 % des cas. Il estplus fréquent en cas de thyroïdite chronique deHashimoto. L’existence de vrais nodules au seind’une thyroïdite doit donc conduire à poursuivre lesinvestigations comme pour tout nodule. L’aspectéchographique et scintigraphique est trèshétérogène. Le diagnostic est le plus souventapporté par l’histologie définitive.

Le traitement n’est pas bien codifié, centré surune polychimiothérapie variable selon le type et legrade de malignité. Une radiothérapie complémen-taire est performante en cas de lymphome de basgrade. La place de la chirurgie est discutée : letraitement relève d’un avis spécialisé oncologique.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,clinique du Mesnil, 46, rue Raymond Berrurier, 78320 Le Mesnil Saint-Denis, France.

Thierry Delbot : Ancien chef de clinique, assistant des Hôpitaux de Paris,Service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier, T Delbot. Cancer de la thyroïde.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0500, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Modigliani E, et Le G.E.T.C. Le cancer médullaire du corps thyroïde enFrance en 1995.Ann Endocrinol1996 ; 57 : 3-8

[2] Mazzaferri EL, Jhiang SM. Long term impact of initial surgical and medicaltherapy on papillary and follicular thyroid cancer.Am J Med1994 ; 97 : 418-428

[3] Schlumberger M. Epithéliomas thyroïdiens différenciés. In : La thyroïde, de laphysiologie cellulaire aux dysfonctions - des concepts à la pratique. Paris : Expan-sion scientifique française, 1992 : 431-438

Autres formes rares de cancer de lathyroïde✔ Métastases d’autres tumeurs solides(rein...).✔ Tumeurs non épithéliales (sarcome,tératome).✔ Infiltrations à partir d’une tumeurdu voisinage.

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Goitres simples

MPopelier, TDelbot

L e goitre simple est une hypertrophie diffuse du corps thyroïde, par définition sans dysthyroïdie associée. Il s’agitd’un motif fréquent de consultation. Il pose en pratique deux problèmes : ne pas porter ce diagnostic par excès

et ne pas presrire de traitement inutile.© Elsevier, Paris

■Épidémiologie

Le goitre simple atteindrait environ 2 à 5% de lapopulation, avec une prédominance féminine (sixpour un homme). La taille du goitre peut êtrevariable au cours de la vie, influencée par lesépisodes de la vie génitale (puberté, grossesse,ménopause).

Sa prévalence est liée au degré de carence iodée.Malgré une augmentation de l’apport iodé cesdernières années, entraînant une diminution de laprévalence du goitre, la France reste une zone decarence iodée relative. L’iodurie, reflet de l’apportiodé, est le plus souvent comprise entre 50 et100 µg/jour, tandis que les besoins en iodure définispar l’Organisation mondiale de la santé sont del’ordre de 125 µg/jour. La principale source d’iode estalimentaire, et la différence entre les « pays de mer »et les « pays de montagne », plus carencés, provenaità l’origine de la forte teneur en iode des produits dela mer.

Les goitres endémiques (plus de 10 % de lapopulation) ont presque disparu en France. Onrencontre donc actuellement des goitressporadiques.

■Physiopathologie

Le mécanisme de l’hypertrophie diffuse n’est pasencore totalement élucidé. Il s’agit d’une adaptationde la thyroïde à un défaut de synthèse hormonale.La TSH (thyroid stimulating hormone) joue un rôle defacteur de croissance essentiel dans la goitrigenèse,mais n’explique pas tout. D’autres facteurs decroissance ont été impliqués. Des facteursgoitrigènes environnementaux ont été mis enévidence, tels que le tabac ou les thioglucosides dansles crucifères (choux).

■Conditions d’examen

du corps thyroïde

L’aspect de « gros cou » peut être lié à un excès detissu sous-cutané, sans hypertrophie thyroïdienne. Lemédecin doit être placé derrière le patient pourpalper la thyroïde, qui ascensionne à la déglutition(faire boire une gorgée d’eau).

‚ Critères diagnostiques

La thyroïde normale est à peine palpable. Il estdifficile d’établir un critère diagnostique pour définirun goitre, les données anthropométriques du patientdevant être prises en compte. S’il existe un doute surune augmentation du volume de la thyroïde, c’estl’échographie qui permettra de préciser lesdimensions de la thyroïde : on admet qu’il s’agit d’ungoitre lorsque le poids estimé est supérieur à20grammes.Si un goitre est confirmé, il faut vérifier la TSH.La réalisation d’une scintigraphie est inutile en cas

de goitre échographiquement homogène.

‚ Recherche de signes de compression

Ils concernent seulement certains goitres anciensvolumineux et/ou plongeants.Sur l’œsophage : dysphagie.Sur la trachée : dyspnée (inspiratoire), toux de

décubitus. Pour apprécier le retentissement trachéal,on peut réaliser une radiographie de la trachée (faceet profil). Une déviation sans diminution de calibreest habituellement dénuée de retentissementfonctionnel majeur.Le plus souvent, la sensation de « boule dans la

gorge » ou de strangulation n’est pas en rapport avecun syndrome compressif, mais davantage avec unesymptomatologie « neurotonique ».

‚ Recherche du caractèreplongeant d’un goitre

Lorsque l’échographie retrouve des bases lobairesplongeantes, l’importance du prolongement médiastinalpeut être précisée par une radiographie de thorax (qui

retrouve alors une opacité médiastinale supérieure àcontours nets), voire par une tomodensitométrie ou uneimagerie par résonancemagnétique.

■Faut-il traiter ?

La prophylaxie à l’échelle d’une population(supplémentation en iode du sel, de l’eau de boisson)est une mesure de santé publique encoreinsuffisamment utilisée dans les pays en voie dedéveloppement, et même en Europe.À l’échelle individuelle, l’intérêt d’une prophylaxie

par supplémentation en iodure de potassium restecontroversé dans les zones peu carencées comme laFrance.En cas de goitre modéré, l’abstention thérapeutique

avec surveillance clinique annuelle et contrôle de laTSH et de l’échographie tous les 2 ou 3 ans est la règle.Dans le cas particulier de la femme enceinte

vivant en zone de carence iodée modérée, lasupplémentation en hormones thyroïdiennes et/ouen iode présente théoriquement l’avantage defreiner l’augmentation d’un goitre préexistant. Eneffet, la grossesse est une situation de carence iodéerelative. Les besoins en iode sont augmentés (175 à200 µg/jour), car il existe un effet « TSH-like » del’hormone choriogonadotrope (hCG), et l’on observeune discrète augmentation de la TSH secondaire à ladiminution des hormones thyroïdiennes libres(élévation de la protéine porteuse, thyroglobuline,par l’hyperœstrogénie). De plus, les pertes iodéesrénales sont augmentées, et il y a une consom-mation accrue d’iode par l’unité fœtoplacentaire.En cas de gros goitre compressif, une réduction

chirurgicale (thyroïdectomie subtotale) est justifiée.La prescription d’un traitement freinateur par L-T4 enpostopératoire, avec pour objectif de diminuer lerisque de récidive est souhaitable. On cherche àfreiner modérément la TSH pour l’amener dans lesvaleurs basses (proche de 0,1mU/L).Chez le sujet âgé ou inopérable, on peut recourir

au radioiode pour obtenir une réduction volumique,sous couvert de corticoïdes.

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©Elsevier,Paris

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Marc Popelier : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.

Thierry Delbot : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Goitres simples.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0450, 1998, 2 p

R é f é r e n c e s

[1] Leclère J, Duriez TH. Goitre sporadique. In : La thyroïde, de la physiologiecellulaire aux dysfonctions : des concepts à la pratique. Paris : Expansion scienti-fique française, 1992 : 317-223

[2] Siminoski K. Does this patient have a goiter?JAMA1996 ; 273 : 813-815

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Hyperthyroïdie

T Delbot, M Popelier

S i certaines formes caricaturales de maladie de Basedow sont de diagnostic clinique aisé, il n’en va pas demême dans les autres étiologies. Les choix thérapeutiques relèvent généralement d’un avis spécialisé.

© Elsevier, Paris.

■Diagnostic

‚ Quand faut-il y penserà l’hyperthyroïdie ?

Chez le sujet âgé, la présentation clinique estsouvent trompeuse, se résumant à une altérationinexpliquée de l’état général ou à un trouble isolé durythme cardiaque, le plus souvent une fibrillationauriculaire.

Chez l’enfant, le tableau clinique associe souventbaisse des performances scolaires et troubles ducaractère.

Certaines données cliniques orientent d’embléevers une étiologie :

– un goitre homogène vasculaire et/ou uneophtalmopathie chez un sujet jeune orientant versune maladie de Basedow ;

– un traitement par amiodarone en faveur d’unehyperthyroïdie induite par une surcharge iodée ;

– un nodule thyroïdien pouvant correspondre àun nodule toxique.

L’hyperthyroïdie est responsable d’anomaliesbiologiques qu’il faut donc savoir rattacher à l’excèsd’hormones thyroïdiennes.

‚ Confirmation du diagnostic

Il repose sur l’abaissement de la TSH (thyroidstimulating hormone) avec ou sans élévation deshormones libres. Les dernières générations dedosages de la TSH ultrasensible possèdent unebonne sensibilité dans les valeurs basses pouvantdétecter des valeurs de TSH jusqu’à 0,005 mU/L. Si laTSH est abaissée lors d’un premier dosage de« débrouillage », il est alors justifié de la contrôleravec un dosage des hormones libres. Le dosage dela T4 et de la T3 libres permet de préciser l’intensitéde l’hyperthyroïdie. Certaines formes d’hyperthy-roïdie sécrètent préférentiellement de la T3 libre(adénome toxique).

Dans le cas particulier des patients traités paramiodarone, un taux élevé de T4 libre s’observe endehors de toute hyperthyroïdie et seul la baisse de laTSH permet d’affirmer ce diagnostic ; dans ce cas,c’est la T3 libre qui reflète le degré d’hypersécrétion.

Les progrès en matière de dosage de la TSH ontmarginalisé le test à la TRH qui montre en casd’hyperthyroïdie une absence d’élévation de la TSH(réponse « bloquée »).

Les étiologies principales sont :– la maladie de Basedow ;– l’adénome ou le goitre multinodulaire

toxiques ;– la surcharge iodée.Certaines thyroïdites peuvent être responsables

d’une phase d’hyperthyroïdie transitoire, habituelledans la thyroïdite subaiguë de Quervain ou lapremière phase de la thyroïdite du post-partum (leplus souvent cliniquement latente), plus rare dans lathyroïdite chronique de Hashimoto (Hashitoxicosis).

D’autres causes rares d’hyperthyroïdie sontrappelées.

‚ Quelles explorations complémentairesfaut-il envisager pour préciser l’étiologied’une hyperthyroïdie ?

La scintigraphie demeure l’examen clé. Queltraceur isotopique faut-il utiliser ? L’iode 123, pluscoûteux, n’est disponible que dans certains centresde médecine nucléaire. Il est indispensable d’yrecourir si l’on envisage d’emblée un traitement pariode 131 (afin de permettre une dosimétrie). Dansles autres cas, le recours au technétium est aussiperformant.

L’échographie, sous réserve d’une bonne qualitétechnique et d’un opérateur expérimenté, peut aiderau diagnostic étiologique et guider les choixthérapeutiques :

– par la mise en évidence d’éventuels nodules ;– en analysant le reste du parenchyme

thyroïdien en cas de nodule toxique exctinctif sur lascintigraphie (recherche de nodules froids associés) ;

– en apportant des arguments en faveur d’unemaladie de Basedow (parenchyme hypoéchogèneet hétérogène, hypervascularisation au dopplercouleur ou au doppler pulsé) ou d’une thyroïditesubaigüe (plages hypoéchogènes mal limitées) ;

Signes cliniques de l’hyperthyroïdie

✔ GénérauxAsthénie, amaigrissement,polyuropolydipsie.✔ CardiovasculairesTachycardie, fibrillation auriculaire.✔ DermatologiquesHypersudation, thermophobie, prurit.✔ DigestifsPolyphagie, diarrhée.✔ GénitauxTroubles des règles, gynécomastie.✔ NeuropsychiquesTremblements, faiblesse musculaire,irritabilité, agitation, troubles dusommeil.✔OculairesRétraction de la paupière supérieure,asynergie oculopalpébrale.

Anomalies biologiques del’hyperthyroïdie

✔ HématologiqueLeucopénie.✔ HépatiquesÉlévation des gamma GT, desphosphatases alcalines, destransaminases, de la bilirubine,diminution de l’albumine.✔ MétaboliquesBaisse du cholestérol total, intoléranceaux hydrates de carbone (voirediabète), hypercalcémie,hyperphosphorémie.

Les étiologies rares d’hyperthyroïdie

✔ Tumeurs trophoblastiques.✔ Tératome ovarien.✔ Métastases sécrétantes d’un cancerthyroïdien.

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– en appréciant le retentissement mécaniqued’un goitre nodulaire sur l’axe trachéal ;

– en permettant d’effectuer une estimation duvolume thyroïdien nécessaire pour le calculdosimétrique si un traitement par l’iode radioactif estindiqué.

Le dosage des anticorps stimulants, antirécep-teurs de la TSH (TRAK) est d’un faible intérêtdiagnostic lorsque l’on dispose de la scintigraphiemais peut être utile comme indicateur pronostic deréponse au traitement médical. Un taux élevé endébut et surtout en fin de traitement constituerait unfacteur prédictif de rechute dans la maladie deBasedow.

Le dosage des anticorps antiperoxydase (ATPO) etantithyroglobuline (ATG) est inutile dans la plupartdes cas.

Le dosage de l’iodurie des 24 heures permetd’authentifier une surcharge iodée mais ne suffit pasà affirmer la responsabilité de celle-ci dans lasurvenue de l’hyperthyroïdie (examen nonremboursé par la Sécurité sociale). C’est lascintigraphie qui permet de distinguer l’hyperthy-roïdie induite par l’iode des autres étiologiesassociées fortuitement à une surcharge iodée.

■Traitement

‚ Quel traitement ?

Quel traitement proposer en attendant que soitprécisé le diagnostic étiologique de l’hyperthyroïdie ?

Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) vontmodifier le taux de captation du traceur isotopique etl’image scintigraphique. Lorsque c’est possible, il vautmieux n’utiliser avant la scintigraphie qu’untraitement symptomatique :

– un bêtabloquant, non cardiosélectif, pour luttercontre les effets périphériques de l’hyperthyroïdietype propranolol (Avlocardylt), 1/4 à 1 comprimé 3fois par jour, en l’absence de contre-indication. Deplus, le propranolol diminue la conversion de T4 enT3, considérée comme la principale hormonethyroïdienne active ;

– un anxiolytique, le plus souvent typebenzodiazépine.

‚ Faut-il traiter les hyperthyroïdiesfrustres ?

La constatation d’une TSH freinée (inférieure à 0,1mU/L) avec un taux d’hormones libres thyroïdiennesdans les limites de la normale, peut se rencontrerdans le cadre de goitres multinodulaires prétoxiquesou dans certaines formes mineures de maladie deBasedow. Le retentissement cardiaque est difficile àévaluer mais un certain degré d’hyperexcitabilité estprobable. Le retentissement osseux à long terme estégalement discuté. Surtout, il existe un risque depassage en franche hyperthyroïdie. La décisionthérapeutique relève d’un avis spécialisé.

Enfin, une TSH abaissée peut s’observer endehors de l’hyperthyroïdie.

Maladie de Basedow

On a le choix entre deux approchesthérapeutiques :

– le traitement médicamenteux par antithyroï-diens de synthèse, proposé en première intention ;

– le traitement radical par l’iode radioactif ou parchirurgie qui s’adresse surtout aux échecs duprécédent. Le choix relève d’un avis spécialisé et seradiscuté au cas par cas.

¶ Quels antithyroïdiens de synthèse choisir ?On a le choix entre le carbimazole (Néomerca-

zolet : comprimés à 5 ou 20 mg) en une prisequotidienne, le propylthiouracile (PTU : comprimés à50 mg disponibles à la Pharmacie centrale desHôpitaux), le benzylthiouracile (Basdènet :comprimés à 25 mg) en 3 prises quotidiennes. Ilsinhibent l’organification de l’iodure et bloquent lasynthèse des hormones thyroïdiennes. Le PTUdiminue la conversion périphérique de T4 en T3.

¶ Comment prescrire les antithyroïdiensde synthèse ?

La dose d’attaque se situe entre 30 et 60 mg pourle carbimazole, 300 et 600 mg pour le PTU, 250 et500 mg pour le benzylthiouracile. Le choix de laposologie dépend avant tout de l’intensité des signesd’hyperthyroïdie. La prescription doit êtreaccompagnée d’une surveillance hématologique carces médicaments peuvent être responsables d’uneagranulocytose, rare (moins de 0,5 %) mais nonprévisible. En cas de fièvre brutale, le plus souventdans le cadre d’une angine, il est prudent de stopperle traitement et de réaliser en urgence unenumération formule sanguine (NFS). En dehors decette situation, si en cours de traitement lespolynucléaires s’abaissent au dessous de1400/mm3, il est également préférable de stopper letraitement. Une leucopénie initiale est en revanchehabituelle dans le cadre de l’hyperthyroïdie et necontre-indique pas la prescription d’ATS. D’autreseffets secondaires moins graves mais beaucoup plusfréquents sont observés : éruption érythémateuse ouurticarienne, arthralgies, ictère. Habituellement cesmanifestations allergiques ne sont pas croisées etl’on peut tenter de changer de classe d’ATS. Il fautavertir le patient du fait que l’efficacité des ATS ne sefait sentir qu’après environ 2 semaines detraitement. Le maintien des bêtabloquants durantcette période est donc souhaitable si les symptômescliniques sont importants.

¶ Quelles sont les modalités de surveillancedu traitement médical ?

Un premier contrôle de la NFS au 10e jour,systématique, est plus prudent. Un contrôle du bilan

thyroïdien comprenant la TSH et la T4 libre peut êtreréalisé après un mois de traitement. On en profitepour revérifier la NFS. La TSH reste le plus souvent« bloquée ». C’est le dosage de la T4 libre qui permetau mieux d’évaluer le statut hormonal et detémoigner du passage sur le versant hypothyroïdien.Lorsque cela se produit, il n’y a toujours pas deconsensus en ce qui concerne le schémathérapeutique ultérieur. Il est le plus souventrecommandé de maintenir les ATS à fortes doses (aumoins 30 mg de Néomercazolet). On peut doncdiminuer la dose des ATS sans descendre audessous de 30 mg/j et on introduit la L-T4 à 50 ou75 µg/j. Ce schéma « blocage-substitution » réputédiminuer le risque de récidive après arrêt dutraitement, a également le mérite d’être plus simple àcontrôler puisqu’une fois la bonne dose de L-T4déterminée, il n’y a généralement pas lieu demodifier les posologies jusqu’au terme dutraitement. Un nouveau contrôle de T4 libre et deTSH 6 semaines plus tard permet d’adapteréventuellement la posologie. Une fois l’équilibreatteint, un contrôle hormonal tous les 2 à 3 mois estsuffisant.

La durée optimale du traitement est de 12 à 18mois. Sont considérés comme facteurs de risque derécidive après arrêt du traitement :

– la persistance d’un goitre volumineux ;– un sécrétion préférentielle de T3 avant

traitement ;– la persistance d’anticorps antirécepteurs de la

TSH à un taux élevé à la fin du traitement.

¶ La surveillance du traitement par ATSest-elle affaire de spécialiste ?

Certaines étapes clefs méritent un avis spécialisé :mise en route et fin du traitement.

¶ Quand faut-il recourir au traitement par iode131 dans le cas d’une maladie de Basedow ?

En cas d’échec du traitement médical (récidiveaprès arrêt des ATS), surtout chez les sujets de plusde 40 ans et en l’absence de goitre volumineux.Pour certains, le recours au radio-iode en premièreintention se justifie d’emblée dans un tel contexte.

La « rançon » d’un tel traitement est généralementla survenue d’une hypothyroïdie définitive, plus oumoins tardive : 25 à 50 % des cas la première annéeselon la dose utilisée, puis 2 à 3 % par an.

Aucun retentissement n’a été mis en évidence surla fertilité mais l’habitude demeure d’éviter d’yrecourir chez la femme jeune. La grossesse reste unecontre-indication formelle.

L’exophtalmie évolutive contre-indique le choixde l’iode radioactif car il existe alors un risqued’aggravation (pour certains en partie prévenue parl’administration d’une corticothérapie).

Le calcul de la dose d’iode 131 à administrers’effectue à partir de données échographiques etscintigraphiques, en service de médecine nucléaire.

Il est nécessaire de réduire au préalable l’intensitéde l’hyperthyroïdie avec une brève préparation parATS (quelques semaines) lorsque les taux initiauxd’hormones libres sont franchement élevés. Dans cecas, la scintigraphie à visée dosimétrique doit êtreeffectuée après cette préparation.

Diagnostics différentiels del’hyperthyroïdie devant une TSH basse

✔ « Hypohormonémieeuthyroïdienne » dans les maladiesnon thyroïdiennes sévères (cancer,dénutrition...).✔ Syndrome dépressif.✔ Hypercorticisme iatrogène ouendogène.✔ Hypothyroïdie centrale.

3-0470 - Hyperthyroïdie

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Page 9: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

¶ Quelle surveillance effectuer aprèsla prise du traitement par iode 131 ?

Le traitement consiste en la prise orale uniqued’une gélule d’iode 131, l’hospitalisation n’étant pasobligatoire compte tenu de la dose habituellementutilisée (environ 5 à 10 mCi) dans la maladie deBasedow. Il existe un risque de majoration dessignes d’hyperthyroïdie par relargage des hormonesthyroïdiennes dans les 15 jours suivant l’irradiationinterne de la thyroïde, mais la prescription d’ATS enprévention ne se justifie que dans des cas trèssévères. Le plus souvent, une « couverture » parbêtabloquants suffit. Il faut dans tous les cas revoir lepatient dans ce délai pour réévaluer cliniquement latolérance cardiovasculaire.

Un contrôle du bilan hormonal est à prévoir enrègle 1 mois, 3 mois et 6 mois après la prise duradio-iode. Un passage précoce en hypothyroïdie nesignifie pas toujours hypothyroïdie et il ne fautsubstituer d’emblée qu’en cas de mauvaise toléranceclinique. La persistance d’une hyperthyroïdiebiologique à 6 mois justifie l’administration d’uneseconde dose de radio-iode. La probabilité élevéed’installation tardive d’une hypothyroïdiepostradio-iode nécessite un contrôle annuel de laTSH chez les patients demeurés euthyroïdiens.

¶ A qui faut-il proposer la chirurgieen cas de maladie de Basedow ?

– en cas d’échec du traitement médical chez lessujets de moins de 40 ans ;

– en cas de mauvaise compliance au traitementmédical ;

– d’emblée en cas de goitre très volumineux oude nodule froid associé ;

– ou d’emblée également chez les femmesjeunes désireuses à court terme d’une grossessepour lesquelles un traitement médical obligerait àreporter celle-ci.

Une préparation par les ATS est préalablementnécessaire pour permettre un retour en euthyroïdieafin d’éviter la survenue d’une crise thyrotoxiquepostopératoire.

On réalise une thyroïdectomie subtotale. Le risquede complications opératoires, hypoparathyroïdie etparalysie récurrentielle, est minime lorsque lechirurgien est expérimenté.

L’objectif d’euthyroïdie, utopique, n’est plusrecherché aujourd’hui. On préfère laisser le moinspossible de parenchyme pour éviter les rechutespostopératoires, ce qui implique un traitementsubstitutif par la L-T4.

¶ Cas particuliers de la grossesseLes ATS et les anticorps stimulant les récepteurs

de la TSH passent la barrière fœtoplacentaire alorsque les hormones thyroïdiennes ne la franchissentpresque pas. L’objectif essentiel est d’éviter unehypothyroïdie chez le fœtus, ce qui justifiel’utilisation d’une dose minimale d’ATS sansadjoindre de la L-T4 pour maintenir une euthyroïdiechez la mère. Le recours au PTU est préférable aucarbimazole compte tenu d’un moindre passageplacentaire. La grossesse induit une toléranceimmunologique qui tempère les processusauto-immuns et les ATS peuvent parfois êtresuspendus au cours du dernier trimestre. La

surveillance doit s’effectuer sur la TSH, qui s’abaissephysiologiquement au premier trimestre, maissurtout sur la T4 libre qu’il faut maintenir à la limitesupérieure de la normale. Une surveillancemensuelle ou tous les 2 mois est souhaitable.

¶ Ophtalmopathie basedowienneElle accompagne souvent la maladie de Basedow,

mais peut également s’observer dans la thyroïdite deHashimoto (5 %). Elle est souvent bilatérale, maisasymétrique. Elle peut être isolée, et la présenced’anticorps antirécepteurs de la TSH permet d’enfaire le diagnostic. À défaut, le scanner orbitaire (sansinjection d’iode) s’impose (diagnostic différentiel destumeurs orbitaires). Un bilan ophtalmologiquesystématique est préférable dans toute maladie deBasedow. On peut quantifier l’exophtalmie parl’exophtalmomètre de Hertel et surtout par desmesures réalisées à partir du scanner orbitaire. Onparle de protrusion des globes oculaires à partir de20 mm. Plusieurs classifications ont été proposéesselon le degré d’atteinte musculaire, cornéenne oudu nerf optique.

Son évolution est indépendante de cellede l’hyperthyroïdie

Dans les formes bénignes, on peut se contenterd’un traitement symptomatique : lunettes sombres,larmes artificielles contre la sécheresse oculaire. Il estdémontré que le tabac constitue un facteuraggravant. La prise en charge des formes sévèresrelève de l’avis d’un ophtalmologiste spécialisé. Letraitement général repose sur la corticothérapie àfortes doses (au moins 1 mg/kg/j) pendant plusieurssemaines. En cas d’échec ou de mauvaise tolérancede la corticothérapie, on peut envisager uneradiothérapie orbitaire complémentaire. Enfin, encas de compression du nerf optique, il faut recourir àune chirurgie orbitaire de décompression.

Adénome ou goitre multinodulaire toxique

Les manifestations cardiovasculaires (arythmie)sont souvent révélatrices. Il faut envisager ici untraitement radical soit par iode radioactif, soit parchirurgie. L’indication relève d’un avis spécialisé. Unebrève préparation par les ATS pour normaliser la T3

libre peut être nécessaire. Mais il faut éviter de « troppréparer » les adénomes toxiques par ATS avantradio-iode car cela risque de réactiver le parenchymesain éteint et le traitement manquerait alors sonobjectif. Un traitement au long cours par les ATS nese justifie qu’en cas de contre-indication à untraitement radical et ne constitue qu’une solutionpalliative chez des sujets très âgés, inopérables etdont l’incontinence sphinctérienne ne permet pasd’administrer le radio-iode dans des conditionssatisfaisantes de radioprotection.

Hyperthyroïdie induitepar une surcharge iodée

Contrairement au cas de l’hypothyroïdie parsurcharge iodée où l’on peut maintenir l’agentresponsable, il est nécessaire en cas d’hyperthyroïdied’en supprimer la cause. En pratique, il s’agit biensouvent de la Cordaronet qu’il faut remplacer par unautre agent antiarythmique.

Si la tolérance est correcte, on peut attendrel’élimination de l’iode : 2 semaines à 3 mois pour

l’élimination d’un produit de contraste iodé, jusqu’à1 an dans le cas de l’amiodarone. Une guérisonspontanée de l’hyperthyroïdie s’observe souventavant l’élimination totale de la surcharge iodée.

Si la tolérance est médiocre, on a alors le choixentre :

– les corticoïdes à doses fortes (1 mg/kg) ;– le PTU (300 à 600 mg/j) d’efficacité discutée.Ces deux médicaments diminuent la conversion

périphérique de T4 en T3. Dans les formes trèsgraves, avec une mauvaise tolérance cardiaque, unehospitalisation est nécessaire pour des mesuressymptomatiques (prise en charge de l’insuffisancecardiaque) et discussion éventuelle des traitementsplus spécialisés (perchlorate de potassium, échangesplasmatiques, thyroïdectomie).

Thyrotoxicoses factices

Elles sont provoquées par l’usage d’hormonesthyroïdiennes présentes dans des préparationspseudohoméopathiques à visée amaigrissante(vérifier la composition de telles préparations) ou parla prise cachée d’hormones thyroïdiennes dans uncontexte psychiatrique. La scintigraphie blanche et letaux de thyroglobuline quasi nul permettent d’enfaire le diagnostic.

Dans le cadre des thyroïdites (thyroïditesubaiguë, thyroïdite du post-partum)

Les ATS n’ont pas d’indication car inefficaces etinadaptés compte tenu du caractère transitoire del’hyperthyroïdie et du long délai d’action des ATS. Ilfaut donc recourir aux bêtabloquants et auxanxio lyt iques en cas d ’hyper thyroïd iesymptomatique.

Adénome thyréotrope

Maladie exceptionnelle. Le traitement estneurochirurgical et/ou radiothérapeutique, lestraitements par analogue de la somatostatine étantréservés aux échecs ou aux contre-indications de lachirurgie.

Erreurs à éviter devant unehyperthyroïdie

✔ Débuter un traitement parantithyroïdiens de synthèse sansavoir de diagnostic étiologiqued’hyperthyroïdie.✔ Conclure à un adénome toxiquesans avoir réalisé de scintigraphie enprésence d’une hyperthyroïdie etd’un nodule.✔ Proposer un traitement radicald’hyperthyroïdie basedowienne enprésence :– d’une exophtalmie évolutive ;– d’une hyperthyroïdie biologiquemajeure sans préparation médicalepréalable.✔ Traiter un trouble du rythmecardiaque supraventriculaire paramiodarone sans bilan hormonalthyroïdien préalable et sanssurveillance ultérieure.

Hyperthyroïdie - 3-0470

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Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil Saint-Denis, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : T Delbot et M Popelier. Hyperthyroïdie.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0470, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Franklyn JA. The management of hyperthyroidism.N Engl J Med1994 ; 330 :1731-1738

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Hypothyroïdie

M Popelier, T Delbot

L ’hypothyroïdie est une des maladies endocriniennes les plus fréquentes (2 à 3 % de la population). Sasymptomatologie, volontiers polymorphe, et son installation insidieuse expliquent un fréquent retard au

diagnostic.© Elsevier, Paris.

■Diagnostic

‚ Chez l’adulte

Quand faut-il penser à une hypothyroïdie ?

La présentation classique du myxœdème, avecson infiltration cutanéomuqueuse et les signesd’hypométabolisme, est rarement rencontrée. Lesformes mono- ou paucisymptomatiques sont en faitles plus fréquentes.

Dans certains contextes, le rique de méconnais-sance du diagnostic par une banalisation de lasymptomatologie doit inciter à une attentionparticulière.

■ Après un accouchement, l’asthénie estvolontiers mise sur le compte d’une dépression dupost-partum.

■ En période périménopausique, les plaintes lesplus variées sont facilement rattachées auxperturbations de l’équilibre œstroprogestatif.

■ Chez la personne âgée, les troubles de lamémoire et la tendance dépressive sont simplementrapportés au vieillissement.

■ Enfin, la recherche systématique d’unehypothyroïdie est justifiée chez les patients porteurs

de maladies auto-immunes ou soumis à certainesthérapeutiques.

Comment affirmer le diagnostic ?

Le diagnostic biologique d’hypothyroïdie reposesur l’élévation de la TSH (thyroid stimulatinghormone), qu’il y ait ou non abaissement de la T4

libre. Dans le cadre d’une simple suspicion clinique,l’intérêt d’un dosage couplé de T4 libre est discutable.Le risque de méconnaître une insuffisancethyroïdienne d’origine haute est négligeable enl’absence de contexte clinique évocateur (syndrometumoral hypophysaire, autres signes d’insuffisanceantéhypophysaire).

En cas d’élévation de la TSH, un dosage decontrôle associé à un dosage de la T4 libre est justifié.

Le dosage de la T3 libre n’a pas d’intérêtdiagnostique dans l’hypothyroïdie. Un taux abaissése retrouve dans de nombreuses affections nonendocriniennes (cirrhose hépatique, dénutrition...)responsables d’un syndrome de T3 basse, sans qu’ily ait hypothyroïdie.

Le test à la TRH (thyrotropin releasing hormone) aperdu son intérêt depuis l’avènement des dosagesde TSH ultrasensibles.

Cas particulier du patient traitépar l’amiodarone

Ce médicament induit des modifications du bilanthyroïdien en abaissant la conversion périphériquede T4 en T3, sans qu’il y ait pour autant dedysthyroïdie. Ainsi, il est habituel de constater uneaugmentation de la T4 libre à la limite supérieure dela normale, voire un peu au-delà. Son corollaire estune baisse de la T3 libre. La TSH peut êtretransitoirement un peu augmentée au début dutraitement par diminution du rétrocontrôlehypophysaire, essentiellement exercé par la T3 libre.

Diagnostic étiologique d’une hypothyroïdie

Est-il utile d’établir un diagnostic étiologiquesachant que la thérapeutique consistera de toutefaçon en l’administration d’hormones thyroï-diennes ? En fait, il s’agit de distinguer leshypothyroïdies définitives des formes transitoires, cequi implique d’en connaître le mécanisme.

Signes cliniques et biologiques de l’hypothyroïdie

✔ CardiovasculairesBradycardie, assourdissement des bruits du cœur, hypertension artérielle diastolique,épanchement péricardique, troubles de la repolarisation sur l’électrocardiogramme.✔ CutanéomuqueuxInfiltration cutanéomuqueuse (hypoacousie, voix rauque, ronflements), chute descheveux, pâleur cireuse, peau sèche.✔ DigestifsConstipation, météorisme abdominal.✔ GénitauxAménorrhée, galactorrhée, troubles de la libido.✔ HypométabolismeAsthénie, frilosité, prise de poids modérée ou résistance à un amaigrissement.✔ NeuropsychiquesRalentissement psychomoteur, dépression, troubles de la mémoire, paresthésies,crampes, myalgies, céphalées, syndrome du canal carpien, lenteur à la décontractionmusculaire (réflexes ostéotendineux).✔ BiologiquesHypercholestérolémie, anémie normo- ou macrocytaire, hyponatrémie, élévation descréatine-phosphokinases.

Quand faut-il doser systématiquementla TSH ?

✔ Pathologies auto-immunes :vitiligo, maladie de Biermer, diabèteinsulinodépendant, cirrhose biliaireprimitive, syndrome deGoujerot-Sjögren.✔ Traitement par lithium,amiodarone ou interféron alpha.✔ Antécédent de traitement par iode131, de radiothérapie externecervicale ou de chirurgiethyroïdienne.

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Tableau I. – Principaux médicaments iodés.

Produitst Quantité d’iode Principe actif iodé

Abboticine 200 143µg/cuillère mesure Érythrosine

Akineton Retard 866µg/comprimé Érythrosine

Antiphlogistine 7,7 mg/sachet de 110 g Iode

Anusol 290µg/ suppositoire Oxyiodure de Bismuth

Asthmalgine 61,2 mg/dragée Iodure de potassium

Azedavit 150µg/comprimé Iodure de potassium

Bétadine comprimé gynécologique 250 mg/comprimé Polyvidone iodée

Bétadine gargarisme 8,50 g/flacon (100 mL) Polyvidone iodée

Bétadine ovule 250 mg/ovule Polyvidone iodée

Bétadine pansement humide 10 g/100 mL Polyvidone iodée

Bétadine 10 % pommade 10 g/100 g Polyvidone iodée

Bétadine solution gynécologique 10 g/100 mL Polyvidone iodée

Bétadine tulle 10 % 250 mg/compresse Polyvidone iodée

Brufen 400 98,6µg/comprimé Érythrosine

Carbosylane 845µg/gélule Érythrosine

Cardiocalm 120µg/comprimé Érythrosine

Cataridol 1 g/100 mL Iodure de sodium

Célocurine 46 mg/flacon (0,1 g) Iodure de suxaméthonium

Céporexine 250 142µg/sachet Érythrosine

Céporexine 125 71µg/sachet Érythrosine

Clamoxyl 500 570µg/gélule Érythrosine

Cordarone 14,3 mg/comprimé Iodure de tiémonium

Corbionax 80 mg/comprimé Amiodarone

Cristopal 500µg/goutte Teinture d’iode

Curéthyl B 91,2µg/comprimé Iodure de sodium

Cuterpès 18 mg/tube Érythrosine

Dafalgan 1 096µg/gélule Iododésoxycytidine

Dalacine 150 866µg/gélule Érythrosine

Delbiase 65µg/comprimé Érythrosine

Denoral 256µg/comprimé Iodure de magnésium

Dioparine comprimé 3 mg/comprimé Buzépide métiodure

Direxiode 135 mg/comprimé Iodohéparinate de sodium

Disalgyl 0,017 g/tube Di-iodohydroxyquinoleine

Ercevit fort 171µg/comprimé Isopropanide iodure

Énurétine vitamine E 0,5 mg/comprimé Di-iodohydroxyprépane

Fungizone 855µg/cuillère à café Érythrosine

Granudoxy 274µg/comprimé Iodure de potassium

Haldol 5 182µg/comprimé Érythrosine

Haloperidol 5 188µg/comprimé Érythrosine

Inadrox 0,02 g/comprimé Iodure de sodium

Iodo-gluthional vit B1 2 % 18 mg/ampoule Iodure de potassium ; iodure de sodium

Iodorganine mercier 4,5 à 7 mg/comprimé Caséine iodée

Iodorubinium hormonal 0,3 g/flacon Iodure de rubidium

Iodosorb topique 27 mg/sachet Cadexomère iodé

Ioducyl 0,6g /flacon (45 mL) Iodure de sodium

Keforal 250 180µg/cuillère mesure Érythrosine

Magnogène 55µg/cuillère à café Iodure de magnésium

Mantadix 513µg/gélule Érythrosine

Marinol 3,85 mg/cuillère à café Iode

Nitrol 0,9 mg/flacon Teinture d’iode

Nutrigène 25 mg/comprimé Iodure de magnésium

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¶ Principales causes d’hypothyroïdie chez l’adulte

Formes définitives

■ La thyroïdite chronique auto-immune, outhyroïdite de Hashimoto.

■ L’atrophie thyroïdienne idiopathique.

■ Les hypothyroïdies iatrogènes définitives :postradio-iode, postchirurgicale (thyroïdectomie aumoins subtotale) et postradiothérapie externe(atrophie postradique).

Formes transitoires

■ L’hypothyroïdie induite par une surchargeiodée.

■ La thyroïdite silencieuse du post-partum.

■ Rarement, la thyroïdite subaiguë au décours deson évolution.

■ L’hypothyroïdie iatrogène, en dehors dessurcharges iodées : lithium, interféron alpha et biensûr antithyroïdiens de synthèse.

Beaucoup plus rares

■ Les hypothyroïdies congénitales révélées àl’âge adulte.

■ Le syndrome de résistance périphérique auxhormones thyroïdiennes (exceptionnel). La TSH estaugmentée ainsi que les hormones libres.

¶ Quelles explorations complémentairesfaut-il prescrire pour préciser l’étiologied’une hypothyroïdie ?

Le plus souvent, les données de l’interrogatoire etde l’examen clinique orientent le diagnostic.

À l’anamnèse : une thyroïdectomie, un traitementpar iode radioactif, une surcharge iodée (tableau I),un traitement par l i thium, interféron ouantithyroïdiens de synthèse, un contexte depost-partum...

À l ’examen clinique : une cicatrice decervicotomie, un goitre ferme et bosselé(Hashimoto).

Les données obtenues par l’échographie sontprécieuses mais dépendent de la qualité del’opérateur. L’échographie peut confirmer uneatrophie thyroïdienne ou retrouver un parenchymecaractéristique d’une thyroïdite de Hashimoto(hypoéchogénicité diffuse, lobulations par destravées hyperéchogènes). Une thyroïde normaleéchographiquement oriente avant tout vers unecause iatrogène et en particulier vers une surchargeiodée. L’échographie occupe donc une placestratégique centrale pour orienter le diagnosticétiologique s’il n’est pas cliniquement évident.

Le dosage des anticorps antithyroïdiensconfirme la thyréopathie auto-immune. Lesanticorps antiperoxydase sont plus spécifiques queles anticorps antithyroglobuline.

Le dosage de l’iodurie des 24 heures authentifieune surcharge iodée. Il s’agit d’un examen nonremboursé par la Sécurité sociale, qui n’est pasréalisé par tous les laboratoires. La difficulté durecueil urinaire des 24 heures justifie qu’on le coupleau dosage de la créatininurie afin de le valider.

Le dosage de l’iodémie n’a pas d’intérêtdiagnostique.

Tableau I. – Principaux médicaments iodés (suite).

Produitst Quantité d’iode Principe actif iodé

Opo-veinogène 25 mg/ampoule Iodure de sodium

Pervincamine forte 94,6µg/gélule Érythrosine

Phakiodol collyre 127 mg/flacon (15 mL) Iodure de sodium

Plasmarine 3,8 mg/cuillère à café Iode

Pneumogéine 70 mg/cuillère à café Iodure de potassium

Pneumogéine barbital 70 mg/cuillère à café Iodure de potassium

Pneumogéine barbital 45 mg/suppositoire Iodométhylate

Prothiaden 25 121µg/gélule Érythrosine

Quotivit OE 150µg/comprimé Iodure de potassium

Ricridène 1 140µg/gélule Érythrosine

Rifadine voie orale 821µg/gélule Érythrosine

Rosampline 792µg/gélule Érythrosine

Tan-intest sirop 8,5 mg/cuillère à soupe Sirop iodotannique

Tardyferon B9 180µg/comprimé Érythrosine

Tiemozyl 7,1 mg/capsule Iodure de tiémonium

Trachyl 4 mg/comprimé Codéthyline ; iodométhylate

Triogène 1 350µg/cuillère à café Érythrosine

Ultraflore 191µg/gélule Érythrosine

Valium Roche sirop 570µg/cuillère mesure Érythrosine

Vésadol 0,8 mg/comprimé Buzépide métiodure

Vita-iodurol (collyre) 0,57 mg/goutte Iodure de potassium

Vitalgine Solution 5 mg/100 mL Teinture d’iode

Vitaseptine 19 mg/flacon (5 mL) Iodure de sodium

Vivamyne 150µg/comprimé Iodure de potassium

Hypothyroïdie centraleT4 libre basse sans élévation de laTSH.Autres signes d’insuffisanceantéhypophysaire inhabituels dans lemyxœdème : hypotension artérielle,peau fine et atrophique, amaigris-sement.La recherche étiologique justifie unavis spécialisé (causes tumorales,maladies de système, selle turciquevide, hypophysites auto-immunes...).

Hypothyroïdie - 3-0480

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Page 14: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

En cas de surcharge iodée, la scintigraphiepermet de distinguer les hypothyroïdies induites parl’iode d’une part, et l’association d’une surchargeiodée avec une autre cause d’hypothyroïdie d’autrepart. Son indication relève d’un avis spécialisé.

‚ Chez l’enfant

Nouveau-né

Les hypothyroïdies sont découvertes grâce audépistage néonatal obligatoire du 5e ou 6e jour.Certaines sont transitoires (surcharge iodée,traitement par antithyroïdiens de synthèse pendantla grossesse, passage transplacentaire d’anticorpsmaternels bloquant la thyroïde pendant lagrossesse), mais le plus souvent, elles correspondentà une pathologie thyroïdienne congénitale (troublesde l’hormonogenèse, dysgénésie ou ectopie).

Il ne faut pas attendre les résultats desexplorations thyroïdiennes pour débuter letraitement, car tout retard est préjudiciable audéveloppement du système nerveux central.

La stratégie diagnostique relève d’un avisspécialisé ; elle repose sur la scintigraphie,l’échographie et le dosage de la thyroglobuline.

Certaines hypothyroïdies néonatales peuventéchapper au dépistage (taux de TSH limite, rare casd’hypothyroïdie centrale). Les signes cliniquessuivants doivent faire suspecter cliniquement unehypothyroïdie : cri rauque, constipation,prolongation de l’ictère néonatal au-delà du 7e jour,abdomen distendu, hernie ombilicale, macroglossie,somnolence exagérée, difficultés à finir les biberons,hypotonie, fontanelle postérieure large.

Grand enfant

Souvent découverte à l’occasion d’un retardscolaire, la symptomatologie est proche de celle del’adulte. La principale étiologie est la thyroïditechronique auto-immune.

■Traitement

‚ Quelles hormones thyroïdiennesutiliser ?

Les extrai ts thyroïdiens ne sont pluscommercialisés.

La tri-iodothyronine (T3), commercialisée sous lenom de Cynomelt (comprimés à 25 µg), a uneaction et une élimination rapides, ce qui nécessiteune prise pluriquotidienne (3 par jour), et ne convientpas pour un traitement substitutif au long cours enraison des fluctuations des taux plasmatiques.

En pratique, c’est la L-thyroxine (L-T4) qui doit êtreprescrite : Lévothyroxt, en comprimés dosés à 25,50, 75, 100 ou 150 µg, et L-Thyroxine Roche, encomprimés dosés à 100 µg ou en solution (5 µg pargoutte).

‚ À partir de quelle valeurde TSH faut-il traiter ?

Au-delà de 10 mU/L, l’indication d’unehormonothérapie n’est pas discutable. Mais faut-iltraiter lorsque la TSH est comprise entre 4 et 10mU/L avec une T4 libre normale ?

■ Oui s ’ i l existe une cause reconnued’hypothyroïdie définitive.

■ S’il n’existe pas d’étiologie clairement identifiéeet que l’hypothyroïdie est asymptomatique, on peutproposer un contrôle de la TSH à 3 mois et différer letraitement.

■ En cas d’hypothyroïdie transitoire, seuls lespatients cliniquement symptomatiques doivent êtretraités. Dans le cas particulier de l’hypothyroïdieinduite par l’amiodarone, on préfère le plus souventpoursuivre le traitement et introduire parallèlementla L-thyroxine.

‚ Quelles sont les modalitésd’administration de la L-thyroxine ?

La demi-vie plasmatique de la T4 est de 7 jours, cequi permet une monoprise quotidienne, depréférence à jeun, avant le petit déjeuner.

Certains médicaments peuvent gêner l’absorptionou le métabolisme de la L-thyroxine et justifier ainsiun rééquilibrage des doses.

‚ Comment débuter un traitementpar la L-thyroxine ?

Le traitement est institué progressivement. Lerythme d’augmentation est dicté par l’âge, l’étatcardiaque et l’ancienneté de l’hypothyroïdie. Chezun sujet jeune, on peut proposer de débuter à unedose de 50 µg, en augmentant de 25 µg toutes lessemaines jusqu’à ce que l’objectif soit atteint.

‚ Quel est l’objectif thérapeutiqueen cas d’hypothyroïdie ?

L’objectif idéal théorique est atteint lorsque la TSHest normalisée. Il faut néanmoins parfois secontenter d’un objectif plus modeste (sujet âgé,pathologies cardiovasculaires associées) en tenantcompte de la tolérance clinique du traitement. Ladose requise pour un traitement substitutif se situehabituellement aux environs de 1,5 µg/kg, soit leplus souvent entre 75 et 150 µg par jour.

‚ Quand faut-il contrôlerle bilan hormonal ?

Il est inutile de contrôler les dosages hormonauxavant d’avoir atteint un palier susceptible d’être

suffisant, le plus souvent 75 µg, voire 50 µg chez lapersonne âgée. Il est alors souhaitable d’attendre aumoins 4 à 6 semaines. Le dosage de la TSH suffit. Sila valeur de la TSH reste élevée, on majore la dosede 25 µg. Le recours à des « demi-paliers » quinécessitent des demi-comprimés ne s’envisage quedans un deuxième temps (par exemple :sous-dosage avec 75 µg et surdosage avec 100 µg)ou chez des sujets fragiles.

‚ À quel rythme contrôler le bilanhormonal une fois l’équilibre atteint ?

Le rythme proposé actuellement par lesréférences médicales opposables est au maximumde deux dosages par an. Un contrôle clinique tousles 6 mois permet de s’assurer de l’observance et devérifier la palpation de la thyroïde s’il existe aupréalable un goitre. Des variations des besoins enL-thyroxine peuvent s’observer au fil des années. Onassiste souvent à une augmentation progressive desbesoins dans la thyroïdite de Hashimoto et au coursdes hypothyroïdies postradio-iode. Par ailleurs, ilexiste parfois une légère variation saisonnière desbesoins en hormones thyroïdiennes (majorationhivernale et diminution estivale). Environ 5 % descas de thyroïdite chronique pourraient connaître uneamélioration, voire une normalisation spontanée(diminution de la sécrétion d’anticorps bloquants ?).En cas de survenue secondaire de manifestationscliniques de surdosage, on peut être amené àeffectuer une diminution des doses, voire unefenêtre thérapeutique.

‚ Cas particuliers du sujet âgé,du coronarienou de l’insuffisant cardiaque

Une élévation de la TSH chez la personne âgéeest encore plus évocatrice d’hypothyroïdie, puisquela TSH baisse physiologiquement avec l’âge. Avec lesprécautions liées à l’état cardiaque sous-jacent,l’instauration d’une hormonothérapie ne doit pasêtre différée, les effets bénéfiques étant parfoisspectaculaires. La prise en charge doit s’effectuer encollaboration avec un cardiologue, car le traitementpar les hormones thyroïdiennes constitue unevéritable épreuve d’effort. De plus, l’hypothyroïdiediminue les besoins en oxygène et peut masquer lasymptomatologie angineuse. Au minimum, unélectrocardiogramme est nécessaire, parfoisaccompagné d’un bilan cardiologique plus complet.

La mise en route du traitement doit être trèsprogressive, en commençant entre 5 µg (1 goutte deL-Thyroxine Roche) et 12,5 µg (½ comprimé deLévothyroxt 25 µg), puis en augmentant de 12,5 µgtoutes les 2 à 3 semaines.

Le recours à l’hospitalisation est à discuter avec lecardiologue, mais n’est pas toujours indispensable.

La prescription systématique de bêtabloquants oude dérivés nitrés n’est pas justifiée et peut masquerla survenue d’une symptomatologie coronarienne.

‚ En cas de grossesse

Les besoins en hormones thyroïdiennes chez lespatientes préalablement traitées sont augmentés,parfois jusqu’à 50 % de la dose initiale par jour aucours du dernier trimestre.

Principaux médicaments interférantavec la L-thyroxine

✔ Par augmentation de la clairance :carbamazépine (Tégrétolt),rifampicine (Rifadinet), phénytoïne(Di-Hydant).✔ Par interférence avec l’absorptionintestinale : colestyramine(Questrant), sucralfate (Ulcart),hydroxyde d’alumine (Maaloxt),sulfate de fer (Tardyferont).✔ Par diminution de la conversion deT4 en T3 : amiodarone(Cordaronet), propranolol(Avlocardylt).

3-0480 - Hypothyroïdie

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Page 15: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

‚ Coma myxœdémateux

Il est devenu très rare depuis que l’on découvreplus facilement les hypothyroïdies à un stadeprécoce. Il peut encore s’observer chez les sujetsâgés ou en état de précarité à l’occasion d’unphénomène intercurrent (infection, arrêt dutraitement par hormones thyroïdiennes). La prise encharge s’effectue en soins intensifs.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.

Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Hypothyroïdie.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0480, 1998, 5 p

R é f é r e n c e s

[1] Bringer J. Hypothyroïdie. In : Endocrinologie, diabète, reproduction. Mont-pellier : Sauramps Médical, 1992 : 45-59

[2] Leger A. Hypothyroïdie. In : La pathologie thyroïdienne. Diagnostic et traite-ment. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1990 : 115-144

[3] Linsay RS, Toft AD. Hypothyroidism.Lancet1997 ; 349 : 413-417

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[5] Toft AD. Thyroxine therapy.N Engl J Med1994 ; 331 : 174-180

Erreurs à éviter devant une hypothyroïdie

✔ Débuter un traitement substitutif par L-T4 chez une personne âgée et/oucoronarienne sans respecter une grande progressivité.✔ Demander un dosage de T3 libre en cas de sucpicion d’hypothyroïdie.✔ Demander systématiquement une scintigraphie.✔ Demander une scintigraphie après substitution hormonale.

Hypothyroïdie - 3-0480

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Nodule thyroïdien

M Popelier, T Delbot

L a découverte d’un nodule thyroïdien est un motif fréquent de consultation. Il est souvent découvert par lepatient lui-même ou par son entourage, lors d’un examen systématique en médecine du travail, à l’occasion

d’un examen de la région cervicale pour une autre raison (infections ORL), ou repéré lors d’un échodoppler desvaisseaux du cou.Une telle découverte est anxiogène, car l’idée de cancer est généralement présente dans l’esprit du patient. L’enjeuconsiste à ne pas passer à côté d’une lésion cancéreuse (moins de 10 % des nodules) tout en évitant d’opérerinutilement une lésion bénigne, sachant qu’il n’y a pas aujourd’hui de concensus quant à la stratégie des différentsexamens complémentaires à effectuer, aucun ne permettant à lui seul de prédire la malignité de façon absolumentfiable.© Elsevier, Paris.

■Première consultation

L’interrogatoire porte sur les antécédentsfamiliaux ou personnels de nodule, de goitre,d’irradiation cervicale ou de maladie endocriniennepouvant s’intégrer dans une néoplasie endocri-nienne multiple (cancer médullaire de la thyroïde,phéochromocytome, adénome parathyroïdien).

Il faut s’enquérir du retentissement local dunodule, surtout s’il est associé à une hypertrophiethyroïdienne : modification de la voix, dyspnée,dysphagie ou simple gêne cervicale qui est biensouvent sans rapport avec le nodule.

L’examen clinique tente d’apprécier le volume, lesiège, la consistance, la sensibilité et le caractère isoléou non du nodule au sein du parenchymethyroïdien, avec une précision toutefois médiocre,car les nodules postérieurs et les micronodulesinfracentimétriques ne sont habituellement paspalpables. L’examen des aires ganglionnairescervicales en région jugulocarotidienne, le long desmuscles sternocleidomastoïdiens, dans la fossesus-claviculaire, ne doit pas être oublié. Enfin, ontente de déterminer cliniquement le statut thyroïdienpar la recherche des signes d’hypo- oud’hyperthyroïdie.

‚ Certaines situationssont d’emblée évocatrices

Des douleurs cervicales et une fièvre oriententvers une thyroïdite subaiguë à forme nodulaire.

L’apparition brutale d’un nodule douloureux peutcorrespondre à un kyste hématique (hématocèle).

Des signes d’hyperthyroïdie évoquent unadénome toxique (même s’il peut s’agir d’un nodulehypo- ou normofonctionnel associé à unehyperthyroïdie diffuse).

Des signes d’hypothyroïdie doivent faire penser àune thyroïdite chronique à forme pseudonodulaire.

■Quels examens complémentaires

demander ?

Le dosage de la TSH (thyroid stimulatinghormone) et l’échographie thyroïdienne sontincontournables.

‚ Dosage de la TSH

Il précise le statut thyroïdien.

Si la TSH est élevée traduisant une hypothyroïdie,il faut compléter le bilan par les dosages de T4 libreet d’anticorps antiperoxydase.

Si la TSH est abaissée, authentifiant unehyperthyroïdie qu’il faudra quantifier par le dosagede T3 et T4 libres, la scintigraphie est alorsindispensable pour orienter la démarchediagnostique et thérapeutique (cf chapitre« Hyperthyroïdie »).

Le plus souvent, la TSH est normale.

‚ Échographie

Elle apporte des renseignements précieux :– caractère isolé ou non ;– taille et siège ;– nature solide, liquide ou mixte ;– caractère hyper-, iso- ou hypoéchogène ;

– adénopathies satellites.

Elle permet en premier lieu de distinguer les vraisnodules des « pseudonodules » ou des variantesanatomiques de la normale (lobes « globuleux »).Pour parler de nodule, il faut que la lésion soitcirconscrite dans deux plans de coupe perpendicu-laires, ce qui permet d’éviter certains piègesclassiques (vaisseaux, œsophage, plageshypoéchogènes non organisées en nodule).

Le diagnostic est parfois plus difficile avec unpseudonodule, comme cela se rencontre dans lesthyroïdites auto-immunes (lobulations pseudo-nodulai res séparées par des travéeshyperéchogènes, en particulier à la face postérieuredes bases lobaires).

Certains nodules cliniquement évidents carsuperficiels, en particulier isthmiques, peuvent êtreparadoxalement d’individualisation moins facile àl’échographie et risquent d’être méconnus si l’on nerecourt pas à des techniques améliorant l’analysedes plans superficiels.

L’échographie ne peut affirmer la malignité d’unnodule thyroïdien. Cependant, certains critèresdoivent faire considérer un nodule comme suspectde malignité : nodule solide, hypoéchogène, mallimité, avec des calcifications punctiformes et desadénopathies satellites.

À ce stade, sont en faveur d’une lésion maligne :

– la consistance dure ;

– des signes compressifs ;

– des adénopathies cervicales : homolatérales,d’un diamètre supérieure à 1 cm et non plateséchographiquement ;

– l’âge du sujet inférieur à 20 ans ;

– le sexe masculin ;

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– le caractère isolé du nodule au sein d’unparenchyme normal par ailleurs ;

– le caractère hypoéchogène solide àl’échographie (a fortiori si l’on constate la présencede microcalcifications et de contours peu nets).

Deux examens peuvent alors guider la conduitediagnostique et thérapeutique : la scintigraphie et lacytoponction. La place première ou seconde dechacune des deux techniques dans la stratégie resteactuellement discutée (fig 1, 2).

‚ Scintigraphie

Ses mauvaises indications sont :– une lésion inférieure à 1 cm (pas de traduction

scintigraphique) ;– l’existence d’une surcharge iodée (attendre

l’élimination de l’iode) ;– le « nodule » suspecté cliniquement mais non

confirmé à l’échographie.

Les contre-indications de la scintigraphie sont lagrossesse et l’allaitement.

Le choix de l’iode 123 est préférable à celui dutechnétium, car certains nodules chauds autechnétium sont froids à l’iode (qui constitue l’isotopede référence).

Soixante-dix à 80 % des nodules sont froids,c’est-à-dire ne fixent pas ou peu le traceur. Dix pourcent d’entre eux sont malins. Si le nodule est chaud,le risque de cancer est très faible.

‚ Cytoponction

Réalisée à l’aiguille fine avec un minimum dedeux prélèvements par nodule, elle permetd’analyser la cytologie et de distinguer troiscatégories : maligne, bénigne, « intermédiaire » (oudouteuse). Environ 20 % des prélèvementsdemeurent ininterprétables (non significatifs).

¶ LimitesElle nécessite un cytologiste confirmé.

Le nodule ne doit pas être inférieur à 8 mm.

Elle a une sensibilité de l’ordre de 90 %.

Les lésions vésiculaires sont de diagnosticcytologique difficile, car les anomalies cellulaires nesont pas systématiques, et seule l’analysehistologique permet parfois de porter le diagnosticde néoplasie.

¶ IncidentsCe sont des hématomes, des douleurs, des

malaises vagaux.Les traitements anticoagulants ou antiagrégants

plaquettaires doivent être arrêtés avant l’examen. Encas de traitement par antivitamine K, un relais estpossible par l’héparine en attendant 6 heures aprèsla dernière injection pour ponctionner. Lesantiagrégants doivent être arrêtés 1 semaine avantla ponction.

On peut s’aider de l’échographie (ponctionéchoguidée) pour améliorer les performances de lacytoponction dans le cas des nodules non palpablesmalgré leur taille significative (siège postérieur) ou àprédominance kystique (ponction sélective dans lapartie solide).

‚ Quand faut-il doser la calcitonineen cas de nodule thyroïdien ?

S’il existe des antécédents familiaux de cancermédullaire, si le nodule est dur, et pour certains s’ilsiège dans le tiers supérieur d’un lobe.

‚ Le traitement « d’épreuve »par hormones thyroïdiennes à dosefreinatrice a-t-il une place ?

Une diminution du volume du nodule estobservée dans 10 à 60 % des cas, et une disparitiondans près d’un tiers des cas. Mais une hormonosen-sibilité n’exclut en rien la malignité. Il s’agit doncd’une fausse sécurité.

■Pour quels nodules solitaires

faut-il proposer

une intervention chirurgicale ?

Les figures 1 et 2 résument les grandes lignes dela stratégie thérapeutique. L’âge physiologique dupatient, sa compliance à une surveillance au longcours et sa cancérophobie éventuelle sont autant deparamètres à prendre en compte.

‚ Faut-il proposer un traitementpar hormones thyroïdiennes aprèslobo-isthmectomie pour nodule unique ?

Un contrôle de la TSH 2 mois après l’actechirurgical permet de reconnaître un passage enhypothyroïdie, rare si le lobe restant est sain. Si laTSH est normale, il n’est pas démontré à ce jourqu’un traitement au long cours diminue le risque derécidive. Celle-ci se rencontrerait dans 10 % des cas,et c’est l’examen clinique qui la détecte.

■Goitres multinodulaires

Ils diffèrent des nodules isolés dans leurspronostics évolutifs. Le risque de complications

Nodule > 1 cmTSH normale

Nodule hyperfixant

Surveillance de la TSH

Nodule iso-ou hypofixant

Cytologie

Scintigraphie

1 Stratégie « scintigraphie première » dans la stratégie diagnostique d’un nodule thyroïdien solitaire (ouéchographiquement dominant).

Nodule > 1 cmTSH normale

Cytologie

Bénin

Non significatif

Répétition de la ponction

Si toujours non significatif

Argumentde bénignité(nodule chaud)

Intermédiaire ou douteux

Malin

Scintigraphie

Pas d'argument suffisantde bénignité(nodule froid)

Bilan préopératoireSurveillance

2 Stratégie « cytologie première » dans la stratégie diagnostique d’un nodule thyroïdien solitaire (ouéchographiquement dominant).

3-0460 - Nodule thyroïdien

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Page 18: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

mécaniques est plus important, mais le risque demalignité est classiquement plus faible. Enfin, lerisque de passage en dysthyroïdie est également àprendre en compte.

‚ La conduite à tenir est-elle différente ?

L’étape « TSH-échographie » reste incontournable.Si la TSH est abaissée, il faut réaliser une

scintigraphie thyroïdienne qui va orienter lediagnostic étiologique et les choix thérapeutiques (cfchapitre « Hyperthyroïdie »).

Si la TSH est augmentée, il faut doser lesanticorps antithyroïdiens dans l’hypothèse d’unethyroïdite auto-immune à forme nodulaire. Untraitement par L-thyroxine doit être mis en place,dont l’objectif est de normaliser la TSH, voire del’amener dans les valeurs basses (environ 0,1 mU/L),pour obtenir un effet freinateur sur la dystrophiethyroïdienne.

Si la TSH est normale, il faut distinguer :■ les dystrophies multinodulaires diffuses sans

nodule prédominant, ni retentissement mécanique,qui relèvent d’une surveillance clinique annuelle etéchographique tous les 1 ou 2 ans. En casd’augmentation significative de volume d’un noduleau cours de la surveillance, la cytoponction estpréférable. En cas de goitre volumineux et/oucompressif, même en l’absence de nodule dominant,le recours à la chirurgie peut s’imposer ;

■ les goitres multinodulaires avec noduledominant (clinique et/ou échographique). Ladémarche diagnostique est alors superposable àcelle d’un nodule solitaire.

En cas de décision opératoire, il n’est pasraisonnable d’opter pour une chirurgie partielle(lobectomie), car le risque de récidive nodulaire sur lelobe restant est élevé.

‚ Faut-il proposer un traitementpar hormones thyroïdiennesaprès thyroïdectomie subtotalepour goitre multinodulaire ?

Le risque élevé de récidive nodulaire sur lemoignon postopératoire justifie la prescription d’untraitement freinateur au long cours (objectif : TSHproche de 0,1 mU/L).

■Nodules kystiques

C’est l’échographie qui fait le diagnostic. Il n’y apas d’arrière-pensée de néoplasie s’il s’agit d’unkyste pur (peu fréquent), à différencier d’un nodulekystisé, en réalité mixte (solide et liquide àl’échographie), dont le pronostic et la prise en chargerejoignent ceux des nodules pleins.

Le traitement du vrai kyste consiste en sonaffaissement par ponction, suivi pour certains de lamise sous traitement freinateur. En cas de récidive,une sanction chirugicale peut être nécessaire si levolume le justifie.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.

Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Nodule thyroïdien.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0460, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] ANDEM. Recommandations pour la pratique clinique. La prise en chargediagnostique du nodule thyroïdien.Ann Endocrinol1996 ; 57 : 526-535

[2] Leger A. Les nodules du corps thyroïde.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris),Endocrinologie, 10-009-A-40, 1994 : 1-5

✔ Nodules à opérer :

– nodule solitaire (ou prédominantsur un goitre multinodulaire) d’undiamètre supérieur à 3 cm ;– nodule « suspect » (dur, froid, solidehypoéchogène, avec adénopathies,cytoponction maligne ou douteuse,antécédent d’irradiation cervicaledans l’enfance) ;– thyrocalcitonine élevée ;– âge inférieur à 20 ans avec nodulefroid solitaire ;– goitre multinodulaire compressif ;– goitre multinodulaire ou adénometoxique avant 40 ans.

✔ Nodules à surveiller :

– dystrophie multinodulaireeuthyroïdienne sans noduledominant : surveillanceéchographique annuelle +cytoponction si évolutivité ;– nodule kystique (après ponctionévacuatrice) ;– nodule chaud prétoxique : TSHannuelle.

Erreurs à éviter devant un nodulethyroïdien

✔ Appeler nodule toute anomalieéchographique (dystrophie, plagehypoéchogène au sein d’unethyroïdite...).✔ Faire opérer tous les nodules.✔ Ne pas arrêter les anticoagulantsou les antiagrégants avant unecytoponction thyroïdienne.✔ Ne pas s’assurer de l’absence degrossesse avant une scintigraphie.✔ Doser la thyroglobuline dans le butde prévoir la malignité d’un nodule.✔ Répéter la scintigraphie en cas denodule froid.✔ Ne pas doser la TSH.

Nodule thyroïdien - 3-0460

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Thyroïdites

M Popelier, T Delbot

L es thyroïdites regroupent un ensemble d’affections auto-immunes, inflammatoires ou infectieuses de lathyroïde dont la sémiologie est polymorphe (dysthyroïdie, goitre ou cervicalgie). Il s’agit, pour certaines, de

pathologies fréquentes.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Dans les thyroïdites, plusieurs situations pratiquespeuvent être distinguées.

■ Il existe des douleurs cervicales antérieures,irradiant aux oreilles dans un contexte d’épisodeinfectieux d’allure grippale. La palpation retrouve ungoitre très ferme et douloureux : il s’agit alorsprobablement d’une thyroïdite subaiguë de Quervain.

■ On découvre un goitre de consistance ferme : ilest en faveur d’une thyroïdite lymphocytaire d’origineauto-immune ou maladie de Hashimoto, avec ou sanshypothyroïdie associée.

■ Il existe des signes d’hypothyroïdie et uncontexte évocateur : période du post-partum,volontiers entre le 3e et le 6e mois aprèsl’accouchement, orientant vers une thyroïditesilencieuse. Traitement par interféron alpha en faveurd’une thyroïdite iatrogène.

■Thyroïdites auto-immunes

‚ Thyroïdite chronique lymphocytaire deHashimoto

Elle touche le plus souvent la femme (5 femmespour 1 homme), fréquente (4 % de la population). Legoitre est souvent au premier plan puisque présentdans 80 % des cas. Dans moins de 20 % des cas legoitre s’accompagne de signes d’hypothyroïdie.

La présentation est parfois trompeuse :– le goitre n’est pas homogène, mais de

consistance nodulaire ou pseudonodulaire ;– il n’y a pas de goitre. On parle alors de thyroïdite

atrophique qui peut être considérée comme un stadetardif d’évolution d’une thyroïdite de Hashimoto ;

– il peut exister une gêne cervicale, parfois mêmeune douleur ;

– il existe des signes d’hyperthyroïdie. C’est laclassique hashitoxicose (moins de 5 % des cas).

Il faut s’enquérir des antécédents familiaux demaladie thyroïdienne et des antécédentspersonnels de maladie auto-immune : vitiligo,diabète insulinodépendant, maladie de Biermer,insuffisance surrénale (syndrome de Schmitt),ménopause précoce.

Quels examens complémentaires ?

Lesquels sont à demander en cas de suspicionde thyroïdite chronique lymphocytaire deHashimoto ?

■ Un dosage de la TSH, pour préciser le statutthyroïdien.

■ Une échographie qui permet de mesurer legoitre, d’étudier l’aspect du parenchyme (hypoécho-gène, hétérogène) et surtout de reconnaîtred’authentiques nodules (à distinguer des pseudonodu-les de thyroïdite chronique dont les caractéristiqueséchographiques sont différentes et qui n’ont pas lamême valeur évolutive).

■ Un dosage des anticorps antithyroïdiens quiaffirme le diagnostic. Les anticorps antiperoxydase(ATPO), anciens « antimicrosomiaux », sont élevésdans plus de 90 % des cas. Les anticorpsantithyroglobuline ne sont élevés que dans 60 à80 % des cas ce qui rend leur dosage systématiquemoins intéressant.

■ La scintigraphie ne se justifie que si l’échographiedécèle d’authentiques nodules supracentimètriques.La fixation du traceur, iode ou technétium, montreclassiquement une image hétérogène en « damier »,non spécifique, et ne permet donc pas de distinguer unvrai goitre multilodulaire d’une thyroïdite chroniquesans vrai nodule.

■ La présence de nodules froids supracentimétri-ques au sein d’une thyroïdite fait discuter unecytoponction.

Diagnostic différentiel

■ Le goitre simple : anticorps négatifs, euthyroïdie,échogénicité normale.

■ Une hypothyroïdie iodo-induite : anamnèseanticorps négatifs, fixation bonne malgré la surchargeiodée, iodurie des 24 heures augmentée.

■ Une maladie de Basedow : goitre vasculaire,anticorps antirécepteurs de la TSH élevés,hyperfixation homogène et intense à la scintigraphie.En pratique, on ne peut guère distinguer autrementque sur l’évolution une maladie de Basedow d’unHashitoxicosis qui est une forme de passage entre lesdeux thyréopathies auto-immunes dont l’expressionclinique différente est liée à la prépondérance de telleou telle catégorie d’anticorps.

■ Un goitre multilodulaire : anticorps négatifs, vraisnodules à l’échographie sans hypoéchogénicitéglobale.

Quand faut-il adresser au spécialiste ?

En cas de doute diagnostique : forme nodulaire oupseudonodulaire, phase d’hyperthyroïdie compatibleavec un autre diagnostic (thyroïdite subaiguë oumaladie de Basedow).

Quel est le traitement de la thyroïditechronique lymphocytaire de Hashimoto ?

En cas d’hypothyroïdie, il faut mettre en route untraitement substitutif par hormones thyroïdiennes (voirmodalités dans chapitre Hypothyroïdie). S’il existe ungoitre associé, certains proposent comme objectifd’obtenir une TSH dans les valeurs basses de lanormale, dans un but freinateur.

Si la TSH est élevée avec un taux de T4 libre dansles limites de la normale (hypothyroïdie subclinique),l’évolution vers une franche hypothyroïdie estprobable car le processus auto-immun est évolutif(environ 4 % des cas chaque année). La mise en routed’un traitement substitutif est donc préférable.

Si le bilan hormonal est normal et qu’il existe ungoitre, l’intérêt d’une freination reste très controverséesurtout si le goitre n’est pas récent. Nous proposonsplutôt une surveillance, par exemple clinique etbiologique (TSH) une à deux fois par an etéchographique tous les 2 - 3 ans.

‚ Thyroïdites silencieuses (ou indolentes)Il s’agit essentiellement de la thyroïdite du

post-partum.Elle est souvent méconnue. Il faut donc doser la TSH

au moindre doute en cas d’anomalie compatible avecune hypothyroïdie dans les mois suivantsl’accouchement. Un syndrome dépressif est souventbanalisé après un accouchement mis sur le compted’un baby-blues et peut refléter une hypothyroïdie.

L’évolution est biphasique :– du 1er au 3e mois, une phase d’hyperthyroïdie

rarement symptomatique. Parallèlement se constitueun petit goitre indolore, modéré ;

– dans un deuxième temps, après le 3e mois,s’installent des signes d’hypothyroïdie avecrécupération spontanée dans la plupart des cas enquelques mois.

Comment affirmer le diagnostic ?

Le contexte est déjà évocateur.L’échographie a sa place comme dans toute

exploration d’un goitre. Elle montre un parenchymeun peu hypoéchogène au sein d’un goitre en règlemodéré.

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Les ATPO sont élevés dans plus de 3/4 des cas.La scintigraphie confirmerait le diagnostic : elle est

« blanche « au stade d’hyperthyroïdie, la récupérationdu contraste se faisant progressivement dans laseconde phase.

Quel traitement ?

Il dépend du statut thyroïdien. Au staded’hyperthyroïdie, le traitement est rarement utile. Lesantithyroïdiens de synthèse ne sont pas justifiés carinefficaces. On se contente des bêtabloquants(Avlocardylt : 1/2 à 3 comprimés par jour), sousréserve de l’absence de contre indications.

Une hormonothérapie substitutive est nécessaireen cas d’hypothyroïdie cliniquement symptomatique.La durée de traitement n’est pas codifiée carl’évolution est variable, le risque d’hypothyroïdiedéfinitive étant toutefois rare. Une fenêtrethérapeutique doit être tentée après quelques mois detraitement.

Une thyroïdite silencieuse peut survenir en dehorsdu post partum avec une évolution égalementbiphasique et un tableau similaire.

■Thyroïdite subaiguë de

de Quervain

C’est une affection inflammatoire et réversible de lathyroïde. Son origine virale est probable comme enatteste son caractère épidémique et saisonnier à la findu printemps ou en été. Elle touche le plus souvent lesfemmes entre 30 et 60 ans.

‚ Diagnostic

Le motif de consultation est le plus souvent unecervicalgie antérieure avec irradiation ascendante versles mâchoires et les oreilles.

À l’interrogatoire, il faut rechercher un épisode ORLtype rhinopharyngite dans les jours précédants.

L’examen clinique retrouve un goitre modéré deconsistance dure, douloureux à la palpation, le plussouvent sans adénopathie. Il peut exister une fièvre etun syndrome grippal associé. Une phase d’hyperthy-roïdie liée au relargage des hormones thyroïdiennesest habituelle au début de la maladie. Celle-ci estmodérée, rapidement réversible, pouvant évoluersecondairement vers une hypothyroïdie, le plussouvent transitoire. Parfois, il s’agit d’une formelocalisée à un seul lobe, avec une présentation

pseudonodulaire dont l’évolution se fait selon uneséquence à « bascule ».

Examens complémentaires

¶ Lesquels sont à demander en cas de suspicion dethyroïdite subaiguë de de Quervain ?

– La NFS montre une hyperleucocytose avecpolynucléose. La VS est toujours augmentée, souventsupérieure à 80.

– La TSH se situe dans la zone de l’hyperthyroïdieavec des taux d’hormones libres normaux oumodérément augmentés.

– Le dosage des anticorps antithyroïdiens n’est pasd’un grand secours diagnostique. Ils sont normaux oudiscrètement augmentés, prédominant parfois sur lesantithyroglobulines.

– Faut-il pratiquer une échographie et unescintigraphie ?

– L’échographie est un examen facilementaccessible, peu coûteux, non invasif. L’aspectéchographique est assez caractéristique avec descontours estompés, des plages hypoéchogènes mallimitées.

– La scintigraphie moins facilement disponible,plus coûteuse, est néanmoins d’une aide précieuse encas de doute diagnostique. Elle montre une absencequasi totale de fixation du traceur à la phase initiale.

Quel autre diagnostic faut-il évoquerdevant une cervicalgie antérieure ?

Essentiellement un hématocèle. L’absence designes inflammatoires généraux et l’échographiepermettent de trancher.

De manière beaucoup plus exceptionnelle :– certaines formes de début des thyroïdites de

Hashimoto (pas d’hyperthyroïdie biologique,scintigraphie non blanche) ;

– la thyroïdite aiguë (immunodépression, tableauseptique sévère) ;

– un cancer thyroïdien anaplasique (augmentationrapide du volume de la thyroïde, sujet âgé).

Quel traitement ?

L’évolution spontanée se fait vers la guérison enquelques semaines avec parfois une phased’hypothyroïdie en règle asymptomatique.

On peut proposer pour lutter contre les douleurscervicales, de l’aspirine à fortes doses (anti-inflammatoires) : 2 à 3 g/j. Il ne faut pas hésiter àrecourir à la corticothérapie dans les formeshyperalgiques rebelles à l’aspirine : 0,5 à 1 mg/kg/j de

prednisone ou prednisolone. On maintient cette dosependant au moins 15 jours et on diminueprogressivement pour une durée totale d’environ deuxmois. Des rebonds peuvent émailler l’évolutionspontanée ou sous traitement.

Pour lutter contre l’hyperthyroïdie, on peut recourirà des bétabloquants. En cas d’hypothyroïdie, le recoursau traitement substitutif ne se justifie qu’en cas desymptômes cliniques. Le risque d’hypothyroïdiedéfinitive est faible (moins de 5 %).

■Thyroïdite aiguë infectieuse

Beaucoup plus rare, elle touche l’adulte jeunesouvent immunodéprimé. Les germes sont soit desCocci à Gram positif, soit des bacilles à Gram négatif,rarement le Mycobacterium tuberculosis . Desthyroïdites mycotiques et parasitaires ont été décriteschez les patients atteints de sida. Les signes cliniquessont spectaculaires : cervicalgies antérieures, thyroïdedouloureuse à la palpation, parfois fluctuante (abcès),syndrome infectieux. Le diagnostic est confirmé parl’échographie thyroïdienne. Il faut réaliser desprélèvements bactériologiques qui imposent souventl’hospitalisation en vue d’une antibiothérapie adaptée.Des complications septiques et mécaniques (fistuletrachéo-oesophagienne ou médiastinite) sontexceptionnelles. On recherche le VIH. Le diagnosticdifférentiel principal est celui de thyroïdite subaiguë dede Quervain.

■Thyroïdite fibreuse de Riedel

Tout à fait exceptionnelle, il s’agit d’une fibrosedense de la thyroïde et des tissus avoisinantsresponsables d’un goitre diffus, dur, adhérent autissu voisin et associé à des signes decompression (dysphagie, dyspnée, dysphonie paratteinte récurentielle). Elle touche plus volontiersl’adulte de plus de 50 ans, parfois associée àd’autres maladies fibrosantes (fibrose rétropérito-néale). Il n’y a pas de dysthyroïdie. Le diagnosticdifférentiel essentiel est celui d’un canceranaplasique ce qui justifie une vérificationhistologique. Le pronostic est toutefois réservé,compte-tenu du caractère très infiltrant etfibrosant de cette maladie. Le traitement estchirurgical et avant tout décompressif.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,clinique du Mesnil, 46, rue Raymond Berrurier, 78320 Le Mesnil Saint-Denis, France.

Thierry Delbot : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier, Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Thyroïdites.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0490, 1998, 2 p

R é f é r e n c e s

[1] Dayan CM, Daniels GH. Chronic autoimmune thyroiditis.N EnglJ Med1996 ; 335 : 99-107

[2] Maréchaud R. Thyroïdites.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-008-A-40, 1992 : 1-10

3-0490 - Thyroïdites

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Page 21: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Hyperparathyroïdie

F Oberlin, AC Koeger

P athologie fréquente, l’hyperparathyroïdie est dominée par deux de ses aspects : l’hyperparathyroïdie primaire,de découverte souvent fortuite lors de bilans biologiques systématiques, et l’hyperparathyroïdie secondaire

des insuffisances rénales. Nous envisagerons, dans un premier temps, les aspects diagnostiques et thérapeutiques del’hyperparathyroïdie primaire, avant de traiter les grandes lignes du traitement de l’hyperparathyroïdie au cours del’insuffisance rénale, qui nous paraît relever d’un milieu spécialisé.© Elsevier, Paris.

■Hyperparathyroïdie primaire

‚ Bases épidémiologiques

L’hyperparathyroïdie primaire (HPT 1) touche,avec une prédominance féminine (deux ou troisfemmes pour un homme), des sujets de plus de 30ans, avec une prévalence pouvant aller jusqu’à 1 à2 % de la population de plus de 70 ans. En fait, cetteprévalence pourrait être en cours de diminution,sans que l’origine de cette baisse soit connue [16].

L’hyperproduction de parathormone est due prèsde neuf fois sur dix à un (ou plusieurs) adénome(s),beaucoup plus rarement à une hyperplasie primitivedes quatre parathyroïdes, exceptionnellement à uncancer parathyroïdien (moins de 1 % des HPT 1).

‚ Diagnostic

Actuellement, la découverte d’une hypercalcémieest le plus souvent fortuite (plus de 80 % des patientssont asymptomatiques). Les manifestations rénalessont peu fréquentes (moins de 20 %), et les signesosseux sont le plus souvent réduits à unedéminéralisation banale bien que le tableau cliniquedes formes classiques soit plus riche (tableau I).Exceptionnellement, le diagnostic est évoqué lorsd’une poussée aiguë d’hypercalcémie associantpolyuropolydipsie, constipation, obnubilation,confusion, voire coma, imposant l’hospitalisation enurgence (fig 1).

C’est l’association d’une hypercalcémie et d’uneparathormone haute ou normale/haute, inadaptéeà l’hypercalcémie, qui permet de poser lediagnostic . Une hypophosphatémie avecabaissement de la réabsorption tubulaire desphosphates est souvent associée.

L’hypercalcémie est le plus souvent modérée,mais peut parfois être difficile à mettre en évidence.La correction de la calcémie en fonction des protidestotaux ou de l’albuminémie, ou mieux, la mesuredirecte du calcium ionisé, peuvent être plusparticulièrement utiles.

Le dosage de la parathormone intacte [1, 14]

permet de mesurer l’hormone biologiquementactive, à l’inverse des méthodes utilisant des

anticorps dirigés contre la partie moyenne de lamolécule, qui reconnaissent également desfragments C-terminaux inactifs.

‚ Traitement

Traitement de l’hypercalcémie aiguë sévère

En cas d’hypercalcémie aiguë sévère, letraitement doit être entrepris dans un centre de soinsintensifs. Il faut corriger la déshydratation, souventimportante, induite par la polyurie liée àl’hypercalciurie, grâce à des apports d’eau et desodium par voie veineuse. Le furosémide (Lasilixt),en réduisant la réabsorption tubulaire du sodium,réduit celle du calcium. Son utilisation à très fortesdoses, pouvant dépasser 1,2 g/j, nécessite unecompensation rigoureuse des pertes hydriques pardes solutions salines. Les explorations complémen-taires doivent être réduites au minimum en raisondu risque vital : c’est le seul cas où une cervicotomieexploratrice peut être entreprise sans certitudediagnostique.

Existe-t-il un traitement médicamenteuxdes formes modérées d’hyperparathyroïdieprimaire ?

On s’interroge actuellement sur l’efficacité de deuxtypes de traitement au cours de l’HPT 1 : le traitementœstrogénique substitutif et les bisphosphonates.

¶ Traitement œstrogénique substitutifL’HPT 1 concerne fréquemment des femmes

ménopausées. Bien que l’existence d’un risquefracturaire soit controversée au cours de l’HPT 1, unepartie au moins de cette population est à risque.Dans une étude randomisée contre placebo sur2 ans [6], le traitement œstrogénique ne modifie pas

Tableau I. – Manifestations classiques del’hyperparathyroïdie primaire.

Manifestations rénales :- lithiase rénale- néphrocalcinose- baisse de la clairance de la créatinine- fuite de phosphates- acidose hyperchlorémique

Manifestations osseuses :- déminéralisation à prédominance corticale- augmentation du risque fracturaire ?- ostéite fibrokystique

Manifestations musculaires :- diminution de la force musculaire

Manifestations neuropsychiatriques :- fatigue- dépression ?- psychose ?

Manifestations gastro-intestinales :- ulcère gastrique- pancréatite ?

Manifestations articulaires :- chondrocalcinose

Hypertension ?

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la valeur du calcium ionisé ou de la parathormo-némie chez les femmes traitées. En revanche, onobserve une baisse significative de la calciurie(supérieure à 30 %) et des marqueurs duremodelage osseux, et une augmentation de ladensité minérale, tant au niveau du rachis lombaireque du col fémoral. Bien qu’il n’existe pas dedonnées au long cours, un traitement hormonalsubstitutif doit être proposé à toute femmeménopausée ayant une HPT 1, ce d’autant que soneffet protecteur sur le plan cardiovasculaire a uneutilité particulière au cours de cette maladie.

¶ BisphosphonatesLes bisphosphonates avaient potentiellement

un intérêt thérapeutique au cours de l’hypercal-cémie de l’HPT 1 du fait de leur actionantiostéoclastique. En fait, qu’ils soient administrésper os ou par voie veineuse, leur efficacité estinconstante et transitoire sur la calcémie. La baissede la calcémie s’accompagne alors d’unemajoration de l’hyperparathormonémie et d’uneaugmentation de la 1,25 (OH)2 D. De plus, lessymptômes cliniques des patients ainsi traités nesont pas modifiés, soulignant que l’hypercalcémiene joue qu’un rôle mineur dans les symptômescliniques des formes modérées d’HPT 1 [11]. Enfin,ces traitements sont potentiellement dangereux encas d’intervention secondaire : en postopératoire, ilexiste un « syndrome d’avidité osseuse », avec uneimportante captation de calcium par l’os.L’équilibre calcémique est alors maintenu par unehyperparathyroïdie (secondaire cette fois) et lamobilisation du calcium osseux. Cette mobilisationest rendue impossible par la présence debisphosphonates sur l’os, avec un risqued’hypocalcémie prolongée majeure. Ajoutons quel’acide clodronique (Clastobant) n’est indiqué quedans les cas d’hypercalcémie d’origine maligne.

Les traitements médicamenteux qui pourraientavoir une indication au cours de l’HPT 1 visent àfreiner directement la sécrétion parathyroïdienne.C’est le cas des dérivés non hypercalcémiants de la1,25 (OH)2 D et des agonistes des récepteurscalcium-sensibles [13], actuellement en coursd’évaluation.

Traitement chirurgical

¶ Localisation de l’adénomeL’échographie a l’avantage de sa simplicité et de son

faible coût. Entre des mains expérimentées, un appareiltemps réel de haute définition permet d’obtenir unesensibilité de 75 % et une spécificité de 95 % [9]. Deuxfacteurs essentiels font baisser la sensibilité : l’existencede nodules thyroïdiens et l’âge avancé du patient(cervicarthrose, athérome carotidien...). C’est le seulexamen qui nous paraisse licite lors d’une premièreintervention : l ’examen réalisé au cours del’intervention par le chirurgien est le seul qui trouvel’adénome dans plus de 90 % des cas. La scintigraphieau méthoxy-isobutyl-isonitrile technétié (MIBI-Tc), quipermettrait de dépister des masses de 225 mg [7], voirele scanner et l’imagerie par résonance magnétique, quine détecteraient pas de masse inférieure à 1 cm, ne sontindiqués que lors d’une réintervention.

¶ Qu’attendre d’un geste chirurgical ?Une première intervention, selon les équipes et

les données cliniques et paracliniques, peut êtreréalisée par un abord unilatéral sous anesthésielocale, avec contrôle peropératoire de laparathormone 1-84 [2], ou sous anesthésie générale,avec mise en évidence systématique des quatreglandes parathyroïdiennes [10]. La normalisation dela parathormonémie est ainsi obtenue d’embléechez plus de 90 % des patients. En postopératoire, ilpeut exister une hypocalcémie par avidité osseusequi s’observe plus fréquemment chez les sujets âgés

ayant une carence en 25 OH vitamine D, unefonction rénale « limite » et des phosphatasesalcalines élevées.

Les résultats à attendre de l’intervention sontrésumés dans le tableau II. Une étude récente [15] amis en évidence une hypertrophie ventriculairegauche chez les patients ayant une hyperparathy-roïdie. Cette hypertrophie régresserait après chirurgiechez les patients n’ayant pas d’hypertension, ce quiparaît un argument en faveur d’une interventionaussi précoce que possible.

Évolution spontanée de l’HPT 1

L’évolution spontanée des formes modérées d’HPT1 reste pleine d’incertitude. L’étude classique de laMayo Clinic [12] fait état d’une absence de variation dela fonction rénale au bout de 10 ans de suivi, mais20 % des patients initiaux ont été opérés et 20 % ontété perdus de vue. De plus, le prix du suivi atteignaitcelui de la chirurgie au bout de 5 ans ½. Sur le planosseux, l’accentuation de la déminéralisation oul’existence d’un risque fracturaire paraissent dépendredu statut vitaminique D. Enfin, aucun élément nepermet de prédire la survenue (exceptionnelle) d’unecrise aiguë hypercalcémique.

Indications thérapeutiques

En présence d’un patient ayant une HPT 1, lechoix doit être fait entre chirurgie et abstention. Laconférence de consensus du National HearthInstitute [5] a proposé des critères justifiant uneintervention chirurgicale (tableau III), auxquels ilnous paraît nécessaire d’ajouter les pancréatites etles ulcères gastriques. Cependant, la parathyroïdec-tomie étant, entre des mains expérimentées, uneintervention dépourvue de complications majeures,

Découverte d'une hypercalcémie

> 140 mg/L 120-140 mg/L 105-120 mg/L

Symptômes cliniquesou électriques enrapport avecl'hypercalcémie

Pas de symptômes

Réhydratation per osDosage parathormone 1-84Créatinine

Hospitalisation urgenteRéhydratation + furosémide IVChirurgie si suspicion d'HPT 1

Parathormone élevéeFonction rénale normale

Parathormone basseEnquête étiologique

Hyperparathyroïdie primaire

(Échographie)Chirurgie en milieu spécialisé

1 Conduite à tenir lors de la découverte d’une hypercalcémie. IV : intraveineux ; HPT 1 : hyperparathyroïdieprimaire.

Tableau II. – Effets cliniques attendus d’unecure chirurgicale d’adénome parathyroïdien.

Rein : diminution des récidives de lithiase, amélio-ration de la fonction rénaleOs :augmentation de la densité minérale lombaireet fémorale[14]

Muscle :augmentation de la force musculaireHypertension artérielle :peu ou pas d’effet, réduc-tion de la mortalité d’origine cardiovasculaire ( ?)Troubles psychiques :- amélioration de l’asthénie et de la lassitude- effets sur les troubles psychiques des sujets âgés ?

Tableau III. – Les indications chirurgicalesformelles selon la conférence de consensus duNational Hearth Institute [5].

Hypercalcémie supérieure à 120 mg/L (supérieureà 3 mmol/L)

Néphrocalcinose, lithiase rénale, calciurie des24 heures supérieure à 250 mg (6,25 mmol) chezles femmes et 300 mg (7,5 mmol) chez les hommes

Densité minérale osseuse inférieure à -2,0 DS parrapport à une population de même âge et de mêmesexe (Z-score)

Patients de moins de 50 ans (après avoir éliminéune hypercalcémie hypocalciurique familiale)

DS : déviation standard.

3-0510 - Hyperparathyroïdie

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Page 23: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

elle nous paraît devoir être proposée à tous lespatients, même s’ils sont âgés [3]. En cas de refus, letableau IV résume la conduite à tenir.

■Hyperparathyroïdie secondaire

L’hyperparathyroïdie secondaire est caractériséepar une hyperplasie des quatre glandes, en réponseà une hypocalcémie chronique, comme on peut enobserver au cours des carences en vitamine D, desmalabsorptions d’origine digestive, chez lesgastrectomisés... En fait, l’essentiel des problèmesthérapeutiques se rencontre au cours desinsuffisances rénales. Plus de 22 000 patients sontactuellement dialysés en France.

‚ Physiopathologie

La physiopathologie de l’hyperparathyroïdismeau cours de l’insuffisance rénale [1] est schématiséedans la figure 2.

‚ Manifestations radiologiques

Les signes radiologiques de l’ostéite fibreuse sontexposés dans le tableau V.

‚ Principes thérapeutiques

Au cours de l’insuffisance rénale, les mesures deprévention de l’hyperparathyroïdisme secondairedoivent être prises précocement, dès que la filtrationglomérulai re baisse en dessous de60 mL/min/1,73 m2, afin d’éviter, dans la mesure dupossible, l’hyperplasie des parathyroïdes.

Diététique

Chez les patients ayant une insuffisance rénalemodérée, la réduction des apports en phosphoreréduit l’hyperparathormonémie. Les apportsalimentaires en phosphore (1,0 à 1,8 g/j)proviennent essentiellement de la viande, dupoisson, des œufs, des produits laitiers et descéréales. Ils doivent être abaissés au-dessous de1 000 mg/j chez les patients ayant une insuffisancemodérée, ce qui nécessite une réduction drastiquedes apports en protéines animales et végétales, ainsique des produits laitiers. Idéalement, ces apportsdevraient même être réduits à 600 mg/j, mais cetteréduction est insupportable pour la majeure partiedes patients, ce qui rend indispensable le recoursaux chélateurs du phosphore.

Complexants intestinaux du phosphore

L’utilisation de complexants aluminiques(carbonates ou hydroxydes) doit être évitée, même àdose modérée, en raison du risque d’apparitiond’ostéopathie adynamique. La surcharge aluminique

peut, de plus, être toxique pour le cerveau etl’érythropoïèse. Enfin, son dépistage par le test à ladesferrioxamine [8] est source d’accidents toxiques.

¶ Sels de calciumLe carbonate de calcium est le plus utilisé, car il a

l’avantage d’être alcalinisant. La posologie doit êtresupérieure à 1,5 g/j, dose à laquelle la balancecalcique des patients urémiques est positive ouéquilibrée. La posologie, adaptée individuellement enfonction de la phosphorémie, peut atteindre 4 à 7 g/j.La prise doit avoir lieu au milieu du repas afin demaximiser l’effet chélateur sur le phosphore et deréduire l’absorption du calcium. L’hypercalcémie esten effet la complication majeure de cette calcithérapie,qu’elle soit associée ou non à une vitaminothérapie D.

Le citrate de calcium est également bien toléré,mais il favorise l’absorption intestinale de l’aluminium.

Dérivés de la vitamine D

L’utilisation, à doses pharmacologiques, de la 1,25(OH)2 D est abandonnée du fait de la rémanence deson action hypercalcémique. Cependant, chez lesdialysés présentant des taux bas de 25 OHvitamine D, la supplémentation avec de la vitamineD2, D3, ou de la 25 OH vitamine D à dosephysiologique (800 UI/j ou 10 µg/j) est de règle.L’utilisation des dérivés 1-alpha-hydroxylés se heurteau fait qu’ils augmentent l’absorption intestinale ducalcium et du phosphore. Ils sont utilisés à la phase deprédialyse de l’insuffisance rénale à faibles doses enraison du risque d’hypercalcémie et d’hypercalciurie,sans qu’il existe de certitude quant à la supériorité dece traitement par rapport à un traitement par lecarbonate de calcium. Chez les dialysés, l’existenced’une relation étroite entre le taux de parathormone1-84 et les lésions histologiques osseuses [4] permet deschématiser les indications des dérivés 1-alpha-hydroxylés de la vitamine D.

Dans les cas d’hyperparathyroïdies sévères(parathormone à plus de dix fois la normale), laphosphorémie et la calcémie étant contrôlées(chélateurs du phosphore, composition du bain dedialyse), le traitement comporte des dosesquotidiennes de 0,25 à 2 µg/j de calcitriol ou de 0,5à 4 µg/j de 1-alpha-(OH) D3. La supériorité del’administration intermittente orale ou intraveineusedes dérivés 1-alpha-hydroxylés, par rapport à uneadministration continue, n’a pas été démontrée.

Lorsque les taux de parathormone sont entre troiset six fois ceux de la normale, l’indication dutraitement doit être discutée, en particulier si lesexamens successifs mettent en évidence uneaugmentation progressive de ce taux. Lorsque letaux de parathormone est situé entre une fois etdemie et trois fois la normale, il n’y a pas d’indicationà un traitement qui, en freinant la parathormone,risque d’induire une ostéopathie adynamique. Enfin,lorsqu’un patient a une parathormone dans leslimites des valeurs normales, son turnover osseuxest a priori normal, et il n’y a pas d’indication àl’administration d’un dérivé 1-alpha-hydroxylé.

Parathyroïdectomie

Les indications de la parathyroïdectomie sontschématisées dans le tableau VI. Dans la période

Tableau IV. – Mesures proposées à des pa-tients ayant une hyperparathyroïdie primaire(HPT 1) modérée, (hypercalcémie voisine de2,8 mmol/L), refusant une interventionchirurgicale.

Apports calciques normaux pour éviter d’accroîtrela déminéralisation osseuse

Assurer une diurèse abondante : se méfier des épi-sodes de diarrhée et de vomissements

Apprendre au patient la symptomatologie évoca-trice d’hypercalcémie aiguë ;

Surveillance biologique régulière (rein +++)

Mesure de densité osseuse lors du diagnostic, répé-tée 2 ans plus tard

Traitement de toute hypertension artérielle ; traite-ment œstrogénique substitutif

Pas de diurétique thiazidique, pas de digitaline ;surveillance biologique en cas de prise dethéophylline

Réduction de la masse néphronique Carence en 25 OH vitamine D

Baisse de l'activitéde la 1-alpha-hydroxylase

Acidose

Rétention de toxines urémiques

Rétention de phosphore

Baisse de la 1,25 (OH)2 DCarence d'apportscalciques

Baisse du calcium ionisé

Augmentation de la parathormone

2 Mécanismes princi-paux de l’hypersécrétionparathyroïdienne au coursde l’insuffısance rénale.

Tableau V. – Les signes radiologiques de l’os-téite fibreuse.

Augmentation de la résorption osseuseSous-périostée :- bord radial 2e phalange des 2e et 3e doigts- houppes phalangiennes- crâne : aspect « poivre et sel »Amincissement des corticalesAspect flou de l’os trabéculaire

OstéoscléroseAugmentation de la densité des plateaux verté-braux : aspect en « maillot de joueur de rugby »

Calcifications des tissus mousPériarticulaires et vasculairesPlus rarement viscérales (poumon, cœur) etcutanées

Hyperparathyroïdie - 3-0510

3

Page 24: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

postopératoire, il faut se méfier de la survenue possibled’hypocalcémies majeures dues au « syndromed’avidité osseuse », qui peuvent provoquer des crisesconvulsives. Ces crises peuvent survenir dans les 24 à36 heures qui suivent l’intervention, mais peuvent êtreplus tardives (3 à 4 semaines), volontiers dans lesheures qui suivent une dialyse. Le traitement nécessiteune calcithérapie, administrée dans un premier tempspar voie veineuse, et l’administration de dérivés1-alpha-hydroxylés de la vitamine D, sous contrôlerégulier de la calcémie, de la phosphorémie et de lamagnésémie. Le traitement de l’hyperphosphorémien’est pas indiqué dans cette situation, car il risqued’accentuer l’hypocalcémie.

Flavien Oberlin : Ancien chef de clinique-assistant.Anne-Claude Koeger : Praticien hospitalier.

Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Oberlin et AC Koeger. Hyperparathyroïdie.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0510, 1998, 5 p

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Tableau VI. – Indications de la parathyroïdectomie au cours de l’insuffisance rénale (d’après[1]).

Indications absolues

Hypercalcémie + hyperphosphorémie induites par le traitement médical avec parathormone élevée (plus desept fois la normale), après élimination des autres causes d’hypercalcémie et en particulier d’une intoxica-tion par l’aluminium

Nécrose ischémique cutanée des extrémités en rapport avec une calciphylaxie

Indications relatives

Ostéite fibreuse incomplètement contrôlée par le calcitriol

Prurit rebelle avec taux élevé de parathormone

3-0510 - Hyperparathyroïdie

4

Page 25: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Hypoparathyroïdie

F Oberlin, AC Koeger

L e terme d’hypoparathyroïdie recouvre un groupe de syndromes métaboliques associant une hypocalcémie etune hyperphosphatémie. Deux grands types sont schématiquement opposés : les hypoparathyroïdies vraies,

qui résultent de l’absence ou de l’insuffisance de la sécrétion parathyroïdienne, et les pseudohypoparathyroïdies, liéesà un défaut de l’action de la parathormone. Il en existe plusieurs types.© Elsevier, Paris.

■Physiopathologie

de l’hypocalcémie

Le calcium sérique existe sous trois formes : ionisé(50 %), lié à des ions phosphates ou citrates (10 %),et lié aux protéines (40 %). La concentration sériquedu calcium ionisé est maintenue, dans des limitesétroites, par la parathormone et la 1,25 (OH)2 D3.Lors d’une baisse du calcium ionisé, la sécrétion de laparathormone est régulée par un récepteurcalcium-sensible situé à la surface des cellulesparathyroïdiennes. La parathormone ainsi sécrétéeprovoque, en quelques minutes, une augmentationde la réabsorption tubulaire du calcium, uneaugmentation de l’activité des ostéoclastes et, en 1 à2 jours, une augmentation de l’absorption intestinaledu calcium par le biais du système vitaminique D. Laparathormone exerce ses effets sur l’os et le rein parl’intermédiaire d’un même récepteur spécifique. Cerécepteur est couplé, par l’intermédiaire de Gprotéines (protéines guanosine-dépendantes), à des

molécules effectrices, parmi lesquelles l’adénylcy-clase, dont la stimulation entraîne la formationd’adénosine monophosphorique cyclique (AMPc).Une hypocalcémie pouvant s’accompagner demanifestations cliniques peut survenir si laproduction de parathormone ou de 1,25 (OH)2 D3

est déficiente, ou s’il existe une altération au niveaudes organes cibles [8].

■Manifestations cliniques

Il n’existe pas de corrélation stricte entrel’importance de l’hypocalcémie et l’existence demanifestations cliniques. Certaines hypocalcémieschroniques n’occasionnent que peu ou pas desymptômes, et sont des découvertes d’examenssystématiques. Les manifestations mineures sontconstituées de paresthésies péribuccales, dedysesthésies des extrémités, de crampes

musculaires, de fatigue, d’irritabilité et d’anxiété. Desmanifestations neurologiques peuvent êtrerencontrées : spasme carpopédal, laryngospasme,crises convulsives. . . L’hypocalcémie peuts’accompagner de manifestations électriques, tantsur le plan cérébral que cardiaque. L’espace QT,corrigé pour le rythme cardiaque, peut êtreaugmenté : QTc = QT/= (R - R) 1/2 supérieur à 0,40seconde chez l’homme et 0,45 seconde chez lafemme. Le dysfonctionnement cardiaque peut allerjusqu’à l’insuffisance cardiaque réfractaire,nécessitant la correction de l’hypocalcémie.

Le caractère chronique d’une hypocalcémie peutêtre évoqué devant une raréfaction de la pilosité,une peau sèche, une hypoplasie de l’émail dentaire,une cataracte chez un sujet jeune. Enfin, peuventexister des calcifications cérébrales, à rechercher parscanner plutôt que par radiographies simples.

Les patients ayant une hypoparathyroïdie ont, enrègle, une densité minérale élevée. Parmi les patientsayant une pseudohypoparathyroïdie, ceux ayant un

Hypocalcémie Contrôle protidémie/albuminémie

En cas de perturbation du métabolisme des protéines,mesure directe du calcium ionisé

Clairance de la créatinine selon Cockroft

Dosage de la phosphatémie et de la parathormone 1-84

Hypocalcémie/hypophosphorémie Hypocalcémie/hyperphosphorémie

Parathormone normale ou hauteCarence en vitamine D

Recherche d'un déficit magnésien :– magnésium sérique + globulaire– magnésurie des 24 heures

Parathormone basseHypoparathyroïdie

Parathormone hautePseudohypoparathyroïdie

1 En présence d’une hypocalcémie, rechercher unecarence en vitamine D, une insuffısance rénale et unecarence magnésienne avant d’envisager un diagnosticd’hypoparathyroïdie ou de pseudohypoparathyroïdie.

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type Ib ont souvent une ostéopénie, voire deslésions osseuses, évoquant une hyperparathyroïdie.

■Diagnostic

Le diagnostic d’hypoparathyroïdie (fig 1) estsuspecté devant l’association d’une hypocalcémie(calcémie inférieure à 2 mmol/L) et d’unehyperphosphatémie (phosphorémie supérieure à1,7 mmol/L), en l’absence d’insuffisance rénale [3].Cependant, lors de carences profondes en calcium,magnésium ou vitamine D, des tableauxbiochimiques d’hypoparathyroïdie ou depseudohypoparathyroïdie, réversibles soustraitement, peuvent être observés, soulignantl’importance des ions Ca++ et Mg++ comme secondsmessagers intracellulaires [2]. Cette notion ne doit pasêtre oubliée dans les formes atypiques découverteschez des adultes [9].

Le dosage de parathormone 1-84 « intacte »permet, en règle, de différencier hypoparathyroïdie(parathormone basse ou indétectable) etpseudohypoparathyroïdie (parathormone élevée).

Les principales étiologies des hypoparathyroïdiesfigurent dans le tableau I.

La distinction entre les différentes formes depseudohypoparathyroïdie (tableau II) peut être faitelors d’une perfusion courte de parathormonesynthétique 1-34 [6] : les patients ayant unepseudohypoparathyroïdie de type I n’ontd’augmentation ni de l’AMPc urinaire, ni de la

phosphaturie ; ceux ayant une pseudohypoparathy-roïdie de type II ont une réponse en AMPc, mais pasde modification de la phosphaturie.

L’existence, à côté du syndrome biochimiqueévocateur de pseudohypoparathyroïdie, d’unedysmorphie d’Albright (petite taille, faciès lunaire,brachydactylie, ossifications hétérotopiques,hypoplasie de l’émail dentaire, retard mental) et derésistances hormonales multiples (hypothyroïdie,hypogonadisme. . . ) , es t en faveur d’unepseudohypoparathyroïdie de type Ia.

■Traitement

‚ Traitement de la crise aiguëhypocalcémique de l’adulte

Il se fait par l’injection par voie intraveineuse lente(3 à 5 min) d’une ampoule de glubionate de calcium(Calcium Sandozt), ou de galactogluconate decalcium (Calcibronatt). Ce traitement peut êtrepoursuivi sous la forme d’une perfusion de sérumglucosé à 5 % contenant 3 à 10 g/j de calcium.

Le traitement de l’hypoparathyroïdie et despseudohypoparathyroïdies est, sauf exception, untraitement à vie. Son but est de maintenir le tauxsérique de calcium ionisé dans les limites normales,sans hypercalciurie, et, au cours des pseudohypopa-rathyroïdies, de ramener le taux de parathormone àla normale.

‚ Sels de calcium

L’apport de calcium per os (1 à 2 g/j) estnécessaire, au début du traitement. Il est souventutile par la suite en raison de la fréquence descarences d’apports calciques, afin de maintenirceux-ci au voisinage des apports recommandés. Lecarbonate de calcium est un peu moins cher et bienabsorbé au niveau intestinal, mais on peut utiliser dugluconolactate ou du citrate de calcium. Ce dernieraurait l’avantage d’être mieux absorbé en casd’achlorhydrie absolue. Seul le phosphate tricalciquene paraît pas adapté au trai tement del’hypoparathyroïdie.

Les associations de calcium et de vitamine D n’ontaucun intérêt dans cette pathologie, leur contenu envitamine D étant trop faible.

‚ Vitamine D

Le traitement des hypoparathyroïdies fait appelaux dérivés de la vitamine D ; le traitement parparathormone 1-34 synthétique n’est actuellementqu’expérimental [10].

Le traitement au long cours, par des dérivés non1-α-hydroxylés (ergocalciférol ou colécalciférol), estpossible mais peu utilisé en raison des fortes dosesnécessaires, de la toxicité potentielle du fait d’unedemi-vie longue et de l’absence d’effet direct sur lasécrétion parathyroïdienne.

Deux produits 1-α-hydroxylés sont disponibles :– l’alfacalcidol : Un-Alfat [1-α-(OH) D3], disponible

en gouttes (1 goutte : 0, 10 µg) ou sous forme decapsules à 0, 25 et 1 µg ;

– le calcitriol : Rocaltrolt (1,25 dihydroxycholécal-ciférol [1,25 (OH) 2 D3]) disponible sous forme decapsules à 0, 25 µg.

Bien qu’il s’agisse de dérivés 1-α-hydroxylés, ils nesont pas équivalents : le passage éventuel d’undérivé à l’autre doit être entouré d’une surveillancebiochimique étroite.

Le traitement doit être débuté à dose faible(0,5 µg/j en 2 prises), sous contrôle hebdomadaire dela calcémie, de la phosphorémie et de la calciurie des24 heures. Un palier d’1 semaine permet d’attendrel’effet maximal du traitement avant de décider d’unenouvelle augmentation de la posologie.

L’objectif thérapeutique est de maintenir lacalcémie au-dessus de 2 mmol/L, ce qui assure ladisparition des phénomènes d’hyperexcitabiliténeuromusculaire et permet la disparition de lamajorité des manifestations cliniques, avec unecalciurie inférieure à 10 mmol/24 h. En effet, lacalciurie s’élève dès que la calcémie dépasse2 mmol/L, et ce de façon plus nette chez les patientsayant une hypoparathyroïdie vraie que chez ceuxayant une pseudohypoparathyroïdie, du fait de laréduction plus ou moins marquée de l’action de laparathormone sur l’os ou de la réabsorptiontubulaire du calcium [7]. Si le risque de lithiasecalcique est faible, celui de néphrocalcinose est réel.Lorsqu’une remontée satisfaisante de la calcémieionisée ne peut être obtenue qu’au prix d’unecalciurie supérieure à 10 mmol/24 h, l’adjonctiond’un diurétique thiazidique peut être discutée enmilieu spécialisé et sous surveillance biologiquestricte.

Du fait de la persistance d’un certain degréd’activité parathyroïdienne, la posologie moyennede dérivés de la vitamine D nécessaire pouréquilibrer un patient ayant une pseudohypoparathy-roïdie est moindre que celle des patients ayant unehypoparathyroïdie. Elle se situe en général entre 0,5et 2 µg/j pour l’alfacalcidol, comme pour le calcitriol.En cas d’élévation de la calcémie, une réduction dela dose de vitamine D est nécessaire, si la calcémiene dépasse pas 2,7 mmol/L. Si l’hypercalcémie estsévère, il faut interrompre le traitement, et ne lereprendre qu’après normalisation de la calcémie, àune dose plus faible. Grâce à ces dérivés à demi-viebrève, cette normalisation ne prend que quelquesjours.

Une fois l’équilibre atteint, les dosages sontespacés de 4 à 6 semaines pendant plusieurs mois,

Tableau I. – Principales étiologies deshypoparathyroïdies.

PostchirurgicaleToxique (alcool[5], irradiation)Déficit magnésien[2]

Infiltration (fer, cuivre, tuberculose, amylose, tu-meur...)Auto-immune (association à d’autres endocrinopa-thies)Anomalie génétique (parathormone, récepteurcalcium-sensible)Agénésie (syndrome de Di George...)Idiopathique

Tableau II. – Classification schématique des pseudohypoparathyroïdies.

Pseudohypoparathyroïdie Type Ia Type Ib Type Ic Type II

Dysmorphie d’Albright ± - + -

Réponse à la perfusionde Pth : AMPc néphrogé-nique

Diminuée Diminuée Diminuée Normale

Réponse à la perfusionde Pth : réabsorptionphosphates

Diminuée Diminuée Diminuée Diminuée

Résistances hormonales Multiples Limitées à la Pth Multiples Limitées à la Pth

Activité Gsα Diminuée Normale Normale Normale

Héritabilité Autosomiquedominante

Autosomiquedominante

Inconnue Inconnue

Pth : parathormone ; AMPc : adénosine monophosphorique cyclique.

3-0512 - Hypoparathyroïdie

2

Page 27: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

puis l’on pratique tous les 3 mois le calcul de laclairance de la créatinine, les dosages de la calcémie,de la phosphorémie et de la calciurie des 24 heures.Une surveillance annuelle de l’état du cristallin estjustifiée. Une échographie rénale à la recherche delithiase et de néphrocalcinose est nécessaire audébut du traitement, et doit être répétée au bout dequelques années. Un certain nombre d’événementsextérieurs sont susceptibles de modifier les besoinsen vitamine D (tableau III).

‚ Hypoparathyroïdie après chirurgiethyroïdienne [1]

La thyroïdectomie au cours d’une maladie deBasedow ou d’un cancer peut s’accompagner d’uneinsuffisance parathyroïdienne dans moins de 10 %des cas. Le plus souvent, elle est transitoire, liée à une

souffrance vasculaire, et ne dure que quelques jours. Sil’hypocalcémie est peu ou pas symptomatique, onpeut se contenter, les premiers jours, d’une simplesupplémentation calcique : 1 à 2 g/j.

En cas de manifestations cliniques oud’hypocalcémie sévère (inférieure à 1,8 mmol/L),l’introduction de vitamine D est nécessaire, depréférence sous forme de dérivés à demi-viecourte. Le traitement est mis en route pourplusieurs semaines. La posologie est ensuiteréduite progressivement, tant que la calcémie semaintient au-dessus de 2 mmol/L. Si la calcémiebaisse significativement parallèlement à laréduction de la posologie, l’hypoparathyroïdiepersiste. L’absence de réponse 6 mois aprèsl’intervention nous paraît signer une hypoparathy-roïdie définitive, et le patient doit être informé de lanécessité d’un traitement à vie.

Flavien Oberlin : Ancien chef de clinique-assistant.Anne-Claude Koeger : Praticien hospitalier.

Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, service de rhumatologie, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Oberlin et AC Koeger. Hypoparathyroïdie.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0512, 1998, 3 p

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Tableau III. – Sources potentielles de variationde la calcémie au cours de l’hypoparathyroïdie.

Baisse de la calcémieTraumatisme, infection (candidose digestive mé-connue +)Œstrogènes :- grossesse[4]

- début d’un traitement œstrogénique substitutifCauses médicamenteuses :- furosémide : Lasilixt- barbituriques- corticoïdes- carence en magnésium

Augmentation de la calcémieŒstrogènes :- arrêt d’un traitement œstrogénique substitutif- allaitementDiurétiques thiazidiques

Hypoparathyroïdie - 3-0512

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Page 28: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Adénomes hypophysaires

G Turpin, L Foubert, S Dejager, E Bruckert

L es adénomes hypophysaires représentent 10 à 15 % des tumeurs intracrâniennes.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les adénomes hypophysaires, tumeurs bénignesdans la grande majorité des cas, peuvent être dedimensions variables (microadénome oumacroadénome, respectivement inférieur ousupérieur à 10 mm de diamètre), sécrétants ou non.L’exploration biologique permettra de préciser la oules sécrétion (s) hormonale (s) et/ou l’insuffisanceantéhypophysaire partielle ou complète. Seul lemacroadénome entraînera un syndrome tumoralhypophysaire (céphalées, troubles visuels). Lesindications thérapeutiques dépendent du typed’adénome et feront appel selon les cas àl’intervention chirurgicale (voie haute sous-frontaleou surtout dans la majorité des cas voie bassetranssphénoïdale), à la radiothérapie, au traitementmédical, éventuellement combinés. La surveillancepost-thérapeutique comprendra :

– la recherche d’une récidive, toujours possible ;– la recherche d’une hypersécrétion hormonale

persistante en cas d’adénome sécrétant, nécessitantun traitement complémentaire ;

– la recherche d’une insuffisance hormonalecomplète ou partielle, nécessitant un traitementsubstitutif indéfiniment poursuivi.

■Classifications

Elles sont de deux types.

‚ Classification endocrinienne

On distingue, selon le caractère sécrétant ou nonde l’adénome (fig 1) : les adénomes nonfonctionnels, autrefois appelés « chromophobes », etles adénomes sécrétants.

Soit primitifs : chaque hormone hypophysairepeut être sécrétée :

– adénome à prolactine, responsable le plussouvent d’un syndrome aménorrhée-galactorrhéechez la femme et d’une impuissance chez l’homme ;

– adénome somatotrope, responsable d’uneacromégalie ;

– adénome corticolipotrope, responsable d’unemaladie de Cushing ;

– adénome thyréotrope, responsable d’unsyndrome thyrotoxique pur avec ou sans goitre ;

– adénome gonadotrope, rarement parlantcliniquement et biologiquement.

Les nouvelles techniques d’études in vitro,peut-être surtout l’immunocytochimie, permettentaujourd’hui d’avancer les fréquences approximativessuivantes :

– 56 % de prolactinomes (si l’on excepte lesmicroadénomes, très fréquents) ;

– 20 % d’adénomes somatotropes ;– au moins 10 % d’adénomes gonadotropes (le

plus souvent non fonctionnels) ;– 10 % d’adénomes non sécrétants ;– 3 % d’adénomes corticolipotropes et moins de

1 % d’adénomes thyréotropes.Soit secondaires, une insuffisance endocrinienne

périphérique primitive, non ou insuffisammenttraitée pendant de nombreuses années, va entraînerune augmentation de la releasing hormonehypothalamique correspondante (hormone delibération de la stimuline hypophysaire), d’oùhyperplasie de la lignée cellulaire intéressée, etéventuellement adénome secondaire. On a décrit

l ’hyperplasie ou l ’adénome thyréotrope,corticolipotrope, gonadotrope, respectivementsecondaires à une insuffisance thyroïdienne,surrénale, gonadique primitives.

Ces hyperplasies ou adénomes secondairesnécessitent seulement le traitement substitutif del’insuffisance endocrinienne primitive.

‚ Classification neurochirurgicale (Hardy)

Elles est fondée sur trois critères : le volume del’adénome, l’existence ou non d’une expansionsuprasellaire, l’existence ou non d’un envahissementde la dure-mère qui tapisse le plancher sellaire. Elleenvisage cinq stades (fig 2).

Il faut ajouter que certains adénomes sécrétantssont mixtes, les deux les plus fréquents étant lasécrétion concomitante de prolactine et de GH, etcelle de GH et de sous-unité alpha (la sous-unitéalpha des glycoprotéines étant commune auxquatre hormones : FSH, LH, TSH, hCG ; c’est lasous-unité bêta qui confère à chacune de ceshormones leur spécificité).

(Certains adénomes sont géants, véritable tumeurde la base du crâne, envahissant toutes les structuresavoisinantes [sinus caverneux, sinus sphénoïdal,fosses nasales...]).

Commande hypothalamique des hormonesantéhypophysaires

GnRH GHRH TRH VIP CRHADH

Hormoneshypothalamiquesstimulantes

SRIF DopamineHormoneshypothalamiquesfreinatrices

FSHLH

TSHGH PRLACTHβ lipotrophineβ endorphine

Hormonesantéhypophysaires

1 Commande hypothalamique des hormones antéhypophysaires.

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3-0600

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■Bilan préthérapeutique

des macroadénomes

Les circonstances de découverte sont variables :un des éléments du syndrome tumoral hypophy-saire, un tableau endocrinien (insuffisanceantéhypophysaire ou hypersécrétion hormonale),une découverte d’examen radiologiquesystématique.

Syndrome tumoral hypophysaire

Il comprend typiquement :– des céphalées : évocatrices d’une augmen-

tation de la tension intrasellaire si elles sontmédiofrontales ou bitemporales, souvent beaucoupplus banales ;

– des troubles visuels : quadranopsie temporalesupérieure au début, puis hémianopsie bitemporalehautement évocatrice, imposant une imageriehypophysaire. Il peut s’agir, moins spécifiquement,d’une simple diminution de l’acuité visuelle.

Clinique

Il faudra rechercher des signes d’hypersécrétionet/ou d’hyposécrétion antéhypophysaire : ensachant qu’un macroadénome pourra donner, enplus des signes éventuels d’hypersécrétionhormonale, une insuffisance de sécrétion des autresstimulines si, par son volume, il comprime ou détruitles autres lignées cellulaires.

¶ Recherche de signes cliniques d’hypersécrétion– De GH : c’est la dysmorphie acromégalique,

c’est-à-dire « l’hypertrophie singulière, noncongénitale, des extrémités supérieures, inférieureset céphalique » de Pierre Marie.

– De prolactine : c’est le syndrome aménorrhée-galactorrhée par action antigonadotrope dans lesexe féminin, parfois remplacé par une aménorrhéeou une oligospanioménorrhée isolées, voire des

cycles réguliers anovulatoires ; c’est l’impuissancesexuelle dans le sexe masculin, plus rarement unegynécomastie avec ou sans galactorrhée, uneinsuffisance gonadique.

– D’ACTH (ou de POMC) : c’est la maladie deCushing, avec l’hypercorticisme essentiellementmétabolique.

– De TSH : c’est un syndrome thyrotoxique purd’hypermétabolisme avec ou sans goitre, sansophtalmopathie basedowienne.

– De gonadotrophines (FSH LH) : il estexceptionnel d’avoir un tableau d’hyperstimulationgonadique. En général, le diagnostic préopératoireest celui d’adénome hypophysaire non fonctionnel,et c’est l’immunocytochimie du tissu adénomateuxqui rectifie le diagnostic.

¶ Recherche de signes cliniques d’hyposécrétionC’est au maximum le tableau de panhypopituita-

risme avec la classique triade « pâleur, dépilation,dépigmentation ». Il peut s’y associer des signes plusspécifiques d’insuffisance thyréotrope (frilosité,constipation, crampes...), d’insuffisance corticotrope(asthénie , hypotension. . . ) , d ’ insuffisancegonadotrope (aménorrhée sans galactorrhée, nibouffées de chaleur dans le sexe féminin,impuissance, régression des caractères sexuelssecondaires et atrophie testiculaire dans le sexemasculin). Il n’y a pas, en général, d’amaigrissement.Il n’y a pas non plus de diabète insipide lors du bilanpréthérapeutique.

Biologie

Biologiquement, il faudra rechercher des signesd’hypersécrét ion et/ou d’hyposécrét ionantéhypophysaire.

Dans le cas d’un macroadénome, tous les axesstimuliniques doivent être testés.

¶ Pas de signe d’orientationS’il n’y a aucun signe clinique d’orientation en

faveur d’une hypersécrétion hormonale, on

recherchera surtout une insuffisance antéhypophy-saire en sachant que toutes les combinaisons sontpossibles, associant les déficits thyréotrope,cort icotrope, gonadotrope, somatotrope,prolactinique pour donner au maximum lepanhypopituitarisme :

Trois examens ont une valeur d’orientation :– l’hémogramme qui révèle une anémie

normochrome ou hypochrome, normocytaire ;– l’ionogramme sanguin qui objective une

hyponatrémie parfois très sévère avec normo- ouhypokaliémie, secondaire le plus souvent à unehémodilution par syndrome de sécrétioninappropriée d’ADH ;

– il existe souvent une hypoglycémie, parfoisprofonde, pourtant bien tolérée, secondaire à lacarence en deux hormones antéhypophysaireshyperglycémiantes (la GH, l’ACTH via le cortisol).

L’étude endocrinienne, dans ces macroadé-nomes, doit être complète, en sachant que le déficithormonal peut être progressif, atteignantsuccessivement : la fonction somatotrope, lapremière touchée ; c’est ensuite la LH, la FSH, la TSH,puis l’ACTH ; la prolactine reste souvent longtempsintacte.

La fonction thyréotrope sera explorée par ledosage de T4 libre (voire de T3 libre, en sachant quecette hormone est physiologiquement basse chez lesujet âgé), de TSH à l’état basal et sous stimulationpar TRH.

La fonction corticotrope sera explorée par ledosage de cortisolémie et d’ACTH à l’état basal à8 heures du matin à jeun, le dosage dans les urinesdes 24 heures du FLU et des 17 OH urinaires. S’il n’ya pas de contre-indication (sujet âgé de moins de65 ans, cortisolémie à 8 heures non inférieure à5 µg/100 mL), un dosage de F, voire d’ACTH, seraeffectué sous stimulation par hypoglycémieinsulinique. Ce test, s’il existe une contre-indication,pourra être remplacé par une stimulation de F par leSynactènet ordinaire.

La fonction gonadotrope sera explorée par ledosage d’estradiol (E2) chez la femme nonménopausée et de testostérone chez l’homme, etpar les dosages de FSH et LH de base et sousstimulation par LH-RH.

La fonction somatotrope sera explorée par ledosage de GH de base et éventuellement soushypoglycémie insulinique et celui d’IGFI.

La fonction prolactinique sera explorée par ledosage de PRL de base et sous stimulation par TRH.

Il faut savoir que l’on peut coupler les tests, et faireen une seule matinée les tests au TRH, au LH-RH et àl’hypoglycémie insulinique.

Au terme de tous ces examens, si l’on notel’intégrité ou un déficit partiel ou global desstimulines hypophysaires, il y a de fortes chancespour qu’il s’agisse d’un adénome non fonctionnel.

¶ Éléments cliniques d’orientationS’il y a un élément clinique d’orientation en faveur

d’une hypersécrétion hormonale, on fera lesexamens nécessaires pour déterminer le type decette hypersécrétion (unique ou mixte) et pourrechercher d’éventuels déficits des autres stimulineshypophysaires.

Normale

Normale

Élargie

Élargie

Élargie

Lésion de quelques mmau sein de l'hypophyse

Microadénome< 10 mm

Macroadénome> 10 mmenclos

Macroadénomeavec envahissementlocalisé du plancher

Macroadénome avecenvahissementdiffus du plancher

0

I

II

III

IV

Extension suprasellaire

A B C

Selleturcique

Adénomes Grades

2 Classification radioanatomique des adénomes hypophysaires.

3-0600 - Adénomes hypophysaires

2

Page 30: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

– En cas de suspicion de prolactinome : on feraun dosage de PRL à l’état basal, la valeur normaleétant inférieure à 18 ng/mL chez l’homme, à 20 ou25 ng/mL chez la femme, et sous stimulation parTRH. Dans 80 à 90 % des cas, il n’y a pasd’augmentation de la PRL, c’est-à-dire pasd’augmentation supérieure à 100 % par rapport autaux de base. Ce test est fondamental, et permetsouvent d’él iminer les autres ét iologies(hyperprolactinémie d’origine hypothalamique,iatrogène...).

– En cas de suspicion d’adénome somatotrope :on fera un dosage de GH à l’état basal (valeurnormale inférieure ou égale à 5 ng/mL), au coursd’un cycle nycthéméral et sous épreuved’hyperglycémie provoquée par voie orale. Chez lesujet normal, la GH descend au-dessous de 2 ng/mL2 heures après la prise orale de 75 ou 100 g deglucose, la GH n’étant pas freinée en cas d’adénomesomatotrope. L’IGFI est élevée. Il existe enfin, dans75 % des cas environ, une réponse paradoxale de laGH sous TRH.

– En cas de suspicion d’adénome corticolipotrope(il s’agit d’un microadénome dans plus de 80 % descas) : il faut d’abord affirmer le diagnosticd’hypercorticisme non freinable par un cyclenycthéméral de F et ACTH (le cycle est aboli, F etACTH sont tous deux élevés ou du moins l’ACTH esttrop élevée pour le taux de cortisolémie), un dosagede FLU et 17 OH dans les urines des 24 heures (tousdeux augmentés), l’absence de freinage de F à 8heures du matin après la prise la veille à 23 heuresde 1 mg de dexaméthasone (DXM) (test de freinageminute). Il faudra ensuite préciser l’étiologiehypophysaire de cet hypercorticisme en faisant danscet ordre deux tests de stimulation (CRF etMétopironet), puis un test de freinage fort à 8 mg deDXM par jour pendant 2 jours. Le microadénomecorticolipotrope est typiquement caractérisé par untest au CRH positif avec augmentation de ACTH et F,un test à la Métopironet explosif avec élévationimportante des 17 OH, un freinage fort positif. Lemicroadénome responsable est parfois tellementpetit qu’il n’est pas visible à l’imagerie par résonancemagnétique (IRM). C’est pourquoi il a été proposédes tests très sophistiqués comme le dosagepréopératoire de F et ACTH de base et sousstimulation par CRH dans les deux sinus pétreuxinférieurs ou le dosage peropératoire de F et ACTHdans les sinus caverneux.

– En cas de suspicion d’adénome thyréotrope :on fera un dosage de FT3, FT4, TSH (la TSH est tropélevée pour les taux périphériques de T3 et T4), undosage de TSH sous TRH (le taux reste impavide), undosage de sous-unité alpha (le rapport molairealpha/TSH étant supérieur à 1, ce qui permetd’éliminer le syndrome de résistance aux hormonesthyroïdiennes, seule autre pathologie pouvantentraîner une augmentation de FT3, FT4 et TSH). Lesanticorps antirécepteurs TSH (TRAK) sont négatifs.

– En cas de suspicion d’adénome gonadotrope(mais le diagnostic est exceptionnellement fait avantl’intervention chirurgicale et l’examen immunocyto-chimique) : on fera un dosage d’E2 chez la femme,

de T chez l’homme, de FSH et LH de base et sousLH-RH. La sous-unité alpha peut être élevée à l’étatbasal et sous TRH.

– Il est enfin de bonne règle de rechercher unenéoplasie endocrinienne multiple de type I(syndrome de Wermer) qui associe typiquement unadénome hypophysaire (à PRL, à GH, mixte PRL +GH, voire corticolipotrope), une hyperparathyroïdieprimitive (par adénome, hyperplasie, hyperplasieadénomateuse), une pathologie pancréatique(gastrinome avant tout, mais il peut s’agird’insulinome, de glucagonome, de somatos-tatinome, de vipome, de PPome...). On décritégalement des adénomes thyroïdiens et desadénomes surrénaliens sécrétants ou non, descarcinoïdes.

■Cas particulier

des microadénomes

La maladie de Cushing est liée, dans la grandemajorité des cas, à un microadénome corticolipo-trope. Les autres types de microadénomes, nonfonctionnels ou fonctionnels, sont exceptionnels endehors du microprolactinome.

Il n’est pas nécessaire en cas de microadénome(diamètre inférieur à 10 mm) d’explorer les autresfonctions antéhypophysaires qui seront conservées.

En revanche, le microadénome à prolactine estfréquent et pose véritablement un problème à part :sa fréquence chez la femme est estimée à 0,1 %, lesautres étiologies des hyperprolactinémies étantsurtout d’origine iatrogène ; de nombreuxmicroprolactinomes ne sont pas parlantscl iniquement ; i l existe des microlésionshypophysaires banales (soit kystiques, soitadénomateuses non fonctionnelles...) comme il enexiste au niveau de la thyroïde, de la surrénale... ;son risque de progression tumorale chez despatientes non traitées est de 6,9 % sur 5 ans.Autrement dit, dans 93,1 % des cas, le microprolac-tinome reste, en l’absence de traitement et au boutde 5 ans, un microprolactinome. Une hyperprolacti-némie de base au-dessus de 300 ng/mL signe lediagnostic de microadénome à prolactine même sil ’ imagerie est normale, de même qu’uneaugmentation plus modérée de la prolactine nonstimulable par TRH.

■Traitement

‚ Méthodes thérapeutiques

On dispose aujourd’hui de plusieurs méthodesthérapeutiques.

Chirurgie

Voie haute sous-frontale ou surtout voie basseororhinoseptale trans-sphénoïdale dans plus de90 % des cas. Cette voie basse est beaucoup moinstraumatisante, la mortalité opératoire est presquenulle. Les complications sont beaucoup moins

fréquentes qu’avec la voie haute et se résument àl’effraction méningée avec fistule de liquidecéphalorachidien et risque de méningite, prévenupar la reconstruction du plancher sellaire et lecomblement du vide laissé par l’exérèse tumorale. Lediabète insipide postopératoire est rare et souventtransitoire (simple traumatisme de la posthypo-physe). Les blessures de la carotide, les sinusites, lesmucocèles, les perforations septales sontexceptionnelles avec un neurochirurgien entraîné.

Radiothérapie

Soit radiothérapie conventionnelle : 50 à 60 Gysont délivrés en 5 à 6 semaines, à raison de5 séances par semaine, sans dépasser 2 Gy parséance. On utilise des photons gamma ou X de2,30 meV.

Soit radiochirurgie, méthode récente utilisant lerepérage tridimensionnel de la lésion à traiter partechnique stéréotaxique. Ceci permet de délivrer desdosages de rayonnement importants tout enépargnant les structures avoisinantes. Sil’implantation stéréotaxique d’un isotope radioactif(Yttrium 90, Or 198, Iridium 192) n’est plus guèreutilisée, certains auteurs ont recours aux faisceaux departicules lourdes alpha ou à la radiothérapiemultifaisceaux à partir d’une émission gammaadministrée par de multiples portes d’entrée.

Le risque de la radiothérapie est l’insuffisanceantéhypophysaire, partielle ou globale, pouvantsurvenir jusque 5 à 10 ans après la fin du traitement.En revanche, la nécrose radique ne se voit plusguère dans les centres spécialisés. Un âge supérieurà 65 ans est une contre-indication à ce traitement.

Traitements médicaux

Ce sont les agonistes dopaminergiques dans lesprolactinomes, les analogues de la somatostatinedans les adénomes somatotropes.

‚ Indications thérapeutiques

Elles dépendent du type de l’adénome.

Adénome non fonctionnel

L’indication d’une exérèse chirurgicale (par voiebasse) est en général envisagée, une radiothérapiecomplémentaire étant réservée aux cas d’exérèsetrès incomplète ou aux récidives.

Prolactinome

L’intervention chirurgicale première ne se discutequ’en cas de microadénome ou de macroadénomeenclos. En revanche, un adénome invasif avec ousans expansion suprasellaire (ou latérale, ouinférieure) nécessite un traitement médical depremière intention. On a le choix entre :

– la 2 bromo-ergocriptine ou Parlodelt(comprimés à 2,5 mg et gélules à 5 et 10 mg) ;

– le mésilate de bromocriptine ou Parlodel lart(ampoules de 50 mg, 1 injection/mois) ;

– le lisuride ou Doperginet (comprimés à 0,2 mget 0,5 mg) ;

– la quinagolide ou Norprolact (comprimés à 25,50 lg pour initier le traitement, puis 75 ou 150 lg).

Les trois premiers sont des dérivés de l’ergot deseigle et donnent des effets secondaires : nausées,

Adénomes hypophysaires - 3-0600

3

Page 31: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

vomissements, sensations vertigineuses parhypotension orthostatique. Il est de bonne règle dedébuter le traitement par 1/2 comprimé à 2,5 mg deParlodelt le soir au coucher, et d’augmenter ensuitetrès progressivement la dose jusqu’à normalisationde la prolactinémie. Bien souvent 5 mg/j deParlodelt suffisent, mais des adénomes géantspeuvent nécessiter des posologies jusqu’à 50 mg/j.D’une façon générale, les prises au milieu des repaset au coucher améliorent la tolérance. La grossessen’est pas une contre-indication, mais le traitement nesera poursuivi qu’en cas de macroadénome. Dans10 % des cas environ, il existe une résistance à cetraitement. La résistance à la bromocriptine se définitpar l’absence de normalisation de la PRL et/oud’involution tumorale sous 15 mg/j au bout de3 mois de traitement. Le Norprolact est alorssouvent efficace.

Dans le microprolactinome, la normalisation de laPRL est obtenue dans environ 70 à 75 % des casavec restauration de cycles ovulatoires et disparitionde la galactorrhée. Mais la guérison définitive nes’observe quasiment jamais avant 4 ans detraitement, et parfois beaucoup plus, et ne dépasseguère 20 % des cas.

Dans le macroprolactinome, l’effet antihormonalse double d’un effet antitumoral dès les premièressemaines du traitement. En particulier l’expansionsuprasellaire réagit très vite au traitement, dans les10 premiers jours. Ainsi, un macroprolactinome avecexpansion suprasel la i re et compressionchiasmatique est une urgence médicale, et nonchirurgicale. L’indication d’une exérèse chirurgicalepourra éventuellement être secondairement posée,mais le traitement médical peut lui aussi êtrepoursuivi, l’effet antitumoral pouvant se poursuivre àlong terme.

Adénome somatotrope

Il s’agit en règle générale d’un macroadénome.Dans les rares cas de microadénome, l’exérèsesélective par voie trans-sphénoïdale s’impose.

Le traitement de l’adénome somatotrope s’estenrichi de médicaments efficaces : non pas tellementla bromocriptine (qui nécessite 3 à 4 prisesquotidiennes, des doses supérieures à 10 mg/j), maisles analogues de la somatostatine. Le SRIF inhibe lasécrétion d’insuline, de glucagon, la sécrétionpancréatique externe. L’octréotide (Sandostatinet)possède 8 acides aminés (au lieu de 14 pour le SRIF),a une action inhibitrice de la GH 45 fois plusimportante et nettement moindre sur l’insuline, leglucagon, la sécrétion pancréatique externe. Il se fixesur les récepteurs hypophysaires du SRIF et inhibe lasécrétion de GH. On dispose actuellement del’octréotide par voie sous-cutanée (Sandostatinet100 µg toutes les 8 heures) et d’une forme retard(Somatulinet 30, une injection intramusculaire tousles 14, voire tous les 10 jours). Les effets secondairessont des troubles digestifs à type de diarrhée,flatulences, douleurs abdominales, et de lithiasebiliaire. L’effet antihormonal de ce traitementmédical est net, mais l’effet antitumoral moinsconstant.

De sorte que la tendance actuelle est :

– après avoir évalué la sensibilité de l’adénomepar un test aigu à la Sandostatinet, un traitementmédical préopératoire peut être indiqué. Il est parfoisnécessaire d’augmenter la posologie jusqu’à 1 000 à1 500 µg/j en trois injections quotidiennes par voiesous-cutanée ;

– l’exérèse chirurgicale par voie basse seraensuite la règle. La GH en postopératoire estinférieure à 5 ng/mL dans 60 % des cas. Mais lesvéritables critères de guérison semblent être une GHinférieure à 2 ng/mL au cours d’un cyclenycthéméral, une IGFI normale, la restauration desréponses normales de GH sous hyperglycémie ;

– en cas de non-guérison, on a le choix entre laradiothérapie et le traitement médical par unanalogue de la Somatostatinet, ou une combinaisondes deux.

Adénome corticolipotrope

Il nécessite en général : une préparation àl’intervention chirurgicale par un antistéroïdien desynthèse, aminoglutéthimide (Orimétènet), lekétoconazole (Nizoralt), le mitotane (OP’DDD) ; uneexérèse chirurgicale par voie basse après localisationradiologique ou biologique du microadénome ; une

insuffisance corticotrope postopératoire est unélément pronostique important, signant la rémission,et est constatée dans 75 % des cas ; en cas d’exérèseincomplète ou d’échec de la chirurgie, laradiothérapie est efficace dans 50 % des cas.

Ce n’est qu’en cas d’échec de ces tentativesthérapeutiques que l’on aura recours à lasurrénalectomie totale bilatérale, suivie d’untraitement quotidien et indéfiniment poursuivipar 30 mg d’hydrocortisone et 50 lg de 9alphafluorohydrocortisone.

Adénome gonadotrope et sous-unité alpha

Exérèse chirurgicale, radiothérapie en casd’exérèse incomplète, bromocriptine en cas de non-guérison sont souvent nécessaires car il s’agit devolumineux adénomes, diagnostiqués tardivement(en raison de leur expression endocrinienne pauvre)souvent par l’immunocytochimie de la pièceopératoire. Les traitements médicaux (agonistes etantagonistes du GNRH) semblent peu efficaces.

Adénome thyréotrope

Exérèse chirurgicale, radiothérapie en casd’exérèse incomplète, analogue de la somatostatinereprésentent la séquence thérapeutique habituelle.

Liste des abréviations.

✔ Hormones hypothalamiques :TRH : Thyreostimulin Releasing Hormone (hormone libérant la TSH)CRF (CRH) : Corticotrophin Releasing Factor (ou hormone)GNRH : Gonadotrophin Releasing Hormone (ou LH-RH)GHRH : Growth Hormone Releasing Hormone (ou somatocrinine)VIP : Vasoactive Intestinal PeptideADH : Hormone antidiurétiqueSRIF : Somatostatine✔ Hormones hypophysaires :TSH : Thyroid Stimulating HormoneACTH : Adreno Corticotrophin HormonePOMC : Pro-opiomélanocortineFSH % GonadotrophinesLHGH : Hormone de croissance (Growth Hormone)PRL : Prolactine✔ Hormones périphériques :– Thyroïdiennes : T3 : Tri-iodothyronine - FT3 : T3 libreT4 : Tétra-iodothyronine - FT4 : T4 libre– Surrénales : F : cortisolDHA : Déhydro-épi-androstérone et son sulfate S-DHA∆4 : ∆4 Androstènedione– Gonadiques : E2 : estradiolP : ProgestéroneT : Testostérone✔ Autres :17 OH : 17 hydroxycorticoïdes (métabolites des glucocorticoïdes)FLU : Cortisol libre urinaireIGFI : Insulin Growth Factor I (ou Somatomédine C)Sous-unitéα : commune aux 4 glycoprotéines (FSH, LH, TSH, HCG)hCG : human Chorionic GonadotrophinDXM : DexaméthasoneNEM : Néoplasie endocrinienne multiple (ou polyadénomatose)

3-0600 - Adénomes hypophysaires

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Page 32: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

■Surveillance post-thérapeutique

En postopératoire immédiat

La surveillance nécessite la recherche :

– d’une insuffisance corticotrope : vers le 8e jourpostopératoire lorsque le patient sera seulement à30 mg d’hydrocortisone par jour ;

– d’une hyponatrémie, parfois sévère, vers le 7e

jour postopératoire, par syndrome de sécrétioninappropriée d’ADH transitoire probablementsecondaire à un traumatisme de la posthypophyse.Elle sera traitée par restriction hydrique ;

– d’un diabète insipide définitif, en cas de sectionhaute de la tige pituitaire, responsable d’unedégénérescence rétrograde du faisceausupra-opticoposthypophysaire, puis des noyauxsupra-optiques et paraventriculaires.

Ultérieurement

La recherche tous les ans pendant au moins5 ans :

– d’une récidive tumorale (champ visuel, scannerou IRM) ;

– d’une insuffisance antéhypophysaire partielleou globale, qu’il faudra compenser par la L-thyroxine

à doses progressives jusqu’à 100 ou 125 c/j pour lafonction thyréotrope, 30 mg d’hydrocortisone parjour pour la fonction corticotrope, 250 mgd’Androtardylt toutes les 3 semaines chez l’hommeet traitement hormonal substitutif œstroprogestatifchez la femme en l’absence des contre-indicationshabituelles pour la fonction gonadotrope. Un simpledosage annuel de T4 libre et 17 OH permet de savoirsi la substitution thérapeutique est correcte etsuffisante ;

– d’une hypersécrétion hormonale résiduelle encas d’adénome sécrétant traité. On a alors le choixde compléter le traitement par la radiothérapie et/oule traitement médical, agoniste dopaminergique sihyperprolactinémie, analogue du SRIF sihypersomatotrophinémie.

‚ Après radiothérapie (seule ou aprèschirurgie et radiothérapie)

La même surveillance s’impose, une insuffisanceantéhypophysaire partielle ou globale pouvantsurvenir jusque 5 à 10 ans après la fin du traitement.La nécrose radique est exceptionnelle dans lesservices spécialisés.

‚ Après ou sous traitement médical

Il faut contrôler le volume de l’adénome enl’absence d’intervention chirurgicale, l’efficacité du

traitement sur l’hypersécrétion hormonale, la bonnecompensation de l’insuffisance hormonaleéventuellement associée.

‚ Problèmes particuliersEn cas d’adénome mixte, PRL et GH surtout, on

peut être amené à associer Parlodelt et analogue dela somatostatine.

En cas d’insuffisance gonadotrope, il n’y a quepeu de risque prostatique chez l’homme avant65 ans sous androgénothérapie ; chez la femme onprivilégiera les œstrogènes par voie percutanée outransdermique surtout s’il existe un reliquat tumoralhypophysaire (en association avec les progestatifshabituels non norstéroïdes).

En cas d’ insuffisance somatotrope, lacompensation à long terme par une injectionquotidienne de GH par voie sous-cutanée à la dosede 0,125 U/kg/semaine a fait la preuve de soninnocuité et de son efficacité (sensation demieux-être, disparition de l’asthénie, diminution de lamasse grasse et augmentation de la masse maigreet de la densité osseuse, amélioration desperformances intellectuelles). On se heurte au coûtélevé de ce traitement et au non-remboursementactuel. Ce traitement ne saurait être envisagé en casd’adénome somatotrope traité.

En cas de diabète insipide, on aura recours auMinirint.

Gérard Turpin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.Luc Foubert : Ancien chef de clinique-assistant.

Sylvie Dejager : Ancien chef de clinique-assistant.Eric Bruckert : Professeur des Universités, praticien hospitalier adjoint.

.Service d’endocrinologie-métabolisme 1, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Turpin, L Foubert, S Dejager et E´ Bruckert. Adénomes hypophysaires.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0600, 1998, 5 p

R é f é r e n c e s

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Adénomes hypophysaires - 3-0600

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Diabète insipide central

S Dejager, L Foubert, P Presberg, S Gerber, G Turpin

L e diabète insipide (DI) est la conséquence d’une incapacité rénale à concentrer les urines se traduisant par unepolyurie hypotonique. On distingue le diabète insipide central dû à un déficit en vasopressine (AVP) et sensible

au traitement par un analogue de l’AVP, du diabète insipide neutrogénique où l’hormone est présente mais inefficacedu fait d’une résistance rénale à son action. Le diagnostic clinique est confirmé par le test de restriction hydrique quipermet de classer correctement 90 % des DI. Le diagnostic étiologique des diabètes insipides centraux, en dehorsd’un contexte chirurgical ou post-traumatique évident, repose sur un examen clé : l’imagerie par résonancemagnétique (IRM). Le traitement est univoque et toujours efficace, basé sur l’administration, par voie endonasale, del’hormone.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le DI est caractérisé par un syndrome polyuropoly-dipsique, avec polyurie primaire, comportant un risquede déshydratation. La polyurie est hypo-osmolaire(moins de 200 mOsm/kg d’eau) : l’urine est claire,diluée et « insipide », à la différence de la polyurieosmotique du diabète sucré. La soif est compensatrice.

Le diabète insipide central (DIC) est secondaire à undéficit absolu ou relatif en AVP (arginine vasopressineou hormone antidiurétique) par atteinte hypothalamo-hypophysaire. Ce déficit est en rapport avec un défautde synthèse ou de sécrétion de l’AVP, mais peut êtredifficile à différencier, dans les formes partielles, de lapolydipsie primaire consécutive à une perturbationprimitive de la soif [5]. Au contraire, le diabète insipidenéphrogénique, en relation avec une résistance dutube collecteur rénal à l’action de l ’AVP, pose peu deproblème diagnostique et sera facilement reconnu.

■Physiopathologie du DIC

L’AVP est un peptide de neuf acides aminés, sécrétépar la posthypophyse, synthétisé par les neurones desnoyaux hypothalamiques sous la forme d’unepréprohormone. Cette préprohormone est composéed’un peptide signal, de l’AVP et d’une séquencecorrespondant à sa protéine porteuse spécifique(neurophysine ou NP II). La maturation s’effectue parun clivage progressif à l’intérieur des neurones lors de

la migration axonale jusqu’au niveau de laposthypophyse où les complexes AVP-NP II sontstockés sous forme de granules. La posthypophyse neconstitue donc qu’un lieu de stockage.

La demi-vie de l’AVP est très courte, de l’ordre de 5 à10 minutes.

Les actions physiologiques de l’AVP s’exercent parle biais de l’activation de deux grands types derécepteurs membranaires spécifiques, situés à lasurface des cellules cibles : V1 et V2, tous deux couplésaux protéines G. La liaison de l’AVP à son récepteurrénal V2 déclenche un signal intracellulaire qui rend lacellule tubulaire perméable à l’eau, grâce à lamobilisation de vésicules contenant des aquaporines.Les aquaporines sont des canaux hydriques contrôlantla réabsorption de l’eau libre ; elles appartiennent àune famille de protéines de transport récemmentclônées [1].

L’homéostasie hydrique est assurée par la soif, quirégit les entrées d’eau, et l’AVP qui régule les sorties enadaptant la réabsorption par le rein. L’AVP libéréedans la circulation agit sur les cellules tubulairesrénales : le volume des urines diminue et leurosmolarité s’élève.

La régulation de la sécrétion de l’AVP est assuréeessentiellement par l’osmolalité plasmatique, maiségalement par des stimuli non osmotiques (volémie,hypoglycémie, nausées, neurotransmetteurs etfacteurs pharmacologiques).

Un DIC complet ne survient qu’après unedestruction de plus de 85 % des neurones sécrétants.Un DIC transitoire peut accompagner toute lésion dela neurohypophyse, mais seule une atteinte hautsituée de la tige pituitaire peut engendrer un DIpermanent. Sinon, même quand les terminaisonsaxonales sont lésées, les neurones peuvent régénéreret former une néoposthypophyse ectopique au-dessusde la lésion.

Dans le DIC familial de transmission autosomiquedominante, des formes anormales de la NP IIsecondaires à une mutation du gène, entraînent uneanomalie de maturation de l’AVP. Plus de 25mutations hétérozygotes sont décrites, la plupart sesituant dans une zone de liaison de l’AVP et de laNP II [10].

Dans certains cas de DI idiopathiques, la détectiond’auto-anticorps circulants, anticellules à AVP, a faitsuggérer l’intervention d’un processus auto-immun.

■Place des explorations

complémentaires

En dehors d’un contexte urgent ou d’un contexteneurochirurgical évident, une première périoded’observation est nécessaire, avec mesure de ladiurèse (avec créatininurie pour s’assurer d’un recueilcomplet des urines de 24 heures) et de l’absorptionquotidienne spontanée. La diurèse mesurée estsupérieure à 100 mL/h chez l’adulte. La polyurie peutêtre arbitrairement définie comme discrète (2,5 à4 L/24 h), modérée (4 à 6 L/24 h) ou sévère (>6 L/24 h).

Le bilan initial d’une polyurie comprend uneglycémie, une bandelette urinaire, une calcémie et unionogramme sanguin et urinaire. L’interrogatoire, suivide ces examens simples, permet d’éliminer facilementles polyuries osmotiques du diabète sucré et les formesacquises de DI néphrogénique, notamment iatrogène(cf : Diagnostic différentiel et figure 1).

Le premier élément du diagnostic positif estd’authentifier le caractère hypotonique des urines.Celui-ci est démontré par la densité urinaire, inférieureà 1 005, et l’osmolalité urinaire, inférieure à 200mOsm/kg d’eau ou inférieure à l’osmolalitéplasmatique (normale ou élevée). La clairance de l’eaulibre calculée est positive.

L’examen paraclinique essentiel pour le diagnosticpositif de DI est ensuite le test de restriction hydrique.Ce test étudie les capacités maximales deconcentration du rein.

Le dosage radio-immunologique de l’AVPplasmatique reste accessoire (le dosage de ce peptide

Les pathologies de la soif, associées àdes polyuries massives, avaient déjàintrigué nos prédécesseurs médecins :c’est à la fin duXVIII e siècle queW Cullen a opposé le « goût de miel »des urines du diabète sucré, del’absence de goût des urines du DI.

CF H2O = V (1 - U / P)CF H2O : clairance de l’eau libre.V : volume urinaire.U : osmolalité urinaire.P : osmolalité plasmatique.

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très fragile est délicat et rarement décisif, card’interprétation difficile en fonction de l’osmolalitéplasmatique).

Les critères de l’interprétation de l’épreuve sontdonnés dans le tableau I.

La restriction hydrique permet le diagnostic de90 % des polyuries hypotoniques. Toutefois, ladistinction entre DIC partiel et polydipsie primaire (PP)ancienne reste parfois difficile. Dans les cas douteux,d’autres épreuves pourront être pratiquées, enl’absence de contre-indications.

Le test de stimulation par perfusion saléehypertonique (5 %) montre une réponse de l’AVPnormale dans les PP, mais une stimulation insuffisantedans le DIC.

Un test thérapeutique à la dDAVP (10 à 20 µg/jpendant 15 jours) avec libre accès aux boissons peutêtre utile, sous surveillance clinique attentive. Les DICs’accompagneront d’une amélioration dessymptômes, avec réduction de la polyurie, alors que,

dans la PP, une hyponatrémie va progressivementapparaître en raison de la persistance de la potomanie,conséquence d’une véritable « intoxication par l’eau ».Les DI néphrogéniques seront inchangés.

Dans le diagnostic étiologique de DIC, l’explorationmorphologique hypothalamo-hypophysaire est très utileavec un examen clé, l’IRM. En séquence pondérée T1,l’hypersignal spontané de la posthypophyse (fig 2) a enrègle disparu, en relation avec la déplétion en granulesneurosécrétoires. L’IRM permet souvent d’établir ou desuspecter la cause, en détectant une petite tumeurhypothalamoneurohypophysaire, un épaississementisolé ou une section de tige pituitaire, ou des anomaliesparenchymateuses cérébrales [8] (fig 3, 4, 5, 6, 7).

■Diagnostic différentiel

du DI central

Une polyurie hypotonique « adaptée » peut serencontrer après perfusions de solutés hypotoniques.Elle permet l’élimination physiologique d’unesurcharge hydrique iatrogène et doit être respectée.

Une polyurie hypotonique inadaptée à l’osmolalitéplasmatique (normale ou élevée) doit faire discuterdeux diagnostics : le DI néphrogénique (DIN) et la PP.

La PP est un trouble fonctionnel de la soif. Lecontexte clinique est important pour évoquer lediagnostic. Il faudra rechercher une installationprogressive après un choc affectif ou un traumatismepsychologique, un éventuel contexte névrotique. Maisparfois aucun élément évocateur n’est retrouvé et lediagnostic est particulièrement difficile dans les formesanciennes. En effet, une potomanie ancienne peutd’une part induire un DI central car l’inflation desliquides extracellulaires entraîne une inhibition de lasécrétion d’AVP, et d’autre part diminuer l’efficacité dugradient de concentration corticomédullaire rénal.

Le DIN peut être familial ou plus souvent acquis.Contrairement aux DIC familiaux, les DIN congénitauxsont caractérisés cliniquement par l’apparition dessymptômes dès les premières semaines de vie. Deuxgrands types de mutations sont décrits à l’origine desDIN congénitaux. Le premier, de transmissionrécessive liée à l’X, est secondaire à une mutation dugène du récepteur V2, tandis que le second, beaucoupmoins fréquent, de transmission autosomiquerécessive, est en rapport avec une mutationhomozygote du gène de l’aquaporine [10].

Les formes acquises sont rencontrées dans denombreuses affections rénales (tubulopathiesinterstitielles chroniques), au cours de perturbationsmétaboliques (hypercalcémie et hypokaliémie), ousont iatrogènes, avec au premier plan le lithium.

Syndrome polyuro-polydipsique(hors contexte neurochirurgical)

ÉLIMINER :polyurie osmotique du diabète sucré

polyurie des hypokaliémiespolyurie des hypercalcémies

Polyurie hypotonique :Densité U < 1005

Osmolalité U < 200 mOsm/L inadaptée (absence d'hyponatrémie)

Osmolalité plasmatique > 288 mOsm/L

ÉLIMINER :DIN acquis iatrogène

DIN acquis sur tubulopathie interstitielle chronique

ÉPREUVE DE RESTRICTION HYDRIQUE

Polydipsie primaire Diabète insipide

1 Arbre décisionnel devant une polyurie.

✔ Test de restriction hydriqueIl doit se faire sous surveillancehoraire du pouls, de la pressionartérielle, de la diurèse et du poids etêtre obligatoirement complété, en find’épreuve, par l’administration dedDAVP pour tester la sensibilité dutubule rénal à l’AVP. La natrémie, lesosmolalités plasmatique et urinairesont dosées toutes les heures, etl’épreuve est prolongée jusqu’àstabilisation du volume, de la densitéet de l’osmolarité urinaire (en règlesur 8 à 9heures). Il peut êtreinterrompu à tout moment, en fonctionde l’état clinique, ou si la perte depoids dépasse 5 %.

Tableau I. – Critères d’interprétation de l’épreuve de restriction hydrique.

Diabète insipide central Diabète insipide néphrogénique Polydipsie primaire

Poids chute chute stable

Diurèse stationnaire stationnaire diminuée

Osmolalité urinaire stationnaire basse stationnaire basse élévation progressive< 300 mOsm/L < 300 mOsm/L > 750 mOsm/L

Osmolalité plasmatique élevée élevée stationnaire> 295 mOsm/L > 295 mOsm/L

Test thérapeutique à l’AVP positif négatif positif ( ?)

2 Hypersignal spontané normal de la posthypo-physe en IRM T1, coupe sagittale.

3 Germinome pinéal à double localisation (hypotha-lamique et pinéale).

3-0620 - Diabète insipide central

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■Diagnostic étiologique

du DI central

Le DI central familial est une affection autosomi-que dominante, d’apparition retardée dans l’enfanceet d’aggravation progressive au cours de la vie. Iln’existe pas d’atteinte antéhypophysaire associée. Letaux de vasopressine est indétectable, mais à ladifférence des DI idiopathiques, l’hypersignal de laposthypophyse en IRM est le plus souvent conservé(puisqu’il existe une accumulation progressive de

l’hormone non mature au niveau de la posthypo-physe). Ces DI sont bien sûr sensibles à l’AVPexogène [10].

Les formes acquises sont de loin les plus fréquentes,avec au premier plan les causes post-traumatiques (fig4) ou postopératoires et les formes tumorales.

Les causes tumorales sont représentées par lescraniopharyngiomes essentiellement, en raison de lafréquence dans ces tumeurs d’un développementsuprasellaire important. Le syndrome tumoral(céphalées, troubles visuels et hypopituitarisme) estsouvent présent. L’aspect morphologique est asseztypique, avec des calcifications en radiologie standard

et un aspect hétérogène en IRM, associant des partieskystiques et charnues. C’est une tumeur bénigne àcroissance lente, survenant plus souvent avant l’âgede 20 ans (fig 7).

Les autres causes tumorales comprennent lesgerminomes (tumeurs malignes mais très radiosensi-bles) s’accompagnant dans 90 % des cas d’un DI brutalet précoce [4] ; les métastases hypophysaires (sein,endomètre, prostate, poumon, côlon et mélanomes)dont le DI est dans 70 % des cas le symptôme initial, etexceptionnellement les adénomes hypophysairesinvasifs à développement suprasellaire. Dans toutesces atteintes, le DIC peut être initialement masqué parl’opsiurie de l’insuffisance corticotrope.

Le DI post-traumatique est plus fréquent chez lesvictimes d’un traumatisme crânien sévère, surtoutlorsqu’il existe une fracture de la base du crâne et de laface, avec des lésions des nerfs crâniens et un déficitantéhypophysaire. Le caractère transitoire ou définitifdépend du niveau de l’atteinte : plus elle est distale,plus la chance de récupération secondaire (parfoistardive) est élevée. L’atteinte peut être complète oupartielle selon le nombre de neurones viables restants.

Dans la chirurgie (surtout hypothalamique par voiehaute), le DI peut avoir une évolution caractéristiqueen trois phases : un DI les premiers jours par sidérationdes neurones, suivi d’une rémission avec parfoismême un syndrome de sécrétion inappropriée d’AVPau 7e jour (par libération de l’AVP stockée par lesneurones en dégénérescence), et enfin un DI souventdéfinitif.

Les causes non tumorales sont représentées par lesaffections granulomateuses ou infectieuses.

4 Section de tige pituitaire traumatique.

5 Sarcoïdose avec infiltration et grosse tigepituitaire.

6 Métastase d’un cancer du poumon.

7 Craniopharyngiome de la région hypothalamique.

S’il existe d’autres tumeursexceptionnelles de la région pouvantentraîner un DI, on peutschématiquement retenir, avant30 ans : le craniopharyngiome ou legerminome[4], et après 50 ans : lamétastase.

Diabète insipide central - 3-0620

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Un DI complique fréquemment l’histiocytose X. Lediagnostic sera facilité dans les formes systémiquesdont les autres atteintes sont à rechercher (lésionsosseuses lytiques, atteinte pulmonaire, exophtalmie).L’IRM peut mettre en évidence une tige épaissie, voireun aspect tumoral de la région hypothalamo-hypophysaire, et une disparition de l’hypersignalspontané. La sarcoïdose se complique également trèsfréquemment d’un DI dans sa forme neurologique (fig5). De même, il faut rechercher les autres atteintessystémiques cutanées, osseuses ou pulmonaires. L’IRMest l’examen clé et peut monter un épaississement dela tige mais aussi une atteinte leptoméningée etparenchymateuse cérébrale (fig 5).

Les causes infectieuses, tuberculose, toxoplasmose,ou infection à VIH, sont rares.

Certaines affect ions antéhypophysairess’accompagnent très rarement de DI.

Dans l’hypophysite lymphocytaire, le DI estretrouvé dans 5 à 15 % des cas [3]. Les hypophysitestouchent avec prédilection la femme dans la périodedu péripartum [7]. L’IRM montre une pseudotumeurhypophysaire, prenant le contraste de façonhomogène. Dans le syndrome de Sheehan, dont lediagnostic repose essentiellement sur la notion d’unaccouchement traumatique, le DI survient avec unefréquence similaire de 5 % [6]. Il en est de même dansles autres cas d’apoplexie hypophysaire, suradénomes préexistants ou non.

Enfin, reste le vaste chapitre des inclassés : les DIidiopathiques. C’est un diagnostic d’exclusion, quinécessite d’avoir soigneusement recherché toutes lescauses, notamment par IRM itératives. Le suivi et larecherche répétée d’une étiologie restentindispensables, certains DI initialement idiopathiquesétant secondairement étiquetés (affectionsgranulomateuses en particulier) [2, 4].

La grossesse est un cas particulier. Un DI peut êtreaggravé ou apparaître par inactivation plasmatique del’AVP en fin de grossesse. Dès le deuxième trimestre, lasécrétion de vasopressinase placentaire augmente laclairance métabolique de l’AVP (sécrétion x 1000 entrela 4e et la 38e semaine) [9].

■Approche thérapeutique

Le traitement du DIC complet repose surl’administration de dDAVP (desmopressine ou

Minirint) : analogue structural de synthèse de l’AVPplus stable, à action prolongée, et à activité pressivequasi nulle (analogue V2 pur). La dDAVP existe soustrois formes :

– voie injectable, sous forme d’ampoules de 1 mLdosées à 4 µg. La voie sous-cutanée est très utilisée,par exemple après une intervention neurochirurgicale,avec des posologies usuelles de 1 à 2 µg x 2/j ;

– voie nasale, qui nécessite des doses cinq à dixfois supérieures à la voie injectable car labiodisponibilité n’est que de 10 %. Elle est délivrée soiten spray, apportant 10 µg par pulvérisation, soit àl’aide d’un rhinile (cathéter gradué) avec des flacons de2,2 mL dosés à 0,1 mg/mL. La manipulation ducathéter nécessite la participation active du patient etun bref apprentissage, mais est actuellement laméthode de choix, la plus précise. Les posologiesusuelles sont de 10 à 20 µg/j chez l’adulte (soit unepulvérisation matin et soir ou 0,1 mL matin et soir) ;

– voie orale, maintenant disponible en France(Minirint comprimés à 0,1et 0,2mg), resteanecdotique. (les posologies dix fois supérieures à lavoie nasale sont nécessaires, puisqu’il s’agit d’unpeptide largement hydrolysé dans le tractus digestif).

La difficulté réside dans le traitement des patientsprésentant des troubles de la soif associés (hypo- ouadipsie par atteinte du centre hypothalamique de lasoif). Le principe est de fixer la diurèse (par exemple à2 L/24 h) avec une dose déterminée de Minirint, etd’adapter les apports hydriques pour maintenir labalance. Chez ces patients adipsiques, tous les apportsdoivent être notés sur une « feuille de route ». Unesurveillance quotidienne du poids est essentielle, ainsiqu’une surveillance hebdomadaire de la natrémie.

Il sera parfois utile de prévoir une fenêtrethérapeutique pour ne pas passer à côté d’un DItransitoire.

Dans 60 à 80 % des cas, le DI est partiel. Le Minirintpeut être utilisé à plus faible dose, mais d’autresmédicaments sont également disponibles :

Diabinèset (chlorpropamide)Il agit à la fois en stimulant la sécrétion d’AVP et en

augmentant son action au niveau rénal. La posologieinitiale est de 100 mg souvent augmentée à 250 mgou 500 mg/j et peut être efficace en une prisequotidienne. L’effet hypoglycémiant limite toutefoisson utilisation.

Lipavlont (clofibrate)Il stimule la sécrétion d’AVP, mais sa tolérance

digestive est moyenne. La posologie usuelle est de500 mg x 4 /j.

ThiazidiquesIls peuvent paradoxalement réduire la diurèse en

entraînant une déplétion sodée modérée, à laposologie de 50 à 100 mg/j. Ils diminuent la clairancede l’eau libre et, après une phase de diurèse initiale,peuvent réduire de moitié la polyurie. Souvent unrégime désodé modéré et une supplémentationpotassique associée sont nécessaires.

Tégrétolt (carbamazépine)C’est le meilleur traitement oral actuel des formes

partielles, bien toléré et efficace, à la posologie de 200à 600 mg/j. Il agit à la fois en stimulant la sécrétiond’AVP et en augmentant son action au niveau rénal.

■Conclusion

Si les syndromes polyuropolydipsiques représen-tent un motif de consultation relativement fréquent enmédecine générale, l’étiologie en sera exceptionnelle-ment un DIC. La première étape, réalisable en routine,est de diagnostiquer une polyurie hypotonique.

Hormis un contexte évocateur (chirurgical, tumoralou traumatique, une cause iatrogène de DINfacilement éliminée à l’interrogatoire du patient, ou uncontexte névrotique majeur), le diagnostic d’unepolyurie hypo-osmolaire exige une épreuve derestriction hydrique en hospitalisation, pourdifférencier un DIC partiel ou complet d’une PP.

Le diagnostic étiologique et la prise en charge d’unDIC authentifié se fera en règle en milieu spécialisé.

Sylvie Dejager : Chef de clinique-assistant.L Foubert : Chef de clinique-assistant.P Presberg : Chef de clinique-assistant.G Turpin : Professeur, chef de service.

Service d’endocrinologie-métabolisme 1, groupe hospitalier Pitié-salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.S Gerber : Attaché en neuroradiologie, service du Pr Marsault,

groupe hospitalier Pitié-salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : S Dejager, L Foubert, P Presberg, S Gerber et G Turpin. Diabète insipide central.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0620, 1998, 5 p

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La tolérance de la voie nasale estexcellente et il n’existe pas dephénomènes d’échappement au longcours. La plupart des patients sontéquilibrés par une dose toutes les12 heures, mais une dose uniqueau coucher est parfois suffisante.

3-0620 - Diabète insipide central

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Diabète insipide central - 3-0620

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Page 38: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Exploration radiologique de

la région hypothalamohypophysaire

S Gerber, L Foubert, S Dejager, C Marsault, G Turpin

L ’Imagerie par résonance magnétique est actuellement l’examen de référence pour l’exploration de lapathologie hypothalamohypophysaire.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’imagerie hypothalamohypophysaire aconsidérablement évolué ces dernières années. Lesindications de la radiologie conventionnelle (radiosstandards, tomographies, quelques indicationsd’artériographie) ont quasiment disparu au profit duscanner et surtout de l’IRM, qui s’est imposée commel ’examen de référence en pathologiehypothalamohypophysaire [1].

■Anatomie - Techniques d’imagerie

L’hypophyse est une glande de petite taille, situéeà la base du crâne dans la selle turcique ; elleprésente un volumineux lobe antérieur ouantéhypophyse (75 % de son volume), et un petitlobe postérieur en continuité avec la tige pituitaireformant avec celle-ci la neurohypophyse ouposthypophyse. Les noyaux hypothalamiques sontsitués au niveau des parois antérolatérales et duplancher du 3e ventricule.

La vascularisation de la glande pituitaire estprincipalement assurée par le système veineux portehypophysaire, mais un apport artériel direct dusiphon carotidien a récemment été démontré.L’hypophyse ne comportant pas de barrièrehématoencéphalique, le parenchyme glandulairenormal se rehausse après injection intraveineused’un produit de contraste (contraste iodé au scanner,gadolinium à l’IRM) de façon intense et homogèneavec un maximum à la 2e minute, puis la prise decontraste décroît progressivement ; compte-tenu del’architecture du système porte, le rehaussement dela posthypophyse est plus précoce que celui del’antéhypophyse. Cette cinétique de la prise decontraste de la glande est l’une des caractéristiquesexploitées par l’imagerie (coupes dynamiques descanner, séquences rapides d’IRM) pour dissocier lespetites lésions intrasellaires (microadénomes) de laglande saine : la prise de contraste de ces lésionsétant soit retardée dans la majorité des cas, soit plus

précoce pour quelques lésions de vascularisationartérielle prédominante, par rapport au tissusain [5, 9].

La petite taille de l’hypophyse impose laréalisation d’images en coupes fines (1 mmd’épaisseur au scanner, 3 mm en IRM) et avec desmatrices haute résolution pour obtenir unerésolution spatiale suffisante, actuellement de l’ordrede 0,6 à 0,7 mm sur les appareils les plus récents.

Les trois plans de coupe de l’espace sont utilisés :le plan coronal est plus particulièrement indiquépour l’étude de l’antéhypophyse et de l’hypotha-lamus, le plan sagittal est le plan de référence de laneurohypophyse et le plan axial reste indispensableau bilan préthérapeutique des volumineusestumeurs.

■Sensibilité - Spécificité

Le scanner permet le diagnostic positif de laplupart des lésions intra-, supra- ou latérosellaires.Néanmoins, la suprématie de l’IRM n’est pluscontestable ni dans le dépistage des très petiteslésions, ni dans l’appréciation du bilan d’extension [1]

principalement latéralement au sinus caverneux ; lapossibilité d’associer des séquences morphologiques(T1), de caractérisation tissulaire (T2, suppression degraisse), dynamiques (séquences rapides) etangiographiques (angio-MR) offre à l’IRM unesensibilité et une spécificité supérieures de 20 à 30 %à celles du scanner [3]. De plus la multiplicité desplans de coupe possibles en fait l’examen deréférence pour l’étude de la neurohypophyse.Cependant, l’IRM présente des contre-indicationsabsolues (pace-maker, corps étranger métalliqueintraoculaire, certains clips vasculaires) ou relatives(surpoids majeur) ; à l’opposé, il n’existe aucunecontre-indication absolue au scanner et peu decontre-indications relatives (grossesse, impossibilitéde maintenir la tête en hyperextension). En pratique,les indications du scanner sont dominées par lescontre-indications ou les impossibilités d’obtentiond’une IRM. Pendant la grossesse, il est préférable de

réaliser une IRM, le scanner n’étant pas indiqué depar ses risques d’irradiation, mais aucun produit decontraste n’est utilisé.

■Imagerie normale

L’hypophyse présente de nombreuses variationsmorphologiques physiologiques au cours de la vie etl’interprétation de l’imagerie ne peut se concevoir endehors du contexte clinique et biologique.

Chez l’adulte, la hauteur de l’hypophyse estmesurée à 6-8 mm, discrètement plus importante chezla femme mais sans modification significative au coursdu cycle menstruel. Dans la période pubertaire, unehypertrophie nette est constatée, moins importantechez le garçon que chez la fille (50 % des cas) où lahauteur hypophysaire peut atteindre 10 mm [2]. Cettehypertrophie est également constatée pendant lagrossesse (12 mm) jusqu’à la première semaine dupostpartum, au delà de laquelle l’hypophyse revient àsa taille normale indépendamment de l’allaitement.On en rapproche l’aspect convexe de l’hypophyse dunouveau-né jusqu’à 1 mois. Il est décrit une diminutionprogressive de la hauteur de l’hypophyse avec l’âgesans distinction de sexe.

Des variations physiologiques sont égalementconstatées en fonction de la morphologieanatomique de la selle turcique : plus ou moinsétroite, plus ou moins creusée, son aspect peutinfluencer le caractère plus ou moins convexe dubord supérieur de la glande hypophysaire [1]. Cetaspect « convexe » du bord supérieur de la glande estnoté dans 18 % de la population générale [2]. La tigepituitaire mesure de 1,8 à 3 mm d’épaisseur, unemesure supérieure à 4 mm étant considérée commepathologique. Sa position verticale et médiane estclassique mais inconstante et une déviation de latige est notée dans 46 % des cas physiologiques [1].

L’antéhypophyse est, de façon normale, isodenseau parenchyme cérébral (scanner) et en isosignal T1et T2 à la substance blanche cérébrale (IRM). Le lobepostérieur apparaît en hypersignal T1 : cethypersignal serait dû aux constituants phospholipi-diques de la neurophysine contenue dans lesgranules sécrétoires (fig 1). Bien que sa présence ne

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soit pas constante à l’état normal, cet hypersignal estconstamment absent en cas de diabète insipided’origine centrale.

■Pathologie

‚ Pathologie antéhypophysaire

Pathologie tumorale

¶ Adénomes hypophysairesIls sont la pathologie intrasellaire la plus fréquente

et représentent 10 à 15 % des tumeursintracrâniennes de l’adulte. Ce sont des tumeursbénignes à croissance lente, révélées par unsyndrome endocrinien en rapport avec unehypersécrétion hormonale, ou par un syndrome decompression des structures de voisinage. Leurscaractéristiques de signal sont indépendantes ducaractère sécrétoire ou non et du type d’hypersé-crétion hormonale [6]. L’imagerie présente troisgrands axes d’intérêt qui orientent la prise en chargethérapeutique.

■ Le diagnostic positif de l’adénome ; le plussouvent, les adénomes apparaissent hypodenses auscanner (fig 2), en hyposignal T1 et hypersignal T2 à

l’IRM (fig 3) [6]. Certains macro-adénomes sontspontanément hémorragiques et apparaissent alorsen hypersignal T1 (fig 4) et hyperdenses au scanner.L’injection de produit de contraste sensibilise l’aspecten T1 des microadénomes, et permet de dissocier leszones charnues des zones kystiques desmacroadénomes. Les très petites lésions (< 2 mm)sont difficiles à visualiser, d’autant plus que lesfaux-positifs existent, et une confrontationbiologique est indispensable.

■ Le bilan d’extension apprécie l’extensionsupra- ou infrasellaire, le degré de compression desvoies optiques (fig 5). L’extension de la lésion ausinus caverneux conditionne le pronostic et souventles indications thérapeutiques, même pour les petiteslésions : facile à affirmer lorsque la carotideintracaverneuse est englobée dans la tumeur,l’envahissement de la paroi interne du sinuscaverneux est beaucoup plus difficile à visualiser etn’est souvent confirmée qu’à l’examen histologi-que [4]. La liberté du sinus ne peut être certaine quelorsqu’il existe du tissu hypophysaire sain entrecelui-ci et la tumeur [4].

■ La surveillance sous traitement médical peutmontrer une régression du volume tumoral, uneliquéfaction progressive (fig 6) ou parfois unenécrose hémorragique de l’adénome. Après

traitement chirurgical, l’hypophyse saine présenteune réexpansion avec néanmoins une « cicatrice » enregard de l’adénomectomie (fig 7) ; l’analyse dufoyer opératoire est extrêmement difficile avant 4mois, de par les remaniements œdémateux etinflammatoires, le comblement de la zoned’adénomectomie par des implants de spongel oude gélatine, la réfection du plancher par des plansmusculoaponévrotiques [8], qui peuvent être àl’origine d’erreurs d’interprétation. Les reliquatslésionnels sont de localisation et signal identiques àl’adénome initial ; les récidives sont rares (12 %) etne surviennent que dans les 4 à 10 ans.

¶ CraniopharyngiomeC’est une tumeur (3 % des tumeurs intracrâ-

niennes de l’adulte) développée aux dépens deséléments embryonnaires résiduels de la poche deRathke ; sans activité hormonale, elle est révélée pardes signes compressifs sur les structures cérébralesou hypothalamohypophysaires. À la fois kystique etcharnue, parfois calcifiée ou hémorragique,l’extension suprasellaire de la tumeur est la plusfréquente (fig 8). Le pronostic fonctionnel est lourd(atteinte de la tige) et les récidives postopératoiresfréquentes.

1 IRM T1 - hypophyse normale. Hypersignal spon-tané T1 de la posthypophyse.

2 Scanner avec injection - microadénome de 4 mmde diamètre de l’aileron hypophysaire droit.

3 IRM T1-gadolinium (A) et T2 (B) - microadénome gauche de 6 mm de diamètre en hyposignal T1et hypersignal T2.

4 IRM T1 - macroadénome holosellaire. Hypersi-gnal spontané T1 de l’adénome en rapport avec unehémorragie tumorale.

5 IRM T1-gadolinium - macroadénome holosellaire.Extension suprasellaire, compression du chiasma, en-vahissement du sinus caverneux droit et englobementde la carotide droite intracaverneuse.

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On en rapproche le kyste de la poche de Rathke,principalement intrasellaire, le plus souventasymptomatique et de découverte fortuite.

¶ Autres tumeurs intrasellairesElles sont exceptionnelles : les métastases

antéhypophysaires compliquent 5 % des cancers etn’ont aucune caractéristique spécifique (fig 9). Lesabcès hypophysaires, exceptionnels, ont toujoursune origine locale (sinusite, méningite) ouhématogène et apparaissent comme une imagekystique à parois épaisses.

Atteintes non tumorales

¶ Selle turcique videSouvent asymptomatique, elle est parfois révélée

(5 % de la population) par un syndrome endocriniendéficitaire ou par une hyperprolactinémie modéréede déconnexion ; à l’IRM, la loge sellaire est occupéepar du liquide céphalorachidien (LCR) et leparenchyme très aminci (fig 10).

¶ Hypophysite lymphocytaireElle est secondaire à un désordre inflammatoire

auto-immun de la fin de grossesse ou du

6 IRM T2 (A), T1 (B), T1-gadolinium (C, D) - contrôle après traitement médical par Parlodelt d’unmacroadénome : liquéfaction et affaissement de l’adénome droit en hypersignal T2 et net hyposignal T1.

7 IRM T1 (A), T1-gadolinium (B) - aspect postopératoire : « cicatrice » d’adénomectomie gauche et expansionnormale de l’hémiselle droite.

9 IRM T1-gadolinium - Métastase antéhypophy-saire d’un cancer pulmonaire.

8 IRM T1 - crâniopharyngiome à extension supra-sellaire. Hypersignal spontané T1 en rapport avecla composante lipidique de la tumeur et isosignal T1de la portion charnue.

Exploration radiologique de la région hypothalamohypophysaire - 3-0590

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Page 41: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

post-partum ; l ’ IRM retrouve une glandevolumineuse et homogène, d’aspect triangulaire,sans adénome (fig 11) [7].

¶ Syndrome de SheehanC’est une nécrose ischémohémorragique du

postpartum, confirmée par l’IRM, sans adénome.

‚ Pathologie neurohypophysaireet hypothalamique

Les atteintes de la neurohypophyse et del’hypothalamus sont plus rares. Les manifestationscliniques en sont variables : diabète insipide (atteintede la posthypophyse), puberté précoce (tubercinereum). L’IRM note l’absence constante del’hypersignal T1 physiologique (diabète insipide) et,le plus souvent, une infiltration de la tige plus oumoins étendue au plancher du 3e ventricule et à sesparois (fig 12) . Les principales étiologies del ’ infiltration neurohypophysaire sont lesgranulomatoses (sarcoïdose, histiocytose X), lesmétastases (principalement du sein, de la prostate etdu poumon), et les germinomes souvent associés à

une atteinte pinéale. Les atteintes hypothalamiquessont plus souvent dues à des hamartomes (tuber) oudes gliomes (plancher du 3e ventricule). Les gliomesdu plancher (fig 13) surviennent souvent dans lecadre d’une maladie de Recklinghausen, soit parextension d’un gliome chiasmatique (fig 14) versl’hypothalamus, soit par atteinte primitive del’hypothalamus.

‚ Pathologie de la région sellaire

Tumeurs de voisinage

Elles peuvent s’étendre à l’hypophyse et générerdes troubles endocriniens : les méningiomes (10 %de localisation sellaire) (fig 15), les kystes dermoïdesou épidermoïdes plus infiltratifs, les chordomes duclivus. Le diagnostic différentiel avec un adénomepeut être difficile dans certaines tumeurs extensivesde la base du crâne, justifiant les dosagesbiologiques systématiques notamment laprolactinémie devant toute tumeur de la base.

Malformations vasculaires de voisinage

Ces malformations (anévrysmes du siphoncarotidien, anévrysmes géants du polygone deWillis, fistules carotidocaverneuses) en sontrapprochées (fig 16) ; leur diagnostic différentiel sefait par le scanner et l’IRM.

■Conclusion

L’IRM est actuellement l’examen de référencepour l’exploration de la pathologie hypothalamohy-pophysaire, les indications du scanner étant de plusen plus limitées. La confrontation clinico-biologico-radiologique est indispensable pour le diagnostic etla prise en charge thérapeutique.

11 IRM T1-gadolinium - Hypophysite lymphocy-taire. Hypertrophie homogène et prise de contrasteintense de la glande hypophysaire dont le bord supé-rieur est discrètement triangulaire.

12 IRM T1-gadolinium - Infiltration et élargisse-ment de la tige pituitaire et du tuber cinéreum dansle cadre d’une histiocytose X.

13 IRM T1 - astrocytome hypothalamique. Infiltra-tion du plancher du 3e ventricule, de l’hypophyse et del’hypothalamus ; noter l’absence d’hypersignal T1de la neurohypophyse.

14 IRM T1-gadolinium - Gliome du chiasma avecextension au nerf optique droit.

15 IRM T1-gadolinium - Méningiome sphénocaver-neux droit envahissant le sinus caverneux et la logesellaire.

16 IRM T1 - anévrysme géant du siphon carotidiengauche partiellement thrombosé étendu à la logesellaire.

10 IRM T1 - selle turcique vide postopératoire :réfection du plancher sellaire par des plans musculo-graisseux, amincissement très important de l’antéhy-pophyse résiduelle, ptose modérée du chiasma et dugyrus rectus, bonne visualisation de la tige.

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Sophie Gerber : Attaché des Hôpitaux.Luc Foubert : Ancien chef de clinique-assistant.

Sylvie Dejager : Ancien chef de clinique-assistant.Claude Marsault : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Gérard Turpin : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’endocrinométabolisme 1, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : S Gerber, L Foubert, S Dejager, C Marsault et G Turpin. Exploration radiologique de la régionhypothalamohypophysaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0590, 1998, 5 p

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Selles turciques vides

P Cohen-Presberg, S Dejager, L Foubert, G Turpin

U ne selle turcique vide est observée chez 5 % de la population.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

Une selle turcique vide (STV) est définie comme unehernie de la citerne optochiasmatique à travers lediaphragme sellaire, réalisant ainsi une arachnoïdo-cèle, c’est-à-dire la présence de liquidecéphalorachidien (LCR) dans la cavité sellaire [1].L’hypophyse est généralement plaquée en bas et enarrière contre le plancher sellaire et devient à peinevisible. Le diagnostic se fait sur l’imagerie. On doit alorsrechercher une étiologie avant de retenir le diagnosticde STV idiopathique ou primaire.

■Rappel anatomique

La dure-mère tapisse toutes les parois osseuses dela selle turcique. Au niveau du toit de la selle, la dure-mère se replie pour former le diaphragme sellaire.Celui-ci ferme donc la partie supérieure de la selle enlaissant juste un orifice de passage à la tige pituitaire.

■Physiopathologie

On peut opposer les STV dites primaires, qui sontconsidérées comme une simple variante anatomiqueet dont la pathogénie n’est pas encore comprise auxSTV secondaires.

‚ STV primaireLa pathogénie de la STV primaire est encore mal

élucidée. La formation d’une STV nécessite certes unedéficience du diaphragme sellaire mais aussi uneseconde anomalie qui pourrait être une obésité, unehypertension artérielle (HTA), une pseudotumeurcérébrale définie par une hypertension intracrânienne(HTIC) bénigne (dans 10 à 65 % des cas) [3], voire desimples fluctuations de pression du LCR au cours de lajournée. L’hyperpression du LCR entraînerait leremodelage et l’agrandissement de la selle turcique.

‚ STV secondaireUne STV peut également être la conséquence d’une

pathologie hypophysaire connue ou méconnue. Lediagnostic est évident après traitement d’un adénomehypophysaire par chirurgie, radiothérapie oubromocriptine. L’association entre STV (le plus souventpartielle) et adénome hypophysaire a été rapportée

par de nombreux auteurs : 41,5 à 54,5 % des patientsexplorés pour STV présenteraient également unadénome hypophysaire suspecté soit devant unehypersécrétion anormale (de growth hormone [GH] oude prolactine souvent), soit à l’imagerie. En revanche,une selle turcique élargie et partiellement vide estretrouvée chez 8 à 17 % des patients explorés pouradénome hypophysaire à GH ou à prolactine.

Une STV peut également être la conséquence d’uneapoplexie hypophysaire. Il s’agit d’une nécrosehémorragique survenant dans 90 % des cas sur unadénome hypophysaire mais parfois également sur unehypophyse normale. L’extravasation de sang et de tissunécrosé dans l’espace sous-arachnoïdien entraîne uneirritation méningée (associant fièvre, altération de laconscience, voire coma). Une expansion supérieure peutentraîner une compression du chiasma et des nerfsoptiques responsable d’une baisse de l’acuité visuelle etd’une altération du champ visuel. Une expansionlatérale dans le sinus caverneux entraîne une atteintedes nerfs crâniens III, IV, V et VI, l’anomalie la plusfréquente étant l’ophtalmoplégie associant ptosis,mydriase et diplopie. Une hémiplégie peut même être laconséquence d’une compression carotidienne.

Sont décrits comme facteurs prédisposants d’uneapoplexie hypophysaire, les tests dynamiques destimulation hypophysaire en particulier au facteurdéclenchant la sécrétion de thyréostimuline [TRH],l’hyperestrogénie (dans le cadre d’une grossesse ouinduite par des médicaments), l’HTA, l’athérosclérose, letraitement anticoagulant, le diabète, les anomalies del’hémostase, la radiothérapie hypophysaire,l’angiographie carotidienne, la ventilation assistée, lestraumatismes crâniens et les infections du systèmerespiratoire. Toutefois, 77 % des cas d’apoplexie restentsans étiologie évidente. L’apoplexie hypophysairedonne typiquement un tableau aigu mais peut aussipasser inaperçue dans près de la moitié des cas.

Enfin, la régression d’une hyperplasie hypophysairesecondaire à une grossesse ou à une insuffisancehormonale périphérique (le plus souvent thyroïdienne)a également été proposée comme cause de STV.

Plus récemment, une hypothèse auto-immune a étéévoquée, en particulier par Komatsu en 1988 [5]. Il a eneffet retrouvé la présence d’anticorps antihypophysaireschez 75 % des patients présentant une STV diteprimaire. La STV pourrait représenter le stade final del’atrophie d’une hypophysite auto-immune. D’autresauteurs n’ont pas retrouvé d’anticorps antihypophysai-res ; on pourrait supposer que les anticorps présents aucours de l’hypophysite aient disparu au stade ultime del’évolution, c’est-à-dire au stade de STV. La spécificité deces anticorps est très discutée et leur valeurcontroversée. Des études complémentaires et surtout

une standardisation du dosage des anticorpsantihypophysaires seront nécessaires.

■Signes cliniques

et profil hormonal

‚ STV primaireLe symptôme principal amenant à la découverte

d’une STV est l’existence de céphalées motivant laréalisation d’examens radiologiques cérébraux. Lescéphalées, aspécifiques, sont présentes chez 60 à80 % des patients. On retrouve fréquemment le mêmeprofil chez les patients présentant une STV primaire. Ils’agit le plus souvent de femmes d’âge moyen,multipares, obèses (dans 90 % des cas) ethypertendues (dans 1/3 des cas). L’existence d’uneSTV est rapportée chez 10 % des patients présentantune pseudotumeur cérébrale. Un déficit hormonal estrarement rapporté. Buchfelder, dans une série de 195patients, retrouve un bilan normal dans 65 % des cas,un panhypopituitarisme dans 5,6 % des cas, un déficithypophysaire dissocié (surtout à GH) dans 23,6 % descas et une hyperprolactinémie dans 17 % des cas [2].L’hyperprolactinémie est le plus souvent expliquée parl’étirement de la tige pituitaire. Le déficit en GH estdifficile à estimer dans ce contexte d’obésité qui réduitla réponse de la GH au stimulus hypoglycémique.

‚ STV secondaireLe diagnostic de STV secondaire se fait

essentiellement sur l’anamnèse du patient. Il estévident chez un patient dont on sait qu’il a été traitépour un adénome hypophysaire. Il nécessite uninterrogatoire très précis chez les patients sansantécédent connu d’adénome, à la recherche d’unépisode de nécrose hypophysaire (cf supra).Cependant, un tel épisode n’est retrouvé que dans50 % des cas. L’interrogatoire et l’examen cliniquerecherchent également des signes évocateursd’hypersécrétion (persistance d’un syndromedysmorphique, épisode d’aménorrhée associée ounon à une galactorrhée, etc). Les anomalieshormonales sont beaucoup plus fréquentes dans cecadre-là et leur fréquence comparable à celleretrouvée dans les adénomes hypophysaires [2]. Lanature du déficit est fonction du type de tumeurhypophysaire sous-jacente, de l’extension de ladestruction hypophysaire et du type de traitement.

‚ RhinorrhéeUne rhinorrhée de LCR, secondaire à une brèche

durale par érosion du plancher sellaire, a été rapportéechez 4 % des patients porteurs d’une STV. Elle est

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parfois asymptomatique et donc à recherchersystématiquement. Elle peut se compliquer d’uneméningite.

‚ Anomalies visuellesDes anomalies visuelles ont été rapportées, le plus

souvent dans les STV secondaires. Il s’agit essentiellementd’hémianopsie bitemporale ou de quadranopsie. La ptosedu chiasma, secondaire à l’arachnoïdocèle, ne serait passuffisante à elle seule pour expliquer l’altération du champvisuel. Celle-ci serait due, en fait, à des modifications de lavascularisation du chiasma, survenues au moment del’apoplexie hypophysaire ou secondaires à l’étirement dela tige pituitaire.

■Diagnostic

Dans la plupart des cas, la STV est retrouvéefortuitement au cours d’une imagerie cérébraledemandée pour des raisons diverses (céphalées,traumatisme crânien, etc.).

Le diagnostic de STV se faisait à l’origine parl’encéphalographie gazeuse qui montrait la présenced’air dans la selle turcique sous le diaphragme sellaire.

La radiographie de la selle turcique retrouve desanomalies du contour, du plancher sellaire ou uneérosion de la corticale osseuse. L’absence d’asymétriedu plancher sellaire, le caractère harmonieux de laballonnisation de la selle, sont en faveur d’une STVprimaire alors qu’une selle turcique complètementdéformée évoque plutôt une STV secondaire. Danstous les cas, actuellement, l’imagerie par résonancemagnétique (IRM) hypophysaire est l’examen deréférence pour toute pathologie hypophysaire (fig 1,2). Elle permet d’éliminer un kyste, de rechercher unadénome hypophysaire associé, d’apprécier unéventuel retentissement sur la tige pituitaire et lesvoies visuelles, en particulier le chiasma optique.

■Conduite à tenir devant une STV

de découverte fortuite

à l’imagerie

Nous recommandons d’effectuer une IRMhypophysaire afin de visualiser au mieux la selleturcique et le chiasma optique. L’interrogatoire etl’examen clinique permettent d’orienter vers une

étiologie. Le bilan ophtalmologique. Comprenant unchamp visuel et un fond d’œil), et la recherche d’unerhinorrhée sont indispensables. Le bilan hormonalnécessite des dosages de base et après stimulation desprincipales hormones hypophysaires (ACTH, LH, FSH,TSH, prolactine) et périphériques (cortisol, T4 libre,testostérone ou estradiol). Actuellement, la recherched’un déficit en GH est réservée aux enfants.

Au terme de ce bilan on peut retenir le diagnostic deSTV secondaire ou primaire. Dans ce dernier cas, letraitement des facteurs de risque associés (HTA,obésité) est conseillé. La substitution hormonale estinstaurée en cas de déficit. L’éventuelle hyperprolacti-némie peut être contrôlée par un agonistedopaminergique type Parlodelt. Le risque deméningite en cas de rhinorrhée conduit à proposer untraitement chirurgical qui consiste à reconstruire leplancher sellaire. Malheureusement, cette interventionest souvent inefficace. Si la rhinorrhée persiste, il estsouvent nécessaire d’effectuer une dérivation du LCR.

On peut proposer, en cas de déficit du champvisuel, une chiasmapexie par voie transsphénoïdalepour soulager la traction exercée sur le chiasmaoptique.

Les autres indications opératoires sont lesadénomes hypophysaires associés, les céphaléesinvalidantes et résistantes à tout traitement (bien quel’efficacité soit discutée), une arachnoïdocèleimportante avec amincissement et érosion duplancher sellaire.

L’intervention se fait par voie rhinoseptale trans-sphénoïdale, la cavité est comblée par du tissu [4].

■Conclusion

Une STV primaire est le plus souvent découvertefortuitement à l’occasion d’une imagerie cérébrale. Ils’agit d’une pathologie bénigne, et, en l’absence dedysfonctionnement hypophysaire ou de troublesvisuels associés, il n’y a pas d’indication à poursuivreles investigations. Une STV secondaire bénéficie dumême type de prise en charge qu’un adénomehypophysaire.

Pascale Cohen-Presberg : Chef de clinique-assistant.Sylvie Dejager : Chef de clinique-assistant.Luc Foubert : Chef de clinique-assistant.

Gérard Turpin : Professeur, chef du service d’endocrinologie-métabolisme.service d’endocrinologie-métabolisme 1, groupe hospitalier pitié-salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Cohen-Presberg, S Dejager, L Foubert et G Turpin. Selles turciques vides.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0610, 1998, 2 p

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1 IRM T1 : selle turcique vide secondaire, postopé-ratoire et ptose du chiasma optique (coupe frontale).

2 IRM T2 : selle turcique vide primaire (coupesagittale).

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Aménorrhées

N. Bourcigaux, S. Christin-Maitre

L’aménorrhée (absence de règles) transitoire ou permanente est secondaire à un dysfonctionnement del’axe hypothalamohypophysaire ovarien ou à une anomalie anatomique utérine ou vaginale. Ondistingue généralement l’aménorrhée « primaire » en l’absence de cycle menstruel chez la fille après l’âgede 16 ans avec ou sans développement pubertaire et « secondaire » devant l’interruption du cycle(≥ 6 mois) chez une femme préalablement réglée. Cette distinction est artificielle. Leurs étiologies peuventêtre communes, l’aménorrhée primaire est principalement liée à une anomalie chromosomique ougénique. La démarche diagnostique doit comporter un interrogatoire, un examen clinique minutieux etun bilan hormonal. Après avoir éliminé une grossesse, les différentes causes peuvent se classer en quatretypes : les aménorrhées avec carence estrogénique secondaire à un déficit gonadotrope d’originehypothalamohypophysaire (congénital, tumoral, ou inflammatoire) ; les aménorrhées par anovulationchronique ; les insuffisances ovariennes primitives ; les aménorrhées par anomalie utérine. Touteaménorrhée doit être explorée.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Aménorrhée ; Hypogonadisme ; Insuffisance ovarienne ; Syndrome des ovaires polykystiques ;Hyperandrogénie

Plan

¶ Introduction 1

¶ Rappel physiologique 1Au niveau hypothalamique 1Au niveau hypophysaire 1Au niveau ovarien 2Au niveau utérin 2

¶ Conduite diagnostique 2Aménorrhée primaire 2Aménorrhée secondaire 3

¶ Causes des aménorrhées 4Aménorrhées avec carence estrogénique secondaire à un déficitgonadotrope (estradiol bas, gonadotrophines « normales »ou basses) 4Aménorrhées par anovulation chronique 5Insuffisances ovariennes primitives (FSH et LH élevées avecestradiol bas) 6Aménorrhées par anomalie utérine 6

¶ Conclusion 6

■ IntroductionLes aménorrhées sont définies par l’absence de cycle mens-

truel. Chez la fille, après l’âge de 16 ans avec ou sans dévelop-pement pubertaire, il s’agit de l’aménorrhée primaire. Uneinterruption des cycles chez une femme préalablement réglée aumoins six mois est une aménorrhée secondaire. La distinctionclassique entre aménorrhée primaire et aménorrhée secondaireest artificielle puisque leurs étiologies se recouvrent. Elle

souligne simplement que les premières relèvent surtout decauses chromosomiques et géniques.

L’absence de règles est physiologique pendant la grossesse, lalactation et la ménopause. En revanche, toute interruption ducycle menstruel, au-delà de 1 mois, après arrêt d’une contracep-tion orale est anormale et justifie une enquête étiologique. Enpathologie, l’existence d’une aménorrhée témoigne d’uneatteinte de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ou d’uneanomalie anatomique du tractus de reproduction.

■ Rappel physiologiqueL’existence de cycles menstruels réguliers témoigne du bon

fonctionnement de la mécanique ovulatoire et de l’intégrité del’organe cible utérin. Un cycle ovulatoire nécessite la parfaiteintégrité anatomique, fonctionnelle et moléculaire de l’axegonadotrope [1].

Au niveau hypothalamiqueLa physiologie de l’axe gonadotrope nécessite la présence de

neurones à gonadotropin releasing hormone (GnRH) fonctionnelsayant migré pendant la vie embryonnaire de la placode olfac-tive vers le noyau arqué [2]. Ils ont une activité pulsatile qui nepeut cependant survenir que chez un sujet ayant des apportsnutritionnels suffisants. La GnRH formée de dix acides aminésest libérée dans le sang porte hypothalamohypophysaire [3].

Au niveau hypophysaireLa GnRH se lie sur les récepteurs membranaires des cellules

gonadotropes. La présence de GnRH est nécessaire non seule-ment à la sécrétion mais aussi à la biosynthèse de la sous-unité

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1Traité de Médecine Akos

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a et des sous-unités b des gonadotrophines, qui forment laluteinizing hormone (LH) et la follicle stimulating hormone (FSH) [4].

Au niveau ovarienLe stock de follicules ovariens est présent dès la vie embryon-

naire [1]. Le follicule ovarien est formé de plusieurs couches. Ilexiste une couche externe appelée la thèque et une coucheinterne formée par les cellules de la granulosa. Les cellules de lagranulosa entourent l’ovocyte. Lors du cycle, la LH se lie à sonrécepteur situé sur la membrane des cellules de la thèque et laFSH se lie à son récepteur situé sur les cellules de la granulosa.L’ovulation est la conséquence du pic de LH. La stéroïdogenèseovarienne nécessite une mécanique hautement coordonnée. Lecycle ovarien débute par le premier jour des règles. La premièrepartie du cycle est appelée phase folliculaire, la deuxième partiesurvenant après l’ovulation s’appelle la phase lutéale. Le cycledure en moyenne de 28 à 32 jours. En phase folliculaire labiosynthèse de 17 b-estradiol (E2) est prédominante. Elle estresponsable de la prolifération endométriale. Dans les cellules dela thèque interne, sous l’effet de LH, se forme l’androstè-nedione. Dans les cellules de la granulosa sous l’effet de FSH, lesandrogènes sont transformés en estradiol selon la théoriebicellulaire. C’est l’aromatisation des androgènes. Après l’ovula-tion, la stéroïdogenèse ovarienne est déviée vers la productionde progestérone (Fig. 1, 2).

Au niveau utérinLa desquamation cyclique de l’endomètre nécessite l’intégrité

anatomique de l’utérus, formé à partir des dérivés des canaux deMüller. Elle n’est possible que si une prolifération suffisante decette muqueuse est obtenue en phase folliculaire sous l’effet del’E2. De même la transformation en endomètre sécrétoire apteà la nidation ne se produit qu’en présence de progestérone.Finalement, c’est la chute conjointe des concentrations d’E2 etde progestérone, en l’absence de grossesse, qui provoque lesmodifications vasculaires qui seront à l’origine de la nécroseendométriale et donc des règles. L’âge moyen de survenue desrègles est actuellement de 12 ans et 8 mois dans les paysoccidentaux.

■ Conduite diagnostique (Fig. 3)

Aménorrhée primaire

Interrogatoire

Devant une aménorrhée primaire, la probabilité d’une causegénétique est importante. Il convient donc de rechercherl’existence, dans la famille, d’autres individus atteints d’hypo-gonadisme. L’interrogatoire permet aussi de rechercher unecarence nutritionnelle liée ou non à une maladie chronique.

Examen cliniqueIl précise le développement pubertaire. La présence d’un

développement mammaire permet de préjuger d’une sécrétiond’estradiol. Le délai entre le début du développement mam-maire et les premières règles est en moyenne de 3 ans. Il est

Endomètre

Jours du cycle

Ovaire

Recrutement

SélectionDominance

OvulationCorpus luteum

Pulsation : de la GnRH

90 60 240 minutes

FSH

LH

Estradiol

Progestérone

Recrutement

Corpus albicans

Hypophyse

2826 22 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24

Figure 1. Cycle menstruel. GnRH : gonadotropin-releasing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone ; LH : luteinizing hormone.

Cellule de la thèque

Cellule de la granulosa

Cholestérol

LH

Récepteur LH

Delta 4 androstènedione

Delta 4 androstènedione

Aromatase

EstradiolRécepteur FSH

FSH

Membrane basale

Figure 2. Théorie bicellulaire. FSH : follicle stimulating hormone ; LH :luteinizing hormone.

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3-0630 ¶ Aménorrhées

2 Traité de Médecine Akos

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nécessaire à ce stade de la démarche diagnostique de rechercherune anosmie dont la présence confirme le syndrome de Kall-mann. Une petite taille et un syndrome malformatif fontévoquer un syndrome de Turner.

L’examen a pour but de visualiser la pilosité pubienne,d’évaluer la perméabilité et la trophicité du vagin et du col. Ildoit être complété par une échographie pelvienne de bonnequalité qui précisera la taille et la position des gonades etl’existence de dérivés mullériens. L’absence d’utérus doit fairerechercher une anomalie anatomique telle le syndrome deRokitansky, mais surtout du tissu testiculaire dans les canauxinguinaux dont la présence évoque des troubles de l’hormono-synthèse ou de la réceptivité aux androgènes.

L’existence d’une ambiguïté des organes génitaux externesavec une masculinisation fait rechercher une dysgénésie gona-dique, une hyperplasie congénitale des surrénales.

Devant une aménorrhée primaire chez une adolescente ayantpar ailleurs un développement pubertaire, la démarche diagnos-tique, après avoir vérifié l’absence de grossesse et d’une agénésieutérine, sera celle d’une aménorrhée secondaire. Une aménor-rhée primaire à l’âge de 15 ans doit être explorée.

Aménorrhée secondaireUne grossesse doit toujours être éliminée, même si l’aménor-

rhée date de plusieurs mois. En effet, la patiente a pu présenterun cycle ovulatoire après quelques mois d’anovulation. Lesaménorrhées secondaires sont le plus souvent le résultat d’unepathologie acquise. Cependant, une anomalie génétique esttoujours possible.

Interrogatoire

L’interrogatoire recherche des causes évidentes comme unrapport sexuel potentiellement fécondant, certaines prisesmédicamenteuses (traitements augmentant la prolactine, ou desantécédents de radiothérapie, chimiothérapie), une maladie

endocrinienne ou chronique pouvant retentir sur l’axe gonado-trope, le fonctionnement ovarien. Il est nécessaire d’apprécierl’état nutritionnel. L’histoire gynécologique et obstétricale estutile pour dater l’ancienneté des troubles. L’existence de boufféesde chaleur fera suspecter une insuffisance ovarienne. En cas dedouleurs pelviennes cycliques, on s’oriente vers une cause utérined’autant plus qu’il existe une notion de traumatisme endo-utérin(curetage, interruption volontaire de grossesse).

Examen cliniqueDevant toute aménorrhée, la mesure du poids et de la taille

avec l’établissement de l’indice de masse corporelle (poids/taille2) (Indice de masse corporelle, IMC ou body mass index,BMI) est nécessaire pour dépister une carence nutritionnellerelative. La normale du BMI se situe entre 20 et 25. Les signesd’hyperandrogénie (séborrhée, acné, hirsutisme) peuventaccompagner une aménorrhée. Ils orientent vers certainescauses en particulier le syndrome des ovaires polykystiques ouune hyperplasie congénitale des surrénales, le plus souvent pardéficit en 21-hydroxylase. Une galactorrhée doit être recherchéemais, en pratique, ce signe clinique est d’une sensibilité et d’unespécificité médiocres pour reconnaître une pathologie de laprolactine.

Test aux progestatifsIl a pour but d’apprécier la sécrétion ovarienne d’estradiol

d’une femme en aménorrhée. Il consiste en l’administrationd’un progestatif pendant 10 jours : le test est dit positif sisurviennent des règles dans les 5 jours suivant l’arrêt duprogestatif. Ce test qui rend compte de l’imprégnation par lesestrogènes de l’endomètre, est, au contraire, négatif, lorsque lacarence estrogénique est sévère et ceci, indépendamment de sacause. Les signes de carence estrogénique sont présents lorsquel’atteinte gonadotrope ou ovarienne est profonde.

L’examen gynécologique est important pour apprécier l’étatdes muqueuses et visualiser la glaire.

Dosage plasmatique :hCG, PRL, FSH, LH, estradiol, testostérone

FSH normale,LH normale ou > FSH

Estradiol normalTestostérone normale ou

Testostérone> 1,5 ng/ml

ÉchographieovarienneScanner

surrénalien

Échographiepelvienne

Grossesse Hyperprolactinémie Insuffisanceovarienne

Insuffisancegonadotrope

Éliminer la prise de médicament

hyperprolactinémiant

IRMhypothalamohypophysaire

IRMhypothalamohypophysaire

Ovaires > 10 ml ou> 12 follicules / ovaire

Anomalieutérine

Syndrome des ovaires

polykystiques

RokitanskiRésistance aux

androgènes

Tumeursurrénalienneou ovarienne

Normale

TumeurInfiltration

hypothalamo-hypophysaire

Infiltration de la tige hypothalamohypophysaire= HPRL de déconnexionTumeurs non sécrétantes

Adénomeà prolactine ++

Enquêtenutritionnelle

Enquêtefamiliale

FSH, LH normale ouEstradiolhCG PRL

FSHEstradiol

Figure 3. Arbre décisionnel. FSH : follicle stimulating hormone ; GH : growth hormone ; LH : luteinizing hormone ; PRL : prolactine ; hCG : human chorionicgonadotropin ; IRM : imagerie par résonance magnétique; HPRL: hyperprolactinémie.

Aménorrhées ¶ 3-0630

3Traité de Médecine Akos

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Dosages hormonaux de première intentionLes premiers examens complémentaires, human chorionic

gonadotropin (hCG), prolactine, LH, FSH, E2, ont pour butd’écarter une grossesse méconnue (hCG) puis de rechercher unepathologie de la prolactine, un déficit gonadotrope (E2 bas,concentrations de LH et de FSH non élevées) ou une insuffi-sance ovarienne (E2 bas, concentrations élevées de LH et surtoutde FSH). Les androgènes (testostérone, D4-androstènedione,17-OH progestérone) sont dosés en cas de signes cliniquesd’hyperandrogénie. Ils recherchent le syndrome des ovairespolykystiques et doivent éliminer le bloc en 21-hydroxylase. Letest à la GnRH n’est pas nécessaire dans l’exploration desaménorrhées.

■ Causes des aménorrhées (Fig. 4)

Aménorrhées avec carence estrogéniquesecondaire à un déficit gonadotrope(estradiol bas, gonadotrophines« normales » ou basses)

Aménorrhées d’origine hypothalamiqueavec prolactine normale

Elles peuvent être définies comme l’incapacité de l’hypotha-lamus à libérer la GnRH. Le test aux progestatifs est souventnégatif dans les aménorrhées d’origine hypothalamique, ce quitémoigne de la profondeur de la carence estrogénique. Uneimagerie par résonance magnétique (IRM) ou, à défaut, unscanner de la région hypothalamohypophysaire est indispensa-ble à la recherche d’une éventuelle tumeur ou infiltration.

Atteintes organiques de l’hypothalamus

Même si elles sont rares, les atteintes organiques de l’hypo-thalamus doivent être éliminées, en particulier un processustumoral ou infiltratif de la région hypothalamohypophysaire. Ilest nécessaire d’éliminer un processus tumoral ou infiltratif dela région hypothalamohypophysaire. La radiothérapie encépha-lique ou de la base du crâne entraîne également une atteintehypothalamique. Les tumeurs en cause sont essentiellement lesmacroadénomes hypophysaires et les craniopharyngiomes

(tumeur embryonnaire) ou des processus infiltratifs hypothala-mohypophysaires, telles la sarcoïdose, les infundibulohypophy-sites et l’histiocytose.

Hypogonadismes congénitaux (Tableau 1)

Ils se révèlent par un impubérisme dans leur forme complète.Il s’agit du syndrome de Kallmann de Morsier qui associe àl’hypogonadisme une anosmie ou une hyposmie (absence oudiminution de l’odorat). Cette pathologie résulte, dans sa formeliée au chromosome X, de différentes mutations du gène KAL-1qui code pour l’anosmine. Cette protéine est impliquée dans lamigration des neurones à GnRH, de la placode olfactive vers lenoyau arqué pendant la vie embryonnaire [5]. Les formes deKalmann liées à l’X n’atteignent que les garçons. Dans la formede Kallmann de Morsier de transmission autosomique, desmutations du gène codant pour le récepteur du fibroblast growthfactor (FGF) de type 1 (FGFR-1) ont été mises en évidence en2003 [6]. Dans les formes d’hypogonadisme hypogonadotrophi-que sans anosmie, des cas de perte de fonction du récepteur dela GnRH ont été identifiés, la première en 1997 [8]. En 2003 unnouvel acteur a été identifié dans des cas d’hypogonadismehypogonadotrophique sans anosmie : le gène du récepteur GPR54 [9]. Le Kiss peptide et son récepteur GPR54 contrôleraient lasécrétion de GnRH et joueraient un rôle primordial dans ledéclenchement de la puberté [10].

TumeursInfiltrations

Radiothérapie

AdénomeHypophysite

Nécrose (Sheehan)

SOPK

IOPOvarite auto-immune

RadiothérapieChimiothérapie

Hypothalamus

Hypophyse

Syndrome de Kallmann avec anosmieGène KAL1, anosmineGène KAL2, R-FGF1

GnRH

FSHLH

Hypogonadisme sans anosmieGène Kiss1, R-GPR 54Gène du récepteur au GnRH

Gène de la sous-unité β de la FSH

Anomalies chromosomiquesSyndrome de Turner(délétions Xq)

Gène FOXL2Gène du recepteur FSH, LHGènes codant pour les facteurs etenzymes de la stéroïdogenèse

Anomalies utérines

Figure 4. Axe hypothalamo-hypophyso-ovarien : principales causes d’aménorrhée. GnRH : gonadotropin-releasing hormone ; FSH : follicle stimulatinghormone ; LH : luteinizing hormone ; PRL : prolactine ; SOPK : syndrome des ovaires polykystiques ; IOP : insuffisance ovarienne prématurée.

Tableau 1.Hypogonadismes hypogonadotropes congénitaux. Estradiol bas,gonadotrophines normales ou basses. Impubérisme dans les formescomplètes.

Protéine Chromosome Type

Avec anosmie Anosmine Xp, KAL1 perte de fonction [5]

FGF-R 1 8p, KAL 2 perte de fonction [6, 7]

Sans anosmie R-GnRH 4q perte de fonction [8]

R-GPR54 19p perte de fonction [9, 10]

Leptine 7q perte de fonction [7]

R-Leptine 1p perte de fonction

FGF-R1 : fibroblast growth factor receptor 1 ; GnRH : gonadotropin releasing hormone.Aménorrhée due à une anomalie anatomique dans le développement des canauxde Müller. Caryotype XY : résistance aux androgènes (testicule féminisant) ;déficit en 5a-réductase ; déficit du gène SRY.

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La corrélation entre génotype et phénotype, hypogonadismeavec anosmie implique l’anosmine ou le FGFR-1 (Kall 1 et 2) ethypogonadisme sans anosmie implique GPR54 ou le récepteurdu GnRH, n’est en fait pas si aisée. En effet, plusieurs mutationsdu FGFR-1 responsables d’une perte de fonction du récepteurpeuvent correspondre au sein d’une même famille à un phéno-type variable d’hypogonadisme avec ou sans anosmie avec ousans anomalie de la ligne médiane [7].

Parmi les causes génétiques d’hypogonadisme hypogonado-trophique, quelques cas exceptionnels de mutation du gène dela leptine ou de son récepteur ont été identifiés [11]. Cettehormone, synthétisée par le tissu adipeux, joue un rôle dans ledéclenchement de la puberté, probablement par actionhypothalamique.

Atteintes fonctionnelles hypothalamiques

Elles représentent de loin, la cause la plus fréquente d’amé-norrhées secondaires d’origine hypothalamique. Elles sontsouvent classées comme psychogènes mais elles résultentpresque toujours d’un apport calorique insuffisant. L’aménor-rhée peut survenir dans un contexte extrême d’anorexiementale (< 66 % du poids idéal) ou BMI < 16. Cependant, untableau d’aménorrhée peut être observé chez des femmesjeunes, apparemment normales, (BMI proche de 20) mais dontles apports nutritionnels, en particulier en lipides, sont insuffi-sants par rapport à leur dépense énergétique [12]. Ces patientesont une diminution significative de la masse grasse et un arrêtde la pulsatilité de la GnRH. De même une activité physiqueintense, plus de 6 heures par semaine (jogging, danse, gymnas-tique) induit un ralentissement des pulses de GnRH.

Hyperprolactinémies

Le taux normal de prolactine chez la femme est inférieur à20 ng/ml. Les hyperprolactinémies résultent le plus souvent, enl’absence de prise de médicaments hyperprolactinémiants, detumeurs de la région hypothalamohypophysaire, en particulierdes adénomes à prolactine appelés prolactinomes. Au plansymptomatique, l’hyperprolactinémie peut débuter par desirrégularités menstruelles puis conduire à une aménorrhée quitraduit alors simplement une atteinte gonadotrope plus pro-fonde. L’effet antigonadotrope de la prolactine s’exerce de façonprédominante au niveau hypothalamique par diminution de lafréquence des pulses de GnRH par atteinte hypothalamique.

Les adénomes à prolactine représentent 80 % des adénomeshypophysaires et constituent une cause très fréquente d’hyper-prolactinémie. Un taux de prolactine supérieur à 200 ng/mlsigne un adénome à prolactine. Il est nécessaire de distinguer lesmicroadénomes (taille inférieure à 10 mm) des macroadénomes(taille supérieure à 10 mm). Dans le bilan des adénomes àprolactine, il est nécessaire d’évaluer le taux d’hormone decroissance car les adénomes peuvent être mixtes (prolactine-GH). En cas d’extension suprasellaire, le retentissement del’adénome doit être évalué par un champ visuel et une mesurede l’acuité visuelle. L’extension de l’adénome peut être latéraledans les sinus caverneux avec atteinte des paires crâniennes III,IV, V, VI.

Les hyperprolactinémies par atteinte hypothalamique oudéconnexion hypothalamohypophysaire relèvent essentielle-ment de processus tumoraux sellaires ou suprasellaires volumi-neux (macroadénomes hypophysaires autres qu’un prolacti-nome, craniopharyngiome, gliome du chiasma, dysgerminome,méningiome), de maladies infiltratives (sarcoïdose, histiocytose,hypophysite) ou d’atteintes hypothalamiques consécutives àune radiothérapie. Le taux de prolactine est classiquementinférieur à 100 ng/ml.

Aménorrhées liées à d’autres endocrinopathies

Les troubles des règles sont rares au cours des hypothyroïdies.L’hypercorticisme, indépendamment de son étiologie, est unecause beaucoup plus importante d’aménorrhée. Elle résulteessentiellement du déficit gonadotrope.

Déficits gonadotropes d’origine hypophysaire

Ils sont beaucoup plus rares que les atteintes hypo-thalamiques.

Au plan étiologique, le syndrome de Sheehan résulte classi-quement d’une nécrose hypophysaire du post-partum à la suited’un accouchement hémorragique avec collapsus vasculaire. Letableau clinique bien connu associe une aménorrhée du post-partum et une absence de montée laiteuse. En fait, une grandemajorité des aménorrhées du post-partum est plutôt due à uneatteinte auto-immune de l’hypophyse. Ces hypophysiteslymphocytaires peuvent, comme la nécrose hypophysaire, serévéler par une absence de montée laiteuse et une aménorrhéedu post-partum, mais il manque la notion étiologique d’accou-chement hémorragique [13]. L’IRM hypophysaire permet desuspecter le diagnostic en montrant une grosse hypophyse enhypersignal spontané, parfois d’allure pseudotumorale ouinversement une selle turcique vide [14].

Tout à fait exceptionnels sont les déficits gonadotropes paratteinte génétique des gonadotrophines. En 1993, un casd’aménorrhée primaire liée à un déficit en FSH mais avecsécrétion normale de LH a été rapporté [15]. Deux autres cas ontété décrits depuis. Aucun cas de mutation de LH avec une LHinactive n’a été décrit à ce jour chez une femme.

Aménorrhées par anovulation chroniqueLes anovulations se caractérisent par l’absence de pic cyclique

de LH et de sécrétion de progestérone. Les troubles des règlessont représentés par une aménorrhée, parfois des irrégularitésmenstruelles ou des ménométrorragies. Ces troubles peuventalterner chez une même patiente.

Anovulations chroniques sans carenceestrogénique avec signes d’hyperandrogénie

Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)

C’est une pathologie fréquente, hétérogène et primitivementovarienne qui affecte 5 à 20 % des femmes en âge de procréer.Depuis la conférence de consensus de Rotterdam en 2003, cesyndrome est défini par l’association d’au moins deux des troiscritères suivants [16] :• une dysovulation qui se manifeste par des irrégularités

menstruelles ou une aménorrhée, présentes souvent depuis lapuberté ;

• une hyperandrogénie clinique (acné, hirsutisme) ou biologi-que (une élévation de la D4-androstènedione plasmatique etune élévation parallèle de la testostérone) ;

• des ovaires de taille ≥ 10 cm2 ou au minimum 12 folliculespar ovaires à l’échographie pelvienne réalisée en début dephase folliculaire.À ces critères s’ajoutent, chez 20 à 80 % des patientes, des

anomalies métaboliques : une hyperinsulinémie et une résis-tance à l’insuline associées ou non à un surpoids. D’autresanomalies, en dehors des critères diagnostiques, sont fréquem-ment présentes. Biologiquement, la concentration de LH peutêtre élevée. Elle n’est pas obligatoire pour établir le diagnosticde SOPK. La FSH est classiquement normale. La concentrationplasmatique d’E2 est normale pour une phase folliculaireprécoce, mais ne varie pas au cours du cycle. Le test auxprogestatifs est positif.

Aménorrhées par hyperandrogénie organique ovarienneou surrénalienne

Toute hyperandrogénie sévère peut être responsable d’uneaménorrhée [17]. Lorsque l’origine est tumorale, les signes devirilisation sont importants (hypertrophie clitoridienne et desmasses musculaires), souvent d’apparition récente. Si la concen-tration plasmatique de testostérone dépasse 1,5 ng/ml, il fautrechercher une tumeur de l’ovaire ou de la surrénale. Enl’absence d’imagerie montrant clairement une tumeur ova-rienne, il peut être nécessaire de réaliser un cathétérismesimultané des deux veines ovariennes et d’une veine périphéri-que pour localiser l’ovaire responsable de l’hyperandrogénie.

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Aménorrhées ¶ 3-0630

5Traité de Médecine Akos

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L’hyperandrogénie surrénalienne peut être consécutive à unesécrétion directe de testostérone par la tumeur. Cette tumeur estle plus souvent un corticosurrénalome. Le diagnostic serafacilement confirmé par un scanner des surrénales.

Finalement, un déficit enzymatique surrénalien, en particulieren 21-hydroxylase, doit être éliminé [18]. Cette enzyme surréna-lienne joue un rôle clé dans la stéroïdogenèse. Dans sa forme àrévélation tardive, le diagnostic est porté devant une hyperan-drogénie, des troubles des règles, une infertilité ou une aménor-rhée. Ce diagnostic est envisagé si la concentration basale,prélevée le matin, de 17-OH-, molécule en amont du bloc en21-hydroxylase, est supérieure à 2 ng/ml. Si nécessaire, lediagnostic sera confirmé par une élévation supérieure à12 ng/ml après stimulation par l’adrenocorticotropic hormone(ACTH), lors d’un test au Synacthène®. Il existe de rares cas dedéficit en 11-hydroxylase.

Insuffisances ovariennes primitives(FSH et LH élevées avec estradiol bas)

Si l’épuisement du capital folliculaire survient avant lapuberté, la présentation clinique est celle d’un impubérismeavec une aménorrhée primaire [19]. Lorsque la disparition desfollicules ovariens a lieu après la puberté, on observe uneaménorrhée primaire ou secondaire avec dans certains cas desbouffées de chaleur, une dyspareunie et le test aux progestatifsest négatif [20]. Dans tous les cas, les dosages hormonauxmettent en évidence une élévation des concentrations desgonadotrophines, surtout de FSH > 40 mUI/ml, avec uneconcentration d’estradiol basse. Les étiologies sont le syndromede Turner (monosomie X dans sa forme 45X exceptionnelle oudans les formes mosaïques) qui peut associer une petite taille,un cubitus valgus, une coarctation de l’aorte, un rein en « ferà cheval », une implantation basse des cheveux, des naevi [21].Un caryotype est nécessaire pour faire le diagnostic et éliminerdu matériel Y. Des traitements de chimiothérapie ou deradiothérapie dans l’enfance, l’adolescence ou chez la femmejeune peuvent induire des insuffisances ovariennes. Cependant,dans plus de 90 % des cas, l’arrêt de fonctionnement del’ovaire avant l’âge de 40 ans s’accompagne d’un caryotypenormal et reste inexpliqué. De rares cas de mutation du gènecodant pour le récepteur de la FSH ont été identifiés chez desfemmes avec une aménorrhée primaire et un arrêt de lafolliculogenèse au-delà du stade antral [22]. Dans le syndromerare de blépharophimose qui associe des troubles des paupièreset des gonades féminines, des mutations du gène FOXL2 ontété identifiées [23]. Dans les cas familiaux, une prémutation dugène de l’X fragile doit être éliminée.

Aménorrhées par anomalie utérineLes anomalies congénitales du tractus génital pouvant être

responsables d’une aménorrhée primaire ne sont pas exception-nelles. Une imperforation hyménéale ou une malformationvaginale seront suspectées chez une jeune fille ayant undéveloppement pubertaire normal et des douleurs pelviennescycliques. Elle sera confirmée par l’examen gynécologique. Uneagénésie utérine (syndrome de Rokitansky) sera évoquée devantun tableau similaire sans douleur. L’échographie et si besoin uneIRM permettent de confirmer le diagnostic [24].

Le principal problème diagnostique en l’absence d’ambiguïtésexuelle est de faire la différence entre une agénésie mullérienneisolée et des anomalies sévères de la biosynthèse ou de laréceptivité aux androgènes. Le taux de testostérone plasmatiqueest élevé en cas d’anomalie de la réceptivité des androgènes.Une caractéristique clinique est l’absence totale de pilosité. Cesyndrome est appelé syndrome de résistance aux androgènes. Lecaryotype est XY. Les patients présentent des mutations avecperte de fonction plus ou moins complète du récepteur auxandrogènes [25].

Les aménorrhées secondaires d’origine utérine sont la consé-quence de synéchies utérines secondaires à des gestes traumati-ques sur l’utérus (curetages répétés, interruption volontaire degrossesse, chirurgie pour myomes ou césarienne). Plus rarementil s’agit d’une tuberculose utérine.

■ ConclusionIl est nécessaire de toujours éliminer une grossesse. Les causes

les plus fréquentes d’aménorrhée sont : le syndrome des ovairespolykystiques, l’hyperprolactinémie et l’aménorrhée hypothala-mique. Dans les cas d’aménorrhée primaire avec une petitetaille, il est nécessaire d’évoquer le syndrome de Turner. Si lataille est normale, de rares causes génétiques d’hypogonadismehypogonadotrophique ont été identifiées ces dernières années.Elles permettent de mieux comprendre la physiologie de l’axegonadotrope.

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6 Traité de Médecine Akos

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N. Bourcigaux ([email protected]).S. Christin-Maitre.Service d’endocrinologie de la reproduction, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourcigaux N., Christin-Maitre S. Aménorrhées. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de MédecineAkos, 3-0630, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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Auto-évaluations

Aménorrhées ¶ 3-0630

7Traité de Médecine Akos

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Contraception hormonale féminine

P Lecomte

L oin d’être une distribution de « pilule », la consultation de contraception, extrêmement fréquente, reste unmoment privilégié pour le médecin généraliste. Il doit : discuter avec la patiente de ses connaissances

concernant la reproduction ; apprécier les facteurs de risque cardiovasculaires et adapter le mode de contraception ;informer des avantages et inconvénients des différentes méthodes ; lutter contre le tabagisme, facteur potentiel decomplication.Les contre-indications absolues doivent être connues et respectées. Les antécédents thromboemboliques personnelset familiaux sont particulièrement importants. Malgré la diffusion médiatique importante de cette avancée majeuredans la maîtrise de la fertilité des couples, le médecin généraliste devra être précis dans son discours pour insister surla période d’adaptation nécessaire à ce traitement et en améliorer l’acceptabilité. Il devra aussi savoir répondre auxsituations d’exception (contraception postcoïtale, maladies graves) et se méfier des associations médicamenteuses.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Malgré la diffusion de l’information, toutes lesdifficultés concernant cet acquis majeur de ladeuxième moitié du vingtième siècle, « la pilule »,n’ont pas disparu. Le médecin généraliste doit êtreparticulièrement attentif à diffuser une informationpertinente sur ce sujet, y compris et surtout àl’adolescente et dans des milieux sociauxdéfavorisés. Savoir expliquer simplement (et êtreentendu) n’est pas toujours simple...Il faut profiter decet acte de prévention (vis-à-vis du risque degrossesse) pour :

– tester les connaissances de la patiente vis-à-visde la sexualité et s’adapter à ses choix personnels,éthiques et moraux ;

– informer sur les maladies sexuellementtransmissibles et leur prévention ;

– interroger sur les antécédents personnels etfamiliaux concernant les maladies métaboliques,l’hypertension et la maladie thromboemboliquesans omettre de parler des vaccinations (rubéole,hépatite B).

Loin d’être une prescription banale, il s’agit d’unacte médical demandant du temps et uneprescription adaptée à chaque cas.

Historiquement purement progestative, et maltolérée, la contraception orale s’est vite affirméecomme estroprogestative. Les doses élevéesd’estrogènes améliorant la tolérance endométrialese sont accompagnées de complicationsmétaboliques et thromboemboliques, conduisant àune baisse progressive de la dose d’estrogènesaméliorant la tolérance métabolique et vasculairemais pas la tolérance endométriale. L’emploi deprogestatifs plus puissamment antigonadotropes etde doses faibles d’estrogènes est un compromis qui

permet d’affirmer que, à l’aube de l’an 2000, lacontraception orale idéale n’existe pas. Il s’agitnéanmoins de la méthode contraceptive la plusutilisée dans les pays développés.

■Estrogènes et progestatifs

‚ Estrogènes

Il s’agit exclusivement d’un estrogène desynthèse, l’éthinylestradiol (EE), dérivé artificiel del’estradiol, principal estrogène sécrété par l’ovaireauquel un radical éthinyle a été ajouté. Cela confèreau produit un effet estrogénique puissant permettantau stéroïde d’échapper à la dégradation digestive auprix d’une surcharge hépatique, le foie scindant leradical éthinyle de l’estradiol proprement dit qui estensuite dégradé par cet organe, comme l’hormonenaturelle. Le point essentiel est l’inductionenzymatique importante créée par cettetransformation biochimique source d’effetssecondaires dose dépendants : synthèse detriglycérides, de facteurs de coagulation,d’angiotensinogène, de protéines de liaison desstéroïdes hépatiques (SHBG, TBG, CBG). Ce dernierpoint permet de comprendre certaines modificationsde dosages hormonaux plasmatiques de femmessous estroprogestatifs avec augmentation deshormones totales : thyroxine, cortisol, testostéronepouvant conduire à des interprétations erronées. Lesdoses d’éthinylestradiol utilisées vont de 50 à 20 µgpar comprimé avec des effets secondaires diminuésmais non abolis par les doses les plus faibles.

‚ Progestatifs

Il s’agit soit de dérivés estrane, stéroïdes à 18atomes de carbone, par exemple la noréthistérone,soit de dérivés gonane à 19 atomes de carbone, par

exemple le lévonorgestrel, soit de dérivés plusrécents du norgestrel (désogestrel), norgestimate ougestodène. Ces derniers stéroïdes sont plusfortement antigonadotropes, pouvant être utilisés àdoses plus faibles, ce qui contribue à la diminutionde la dose totale de stéroïde ingérée et accroît latolérance métabolique.

‚ Estroprogestatifs (tableau I)

I ls sont de différents types : combinésmonophasiques avec une même dose d’estrogèneet de progestatif dans chaque comprimé, séquentielsavec l’estrogène seul suivi de l’estrogène associé auprogestatif, combinés biphasiques ou triphasiquesavec des doses variables de l’estrogène et duprogestatif. Les termes de « mini- » ou « normo- »dosés n’ont pas de sens scientifique : ilscorrespondent à des doses plus faibles ou plusimportantes de stéroïdes entrant dans lacomposition des pilules.

■Mécanisme d’action et efficacité

‚ Mécanisme d’action

Il existe toujours une action freinatrice sur leshormones gonadotropes FSH et LH stimulantphysiologiquement la fonction ovarienne. Il estadmis que 50 µg d’éthinylestradiol sont nécessairespour bloquer seuls l’antéhypophyse gonadotrope.En réalité, les différents progestatifs associés sontaussi antigonadotropes, les molécules les plusrécentes l’étant davantage. C’est ce qui explique labonne efficacité contraceptive de préparationscontenant 20 µg d’éthinylestradiol associés à desdoses faibles de progestatifs puissants, désogestrelou gestodène. Par ailleurs, pour toutes les

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préparations combinées, l’emploi continu pendant21 jours du progestatif coagule le mucus cervical,classique deuxième verrou contraceptif, le troisièmeétant lié aux modifications de l’endomètre viteatrophié.

‚ Efficacité

Elle s’exprime par l’indice de Pearl en % (nombrede grossesses accidentelles x 12 x 100/ nombre totalde mois d’exposition). Un indice de Pearl de 0,01 %signifie l’occurrence d’une grossesse parmi 10 000femmes traitées pendant une année (soit 120 000cycles). Pour l’ensemble des estroprogestatifscombinés, les indices de Pearl sont très faibles : 0,1,0,01 ou même 0. Encore faut-il savoir que les oublisde prise sont inclus dans ces chiffres. On peut doncaffirmer que la contraception hormonaleestroprogestative est la plus efficace des méthodescontraceptives réversibles. Les estroprogestatifsséquentiels (tableau I) sont moins efficaces (indice dePearl 0,3).

■Effets secondaires

Aucune association estroprogestative n’en estdépourvue. La « bonne » pilule est celle qui est bientolérée par une femme donnée à un momentdonné. Par bonne tolérance, on entendra absencede signes de surdosage estrogénique (mastodynie,excitation) ou de sous-dosage (spottings, asthénie,dyspareunie, oligoménorrhée) et absenced’hyperandrogénie (séborrhée, acné, prise de poids).

La tolérance clinique de la pilule n’est pas parfaiteavec des effets digestifs très fréquents lors del’initialisation du traitement (nausées, vomissementsliés à l’impact hépatique de l’éthinylestradiolprincipalement), des migraines (aggravées maisparfois améliorées par la contraception), des prisesde poids avec lourdeur de jambes et effetsdermatologiques androgéniques liés au progestatif,des dépressions avec chute de la libido liées à lacomposante estrogénique insuffisante. Dans ces cas,trois remarques s’imposent :

– expliquer à la patiente la nécessité d’adaptationde l’organisme (du foie) à l’apport d’hormones desynthèse et ne pas modifier immédiatement laprescription qui vient d’être faite ;

– connaître les variations de métabolisation desdifférents stéroïdes, d’une femme à l’autre, avec destaux d’androgènes et d’estrogènes circulants trèsvariables ;

– s’interroger sur le degré d’acceptation de laméthode contraceptive par la patiente et l’entourageet voir le sens caché du ou des symptômes allégués.

‚ Effets métaboliques

Il faut considérer le métabolisme lipidique,glucidique, le poids et l’hypertension artérielle (HTA).

Métabolisme lipidique

L’éthinylestradiol augmente le HDL cholestérol,fraction protectrice vasculaire mais augmente defaçon dose dépendante les VLDL triglycérides, ycompris avec les préparations contenant 20 µg. Avecles associations estroprogestatives contenant undérivé norgonane, le HDL cholestérol est abaissémalgré l’effet de l’éthinylestradiol, ce qui a généré

des doutes quant au risque cardiovasculaire induitpar ces préparations. Cette baisse du HDL cholestérolest moins marquée avec les progestatifs de la sérieestrane. C’est également le cas avec les progestatifsles plus récents, désogestrel et gestodène, oùl’élévation du HDL cholestérol est franche.

L’interprétation faite de ces variations lipidiquesreste discutée [11]. Les facteurs de confusion sontnombreux et tout particulièrement les effetsvasculaires directs de l’éthinylestradiol surl’endothélium ou les facteurs de risque associés, aupremier rang desquels il faut citer le tabagisme.

Métabolisme glucidique

L’éthinylestradiol et les progestatifs dérivésgonane ou estrane sont des facteurs d’insulinorésis-tance et d’intolérance au glucose. Comme ces effetssont dose dépendants, les préparations les plusrécentes, faiblement dosées, présentent des effetslimités de ce point de vue [10].

Poids

Du fait de ce qui précède sur l’insulinorésistance etde la nature des progestatifs dérivés pour la plupartde la testostérone, la tendance à la prise de poids alongtemps été une plainte de certaines patientesjustifiant parfois l’abandon de la méthode. Ladiminution des doses des deux composés a diminuél’impact de la contraception estroprogestative sur lepoids même si sa responsabilité ne peut êtretotalement exclue dans certains cas individuels.

Hypertension artérielleLe premier passage hépatique des stéroïdes

absorbés par voie orale en est responsable. Lafréquence d’apparition d’une HTA, de l’ordre de 5 %,

Tableau I. – Liste des estroprogestatifs (EP) actuellement disponibles.

Type d’EP Dose EE (µg) Progestatif Nom commercial Remboursement Sécuritésociale 65 %

Combiné monophasiquenormodosé

50 norgestrel 0,5 mg Stédirilt oui

50 noréthistérone ac 1 mg Milli Anovlart oui

50 norgestriénone 2 mg Planort non

Combiné monophasiqueminidosé

35 noréthistérone 1 mg Ortho-Novumt non

35 norgestimate 0,25 mg Cilestt/Effıprevt non

35 cyprotérone ac 2 mg Dianet non

30 lévonorgestrel 0,15 mg Minidrilt oui

30 désogestrel 0,15 mg Cycléane 30t/ Varnolinet non

30 gestodène 0, 075 mg Minulett/Monevat non

20 désogestrel 0,15 mg Cycléane 20t/Mercilont non

20 gestodène 0,075 mg Mélianet/Harmonett non

Combiné biphasique30/40 lévonorgestrel 0,15/0,20 Adepalt oui

30/40 noréthistérone ac 1/2 mg Miniphaset oui

Combiné triphasique

30/40/30 gestodène 0,05/0,07/0,1 Phaevat/Triminulett non

35/35/35 noréthistérone 0,5/0,75/1 Triellat oui

30/40/30 lévonorgestrel 0,05/0,075/0,125

Trinordiolt oui

Séquentiels50 lynestrénol 2,5 mg x 15 Ovanont non

50 lynestrénol 1 mg x 15 Physiostatt non

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pourrait n’être qu’un mode de révélation d’un terrainprédisposé. La contre-indication d’un estroprogestatifen cas d’hypertension préexistante est absolue(tableau II).

‚ Effets vasculaires [17]

Risque thrombotique

Il est augmenté par les contraceptifs estroproges-tatifs et l’éthinylestradiol en est majoritairementresponsable. L’augmentation de facteurs decoagulation (VII, fibrinogène) et son activation (donttémoigne l’augmentation des fragments 1+2 de laprothrombine) et l’hyperfibrinolyse (baisse del’antithrombine III ou de la protéine S et élévation duplasminogène et du tPA avec diminution du PAI1)ont été amplement démontrées même s’il existe desfacteurs individuels modulant ces effets. Il fautrappeler que des résistances à la protéine C activée(RPCA) acquises ont été décrites sous estroproges-tatifs sans rapport avec un facteur V Leiden. Cesfacteurs individuels ne font que renforcerl’importance de l’interrogatoire concernant lesantécédents personnels et familiaux de thrombose.Dans les familles où le facteur V est muté (facteurLeiden), le risque de thrombose veineuse sousestroprogestatif est augmenté 8 fois [15].

Il faut distinguer le risque thromboemboliqueveineux et le risque de thrombose artérielle.

Le risque d’accident thromboemboliqueveineux [13, 17] est accru (risque relatif [RR] = 4) surtoutdans les quatre premiers mois d’utilisation ; il estindépendant de l’âge, de l’HTA ou inconstammentdu tabagisme, mais aggravé par le surpoids [7].

Le risque de thrombose veineuse semble doublépar l ’emploi de préparat ions contenant

lévonorgestrel ou gestodène [17]. Le risque d’emboliepulmonaire est évalué à 2,2 dans une étude récentechez les utilisatrices actuelles d’estroprogestatifs (pasd’effet évident chez d’anciennes utilisatrices [4].Toutefois, ce risque reste faible, le nombred’accidents thromboemboliques non mortels étantévalué avec ce type de pilule à 16 cas pour 100 000femmes traitées si l’on respecte les contre-indications de prescription [7].

Le risque de thrombose artérielle est peuimportant au niveau des membres inférieurs. Enrevanche, les accidents vasculaires cérébraux ont étéréévalués récemment [5, 6]. Le risque d’accidentischémique est faible chez les femmes de moins de35 ans, sans hypertension ni tabagisme (odds ratio <2), évalué chez les utilisatrices de faibles doses à 1,53et à 5,3 pour des doses plus fortes. Le rôle aggravantde l’hypertension doit être souligné (odds ratio10,7) [6]. Le risque d’accidents hémorragiques est peuaugmenté (odds ratio 1,38), ce risque n’apparaissantque chez les femmes de plus de 35 ans [5]. Le risqued’hémorragies méningées sous-arachnoïdiennessemble non significativement accru, les facteurs deconfusion étant l’HTA (risque multiplié par 10 à15)ou le tabac (odds ratio > 3). Ces accidents peuventêtre précoces et lourds de conséquences chez desfemmes jeunes ; trop souvent, les facteurs de risque(HTA, tabac, accidents thromboemboliquesfamiliaux) ont été négligés.

Risque d’infarctus du myocarde

Il est accru sous estroprogestatifs et ceci paraît liéà la composante estrogénique prise par voie orale.Une étude récente [13] montre que le risqued’infarctus du myocarde fatal et non fatal estaugmenté chez les utilisatrices (RR 2,5). Les décès parinfarctus du myocarde seraient plus fréquents dansles délais d’utilisation de moins de 4 ans et le risquecoronarien ne serait pas augmenté chez lesanciennes utilisatrices.

Là encore, le rôle du tabac doit être souligné. Lesestroprogestatifs moins dosés en éthinylestradiolentraînent moins d’infarctus du myocarde mais cerisque n’est pas annulé [8].

‚ Effets oncogènes

Avec le temps, les études sont plus précises et l’onpeut donc affirmer certaines conclusions.

Cancer du sein

Une méta-analyse récente apporte des réponsespertinentes à cette question [2]. Il existe une trèsdiscrète augmentation du risque chez les femmessous estroprogestatifs, quelle qu’en soit la

composition (RR 1,24). Cette augmentation durisque de cancer du sein pour des femmes ayant prisun estroprogestatif par rapport à celles n’en ayantjamais utilisé est faible (RR 1,07) et identique chez lesfemmes ayant des facteurs de risque familiaux etcelles qui en sont dépourvues. Après arrêt de lapilule, le risque diminue progressivement pours’annuler 10 ans après l’arrêt de l’estroprogestatif. Lerisque est plus marqué pour une contraception oraleprolongée (RR 1,16) ou débutée avant 20 ans (RR1,22). Chez les utilisatrices, les cancers du sein ont étédécouverts à un stade localisé (moins delocalisations extramammaires : RR 0,70) et donc demeilleur pronostic.

Cancer du col utérin

La majorité des études, dont certainescontradictoires, permet de conclure à un risqueaugmenté chez les utilisatrices [1]. Certains facteurs deconfusion existent : précocité des rapports sexuels,multiplicité des partenaires et donc des risquesviraux importants dans la genèse du cancer du col.Et dans l’autre sens, meilleur suivi gynécologique desfemmes sous estroprogestatifs. La durée d’utilisationde cette méthode semble jouer un rôle.

Il est donc essentiel de surveiller le frottis cervicaldes femmes traitées en appliquant les référencesmédicales opposables (RMO) (un frottis dedépistage tous les 3 ans après deux frottis normauxà 1 an d’intervalle ; un frottis par an chez lesfemmes à risque).

Cancer ovarien

Les études sont concordantes : sous estroproges-tatifs, il existe une diminution du risque de 40 % etcet effet évolue en parallèle avec la durée de la prisedu composé et perdure à l’arrêt [14].

Cancer de l’endomètre

Il existe une diminution du risque d’hyperplasie etde cancer de l ’endomètre avec l ’emploid’estroprogestatifs combinés mais un risque accruavec les pilules de type séquentiel prises de façonprolongée [14].

Tumeurs hépatiques

La surcharge du fonctionnement hépatique etl’impact sur les canaux biliaires de l’éthinylestradiolexplique cette complication rare mais parfoisdramatique (hémopéritoine avec collapsuscardiovasculaire). Il s’agit d’adénomes oud’hamartomes hépatiques souvent hypervascula-risés, très souvent latents. Cette complication est rare

Tableau II. – Contre-indications à la prescrip-tion d’un estroprogestatif.

Absolues :− maladies thromboemboliques (artérielles ou vei-neuses) ou antécédents thromboemboliques ;− affections cardiovasculaires : hypertension arté-rielle, coronaropathies, valvulopathies, troubles durythme thrombogènes ;− atteintes cérébrovasculaires ;− insuffısance rénale ;− pathologie oculaire d’origine vasculaire ;− tumeurs malignes du sein et de l’utérus, hormo-nodépendantes ;− affections hépatiques sévères ou récentes ;− tumeurs hypophysaires ;− hémorragies génitales non diagnostiquées ;− connectivites ;− porphyries ;− otosclérose ;− cholestase récurrente ou prurit récidivant lorsd’une grossesse ;− diabète, hyperlipidémies (hypertriglycéridémies,hypercholestérolémies) ;− femme enceinte ou qui allaite : cf « Antibio-thérapie chez la femme enceinte et allaitante ».

Relatives :− affections métaboliques : obésité ;− tumeurs bénignes du sein et dystrophies utérines(hyperplasie, fibrome) ;− galactorrhée, élévation du taux de prolactine ;− antécédents de lithiase biliaire non opérée ;− prise d’inducteurs enzymatiques : cf « Interac-tions médicamenteuses ».

En résumé, il n’est pas douteux que laprise d’un estroprogestatif augmente lerisque de thrombose veineuse et celuid’accident artériel, en particuliercoronarien chez les femmes tabagiquessurtout. Malgré la diminution durisque avec les faibles dosagesd’éthinylestradiol, ce risque persiste.

Il faut donc surveiller cliniquement etpar une échographie mammaire lesfemmes prenant un estroprogestatif,quelle qu’en soit la composition, etceci pendant et au décours de cetraitement. La mammographie estsouvent de peu d’intérêt chez la femmejeune étant donné la densité du tissumammaire.

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(3 pour 100 000 femmes/an) mais peut être trèsgrave du fait de l’évolution torpide. Le risque decancer du foie ne semble pas augmenté [18].

Il faut donc interroger les femmes sousestroprogestatifs à la recherche de douleurs del’hypocondre droit et percuter le foie. Lorsqu’unedouleur est signalée ou retrouvée à la percussion,une échographie abdominale (et /ou un scanner) estnécessaire.

Tumeurs hypophysaires

Le rôle des estrogènes dans l’augmentation duvolume de l’antéhypophyse est bien connu au coursde la grossesse : doublement du volume avechyperplasie des cellules somatotropes et lactotropes.L’existence d’un macroprolactinome contre-indiquede façon formelle l’utilisation d’un estroprogestatifmais un microprolactinome ne la contre-indique pas,à condition de surveiller par IRM. Même si le rôle del’éthinylestradiol reste discuté dans la survenued’une hyperprolactinémie, avec des susceptibilitésindividuelles importantes, il est tacitement admisdans les contraceptions prolongées de mesurer tousles 3 ans la prolactinémie pendant les 8 jours d’arrêtde la pilule. Si les taux observés à deux reprisesdépassent 40 µg/L, il faudra explorer cettehyperprolactinémie.

‚ Interactions médicamenteuses

Du fait de leur métabolisme hépatique, lesinterférences avec d’autres médicaments ne doiventpas être négligées. Ils peuvent augmenter l’activitédes benzodiazépines, des antidépresseurstricycliques, de la prednisolone. Ils diminuent l’actiondes antidiabétiques oraux (insulinorésistance).Certains médicaments potentialisent l’effet toxiquehépatique, il s’agit du TAO qu’il est formellementcontre-indiqué d’associer. Enfin, certainsmédicaments diminuent l’effet contraceptif,d’autant qu’il s’agit de dosages faibles : anti-épileptiques, rifampicine, antibiotiques.

‚ Aménorrhée postpilule

Elle est rare et correspond à une atrophieendométriale progressive. Le simple arrêt de lacontraception avec les précautions nécessaires suffità rétablir le cycle. Si tel n’est pas le cas, il faudraéliminer une grossesse et doser la prolactine. On neconfondra pas aménorrhée postpilule et troubles ducycle préalables à la contracept ion quiréapparaissent avec l’arrêt des compriméscontraceptifs.

‚ Cas particuliers

Jeune filleLa prescription doit être efficace et tenir compte

de l’oubli possible. Une association moyennementdosée est initialement préférable. Lorsque la jeunefille est adaptée au traitement, l’utilisation de faiblesdosages peut s’envisager mais ces pilules ne sontpas remboursées. Une mention particulière doit êtrefaite pour l’acné, fréquente à cet âge. Si certainespilules estroprogestatives semblent bien adaptées(Diane 35 t) l’absence de remboursement leur ferapréférer parfois des préparations combinéesremboursées avec une efficacité non négligeable.

Femme de 40 ans

La contraception après 40 ans doit garder soncaractère d’efficacité. S’il n’y a pas de facteur der isque card iovascula i re , la prescr ipt ionestroprogestative peut être maintenue, enemployant de préférence des dosages faibles. Si teln’est pas le cas, il faut discuter d’un autre mode de

contraception, la contraception progestative ayantune place de choix (cf infra).

Terrain : diabète, obésité...

Ces terrains particuliers contre-indiquent l’emploide l’éthynil-estradiol. On utilisera volontiers unepilule progestative pure faiblement dosée en continu

La première prescription et sa surveillanceElle doit comprendre un temps d’explication, d’interrogatoire et un examen cliniquesommaire. Tester les connaissances de la physiologie du fonctionnement ovarien, dumotif réel de la demande est parfois instructif. L’interrogatoire recherchera unecontre-indication à la prescription d’un estroprogestatif (tableau II), en étantparticulièrement vigilant sur les antécédents thromboemboliques non seulementpersonnels mais aussi familiaux concernant les sujets jeunes, et le tabagisme qui doitêtre chiffré. Les interférences médicamenteuses potentielles devront être recherchées.L’examen clinique s’intéressera au poids et à la taille permettant de calculer l’indicede masse corporelle (P/T2), chiffres de pression artérielle, examen des seins et del’utérus, réalisation d’un frottis cervical de dépistage. La recherche d’unehyperlipidémie (mesure du cholestérol et des triglycérides) sera complétée par unemesure de la glycémie à jeun. En cas d’antécédent de thrombose veineusepersonnelle ou familiale, il faudra rechercher un déficit en antithrombine III, enprotéine C ou en protéine S et surtout la RPCA.La surveillance est codifiée par les RMO (tableau III). Un dosage de cholestérol etde triglycérides à 3 mois et à 12 mois à jeun et une surveillance du poids et de lapression artérielle sont nécessaires. L’hypertriglycéridémie dépend de la dosed’éthinylestradiol de la préparation utilisée. Des signes de surdosage estrogéniquesont évoqués devant mastodynie, irritabilité, anxiété, céphalées, gonflementabdominopelvien et invitent à prescrire un estroprogestatif moins dosé en estrogèneou plus dosé en progestatif. Une lourdeur de jambes commande d’alléger la dose deprogestatif et/ou de prescrire un tonique veineux 20 jours par mois, en commençantau 6e jour de la prise de pilule. Il vient d’être démontré qu’il existe des récepteurs dela progestérone sur la paroi veineuse. La prise de poids reste très débattue et sansdoute liée à des susceptibilités individuelles, au moins avec les dosages faibles. Àlong terme, on est souvent confronté à une diminution des règles ou un spotting paratrophie endométriale progressive, voire à une dyspareunie. Il faut alors prescrire unestroprogestatif séquentiel pendant trois cycles avant de reprendre la pilulehabituelle. Il est clair qu’il n’y a pas d’estroprogestatif parfait ou qui le demeure encas d’utilisation prolongée. La durée de la prise d’une contraception hormonaledépend de la patiente qui en bénéficie. Il n’y a pas de raison médicale de l’arrêters’il ne survient pas d’effets secondaires ou de complications. Signalons que l’arrêtpériodique de la contraception hormonale n’est pas justifié (elle reste pourvoyeused’avortements par IVG) et que la récupération de la fécondité est immédiate, mêmes’il semble préférable de laisser un cycle spontané pour régénérer l’endomètre. Il vade soi que la fécondité récupérée est celle qui préexistait à la prise de pilule et que sides troubles du cycle non explorés avaient été masqués par la prise du traitement,une exploration hormonale va être nécessaire. Dans le cas d’une interventionchirurgicale programmée, la contraception estroprogestative doit être interrompue 4à 6 semaines avant du fait du risque de thrombose, nous l’avons vu.

Tableau III.

− Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance biologique d’une contraception orale, chez une femme demoins de trente-cinq ans, lorsque ni le premier bilan comprenant nécessairement la mesure à jeun de la gly-cémie, du cholestérol total et des triglycérides plasmatiques, ni les bilans de contrôle effectués 3 mois puis12 mois après n’ont montré d’anomalies, de pratiquer d’autres explorations biologiques.

− Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance biologique d’une contraception orale, chez une femme demoins de trente-cinq ans, lorsque le premier bilan et les bilans de contrôle effectués 3 mois puis 12 moisaprès n’ont pas montré d’anomalies, de répéter les examens de contrôle plus d’une fois tous les 2 ans, enl’absence de faits nouveaux.

3-0690 - Contraception hormonale féminine

4

Page 56: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

(cf infra). L’utilisation d’estroprogestatifs peu dosés etsur une période courte est autorisée.Contraception postcoïtale

Il s’agit d’une contraception d’exception lors d’unrapport supposé fécondant et non programmé.Initialement de fortes doses d’estrogènes ont étéutilisées pendant 5 jours (0,5 à 5 mg d’éthinyles-tradiol ou 20 à 30 mg d’estrogènes conjugués). Cetteprise d’estrogènes qui devait survenir dans les 72heures succédant au rapport était efficace pourempêcher la nidation au prix d’effets secondairesgênants : nausées, vomissements, mastodynies,risque thromboembolique et de grossesseextra-utérine (GEU). Des progestatifs ont pu êtreutilisés. La méthode utilisant les estroprogestatifs aété proposée par Yuzpe [19]. La prise de 2 comprimésd’une pilule contenant 50 µg d’éthinylestradiol etde 500 µg de norgestrel après le rapport (2comprimés de Stédiriltpar exemple), prise répétée12 heures plus tard permet une efficacité réévaluéerécemment de 98,1 % sur 2 871 femmes traitées [3].Les effets secondaires, nausées et vomissementssont ici moindres. D’autres méthodes sontenvisageables dans cette indication : emploi de lamifépristone (Mifégynet), insertion d’un dispositifintra-utérin (DIU).

‚ Autres méthodes contraceptives

Contraception progestative

¶ Contraception microprogestative (tableau IV)Il s’agit de faibles doses de progestatifs norestrane

ou norgonane agissant par modification del’endomètre et du mucus cervical mais sans effetantigonadotrope à ces doses. Par conséquent,l’efficacité contraceptive est moins parfaite (Indice dePearl de 0,1 à 0,2) avec risque de GEU, et la méthoded’emploi plus difficile : prise à heure fixe. Lapersistance d’un taux d’estradiol circulant importantparfois en fait une méthode peu souhaitable chez lafemme périménopausique. Leur principalinconvénient est représenté par les troubles ducycle : aménorrhée, métrorragies, (70 % des cas)source d’angoisse vis-à-vis du risque de grossesse etde GEU. L’absence de retentissement métabolique(lipides, coagulation ou HTA) en fait une méthode dechoix pour les femmes obèses, diabétiques,hyperlipidémiques ou hypertendues. Il s’agitégalement d’une méthode que l’on peut employerchez les cardiaques avec valvulopathie oucoronaropathie.

¶ Contraception macroprogestativeHistoriquement, il s’agit des premiers stéroïdes

employés en contraception. Ils n’ont pas l’AMM

pour cette indication. Ils peuvent être utilisés du 5e

au 25e jour du cycle avec une bonne sécuritécontraceptive (actions antiglaire, antiendomètre etantigonadotrope) (indice de Pearl 0,01 %). Ils sontemployés en cas de pathologie mammaire ouutérine bénigne mais aussi à la périménopause. Leurprincipal inconvénient est d’entraîner deshypoestrogénies prolongées avec le risque defavoriser l ’ostéoporose ou la pathologiecardiovasculaire et une tolérance médiocre avecaménorrhées ou spotting. Des schémas dits defreination-substitution sont possibles et utiles enpériode de périménopause, en rajoutant del’estradiol par voie cutanée les dix derniers jours dela prise du progestatif. Des travaux ont montré quecertains de ces progestatifs (tableau V) (progestatifsmarqués d’un astérisque) pouvaient ne pas entraînerde modifications métaboliques fâcheuses et êtreemployés sur des terrains à risque (lupus,antécédents thromboemboliques, etc) [9].

¶ Progestatifs injectables à action retardIl s’agit d’une contraception d’exception réservée

aux patientes atteintes de maladies psychiatriquesincapables d’utiliser un estroprogestatif sans oubli oude tolérer un stérilet. Non dénués d’inconvénients(métrorragies, spotting, aménorrhées très fréquenteset déstabilisantes), cette contraception expose à deséchecs en particulier à la fin de la période d’activitéde l’injection trimestrielle. Deux progestatifs sontemployés : acétate de médroxyprogestérone(150 mg tous les 3 mois) , énanthate denoréthistérone (200 mg tous les 3 mois) (tableau V).

Contraception mécanique

Elle ne sera pas détaillée ici.

¶ DIUIl s’agit d’un dispositif en plastique recouvert de

cuivre ou de progestérone qui est placé dans l’utéruset qui empêche la nidation. Son efficacité est bonnemais n’est pas absolue (Indice de Pearl 0,1 %) avecen particulier un risque de GEU. L’autre grand risqueest celui d’une infection ascendante entraînantendométrite et salpingite, d’où la règle de ne pasproposer ce mode de contraception à unenullipare. Donnant volontiers des spottings ou desmétrorragies prémenstruelles, son principal intérêtest d’être un moyen inerte, sans aucuneconséquence métabolique et bien adapté à lapatiente diabétique après son premier accou-chement. À l’opposé cette méthode implique unutérus anatomiquement normal (absence demalformations et de myomes) et une ovulationparfaite car les anomalies du cycle ne seront pascorrigées par cette méthode évidemment. Signalonsenfin la perte d’efficacité du stérilet en cas detraitement anti-inflammatoire (AINS, salicylés).

¶ PréservatifsSi leur efficacité contraceptive est médiocre

(efficacité 88 à 95 %), leur intérêt est surtout de jouerun rôle capital dans la prévention des maladiessexuellement transmissibles (MST), y compris le VIH.Ils sont bien adaptés à une contraceptionoccasionnelle, en particulier chez les jeunes chez quiles MST sont en constante augmentation.

■Conclusion

La prescription d’un estroprogestatif doit êtreeffectuée avec soin et le rôle du médecin généralisteest essentiel. L’interrogatoire y joue un rôleprépondérant. Ce moyen efficace de réguler lesnaissances est une fabuleuse conquête pour les

Tableau V. – Principaux progestatifs à fortes doses utilisés en contraception (hors AMM).

Type de progestatif Nom du progestatif Voie utilisée dose/cp dose/j Nom commercial

19 norestrane lynestrénol per os 5 mg 10 mg Orgamétrilt

19 norestrane éthynodiol diacétate per os 2 mg 4 mg Lutométrodiolt

19 norestrane noréthistérone per os 5 mg 10 mg Norlutent

dérivés 17 OH P chlormadinone acé-tate

per os 5 mg 10 mg Lutérant*

dérivés 17 OH P médrogestone per os 5 mg 10 mg Colpronet

dérivés 17 OH P cyprotérone acétate per os 50 mg 50 mg Androcurt

dér norprégnane nomégestrol acétate per os 5 mg 5 mg Luténylt*

dér norprégnane promégestone per os 0,5 mg 0,5 mg Surgestonet*

dérivés 17 OH P médroxyprogestéroneacétate

IM 150 mg/3 mois Dépo-Proverat

19 norestrane noréthistéroneénanthate

IM 200 mg/3 mois Noristératt

* : progestatifs pouvant être employés sur terrains à risque.

Tableau IV. – Contraception microprogestative.

Type de progestatif Nom du progestatif Dose (mg) Nom commercial

19 norestrane lynestrénol 0,5 Exlutont

19 norgonane norgestrel 0,03 Microvalt

19 norestrane noréthistérone 0,6 Milligynont

19 norgonane norgestriénone 0,35 Ogylinet

Contraception hormonale féminine - 3-0690

5

Page 57: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

couples. Il faudra toujours cependant adapter saprescription au terrain et mettre en balance les effetspositifs (réduction de la mortalité et morbidité liées à

l’avortement, réduction des risques de cancerovarien ou endométrial) avec d’autres effets moinsfavorables au plan cardiovasculaire et thrombotique.

La lutte contre le tabagisme est un corollaireimportant de la prescription d’une contraceptionhormonale.

Pierre Lecomte : Professeur des Universités, praticien hospitalier,service d’endocrinologie et maladies métaboliques, médecine B, centre hospitalier universitaire Bretonneau, 2 boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 01, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Lecomte. Contraception hormonale féminine.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0690, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

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3-0690 - Contraception hormonale féminine

6

Page 58: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Diminution de la sécrétion

surrénalienne

de DHEA avec l’âge : adrénopause ?

J Young, G Schaison

L ’action la plus spectaculaire, retrouvée dans les différents essais cliniques, est l’amélioration de la libido chez lafemme.

© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : surrénales, adrénopause, DHEA, androgènes, vieillissement.

■Introduction

Un nouveau néologisme est né en médecine :l’adrénopause. La ménopause désigne l’épuisementde l’ensemble des fonctions ovariennes (exocrine etendocrine) chez la femme après 45 ans. Cetépuisement global des sécrétions hormonales avecl’âge ne s’observe pas au niveau du cortexsurrénalien. En effet, il n’existe pas de diminutiondocumentée de la sécrétion de cortisol oud’aldostérone chez les sujets âgés. Seule unediminution de la sécrétion des androgènessurrénaliens, la déhydroépiandrostérone (DHEA) etson estersulfate (SDHEA), a été démontrée. Un certainnombre de questions font actuellement l’objet decontroverses : cette diminution de la DHEA et duSDHEA associée au vieillissement est-elle délétère ?Est-ce qu’un traitement hormonal substitutif par laDHEA doit être envisagé systématiquement chez lespersonnes âgées ? Des éléments de réponsecommencent à être apportés par des étudesréalisées chez des malades avec insuffisancesurrénale ayant un déficit important en DHEA et chezdes patients âgés.

La glande surrénale est formée de deuxcompartiments : la médullaire, responsable de lasécrétion des catécholamines et le cortex, lieu de labiosynthèse des stéroïdes surrénaliens. Le cortex estschématiquement divisé en trois couches : laglomérulée, la fasciculée et la réticulée, responsablesrespectivement de la sécrétion d’aldostérone, decortisol et des androgènes surrénaliens, principale-ment la DHEA et son ester, SDHEA, plusaccessoirement l’androstènedione. Aucune diminutionavec l’âge de la sécrétion d’aldostérone ou de cortisoln’a été démontrée dans l’espèce humaine (fig 1). Enrevanche, une décroissance très importante de lasécrétion de DHEA et de SDHEA s’observe avec l’âge(fig 2). Le terme d’« adrénopause » ne s’applique doncqu’à la couche réticulée de la corticosurrénale et à laproduction de DHEA et de son sulfate. Dans cettebrève revue, nous faisons le point sur la sécrétion et le

métabolisme de ces stéroïdes surrénaliens, ce quipermet de mieux comprendre les conséquences

potentielles de leur carence ainsi que les effets que l’onpeut attendre d’un traitement par la DHEA.

co

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co

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0 30 60

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temps (min) temps (min)

ng/mL

1 Comparaison des corti-solémies de base et aprèsstimulation par le Synac-thènet ordinaire chez deshommes (à gauche) jeunes(tirets) et âgés (trait plein),et chez des femmes (àdroite) jeunes (trait plein)ou après la ménopause(tirets).

20 30 40 6050 70 80

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20

15

10

5

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25

20 30 40 6050 70 80

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2 Évolution des taux plasmatiques de déhydroépiandrostérone (DHEA) (à gauche) et de son ester sulfate(SDHEA) (à droite) chez des hommes et des femmes en fonction de l’âge. Noter que la concentration de SDHEA(µmol/L) est près de 500 fois supérieure à celle de DHEA (nmol/L).

1

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Page 59: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

■Biosynthèse de la DHEA

et du sulfate de DHEA

La DHEA est un stéroïde à 19 atomes de carbone,dérivé du cholestérol et conservant la structure àdouble liaison, D-5 D-6, ainsi que le groupe 3-b-hydroxyl estérifiable (fig 3). La conversion ducholestérol en DHEA implique deux cytochromes P450avec des activités hydroxylases et desmolasesspécifiques. Ces activités enzymatiques sont fortementexprimées chez l’homme dans les surrénales et lesgonades. Il s’agit du cytochrome P450scc (side chainclivage), responsable de la conversion du cholestérolen prégnénolone et qui constitue la première étape detoute la stéroïdogenèse [16]. Ensuite, la prégnénolonesubit une 17-a-hydroxylation en 17-a-hydroxyprégné-nolone. Ce stéroïde 17-a-hydroxylé peut alors fairel’objet d’une scission de la liaison carbone C17-20(activité 17-20 lyase, également appelée 17-20desmolase) et donc permettre la biosynthèse de laDHEA (fig 3) [16]. Ces deux dernières réactionsenzymatiques sont catalysées par la même protéine, lecytochrome P450 C17. La faible expression dans lacouche réticulée du cortex surrénalien d’une enzymeappelée la 3-b-hydroxystéroïde-déshydrogénase-D4-D5 isomérase, rend compte de la faible productiond’androstènedione par cette glande.

La DHEA est activement convertie dans lacorticosurrénale en SDHEA (fig 4). Cette conversion estcatalysée par une famille d’enzymes appelées lessulfotransférases. Dans la surrénale adulte, la DHEAsulfotransférase (DHEA-ST) a été logiquement localiséedans la zone réticulée du cortex surrénalien.

La présence du groupe sulfate chargé augmente lasolubilité du stéroïde mais aussi sa demi-vie. Lesconcentrations de SDHEA dans le plasma résultentprincipalement de la synthèse et la sécrétion de cestéroïde par la glande surrénale. Cependant, cetteconversion est aussi importante au niveau hépatiqueoù la DHEA-ST est très fortement exprimée.

Les concentrations plasmatiques de SDHEA sont500 à 1 000 fois plus importantes que celles de laDHEA libre (fig 2). Le dosage de cette dernière n’estcorrectement réalisé que dans certains laboratoiresspécialisés. Le plus souvent, le dosage de la forme libredonne des élévations artéfactuelles par hydrolyse duSDHEA. Pour mieux apprécier la sécrétionandrogénique de la corticosurrénale, il faut donc doserle SDHEA.

■Évolution de la DHEA(S)

en fonction de l’âge : adrénarche

et vieillissement

Pendant la vie fœtale, la surrénale sécrète desquantités importantes de DHEA et de SDHEA. Cettesécrétion est essentielle à la synthèse des estrogènespar le placenta. Après la naissance se produit uneinvolution de la surrénale fœtale, qui est remplacéepar le cortex adulte, et une diminution de la sécrétionde DHEA. Pendant l’enfance et jusqu’à l’âge de 7-8 ans,la production de DHEA par la corticosurrénale est nulledu fait du faible développement de la couche réticuléeet de l’absence d’activité 17-20 desmolase. À cet âge,seule l’activité 17-a-hydroxylase est exprimée, ce quipermet une biosynthèse normale de cortisol par lacouche fasciculée. À partir de 7 ans, les surrénalescommencent à produire de la DHEA et du SDHEA[7, 16]. Cette biosynthèse est associée à une aug-mentation de l’épaisseur de la couche réticulée et à unaccroissement de l’activité 17-20 lyase indépendante

de toute variation de la sécrétion de cortisol etd’ACTH [10]. Ce changement sécrétoire de lacorticosurrénale est appelé l’adrénarche. Uneaugmentation rapide des taux circulants a ensuite lieupendant la seconde décennie de la vie. Ainsi, les tauxplasmatiques les plus élevés de DHEA et de SDHEAs’observent entre 15 et 45 ans, puis décroissent pouratteindre les taux les plus faibles après 60 ans (fig 2).Le vieillissement est donc associé à une diminution duSDHEA [4, 9, 13]. Cette diminution s’accompagne d’uneinvolution de la couche réticulée.

■Métabolisme de la DHEA

et du SDHEA dans les tissus

extrasurrénaliens

Le SDHEA sécrété par la surrénale est métabolisédans l’organisme par une enzyme appelée sulfataseresponsable de l’hydrolyse de la liaison ester (fig 4). LaDHEA libre ainsi obtenue est convertie en stéroïdessexuels actifs. Le détail de ces voies métaboliques estillustré par la figure 5. La 17-b-HSD et la 3-b-HSD sontles deux enzymes clés de la biosynthèse des stéroïdessexuels et leur présence est essentielle à latransformation de la DHEA en D-4-dione puis entestostérone et/ou en estrogènes actifs dans les tissuspériphériques. Les 5-a-réductases et l’aromatase,responsables respectivement de la conversion de latestostérone en dihydrotestostérone (DHT) et enestradiol, sont aussi largement exprimées dans denombreux tissus [8].

Le métabolisme de la DHEA surrénalienne enandrogènes actifs est quantitativement très importantdans la prostate où la 17-b-HSD, la 3-b-HSD et la 5-a-réductase sont très fortement exprimées. En effet, lacastration médicale ou chirurgicale ne diminue la DHTprostatique que de 40 %, alors que la concentrationplasmatique de testostérone circulante est diminuéede 90 à 95 %. Après suppression des androgènesd’origine testiculaire, la concentration intraprostatiquede DHT, dérivée de la DHEA surrénalienne, demeuredonc à un niveau suffisant pour posséder un effetandrogénique qui peut être délétère dans certainessituations, comme par exemple le cancer de laprostate [8].

Le métabolisme de la DHEA exogène a été très bienétudié chez des patients ayant une insuffisancesurrénale primitive ou secondaire dans le cadre d’uneinsuffisance antéhypophysaire [1, 15]. Il a ainsi été

PAPSPAP

O3SO

DHEA-ST

Sulfatase

HO

OO

4 Structure de la déhydroépiandrostérone (DHEA)(à gauche) et de son ester sulfate (SDHEA) (à droite).La conversion de DHEA en SDHEA est catalysée parune sulfotransférase (ST). La sulfatase permet l’hy-drolyse de la liaison ester du SDHEA. La DHEA etle SDHEA sont en interconversion permanente dansl’organisme. PAPS : 3’-phosphoadénosine, 5’-phos-phosulfate ; PAP : 3’-phosphoadénosine, 5’-phos-phate.

Déhydroépiandrostérone

2b

17- Hydroxyprégnénolone

H2a

Prégnénolone

1

CholestéroloH

oH

oH

oH

o

o

o

o

3 Biosynthèse de la déhydroépiandrostérone à par-tir du cholestérol dans la couche réticulée du cortexsurrénalien. 1. Le clivage de la chaîne latérale du cho-lestérol a lieu après pénétration de ce composé dansles mitochondries grâce à la protéine StAR. Cetteréaction est catalysée par le cytochrome P450scc(activité 20-22 desmolase). La 17-a-hydroxylation(2a) et le clivage de la liaison carbone C17,20 (2b)(activité 17-20 lyase) sont catalysés par la mêmeprotéine, le cytochrome P450 C17.

∆5-diol

DHEA

2

∆4-dione

2

E1

E2

2

Testostérone

DHT

1

1

3

3

5 Biosynthèse tissulaire des androgènes et estrogè-nes actifs à partir de la déhydroépiandrostérone(DHEA) surrénalienne. 1 : 3-b-hydroxystéroïde dé-shydrogénase (3b-HSD) ; 2 : 17-b-hydroxystéroïdedéshydrogénase (17b-HSD) ; 3 : aromatase ; 4 : 5-a-réductase ; D-5-diol : androstène-3-b, 17-b-diol ;D-4-dione : androstènedione ; DHT : dihydrotestos-térone ; E1 : estrone ; E2 : estradiol.

3-0720 - Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ?

2

Page 60: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

montré que la DHEA administrée par voie orale estfortement convertie en SDHEA par la sulfotransférasehépatique (fig 6). Le métabolisme de ce stéroïdesulfoconjugué suit ensuite les conversions vues plushaut qui aboutissent à la formation de stéroïdessexuels (fig 5, 7).

■L’essentiel des effets documentés

et reproductibles de la DHEA

résultent de sa conversion

en stéroïdes sexuels

Les principaux effets androgéniques et estrogéni-ques observés après traitement prolongé par la DHEAsont indiqués dans le tableau I. L’action la plusspectaculaire, retrouvée dans les différents essaiscliniques, est l’amélioration de la libido chez la femme[1, 3]. Les effets sur la densité minérale osseuse,l’ostéoformation et l’ostéorésorption sont modestes etd’autres effets, comme les modifications de lacomposition corporelle, ne sont pas retrouvés par tousles auteurs [6]. Il est notable que tous ces effetsbénéfiques ont été rapportés chez des femmes avecdes concentrations initiales basses de DHEA, qu’ellessoient âgées ou atteintes d’une insuffisance surrénale[1, 3]. Chez l’homme, même âgé, en revanche, la DHEAne semble pas avoir d’effet bénéfique reproductible[3, 6]. Cette différence entre les sexes s’explique par lapersistance chez l’homme, même très âgé, d’uneimprégnation androgénique et estrogénique d’originetesticulaire. Chez la femme âgée, en revanche,

l’épuisement ovarien et la baisse de la DHEA et duSDHEA surrénaliens concourent à l’effondrement desandrogènes et estrogènes circulants. En effet,l’administration chronique de DHEA ne modifie pas oupeu les concentrations plasmatiques de testostérone etd’estradiol chez l’homme, alors que celles-ci sontnettement augmentées chez les femmes âgées ou eninsuffisancesurrénale [1, 3, 6, 15].

■Autres effets possibles

de la DHEA

On a vu plus haut que la majorité des effetsreproductibles de la DHEA peuvent être expliqués parla conversion de ce précurseur stéroïdien en stéroïdessexuels. On ne peut cependant complètement exclure

que cette molécule puisse avoir des effets propresindépendants de son métabolisme en androgènes etestrogènes [14]. Ce point est cependant trèscontroversé. En effet, la DHEA et son sulfate nepossèdent pas de récepteur spécifique, condition àtout effet biologique propre. Néanmoins, certainseffets au niveau du système nerveux central ont étédécrits in vitro ou in vivo chez les rongeurs. Il s’agitd’une action de la DHEA ou de son sulfate commeprotecteurs neuronaux, modulateurs des récepteurs decertains neuromédiateurs comme l’acide c-aminobuty-rique (GABAA), l’acide aminé excitateur NMDA et lerécepteur sigma [2]. De même, certains effetspharmacologiques sur le comportement agressif etmnésique d’animaux de laboratoire ont été décrits [14].Par ailleurs, une modulation de quelques paramètresde l’immunité après administration de DHEA a étérapportée. Les mécanismes de ces effets sur le systèmeimmunitaire, non retrouvés par tous les auteurs, nesont pas encore élucidés. Ils pourraient impliquer unrécepteur hypothétique de ce stéroïde au niveau descellules immunocompétentes ou être simplementconsécutifs au métabolisme de la DHEA en hormonessexuelles actives.

■Intérêt thérapeutique potentiel

du traitement substitutif

des personnes âgées par la DHEA

Comme nous l’avons vu, une des caractéristiquesessentielles de la DHEA et du SDHEA est la diminutionde leur taux plasmatique au cours de la vie. Levieillissement est d’autre part marqué par unediminution de la masse musculaire et uneaugmentation du tissu adipeux. De même,l’ostéoporose, l’atrophie cutanée, l’athérosclérose, unesusceptibilité plus grande aux infections, uneaugmentation du nombre de cancers, un abaissementdes défenses immunitaires chez les sujets âgéspourraient être en partie hormonodépendants. Lesstéroïdes sexuels jouent un rôle important au cours duvieillissement. Chez la femme en postménopause, lebien-fondé d’un traitement estroprogestatif n’est plus àdémontrer.

Si la diminution de la SDHEA avec l’âge explique, aumoins en partie, certains symptômes liés auvieillissement, le traitement substitutif de cette carencehormonale progressive paraît logique. D’autre part, lemodèle de l’insuffisance surrénale (primitive ousecondaire à l’insuffisance corticotrope) est du plusgrand intérêt pour savoir quelles sont lesconséquences réelles du déficit en DHEA et quel

0

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* * * * **

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(f : 4,1-28)(m : 5,9-29)

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(f : 2,1-14,0)(m : 4,2-15,2)

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Temps (heures)

200 mg

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Placebo

6 Taux plasmatiques de déhydroépiandrostérone(DHEA) (nmol/L) (A) et de son ester sulfate (SDHEA)(µmol/L) (B) chez des patients en insuffısance antéhy-pophysaire. Les taux plasmatiques de ces stéroïdessont très bas du fait de l’insuffısance surrénale secon-daire (placebo). La DHEA administrée par voie oraleest massivement convertie en SDHEA. La dosede 50 mg est suffısante pour rétablir les taux normauxobservés chez des sujets jeunes (indiqués entre paren-thèses : f [femmes], m [hommes]).

*

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(f : 0,52-2,6)(m : 9,5-31)

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DHEA ouPlacebo

(f : 70-340)(m : 37-150)

7 Effet de l’administration de déhydroépiandrosté-rone (DHEA) per os sur les taux plasmatiques de tes-tostérone (A) et d’estradiol (E2) (B) chez des patientsen insuffısance antéhypophysaire non substituéspar des stéroïdes sexuels. Entre parenthèses, valeursnormales chez des hommes (m) et des femmes (f)jeunes en début de cycle.

A

B

Tableau I. – Effets de la déhydroépiandrostérone par conversion en stéroïdes sexuels.

Effets androgéniques Effets estrogéniques

# Libido et sexualité # Minéralisation osseuse

# Bien-être # Marqueur d’ostéoformation(physique - psychique) (ostéocalcine)

# Sébum & Marqueurs d’ostéorésorptionAcné (phosphatases alcalines, hydroxyproline)

# Épaisseur cutanée Maturation de l’épithélium vaginal

# IGF I dans le plasma* # HDL cholestérol*(à faible dose)

& HDL cholestérol(à forte dose)

# Masse musculaire*

* Non retrouvés par tous les auteurs.HDL : high density lipoprotein; IGF : insulin-like growth factor.

Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ? - 3-0720

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Page 61: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

bénéfice peut être espéré de la substitutionhormonale. Il est nécessaire cependant de répondre àun certain nombre de questions.

La carence en SDHEA chez les patients atteintsd’insuffisance surrénale ou corticotrope est-elleassociée aux anomalies constatées au cours duvieillissement ? La substitution par ce stéroïde permet-elle de corriger ces anomalies ? En fait, aucune étuden’a montré jusqu’à ce jour que la carence profonde enSDHEA observée au cours de ces pathologiessurrénaliennes entraîne des symptômes devieillissement, en dehors de troubles possibles de laqualité de vie, liés partiellement à la carence enandrogènes chez les femmes [1]. Il faut de mêmesouligner que la vieillesse n’est pas le seul étatphysiologique caractérisé par des taux plasmatiquestrès bas de DHEA et de SDHEA. L’enfance, avantl’adrénarche, s’accompagne d’une absence desécrétion de cet androgène surrénalien sans aucuneconséquence pathologique.

Les travaux récents réalisés chez des femmesménopausées ou addisoniennes [1, 3] ont montré,comme nous l’avons vu, que la plupart des effetsobservés après traitement « substitutif » par la DHEA

pouvaient être expliqués par la conversion de cettehormone en stéroïdes sexuels, tout particulièrementen androgènes. Ces études ont eu comme mérite desouligner l’intérêt potentiel d’un apport androgéniquechez les femmes carencées en hormones mâles et demontrer que la testostérone pouvait jouer un rôle surle bien-être et la sexualité [5, 11, 12]. L’intérêt del’administration de DHEA par rapport à un traitementdirect par la testostérone est essentiellement d’ordrepharmacocinétique. La conversion de ce stéroïde dedemi-vie courte en SDHEA dont la demi-vie est longuepermet l’administration quotidienne d’un seulcomprimé. Le métabolisme relativement faible de laSDHEA en stéroïdes sexuels permet d’autre part delimiter les surdosages thérapeutiques, ce qui n’est pasle cas avec les formes galéniques de la testostéroneactuellement disponibles.

Si l’intérêt thérapeutique de la DHEA se confirmechez les femmes âgées, il faudra, comme avec toutmédicament, le confronter à sa tolérance de façon àétablir un rapport bénéfice-risque. Il ne faut pas eneffet oublier que l’administration de DHEA diminue lafraction high density lipoprotein (HDL) du cholestérol,ce qui peut avoir des effets cardiovasculaires délétères

en cas d’administration chronique. De même, laconversion en estrogènes pourrait entraîner uneaugmentation du risque de cancer du sein similaire àcelle qui a été décrite après traitement hormonalsubstitutif de la ménopause.

■Conclusion

Le SDHEA, produit par la couche réticulée de lacorticosurrénale, est le stéroïde dont la concentrationplasmatique est la plus élevée chez l’homme, mais sonrôle physiologique demeure peu clair. La vieillesses’accompagne d’une baisse importante de la DHEA etdu SDHEA, processus qui est appelé par certains« adrénopause ». Le rôle de cette décroissance dans lesprocessus pathologiques liés à l’âge n’est pasdémontré. Les seuls effets bien documentés de laDHEA dans l’espèce humaine semblent résulter de sonmétabolisme en stéroïdes sexuels actifs. Les premiersessais cliniques réalisés chez les sujets âgés et despatientes en insuffisance surrénale semblent indiquerun effet bénéfique potentiel chez la femme, surtout liéà sa conversion en androgènes.

Jacques Young : Praticien hospitalier universitaire.Gilbert Schaison : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.

Service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction, hôpital de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Young et G Schaison. Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ?Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0720, 2001, 4 p

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3-0720 - Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ?

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Page 62: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Gynécomasties

H Combe, P Lecomte

L a gynécomastie se définit par une augmentation de volume uni- ou bilatérale de la glande mammaire chezl’homme. Rencontrée à tous les âges de la vie, elle est particulièrement fréquente à la puberté et au-delà de 70

ans. Le diagnostic positif est clinique. La mammographie peut parfois être utile. Le diagnostic étiologique repose engrande partie sur l’interrogatoire et l’examen clinique complet comprenant toujours la palpation des organesgénitaux externes. Excepté chez l’adolescent où son existence est physiologique, quelques explorationscomplémentaires sont nécessaires, au premier rang desquelles figure l’échographie testiculaire qui permet de décelerdes tumeurs infracliniques. Le traitement doit toujours comporter la suppression de la cause. Le choix entre traitementmédical et chirurgical sera fonction de l’ancienneté de la gynécomastie et de son retentissement psychologique etesthétique. La molécule la plus employée est la dihydrotestostérone par voie percutanée. En cas d’intervention, laréalisation d’une incision périaréolaire ne laisse pas de cicatrice et permet la guérison définitive.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La gynécomastie est un motif fréquent deconsultation. Son retentissement psychologique etesthétique peut être important. En dehors desgynécomasties néonatales, on observe deux pics defréquence : à la puberté où 60 à 70 % des adolescentset des adultes jeunes sont atteints et chez l’adulte où laprévalence est la plus élevée entre 50 et 80 ans. Quelque soit l’âge de survenue, l’interrogatoire et unexamen clinique complet permettent dans la plupartdes cas de poser le diagnostic, d’en reconnaître lacause et de proposer un traitement. Néanmoins, desexamens complémentaires soigneusement choisissont nécessaires pour ne pas méconnaître certainesétiologies nécessitant un traitement spécifique.

■Physiopathologie

Œstrogènes et androgènes sont les deux principauxfacteurs intervenant dans le développementmammaire. Les premiers stimulent la prolifération descanaux galactophores et du tissu conjonctif, alors queles seconds l’inhibent. Chez l’homme, les œstrogènesproviennent majoritairement de l’aromatisation desandrogènes sécrétés par les cellules de Leydig dutesticule et les cellules de la corticosurrénale.Œstrogènes et androgènes sont véhiculés dans le sangpar une protéine porteuse, la sex hormone bindingglobulin (SHBG). Son affinité est plus grande pour lesandrogènes et cela peut jouer un rôle dans laphysiopathologie des gynécomasties. En effet, ledéveloppement d’une gynécomastie traduit unediminution systémique ou locale du rapporttestostérone/estradiol. Histologiquement, il existe uneprolifération diffuse des composants du tissumammaire.

■Diagnostic

‚ Diagnostic positif

La gynécomastie se définit par l’augmentation devolume uni- ou bilatérale de la glande mammaire chezl’homme (fig 1) . Premier temps de l’examen,l’inspection ne suffit pas à porter le diagnostic. C’est lapalpation qui met en évidence une structure centréesur l’aréole, de consistance ferme. Il faut apprécier lataille de la gynécomastie - qui peut parfois prendrel’aspect d’un sein féminin - son caractère uni-oubilatéral, sa sensibilité, l’existence d’un écoulementet/ou d’adénopathies satellites. Une fois le diagnosticétabli, l’examen clinique doit être méticuleux.L’interrogatoire précise l’existence d’antécédentsfamiliaux similaires, l’âge de survenue, le modeévolutif, les prises médicamenteuses, l’existence d’unediminution de la libido, d’une impuissance et lesantécédents hépatiques, cardiaques et rénaux. Lapalpation des organes génitaux externes doit êtresystématique, à la recherche d’une micro-orchidie,d’une tumeur, d’une ambiguïté sexuelle, d’uneanomalie d’abouchement de l’urêtre (hypospadias).Les fosses lombaires seront soigneusementexaminées et l ’on recherchera des signesd’insuffisance gonadique ou antéhypophysaire, dedénutrition et d’hyperthyroïdie.

‚ Diagnostic différentiel

Adipomastie

Elle est fréquente au cours de l’obésité. Elle estbilatérale, n’est pas centrée par l’aréole mais suit lebord inférieur du grand pectoral. Sa consistance estmolle, plus ou moins grenue. Elle peut coexister avecune gynécomastie, ce qui rend le diagnostic difficile.Une mammographie peut être utile pour faire la partdes choses.

Tumeurs

En cas d’hypertrophie mammaire unilatérale, il fautévoquer :

– les tumeurs bénignes : fibromes, lipomes, noncentrés sur l’aréole. Leur structure n’est pascanaliculaire ;

– les tumeurs malignes : elles représentent moinsde 1 % des cancers de l’homme et prennent la formed’une tuméfaction irrégulière, dure, souvent adhérenteaux plans profonds et non centrée sur l’aréole.

1 Gynécomastie bilatérale au cours du syndromede Klinefelter.

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L’existence d’un écoulement sanglant et/oud’adénopathies est fortement évocatrice du diagnostic.La mammographie est ici nécessaire, de même que lacytoponction diagnostique

■Étiologies

Leur fréquence respective et leur répartitiondépendent en partie de l’âge. Elles sont regroupéesdans le tableau I. Une cause médicamenteuse outoxique doit être systématiquement recherchée(tableau II). Les produits en cause sont nombreux, maisles spironolactones (Aldactonet, Aldactazinet) et lacimétidine (Tagamett) arrivent en tête. Le mécanismevarie selon le produit : inhibition compétitive del’action des androgènes (spironolactones, cimétidine..),inhibition de la synthèse des androgènes (imidazolés,vincristine...), effet œstrogénique directs (Distilbènet)ou « œstrogène-like » (haschich, marijuana,digitaliques) ou enfin induction d’une hyperprolactiné-mie : méthyldopa, tricycliques...

Certaines gynécomasties sont physiologiques : lagynécomastie néonatale survient entre le 2e et le 4e

jour de vie. Elle est liée à l’action des œstrogènesd’origine maternelle et régresse spontanément.

La gynécomastie pubertaire est très fréquente etconcerne 40 à 60 % des adolescents. Elle est souventunilatérale et sensible. Elle régresse spontanément en6 à 18 mois la plupart du temps. Si l’anamnèse etl’examen clinique doivent être conduits de la mêmemanière que chez l’adulte, les explorations peuventbien souvent être simplifiées (cf « Examenscomplémentaires »). Il faut se rappeler que lagynécomastie est exceptionnelle chez l’enfant. Saprésence doit faire rechercher une cause tumoralesurrénalienne, testiculaire ou intracrânienne.

Chez le sujet âgé, une gynécomastie serait présentechez 75 % des patients au-delà de 50 ans. Elle est liée àune diminution du taux d’androgènes avec l’âge et à

l’augmentation des concentrations plasmatiques deSHBG, ce qui entraîne une hyperœstrogénie relative.Elle doit rester un diagnostic d’élimination.

INTERROGATOIRE :- antécédents rénaux, hépatiques,cardiaques, familiaux identiques- ancienneté, évolutivité- médicaments, toxiques- dialyse, renutrition- diminution de la libido, impuissance

EXAMEN CLINIQUE :- caractères sexuels secondaires- organes génitaux externes- abdomen, fosses lombaires- thyroïde

GYNÉCOMASTIE ISOLÉE GYNÉCOMASTIE ASSOCIÉE À ...

Période néonatale, pubertaire

Pas d'explorationSurveillance

Adulte

Prolactinémie

Prolactine

IRM hypophysaire

Prolactinome

Normal

Pas d'autre examen

Gynécomastie idiopathique

Échographie testiculaire

Tumeur testiculaire

Estradiol, testostérone,FSH, LH, β-hCG,α-fœtoprotéinetest à l'hCG

Tumeur à cellules de LeydigTumeur maligne

Tumeur testiculaire Micro-orchidie

CaryotypeFSH, LH...

Klinefelter

Altération de l'état généralet/ou hyperœstrogénie marquée et/ou syndrome tumoral

TDM surrénales, abdomen,thorax

CorticosurrénalomeTumeur hépatique,rénale, pancréatique,bronchique

Anomalie des organes génitauxexternes, des caractères sexuelssecondaires, hypogonadisme

TestostéroneFSH, LH...

Résistance aux androgènesHermaphrodisme vraiAnorchidieInfection viraleBlocs enzymatiquesTraumatisme

Hyperthyroïdie

TSH

Causes évidentes

Iatrogène, toxiqueInsuffisance cardiaqueCirrhoseRenutrition

GYNÉCOMASTIE

2 Examens complémentaires face à une gynécomastie.

Tableau I. – Étiologie des gynécomasties.

Gynécomasties physiologiquesNéonatalePubertaireSujet âgé

Gynécomasties non physiologiquesTumeurs :

- testiculaires (cellules germinales, cellules deLeydig, de Sertoli)

- surrénaliennes (adénome, corticosurréna-lome malin)

- sécrétion ectopique d’hCG (cancer bronchi-que, hépatique, rénal, pancréatique...)

Déficit en testostérone :- congénital :

Klinefelteranorchidierésistance aux androgènesblocs enzymatiques (3-b-hydroxystéroïde,17-b-hydroxystéroïde)

- acquis :oreillonstraumatismeradiothérapieprolactinome

Hermaphrodisme vraiCirrhoseRenutritionInsuffısance rénale, dialyseHyperthyroïdieAugmentation de l’aromatase périphériqueIatrogèneToxique

Gynécomasties idiopathiques

Tableau II. – Principales causes iatrogènes ettoxiques des gynécomasties.

Androgènes et stéroïdes anabolisantsHormones gonadotrophines chorioniquesŒstrogènes et agonistes des œstrogènesAntiandrogènes, inhibiteurs de la synthèse des an-drogènes :

- acétate de cyprotérone- flutamide- isoniazide- kétoconazole- métronidazole

Antiulcéreux :- cimétidine- oméprazole- ranitidine

Chimiothérapie (agents alkylants)Médicaments cardiovasculaires :

- spironolactones- méthyldopa- digitoxine- réserpine

Psychotropes :- antidépresseurs tricycliques- diazépam- phénothiazines- halopéridol

Toxiques :- alcool- amphétamines- marijuana- haschich- héroïne

Autres :- phénytoïne- pénicillamine

3-0680 - Gynécomasties

2

Page 64: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

■Examens complémentaires

Ils sont guidés par l’interrogatoire et l’examenclinique (fig 2). Le dosage de la créatinine plasmatique,du taux de prothrombine ou de la TSH permet deconfirmer une insuffisance rénale ou hépatique, unehyperthyroïdie. En période strictement pubertaire, s’iln’y a aucun élément clinique d’orientation, il n’est pasnécessaire d’engager des explorations complémen-taires coûteuses qui n’apportent rien au diagnostic.Néanmoins, une surveillance régulière doit êtreeffectuée.

Reprenant les résultats de l’exploration hormonalede près de 600 patients âgés de 18 à 25 ans, Gautier etal estiment que s’il n’existe aucune autre anomalie quela gynécomastie au terme d’un examen cliniquerigoureux, la réalisation d’une échographie testiculaireet d’un dosage de la prolactine suffit en premièreintention chez l’adulte jeune. Dans cette étude en effet,95 % des gynécomasties étaient idiopathiques, et lesexamens doivent viser à écarter une pathologietumorale testiculaire infraclinique ou hypophysaire.L’échographie permet de détecter des tumeurstesticulaires de 2 mm de diamètre et son coût estfaible (K20). Selon le type de tumeur, la fréquence de lagynécomastie est variable : 10 à 30 % pour lestumeurs à cellules de Leydig et 1 % pour lesséminomes. La découverte d’une tumeur testiculairedoit faire demander un dosage des marqueurstumoraux â-hCG et a-fœtoprotéine. Ces dosagesdoivent être complétés par la détermination del’œstradiol plasmatique de base et après stimulationpar hCG, de la LH, de la FSH et de la testostérone.

Bien que ne représentant qu’une faible proportiondes étiologies, une hyperprolactinémie fera demanderune IRM hypophysaire. En cas de micro-orchidiebilatérale, il faut prescrire un caryotype (syndrome deKlinefelter avec élévation des gonadotrophines FSH etLH et caryotype XXY). Une anomalie des organesgénitaux externes, des signes d’hypoandrismeconduiront à des explorations hormonales pluscomplexes à la recherche d’une insensibilité auxandrogènes, d’un hermaphrodisme vrai, d’un blocenzymatique ou d’une anorchidie congénitale.

En cas d’anomalie de la palpation abdominale oudes fosses lombaires, de signes d’hyperœstrogéniemarqués (hyperpigmentation aréolaire), d’altération del’état général, il faut demander un examentomodensitomètrique de l’abdomen, du thorax à larecherche d’un corticosurrénalome, d’une tumeurhépatique, pancréatique, rénale ou bronchique. Cen’est qu’en l’absence d’orientation clinique ou en casde négativité des examens complémentaires que l’onsera amené à parler de gynécomastie idiopathique (10à 20 % des cas) ou de gynécomastie de la sénescencechez le sujet âgé.

■Traitement

Il dépend avant tout de la cause : arrêt d’une prisemédicamenteuse, d’un toxique, substitutionandrogénique d’un hypogonadisme, correction d’unehyperthyroïdie etc. Néanmoins, la gynécomastie nerégresse pas toujours après traitement étiologique.Dans ce cas, comme pour les gynécomastiesidiopathiques et les gynécomasties parapubertairesprolongées, un traitement médical ou chirurgical estnécessaire.

‚ Traitement médicalIl faut se rappeler que nombre de gynécomasties

ont tendance à régresser spontanément, ce qui renddifficile l’évaluation précise de l’efficacité réelle destraitements médicaux. L’action des médicaments estmaximale durant la phase active de constitution de lagynécomastie (prolifération cellulaire). Ainsi, au-delàd’un an d’évolution, leur efficacité tend à décroître.

La testostérone figurait auparavant parmi lesthérapeutiques proposées. En fait, elle n’améliore pasl’évolution de la gynécomastie et risque même pararomatisation et transformation en œstradiol del’aggraver. Le danazol (Danatrolt) à la dose de200 mg/j chez l’adolescent et 400 à 600 mg/j chezl’adulte donne des résultats moyens avec des effetssecondaires non négligeables (prise de poids,crampes, acné, nausées). Les antiœstrogènes, citratede clomiphène (Clomidt, 50 à 100 mg/j) et

tamoxifène (Nolvadext, 20 mg/j) ont donné desrésultats encourageants avec un taux de réductionde la gynécomastie allant de 36 % à 95 % selon lesétudes et les doses utilisées. Aucun effet secondairen’a été décrit. Certains auteurs proposent untraitement d’essai de 3 mois par tamoxifène en casde gynécomastie récente et douloureuse. Lesinhibiteurs de l’aromatase, tels que la testolactoneont été testés avec succès, sans effet secondaire.Mais en pratique, c’est la dihydrotestostérone (DHT)(Andractimt), non aromatisable et administrée parvoie percutanée qui reste la plus employée.L’élévation des concentrations plasmatiques de DHTfreine l’axe hypothalamohypophysaire. L’effet sur ladouleur est rapide. Kuhn et al. retrouvent 75 % deréduction du volume du tissu mammaire dont 25 % dedisparition complète lors du traitement d’un grouped’hommes ayant une gynécomastie parapubertaireprolongée. La posologie est de 125 mg appliqués surla gynécomastie matin et soir pendant 3 à 6 mois.

‚ Traitement chirurgicalLa chirurgie fait appel à un plasticien qui enlève le

tissu glandulaire par une incision périaréolaire. Legeste est simple et les résultats esthétiques et sur ladouleur sont immédiats. Il est indiqué après échec de 3à 6 mois de traitement médical ou d’emblée lorsque lagynécomastie est ancienne.

■Conclusion

La gynécomastie est un problème fréquemmentrencontré. Sa prise en charge doit tenir compte desdonnées de l’interrogatoire et de l’examen clinique.Chez l’adolescent, son caractère physiologiqueexplique que les explorations complémentaires nesoient pas nécessaires lorsqu’elle est isolée. Dans lesautres cas, des examens simples et peu coûteuxpermettent de confirmer le diagnostic étiologique. Uneorigine médicamenteuse ou tumorale doitconstamment être évoquée. Fonction de la cause et del’ancienneté de la gynécomastie, le traitement, médicalet/ou chirurgical permet la régression complète dansla majorité des situations.

Hervé Combe : Chef de clinique-assistant.Pierre Lecomte : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service endocrinologie et maladies métabolique, CHU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours Cedex 01, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Combe et P Lecomte. Gynécomasties.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0680, 1998, 3 p

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Gynécomasties - 3-0680

3

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Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme

H Combe, P Lecomte

L ’hirsutisme doit être distingué de l’hypertrichose qui n’est que l’exagération de la pilosité chez la femme dansdes zones non androgénodépendantes. Bien que souvent d’origine « bénigne » (ovaires polykystiques,

hirsutisme idiopathique), il ne doit pas être négligé, car il peut être le premier symptôme d’une tumeur ovarienne ousurrénalienne. Dans ce cas, il s’accompagne souvent de signes de virilisation (clitoridomégalie, raucité de la voie...).Le dosage des androgènes circulants (testostérone, sulfate de déhydroépiandrostérone, 17-hydroxyprogestérone et∆4-androstènedione) en phase folliculaire permet une première approche diagnostique. Leur taux plasmatique,notamment celui de la testostérone, et les données de l’examen clinique guident le choix des autres explorationscomplémentaires : test de stimulation par l’ACTH (adrenocorticotrophic hormone), tomodensitométrie surrénalienne,échographie ovarienne... Le traitement doit répondre à deux objectifs : supprimer la cause de l’hirsutisme lorsqu’elleest retrouvée (exérèse d’une tumeur par exemple) et diminuer la pilosité. Ce dernier point justifie dans la grandemajorité des cas l’utilisation prolongée d’antiandrogènes tels que l’acétate de cyprotérone. Les moyens cosmétiquescomme l’épilation électrique sont réservés aux hirsutismes majeurs et doivent être débutés après plusieurs mois detraitement médical bien conduit.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le possible retentissement psychologique etsocial de l’hirsutisme en fait un motif fréquent deconsultation. Si la demande initiale est souventd’ordre esthétique, il ne faut pas oublier quel’hirsutisme peut être le signe révélateur d’affectionsendocriniennes nécessitant un traitementspécifique : tumeur androgénosécrétante,hyperplasie de la surrénale... Il ne doit donc pas êtrenégligé. Des examens simples en première intentionpermettent dans la plupart des cas d’en préciserl’étiologie et de proposer une prise en chargeadaptée.

■Définition

Afin d’éviter des explorations inutiles, il sembleutile de revenir sur quelques notions permettant dedistinguer une situation pathologique d’une simple« variante » de la normale. Le follicule pilosébacéforme une unité constituée par le poil entouré d’unegaine, à laquelle est appendue une glande sébacée.Cet ensemble est particulièrement sensible à l’actiondes androgènes qui contrôlent la pilosité des zonessexuelles : pubis, aisselles pour les deux sexes (poilsambosexuels), visage, thorax, abdomen, périnée etface supéro-interne des cuisses chez l’homme. Ceszones sont dites « androgénodépendantes ». Dansles autres régions du corps (cheveux, cils, sourcils,avant-bras et jambes), les androgènes favorisentégalement la pousse du poil, en même temps que

d’autres facteurs. L’hyperstimulation du folliculepilosébacé par un excès local et/ou plasmatiqued’androgènes (hyperandrogénie) rend compte del’existence de l’hirsutisme, ou hyperpilosité vraie.

L’association à une hyperséborrhée et à uneacné, deux autres pathologies androgéno-dépendantes, est fréquente. En revanche, une voixrauque, une hypertrophie clitoridienne et musculaire,une alopécie frontotemporale et une atrophiemammaire signent l’existence d’un virilisme.

La répartition particulière de la pilosité au cours del’hirsutisme et son caractère dense et dru permettentde le distinguer de l’hypertrichose qui n’est quel’exagération de la pilosité des zones nonandrogénodépendantes. Dans ce cas, l’hyperpilositéest diffuse, souvent familiale et existe avant lapuberté.

■Physiopathologie

‚ Chez la femme normale

La synthèse des androgènes est résumée dans lafigure 1. Comme chez l’homme, mais à des taux dixfois moindre, la testostérone (T) est le principalandrogène circulant chez la femme. Elle est liée pour

90 % à la sex hormone binding globulin (SHBG) quilui sert de vecteur plasmatique. Cette protéine lieégalement l’œstradiol avec une affinité plus faible.Seule la forme libre de la T peut pénétrer dans lescellules des tissus cibles. Les ovaires et les surrénalessécrètent chacun environ 25 % de la quantité totaled’androgènes. Les 50 % restants proviennent de laconversion périphérique au niveau de la peauessentiellement, mais aussi du foie et du tissuadipeux des précurseurs suivants : ∆4-androstè-nedione (∆4A), déhydroépiandrostérone (DHA) etsulfate de déhydroépiandrostérone (SDHA). Lemétabolite actif intracellulaire de la T, ladéhydrotestostérone (DHT), obtenu après action dela 5α-réductase de type 2 au niveau de la peau (fig2), est le plus puissant des androgènes. Viennentensuite, par ordre décroissant, la ∆4A, la DHA et leSDHA. Deux voies de synthèse, ∆4 et ∆5, permettentla formation des androgènes à partir du cholestéroldans les ovaires et dans les surrénales. La premièreest plus active dans les ovaires et la seconde dans lessurrénales. De ce fait, le principal androgène sécrétépar l’ovaire est la ∆4A, et le principal androgèneproduit par la surrénale, le SDHA (fig 1).

‚ Chez la femme hirsute

L’effet de l’hyperandrogénie dépend à la fois dutaux de production des androgènes et de lasensibilité de la peau à leur action. Quel que soit lesite principal de production (ovaire, surrénales oupeau), la clairance métabolique de la T estaugmentée chez la femme hirsute, alors que lesconcentrations plasmatiques de T peuvent êtrenormales (hirsutisme idiopathique). Une diminutionrelative des concentrations de SHBG a été constatée,provoquant l’augmentation de la forme libre de la T

L’hirsutisme se définit commel’accentuation de la pilosité chez lafemme et son extension à desterritoires où elle n’existehabituellement que chez l’homme.

1

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3-0650

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et donc une augmentation de sa biodisponibilité. Lapeau, qui est à la fois « utilisateur » et producteurd’androgènes grâce à des enzymes telles que la5α-réductase de type 2, la 3â-hydroxystéroïdedéshydrogénase ou la 17â-hydroxystéroïdedéshydrogénase, joue un rôle central dans laphysiopathologie (fig 2).

■Étiologies

L’hirsutisme relève soit d’une hyperproductiond’androgènes d’origine ovarienne ou surréna-lienne, soit d’une hypersensibilité de la peau aux

androgènes. L’association des deux mécanismes estpossible. Les étiologies sont regroupées dans letableau I. Le syndrome des ovaires polykystiques(SOPK), ou « hyperandrogénie fonctionnelleovarienne », et l’hirsutisme idiopathique recouvrentà eux deux la majorité (90 %) des causesd’hirsutisme. Viennent ensuite les déficitsenzymatiques, les tumeurs et les causes iatrogènes.

■Évaluation clinique

L’évaluation du degré d’hirsutisme est subjective,car elle dépend de l’examinateur. Elle est néanmoinsnécessaire, car, répétée, elle permet de juger del’évolution sous traitement. La méthode d’évaluationla plus employée est celle de Ferriman et Gallway,semi-quantitative (fig 3). Onze régions du corps sontcotées de 1 à 4 en fonction de la sévérité del’hirsutisme pour chacune. Le total des points indiquele degré d’hirsutisme, lui-même défini par un scoresupérieur à 8. L’interrogatoire doit faire préciser laprésence d’antécédents familiaux identiques,l’ethnie, l’âge de la puberté, les prises médicamen-teuses, l’ancienneté et le mode évolutif del’hirsutisme, l’existence de troubles des règles(oligospanioménorrhée, aménorrhée) ou d’uneinfertilité. Outre la quantification de l’hirsutisme parle score de Ferriman et Gallway, l’examen cliniquedoit rechercher les signes de virilisation décrits plushaut, une hypertension artérielle, une obésitéandroïde, un acanthosis nigricans, une petite taille,une tumeur à la palpation de l’abdomen et desfosses lombaires, de gros ovaires lors de l’examengynécologique, une galactorrhée et des signesd’hypercorticisme. La courbe de température estessentielle et renseigne sur l’existence ou non

ADN

R'

R

R'+

+

Androstanediol

DHT

5α-réductase

SHBG

DHA

3β-hydroxystéroïde déshydrogénase

17β-hydroxystéroïdedéshydrogénase

Testostérone libre

∆4-androstènedione

2 Métabolisme des androgènes au niveau de la peau. 1. DHA : déhydroépiandrostérone ; 2. SHBG : sex hormonebinding globulin; 3. DHT : dihydrotestostérone ; 4. R : récepteur cytosolique ; 5. R’ : récepteur nucléaire.

SDHA

Cholestérol

17-hydroxyprégnénolone Déhydroépiandrostérone(DHA)

SURRÉNALES

Prégnénolone

Progestérone 17-hydroxyprogestérone

Voie ∆5

∆4-androstènedione Testostérone

OVAIRESVoie ∆4

3 OHSTDaseβ

3 OHSTDaseβ

3 OHSTDaseβ

1 Synthèse des androgènes. Les flèches fines correspondent aux voies de synthèse, les flèches épaissesindiquent l’origine principale de l’androgène. 1. SDHA : sulfate de déhydroépiandrostérone. 2. 3bOHSTDase :3b-hydroxystéroïde déshydrogénase.

Tableau I. – Étiologies des hirsutismes.

Origine ovarienneTumorale

ArrhénoblastomeGonadoblastomeTumeurs à cellules lipidiquesLutéome de la grossesse

Non tumoraleSyndrome des ovaires polykystiquesHyperthécose

Origine surrénalienneTumorale

Corticosurrénalome béninCorticosurrénalome malin

Non tumoraleBloc en 21-hydroxylaseBloc en 11â-hydroxylaseBloc en 3â-hydroxystéroïde déshydrogénase

Origine hypophysaireProlactinomeMaladie de Cushing

IatrogèneProgestatifs de synthèse dérivés de la noréthis-

téroneDanazolPhénytoïneDiazoxideMinoxidilCiclosporine

Hirsutisme idiopathique

3-0650 - Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme

2

Page 67: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

d’une ovulation et sur sa qualité. Ainsi, l’étiologie del’hirsutisme peut être en partie suspectée avantmême les explorations complémentaires :

– ancien, généralisé, avec antécédents familiaux,d’aggravation progressive et lente, sans trouble desrègles et avec une ovulation conservée, l’hirsutismea toutes les chances d’être idiopathique ;

– récent, « explosif » et accompagné de signes devirilisation, il est fortement suspecté d’être d’originetumorale ;

– apparu à la puberté, associé à une obésitéandroïde, à une spanioménorrhée d’aggravationprogressive et à de gros ovaires (inconstant), il estprobablement lié à un SOPK. Les multiplesprésentations cliniques du SOPK s’intégrantprobablement dans un seul et même cadrephysiopathologique, la distinction des types I et II deStein et Leventhal devient quelque peu caduque ;

– dans le cas d’un bloc enzymatiquesurrénalien, l’hirsutisme est ancien, la ménarche estapparue tardivement, il existe une virilisationpartielle et l’on retrouve des antécédents familiauxidentiques. Le morphotype est égalementparticulier : petite taille et aspect trapu.

■Examens complémentaires

La grande majorité des hirsutismes étant enrapport avec un SOPK ou idiopathique, il est inutiled’engager d’emblée des explorations complexes etcoûteuses.

Les examens hormonaux de premièreintention, quelle que soit l’orientation clinique,doivent comporter, pour la plupart des auteurs, undosage de la T, du SDHA, de la 17-hydroxyproges-térone (17-OHP) et de la ∆4A. Certains y ajoutent laLH (hormone lutéinisante) de base. Ces dosagessimples permettent de confirmer l’hyperandrogénieet de préciser son origine (fig 4). C’est principalementle taux de testostérone qui permet de différencier lespathologies tumorales des autres causes. Chez lafemme en période d’activité génitale, si le taux de Test supérieur à 2 ng/mL (7 nmol/L), une causetumorale est probable. Il en est de même si le SDHAdépasse 9 000 ng/mL (20 µmol/L). Chez la femmeménopausée, ces valeurs sont respectivement de1 ng/mL (3,5 nmol/L) et de 4 500 ng/mL (10 µmol/L).La 17-OHP permettra de confirmer le diagnostic debloc surrénalien en 21-hydroxylase à révélationtardive dans plus de 80 % des cas si son tauxdépasse 2 ng/mL (6 nmol/L) et dans 100 % des cas sile taux dépasse 10 ng/mL (30 nmol/L). Entre cesdeux valeurs, un test de stimulation par l’ACTH(Synacthènet Immédiat 0,25 mg en intramusculaireou en intraveineux) sera nécessaire. Une élévationde la 17-OHP supérieure à 20 ng/mL (60 nmol/L) à la60e minute signe le diagnostic de bloc enzymatiqueen 21-hydroxylase (1 à 6 % des hirsutismes). Lesdéficits en 11â-hydroxylase et en 3â-hydroxysté-roïde déshydrogénase à révélation tardive sontexceptionnels. Le premier est classiquementresponsable d’une hypertension artérielle avecalcalose hypokaliémique liée à l’élévation ducomposé S (11-désoxycortisol) et de la 11-désoxy-corticostérone (DOC) qui possède une activité

LOCALISATION - ZONE STADE DÉFINITION SCORE

Quelques poils sur le bord externeUne petite moustache sur le bord externeUne moustache s'étendant sur la moitiéexterneUne moustache s'étendant jusqu'à laligne médiane

Lèvre supérieure

12

12

34

1234

123

4

Quelques poils dispersésPoils dispersés avec des zones plus densesComplètement recouvert, légers et épais3 et 4

12

3 et 4

12

3 et 4

Menton

Quelques poils périaréolairesAvec quelques poils médians en plusLes trois quarts de la surface sont recouvertsPilosité recouvrant toute la poitrine

Poitrine

Quelques poils dispersésUn peu plus mais encore dispersésRecouvrant complètement la moitiésupérieure du dos, légers et épais

Partie supérieure du dos

Touffe de poils sacréeLa même avec extension latéraleLes trois quarts de la surface sont recouvertsPilosité diffuse sur toute la surface

Moitié inférieure du dos

Quelques poils médiansPlus fournis et toujours médiansPartie supérieure complètement recouverte

Moitié supérieure de l'abdomen

1234

Quelques poils médiansUne raie médiane de poils (trainée)Une bande médiane de poilsPilosité en losange

Moitié inférieure de l'abdomen

Pilosité clairsemée ne touchant pas plus duquart de la surface du segment de membreUn peu plus étendue ; la couverture resteincomplète

1

2

Bras, cuisse, jambe

Couverture complète de la face postérieure :deux stades pour pilosité légèredeux stades pour pilosité dense

1, 2, 3, 4Avant-bras

TOTAL

3 Évaluation du degré d’hirsutisme par le score de Ferriman et Gallway.

Caractéristiques de l’hirsutismeidiopathique

✔ Ancien, généralement apparu à lapuberté.✔ Antécédents familiaux identiques.✔ Aggravation très progressive, voirestabilisation au fil des ans.✔ Absence de médication pouvantcauser un hirsutime.✔ Examen clinique normal.✔ Absence de virilisation.✔ Cycles réguliers.✔ Ovulation conservée (courbethermique).✔ Dosages hormonaux (testostérone,∆4-androstènedione, SDHA,17-hydroxyprogestérone) normaux.Si toutes ces conditions sont réunies,l’hirsutisme a de fortes chances d’être« idiopathique ». Le traitement peutêtre débuté sans autre exploration.

Rappelons que les examenscomplémentaires doivent être guidéspar l’interrogatoire et l’examenclinique et que les dosages hormonauxdoivent impérativement être pratiquésle matin entre 8 h et 10 h et enpremière partie de cycle pour êtreinterprétables (avant le 7e jour, entrele 3e et le 5e jour au mieux, le 1er jourdes règles marquant le début du cycle).Les contraceptifs oraux doivent bienentendu être arrêtés. En casd’aménorrhée, le praticien peut s’aiderd’un test aux progestatifs(dydrogestérone, Duphastont : 1comprimé pendant 10 jours) pourprovoquer artificiellement la survenuedes règles. Si ce test est négatif(absence de règles, signe d’une hypo-œstrogénie profonde), le jour suivantla dernière prise de Duphastont estconsidéré comme étant le premier jourdu cycle.

Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme - 3-0650

3

Page 68: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

minéralocorticoïde. Le second est caractérisé parl’élévation de tous les stéroïdes de la voie ∆5 etsurtout de la 17-hydroxy-∆5-prégnénolone. Cesdosages sont réservés à des laboratoires trèsspécialisés et ne sont pas disponibles en routine.

La prolactinémie sera quant à elle dosée en casde galactorrhée. Le cortisol libre urinaire des 24heures sera demandé devant la moindre suspiciond’hypercorticisme. L’étude de la réponse de LH aprèsstimulation par la GnRH (gonadotrophin releasinghormone) sera effectuée en cas de suspicion deSOPK. Elle est très fortement exagérée au cours duSOPK. L’échographie ovarienne par voiesus-pubienne, ou mieux par voie endovaginale,permettra de mettre en évidence des ovairesmulti-microfolliculaires au stroma épaissi. En cas de Tplasmatique à des concentrations tumorales,l’échographie par voie endovaginale et l’imageriepar résonance magnétique du pelvis permettent dedétecter les tumeurs ovariennes. Les tumeurs

surrénaliennes seront au mieux repérées parl’examen tomodensitométrique. Un cathétérismerétrograde des veines surrénaliennes et ovariennesavec dosages étagés est parfois nécessaire dans lessituations complexes (petites tumeurs ovariennes).Lorsque ces explorations ne sont pas contributives,l’exploration chirurgicale doit être envisagée avecéchographie peropératoire.

Les autres dosages hormonaux sont superflus :le métabolite de la DHT, le 3α-androstanediolglucuronide, ne reflète pas fidèlement l’activité5α-réductase cutanée comme on a pu le penser etest donc inutile pour le diagnostic d’hirsutismeidiopathique. La DHA est difficile à doser, sa demi-vieest courte et ses concentrations fluctuentes. Ellen’apporte pas plus de renseignements que le SDHA,sauf lors d’une stimulation par le Synacthènet à larecherche d’un bloc en 3â-hydroxystéroïdedéshydrogénase, éventualité rarissime. Les autrestests de freinage ou de stimulation (human chorionic

gonadotropin « hCG », œstroprogestatifs...)n’apportent rien en pratique quotidienne.

■Traitement

Le traitement doit être étiologique chaque foisque cela est possible : chirurgie des tumeursovariennes et surrénaliennes, suppressions detraitements inducteurs d’hyperandrogénie... Dans lecas particulier d’une d’hyperplasie surrénalienne parbloc enzymatique, la freination de l’ACTH,responsable de la stimulation de la synthèse desandrogènes surrénaliens, par l’hydrocortisone(20 mg/j) ou la dexaméthasone (Décadront ouDectancylt : 0,25 mg à 0,5 mg le soir) est logique.Néanmoins, l’efficacité sur l’hirsutisme n’est pastoujours très marquée, et un traitementsymptomatique doit y être associé. Ce dernier faitappel aux antiandrogènes. En Europe, c’est l’acétatede cyprotérone (Androcurt) qui est le plus largementemployé parmi les antiandrogènes stéroïdiens. Cecise justifie car il est à la fois progestatif,antiandrogène et antigonadotrope, et donccontraceptif, à la dose de 50 mg ou de 25 mg/j (1 ou½ comprimé). La survenue d’une atrophie del’endomètre responsable d’une aménorrhée et/oude spotting est inévitable. Ces effets secondairespeuvent être prévenus par l’association d’unœstrogène à l’acétate de cyprotérone. Sur le planmétabolique, l’estradiol naturel par voie orale(Progynovat, Oromonet, Provamest, Estrofemt) oupar voie percutanée (Estraderm TTSt, Oesclimt,Œstrodoset, Œstrogelt, Systent) est préféré àl’éthinylestradiol.

La pilule Dianet est une association de 35 µgd’éthinylestradiol et de 2 mg d’acétate decyprotérone. Sa concentration en acétate decyprotérone est trop faible pour traiter un hirsutisme.Néanmoins, elle peut tout à fait être associée à

HIRSUTISME

Antécédents familiauxEthnieÂge de la pubertéAnciennetéMode évolutifTroubles des règlesCourbe ménothermiqueInfertilitéMédicaments

Score de FerrimanVirilisationSurpoidsPetite tailleHypertension artérielleGros ovairesGalactorrhéeSignes d'hypercorticismeTumeur des fosses lombairesTumeur abdominale

T17-OHPSDHA∆4A(LH)

T > 2 ng/mL(Virilisation)

0,45 ng/mL < T < 2ng/mL∆4A

0,2 ng/mL < T < 0,45 ng/mL∆4 normale

SDHA ∆4A 17-OHP∆4A

SDHA

LH après GnRH

TDM abdominaleCathétérismeveineux étagé

IRM pelvienneCathétérismeveineux étagé

Échographieovarienne

Tumeursurrénalienne

Tumeur ovarienneHyperthécose(Lutéome de la grossesse)

Bloc enzymatiquesurrénalien

SOPK Hirsutisme idiopathique

90 % des hirsutismes

4 Conduite à tenir devant un hirsutisme. 1. T : testostérone ; 2. 17-OHP : 17- hydroxyprogestérone ; 3. SDHA :sulfate de déhydroépiandrostérone ; 4.∆4A : ∆4-androstènedione ; 5. LH : hormone lutéinisante ; 6. GnRH :gonadotrophin releasing hormone ; 7. TDM : tomodensitométrie ; 8. IRM : imagerie par résonance magnéti-que ; 9. SOPK : syndrome des ovaires polykystiques.

Plusieurs schémas thérapeutiques sontpossibles

✔ Acétate de cyprotérone : 50 mg/j,20 jours par mois (5e au 25e jour ducycle), associé à l’estradiol natureldurant la même période, avec unarrêt de 7 à 10jours puis reprise(effet contraceptif à partir du 2e

cycle de traitement).✔ Acétate de cyprotérone : 50 mg/j,20 jours par mois (5e au 25e jour ducycle), associé à l’estradiol natureldu 15e au 25e jour du cycle, avec unarrêt de 7 à 10jours puis reprise(effet contraceptif à partir du 2e

cycle de traitement).✔ Acétate de cyprotérone : 50 à100 mg/j, 10 jours par mois (5e au15e jour du cycle) etéthinylestradiol : 50µg/j du 5e au25e jour du cycle, avec un arrêt de 7à 10 jours puis reprise (effetcontraceptif dès le premier cycle).

3-0650 - Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme

4

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l’Androcurt (1 ou 2 comprimés du 1er au 10e jour dela prise de Dianet). L’effet contraceptif est obtenudès le premier cycle de traitement.

Il existe d’autres antiandrogènes. La spirono-lactone (100 mg/j) (Aldactonet) est très utilisée auxÉtats-Unis où l’acétate de cyprotérone n’est pasdisponible. Elle n’a pas de propriétés contraceptives,et les résultats sur l’hirsutisme semblent moins bonsqu’avec l’acétate de cyprotérone. Le flutamide(Eulexinet) et le nilutamide (Anandront) sont desantiandrogènes non stéroïdiens encore en coursd’étude dans ce type d’indication. Les résultats

semblent prometteurs, mais i l n’y a pasd’autorisation de mise sur le marché en France pourtraiter l’hirsutisme.

L’utilisation prolongée des analogues de la GnRHest réservée à de rares cas d’hirsutisme d’origineovarienne.

Dans tous les cas, il faut prévenir la patiente quel’effet du traitement n’est pas immédiat : 3 mois pourla séborrhée et l’acné, 6 mois, voire plus, pourl’hirsutisme. De plus, le traitement doit être prolongéau moins 2 ans et parfois indéfiniment. La surveillancede son efficacité peut se faire grâce à l’évaluation

périodique du score de Ferriman et Gallway. Dans lecas particulier du SOPK, la lutte contre l’obésité etl’insulinorésistance, souvent associées à ce syndrome,est capitale. Il faut essayer d’obtenir une réductionpondérale par des mesures hygiénodiététiquesadaptées et un exercice physique régulier.

Au traitement étiologique et symptomatique, peuts’associer un traitement cosmétique. La décolorationpar solution d’eau oxygénée ou d’ammoniaque peutrendre service. Elle peut néanmoins entraîner uneirritation cutanée. Elle doit être répétée car l’effet esttransitoire. Le rasage mécanique ou chimique est àproscrire, car il favorise la repousse plus rapide etplus drue du poil. L’épilation à la cire chaude oufroide ou encore par épilateur électrique peut êtreutilisée. L’épilation par diathermocoagulation(« épilation électrique ») est définitive, parfoisdouloureuse et réservée à certaines zones : visage,thorax et abdomen. Elle est indiquée en casd’hirsutisme majeur et n’est débutée qu’aprèsplusieurs mois de traitement par les antiandrogènes.

■Conclusion

L’hirsutisme est le plus souvent d’origine bénigne,mais il pose des problèmes cosmétiques parfoismajeurs. Le SOPK et l’hirsutisme idiopathique en sontles principales étiologies. Le praticien doitnéanmoins toujours garder à l’esprit la possibilitéd’une cause tumorale ovarienne ou surrénalienne.C’est l’examen clinique et le taux des androgènesplasmatiques dosés en première partie de cycle quiorientent les explorations complémentaires dedeuxième intention. Le traitement doit toujours êtreétiologique, mais fait également appel auxantiandrogènes, tels que l’acétate de cyprotérone, demanière prolongée.

Hervé Combe : Chef de clinique-assistant.Pierre Lecomte : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, clinique médicale B, CHU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 01, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Combe et P Lecomte. Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0650, 1998, 5 p

R é f é r e n c e s

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[8] Vermeulen A, Giagulli VA. Physiopathology of plasma androstanediol-glucuronide.J Steroid Biochem Mol Biol1991 ; 39 : 829-833

FAIREDistinguer l’hirsutisme d’une hypertrichose.Interrogatoire et examen clinique complets.Arrêt des médications pouvant interférer avec les dosages.Dosages hormonaux en 1re partie de cycle.Explorations de départ simples (testostérone,∆4A, SDHA, 17-OHP).Traiter l’étiologie chaque fois que possible.« Petits moyens » : cire, décoloration, épilation électrique (définitive).Traitement prolongé (OPK), en avertir la patiente.

NE PAS FAIREExplorer une hypertrichose.Omettre de rechercher une virilisation.Oublier d’arrêter une pilule contraceptive avant les dosages.Ne pas savoir la date des dernières règles.Tests de stimulation, imagerie d’emblée.Méconnaître une tumeur.Rasage.Utiliser Dianet seule pour un hirsutisme.

Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme - 3-0650

5

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Hypogonadisme masculin

J. Young

L’hypogonadisme chez l’homme est traditionnellement défini comme l’ensemble des signes fonctionnelset physiques en rapport avec une carence en androgènes testiculaires. À cette définition clinique s’ajouteune définition hormonale qui est celle d’une baisse de la testostérone circulante. Rigoureusement un sujetest considéré comme hypogonadique si la concentration plasmatique de testostérone totale est endessous de deux déviations standards par rapport à la moyenne de sujets normaux d’une tranche d’âgedonnée. Le plus souvent le diagnostic est assez facile devant l’existence d’une baisse significative de latestostérone totale. Dans ces cas, le dosage des gonadotrophines LH et FSH permet de rattacher ladéfaillance testiculaire à une anomalie hypothalamohypophysaire lorsque ces hormones hypophysairessont basses (hypogonadisme hypogonadotrophique ou déficit gonadotrope) où à une maladieprimitivement gonadique lorsqu’elles sont élevées. L’utilisation des dosages de testostérone libre doit êtreproscrite car elle conduit à une sous-estimation constante de la testostérone circulante. Enfin, l’existenced’un hypogonadisme réel chez l’homme âgé est toujours un sujet de controverse en l’absence d’unedéfinition claire. Chez ces patients l’androgénothérapie n’est pas justifiée compte tenu d’une efficacitécontestable et de l’absence d’études ayant montré une innocuité à long terme.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hypogonadisme ; Puberté ; Testostérone ; Kallmann ; Klinefelter ; GnRH ; Gonadotrophine ;Andropause

Plan

¶ Épidémiologie 1

¶ Présentation clinique 1

¶ Hypogonadismes hypogonadotrophiques 2Déficit gonadotrope congénital isolé 2Diagnostic différentiel entre déficit gonadotrope congénitalet retard pubertaire simple (ou puberté différée) 2Déficit gonadotrope acquis 3Exploration hormonale 4

¶ Hypogonadismes hypergonadotrophiques et insuffisancestesticulaires primitives 5

Présentation clinique 5Exploration hormonale 5Diagnostic différentiel 5Étiologies 5

■ ÉpidémiologieLa prévalence de l’hypogonadisme masculin a été estimée à

1/200 hommes adultes. Des travaux récents ont montré queseuls 10 à 30 % des hommes atteints d’un syndrome de Kline-felter étaient diagnostiqués cliniquement pendant leur exis-tence [1]. On peut donc supposer que d’autres causesd’hypogonadisme, en particulier acquis où les signes cliniquessont difficiles à mettre en évidence, soient aussi insuffisammentdiagnostiquées. Inversement, depuis quelques années, lafréquence de l’« hypogonadisme » chez l’homme âgé est trèsprobablement surestimée.

■ Présentation cliniqueElle sera discutée en détail dans les paragraphes consacrés

aux déficits gonadotropes et aux insuffisances testiculaires.Globalement les signes cliniques sont fonction de la dated’apparition et de la profondeur de l’hypogonadisme. Enphysiologie, la sécrétion testiculaire de testostérone estimportante pendant la vie fœtale, à la naissance et à partir dela puberté. Compte tenu des effets de la testostérone sur lamasculinisation des organes génitaux externes (OGE), chez lesfœtus XY une atteinte de la production androgénique testicu-laire va aboutir lorsqu’elle est complète à un phénotypeféminin. Dans les atteintes partielles on observe une ambi-guïté sexuelle avec hypospadias périnéoscrotal ou au mini-mun un micropénis. Si l’atteinte gonadique est sévère etapparaît après la masculinisation des OGE mais avant lanaissance on peut observer un micropénis souvent associé àune cryptorchidie chez le nouveau-né. Ces signes se surajou-tent à l’absence de développement pubertaire si le patient estexaminé à l’adolescence. Une absence de puberté est aussi lesigne d’appel si le déficit gonadique est complet et se met enplace pendant l’enfance.

Après la puberté le diagnostic d’hypogonadisme est beau-coup plus difficile. L’involution de la virilisation post-pubertaire ne s’observe en effet qu’après des annéesd’évolution d’un déficit gonadique complet. Un signe évoca-teur, mais souvent méconnu, est la diminution de la libidoqu’il ne faut pas confondre avec les troubles de l’érectionbeaucoup plus rarement en rapport avec une carence enandrogènes.

¶ 3-0711

1Traité de Médecine Akos

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■ Hypogonadismeshypogonadotrophiques

L’hypogonadisme hypogonadotrophique ou déficit gonado-trope est défini par une sécrétion insuffisante des gonadotro-phines LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormonefolliculostimulante) retentissant sur la fonction gonadique [2]. Ledéficit en gonadotrophines peut être isolé ou s’inscrire dans untableau d’insuffisance antéhypophysaire qu’il faut systémati-quement rechercher. Il peut être congénital ou résulter d’unepathologie acquise avant ou après l’âge de la puberté. L’originedu déficit de production des gonadotrophines peut être primi-tivement hypophysaire ou secondaire à une anomalie de lasécrétion hypothalamique de gonadotrophin releasing hormone(GnRH) par lésion organique ou atteinte fonctionnelle. L’ima-gerie par résonance magnétique (IRM) de la région hypothala-mohypophysaire est l’examen clé de l’exploration étiologiquedes déficits gonadotropes. Elle permet de les rattacher dans denombreux cas à des processus tumoraux, infiltratifs ou inflam-matoires de l’hypothalamohypophyse (Fig. 1). Les principalescauses des déficits gonadotropes sont indiquées dans lesTableaux 1,2.

Déficit gonadotrope congénital isoléIl est le plus souvent suspecté devant une absence de déve-

loppement pubertaire après l’âge de 14 ans (Tableau 3, Fig. 2).Le diagnostic peut être suspecté avant l’âge de la puberté devantl’existence d’une cryptorchidie uni- ou bilatérale ou d’unmicropénis (Fig. 2) [3]. Lorsque le diagnostic est tardif, unepilosité pubienne peut apparaître, secondaire à la conversiontissulaire des androgènes surrénaux en testostérone qui peutfaire croire, à tort à un développement pubertaire. Les déficitsgonadotropes partiels se caractérisent par un certain degré devirilisation et un volume testiculaire compris entre 6 et12 ml [4]. La croissance staturale pendant l’enfance est normaleet malgré l’absence de pic de croissance pubertaire il n’y a paschez ces adolescents de retard statural. Lorsque le déficitgonadotrope est découvert à l’âge adulte, un retard de matura-tion osseuse et une ostéopénie peuvent s’observer [5]. La non-fermeture des cartilages de conjugaison des os longs expliquel’aspect eunuchoïde et la grande taille souvent observés chez cespatients après l’âge de 15 ans (Fig. 2).

Diagnostic différentiel entre déficitgonadotrope congénital et retardpubertaire simple (ou puberté différée)

Le retard pubertaire simple (RPS) est surtout fréquent chez legarçon. Il se présente comme un déficit gonadotrope avecabsence de développement testiculaire après l’âge de 14 ans.Lors du suivi, même en l’absence de tout traitement la pubertéapparaît. Le RPS pose un problème diagnostique difficile avecun déficit gonadotrope congénital idiopathique et ceci jusqu’àl’âge de 20 ans. Au-delà le RPS est exceptionnel. Le tableauclinique est celui d’un retard staturopubertaire sans aucunélément clinique d’orientation évocateur d’un hypogonadismehypogonadotrope congénital (micropénis, cryptorchidie) oud’un syndrome de Kallmann (anosmie). Les antécédents fami-liaux de retard pubertaire sont fréquents mais ne constituentpas un argument formel. Ces patients consultent plus précoce-ment car le retard statural est souvent au premier plan, ce quin’est pas le cas des déficits gonadotropes congénitaux isolés. Auplan hormonal, le RPS se présente comme le déficit gonado-trope congénital avec une baisse concomitante de la testosté-rone et des gonadotrophines. De ce fait, de nombreusesexplorations hormonales ont été proposées pour tenter de lesdistinguer, avant l’âge de 18 ans. La plus ancienne est la mesuredes gonadotrophines dans les urines des 24 heures [6]. Depuisquelques années on fait appel à la stimulation des gonadotro-phines par l’administration sous-cutanée des agonistes de laGnRH [7]. Enfin, plus récemment certains travaux évoquentl’intérêt du dosage de l’inhibine B ou de l’hormone antimullé-rienne. En fait, aucun test n’apporte de certitude à l’échelon

individuel. Les chevauchements s’expliquent par la sécrétionnon nulle des gonadotrophines dans les déficits gonadotropescongénitaux partiels. D’autre part, l’apparition d’une réponse del’axe gonadotrope aux tests de stimulation chez les patientsayant une puberté différée est le plus souvent contemporaine del’augmentation de la taille des testicules.

En pratique, il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination enl’absence d’éléments cliniques permettant de rattacher le retardpubertaire à un hypogonadisme hypogonadotrophique congé-nital et en l’absence d’anomalie de la région hypothalamohy-pophysaire à l’IRM (Fig. 1).

Le traitement de ces sujets par de faibles doses de testostéronepermet un développement des organes génitaux externes quilimite le retentissement psychologique de l’impubérisme etpermet la surveillance en consultation. L’augmentation sponta-née du volume testiculaire confirme l’absence de pathologie etle caractère simplement différé de la puberté.

Figure 1. Macroadénome hypophysaire à prolactine responsable d’unretard pubertaire secondaire à un hypogonadisme hypogonadotrophiquechez un adolescent de 17 ans.

3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

2 Traité de Médecine Akos

Page 72: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Déficit gonadotrope acquisIl est difficile à reconnaître. En effet, les caractères sexuels ne

rétrocèdent le plus souvent que partiellement. La fréquence desrasages ne diminue que lentement du fait de l’autoentretien. S’ilapparaît une dépilation complète, c’est qu’il existe un panhy-popituitarisme avec absence complète de sécrétion d’androgènesgonadiques et surrénaux. La diminution des masses musculaires

est responsable d’une fatigue physique et d’une baisse desperformances. La diminution du volume testiculaire qui traduitl’atteinte de la spermatogenèse ne s’observe que dans les déficitscomplets et prolongés. En effet, le volume testiculaire normalchez l’adulte qui est compris entre 12 et 30 ml, est occupé pour96 % par les tubes séminifères et les éléments germinaux. Uneinfertilité n’est que rarement la première manifestation del’hypogonadisme. En revanche, la diminution de la libido etl’indifférence sexuelle beaucoup plus qu’une impuissanceérectile, doivent faire évoquer le déficit en testostérone. Lasuspicion diagnostique d’hypogonadisme hypogonadotrophiquechez l’adulte sans passé pathologique impose la recherche d’un

Tableau 1.Étiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux.

Isolés Syndrome de Kallmann (avec anosmie) parmutation de KAL-1 (anosmine) et KAL-2(récepteur du FGF de type 1) ou KAL-3 (ré-cepteur de type de la prokinectine) etKAL-4 (prokinéticine 2)

Mutations inactivatrices du récepteur dela GnRH

Mutations avec perte de fonction du récep-teur GPR54

Mutations de la sous-unité b de LH

Mutations de la sous-unité b de FSH

Idiopathiques (gène[s] non encore identi-fié[s])

Associés à d’autres endocri-nopathies (révélésen période néonatale oupendant l’enfance)

Avec hypoplasie congénitale des surrénales(mutations de DAX-1)

Avec obésité morbide par mutations dugène de la leptine ou de son récepteur

Avec insuffisance antéhypophysaire(par interruption congénitale de la tigehypophysaire ou mutation de Prop-1)

Associés à des atteintesneurologiques

Syndrome de Willi-Prader (délétiondu chromosome 15 paternel)

Syndrome de Laurence-Moon (gène nonidentifié)

Syndrome de Bardet-Bield (7 gènesdifférents identifiés)

Syndrome de Gordon Holmes (avecsyndrome cérébelleux, gène non identifié)

Tableau 2.Étiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis.

Tumeurs de la région hypo-thalamohypophysaire

Craniopharyngiome

Adénomes hypophysaires

Dysgerminomes, gliomes

Métastase hypophysaire

Processus infiltratifs hypo-thalamohypophysaires

Hémochromatose

Sarcoïdose

Hypophysite ou infundibulite

Histiocytose

Iatrogéniques et trauma-tiques

Chirurgie de la région hypothalamohypo-physaire

Radiothérapie hypophysaire ou encéphali-que

Traumatisme crânien

Fonctionnelles Hyperprolactinémie

Carence nutritionnelle (anorexie mentale,maladies chroniques, activité physiqueexcessive avec malnutrition relative)

hypercortisolisme

Tumeurs testiculaires ou surrénaliennessécrétant des estrogènes (gynécomastieassociée)

Médicamenteuses (androgènes, anaboli-sants, œstroprogestatifs, agonistes dela GnRH, corticoïdes)

Tableau 3.Manifestations cliniques d’un déficit gonadotrope congénital chezl’homme.

Testicules < 5 ml

Pénis < 5 cm

Scrotum non pigmenté et lisse

Aspect eunuchoïde : distance tête/pubis < pubis/sol

Pas de retard statural

Morphotype féminin

Pilosité axillopubienne absente ou réduite

Absence de golfes frontaux

Voix infantile

Masses musculaires réduites

Libido absente

Retard de maturation osseuse

Ostéoporose

Figure 2. Patient de 18 ans atteint d’hypogonadisme hypogonadotro-phique congénital. Noter le micropénis et la cicatrice inguinale d’uneintervention pour cryptorchidie (à droite).

Hypogonadisme masculin ¶ 3-0711

3Traité de Médecine Akos

Page 73: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

processus tumoral hypothalamohypophysaire et la recherche destigmates cliniques et biologiques d’hémochromatose(Tableau 3).

Exploration hormonale

Testostérone plasmatiqueLe diagnostic d’hypogonadisme hypogonadotrophique repose

sur la mise en évidence d’une concentration plasmatique detestostérone basse (Fig. 3) associée à une non-élévation desgonadotrophines LH et FSH (Fig. 4). Ce diagnostic est extrême-ment facile en présence d’un déficit gonadotrope complet où latestostérone est toujours inférieure à 1 ng/ml. Le diagnostic estplus difficile dans les formes partielles où la testostéroneplasmatique peut atteindre des valeurs à la limite inférieure decelles observées chez les individus normaux. La difficulté estmajorée par le caractère pulsatile de la sécrétion de testostéronechez les sujets normaux qui peuvent parfois présenter des nadirscompris entre 3 et 2 ng/ml [8]. C’est dire l’intérêt dans cesformes d’effectuer plusieurs prélèvements de testostérone et deconfronter les chiffres à la présentation clinique. Les kitscommerciaux habituellement utilisés pour doser la testostéronepermettent une mesure directe de ce stéroïde dans le plasmasans extraction par des solvants organiques. Les dosages radio-immunologiques sont fiables mais ils mesurent la testostéronetotale et donc la fraction liée à la protéine porteuse des stéroïdessexuels SHBG. Celle-ci peut être éliminée par le sulfate d’ammo-nium, mais la mesure de la testostérone non liée à la SHBG(testostérone biodisponible) n’est que rarement indispensable endehors des cas où il existe une baisse apparente de testostéronepar diminution de la SHBG, comme par exemple dans leshypothyroïdies, les obésités et les hyperinsulinismes.

Gonadotrophines plasmatiquesLe diagnostic de déficit gonadotrope est maintenant facile

grâce à l’utilisation des dosages immunoradiométriques (IRMA),

immunofluorométriques (IFMA) ou immunoenzymatiques (EIA)des gonadotrophines sensibles et spécifiques. La sensibilité deces dosages permet de différencier les sujets normaux (ayant destaux plasmatiques compris habituellement entre 3 UI/l et 7 UI/lpour la FSH et entre 3 UI/l et 8 UI/l pour la LH) des sujets ayantdes concentrations plasmatiques basses ou indétectables (Fig. 4),ce qui n’était pas le cas avec les anciens dosages radio-immunologiques des gonadotrophines.

En pratique, cependant, les dosages des gonadotrophines nesont jamais interprétables sans un dosage simultané de testo-stérone. Certes des gonadotrophines très basses ou indétectablesne s’observent qu’en présence d’un déficit gonadotrope com-plet. Mais les patients atteints de déficit gonadotrope partielpeuvent avoir des concentrations plasmatiques de gonadotro-phines dans la zone normale (Fig. 4).

Inhibine B plasmatique

Jusqu’à présent, les dosages d’inhibine n’étaient pas utilisablesdans l’exploration gonadotrope en raison de leur incapacité àreconnaître les différentes formes d’inhibine circulante. Depuisune dizaine d’années, un immunodosage spécifique de l’inhi-bine B utilisant des anticorps monoclonaux est disponible. Ilpermet d’objectiver une baisse de ce peptide témoin del’atteinte fonctionnelle sertolienne dans les déficits gonadotro-pes profonds (Fig. 5) [9-11].

Test à la GnRH

Il explore la sécrétion hypophysaire des gonadotrophinesaprès injection intraveineuse de 100 µg de GnRH exogène. Maisce test ne permet pas à lui seul de définir le siège hypothalami-que ou hypophysaire du déficit gonadotrope. Il peut être négatifdans les atteintes hypothalamiques profondes et positif dans lesatteintes hypophysaires partielles. Normalement, les concentra-tions plasmatiques de LH sont multipliées par 3 à 6 fois, cellesde FSH par 1,5 à 2, le pic étant obtenu le plus souvent entre30 et 45 minutes après l’injection. Cette stimulation estsupraphysiologique puisque les concentrations plasmatiques deGnRH dépassent d’un ordre de grandeur celles observées dansle sang portal hypothalamohypophysaire.

Chez les patients atteints d’un déficit gonadotrope d’originehypothalamique, la réponse à cette stimulation est habituelle-ment insuffisante. On peut cependant observer une réponsenormale ou inversée avec élévation de FSH supérieure à celle deLH. Cette réponse doit cependant tenir compte des valeursbasales de la testostérone et de l’inhibine B. Dans les déficitsgonadotropes congénitaux, la réponse au test est très variable etdépend de la profondeur du déficit souvent reflétée par le degréd’atrophie gonadique. Ainsi, dans les formes complètes avec unvolume des gonades inférieur à 3 ml la réponse est souventabsente, alors que chez des patients ayant un déficit partiel(eunuques fertiles) la réponse peut être positive, voire exagéréepour la LH [4, 12, 13]. En cas de réponse négative, seule uneadministration pulsatile de GnRH pendant une période supé-rieure à 10 jours permet de reconnaître le niveau hypothalami-que de l’atteinte.

01

2

3

4

5

6

7

89

T (

ng

/ml)

n = 42n = 42

P < 0,001

Témoins HHC

Figure 3. Testostérone (T) plasmatique chez des hommes atteintsd’hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) comparati-vement aux valeurs observées chez des sujets normaux d’âge similaire.

0.0

1.5

3.0

4.5

6.0

7.5

9.0

UI/l

n = 42

n = 42

P < 0,001

FSH LH FSH LH

Témoins HHC

Figure 4. Gonadotrophines plasmatiques FSH et LH chez des hommesatteints d’hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) com-parativement aux valeurs observées chez des sujets normaux d’âge simi-laire (témoins).

0

100

200

300

400

n = 51

P < 0,001

P < 0,001

Témoins HHC HHA

Inh

ibin

e B

(p

g/m

l)

n = 44

n = 66

Figure 5. Inhibine B circulante chez des sujets normaux et des patientsavec hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) ou acquisaprès la puberté (HHA).

3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

4 Traité de Médecine Akos

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En résumé, le test à la GnRH sert plus à évaluer la profondeurd’un déficit gonadotrope qu’à faire le diagnostic positif decelui-ci.

Exploration globale des fonctions hypophysairesMême si un déficit gonadotrope paraît isolé, l’évaluation

hormonale de l’ensemble des fonctions antéhypophysaires et dela posthypophyse est obligatoire pour ne pas méconnaître unpanhypopituitarisme et une hyperprolactinémie.

■ Hypogonadismeshypergonadotrophiqueset insuffisances testiculairesprimitives

Les atteintes testiculaires primitives touchent le plus souventla fonction exocrine (spermatogenèse) avec une préservation aumoins partielle de la sécrétion leydigienne de testostérone. Enréaction à cette défaillance testiculaire se produit une augmen-tation des gonadotrophines.

Présentation cliniqueLes insuffisances testiculaires primitives sont moins souvent

responsables d’un impubérisme (Fig. 6) que les déficits gonado-tropes. Lorsqu’un hypogonadisme est présent il est le plussouvent partiel. De ce fait, les insuffisances testiculaires primi-tives étaient fréquemment diagnostiquées devant la découvertede petites gonades lors d’un examen systématique du testiculeau cours du service militaire. Actuellement, elles sont découver-tes parfois à l’adolescence devant un retard pubertaire maissurtout plus tardivement à l’occasion d’une consultation pourgynécomastie ou infertilité.

Exploration hormonaleAu plan hormonal, la FSH plasmatique est pratiquement

toujours augmentée (Fig. 7). L’inhibine B est souvent basse,voire indétectable, en rapport avec l’atteinte sertolienne.

La concentration de testostérone plasmatique est souventnormale (Fig. 8) mais peut être modérément abaissée (entre 2 et3 ng/ml) (Fig. 8). Chez les rares patients présentant des signesd’hypoandrisme des chiffres plus bas peuvent être observés (< à

1 ng/ml). L’élévation de la LH très fréquente, est proportion-nelle à la sévérité de l’atteinte leydigienne mais reste toujoursinférieure à celle de la FSH (Fig. 7). Parfois seul le test à la GnRHpermet de l’extérioriser.

Diagnostic différentielChez l’adulte, un diagnostic différentiel difficile de l’insuffi-

sance testiculaire primitive est le macroadénome gonadotropesécrétant de la FSH dimérique. Dans les deux cas, le tableaupeut associer des signes d’hypoandrisme, une diminution duvolume testiculaire avec une FSH plasmatique augmentée.Parfois l’attention est attirée par l’existence d’un syndromechiasmatique ou caverneux qui oriente vers une atteintehypophysaire. Une baisse concomitante de la LH et de T plas-matiques, associée à une augmentation de la FSH doit faireévoquer le diagnostic. Au moindre doute, le diagnostic estconfirmé par la réalisation d’une IRM hypophysaire.

ÉtiologiesElles sont détaillées dans le Tableau 4. Nous ne développons

que les plus fréquentes.

Anomalies chromosomiques, génétiqueset congénitales

Syndrome de Klinefelter

Il domine par sa fréquence puisqu’il atteint près de 1/600 desnouveau-nés masculins [14].

Il résulte d’une anomalie des chromosomes sexuels avec, leplus souvent (près de 90 % des cas), une formule XXY (Fig. 9).

Cliniquement, il se traduit le plus souvent par une atrophiegonadique majeure avec un volume inférieur à 6 ml quicontraste avec une virilisation correcte. Les signes d’hypoan-drisme sont inconstants. Rarement il s’agit d’un impubérisme,Figure 6. Patient présentant un syndrome de Klinefelter.

0

25

50

75

100

125

150

175

200

225

250

275

300

FSH LH

Limite sup nle

n = 335

UI/l

Figure 7. Gonadotrophines circulantes chez des patients âgés de 18-19 ans atteints d’un syndrome de Klinefelter (communication personnellede B. Bauduceau, Hôpital [HIA] Bégin).

10.0

7.5

5.0

2.5

0.0

Test

ost

éro

ne

ng

/ml

nle

n = 335

Figure 8. Testostérone circulante chez des patients âgés de 18-19 ansatteints d’un syndrome de Klinefelter (communication personnelle de B.Bauduceau, Hôpital [HIA] Bégin).

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et parfois d’un développement plus ou moins complet descaractères sexuels secondaires (Fig. 6) [14].

Une gynécomastie bilatérale (Fig. 6) est fréquente en raisondu taux relativement bas de testostérone, associée parfois à unesécrétion testiculaire excessive d’estradiol, conséquence del’élévation de la LH.

La grande taille, lorsqu’elle existe s’accompagne demacroskélie.

L’existence d’un déficit intellectuel est discutée. Souventabsent, parfois mineur et plus rarement profond avec troublesdu comportement. Dans ce dernier cas le nombre de chromo-somes surnuméraires est souvent supérieur à 1 (formuleschromosomiques XXXY ou XXXXY). Pour certains, il s’agiraitplus de troubles des acquisitions que d’un vrai déficitintellectuel [14].

L’atteinte exocrine avec azoospermie est quasi constante dansles formes non mosaïques. Depuis la fin du service militaire,l’infertilité est souvent un motif de consultation. La destructionprogressive de la lignée germinale est liée à la présence d’un Xsurnuméraire.

D’autres anomalies sont parfois associées, comme une intolé-rance au glucose, des bronchopneumopathies chroniques, unepathologie auto-immune. La possibilité d’un cancer du sein,conséquence de la gynécomastie, justifie une surveillanceclinique et mammographique régulière.

Le diagnostic peut être fait par un frottis buccal, mettant enévidence un corpuscule de Barr.

Actuellement on peut, dans certains centres, faire appel à uneanalyse moléculaire par Southern Blot du chromosome X. Lerésultat de cet examen est plus rapide que celui du caryotypeclassique (Fig. 9) qui reste néanmoins l’examen de référence.

Anorchidie

L’étiologie de l’anorchidie est évidente quand il s’agit d’unecastration bilatérale ou lorsqu’il existe la notion de traumatismevasculaire spontané ou chirurgical dans la première enfance(orchidopexie, cure de hernie inguinale bilatérale). Dans lesautres cas, on invoque une torsion testiculaire bilatérale sansque cela puisse être toujours prouvé.

L’anorchidie congénitale (vanishing testis) reste de mécanismemystérieux. Il n’est pas douteux qu’un testicule fonctionnel aitexisté jusqu’à la 14e semaine de la vie in utero. La régressiondes canaux de Müller, le développement des dérivés wolffiensainsi que la masculinisation parfaite des organes génitauxexternes en témoignent. Le tableau clinique ne comporte doncaucune ambiguïté sexuelle mais simplement un scrotum vide.

Après la puberté s’associe un impubérisme avec une testosté-rone effondrée et des concentrations plasmatiques de FSH et deLH élevées.

Déficits enzymatiques de la stéroïdogenèse surrénalienneet testiculaire

Ils sont très rares et dans la majorité des cas diagnostiqués àla période néonatale ou pendant l’enfance. Ils entraînent undéficit de la biosynthèse de la testostérone et donc une absencede masculinisation du sinus urogénital qui aboutit à un pseu-dohermaphrodisme masculin avec phénotype féminin ouambiguïté sexuelle. Lorsque la stéroïdogenèse surrénalienne estaffectée s’associe un tableau d’insuffisance surrénale primitive.

Mutations inactivatrices des récepteurs des gonadotrophines

Elles sont exceptionnelles et ne seront pas détaillées ici. Lesmutations du récepteur de la LH donnent un phénotypeféminin dans les formes sévères, une ambiguïté sexuelle à lanaissance ou un micropénis et un hypogonadisme à l’âge adulte

Tableau 4.Étiologies des insuffisances testiculaires primitives.

Chromosomiques Syndrome de Klinefelter (caryo-type 47, XXY dans plus de 90%des cas) +++

Anomalies des gonosomes plusrares (XYY, XXYY, etc.)

Hommes XX (avec translocationd’une portion du chromosome Ycontenant la séquence de détermi-nation testiculaire SRY)

Anomalies des autosomes(délétions, translocations)

Génétiques Maladie de Steinert (dystrophiemyotonique) : autosomique domi-nante avec cataracte, calvitie, fai-blesse musculaire, hypogonadisme

Syndrome de Noonan (Turnermâle) : autosomique récessif aveccou palmé, ptosis, hypogonadisme,sténose de l’artère pulmonaire,petite taille

Mutations de la protéine StAR

17a-hydroxylase et ou C17-20 lyase

3b hydroxystéroïde déshydrogé-nase

17b-hydroxystéroïde-déshydrogénase

Mutations des récepteurs de LHet de FSH

Anorchidie

Cryptorchidie bilatérale

Toxiques et traumatiques Chimiothérapie anticancéreuse(chez l’enfant ou l’adulte)

Radiations ionisantes

Alcoolisme chronique +++

Insecticides, dibromochloro-propane

Torsion ou traumatisme testiculairebilatéral

Castration chirurgicale bilatérale

Orchites Ourlienne

Autres : gonococcie, sarcoïdose,polyendocrinopathies auto-immunes

Insuffisance testiculaire liée àla sénescence (avec déficit de l’axehypothalamohypophysaire, appeléaussi déficit androgénique partieldes hommes âgés).

Figure 9. Formule chromosomique d’un sujet atteint de Klinefelter. Cecaryotype montre la présence de deux chromosomes X (cercle).

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dans les formes partielles. Les mutations inactivatrices durécepteur de FSH ont comme conséquence une atteinte prédo-minante du testicule exocrine avec une diminution variable duvolume testiculaire, une oligospermie parfois très sévère respon-sable d’une infertilité. Le développement pubertaire et lavirilisation de ces patients sont normaux. L’exploration hormo-nale met en évidence une augmentation constante de la FSH etune baisse de l’inhibine B plasmatiques. La testostérone estnormale et la LH normale ou augmentée.

Syndrome de résistance aux androgènes

Il est secondaire à des anomalies génétiques du récepteur desandrogènes. Celles-ci sont responsables d’une perte plus oumoins complète de la fonction de transduction de ce récepteurau niveau des organes cibles des androgènes. Il ne s’agit doncpas à proprement parler d’une pathologie testiculaire. Cepen-dant, l’existence chez certains de ces patients avec des atteintestrès partielles du récepteur, d’un tableau d’hypogonadismeassocié à une gynécomastie contrastant avec une testostéroneélevée associée à des gonadotrophines élevées explique que cetteaffection soit incluse dans ce chapitre.

Insuffisances testiculaires acquisesÀ côté du syndrome de Klinefelter elles sont à l’origine de la

majorité des insuffisances testiculaires.

Atteintes toxiques

Les agents alkylants ainsi que l’irradiation testiculaire lèsentl’épithélium germinal. Cette atteinte peut être transitoire. Ellesemble irréversible au-delà de 600 rads, avec à la biopsietesticulaire disparition des spermatogonies de type A. Cecijustifie la cryoconservation du sperme avant tout traitementagressif d’un cancer. Mais la qualité du sperme n’est pas parfaitechez les patients présentant un testicule tumoral. Au-delà de800 rads, une atteinte leydigienne avec baisse de la testostéroneest possible. Devant les progrès réalisés dans le traitement deshémopathies malignes de l’enfant, le nombre de survivantsconsultant à l’âge adulte pour insuffisance testiculaire augmentede jour en jour [15].

Orchites

En période prépubertaire, l’infection par le virus des oreillonss’accompagne rarement d’orchite. En revanche, 25 % deshommes infectés en période pubertaire ou à l’âge adulte,développent une orchite le plus souvent cliniquement évidenteet unilatérale. Cependant, une biopsie testiculaire réalisée aumoment de l’atteinte gonadique met en évidence des lésionsbilatérales, expliquant la grande fréquence de l’infertilité chezces patients (plus de 60 %). L’atteinte isolée des tubulesséminifères explique l’atrophie testiculaire. Un certain degréd’insuffisance leydigienne est parfois observé. Depuis la pratiquegénéralisée de la vaccination dans l’enfance, l’incidence del’orchite ourlienne a heureusement diminué.

Insuffisance testiculaire liée à la sénescence

Un certain nombre d’études cliniques et hormonalesindiquent un déclin modéré des fonctions gonadiques avecl’âge [16] (Fig. 10). La testostérone totale (TT), biodisponible (TB)et libre diminue très progressivement avec l’âge. Le diagnosticde déficit androgénique partiel lié à l’âge (PADAM) ne doit êtreenvisagé chez un sujet âgé (en pratique après 60 ans) que si latestostérone totale est inférieure à 3 ng/ml. C’est dans cettecatégorie de sujets qu’il faut particulièrement déconseiller lesdosages de « testostérone libre » compte tenu de la sous-estimation constante de la testostérone circulante par cettetechnique [16].

En pratique, lorsque la TT chez un homme âgé, a priori enbonne santé est inférieure à 2 ng/ml le diagnostic d’hypogona-disme est probable. La démarche diagnostique est la même quechez un sujet jeune. Il faut donc localiser le niveau, hypothala-mohypophysaire ou testiculaire en dosant les gonadotrophinesplasmatiques FSH et LH. Une élévation, en particulier de FSH,témoigne d’une atteinte testiculaire primitive alors qu’unebaisse ou des taux « normaux » des gonadotrophines est en

rapport avec un dysfonctionnement du couple hypothalamohy-pophyse. Dans ce dernier cas, il faut écarter une lésion de cetterégion par la réalisation d’une IRM et pratiquer une mesure dela prolactinémie compte tenu de la fréquence des adénomeshypophysaires à prolactine.

La situation est moins commode lorsque la TT est compriseentre 2 et 3 ng/ml. Ici quatre éventualités sont à envisager.Tout d’abord il peut s’agir d’une baisse partielle liée à l’âgequi serait relativisée par l’existence de normes de testostéroneadaptées à l’âge du sujet. En deuxième lieu il est souhaitablede vérifier s’il existe une maladie chronique ou des prisesmédicamenteuses pouvant retentir sur le fonctionnementgonadique. La troisième possibilité est celle d’un chiffre baspar le simple fait que le prélèvement a été effectué aumoment d’un nadir de la sécrétion de testostérone qui est,rappelons-le, pulsatile. Dans ce cas un deuxième prélèvement,à réaliser dans tous les cas, montrant un chiffre normalpermet d’écarter un hypogonadisme. Finalement, un chiffrede TT compris dans cet intervalle peut témoigner d’unhypogonadisme débutant ce qui nous ramène à la situationprécédente.

Trancher entre ces quatre possibilités est un véritable défiquotidien pour l’endocrinologue. C’est dans ce cas que ledosage de la TB et celui de la SHBG peuvent être utiles mon-trant par exemple une baisse de cette protéine porteuse,responsable d’une baisse artefactuelle de la TT avec une TBnormale ce qui est fréquent chez les malades obèses ou ayantune hypothyroïdie.

À ce stade, nous devons répéter que compte tenu de la sous-estimation très fréquente de la TL circulante par les kitsdu commerce ce type de dosage qui risque de déclen-cher une épidémie d’« hypogonadismes » ne peut êtrerecommandé [16].

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Figure 10. Testostérone (en nmol/l) circulante en fonction de l’âgechez des hommes d’après une étude transversale réalisée aux États-Unis.

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[16] Young J. Déficit androgénique partiel de l’homme âgé. Méd ClinEndocrinol Diabète 2004 (n° hors série).

J. Young ([email protected]).Service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Hôpital de Bicêtre, 94275 Le Kremlin Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Young J. Hypogonadisme masculin. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0711,2007.

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3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

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Ménopause : qui traiter, quels

traitements, quelle surveillance ?

P Lecomte

L a ménopause n’est pas un phénomène récent mais reste un fait social encore méconnu. L’accroissement de lalongévité dans les pays développés a amené à s’interroger sur le « vivre plus longtemps » mais aussi « vivre

mieux ». Les femmes symptomatiques vont donc demander au médecin généraliste ce qu’il faut penser du traitementhormonal substitutif (THS) de la ménopause. Celui-ci doit pouvoir expliquer, à partir des données scientifiques lesplus récentes, ses avantages sur la prévention des risques cardiovasculaire et osseux, parfaitement démontrés, etrassurer vis-à-vis du risque de cancer, en particulier mammaire, en sachant rester vigilant. La majorité des femmesétant asymptomatique, elles devront bénéficier des mêmes informations. Le principal obstacle au THS reste la reprisede saignements périodiques, et il faut reconnaître qu’il n’y a pas de solution universelle à ce problème. L’avis de lapatiente correctement informée doit être respecté, et il ne sert à rien d’imposer le THS. Il faut insister sur la qualité devie qu’il apporte (au niveau de la sexualité, du sommeil, de l’équilibre) en étant objectif. Il ne s’agit pas d’untraitement antidépresseur ou d’un somnifère. Une meilleure surveillance des femmes traitées est un point sans douteimportant. Enfin, le THS, qui ne dispense pas d’une hygiène de vie avec persistance d’une activité physique régulière,diététique appropriée et traitement de l’ensemble des facteurs de risque, doit être adapté à chaque cas.© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’âge de la ménopause en France est de 51 ans etl’espérance de vie de la femme de 81 ans. Lapopulation française féminine de plus de 50 ans estévaluée à 9 millions, et le vieillissement de lapopulation augmentera encore ce chiffre dansl’avenir. La femme va donc vivre au moins 30 ansaprès l’arrêt de la fonction ovarienne, exposée auxrisques induits par la carence en œstrogènes. Cettecarence est source de désagréments et desymptômes inconstants qui amèneront un faiblepourcentage à consulter. Mais la baisse prolongéedes œstrogènes est source d’autres manifestationsplus sournoises qui méritent l’attention du médecin :risque cardiovasculaire accru et ostéoporosepostménopausique. Ces deux risques, à l’origined’une importante morbidité et mortalité,représentent un problème de santé publiqueimportant ; ils peuvent être atténués par le THS.

Dans la population française, 12 % seulement despatientes en âge d’être traitées le sont, contre 18 %en Allemagne et 26 % aux États-Unis. Il faut doncinformer la population, convaincre le généraliste dubien-fondé et de l’innocuité de la thérapeutique, etestimer dans des études longitudinales de suivi decohorte les bénéfices réels par rapport aux coûts duTHS. Le principal écueil est celui du suivi dutraitement au long cours par ces femmes, puisqu’onestime que 40 % seulement des femmes chez qui cetraitement est prescrit le poursuivent au-delà de 1 an.La reprise des cycles et la crainte du cancer du sein

semblent les motifs principaux de ces arrêts detraitement. La prescription d’un THS devra donc êtreadaptée au profil de santé de la femme et précédéed’une information claire et précise de ses avantageset inconvénients [5].

■Rappel physiologique

La ménopause, éthymologiquement « arrêt descycles menstruels », fait habituellement suite à unepériode d’irrégularités des cycles avec alternance depériodes où l’ovaire est réfractaire aux sollicitationshypophysaires par les gonadotrophines et d’autresoù il reste sensible (période périménopausique de 40à 51 ans). La carence œstrogénique est secondaire àla disparition des follicules, et c’est essentiellementl’œstrone, œstrogène aromatisé en particulier auniveau du tissu adipeux à partir de la delta4-androstènedione, androgène sécrété par l’ovaireet la surrénale, qui est retrouvé dans le sang,l’estradiol [2] étant inférieur à 40 ng/L. Du fait de lacarence en inhibine B, facteur rétrocontrôlantnégativement la FSH et sécrété par les follicules, lesvaleurs circulantes des gonadotrophines FSH et LHs’élèvent respectivement au-dessus de 50 et 30 UI/L.Ces dosages sont inutiles pour le diagnostic, sauflorsque la cible hormonale, l’utérus, fait défaut.L’élévation de FSH et l’abaisssement de E2 sont alorsévocateurs, avec une marge d’erreur liée àl’alternance des périodes réfractaires et sensiblesdéjà évoquées.

■Manifestations cliniques

Les symptômes ressentis par la femme nerésument pas les problèmes posés par la carenceœstrogénique. Les deux points qui méritent d’êtredétaillés et expliqués aux femmes sont par ordrechronologique : le risque d’ostéoporose et le risquecardiovasculaire (cf paragraphe « Complications »).

Les symptômes qui amènent à consulter figurentsur le tableau I. Les bouffées de chaleur et lessudations entraînant troubles du sommeil et malaisegénéral sont les plus fréquents. Quarante pour centdes femmes s’en plaignent, mais 60 à 70 % enprésentent. Nervosité, irritabilté, tendancedépressive, difficultés de concentration, instabilitésont également perçues et altèrent la qualité de vie.Soixante pour cent de ces femmes se plaignentd’une prise de poids. Les troubles psychologiquessont inconstants (30 à 40 % des femmes) et il estdifficile de faire la part de l’impact de la carencehormonale (il existe des récepteurs de E2 sur denombreuses structures cérébrales) et le rôle ducontexte socio-culturel (syndrome du « nid vide »). Ladépression vraie n’est pas améliorée par le THS, maisde nombreuses femmes expriment un mieux-êtreglobal sous traitement. L’impact des estrogènes surl’évolution de la maladie d’Alzheimer mérite destravaux plus approfondis [15].

Les troubles génito-urinaires sont liés à la carenceen E2 avec atrophie du trigone vésical, entraînantcystites répétées ou cystalgies à urines claires,atrophie vulvovaginale avec dyspareunie, atrophie

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endométriale, source de métrorragies, atrophie desligaments de suspension de l’utérus avec prolapsusvésical ou utérin et incontinence urinaire d’effort.

La peau subit des variations avec, essentiel-lement, amincissement du derme, diminution de lavascularisation et sécheresse, disparition des fibresélastiques [3]. À partir de notre expériencepersonnelle, nous voudrions rappeler que l’épaisseurdu derme est accrue par le THS, permettant unemeilleure résistance de la peau aux agressions.

Le THS permet de supprimer les phénomènesvasomoteurs et d’améliorer le sommeil, de luttercontre l’instabilité émotionnelle, d’améliorer larésistance et de diminuer la tendance dépressive, defaire disparaître les symptômes vésicaux et vaginauxet d’aider à une rééducation périnéale, de redonnerune meilleure libido et une vie sexuelle plusharmonieuse [12].

■Complications

‚ Ostéoporose postménopausique

Physiologiquement, le remodelage osseux estconstant : destruction osseuse par les ostéoclastes etreconstruction osseuse par les ostéoblastes. Après lasurvenue d’un pic de masse osseuse vers 18-25 ans,la perte osseuse (3 % tous les 10 ans) est progressivedans les deux sexes. Lorsque la carenceœstrogénique est manifeste, la perte de substanceosseuse s’accélère, et apparaît progressivementl’ostéoporose postménopausique, atteignantprincipalement l’os trabéculaire (vertèbres).

On admet que 30 % environ des femmesménopausées seront atteintes par l’ostéoporose,avec son cortège clinique de douleurs osseuses encas de complications : fractures-tassementsvertébraux, fractures du poignet ou du col fémoral.Les œstrogènes protègent l’os par le biais derécepteurs retrouvés sur les ostéoblastes, et, sur cesmêmes cellules, existent des récepteurs pour laparathormone dont les taux circulants s’élèvent enpostménopause.

Une femme ménopausée sur trois ou quatre étantatteinte par l’ostéoporose, il semble donc nécessairede préciser les sujets à risque. Certains antécédentssont essentiels à considérer (tableau II). Mais cesdonnées statistiques ne s’appliquent pas toujoursaux cas individuels. L’élément diagnostic le plusfiable actuellement semble être l’absorptiométriebiphotonique alors que, faut-il le rappeler, les

radiographies standard sont peu fiables pour établirle diagnostic d’ostéoporose, sauf en cas de fracturebien sûr. Il nous semble donc utile de voir au moinsles sujets à risque bénéficier de cette déterminationde densité osseuse réalisée dans des centres bienéquipés et compétents (la reproductibilité de laméthode doit être bonne, avec une variabilité del’ordre de 1 % ; rappelons que la perte de densitéosseuse est de 1 à 3 % par an chez la femmeménopausée). Malheureusement, cet examen n’estpas codifié dans les actes de la Sécurité sociale etn’est donc pas remboursé (coût : 400 à 500 F). Cettemesure s’effectue sur les vertèbres lombaires et/ou lecol fémoral, en utilisant un programme informatiquepour comparer les résultats à des sujets indemnesappariés par âge.

Le THS, quelles que soient la voie d’administrationet la nature des œstrogènes administrés, est capablede prévenir la survenue de l’ostéoporosepostménopausique en ralentissant la perte osseuse,principalement sur l’os trabéculaire, plusaccessoirement sur l’os cortical. Les doses efficacessont encore discutées, mais on admet que 0,625 mgd’œstrogènes conjugués ou 2 mg d’un seld’œstradiol per os ou 1,5 mg d’estradiol par voiecutanée sont également bénéfiques. Aucunethérapeutique n’a fait la preuve d’une efficacitécomparable. Il reste efficace même s’il est commencéplusieurs années après la survenue de laménopause [14]. Les progestatifs isolés (en cas decontre-indications aux œstrogènes) sont efficaces àun moindre degré (médroxyprogestérone acétate,

noréthistérone acétate, promégestone) maisn’annulent en aucun cas l’effet bénéfique desœstrogènes sur l’os [16].

‚ Aspects cardiovasculaires

Ils sont essentiels dans la discussion de l’intérêt duTHS. Les lésions coronariennes représentent, detrès loin, la première cause de mortalité (20 000accidents coronariens en France chaque année) etde morbidité chez la femme ménopausée, avant lecancer du sein ou l’ostéoporose.

La carence œstrogénique joue un rôle,indépendamment de l’âge, puisque la disparition dela protection par l’œstradiol se manifeste égalementchez des femmes plus jeunes après une ménopauseprématurée. Il est probablement utile de rappelerque :

– le cholestérol total s’élève avec l’âge et toutparticulièrement le LDL, cholestérol dangereux pourles vaisseaux, alors que le HDL2 cholestéroldiminue ;

– la résistance à l’insuline et son corollaire,l’hyperinsulinisme, est plus marquée chez le sujetâgé. Elle est source d’une augmentation des facteursde la coagulation (I, VII) et surtout d’une diminutionphysiologique de la fibrinolyse (augmentation duPAI1, baisse de l’antithrombine III), facteurs dethrombose ;

– ces éléments du syndrome X sont proba-blement liés à l’hypertension artérielle qui en faitpartie et dont la prévalence augmente égalementavec l’âge.

On a beaucoup insisté, ces dernières années, surl’impact de l’E2 sur la paroi vasculaire artérielle. Ilexiste des récepteurs d’E2 dans les cellulesmusculaires lisses des vaisseaux humains. Laréactivité à des substances vasoconstrictrices(angiotensine II par exemple) est diminuée in vivo enprésence d’E2, et la production de substancesvasodilatatrices (prostacycline, NO) par l’endothéliumest augmentée en présence d’E2. L’E2 aurait deseffets antioxydants sur l’endothélium in vitro [1]. Lorsd’un régime athérogène chez l’animal, l’épaisseur dela plaque d’athérome est diminuée par E2, avec ousans progestatif associé. En clinique, il est patent àl’examen doppler des vaisseaux que l’index depulsatilité, qui s’élève avec la carence œstrogénique,va rediminuer avec le THS, témoignant ainsi d’unesouplesse plus grande des artères (utérine, cérébrale,mammaire, etc). Les progestatifs et la progestéroneentraînent une lourdeur des jambes, et les femmess’en plaignent en période estivale. Ce n’est querécemment que ce phénomène a été compris avecla découverte de récepteurs de la progestérone enfaible concentration dans la paroi veineuse, auniveau des cellules musculaires lisses [13].

■Traitements : indications,

contre-indications

‚ Quels traitements ?

Le THS associe classiquement un œstrogène et undérivé de la progestérone de façon séquentielle : 20ou 30 jours d’œstrogène, 10 à 15 jours deprogestérone (fig 1).

Tableau I. – Principaux symptômes de la ménopause.

Symptôme Symptôme exprimé Symptôme retrouvé

Bouffées de chaleur 50-60 % 70-75 %

Troubles psychiques 20-25 % 40-50 %

Céphalées 25 % 45 %

Troubles génito-urinaires 10 % 20 %

Atrophie cutanée 10 % 15 %

Diminution de libido 20 % 50 %

Tableau II. – Facteurs de risque d’ostéoporosepostménopausique.

Age

Race

Ménopause précoce (avant 40 ans)

Antécédents de traitements prolongés/répétés parcorticoïdes

Dysthyroïdies (hyperthyroïdies)

Antécédents familiaux d’ostéoporose

Immobilisation prolongée

Aménorrhée prolongée

Tabagisme, alcool, café

Maigreur

Apports calciques faibles (< 1 g/j)

3-0710 - Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ?

2

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Les œstrogènes utilisés sont soit des œstrogènesdonnés per os, soit des œstrogènes administrés parvoie cutanée (tableau III). Les effets secondaires desmêmes œstrogènes (estradiol, œstrogène naturel dela femme en activité génitale par exemple) ne sontpas identiques selon la voie d’administration(tableau IV).

Pour toutes ces raisons, et sans méconnaître lesrésultats publiés de grandes études de cohorte

américaines avec un suivi de plus de 10 ans,réalisées en utilisant un œstrogène per os (engénéral le Prémarint, ou sulfate d’œstrone, principalœstrogène « naturel » de la jument gravide), il noussemble prudent de recommander l’emploi del’estradiol par voie cutanée chaque fois qu’il existedes facteurs de r isque cardiovasculai re(hypertension, tabagisme, dyslipidémie, obésité,diabète). Dans tous les autres cas, il est possible deprescrire un œstrogène par voie orale, ce qui semblemieux accepté par certaines femmes, à conditiond’en surveiller les effets secondaires, ce qui alourditle coût du traitement, et en respectant lescontre-indications (celles de la pilule œstro-progestative).

Les progestatifs utilisables sont résumés sur letableau V). Une controverse assez artificielle existe àce sujet entre Anglo-Saxons et Latins. L’emploi, auxÉtats-Unis, de progestatifs dérivés norestranes,(dérivés d’une structure de base testostérone), aconduit à s’interroger sur l’innocuité de ces produitsau plan métabolique. Abaissement du HDLcholestérol, résistance à l’insuline, prise de poids ethypercoagulabilité ont entraîné une certaineréticence dans la prescription conjointe duprogestatif.

Bien plus, certains d’entre eux n’ont aucun effetdélétère sur la coagulation de témoins normaux. Iln’est pas prouvé qu’il en soit de même en casd’antécédents de phlébites ou d’accidentsthromboemboliques, et la prudence veut que l’onrespecte encore actuellement les contre-indicationsdu Vidal concernant les antécédentsthromboemboliques.

Il existe des préparations associant desœstrogènes et des progestatifs, récemment apparussur le marché, qui associent un œstrogène ancien, levalérate d’œstradiol (Progynovat ou Provamest) etun progestatif qui est soit le médroxyprogestéroneacétate (Divinat), soit le cyprotérone acétate(Climènet), deux molécules connues de longue date(tableau VI). Si ces traitements permettent de traiterun nombre de femmes accru, on peut les prescrireen respectant les contre-indications. Il ne semble pasqu’il s’agisse d’une avancée thérapeutique majeure.

‚ Qui traiter ?

Contre-indications métaboliqueset vasculaires

Il y a peu de contre-indications métaboliques auTHS si on utilise un œstrogène par voie cutanée etde la progestérone naturelle. Les femmesdiabétiques et/ou obèses peuvent être traitées, demême que le sujet hyperlipidémique. Si lesœstrogènes per os sont alors apparemmentintéressants sur ce seul paramètre lipidique,(élévation de l’HDL cholestérol plus marqué parrapport aux œstrogènes cutanés), il faut aussisouligner l’élévation des triglycérides, dosedépendante, l’impact défavorable des œstrogènesper os sur la paroi artérielle ou sur la coagulation,deux effets non observés avec les œstrogènesadministrés par voie cutanée. En l’absence decontre-indication, y compris l’intoxication tabagiqueou la sédentarité, l’emploi des œstrogènes per os estpossible. Sur le plan vasculaire, si les étudesaméricaines utilisant des œstrogènes per os(Prémarint) sont intéressantes, car montrant dansdes cohortes importantes un effet bénéfiqueindiscutable au plan coronarien (diminution durisque coronarien, y compris des infarctus léthauxd’environ 40 à 50 %) [10], cette diminution du risqueétant amplifiée par l’utilisation conjointe deprogestatifs [9], il n’en reste pas moins qu’une grandeprudence est nécessaire pour traiter les sujets àrisque, et en particulier les sujets ayant desantécédents thromboemboliques [8]. Il faut signaler àce sujet qu’une tendance vers un traitement desfemmes à risque cardiovasculaire élevé s’est fait jourrécemment [10]. Bien entendu, le THS n’est qu’un

Œstrogènes en continu

Progestérone 15 j/mois

Œstrogènes 1er au 25e jour

Progestérone 12e au 25e jour

Œstrogènes en continu

Schéma dit « sans règles »

Progestérone en continu tous les jours ou 1 jour sur 2

1 Différentes prescriptions des œstrogènes et desprogestatifs en postménopause.

Tableau III. – Principaux œstrogènes prescrits par voie générale à la ménopause.

Type/dose et voie d’administration Nom commercial Remboursement (65 %)

Œstrogènes administrés per os

Valérate d’œstradiol 1 et 2 mg Progynovat NONValérate d’œstradiol 2 mg Provamest OUIŒstrogènes sulfoconjugués1,25 mg Prémarint NONŒstrogènes sulfoconjugués 0,625 mg Prémarint NONEstradiol micronisé 1 et 2 mg Estrofemt NONEstradiol micronisé 2 mg Oromonet OUIEthinylestradiol 50 µg sécable E´ thinylestradiol Rousselt OUIHydroxyestrone Colpormont NON

Œstrogènes par voie cutanée

Estradiol 1,5 mg/d percutané gel (règle) Œstrogelt OUIEstradiol 0,75 mg/d percut flacon doseur Œstrodoset OUIEstradiol 0,5 mg/d percut flacon doseur Estrevat OUIEstradiol transdermique 2mg Œsclimt 25 OUIEstradiol transdermique 4 mg Œsclimt 50 OUIEstradiol transdermique 8 mg Œsclimt 100 OUIEstradiol transdermique 3,2 mg Systent 50 NONEstradiol transdermique 5 mg Estraderm TTSt 25 OUIEstradiol transdermique 10 mg Estraderm TTSt 50 OUIEstradiol transdermique 20 mg Estraderm TTSt 100 NONEstradiol transdermique 3,3 mg Menorestt 37,5 OUIEstradiol transdermique 4,3 mg Menorestt 50 OUIEstradiol transdermique 6,6 mg Menorestt 75 OUIEstradiol transdermique 8,7 mg Menorestt 100 OUI

Tableau IV. – Principaux effets secondaires des œstrogènes administrés par voie orale et cutanée.

Œstrogènes per os Œstrogènes par voie cutanée

LDH cholestérol diminué LDL cholestérol stable

HDL cholestérol augmenté HDL2 cholestérol augmenté

VLDL triglycérides augmentés VLDL triglycérides stables

Angiotensinogène/rénine augmentés Angiotensinogène/rénine stables

Tolérance glucidique diminuée Tolérance glucidique inchangée

Facteurs de la coagulation augmentés Facteurs de la coagulation inchangés

Nous pouvons affirmer que laprogestérone micronisée(Utrogestant), ses dérivés proches(Duphastont, Colpronet), les dérivésde la 17-hydroxyprogestérone(Lutérant) ou les dérivés19-norprogestérone (Luténylt,Surgestonet) sont d’une totaleinnocuité métabolique.

Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ? - 3-0710

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élément du traitement. La suppression dutabagisme, le contrôle du poids, le traitement d’unehyperlipidémie, la lutte contre la sédentarité restentessentiels pour diminuer la mortalité des femmesménopausées, traitées ou pas [11].

Contre-indications carcinologiquesElles restent, au moins dans les mentalités des

patientes et des médecins, un obstacle fréquent autraitement.

¶ Cancer du seinC’est la première cause de mortalité par cancer

chez la femme, loin derr ière les causescardiovasculaires. Ce fléau a une incidencemaximale vers 50 à 60 ans, ce qui coïncide avecl’âge de la ménopause. Il est donc importantd’apprécier si le THS a un impact sur la prévalence decette pathologie. Les données restent polémiques etinsuffisantes. Le rôle carcinogénique des œstrogènesest admis à partir de données chez l’animal, n’étantsans doute qu’un des événements dans l’apparitiondu cancer (rôle des oncogènes et des virus, facteursde croissance locaux...). Le rôle protecteur desprogestatifs est actuellement sujet de controverse,surtout à partir de données in vitro. Il existeprobablement plusieurs récepteurs des progestatifssur le sein et, dans certaines conditions, lesprogestatifs auraient peut-être un rôle deprolifération cellulaire. Dans l’état actuel de nosconnaissances, il ne nous semble pas utile desupprimer le complément progestatif de 15 jourschez les femmes hystérectomisées, attitudepréconisée par certains. Les données épidémiolo-giques les plus récentes ne mettent pas en évidence

de risque accru de cancer lié à l’association deprogestatifs [6]. Tout le monde s’accorde sur lanécessité d’un dépistage mammographiquesystématique, quelles que soient les données del’examen clinique avant la prescription du THS.

Si l’on utilise une étude par méta-analyse, ilsemble que le THS n’augmente que trèsmodérément le risque de cancer du sein (risquerelatif 1,3), surtout en cas de traitement prolongé [7]. Ilfaut encore souligner que beaucoup d’étudesenglobent la valeur 1, ce qui leur fait perdre ensignificativité, et que les méta-analyses sontrassurantes. Concernant les antécédents demastopathie bénigne, y compris les formesproliférantes, il ne s’agit pas non plus d’unecontre-indication. Si le risque d’induire ou de révélerun cancer par le THS reste probablement faible, iln’en est pas de même pour les femmes déjà opéréesd’un cancer du sein. Il semble alors raisonnable, chezces femmes à haut risque, d’éviter le traitementhormonal, et il s’agit, pour l’instant, de la principalecontre-indication au THS, même si certainscommencent à discuter cette attitude (cancer de bonpronostic histologique, faible envahissementganglionnaire, réceptivité hormonale conservée) [4].

¶ Cancer de l’endomètreIl est numériquement beaucoup plus rare. Il s’agit

certes d’un cancer hormonodépendant. S’il a étécorrectement traité et s’il est de bas grade, il noussemble possible de prescrire un THS, avec peut-êtreune surveillance particulièrement étroite. Il estdémontré, par de nombreuses études, quel’association de progestatifs prévient dans la majorité

des cas l’apparition de l’hyperplasie de l’endomètreinduite par l’emploi exclusif d’œstrogènes. Unedurée de traitement progestatif de 12 à 15 jourssemble idéale pour prévenir une hyperplasieatypique de l’endomètre [2]. Les cancers del’endomètre apparus sous THS sont de meilleurpronostic que ceux apparaissant chez des femmesjamais traitées, et des données identiques sontobservées pour les cancers du sein découverts sousTHS.

¶ Autres cancersCeux-ci n’étant pas hormonodépendants (ovaire,

col utérin), il ne s’agit donc pas de contre-indicationsau THS.

Contre-indications gynécologiquesElles sont inexistantes. Nous avons déjà vu

l’absence de contre-indications en cas d’antécédentde mastopathie bénigne. Il en est de même si lafemme est porteuse d’un fibrome ou d’uneendométriose. Deux précautions s’imposent alors :différer de quelques mois après l’arrêt des règles ledébut du traitement, employer de préférence unprogestatif puissamment anti-œstrogénique, enparticulier les dérivés 19-norprégnanes.

Autres contre-indicationsIl s’agit de maladies rares telles que le lupus ou les

porphyries intermittentes, les otospongioses ou lesadénomes hypophysaires non opérés. D’après desdonnées récentes, les mélanomes malins opérés nereprésenteraient plus une contre-indication absolue,et le rôle des œstrogènes sur la croissance tumoraledes adénomes hypophysaires est sans doute faible(expérience des prolactinomes).

‚ Surveillance du traitement

Elle est très simple et se résume à la prescriptiond’une mammographie tous les 2 ou 3 ans (tous lesans en cas de microcalcifications douteuses oud’aspect suspect à vérifier). Si le doute se précise à lacytoponction, une exérèse de la zone suspectes’impose. Ces femmes seront encore surveillées parun frottis cervical de dépistage, à répéter tous les 3ans. L’emploi d’œstrogènes par voie cutanéedispensera d’examens glucidolipidiques, si lesvaleurs étaient initialement normales. Dans le cascontraire, un examen annuel est suffisant, avec aumoins une fois la mesure du HDL cholestérol ou desapolipoprotéines. La mesure de l’estradiol circulantn’est pas indispensable. Il nous semble utile del’envisager tous les 3 ans, car le THS doit être prescritpendant 10 à 15 ans, et une contraintethérapeutique maintenue plusieurs années noussemble abusive si elle est inefficace.

Sans méconnaître les limites de cet examen et lesdiscussions concernant la valeur efficace (entre 50 et100 pg/mL ou 200 à 350 pmol/L), sa prescriptionnous semble devoir être conservée, faute demarqueurs simples périphériques de l’action desœstrogènes actuellement. La mesure de la densitéosseuse, qui est un de ces marqueurs, ne sera pasrépétée plus d’une fois tous les 3 ans, deux valeursnormales pour l’âge étant suffisantes pour arrêter lasurveillance. Il s’agit d’une méthode efficace pourdépister les ostéoporoses à haut niveau deremodelage et les sujets non répondeurs au THS au

Tableau V. – Principaux progestatifs prescrits par voie orale en postménopause.

Composition et dosage Nom commercial Remboursement (65 %)

Progestérone micronisée 100 mg Utrogestant OUI

Didrogestone 10 mg Duphastont OUI

Médrogestone 5 mg Colpronet OUI

Médroxyprogestérone 10 mg Gestoralt OUI

Chlormadinone 2 et 5 mg Lutérant OUI

Démégestone 0,5 mg Lutionext OUI

Promégestone 0,125/0,250/0,500 mg Surgestonet OUI

Nomégestrol acétate 5 mg Luténylt OUI

Ethynodiol diacétate 2 mg Lutométrodiolt OUI

Lynestrénol 5 mg Orgamétrilt OUI

Tableau VI. – Œstroprogestatifs prescrits en postménopause.

Composition/doses des comprimés Nom commercial Remboursement (65 %)

11 cp E2 valérate 2 mg+ 10 cp cyprotérone acétate 1 mg

Climènet OUI

11 cp E2 valérate 2 mg+ 10 cp médroxyprogestérone ac 10 mg

Divinat OUI

21 cp E2 micronisé 2 mg+ noréthistérone acétate NEA1 mg

Kliogestt OUI

12 cp E2 micronisé 2 mg+ 10 cp E2 micron 2 mg + NEA1 mg+ 6 cp E2 micronisé 1 mg

Trisequenst OUI

3-0710 - Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ?

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plan osseux (d’autres traitements de l’ostéoporoseexistent, qui sont hors de notre propos).

Si la survenue de mastodynies est un bon signeclinique pour suspecter un surdosage enœstrogènes, la disparition des bouffées de chaleurest toujours observée si la dose est efficace. Lagarantie d’un traitement adapté sur la notiond’hémorragies de privation régulières est trompeuse,car on teste la sensibilté de l’endomètre auxsollicitations hormonales, variable d’une femme àl’autre. La survenue de saignements anarchiquesdoit amener à un examen clinique, un frottisendométrial et une hystéroscopie +/- curetage. Tousces examens sont superflus en cas de règlesrégulières. Un tiers environ des patientes nonhystérectomisées traitées n’ont pas de règles. Si laréapparition des saignements est souvent unobstacle au traitement, il faut insister pour dire que letraitement sans règles n’existe pas. Pour en diminuerl’abondance, on peut raccourcir la duréed’administration des œstrogènes, utiliser unprogestatif plus anti-œstrogénique, essayer d’utiliser

le progestatif un jour sur deux ou concomitammentà l’œstrogène, tous les jours, etc. Il est plus honnêtede dire que ce problème n’est, hélas, pas résolu, etque la sensibilté endométriale au traitement est tropvariable pour qu’une quelconque « recette » soituniversellement efficace, même si quelques succèsponctuels sont observés.

■Conclusion

Les aspects cardiovasculaires et la prévention desaccidents coronariens par le THS sont de puissantsarguments en faveur du traitement hormonal, dontl’efficacité et l’innocuité semblent assurées. L’effetbénéfique, en matière de prévention del’ostéoporose ne semble pas négligeable sur le planmorbidité et mortalité. Le cancer du sein reste unsujet débattu, mais il semble que le THS ne soit pasun facteur de risque majeur. Une des discussionsactuelles paraît être de préciser la durée optimale du

THS, le risque de cancer du sein paraissantaugmenter avec l’âge, alors que l’état osseux estamélioré tant que dure le traitement, de même quel’état cardiovasculaire [5]. Il reste essentiel dedialoguer avec la patiente qui va bénéficier dutraitement, chaque prescription devant êtreindividuelle.

Plusieurs points méritent attention :

– les sujets à haut risque tirent-ils réellementbénéfice du traitement ?

– les traitements par œstrogènes par voiecutanée, en dehors de leurs aspects théoriquesséduisants, sont-ils efficaces pour prévenir lesmaladies cardiovasculaires ?

– le coût du traitement est-il raisonnable,comparé à ceux, direct et indirect, des maladiesprévenues (ostéoporose et coronaropathies) ?

C’est en répondant à ces interrogations que l’onparviendra à un consensus sur le THS. Les élémentsactuels plaident cependant largement pour une plusgrande diffusion.

Pierre Lecomte : : Professeur des Universités, praticien hospitalier,service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, médecine B, hôpital Bretonneau, 37044 Tours cedex 03, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Lecomte. Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ?Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0710, 1998, 5 p

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Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ? - 3-0710

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Page 83: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Puberté normale et pathologique

R. Brauner

Les caractères sexuels apparaissent dans 95 % des cas entre 8 et 13 ans (moyenne 11,5 ans) chez la filleet entre 9 et 14 ans (moyenne 12,5 ans) chez le garçon. L’évaluation du développement des caractèressexuels et du volume testiculaire ainsi que le suivi des courbes de taille, indice de corpulence et périmètrecrânien font partie de l’examen clinique de l’enfant. La puberté précoce est définie par le développementdes caractères sexuels avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9 à 10 ans chez le garçon. La prise en charged’un enfant amené pour puberté précoce se fait en trois étapes : 1) s’agit-il d’une puberté précocepathologique ou d’une variante de la puberté normale ? ; 2) en cas de puberté précoce pathologique,est-elle centrale ou périphérique ? ; 3) en cas de puberté précoce centrale, est-elle due à une lésion ouest-elle idiopathique et y a-t-il une indication à un traitement freinateur ? Le retard pubertaire est définipar l’absence de développement des caractères sexuels au-delà de 13 ans chez la fille et de 14 ans chez legarçon. La prise en charge d’un enfant amené pour retard pubertaire se fait en cinq étapes : 1) s’agit-ild’une absence de puberté ou y a-t-il des signes de démarrage de la puberté ; 2) s’agit-il d’un retardpubertaire pathologique ou simple ? ; 3) en cas de retard pubertaire pathologique, est-il central oupériphérique ? ; 4) la petite taille est-elle due uniquement au retard pubertaire ? ; 5) quelles sont lesindications thérapeutiques ?© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Adolescent ; Croissance ; Hypothalamo-hypophyse ; Puberté ; Puberté précoce ;Retard pubertaire

Plan

¶ Introduction 1

¶ Puberté normale 1Étapes de l’activation pubertaire 1Développement des caractères sexuels 2Croissance pubertaire 2

¶ Variantes de la puberté normale 2

¶ Pubertés précoces 3S’agit-il d’une puberté précoce pathologique ou d’une variantede la puberté normale ? 3S’il y a puberté précoce pathologique, est-elle centrale oupériphérique ? 3Puberté précoce centrale 3

¶ Retards pubertaires 5S’agit-il d’une absence de puberté ou y a-t-il des signes dedémarrage de la puberté ? 5S’agit-il d’un retard pubertaire pathologique ou simple ? 5En cas de retard pubertaire pathologique, est-il d’origine centraleou périphérique ? 5La petite taille est-elle due uniquement au retard pubertaire ? 5Traitement 6

■ IntroductionLa puberté est la période de transition entre l’enfance et l’état

adulte. Elle s’exprime sur le plan clinique par un développe-ment des caractères sexuels et par une accélération de la vitessede croissance staturale. Elle conduit à l’acquisition des fonctionsde reproduction.

■ Puberté normale

Étapes de l’activation pubertaire (Tableau 1)

Le démarrage de la puberté est secondaire à une activation del’hypothalamus. Cela induit des activations successives del’antéhypophyse, des gonades, puis des tissus cibles périphéri-ques. Des phénomènes de rétrocontrôle existent entre chacunedes étapes. En effet, l’hypothalamus sécrète de manière pulsatiledu luteinizing hormone-releasing hormone (LH-RH, appelé aussiLRF ou GnRH). L’augmentation de LH-RH induit une augmen-tation de la sécrétion de gonadotrophines (luteinizing hormoneou LH et follicle stimulating hormone ou FSH) par l’antéhypo-physe. L’augmentation de la sécrétion des gonadotrophinesinduit un développement des gonades. Chez le garçon, l’aug-mentation de FSH induit un développement des tubes sémini-fères et donc l’augmentation du volume testiculaire ;l’augmentation de LH induit une stimulation des cellules deLeydig et donc une augmentation de la sécrétion de testosté-rone. Ainsi, les gonades augmentent leur sécrétion de stéroïdessexuels, testostérone par les testicules chez le garçon et estradiol

¶ 3-0721

1Traité de Médecine Akos

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puis progestérone par les ovaires chez la fille. Ce phénomène estappelé « gonadarche ». Les surrénales augmentent leur sécrétionde déhydroépiandrostérone (DHA). Ce phénomène, appelé« adrénarche », débute avant la « gonadarche », vers l’âge de8 ans chez la fille et de 10 ans chez le garçon.

Développement des caractères sexuelsLes caractères sexuels apparaissent dans 95 % des cas entre

8 et 13 ans (moyenne : 11,5 ans) chez la fille et entre 9 et14 ans (moyenne : 12,5 ans) chez le garçon. Le développementdes caractères sexuels secondaires est coté de 1 à 5 selon laclassification de Marschall et Tanner [1, 2], le stade 1 correspon-dant à l’aspect prépubère et le stade 5 au développement adulte.

Il y a des variations de l’âge de démarrage pubertaire d’unenfant à l’autre, mais la séquence d’apparition des caractèressexuels secondaires est en règle générale respectée. Chez la fille,le premier signe est le développement d’un bourgeon mam-maire (souvent unilatéral au début) accompagné ou suivi del’apparition d’une pilosité pubienne. La pilosité axillaireapparaît 1 à 1 an et demi après. L’intervalle moyen entre ledébut du développement des seins et l’apparition des premièresrègles est de 2,2 ans. Celles-ci ne deviennent cycliques qu’après1 à 2 ans et les premiers cycles sont anovulatoires. Chez legarçon, le signe qui indique le démarrage pubertaire est l’aug-mentation du volume testiculaire. Les testicules prépubèresmesurent autour de 2 × 1 cm et des dimensions testiculairessupérieures à 3 × 2 cm indiquent une activation de l’axehypothalamo-hypophyso-testiculaire. La sécrétion de testosté-rone contribue, avec les hormones surrénaliennes, au dévelop-pement de la pilosité sexuelle. Elle induit une augmentation desdimensions de la verge, des érections et une mue de la voix. Ilest fréquent d’observer au cours de la puberté une intumescencemammaire appelée gynécomastie. Celle-ci est parfois doulou-reuse. Elle est le plus souvent transitoire et disparaîtspontanément.

Croissance pubertaireLe gain annuel en taille passe de 5 cm avant la puberté à

9 cm durant le pic de croissance pubertaire. L’âge moyen à lasurvenue de ce pic est de 12 ans chez la fille et de 14 ans chezle garçon. [3] Le nombre total moyen de centimètres pris entrela première menstruation et la taille adulte est de 7 cm lorsquela première menstruation survient à 13,5 ans. La différence detaille adulte est de 13 cm entre les garçons et les filles. Cettedifférence vient essentiellement du fait que le pic de croissancepubertaire survient plus tôt et est moins ample chez la fille quechez le garçon. En effet, la taille adulte est atteinte en moyenneà 16 ans chez la fille et à 18 ans chez le garçon. Cette différencede durée totale de la croissance de 2 ans conduit à une diffé-rence de taille adulte d’environ 10 cm.

L’âge osseux correspond, pour un individu, à l’âge réel de lamajorité des individus de son sexe qui ont la même maturation

squelettique. Pour déterminer l’âge osseux, la méthode la plusutilisée est celle de Greulich et Pyle. [4] Elle utilise la radiogra-phie de la main et du poignet gauches de face (un seul cliché).L’apparition de l’os sésamoïde du pouce est un repère commodecar elle est en général contemporaine du démarrage pubertaire ;elle correspond à un âge osseux de 11 ans chez la fille et de13 ans chez le garçon. L’âge osseux permet d’approcher lafraction de sa taille adulte qu’un enfant a déjà prise, et donc sapotentialité de croissance résiduelle jusqu’à la taille adulte. Laprédiction de taille adulte se calcule, pour un enfant donné, àpartir de sa taille et de son âge osseux. La méthode la plusutilisée est celle de Bayley et Pinneau. [5] Il y a une marged’erreur entre la taille prédite et la taille adulte.

■ Variantes de la puberté normaleElles sont aussi appelées pubertés précoces (PP) partielles ou

dissociées. Elles ne correspondent pas à une entité nosologiqueréelle, mais elles posent des problèmes de diagnostic différentielavec les pubertés pathologiques. Il faut s’assurer que le dévelop-pement du caractère sexuel reste isolé et ce, avec un recul deplus de 1 an.

Le développement prématuré isolé des seins chez la fille(Tableau 2) est aussi appelé premature thelarche. Il s’agit le plussouvent d’une fille âgée de moins de 3 ans qui a eu une pousséemammaire néonatale, et dont les parents consultent en raisond’une impression d’augmentation du résidu de développementmammaire néonatal. Le diagnostic de premature thelarche est faitsur le caractère isolé du développement des seins. Lorsque cediagnostic est retenu, aucun traitement n’est nécessaire. Sonévolution se fait le plus souvent vers la régression spontanée.

Le développement prématuré isolé de la pilosité sexuelle(Tableau 3) est aussi appelé premature pubarche ou adrénarche. Ilcorrespond à une maturation surrénalienne précoce avec untaux plasmatique élevé de DHA sulfate. Le diagnostic depremature pubarche est fait sur le caractère isolé de la pilositésexuelle.

Tableau 1.Étapes de l’activation pubertaire.

1. Gonadarche

Phénomène initiateur mal compris

Organe Hormone

Hypothalamus # LH-RH ou LRF ou GnRH

Antéhypophyse # LH et FSH (pic LH > pic FSH)

Gonades # Testostérone > 0,5 ng/ml

# Estradiol > 15 pg/ml

Développement caractères sexuels secondaires + accélération de la crois-sance

2. Adrénarche : les hormones surrénaliennes participent à la pilositésexuelle

LH : luteinizing hormone ; RH : releasing hormone ; LRF luteinizing hormone releasingfactor :GnRH :gonadotrophine releasinghormone ; FSH : follicle stimulatinghormone.

Tableau 2.Premature thelarche.

Définition : développement prématuré isolé des seins chez la fille, nonpathologique.

Mécanisme : stimulation hypothalamo-hypophyso-ovarienne transi-toire ou sensibilité accrue de la glande mammaire à l’estradiol ?

Éléments du diagnostic

Âge inférieur à 3 ans : absence de signe de puberté précoce pathologique :

– pilosité sexuelle

– accélération de la croissance

– avance d’âge osseux

– augmentation de l’estradiol

Maintien du caractère isolé après un recul supérieur à 1 an

Tableau 3.Premature pubarche ou adrénarche.

Définition : développement prématuré isolé de pilosité sexuelle ± acné,non pathologique

Mécanisme : maturation surrénalienne précoce

Éléments du diagnostic

Âge supérieur à 6 ans

Fille dans 80 % des cas

Absence de signe de puberté précoce pathologique :

– développement des seins

– accélération de la croissance

– avance d’âge osseux

– autres signes d’hyperandrogénie (hirsutisme, # clitoris)

Taux plasmatiques de testostérone et 17OH-progestérone normaux

3-0721 ¶ Puberté normale et pathologique

2 Traité de Médecine Akos

Page 85: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

La puberté avancée est définie par un démarrage de lapuberté entre 8 et 10 ans chez la fille et entre 9 et 11 ans chezle garçon. Elle pose deux questions : faut-il rechercher unepathologie à son origine et y a-t-il un risque de réduction de lataille adulte ? L’existence de pubertés avancées dans la familleest contre une pathologie. Lorsqu’il n’y a pas de pubertéavancée dans la famille ou que la progression clinique de lapuberté est anormalement rapide, un examen neuroradiologiquepermet d’exclure une lésion de cette région. Une pubertéavancée peut réduire le potentiel de croissance de 5 cm. Cetteréduction ne pose pas de problème lorsque la taille de l’enfantest proche de la moyenne, mais elle peut aggraver le déficitstatural d’un enfant déjà petit. Ainsi la survenue d’une pubertéavancée, d’évolution rapide, chez un enfant ayant une petitetaille constitutionnelle peut être une indication à freiner sapuberté. Cependant, une telle décision doit être limitée à derares cas et prise en service spécialisé.

■ Pubertés précocesLa puberté précoce (PP) est définie par le développement des

caractères sexuels avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9 à10 ans chez le garçon. Ce développement peut correspondre àune PP pathologique ou à une PP non pathologique (appeléeaussi variante de la puberté normale, voir plus haut). La PPpathologique peut être d’origine centrale (appelée aussi vraie)ou périphérique (appelée aussi pseudo-PP). La prise en charged’un enfant amené pour PP se fait en trois étapes que nousanalyserons successivement.

S’agit-il d’une puberté précocepathologique ou d’une variantede la puberté normale ?

Chez la fille, le motif de consultation est le développementdes seins, de la pilosité sexuelle et/ou l’accélération de la vitessede croissance en taille avant l’âge de 8 ans. Les éléments enfaveur d’une PP pathologique sont l’association de deux de cessignes, en particulier du développement des seins et de lapilosité sexuelle, ou la survenue d’un développement des seinsaprès l’âge de 2 à 3 ans ou de menstruations.

Chez le garçon, le motif de consultation est le développementde la pilosité sexuelle et/ou l’augmentation des dimensions dela verge avec survenue d’érections avant l’âge de 10 ans.

Des examens complémentaires peuvent être nécessaires pourdistinguer une PP pathologique d’une variante de la puberténormale.

S’il y a puberté précoce pathologique,est-elle centrale ou périphérique ?

La PP est le plus souvent d’origine centrale due à l’activationprématurée de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique ; laréponse des gonadotrophines (LH et FSH) à l’injection de LH-RH(test) montre une augmentation de LH et de FSH avec unrapport pic LH/pic FSH supérieur à 0,6 chez la fille et à 2 chezle garçon. [6] La PP périphérique peut être d’origine ovarienne,testiculaire ou surrénalienne ; la réponse des gonadotrophines àl’injection de LHRH montre l’absence d’augmentation desgonadotrophines.

Chez la fille, la PP périphérique isosexuelle est due à uneproduction anormale d’estradiol par une lésion ovarienne ouexceptionnellement surrénalienne ; celle-ci donne un tableaud’estrogénisation (développement des seins, menstruation). LaPP périphérique hétérosexuelle est due à une productionanormale d’androgènes ; celle-ci donne un tableau d’hyperan-drogénie (développement de la pilosité sexuelle, hirsutisme,hypertrophie du clitoris). Elle peut exceptionnellement venird’une tumeur ovarienne ou surrénalienne, mais le plus souvent,elle est due à une hyperplasie congénitale des surrénales danssa forme non classique.

Chez le garçon, le volume testiculaire est l’élément qui guidevers l’origine centrale ou périphérique de la PP. En effet, unvolume testiculaire pubertaire indique une origine centrale de laPP. Si le volume testiculaire est prépubère, le taux plasmatiquede testostérone guide l’enquête étiologique. S’il est bas, inférieurà 0,5 ng/ml, cela oriente vers un développement prématuréisolé non pathologique de la pilosité sexuelle. Cette situation estrare chez le garçon et doit rester un diagnostic d’exclusion. S’ilest supérieur à 0,5 ng/ml, il s’agit d’une PP périphériqueisosexuelle. La production de testostérone est exceptionnelle-ment due à une testotoxicose ou à une tumeur testiculaire ousurrénalienne ou sécrétant des gonadotrophines chorioniques,(hCG), qui ont une activité LH. Le plus souvent, elle est due àune hyperplasie congénitale des surrénales dans sa forme nonclassique. Si la recherche d’une étiologie est négative alors quele taux plasmatique de testostérone est supérieur à 0,5 ng/ml, ilpeut s’agir d’une PP centrale à son début, vue avant l’augmen-tation du volume testiculaire. Les PP périphériques hétéro-sexuelles sont dues à une production anormale d’estrogènes parune tumeur testiculaire ou surrénalienne. Cette productiondonne une gynécomastie.

Puberté précoce centraleLa PP centrale est-elle due à une lésion ou est-elle idiopathi-

que et y a-t-il une indication à un traitement freinateur ?

Formes étiologiques

Les étiologies des PP centrales ont une répartition différenteselon le sexe : les formes idiopathiques sont rares chez le garçon(20 à 30 %) et fréquentes chez la fille (80 %). Le diagnostic del’étiologie d’une PP centrale se pose différemment selon lecontexte dans lequel elle survient. [7] En effet, dans certains cas,il est facile de la rapporter à une étiologie, soit parce qu’ellesurvient chez un enfant traité pour une pathologie connue pourêtre cause de PP centrale (hydrocéphalie, gliome des voiesoptiques, antécédents d’irradiation crânienne), soit parce qu’elles’accompagne de signes neurologiques, oculaires ou cutanés(maladie de von Recklinghausen) qui orientent d’emblée versune étiologie. Mais le plus souvent, la PP centrale paraît isoléeau premier examen. Un examen neuroradiologique est fait demanière systématique devant toute PP centrale. Il doit permettrede bien analyser la région hypothalamohypophysaire et lesvoies optiques, les deux étiologies les plus fréquentes étant legliome des voies optiques et l’hamartome hypothalamique.Devant une PP centrale de la fille, les indicateurs indépendantsd’une lésion du système nerveux central (SNC) sont l’âge dedébut inférieur à 6 ans et l’estradiol élevé. [8, 9] Les PP centralesidiopathiques surviennent souvent chez des filles qui ont unsurpoids ou qui ont grossi rapidement. [7]

“ Mise au point

Puberté précoce (PP).• La présentation clinique, complétée par quelquesexamens complémentaires, permet de distinguer une PPpathologique d’une variante de la puberté normale.• La réponse des gonadotrophines au LH-RH (test)permet de distinguer une PP centrale d’une PPpériphérique (beaucoup plus rare).• Dans la PP centrale du garçon, l’examenneuroradiologique et le traitement freinateur sontnécessaires.• Dans la PP centrale de la fille, l’examenneuroradiologique reste nécessaire, en attendant laconfirmation de la valeur prédictive de l’absence de lésiondu système nerveux central (SNC), de l’âge supérieur à6 ans et de l’estradiol bas. Le traitement freinateur n’estpas nécessaire dans tous les cas.

Puberté normale et pathologique ¶ 3-0721

3Traité de Médecine Akos

Page 86: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Formes évolutivesDans les PP centrales lésionnelles et chez un garçon, le

traitement freinateur est nécessaire. À l’inverse, chez une filleayant une PP centrale idiopathique, l’évolutivité est variabled’un cas à l’autre [10]. Le plus souvent (50 à 60 % des cas), ils’agit d’une forme classique évolutive nécessitant un traitementfreinateur d’emblée (Fig. 1,2). Plus rarement (30 % des cas), ils’agit d’une forme peu évolutive, voire spontanément régressive,qui ne nécessite pas de traitement freinateur d’emblée.

TraitementEn cas de lésion intracrânienne, les indications thérapeuti-

ques sont fonction du type et de la localisation de celle-ci :exérèse, radiothérapie, chimiothérapie ou abstention thérapeu-tique avec surveillance.

La sécrétion prématurée de stéroïdes sexuels (estradiol outestostérone) augmente la vitesse de croissance et la progressionde la maturation osseuse. Cela peut induire une soudureprématurée des cartilages de croissance, et ainsi diminuer ladurée de la croissance, aboutissant à la réduction de la taille

adulte. Les analogues du stimulus hypothalamique (LH-RH) sontutilisés à forte dose pour freiner la sécrétion des gonadotrophi-nes par l’hypophyse. [11] À l’arrêt du traitement, le développe-ment pubertaire reprend. Il n’a pas été rapporté d’effetsecondaire de ce traitement. La fonction de reproduction nedevrait pas être altérée, mais cela demande à être confirmé avecplus de recul. Du fait de ces éléments et du coût élevé desanalogues du LH-RH, la décision de traitement est à prendre enservice spécialisé.

Notre schéma actuel de prise en charge d’un enfant qui a unePP est le suivant :• à la première évaluation, dosage des taux plasmatiques

d’estradiol ou de testostérone et test au LH-RH pour exclureune cause périphérique de PP et déterminer le rapport picLH/pic FSH ;

• si la PP est d’origine centrale, un examen neuroradiologiqueest fait pour rechercher une lésion intracrânienne ;

• s’il s’agit d’un garçon, d’une PP centrale par lésion ou d’unePP idiopathique évolutive de la fille, un traitement paranalogue du LH-RH est prescrit et ce, pour une durée mini-mum de 2 ans.

S2

R1

N1

X

X

X

X

analogue LH RH

A

S2P2R1

R1

N1

X

X

X

BFigure 1. Courbes de croissance staturales de deux filles ayant une puberté précoce centrale idiopathique.A. Forme évolutive avec avance importante de l’âge osseux nécessitant un traitement freinateur.B. Forme peu évolutive, non traitée, avec une taille adulte (165 cm) supérieure à la taille génétique (160 cm).Développement des seins (S2), de la pilosité pubienne (P2) et premières règles (R1).

3-0721 ¶ Puberté normale et pathologique

4 Traité de Médecine Akos

Page 87: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Dans les formes non traitées car peu évolutives, un contrôleclinique et de l’âge osseux est fait tous les 3 à 6 mois.

■ Retards pubertairesLe retard pubertaire (RP) est défini par l’absence de dévelop-

pement des caractères sexuels au-delà de l’âge de 13 ans chez lafille et de 14 ans chez le garçon. La prise en charge d’un enfantamené pour RP se fait en cinq étapes que nous analyseronssuccessivement.

S’agit-il d’une absence de pubertéou y a-t-il des signes de démarragede la puberté ?

Le plus souvent, à la première consultation pour RP, il y a undéveloppement des seins chez la fille ou une augmentation duvolume testiculaire chez le garçon. Cela indique que l’axehypothalamo-hypophyso-gonadique est probablement normal.Le développement de la pilosité sexuelle est moins informatif

car il est en partie dû à l’augmentation des androgènes surréna-liens. L’âge osseux est en règle inférieur à l’âge chronologiqueet à l’âge osseux de démarrage pubertaire.

S’agit-il d’un retard pubertairepathologique ou simple ?

Chez le garçon, il s’agit dans 80 % des cas d’un RP simple.Les éléments en faveur de ce diagnostic sont : l’existence de RPsimples dans la famille, l’absence de signe fonctionnel ouphysique, une prise de poids normale et la présence de signesde début de puberté. Quelques examens complémentairespeuvent être nécessaires car le diagnostic de RP simple est undiagnostic d’élimination.

En cas de retard pubertaire pathologique,est-il d’origine centrale ou périphérique ?

Les taux plasmatiques de gonadotrophines (FSH et LH) sontnormaux ou bas dans les anomalies hypothalamo-hypophysaires et dans le RP simple. Ils sont au contraireaugmentés (supérieurs à 5 à 9 UI/l selon les normes du labora-toire) dans les anomalies gonadiques. Cependant, cette aug-mentation n’apparaît que lorsque l’âge osseux a dépassé 11 à12 ans chez la fille et 13 à 14 ans chez le garçon. Ainsi, lamesure de ces taux permet de distinguer les anomalies gonadi-ques des autres groupes (Tableaux 4 et 5). Si les taux plasmati-ques sont normaux ou bas, la réponse à l’injection de LH-RH(test) est typiquement discriminante : en cas de déficit engonadotrophines, les taux n’augmentent pas ; en cas de RPsimple, ils augmentent. Les deux étiologies les plus fréquentesde RP pathologique sont le syndrome de Klinefelter chez legarçon (Tableaux 6 et 7) et le syndrome de Turner chez la fille(Tableaux 8 et 9).

La petite taille est-elle due uniquementau retard pubertaire ?

En cas de RP, l’accélération de la vitesse de croissance estretardée, ce qui induit un changement de couloir de croissance.Cela pose la question de ne pas méconnaître une pathologie quiserait responsable du RP et du changement de couloir decroissance. Il peut s’agir d’une malabsorption, d’un déficit enhormone de croissance (GH) idiopathique ou surtout dû à unetumeur ou, beaucoup plus rarement, d’un hypercorticisme oud’une hypothyroïdie par thyroïdite. Le changement de couloirde croissance associé à un RP pose la question de savoir s’il y aune indication à évaluer la sécrétion de GH. Dans notreexpérience, le déficit en GH découvert à l’âge pubertaire est,

M

P2

Figure 2. Courbe de croissance d’un garçon ayant un retard pubertairesimple : le pic de croissance pubertaire est retardé, ce qui induit unchangement transitoire de couloir de croissance.

Tableau 4.Étiologies des retards pubertaires.

1. Anomalies hypothalamohypophysaires (= hypogonadismeshypogonadotropes)

Congénitales : déficit en gonadotrophines

Isolé ou avec anosmie (syndrome de Kallmann de Morsier)

Associé à d’autres déficits hypophysaires

Acquises

Tumeurs (craniopharyngiome, adénome à prolactine) Irradiation

2. Anomalies gonadiques (= hypogonadismes hypergonadotropes)

Congénitales

Anomalies des chromosomes sexuels (syndromes de Turner et de Kline-felter)

Anorchidie

Insuffisance ovarienne primitive

Acquises : infection, torsion, traumatisme, irradiation, chimiothérapie,auto-immunité

3. Retard pubertaire simple

4. Troubles fonctionnels : psychologiques ou affection chroniquedécompensée

Puberté normale et pathologique ¶ 3-0721

5Traité de Médecine Akos

Page 88: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

dans la grande majorité des cas, transitoire [12], en dehors desdéficits hypophysaires acquis secondaires à une lésion organiquede cette région (en particulier un craniopharyngiome). De plus,un déficit transitoire en GH ne réduit pas la taille adulte ; iln’est donc pas, en général, une indication à un traitement parGH.

TraitementLorsque le RP survient chez un patient suivi pour une

pathologie connue, il conduit à essayer d’optimiser le traite-ment de cette pathologie.

Lorsque le RP est secondaire à une anomalie hypothalamo-hypophysaire ou gonadique, il est une indication à un traite-ment substitutif. Le traitement est débuté vers l’âge de 12 anschez la fille et de 13 ans chez le garçon, en tenant compte dela demande de l’adolescent. Les objectifs de ce traitement sontd’induire un gain statural pubertaire normal, un développementdes caractères sexuels secondaires, puis une activité sexuelleadulte normale, puis, si possible, une fertilité. Il est mené entrois étapes. La première étape consiste à donner une faible dosed’estradiol ou de testostérone pour accélérer la vitesse decroissance sans faire progresser de manière excessive la matura-tion osseuse. Lorsque la taille adulte est proche ou atteinte, ladose est augmentée et, chez la fille, l’estradiol est associé à dela progestérone de manière cyclique. Lorsqu’il y a souhait defertilité et que l’anomalie est hypothalamohypophysaire et nongonadique, le traitement est un analogue du LH-RH ou l’asso-ciation de hMG (human menopausic gonadotropin à effet FSH) etde hCG (à effet LH).

Dans le RP simple du garçon, le développement pubertaire sefait de manière complète mais retardée. La question se pose de

Tableau 5.Conduite du diagnostic étiologique dans le retard pubertaire.

Première étape

Interrogatoire :

– tailles et âges pubertaires dans la famille

– antécédents : ectopie testiculaire, pathologie

– troubles fonctionnels : céphalées, diarrhée, anosmie

– contexte psycho-socio-affectif

– apport alimentaire

Examen clinique

Courbe de croissance staturopondérale

Examens complémentaires :

– radiographie de la main et poignet gauches de face (1 cliché)

– taux plasmatiques de LH, FSH, testostérone, prolactine

Exclure pathologie générale : vitesse de sédimentation, anticorps antitransglu-taminase, T4, TSH, selle turcique de profil... selon le contexte.

Seconde étape en fonction de LH et FSH

Augmentés : anomalie gonadique → caryotype

Normaux ou bas : anomalie hypothalamohypophysaire ou RP simple :décider si :

– test au LH-RH

– examen neuroradiologique

LH : luteinizinghormone ; RH : releasinghormone ; FSH : follicle stimulatinghormone.

Tableau 6.Circonstances de diagnostic du syndrome de Klinefelter.

Éléments constants :

– anomalie chromosomique

– insuffisance de la spermatogenèse

– 1/1 000 naissances garçons

Caryotype demandé pour :

1. In utero :

– âge avancé de la mère

– antécédents de pathologie obstétricale

2. Dans l’enfance : retard mental et scolaire

3. À l’âge pubertaire :

– non-augmentation du volume testiculaire

– gynécomastie persistante

4. À l’âge adulte : stérilité

“ Mise au point

Retard pubertaire.La prise en charge d’un enfant qui a un retard pubertairecomporte :• La recherche d’une pathologie à l’origine du RP ;• La prise des décisions thérapeutiques ;• L’information de l’enfant devenu adolescent sur sa viesexuelle et ses possibilités de fertilité.

Tableau 7.Syndrome de Klinefelter.

1. Anomalie chromosomique

Le plus souvent : 47,XXY

Plus rarement : 48,XXXY ou mosaïque 46,XY/47,XXY

2. Insuffisance testiculaire

Spermatogenèse :

– testicules petits à la puberté

– stérilité

– FSH élevée

Production de testostérone :

– normale puis diminuée

– LH normale ou peu élevée

3. Autres signes

Majeurs :

– grande taille

– gynécomastie

– retard mental ou scolaire modérés

Inconstants :

– cardiopathie

– ectopie testiculaire

LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone.

Tableau 8.Circonstances de diagnostic du syndrome de Turner.

Éléments constants :

– anomalie du chromosome X

– petite taille

– dysgénésie gonadique

Fréquence à la conception 1,5 %, mais avec des avortements spontanés,1/3 000 naissances filles

Caryotype demandé pour :

1. In utero :

– âge avancé de la mère

– antécédents de pathologie obstétricale

– anomalies à l’échographie fœtale (croissance, cou, cœur)

2. En période néonatale : lymphœdème des extrémités

3. Dans l’enfance :

– petite taille

– particularités morphologiques

4. À l’âge pubertaire :

– absence de développement des seins

– aménorrhée primaire

5. À l’âge adulte : stérilité

6. À tout âge : cardiopathie

3-0721 ¶ Puberté normale et pathologique

6 Traité de Médecine Akos

Page 89: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

savoir s’il faut accélérer le développement pubertaire. Dansnotre expérience, l’absence de développement des caractèressexuels et la petite taille sont souvent difficiles à tolérer sur leplan psychologique après l’âge de 15 ans. Cela est encore plusmarqué lorsque le RP survient chez un garçon qui a une petitetaille constitutionnelle. Parallèlement, il a été montré que, àcondition d’être utilisé selon un schéma défini, le traitementpar la testostérone n’induit pas de progression excessive de lamaturation osseuse et donc pas de réduction de la tailleadulte. [13] La décision de traitement par la testostérone dépenddu niveau de testostérone plasmatique. Elle est à prendre enservice spécialisé.

■ Références[1] Marshall WA, Tanner JM. Variations in the pattern of pubertal changes

in girls. Arch Dis Child 1969;44:291-303.[2] Marshall WA, Tanner JM. Variations in the pattern of pubertal changes

in boys. Arch Dis Child 1970;45:13-23.[3] SempeA, Pedron G, Roy-Pernot MP. Auxologie, méthode et séquences.

Paris: Laboratoires Théraplix; 1979.[4] Greulich WW, Pyle SI. Radiographic atlas of skeletal development of

the hand and the wrist. Stanford: Stanford University Press; 1959.[5] Bayley N, Pinneau SR. Tables for predicting adult height from skeletal

age: revised for use of Greulich-Pyle hand standards. J Pediatr 1952;40:432-41.

[6] Oerter KE, Uriarte MM, Rose SR, Barnes KM, Cutler Jr. GB.Gonadotropin secretory dynamics during puberty in normal girls andboys. J Clin Endocrinol Metab 1990;71:1251-8.

[7] Chemaitilly W, Trivin C, Adan L, Gall V, Sainte-Rose C, Brauner R.Central precocious puberty: clinical and laboratory features. ClinEndocrinol (Oxf) 2001;54:289-94.

[8] Chalumeau M, Chemaitilly W, Trivin C, Adan L, Bréart G, Brauner R.Central precocious puberty in girls: the use of clinical epidemiology topredict central nervous system abnormalities. Pediatrics 2002;109:61-7.

[9] Chalumeau M, Hadjiathanasiou CG, Ng SM, Cassio A, Mul D,Cisterno MA, et al. How to select girls with precocious puberty forbrain imaging? An evidence based approach: the EUROPUB study.J Pediatr 2003;143:445-50.

[10] Fontoura M, Brauner R, Prevot C, Rappaport R. Precocious puberty ingirls: early diagnosis of a slowly progressing variant. Arch Dis Child1989;64:1170-6.

[11] Adan L, Chemaitilly W, Trivin C, Brauner R. Factors predicting theadult height in girls with idiopathic central precocious puberty: impli-cations for treatment. Clin Endocrinol (Oxf) 2002;56:297-302.

[12] Couto-Silva AC, Trivin C, Adan L, Lawson-Body E, Souberbielle JC,Brauner R. Management of boys with short stature and delayed puberty.J Pediatr Endocrinol Metab 2005;18:569-75.

[13] Richman RA, Kirsch LR. Testosterone treatment in adolescent boyswith constitutional delay in growth and development. N Engl J Med1988;319:1563-7.

R. Brauner, Professeur des Universités, praticien hospitalier.Université Paris-Descartes, Faculté de médecine, Service d’endocrinologie et troubles de la croissance, hôpital Bicêtre AP-HP, 78, rue du Général-Leclerc,94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brauner R. Puberté normale et pathologique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0721,2006.

Tableau 9.Syndrome de Turner.

1. Anomalie chromosomique :

– typiquement 45X

– mosaïque 45X/46XX, 45X/47XXX, 45X/46XY

– anomalie de structure

2. Petite taille : taille finale moyenne 142-147 cm

3. Dysgénésie gonadique :

– la LH et la FSH sont élevées

– les organes génitaux internes (vagin et utérus) sont féminins normaux

– la stérilité est le problème essentiel.

4. Autres signes :

– lymphœdème des mains et des pieds à la naissance

– anomalies morphologiques (cou court, thorax large, cubitus valgus)

– cardiopathie (coarctation de l’aorte)

– malformation rénale (rein en fer à cheval)

Traitement :

– hormone de croissance dont l’efficacité à augmenter la taille adulte estvariable

– œstroprogestatif à partir de l’âge pubertaire

LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

Arbresdécisionnels

Iconographiessupplémentaires

Vidéos /Animations

Documentslégaux

Informationau patient

Informationssupplémentaires

Auto-évaluations

.

Puberté normale et pathologique ¶ 3-0721

7Traité de Médecine Akos

Page 90: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Retard de croissance staturopondérale :diagnostic et prise en charge

C. Bouvattier

Le retard statural est un motif de consultation fréquent en pédiatrie. Il est défini par une taille inférieure à– 2 DS ou un ralentissement de la vitesse de croissance. L’analyse du retard de croissance est réalisée àpartir de la courbe staturopondérale. Sa prise en charge fait intervenir des éléments anamnestiques etcliniques, et des explorations biologiques et radiologiques ciblées. La petite taille idiopathique est lediagnostic le plus fréquemment retrouvé, mais reste un diagnostic d’élimination. Le bilan étiologique apour but d’éliminer les retards staturaux primitifs (déficit en hormone de croissance, pathologieshypothalamohypophysaires) et secondaires (maladies générales de l’enfance, maladies osseusesconstitutionnelles, maladies digestives). Le caryotype doit être systématique chez les filles dont la taille estinférieure à – 2 DS, à la recherche d’un syndrome de Turner. Toute cassure de la vitesse de croissanceimpose la réalisation d’une imagerie cérébrale. La prise en charge thérapeutique fait appel au traitementde la maladie causale, quand il est possible, et à l’hormone de croissance synthétique, dans le cadre de sesindications.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vitesse de croissance ; Craniopharyngiome ; Syndrome de Turner ;Retard de croissance intra-utérin ; Hormone de croissance

Plan

¶ Introduction 1

¶ Diagnostic clinique 1Antécédents familiaux 1Antécédents périnataux 2Courbe de croissance staturopondérale 2Données de l’anamnèse 2Examen clinique 2

¶ Investigations paracliniques 3Évaluation de la maturation osseuse 3Évaluation de la fonction somatotrope : épreuves de stimulationde la GH, dosages d’IGF1 et d’IGFBP3 3Reste du bilan hormonal 4Paramètres biologiques (malnutrition, malabsorption, tubulopathie) 4Caryotype 4Radiographies du squelette 4

¶ Étiologies des retards staturaux 4Causes organiques non endocriniennes 4Causes endocriniennes 5Cause non organique 5

¶ Traitement 5

¶ En pratique 6

■ IntroductionLa petite taille est un motif de consultation fréquent en

pédiatrie. Elle correspond à une taille inférieure au 3e percentile

ou à – 2 déviations standards (DS) pour l’âge, et concerne pardéfinition 2,5 % des enfants normaux. Les tailles de 95 % desenfants bien portants sont comprises entre − 2 et + 2 DS, ce quicorrespond à une taille adulte comprise entre 151 et 174 cmchez les filles et 163 à 187 cm chez les garçons. La mauvaiseperception psychologique de la petite taille dans la sociétéactuelle conduit de nombreux parents à consulter pour desretards staturaux de moindre importance. La démarche diagnos-tique vis-à-vis des enfants de petite taille doit être large. Elle apour objectif de distinguer les retards staturaux pathologiquesprimitifs ou secondaires, souvent accessibles à un traitement,des extrêmes de la croissance normale et de détecter les mala-dies graves générales de l’enfance. Les courbes de référencefrançaises sont celles de Sempé et Pédron, qui figurent sousforme simplifiée dans le carnet de santé.

■ Diagnostic cliniqueL’interrogatoire et l’examen clinique orientent vers des

étiologies précises et conditionnent les investigationsparacliniques.

Antécédents familiaux (Tableau 1)

La taille des parents permet de définir la taille « cible »(Tableau 2). Des petites tailles familiales font évoquer une petitetaille constitutionnelle ou une pathologie génétique (déficit enhormone de croissance [GH], hypothyroïdie, maladie osseuse...). Des pubertés tardives orientent vers un retard pubertairesimple ou un déficit gonadotrope.

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Antécédents périnataux (Tableau 3)

Le poids, la taille et le périmètre crânien, rapportés au termede la grossesse, doivent être soigneusement notés. Le retard decroissance intra-utérin (RCIU) ou l’hypotrophie peuvent êtresecondaires à une pathologie maternelle (intoxication, taba-gisme...), placentaire (toxémie gravidique...). L’existenced’hypoglycémies néonatales, un ictère néonatal prolongé, unmicropénis, font évoquer le diagnostic d’hypopituitarismecongénital. L’absence de maladie générale est un élémentnégatif important.

Courbe de croissance staturopondérale(Tableau 4) [1]

Sa réalisation est indispensable. La mesure de la taille del’enfant doit être exprimée en DS sur une courbe de croissance,et tous les points notés dans le carnet de santé reportés. Lavitesse de croissance calculée sur 1 an permet de différencier lesretards de croissance à vitesse de croissance normale, desralentissements de la vitesse de croissance, et de comparerl’évolution du poids et de la taille. Un enfant est de petite taillesi sa taille est inférieure à – 2 DS sur la courbe de croissance,inférieure à – 2 DS par rapport à sa taille cible, ou si sa vitessede croissance est inférieure à 4 cm/an.

Toute cassure de la croissance fait craindre un déficit soma-totrope secondaire à une tumeur hypophysaire, à confirmerrapidement par une imagerie par résonance magnétique (IRM)cérébrale. La plus fréquente est le craniopharyngiome. Quandl’infléchissement de la vitesse de croissance est progressif, onévoque un déficit somatotrope, une maladie osseuse constitu-tionnelle, un syndrome de Turner chez la fille, une pseudohy-poparathyroïdie ou une maladie chronique.

Données de l’anamnèse (Tableau 5)

Sont précisés à l’interrogatoire : le niveau scolaire, l’exis-tence de signes fonctionnels (troubles digestifs, polyuropoly-dypsie, céphalées ...), les maladies chroniques éventuelles, untraitement au long cours (corticothérapie...).

Examen clinique (Tableaux 6, 7, 8)

Il évalue tout particulièrement, outre l’examen cliniquegénéral, le développement pubertaire, l’état nutritionnel. Ils’attache à repérer l’existence d’anomalies morphologiques(anomalies de la ligne médiane, dysmorphie faciale, anoma-lies des segments de membres, des extrémités).

Tableau 1.Orientations diagnostiques en fonction des antécédents familiaux.

Petites tailles familiales

Petite taille constitutionnelle ou familiale

Maladie osseuse constitutionnelle

Déficit en GH d’origine génétique

Pubertés tardives familiales

Retard simple de la croissance et de la puberté

Antécédents d’anosmie ou impubérisme

Déficit gonadotrope

Difficultés socioéconomiques

Malnutrition

Tableau 2.Taille cible.

Taille cible (cm) = Taille père (cm) + Taille mère (cm) + 13 (garçon) –13(fille) / 2

Tableau 3.Orientations diagnostiques en fonction des antécédents périnataux.

Retard de croissance intra-utérin (TN et/ou PN < - 2 DS)

Grossesse

- toxémie gravidique

- intoxication maternelle

- infections (rubéole, cytomégalovirus)

Dysplasies squelettiques

Maladies métaboliques

Anomalies chromosomiques

Syndromes polymalformatifs

Ictère prolongé, hypoglycémies néonatales, micropénis

Déficit somatotrope ou panhypopituitarisme

Tableau 4.Orientations diagnostiques en fonction de la courbe de croissance.

Vitesse de croissance régulière : petite taille mais sur une DS de crois-sance stable

Petite taille idiopathique ou constitutionnelle (fréquent mais diagnosticd’élimination)

Dysplasies squelettiques

RCIU sans rattrapage

Infléchissement de la vitesse de croissance

Cassure : tumeur hypophysaire (craniopharyngiome)

Infléchissement progressif : déficit somatotrope, hypothyroïdie, mala-dies chroniques, malabsorption, malnutrition, Turner, dysplasies sque-lettiques, hypercorticisme iatrogène

Infléchissement de la vitesse de croissance prépubertaire : retard simplede la croissance et de la puberté

Retard pondéral > retard statural

Causes nutritionnelles

Retard statural et obésité

Hypercorticisme

Pseudohypoparathyroïdie

Syndrome de Willi-Prader

Tableau 5.Orientations diagnostiques en fonction des signes fonctionnels.

Céphalées, vomissements : tumeur cérébrale

Troubles digestifs : anorexie mentale, maladie cœliaque, maladie deCrohn

Polyuropolydypsie : diabète insipide central ou néphrogénique, diabèteinsulinodépendant

Tableau 6.Orientations diagnostiques en fonction de l’examen clinique.

Aspect dénutri : causes nutritionnelles

Implantation basse des cheveux, hypertélorisme, épicanthus, ptosis,cou palmé, pterygium colli, thorax en « bouclier », cubitus valgus :syndrome de Turner

Anomalies des segments de membres : dysplasie squelettique

Obésité, érythrose faciale : Cushing

Goitre : hypothyroïdie

Saillie des bosses frontales, ensellure nasale, palais ogival : déficit soma-totrope

Colobome irien, fente palatine, micropénis : anomalie de la ligne mé-diane avec déficit somatotrope

Retard ou avance pubertaire : retard simple de la croissance et de la pu-berté, puberté précoce soudée

Syndromes dysmorphiques avec RCIU : Cornelia de Lange, Silver-Russell...

Obésité, retard mental, hypogonadisme : Willi-Prader, Laurence-Moon-Bardet-Biedl, pseudohypoparathyroïdie

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2 Traité de Médecine Akos

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■ Investigations paracliniquesAu terme des investigations cliniques, on distingue schéma-

tiquement plusieurs situations :• le retard de croissance est secondaire à une affection chroni-

que connue, traitée ou non. La démarche médicale estd’essayer d’améliorer la prise en charge de la maladie enquestion pour minimiser le retentissement sur la croissance ;

• le retard de croissance est inquiétant (taille < – 3 DS, vitessede croissance très ralentie, signes cliniques évocateurs). Il estl’occasion du diagnostic d’une maladie endocrinienne ounon. Certains diagnostics doivent être recherchés, même enl’absence d’éléments cliniques évocateurs ;

• le retard de croissance est modéré (– 2 DS), il est un symp-tôme. Aucune maladie organique n’est mise en évidence. Cesont les retards de croissance les plus fréquents (petites taillesfamiliales, RCIU, retard simple de la croissance et de lapuberté).

De façon systématique, toute cassure de la croissance doitfaire réaliser une imagerie cérébrale.

Évaluation de la maturation osseuseL’âge osseux est évalué à l’aide d’une radiographie de la main

et du poignet gauche de face, comparée aux radiographies deréférence de l’atlas de Greulich et Pyle [2]. Il a une faible valeurdiagnostique et pronostique avant la puberté. L’âge osseux estsouvent proche de l’âge chronologique dans les petites taillesconstitutionnelles, les maladies osseuses constitutionnelles, lesanomalies chromosomiques avec retard statural. Il est classique-ment inférieur à l’âge chronologique dans les déficits somato-tropes, les hypothyroïdies, les maladies chroniques, les retardssimples de la croissance et de la puberté.

Une croissance normale nécessite avant tout un systèmeendocrinien (Tableau 9) et un squelette normaux.

Évaluation de la fonction somatotrope :épreuves de stimulation de la GH, dosagesd’IGF1 et d’IGFBP3 [3]

Ces explorations sont indiquées :• en période néonatale, devant des hypoglycémies, un ictère

prolongé, un micropénis (verge < 3 cm), après évaluation dela fonction thyroïdienne (T4L, « thyroid stimulating hormone »[TSH]) et corticotrope (test au Synactène®) ;

• dans l’enfance lorsque la vitesse de croissance se ralentit ;• à l’adolescence, devant un retard statural et pubertaire.

Les stimuli pharmacologiques de la GH les plus utilisés sontl’ornithine, l’hypoglycémie insulinique associée à l’arginine, leglucagon associé aux bêtabloquants. Le déficit en hormone decroissance est affirmé lorsque le pic de GH est inférieur à5 ng/ml ou 25 µU/ml. Ces tests sont fiables pour le diagnosticdes déficits francs en GH mais peu sensibles et spécifiques dansles autres cas (réalité des déficits partiels, déficits GH fonction-nels dans les retards pubertaires et chez les enfants ensurpoids...). Les limites de ces épreuves tiennent à leur caractèrenon physiologique, au choix arbitraire de la valeur-seuil à10 ng/ml, à la disparité des mesures selon le radio-essai utilisé,à leur manque de reproductibilité, et à la dépendance de laréponse à l’âge, le stade pubertaire ou l’état nutritionnel. Maismalgré toutes ces critiques, ces tests restent la base du diagnos-tic de déficit en GH.

Le dosage de l’« insulin-like growth factor 1 » (IGF1) permetd’améliorer la sensibilité et la spécificité du diagnostic de déficit

Tableau 7.Croissance et puberté normales.

Taille (cm) Poids (kg) Périmètrecrânien

Naissance 50 3,4 35

12 mois 75 10 47

2 ans 85 12 49

4 ans 100 16 51

De 4 ans à la puberté : + 5-6 cm/an, +2-3 kg/an

Période prépubertaire : ralentissement physiologique de la vitesse decroissance : 4-5 cm/an

Puberté chez la fille : âge moyen 11,5 ans

- premier signe : développement des seins

- premières règles 2 ans plus tard

- gain statural moyen : 24 cm

- taille finale moyenne : 163 cm

Puberté chez le garçon : âge moyen 12,5 ans

- premier signe : augmentation de volume des testicules

- gain statural moyen : 27 cm

- taille finale moyenne : 175 cm

Indicateurs de fin de croissance

- vitesse de croissance < 2 cm/an

- âge osseux > 15 ans (fille), > 16 ans (garçon)

Tableau 8.Stades pubertaires selon Tanner.

Trois paramètres sont appréciés :

P : pilosité pubienne

G : développement des organes génitaux externes chez le garçon

S : développement des seins chez la fille

P1 : Absence de poils pubiens

P2 : Quelques poils longs sur le pubis, à la racine de la verge ou sur lesgrandes lèvres

P3 : Pilosité pubienne au-dessus de la symphyse pubienne

P4 : Pilosité pubienne fournie

P5 : Pilosité pubienne adulte

S1 : Pas de développement des seins

S2 : Nodule palpé sous le mamelon

S3 : L’aréole s’élargit, le mamelon se décolle

S4 : Le sein se développe

S5 : Seins de femme adulte

G1 : Longueur des testicules < 25 mm, verge infantile

G2 : Augmentation du volume testiculaire > 25 × 35 mm, développe-ment du scrotum

G3, G4 : Développement de la verge et de la taille des testicules

G5 : Développement adulte des organes génitaux externes

Tableau 9.Facteurs hormonaux de la croissance postnatale.

Hormone de croissance (GH)

Synthétisée et sécrétée par les cellules somatotropes de l’antéhypophyse

Chaîne polypeptidique de 191 résidus d’acides aminés

Sécrétion pulsatile, essentiellement nocturne, contrôlée par deux fac-teurs hypothalamiques : le GRF ou GHRH et la somatostatine

Se lie à un récepteur hépatique spécifique pour induire la synthèsed’IGF1

Insulin like growth factor (IGF1)

Facteur essentiel de la croissance postnatale

Agit directement sur le cartilage de croissance

Hormones thyroïdiennes (T4, T3)

Indispensables au développement du système nerveux central dans lesdeux premières années de vie

Action sur la croissance et la maturation osseuse

Stéroïdes sexuels (estradiol et testostérone)

Accélèrent la vitesse de croissance à la puberté en augmentant la sécré-tion de GH et la sécrétion d’IGF1 et en ayant une action directe sur lecartilage de croissance

Les estrogènes soudent les cartilages de croissance

Glucocorticoïdes (cortisol)

Leur excès inhibe la croissance

Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge ¶ 3-0740

3Traité de Médecine Akos

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en GH. Molécule synthétisée par les hépatocytes et sécrétéedans le flux sanguin en réponse à la stimulation par la GH,l’IGF1 est un facteur de croissance dont les cibles principalessont les cartilages de conjugaison. Sa protéine de transportprincipale (du foie vers les tissus), l’IGFBP3 est aussi synthétiséesous contrôle de la GH, et peut être dosée. L’IGF1 et la BP3 doi-vent être interprétées en fonction de l’âge de l’enfant et de sonétat nutritionnel.

Reste du bilan hormonalT4L, TSH, cortisol 8 h.

Paramètres biologiques (malnutrition,malabsorption, tubulopathie)

Numération formule sanguine (NFS), réticulocytes, vitesse desédimentation (VS), protéine C réactive (CRP), orosomucoïde,ionogramme sanguin, calcémie, phosphorémie, phosphatasesalcalines, ferritine, anticorps de la maladie cœliaque.

CaryotypeIl permet en particulier de faire le diagnostic du syndrome de

Turner.

Radiographies du squeletteDes clichés de : bassin de face, rachis lombaire face et profil,

bras et avant-bras de face et profil suffisent pour poser lediagnostic de dysplasie squelettique.

■ Étiologies des retards staturaux

Causes organiques non endocriniennes

Maladies digestives, malnutrition (Tableau 10) [4]

La maladie cœliaque peut être asymptomatique dansl’enfance et retentit sur la croissance staturopondérale. Uneanémie par carence martiale fait suspecter une malabsorption.La présence d’anticorps antigliadine, réticuline, endomysium,recherchée systématiquement, pose le diagnostic, qui estconfirmé par des biopsies du grêle. Son traitement repose sur laprescription d’un régime sans gluten. Une maladie de Crohn estévoquée devant un syndrome inflammatoire associé ou non àdes troubles digestifs parfois très modérés.

L’anorexie et les carences d’apports retentissent sur lacroissance. La courbe staturale met en évidence un déficitpondéral en général plus important que le retard statural. Lestests de stimulation de la GH sont inutiles quand l’originenutritionnelle ou digestive est évidente : les concentrationsd’IGF1 et d’IGFBP3 sont basses.

Maladies chroniques non digestivesToutes les maladies chroniques retentissent sur la croissance,

car elles entraînent une augmentation du métabolisme de baseet souvent une anorexie. La recherche d’une maladie rénale doitêtre systématique, les signes cliniques manquant souvent :insuffisance rénale (ionogramme sanguin), tubulopathies,syndrome de Bartter (ionogrammes sanguin et urinaire, protéi-nurie, rapport calciurie/créatininurie). On retrouve parmi cescauses viscérales les maladies pulmonaires chroniques (asthme,mucoviscidose, corticothérapie générale ou inhalée), lesencéphalopathies chroniques, les cardiopathies congénitales, lesanémies hémolytiques congénitales, les maladies métaboliqueshéréditaires...

Causes constitutionnelles génétiques

Maladies osseuses (achondroplasie, hypochondroplasie,dysplasie spondyloépiphysaire, pycnodysostose...) [5]

Elles sont suspectées lorsqu’il existe des anomalies de propor-tion des segments osseux, des antécédents familiaux de trèspetites tailles, un retard statural (achondroplasie, pycnodysos-tose), mais sont parfois cliniquement peu évidentes (hypochon-droplasie, dyschondrostéose). Leur diagnostic repose sur desradiographies de squelette. L’achondroplasie et l’hypochondro-plasie sont en rapport avec des mutations du récepteur dufacteur de croissance fibroblastique FGFR3.

Maladies syndromiques de l’enfant

Le retard statural est très fréquent dans ce vaste groupe demaladies associant souvent un retard mental et un syndromepolymalformatif (syndrome de Noonan, Smith-Lemli-Opitz,Silver-Russell, Prader-Willi...).

Un caryotype haute résolution doit être réalisé facilement.

Syndrome de Turner (Tableau 11) [6]

Sa fréquence est de 1/2 500 naissances féminines. Le phéno-type clinique est rarement complet. Un RCIU est présent une foissur deux. La vitesse de croissance peut être normale jusqu’à2-3 ans, puis se ralentit. La taille finale sans traitement se situeentre 142 et 147 cm selon les pays. L’impubérisme est secondaireà la dysgénésie gonadique (80 %). En période néonatale et à l’âgehabituel de la puberté, les gonadotrophines sont élevées. Lesyndrome de Turner peut comprendre une cardiopathie (coarcta-tion aortique, sténose de l’artère pulmonaire), souvent repérée enpériode néonatale. Les otites sont fréquentes et en partie respon-sables d’une surdité. Le développement psychomoteur est normalsauf dans les cas de petits chromosomes X en anneau où le retardmental est fréquent. Le diagnostic est confirmé par un caryotype :le plus souvent une monosomie X (50 %), mais les mosaïques(15 %), les anomalies de structure de l’X (30 %), et la présencede matériel Y (5 %) ne sont pas rares.

Toute taille inférieure à – 2 DS chez une fille, quel que soitson âge, doit faire réaliser un caryotype.

Tableau 10.Causes nutritionnelles des retards de croissance.

Carence d’apport

Malnutrition

Anorexie mentale

Anorexie des maladies chroniques

Maladie cœliaque

Anticorps antigliadine, antiréticuline, antiendomysium positifs. Leurnégativité élimine le diagnostic

Atrophie villositaire à la biopsie du grêle

Maladie de Crohn

Vitesse de sédimentation, protéine C réactive, orosomucoïde élevés

Coloscopie et biopsies

Mucoviscidose

Test de la sueur

Tableau 11.Morphotype classique du syndrome de Turner.

Retard statural 99%

Impubérisme 80%

RCIU 60%

Ptosis, épicanthus, hypertélorisme

Oreilles basses implantées

Implantation basse des cheveux

Cou court, pterygium colli

Thorax large, mamelons écartés

Cubitus valgus

Lymphœdème des mains et des pieds à la naissance

4es métacarpiens courts

Nævus pigmentés

Otites fréquentes avec surdité mixte

Coarctation de l’aorte

Reins en « fer à cheval »

3-0740 ¶ Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge

4 Traité de Médecine Akos

Page 94: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Causes endocriniennes

HypothyroïdieCongénitale ou acquise, non traitée, elle entraîne un retard

de la croissance et de la maturation osseuse. Les hypothyroïdiescongénitales sont dépistées depuis 1978 par le dosage de TSHsur buvard à 3 jours de vie. Elles demeurent donc exceptionnel-les dans l’enfance, chez les enfants non dépistés. Dans leshypothyroïdies périphériques (thyroïdite de Hashimoto), larecherche d’un goitre complète l’examen clinique. L’hypothy-roïdie est asymptomatique en dehors de la croissance. Lesanticorps antithyroïdiens, antithyroglobuline et antiperoxydasesont positifs. Le dosage de T4 libre permet le diagnosticd’hypothyroïdie, la TSH est élevée dans les hypothyroïdiespériphériques, normale ou basse dans les hypothyroïdiesd’origine centrale, en général associées à des déficits hypophy-saires multiples.

Hypercorticismes endogènes ou iatrogènesLe syndrome de Cushing est exceptionnel chez l’enfant. Il

doit être évoqué devant toute prise de poids chez un enfantdont la vitesse de croissance staturale s’infléchit. S’y associe unhirsutisme, une amyotrophie, une acné. Le diagnostic estsouvent tardif. Le cortisol libre urinaire est élevé, s’accompagned’une disparition du cycle circadien du cortisol sanguin et del’absence de freinage du cortisol par le Dectancyl®. L’hypercor-ticisme est d’origine centrale (adénome hypophysaire à adreno-corticotrophic hormone [ACTH]) ou périphérique (tumeur de lasurrénale).

Les hypercorticismes iatrogènes sont les plus fréquents chezl’enfant. Le retard de croissance apparaît pour de faibles dosesde corticothérapie orale. La récupération dépend de la posologieet de la durée du traitement.

Hypopituitarismes (Tableau 12) [7]

Le déficit en GH se manifeste différemment selon l’âge del’enfant, l’étiologie du déficit (congénital ou acquis), sonintensité et son association à d’autres déficits hypophysaires.Bien que rarement en cause devant un retard statural sévère(moins de 10 % des cas, fréquence estimée entre 1/30 000 à1/40 000 enfants), ce diagnostic doit être reconnu en raison desconséquences thérapeutiques qu’il implique. Le terme de déficit

en GH devrait être réservé aux enfants porteurs d’anomalies dugène de la GH et aux hypopituitarismes congénitaux et acquis.

En période néonatale, un ictère prolongé, des hypoglycémiesmettant en jeu le pronostic neurologique (secondaires au déficiten GH parfois associé à un déficit corticotrope), un micropénisfont rechercher un déficit antéhypophysaire congénital. L’inflé-chissement de la vitesse de croissance n’est souvent visible quevers 18 mois. L’IRM met souvent en évidence une interruptionde la tige pituitaire, une hypoplasie hypophysaire, et uneposthypophyse ectopique.

Dans l’enfance, le retard statural se constitue plus ou moinsrapidement.

Le diagnostic repose sur l’évaluation des taux plasmatiques :• de GH. Les taux de base n’ont pas de valeur. Le diagnostic

repose sur les explorations dynamiques décrites plus haut. Ilest confirmé par un pic de GH inférieur à 10 ng/ml ou25 µg/ml lors des tests de stimulation. Un pic deGH > 10 ng/ml infirme le diagnostic ;

• d’IGF1 et l’IGFBP3, qui sont bas.Les autres fonctions hypophysaires sont évaluées systémati-

quement (T4L, TSH, cortisol, prolactine, « follicle stimulatinghormone » [FSH] et « luteinizing hormone » [LH] en périodenéonatale ou si l’enfant est pubère). Les causes de déficitsomatotrope sont nombreuses (plus de 50 !). Les principalessont résumées dans le Tableau 8.

L’hypopituitarisme acquis se manifeste par un ralentissementde la vitesse de croissance et des signes associés (diabèteinsipide, céphalées, troubles visuels). Il impose la réalisation enurgence d’une IRM. Le craniopharyngiome est la tumeur la plusfréquemment retrouvée dans l’enfance.

Retard de croissance intra-utérin [8]

Il se définit par une taille de naissance < - 2 DS pour l’âgegestationnel (courbes de Usher et McLean). Dans près de 80 %des cas, la taille se normalise dans les 2 ans qui suivent lanaissance. Au-delà de 3 ans, les chances de rattrapage sontinexistantes et l’enfant restera petit. La puberté débute à un âgenormal. Cette entité très hétérogène regroupe des enfantsporteurs d’anomalie chromosomique, de syndrome malformatif,ou ayant souffert in utero d’une pathologie maternelle oufœtale.

Retard simple de la croissance et de la puberté

C’est une cause fréquente de retard de croissance, surtoutchez le garçon, mais aussi un diagnostic d’élimination. Lacourbe de croissance est en général normale jusqu’à 8-10 anspuis elle s’infléchit pour atteindre – 2 à – 3 DS. La puberté estretardée (> 13 ans chez la fille, > 14 ans chez le garçon). L’âgeosseux est en général très inférieur à l’âge statural. Des antécé-dents familiaux sont fréquemment retrouvés à l’interrogatoire.Ce diagnostic n’est retenu qu’après élimination des causesorganiques de retard de croissance. Cette situation, souvent malvécue sur le plan psychologique, nécessite parfois, outre unesurveillance régulière, l’administration de petites doses destéroïdes sexuels.

Cause non organiqueLa petite taille « constitutionnelle » concerne par définition

2,5 % des enfants normaux. L’examen clinique est normal. Lavitesse de croissance est souvent normale pour l’âge et le niveaude taille est concordant avec les tailles parentales. La normalitédu dosage d’IGF1 et quelques clichés de squelette écartent toutearrière-pensée de pathologie organique.

■ TraitementIl dépend de l’étiologie de la petite taille. La GH biosynthé-

tique est proposée aujourd’hui dans le déficit en GH, le syn-drome de Turner, le RCIU et l’insuffisance rénale chronique.

Tableau 12.Causes de déficit en GH ou de résistance à la GH.

Malformative

Avec anomalies de la ligne médiane : fente palatine, incisive centraleunique

Avec anomalies cérébrales : holoprosencéphalie , agénésie septale, dys-plasie septo-optique, hydrocéphalie, kyste arachnoïdien ...

Génétiques

Déficits isolés en GH : délétions ou mutations du gène de la GH

Déficits hypophysaires multiples dus à des mutations de facteurs detranscription impliqués dans la morphogenèse hypophysaire (anomaliedu gène pit1, Prop1, Hesx3...)

Résistance à la GHRH

Résistance à la GH: syndrome de Laron (mutation du récepteur de laGH)

Maladies hypothalamiques ou hypophysaires acquises

Tumeurs hypothalamohypophysaires : craniopharyngiome, dysgermi-nome, adénome

Tumeurs cérébrales à distance de la région hypothalamohypophysaire :gliome, astrocytome, médulloblastome ...

Déficits secondaires au traitement de maladies malignes extracrâniennes(irradiation crânienne) : leucémie, lymphomes...

Histiocytose, sarcoïdose, hypophysite lymphocytaire

Idiopathique

Déficits « fonctionnels » transitoires péripubertaires. L’administrationde stéroïdes sexuels à faible dose permet parfois de normaliser la réponsede la GH aux test pharmacologiques. Attitude thérapeutique à discuter.

Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge ¶ 3-0740

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■ En pratiqueTout retard de croissance supérieur à – 2 DS doit être pris en

charge de même que tout ralentissement de la vitesse decroissance.

Tout pronostic statural doit être livré aux parents et à l’enfantavec beaucoup de réserve. Le pronostic de taille adulte devraitintégrer la taille de l’enfant, sa taille de naissance et les taillesparentales, le degré de maturation osseuse de son squelette. Laméthode la plus utilisée est celle de Bayley et Pinneau, quipermet un calcul de taille prédictif et utilise l’âge osseux [9]. Cestables de calcul ne sont pondérées ni par la taille de naissanceni pour les tailles parentales. Elles restent très utilisées en raisonde leur simplicité, bien qu’elles aient été établies il y a plus de30 ans. Il faut garder à l’esprit que toute prédiction de taillepeut être remise en question par un événement majeur dans lacroissance d’un enfant : l’âge auquel il débute sa puberté, et segarder de donner de faux espoirs ou des chiffres précis, enparticulier avant le début pubertaire.

■ Références[1] Sempé M, Pedron G, Roy-Pernot MP. Auxiologie, méthode et séquen-

ces. Paris: Laboratoires Théraplix; 1979.

[2] Greulich WW, Pyle SI. Radiographic atlas of skeletal developmentof the hand and the wrist. Stanford: Stanford University Press;1959.

[3] Badaru A, Wilson DM. Alternatives to growth hormone stimulationtesting in children. Trends Endocrinol Metab 2004;15:252-8.

[4] Hill ID, Dirks MH, Liptak GS, Colletti RB, Fasano A, Guandalini S,et al. Guideline for the diagnosis and treatment of celiac disease inchildren: recommendations of the NorthAmerican Society for PediatricGastroenterology, Hepatology and Nutrition. J Pediatr GastroenterolNutr 2005;40:1-9.

[5] Megarbane A, Maroteaux P, Caillaud C, Le Merrer M.Spondyloepimetaphyseal dysplasia of Maroteaux (pseudo-Morquiotype II syndrome): report of a new patient and review of the literature.Am J Med Genet 2004;125:61-6.

[6] Ranke MB, Saenger P. Turner’s syndrome. Lancet 2001;358:309-14.[7] Reynaud R, Barlier A, Chadli-Chaieb M, Saveanu A, Simonin G,

Enjalbert A, et al. Congenital hypopituitarism: when should tran-scription factor gene screenings be performed? Presse Med 2004;33:400-5.

[8] Johnston LB, Savage MO. Should recombinant human growthhormone therapy be used in short small for gestational age children?Arch Dis Child 2004;89:740-4.

[9] Bayley N, Pinneau SR. Tables for predicting adult height from skeletalage: revised for use of Greulich-Pyle hand standards. J Pediatr1952;40:432-41.

C. Bouvattier ([email protected]).Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bouvattier C. Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge. EMC (Elsevier SAS,Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0740, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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3-0740 ¶ Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge

6 Traité de Médecine Akos

Page 96: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Syndrome des ovairespolymicrokystiques

B. Néraud, S. Jonard-Catteau, D. Dewailly

Le syndrome des ovaires polymicrokystiques est la cause la plus fréquente de dysovulation et/oud’hyperandrogénie et s’accompagne souvent d’un surpoids. Son diagnostic fait appel à l’échographieovarienne, qui montre l’accumulation de follicules de petite taille, et aux dosages sanguins qui montrentun excès d’androgènes. On traite les manifestations gênantes de l’hyperandrogénie (hirsutisme, acné,alopécie) par des médicaments à action antiandrogénique. Les cycles sont régularisés par une associationœstroprogestative. L’anovulation est le plus souvent réversible sous citrate de clomifène, sinon, on utiliseles gonadotrophines injectables en veillant à éviter les hyperstimulations. La prise en charge du syndromemétabolique est fondamentale pour diminuer le risque de survenue d’un diabète de type 2 ; elle permetaussi d’améliorer nettement la fonction ovulatoire.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Ovaires polykystiques ; Hyperandrogénie ; Hirsutisme ; Syndrome métabolique ;Insulinorésistance ; Oligoanovulation ; Infertilité

Plan

¶ Introduction 1

¶ Physiopathologie 1Hyperandrogénie 1Anomalies de la folliculogenèse 2Insulinorésistance 2

¶ Démarche diagnostique 2Signes cliniques 2Signes échographiques 3Signes biologiques 4

¶ Prise en charge thérapeutique 4Troubles de l’ovulation 4Hyperandrogénie 5Prise en charge diététique et lutte contre l’insulinorésistance 6

¶ Conclusion 6

■ Introduction

Le syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) est lacause la plus fréquente d’anovulation, d’infécondité et d’hyper-androgénie chez la femme : en effet, il affecte 5 à 20 % desfemmes de 15 à 35 ans. Il s’agit d’un des désordres endocriniensles plus courants [1].

La définition du SOPMK a beaucoup évolué au cours dutemps. Il fut initialement décrit par Stein-Leventhal en 1932,comme l’association d’une aménorrhée, d’un hirsutisme etd’une infécondité avec un aspect macroscopique (en laparoto-mie exploratrice) de deux gros ovaires blanc nacré dits polymi-crokystiques. Plus récemment, il fut défini lors d’une conférencede consensus qui s’est tenue à Rotterdam en 2003 comme

l’association de deux ou trois des critères suivants : l’oligoano-vulation chronique, l’hyperandrogénie et un aspect d’ovairespolykystiques à l’échographie [2].

Par ailleurs, le SOPMK est volontiers associé à une surchargepondérale et nécessite l’évaluation des facteurs de risquemétaboliques chez les patientes concernées.

Le diagnostic de SOPMK est un diagnostic d’élimination : ilest en effet nécessaire d’écarter préalablement la présence d’uneautre cause d’hyperandrogénie, en particulier d’une hyperplasiecongénitale des surrénales par bloc enzymatique en21-hydroxylase ou d’une tumeur sécrétant des androgènes.

■ Physiopathologie

En dépit des très nombreux travaux menés afin de déterminerla cause du SOPMK, sa physiopathologie reste encore malcomprise. Cependant, actuellement, les preuves s’accumulentpour suggérer que les anomalies centrales du SOPMK seraientprimitivement ovariennes.

L’hyperandrogénie apparaît de plus en plus comme le« cœur » du SOPMK, dont le premier impact serait l’altérationde la folliculogenèse. L’hyperinsulinisme n’agirait pas commeun facteur causal mais plutôt comme un élément surajouté, ninécessaire ni suffisant pour la constitution d’un SOPMK maisreprésentant l’amplificateur phénotypique le plus commun.

La physiopathologie comporte trois composantes : l’hyperan-drogénie, les anomalies de la folliculogenèse et l’insulinorésis-tance du SOPMK.

Hyperandrogénie

Le phénomène primitivement responsable de l’altération dela fonction ovulatoire au cours du SOPMK semble être un excèsde synthèse d’androgènes au niveau de l’ovaire [3]. Cette

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synthèse a lieu au sein des cellules thécales et se fait sousl’influence de facteurs extra-, mais surtout intraovariens.

La classique augmentation de l’hormone lutéinisante (LH)sérique n’apparaît plus comme un phénomène central dans laphysiopathologie du SOPMK. En effet, bien que fréquente,celle-ci est inconstamment retrouvée. Lorsqu’elle est présente,elle résulte à la fois de l’accélération de la fréquence des pulsesde LH et de l’amplitude de ces pulses [4]. Elle est de moins enmoins considérée comme un phénomène primitif. Elle sembletémoigner de l’action au niveau hypothalamohypophysaire desandrogènes en excès, déséquilibre qui interviendrait dès la viefœtale.

L’hyperandrogénie est également amplifiée par l’hyperinsuli-nisme qui augmente la fraction libre (c’est-à-dire active) desandrogènes circulants en diminuant les taux de leur protéine detransport (la « sex hormone binding globulin » ou SHBG). L’hyper-insulinisme accroît de plus les effets de la LH sur la synthèsestéroïdienne au sein des cellules thécales [5].

La culture de cellules provenant d’OPMK, prolongée suffi-samment longtemps pour éliminer la responsabilité d’influencesin vivo, telles que l’augmentation des taux de LH et/ou d’insu-line, met en évidence l’augmentation de production de déhy-droépiandrostérone, de progestérone, de 17-alpha-hydroxy-progestérone et d’androstènedione [6].

Les expériences de transfection indiquent que le promoteurde CYP17 est plus actif dans les cellules thécales d’OPMK quedans les cellules normales, tandis que le promoteur StAR n’estpas régulé de façon différente [7, 8]. Ces travaux suggèrent quela transcription des gènes codant pour des hormones stéroïdo-géniques spécifiques est naturellement « up-régulée » dans lescellules thécales d’OPMK, mais toutes les étapes enzymatiquesne sont pas concernées.

Dès lors, et bien que l’observation des familles des patientesprésentant un SOPMK fasse fortement suspecter une originegénétique à l’hyperandrogénie, avec une transmission de type« autosomique dominant », il est peu probable qu’elle soit dueà l’anomalie d’un seul gène codant pour une enzyme stéroïdo-génique bien précise [9]. Des études sont actuellement en coursen vue d’identifier d’éventuels gènes conduisant à l’hyperan-drogénie dans l’OPMK [10].

Anomalies de la folliculogenèse

Deux phénomènes essentiels constituent les troubles dudéveloppement folliculaire : l’excès de croissance folliculaireprécoce et le « follicular arrest » [11].

Excès de croissance folliculaire précoce

L’analyse histomorphométrique des ovaires polykystiques apermis de montrer que les follicules sont présents à tous lesstades de croissance en nombre deux à trois fois plus importantsur ces ovaires que sur des ovaires normaux [12, 13], seul le pooldes follicules primordiaux étant normal.

Cette multifollicularité prédominant sur les petits follicules seprésente comme la caractéristique spécifique des OPMK, qui lesdistingue des autres causes d’ovaires multifolliculaires, commel’anovulation hypothalamique ou l’hyperprolactinémie.

La multifollicularité est très probablement liée à l’effettrophique des androgènes favorisant la croissance des petitsfollicules. En effet, on a établi une corrélation positive entre lenombre de ces follicules et les taux d’androgènes circulants [14],aussi bien dans le SOPMK que dans d’autres situations d’hyper-androgénie (hyperplasie congénitale des surrénales, tumeursvirilisantes, apports exogènes d’androgènes) [15, 16]. De plus, lesétudes expérimentales menées chez des singes Rhésus femellesrecevant de fortes de doses de testostérone ou de dihydrotestos-térone, suggèrent que les androgènes favorisent la croissance despetits follicules dans les ovaires de primate.

« Follicular arrest »

La deuxième anomalie de la folliculogenèse dans le SOPMKest le défaut de sélection d’un follicule dominant. L’inhibitionde la progression de la classe 5 vers le follicule dominantconduit à la stagnation et à l’accumulation des folliculessélectionnables, créant ainsi l’aspect d’ovaires multifolliculairesà l’échographie. Ce phénomène nommé « follicular arrest »résulte vraisemblablement du défaut d’action de la « folliclestimulating hormone » (FSH) sur la cohorte folliculaire et/oud’une action prématurée de la LH.

Il n’existe pas à proprement parler un déficit de la FSH maisplutôt une résistance à son action, due à des inhibiteurs locaux,qui pourraient être l’« insulin-growth-factor-binding protein 4 »(IGFBP-4) ou l’hormone antimullérienne (AMH). L’IGFPB-4 serait un bon candidat car il vient d’être montré que sonexpression dépend de celle du récepteur de la LH [17], dontcertains pensent qu’elle est prématurée dans les cellules de lagranulosa des follicules d’OPMK. Toutefois, pour l’instant, il n’ya pas d’argument convaincant pour retenir l’hypothèse d’unrôle central de l’IGFPB-4 dans le « follicular arrest » [18]. Parailleurs, l’augmentation des taux d’AMH chez les patientes avecSOPMK est en étroite relation avec l’excès de follicules détectésà l’échographie [19]. L’AMH pourrait ainsi être responsable d’uneffet auto-inhibiteur de la cohorte folliculaire sur elle-même, enparticulier via son effet inhibiteur sur l’aromatase.

Insulinorésistance

Le syndrome métabolique rencontré dans le SOPMK ne paraîtpas s’individualiser du syndrome métabolique « standard ».Cependant, du fait du jeune âge où le SOPMK est bien souventmis en évidence, le syndrome métabolique est diagnostiquébien avant la survenue de ses habituelles complications,notamment le diabète de type 2 dont la prévalence est accruede façon significative. Le SOPMK se présente alors comme lepremier révélateur clinique de l’insulinorésistance. On insiste deplus en plus sur l’importance de l’excès de graisse viscérale, quel’on dépiste facilement en pratiquant la mesure du tour detaille [20].

■ Démarche diagnostique

Les motifs de consultation qui conduisent au diagnostic deSOPMK sont le plus souvent un souhait de grossesse, destroubles des règles ou un hirsutisme.

La présentation clinique du SOPMK est très polymorphe,offrant toute une gamme de variantes allant du tableau typique,associant un hirsutisme, une oligospanioménorrhée et unesurcharge pondérale, à l’absence totale de signe clinique.

Depuis la conférence de consensus de Rotterdam de 2003, leSOPMK est défini par l’association d’au moins deux critèresparmi les trois suivants :• oligo- et/ou anovulation ;• hyperandrogénie (clinique et/ou biologique) ;• ovaires polykystiques à l’échographie,après exclusion des autres étiologies [2].

Signes cliniques

Troubles des cycles

L’oligospanioménorrhée se définit par des cycles de plus de45 jours ou par la survenue de moins de 8 cycles par an. C’estla présentation la plus classique des troubles des règles dans leSOPMK. On peut toutefois aussi observer une aménorrhée, descycles modérément allongés (35 à 45 jours) ou encore des cyclesnormaux.

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Ces troubles peuvent survenir d’emblée dès les premierscycles ou bien s’installer par la suite. Dans ce dernier cas, onretrouve très souvent la notion d’une prise de poids importante,concomitante de l’apparition du trouble des cycles. Cet élémentanamnestique est fondamental à rechercher par la reconstitu-tion systématique de l’historique du poids de la patiente.

Les troubles menstruels sont le reflet du défaut d’ovulationdans le SOPMK.

L’oligoanovulation peut être responsable d’une infertilité et lediagnostic de SOPMK sera alors évoqué à l’occasion d’uneconsultation pour souhait de grossesse.

Hyperandrogénie

Elle peut associer les éléments cliniques suivants :• un hirsutisme, qui se définit comme la présence d’une

pilosité dans des zones normalement réservées à l’homme. Ilrésulte de l’action directe des androgènes sur le folliculepileux et doit être distingué de l’hypertrichose qui correspondà une augmentation anormale de la pilosité dans les zonesphysiologiques chez la femme. La sévérité de l’hirsutisme estévaluée grâce au score de Ferriman et Gallway (≥ 6) (Fig. 1) ;

• une acné, liée au caractère androgénodépendant des glandessébacées. Sa persistance au-delà de l’adolescence est un bonsigne d’hyperandrogénie ;

• une hyperséborrhée, siégeant principalement au niveau ducuir chevelu ;

• une alopécie androgénique féminine intéressant le vertexavec persistance de la ligne bordante frontale ;

• rarement, des signes de virilisme : hypertrophie clitoridienne,hypertrophie musculaire, raucité de la voix. Ces signesdoivent faire évoquer une hyperandrogénie tumorale, parfoisassociée à un SOPMK.

Syndrome métabolique

Le consensus de Rotterdam a retenu la définition de 1998 del’American Diabetes Association [21]. Au moins trois critèresparmi les cinq suivants doivent être présents pour affirmer lesyndrome métabolique :• tour de taille > 88 cm chez la femme ;• triglycérides ≥ 1,50 g/l ;• HDL-cholestérol < 0,50 g/l chez la femme ;• pression artérielle ≥ 130/≥ 85 mmHg ;• intolérance aux hydrates de carbone avec une glycémie

comprise entre 1,00 et 1,26 g/l à jeun ou bien comprise entre1,40 et 1,99 g/l 2 heures après une hyperglycémie provoquéepar voie orale (75 g de glucose).Sur le plan clinique, on peut retrouver un acanthosis nigri-

cans, témoin cutané de l’hyperinsulinisme sévère. Il s’agit dezones hyperkératosiques rugueuses et hyperpigmentées quisiègent de façon élective au niveau des aisselles, des sillons sous-mammaires et des plis inguinaux.

Signes échographiques

L’échographie transvaginale est actuellement l’examenmorphologique de choix pour le diagnostic du SOPMK. En effet,elle est préférée à l’échographie sus-pubienne pour sa plusgrande résolution (sondes à haute fréquence) qui permet unevue plus précise de la nature interne des ovaires, surtout chezles patientes obèses. Elle est aussi plus rapide, voire plusconfortable car ne se pratique pas vessie pleine.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’est pas utiliséeen routine en raison de son coût élevé, de ses difficultésd’accessibilité et de l’impossibilité d’étudier correctement les

1234

Lèvresupérieure

Quelques poils sur le bord externeUne petite moustache sur le bord externeUne moustache s'étendant sur la moitié externemoustache complète

12

3/4Menton

Quelques poils disséminésPoils disséminés avec des zones de concentrationBarbe légère ou importante

12

3/4

Partie supérieure

du dos

Moitiéinférieure

du dos

Quelques poils disséminésUn peu plus mais encore disséminésRecouvrant complètement la moitié supérieure du dos, toison légère ou épaisse

1234

Poitrine

Quelques poils périaréolairesAvec quelques poils médians en plusLes trois quarts de la surface sont recouvertsPilosité recouvrant toute la poitrine

1234

Touffe de poils sacrésLa même extension latéraleLes trois quarts de la surface sont recouvertsPilosité diffuse sur toute la surface

Moitiésupérieure

de l'abdomen

12

3/4

Quelques poils médiansPlus fournis et toujours médiansPartie supérieure complètement recouverte

Moitiéinférieure

de l'abdomen

1234

12

3/4

Quelques poils médiansUne raie médiane de poils (traînée)Une bande médiane de poilsPilosité en losange

Couverture complète de la postérieurePilosité légèrePilosité dense

BrascuissesJambes

Avant-bras

1

23/4

Pilosité clairsemée ne touchant pas plus du quart de la surface du segment de membreUn peu clairsemée : la couverture reste incomplèteCouverture complète légère ou dense

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

1 2 3 4

Figure 1. Score de Ferriman et Gallway.

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3Traité de Médecine Akos

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ovaires dans les trois plans de l’espace. On la réserve auxsuspicions de tumeur ovarienne associée. L’échographie tridi-mensionnelle est encore peu développée.

L’échographie doit être pratiquée en début de cycle (de j1 à j5).

Dimensions, surface et volume

Il convient de mesurer le diamètre maximum des ovairesdans les trois plans : longitudinal, antéropostérieur ettransversal.

Le calcul de surface ou de volume reste une estimation. Ondispose de trois méthodes pour les évaluer : le calcul manuelselon la formule de l’ellipse (p/4×L×l) ou bien le calcul par lamachine après avoir délimité les contours de l’ovaire soit pointpar point, soit par ajustement d’une ellipse.

Follicules

Chaque ovaire doit être balayé en section longitudinale d’uneextrémité à l’autre pour compter le nombre total de follicules.Leur diamètre doit être mesuré par la moyenne des deux axesperpendiculaires.

L’étude du stroma est trop subjective et n’est pas nécessaireau diagnostic.

Critères diagnostiques

Les éléments suivants ont été retenus lors de la conférence deconsensus de Rotterdam [22] : dans le SOPMK, on doit retrouverau moins un item parmi les deux suivants :• nombre de follicules de 2 à 9 mm supérieur à 12 par ovaire ;• au moins un volume ovarien > 10 ml (Fig. 2).

Limites

Si on trouve un follicule dominant (supérieur à 10 mm) ouun corps jaune, il faut refaire l’examen au cycle suivant.

La définition n’est pas applicable sous contraception œstro-progestative car les ovaires sont plus petits même si l’apparencemultifolliculaire peut persister.

Signes biologiques

Les dosages hormonaux sanguins doivent être pratiqués endébut de cycle, c’est-à-dire idéalement entre le 2e et le 5e jourdu cycle. Lorsque la patiente est en aménorrhée ou en spanio-ménorrhée, on déclenche des règles par l’administration d’untraitement progestatif non antigonadotrope pendant 1 semaine(Duphaston®).

Il est important de s’assurer de l’absence de prise récente detraitement corticoïde, même administré par voie locale, ainsique de l’absence de médication pouvant induire une hyperpro-lactinémie.

Seuls quelques dosages sanguins sont nécessaires dans ladémarche diagnostique du SOPMK. L’algorithme décisionnel(Fig. 3) propose des seuils d’alerte devant faire évoquer descauses d’hyperandrogénie nécessitant une prise en chargespécifique. Le bilan biologique a trois objectifs essentiels.

Éliminer les autres causes d’hyperandrogénie

En effet, le diagnostic de SOPMK ne peut être retenu que siles autres causes d’hyperandrogénie ont pu être écartées (il s’agitessentiellement des tumeurs androgénosécrétantes nécessitantune prise en charge oncologique et des blocs enzymatiquessurrénaliens congénitaux). Dans ce but, on dose :• les androgènes : la testostérone et la D-4-androstènedione

sont volontiers élevées. En théorie, il faut utiliser le dosage dela testostérone libre mais il est encore peu répandu. Enpratique, on dose la testostérone totale plutôt que la D-4-androstènedione [2]. Le dosage du sulfate de déhydroépian-drostérone (SDHEA) recherche un corticosurrénalome,cependant, cette pathologie est très rare et il existe d’autresmarqueurs qui lui sont plus spécifiques ;

• la 17-hydroxyprogestérone : son élévation doit faire recher-cher un déficit en 21-hydroxylase par la pratique d’un test auSynacthène®.

Éliminer les autres causes de troubles des règles

Le bilan doit explorer :• les gonadotrophines : la LH est classiquement augmentée

mais en réalité souvent normale, la FSH est normale en phasefolliculaire précoce ;

• la prolactine, qui est augmentée dans de rares cas de SOPMK.

Dépistage du syndrome métabolique

Il est également pratiqué à cette occasion, adapté au profilclinique de la patiente. Le bilan biologique doit comporter :• glycémie à jeun et 2 heures après un repas ;• chez les patientes obèses (indice de masse corporelle ≥ 30 kg/

m2) ou avec des antécédents familiaux de diabète de type 2,on complétera ces dosages par une hyperglycémie provoquéepar voie orale avec mesure des glycémies et insulinémies à 30,60, 90 et 120 minutes après l’absorption de 75 g de glucose ;

• bilan lipidique comprenant la mesure du HDL-, du LDL-cholestérol et des triglycérides.

■ Prise en charge thérapeutique

Troubles de l’ovulation

La prise en charge thérapeutique des troubles de l’ovulationdoit être adaptée à la demande de la patiente.

S’il n’y a pas de souhait de grossesse

En l’absence de désir de grossesse et s’il n’y a pas d’hyperan-drogénie (cf. infra), on va mettre en place un traitement dontl’objectif est de régulariser les cycles et de protéger l’endomètre.

Le traitement le plus simple consiste en une associationœstroprogestative faiblement dosée dont le progestatif est peuandrogénique ou à action antiandrogénique. Il faut bien sûrproscrire les progestatifs qui ont une action androgéniqueintrinsèque parce qu’ils peuvent aggraver l’hyperandrogénieclinique et les troubles du métabolisme glucidique et lipidique.

On peut également proposer l’administration séquentielled’un progestatif seul (type Duphaston®), par exemple du 16e au25e jour du cycle, s’il n’y a pas de souhait de contraception.

Figure 2. Aspect échographique d’ovaires polykystiques.

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4 Traité de Médecine Akos

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En cas d’infertilité

On propose des traitements inducteurs de l’ovulation. Bienentendu, un bilan étiologique complet s’impose dans le cadrede l’infécondité, avec notamment examen du conjoint etpratique d’un spermogramme afin de ne pas ignorer une caused’origine masculine associée, qui nécessiterait le recours à destechniques d’assistance à la procréation (fécondation in vitropar exemple). On recherche également une anomalie de lafilière génitale féminine, en particulier tubaire, par la réalisationd’une hystérosalpingographie.

Dans un premier temps, on utilise le citrate de clomifène(CC) : Clomid®, Pergotime®. Cet antiœstrogène lutte contre lerétrocontrôle négatif des estrogènes sur la FSH. Le traitement estadministré les 5 premiers jours du cycle. La posologie initiale estde 1 comprimé par jour. On contrôle la survenue d’une ovula-tion par la surveillance ménothermique quotidienne (reportéesur un graphique par la patiente) et par le dosage de la proges-téronémie en deuxième partie de cycle, aux alentours du24e jour. L’ovulation a eu lieu si la progestérone est supérieureà 5 ng/ml. Lors du premier cycle de traitement par CC, onpratique en outre une échographie pelvienne entre le 10e et le12e jour afin de dépister une éventuelle hyperstimulation.

En l’absence d’ovulation constatée avec 1 comprimé de CC,la posologie est augmentée à 2 puis, si besoin, 3 comprimés parjour lors des cycles suivants. On dépasse rarement cette posolo-gie et, en cas d’inefficacité, la patiente est considérée commerésistante au CC.

On pratique jusqu’à 6 cycles si le CC est efficace.De 20 à 25 % des patientes sont résistantes au CC. On peut

alors proposer une stimulation par les gonadotrophines. Leurusage doit être attentivement surveillé en raison du fort risqued’hyperstimulation ovarienne et de grossesse multiple à causede la multifollicularité. En général, on utilise de la FSH recom-binante ou urinaire ou de l’hMG (« human menopausal gonado-tropin »). Il existe des protocoles visant à augmenter trèsprogressivement et prudemment les doses (stratégie du « step-up

chronic low-dose ») pour minimiser les risques d’hyperstimula-tion. Bien entendu, ce type de traitement est assorti d’unesurveillance très rapprochée par l’échographie (comptage etmesure de la taille des follicules) et la biologie (estradiol, LH),et l’ovulation ne pourra être déclenchée que si l’on a obtenu lasituation optimale de un ou deux follicules dominants présentspour les deux ovaires.

Enfin, il est capital de rappeler que la réduction pondérale encas d’obésité est fondamentale et peut parfois à elle seulepermettre d’obtenir spontanément une ovulation et unegrossesse.

Certains commencent d’ailleurs à utiliser la metformine(Glucophage®) dans cette indication avec des résultats intéres-sants, augmentant l’efficacité du traitement inducteur del’ovulation et diminuant peut-être le risque de fausse couchespontanée et de diabète gestationnel (hors autorisation de misesur le marché [AMM]).

Certains proposent comme alternative le « drilling » ovarienavec des résultats prometteurs sur la reprise d’une ovulationspontanée dans un nombre important de cas. Cette technique,pratiquée par voie cœlioscopique ou par fertiloscopie (endosco-pie pelvienne transvaginale), consiste en la réalisation d’impactsd’électrocoagulation à la sonde unipolaire au niveau des ovaires.

Hyperandrogénie

Concernant l’hirsutisme, les modalités de traitement dépen-dent de la sévérité de l’atteinte.

Pour les formes modérées et peu étendues, l’épilation suffit.Les antiandrogènes sont indiqués dans les formes plus

sévères. L’acétate de cyprotérone (Androcur®) est un progestatifqui peut être administré 20 jours sur 28 ou 30 à la posologie de50 mg par jour, en association avec un œstrogène par voie oraleou transdermique. Plus rarement, on peut prescrire la spirono-lactone (hors AMM), antagoniste minéralocorticoïde et desrécepteurs aux androgènes, en association à une contraception

17-OHP (ng/ml)

> 5 2 à 5 < 2

Test auSynacthène®

> 12 < 12

Déficit en21-hydroxylase

DHA-S (µmol/l)

< 20 > 20

Tumeur surrénalienne ?

Tumeur ovarienne ?

Testostérone (ng/ml)

< 1,5

> 1,5

Oligoanovulation ?

Oui

Oui*

Non

Non

Échographie : OPK ?

SOPMK

Idiopathique

Figure 3. Arbre décisionnel dans la démarchediagnostique du SOPMK. * Selon critères deRotterdam.

Syndrome des ovaires polymicrokystiques ¶ 3-0640

5Traité de Médecine Akos

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œstroprogestative. D’autres molécules sont en cours d’évalua-tion. Il s’agit en particulier d’inhibiteurs de la 5-alpha-réductasede type 1 ou de type 2 (finastéride) et d’antiandrogènes nonstéroïdiens (flutamide).

L’efficacité débute à partir du 5e mois de traitement et estmaximale après 18 mois au moins.

Le traitement hormonal doit nécessairement être associé à lapratique régulière de l’épilation des zones concernées à la cire,par électrolyse ou au laser. La repousse du poil devient progres-sivement plus lente et moins dense. On assiste le plus souventà une rechute progressive à l’arrêt du traitement, justifiant unepoursuite au long cours.

L’alopécie androgénique fait appel aux antiandrogènes avecun résultat plus décevant.

L’acné peut être traitée par des topiques, des antibiotiques, unœstroprogestatif avec activité antiandrogénique ou des rétinoï-des, selon sa sévérité.

Prise en charge diététique et lutte contrel’insulinorésistance

Il s’agit d’un élément fondamental dans la prise en charge duSOPMK.

Les patientes en surpoids doivent bénéficier de conseilsdiététiques et au mieux d’un suivi régulier. On réalise uneenquête alimentaire et on propose une répartition des apportsquotidiens en trois repas en limitant les grignotages, les sucresrapides et les lipides. Il est important de dépister des troubles ducomportement alimentaire (boulimie) qui justifieraient uneprise en charge psychologique.

En cas de sédentarité, l’activité physique doit être introduite,au minimum sous la forme de 30 minutes de marche rapide parjour et, dans l’idéal, d’une réelle activité sportive.

Au-delà du respect des règles hygiénodiététiques, certainsmédicaments peuvent apporter une aide en diminuant l’insuli-norésistance. Il s’agit de la metformine (hors AMM) ou desthiazolidinediones (hors AMM) actuellement à l’étude chez lessujets non diabétiques.

■ Conclusion

De par sa grande fréquence, le syndrome des ovaires polymi-crokystiques mérite d’être bien connu. On dispose actuellementd’outils performants (échographie, biologie) qui ont conduit àproposer des critères diagnostiques précis et une nouvelledéfinition consensuelle pour ce syndrome très polymorphe. Surle plan thérapeutique, il convient de bien évaluer la demandede la patiente en matière de procréation et de lutte contrel’hyperandrogénie. La prévalence croissante du syndromemétabolique doit conduire à le rechercher systématiquement carle SOPMK démasque une population de patientes à risquemétabolique.

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“ Points forts

• Le SOPMK est la cause la plus fréquente d’hyperandrogénie et d’infécondité chez la femme, il affecte 5 à 20 % des femmes de 15à 35 ans.• La conférence de consensus de Rotterdam de 2003 a défini le SOPMK comme l’association de 2 ou 3 des critères suivants :oligoanovulation chronique, hyperandrogénie et aspect d’ovaires polykystiques à l’échographie.• Les anomalies de la folliculogenèse dans le SOPMK sont représentées par un excès de croissance folliculaire prédominant sur lespetits follicules et par un défaut de sélection d’un follicule dominant au sein de la cohorte folliculaire.• L’oligospanioménorrhée est le trouble des règles le plus classique dans le SOPMK. On peut cependant trouver une aménorrhée oubien des cycles modérément allongés, voire normaux.• L’hyperandrogénie se manifeste le plus souvent par un hirsutisme (score de Ferriman et Gallway ≥ 6), une acné, unehyperséborrhée et une alopécie androgénique.• Le syndrome métabolique doit être recherché systématiquement dans le cadre du bilan diagnostique du SOPMK.• L’échographie transvaginale est l’examen morphologique le mieux adapté pour analyser les dimensions des ovaires et compter etmesurer les follicules. Dans le SOPMK, on doit retrouver au moins un volume ovarien supérieur à 10 ml et/ou un nombre de folliculesde 2 à 9 mm supérieur à 12 par ovaire.• Le bilan hormonal doit être pratiqué en début de cycle. Il permet essentiellement d’écarter une autre cause d’hyperandrogénie :tumeur virilisante ou déficit enzymatique surrénalien de révélation tardive.• La prise en charge des troubles des cycles fait appel à une association œstroprogestative faiblement dosée dont le progestatif estpeu androgénique ou à action antiandrogénique.• La prise en charge de l’infécondité fait appel en première intention au citrate de clomifène. En cas d’échec, on peut utiliser lesgonadotrophines injectables. Le risque d’hyperstimulation ovarienne lors de l’utilisation de ces traitements justifie la plus grandeprudence et une surveillance biologique et échographique attentive.• La lutte contre l’insulinorésistance par la réduction pondérale et l’activité physique régulière est fondamentale pour améliorer lafonction ovulatoire. La metformine et les thiazolidinediones pourraient apporter une aide intéressante (hors AMM).

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3-0640 ¶ Syndrome des ovaires polymicrokystiques

6 Traité de Médecine Akos

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B. Néraud.S. Jonard-Catteau.D. Dewailly ([email protected]).Service de gynécologie endocrinienne et médecine de la reproduction, hôpital Jeanne de Flandre, CHU de Lille, avenue Eugène-Avinée, 59037 Lille cedex,France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Néraud B., Jonard-Catteau S., Dewailly D. Syndrome des ovaires polymicrokystiques. EMC (ElsevierMasson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0640, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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Syndrome des ovaires polymicrokystiques ¶ 3-0640

7Traité de Médecine Akos

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Anorexie mentale

S Criquillion-Doublet, MN Laveissiere-Deletraz

C ’est une pathologie fréquente et grave, deuxième cause de mortalité chez les adolescents.

© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

Les troubles du comportement alimentaire, etplus spécifiquement l’anorexie mentale et laboulimie, ont suscité un nombre très important detravaux de recherche depuis une quinzained’années.

Sur le plan épidémiologique, les études récentesindiquent une augmentation de leur fréquence, lagravité potentielle de la maladie anorexique, et sonrisque de chronicisation. Les récents travauxneurobiologiques soulignent le rôle des interactionsentre systèmes monoaminergiques, peptidiques etneuroendocriniens, ainsi que l’existence de facteursgénétiques probables.

Sur le plan psychopathologique, même si l’onretrouve chez ces sujets certains traits de caractèrecommuns, aucun type de personnalité spécifique nepeut être individualisé, l’anorexie se « greffant » surdes personnalités variées, éventuellementnévrotiques ou psychotiques.

Quel est l’impact réel des facteurs socioculturels,environnementaux, nutritionnels et familiaux sur ledéveloppement de la maladie ? Quel type detraitement faut-il proposer et dans quel cadre ? Quelssont les facteurs de pronostic ?

■Définition

L’anorexie mentale est définie selon les critèresdiagnostiques de la classification américaine desmaladies mentales DSM IV par :

– le refus de maintenir un poids corporelau-dessus d’un poids minimal normal pour l’âge et lataille (par exemple, perte de poids conduisant aumaintien du poids à au moins 85 % du poidsattendu, ou incapacité à prendre du poids pendant lapériode de croissance, conduisant à un poidsinférieur à 85 % du poids attendu) ;

– la peur intense de prendre du poids ou dedevenir gros, alors que le poids est inférieur à lanormale ;

– l’altération de la perception du poids ou de laforme de son propre corps, l’influence excessive dupoids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi,ou le déni de la gravité de la maigreur actuelle ;

– chez les femmes, absence d’au moins troiscycles menstruels consécutifs (aménorrhée primaireou secondaire). (Une femme est considérée commeaménorrhéïque même si les règles ne surviennentqu’après l’administration d’hormones, typeprogestatifs).

L’anorexie peut être de type restrictif : restrictionalimentaire stricte, sans recours à des crises deboulimie, aux vomissements provoqués, ou à laprise de purgatifs. Elle peut être de type boulimieavec vomissements ou prises de purgatifs demanière régulière.

■Rappels physiologiques

‚ Au cours de l’anorexie mentale

L’aménorrhée observée est dite hypothalamo-hypogonadotrope-hypoœstrogénique. Les progrèsrécents de la neuroendocrinologie ont profon-dément modifié nos connaissances sur les troublesdu fonctionnement hypothalamohypophysaire danscette maladie. On le sait, toute modification de poidsimportante induit une régression fonctionnelle dugonadostat, qui va atteindre au maximum un niveauprépubertaire.

À l’amaigrissement, principalement en cause,s’associent d’autres facteurs non négligeables : letype et l’intensité de la restriction alimentaire,l’hyperactivité physique, les facteurs psychoaffectifset l’âge (l’axe hypothalamohypophysaire estd’autant plus fragile qu’on est proche del’adolescence).

Les troubles ovariens observés ne sont que laconséquence d’un défaut de stimulationhypophysaire, lui-même lié à l’effondrement de lagonadotrophin releasing hormone (GNRH).

‚ À la phase avancée (maigreurmaximale)

Les taux de follicle stimulating hormone (FSH) etluteinizing hormone (LH) sont effondrés (LH/FSH = 1).La réponse à la GNRH est positive, mais de faibleamplitude. La pulsatilité de la sécrétion de LHn’existe plus. Les ovaires sont petits et sans signed’activité à l’échographie. Les taux des œstrogènes,de la progestérone et des androgènes (hormis ceuxdu SDHA [sulfate de déhydroandrostérone]) sonteffondrés.

■Aspects épidémiologiques

Un certain nombre de facteurs sont à l’origined’une sous-estimation de l’incidence réelle destroubles des conduites alimentaires, en particulierpour l’anorexie mentale. Trente pour cent despatients ne sont vus qu’une fois, dans des conditionsdiverses : chez le médecin généraliste, chez lespécialiste ou en milieu hospitalier à l’occasion decomplications somatiques. Un certain nombre demalades, par ce biais, échappent ainsi aux étudesmenées en milieu spécialisé.

Ces données soulignent la difficulté des enquêtesépidémiologiques qui permettent pourtant depréciser les différents facteurs de risque,l’organisation et l’attribution de thérapeutiquesadaptées. Il en va de même pour la boulimie, entiténosographique relativement récente. L’incidence del’anorexie mentale paraît augmenter depuis 20 ans,passant de 1/100 000 à 4/100 000, même si l’onprend en compte l’effet d’âge (c’est-à-dire laproportion de jeunes entre 15 et 25 ans dans lapopulation générale qui a augmenté ces 10dernières années), l’effet de cohorte (population d’unâge donné, soumise aux mêmes influencesculturelles, sociales ou économiques), ou encorel’effet de période (augmentation de l’intérêtmédico-socio-économique pour les troubles ducomportement alimentaire ces dernières années).

Ces effets semblent influer sur la fréquenceapparente ou réelle des troubles. L’anorexie toucheune population féminine, dans la proportion de dixfilles pour un garçon. L’âge de début se situe enmoyenne entre 16 et 17 ans. La moyenne d’âge dessujets dans les études cliniques est de 19 ans.L’incidence de l’affection pour les femmes se situantdans la tranche d’âge 16-25 ans est de 30/100 000.Dix pour cent des anorexies se révèlent avant l’âgede 10 ans. Classiquement, ce sont ces dernièresformes qui seraient les plus graves, par l’importancedes troubles de la personnalité associés et les retardsde croissance qu’elles occasionnent.

La prévalence de l’anorexie mentale (non plusl’incidence), en considérant que la durée moyenned’évolution est de 4 ans, serait de 1/100 000 chezles femmes entre 16 et 25 ans, 1/250 entre 14 et 18ans, 6,5/100 chez les danseuses et les mannequins.

L’épidémiologie clinique nous donne aussi desinformations sur l’évolution de la maladie : le

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pronostic à 3 ans est à peu près de un tiers deguérison, avec cependant 50 % de formeschroniques. Avec un suivi de 24 années, s’il existeenviron 60 % de guérison, le pourcentage de décèsest important (20 % des cas), alors que le nombre dedécès attendu pour cette population d’âge estd’environ 2 % : c’est la deuxième cause de mortalitédans la population adolescente.

■Facteurs étiologiques

L’origine multifactorielle de l’anorexie mentalesemble la plus probable.

‚ Facteurs génétiques

Les études récentes effectuées par l’équipe duprofesseur Russel plaident en faveur d’un facteurgénétique dans l’anorexie mentale. En effet, selon lesétudes, la concordance pour l’anorexie mentale chezles sujets monozygotes est de l’ordre de 50 à 60 %,contre 5 à 10 % chez les sujets hétérozygotes, et 5 %des femmes apparentées au premier degré de sujetsanorexiques ont eu une histoire d’anorexie.

‚ Facteurs physiologiques et nutritionnels

De nombreux travaux sur les mécanismesneurochimiques intracérébraux ont montré qu’ilexiste un grand nombre de systèmes deneurotransmission en jeu dans la régulation de l’étatnutritionnel et du comportement alimentaire. Cessystèmes monoaminergiques, neuropeptiques etneuroendocriniens (axe hypothalamohypophysaire)interviennent dans la mise en place d’ajustementsalimentaires qualitatifs et quantitatifs appropriés,sans que l’on puisse établir de façon formelle unerelation de causalité entre une dysrégulationneurochimique et l’existence de troublesanorexiques.

Les perturbations endocriniennes et métaboliquesobservées ne peuvent pas s’expliquer par la seuleperte de poids.

‚ Facteurs familiaux

L’approche des familles d’anorexiques n’a pas misen évidence d’éléments spécifiques, mais il estfrappant de constater, rappelle P Jeammet, l’absenced’autonomie de ces jeunes filles dans ces familles,l’enchevêtrement des liens affectifs, l’empiétementdes générations, la dérive incessante des relationstriangulaires vers des relations duelles plus ou moinsalternantes avec l’un ou l’autre parent, l’absence deleadership, la crainte et la non-expression desconflits au sein de la famille, seuls garants d’unecertaine « homéostasie » familiale.

‚ Facteurs culturels

Les facteurs socioculturels jouent un rôleindéniable dans la genèse de l’anorexie, du moinssont-ils largement incriminés comme facteursfavorisant l’éclosion de la maladie. Sans réduirel’anorexie mentale à un effet de mode esthétique defemme mince (l’anorexie existait déjà aux XVIIIe etXIXe siècles), l’image idéalisée du corps mince,maîtrisé et contrôlé, correspond sans aucun doute àune recherche de maîtrise des sensations, de mêmeque la recherche de performances physiques etintellectuelles se fait au détriment des échangesaffectifs.

‚ Facteurs de personnalitéCliniquement, certains traits de caractère

communs sont souvent retrouvés chez la jeunefemme anorexique : surinvestissement intellectuel,insatisfaction personnelle, manque de confiance ensoi, manque d’aisance sociale, sentimentd’insécurité, sans arrêt combattus par des attitudesperfectionnistes, méticuleuses et exigeantes, une vierelationnelle marquée par un comportementparadoxal avec maintien de relations dedépendance, attachement vis-à-vis de l’entouragefamilial, et tentative de suppléer à cette dépendancepar le déni de cet attachement. La sexualité estcomplètement désinvestie et la notion de plaisirn’existe pas.

Les difficultés d’expression verbale et d’expressiondes affects sont souvent présentes. Sur le planpsychopathologique, on ne retrouve pas depersonnalité « type » de l’anorexique. Les premièresdescriptions de jeunes filles anorexiques faisaientétat de structure hystérique ou obsessionnelle.Actuellement, toutes les études effectuées à l’aide dequestionnaires de personnalité retrouvent despersonnalités très diverses, allant des structuresnévrotiques à d’authentiques schizophrénies.

■Aspects cliniques

‚ Signes cliniques précocesLe début des troubles se situe classiquement à

l’adolescence (dans 8 % des cas seulement en phaseprépubertaire).

L’âge moyen de début est de 17 ans. Ledéclenchement des conduites restrictives survientalors qu’il existe une prise de poids souvent modéréeau moment de la puberté, associée ou non à desconduites de grignotages, ou même à unedésorganisation alimentaire fréquente dans cettepopulation d’âge. La décision d’effectuer un régime« sérieux » est souvent encouragée par l’entouragefamilial, du moins au début. Ensuite, une attitudeparticulière à l’égard de la nourriture, et de façonplus générale, du corps, puis de la relation à l’autrese développe au détriment des échanges affectifs.

La nourriture, ou plutôt son absence, devient unenjeu à l’insu de la famille. L’obsession de sentir soncorps de plus en plus mince génère des attitudesparticulières : la jeune fille saute des repas, stocke lesaliments dans ses poches, mâchonne, coupe enmenus morceaux, sélectionne et trie les aliments,tout en imposant à ses proches des prisesalimentaires riches et volumineuses. La restrictionalimentaire s’accompagne alors de vomissementscachés après les repas, parfois de prisesintempestives de laxatifs ou de diurétiques, et d’uneconsommation excessive de boissons.

De véritables rituels se mettent en place parrapport à la nourriture, aux repas familiaux, auxhoraires, mettant en relief une irritabilité croissante,un repli sur soi, et une tension qui deviennentinsoutenables pour la famille.

À ceci s’ajoute une hyperactivité, d’abordphysique, qui traduit cette obsession de maigrir, lesouci de maîtrise et la volonté d’aller au-delà deslimites du corps et de l’esprit. Dans un premiertemps, le déni est tel qu’elles rejettent en bloc l’idéed’une quelconque aide médicale. La demande deconsultation chez le médecin généraliste ou legynécologue est souvent à l’initiative des parents.

Ceux-ci signalent alors un symptôme isolé,comme les troubles menstruels (retard pubertaire,oligoménorrhée, aménorrhée primaire ousecondaire), qui reste modéré à ce stade et souvent« masqué » par la jeune fille qui se camoufle derrièreplusieurs épaisseurs de pull-overs.

Ils profitent de cette consultation dans undeuxième temps pour exprimer leur malaise devantleur enfant, jeune adolescente qui leur échappe etdont ils ne comprennent pas le changement decomportement : « elle était sans problème et atoujours eu envie de nous faire plaisir. » Ils décriventune enfant devenue soucieuse, morose ou triste, nesouriant plus, s’isolant de plus en plus, renfermée, demoins en moins expressive et spontanée, indécise,abandonnant un à un ses centres d’intérêt pour nes’intéresser qu’aux études, anxieuse et supportant deplus en plus mal de ne pas maîtriser le temps, le sienet celui des autres.

C’est au médecin d’être attentif et de savoir parleravec tact à cette mère anxieuse, puis de recevoir seulcette jeune fille qui paraît à la fois fragile etdéterminée à « maîtriser » ce corps dont elle neperçoit pas les limites et qu’elle souhaite le plusmince possible.

Cette prise de contact est extrêmement difficile,mais essentielle, car elle va largement conditionnerla suite de la prise en charge. Dès à présent, l’objectifde ce premier entretien est :

– d’évaluer l’importance du trouble alimentairesur le plan clinique par un examen physiquecomplet, souvent subnormal à ce stade : seule lapesée, difficile à accepter par la patiente, peut déjàrévéler un poids nettement inférieur à celuiannoncé ;

– de repérer l’existence de stratégies decontrôle du poids et d’expliciter à la jeune fille lagravité de ces conduites (hypokaliémie, œsophagite,problèmes dentaires), l’existence de conduitesboulimiques associées ou d’un mérycisme débutant,l’importance des troubles du schéma corporel (lajeune fille dit se sentir grosse au niveau du ventre,des fesses et des cuisses), la présence de troublespsychologiques associés (dysphorie, tristesse, voireplus rarement syndrome dépressif caractérisé), estparfois le seul point d’attache qui permet de nouer ledialogue lorsque le déni des difficultés alimentairesest au premier plan, l’intensité de l’anxiété (del’anxiété sociale, la peur de la sexualité et, plusgénéralement, la peur du passage à la vie adulte) ;

– enfin, d’apprécier le retentissement de lamaladie au sein de la famille ou de l’entourageproche, l’existence de graves conflits avec la famillepouvant eux-mêmes faire poser l’indication d’unehospitalisation rapide.

Les examens biologiques de base prescrits sontles suivants : numération formule sanguine (NFS)(anémie, discrète thrombocytopénie et leucopénieavec lymphocytose liée aux diurétiques et auxlaxatifs), ionogramme à la recherche d’unehypokaliémie et d’une hyperazotémie, protidémie etglycémie à jeun à la recherche d’une hypoglycémie,ferritine et fer sérique (anémie par carence ferrique),thyroid stimulating hormone (TSH) (syndrome debasse T3), amylasémie (élevée ou à la limitesupérieure de la normale lors de vomissements,boulimies associées ou mérycisme), électrophorèsedes protéines de nutrition (chute de protéine C) etélévation plus tardive du cholestérol plasmatique.

Ces examens permettront d’organiser unedeuxième consultation qui aura pour objectifs :

3-0775 - Anorexie mentale

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Page 105: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

– de faire prendre conscience, clinique (pesée) etbiologie à l’appui, de la réalité du trouble ducomportement alimentaire, de sa gravité et du risquede chronicisation ;

– de faire le lien entre l’existence de ces difficultésalimentaires et le « malaise psychologique » ressentiqui nécessite dès à présent une prise en chargespécifique par un psychiatre spécialisé dans letraitement des troubles du comportementalimentaire.

‚ Signes cliniques « tardifs »

Ce sont les manifestations d’une anorexie quiévolue depuis plusieurs années, celles que lapsychiatrie « adulte » découvre lors du premierentretien chez les jeunes filles ayant un cursusmédical déjà bien rempli : du médecin généralisteconsulté par les parents pour un conseil pendantl’adolescence, au médecin endocrinologue, puisgynécologue, puis dermatologue. Les consultationsauprès de spécialistes sont multiples et déclenchéespar la survenue de complications somatiquespréoccupantes.

Une grande partie de ces troubles sont liés à ladénutrition et aux stratégies de contrôle du poidsmises en place souvent précocement chez la jeunefille anorexique. La tolérance de l’organisme peutêtre extrême et les complications ne survenirqu’après une longue évolution.

L’amaigrissement est souvent spectaculaire,dépasse 25 % du poids initial, jusqu’à 50 % du poidsidéal théorique pour l’âge et la taille : le corps estefflanqué, anguleux, la silhouette est androïde, lafonte musculaire est massive.

La peau est sèche, écailleuse, les cheveux sontsecs, cassants, clairsemés, les ongles striés. On noteune hypertrichose avec un aspect de lanugo.

Les caries sont fréquentes, associées à uneérosion de l’émail dentaire plus marquée sur lesincisives supérieures (dents plus blanches) chez lesvomisseuses chroniques (depuis au moins 4 ans).

Les œdèmes sont fréquents : périorbitaires et auniveau des membres inférieurs, ils traduisent unabus de sel, l’excès d’apport liquidien (unepotomanie de plusieurs litres d’eau par jour esthabituelle), un trouble de la natrémie et/ou unehypoprotidémie.

Les troubles circulatoires se manifestant par uneacrocyanose des extrémités. L’hypotension artérielleet une bradycardie sont fréquentes.

Les troubles digestifs sont secondaires à larestriction alimentaire et souvent l’un des uniquesmotifs de consultation : constipation chroniqueaggravée par la prise intempestive de laxatifs quifavorise une stéatorrhée, une déperdition protéiqueet l’apparition de saignements intestinaux. Le retardde la vidange gastrique explique les sensations deballonnement intestinal et la difficulté à digérer dontse plaignent les anorexiques après l’ingestion denourriture.

L’aménorrhée est constante : elle succède à unamaigrissement net dans 25 % des cas, apparaît aumoment où le sujet commence à maigrir dans 55 %des cas, et débute avant la restriction alimentairedans 15 % des cas. Elle persiste le plus souvent,même après normalisation du poids. Les étudescatamnestiques récentes montrent que 55 %seulement des anorexiques retrouvent des cyclesmenstruels réguliers.

Les autres manifestations cliniques, telles quel’hypothermie et la frilosité, sont la conséquenced’une hypothyroïdie fonctionnelle (syndrome debasse T3).

L’ostéoporose est la principale complication quel’on doit redouter. Elle concerne en effet l’avenirosseux de la patiente et les séquelles, en particuliertardives, pourront être lourdes de conséquences.

On le sait, la masse osseuse totale (ou pic demasse osseuse) se constitue au cours de l’enfance etde l’adolescence, pour être définitivement acquisequelques années après l’apparition des règles et semaintenir jusqu’à 35 ans. Toute carence dudéveloppement osseux dans cette période sera doncirrécupérable par la suite.

Le rôle des hormones sexuelles sur laminéralisation du squelette est bien établi, maisd’autres facteurs interviennent. Chez l’anorexique, àl’aménorrhée hypo-œstrogénique sont associées laperte de poids avec la réduction de la massemusculaire, des carences nutritionnelles sévères etune hypercortisolémie.

La mesure de la masse osseuse permetd’apprécier l’importance de la déperdition osseusequi est abaissée en moyenne de 25 % par rapport àcelui des femmes témoins. En revanche, larenutrition avec reprise de poids, même avant leretour des cycles menstruels, entraîne une netteamélioration, sans que l’on puisse mesurerpleinement encore la qualité et la rapidité de cetterécupération qui reste le plus souvent partielle.

Les troubles cognitifs prennent la forme detroubles de l’attention, de la mémoire et de laconcentration, et se traduisent à l’examentomodensitométrique par une atrophie cortico-sous-corticale réversible, avec un élargissement des sillonset une dilatation ventriculaire.

‚ Complications

Peu fréquentes mais graves, elles se manifestenttardivement par rapport à l’état clinique dedénutrition dans lequel se trouvent ces sujets.

Mortalité

Les études récentes indiquent un taux demortalité allant de 5 à 18 % des cas à 15 ansd’évolution de la maladie. Parmi les causes de cetteévolution péjorative, ce sont les complications de ladénutrition (cachexie, infections et septicémies,insuffisance cardiaque ou rénale) et les troubleshydroélectrolytiques (arrêt cardiaque) quiprédominent. Le suicide est en revancherelativement rare (6 % des décès).

Troubles cardiaques

Cinquante pour cent des anorexiques présententdes signes particuliers à l’électrocardiogramme(même en l’absence d’hypokaliémie) : bradycardiesinusale avec inversion de l’onde T, aplatissement deT et sous-décalage de ST, bloc auriculoventriculaire,et parfois, tachycardie ventriculaire et arrêt cardiaque(hypokaliémie majeure).

L’œdème aigu du poumon survient lorsque laréalimentation (avec apport liquidien trop important)est conduite trop vite.

Complications infectieuses

Il s’agit essentiellement d’infections cutanées,urinaires et pulmonaires (herpès, mycoses à Gramnégatif et tuberculeuses). Elles sont majorées par la

perte de l’immunité cellulaire, se manifestentsouvent à bas bruit et sont traitées tardivement.

Crises convulsives

Elles sont rares et liées à une hypoglycémie aiguëou à une absorption liquidienne massive (supérieureà 10 L/j).

■Éléments du pronostic

Sont de mauvais pronostic les facteurs suivants :– le déclenchement de l’anorexie en phase

prépubertaire ou en fin d’adolescence ;– une durée longue de la maladie et de

nombreuses hospitalisations antérieures, même sil’on observe des rémissions tardives après plus de8 ans d’évolution de la maladie ;

– le déni massif des troubles ;– l’importance des troubles du schéma corporel ;– le degré d’amaigrissement et la rapidité de la

perte de poids ;– l’existence de conduites boulimiques et de

stratégies de contrôle de poids telles que lesvomissements et la prise intempestive de laxatifs ;

– la prise en charge tardive des troubles ;– l’existence de difficultés de communication et

d’expression des émotions au sein de la famille ;– la coexistence de troubles psychologiques

associés.

■Conduite à tenir

L’hospitalisation est indispensable lorsque leretentissement de l’anorexie menace le pronosticvital. Si celle-ci n’a pas été préparée au coursd’entretiens préalables, elle est souvent refusée parla jeune fille qui n’en comprend pas la nécessité, oumême par les parents qui souhaitent lerétablissement rapide de leur enfant tout ensupportant difficilement l’idée de la séparation lorsde l’hospitalisation.

L’hospitalisation « en urgence » ne doit êtreréservée qu’aux cas extrêmes, nécessitant aupréalable un séjour dans une unité de réanimationafin de pallier au plus vite les complications de ladénutrition et des troubles hydroélectrolytiques.

Pendant ce séjour en réanimation, si l’axethérapeutique est centré sur la réalimentation(celle-ci devra s’effectuer par voie entérale le plus tôtpossible, en limitant les perfusions aux correctionsdes troubles ioniques), il est extrêmement importantde préparer dès ce stade l’hospitalisation dans uneunité de soins spécialisée dans le traitement destroubles des conduites alimentaires.

En effet, l’hospitalisation ne se déroulera dans debonnes conditions que si la malade, la famille etl’entourage proche comprennent la nécessité dutraitement, adhèrent aux modalités de soinsproposées et inscrivent ce séjour hospitalier commeune première étape du traitement qui se poursuivraen ambulatoire pendant plusieurs mois ou mêmequelques années. Cette préparation, dans notreexpérience clinique, est fondamentale pour la suitedu traitement.

Les objectifs du traitement, en consultationexterne ou en hospitalisation, sont triples.

Anorexie mentale - 3-0775

3

Page 106: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

‚ Réalimentation

Elle doit se faire de façon progressive et tenircompte des troubles quantitatifs et qualitatifs del’alimentation de la patiente. Une évaluation desconduites alimentaires individualisée est nécessaireà partir d’un questionnaire portant sur lespréférences alimentaires d’une part, et les choixalimentaires d’autre part. Un travail sur larediversification de l’alimentation s’avère aussifondamental que celui portant sur l’augmentationdu poids et doit s’effectuer très progressivement, enréintroduisant peu à peu les aliments considérés parla patiente comme étant de plus en plus difficiles àingérer.

En début d’hospitalisation, des supplémentscaloriques liquidiens sont parfois nécessaires.

‚ Reprise de poids

C’est un objectif essentiel, mais si cette reprise depoids ne s’accompagne pas d’une modificationdurable des habitudes alimentaires de la patiente,elle ne sera que de courte durée. Il est très importantde fixer avec la patiente, dès les premiers entretiens,le poids à atteindre qui tiendra compte du poidsidéal théorique (body mass index [BMI] = poids/taille2

entre 20 et 25) et du poids antérieur « stable » avantle début des troubles restrictifs.

‚ Moyens thérapeutiques utilisés

Deux phases sont prévues dans le contratthérapeutique qui mentionne les objectifs globaux ethebdomadaires.

La première phase est marquée par l’abordmédical des troubles somatiques et biologiques, uneréalimentation active mais pas trop rapide avec unereprise de poids de l’ordre de un tiers du poids àgagner, et la mise en place d’une approchepsychothérapeutique en fonction des éléments dubilan clinique et psychologique. C’est à cette phaseque se décide l’indication d’une éventuellehospitalisation si la réalimentation initiale n’est pasobtenue en ambulatoire.

La deuxième phase doit aboutir à unerestauration du poids et correspond à la mise en

place d’un traitement psychothérapique adapté ;selon le cas, on proposera une psychothérapiecomportementale ou comportementale et cognitive,centrée sur le comportement alimentaire, s’il existede grosses perturbations quantitatives et surtoutqualitatives de l’alimentation, des idées irrationnellesconcernant celle-ci ou de l’estime de soi. La thérapiefamiliale vise à modifier la structure familiale maladaptée à la résolution des conflits. Selon leprofesseur Russel, les thérapies familiales semblentefficaces lors de la prise en charge de sujets jeunes(< 19 ans) vivant dans leur famille ; leur efficacitéserait même supérieure à une prise en charge enpsychothérapie individuelle. Si l’indication dethérapie familiale ne se pose pas, des entretiensfamiliaux sont indispensables, comme laparticipation des familles au groupe de parents quipermet l’émergence d’émotions qui jusque-là n’ontpu être exprimées, même à l’intérieur de la famille.

La psychothérapie d’inspiration psychanaly-tique individuelle est associée le plus souvent àd’autres techniques : thérapies de relaxation lorsquela composante anxieuse est au premier plan et queles troubles du schéma corporel sont dominants,techniques d’affirmation de soi s’il existe un défautd’assertivité, et thérapie de groupe qui doitencourager la perception, l’identification etl’expression des affects afin d’assouplir lefonctionnement de chacune et de renforcer par là lesentiment de l’identité.

Par ai l leurs , v is -à-vis des trai tementsmédicamenteux, l’ensemble des travaux surl’anorexie mentale n’a permis de prouver ni l’intérêt,ni l’efficacité d’une quelconque chimiothérapie àlong terme.

L’avantage de la prescription de psychotropes sesitue dans leur effet anxiolytique qui aide à dépasserla peur de manger, favorise le gain de poids etdiminue l ’hyperact iv i té ; la prescr ipt iond’antidépresseurs peut être proposée chez des sujetsanorexiques présentant un épisode dépressif majeurassocié à des conduites restrictives. En pratique, lesanxiolytiques et les hypnotiques ne seront prescritsque ponctuellement, et de toute façon à court

terme ; les neuroleptiques ne sont indiqués quelorsqu’il existe une symptomatologie d’allurepsychotique associée. La prescription d’œstroproges-tatifs peut permettre l’installation de cycles artificiels,mais surtout la prévention osseuse.

■Conclusion

L’anorexie mentale, et plus généralement lestroubles du comportement alimentaire, suscitent uneattention croissante des médecins et de tous ceuxqui sont concernés par la santé publique, à la foisparce qu’il s’agit d’une pathologie en augmentationconstante dans les pays occidentaux, mais aussid’une affection grave, deuxième cause de mortalitéchez les adolescentes.

L’anorexie mentale est une affection essentiel-lement féminine, neuf fois sur dix chez la jeune fille,associant une restriction délibérée de nourriture, unamaigrissement important et une aménorrhée,sous-tendus par des troubles du schéma corporel etla hantise de grossir.

Un certain nombre de facteurs étiopathogéniquesont été proposés : facteurs génétiques, facteursbiologiques (réponse favorable de certains sujets auxantidépresseurs), facteurs neurobiologiques, facteurssocioculturels, mais aussi facteurs individuels et depersonnalité, bien qu’il n’y ait a priori pas depersonnalité prémorbide spécifique.

Le pronostic de cette affection est réservé : si untiers des sujets guérissent, une anorexique sur deuxprésente une forme chronique et l’évolution estmortelle dans 6 à 18 % des cas sur une période de15 ans.

L’approche thérapeutique est longue, complexe,spécialisée et multidisciplinaire. Elle doit êtreindividualisée : abord nutritionnel approprié,techniques comportementales et/ou cognitives,approche corporelle par les thérapies de relaxation,prescription éventuelle d’antidépresseurs, enfin, aidepsychothérapique individuelle et familiale. Lesrésultats ne seront appréciés qu’avec un reculsuffisant de plusieurs années.

Sophie Criquillion-Doublet : Praticien hospitalier,service du Professeur B Samuel-Lajeunesse, centre hospitalier Sainte-Anne, clinique de la faculté, 100, rue de la Santé, 75674 Paris cedex 14, France.

Marie-Noëlle Laveissiere-Deletraz : Attachée,service du Professeur Dubuisson, groupe hospitalier Cochin-Port-Royal, 27, rue du Faubourg St-Jacques, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : S Criquillion-Doublet et MN Laveissiere-Deletraz. Anorexie mentale.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, MG-30775, 1999, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Doublet S. Anorexie mentale.Reprod Hum Horm1993 ; 6 :341-348

[2] Eisler I, Dare C, Russell GF, Szmukler G, Le Grange D, Dodge E. Family andindividual therapy in anorexia nervosa. A 5-year follow-up.Arch Gen Psychiatry1997 ; 54 : 1025-1030

[3] Jeammet PH. Anorexie.Encycl Méd Chir(Elsevier, Paris), Psychiatrie, 37-350-A-10, 1984 : 1-16

[4] Samuel-Lajeunesse B, Foulon C. Les conduites alimentaires. Paris : Masson,1994

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Page 107: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Chirurgie de l’obésité : conditions,intérêt, limites

J.-L. Schlienger

La chirurgie de l’obésité apparaît aujourd’hui comme le traitement de l’obésité massive, les traitementsdiététiques et médicaux conventionnels s’avérant insuffisants à long terme. Elle a pour but de créer unerestriction de la prise alimentaire éventuellement combinée à une malabsorption. L’implantation d’unanneau gastrique, la gastroplastie verticale calibrée et le court-circuit gastrique sont les procédureschirurgicales les plus utilisées chez un nombre croissant de patients. L’optimisation des résultats et laprévention des complications se fondent sur le respect des recommandations, la sélection des patients surdes critères nutritionnels, médicaux et psychocomportementaux par une équipe multidisciplinaire, lechoix d’une option chirurgicale adaptée à chaque patient par une équipe chirurgicale entraînée et unsuivi postchirurgical prolongé. Néanmoins, les résultats sont inconstants et imparfaits et il n’existe niindication, ni procédure chirurgicale idéale.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Obésité massive ; Chirurgie de l’obésité ; Gastroplastie ; Court-circuit gastrique ; Perte de poids

Plan

¶ Introduction 1

¶ Interventions de chirurgie bariatrique 1Réduction du volume gastrique 1Réduction du volume gastrique et malabsorption 2Dérivation biliopancréatique 2

¶ Résultats 2

¶ Complications 3Complications chirurgicales 3Complications fonctionnelles 4Complications nutritionnelles 4Troubles du comportement alimentaire 4

¶ Indications et contre-indications de la chirurgie bariatrique 4Indications 4Contre-indications 4

¶ Suivi postopératoire 5

¶ Clés du succès de la chirurgie bariatrique 5

¶ Conclusion 5

■ IntroductionL’obésité est une maladie chronique, sa gravité tient aux

complications cardiovasculaires, pulmonaires, ostéoarticulaireset métaboliques qu’elle induit. Elle est à l’origine d’une mau-vaise qualité de vie et d’incapacité professionnelle et est associéeà une augmentation de l’incidence de certains cancers (sein,colon, endomètre). Son traitement est difficile. Les résultatsobtenus après une prise en charge hygiénodiététique, psycho-comportementale et médicamenteuse selon diverses stratégiescombinées sont médiocres à moyen et à long terme [1].

L’incapacité de la plupart des malades à modifier durable-ment leur comportement alimentaire et leur style de vie ainsi

que la prise de conscience assez récente de la gravité de l’obésitéen termes de surmortalité et de surcoût ont conduit à recher-cher de nouveaux moyens thérapeutiques et à proposer untraitement chirurgical dit bariatrique puisque son but est defaire perdre du poids.

Aux États-Unis, c’est dès 1991 qu’une conférence de consen-sus du NIH (National Institute of Health) a validé le principe dela restriction ou des courts-circuits gastriques dans l’obésitémassive au vu des bons résultats enregistrés à 5 ans et de lafaible morbimortalité postopératoire [2]. En France, les recom-mandations actualisées en 2004 reconnaissent que la chirurgiede l’obésité fait désormais partie de la stratégie thérapeutiquedes formes morbides de l’obésité dans le cadre d’un projetmédical global sous réserve d’en respecter les indications et lescontre-indications [3]. L’intérêt médical de cette chirurgie a étéétabli par plusieurs études.

■ Interventions de chirurgiebariatrique [4]

Réduction du volume gastriqueLa gastroplastie avec cerclage périgastrique ajustable (GCA) est

l’intervention la plus pratiquée (Fig. 1). Plus de 20 000 Françaisy ont eu recours. La réduction du volume gastrique est obtenuepar la mise en place d’un anneau autour de la partie supérieurede l’estomac de façon à créer une poche gastrique (néogastre) de15 à 25 ml dont l’évacuation se fait à travers un chenal étroitcréé par l’anneau. Le calibre du chenal d’évacuation versl’estomac sous-jacent est ajusté grâce à un ballonnet accolé à laface interne de l’anneau relié par une tubulure à un réservoirsous-cutané. Le remplissage ou la vidange se font par ponctiontranscutanée dans le réservoir, ce qui permet d’ajuster le calibreen fonction des besoins et de la sensation de satiété [5].

Dans la gastroplastie verticale calibrée (GV), la réduction duvolume gastrique est obtenue par un agrafage des parois

¶ 3-0795

1Traité de Médecine Akos

Page 108: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

antérieures et postérieures de l’estomac avec création d’unepoche gastrique tubulaire de 15 à 25 ml qui s’évacue à traversun anneau intragastrique inextensible (Fig. 2). Une varianteconsiste à remplacer l’agrafage par une transsection partielle dela poche gastrique.

Ces deux interventions ont en commun la réduction duvolume gastrique avec confection d’un néogastre de faiblecontenance entraînant une limitation de la prise alimentaire.

Réduction du volume gastriqueet malabsorption

Le court-circuit gastrique (CCG) ou by-pass consiste en uneanastomose gastrojéjunale par montage d’une anse jéjunale enY située au niveau d’un néogastre de faible contenance réalisépar un agrafage horizontal fermant l’accès au reste de la cavitégastrique (Fig. 3). Cette intervention associe le principe de laréduction gastrique à celui de la malabsorption, les alimentsn’étant pas absorbés dans l’anse intestinale qui court-circuite leduodénum et les sécrétions biliopancréatiques sur une longueurde 80 à 200 cm.

Cette chirurgie gastrique de l’obésité, totalement réversible,est réalisable par voie laparoscopique avec un faible taux deconversion laparotomique. Elle a pratiquement supplanté lesautres interventions dont le but était de créer une malabsorp-tion. Les courts-circuits digestifs jéjunaux-iléaux excluant unegrande partie de l’intestin fonctionnel ont été abandonnés enraison de la fréquence et de la gravité des complications avecrisque de dénutrition, hépatopathie, lithiase oxalique etcolonisation bactérienne dans l’anse borgne.

Dérivation biliopancréatiqueLa dérivation biliopancréatique (DBP) est associée à une

hémigastrectomie et une dérivation de l’anse grêle avec créationd’une gastrojéjunostomie en Y (Fig. 4). Cette intervention gardequelques adeptes dans la superobésité en dépit d’un risqueopératoire et de complications postopératoires non négligeables.

■ RésultatsLa chirurgie gastrique de l’obésité entraîne un amaigrissement

par l’inconfort qu’elle provoque lors de la prise alimentaire. La

Figure 1. Gastroplastie par cerclage périgastrique ajustable (GCA). 1.Anneau. 2. néogastre. 3. tubulure. 4. boîtier sous-cutané. 5. manchongonflable.

Figure 2. Gastroplastie verticale calibrée (GV).

Figure 3. Court-circuit gastrique (GCG) (anse montée en Y).

Figure 4. Dérivation biliopancréatique (DBP) avec hémigastrectomie.

3-0795 ¶ Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites

2 Traité de Médecine Akos

Page 109: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

faible capacité gastrique est incompatible avec un repas normaldont le volume atteint 500 ml. Il en résulte une hyperpressionintragastrique avec nausées et vomissements précoces contrai-gnant le sujet à réduire sa ration ou à éviter de manger. Lerassasiement précoce réduit l’envie de consommer des alimentsprotéiques tels que la viande, induit plus ou moins consciem-ment un comportement de restriction alimentaire et renforce lasensation de satiété. En cas de court-circuit gastrique, lamalabsorption accroît la perte de poids. Il s’y ajoute un dumpingsyndrome entraînant une réaction aversive aux aliments.

Les résultats de cette chirurgie se jugent sur l’importance etla persistance de la perte de poids et sur l’amélioration descomorbidités (Tableau 1).

Dans une revue systématique comparant 64 séries de GCAà 54 séries de GV ou de CCG, la GCA est associée à unemortalité de 0,05 % et une morbidité de 11,3 % contre respec-tivement 0,3 % et 26 % pour la GV et 0,5 % et 24 % pour leCCG [7].

L’efficacité est plus difficile à préciser en raison de la duréetrès variable du suivi postopératoire et d’une méthodologiestatistique parfois imparfaite. La perte de poids et de massegrasse est supérieure à celle observée après un traitementhygiénodiététique et pharmacologique. La perte de poids sepoursuit pendant 18 à 30 mois puis s’estompe, une reprisepondérale modérée étant habituelle. À 4 ans, la réduction del’excès de poids (par rapport à un IMC [indice de massecorporelle] = 30) est de 40 à 65 % pour la GCA, de 40 à 70 %pour la GV et de 50 à 67 % pour le CCG. À long terme,l’évolution du poids est toujours à l’avantage de la chirurgiebariatrique bien que de nombreux patients reprennent unepartie du poids perdu. À dix ans, la perte de poids resteappréciable. La comparaison entre les trois techniques donne unnet avantage au CCG [8].

Une autre revue systématique avec une méta-analyse portesur un total de 22 094 patients inclus dans 136 études traitéspar divers procédés de chirurgie bariatrique [6]. La réductionmoyenne de l’excès de poids est de 61,2 % pour l’ensembleaprès une durée de suivi qui n’excède pas, parfois, quelquesmois. Cette revue décrit les effets bénéfiques de l’interventionmais passe sous silence les complications à court et moyenterme. Le diabète disparaît ou est amélioré dans 86 % des casavec une rémission dans 77 % des cas. La dyslipidémie estaméliorée chez plus de 70 % des patients. L’hypertension estaméliorée dans 78 % des cas et ne justifie plus de traitementdans 61 % des cas. Enfin, le syndrome d’apnée du sommeildisparaît dans 85 % des cas. Cette méta-analyse démontre quela chirurgie bariatrique, qu’elle qu’en soit la nature, est à mêmede réduire le risque ou d’améliorer les comorbidités de l’obésité.

Une méta-analyse portant sur les quatre types d’interventiona été réalisée récemment à partir de 147 publications dont89 concernent les résultats pondéraux. Elle confirme globale-ment les résultats précédents mais souligne les performancesparticulièrement remarquables de la DBP [9]. La comparaisonavec le traitement diététique est à l’avantage de la chirurgie àpartir du 6e mois de suivi ; la différence s’accroît au fil du temps(- 30,5 kg versus - 8,0 kg après 24 mois). L’avantage par rapportau traitement pharmacologique est pratiquement du mêmeordre [10]. Dans cette méta-analyse, les complications fonction-nelles sont les plus fréquentes après DBP alors que paradoxale-ment, les complications chirurgicales y sont les moinsfréquentes. Dans une cohorte de plusieurs milliers de sujetsobèses, la mortalité toutes procédures confondues est de 0,68 %

à 2 ans après chirurgie bariatrique contre 6,17 % chez des sujetscontrôles [11].

En apparence, les bénéfices de la chirurgie gastrique supplan-tent largement les risques liés à l’intervention chirurgicale bienque le recul soit souvent insuffisant. Tel n’est pas le cas dans lacohorte exemplaire de la Swedish Obese Subject, qui porte surplusieurs milliers de patients et dont les résultats à 10 ansviennent d’être publiés [4]. Cette étude prospective non rando-misée compare 851 sujets opérés par une chirurgie gastrique derestriction à 852 sujets témoins appariés. La perte de poidsmaximale est observée à 6 mois dans le groupe témoin(- 1 ± 6 %) et à 1 an dans le groupe opéré (- 21 ± 10 % aprèsGCA, - 26 ± 9 % après GV et - 38 ± 7 % après CCG). Par la suitesurvient une reprise pondérale lente et progressive avec à 10 ansune variation pondérale de + 1,6 ± 12 % chez les témoins, etchez les opérés de - 13 ± 13 % après GCA, - 16 ± 11 % après GVet de - 25 ± 11 % après CCG. Les apports énergétiques sontréduits de - 28,6 % chez les opérés contre - 2,8 % chez les sujetstémoins. Sur le plan métabolique, la glycémie basale s’élève de18,7 % chez les témoins alors qu’elle diminue de - 2,5 % chezles opérés avec une variation de l’insulinémie de + 18,7 % chezles témoins et de - 28,2 % chez les opérés. La diminution ducholestérol total n’est pas différente dans les deux groupes. Lesvariations de la pression artérielle sont modérées pour lasystolique (+ 4,4 % versus + 0,5 %) et insignifiantes pour ladiastolique. Chez les opérés, le risque relatif de présenter undiabète est de 0,25 (IC [intervalle de confiance] à 95 % 0,17– 0,38). Il est de 0,75 pour l’hypertension artérielle (HTA) (IC0,52 – 1,08) et de 0,49 (0,34 – 0,71) pour l’hyperuricémie.L’amélioration ou la rémission d’un diabète, d’une HTA oud’une hyperuricémie est significative au seuil de 0,001 %.Toutefois après 8 ans, l’incidence de l’HTA est comparable àcelle des témoins.

Au total, la chirurgie bariatrique améliore ou prévient lescomplications métaboliques et cardiorespiratoires de l’obésitémassive. D’aucuns considèrent même qu’elle est l’un destraitements privilégiés du diabète de type II [12].

De plus, la chirurgie bariatrique entraîne une réductionnotable du coût imputable aux médicaments nécessités par letraitement des comorbidités [13].

Ces résultats encourageants sont associés à une améliorationde la qualité de vie et de la perception de l’état de santé à 2 età 4 ans [14].

■ Complications [6, 9, 15] (Tableaux 2 et 3)

Complications chirurgicalesLa mortalité opératoire est faible mais des complications

postopératoires précoces peuvent nécessiter un traitementcomplémentaire ou une réintervention. Il s’agit surtout d’acci-dents thromboemboliques et d’infections pulmonaires ouabdominales. Dans 2,2 % des cas de chirurgie gastrique, uneréintervention est nécessaire pour des raisons techniques : fistulegastrique, abcès profond, hémorragie. Elles sont moins fréquen-tes après GCA bien que quelques perforations gastriques etsurinfections du boîtier sous-cutané aient été rapportées.

Les complications tardives sont plus fréquentes et imposentune réintervention chez 10 à 20 % des patients : déconnexion

Tableau 1.Résultats de divers procédés de chirurgie bariatrique d’après la méta-analyse de Buchwald et al. [6].

GCA GV CCG DBP

Mortalité 0,1 % 0,1 % 0,5 % 1,1 %

Réduction de l’excès pondéral 47 % 68 % 65 % 70 %

Diminution IMC 10,4 % 14,2 % 18 % /

GCA : gastroplastie par cerclage adapté ; GV : gastroplastie verticale calibrée ;CCG : court-circuit gastrique (by pass) ; DBP : dérivation biliopancréatique.

Tableau 2.Fréquence des complications de la chirurgie de l’obésité en % d’après laméta-analyse de Maggard et al. [9].

GCA GV CCG DBP

Troubles digestifs (ensemble) 7 17,5 16,9 32,7

Reflux gastro-œsophagiens 4,7 2,2 10,9 /

Vomissements 2,5 18,4 15,7 5,9

Anomalies électrolytiqueset nutritionnelles

/ 2,5 16,9 /

Complications chirurgicales 13,2 23,7 18,7 5,9

GCA : gastroplastie par cerclage adapté ; GV : gastroplastie verticale calibrée ;CCG : court-circuit gastrique (by-pass) ; DBP : dérivation biliopancréatique.

Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites ¶ 3-0795

3Traité de Médecine Akos

Page 110: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

de la tubulure du réservoir dans la GCA, désunion de l’agrafageet érosions gastriques dues au contact de l’anneau de calibragedans la gastroplastie, sténose ou ulcération anastomotique dansle CCG. Les complications sont plus fréquentes après DBP.

Complications fonctionnellesElles sont décrites avec chacune des techniques de chirurgie

gastrique. L’intolérance alimentaire avec nausées, vomissementsparfois incoercibles, les dysphagies et le pyrosis sont de gravitévariable. Les vomissements sont fréquents à la phase précoce etpersistent volontiers à raison de 2 à 3 épisodes par semaine à lasuite d’une insuffisance de mastication ou d’un excès alimen-taire. Ils sont bien tolérés par la plupart des patients maispeuvent aussi être symptomatiques d’une striction gastrique oud’une sténose. Après GCA, la dilatation du néogastre et labascule de celui-ci autour de l’anneau par gravité peut entraînerune occlusion du chenal d’évacuation. Une dépose de l’anneaurésout cette complication favorisée par des excès alimentaires etun positionnement trop bas de l’anneau. L’intolérance alimen-taire sévère peut être levée par une simple adaptation ducalibrage de l’anneau dans la GCA alors qu’elle peut nécessiterune réintervention en cas de GV. L’œsophagite peptique parreflux est une complication fréquente corrigée par un traitementmédical ou une amélioration du comportement alimentaire. Ledumping syndrome est fréquent et en partie souhaité après CCGet dérivation biliopancréatique. Il survient après la consomma-tion d’aliments à fort pouvoir osmotique comme le sucre et semanifeste par des sueurs et un malaise vagal. La déshydratationpeut être la conséquence d’un néogastre trop petit avec intolé-rance aux liquides qu’il est recommandé de consommer endehors des repas [16]. La diarrhée complique le CCG et la DBP.

L’insuffisance de perte pondérale peut être la conséquenced’un montage chirurgical imparfait. La réduction du calibre estune solution facile dans la GCA mais une réintervention peutêtre nécessaire dans la GV ou le CCG. Plus souvent, elle est dueau non-respect des mesures diététiques avec des prises alimen-taires interprandiales [17].

Complications nutritionnellesEn dehors d’une dénutrition secondaire à une intolérance

alimentaire majeure avec vomissements itératifs ou à destroubles du comportement alimentaire à type d’anorexie, lachirurgie bariatrique expose à un risque de carence marginaleen micronutriments. Un déficit en folates et en vitamine B12responsable d’une élévation modérée de l’homocystéinémie aété rapporté chez près de 80 % des patients après une GCA etfait craindre à terme une majoration du risque cardiovasculairedans la mesure où une élévation de 5 µmol de l’homocystéiné-mie majore le risque relatif de 1,8 chez la femme. La carence envitamine B12 est plus fréquente après CCG [18]. Un tableau

d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke avec intolérance alimen-taire sévère a été décrit au décours d’une GV. Les autresconséquences nutritionnelles sont mal connues. Une diminu-tion des concentrations plasmatiques en fer et en zinc etl’apparition d’une anémie macrocytaire modérée ont étérapportées chez près d’un malade sur deux.

Troubles du comportement alimentairePréexistant souvent à la chirurgie, les troubles du comporte-

ment alimentaire (TCA) persistent volontiers après et contri-buent aux complications chirurgicales. La phase transitoired’intolérance alimentaire aux aliments solides nécessitant uneadaptation de la consistance et du volume des aliments peutêtre suivie par des troubles du comportement alimentaired’autant plus fréquents qu’il existait des troubles psychologiquesauparavant. Une alimentation compulsive préopératoire est demauvais pronostic et prédispose à une alimentation déstructu-rée. Paradoxalement, certains des patients qui avaient le profilpsychologique le plus médiocre en préopératoire ressentent uneamélioration notable de leur qualité de vie en postopératoire. LaGCA et la GV seraient mieux adaptées à un comportementd’hyperphagie. Le CCG paraît plus efficace en cas de prisesalimentaires interprandiales fréquentes.

La chirurgie bariatrique ne peut prétendre corriger lesTCA [19]. Leur prévalence est la même avant et après l’interven-tion. La sélection des patients et la prise en charge psychologi-que contribuent à prévenir ou à éviter les complications à typede glissement de l’anneau, de dilatation du néogastre et dedénutrition.

■ Indications et contre-indicationsde la chirurgie bariatrique

La chirurgie de réduction gastrique ou la chirurgie favorisantune malabsorption intestinale associée trouve indéniablementune place dans la stratégie de traitement de l’obésité. Toutefois,les complications et les échecs sont loin d’être négligeables ettout doit être mis en œuvre pour les éviter ou les prévenir parune sélection rigoureuse des patients qu’il faut confier à uneéquipe chirurgicale entraînée et par un suivi postopératoiremultidisciplinaire au long cours, comme le rappellent lesrecommandations [3].

IndicationsLa chirurgie bariatrique concerne des sujets dont l’obésité

majeure retentit sur la santé et dont le risque opératoire est jugéacceptable. Sont candidats, soit les patients ayant une obésitémorbide (IMC > 40 kg/m2) résistant aux traitements conven-tionnels avec un risque important de complications, soit lespatients ayant une obésité dont l’IMC est compris entre 35 et40 kg/m2 associée à des comorbidités menaçant le pronosticvital ou fonctionnel (atteinte cardiaque, syndrome d’apnée dusommeil, diabète, atteinte ostéoarticulaire invalidante). Cespatients doivent bénéficier d’une prise en charge médicalespécialisée pendant au moins un an en accord avec les recom-mandations formulées pour la prévention et le traitement del’obésité, (diététique, activité physique, prise en charge psycho-logique et traitement des complications).

Après avoir reçu une information détaillée sur les risques etles contraintes de l’intervention, les patients doivent s’engagerà un suivi médical prolongé.

Contre-indicationsOutre celles liées à l’anesthésie générale, les principales

contre-indications sont l’absence de motivation, l’absence deprise en charge médicale prolongée préalable, l’impossibilitépour le patient de s’astreindre à un suivi médicodiététiqueprolongé ou le refus d’une prise en charge psychologique sinécessaire. Les troubles addictifs (alcoolisme, toxicomanie), lestroubles dépressifs sévères et les troubles du comportement

Tableau 3.Principales complications observées après chirurgie gastrique.

GCA ou GV CCG

Intolérance alimentaire + + +

Vomissements + + + +

Pyrosis, RGO + + +

Diarrhée + + + +

Douleurs + +

Dilatation de la poche + + +

Dilatation œsophagienne + +

Dumping syndrome + +

Ulcère anastomotique + +

Carence martiale + +

Carence vitaminique + +

Dénutrition protéique + +

GCA : gastroplastie par cerclage adapté ; GV : gastroplastie verticale calibrée ;CCG : court-circuit gastrique (by pass) ; RGO : reflux gastro-œsophagiens.

3-0795 ¶ Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites

4 Traité de Médecine Akos

Page 111: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

alimentaire graves (frénésie alimentaire) sont d’autres contre-indications dont le non-respect conduit souvent à l’échecou à des complications chirurgicales, nutritionnelles etpsychiatriques.

Sauf exception dûment argumentée, les enfants, les adoles-cents et les personnes âgées de plus de 70 ans sont exclus deprincipe du champ de cette chirurgie.

Dans tous les cas, la décision finale résulte d’une discussionmultidisciplinaire associant le médecin traitant, le médecinspécialiste de l’obésité, une diététicienne, un psychiatre ou unpsychologue, le chirurgien et éventuellement l’anesthésiste. Elleprend en compte l’ensemble de la situation somatique etpsychologique, le contexte familial et social et la capacité dupatient à suivre un programme thérapeutique. L’équipe multi-disciplinaire décide du type d’intervention et des conditions dusuivi après s’être assurée que la prise en charge préopératoire descomorbidités est optimale. L’échec d’une perte de poids avantl’intervention n’est pas un critère d’exclusion.

■ Suivi postopératoireUn suivi médicochirurgical est indispensable pour éviter des

complications et faciliter la perte pondérale. Un contrôleradiologique du montage chirurgical est recommandé à inter-valles réguliers afin de s’assurer de la bonne position del’anneau et du boîtier et de l’absence de dilatation du néogastreet de l’œsophage. L’accompagnement médical a pour butd’adapter le traitement des comorbidités à la nouvelle situationmétabolique. Il en est de même de l’accompagnementpsychologique.

Le suivi nutritionnel est impératif [20]. Il facilite la toléranceimmédiate et évite un certain nombre de complications fonc-tionnelles. Après la gastroplastie, l’alimentation hachée despremiers jours doit rapidement faire place à la prise de troispetits repas de texture normale et éventuellement d’unecollation qui seront consommés lentement après une mastica-tion prolongée.

Les principes de la diversification alimentaire avec une faibledensité énergétique et une grande densité nutritionnelle sontvalables après comme avant l’intervention sous réserve d’uneréintroduction progressive des aliments. Un recensementsoigneux des aliments non tolérés est fait afin de substituer lesmicronutriments importants dont ils sont les vecteurs. Lamultiplication des petits repas est déconseillée. Les boissonssont limitées au moment des repas.

Après CCG, la reprise de l’alimentation normale est différéepour permettre la cicatrisation du montage. Une alimentationsemi-liquide sans sucres ajoutés, hyposodée, fractionnée en 5 à6 prises est poursuivie pendant une semaine.

Le dépistage des carences et leur correction sont un autretemps du suivi nutritionnel. Une supplémentation systématiqueen folates est indiquée chez les femmes en âge de procréer. Un

bilan nutritionnel est souhaitable au début d’une grossesse(carences martiale et en vitamine B12 quasi constantes), chez lespersonnes âgées ou au décours d’une affection intercurrente.Pendant la grossesse, une supplémentation en folates, en fer eten vitamines B12 est proposée de façon systématique avec unesurveillance rapprochée de la situation digestive et du matérielimplanté.

La dénutrition protéique avec une perte de masse maigreexcessive ne doit pas être méconnue, même chez les sujetsencore obèses.

■ Clés du succès de la chirurgiebariatrique

La prise en charge du patient par une équipe multidiscipli-naire de référence ayant une réelle expertise dans le traitementde l’obésité est un élément important de réussite au même titrequ’une sélection rigoureuse des patients. La motivation dupatient doit être soutenue par une information insistant surl’importance du suivi médical, nutritionnel et psychologiqueavant, autant qu’après l’intervention. Les contraintes alimen-taires postintervention doivent être présentées comme condi-tionnelles au succès parce qu’elles sont le meilleur moyen deprévenir les complications tardives et les TCA. De fait, le succèsde la chirurgie bariatrique est conditionné pour une part nonnégligeable par l’aptitude du patient à modifier ses habitudesalimentaires et son mode de vie. L’éducation nutritionnelle estprimordiale.

■ ConclusionLa chirurgie bariatrique fait partie de la stratégie du traite-

ment de l’obésité massive ou compliquée résistant aux traite-ments conventionnels bien conduits [9, 14]. Elle apporte unbénéfice incontestable en termes de réduction pondérale etd’amélioration des comorbidités. Elle n’est pas anodine et nepeut être proposée qu’à des sujets sélectionnés suivant descritères rigoureux après un suivi médiconutritionnel et psycho-logique d’au moins un an, en résistant à l’excès d’enthousiasmedes patients et de leur médecin. La décision prise, l’interventionest réalisée par une équipe expérimentée. Le CCG et la DBP sontplus adaptés aux superobésités ; la GCA ou la GV paraissentparticulièrement indiquées en cas d’hyperphagie sans grignotagemais il n’existe pas d’étude coût/efficacité/risque démontrantformellement la supériorité d’un type d’intervention. Aprèsl’intervention, un suivi multidisciplinaire prolongé reste de miseafin de contrôler la perte pondérale et les carences et d’éviter lescomplications tardives fonctionnelles et nutritionnelles qui sontd’autant plus fréquentes et plus graves que le suivi est de

▲ Mise en garde

Contre-indications et non-indications de lachirurgie gastrique.• Troubles psychiatriques sévères.• Troubles du comportement alimentaire graves(boulimie, frénésie).• Conduites addictives (alcoolisme, toxicomanie).• Risque anesthésique majeur.• Obésité de cause curable.• IMC < 40.• IMC < 35 si comorbidité menaçant le pronostic vital oufonctionnel.• Enfants, adolescents.

▲ Mise en garde

Erreurs à ne pas commettre :• ne pas respecter les recommandations spécifiques ;• ne pas faire de bilan nutritionnel et d’accompagnementdiététique prolongé avant l’intervention ;• sélectionner des patients ayant d’importants troublesdu comportement alimentaire ;• sélectionner des patients souhaitant échapper auxcontraintes diététiques et d’activité physique ;• céder à l’enthousiasme d’un patient obèseinsuffisamment informé et engagé ;• s’adresser à une équipe n’ayant pas d’expérience dansle domaine de l’obésité ;• ne pas maintenir un suivi nutritionnel et psychologiqueprolongé après l’intervention.

Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites ¶ 3-0795

5Traité de Médecine Akos

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mauvaise qualité. La chirurgie bariatrique n’est pas un exercicechirurgical mais une intervention de type comportementalnécessitant une éducation du patient.

Le conseil alimentaire reste indispensable au long cours.Quelques points forts sont à rappeler sans relâche : mangerlentement, dans le calme, mastication lente de petites bouchées,fractionnement en 4 à 5 prises d’une alimentation de texturenormale n’excluant aucun aliment (en proposant seulement uneréduction des aliments mal tolérés), maintenir un apportprotéique satisfaisant même si la viande est mal tolérée, boire àdistance des repas.

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J.-L. Schlienger ([email protected]).Service de Médecine interne et nutrition, CHU Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Schlienger J.-L. Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité deMédecine Akos, 3-0795, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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3-0795 ¶ Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites

6 Traité de Médecine Akos

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Complications du diabète

C Sachon, A Grimaldi, A Heurtier

L e diabète est la première cause de cécité avant l’âge de 50 ans, de prise en charge en dialyse pour insuffisancerénale terminale, ou encore d’amputation des membres inférieurs. Cinquante pour cent des diabétiques

meurent d’insuffisance coronaire prématurée.Pourtant, un tiers à la moitié des complications du diabète pourraient être évités !© Elsevier, Paris.

■Introduction

Il faut distinguer les complications métaboliques (lescomas hypoglycémique, hyperosmolaire, acidocétosi-que et l’acidose lactique), les complicationsmicroangiopathiques (rétinopathie, néphropathie,neuropathie) , et enfin les complicationsmacroangiopathiques.

■Complications métaboliques

‚ Coma hypoglycémique

C’est une complication que l’on voit essentiellementau cours du diabète insulinodépendant (DID) traité parl’insuline.

Le coma hypoglycémique comporte essentielle-ment un risque traumatique, il est cependant gravechez l’enfant, le sujet âgé, l’alcoolique, l’insuffisantrénal et le sujet dénutri. Le traitement du comahypoglycémique repose sur l’injection intraveineuse(IV) d’une ou plusieurs ampoules de glucoséhypertonique à 30 %, suivie d’une perfusion deglucosé à 5 ou 10 % ou de l’injection intramusculaire(IM) de glucagon. Il n’y a, en principe, pas lieud’hospitaliser un diabétique insulinodépendant audécours du coma hypoglycémique, dans la mesure oùil ne présente pas de déficit neuropsychologique à lasortie de son coma, où il ne vit pas seul, si sonentourage sait injecter le glucagon. En revanche, il estnécessaire de rechercher avec lui la cause du comahypoglycémique.

Dans le cas d’un coma hypoglycémique chez undiabétique non insulinodépendant (DNID) traité parsulfamides hypoglycémiants, l’hospitalisation estindispensable car l’hypoglycémie risque deréapparaître quelques heures après le traitement initialen raison de la durée d’action prolongée dessulfamides hypoglycémiants. Le glucagon est contre-indiqué chez le diabétique non insulinodépendanttraité par sulfamides hypoglycémiants, car le glucagonconserve son effet insulinosécréteur, et risque doncd’aggraver l’hypoglycémie. Le traitement repose surune à plusieurs ampoules de G30 en IV et d’uneperfusion de glucosé à 5 ou 10 %, qui doit être mise enplace pendant 24 à 48 heures. Il faudra bien sûr revoirle traitement du malade et diminuer les sulfamides à lasortie de l’hôpital.

‚ Coma hyperosmolaire

Ce coma, avec déshydratation massive, metplusieurs jours à s’installer ; il peut toujours êtreprévenu à la phase initiale associant hyperglycémie ethyponatrémie, c’est-à-dire lorsque l’osmolarité estencore normale ou peu élevée. Il suffit alors deprescrire une hydratation par des boissonsabondantes et une insulinothérapie sous-cutanée àfaible dose, en assurant parallèlement une surveillancequotidienne, voire pluriquotidienne, urinaire etsanguine. Lors du coma, la déshydratation est massiveet nécessite généralement 8 à 12 L de perfusion en 24heures.

Physiopathologie

Ce coma survient généralement chez des sujetsâgés, diabétiques non insulinodépendants connus, ouparfois même chez des sujets dont le diabète n’est pasconnu. Une infection (bronchite, grippe), une diarrhéeou une prise de corticoïdes sont responsables d’unehyperglycémie importante avec apparition d’unepolyurie. Le sujet âgé perçoit mal la soif et ne boit passuffisamment. En conséquence, se développe unedéshydratation extracellulaire avec hypotensionartérielle et insuffisance rénale fonctionnelle. Au début,l’hyperglycémie entraîne une hyperosmolaritéextracellulaire responsable d’une sortie d’eau et depotassium du secteur cellulaire. L’osmolarité estnormale, l’ionogramme sanguin montre unehyperglycémie, une hyponatrémie et une hyperkalié-mie. Dans un deuxième temps s’installe uneinsuffisance rénale fonctionnelle, la polyurie n’est plusvraiment osmotique, la natriurèse diminue, lanatrémie s’élève, l’osmolarité augmente, accentuant ladéshydratation intracellulaire responsable de troublesde la conscience. On parle de coma hyperosmolaire

lorsque l’osmolarité calculée dépasse 350 mOsm/L,selon la formule : osmolarité = (Na + 13) 2 + glycémieen mmol/L (N = 310 mOsm/L).

La présence d’une cétonurie à + ou ++ n’éliminepas le diagnostic de coma hyperosmolaire qui reposesur le calcul de l’osmolarité.

Il est essentiel de penser systématiquement à lapossibilité d’un coma hyperosmolaire chez un sujetâgé prenant des traitements corticoïdes ou diurétiques.Une surveillance systématique de la glycémie, de laglycosurie et du bilan hydrique est nécessaire etsuffisante pour éviter le coma hyperosmolaire. S’il serencontre essentiellement chez le vieillard, le comahyperosmolaire peut se détecter chez les jeunesAntillais, grands consommateurs de boissons sucrées.

Traitement

Il repose sur une hydratation importante, de 8 à12 L/ 24 heures, en commençant par 2 L de sérumphysiologique en 2 heures.

La diurèse est l’élément de surveillance essentiel, eneffet, si le malade n’urine pas malgré uneréhydratation intensive, il faut le transférer en servicede réanimation.

Une insulinothérapie intraveineuse doit êtreprescrite.

Il faut bien sûr traiter également la causedéclenchante, et le plus souvent prescrire uneantibiothérapie à large spectre après avoir réalisé lesprélèvements locaux et des hémocultures.

Enfin, peut-être l’élément le plus important dutraitement est la prévention des complicationssecondaires à la déshydratation massive et àl’alitement. Ces complications sont en effetresponsables du décès dans 20 à 30 % des cas.

‚ Coma acidocétosique

I l complique le plus souvent le diabèteinsulinodépendant, mais peut s’observer dans 10 à15 % des cas lors du diabète non insulinodépendant,en situation de stress biologique (accidentcardiovasculaire, intervention chirurgicale ou infectionsévère avec hypersécrétion de catécholamines et deglucagon).

Pièges de l’acidocétose

L’acidocétose peut être souvent confondue avecune gastroentérite devant un syndrome abdominalavec douleurs et vomissements. Elle peut simulerune pneumopathie en raison d’un tableaud’hyperpnée lié à l’acidose métabolique. Elle peutenfin s’accompagner d’une asthénie intense avec

Traitement du coma hypoglycémique✔ DIDUne ou plusieurs ampoules de G30 enIV ou une injection IM. (ou mêmesous-cutanée) de glucagon, suivie sibesoin est d’une deuxième 10 minutesplus tard.✔ DNIDUne ou plusieurs ampoules de G30 enIV.Hospitalisation : perfusion de G5 ouG10 pendant 24 à 48 heures.

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crampes et troubles de la vue. Devant de telstableaux, il faut savoir, en particulier chez lediabétique insulinodépendant déjà connu, mesurerla glycémie capillaire. Si elle est supérieure ou égale à3 g/L, il faut aussitôt rechercher l’acétone dans lesurines. Lorsque l’acidocétose complique un diabèteinsulinodépendant déjà connu, il s’agit, le plussouvent, d’une erreur de raisonnement lors d’unepathologie infectieuse intercurrente. Le maladen’ayant pas faim arrête son insulinothérapie, ou dumoins la diminue de façon importante pour évitertout risque d’hypoglycémie. La cétose aggrave letableau digestif, le malade mange encore moins etdiminue encore son insuline, ce qui conduit àl’acidocétose métabolique. Le diabétique doit êtreéduqué, en cas de maladie intercurrente, à surveillersa glycémie très régulièrement, toutes les 3 heures, età rechercher l’acétone dans ses urines si sa glycémieest supérieure ou égale à 2,50 g/L avant les repas. Sison hyperglycémie s’accompagne de cétonurie à +ou ++, il doit faire immédiatemment dessuppléments d’insuline rapide, entre 4 et 10 unitésselon ses doses d’insuline antérieures. Ce sont lesrésultats glycémiques et cétonuriques qui guident lesdoses d’insuline à injecter, et non les apportsalimentaires. Si le patient ne peut rien avaler, afortiori s’il vomit, il doit être hospitalisé en urgence defaçon à être mis sous perfusion, avec insulinothéra-pie intraveineuse. Lors de l’éducation desdiabétiques insulinodépendants, il est primordial deleur apprendre que l’insulinosécrétion estpermanente chez le sujet non diabétique, même enl’absence de repas.

Traitement

L’hydratation : environ 6 L en 24 heures, dont lamoitié doit passer pendant les 6 premières heures.

L’insulinothérapie est de l’ordre de 10 unitésd’insuline rapide à l’heure en intraveineuse, tantque persiste la cétose. Lors de la disparition de lacétose, le traitement par injection sous-cutanéepeut être repris.

L’apport de potassium est essentiel, en effet, lacorrection de l’acidose et la prescription d’insulinearrêtent la sortie du potassium de la cellule et induisentau contraire une rentrée intracellulaire du potassium.La diurèse osmotique et les éventuels vomissementsaggravent l’hypokaliémie. Le potassium doit donc êtrerajouté dans les perfusions, le plus souvent à partir du3e L d’hydratation, dès que la kaliémie atteint 4 mEq/L.

Le traitement de la cause déclenchante estimpératif, une antibiothérapie doit être mise en routeau moindre doute de cause infectieuse.

‚ Acidose lactique

Elle s’observe essentiellement lors du non-respect des contre-indications des biguanides :Glucophaget, Stagidt et Glucinant. Elle estredoutable car elle entraîne le décès dans 50 %des cas. Par précaution, les biguanides doiventêtre systématiquement arrêtés 2 jours avant touteanesthésie générale et 2 jours avant uneradiographie comportant une injection d’iode(urographie intraveineuse, angiographie, scanneravec injection...). En revanche, il n’y a pas lieud’arrêter les biguanides lors de l’angiographierétinienne à la fluorescéine. Il est indispensabled’arrêter les biguanides chez un diabétiqueprésentant un syndrome infectieux sévère, unaccident cardiovasculaire ou devant être opéré.En cas d’acidose lactique, le malade doit êtreimmédiatement transféré en réanimation pourépuration extrarénale.

Traitement du coma hyperosmolaire✔ Réhydratation : 2 L en 2 heures,1 L en 2 heures, 1 L toutes les3 heures (sérum physiologique à9 ‰ jusqu’au 3e L compris, glucoséà 2,5 % ou sérum physiologique à4,5 ‰ ensuite, substituts du plasmaen cas d’hypotension).✔ Chlorure de potassium à partir du3e L de perfusion et après résultat del’ionogramme sanguin (sauf sioligoanurie).✔ Insulinothérapie : 10 unités/hjusqu’à glycémie≤ 13,75 mmol/L(2,50 g/L), puis 3 ou 4 unités/h.Antibiotiques si besoin aprèshémocultures.✔ Héparine de bas poids moléculaireà doses préventives (Fraxiparinet :0,3 mL, ou Lovenoxt : 0,4 mL).✔ Humidification bronchique,aspiration pharyngée, soins de lacavité buccale.✔Protection des conjonctives : collyreantiseptique, sérum physiologique.✔ Lit fluidisé, soins antiescarres.✔ Surveillance toutes les heures :conscience, poids, tension artérielle(TA), diurèse, glycémie.✔Surveillance toutes les 4 heures :ionogramme sanguin,électrocardiogramme (ECG), glycémie.

Il faut penser à l’acidocétose chez unDID devant :une gastroentérite,une hyperpnée,une asthénie intense avec crampes.✔ Conduite à tenirMesurer la glycémie capillaire.Si elle est≥ 3 g/L, rechercher lacétonurie.✔ Causes de l’acidocétose chez leDIDDiminution importante, voire arrêt, del’insulinothérapie par crainte du comahypoglycémique lors d’une pathologieinfectieuse avec baisse de l’appétit.Arrêt d’insuline en cas de problèmespsychologiques graves.Panne de pompe à insuline.

Traitement de l’acidocétose diabétiquesévère✔ InsulinothérapieDix unités/h par voie intraveineuse.Après disparition de la cétose :injections sous-cutanées toutes les3 heures en fonction de la glycémiecapillaire (après avoir fait une injectionintraveineuse de 10 unités en mêmetemps que l’injection sous-cutanée pouréviter tout hiatus insulinique).✔ Réhydratation : 1 L en 1 heure, 1 Len 2 heures, 1 L en 3 heures, 1 Ltoutes les 4 heures (500 mL à 1 L debicarbonate isoosmotique à 14 ‰ si lepH est≤ 7, puis 1 à 2 L desérumphysiologique à 9 ‰, puis du glucoséisotonique avec 4 g de NaCl et 4 g deKCl/L).Le potassium est apporté à partir du3e L après contrôle de l’ionogrammesanguin, de l’ECG et en surveillant ladiurèse. On ne doit pas dépasser 2 g deKCl en 1 heure.✔ Si besoin est, antibiothérapie IVaprès hémoculture et prélèvementslocaux, en adaptant la posologie àl’insuffisance rénale fonctionnellefréquente.Si besoin est héparine de bas poidsmoléculaire à doses préventives.✔ SurveillanceToutes les heures : conscience,fréquence respiratoire, pouls, TA,diurèse, température, cétonurie,glycémie capillaire.Toutes les 4 heures : ionogrammesanguin, glycémie, réserve alcaline,ECG.

Contre-indications des biguanides(Glucophaget, Stagidt, Glucinant)Insuffisance rénale (créatininémie>150µmol/L ou clairance de lacréatinine< 60 mL/min.Alcoolisme, insuffisancehépatocellulaire.Insuffisance cardiaque évolutive.Insuffisance respiratoire.Apnée du sommeil.Sida.Greffe rénale, hépatique ou cardiaque.Calcul de la clairance de la créatinineselon la formule de CockroftClairance de la créatinine (mL/min) =(140 – âge) x (poids en kg)/créatininémie (µmol/L) x 1,25 chezl’homme.✔ Règles d’arrêt des biguanidesDeux jours avant une anesthésiegénérale ou une radio avec injectiond’iode.Aussitôt devant un syndromeinfectieux sévère ou devant unaccident cardiovasculaire ourespiratoire.

3-0850 - Complications du diabète

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■Microangiopathie diabétique

La classique triopathie diabétique regroupe larétinopathie, la néphropathie et la neuropathiediabétique. Il est aujourd’hui prouvé que l’équilibre dudiabète, grâce à une insulinothérapie optimisée,permet d’en prévenir l’apparition ou d’en freinerl’évolution.

La survenue et l’évolutivité des complications sontétroitement corrélées à la durée du diabète et au degréd’équilibre glycémique. Lorsque les complications ontdéjà évoluées, il n’est pas possible de les faire régressermalgré un équilibre glycémique parfait, on peut dumoins en freiner l’aggravation. Il faut cependant êtreprudent car l’amélioration trop rapide de l’équilibremétabolique peut initialement être responsable d’uneaggravation de la neuropathie et de la rétinopathie.

Les risques de rétinopathie et de glomérulopathiene sont pas équivalents. En effet, près de 50 % desdiabétiques insulinodépendants développent unerétinopathie sévère, seulement la moitié d’entre euxprésentent une glomérulopathie clinique. L’incidenceannuelle de la rétinopathie sévère reste stable, environ3 % après 20 ans de diabète, celle de la glomérulopa-thie s’effondre après 20 ans de diabète pour tomber à3 ‰ après 30 ans d’évolution. Il existe donc desfacteurs de protection ou de susceptibilité de l’atteinteglomérulaire. Ces facteurs sont essentiellement d’ordregénétique.

‚ Rétinopathie diabétiqueElle reste la première cause de cécité dans les pays

développés, chez les sujets de 20 à 60 ans, et cemalgré un traitement par photocoagulation au laserdont les indications sont aujourd’hui parfaitementprécisées.

Dépistage

La rétinopathie diabétique se développe sans que lemalade ne perçoive de symptôme. La baisse del’acuité visuelle témoigne de lésions très avancées.Tout malade diabétique doit donc être informé sur lerisque de rétinopathie et éduqué sur la nécessité dudépistage des lésions rétiniennes par l’examensystématique annuel du fond d’œil.

Lors du diagnostic du diabète non insulinodépen-dant, il existe déjà, dans 10 à 20 % des cas, unerétinopathie diabétique. Il est donc indispensable, dèsle diagnostic de diabète non insulinodépendant,d’effectuer une angiographie rétinienne à la recherchede lésion. Dans le cadre du diabète insulinodépendant,où le début est brutal, on peut se contenter, pendant

plusieurs années, d’un simple fond d’œil ,l’angiographie rétinienne n’étant généralementproposée qu’après 5 ans d’évolution de la maladie.

Formes cliniques

La rétinopathie diabétique évolue selon deuxmodes : l’ischémie et l’œdème.

■ L’ischémie se caractérise par les territoires nonperfusés vus à l’angiographie, les hémorragiesintrarétiniennes, les nodules cotonneux, les anomaliesdu calibre veineux et les néovaisseaux intrarétiniens,puis prérétiniens, notamment prépapillaires,responsables d’hémorragies intravitréennes. Cesnéovaisseaux sont responsables du développementd’une fibrose gliale, qui entraîne un décollement derétine.

■ L’œdème peut être responsable d’exsudats durs,qui prédominent au pôle postérieur. Une des causesde perte de l’acuité visuelle du diabétique est lamaculopathie œdémateuse, dont le développementest corrélé à l’équilibre glycémique et à la pressionartérielle diastolique. L’œdème maculaire est plusfréquent au cours des rétinopathies proliférantes. Dansle diabète de type II, il est souvent plus étendu et plusmal toléré, avec une baisse importante de l’acuitévisuelle.

Traitement

Il faut souligner avant tout l’importance de laprévention de la rétinopathie diabétique grâce àl’équilibre glycémique, avec une moyenne glycémiqueinférieure à 1,60 g/L, soit une hémoglobine A1C

inférieure ou égale à 7,5 % (N : 4-5,6 %), et letraitement de l’hypertension artérielle (HTA), avec,pour objectif, une pression artérielle inférieure à130/80 mmHg.

Enfin, au stade de rétinopathie proliférantedébutante, un traitement par laser doit être proposé.La maculopathie œdémateuse doit égalementbénéficier d’un traitement par laser. Il s’agit parfoisd’un traitement difficile lorsque les lésions àphotocoaguler se trouvent près de la région fovéolaire.

‚ Néphropathie diabétiqueSa principale manifestation est l’augmentation de

l’albuminurie.

Glomérulopathie incipiens

Elle se définit par la microalbuminurie positive. Eneffet, on parle de glomérulopathie incipiens lorsquel’albuminurie se situe entre 30 et 300 mg/24 h ou 20 à200 µg/min, ou encore 20 à 200 mg/L. Le recueil desurines peut se faire sur 24 heures, sur la nuit, ou encoresur simple miction. On ne parle de néphropathieincipiens que si cette microalbuminurie est retrouvéeau moins à deux dosages. Une microalbuminuriepositive ne signifie toutefois pas systématiquementnéphropathie incipiens, il faut éliminer d’autres causesde microalbuminurie augmentée : infection urinaire,

L’équilibre glycémique grâce à uneinsulinothérapie optimisée permet deprévenir les complications demicroangiopathie et d’en freinerl’évolution.

L’objectif glycémique de prévention dela microangiopathie n’est pas lanormoglycémie.On peut prévenir la microangiopathiesévère grâce à une HbA1C ≤ 7,5 % (N :4 à 5,6), soit une moyenne glycémique≤ 1,60 g/L.

Environ 30 % des diabétiques sontatteints d’œdème maculaire après20 ans d’évolution de la maladie.

HTA et microangiopathieL’HTA aggrave la rétinopathie et laglomérulopathie.Objectif tensionnel< 130/80 mmHg.

✔ Classification de la rétinopathiediabétiqueAbsence de rétinopathie.Rétinopathie diabétique nonproliférante minime, modérée, sévère.Rétinopathie préproliférante.Rétinopathie proliférante, débutante,modérée, sévère.Maculopathie ischémique, œdémateusefocale, œdémateuse diffuse cystoïde,œdémateuse diffuse non cystoïde.L’examen du fond d’œil doit êtredemandé systématiquement chaqueannée par le médecin traitant.L’angiograhie rétinienne estdemandée par l’ophtalmologiste.Elle est systématique lors de ladécouverte d’un diabète noninsulinodépendant.Elle est effectuée environ 5 ans aprèsle début du diabète insulinodépendant.Elle est demandée à titre systématiquetous les 3 ans environ, lorsque le fondd’œil est normal.✔ Demande d’examen ophtalmo-logique, renseignementsà fournirDate du début du diabète.Qualité de l’équilibre glycémique :bon, moyen, mauvais, très mauvais.Pression artérielle : traitementéventuel.Existence ou non d’une néphropathie.Programmation d’une grossesse oucontraception à préciser.Conseils au diabétique qui va enconsultation d’ophtalmologieL’examen ne nécessite pas d’être àjeun.S’y rendre par les transports encommun ou accompagné, en effet,il est difficile de conduire pupillesdilatées.Se munir de lunettes de soleil pouratténuer l’éblouissement.Il arrive que l’injection de fluorescéineprovoque des nausées, il faut lesignaler dans la mesure où il estpossible d’atténuer ces symptômes(Primpérant...).Après l’examen, les urines sontfluorescentes, le produit y est éliminé.Comment apprécier la qualité del’examen ophtalmologique ?Le fond d’œil doit avoir été examinéaprès dilatation pupillaire.Le compte rendu doit être détaillé etpréciser l’état de la macula.L’indication ou non d’uneangiographie doit être précisée.La tension oculaire doit avoir étémesurée.

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lithiase rénale, déséquilibre aigu du diabète... En cas denéphropathie incipiens, le plus souvent, il existe unerétinopathie diabétique associée, la pression artériellequant à elle est normale mais commence déjà às’élever. Devant une néphropathie incipiens, il fautrechercher un équilibre parfait du diabète, traiter parinhibiteurs de l’enzyme de conversion pour protéger le

rein, et obtenir une pression artérielle inférieure à130/80 mmHg. Chez le diabétique non insulinodépen-dant âgé de plus de 50 ans, la microalbuminurieélevée n’a pas la même signification que chez lediabétique insulinodépendant ou lorsque le diabétiquenon insulinodépendant est jeune, âgé de moins de 30ans. En effet, chez le diabétique non insulinodépen-dant de plus de 50 ans, la microalbuminurie positivedoit être considérée comme un marqueur de risquevasculaire avec risque de mortalité coronarienne dansles 10 ans multiplié par trois.

Glomérulopathie patente

On parle de néphropathie diabétique patentelorsque l’albuminurie dépasse 300 mg/24 h. En règle,il existe une rétinopathie diabétique associée, le plussouvent sévère. S’il n’en existe pas, il y a lieu dedemander l’avis d’un néphrologue, qui décideraéventuellement d’une ponction biopsie rénale pourconfirmer le diagnostic. Il faut bien sûr vérifier avantl’absence d’autres pathologies uronéphrologiques (lataille des reins est normale et l’échographie ne révèlepas d’anomalie des voies urinaires en cas denéphropathie diabétique). Au stade de néphropathiepatente, la clairance glomérulaire décroîtinexorablement, avec une moyenne de 1 mL/min/mois, ce qui mène à l’épuration extrarénale en7 ans environ. Cette évolution inexorable peut êtreralentie grâce au traitement antihypertenseur, avec,pour objectif, une pression artérielle inférieure à140/90 mmHg. Les inhibiteurs de l’enzyme deconversion sont actuellement les antihypertenseurs deréférence en cas de néphropathie diabétique. En casde néphropathie sévère, il existe un risque importantd’hypoglycémie, il faut donc être prudent et nerechercher qu’un équilibre glycémique acceptable,avec une glycémie moyenne inférieure à 2 g/L. Sur leplan diététique, il est souhaitable de proposer unrégime modérément hypoprotidique, c’est-à-dire de laviande et du fromage à un repas sur deux seulement.La correction de l’hyperlipidémie est égalementsouhaitable, soit par fibrates, soit par inhibiteur del’HMG Co-A (hydroxy-36 méthyl glutaryl coenzyme Aréductase). Il faudra bien sûr éviter les médicamentsnéphrotoxiques et être très prudent si uneradiographie avec injection de produit iodé estnécessaire. Chez le diabétique non insulinodépendant,les biguanides sont formellement contre-indiqués dèsque la clairance de la créatinine est inférieure à 50mL/min, quant aux sulfamides, le seul autorisé reste leGlibénèset lorsque la clairance devient inférieure à 50mL/min, en raison de sa demi-vie courte.

Infections urinaires

Leur diagnostic repose sur l’examencytobactériologique des urines (ECBU). Uneconcentration égale ou supérieure à 105

germes/mL affirme l’infection urinaire, lesleucocytes altérés affirment la pyurie. L’antibio-gramme doit toujours être effectué, le traitementdoit comporter une antibiothérapie pendant8 jours avec contrôle de la normalisation del’ECBU. Douleurs lombaires, fièvre ou récidiveavec le même germe doivent faire suspecter uneatteinte parenchymateuse rénale. Chez l’homme,

il faut rechercher une prostatite qui nécessitera untraitement antibiotique adapté d’au moins 4semaines.

‚ Neuropathie diabétique

Sa survenue dépend de l’équilibre glycémique et dela durée du diabète.

Les cinq stades de la néphropathiediabétique✔ Stade 1 : néphropathiefonctionnelle.Augmentation de la taille des reins etdu volume glomérulaire.Augmentation de la filtrationglomérulaire de 20 à 40 %.TA normale.Microalbuminurie normale.✔ Stade 2 : lésions rénaleshistologiques sans traductionclinique.✔ Stade 3 : néphropathie incipiens.Augmentation de la filtrationglomérulaire.Augmentation de l’albuminuriesupérieure à 20µg/min.Augmentation annuelle de la pressionartérielle de 3 à 4mmHg.✔ Stade 4 : néphropathie clinique.Dépôts mésangiaux nodulaires diffus.Hyalinose artériolaire.Diminution de la filtrationglomérulaire.Protéinurie croissante.HTA supérieure à 140/90 mmHg.✔ Stade 5 : insuffisance rénaleterminale.Obstruction glomérulaire.Filtration glomérulaire inférieure à10 mL/min.HTA volodépendante.✔ Néphropathie incipiensMicroalbuminurie supérieure à20 µg/min, à plusieurs reprises, en-dehors de toute autre pathologienéphrologique (lithiases rénales,infection urinaire...).✔ TraitementÉquilibre parfait du diabète.Hémoglobine A1C (inférieure à 7,5 %).Inhibiteurs de l’enzyme de conversion.Éventuellement, régimehypoprotidique 0,8/kg/j.✔ Données épidémiologiquesTreize pour cent des dialysés enFrance sont diabétiques.Trente pour cent des dialysés auxÉtas-Unis, dans les pays scandinaveset à la Réunion sont diabétiques.Soixante à quatre-vingts pour cent desdiabétiques dialysés sont desdiabétiques non insulinodépendants.

Lorsque la clairance est inférieure à30 mL/min, les antidiabétiques orauxsont formellement contre-indiqués, etl’insulinothérapie est le seul traitementpossible.

✔ Urographie intraveineuse etinfection urinaireElle est indispensable chez les femmesde plus 50 ans présentant desinfections urinaires récidivantes,et chez l’homme.✔ Diagnostic de pyélonéphrite aiguëDevant une infection urinaire avecdouleurs lombaires et fièvre, l’examenapproprié pour porter le diagnostic depyélonéphrite, semble être celui de latomodensitométrie avec injectiond’iode, suivi de clichés urographiques.✔ Néphropathie due au produit decontraste iodéLorsque la créatinine est supérieure à135µmol/L, il existe un risqued’insuffisance rénale aiguë lorsd’injection de produits iodés.Créatinine Incidence< 135µmol/L environ 0entre 135 et 180µmol/L 50 %entre 180 et 360µmol/L 75 %≥ à 360µmol/L 95 %✔ Précautions à prendre pour réaliserune radiographie avec injection deproduit de contraste iodé chez undiabétiqueVérifier la créatininémie.Arrêter, si possible avant l’examen, lesdiurétiques, les inhibiteurs de l’enzymede conversion, les médicamentsnéphrotoxiques types anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)et aminosides. Ne les reprendrequ’après contrôle de la créatininémie48 heures après l’examen.Les biguanides (Glucophaget, Stagidtet Glucinant) doivent êtreimpérativement arrêtés 48 heuresavant, jusqu’à 48 heures aprèsl’examen.Hydrater le malade selon la fonctionrénale. Si la fonction rénale estanormale, il convient de perfuser 1 Lde sérum physiologique isotonique 8 à12 heures avant l’examen, et 500 mLdans les 3 heures qui suiventl’examen.Chez le DID, le sérum physiologiquesera remplacé par du G5 lors dudépart du malade à l’examen,l’insuline retard sera normalementinjectée.

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L’âge supérieur à 50 ans, le sexe masculin et lagrande taille sont des facteurs de susceptibilité.

Mononeuropathies et mononeuropathiesmultiples

On distingue cruralgie et méralgie paresthésique auniveau des membres inférieurs, et atteinte des nerfsoculomoteurs, plus particulièrement du 3 et du 6. Lorsde l’atteinte du 3, la réactivité pupillaire est normale.Quant à l’amyotrophie diabétique proximale, ellesurvient essentiellement chez les diabétiques noninsulinodépendants de plus de 50 ans. Le pronostic deces atteintes est en général bon, quelle que soit lanature du traitement.

Polyneuropathies diabétiques

Elles sont beaucoup plus fréquentes. Leurtopographie est habituellement distale, en chaussettes,avec, rarement, atteinte des membres supérieurs. Lesréflexes sont abolis, plus particulièrement lesachilléens, la sensibilité profonde est altérée, avecdiminution de la sensibilité vibratoire au diapason ; ilexiste des troubles de la sensibilité superficielle tactile,thermique et douloureuse. Enfin, on observe une perte

de la sensibilité à la douleur, qui joue un rôle essentieldans la pathogénie des ulcérations trophiques du pied.

Neuropathie végétative

¶ Manifestations cardiovasculaires et sudoralesOn peut dépister précocement une dénerva-

tion cardiaque parasympathique par étude desvariations de la fréquence cardiaque lors de larespiration profonde, lors de la manœuvre deValsalva et lors du passage de la position couchéeà la position debout. L’hypotension orthostatiquetémoigne d’une dénervation sympathiquepériphérique.

¶ Manifestations urogénitalesL’impuissance atteindrait 30 % des diabétiques. Elle

peut toutefois être exclusivement d’origine psychique.L’atteinte vésicale est fréquente, on retrouve unealtération de la débitmétrie urinaire.

La gastroparésie diabétique peut se traduire par destroubles digestifs postprandiaux immédiats, avecsensation de satiété, pesanteur épigastrique, nausées,éructations malodorantes. L’achlorhydrie quil’accompagne peut favoriser une pullulationmicrobienne participant à la pathogénie de la diarrhéediabétique.

Traitement de la neuropathie diabétique

Il repose tout d’abord sur l’équilibre dudiabète aussi parfait que possible, par multi-injections d’insuline, voire même par pompe àinsuline. Pour le traitement de la douleur, desantalgiques banals ou les AINS peuvent êtreutilisés. Ensuite, les antiépileptiques sontproposés, surtout efficaces en cas de douleurfulgurante. Certains antidépresseurs ont uneffet antalgique.

■Complications

macroangiopathiques

Soixante-quinze pour cent des diabétiquesdécèdent des complications de l’athérosclérose.

‚ Particularités cliniques de lamacroangiopathie diabétique

La survenue d’une athérosclérose précoces’observe essentiellement dans deux situationscliniques.

■ Chez les diabétiques insulinodépendants ounon, atteints d’une glomérulopathie diabétique, elle-même, le plus souvent, associée à une rétinopathiesévère. Chez ces patients, parallèlement àl’albuminurie supérieure à 300 mg/24 h et au déclinprogressif de la fonction glomérulaire, on constate uneHTA, une dyslipidémie et une tendance thrombogène.L’ensemble constitue une véritable angiopathiemaligne. L’atteinte rénale multiplie par dix les risquesde mortalité coronarienne et d’amputation desmembres inférieurs chez ces patients.

■ Chez les diabétiques non insulinodépendantsavec obésité androïde d’aspect pseudo-cushingoïde.Chez les femmes, l’obésité androïde correspond à unrapport taille/hanches > 0,80, chez l’homme, cerapport est > 0,95. Ces patients présentent une graisseviscérale importante par contraste, avec une graissesous-cutanée abdominale peu développée, une HTAsévère, une dyslipidémie (triglycérides élevés, HDL-cholestérol diminué) et un risque d’insuffisancecoronaire très élevé.

‚ Particularités des complications del’athérosclérose chez le diabétique

■ Les accidents vasculaires cérébraux entraînentplus souvent des micro-infarctus responsables delacunes, en particulier s’il existe une HTA.

■ L’ischémie myocardique est deux à trois fois plussouvent indolore, sans toutefois être asymptomatique.

L’infarctus du myocarde est souvent responsabled’une insuffisance cardiaque séquellaire chez lediabétique, en particulier chez la femme.

Le traitement de l’infarctus ne diffère pas de celuides non diabétiques. Les antidiabétiques oraux sontarrêtés et remplacés par l’insuline, au moinstransitoirement, avec un objectif glycémique de1,60 g/L environ.

■ L’artérite des membres inférieurs : la claudicationintermittente est souvent absente en raison d’une

✔ L’électromyogramme est le plussouvent inutile pour le diagnostic etla surveillance de la neuropathiediabétique, car il ne permet pasd’explorer les fibres de la douleur.✔ Traitement de la gastroparésiediabétiqueFractionnement des repas en évitantles aliments riches en fibres.Médicaments prokinétiques :Primpérant, Motiliumt, Prepulsidt,Érythrocinet (250 mg per os avant lesrepas).NB : l’association Érythrocinet-Prepulsidt est formellement contre-indiquée en raison d’un risqued’allongement de l’espace QT.✔ Causes de diarrhée chez lediabétiquePrise de biguanides.Pancréatite chronique.Hyperthyroïdie.Maladie cœliaque.Diarrhée diabétique impérieuse,postprandiale évoluant par poussées dequelques jours avec retour à un transitnormal, voire constipation.✔ Traitement de la diarrhée diabétiqueAntibiotiques à large spectre (cyclinesou amoxycilline).Métronidazole : Flagylt.Ralentisseurs du transit, lopéramide :Imodiumt.Chélateur des sels biliaires :Questrant.✔ Médicaments aggravantl’impuissanceBêtabloquants, diurétiques et autresantihypertenseurs.Fibrates.Médicaments à visée neuropsychique.

✔ Traitement de la douleur desneuropathies diabétiquesdouloureusesRechercher le meilleur équilibrepossible du diabète, si besoin est avecinsulinothérapie par multi-injections,voire pompe à insuline.Utilisation d’antalgiques usuels(paracétamol, acide salycilique, AINS).Utilisation d’antidépresseurstricycliques en commençant par uneposologie de 10 à 25 mg/j le soir, avecaugmentation progressive des doses.La dose d’entretien efficace se situehabituellement entre 50 et 100 mg/j, enrespectant les contre-indications : blocauriculoventriculaire du 2e degré,hypotension orthostatique sympto-matique, adénome prostatique avecrisque de rétention aiguë d’urines,glaucome à angle fermé.Utilisation d’antidépresseurs nontricycliques, qui ont moins d’effetssecondaires.Utilisation d’anticonvulsivants typeTégrétolt, Di-hydant, et surtoutRivotrilt, dont la posologie doit êtreadaptée à partir d’une dose de départde 0,5 mg/j.

La mortalité liée à l’athérosclérose estmultipliée par deux chez le diabétiquepar rapport au non diabétique.

Il faut penser à un infarctus dumyocarde chez le diabétique devant :des troubles digestifs, avec parfoisdouleurs épigastriques,une asthénie importante,une dyspnée d’effort,des troubles du rythme cardiaque,un déséquilibre inexpliqué du diabète,une simple baisse de la pressionartérielle.

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neuropathie associée. L’artérite des membresinférieurs se caractérise chez le diabétique par satopographie.

Toutefois, même lorsque l’artérite est distale, uneartère au-dessous de la cheville reste le plus souventperméable.

‚ Prévention de la macroangiopathieElle repose sur le traitement des facteurs de risque.■ Recherche d’un bon équilibre glycémique avec

un objectif probablement plus strict que pour laprévention de la microangiopathie (moins de 1,20 g/Lavant les repas, moins de 1,40 g/L 2 heures après lesrepas). L’exercice physique et les biguanides (enl’absence de contre-indication) doivent permetttred’améliorer l’insulinorésistance.

■ Arrêt de l’intoxication tabagique. Une aideantitabac peut être proposée, mais sous-entend laprise de décision du patient d’arrêter de fumer.

■ Diminution des boissons alcoolisées.■ Traitement d’une dyslipidémie.■ Traitement de l’HTA

L’HTA est deux fois plus fréquente chez lediabétique que chez le non diabétique.

Chez le diabétique insulinodépendant, la pressionartérielle s’élève progressivement vers les valeurshautes de la normale, parallèlement à l’apparition dela microalbuminurie (néphropathie incipiens). Letraitement est indispensable dès ce stade, l’objectif estd’obtenir une pression artérielle inférieure à130/85 mmHg.

Au stade de néphropathie patente, on associeplusieurs antihypertenseurs, dont toujours undiurétique de l’anse. L’objectif est alors une pressionartérielle inférieure à 140/90 mmHg.

Au stade de néphropathie patente, le traitementpeut être gêné par une hypotension orthostatiquenécessitant une répartition des prises dans lenycthémère. L’objectif est alors une pression artérielleen position assise inférieure à 130/80 mmHg, sansmalaise orthostatique.

Chez le diabétique non insulinodépendant, il s’agitle plus souvent d’une HTA essentielle.

Actuellement, l’association IEC-inhibiteurs calciques(Ica) est très utilisée, ils n’ont pas d’effets métaboliques

délétères. Les bêtabloquants gardent leur indication encas d’insuffisance coronarienne. Les diurétiques àfaible dose n’ont pas d’effets métaboliques délétères.Ils doivent être systématiques dans toute prescriptioncomportant trois antihypertenseurs en raison de leurgrande synergie.

Claude Sachon : Diabétologue.André Grimaldi : Diabétologue.

Agnès Heurtier : Chef de clinique-assistant.Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Grimaldi et A Heurtier. Complications du diabète.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0850, 1998, 7 p

Topographie de l’artérite des membresinférieurs chez le diabétique.Dans un tiers des cas, elle estproximale, corrélée aux facteurs derisques classiques (HTA, hyperlipi-démie, tabac).Dans un tiers des cas, elle est distale,au-dessous du genou.Dans un tiers des cas, elle est globale.

La palpation d’un pouls pédieuxn’élimine pas l’existence d’une artéritesévère des axes jambiers sus-jacents.En cas d’artérite, il ne faut jamaisfaire d’amputation, même a minima,sans exploration vasculaire (mesure dela TcPO2, doppler, artériographie).Il est en effet indispensable d’évaluerles possibilités de revascularisation.

Objectifs lipidiques chez le diabétique adulteLDL-cholestérol< 1,30 g/L.Triglycérides< 1,50 g/L.HDL-cholestérol> 0,35 g/L chez l’homme.> 0,40 g/L chez la femme.Traitement de l’hypertriglycéridémie chez le diabétique :Équilibre du diabète.Réduction pondérale.Activité physique.Diminution voire arrêt des boissons alcoolisées.FibratesNB : chez l’insuffisant rénal, les fibrates doivent être prescrits avec prudence enraison du risque de néphrotoxicité.Les inhibiteurs de l’HMG Co-A peuvent être prescrits, en surveillant lestransaminases et les créatine-kinases, compte tenu du risque de rhabdomyolyse.

Les inhibiteurs de l’enzyme deconversion (IEC) ont un rôlespécifique de protection néphroniqueet sont les antihypertenseurs depremière intention chez les DIDprésentant une néphropathie incipiens.

✔ Traitement de l’HTA chez l’obèsediabétique ou intolérant auxhydrates de carboneMesures hygiénodiététiques.Activité physique. Une heure par jourou, à défaut, trois à quatre fois parsemaine.Antihypertenseurs métaboliquementneutres :µ1-bloquants, IEC, Ica.✔ Effets secondaires desantihypertenseurs particulièrementredoutés chez les diabétiquesRisque d’insuffisance coronaire :dihydralazine (Népressolt), prazosine(Minipresst, Alpresst).Risque d’aggravation del’hypoglycémie : bêtabloquants noncardiosélectifs.Risque d’hypotension orthostatique :diurétiques, antihypertenseurscentraux, vasodilatateurs.Risque d’hyperkaliémie : diurétiquesépargneurs de potassium,bêtabloquants non cardiosélectifs,IEC.Aggravation d’une insuffisancecardiaque : bêtabloquants, vérapamil(Isoptinet), benzothiazépine(Tildiemt).Œdème des membres inférieurs :dihydropyridines. Attention chez lesdiabétiques à risque podologique !Insuffisance rénale aiguë : IEC (etinhibiteurs des récepteurs del’angiotensine II) en casd’hypovolémie et de sténose bilatéraledes artères rénales.Toux : IEC.Constipation, pollakiurie : Isoptinet,Tildiemt.Impuissance : tous lesantihypertenseurs.Aggravation d’une artérite desmembres inférieurs : bêtabloquantsnon cardiosélectifs.

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R é f é r e n c e s

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[5] The diabetes control and complications trial research group. The effect ofdiabetes on the development and progression of long term complications in insulin-dependent diabetes mellitus.N Engl J Med1993 ; 329 : 977-986

[6] The relationship of glycemic exposure (HbA 1c) to the risk of developmentand progression of retinopathy in the diabetes control and complications trial.Diabetes1995 ; 44 : 968-983

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Diabète non insulinodépendant

C Sachon, A Grimaldi, N Masseboeuf, E Corset

L e traitement du diabète non insulinodépendant (DNID) a connu quatre évolutions. La diététique n’est nihypoglycémique ni hypolipidique ; il est tout aussi essentiel de combattre l’insulinorésistance grâce à une

activité physique quotidienne et à la prescription de médicaments insulinosensibilisants ; en cas d’échec, on a recoursplus précocement à l’insulinothérapie associée aux hypoglycémiants oraux ; le malade doit devenir son proprethérapeute grâce à une autosurveillance glycémique. Le médecin quitte alors son rôle de prescripteur etd’ordonnateur pour celui de conseiller et d’éducateur.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le DNID résulte d’une insulinorésistance et d’uneinsulinodéficience.

Au cours des années précédant le DNID, il existeun hyperinsulinisme consécutif à une insulinorésis-tance, essentiellement musculaire. Après cette phased’hyperinsulinisme euglycémique, l’insulinosécrétiondécroît , et la glycémie à jeun augmenteprogressivement. L’insulinodéficience devientabsolue lorsque la glycémie à jeun atteint 2 g/L.L’insulinorésistance responsable du diabète a troiscomposantes.

Une composante génétique, retrouvée chez lesenfants ayant une tolérance glucidique strictementnormale, mais dont les parents sont diabétiques noninsulinodépendants.

Une composante hémodynamique, marquée parune diminution de la densité capillaire musculairequi pourrait être responsable à la fois d’uneaugmentation des résistances vasculaires favorisantl’hypertension artérielle et d’une insulinorésistance.

Une composante métabolique secondaire à lalipo-oxydation due à l’obésité et plus particuliè-rement à l’excès de tissu adipeux viscéral libérantune grande quantité d’acides gras libres. Le fluxportal d’acides gras libres favorise la synthèsehépatique des triglycérides et stimule lanéoglucogenèse hépatique. De plus, au niveaumusculaire, l’oxydation des acides gras libres inhibel’oxydation du glucose.

■Objectifs du traitement

‚ Prévention des complicationsde micro- et de macroangiopathie

Prévention de la microangiopathie

Il semble qu’il suffise d’obtenir une hémoglobine(Hb) A1C inférieure à 7 % (N : 4-5 à 6 %), soit une

moyenne glycémique inférieure à 1,50 g/L. Celaéquivaut à obtenir une glycémie préprandialeinférieure à 1,40 g/L, et postprandiale inférieure à1,80 g/L. Ces objectifs glycémiques sont valablespour la prévention de la rétinopathie et de laglomérulopathie diabétique. Pour la neuropathie, lesobjectifs glycémiques doivent être plus stricts. Ilsdoivent être révisés lorsqu’il s’agit de personnesâgées dont l’espérance de vie est inférieure à 10 anset qui ne présentent aucune complicationmicrovasculaire (pas de rétinopathie diabétique). Ilfaut alors éviter prioritairement l’hypoglycémie, sansopter toutefois pour une hyperglycémie tropimportante favorisant les infections à répétition. Desglycémies préprandiales autour de 2 g/L paraissentacceptables. En revanche, s’il existe une rétinopathie,quel que soit l’âge, les glycémies préprandialesdoivent idéalement être inférieures à 1,60 g/L pourlimiter le risque d’aggravation.

Chez une jeune femme diabétique noninsulinodépendante ayant un désir de grossesse,l’objectif glycémique doit être beaucoup plus strict :glycémies à jeun inférieures à 0,90 g/L, glycémiespostprandiales inférieures à 1,20 g/L sous régime (etarrêt des hypoglycémiants oraux), et si nécessaireinsulinothérapie avant même l’arrêt de lacontraception.

Prévention de la macroangiopathieLa pression artérielle doit être inférieure à

140/90 mmHg.Les triglycérides doivent être inférieurs à 1,50 g/L

et l’HDL-cholestérol (hight density lipoprotein)supérieur à 0,35 g/L chez l’homme et 0,40 g/L chezla femme.

L’arrêt de l’intoxication tabagique est d’autantplus justifié que 65 % des accidents cardiovascu-laires des diabétiques surviennent chez les patientstabagiques. Une aide antitabac doit être proposée sibesoin.

Objectifs glycémiques de prévention dela microangiopathieGlycémie à jeun< 1,40 g/LGlycémie postprandiale< 1,80 g/LHbA1C ≤ 7 %, voire≤ 7,5 % (N : 4-5 à6 %)(glycémie moyenne≤ 1,50 à 1,60 g/L)

Difficultés de prise en charge duDNID

La prise en charge du DNID sous-entend des changements decomportement, tant de la part despatients, que des soignants✔ Difficultés liées à la maladie :– maladie asymptomatique = maladeinsouciant...✔ Difficultés liées au malade :– il doit être actif dans sa prise encharge ;– sentiment de culpabilité lié à l’excèsde nourriture, au plaisir de manger,au regard des autres...– sentiment d’incapacité à faire faceaux difficultés, engendrant lefatalisme et la « politique del’autruche ».✔ Difficultés liées aux soignants :« perte du pouvoir » :– ils sont plus formés à la prise encharge de la maladie aiguë que de lamaladie chronique ;– nécessité de partage deconnaissances avec les malades :formation des patients ;– nécessité de travail d’équipe.

La glycémie n’est qu’un marqueur derisque et il convient de normaliser lesautres facteurs de risque vasculaires.

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L’exercice physique doit être fortement conseilléaux diabétiques non insulinodépendants.

Chez la femme, le traitement hormonal substitutifde la ménopause comportant des œstrogènesnaturels par voie percutanée n’est pas contre-indiqué, au contraire.

■Traitement du DNID

‚ Principes diététiques chezle diabétique non insulinodépendant

En fait, la composition du régime diabétiquecorrespond à celle qui est conseillée pour l’ensemblede la population.

Restriction calorique

La restriction calorique dépend des résultats del’enquête alimentaire. Il est totalement irréaliste deproposer un régime qui donne faim. En règlegénérale, on ne descendra pas en dessous de1 500 cal/j. Elle doit porter sur la diminution de laconsommation des graisses et de l’alcool. Lesglucides doivent être présents, c’est pourquoi, pouréviter la faim, on conseillera une consommationassociée de féculents et de légumes verts. Pour éviterles grignotages de fin d’après-midi et lescompulsions alimentaires, il faut proposer au moinstrois repas équilibrés par jour, petit déjeuner,déjeuner et dîner, et il est même parfois souhaitablede proposer la prise d’une collation systématiquevers 16 ou 17 heures (fruit ou laitage + boissonchaude, thé ou café).

Graisses

On conseille aux diabétiques de diminuer leursapports en graisses, surtout saturées, celles-cifavorisant l’insulinorésistance et l’athérosclérose. Onrecommande donc l’augmentation relative de laconsommation en poisson et en huiles végétalespoly- et mono-insaturées (huile d’olive, d’arachide etde colza) (tableaux I, II).

Glucides

En ce qui concerne les glucides, on distingueaujourd’hui deux notions.

D’abord la rapidité de l’ascension glycémiqueaprès l’ingestion de glucides, qui dépend du tempsde transit gastrique et de l’accessibilité aux enzymesdigestifs. La vidange gastrique est ralentie parl’augmentation de la teneur en graisses et enprotéines et par la richesse en fibres alimentaires. Dela même façon, les aliments solides sont digérés pluslentement que les aliments liquides, et les alimentsfroids sont moins rapidement absorbés que lesaliments tièdes. Au cours d’un repas mixte, il existeune vitesse moyenne de transit gastrique.L’accessibilité aux enzymes digestifs dépend surtout

de l’existence éventuelle d’une enveloppe fibreuseplus ou moins respectée par les préparationsindustrielles et par la cuisson.

Ensuite, l’index glycémique : c’est l’importance del’hyperglycémie provoquée par un aliment enrelation avec un aliment de référence (glucose oupain).

Le pain, la pomme de terre, la semoule et lescarottes, qui ont comme le glucose un indexglycémique élevé (70 à 100), sont fortementhyperglycémiants.

Les fruits, les pâtes alimentaires, le riz et le sucre(saccharose) ont un index glycémique moyen (40 à60), c’est-à-dire modérément hyperglycémiant (le riza un index variable selon sa provenance, sonraffinement et son degré de cuisson).

Le fructose, les laitages, les légumineuses (haricotsblancs, lentilles...) ont un index glycémique bas (20 à40), et sont donc peu hyperglycémiants.

Les glucides doivent être présents à chaque repas.Ce n’est pas un régime hypoglucidique.

Conseil diététique

Il doit également porter sur la façon de manger. Ilest conseillé de s’asseoir pour manger, et de fixeravant les repas la quantité d’un certain nombred’aliments dont la consommation doit être limitée.En règle générale, on ne fixe pas d’interdit. Prendredes féculents, mais ne pas se resservir, prendre deslégumes verts à volonté, boire entre les plats et

Comment prescrire un régime ?✔ Tenir compte de l’enquêtealimentaire et comportementale.✔ Quel qu’il soit, un régime n’est pasréaliste s’il s’accompagne d’unesensation de faim.✔ Il doit comporter trois repas parjour avec, si besoin, des collations.

Attention aux graisses !Apports caloriques des pommes deterre selon le mode de préparation200 g de purée (15 % de glucides) + 1noix de beurre = 300 calories.100 g de frites (50 % de glucides) = 15frites = 400 calories.100 g de chips (50 % de glucides) = 1paquet moyen = 500 calories.

Tableau I. – Les différentes graisses.

Graisses saturées Graisses mono-insaturées Graisses poly-insaturées

(À consommer modérément) (À privilégier en priorité) (À privilégier)Lait entier, fromage, beurre,crème fraîche

Huile d’olive, d’arachide, decolza

Poissons gras

Margarines ordinaires (envelop-pées dans du papier aluminium),

Avocat, olives Huile de tournesol, de maïs, desoja, de noix, de pépins de raisin

végétaline Margarine au tournesol ou aumaïs (en barquettes)

Noix de cocoPâtisseries, viennoiseries

Huile IsioTM 4Noix, noisettes, amandes

Charcuterie, viandes grasses, abats, œufsSaindoux, graisse d’oie

Chocolat

Tableau II. – Teneur en matières grasses des fromages.

Fromages % matières grasses % réel de graisses

Fromage blanc ou petits-suisses 40 10Fromage blanc ou petits-suisses 20 5Fromage blanc ou petits-suisses à 0 % 0 0Yaourt 1Camembert, brie, chaource 45 20 à 25Gruyère, roquefort, reblochon, munster, raclette 50 à 55 25 à 30Doubles et triples crèmes : Boursault, Boursin,Caprice des Dieux

60 à 65 35 à 40

Une portion de fromage = 30 à 40 g.Une portion de fromage blanc = 100 g.Le taux de matières grassescorrespond au taux de matièresgrasses contenu dans « l’extrait sec »du fromage lorsque l’eau contenue aété entièrement éliminée.

Le vin, le whisky, la vodka et le rhumne contiennent pas de sucre, mais ilscontiennent des calories !Un verre de vin ou une dose d’alcoolfort = 70 calories.Apéritif anisé, bière et cidrecontiennent 5 % de glucides.Liqueurs et vins cuits contiennent15 % de glucides.

Le pain est très hyperglycémiant.Les fruits sont modérémenthyperglycémiants.Les légumineuses sont peuhyperglycémiantes.

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manger lentement en posant la fourchette entrechaque bouchée favorisent l’apparition plus rapidede la sensation de satiété.

Les édulcorants sont autorisés, toutefois, il fautsavoir que « sans sucre » signifie seulement sanssaccharose et non sans glucides ; ainsi, un produitsans sucre peut contenir du fructose, des polyols oudu sorbitol. Attention aux produits allégés : lechocolat light contient moins de glucides, mais plusde lipides que le vrai chocolat !

Les substituts de repas peuvent présenter unintérêt chez les diabétiques obèses, ils peuvent êtreprescrits soit comme un substitut d’un des trois repas,en y ajoutant un fruit et un laitage, afin de respecterl’équilibre alimentaire, soit comme collation en find’après-midi pour éviter compulsion ou grignotage.

Éducation du patient

Il est indispensable que le diabétique sache que lepain contient 50 % de glucides, c’est-à-dire que dans50 g de pain, il y a 25 g de sucre, soit cinq morceauxde sucre n° 4. Il est important de rappeler que toutesles huiles sont aussi caloriques les unes que lesautres, à l’exclusion de l’huile de paraffine qui estacalorique.

D’autres erreurs sont classiques en matière dediététique : le gruyère est considéré comme unfromage de régime, le vin est suspect de contenir dusucre... autant d’erreurs qu’il faut corriger enapprenant au malade à composer des repaséquilibrés et à utiliser les équivalences quipermettent de consommer tous les aliments sansexcès.

‚ Exercice physique

Arguments physiopathologiques

L’importance de l’activité physique est essentielledans le traitement du DNID. En effet, le tissumusculaire est quantitativement le tissu le plusimportant pour le métabolisme du glucose. Lesmuscles oxydent et stockent 70 % des glucidesingérés. L’insulinorésistance observée dans le DNIDprédomine au niveau du tissu musculaire, alors quele tissu adipeux reste relativement sensible àl’insuline. L’insuline augmente le transportintramusculaire du glucose, mais elle facilite enmême temps la prise de poids. Le médicament idéaldu DNID devrait donc avoir les mêmes effets quel’insuline sur le tissu musculaire, en particulier sur letransport du glucose, et avoir des effets opposés àceux de l’insuline sur le tissu adipeux : c’est le cas del’exercice musculaire. En effet, l’exercice physiqueaugmente les besoins en acide adénosinetriphosphorique (ATP) au niveau de la cellulemusculaire, ce qui stimule la glycogénolysemusculaire puis entraîne une activation et une

translocation des transporteurs de glucose, dits GLUT4, de la même façon que le fait l’insuline.L’augmentation du transport intramusculaire duglucose persiste 12 à 24 heures après un effortsuffisamment intense. Par ailleurs, l’activité physiqueentraîne une augmentation du débit sanguinmusculaire chez les sujets entraînés, et uneaugmentation de la densité des capillairesmusculaires. L’activité physique augmenteégalement la masse musculaire, en particulier lepourcentage des fibres musculaires au métabolismegluco-oxydatif insulinosensible.

Comment prescrire l’activité physique ?

Il est indispensable d’en expliquer l’importanceau malade, voire même de lui faire mesurer saglycémie avant et 2 heures après une activitéphysique importante. L’évaluation de l’efficacité del’activité physique sera source de motivationimportante pour le diabétique.

Pour être efficace, l’activité physique doit êtresuffisante et régulière, avec au moins 30 minutesd’activité comportant une suée, 2 heures de marchetous les 2 jours, ou encore 1 heure de marchechaque jour.

L’activité doit être adaptée aux goûts et auxpossibilités du malade : marche, natation, jardinage,sport collectif, inscription à un club de gymnastique...

La tenue d’un carnet de surveillance pourra aiderle patient à respecter son contrat. Sur ce carnet, lemalade pourra indiquer la nature et la duréequotidienne de l’activité physique, mais égalementles écarts diététiques (« en plus ou en moins ») et lesrésultats glycémiques. Ce carnet permettra undialogue avec le médecin traitant et l’adaptation dela prise en charge en fonction des résultats.

Si le diabétique a plus de 50 ans et s’il présentedes facteurs de risque vasculaires, il sera prudent deréaliser un test d’effort avant de prescrire l’activitéphysique de façon à rechercher l’existence d’uneischémie myocardique silencieuse.

Il faudra vérifier l’absence de risque podologique(ni artérite, ni neuropathie). En cas de risque, desprécautions particulières doivent être prises,concernant notamment la qualité des chaussuresutilisées et la durée plus limitée de la marche.

Il faudra informer le patient du risquehypoglycémique au cours de l’activité physique et

l’éduquer à adapter son traitement lorsqu’il fait dusport : diminution éventuelle des sulfamideshypoglycémiants avant une activité physiqueimportante. Cette mesure devra bien sûrs’accompagner d’un autocontrôle glycémique avantet après l’activité physique.

‚ Hypoglycémiants oraux

Il existe actuellement trois familles d’antidiabé-tiques oraux : les sulfamides hypoglycémiants, lesbiguanides et les inhibiteurs des α-glucosidases.

Sulfamides hypoglycémiants (tableau III)

Ils agissent en se liant à un récepteur spécifiqueprésent sur la membrane de la cellule Bpancréatique. Il s’agit en réalité d’une sous-unité ducanal potassique ATP dépendant dont ilsprovoquent la fermeture. Cette fermeture entraîneune modification des flux ioniques (potassique puiscalcique) et des modifications électriques à l’originede l’excrétion d’insuline. Physiologiquement, le canalpotassique est sous la dépendance du rapportATP/ADP (acide adénosine diphosphorique)intracellulaire ; l’élévation de ce rapport parl’oxydation intramitochondriale du glucose lors del’hyperglycémie déclenche la fermeture du canal. Lessulfamides hypoglycémiants sont inefficaces chez lesdiabétiques insulinodépendants, incapables desécréter de l’insuline. Les sulfamides hypoglycé-miants stimulent donc l’insulinosécrétion et peuventêtre responsables d’une prise de poids de 2 à 3 kg. Ilscomportent un risque hypoglycémique. Ce risques’observe avec tous les sulfamides hypoglycémiants.Il est cependant plus important avec les sulfamidesde première génération, à durée d’actionparticulièrement longue (Diabinèset et Glucidoralt,qui ne doivent plus être utilisés), et avec le Daonilt,sulfamide hypoglycémiant le plus puissant dont lademi-vie plasmatique de 5 heures masque en réalitéune durée d’action prolongée. Le Daonilt existe soustrois formes : le Daonilt 5 mg, l’Hémi-Daonilt 2,5 mget le Daonilt Faible 1,25 mg. Classiquement, onprescrit les sulfamides à raison d’un comprimé avantchaque repas. Il semble cependant que leur duréed’action, suffisamment prolongée pour la plupart,permette leur administration en deux prises, 1comprimé le matin, 2 le soir, ou l’inverse, voire enune seule prise. Cela peut permettre d’éviter la prisedu midi, souvent oubliée par le malade.

¶ Règles à respecter lors de la prescriptionde sulfamides hypoglycémiants

Attention aux risques hypoglycémiques, enparticulier chez le sujet âgé.

Commencer par des posologies faibles enaugmentant progressivement en fonction desrésultats glycémiques et des objectifs fixés.

Attention : sans sucre signifieseulement sans saccharose et non sansglucides !

50 g de pain = cinq morceaux de sucren° 4 = 25 g desucre.Un fruit moyen = trois à quatremorceaux de sucre n° 4 = 15 à 20 g desucre.

Effets bénéfiques de l’exercicemusculaire. Intérêt chez le DNID

✔ Augmentation du transportintramusculaire du glucose.✔ Augmentation du débit sanguinmusculaire.✔ Augmentation de la densité descapillaires musculaires.✔ Augmentation de la massemusculaire, d’où amélioration de lasensibilité à l’insuline, baisse de lapression artérielle, amélioration dubilan lipidique...

L’exercice musculaire a les mêmeseffets que l’insuline au niveau du tissumusculaire mais non au niveau dutissu adipeux.

Les sulfamides hypoglycémiantsstimulent la sécrétion d’insuline. Ilscomportent donc un risqued’hypoglycémie.Les hypoglycémies sous sulfamideshypoglycémiants surviennent surtouten fin d’après-midi (vers 18 heures).Un diabétique traité par sulfamideshypoglycémiants doit être averti durisque d’hypoglycémie et avoir dusucre sur lui.

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Recommander l’autosurveillance glycémique :une fois par semaine si les objectifs glycémiquessont atteints, chaque jour si les glycémies restentsupérieures à 2 g/L de façon à mobiliser lediabétique sur l’activité physique et le régime. Il fautproposer une autosurveillance en fin d’après-midichez les patients présentant des épisodes de fringalepouvant correspondre à d’authent iqueshypoglycémies...

Le patient doit être averti du risque hypoglycé-mique lié aux sulfamides hypoglycémiants et avoirtoujours sur lui trois morceaux de sucre.

Les sulfamides ne doivent pas être pris enl’absence de repas ou si une activité physiqueimportante est prévue.

Il faut conseiller au malade d’avoir un double deson ordonnance sur lui de façon à pouvoir lamontrer à tout nouveau médecin consulté. En effet,certains médicaments sont susceptibles depotentialiser l’action des sulfamides hypoglycé-miants : le Daktarint, le Bactrimt, les fibrates,l’Antalvict, le Di-Antalvict, les inhibiteurs del’enzyme de conversion (IEC), ainsi que tous lesmédicaments susceptibles d’entraîner uneinsuffisance rénale aiguë diminuant l’éliminationurinaire des sulfamides hypoglycémiants.

Comme le rappelle la règle des référencesmédicales opposables (RMO), il n’est pas utiled’associer deux sulfamides hypoglycémiants.

Biguanides

Les biguanides ont une action d’épargneinsulinique. Ce sont les médicaments de premièreintention en cas d’insulinorésistance.

Seule la metformine est aujourd’hui commercia-lisée en France avec quatre produits : leGlucophaget 500 mg, le Glucophaget 850 mg(retard), le Glucinant et le Stagidt 700 mg. Le pluspuissant est le Glucophaget 850 mg, qui estégalement le moins bien toléré sur le plan digestif.Contrairement aux sulfamides hypoglycémiants, les

biguanides n’ont pas d’action insulinosécrétrice,mais une action d’épargne insulinique. Ils n’ont uneaction hypoglycémiante qu’en présence d’insuline.Leur action essentielle se situe au niveau du foie etdu tissu musculaire dont ils augmententl’insulinosensibilité. Les biguanides sont doncactuellement le médicament de première intentiondans le traitement du DNID avec insulinorésistance.Leur prescription doit être progressive en raison deleur mauvaise tolérance digestive (nausées, crampesépigastriques, inconfort abdominal, diarrhéemotrice) : 1 seul comprimé par jour, puis 2, puis 3,pris en milieu ou en fin de repas. On peut envisagerl’association d’un demi-sachet de Questrant, pris 30minutes avant les repas pendant quelques semaines,afin d’améliorer la tolérance digestive. Le risqueprincipal des biguanides est l’acidose lactique. Elle est

exceptionnelle, mais d’une particulière gravité,puisque mortelle une fois sur deux. Il faut redouterl’acidose lactique dans deux situations : d’une partlorsque le biguanide s’accumule en raison d’uneinsuffisance rénale, entraînant alors un blocage de lanéoglucogenèse hépatique, d’autre part lorsque laproduction de lactate est pathologiquementaugmentée.

Les biguanides peuvent être associés auxsulfamides hypoglycémiants ainsi qu’à l’insulinechez les diabétiques non insulinodépendants enraison de leur rôle sur l’épargne insulinique. Ilspeuvent ainsi limiter la prise de poids favorisée parl’insuline.

Inhibiteurs des α-glucosidases

Ils sont représentés sur le marché essentiellementpar le Glucort (acarbose). Les glucides absorbés sontdégradés par l’amylase salivaire et pancréatique endisaccharides, puis par les α-glucosidases enmonosaccharides, qui seuls peuvent franchir labarrière intestinale. Les inhibiteurs de l’α-glucosidaseinhibent le dernier stade de la digestion des sucres.Ceux-ci sont donc absorbés au niveau colique et nonau niveau intestinal. L’hyperglycémie postprandialeest ainsi réduite. L’inconvénient majeur de cesmédicaments est la stagnation et la fermentationdes sucres non digérés dans l’intestin, responsablesde flatulences, de douleurs digestives et de diarrhée,surtout en début de traitement. Il faut commencerpar des posologies faibles de 50 mg par jour, àaugmenter progressivement jusqu’à 100 mg parjour en trois prises.

■Quand recourir à l’insulinothérapie

chez le diabétique non

insulinodépendant ?

À court terme, l’insulinothérapie peut améliorerl’équilibre glycémique, mais à long terme, elle

Tableau III. – Sulfamides hypoglycémiants.

Nom despécialitét

Dénomminationcommune

Demi-vieplasmatique

Durée d’action Puissanced’action

Posologie Prix 1997(francs)

Sulfamides Glucidoral Carbutamide 45 h plusieurs jours +++ 1-3 cp/jour 11,90/30 cphypoglycémiants Dolipol Tolbutamide 4-6 h < 24 h + (cp à 500 mg) 8,90/20 cpde première géné-

ration1-3 cp/jour

Sulfamides hypo-glycémiants de

deuxième généra-tion

Daonil Faible Glibenclamide 5-10 h ≥ 24 h + 1-3 cp/jour 22,40/60 cp1,25 mg (cp à 1,25 mg)

Hémi-Daonil Glibenclamide 5-10 h ≥ 24 h ++ 1-3 cp/jour 31,90/60 cp2,5 mg (cp à 2,5 mg)

MiglucanDaonil 5 mg Glibenclamide 5-10 h ≥ 24 h +++ 1-3 cp/jour 19,80/20 cp

(cp à 5 mg)EnglucanGlutril Glibornuride 8 h ≥ 24 h ++ 1-3 cp/jour 21,40/20 cp

(cp à 25 mg)Diamicron Gliclazide 10-12 h ≥ 24 h ++ 1-3 cp/jour 48,80/20 cp

(cp à 80 mg)Glibénèse Glipizide 2-4 h < 24 h ++ 1-3 cp/jour 33,40/20 cp

(cp à 5 mg)Minidiab GlipizideOzidia Glipizide 2-4 h ≥ 24 h ++ 5 à 20 mg/jour en

une seule prise(cp à 5 mg) 47,30/30 cp(cp à 10 mg) 81,10/30 cp

Les biguanides sont formellementcontre-indiqués :✔ en cas d’insuffisance rénale ;✔ en cas d’insuffisance cardiaquedécompensée ;✔ en cas d’ischémie coronarienneévolutive ;✔ en cas d’insuffisance respiratoiresévère ;✔ en cas d’infection suraiguë ;✔ en cas de gangrène ou d’ischémiecritique des membres inférieurs ;✔ en cas d’accident vasculairecérébral récent.Les biguanides doivent être arrêtés 2jours avant toute anesthésie généraleou radiographie comportant uneinjection de produit iodé (urographieintraveineuse, coronarographie,scanner avec injection...).

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favorise une prise de poids qui à son tour risqued’aggraver l’insulinorésistance et de détériorerl’équilibre glycémique. Un certain nombred’arguments laissent penser que l’hyperinsulinismefavorise la répartition androïde des graisses.L’insulinothérapie risque donc d’aggraver le cerclevicieux à la base de la physiopathologie du DNID :insulinorésistance musculaire → hyperinsulinisme →obésité de type androïde → insulinorésistance.Avant de prescrire l’insulinothérapie chez undiabétique non insulinodépendant, il convient doncde respecter quelques règles :

– ne pas prescrire d’insuline en cas de prise depoids récente ;

– en cas d’amaigrissement au contraire, aprèsavoir vérifié l’absence de pathologie sous-jacente,l’insulinothérapie doit être prescrite ;

– avant de prescrire une insulinothérapie, il fauts’assurer de l’optimisation du traitement classique ;au cours d’une hospitalisation ou d’une consultationspécialisée, il peut être nécessaire de vérifier ladiététique, l’activité physique et la prise réelle deshypoglycémiants oraux. Devant une hypertriglycéri-démie associée, il ne faut pas hésiter à prescrire unfibrate dont l’association avec la metformine sembleavoir un effet synergique. En cas d’hypertensionartérielle, le traitement par l’IEC ou traitement paralpha-1-bloquant peut également améliorerl’équilibre glycémique. Enfin, il est souvent utile devérifier l’absence de dépression, qui pourraitbénéficier d’un traitement par antidépresseursérotoninergique (Prozact, Floxyfralt, Deroxatt) ;

– avant de prescrire une insulinothérapie chez undiabétique non insulinodépendant, il est nécessairede l’informer sur l’intérêt de l’insulinothérapie en cequi concerne les complications microangiopa-thiques, et de lui présenter les inconvénientspotentiels sur la prise de poids. Une formationpréalable du malade à la prise en charge de sondiabète s’impose, avec formation diététique,entraînement physique et apprentissage del’autocontrôle glycémique, grâce à l’hospitalisationde semaine en unité d’éducation diabétologique

spécialisée. Parfois, cela suffit à améliorer l’équilibredu diabète, sans avoir à recourir d’emblée àl’insulinothérapie.

¶ Quel type d’insulinothérapie prescrire ?Le mieux est de recourir à une insulinothérapie

minimale, c’est-à-dire une injection le soir enconservant les hypoglycémiants oraux dans lajournée. On pourra choisir une insuline type NPH(neutral protamine hagedorn), injectée le soir aucoucher, ou, si les glycémies sont très élevées aprèsle repas du soir, une insuline biphasique typeMixtardt ou Umuline Profil, injectée le soir avant ledîner. Cette insulinothérapie nécessite unautocontrôle glycémique chaque matin au réveil,l’objectif à atteindre étant d’obtenir une glycémie auréveil inférieure à 1,60 g/L. L’insuline seraaugmentée de 2 unités en 2 jusqu’à obtenir cetobjectif.

Si, malgré cette injection effectuée le soir enassociation avec les antidiabétiques oraux, lesrésultats glycémiques ne sont pas satisfaisants, onpassera alors à 2, voire 3 injections par jour. Dans ce

cas, les sulfamides seront arrêtés, les biguanidesseront le plus souvent possible conservés, enespérant réduire les besoins en insuline et la prisepondérale. Pour une meilleure acceptation del’insulinothérapie chez le diabétique noninsulinodépendant, il est souvent souhaitable de luiproposer un contrat de courte durée, par exempleune insulinothérapie le soir au coucher pendant 1mois, puis un essai d’arrêt de l’insulinothérapie avecautosurveillance glycémique de façon à évaluer lesrésultats. Si les glycémies remontent au-dessus del’objectif fixé, 1,60 g/L au réveil, le malade est le plussouvent t rès mot ivé pour reprendrel’insulinothérapie.

L’insulinothérapie ne résout cependant pastoujours les problèmes de déséquilibre du diabètechez le diabétique non insulinodépendant. Si elle nepermet pas d’améliorer les résultats glycémiquesévalués par l’HbA1C à raison de 3 injections par jouravec prise de poids, il faut sûrement se poser laquestion de l’intérêt de l’insulinothérapie etenvisager une hospitalisation en unité d’éducationdiabétologique.

■Médicaments de demain...

Des médicaments qui stimuleront l’insulinosé-crétion : ligand endogène des récepteurs dessulfamides, inhibiteurs α2-adrénergiques, glucagonlike peptide 1.

Des médicaments améliorant l’insulinorésistance :thiazolidine-diones, inhibiteurs de la lipolyse...

Claude Sachon : Attaché des Hôpitaux.André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Nathalie Masseboeuf : Diététicienne.E Corset : Diététicien.

Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Grimaldi, N Masseboeuf et E Corset. Diabète non insulinodépendant.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0810, 1998, 5 p

R é f é r e n c e s

[1] Charbonnel B, Boivineau C, Chopinet P, Daninos JM, Drouin P, Guyon F et al.Autosurveillance glycémique chez le diabétique. Recommandations de l’Alfé-diam.Diabete Metab1995 ; 21 : 285-289

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[3] Ferrannini E. Insulin resistance and disease. Clin Endocrinol Metab 1993 ; vol13

[4] Grimaldi A, Cornet P, Massebœuf N, Popelier M, Sachon C. Guide pratiquedu diabète. Paris : Collection médiguides, 1997

[5] Tchobroutsky G, Slama G, Assan R, Freychet P. Traité de diabétologie. Paris :Pradel, 1990

[6] Warram J, Hopczynski J, Janka H, KrolewskiA. Epidemiology on non-insulin-dependent diabetes mellitus and its macrovascular complications: a basis for thedevelopment of cost- effective programs.Endocrinol Metab Clin North Am1997 ;26 : 165-188

L’insulinothérapie ne doit pas êtreprescrite en cas de prise de poidsrécente chez le DNID.Il faut, avant de la prescrire, renforcerla diététique, l’exercice physique et letraitement oral.L’apprentissage de l’autocontrôleglycémique peut être une aideimportante à la prise en charge duDNID, en permettant au malade dejuger des résultats de ses efforts et desconséquences de ses actes ; il permetsouvent d’éviter ou de retarderl’insulinothérapie.

DNID déséquilibré + amaigrissement= insulinothérapie.

Insulinothérapie de première intentionchez le DNID

=traitement oral dans la journée + uneinjection d’insuline semi-retard aucoucher.

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Diagnostic du diabète

C Sachon, P Cornet, A Grimaldi

O n compte en France 1 500 000 diabétiques : 15 % sont diabétiques insulinodépendants, 85 % noninsulinodépendants. Le diagnostic se fait sur le dosage de la glycémie à jeun, sans que l’on ait besoin de

recourir à l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). Le seuil glycémique retenu (supérieur ou égal à1,26 g/L à jeun) correspond au seuil à risque de microangiopathie, en particulier de rétinopathie.Le risque de macroangiopathie (athérosclérose) semble majoré pour des valeurs glycémiques plus basses, mais lerisque global vasculaire dépend alors essentiellement des autres facteurs de risques associés : hypertension artériel-le (HTA), hypertriglycéridémie, hypo-high density lipoprotein (HDL), cholestérolémie, tabagisme, sédentarité.© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

Le diabète est un problème de santé publique,aussi bien en France, où l’on dénombre environ2,5 % de diabétiques, soit 1 300 000 de diabétiquesconnus et 200 à 300 000 diabétiques qui s’ignorent,mais aussi en Europe, où le nombre de diabétiquesest évalué à 30 millions, et aux États-Unis où il y a 15millions de diabétiques, pour moitié méconnus.Dans le monde entier, on dénombre 100 millions dediabétiques. Le terme de diabète recouvre en faitdeux maladies différentes :

– le diabète insulinodépendant (type 1), quisurvient le plus souvent avant l’âge de 20 ans etreprésente 10 à 15 % des diabètes ;

– le diabète non insulinodépendant (type 2), quisurvient le plus souvent après l’âge de 50 ans etreprésente 85 à 90 % des diabètes.

C’est le diabète non insulinodépendant qui poseun problème de santé publique. Sa prévalenceaugmente parallèlement au vieillissement, àl’urbanisation, à la sédentarisation et audéveloppement de l’obésité dans les populationsdes pays industrialisés. Cette maladie n’épargnepourtant pas les pays sous-développés où le diabètenon insulinodépendant atteint parfois uneprévalence de 20 à 30 %, en raison d’uneprédisposition génétique couplée à une modificationrapide du mode de vie : urbanisation brutale,sédentarisation et alcoolisation des populations.

Le diabète représente un coût financier importanten raison du taux élevé de complicationsdégénératives. Treize pour cent des dialysés enFrance sont diabétiques, tandis que ce taux dépasse

30 % aux États-Unis. Il en est de même dans les paysscandinaves et dans l’île de la Réunion. De fait, 50 à75 % des diabétiques dialysés sont des diabétiquesnon insulinodépendants.

Le diabète reste la première cause médicale decécité avant 50 ans dans les pays développés. Onestime à 2 % le pourcentage des diabétiques quideviendront aveugles et à 10 % le taux de ceux quiseront malvoyants. On comptabilise chaque annéeaux États-Unis 5 000 à 10 000 nouveaux cas decécité dus au diabète.

Cinq à 10 % des diabétiques subiront un jour uneamputation d’orteils, de pied ou de jambe. Quatrecinquièmes d’entre eux sont des diabétiques noninsulinodépendants. En France, on compte environ3 000 à 5 000 amputés par an chez les diabétiques.Le quart des journées d’hospitalisation pour lediabète sont dues à des problèmes podologiques,avec des durées moyennes d’hospitalisationd’environ 30 jours. Le coût du diabète est estimé à13 milliards de francs. Pour lutter contre ce coût, laDéclaration de Saint-Vincent, adoptée en 1989 parles représentants de l’Organisation mondiale de lasanté (OMS), des gouvernements européens et desorganisations de malades, dont les représentants dela France, a rappelé les bonnes pratiques médicalesen diabétologie. Elle a fixé pour objectif, dans les 5ans, une réduction d’un tiers à la moitié descomplications du diabète. Plusieurs études ont eneffet montré que la modification de l’organisationdes soins visant à obtenir une formation des patientseux-mêmes permet de réduire de 50 % le taux desamputations.

■Définition du diabète

Le diabète se définit par une hyperglycémiechronique, soit une glycémie à jeun supérieure à1,26 g/L (7 mml/L) à deux reprises. Cette définitionrepose en fait sur plusieurs études épidémiologiquesprospectives qui ont montré de façon convergenteque lorsque la glycémie à la deuxième heure del’HGPO est supérieure ou égale à 2 g/L, il existe unrisque de survenue dans les 10 à 15 ans suivantsd’une rétinopathie diabétique. Dans la mesure oùune glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/Lcorrespond à une glycémie à la deuxième heure del’HGPO supérieure ou égale à 2 g/L, on n’a plusbesoin de recourir à l’« étalon or » de l’HGPO.

‚ Pourquoi une nouvelle définitiondu diabète ?

La définition du diabète est fondée sur le seuilglycémique à risque de microangiopathie, enparticulier à risque de rétinopathie, et il n’est pasquestion à ce jour de changer de problématique.

Mais jusqu’en 1998, on retenait deux valeursglycémiques seuils : soit plus de 1,40 g/L à jeun, soit2 g/L à la deuxième heure de l’HGPO (et ce à deuxreprises).

Ces deux valeurs manquaient de cohérence. Eneffet, si presque tous les malades qui ont une

Le diabète en France représente 2,5 %de la population dont :✔ 10 à 15 % de diabétiquesinsulinodépendants ;✔ 85 à 90 % de diabétiques noninsulinodépendants.

Complications du diabète en France.✔ Environ 13 % des dialysés sontdiabétiques.✔ Le diabète est la première cause decécité avant 50 ans.✔ Chaque année 3 000 à 5 000diabétiques sont victimes d’uneamputation des membres inférieurs.

Nouvelle définition du diabèteGlycémie à jeun supérieure à 1,26 g/L(7 mmol/L) à deux reprisesouglycémie supérieure à 2 g/L(11,1 mmol/L) à n’importe quelmoment de la journée.L’HGPO n’est plus utile mais laglycémie supérieure à 2 g/L(11,1 mmol/L) à la deuxième heure del’HGPO à deux reprises restel’« étalon or ».

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glycémie à jeun supérieure à 1,40 g/L ont plus de2 g/L à la deuxième heure de l’HGPO, l’inverse n’estpas vrai : beaucoup des patients ayant une glycémiesupérieure à 2 g/L à la deuxième heure de l’HGPOont moins de 1,40 g/L à jeun. Dans la mesure oùl’HGPO est moins souvent demandée, on méconnaîtnombre de diabétiques authentiques. Laconcordance optimale est obtenue pour une valeurglycémique à jeun de 1,26 g/L. C’est donc cettevaleur qui a été retenue pour la définition dudiabète, sans qu’il soit désormais besoin de recourirà l’HGPO. Heureusement, il n’est pas encore questionde définir le diabète par le risque de macroangio-pathie (athérosclérose), car on ne sait pas s’il existeun seuil ou si le risque augmente à partir des valeurssupérieures de la normale, et surtout le bénéficethérapeutique n’est pas encore démontré...

On distingue donc désormais, dans un « dégradé »métabolique :

– les sujets normaux ;– les sujets hyperglycémiques non diabétiques

(glycémie entre 1,10 et 1,25 g/L à jeun) ;– les diabétiques (glycémie supérieure ou égale à

1,26 g/L).Les intolérants au glucose restent à ce jour définis

par une glycémie comprise entre 1,40 et 2 g/L à ladeuxième heure de l’HGPO.

‚ Trois manières de séparer le normaldu pathologique

– La normale peut être définie statistiquementpar la limite supérieure de la moyenne plus deuxdéviations standards (DS), ou par la limite supérieuredes 95e percentiles, c’est-à-dire que 95 % de lapopulation normale a une valeur au-dessous duseuil fixé. Par corrélation, il s’ensuit que si l’ondemande 20 examens à titre systématique, aumoins un résultat devrait être au-dessus de lanormale.

– La limite entre la normale et le pathologiquepeut être définie par le risque encouru, par exemplele risque de rétinopathie pour le diabète ou del’insuffisance coronaire pour le cholestérol. Lorsqu’ilexiste un seuil à risque, la limite est facile à fixer. Enrevanche, lorsqu’il existe un continuum, la limite estforcément arbitraire. Il faut le plus souvent faireappel à la troisième méthode.

– La limite est définie par le seuil d’interventionthérapeutique dépendant du rapport bénéfice-risque. C’est souvent la méthodologie la plussatisfaisante mais aussi la plus complexe, puisque leseuil peut varier selon la nature de l’interventionthérapeutique, hygiénodiététique seule oumédicamenteuse. Le bénéfice thérapeutique dépendlui-même du risque global qui peut résulter denombreux paramètres, par exemple pour le risqued’insuffisance coronaire, des taux de low densitylipiprotein (LDL) et de HDL cholestérol, de l’hérédité,du tabagisme, de l’HTA, de la glycémie..., en tenantcompte de l’espérance de vie du patient fonction deson âge et des autres pathologies. De plus, le seuild’intervention peut être modulé pour des raisonséconomiques en fonction des priorités de santépublique.

■Comment diagnostiquer un

diabète ?

Pour porter le diagnostic de diabète, il n’est pasutile de doser l’insulinémie ou le peptide C ou lesanticorps anti-îlots, ni même de demander une

échographie ou un scanner du pancréas. Cesexamens sont parfois utiles pour l’enquêteétiologique. Pour affirmer le diagnostic de diabète, ilfaut seulement répéter le dosage de la glycémie àjeun. Le plus souvent, l’hyperglycémie modérée estasymptomatique. On peut constater parfois unediscrète perte de poids (1 à 3 kg) et une asthénie,mais le malade peut se sentir parfaitement bien.

Le syndrome cardinal diabétique qui comportepolyuropolydipsie, amaigrissement, hyperphagien’existe que pour des glycémies supérieures à 3 g/L.Il existe alors une glycosurie importante, responsablede polyurie osmotique, entraînant à son tour unepolydipsie. Parfois, c’est une infection cutanée,urogénitale (balanite, mycose vaginale, cystite...) quipermet de faire le diagnostic du diabète. Ainsi, lediabète n’est souvent qu’un symptôme biologique àrisque de rétinopathie diabétique. Cette définitionpermet de préciser l’objectif thérapeutique deprévention de la microangiopathie rétinienne :glycémie inférieure à 1,26 g/L avant les repas (HbA1c

inférieure ou égale à 6,5 %). Cet objectif glycémiquepermet également la prévention de la glomérulo-pathie et de la neuropathie. Cependant, lespersonnes âgées semblent avoir une susceptibilité àla neuropathie pour des glycémies moins élevées.

Quant au seuil glycémique à risque macroangio-pathie, il n’est pas clairement déterminé. Ce risquedépendrait en effet de l’existence ou non d’unsyndrome d’insulinorésistance métabolique. Dans cecas, il semble que même une hyperglycémiemodérée supérieure à 1,10 g/L comporte un risquede survenue d’accident cardiovasculaire.

Au cours de la grossesse, la plupart des auteurss’accordent à considérer comme anormale uneglycémie maternelle à jeun supérieure à 1 g/L. Iln’existe effectivement pas de seuil glycémique àrisque pour la macrosomie fœtale mais uncontinuum.

■L’hyperglycémie provoquée orale

a-t-elle encore une place ?

L’HGPO doit donc devenir exceptionnelle. Elle estinutile chaque fois que la glycémie à jeun estsupérieure ou égale à 1,26 g/L puisqu’il s’agit d’unauthentique diabète.

Elle est inutile si le bilan métabolique àjeun (glycémie, cholestérol, triglycérides, HDLcholestérol) est strictement normal.

Elle est inutile chez les personnes de plus de 70ans car l’attitude thérapeutique ne dépend pas desrésultats.

Elle ne présente pas d’intérêt devant unehyperglycémie à jeun non diabétique comprise entre1,10 et 1,26 g/L associée à l’un des éléments dusyndrome d’insulinorésistance métabolique (obésité,répartition androïde des graisses, héréditédiabétique, HTA, hyperlipidémie). Le traitementhygiénodiététique (activité physique, équilibrealimentaire) doit être prescrit d’emblée, compte tenudes facteurs de risque vasculaire.

L’HGPO garde finalement une place très limitéedans des situations difficiles à interpréter : élévationde la glycémie au-dessus de la normale tout enrestant inférieure à 1,26 g/L en l’absence de contexted’insulinorésistance métabolique ou glycémie à jeunnormale mais glycémie postprandiale, c’est-à-dire 90minutes à 2 heures après le début du repas, élevée,comprise entre 1,40 et 2 g/L. L’HGPO permet alorsde poser le diagnostic de diabète (glycémie à ladeuxième heure supérieure ou égale à 2 g/L), alorsque le dosage de l’HbA1c n’est pas suffisammentstandardisé et fiable pour permettre aujourd’hui sonutilisation comme critère diagnostique.

‚ Intolérance aux hydrates de carboneou hyperglycémie à jeun non diabétique

On parle d’hyperglycémie à jeun non diabétiquelorsque la glycémie est comprise entre 1,10 et1,26 g/L. On parle d’intolérance aux hydrates decarbone lorsque la glycémie à jeun étant inférieure à1,26 g/L, la glycémie à la deuxième heure de l’HGPO

Hémoglobine glyquée ou hémoglobineHbA1c.Elle reflète la moyenne glycémique des2 mois précédant le dosage :✔ normale = 4 à 6 %avec unetechnique de chromatographieliquide à haute pression (HPLC) ;✔ 6 % = 1,20 g/L de moyenneglycémique ;✔ 7 % = 1,50 g/L de moyenneglycémique ;✔ 8 % = 1,80 g/L de moyenneglycémique.Pour traduire HbA1c en moyenneglycémique, on ajoute 0,30 g/L deglycémie pour chaque augmentationde 1 % de l’HPLC à partir de la valeurde 6 % (glycémie moyenne de1,20 g/L).

Médicaments susceptibles d’altérer latolérance au glucose :✔ corticoïdes (sous toutes lesformes) ;✔ bêtabloquants non cardiosélectifs ;✔ diurétiques hypokaliémants ;✔ progestatifs de synthèse de typenorstéroïdes ;✔ sympathicomimétiques(Salbutamolt) ;✔ antiprotéases (traitement du sida).

Répartition androïde des graisses.Elle se définit par une prédominancetopographique des graisses à la partiesupérieure du corps, alors quel’obésité gynoïde se caractérise parune prédominance des graisses auniveau des fesses et des cuisses.On parle de répartition androïdelorsque le rapport tour de taille-tourde hanche est supérieur à 0,80 chez lafemme ou supérieur à 0,95 chezl’homme. Certains définissent l’obésitéandroïde uniquement par le périmètreabdominal supérieur à 90 cm chez lafemme, supérieur à 100 chez l’homme.

3-0800 - Diagnostic du diabète

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Page 127: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

est comprise entre 1,40 et 2 g/L avec une valeurintermédiaire (30, 60, 90 minutes) supérieure ouégale à 2 g/L.

Sous les termes d’hyperglycémie à jeun nondiabétique et d’intolérance aux hydrates de carbone,on recouvre trois groupes de patients :

– ceux qui évolueront vers le diabète et dont lepourcentage est évalué à 25-50 % dans les 10 ans.Ce sont ceux dont la glycémie est proche du seuildiabétique, ceux ayant une surcharge pondéraleimportante, ou ceux ayant une hérédité diabétique ;

– ceux qui resteront hyperglycémiques nondiabétiques ou intolérants aux hydrates de carboneen raison d’une insulinorésistance ou d’uneanomalie de l’insulinosécrétion : 25 à 50 % despatients ;

– ceux qui retrouveront une tolérance glucidiquenormale : environ 25 %.

■Quels risques pour l’hyperglycémie

à jeun non diabétique et pour

l’intolérance aux hydrates de carbone ?

Par définition, il n’existe pas de risque desurvenue de microangiopathie diabétique.

En ce qui concerne le risque de macroangio-pathie, il semble que la glycémie soit un mauvaismarqueur de risque. La macroangiopathie dépendessentiellement des facteurs de risques associés. S’ilexiste une insulinorésistance accompagnéed’obésité ou de répartition androïde des graisses oude sédentarité, il existe un risque athérogène, enparticulier coronarien. Le plus souvent, il existed’autres facteurs de risque vasculaire, tels que l’HTA,l’hyperlipidémie avec triglycérides élevés et HDLcholestérol bas, défaut de fibrinolyse. L’existence dece syndrome d’insulinorésistance métaboliquedonne sa signification de facteur de risque auxanomalies biologiques ou hémodynamiquesmodérées n’ayant pas par elles-mêmes de caractèrepathologique certain : glycémie limite supérieure à lanormale mais non diabétique, tension artériellecomprise entre 130 et 140 mmHg pour la systoliqueet 80 à 90 mmHg pour la diastolique, triglycéridescompris entre 1,50 et 2 g/L, avec HDL cholestérolcompris entre 0,35 et 0,45 g/L.

■Comment déterminer l’étiologie

du diabète ?

Les données cliniques sont essentielles pour lediagnostic étiologique. L’âge du patient, son poids etson histoire pondérale, l’existence d’une éventuellecétonurie, l’hérédité familiale de diabète, lesantécédents personnels de maladies auto-immunesen particulier thyroïdiennes, les antécédents dediabète gestationnel (poids de naissance supérieur à4 kg à terme ou supérieur au 90e percentile quel quesoit le terme), la notion d’examens antérieurs ayantretrouvé des glycémies déjà un peu élevées,l’association à une HTA ou une hypertriglycéridémie,la prise de médicaments potentiellementdiabétogènes (corticoïdes sous quelque forme quece soit, pilule œstroprogestative, diurétiquesthiazidiques, bêtabloquants...) orientent le diagnosticétiologique.

‚ Diabète de type 1

Il est parfois évident. Devant un syndromecardinal associant polyuropolydipsie, amaigris-sement et asthénie chez un sujet de moins de 30ans, avec cétonurie associée à la glycosurie, on peutaffirmer l’existence d’un diabète insulinodépendantou diabète de type 1. On ne retrouve d’antécédentfamilial que dans un cas sur dix.

‚ Diabète de type 2

À l’opposé, il se caractérise par la découvertefortuite d’une hyperglycémie chez un sujet de plusde 50 ans avec un surpoids ou ayant été obèse, avecsurcharge pondérale de prédominance abdominale(rapport taille-hanche supérieur à 0,8 chez la femme,supérieur à 0,95 chez l’homme). Le plus souvent, onretrouve une hérédité familiale de diabète noninsulinodépendant. Le diabète de type 2 est souventassocié à une HTA essentielle et/ou à unehypertriglycéridémie. Le diagnostic se fait le plussouvent lors d’un examen systématique. En effet, lediabète de type 2 est asymptomatique. Le retard audiagnostic est d’environ 5 ans. Ainsi, dans 20 % descas, il existe déjà une complication du diabète aumoment du diagnostic. C’est pourquoi, lors de ladécouverte du diabète de type 2, un bilansystématique doit être effectué, notamment un fondd’œil à la recherche d’une rétinopathie diabétique.L’examen podologique doit être systématique, à larecherche d’une artérite et d’une neuropathie. Lademande d’un échodoppler des artères desmembres inférieurs n’est légitime qu’en cas de douteclinique. Le diagnostic de neuropathie diabétique sefait exclusivement sur la clinique ; il n’y a pas lieu dedemander d’exploration électrophysiologique. Ledosage de la microalbuminurie est systématique.L’existence d’une microalbuminurie augmentéetémoigne plus du risque cardiovasculaire global quedu risque de néphropathie. S’il existe des facteurs derisque vasculaire associés au diabète (HTA,hyperlipidémie, tabagisme, augmentation de lamicroalbuminurie), on demande un échodoppler desvaisseaux du cou. Un électrocardiogramme d’effortest demandé s’il existe trois facteurs de risque ou deslocalisations d’athérosclérose.

‚ Pancréatite chronique calcifiante

La découverte d’un diabète chez un homme deplus de 40 ans, dénutri, avec des antécédentsd’alcoolisme, doit la faire suspecter. Elle associe audéficit endocrine une insuffisance pancréatique

externe avec stéatorrhée et parfois malabsorptiondont le traitement relève des extraits pancréatiques.Le traitement de ces malades par insulinothérapiecomporte un risque majeur d’hypoglycémies sévèresen raison d’une carence associée en glucagon. Descalcifications pancréatiques peuvent être mises enévidence sur le cliché d’abdomen sans préparation.

On observe également des pancréatiteschroniques calcifiantes familiales ou pancréatitescalcifiantes nutritionnelles, chez les immigrésafricains en particulier.

‚ Hémochromatose

Elle peut également s’accompagner d’un diabète.Le dosage du fer sérique et de la transferrine permetle diagnostic confirmé par la mise en évidence de lamutation HFE (gène de l’hémochromatose). Le seultraitement efficace de la surcharge ferrique consisteen des saignées initialement hebdomadaires, mais lediabète est irréversible.

‚ Formes cliniques atypiques

Diabète de type 1 d’évolution lente

Il s’observe chez les personnes de plus de 40 ansavec ou sans surpoids, présentant un diabète noninsulinodépendant, non cétosique, mais associé àune maladie auto-immune (dysthyroïdie, maladie deBiermer, vitiligo). Chez ces patients, l’existence d’uneinsulite auto-immune mise en évidence par lapositivité des marqueurs d’auto-immunité (anticorpsanti-îlots de Langerhans, anticorps anti-GAD[anti-acide glutamiqque décarboxylase]) est unargument en faveur d’une insulinothérapie dès lediagnostic. Le diabète est alors facile à équilibreravec de petites doses d’insuline.

Sujet de plus de 40 ans, sans antécédentfamilial de diabète, sans obésité, voire mêmeavec amaigrissement récent

Il faut rechercher systématiquement unepathologie sous-jacente lors du diagnostic dediabète non insulinodépendant : thyrotoxicose,cancer du pancréas, infection torpide peu ou pasfébrile, maladie de Horton chez les personnes deplus de 60 ans. Le scanner du pancréas ne doit êtredemandé que s’il existe des signes cliniquesévocateurs de pathologie pancréatique.

Diabète de « type 3 »

Il doit être suspecté chez les Africains et lesIndiens. Ce diabète apparaît entre 30 et 40 ans. Son

Intolérance aux hydrates de carboneou hyperglycémie à jeun nondiabétique+syndrome d’insulinorésistancemétabolique=risque de macroangiopathie

Caractéristiques du syndromed’insulinorésistance métabolique :✔ diminution de la tolérance auxhydrates de carbone ;✔ répartition androïde des graisses ;✔ HTA ;✔ dyslipidémie (triglycérides élevés,HDL cholestérol bas).

L’échographie et le scanner dupancréas ne doivent pas êtresystématiques lors de la découverted’un diabète non insulinodépendant.En l’absence de tableau cliniqueévocateur (amaigrissement, vitesse desédimentation accélérée), il n’y a paslieu de demander d’examensd’imagerie pancréatique ou demarqueurs biologiques à la recherched’un cancer du pancréas lors dudiagnostic de diabète noninsulinodépendant, chez un sujet deplus de 40 ans sans antécédentfamilial de diabète.

Diagnostic du diabète - 3-0800

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Page 128: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

début est aigu, généralement avec cétose.L’évolution se fait secondairement vers un modenon insulinodépendant. Il n’y a pas de marqueursd’auto-immunité, pas d’insuffisance pancréatiqueexterne. Ce diabète associe carence insulinique etinsulinorésistance.

‚ Autres formes plus rares de diabète

Diabète Mody

C’est un diabète d’hérédité autosomaledominante. Il s’agit d’un diabète non insulinodé-pendant, survenant avant l’âge de 20 ans, parfoismême dans l’enfance. Le diabète Mody II réalise unehyperglycémie bénigne familiale due à unemutation de la glucokinase, enzyme de la cellule Bdu pancréas, entraînant la phosphorylation duglucose en glucose-6-phosphate dont le

métabolisme régule la sécrétion d’insuline. Tout sepasse comme si le « lecteur de glycémie » de la celluleB du pancréas était déréglé, lisant 1 g/L lorsque laglycémie est en réalité à 1,20 ou 1,40 g/L. Lesdiabètes Mody III et Mody IV sont dus à desmutations de facteurs de transcription nucléaire (HNF[hepatic nuclear factor] ) retrouvés au niveau du foieet du pancréas. Leur évolution est souvent plussévère que celle du Mody II.

Diabète secondaire à une mutation de l’acidedésoxyribonucléique mitochondrial

Il associe une surdité de perception et secaractérise par une hérédité maternelle. Il peuts’associer à des atteintes tissulaires diverses,musculaires, neurologiques, cardiaques, rétiniennes.Ce diabète est parfois d’emblée insulinodépendant.

Diabète lipoatrophiqueCongénital ou acquis, il est caractérisé par la

disparition du tissu adipeux. Il existe uneinsulinorésistance majeure avec hyperlipidémie etstéatose hépatique. À l’examen clinique, on peutretrouver un acanthosis nigricans (pigmentationbrunâtre avec aspect épaissi et velouté de la peau, etnombreux papillomes au niveau du cou, desaisse l les , de l ’ombi l ic ) , témoins del’insulinorésistance.

Diabètes endocriniensIls sont associés au phéochromocytome, au

syndrome de Cushing, à l’acromégalie, à la maladiede Crohn, au glucagonome, au somatostatinome.Seuls les signes cliniques évocateurs de cesdifférentes pathologies doivent amener à pratiquerdes dosages hormonaux nécessaires au diagnostic.

Claude Sachon : Attachée des Hôpitaux.Philippe Cornet : Médecin généraliste.

André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, P Cornet, A Grimaldi. Diagnostic du diabète.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0800, 1999, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Alberti KG. Quelques problèmes posés par la définition et l’épidémiologie dudiabète de type 2 (non insulinodépendant) dans le monde.Diabète Métab1994 ;20 : 315-324

[2] Grimaldi A, Cornet P, Massebœuf N, Popelier M, Sachon C. Guide pratiquedu diabète. Paris : Collection Médiguide du généraliste, 1997

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Grossesse, contraception,

ménopause et diabète

C Sachon, A Grimaldi, F Tournant

L es complications fœtales de la grossesse diabétique peuvent être évitées grâce à un parfait équilibre du diabètelors de la conception, tout au long de la grossesse et lors de l’accouchement. Le diabète gestationnel, ou

hyperglycémie maternelle gestationnelle, apparaît à partir de la 26e semaine d’aménorrhée. Son dépistage peut sefaire par le simple dosage de la glycémie à jeun et postprandiale. Son risque essentiel est la macrosomie fœtale.La grossesse de la femme diabétique doit être programmée. Les femmes diabétiques en âge de procréer doiventdonc bénéficier d’une contraception adaptée, la prise au long court de la pilule œstroprogestative étantcontre-indiquée.Le diabète n’est pas une contre-indication au traitement hormonal substitutif de la ménopause, au contraire !© Elsevier, Paris.

■Grossesse et diabète

La grossesse diabétique reste une grossesse àrisque dont le pronostic s’est considérablementamélioré grâce aux progrès diabétologiques etobstétricaux. Les taux de mortalité néonatale et demalformations rejoignent ceux de la population nondiabétique, chez les femmes diabétiquesrégulièrement suivies en consultation.

‚ Diabète connu avant la grossesse

Progrès obstétricaux

Les échographies précoces, pratiquées vers la 11e

ou 12e semaine permettent, de vérifier le terme,voire même de dépister certaines malformations.Une deuxième échographie, entre la 20e et la 22e

semaine, permet le bilan morphologique. Deséchocardiographies fœtales à 24 et 32 semainespermettent d’apprécier la morphologie cardiaque etl ’épaisseur du septum interventriculaire.L’échographie, comme la clinique, apprécient lacroissance fœtale et permettent de dépister lamacrosomie ou l’hypotrophie ainsi qu’un excès deliquide amniotique. L’étude des flux fœtauxplacentaire et utérin permet d’apprécier la qualitédes échanges entre la mère et l’enfant. Lasurveillance obstétricale permet de dépister unemenace d’accouchement prématuré, une éventuellesouffrance fœtale évaluée selon la diminution desmouvements actifs du fœtus. En fin de grossesse, lesenregistrements du rythme cardiaque fœtal sontpratiqués très régulièrement à l’approche du terme,chaque semaine, puis chaque jour, puis deux fois parjour lorsque la patiente est hospitalisée en fin degrossesse.

Progrès diabétologiques

Le rôle délétère de l’hyperglycémie maternellepour le fœtus est mieux compris depuis ces dernièresdécennies.

Dès la conception et lors de l’organogenèse,l’hyperglycémie peut entraîner avortement oumalformations. Lors du développement fœtal, ellestimule l’hyperinsulinisme fœtal responsable demacrosomie, d’hypoxie tissulaire, de retard dematuration pulmonaire ou encore d’hypertrophiecardiaque. Lors de l’accouchement, elle majore lerisque d’hypoglycémie insulinique sévère chez lenouveau-né.

La compréhension du rôle néfaste del’hyperglycémie maternelle avant et tout au long dela grossesse met ainsi l’accent sur la nécessité deprogrammer les grossesses chez les femmesdiabétiques régulièrement suivies en consultation, etdonc sur l’importance d’une contraception fiable.

Toute femme diabétique en âge de procréer doitdonc être informée sur la grossesse.

Prise en charge de la grossesse diabétique(tableaux I, II)

La prise en charge de la grossesse et de saprogrammation par les femmes diabétiques est plusdifficile chez la femme diabétique non insulinodé-pendante (DNID), souvent plus âgée et sans doute

Les échographies au cours de lagrossesse diabétique :✔ la 1re, entre 11 et 12 semainesd’aménorrhée, vérifie le terme etpeut dépister des malformationssévères ;✔ la 2e, entre 20 et 22 semainesd’aménorrhée, permet d’effectuer lebilan morphologique fœtal ;✔ la 3e et la 4e, à 24 et 32 semainesd’aménorrhée, vérifient la morpholo-gie cardiaque et l’épaisseur duseptum interventriculaire.

Grossesse diabétique : risques pourl’enfant✔ Malformations multipliées par troissi le diabète existe avant lagrossesse.✔ Macrosomie, traumatismeobstétrical.✔ Hypoglycémie.✔ Hypocalcémie.✔ Hyperbilirubinémie.✔ Polyglobulie.✔ Détresse respiratoire.✔ Maladie des membranes hyalines(aujourd’hui exceptionnelle)✔ Cardiomyopathie avec hypertrophieseptale.

La nécessité de programmer lesgrossesses chez les femmes diabétiquesjustifie la prescription d’une contracep-tion efficace.

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moins bien informée. Chez cette femme, letraitement oral sera arrêté avant le début de lagrossesse, avec insulinothérapie si besoin est,c’est-à-dire si le régime ne permet pas d’obtenir desglycémies normales, inférieures à 0,90 g/L avant lesrepas, et inférieures à 1,20 g/L après.

Chez les diabétiques insulinodépendantes (DID),une optimisation du traitement sera réaliséependant la programmation de la grossesse avectrois, voire quatre injections d’insuline par jour,l ’objectif glycémique étant d’obtenir unenormalisation de l’hémoglobine A1C dès cettepériode avec des glycémies oscillant entre 0,60 et1,60 g/L au cours du nycthémère.

Quel que soit le type de diabète, l’autosurveillanceglycémique est indispensable et doit comporter six àsept contrôles quotidiens avec adaptationthérapeutique immédiate (adaptation des dosesd’insuline aux glycémies instantanées, ou adaptationde la prise alimentaire selon les résultats,

l’autosurveillance urinaire doit être effectuée chaquematin à la recherche d’une cétose de jeûne. Si elle estpositive, il faudra adapter l’insulinothérapie etinstituer une collation au coucher). Les femmesdoivent être vues en consultation de diabétologietous les 15 jours pour la prise de poids, de lapression artérielle en position semi-assise ou endécubitus latéral gauche, un bilan biologique avecdosage de la fructosamine (glycémie moyenne des15 derniers jours), un examen des urines parbandelette à la recherche d’une infection ou d’unemicroalbuminurie.

Tous les 2 mois, on effectue la mesure del’hémoglobine A1C, de l’uricémie ou de lacréatininémie. Un examen ophtalmologique estsystématique en début de grossesse et vers la 26e

semaine, plus souvent s’il existe une rétinopathie. Sibesoin est, un arrêt de travail prolongé est prescritpour faciliter la prise en charge du diabète.L’hospitalisation en service de diabétologie est rare.Elle peut se pratiquer avant la grossesse pouraméliorer l’équilibre glycémique grâce à uneinsulinothérapie optimisée, elle est nécessaire parfoisau cours de la grossesse si l’objectif glycémique n’estpas atteint.

L’accouchement se déroule, aussi souvent quepossible, à terme, par voie basse. L’hospitalisation enmaternité pour surveillance de fin de grossesse n’estplus systématique avant la 38e semaine, dans lamesure où il n’existe pas de problèmes obstétricaux,si le diabète est parfaitement équilibré et si la femmehabite à proximité de la maternité, ce qui permetune surveillance ambulatoire.

Pendant l’accouchement, une insulinothérapiepar voie intraveineuse est mise en place aveccontrôle de la glycémie capillaire toutes lesdemi-heures. Le nouveau-né est surveillésystématiquement dès la naissance à la recherched’hypoglycémie ou d’hypocalcémie néonatale.

Complications de la grossesse diabétique

La grossesse diabétique reste cependant unegrossesse à risque (tableau III) : la toxémiegravidique avec hypertension et protéinurie est plusfréquente (multiplée par trois par rapport à lapopulation générale), l’acidocétose diabétique chezles femmes insulinodépendantes est unecomplication possible du 3e trimestre, les infectionsurinaires avec pyélonéphrite aiguë se sontmultipliées, enfin, dans le cadre d’une insuffisancerénale, il n’existe qu’une chance sur deux de mettreau monde un enfant vivant, avec risque majeurd’aggravation de l’hypertension artérielle (HTA) et del’insuffisance rénale au cours de la grossesse, engénéral réversible après l’accouchement. Quant àl’insuffisance coronarienne, elle constitue unecontre-indication à la grossesse avec un risque dedécès maternel d’environ 50 %.

‚ Cas particuliers du diabète découvert encours de grossesse

Il peut s’agir d’un diabète non insulinodépendantméconnu jusqu’à la grossesse, d’un authentiquediabète insulinodépendant qui se révèle au cours dela grossesse, ou encore de ce que l’on appelle de

diabète gestationnel, qui correspond à uneintolérance aux hydrates de carbone, apparaissant leplus souvent entre la 26 et la 28e semaine degrossesse.

Dans le diabète gestationnel pur, il n’existe pasd’augmentation du risque de malformationsnéonatales, en revanche ce risque augmente s’ils’agit d’un diabète méconnu avant la grossesse.

Risques du diabète gestationnel

Le diabète gestationnel vrai correspond à environ3 % des grossesses. Il s’agit d’une résistance àl’insuline liée à la sécrétion de l’hormone lactogèneet de l’hormone de croissance placentaires, quientraînent une dégradation de la toléranceglucidique.

Tableau I. – Diabète connu avant la grossesse.

Nécessité de programmation des grossessesContraception effıcace.Éducation à l’autocontrôle glycémique : six à septtests/j.Optimisation de l’insulinothérapie chez les DIDavec normalisation de l’hémoglobine A1C avantconception.Arrêt des antidiabétiques oraux chez les DNID.Insulinothérapie avec normalisation des glycémiesavant la conception si besoin est.

Objectifs glycémiques au cours de la grossesseDID : glycémies entre 0,60 et 1,60 g/L au cours dunycthémère.DNID : glycémies< 0,90 g/L avant les repas ;< 1,20 g/L 1 heure 30 minutes après le début durepas.

DID : diabète insulinodépendant ; DNID : diabète non insulinodépendant.

Tableau II. – Surveillance de la femme diabéti-que lors d’une grossesse.

Avant la grossesseSérologies habituelles (rubéole, toxoplasmose, sy-philis, VIH).Examen stomatologique.Examen ophtalmologique + bilan du diabète.Optimisation de l’insulinothérapie.

Pendant la grossesseConsultation tous les 15 jours en diabétologie :poids, pression artérielle, recherche d’infectionurinaire et d’albuminurie à la bandelette. Fructo-samine, analyse du carnet de surveillance.Tous les 2 mois : dosage de l’hémoglobine A1C, del’uricémie ou de la créatininémie.Examen ophtalmologique au début de la grossesse(s’il n’a pas eu lieu avant) et vers la 26e semaine,plus souvent s’il existe une rétinopathie.À partir du 2e trimestre : supplémentation en fer eten acide folique.Prescription d’Aspégict 100 mg en cas de rétino-pathie diabétique ou d’hypertension artérielle de la11e à la 34e semaine d’aménorrhée.

Tableau III. – Grossesse diabétique : risquesmaternels.

Prééclampsiemultipliée par trois.Acidocétoseau cours du 3e trimestre avec risquede mort fœtale.Infections urinairesavec risque de pyélo-néphrite.Insuffisance rénale :un risque sur deux de nepas avoir un enfant vivant à terme, risque d’ag-gravation de l’insuffısance rénale et de l’hyper-tension artérielle.Insuffisance coronarienne :contre-indication dela grossesse

Hypertension artérielle et grossesseElle est deux fois plus fréquente chez la femmediabétique, surtout s’il existe une microangiopa-thie ou une surcharge pondérale.Elle se définit par une pression artérielle systoli-que supérieure ou égale à 140 mmHg, ou unepression diastolique supérieure ou égale à 90mmHg à deux reprises, mesurée au repos en dé-cubitus latéral gauche ou en position assise.Elle est le plus souvent secondaire à une insuffı-sance placentaire.Son traitement ne doit pas réduire le débit san-guin placentaire, il est au contraire essentiel del’améliorer.Le repos physique et psychique est indispensable.On prescrit des antihypertenseurs avec, pour ob-jectif, une diminution progressive de la pressionartérielle en évitant de descendre en dessous de130/80 mmHg.

Médicaments utilisésClassiquement :- des antihypertenseurs centraux (Aldomett, Ca-tapressant) ;- des vasodilatateurs (Népressolt, Minipresst,Alpresst).Plus récemment :- des bêtabloquants ;- les inhibiteur calciques.

Traitement contre-indiquéRégime désodé.Diurétiques.Inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

En cas de microangiopathie diabétique et/ou de modification du dopplerutérin, un traitement antiplaquettaire préventif (aspirine 100 mg/j) semblejustifié.Ce traitement devra être interrompu à 34 semaines d’aménorrhée pourrespecter la coagulation lors de l’accouchement.

3-0870 - Grossesse, contraception, ménopause et diabète

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Le risque de ce diabète gestationnel est lamacrosomie fœtale, qui correspond à un poids denaissance supérieur au 90e percentile pour le terme.Le risque de cette macrosomie est celui d’untraumatisme obstétrical avec dystocie des épaules,fracture de la clavicule, étirement ou paralysie duplexus brachial. Pour éviter ces risques, la césarienneest souvent proposée sur les données échogra-phiques, cliniques ou de pelvimétrie. Les autresrisques encourus par le nouveau-né sont ceux liés àl’hyperinsulinisme fœtal, c’est-à-dire l’hypoglycémie,l’hypocalcémie, la polyglobulie, l’hyperbilirubinémieet l’hypertrophie cardiaque, comme pour les autresgrossesses diabétiques.

Comment dépister un diabète gestationnel ?

Si la prise en charge du diabète gestationnel estbien codifiée, il n’en est pas de même pour sondépistage. L’étalon or proposé pour le diagnostic dediabète gestationnel reste, dans la plupart descentres, l’hyperglycémie provoquée par voie orale.Selon les travaux de O Sullivan, en 1964, le diabètegestationnel se définit par deux valeurs glycémiquesau-dessus de la normale lors d’une hyperglycémieprovoquée par voie orale sur 3 heures aprèsabsorption de 100 g de glucose : glycémie égale à1,05 g/L à jeun, 1,90 g/L à la 1re heure, 1,65 g/L à la2e heure, et 1,45 g/L à la 3e heure. Toutefois, letravail initial de O Sullivan avait pour fonction dedéfinir le risque maternel de diabète dans les 10années suivant la grossesse (25 % des femmesprésentant un diabète gestationnel deviennentdiabétiques, 25 % d’entre elles gardent uneintolérance aux hydrates de carbone). Ce n’est quesecondairement que ces valeurs ont été validéespour le risque fœtal. Chaque auteur a adapté à safaçon les résultats de O Sullivan. Il existe aujourd’huiplusieurs versions de « O Sullivan corrigé ».

L’hyperglycémie provoquée par voie orale n’étantpas réalisable sur le plan économique en pratique demasse, le test de O Sullivan a été proposé. Il consisteà mesurer la glycémie 1 heure après l’absorption de50 g de glucose chez les femmes présentant desfacteurs de risque de diabète gestationnel.

L’interprétation de ce test de O Sullivan estvariable selon les auteurs, et justifie le recours à unehyperglycémie provoquée par voie orale sur 3heures selon que la valeur glycémique se situe de1,30 à 1,50 g/L... Si le diagnostic de diabètegestationnel ne fait pas l’objet d’un consensusinternational, sa prise en charge est à peu prèsuniforme. C’est pourquoi il serait logique de définir lediabète gestationnel par les valeurs glycémiquesjustifiant une intervention thérapeutique, soit desvaleurs glycémiques préprandiales, supérieures ouégales à 0,90 g/L, soit des glycémies 1 heure 30minutes après le repas, supérieures ou égales à1,20 g/L.

Traitement du diabète gestationnel

Un régime diététique de 1 500 à 2 000 calories/jselon l’enquête alimentaire avec un apport de 150 à200 g de glucides fractionnés en trois repas et troiscollations.

L’éducation à l’autosurveillance glycémique sixfois par jour, c’est-à-dire avant et une 1 heure 30minutes après le début de chaque repas, soit à l’aidede bandelettes visuelles, soit grâce à un lecteur deglycémie.

Une éducation à l’autosurveillance urinairechaque matin au réveil pour vérifier l’absence decétose de jeûne consécutive à un régime troprestrictif.

L’insulinothérapie est proposée si, malgré lerégime, les glycémies préprandiales atteignent oudépassent 1 g/L, et/ou si les glycémies 1 heure 30minutes après le début des repas atteignent oudépassent 1,40 g/L. Toutefois, s’il existe des facteursde risque maternels (tableaux IV, V), l’insulinothé-rapie sera proposée plus précocement, c’est-à-dire siles glycémies préprandiales sont supérieures ouégales à 0,90 g/L, et si les glycémies postprandiales

sont supérieures ou égales à 1,20 g/L. Le plussouvent, l’insulinothérapie comprendra troisinjections par jour, soit une injection d’insuline rapidele matin, le midi et le soir avant les repas, soit uneinjection d’insuline biphasique matin et soir avec, sibesoin est, une insuline rapide le midi.

■Contraception, ménopause

et diabète

‚ Contraception

Toute femme diabétique en âge de procréer doitêtre informée sur la nécessaire programmation desgrossesses. Elle doit donc bénéficier d’unecontraception efficace et adaptée, sachant que :

– l’éthinyl-œstradiol, même à faible dose,favorise les thromboses vasculaires ;

– les progestatifs dérivés des norstéroïdes à forteactivité antigonadotrope androgénique dégradent latolérance glucidique et abaissent le HDL-cholestérol( h i g h d e n s i t y l i p o p r o t e i n s ) , et sont donccontre-indiqués chez les diabétiques.

Il existe plusieurs techniques.

■ Les pilules progestatives microdosées, enl’absence de contre-indication gynécologique(mastopathie bénigne, dysovulation), qui nécessitentune prise quotidienne à heure fixe sans oubli. Elles

Diabète gestationnel vrai : définition✔ Trois pour cent des grossesses.✔ Intolérance aux hydrates decarbone apparaissant vers la 26-28e

semaine d’aménorrhée.

Facteurs de risque de diabètegestationnel :✔ âge> 35 ans ;✔ obésité (BMI> 25) ;✔ prise de poids excessive ;✔ antécédent familial de diabète noninsulinodépendant ;✔ antécédent de diabète gestationnelou de trouble de la glycorégulationsous pilule œtroprogestative ;✔ antécédents obstétricaux :macrosomie, hydramnios, mortfœtale in utero ;✔ hypertension artérielle ;✔ prééclampsie ;✔ problèmes obstétricaux de lagrossesse en cours.

Propositions pour le dépistage dudiabète gestationnel chez les femmesprésentant des facteurs de risque :✔ glycémie à jeun ;✔ glycémie 1 heure 30 minutes aprèsle début du petit déjeuner apportant50 g de glucides ;✔ diagnostic de diabète gestationnel sila glycémie à jeun est≥ 0,90 g/L ousi la glycémie postprandiale est≥ 1,20 g/L.

Exemples de petit déjeuner apportant50 g de glucides :✔ un café noir ou thé sans sucre +deux croissants ;✔ un café noir ou thé + deux sucres+ 80 g de pain ou six biscottes +beurre.

Tableau IV. – Indications du dépistage du dia-bète gestationnel.

− Chez les femmes présentant des facteurs derisque :

• dès la 1re consultation.• à 26 semaines d’aménorrhée ;• à 32 semaines d’aménorrhée si le dépistage

était négatif à 26 semaines ;− À 28 semaines d’aménorrhée et non répété si ledépistage était négatif chez toutes les femmessans facteurs de risque âgées de plus de 25 ans.

Tableau V. – Traitement du diabète gestation-nel selon les résultats glycémiques et l’exis-tence de facteurs de risque maternels.

Régime diabétique personnaliséde 1 500 à2 000 calories/j et autocontrôle glycémique avantet 1 heure 30 minutes après chaque repas si :

• la glycémie à jeun est≥ 0,90 g/L ;• et/ou la glycémie postprandiale est≥ 1,20 g/L.

Insulinothérapie− En l’absence de facteurs de risque maternels si,malgré le régime :

• la glycémie à jeun est≥1 g/L ;• et/ou la glycémie postprandiale est≥ 1,40 g/L.

− En présence de facteurs de risque maternels si,malgré le régime :

• la glycémie à jeun est≥ 0,90 g/L ;• et/ou la glycémie postprandiale est≥ 1,20 g/L.

Grossesse, contraception, ménopause et diabète - 3-0870

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sont un peu moins efficaces que les pilulesœtroprogestatives et moins bien tolérées (spotting,parfois aménorrhée, mastodynie).

■ Les progestatifs « normodosés ». Lesprogestatifs non androgéniques sont bien tolérés surle plan métabolique et gynécologique.

■ Le stérilet chez la multipare, en l’absenced’antécédent infectieux annexiel utérin.

■ Les moyens locaux dont l’efficacité dépendtoutefois de la discipline d’utilisation.

La pilule œstroprogestative est contre-indiquée enraison de ses risques vasculaires.

El le reste possible chez la diabétiqueinsulinodépendante jeune ayant un diabète récentbien équilibré, pour une courte durée (avantgrossesse).

On utilise de préférence les œtroprogestatifs lesmoins dosés en éthinyl-œstradiol (30 µg oumoins), associés à un progestatif faiblementandrogénique.

‚ Ménopause

Le diabète n’est pas une contre-indication autraitement substitutif de la ménopause, au contraire,dans la mesure où le risque d’ostéoporose etd’athéromatose est accru chez la femme diabétique.

On utilise des œtrogènes par voie percutanée(Œstrogelt, Estradermt) qui n’ont pas d’incidencesmétaboliques, auxquels on associe un progestatif àl’exclusion des progestatifs norstéroïdes dérivés de latestostérone.

Claude Sachon : Attaché des Hôpitaux.André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Flavie Tournant : Chef de clinique-assistant.Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Grimaldi et F Tournant. Grossesse, contraception, ménopause et diabète. Encycl Méd Chir (Elsevier,Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0870, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Diabetes and pregnancy. Diabet Rev 1996 : vol 4

[2] DornhorstA, Hadden D. Diabetes and pregnancy: an international approach todiagnosis and management. New York : John Wiley, 1996

[3] Grimaldi A, Sachon C, Bosquet F. Les diabètes : comprendre pour traiter.Paris : Éditions médicales internationales, 1995 : 428-443

[4] Reece A, Coustan D. Diabetes mellitus in pregnancy. New York : ChurchillLivingstone, 1995

[5] Tchobroutsky C, Tchobroutsky G, Slama G, Assan R, Freychet P. Diabètes etgrossesse. In : Traité de diabétologie. Paris : Pradel, 1990 : 783-798

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Page 133: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Hyperlipoprotéinémies,

diagnostic et traitement

F Dairou

D ans leur très grande majorité, les hyperlipoprotéinémies sont des affections métaboliques génétiques quifavorisent une artériosclérose prématurée. C’est dans le but de prévenir, réduire ou retarder les manifestations

cardiovasculaires ischémiques de ces maladies qu’il faut les prendre en charge. Le diagnostic, la classification ainsique les traitements diététique et médicamenteux sont à mettre en œuvre successivement afin de s’associer à la priseen charge simultanée des autres facteurs de risque athérogènes.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les hyperlipoprotéinémies ou dyslipoprotéi-némies sont définies comme l’augmentationpermanente de la concentration plasmatique d’uneou plusieurs classes de lipoprotéines, parfois commeune composition anormale d’une lipoprotéine. Onen rapproche la diminution isolée des lipoprotéinesde haute densité (HDL). Leur risque essentiel est defavoriser une maladie athéromateuse précoce,source de complications cardiovasculairesischémiques. Dans la majorité des cas, ladyslipidémie est constitutionnelle, permanente,pouvant souvent être dépistée dès l’enfance et saphysiopathologie correspond à une perturbationhéréditaire du métabolisme des lipoprotéines due àune anomalie de structure d’un enzyme, d’uneapolipoprotéine ou d’un récepteur des lipoprotéines.Plus rarement, l’élévation du taux circulant deslipoprotéines est la conséquence d’un autre étatpathologique transitoire ou permanent, ladyslipoprotéinémie est alors secondaire.

■Rappel du métabolisme

des lipoprotéines [1]

Les lipides, peu solubles dans le plasma, circulentassociés aux apolipoprotéines (APO) sous formed’édifices parfois volumineux, les lipoprotéines.Toutes les lipoprotéines contiennent en quantitévariable du cholestérol, des triglycérides, desphospholipides et des APO. Le tableau I donne lacomposition des lipoprotéines normales. La figure 1représente le métabolisme des lipoprotéines.

‚ Chylomicrons (CHYLO)

Les chylomicrons (CHYLO) proviennent par voielymphatique des cellules intestinales où ils sontsynthétisés à partir des éléments de la digestion. Aux

Tableau I. – Composition des lipoprotéines.

Lipoprotéine Taille CT TG PL APO Mobilité(angströms) % % % % électrophorèse

CHYLOS 1 000/10 000 3 95 5 2 (A1, AIV, C) CHYLO

VLDL 300/800 20 65 15 7 (B, E) prébêta

LDL 200/220 50 12 22 22 (B) bêta

HDL 70/100 20 6 25 50 (A1, A2, C, E) alpha

Lp (a) 265 35 43 19 (B, a) prébêta

remnants

VLDLIDL

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acides biliaires

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graisses alimentaires

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1 Métabolisme des lipoprotéines.

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triglycérides prédominants s’associent les APO B48,CII, CIII, CI, A1, A2, A4 et E. Ils séjournent dans lecourant sanguin 1 à 6 heures suivant le repas. Àjeun, ils disparaissent du plasma. Leur dégradationest assurée par les enzymes lipolytiques dont le plusimportant est la lipoprotéine lipase (LPL) activée parl’APO CII. Il en résulte des résidus de plus petite taille,les « remnants ». Ceux-ci sont liés et internalisés dansles cellules par les récepteurs E et BE.

‚ Lipoprotéines de très basse densité(VLDL)

Les lipoprotéines de très basse densité (VLDL)proviennent pour une faible part de la celluleintestinale et pour beaucoup de la cellule hépatique.Les triglycérides représentent 70 % de leurcomposition. Leur APO B est l’APO B100. Ces VLDLnaissantes vont effectuer des échanges avec leslipoprotéines de haute densité grâce à la protéine detransfert (CFTP). Elles acquièrent du cholestérolestérifié et des APO (APO C, APO E). Elles subissentune lipolyse sous l’influence des enzymeslipolytiques (LPL), qui va modifier leur composition :diminution des triglycérides et enrichissement encholestérol. Certains éléments de la surface des VLDLdeviendront des HDL. La demi-vie des VLDL estd’environ 5 heures. La lipoprotéine de densitéintermédiaire (IDL) qui en résulte est captée par lesrécepteurs E hépatiques ou continue à setransformer pour devenir la lipoprotéine de bassedensité.

‚ Lipoprotéines de basse densité (LDL)

Les lipoprotéines de basse densité (LDL) qui n’ontà leur surface que l’APO B100 vont apporter lecholestérol aux cellules périphériques de l’organismepour fournir la synthèse des membranes cellulaireset la fabrication de stéroïdes. L’APO B estspécifiquement liée par le récepteur BE, liaison quiprécède l’internalisation de la lipoprotéine dans lescellules. Les LDL y sont hydrolysées par les enzymesdu lyzosome et cet apport de cholestérol dans lacellule a trois conséquences :

– la régulation de la synthèse des récepteurs desLDL ;

– le freinage de l’HMG Co-A réductase (HMG R) ;– l’activation de l’acyl Co-A cholestérol

acyltransférase (ACAT).Dans le plasma, la demi-vie des LDL est de 3,6

jours. Une modification progressive de la structurede l’APO B par des réactions d’oxydation traduit levieillissement des lipoprotéines. Ces lipoprotéinesmodifiées n’ont plus de dégradation possible par lavoie des récepteurs et ne peuvent être dégradéesque par les macrophages. L’importance de ces LDLmodifiées est grande dans la genèse de l’athéromecar un excès de LDL modifiées captées par lesmacrophages aboutit à une cellule spumeuse.

‚ Lipoprotéines de haute densité (HDL)

Les lipoprotéines de haute densité (HDL) ont troisorigines : l’hépatocyte, la cellule intestinale etl’hydrolyse des VLDL. Il s’agit en fait d’un groupehétérogène. Les deux principales sous-classes sontles HDL2 et les HDL3. À leur naissance, les HDLcontiennent un peu de lipides, phospholipides,

cholestérol estérifié et surtout des APO, APO A1, APOA2. Dans la circulation, les HDL vont s’enrichir encholestérol estérifié et un peu en triglycérides ; aucontact des membranes cellulaires, elles se chargenten cholestérol libre. Dans le plasma, la lécithinecholestérol acyltransférase (LCAT), dont l’APO A1 estl’activateur, transforme le cholestérol libre encholestérol estérifié qui est emmagasiné au centredes HDL. Il existe des récepteurs des HDL sur lescellules périphériques (macrophages) qui permettentla liaison des HDL et leur internalisation. Les HDL nesont pas détruites mais subissent une réexcrétionaprès s’être chargées de cholestérol, de sorte qu’ellesassurent un retour du cholestérol vers le foie : c’est lereverse transport du cholestérol. Il explique le rôleantiathérogène de cette lipoprotéine.

‚ Différentes classes de lipoprotéines

Les différentes classes de lipoprotéines peuventêtre étudiées après une séparation que l’on réaliseen fonction de leur migration (électrophorèse), deleur densité (ultracentrifugation), ou en fonction deleur contenu en APO (techniques immunologiques).Les dosages des lipides courants sont le dosage destriglycérides, du cholestérol total, son fractionnementavec la mesure du cholestérol des HDL (HDL C) parune méthode de précipitation sélective, des APO B etA1. L’aspect du sérum renseigne sur la présence enexcès de lipoprotéines riches en triglycérides. Lesvaleurs de cholestérol, du cholestérol des HDL et destriglycérides permettent de calculer la valeur ducholestérol des LDL, selon la formule de Friedewald.

Le dosage de l’APO B totale permet d’identifiertoutes les surcharges en LDL et/ou en VLDL, mais ilest surtout fiable dans les surcharges pures en LDL,avec un sérum clair. Le dosage des APO ne peutremplacer les dosages de cholestérol et detriglycérides mais il constitue un élément de contrôlede ces derniers et peut renseigner sur d’éventuellesvariations de composition des lipoprotéines. Lesvaleurs des rapports APO A1/APO B, ainsi que ceuxdu cholestérol total/HDL C ont été considérées, surde larges échantillons de population, comme trèsprédictives du risque cardiovasculaire. Pour uneexploration à visée diagnostique, tous les dosagesdoivent être faits à jeun, en dehors de tout régime outraitement hypolipidémiant.

■Épidémiologie et physiopathologie

des dyslipoprotéinémies

primitives [2]

‚ Hypercholestérolémies (surchargeen LDL, type IIa)

La forme hétérozygote d’hypercholestérolémiefamiliale par maladie du récepteur est due à latransmission, par un seul des deux parents, d’unemutation génétique sur le récepteur BE des LDL. Ellea une fréquence de un cas sur 500 naissances. C’est

la plus fréquente des maladies génétiques chezl’homme. Cette mutation entrave la liaison durécepteur aux lipoprotéines et ralentit leurcatabolisme. Les LDL ont une durée de vie allongéedans le plasma. La mutation sur le gène est denature variable : on en a décrit plus de 200intéressant diverses parties de la chaîne du récepteurBE. La forme homozygote de la maladie durécepteur est exceptionnelle, elle est observée en casd’héritage double d’une anomalie des récepteurs desLDL, touchant les deux parents. Le propositus estporteur de deux allèles mutants dont la mutation esten général différente, sauf en cas de consanguinité.Le trouble métabolique entraîné par cette doubleatteinte est beaucoup plus sévère que dans la formehétérozygote. La fréquence de la forme homozygoteest de un cas sur un million de naissances.

L’hypercholestérolémie familiale par déficit enAPO B correspond à une mutation située au niveaudu site biologiquement actif de l’APO B sur l’acideaminé 3500. Le défaut de liaison de la lipoprotéineet de son récepteur est dû ici à l’anomalie de lachaîne de l’APO B, mais les conséquences cliniqueset biologiques sont les mêmes que dans la maladiedes récepteurs. La presque totalité des cas décrits decette étiologie sont des formes hétérozygotes pour ledéfaut métabolique. La fréquence de la maladie estun peu plus faible que celle de la maladie durécepteur, environ un cas sur 700 naissances. Cesdeux étiologies n’expliquent pas la totalité deshypercholestérolémies pures. Dans un grandnombre de cas, en général de sévérité moindre, onne retrouve pas d’anomalie des récepteurs ni del’APO B. L’étiologie est alors inconnue. Un desmécanismes physiopathologiques invoqués est untrouble fonctionnel de l’activité des récepteurs desLDL, ralentie par l’importance des apportsalimentaires de cholestérol. La fréquence de cesformes modérées dites essentielles est trois fois plusgrande que celle des défauts génétiques précédents.Dans toutes les hypercholestérolémies, le risqueathérogène est élevé, avec une relationproportionnelle entre le taux du cholestérol des LDLet la sévérité et la précocité des manifestationsathéromateuses.

‚ Hypertriglycéridémie endogène(surcharge en VLDL ou type IV)

C’est un groupe hétérogène d’affections, ce quiexplique de nettes différences de fréquence selon lespopulations étudiées, jusqu’à 10 % dans certainesétudes anglo-saxonnes. Dans ce chiffre très élevésont sans doute comptabilisées bon nombre dedyslipidémies où les facteurs d’environnementprennent le pas sur les facteurs génétiques. Leshypertriglycéridémies héréditaires reconnues sur desarguments familiaux ne concernent que 0,5 à 0,8 %de la population générale adulte, et le mode detransmission est clairement autosomique dominant.On ne connaît pas le défaut métabolique, mais laphysiopathologie correspond à un excès de lasynthèse des VLDL. Trois facteurs alimentairescontribuent à l’installation ou à l’amplification de cetrouble métabolique : l’intolérance aux hydrates decarbone et le diabète, la consommation d’alcool etles apports excessifs de calories et la pléthore

Formule de FriedewaldCholestérol des LDL = cholestéroltotal - HDL cholestérol - TG/5.

3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

2

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pondérale. Le taux des triglycérides permetd’opposer les hypertriglycéridémies majeures(au-dessus de 500 mg/dL) et mineures (triglycéridesentre 150 et 500 mg/dL). Le risque athérogène estmoins élevé que dans les hypercholestérolémies etdans les hyperlipidémies mixtes, mais il estnéanmoins présent dans un quart des cas.

‚ Hyperlipidémie mixte

Elle est aussi fréquente que les hypercholestérolé-mies : 0,5 à 0,8 % de la population. Le défautmétabolique n’est pas connu dans l’hyperlipidémiede type IIb qui correspond à une double surchargeen LDL et en VLDL. L’hyperlipidémie de type III estbeaucoup plus rare (0,02 %). Elle est due à un doublefacteur héréditaire : conjonction d’un excès desynthèse des VLDL et d’un phénotype particulier desisomorphes de l’APO E, le phénotype E2E2,caractérisé par la médiocre affinité de l’APO pour lesrécepteurs des lipoprotéines. La surcharge réaliséeest une surcharge en IDL. Le risque vasculaire est trèsgrand dans toutes les hyperlipidémies mixtes, dontdeux tiers des cas, en l’absence de traitement, secompliqueront avant 60 ans.

‚ Hyperchylomicronémies (surchargeen chylomicrons dans le type I,surcharge associée en chylomicronset en VLDL dans le type V)

Ce sont des hyperlipidémies exceptionnellesd’une fréquence de un cas sur 100 000 naissances.Le défaut métabolique est un défaut d’épuration paranomalie de la lipoprotéine-lipase ou de sonactivateur, l’APO CII. Plus d’une trentaine demutations sur les gènes de la lipoprotéine-lipase oude l’APO CII ont déjà été décrites. La transmission sefait sur un mode autosomique récessif. Les sujetsatteints sont homozygotes. La consanguinitéparentale est très fréquente et l’on observe souventplusieurs cas dans une même fratrie. Leshétérozygotes, classiquement indemnes, sontpeut-être atteints d’une forme banale d’hyperlipi-démie mixte avec une fréquence inhabituelle. Il n’y apas de complications athéromateuses dans le type I,mais elles sont possibles, assez tardivement, dans letype V.

‚ Hypoalphalipoprotéinémies(déficit en HDL)

Les hypoalphalipoprotéinémies (déficit en HDL)doivent être étudiées dans le cadre desdyslipoprotéinémies en raison de leur risqueathérogène. C’est avant tout un symptôme d’unegrande fréquence, volontiers associé à d’autresdésordres lipidiques, en particulier ceux quicomportent une hypertriglycéridémie. On peut doncobserver un taux bas d’HDL dans les hypertriglycéri-démies endogènes, dans les hyperlipidémies mixtes,et dans les hyperchylomicronémies. Lesabaissements isolés des HDL ne sont pas pourautant un groupe homogène et l’on ne connaît ledéfaut métabolique que dans de rares cas, sousforme d’une mutation génétique siégeant sur legène de l’APO A1, d’anomalie de son métabolisme(maladie de Tangier) ; on a décrit un déficit familialcombiné en APO A1 et APO CIII, un déficit en HDL

avec xanthomes plans (autosomique récessif), ledéficit en LCAT (autosomique récessif), la fish-eyedisease (autosomique dominant). De grandes étudesépidémiologiques ont démontré sans ambiguïté unecorrélation inverse entre la concentrationplasmatique des HDL et le risque de maladiecardiovasculaire ischémique. Au-dessus de 40 anscette incidence double entre les sujets à taux élevéde HDL et les sujets à taux bas. Cette corrélation estaussi affirmée sur des critères coronarographiques.Le taux de l’HDL C est corrélé négativement aurisque vasculaire cérébral.

‚ Surcharge en lipoprotéine (a)

De connaissance relativement récente, c’est unesurcharge en une lipoprotéine particulièreressemblant aux LDL mais qui possède en plus uneAPO (a) caractérisée par une forte glycosylation etdont la migration électrophorétique sur situe enposition prébêta. La protéine (a) offre une analogiestructurale importante avec le plasminogène. Sontaux est réglé par des facteurs génétiques et n’estinfluencé ni par le régime, ni par des facteursd’environnement. L’importance physiopathologiquede la « lipoprotéine (a) » Lp (a) est grande, car si l’onignore son rôle dans le métabolisme, il apparaîtcertain que son taux est corrélé positivement àl’incidence de coronaropathie. Les modalités de latransmission héréditaire de ce paramètre sont malconnues, et seraient sous contrôle polygénique. Ondoit connaître le taux de la Lp (a) dans les conditionssuivantes :

– à titre pronostique : dans les grandeshyperlipidémies athérogènes pour savoir si uneélévation de la Lp (a) vient aggraver le pronosticvasculaire de ces affections ;

– pour déterminer la cause d’une maladieathéromateuse précoce qui n’est pas expliquée parun autre facteur de risque athérogène.

Sa découverte doit conduire, en cas de valeur trèsélevée, à une enquête biologique familiale. Lesmédicaments efficaces sont rares et d’actionmodeste (tableau II).

■Diagnostic clinique

et biologique [3]

‚ Hypercholestérolémie (type IIa)

L’examen clinique n’est anormal que dans lesformes sévères. Dans la très grande majorité desformes les plus communes, le diagnostic ne reposeque sur les examens biologiques. Les signescliniques, s’ils sont rares, ont cependant valeurd’alerte, surtout pour les signes cutanés,particulièrement spectaculaires.

Hypercholestérolémie familiale hétérozygote

¶ Circonstances de découverteLes circonstances de découverte sont variables :

fortuite, systématique, lors d’une enquête familialemotivée par un autre cas dans la famille, ou àl’occasion d’un accident cardiovasculaire.

¶ Signes fonctionnelsDes signes fonctionnels sont possibles mais peu

caractéristiques : vertiges, acouphènes, céphalées. Ilpeut s’agir de l’expression clinique de la maladieathéromateuse dans le territoire coronaire : angord’effort ou de repos, ou sur les artères périphériques :claudication intermittente.

¶ Arc cornéenL’arc cornéen est un dépôt de cholestérol complet

ou simplement partiel, c’est un cercle ou un arc decercle blanc ou grisâtre situé à la périphérie de lacornée. Présent dans trois quarts des cas, il n’a pasde valeur formelle pour le diagnostic d’hypercholes-térolémie car on peut le voir dans d’autreshyperlipidémies, et même chez certains sujetsnormolipidémiques, surtout après 50 ans(gérontoxon).

¶ XanthélasmaLe xanthélasma est un xanthome palpébral, de

coloration jaune vif, car il correspond à uneinfiltration cutanée de LDL, à la différence de l’arccornéen qui correspond à un dépôt de cholestérol. Ils’observe dans 25 % des cas. Il n’y a pas de relationentre le taux de la cholestérolémie et l’étendue du

Tableau II. – Classification des lipoprotéines.

Hypercholestérolémies Hyperlipidémies mixtes Hypertriglycéridémies

Lipoprotéine LDL LDL + VLDL IDL VLDL CHYLO +/-VLDL

Type IIa IIb III IV I ou V

Dénomination Hypercholestérolé-mies familiales

Hyperlipidé-mies mixtesou combinées

Dysbêtalipo-protéinémie

Hypertrigly-céridémieendogène

Hyperchylo-micronémie

Déficience en APO B

Hypercholestérolémieessentielle

Défautsmétaboliquesconnus

Mutation récepteurLDL

HomozygotieE2E2

Mutation ho-mozygote LPL

Mutation APO B

Risqueathérogène

+++ +++ +++ ± −

Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

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xanthélasma ou sa date d’apparition. Son évolutionest capricieuse : il peut disparaître avec le traitementou évoluer pour son propre compte. Lorsqu’ilpersiste, l’exérèse chirurgicale est raisonnable aubout de 6 mois de correction biologique.

¶ Xanthomes tendineuxLes xanthomes tendineux sont très spécifiques de

l’hypercholestérolémie familiale. Ils réalisent unépaississement des tendons, régulier ou non,proportionnel à l’importance de l’hypercholestéro-lémie. Ils apparaissent vers l’âge de 20-25 ans danscette forme hétérozygote. Ils sont souventaccompagnés d’accès douloureux paroxystiques, lestendinites pour lesquelles, si c’est un motif depremière consultation, il faut penser au diagnostic. Ilssiègent, par ordre de fréquence décroissante, auxtendons d’Achille, aux tendons des musclesextenseurs des doigts et plus rarement aux tendonsdu triceps brachial, aux extenseurs des orteils, auxtendons rotuliens. Il est rare d’observer desxanthomes périostés sur la crête tibiale et latubérosité tibiale antérieure, des xanthomesaponévrotiques palmaires ou plantaires ou desxanthomes viscéraux intrathoraciques ouintracérébraux. L’échographie permet de juger deleur évolution régressive sous traitement. Ils ne sontcependant pas pathognomoniques de l’hypercholes-térolémie familiale puisqu’ils existent dans certainesaffections rares que sont la xanthomatosecérébrotendineuse, la bêtasitostérolémie ou lesautres rares surcharges en stérols végétaux.

¶ Signes cardiovasculairesLes signes cardiovasculaires traduisent les

complications athéromateuses. L’examen physiquepeut retrouver des souffles artériels ou orificiels.L’atteinte artérielle n’a pas de spécificité par rapportà l’athérome banal en dehors de sa dated’apparition, d’autant plus précoce que la surchargeen LDL est importante, pouvant débuter dès 30 ans,et de sa fréquence, quatre fois plus que dans lapopulation générale. Par ordre de fréquencedécroissante, les territoires atteints sont les territoirescoronarien, cérébrovasculaire, les artères desmembres inférieurs, l’artère mésentérique. Onobserve 5 % d’infarctus myocardique avant 30 ans,20 % à 40 ans, 50 % à 50 ans, 85 % à 60 ans. Lamortalité vasculaire est sévère dans les deux sexes.Les contrôles paracliniques par l’échotomographiedes artères, l’effet doppler, l’ECG d’effort, doivents’efforcer de détecter la maladie vasculaire avant sonexpression clinique. Les angiographies préciserontalors les lésions.

¶ Examens biologiquesLes examens biologiques montrent une

cholestérolémie à 280-450 mg/dL (7 ,25-11,5 mmol/L), un cholestérol des LDL à 170-400 mg/dL (4,4-10,5 mmol/L). Le sérum est clair, lestriglycérides normaux, l’APO B au double de lanormale (130-250 mg/dL). L’électrophorèse deslipoprotéines est sans utilité diagnostique. Lesanomalies lipidiques sont d’une grande stabilité endehors des traitements. Les taux du cholestérol desHDL sont en principe normaux.

¶ Renseignements familiauxLes renseignements familiaux sont très

importants à considérer et la construction de l’arbregénéalogique est un temps essentiel del’observation. Les renseignements sont parfoisdirectement accessibles. Bien souvent, il faut partir àla recherche des renseignements familiaux et allerjusqu’à déclencher une enquête biologique aumoins dans la fratrie, les ascendants et les enfants.On retrouve le caractère autosomique dominant dela transmission : un des deux parents esttransmetteur et atteint d’une forme analogue à celledu propositus, l’autre parent est indemne. Dans lafratrie et dans la descendance, un nombre égal desujets atteints et de sujets indemnes est observé,dans les deux sexes.

Hypercholestérolémie familiale homozygote

¶ Xanthomes cutanésLes xanthomes cutanés apparaissent préco-

cement. Ils sont d’abord plans, puis prennent durelief avec le temps. Jaunes vifs, ils deviennentrouges au centre quand ils sont volumineux. Leursiège est extrêmement variable s’ils sont abondants.Commençant en général aux faces d’extension desgenoux et des coudes, aux doigts, sur les plis deflexion, et en particulier sur les commissuresinterdigitales, au pli interfessier, à la face antérieuredes poignets ou à la face postérieure des chevilles.Leur évolution se fait spontanément versl’aggravation progressive, tandis que sous traitementla régression est habituelle à condition d’atteindre unabaissement de la cholestérolémie au-dessous de300 mg/dL (7,7 mmol/L), ce qui est maintenantpossible, soit avec un traitement médicamenteuxmultiple, soit avec l’anastomose portocave ou lesLDL aphérèses. Les autres dépôts possibles sont l’arccornéen et le xanthélasma. Les xanthomestendineux sont constants mais d’apparition plustardive que les xanthomes cutanés, vers la deuxièmedécade de la vie, plus tôt que dans la formehétérozygote.

¶ Athérome redoutableL’athérome redoutable par sa précocité touche la

portion initiale de l’aorte, entraînant une sténosevalvulaire aortique et envahissant les ostia descoronaires. L’expression clinique de cette atteintepeut revêtir tous les aspects de l’insuffisancecoronarienne et du rétrécissement aortique. Dans untel tableau, l’exploration coronarographique est derègle et doit être réalisée le plus tôt possible.Spontanément, la maladie coronarienne étaitresponsable de la léthalité constante avant 25 ans.

¶ Signes biologiquesLes signes biologiques montrent une cholestéro-

lémie supérieure à 600 mg/dL (15,5 mmol/L) quipeut atteindre 1500 mg/dL (39 mmol/L). Lecholestérol des LDL dépasse 550 mg/dL(14 mmol/L). Les triglycérides sont normaux ouparfois discrètement élevés, le cholestérol des HDLest souvent abaissé, l’APO B est à quatre fois lavaleur normale, la Lp (a) est augmentée.

¶ Enquête familialeL’enquête familiale retrouve classiquement une

hypercholestérolémie familiale chez les deuxparents. L’anomalie du récepteur ou de son gènen’est pas obligatoirement la même chez les deuxparents, sauf dans le cas fréquent de consanguinité.La détermination du type de la mutation du gène durécepteur des LDL sur l’étude de l’ADN est possible,permettant de repérer les vrais homozygotes avecune mutation identique sur les deux allèles ou unemutation différente (doubles hétérozygotes).

Hypercholestérolémie essentielle pure

Elle est beaucoup plus fréquente et ne comportepratiquement pas de dépôt de cholestérol en dehorsd’un arc cornéen inconstant. Les complicationsvasculaires par contre sont présentes mais moinsprécoces, moins diffuses que dans l’hypercholestéro-lémie familiale. L’enquête familiale peut retrouver lamême situation que dans l’hypercholestérolémiefamiliale, plus souvent une transmission moinsstéréotypée avec d’autres types d’hyperlipoprotéi-némies dans la famille.

La biologie montre un sérum clair, un cholestérolélevé (250-320mg/dL, 6,45-8,30 mmol/L), une APOB élevée, des triglycérides normaux. Les valeurs àpartir desquelles une hypercholestérolémie doit êtreprise en charge et traitée ont été recommandées pardes conférences de consensus internationales. Lesrecommandations françaises recommandent detraiter un adulte à partir du taux de 220 mg/dL(5,7 mmol/L) de cholestérol total et de 160 mg/dL(4,1 mmol/L) de cholestérol des LDL. Mais l’analysedes facteurs de risque athérogènes associés àl’hypercholestérolémie peut conduire à moduler laprise en charge, avec une plus grande agressivitéthérapeutique en cas de facteurs de risque multiples.

‚ Hypertriglycéridémies endogènes(type IV)

Forme majeure

¶ Signes cliniquesLes signes cliniques peuvent associer des troubles

digestifs : diarrhée, douleurs abdominalesfréquentes, vagues, diffuses à tout l’abdomen, oulocalisées à l’hypocondre droit ou gauche, quipeuvent être dues à la stéatose hépatique, à larapidité d’installation d’une hépatomégalie, à lastéatose splénique ou plus grave, à un infarctus de larate. Surtout elles peuvent traduire une complicationpancréatique. En fait , le plus souvent lasymptomatologie fonctionnelle est absente oudifficile à rapporter à son origine, et c’est ladécouverte fortuite d’un sérum lactescent qui révèlel’affection. L’examen physique montre l’hépatomé-galie, assez fréquente, mousse, elle a tous lescaractères d’une surcharge stéatosique, lasplénomégalie inconstante.

¶ Xanthomatose éruptiveLa xanthomatose éruptive est le seul dépôt

cutané de lipides que l’on peut observer dans cettevariété. Elle n’est pas spécifique car on l’observeégalement dans l’hyperchylomicronémie. Il s’agit devésicules de petite taille, de coloration jaune vif, noninflammatoires , non douloureuses , non

3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

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prurigineuses, qui évoluent rapidement vers unedisparition sans séquelle lorsque l’hyperlipidémierégresse. Elles siègent avec prédilection au niveau duthorax, des flancs, de la face antérieure des genoux,postérieure des coudes, au niveau des fesses. Lalipémie rétinienne est une vision directe de lalactescence du sérum au fond d’œil. Il existe unesurcharge adipeuse dans les formes pléthoro- ouglucidodépendantes, mais dans la formealcoolodépendante, il n’y a pas d’excès pondéral.

¶ Complication majeureLa complication majeure est la pancréatite aigüe,

parfois révélatrice ; tous les degrés de gravitépeuvent être observés depuis la pancréatiteœdémateuse, assez vite régressive, bien objectivéepar l’échographie ou la tomodensitométrieabdominale, jusqu’à la gravissime pancréatite aigüehémorragique, souvent léthale rapidement ou aprèsune longue évolution émaillée par des complicationsde faux kystes du pancréas. La pancréatite survient àl’acmé de la poussée lipémique. À l’origine de celle-ciil faut rechercher une cause déclenchante, surtout unécart de régime, parfois le rôle des estrogènes et enparticulier la grossesse.

¶ Complications athéromateusesLes complications athéromateuses sont assez

exceptionnelles mais on peut voir des accidentsvasculaires à type de thrombose ou d’embols. Lamaladie athéromateuse est un peu plus fréquentedans les formes glucidodépendantes et intéresseplutôt les artères des membres inférieurs que leterritoire coronarien.

¶ BiologieLa biologie est caricaturale, montrant une

surcharge considérable en VLDL. Le sérum estlactescent et au test de décantation, les VLDL neflottent pas. Les TG peuvent dépasser10 000 mg/mL (110 mmol/L). La composition desVLDL, qui contiennent 1/5 de cholestérol, expliqueque cette importante surcharge entraîne unehypercholestérolémie qui peut atteindre et dépasser2 000 mg/dL (52 mmol/L). L’électrophorèse deslipoprotéines montre la surcharge en VLDL, d’ailleurssouvent associée à des chylomicrons. Les autresparamètres lipidiques sont difficiles à déterminer carla lactescence du sérum gêne tous les dosagesnéphélométriques. Les enzymes hépatiques etpancréatiques témoignent, s’ils sont élevés, descomplications suivantes : stéatose hépatique oupancréatite.

¶ Cas familiauxD’autres cas familiaux sont possibles mais très

inconstants. Les antécédents familiaux de diabètenon insulinodépendant ont de la valeur.

¶ Enquête alimentaireL’enquête alimentaire est très importante pour le

traitement : ces hypertriglycéridémies massives seséparant en hypertriglycéridémies glucidodépen-dantes, pléthorodépendantes, ou alcoolodépen-dantes.

Type IV

Le type IV mineur est d’une très grande fréquenceet correspond à une surcharge de VLDL modérée.

¶ Signes cliniquesLes signes cliniques sont pratiquement absents,

limités à un inconstant arc cornéen. Il n’y a pas depancréatite aigüe. Les complications vasculairesobservées sont surtout des anomalies artériellesdiscrètes dépistées au doppler ou à l’échographiedes artères superficielles, chez les patients âgés deplus de 50 ans ayant parallèlement une anomalie dela glycorégulation. Mais d’autres types decomplications vasculaires sont possibles,athéromateuses, dans d’autres territoires, ou à typede thrombose avec des artères apparemment sainessur les artériographies. Elles sont plutôt plusfréquentes que dans le type IV majeur ; ceci peut êtreexpliqué par la limite assez imprécise entre type IVmineur et hyperlipidémie mixte qui est un grandfournisseur de complications vasculaires.

¶ Signes biologiquesLes signes biologiques comportent une élévation

des triglycérides inférieure à 500 mg/dL(5,70 mmol/L), un cholestérol normal, le sérum est àpeine opalescent, l’électrophorèse montre lasurcharge de la bande des prébêtalipoprotéines.L’APO B est soit normale, soit élevée. L’enquêtefamiliale doit toujours être réalisée, mais le caractèrehéréditaire de l’anomalie lipidique est incons-tamment retrouvé.

‚ Hyperlipidémies mixtes (type IIb, type III)

Il s’agit d’une des hyperlipidémies athérogènes lesplus fréquentes. Rarement exprimée chez l’enfant,ou alors sous forme d’une hypercholestérolémiepure, c’est typiquement un trouble métabolique del’adulte. La symptomatologie clinique, lorsqu’elleexiste, reproduit, a minima, les signes deshypercholestérolémies pures et les signes deshypertriglycéridémies.

Type IIb

¶ Signes cliniquesLes signes cliniques sont : les troubles digestifs,

l’obésité, l’arc cornéen souvent terne, grisâtre, plutôtcomplet que partiel, le xanthélasma assez fréquent.

¶ Complications vasculairesLes complications vasculaires sont d’une grande

fréquence, dépassant 68 % des sujets atteintsd’hyperlipidémie mixte. Deux types de complicationssont observées, les unes athéromateuses, souventdiffuses à plusieurs territoires avec deux localisationsprédominantes, coronarienne et les membresinférieurs. Les autres à type de thrombose, faisantsans doute intervenir un trouble de la coagulationassocié à l’hyperlipidémie, dont la nature n’est pasconnue. On retrouve cependant une augmentationde certains inhibiteurs de la fibrinolyse, corrélée autaux des triglycérides. À la différence deshypercholestérolémies, il n’y a pas de proportion-nalité entre les taux des lipides et le risque decomplication : les formes les plus discrètes peuventse compliquer même précocement.

¶ BiologieLa biologie montre une élévation parallèle du

cholestérol et des triglycérides, le sérum estopalescent, le cholestérol des HDL est souvent bas,l’APO B élevée. L’électrophorèse des lipoprotéines

montre la variété de lipoprotéine qui est ensurcharge, en général une double surcharge en LDLet VLDL réalisant le type IIb. La variabilité des chiffresde cholestérol et de triglycérides caractérise leshyperlipidémies mixtes qui peuvent revêtirtransitoirement des aspects de type IIa ou de type IV.La répétition des analyses est ici tout particuliè-rement souhaitable.

¶ Enquête familialeL’enquête familiale est parfois démonstratrice

d’une transmission autosomique dominante maisc’est moins constant que dans l’hypercholestéro-lémie familiale.

¶ Type IIILa dysbêtalipoprotéinémie ou type III est une

variété rare d’hyperlipidémie mixte.

¶ Signes cliniquesLes dépôts extravasculaires de cholestérol sont là

encore le plus fréquemment représentés par l’arccornéen et le xanthélasma. Les xanthomes tubéreuxsont caractéristiques des hyperlipidémies de type III.Leur aspect est celui d’une lésion très en relief,boursoufflée, rougeâtre, la coloration jaune initialeayant souvent disparu. Le siège de prédilection estjuxta articulaire, aux coudes, aux genoux, aux doigts.L’évolution est chronique : ils disparaissent sousl’effet du traitement de l’hyperlipidémie en quelquesmois. Le syndrome des plis palmaires est trèscaractéristique de l’hyperlipidémie de type III : c’estun xanthome plan, ou parfois en relief qui souligneles plis palmaires d’une coloration jaune vif.L’hépatomégalie, ou rarement la splénomégalie,peuvent être observées. La surcharge pondérale estfréquente.

¶ Signes vasculairesLes signes vasculaires sont de même nature que

ceux des autres hyperlipidémies mixtes.

¶ BiologieLe cholestérol et les triglycérides sont plus élevés

que dans l’hyperlipidémie mixte habituelle,dépassant des taux de 350 mg/dL pour lecholestérol et pour les triglycérides. Des examensparticuliers sont nécessaires pour détecter lasurcharge en IDL : l’électrophorèse montre unebroad betalipoproteine, l’ultracentrifugation permetde mesurer les IDL (lipoprotéines de densitéintermédiaire) en surcharge, et l’étude du phénotypedes APO E retrouve le phénotype E2E2caractéristique.

Lipoatrophie partielle des membres inférieurs

Il existe une variété particulière d’obésité que l’onpeut voir reliée à l’hyperlipidémie mixte (ainsid’ailleurs qu’à l’hypertriglycéridémie endogène) :c’est une obésité avec lipodystrophie. Dénommée« syndrome X » par les auteurs anglo-saxons,« obésité androïde » en France, c’est un syndromegénétique dont on ne connaît pas le défautmétabolique exact et dont la transmission sembleplutôt dominante. Il concerne plus souvent la femme(où il est peut-être mieux reconnu en raison de sonopposition à l’obésité gynoïde habituelle).

Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

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¶ Signes cliniquesLa répartition tronculaire de la graisse sous-

cutanée est prédominante, avec un panniculeadipeux important au cou, au thorax, associé à unehypertrophie mammaire, et à l’abdomen. Il existe uneffacement de la taille et le rapport taille/hanche estsupérieur à l’unité (valeur limite supérieure : 0,80chez la femme, 0,95 chez l’homme). Au niveau desmembres, la distribution des graisses est surtoutproximale à la face supéro-interne des bras et à laface antéro-interne de la partie haute des cuisses,contrastant avec l’absence de surcharge graisseusesous-cutanée au niveau du reste des membres.L’ensemble donne un aspect de « gros tronc sur desjambes grêles ». L’importance de la surchargepondérale est variable de 10 à 30 % et plus. Desexplorations tomodensitométriques montrent uneaugmentation de la graisse viscérale. Il existe unehypertension artérielle. Certaines formes peuventcomporter un acanthosis nigricans (épaississementkératosique de la peau avec pigmentation siégeantsurtout au niveau du cou, des aisselles et de laceinture) que l’on retrouve dans d’autres syndromesd’insulinorésistance. Ce syndrome s’accompagned’antécédents familiaux de lipodystrophie de mêmetype, souvent de pathologie athéromateuse etéventuellement d’antécédents familiaux diabétiques.

¶ BiologieLes désordres biologiques sont fréquents et

concernent les lipides réalisant une hyperlipidémiemixte ou une hypertriglycéridémie de type IV, lesglucides avec un diabète patent ou une intoléranceaux hydrates de carbone. L’insulinorésistancesemble le facteur biologique causal. Le défautmétabolique de ce syndrome n’est pas connu.

Signalons encore dans les modifications du tissuadipeux, les tableaux plus rares de la lipomatosedisséminée et le syndrome de Launois-Bansaude quis’accompagnent assez inconstamment d’hyperlipi-démie mixte ou d’hypertriglycéridémie de type IV.

‚ Hyperchylomicronémies (type I, type V)

Les surcharges isolées en CHYLO ou associées enCHYLO et en VLDL sont des affections trèsexceptionnelles de l’enfant.

Signes cliniques

Les signes cliniques des hyperchylomicronémieset des HTG endogènes majeures sont analogues ; laprincipale différence clinique réside dans l’âge derévélation de l’affection, chez l’adulte pour les HTGendogènes, chez l’enfant pour les hyperchylomicro-némies primaires. Le tissu adipeux a undéveloppement variable en fonction de l’étiologie.Dans l’hyperlipidémie de type I, toute surchargeadipeuse est absente, et les sujets atteints sontmaigres. Dans le type V, on observe parfois unediscrète surcharge pondérale.

Complications athéromateuses

Totalement absentes dans le type I, elles sont,sinon fréquentes du moins possibles dans le type V.

Complication

La complication dominante est la pancréatite :comme dans l’hypertriglycéridémie endogène, sasurvenue est conditionnée par l’hyperlipémie. Le

risque de pancréatite récidivante est plus élevé enraison des plus grandes difficultés de correction del’hypertriglycéridémie.

Biologie

L’hypertriglycéridémie est en règle massive (1 000à 10 000 mg/dL, 11-110 mmol/L), l’hypercholestéro-lémie existe dans le type V mais non dans le type I,la décantation du sérum au froid permet devisualiser les lipoprotéines en surcharge. L’étiologieest recherchée par les études de l’activité de lalipoprotéine-lipase et triglycéride-lipase hépatique.

‚ Hypoalphalipoprotéinémies

L’hypoalphalipoprotéinémie est de diagnosticpurement biologique et ne peut être reconnue quepar la mesure de l’HDL cholestérol ou le dosage del’APO A1. On considère pathologiques pour l’HDLcholestérol, les valeurs inférieures à 40 mg/dL(1 ,05 mmol/L ) chez l ’homme, 45 mg/dL(1,16 mmol/L) chez la femme. Cette hypoalphalipo-protéinémie peut être d’importance moyenne (entre20 et 40 mg/dL) : c’est la majorité des cas lorsqu’ilexiste un facteur d’environnement à la baisse desHDL : hypertriglycéridémie endogène, hyperlipi-démie mixte, obésité, tabagisme, insuffisance rénalechronique. Plus rarement il peut s’agir d’uneffondrement de cette lipoprotéine avec des valeursd’HDL cholestérol inférieures à 10 mg/dL. Dans cecas il s’agit soit d’un obstacle majeur de la synthèsecomme dans les grandes hypertriglycéridémiesmassives, dans l’insuffisance hépatique grave soit,d’une anomalie génétique (mutation de l’APO A1,maladie de Tangier, fish-eye disease, déficit en LCAT).L’enquête familiale s’impose dès qu’un facteurétiologique évident n’est pas retrouvé.

‚ Surcharge en lipoprotéine a

Elle n’a pas d’expression clinique. Elle peut êtreévoquée sur l’électrophorèse des lipoprotéinesmontrant une bande de prébêtalipoprotéineexcessive qui contraste avec l’absence d’hypertrigly-céridémie. On doit alors demander spécifiquementce dosage qui est immunonéphélométrique. Lavaleur limite haute est de 35 mg/dL. Il fautrechercher ce facteur de risque athérogène enprésence d’une maladie cardiovasculaire ischémiquesurvenant précocement, sans facteur de risqueapparent. Il est moins utile de le connaître lorsqueexiste un autre facteur d’athérome, sauf en cas dediscordance entre une maladie athéromateusediffuse et/ou évolutive contrastant avec le caractèremodeste des facteurs de risque. Un seul dosagesuffit. La découverte d’une telle anomalie doitprovoquer une enquête familiale.

Tels sont les signes cliniques et biologiques desdyslipoprotéinémies. Il ne faut pas négliger la valeurd’alarme des signes cliniques mais aussi leursignification évolutive : la disparition des dépôtsextravasculaires de cholestérol que s’efforced’obtenir le traitement normolipidémiant a unevaleur indicatrice certaine sur la protectioncardiovasculaire que l’on apporte au patient.

■Diagnostic différentiel :

dyslipidémies secondaires

‚ Rénales

Syndrome néphrotique

Le syndrome néphrotique comporte unehyperlipidémie secondaire, dont l’évolution suit cellede la protéinurie, avec élévation de toutes les classesde lipoprotéines. Il n’y a pas de dépôt extravasculairede cholestérol dans cette hyperlipidémie acquise. Laformule lipidique est celle d’un type IIa ou IIb avecune hypercholestérolémie parfois considérable. C’estlorsque le syndrome néphrotique est permanent,donc en cas de résistance au traitement, que se posela question du caractère athérogène outhrombotique de ce symptôme.

Insuffisance rénale chronique et hémodialyse

L’urémie chronique s’accompagne d’hypertrigly-céridémie chez 60 à 80 % des patients. C’est unesurcharge pure en VLDL, réalisant une hypertriglycé-ridémie mineure, acquise, apparaissant à un stadeavancé de l’insuffisance rénale, sans relation avec lanature de la néphropathie, ni avec les autresconséquences de l’insuffisance rénale. Elle persistelors de l ’épuration extrarénale, seule latransplantation est capable de la faire disparaître.Elle est cliniquement silencieuse et son rôle dans lagenèse des complications athéromateuses propres àce terrain est probablement important en raison ducaractère permanent de cette situation et de sonassociation fréquente à d’autres risques athérogènes(HTA).

‚ Hépatiques

Insuffisance hépatique

L’insuffisance hépatique avancée effondre leslipoprotéines et notamment les HDL. Par contrel’alcoolisme chronique modéré s’accompagne d’untaux élevé d’HDL mais surtout d’APO A2, en principesans intérêt protecteur pour l’athérome.

Cholestase

La cholestase peut réaliser une grandehypercholestérolémie avec importante élévation desphospholipides. C’est seulement en l’absence d’ictèreque cette hyperlipidémie peut poser des problèmesdiagnostiques comme dans la cirrhose biliaireprimitive, d’autant que peuvent exister des dépôtsxanthomateux. La lipoprotéine en surcharge dans lacholestase est une lipoprotéine anormale, la LpX quine contient pas d’APO B. Le taux circulant de l’APO Best normal.

‚ Endocriniennes

Diabète sucré

Au cours du diabète sucré les anomalies lipidiquessont fréquentes. Il faut distinguer les hypertriglycéri-démies endogènes glucidodépendantes déjà vues,des hyperchylomicronémies majeures, seulesvéritablement secondaires à la carence insulinique etcontemporaines de certaines acidocétoses

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diabétiques. El les sont régressives avecl’insulinothérapie. À distance d’une telle lipémie, etsous insuline, les taux lipidiques sont souventnormaux.

Hypothyroïdie

L’hypothyroïdie donne surtout une hypercholes-térolémie, parfois une hyperlipidémie mixte voire untype III. La réversibilité est complète sous thyroxine.Si ce n’est pas le cas, une association del’hypothyroïdie à une hyperlipidémie idiopathiquedoit être envisagée.

Hypercorticisme, acromégalie,hypopituitarisme, anorexie

L’hypercorticisme, l’acromégalie, l’hypopituita-risme et l’anorexie mentale peuvent s’accompagnerd’hyperlipidémie secondaire.

‚ Maladies générales

Certaines maladies générales comme le lupusérythémateux, la périartérite noueuse s’accompa-gnent d’une hyperlipidémie mixte modérée. Lesyndrome immunodéficitaire acquis entraîne dansplus de la moitié des cas une hypertriglycéridémieendogène modérée.

‚ Médicamenteuses

Les causes iatrogènes d’hyperlipidémie sontnombreuses. Certains traitements peuvent êtreretirés et le risque est donc limité. C’est le cas dutraitement de l’acné par les rétinodes, desantihypertenseurs bêtabloquants ou diurétiques quipeuvent être substitués, des inhibiteurs de lasynthèse du cortisol. La corticothérapie estresponsable (comme l’était l’hypercorticisme) d’unehyperlipidémie mixte. Au cours des traitementsimmunosuppresseurs des transplantés, cettecomplication est problématique, en particulier chezles greffés cardiaques dont le risque majeur estl’athérome du greffon.

Les estroprogestatifs ont une action complexe caril faut distinguer les doses physiologiquesd’hormones naturelles (traitement de la ménopause)qui élèvent le cholestérol des HDL et abaissent lecholestérol des LDL, et les doses freinatrices avec desdérivés de synthèse (utilisés dans la contraception)qui en général élèvent les HDL, mais aussi les VLDL.

■Traitement

des dyslipoprotéinémies [4]

‚ Principes généraux du traitement

Les buts du traitement sont de normaliser lecholestérol et les triglycérides, afin de prévenir ouretarder la maladie athéromateuse et sescomplications vasculaires ainsi que les pancréatites.La prise en charge des dyslipidémies implique unegrande régularité dans le traitement aussi biendiététique que médicamenteux. La surveillancerégulière est nécessaire pour éviter les écartsprogressifs de régime, pour dépister les effetssecondaires des médicaments, pour juger del’évolution cardiovasculaire sur des explorations

paracliniques sans attendre l’apparition des signescliniques. Le contrôle correct des autres facteurs derisque athérogène est enfin indispensable. Letraitement est un traitement au long cours. Lesfenêtres thérapeutiques sont inutiles. Il doit toujoursdébuter par le régime seul, déterminé par laclassification du trouble, et l’on doit contrôler l’actionbiologique de ce traitement diététique. Le régimeauquel une adhésion optimale est nécessaire doitêtre expliqué, vérifié, et rendu parfaitementacceptable. Si la correction est complète, letraitement diététique est poursuivi en permanence.Si la correction complète n’est pas obtenue, untraitement médicamenteux doit être ajouté : c’estune association, le régime étant poursuivi avec lesmédicaments.

‚ Domaines d’interventiondu traitement diététique

Apport calorique global

Il doit être réduit chaque fois qu’il existe unsurpoids. Lorsqu’il n’y a pas d’excès pondéral, ladiététique conseillée est un régime isocalorique,équilibré de 1800 à 2 500 cal/j, en fonction del’activité physique habituelle, comportant 40 à 50 %des calories sous forme de glucides, 30 à 40 % sousforme de lipides, 20 % sous forme de protéines.

Cholestérol alimentaire

La quantité de cholestérol alimentaire doit êtreréduite à moins de 300 mg/j (apport alimentaireusuel : 600 à 1 200 mg).

Répartition des acides gras

La quantité d’acides gras saturés doit être réduiteà 8-10 % de la ration calorique quotidienne. Lesaliments riches en graisses animales doivent êtreproscrits ou limités : lait et ses dérivés (beurre,fromages), graisses de la viande, abats, jaune d’œufs,charcuterie, crustacés. Les acides gras désaturésdoivent se substituer à cette restriction. Il fautaugmenter la quantité de graisses mono-insaturées

(C18 : 1, oléique) et polyinsaturées (dérivées de deuxacides gras essentiels, l’acide linoléique et l’acidealphalinolénique que l’on trouve dans les huilesvégétales dérivées du tournesol, du maïs, du soja etdu colza), pour compenser la réduction des graissesentraînée par la diminution des acides gras saturés.L’apport souhaitable est de 6-8 % pour l’acidelinoléique, et de 0,5 à 1 % pour l’acide linolénique.L’utilité des acides eicosapentaénoque etdocosahexaénoque comme antiagrégantsplaquettaires, et de façon moins certaine commehypolipidémiants, justifie l’augmentation de laconsommation de poisson et d’huiles de poisson.

Sucres et alcool

Les sucres à absorption rapide, dont l’actionhyperglycémiante est la plus notable, ont un effetnéfaste dans presque toutes les hypertriglycéri-démies et surtout s’il existe un diabète ou uneobésité. L’alcool, à l’évidence facteur causalprédominant dans les hypertriglycéridémiesalcoolodépendantes, a un rôle important dans tousles types IV et les hyperlipidémies mixtes et doit êtresupprimé totalement dans ces situations.

Régime pauvre en graisse

Il n’y a que peu d’indication d’un régime où lesgraisses représentent moins de 10 % des caloriestotales : il est difficile à réaliser au long cours et engénéral néfaste dans les dyslipoprotéinémies les pluscommunes à cause de la prépondérance accordéeaux hydrates de carbone qui aggravent leshypertriglycéridémies ; sa seule indication seretrouve dans les rares hyperchylomicronémies. Lasuppression des graisses de supplémentation doitêtre associée à la suppression des graissesintrinsèques contenues dans de nombreux aliments,

Les buts du traitement sont :✔ normaliser cholestérol ettriglycérides ;✔ prévenir ou retarder l’athérome etses complications vasculaires ;✔ prévenir les pancréatites ;✔ éviter les effets secondaires ;✔ normaliser les autres facteurs derisque.

Les principes du traitement sont :✔ traitement permanent ;✔ pas de fenêtre thérapeutique ;✔ régime seul d’abord et traitementmédicamenteux associé au régimeensuite ;✔ surveillance régulière de latolérance clinique et biologique ;✔ surveillance régulière del’efficacité.

✔ Petit déjeunerCafé ou thé - lait demi-écrémé(150 mL) ou un yaourt nature oufromage blanc 20 % (100 g) - pain(60 g) ou quatre biscottes - margarinede tournesol (10 g) - deux morceauxde sucre ou une orange pressée.✔ DéjeunerCrudités ou salade non limitées,assaisonnement : huile de tournesol oud’olive (une cuillère à soupe) - viandemaigre ou poisson (100 g) ou deuxœufs (limités à deux par semaine) -féculents (200 g cuits) - 10 g de graissevégétale - fromage à 45 % (50 g) (uneseule fois par jour) - un fruit de 150 g- pain (60 g).✔ DînerCrudités ou salade non limitées,assaisonnement : huile de tournesol oud’olive (une cuillère à soupe) - viandemaigre ou poisson (100 g) ou deuxœufs (limités à deux par semaine) -légumes verts (200 g cuits) - 10 g degraisse végétale - un fruit de 150 g -pain (60 g).

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réduisant ainsi notablement les possibilités d’apportsde viande. Tous les dérivés du lait doivent êtretotalement écrémés. La ration calorique est enconséquence souvent réduite, faisant courir unrisque d’amaigrissement peu souhaitable. On peutminimiser ce risque en utilisant des acides gras àchaînes moyennes.

‚ Traitement médicamenteux (tableau III)

Résines chélatrices des acides biliaires

Les résines chélatrices des acides biliaires sont dessubstances qui fixent les acides biliaires dans le tubedigestif et stimulent la synthèse et l’activité desrécepteurs. Ce sont des agents hypocholestérolé-miants qui n’ont pas d’action hypotrigly-céridémiante, au contraire. Ces résines sont lacholestyramine et le colestipol. La posologie varie de8 à 32 g/j. Des effets secondaires, surtout digestifs,peuvent rendre le traitement inconfortable à causedu météorisme, de la diarrhée ou surtout d’uneconstipation. Une posologie très progressive estnécessaire pour faire accepter ce traitement.

Inhibiteurs de l’HMG R

Les inhibiteurs de l’HMG R sont la simvastatine, lapravastatine et la fluvastatine. Ils agissent parinhibition compétitive avec le mévalonate, substratde l’HMG R. La réduction du cholestérolintracellulaire stimule la synthèse et l’activité desrécepteurs. La posologie est de 10 à 40 mg/j. Leurseffets secondaires essentiels sont une toxicitémusculaire, en fait rare mais qui demande que l’onsurveille les enzymes musculaires.

Fibrates

Les fibrates utilisés sont les dérivés du clofibrate,le fénofibrate, actif à la dose de 300 à 400 mg/j, leciprofibrate (100 mg/j), le bézafibrate (800 mg/j) et legemfibrozil (900 mg/j). Ce sont des médicamentshypocholestérolémiants et encore plus hypotriglycé-ridémiants. Leurs effets secondaires sont asseznombreux quoique de faible gravité : la toxicitémusculaire en cas de surdosage, hépatique,l’accroissement de la lithogénicité biliaire, la baissede la fonction sexuelle doivent rendre vigilants aucours de ces traitements (surveillance biliaire,surveillance des transaminases et des CPK).

Autres hypolipidémiants

Les autres hypol ipidémiants sont desmédicaments de seconde intention. L’acidenicotinique pur n’est disponible en France que sousforme de préparation magistrale. La posologie doitatteindre très progressivement 2 à 3 g/ j. Les effetssecondaires sont des flushes qui en limitentl’utilisation. Le tiadénol, la néomycine per os et leprobucol sont des hypocholestérolémiants d’activitémodérée. La vitamine E (tocophérol) est unantioxydant qui a possiblement une actionantiathéromateuse propre.

‚ Traitements non médicamenteux

Il s’agit des traitements extrêmes que réclamentles formes homozygotes de l’hypercholestérolémiefamiliale, résistantes aux médicaments. Lestraitements chirurgicaux sont le court-circuit iléal,

l’anastomose portocave et la transplantationhépatique. Le traitement de choix actuel consiste enl’épuration itérative du plasma de ses LDL par desLDL aphérèses sur colonnes d’affinité chimique ouimmunologique. Chez les sujets totalementdéficitaires en récepteurs BE, la thérapie génique està l’étude.

‚ Indications

Le régime des hypercholestérolémies pures agitprincipalement par la réduction du cholestérolalimentaire, la limitation des acides gras saturés etl’utilisation obligée d’acides gras mono-insaturés etpolyinsaturés. Son efficacité est assez modérée, del’ordre de 5 à 10 % pour la baisse du LDL C. Mais saprescription reste indispensable pour ne pasobserver une résistance à l’action des traitementsmédicamenteux. Le résultat du régime est parfoissuffisant dans les formes mineures. Les formesmoyennes et sévères nécessitent toujoursl’adjonction de médicaments. Les résines sontchoisies en premier à la dose que nécessite le tauxde la cholestérolémie. Les inhibiteurs de l’HMG Rsont réservés aux formes sévères, surtout chezl’homme et chez la femme après la ménopause, lesdérivés des fibrates aux formes moyennes en casd’intolérance aux résines. Des associations sontsouvent nécessaires, soit qu’une monothérapie soitinsuffisante, soit que l’on préfère donner plusieursmédicaments associés à dose faible pour minimiserles effets secondaires. Chez la femme enceinte les

Tableau III. – Médicaments hypolipidémiants.

Famille Résines Fibrates Statines Acide nicotinique

Nom pharmacologique Cholestyramine Clofibrate Simvastatine Acide nicotinique

Spécialité Questrant Lipavlont Zocort, Lodalest non commercialiséPrésentation sachets 4 g capsules 500 mg comprimés 20 mg préparation magPosologie quotidienne 4-24 g 1,5-2 g 5-40 mg 500-2000 mg

Colestipol Fénofibrate PravastatineColestidt Lipanthylt, Secalipt Elisort, Vastent

Présentation sachets 5 g gélules 67, 200, comprimés 300 mg comprimés 20 mgPosologie quotidienne 5-20 g 67-200 mg 5-40 mg

Ciprofibrate FluvastatineLipanort Lescolt, Fractalt

Présentation gélules 100 mg comprimés 20, 40 mgPosologie quotidienne 100 mg 20-80 mg

Bézafibrate CérivastatineBefizalt Staltort

Présentation comprimés 200, 400 mg comprimés 0,3 mgPosologie quotidienne 400-600 mg 0,3 mg

Gemfibrozil AtorvastatineLipurt Tahort

Présentation comprimés 450 mg comprimés 10, 40 mgPosologie quotidienne 900-1350 mg 20-80 mg

Surveillance clinique colique gastrique, biliaire, musculaire musculaire

Surveillance biologique TG transaminases CPK CPK transaminases TG

Précautions interactions médicamenteu-ses

posologie réduite si insuffısance rénale

Associations OUI fibrates, statines résines résines

Associations NON Fibrates entre eux ; méfiance +++avec les statines ; méfiance +++ avecciclosporine

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traitements médicamenteux doivent êtreinterrompus. Chez l’enfant, seules les résines sontutilisables.

Dans les hyperlipidémies mixtes le régime a uneplus grande importance : la moitié des cas peut êtrecorrigée par une diététique bien suivie. Il est capitalici de revenir au poids idéal et le régimehypocalorique global est mis en œuvre dès qu’existeun surpoids. À poids normal, la limitation des sucresà absorption rapide, la limitation des féculents, lasuppression de l’alcool seront associées à lasubstitution des graisses animales par les graissesvégétales mono- ou polyinsaturées sans limiterl’apport lipidique global. L’étude longitudinale sousrégime seul doit être relativement longue, 2 à 3mois, avant la décis ion d’un traitementmédicamenteux complémentaire en cas d’échec. Lesdérivés des fibrates sont les médications essentiellesdes hyperlipidémies mixtes.

Les hypertriglycéridémies par surcharge en VLDLou en VLDL+CHYLO sont habituellement corrigéescomplètement sous régime seul dans plus de 80 %des cas. Les indications de l’adjonction desmédicaments doivent être l’exception. Le régime estanalogue à celui des hyperlipidémies mixtes. Dansl’hypertriglycéridémie exclusivement dépendante del’alcool, il est possible de corriger complètement lapoussée d’hyperlipémie par la seule suppression del’alcool. Lorsque le traitement médicamenteux estnécessaire, ce sont les fibrates qu’il faut utiliser, ou encas d’échec, l’acide nicotinique.

Les hyperchylomicronémies sont une situationrare pour laquelle les traitements médicamenteuxsont inopérants et qui justifie un régime pauvre engraisses, particulièrement astreignant.

‚ Stratégies de prise en chargedes dyslipoprotéinémies

Les grandes études prospectives (étude deFramingham, étude prospective parisienne) ont servi

de base à la détermination des niveauxd’intervention thérapeutique. Cinq groupes de sujetsà risque ont été déterminés.

■ Groupe A : cholestérol total inférieur à200 mg/dL (5,2 mmol/L) ou inférieur à 250 mg/dL(6,5 mmol/L) sans autre facteur de risqueathérogène, triglycérides inférieurs à 200 mg/dL(2,3 mmol/L) : il n’y a pas d’investigationsupplémentaire à prévoir et l’on attend 5 ans pourrépéter cette exploration lipidique.

■ Groupe B : cholestérol supérieur à 250 mg/dL(6,5 mmol/L) ou entre 200 et 250 mg/dL(5,2-6,5 mmol/L) associé à deux autres facteurs derisque athérogène, triglycérides inférieurs à200 mg/dL (2,3 mmol/L) : des mesures diététiquesdoivent être mises en œuvre. La prise en charge desautres facteurs de risque athérogène doit êtreeffectuée. La surveillance qui est organisée dira si, autraitement diététique, un traitement médicamenteuxdoit être associé secondairement.

■ Groupe C : cholestérol inférieur à 200 mg/dL(5,2 mmol/L), triglycérides compris entre 200 et500 mg/dL (2,3-5,6 mmol/L) : après avoir recherchéles diverses causes d’hypertriglycéridémiessecondaires, des mesures diététiques doivent êtreprises.

■ Groupe D : cholestérol entre 200 et 300 mg/dL(5,2-7,8 mmol/L), triglycérides entre 200 et500 mg/dL (2,3-5,6 mmol/L). Cette situation imposele bilan des autres facteurs de risque comme en A etdes hyperlipidémies secondaires comme en C. À lapériode de traitement diététique, succédera,lorsqu’elle est d’efficacité insuffisante, un traitementmédicamenteux hypolipidémiant orienté par laclassification du trouble.

■ Groupe E : cholestérol total supérieur à300 mg/dL (7,8 mmol/L), triglycérides supérieurs à

500 mg/dL (5,6 mmol/L) : l’orientation du patientvers un centre spécialisé dans le traitement desdyslipoprotéinémies est souhaitable (tableau IV)(fig 2).

‚ Résultat des études de prévention

Après des débuts difficiles dans les années 1970,la multiplication de ces études à fini par démontrerclairement qu’il était possible de prévenir, stabiliser,voire faire régresser la maladie athéromateuse.L’analyse d’un certain nombre d’échecs anciensmontre qu’il faut y mettre le prix : multiplicité del’intervention sur les facteurs de risque, précocité etdurée de l’action thérapeutique, importantedénivellation des niveaux lipidiques, ce quepermettent les trois grandes classes demédicaments hypolipidémiants, résines, fibrates,statines. Il a fallu longtemps pour démontrer quel’efficacité ne concernait pas que la morbidité maisque la mortalité cardiovasculaire était réduite. Lacrainte d’un accroissement de la mortalité noncardiovasculaire est maintenant exclue. Les étudesles plus récentes ont été menées avec des statines :en prévention primaire, l’étude 4S, dans unecohorte de 4 444 sujets suivis 5,4 ans, a montréavec la simvastatine, une réduction de 42 % desévénements coronariens mortels ou non mortels(111 cas au lieu de 189 dans le groupe placebo), etde 30 % de la mortalité totale (182 cas au lieu de256 dans le groupe placebo). En préventionprimaire, le traitement par la pravastatine dansl’étude WOSCOPS a réduit de 30 % les infarctusnon mortels (143 au lieu de 204) dans une cohortede 6 595 hommes âgés de 45 à 64 ans suivispendant 4,9 ans. De nombreuses études derégression de l’athérome sont venues ces 10dernières années confirmer les bénéfices observésdans les essais de prévention.

Tableau IV. – Aide à la décision thérapeutique selon le niveau de risque (LDL cholestérol = cholestérol total - HDL cholestérol - triglycérides/5 ; for-mule fiable tant que le taux de triglycérides reste inférieur à 300 g/dL).

Valeur du LDL cholestérol

(les valeurs sont en mg/dL [mmol/L])

Catégorie de patients ayant une élévationdu LDL cholestérol

Valeur d’instauration dutraitement diététique Valeur cible Valeur d’instauration du

traitement médicamenteux Valeur cible

Prévention primairedes hommes de moinsde 45 ans ou femmes non ménopauséesn’ayant aucun autre facteur de risque

> 220 (5,7) < 160 (4,1) pas d’indication en premièreintention

Prévention primairedes hommes de moinsde 45 ans ou femmes non ménopauséesn’ayant aucun facteur de risque après échecde la diététique

> 220 (5,7) malgré une diété-tique suivie pendant 6 mois

< 160 (4,1)

Prévention primairedes sujets ayant unfacteur de risque

> 160 (4,1) < 160 (4,1) > 190 (4,9) < 160 (4,1)

Prévention primairedes sujets ayant aumoins deux autres facteurs de risque

> 130 (3,4) < 130 (3,4) > 160 (4,1) < 130 (3,4)

Prévention secondairedes sujets ayant unemaladie coronaire patente

> 130 (3,4) < 100 (2,6) > 130 (3,4) malgré une diété-tique suivie pendant 3 mois

< 100 (2,6)

Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

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■Conclusion

Les dyslipoprotéinémies concernent près de 4 %de la population et sont au tout premier plan dans lahiérarchie des facteurs de risque d’athéromecoronarien. Le rôle du médecin traitant est de

repérer les sujets à risque (antécédents personnels etfamiliaux de pathologie cardiovasculaire ou detrouble lipidique, existence d’un arc cornéen,existence d’un facteur majeur de risque athérogène,diabète, hypertension artérielle, tabagisme, obésité).Le dépistage est effectué par les dosages decholestérol, triglycérides et d’HDL cholestérol. Uneclassification du trouble s’appuie sur le contexte

clinique, les antécédents familiaux, les dosagescomplémentaires des APO et si besoin del’électrophorèse de lipoprotéines. Un bilan doit fairele compte des autres facteurs de risque athérogèneset de la situation artérielle afin d’évaluer le risquevasculaire global. Le bénéfice du traitement (laprévention vasculaire) est d’autant plus grand que lerisque est élevé. C’est un traitement permanent et delongue durée qui exige une mobilisation dont lemédecin traitant doit être l’artisan.

François Dairou : Praticien hospitalier,service d’endocrinologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Dairou. Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0880, 1998, 10 p

R é f é r e n c e s

[1] Assmann G. Lipid metabolism and atherosclerosis. Stuttgart : Schattauer Ver-lag, 1982 : 14-53

[2] Dairou F, Gennes (de) JL. Épidémiologie et génétique des hyperlipoprotéiné-mies athérogènes.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition,10-368-B-10, 1989 : 1-9

[3] Stanbury JB, Wyngaarden JB, Fredrickson DS, Goldstein JL, Brown MS.Disorders of lipoprotein and lipid metabolism (5th ed). In : Stanbury JB, Wyngaar-den JB, Fredrickson DS, Goldstein JL, Brown MS eds. The metabolic basis ofinherited disease (5th ed). New-York : McGraw Hill, 1983 : 589-747

[4] Study Group, European Atherosclerosis Society. Strategies for the preventionof coronary heart disease : a policy statement of the European AtherosclerosisSociety.Eur Heart J1987 ; 8 :77-78

Cholestérol > 200 mg/dL (5,2 mmol/L)(tous les 5 ans)

NON Bilan lipidiquedans 5 ans

OUI

OUI

OUI

DEUX DES FACTEURS SUIVANTS PRÉSENTS : = Sexe masculin = Tabac = Diabète = HTA = Antécédents familiaux cardiovasculaires précoces = symptômes angineux = Contraception extroprogestative

LDL > 160 mg/dL (4,15 mmol/L)ou

HDL < 35 mg/dL (0,9 mmol/L)ou

Triglycérides > 160 mg/dL (1,8 mmol/L)

NON

NON Cholestérol > 250 mg/dL(6,5 mmol/L)

OUI

NON

Recommandationsdiététiques+/- prise en

charge des autresfacteurs de risque

= Recommandations diététiques= Instaurer la surveillance biologique (annuelle ou plus)= Investigations supplémentaires pour le diagnostic et

la classification= Traitement médicamenteux (si LDL reste > 160 mg/dL)

= Prise en charge des autresfacteurs de risque

2 Arbre décisionnel.

Abréviations✔ ACAT : acyl Co-A cholestérolacyltransférase.✔ ag : acides gras.✔ agl : acides gras libres.✔ ce : cholestérol estérifié.✔ cetp : protéine de transfert ducholestérol estérifié.✔ CHYLO : chylomicrons.✔ ct : cholestérol total.✔ HDL : lipoprotéines de hautedensité.✔ HMG R : hydroxyméthylglutarylCo-A réductase.✔ IDL : lipoprotéines de densitéintermédiaire.✔ LCAT : lécithine cholestérolacyltransférase.✔ LDL : lipoprotéines de bassedensité.✔ ldl r : récepteur des LDL.✔ lh : lipase hépatique.✔ lpl : lipoprotéine-lipase.✔ rs :récepteur « scavenger ».✔ tg : triglycérides.✔ VLDL : lipoprotéines de très bassedensité.

3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

10

Page 143: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Hypoglycémies organiques

J Bertherat

L e diagnostic d’hypoglycémie est souvent évoqué. Sa confirmation suppose un dosage de glycémie enlaboratoire. La mesure par bandelette réactive de la glycémie capillaire manque en effet de précision pour

assurer le diagnostic. L’insulinome est rare et le retard de diagnostic fréquent. Il doit être évoqué par l’interrogatoiredevant la survenue brusque de symptômes de neuroglycopénie, à jeun ou à l’effort. Le diagnostic sera confirmé parla mise en évidence d’un hyperinsulinisme inapproprié à l’hypoglycémie, soit spontanément, soit lors d’une épreuvede jeûne codifiée. L’enquête topographique, à l’aide de l’imagerie, ne doit être entreprise qu’après la démonstrationd’une hypoglycémie par hyperinsulinisme endogène.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les hypoglycémies sont responsables d’unesymptomatologie polymorphe et variable, et lasuspicion d’hypoglycémie est une préoccupationfréquente en consultation. De plus, les causesd’hypoglycémie organique sont multiples etdiverses. Cependant, en dehors des hypoglycémiesmédicamenteuses (en particulier les traitementshypoglycémiants du diabète sucré), le diagnosticd’hypoglycémie organique n’est que rarementconfirmé. Le diagnostic de « malaise hypoglycé-mique » est, en pratique, souvent porté par excèschez des patients présentant des symptômesvariables et souvent mal définis, dont l’originehypoglycémique n’a pas été prouvée. Il est doncessentiel de suivre une démarche diagnostiquerigoureuse avant de retenir le diagnosticd’hypoglycémie, puis d’en rechercher l’étiologie.Nous nous intéresserons aux hypoglycémiesorganiques de l’adulte, à l’exclusion des causesmédicamenteuses.

■Diagnostic

‚ Sur quels éléments rechercher unehypoglycémie ?

Anamnèse

C’est une étape fondamentale pour le diagnosticd’hypoglycémie (fig 1).

L’hypoglycémie est un syndrome clinique aucours duquel la baisse de la glycémie conduit à uneneuroglycopénie. Le clinicien se doit donc derechercher et d’analyser soigneusement lessymptômes secondaires à cette neuroglycopéniepour approcher le diagnostic d’hypoglycémie.L’interrogatoire du patient, éventuellement complétéà l’aide de l’entourage, sera donc la première étapecapitale du diagnostic [4]. La symptomatologie devrasoigneusement être précisée. Les symptômes

d’hypoglycémie peuvent être liés, d’une part à laréponse du système nerveux autonome, d’autre partà la souffrance du système nerveux central due à laneuroglycopénie.

Analyse des symptômes

Les symptômes neurovégétatifs surviennent, engénéral, pour des glycémies inférieures à 0,6 g/L(3,3 mmol/L) et les signes de neuroglycopénie pourdes glycémies inférieures à 0,5 g/L (2,75 mmol/L).Cependant, le seuil glycémique d’apparition des

symptômes et la symptomatologie sont trèsvariables d’un patient à l’autre. En revanche, chez unpatient donné, ils sont assez reproductibles d’unmalaise à l’autre.

Les principaux signes neurovégétatifs sont :sueurs, tremblements, tachycardie, anxiété, nausées,fringale.

Ceux de neuroglycopénie sont : asthénie (peuspécifique), difficultés de concentration, troublesvisuels, céphalées, difficultés de langage, troublespsychiatriques, syndrome confusionnel, déficit

Suspicion clinique d'hypoglycémie

Traitement hypoglycémiant ?Pathologie générale hypoglycémiante ?

Oui Non

Traitement

Absence d'hypoglycémie

Insulinémie inadaptée (> 5 µU/mL)

Peptide C effondré

Insuline exogène(Insulinémie souvent très élevée)

Démontrer l'hypoglycémie- Glycémie lors d'un malaise- Glycémie à jeun systématique- Sinon : épreuve de jeûne

Hypoglycémie

Insulinémie adaptée (<5 µU/mL)

Peptide C non effondré

Insulinome(Sulfamides)

ÉchoendoscopieTDM

(+ hypoglycémie lorsd'un malaise ouprélèvement à jeun)

1 Démarche diagnostique d’une hypoglycémie organique. TDM : tomodensitométrie.

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neurologique, crise comitiale, au maximum coma(avec sueurs, contractures, parfois signe de Babinskibilatéral).

L’élément essentiel orientant le clinicien vers unehypoglycémie organique est la présence de signesneuroglycopéniques survenant épisodiquement.Leur existence, en particulier des troublesneurologiques ou psychiatriques, doit inciter àpoursuivre les investigations. À l’inverse, lorsqu’uninterrogatoire bien conduit ne met en évidence quedes signes neurovégétatifs, sans aucun signe deneuroglycopénie, le diagnostic d’hypoglycémie estpeu probable. La note confusionnelle parfoisobservée lors d’une hypoglycémie organique rendsouvent la description de ses symptômes par lepatient peu précise. Tout doit alors être fait pourcompléter l’anamnèse par l’interrogatoire del’entourage.

Autres arguments cliniques pour unehypoglycémie organique

¶ HorairesDes malaises survenant le matin à jeun ou dans

la journée à distance des repas sont évocateursd’hypoglycémie organique. Une distinction alongtemps été faite entre les hypoglycémiessurvenant à jeun et les hypoglycémies postpran-diales. Une cause organique est suspectée auxpremières, alors que les secondes sont souventrapportées à des troubles fonctionnels. En réalité, lessymptômes postprandiaux surviendraientfréquemment en l’absence de réelle hypoglycémie.Le diagnostic d’« hypoglycémie fonctionnelle », portéfréquemment, sans qu’aucune hypoglycémie ait puêtre documentée sur un prélèvement sanguin, chezdes patients présentant des symptômes 2 à 5 heuresaprès un repas, est actuellement très controversé. Endehors de situations très particulières, comme lessujets gastrectomisés, ces malaises postprandiaux neseraient contemporains d’une baisse glycémiquemodérée mais significative que dans 5 % des cas [6].À l’inverse, les malaises survenant chez certainspatients présentant des hypoglycémies organiques(par exemple, certains cas d’insulinome ou de rarescas d’hypoglycémie de l’adulte d’origine génétique)peuvent avoir un horaire postprandial [7]. Signalonsdeux causes génétiques d’hypoglycémie de l’adulterécemment identifiées et pouvant entraîner desmalaises postprandiaux : la mutation inactivatrice dela proconvertase 1 (PC1) et la mutation activatrice dela glucokinase.

¶ Lien avec l’effort physiqueL’aggravation ou l’apparition des symptômes à

l’effort physique est un bon argument d’hypogly-cémie organique.

¶ Régression rapide des symptômes aprèsingestion de sucreC’est un argument majeur pour rattacher les

symptômes à une hypoglycémie.

¶ Prise de poidsElle est souvent observée dans certaines

étiologies d’hypoglycémie comme l’insulinome.

¶ Aggravation dans le temps des épisodesCette aggravation en fréquence et en intensité (en

particulier pour les signes neurologiques) est unargument pour une hypoglycémie organique.

‚ Comment retenir le diagnosticd’hypoglycémie ?

Les symptômes d’hypoglycémie étant nonspécifiques, il est important de confirmerbiologiquement l’hypoglycémie avant d’en retenir lediagnostic. Le diagnostic d’hypoglycémie organiquedoit remplir les critères de la caractéristique triade deWhipple (glycémie inférieure à 0,50 g/L,contemporaine de symptômes d’hypoglycémiecédant après correction de l’hypoglycémie). Lors dela première consultation, le clinicien disposecependant très rarement de ces trois éléments.

La mesure de la glycémie capillaire au doigt n’estpas fiable pour le diagnostic d’hypoglycémieorganique, en dehors de la prise en charge dudiabétique traité. La mesure de la glycémie capillairerisque souvent de sous-estimer la glycémie et deconduire au diagnostic par excès. Une glycémieréalisée au laboratoire sur un prélèvement effectuélors d’un malaise serait la meilleure façon deconfirmer le diagnostic. Le plus souvent, ceprélèvement n’a pas pu être effectué lors d’unmalaise spontané.

La mesure systématique de la glycémie à jeunsera réalisée en première intention, mais cet examensimple sera souvent non concluant, car leprélèvement est habituellement effectué en dehorsd’un épisode d’hypoglycémie. Il est alors évidentqu’une glycémie normale ne permet pas d’écarter lediagnostic. À l’inverse, une glycémie normale lorsd’un malaise spontané permet évidemmentd’écarter le diagnostic.

L’existence d’une histoire clinique évocatrice demalaises hypoglycémiques, en particulier lorsqu’ilexiste des signes de neuroglycopénie, doit inciter leclinicien à poursuivre les explorations pourconfirmer l’hypoglycémie. L’épreuve de jeûne estalors l’exploration de référence pour prouver unehypoglycémie. Il est évident que sa prescription doitêtre faite lorsque le clinicien estime que lasymptomatologie est bien compatible avec lediagnostic d’hypoglycémie organique, après uneévaluation complète des données cliniquesdétaillées auparavant.

L’épreuve de jeûne a surtout pour but derechercher une hypoglycémie survenant dans lecadre d’un insulinome. Avant de réaliser uneépreuve de jeûne, il conviendra donc de rechercher,par la clinique et éventuellement quelques examenscomplémentaires simples dictés par la clinique,certaines étiologies d’hypoglycémie. Ces dernièressont en général facilement mises en évidence, à ladifférence de l’insulinome.

‚ Étiologie des hypoglycémies organiques

Souvent, la présentation clinique, l’analyse duterrain et des traitements pris par le patient,permettent d’emblée une orientation étiologique,

guidant ainsi les explorations. Le problème estparfois simplement résolu chez des patientspolymédicamentés et souffrant de pathologiesmultiples et/ou sévères guidant facilement lediagnostic étiologique. Une étude a mis en évidenceune hypoglycémie chez 1,2 % des sujets hospitaliséstout venant [2]. Ceci s’explique le plus souvent par lacoexistence de plusieurs pathologies sévères et/oude thérapeutiques pouvant chacune entraîner unehypoglycémie. Les médicaments responsablesd’hypoglycémie ne sont pas traités dans ce chapitre.

À l’inverse, le clinicien peut se trouver, à l’issue dela première consultation, face à un patient neprésentant aucune étiologie évidente d’hypogly-cémie. En l’absence d’éléments d’orientation, uncertain nombre de causes, en particulierendocriniennes, doivent être discutées etrecherchées avant de poursuivre les explorations etéventuellement de proposer une épreuve de jeûne,si l’hypoglycémie n’a pas à ce stade pu être prouvée.

Causes d’hypoglycémie organique en dehorsde l’insulinome

¶ Pathologies générales sévèresCes nombreuses pathologies sont, en général,

déjà clairement diagnostiquées, souvent chez despatients déjà hospitalisés au moment oùl’hypoglycémie survient, et sont donc facilementidentifiées : insuffisance hépatocellulaire sévère,insuffisance rénale sévère, état infectieux sévère ouétat de choc, cachexie, anorexie, intoxication (alcool),insuffisance cardiaque congestive...

¶ Insuffisance surrénalienne primaireou secondaireElle doit être écartée par la réalisation d’un test au

Synacthènet Immédiat, avant réalisation d’uneépreuve de jeûne. Rappelons à cette occasion qu’ilfaudra se méfier d’une hypoglycémie lors de l’arrêtd’une corticothérapie ou la correction d’unhypercorticisme chez un patient bénéficiant d’untraitement hypoglycémiant.

Signes cliniques d’un malaisehypoglycémique✔ Signes de neuroglucopénie+++.✔ Signes neurovégétatifs (peuspécifiques).✔ Horaire : à jeun, après un effortphysique.✔ Correction rapide après apport deglucose.✔ Aggravation des malaises dans letemps.

Étiologie des hypoglycémiesorganiques de l’adulte (en dehors desmédicaments)✔ Insulinome.✔ Volumineuse tumeurextrapancréatique (IGF II [insulin-like growth factor]).✔ Insuffisance surrénalienne primaireou secondaire.✔ Hypopituitarisme.✔ Insuffisance hépatocellulairesévère.✔ Insuffisance rénale sévère.✔ Infection sévère, état de choc.✔ Auto-immune.✔ Jeûne, cachexie, anorexie.✔ Insuffisance cardiaque congestive.✔ Exercice physique intense.✔ Chirurgie du phéochromocytome.✔ Mutation activatrice de laglucokinase.✔ Mutation inhibitrice de la PC1.

3-0885 - Hypoglycémies organiques

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Page 145: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

¶ HypopituitarismeIl représente, en particulier chez l’enfant, une

autre cause endocrinienne d’hypoglycémie. Cettedernière est alors liée au manque des hormoneshyperglycémiantes que sont l’hormone decroissance et le cortisol.

¶ Hypoglycémies par tumeurs extrapancréatiques(non islet cell-tumor hypoglycemia)Ces rares tumeurs entraînent des hypoglycémies

souvent sévères et itératives. Le diagnostic de ceshypoglycémies est, en général, porté rapidement (en3 mois dans 58 % des cas et en 1 an dans 89 % descas). Les tumeurs responsables sont souventd’origine mésenchymateuse et habituellementvolumineuses. Leur siège est intrathoracique dansun tiers des cas et rétropéritonéal dans deux tiers descas. Environ trois quarts de ces tumeurs sontmalignes. Les tumeurs le plus fréquemmentincriminées sont d’origine mésenchymateuse :fibrome ou fibrosarcome pleural, léiomyome,léiomyosarcome, rhabdomyome, rhabdomyosar-come... Une étude rétrospective sur 223 tumeurspleurales met en évidence 12 cas d’hypoglycémie,dont neuf observés pour des tumeurs de plus de10 cm [1]. S’agissant de volumineuses tumeurs, ellessont habituellement facilement mises en évidencepar l’examen clinique, éventuellement complété parune radiographie de thorax et une échographieabdominale. L’hypoglycémie est liée à l’expressionpar la tumeur d’IGF II. Par un effet de rétrocontrôledirect ou indirect, il est observé des tauxplasmatiques bas d’insuline, d’hormone decroissance (GH [growth hormone]) et d’IGF I.

¶ Hypoglycémie d’origine auto-immuneCette forme d’hypoglycémie est rare et est liée à

la présence d’autoanticorps antirécepteurs del ’ insul ine ou anti - insul ine. On l ’observehabituellement chez des patients présentant unterrain auto-immun marqué.

Insulinome

Une suspicion d’hypoglycémie organique, sansargument en faveur des causes précédentes, doitinciter à rechercher un insulinome. L’insulinomeentraîne souvent des malaises intermittents, chez unsujet apparemment bien portant et souventnormoglycémique en dehors des épisodes aigus.Pour cette raison, le diagnostic d’insulinome estsouvent évoqué lors d’une première consultationpour suspicion d’hypoglycémie au cours de laquelleaucun argument n’est retrouvé en faveur d’une descauses d’hypoglycémie précédemment exposées.Cependant, même si l’insulinome est la plusfréquente des tumeurs du pancréas endocrine, ilreste peu fréquent, puisque son incidence estestimée à quatre cas par million de personneschaque année [8]. Ce diagnostic sera donc finalementrarement confirmé.

L’insulinome peut se voir à tout âge chez l’adulte,avec une légère prédominance entre 35 et 55 ans. Ils’agit le plus souvent d’une tumeur unique. Dans10 % des cas cependant, il s’agit de tumeursmultiples, en particulier chez les patients présentantune néoplasie endocrinienne multiple de type 1(NEM1). Dans 5 à 10 % des cas, il s’agit de lésionsmalignes. Comme souvent pour les tumeursendocrines, le diagnostic histologique de malignitédes insulinomes est difficile à porter, en dehors d’uneeffraction capsulaire ou d’une disséminationtumorale. Pour ces raisons, un suivi est indispensable

après l’exérèse d’un insulinome. Les récurrences sontestimées à 6 % à 10 ans et 8 % à 20 ans [8]. Leslocalisations ectopiques sont exceptionnelles (moinsde 1 % des cas, localisées dans l’estomac, leduodénum, le diverticule de Meckel, mésentéri-que....). Enfin, il s’agit fréquemment de petiteslésions, puisque 30 % des insulinomes ont undiamètre inférieur à 1 cm [9]. De plus, il n’y a pas decorrélation entre la durée et la sévérité dessymptômes et le volume tumoral. De petitestumeurs de 0,5 g peuvent être symptomatiques parune hypersécrétion d’insuline importante. Ladifficulté du diagnostic d’insulinome est souventresponsable d’un retard important de celui-ci parrapport au début des symptômes.

Comment porter le diagnostic d’insulinome ?

L’étape indispensable est évidemment de savoirévoquer le diagnostic d’hypoglycémie devant unesymptomatologie parfois trompeuse (par exempledans les formes psychiatriques). Une fois évoqué, lediagnostic biologique d’hypoglycémie parhypersinsulinisme endogène doit être rigoureu-sement établi avant de porter le diagnosticd’insulinome et d’en rechercher la localisation. Uneglycémie inférieure ou égale à 0,45 g/L(2,47 mmol/L), associée à une insulinémiesupérieure à 5 µU/mL, et un peptide C en rapportavec l’insulinémie permettent de retenir lediagnostic d’hyperinsulinisme endogène [7]. Il estindispensable d’avoir une insulinémie contempo-raine d’une véritable hypoglycémie pour portercorrectement le diagnostic. Raisonner sur unrapport insulinémie/glycémie en dehors d’unehypoglycémie, ou sur la normale de l’insulinémie àjeun du laboratoire effectuant le dosage, risque fortd’induire le clinicien en erreur.

Chez certains patients, l’hyperinsulinisme est facileà documenter sur un prélèvement effectué lors d’unmalaise, ou chez un patient présentant une histoireclinique évocatrice mais consultant en dehors d’unmalaise, sur un prélèvement le matin à jeun. En effet,une hypoglycémie est retrouvée sur un prélèvementà jeun le matin chez la moitié des patientsprésentant un insulinome [9]. Dans les autres cas, laréalisation d’une épreuve de jeûne seraindispensable au diagnostic.

Épreuve de jeûneEl le est standardisée et se réal ise en

hospitalisation et sous une étroite surveillancemédicale. L’épreuve se poursuivra jusqu’à 72 heureset sera interrompue auparavant si la glycémie estinférieure à 0,4 g/L (2,2 mmol/L) et que le patientprésente des signes ou des symptômesd’hypoglycémie. L’existence de signes cliniques lorsd’une baisse de la glycémie est importante à noter,dans la mesure où certains sujets normaux, en

particulier des jeunes femmes, peuvent présenterune glycémie à 0,4 g/L en fin d’épreuve de jeûne.Dans l’hypothèse d’un insulinome, une insulinémienon effondrée (c’est-à-dire supérieure à 5 µU/mLlorsqu’un dosage par IRMA [immunoradiometricassay] ayant une sensibilité de 5 µU/mL est utilisé)sera observée alors que le patient est enhypoglycémie et ne présente pas de cétonurie [7].Après 24 heures de jeûne, 75 % des patientsprésentant un insulinome sont en hypoglycémie,après 48 heures de jeûne, l’hypoglycémie survientdans 98 % des cas. Moins de 0,6 % des patientsayant un insulinome ne présenteront pasd’hypoglycémie après un jeûne prolongé de 72heures. À la fin de l’épreuve de jeûne, l’insulinémiereste supérieure à 10 µU/mL dans 98 % des cas etsupérieure à 5 µU/mL chez tous les patients [3].L’épreuve de jeûne, à condition d’une réalisationsoigneuse et d’une interprétation rigoureuse, a doncune excellente sensibilité pour le diagnosticd’hyperinsulinisme.

Le dosage concomitant du peptide C, qui sera enrapport avec l’insulinémie, permet d’écarter desinjections d’insuline exogène mais pas unehypoglycémie par prise de sulfamides ou certainesformes d’hypoglycémies auto-immunes. Le cliniciena habituellement l’attention attirée sur ces dernièressituations, qui sont assez rares, par le contexteclinique (milieu médical ou paramédical, parent d’unsujet diabétique traité...). Dans le cas deshypoglycémies induites par les sulfamides, larecherche de sulfamides dans le plasma ou lesurines peut parfois être utile, mais est difficilementréalisable de façon systématique en dehors dessulfamides de première génération.

Lorsque le diagnostic d’hyperinsulinismeendogène est porté sur les explorations endocri-niennes, alors, mais seulement alors, lesinvestigations morphologiques devront êtreréalisées pour localiser l’insulinome.

Localisation d’un insulinome

Cette tumeur endocrine pouvant être de trèspetite taille, il est essentiel d’avoir la confirmationbiologique d’une hypoglycémie par hyperinsuli-nisme endogène avant de réaliser les explorationsmorphologiques.

L’échoendoscopie et l’examen tomodensitomé-trique, avec la technique d’acquisition hélicoïdale,sont les explorations non invasives réalisées enpremière intention. L’échoendoscopie doit êtrepratiquée par un opérateur expérimenté, dans les

Insulinome✔ Trois quarts des tumeurssymptomatiques du pancréasendocrine.✔ Incidence : 4 cas/1 000 000/an.✔ Retard diagnostique fréquent.✔ Multiples : 10 %.✔ Malin : 10 %.✔ Petite taille : un tiers de diamètreinférieur à 1 cm.

Avant de prescrire une épreuve dejeûne✔ Analyse complète des donnéescliniques évoquant l’hypoglycémie.✔ Analyse des traitements et duterrain à la recherche d’uneétiologie évidente d’hypoglycémie.✔ Dosage de la glycémie, del’insulinémie et du peptide C à jeunet si possible lors d’un malaise.✔ Éliminer une insuffisancesurrénalienne (test au SynacthènetImmédiat).✔ Ne pas méconnaître une tumeur àIGF II : radiographie thoracique.

Hypoglycémies organiques - 3-0885

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Page 146: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

mains duquel la sensibilité de l’examen dépasse90 % [1]. Un examen tomodensitométrique réaliséavec une technique rigoureuse est un élémentimportant du bilan initial, permettant la localisationtumorale dans 60 à 70 % des cas et surtout larecherche de localisations secondaires ganglion-naires ou hépatiques [1].

La place de l’imagerie par résonance magnétique(IRM) reste à définir et cet examen ne peut pas êtrerecommandé systématiquement actuellement pourl’exploration d’un insulinome. Par ailleurs,l ’échographie convent ionnel le par voietranspariétale manque de sensibilité puisqu’elle nedétecte qu’environ 60 % des insulinomes [1]. Dans lecas de figure rare d’un insulinome non visualisé parl’échoendoscopie et le scanner, les explorationsvasculaires invasives comme l’artériographie, lesprélèvements veineux étagés, ou le dosage veineuxsus-hépatique d’insuline après stimulation calciqueintra-artérielle, peuvent avoir leur place, maisimposent le recours à des équipes spécialisées.

■Traitement

‚ Prise en charge thérapeutique d’unehypoglycémie organique

Malaise hypoglycémique

Les sucres d’absorption rapide par voie orale sontutilisés lors d’un malaise sans troubles deconscience. Un apport adapté en sucres d’absorptionlente est ensuite préconisé, pour maintenir unenormoglycémie.

Le recours à une injection intraveineuse deglucose est nécessaire lors d’un malaise avectroubles de conscience. Il est alors impératifd’administrer sans tarder le sérum glucosé : sérumglucosé à 30 % (trois à quatre ampoules de 20 mL)par voie intraveineuse stricte et lente, puis relaiséventuel par perfusion de sérum glucosé à 10 %,sous surveillance médicale.

Contrairement aux hypoglycémies survenantchez le diabétique insulinotraité, le recours auglucagon, pour corriger une hypoglycémie, peut êtreinefficace si la pathologie responsable entraîne unedéplétion hépatique en glycogène. Dans certainshyperinsulinismes, le glucagon pourrait aggraverl’insulinosécrétion. Pour ces raisons, il est préférable,si cela est possible, de recourir au sérum glucosé quisera toujours rapidement efficace.

Traitement à long terme des hypoglycémiesorganiques

Le traitement vise avant tout la cause del’hypoglycémie, lorsque cette dernière est curable(insuffisance surrénale, insulinome...). Ceci permetévidemment la disparit ion des épisodesd’hypoglycémie.

En l’attente du traitement de la cause, ou lorsquecette dernière n’est pas curable, les mesuresdiététiques sont essentielles. Un apport adapté ensucres d’absorption lente est préconisé pourmaintenir une normoglycémie. Des collations entreles repas, voire des collations nocturnes, serontinstituées. Le recours à des perfusions intraveineusesde glucose est parfois nécessaire lors d’hypogly-cémies sévères et fréquentes (par exemple dansl’insulinome), en attendant l’efficacité d’un traitementadditionnel.

Le traitement de l’insulinome est avant toutchirurgical. Celui-ci est guidé par les étudesmorphologiques préopératoires. Dans 90 % des cas,le traitement chirurgical aboutit à la guérison deshypoglycémies [1]. Les échecs sont habituellementliés à l’absence de localisation de l’insulinome ou àl’existence d’une autre localisation (insulinomesmultiples des NEM1 ou insulinomes malins) et plusrarement à une lésion inextirpable. La performancedes explorations actuelles, en particulierl’échoendoscopie, devrait encore améliorer lesrésultats. Chez les patients présentant un insulinome,le diazoxide est souvent nécessaire en l’attente de lachirurgie ou dans les formes métastatiques.

Le diazoxide (Proglicemt) agit sur un canalpotassique ATP-dépendant et inhibe l’insulinosé-crétion. Un effet périphérique musculaire et destimulation de la néoglucogenèse hépatiqueparticiperait aussi à l’action hyperglycémiante. Laposologie sera progressivement augmentée jusqu’àcorrection des hypoglycémies. Une posologie de300 à 600 mg est parfois nécessaire. Dans lesinsulinomes malins, une posologie plus élevée peutêtre discutée si les effets secondaires le permettent.L’efficacité semble moindre, voire nulle, dans lestumeurs agranulaires. Les effets secondaires les plusfréquents sont la rétention hydrosodée, les nausées,l’hypertrichose. Le diazoxide doit être associé à undiurétique thiazidique, ce qui limite les œdèmes maisfavorise l’hypokaliémie.

Les analogues de la somatostatine ont étéproposés dans les insulinomes et les tumeurssécrétrices d’IGF II dans un but antisécrétoire. L’effetdans les insulinomes semble cependant inconstantet modeste. Une aggravation des hypoglycémies estparfois observée et pourrait être liée à une inhibitiondes hormones de la contre-régulation comme leglucagon ou la GH.

Les bêtabloquants et inhibiteurs calciques ont étéessayés avec des résultats inconstants et modestesdans les insulinomes. De même, les corticoïdes àfortes doses (1 mg/kg/j) peuvent aider à stabiliser laglycémie dans certaines situations délicates.

Enfin, dans l’insulinome malin, une chimiothé-rapie est souvent discutée lorsqu’une exérèsechirurgicale n’est pas possible. Cette chimiothérapiesera à discuter en fonction de l’évolution tumorale etdu bilan d’extension. L’association streptozocine(500 mg/m2 intraveineux, pendant 5 jours, en cyclede 6 semaines) et adriamycine (50 mg/m2

intraveineux toutes les 3 semaines) semble la plusefficace [5].

Dans les tumeurs hypoglycémiantes sécrétricesd’IGF II, l’injection de GH recombinante s’oppose aurétrocontrôle négatif exercé sur l’axe somatotrope etpermet une amélioration des hypoglycémies.

Jérôme Bertherat : Chef de clinique-assistant,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques (Pr Luton), hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Bertherat. Hypoglycémies organiques.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0885, 1998, 4 p

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3-0885 - Hypoglycémies organiques

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Le pied diabétique

CSachon, AHeurtier, GHavan, AGrimaldi

S oixante-cinq pour cent des amputations des membres inférieurs des diabétiques sont réalisées après l’âge de65 ans. Le coût d’une amputation de jambe revient au salaire de deux infirmières à plein temps pendant 1 an.

Sur vingt malades diabétiques que suit en moyenne chaque généraliste, un ou deux seulement risquent un jourd’être amputés. Il est essentiel de les dépister, puisqu’une prise en charge spécialisée permet de réduire de 50 % letaux des amputations. L’examen des pieds à la recherche de signes d’artérite ou de neuropathie fait partie du bilanannuel du diabétique. Les diabétiques à risque podologique doivent bénéficier d’un examen des pieds et deschaussures à chaque consultation.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le pied diabétique est un problème de santépublique, puisque 50% des amputations de cuisse oude jambe sont réalisées chez le diabétique. Cinq à10% des diabétiques seront un jour amputés d’orteils,de pied(s) ou de jambe(s). L’incidence annuelle desamputations chez les diabétiques est de 50000 auxÉtats-Unis et d’environ 5000 en France. Cependant,plusieurs études ont montré la possibilité de réduire de50% les amputations des membres inférieurs chez lesdiabétiques et de diminuer de moitié environ la duréed’hospitalisation pour pied diabétique. Plusieursquestions se posent alors : quels sont les diabétiques àrisque ? Pourquoi ne sont-ils pas dépistés ? Commentaméliorer le dépistage des diabétiques à risquepodologique ? Quelle est la conduite à tenir en cas deplaie du pied chez le diabétique ?

■Quels sont les diabétiques

à risque ?

Les diabétiques à risque podologique, c’est-à-dire àrisque d’amputation sont ceux atteints d’artérite ou deneuropathie diabétique. Devant un trouble trophique,on retrouve une fois sur six une artérite isolée, trois foissur six une neuropathie isolée, et deux fois sur six unpiedmixte, artériel et neuropathique.

‚ Artérite

En cas d’artérite, toute plaie, même minime, risquede ne pas cicatriser. Cela s’explique facilement,puisqu’il faut environ 20 fois plus d’oxygène pourobtenir la cicatrisation d’une plaie cutanée que pourassurer le maintien d’un revêtement cutané. La plaiene cicatrise donc pas, elle se surinfecte, ce qui entraîneune décompensation brutale avec constitution, enquelques heures, de la gangrène d’un orteil.

‚ NeuropathieLa neuropathie, quant à elle, intervient par plusieurs

mécanismes.■ Elle supprime les symptômes d’alerte par

abolition de la perception douloureuse qui assure laprotection normale des pieds contre ses ennemis, aupremier rang desquels les chaussures, les durillons, lesongles, les corps étrangers retrouvés accidentellementdans les chaussures, la « chirurgie de salle de bains »...

■ La neuropathie est responsable de troubles de lasensibilité profonde et de troubles moteurs quientraînent des troubles statiques importants (avantpied rond, pieds creux et orteils en marteau),responsables d’appuis anormaux, source d’hyperkéra-tose, durillons et callosités. Ces durillons deviennenttrès durs, blessent le tissu sous-cutané et provoquent laformation d’une petite poche hydrique. Le liquide, soustension lors de l’appui, diffuse entre les tissus et formeune véritable lame de décollement. L’hyperkératoseest sèche, elle se fissure et favorise la surinfection avecconstitution d’un abcès sous-cutané qui peut diffuservers l’os, le long des tendons, vers les parties molles,ou au contraire s’ouvrir à la peau et créer le malperforant plantaire avec sa couronne hyperkératosi-que. Le mal perforant plantaire, lié à la neuropathiediabétique siège aux points d’appui, c’est-à-dire le plussouvent sous la tête des premier et 5emétatarsiens.

■ La neuropathie végétative est responsable d’unesécheresse cutanée anormale avec absence desudation, ce qui favorise une hyperkératose avecdéveloppement de durillons et de callosités. Au niveaudu talon, l’hyperkératose se fissure et peut sesurinfecter, entraînant une nécrose talonnière en casd’ischémie associée.

■ Enfin, le pied de Charcot est une complication dela neuropathie végétative. Il s’agit d’une ostéonécroseconsécutive à des shunts artérioveineux accompagnésd’œdèmes neurotrophiques et de maldistributionsanguine fragilisant les os du pied. La fracture apparaîtle plus souvent au sommet de l’arche interne du pied,au niveau du 1er cunéiforme et du scaphoïde. Lors dela fracture, on observe un effondrement de l’arche

interne du pied, avec constitution d’un pied plat élargi,responsable de troubles statiques importants,provoquant durillons etmaux perforants.

■Pourquoi ces diabétiques

ne sont-ils pas dépistés ?

La principale raison de cette absence de diagnosticdes diabétiques à risque podologique, et peut-être laplus importante, est l’absence de douleur quiaccompagne la neuropathie. N’ayant pas mal, lemalade néglige et sous-estime la gravité d’une plaie, etla laisse donc évoluer. Il arrive même souvent que lemalade ne signale pas sa plaie au niveau du piedpuisqu’elle ne fait pas mal. Ce n’est même parfoisqu’en demandant au patient de se déchausser que lemédecin découvre la plaie. Par ailleurs, l’examen despieds n’est pas systématique lors des consultations,faute de temps le plus souvent, parfois parce que lemalade lui-même n’est pas très enclin à quitter seschaussures par difficulté ou à cause d’une hygiènedouteuse. Les complications podologiques conduisantau drame de l’amputation surviennent le plus souventaprès l’âge de 65 ans. Lemédecin généraliste, au cours

Caractéristiques des diabétiques àrisque podologique :✔ artérite : diminution ou abolitiondes pouls périphériques ;✔ neuropathie : abolition de laperception douloureuse ;✔ troubles statiques liés aux troublesde la sensibilité profonde ;✔ sécheresse de la peau,hyperkératose liée à la neuropathievégétative ;✔ âge> 65 ans.

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©Elsevier,Paris

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de son exercice, y sera rarement confronté, il n’estdonc pas mobilisé pour l’examen du pied chez lediabétique. Lorsque le risque podologique est reconnu,la prise en charge par le malade n’est pas toujoursfacile : il est âgé, souvent obèse, peu souple(coxarthrose), parfois atteint de baisse d’acuitévisuelle... Enfin, les soins de pédicurie ne sont pasremboursés...

■Comment dépister les diabétiques

à risque podologique ?

‚ Artérite

L’examen clinique est caractéristique, avec despouls distaux abolis ou faibles, une peau fine, fragile,avec une pilosité diminuée ou absente, unehyperonychie avec des ongles épais, susceptibles deblesser le lit de l’ongle sous-jacent. On constate parfoisune amyotrophie importante avec les tendons tropvisibles. Enfin, le pied peut être froid. L’examen d’uneartérite est clinique mais doit être complété par unexamen doppler, voire même une artériographie, enparticulier chaque fois qu’un geste chirurgical estprévu.

‚ Neuropathie

Le pied neuropathique est plutôt chaud, avec despouls parfois bondissants, une peau épaisse et sèche,et une hyperkératose au niveau des points d’appui,c’est-à-dire sous la tête des métatarsiens et au niveaudu talon, ainsi que sous la styloïde du 5e métatarsien.Les réflexes ostéotendineux peuvent être abolis oudiminués. Avec le diapason gradué, on note unediminution de la perception vibratoire en-dessous de4. Au-delà de 65 ans, cet examen n’est plusinterprétable. On constate parfois des troubles du sensde position des orteils, une diminution de perceptiondu chaud et du froid, un défaut de la perception de ladouleur ; que l’on peut apprécier avec une simpleaiguille en piquant le malade au niveau, notamment,de la pulpe des orteils et en comparant l’examen avecla perception ressentie au niveau des mains ou dumollet. Avec un monofilament en nylon, on peutapprécier la perception au tact et à la pression.L’examen clinique suffit à déterminer s’il existe ou nonune neuropathie. Il est inutile d’avoir recours auxexamens neuroélectrophysiologiques.

Les diabétiques à risque podologique sont donc lesdiabétiques porteurs d’une artérite, d’une neuropathie,ou encore porteurs des deux. On les retrouve plusparticulièrement parmi les personnes de plus de 65ans. Des problèmes rhumatologiques (coxarthrose) ouvisuels peuvent limiter la prise en charge par lemaladelui-même des soins podologiques. Les diabétiques àrisque podologique se recrutent tout particulièrementparmi les diabétiques alcoolotabagiques, quiprésentent souvent artérite et neuropathie ; lesdiabétiques atteints de microangiopathie sévère, enparticulier une néphropathie diabétique qui aggravel’artérite et la neuropathie ; enfin, les diabétiquesgreffés rénaux et greffés rein-pancréas sontparticulièrement à risque en raison de leur traitementimmunosuppresseur (les corticoïdes favorisantl’athérosclérose et inhibant l’angiogenèse). Par ailleurs,chez ces patients, le risque infectieux est très importanten cas de plaie.Une éducation du patient doit être mise en route

dès le diagnostic du risque podologique. Si le patientn’est pas apte à prendre lui-même soin de ses pieds, ilest indispensable de former une tierce personne dansson entourage, et de l’adresser à une consultation depodologie spécialisée en diabétologie.Chez les diabétiques qui ne sont pas à risque

podologique, l’examen clinique des pieds peut ne pasêtre fait systématiquement à chaque consultation. Ildoit cependant être effectué une fois par an enprofitant de l’occasion pour rappeler le rôle nocif dutabac chez les fumeurs.

■Conduite à tenir en cas de plaie

du pied chez un diabétique

La première étape est de rechercher la cause de lablessure. Lorsque le patient l’ignore, il s’agit d’un signede gravité mettant en évidence l’existence d’uneneuropathie. L’examen de la plaie permet ensuite dedéterminer s’il s’agit d’une plaie artéritique ou d’uneplaie neuropathique. Les plaies artéritiques se situentau niveau des points de frottement, elles sontdouloureuses s’il n’existe pas de neuropathie associée.Les plaies neuropathiques existent au niveau despoints d’appui sous la tête des métatarsiens, ellespeuvent également se situer au niveau de la pulpe desorteils en marteau. Les maux perforants peuvent sedévelopper sur des points de frottement anormaux,tels que les hallux valgus, les cors sur le dos des orteilsou entre les orteils où le frottement peut créer un œilde perdrix. Le mal perforant est toujours infecté, il estentouré d’une kératose très dure. L’abrasion de cettekératose mettra en évidence une plaie beaucoup plusimportante que ne le laissait supposer la plaie initiale.

‚ Faut-il hospitaliser toute plaiedu pied chez le diabétique ?

L’hospitalisation ne se justifie pas chez undiabétique bien équilibré présentant une plaie au pied,mais sans neuropathie ni artérite. Il suffit, dans ce cas,de bien nettoyer la plaie à l’eau et au savon, d’utiliserun antiseptique incolore type Merfènet, de surveillerrégulièrement la coloration cutanée, et de faire unpansement de protection. La surveillance de la plaiedoit être régulière. En l’absence de surinfection et enl’absence d’artérite, la prescription d’antibiotiques n’estpas nécessaire. En revanche, si le diabétique estporteur d’une artérite ou d’une neuropathie,l’hospitalisation s’impose. Il s’agit toutefois, le plussouvent, d’une urgence médicale et non d’uneurgence chirurgicale. Le seul cas d’urgence chirurgicale

concerne la gangrène gazeuse, qui est exceptionnelle,et la cellulite extensive avec septicémie menaçant lavie dumalade.

‚ En cas d’hospitalisationQuatremesures s’imposent.■ Faire des prélèvements bactériologiques

profonds, si possible avec culturette pour que lesprélèvements ne soient pas secs. Ces prélèvementssont réalisés après désinfection à la Bétadinet desbords cutanés de la plaie.

■ Interdiction de l’appui. L’arrêt de l’appui doit êtretotal, ce qui n’est pas facile à faire comprendre à unmalade atteint de neuropathie. Pour supprimer l’appui,on utilisera une chaussure Baroukt si la plaie se trouveau niveau de l’avant pied, une chaussure Sanitalt si laplaie se trouve au talon, une canne anglaise ou unebotte de décharge avec appui sous-rotulien, voiremême un fauteuil roulant. Si la plaie est secondaire àun frottement, il ne faut pas hésiter à découper lachaussure ou le chausson pour supprimer cefrottement. En cas d’ischémie, il faut prescrire unmatelas antie-scarre et protéger les talons. Laprotection des talons peut se faire grâce à un bloc demousse en forme de prisme, sur lequel le malade ferareposer ses jambes en laissant ses talons dans le vide,sans appui.

■ Prescription d’un traitement anticoagulant parhéparinothérapie à doses hypocoagulantes en casd’ischémie, et isocoagulantes en cas de neuropathie.

■ Prescrire un traitement antibiotique avant mêmeles résultats du prélèvement bactériologique chaquefois qu’il existe des signes infectieux extensifs, d’autantplus s’il s’agit de signes généraux, mais égalementdevant toute plaie ischémique faisant craindre qu’unesurinfection décompense ou aggrave une gangrène.L’antibiothérapie doit être à large spectre couvrantstaphylocoques, streptocoques, germes à Gramnégatif, et, s’il s’agit d’une ischémie, également lesanaérobies. L’association préconisée peut êtreAugmentint + quinolone, Cifloxt + Oflocett ouPyostacinet + Flagylt. S’il existe des signes généraux,on associe un aminoside par voie parentérale pendantquelques jours.Dans tous les cas de plaie du pied chez un

diabétique, un rappel antitétanique doit être effectué.Si le malade n’est pas vacciné, on réalisera un sérumantitétanique, et une vaccination doit être mise enroute.

‚ Bilan à effectuer les jours suivantsLa plaie sera explorée à la recherche d’un contact

osseux. La détersion sera variable selon qu’il s’agirad’une plaie neuropathique, le débridement sera alorslarge, ou d’une plaie artéritique, le débridement seraprudent et peu agressif de façon à permettre lalimitation spontanée d’une nécrose sèche spontanée.Des clichés osseux seront réalisés pour rechercher uneostéite, celle-ci étant hautement suspecte s’il existe uncontact osseux lors de l’examen de la plaie. Un écho-doppler des artères des membres inférieurs ainsi quela mesure de la pression transcutanée en oxygènepermettront d’apprécier la qualité de la vascularisation.L’antibiothérapie sera adaptée en fonction del’évolution locale et des résultats de l’antibiogramme.Si un geste chirurgical est prévu, on réalisera toujours,en cas d’artérite, une artériographie. Cetteartériographie est indispensable dans l’objectif depontages distaux, mais également en cas de chirurgieorthopédique, même limitée. En l’absence d’ischémie,un geste d’orthopédie podologique conservatrice, sansamputation, pourra être réalisé pour accélérer lacicatrisation de la plaie. Ultérieurement, l’éducation du

Caractéristiques cliniques des piedsselon la présence d’une artérite oud’une neuropathie✔ Pied artéritique.Abolition des pouls.Peau fine.Pilosité absente ou diminuée.Hyperonychie.Amyotrophie avec tendons tropvisibles.Diminution de la chaleur cutanée.

✔ Pied neuropathique.Pouls bondissants.Hyperkératose au niveau des pointsd’appui : têtes des métatarsiens,syloïde 5e métatartien, talon.Diminution ou abolition de lasensibilité.

3-0860 - Le pied diabétique

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malade sera indispensable de façon à prévenir desrécidives de plaie au niveau des pieds. Le malade doitsavoir s’il est porteur ou non d’une artérite ou d’uneneuropathie, et, dans ces situations, il doit apprendreles gestes qui lui permettront d’éviter toute nouvellerécidive de plaie au niveau de ses pieds.

■Apprendre au diabétique à tester

la sensibilité de ses pieds

‚ Plusieurs questions doivent être posées

Sent-il bien la chaleur de l’eau lorsqu’il se lave ?Perçoit-il bien le sol sur lequel il marche lorsqu’il estpieds nus ? Repère-t-il tout de suite le moindre corpsétranger ou couture blessante dans ses chaussures ?Lorsqu’il achète des chaussures neuves, sent-il tout desuite si elles sont à sa taille ou non ? S’est-il déjà blesséle pied sans en connaître la cause ?En l’absence d’artérite ou de neuropathie, aucune

éducation spéciale n’est nécessaire, de simplesconseils d’hygiène doivent être rappelés : se laver tousles jours les pieds et bien sécher entre les orteils pouréviter la macération et la mycose. Lorsqu’il existe unrisque podologique, il faut insister sur la nécessité dechanger chaque jour de chaussettes, de choisir deschaussures en cuir souple, confortables et si les piedssont secs, d’appliquer chaque jour une crèmehydratante, type Biafinet, Nivéat, Neutrogénat ouAkildiat, qui permet de lutter contre la kératose et desensibiliser le patient aux soins à apporter à ses pieds.Il est à rappeler qu’il ne faut pas utiliser de coricides surles cors et les durillons, beaucoup trop agressifs pourun pied fragilisé par l’artérite ou ne percevant plus ladouleur, et leur préférer une lime non dangereuse.

‚ Comment éviter l’artériteou la neuropathie ?

Chez tout diabétique à risque podologique ou non,l’arrêt du tabac doit être conseillé pour éviter l’artérite.L’équilibre du diabète est important pour éviter laneuropathie ; il faut obtenir une hémoglobine A1Cinférieure à 7,5 %, soit une moyenne glycémiqueinférieure à 1,50 g/L.Les autres facteurs de risque doivent également

être surveillés, la tension artérielle et le bilan lipidiqueen particulier.En cas de blessure du pied, le diabétique doit être

éduqué à nettoyer sa plaie à l’eau courante et au

savon de Marseille. Il doit apprendre à la désinfecteravec un produit incolore typeHexomédinet, Merfènetincolore, Lactacydt..., faire un pansement avec du tullegras et une compresse stérile, ne pas collerdirectement le sparadrap sur la peau. En cas d’artérite,un simple sparadrap collé directement sur la peau peutêtre responsable d’une plaie nécessitant unehospitalisation, il est donc indispensable demettre unebande et de coller le sparadrap sur la bande. Enfin, si lepatient s’est blessé sans repérer la cause de la blessure,il doit contacter rapidement son médecin. Il en est demême si la plaie devient inflammatoire etdouloureuse.

■Éducation et conseils aux

diabétiques à risque podologique

‚ Quels sont les ennemis du pied ?

Les chaussures, la corne, les ongles, les mycosesinterdigitales, les corps étrangers retrouvés dans lachaussure, la chaleur, qui peut provoquer desbrûlures : bouillotte, couverture chauffante, feu decheminée, eau brûlante, plaque chauffante, la« chirurgie de salle de bain ».

Comment choisir ses chaussures ?

Les chaussures doivent être fermées. Elles doiventêtre portées avec des chaussettes. Il faut les acheter enfin de journée. Elles doivent être en cuir très souple,dessus ainsi que la doublure. La semelle ne doit pasêtre trop souple. Les lacets sont préférables à d’autrefermeture. Les chaussures qui ont déjà blessé doiventêtre jetées. La morphologie du pied doit être observéede façon à choisir des chaussures s’adaptant à elle.

Corne

Elle doit être limée avec une lime non agressive,type pierre ponce ou Maniquickt fonctionnant à pile.Pour prévenir la corne, il faut graisser les pieds defaçon à ce que la peau ne se fissure pas (Biafinet,Nivéat, Neutrogénat, Akildiat...).

Ongles

Si lemalade n’est pas assez souple, et s’il ne voit pasassez clair pour entretenir ses ongles lui-même, il fauten confier l’entretien à un pédicure ou une tiercepersonne.

Il est préférable d’utiliser des ciseaux à bout rond etde couper les ongles à angle droit en arrondissantlégèrement les angles de façon à ce qu’ils nes’incarnent pas.En cas d’ongle incarné, il faut consulter un pédicure

podologue ou unmédecin podologue.

Corps étrangersUn malade ayant un pied à risque doit être éduqué

à passer systématiquement la main dans seschaussures avant de les enfiler.

MycosesElles sont favorisées par la transpiration et la

macération. Pour éviter les mycoses, il faut bien laverles pieds, sécher entre les orteils très soigneusement,changer de chaussettes ou de collant tous les jours,changer également de chaussures tous les jours en casde transpiration excessive. Dans ce cas, il estsouhaitable d’avoir deux paires de chaussures à porteren alternance un jour sur deux.Lorsqu’il existe une mycose, le traitement (Pevarylt,

Daktarint, Amycort) doit être appliqué chaque jourentre les orteils, après lavage et essuyage soigneux,mais le traitement doit également concerner leschaussures. Il est préférable d’utiliser des poudresplutôt que des crèmes qui favorisent lamacération.Le traitement doit être poursuivi pendant 1mois.

BrûluresEn cas de neuropathie, il faut éduquer le patient à se

méfier des sources de chaleur importante : bouillotte,couverture chauffante, eau du bain, mais égalementsable chaud, l’été sur la plage. Un diabétique à risquepodologique ne doit jamaismarcher pieds nus.

‚ Matériel utile pour une plaie chez unpatient diabétique– Sérumphysiologique.– Désinfectant doux : Septivont, Lactacydt.– Tulle gras.– Compresses stériles.– BandesNylext.– Micropore.

‚ Objets dangereux– Ciseaux pointus.– Feuille de saule.– Coupe cor et râpe duDr Scholl.– Sparadrap collé àmême la peau.– Solution de Bétadinet (à utiliser uniquement sur

prescriptionmédicale).– Sèche-cheveux pour sécher les plaies.

Claude Sachon : Attaché des Hôpitaux.Agnès Heurtier : Chef de clinqiue.

George Havan : Attaché des Hôpitaux.André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Heurtier, G Havan et A Grimaldi. Le pied diabétique.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0860, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Catellier C, Tchobroutsky G, Assal JP, Lefèbvre P, Renovol A, Slama G,Unger R. Le diabète sucré : reconnaître, comprendre, traiter. Paris : Maloine,1984 : 419-439

[2] Grimaldi A, Sachon C, Bosquet F. Les diabètes : comprendre pour traiter.Paris : Éditions médicales internationales, 1995 : 411-421

[3] Levin ME, O’Neal L. The diabetic foot. St Louis : CVMosby, 1995

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Les échecs du traitement

de l’obésité

B Waysfeld, A Laurent-Jaccard

L ongtemps le corps médical a cru en sa toute puissance en matière d’obésité. Les échecs ne semblaient releverque de la mauvaise volonté des patients, désignés comme coupables en raison de leur hyperphagie ou de

l’insuffisance de leur activité physique. Aujourd’hui, il est clair que nous ne savons pas traiter l’obésité, et le constatapparaît accablant. Cependant, les progrès accomplis dans la connaissance de cette affection multifactorielle, auxcomposantes génétiques, environnementales et psychologiques, le changement de regard sur les maladieschroniques en général et la prise en compte de l’intérêt de résultats partiels ont modifié nos critères de jugementmême si, à ce jour, ni les médecins, ni les patients ne peuvent se déclarer satisfaits.© Elsevier, Paris.

■Constat

Pour l’obèse, maigrir constitue à la fois uneobligation et une impossibilité. D’un côté, le culte dela minceur assorti d’un racisme antigros, leshandicaps sévères et les risques de complications, del’autre, la nécessaire soumission à une contraintediététique maintenue à vie et de ce faitinsupportable. Position paradoxale d’autant plusdifficile à tolérer que de très nombreuses méthodes« amaigrissantes » sont encore et toujours proposées.Elles ont toutes en commun d’utiliser des formes plusou moins subtiles ou sournoises de restrictioncalorique (du simple régime à la chirurgie gastriqueou intestinale), et de se montrer toutes efficaces... àcourt terme et inefficaces ou aggravantes à plus longterme. De surcroît, elles jettent le discrédit sur lesactions médicales plus nuancées intégrant lacorrection des erreurs alimentaires qualitativesassociée à diverses méthodes psychoéducatives :approche cognitivocomportementaliste ; atelierscuisine ; activité physique adaptée à chaque cas ;prise en charge psychologique.

Enfin, l’amaigrissement massif est lui-mêmedélétère : outre les décès par dénutrition et troublesdu rythme cardiaque, la restriction caloriquechroniquement maintenue entraîne de nombreuxtroubles psychologiques [1] : défaut de vigilance,troubles du sommeil, humeur fluctuante, dépression,et surtout troubles du comportement alimentaire(TCA) de type compulsif et boulimique.

Ce rapide constat doit encore mentionner que lesrésultats pondéraux du traitement de l’obésité ontquasiment disparu des grands congrès interna-tionaux. Le poids n’est habituellement mentionnéque pour signaler que les sujets compliants ontperdu 10 à 15 % du poids initial en 6 à 9 mois de

traitement, ce qui peut être considéré comme le bonrésultat à court terme [8]. Le suivi et les résultatsau-delà de 1 an manquent le plus souvent, commemanque l’évaluation fine et détaillée, biologique etpsychologique, des sujets pris en compte. Il n’estbien entendu pas envisageable de comptabiliser lessujets qui retrouveraient leur poids idéal théoriquedurablement, car ils représentent l’exception.

■Résultats

En pratique, on peut distinguer deux périodes :– une première, jusqu’à la fin des années 1970,

au cours de laquelle le poids reste le critèred’évaluation quasiment unique ;

– une seconde, au cours des dernières années,où l’on voit apparaître des méthodologies plus fines,

des moyens associant diverses mesures à ladiététique, ainsi que des résultats plus nuancés.

‚ Jusqu’à la fin des années 1970

Dans l’ensemble, les résultats, notamment les plusanciens, ne précisent pas les caractéristiques del’échantillon de départ, ni le nombre de sujetseffectivement suivis (tableau I). Les critères de succèssont le plus souvent exprimés en kg (5 à 10), et nonen pourcentage du poids initial [10]. Au vu de cesrésultats, le célèbre aphorisme de Stunkard resteparfaitement valable : « La majorité des obèses neconsulte pas et parmi ceux qui consultent, unemajorité ne s’engage pas dans un programmethérapeutique. Parmi ceux qui s’engagent, unemajorité ne maigrit pas. Parmi ceux qui maigrissent,une majorité regrossit. »

Seule exception, et qui a valeur de paradigme,Christiakis, non mentionné dans le tableau, quiobtient 71 % de succès à 5 ans dans un contextebien particulier : patients suivis hebdomadairementfaisant partie d’un club « anticoronarien » et ayantdéjà connu un accident coronaire. Ainsi, quand lademande d’amaigrissement est somatique,largement sous-tendue par une angoisse de mort, etsurtout quand les sujets sont suivis de manièrerapprochée et en groupe, la contrainte diététiquepeut être longtemps poursuivie et les résultats s’entrouvent améliorés.

‚ Au cours des dernières années

Sans être exhaustive, la liste que nous présentonsest représentative des recherches et travaux actuels :les études obéissent à une méthodologie précise(double aveugle s’il s’agit d’un médicament,multicentrique ou long terme dans les autres cas), lessujets sont mieux définis, les moyens évoluent versla pluridisciplinarité et la pharmacothérapie fait son

Critères de succès d’un traitement del’obésitéPerte de poids de 5 kg, de 10 kg, de10 % de l’excès pondéral : les critèresde succès d’un traitement de l’obésitése sont succédé depuis 30 ans. Si lepoids théorique est le plus souventinaccessible, le poids souhaité ne l’estpas moins, et le poids physiologiquereste difficile à définir. Une perte de10 à 15 % du poids initial amélioresouvent les grandes fonctionssomatiques, mais reste vécue commeun échec par les sujets qui présententune obésité sévère et même moyenne.L’objectif ne peut qu’être défini au caspar cas, en fonction des résistances detous ordres et de la demande du sujet.

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apparition. Quant aux résultats, ils ne se limitent pasà la seule évaluation de la perte de poids, maismentionnent fort justement la diminution de lagraisse abdominale, voire l’augmentation de lasensibilité à l’insuline ou l’importance de l’activitéphysique (tableau II).Vus sous l’angle strictementpondéral, ces résultats ne diffèrent pas des

précédents, démontrant qu’en dépit d’une meilleureprise en considération des sujets et des facteurs derisque, l’obésité reste une affection mystérieuse. Sil ’on ignore encore la cause première dudéclenchement de l’obésité, on connaît mieux lesfacteurs de pérennisation du surpoids, c’est-à-dire lanature des résistances mises en jeu.

■Résistances

Elles peuvent être schématiquement classées endeux catégories qui peuvent s’intriquer et serenforcer mutuellement [5].

‚ Résistances biologiques

Certaines témoignent d’une adaptationmétabolique comme la diminution des dépenses derepos et de la thermogenèse postprandiale aprèsamaigrissement.

Cette adaptation rend compte de l’impossibilité dedescendre en dessous d’un certain poids, saufrégime très sévère entraînant une dénutrition(inférieure à 1 000 kcal/j). La reprise pondérale serad’autant plus facile et rapide que l’amaigrissementaura été obtenu avec un régime très restrictif.

Au niveau adipocytaire, l’hyperplasie constitue unsérieux facteur de résistance. Dans une série

Tableau I. – Principaux résultats avant 1980 : ère pondérale du traitement de l’obésité.

Auteurs Année depublication Critères de succès Nombre de sujets Durée considéréePourcentage

de succès Remarques

Fellows 1931 5 kg 193 Sans 21 sur 193 3 % devenus non obèses

Stunkard 1959 10 kg 100 1 an 62 ans 2

Swanson et Dinello 1970 30 kg 25 4 ans 16 En « termes pondéraux »

Schrubb 1971 Poids de sortie 59 3 ans 15

Sohar et Sneh 1971 6 kg 38 14 ans 13 Effectif initial non précisé

Apfelbaum 1973 3 kg 140 4 ans 15

Schaller et Guy-Grand 1975 5 % du poids 206 2 ans ½ 34

Drenick et Johnson 1978 Poids de sortie 207 7 ans 3,4

Tableau II. – Principaux résultats depuis 1990 : approche multifactorielle du traitement de l’obésité.

Auteurs Année depublication Méthodologie Durée d’observation Nombre de sujets Moyens Résultats

Rossner 1992 Étude à long termeouverte

10 à 12 ans 18 % de« traités» à 4 ans

68 IMC > 40 Programme cognitif :exercice, conseils nutri-tionnels, ateliers cui-sine, sessions de renfor-cement

–10,6 kg (moyenne)Diminution de la graisseabdominale

Pontiroli 1996 Double aveugle 12 semaines 29 diabétiquesde type II

1 000 kcal/j + Benfluo-rex ou placebo

↑de la sensibilité àl’insuline, ↑de la pertede poids dans le groupeverum

Dietz 1996 Analyse d’articlesoriginaux

? ? Évaluation des moyenspharmacologiques

2 à 10 kg attribuablesaux médicaments,plateau à 6 mois

James 1997 Double aveugle 1 an 228 Régime (–600 kcal/j),Orlistat 120 mg/j ouplacebo

–8,5 kg pour le verum,5,4 kg pour le placebo

Wauters 1997 Ouverte multicentrique 6 mois 50 30< IMC < 45 Sibutramine 10 mg/j,régime (–600 kcal/j)

–11,2 kg +/– 6,3 avec↓de la graisse abdomi-nale

Klem 1997 Registre national decontrôle du poids

5 ans 629 femmes155 hommes

Prise en compte dessujets ayant maintenu–13,6 kg sur 5 ans

Importance de l’activitéphysique

IMC : indice de masse corporelle.

Les grandes ères du traitement de l’obésité*Pour H Saltiel, l’obésité a été « ceinturée » pendant 30 ans par le fameux traitementtriple, extraits thyroïdiens, diurétiques, amphétamines, aujourd’hui totalement rejeté.Puis est venue la « dictature diététique » sous toutes ses formes, avec des résultatsn’intéressant que le seul court terme. L’ère « psychologisante » l’a suivie et neconserve son intérêt que dans les troubles primitifs du comportement alimentaire.Nous sommes entrés dans l’ère « biologisante » qui, à ce jour, n’a pas connu detraduction décisive dans la pratique quotidienne.*H Saltiel. Le concours médical 1994 : 757-761

3-0790 - Les échecs du traitement de l’obésité

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personnelle où nous avons analysé 57 patientssuivis avec plus de 1 an de recul, les seuls retours aupoids idéal théorique survenaient chez des sujetsmodérément obèses et normoplasiques [10]. Maisdans ce domaine, le fait récent majeur est ladécouverte de la leptine : cette hormone, produitepar les adipocytes, sécrétée dans le systèmecirculatoire et agissant au niveau système nerveuxcentral, est capable, chez l’animal, de modifier lecomportement alimentaire et la thermogenèse.Même si cette découverte n’a, à ce jour, aucuneapplication chez l’homme obèse (chez lequel onparle de « leptinorésistance » en raison de taux deleptine constamment élevés), elle représente lemodèle attendu d’une substance protéique produitepar les adipocytes et servant d’informateur auxstructures centrales, hypothalamiques notamment.Le pont semble jeté entre une anomalie génétique etcertains TCA [9].

Mentionnons encore la découverte récente dugène de la protéine découplante, intervenant dans laproduction de chaleur et dont l’anomalie pourraitjouer un rôle dans l’obésité.

‚ Résistances psychologiques

Souvent intriquées aux précédentes, lesrésistances psychologiques à l’amaigrissementapparaissent à travers la valeur adaptative quepeuvent revêtir les TCA et le gros corps lui-même (cfchapitre « Troubles du comportement alimentaire »).Elles se manifestent encore dans une « manièred’être au monde » de certains sujets chez lesquels lestatut d’obèse tient lieu d’identité. Que l’anomaliesoit primitive ou conduisant à l’obésité, secondaire àla surcharge, la relation de sens qui lie l’obèse à soncorps, à l’aliment ou à la société, est facteur derésistance [10, 11]. Sous un certain angle, l’obésité peutêtre vue comme un état qui permet à certainsd’acquérir ou de conserver un équil ibrepsychobiologique global (fig 1). Ces remarques sontà rapprocher des obésités fantômes observées aprèsamaigrissement, comme si certains sujets ne

pouvaient supporter cette amputation d’eux-mêmesou de leur image, en devenant ce que certains ontappelé des « obèses maigres ».

■Nouveaux critères,

nouveaux espoirs

Vu sous l’angle pondéral, le traitement del’obésité est un échec. Ne faut-il pas cependantproposer des réponses plus spécifiques en fonctiondu problème posé ?

Si face à une obésité massive, l ’urgencecardiorespiratoire commande l’amaigrissement rapide,face à un sujet présentant un état dépressif, il importe aucontraire d’attendre, de surseoir ou de renoncer.

‚ Objectifs

Ils méritent d’être précisés, car ils varientconsidérablement d’un sujet à l’autre. Ces objectifspeuvent être hiérarchisés en fonction descaractéristiques et des demandes de chaque sujet [6].

‚ Résultats partiels

Assez accessibles (perte et maintien de 10 % dupoids initial), ils peuvent grandement améliorer untrouble métabolique, diabète ou dyslipémie, ainsiqu’une pathologie cardiovasculaire [12, 13, 14].

‚ Concept d’obésité métabolique

Il émerge même ces dernières années : il concernecertains individus, obèses ou non, en termes pondéraux,mais qui présentent une surcharge adipeuseabdominale associée à des anomalies métaboliques :c’est donc la masse grasse qu’il s’agit de réduire et pasnécessairement le poids. L’activité physique peut semontrer plus efficace à long terme sur la réduction deces obésités androïdes et sur la préservation de la massemaigre que le seul régime [3].

‚ Chirurgie

Elle permet de nouveaux espoirs, en particulierl’utilisation de la gastroplastie verticale de Mason :elle consiste à agrafer l’estomac en ne laissantqu’une petite poche gastrique proximale (de 15 à60 mL), cette poche se vidant dans le reste del’estomac par un orifice de petit diamètre (12 mm),calibré par une bande inextensible. Réservée à dessujets présentant plus de 100 % de surpoids, lagastroplastie verticale améliore notablement laqualité de vie de plus de la moitié des sujets grâce àplus de 40 % de perte de l’excès pondéral. La moitiédes patients retrouvent un index de massecorporelle inférieur à 30 [7].

‚ Pharmacothérapie

Elle est source de nombreux espoirs.

Après le retrait mondial de la fenfluramine (et deson isomère) du fait de complications cardiovascu-laires, la commercialisation prochaine de laSibutramine, inhibiteur de la récapture de lasérotonine et de la noradrénaline, ainsi que de latétrahydrolipstatine, inhibiteur de la lipase gastriqueet pancréatique, permet d’envisager des pertes depoids additionnelles au régime de l’ordre de 5 %pour chaque produit.

D’autres molécules sont à l’étude :– les thiazolidinesdiones : capables de réduire

l’expression du gène ob codant pour la leptine [2] ;– le butabindine : inhibiteur spécifique d’une

peptidase qui dégrade la cholecystokinine etprolonge ses effets satiétogènes ;

– des molécules à action thermogénique sélective.

‚ Nouveaux espoirs

Ils peuvent naître de l’utilisation de conceptsanciens mais non appliqués en pratique : l’obésitéest un symptôme au carrefour de multiplesdisciplines, et chaque sujet doit être appréhendé àtravers son histoire personnelle et de multiplesfacteurs corrélatifs (âge de début, durée, distributiondu tissu adipeux, comportement alimentaire,dépression, demande, avantages liés à l’obésité,tolérance à la frustration, etc), justifiant une stratégieindividualisée [6]. Une formation complémentaire desmédecins s’avère nécessaire dans ce domaine.

Bernard Waysfeld : Assistant,ancien chef de clinique, unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris cedex 15, France.

Anne Laurent-Jaccard : Médecin adjoint,policlinique universitaire de Lausanne, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B Waysfeld et A Laurent-Jaccard. Les échecs du traitement de l’obésité.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0790, 1998, 4 p

Obèse

Corps Aliment Autre Société

De la mèreLieu pulsionnelSymbole sexuel

Comportements boulimiquesGrignotages compensatoires

Aliment symbole socialPas de sens

Partenaire sexuelAdversaire sexuel

Signifiant de l'angoisse

ConsommatriceFrustranteRejetante

1 Relation de sens.

Objectifs du traitement✔ Perdre du poids. Maintenir unpoids stable.✔ Accepter le poids ou le surpoids.Traiter une complication.✔ Réduire une obésité androïde (avecou sans surpoids).✔ Agir sur les conséquencespsychologiques des régimes.✔ Établir, à un poids donné, lerapport bénéfices/risques.

Les échecs du traitement de l’obésité - 3-0790

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R é f é r e n c e s

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Obésité

A Laurent-Jaccard, B Waysfeld

A u-delà des considérations scientifiques, on ne saurait omettre que l’homme est d’abord une entitépsychosomatique, une personne globale. L’approche de l’obèse comme une « machine thermodynamique »

ne saurait nous faire oublier qu’on est également confronté à « une machine désirante ».© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’obésité se définit simplement commel’accumulation de triglycérides, en excès, dans letissu adipeux. Pour autant, une telle définition nesaurait satisfaire ni le patient, ni le médecin, ni lechercheur. Le patient se vit comme trop gros, et laréférence au visuel comporte une part importante desubjectivité. Pour le médecin, la référence au poids etau rapport poids/taille est habituelle, mais ne permetpas d’accéder au rapport masse grasse/masse totale.Pour le chercheur, au-delà du pourcentage de massegrasse, ce sont tous les mécanismes centraux etpériphériques du bilan d’énergie qui sont impliqués,dans leurs aspects hormonaux, neuroendocrinienset génétiques, pour ne citer que les principaux.

Dans la pratique, le médecin considère le plussouvent l’obésité comme une maladie à trois ouquatre dimensions : aspect génétique, bilancalorique, conséquences psychologiques,complications. Ces dimensions aboutiront à desdéfinitions impliquant, isolément ou en association :la génétique, les troubles du comportementalimentaire (TCA), les facteurs psychologiques, lespathologies liées à la surcharge. Ainsi sont nées demultiples définitions de l’obésité : génétique ou étatconstitutionnel, facteur de risque, maladiepsychosomatique (ou maladie bouc émissaire) et, àla phase des complications, pathologie caractérisée.Du côté du patient, le trouble évolue d’une simpleentrave à son intégration au monde du désir et del’échange, à la réalité d’un handicap sévère ou d’unemort prématurée.

Au pôle organique, facteur de risque etpathologie, au pôle psychologique, malaise,dégradation de la qualité de vie et isolement social.

Ainsi, l’obésité se situe dans un continuumpsychologique et pathologique, au sein duquel ilnous semble utile de souligner quelques paradigmessignificatifs.

Il s’agit d’un sujet complexe, du fait même de sasituation interdisciplinaire. Interfèrent, en effet, desaspects génétiques et environnementaux, desconsidérations endocrinométaboliques, ainsi que

toute une psychopathologie qui peut rendre comptedes TCA. Pour ces derniers, il n’est pas toujours aiséde faire la différence entre TCA, cause de l’obésité, etTCA résultant de la restriction calorique.L’environnement médiatique pousse en effet denombreuses femmes à se mettre à divers régimes,pour un idéal de minceur souvent inaccessible, dontles effets pervers résultent en une prise de poidsprogressive et un yo-yo pondéral funeste.

Il s’agit d’un sujet d’actualité, puisque l’obésitévient d’être reconnue comme un problème de santépublique, et qu’aux États-Unis, plus du tiers de lapopulation adulte est obèse.

Il s’agit d’un sujet difficile puisqu’à ce jour, iln’existe pas de véritable traitement de l’obésité, lasurcharge adipeuse résultant toujours d’une ruptured’équilibre entre apports et dépenses, mais l’originede cette rupture peut encore être discutée :dérèglement des centres régulateurs, primitif et sousl’action d’une anomalie d’information (leptine ?),défaut de gaspillage énergétique, insuffisanced’activité physique l’emportant sur les apportscaloriques, TCA entraînant une masse grasseexcessive, pour ne citer que quelques mécanismesmenant à une prise de poids capable, à son tour, deconsommer davantage d’énergie, jusqu’àrestauration d’un état d’équilibre.

■Facteurs à prendre en compte

‚ Données épidémiologiques

Contrairement à ce qui se produit pour le« paradoxe français » dans le domaine cardiovascu-laire, l’obésité ne connaît pas d’exception en France.Certes, le pays le plus atteint est le continentnord-américain, particulièrement en ce qui concerneses minorités noires ou hispaniques, où laprévalence de l’obésité féminine atteint 40 %.

En Europe, si l’on définit comme obèses ceux dontle body mass index (BMI) est supérieur à 30 kg/m2, laprévalence de l’obésité est de 15 à 20 % de lapopulation d’âge moyen, moins en Scandinavie etaux Pays-Bas (environ 10 %), mais plus dans

l’Europe de l’est (40 à 50 % des femmes danscertains pays). La France, comme le Royaume-Uni etl’Allemagne, compte 5 à 10 millions d’obèses. Cestaux sont en augmentation, et peuvent être mis enrapport avec l’accroissement alarmant des cas dediabète.

On sait, par ailleurs, que la prévalence de l’obésitéde l’enfant est élevée là où l’obésité de l’adulte estfréquente.

Dans les pays industrialisés, la prévalence del’obésité est associée à la pauvreté, surtout chez lesfemmes, alors qu’elle est liée à l’obtention d’unecertaine aisance dans les pays émergents. On a pudire que l’obésité frappait en bas de l’échelle sociale,alors que les TCA concernaient plutôt le haut, sousnos latitudes (tableau I).

‚ Part de la génétiqueet de l’environnement

L’obésité augmente dans de nombreux pays,malgré une baisse de l’apport énergétique, enparticulier lipidique, depuis deux décennies. Lesfacteurs d’environnement comme la sédentarité nesuffisent pas, à eux seuls, à expliquer cette évolution.

Il existe un moment où ces facteurs rencontrentun terrain favorisant de développement de l’obésité.

On parle de 25 % comme part de l’héréditéintervenant dans la constitution de l’obésité. Ce tauxn’est qu’une moyenne. Pour certains, l’hérédité nejouera aucun rôle, pour d’autres, elle sera le facteurprédominant : jusqu’à 80 % de la variance du BMIchez des jumeaux, des adoptés, ou des famillesétudiées, sont attribuables à des facteurs génétiques.L’héritabilité est estimée à la hauteur de 30 à 40 %pour des facteurs comme la distribution du tissu

Tableau I. – Définition de l’obésité selonle body mass index(BMI).

Normalité 18,5-24,9Excès pondéral 25-29,9Obésité 30-34,9Obésité morbide ≥ 35« Super-obésité » ≥ 40

BMI : body mass index ou index de masse corporelle = poids en kg divisépar la taille en mètres au carré.

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adipeux, l’activité physique, le métabolisme de base,la variation de la dépense énergétique en réponse àla suralimentation, certains aspects des préférencesou des comportements alimentaires, l’activité de lalipoprotéine lipase, des taux de base de la lipolyse,etc. L’héritabilité des facteurs génétiques semble aumoins aussi forte que, par exemple, dansl’hypertension artérielle.

On a pu jusqu’ici identifier plusieurs protéinesimportantes pour la régulation de l’énergie commel’UCP1, 2 et 3. Ces molécules ont un rôle probabledans la pathogenèse de l’obésité.

Étant donné l’importance des stocks énergétiquespour la survie individuelle et la capacité dereproduction, la possibilité de conserver l’énergiesous forme de tissu adipeux a dû, un jour, conférerun avantage pour la survie. Pour cette raison, onpeut présumer que les humains sont enrichis degènes qui favorisent la prise énergétique, le stockageet la diminution des dépenses. Toutefois, depuismoins d’un siècle, la combinaison de l’accès aisé àune nourriture de densité calorique élevée et d’unstyle de vie sédentaire, a rendu les conséquencesmétaboliques de ces gènes défavorables.

Dans de nombreux cas, l’obésité est proba-blement due à de subtiles altérations desinteractions entre la génétique et l’environnement,qui favorisent le dépôt de calories sous forme degraisses [10].

‚ Cas de la leptine

La leptine est une hormone produite par lesadipocytes, sécrétée dans le système circulatoire, quiest un signal de satiété adressé aux récepteurshypothalamiques. Chez l’animal, elle est capable demodifier le comportement alimentaire et lathermogenèse : administrée à des rats déficients enleptine, elle exerce une activité anti-obésitépuissante. Toutefois, son rôle dans la pathogenèseou le traitement de l’obésité humaine est obscur. Undéficit génétique en leptine semble rarissime chezl’homme. Les importantes concentrations de leptineci rculante , mesurées chez l ’obèse, sontprobablement consécutives à l’augmentation dutissu producteur de leptine, soit le tissu adipeux. Parrapport au cas du non-obèse, la concentration deleptine dans le liquide céphalorachidien est trèsbasse, ce qui peut refléter un certain degré derésistance à la leptine. Ce concept a besoin d’êtreprécisé par des études complémentaires, tenantcompte des autres paramètres (comportementaux,métaboliques ou génétiques) existant chez les sujetsétudiés.

‚ Régulation énergétiqueet neurophysiologique

La quantité de triglycérides dans le tissu adipeuxest le résultat des différences entre la priseénergétique (alimentaire) et la dépense énergétique(surtout le métabolisme de base et l’activitéphysique), sur une certaine durée. Bien que desmécanismes homéostatiques tentent de stabilisercette différence, de petits déséquilibres sur unelongue période peuvent avoir un effet cumulatifimportant. L’apport de graisses en particulier semblepeu régulé. Or, la densité énergétique de la graisse

est beaucoup plus élevée que celle des autresnutriments. La disponibilité d’une nourriturehautement palatable et dense en calories, ainsiqu’un mode de vie sédentaire, favorisent la prisepondérale. Les mécanismes régulateurs ne sont pasencore connus de manière détaillée, et on peuts’étonner du fait que la plupart des gens soientcapables de conserver un poids raisonnablementconstant. En effet, le surplus d’énergie nécessaire audéveloppement de l’obésité sur des années est sipetit, du moins au début, que le patient peut ne pasle remarquer. On peut donc devenir obèse sans êtreglouton ni paresseux.

La constance relative du stockage énergétique estle résultat de l’activité coordonnée d’un systèmecomplexe, dont les composants vont des centrescorticaux les plus élaborés aux adipocytes. Commele montre le tableau II, un grand nombre de facteurs,issus du corps entier, envoient des signaux afférentsà un plus petit nombre de centres fonctionnels, dansle système nerveux central, qui médient desinteractions avec les schémas efférents pour régulerla dépense énergétique (par exemple, à travers lessystèmes nerveux sympathiques et parasympa-thiques et les hormones thyroïdiennes), et la priseénergétique (par le comportement alimentaire).

‚ Facteurs psychosociaux : sociogenèse

« Notre société fabrique de plus en plus d’obèses,mais les tolère mal ». Ce que disait le ProfesseurTremolières, il y a quelques décennies, s’appliqueencore aujourd’hui.

L’épidémiologie nous apprend que dans les paysindustrialisés, l ’obésité se rencontre plusfréquemment lorsque le statut socioéconomique estbas, surtout chez les femmes. Des études ont montréqu’en France, les hommes et les femmes des classesinférieures, qui comptent deux à quatre fois plusd’obèses, mangent significativement plus que lesclasses supérieures. Cette hyperphagie, déterminéeculturellement, a probablement un effet permissif surl’expression phénotypique d’un patrimoinegénétique qui doit être partagé par toutes les classes

sociales. Elle se manifeste déjà dans l’enfance, bienque le poids supérieur des enfants des classeslaborieuses soit plus attribué à un déséquilibre del’apport alimentaire au cours de la journée (supérieurle soir, inférieur le matin), qu’à une prise alimentaireplus importante que celle des autres enfants [9].

Les TCA, sous forme de grignotage oud’alimentation compulsive, la disparition des repaspris en famille au profit d’une nourriture consomméeseul, rapidement et à n’importe quelle heure du jour,sont d’autres facteurs psychosociaux induisant uneprise alimentaire excessive.

À cela s’ajoute la sédentarité accrue, liée auxtransports modernes, au temps passé devant latélévision, et à la mécanisation des travauxménagers qui facilite la prise pondérale chez lessujets prédisposés.

Enfin, il semble que certaines situations de stresssoient capables d’induire des changements marquésdans la production hormonale et le système nerveuxautonome, compatibles avec des modifications dumétabolisme énergétique, en particulier via lasécrétion insulinique, capable de conduire à uneprise pondérale, sans hyperphagie détectable [5].

‚ Coût économique

Le fardeau économique que représente l’obésité aété estimé dans de nombreux pays. L’évaluationrepose sur la prévalence de l’obésité et le nombre demaladies qui lui sont imputables. On peut alorschiffrer les dépenses de santé nécessaires pourtraiter ces affections. Les coûts indirects sont estimésà partir du nombre de journées de travail perdues,imputables à l’obésité, et les coûts de la mortalité surla base de la perte de revenus de l’individu, du fait desa mort prématurée.

En France, les coûts directs représentent 1 à 2 %du total des dépenses de santé. Si l’on envisage lescoûts totaux, le taux passe à 5 à 7 %, comme c’est lecas aux Pays-Bas ou aux États-Unis [7].

Tableau II. – Quelques molécules influençant la prise et la dépense énergétiques.

Signaux afférents Signaux afférents

# Appétit & Appétit&Dépense énergétique # Dépense énergétique

Tractus intestinal • Opioïdes • Glucagon• Neurotensine • Cholécystokinine• Somatostatine • Bombésine

• Glucose

Système endocrinien • Adrénaline (effet alpha-adrénergique) • Adrénaline (effet bêta-adrénergique)• Androgènes • Œstrogènes• Glucocorticoïdes• Insuline• Peptide YY• Progestérone

Tissu adipeux • Leptine

SN périphérique • Noradrénaline (effet alpha-adrénergique) • Noradrénaline (efft bêta-adrénergique)

SN central • Opioïdes • Sérotonine

• Somatostatine • Cholécystokinine

SN : système nerveux.

3-0780 - Obésité

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‚ ComplicationsIl faut savoir que le poids joue un rôle, en valeur

absolue, mais que c’est surtout la prise pondérale,donc le caractère dynamique de la courbe de poids,qui a une place prépondérante.

L’hypertension artérielle par exemple, progresseavec la prise pondérale, en particulier lorsque lagraisse est localisée au niveau de l’abdomen. Lerisque d’accident vasculaire cérébral (AVC) estlui-même lié à l’élévation de la pression artérielle,comme les maladies coronariennes où ladyslipidémie est également impliquée. En ce quiconcerne ces dernières, l’étude prospective effectuéependant 16 ans chez plus de 95 000 infirmièresaméricaines, a montré une relation linéaire entre laprise pondérale et les coronaropathies (deux foisplus de risques avec un BMI de 30 kg/m2 qu’avec unBMI inférieur à 23 kg/m2), le diabète, la mortalitégénérale, ainsi que le cancer du sein postménopausi-que [4]. À l’opposé, une perte pondérale de 10 kgentraîne de nombreux avantages (tableau III).

Ces données concernent les cas d’obésité avérée.Une étude norvégienne, citée par D Bourque, menéependant 10 ans sur 1,8 million de personnes,indique que les femmes qui vivent en moyenne leplus longtemps, ont un BMI de 26 à 28 kg/m2 [2].

‚ Obésité et qualité de vie

La perte pondérale n’a pas que des effetsfavorables physiques et métaboliques : elle influence

aussi positivement la qualité de vie. Lesinconvénients physiologiques liés à l’obésité, enparticulier lorsqu’elle est massive, affectent lesfonctions physiques et psychosociales. Leshandicaps fonctionnels, énumérés ci-dessous, sontdifficilement vécus, et contribuent probablement à lamortalité accrue des hommes massivement obèses,due, en partie, à divers accidents fatals. Les obèsesmassifs ont de la peine à accomplir un travail lourd.L’absentéisme et l’incapacité à être employé à tempscomplet augmentent lorsque le poids s’accroît. Pour90 obèses massifs interrogés par Larsen, les scoresde qualité de vie les plus mauvais concernaientl’achat des vêtements et le fait de se trouver enpublic. La solitude et l’isolement social des obèses,principalement des femmes, sont sources desouffrance qui doivent être prises en compte [6].

■Clinique

‚ Entretien

L’entretien a trois fonctions essentielles : la récolted’informations, la gestion des émotions, lapréparation à l’observance thérapeutique.

On s’attachera d’abord à savoir s’il existe des casd’obésité ou de diabète de type II dans la lignéepaternelle ou maternelle.

L’évolution du poids devra être connue :– âge d’apparition de l’excès pondéral (enfance :

à quel âge s’est produit le « rebond » d’obésité qui estsusceptible de déterminer l’obésité de l’adulte,adolescence, âge adulte) ;

– rôle des événements marquants (mariage,grossesse[s], divorce[s], deuil[s], service militaire,opération[s]) ;

– arrêt du sport ou du tabac, changementd’activité physique (achat d’une voiture) ;

– maladies (comorbidité, endocrinopathie) ;– poids minimal et maximal au cours de la vie,

phase d’évolut ion actuel le (ascendante,descendante, poids stable) ;

– quel poids a été maintenu, sans régime et sansTCA, et à quel moment de la vie ?

– y a-t-il une restriction alimentaire ?

Il conviendra d’évaluer le fonctionnementpsychologique du patient. Nombre d’obèses sontanxieux ou déprimés. Les échelles d’anxiété et dedépression (exemple : Hamilton) peuvent être utilesà ce moment-là.

La motivation du patient va être déterminante. Levrai sens de sa demande devra être décrypté.

Ne pas tenir compte de la demande, notammentdans sa dimension psychologique, en proposantune réponse strictement alimentaire expose à desdéconvenues prévisibles.

Enquête alimentaire et comportementale

Il ne s’agit pas là seulement de connaître ce que lepatient mange, mais aussi comment et dans quelcontexte psychosocial il s’alimente. Ces informationsdevront être prises en compte lors des recommanda-tions thérapeutiques.

La remise d’un carnet alimentaire seraaccompagnée de recommandations précises. Lepatient doit inscrire, tout de suite après avoir mangé

L’obésité est un facteur de risquepour :✔ l’hypertension artérielle ;✔ l’hypercholestérolémie ;✔ l’hypertriglycéridémie ;✔ les accidents vasculaires cérébraux(AVC) ;✔ la coronartopathie ;✔ le diabète de type II ;✔ certains cancers ;✔ les calculs biliaires ;✔ l’arthrose ;✔ les affections respiratoires(particulièrement le ronflement et lesapnées du sommeil) ;✔ les complications d’anesthésie ;✔ les blessures par accident ;✔ l’hypertrophie prostatique ;✔ les troubles du cycle menstruel.

Tableau III. – Avantages liés à la perte pondérale.

Lipides Diminution du cholestérol total et du cholestérol HDLDiminution des triglycéridesAugmentation du cholestérol HDL

Diabète Diminution nette de la glycémie à jeun

Hypertension artérielle Diminution de la tension artérielle systolique et surtout de la tension arté-rielle diastolique

Mortalité Diminution de la mortalité généraleDiminution des décès liés au diabèteDiminution des décès dus aux cancers liés à l’obésité

Altérations communes des fonctionsnaturelles chez l’homme obèse massif✔ Dyspnée.✔ Troubles du sommeil.✔ Faim pathologique.✔ Difficultés sexuelles.✔ Transpiration excessive.✔ Incontinence urinaire (femmes).✔ Incapacité à se laver soi-même.✔ Diminution de la liberté demouvements.

Techniques et attitudes nécessaires àl’obtention d’une information dequalité [3]

✔ Poser les questions ouvertes (c’est-à-dire auxquelles on ne peut pasrépondre simplement par oui ounon).✔ Laisser le patient expliquer sonproblème dans ses termes jusqu’aubout.✔ Utiliser les moyens verbaux ou nonverbaux, pour encourager lapersonne à formuler l’exposé de saplainte (facilitation).✔ Rechercher s’il y a d’autresproblématiques en utilisant unequestion ouverte, par exemple :« quoi d’autre ? ».✔ Déterminer avec le patientle domaine à traiter en priorité.✔ Vérifier et reformuler les plaintes.

Il faudra distinguer :✔ une demande personnelle, directe,somatique ;✔ une demande indirecte,psychologique, vraie (concernele poids lui-même), ambiguë oudéplacée (défense qui masquela réalité psychologique), selon quela modification souhaitée passe ounon par un changement pondéral.

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et non le soir ou le lendemain, l’heure, le typed’aliments, son poids ou sa quantité (par exemple :40 g de fromage, deux tranches de pain bis, unedemi-plaque de chocolat) qu’il a consommé. Ilpourra être utile de savoir également si la prisealimentaire s’est faite en solitaire ou en société. Lecarnet doit couvrir 2 à 4 semaines au moins, afin deprendre en considération les fêtes, les anniversaireset autres sorties. Les informations recueillies serontquantitatives, qualitatives (graisses cachées, alcool),et concerneront la répartition de la prise alimentairedans la journée.

L’enquête alimentaire devra être discutée avec lepatient, à la fois dans une perspective cognitive(révélant, par exemple, l’importance de laconsommation de graisses cachées que le patientpeut tout à fait ignorer), et comportementale. Onrecherchera de manière plus directive les grandeserreurs alimentaires, surtout s’il y a eu unchangement de mode de vie. Le patient prend-ilrégulièrement un petit déjeuner ? Consomme-t-ilsuffisamment de glucides complexes, de légumescuits pour lui assurer des fibres en suffisance ?Mange-t-il au moins quatre aliments par repas pouratteindre un équilibre et une diversité nécessaires ?Sait-il combien de temps lui dure un litre d’huile ouune livre de beurre ? etc.

L’enquête permettra d’avoir une premièreévaluation du comportement alimentaire, enrepérant les consommations prandiales etextraprandiales, sous forme de grignotages,compulsions ou boulimie (pour plus de détails sur lavaleur signifiante et adaptative de ces troubles, seréférer au chapitre « Troubles du comportementalimentaire »).

Lorsqu’un tel trouble est présent, il est possibleque sa gravité impose le recours à un psychiatre ouà une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans lescomportements alimentaires, avant d’envisager uneintervention diététique.

En effet, tant que l’aspect compulsif descomportements alimentaires et les étatsémotionnels qui les sous-tendent (anxiété,dépression, dévalorisation) n’ont pas été abordés, ilest inutile de s’attaquer au problème du poids. Cefaisant, il faudrait éviter que le patient ne vivel’abstention du traitement diététique comme unrejet, phénomène que tout obèse a vécu à plusieursreprises dans sa vie, et qui ne peut que péjorer sacondition, en renforçant sa culpabilité et sa réticencevis-à-vis des médecins. Ne pas vouloir agir sur lepoids momentanément ne dispense d’ailleurs pasde proposer un style de vie sain.

Enfin, il conviendra d’évaluer l’activité physique,sans oublier que celle-ci, contrairement aux apportsalimentaires souvent sous-estimés lors de l’entretien,a tendance à être surévaluée par le patient.

‚ Bilan somatique

Il faut pratiquer un examen clinique complet.Chez l’enfant ou l’adolescent obèse, il importe de

mesurer la taille. Sachant que l’obésité de l’enfants’accompagne plutôt d’une avancée staturopon-dérale, la découverte d’une petite taille chez unenfant ou un adolescent obèse justifie le recours àl’endocrinologue (tableau IV).

‚ Bilan biologique

■Traitement

‚ Bilan

Lorsque le médecin se retrouve en fin deconsultation, il dispose d’un grand nombred’informations qu’il doit traiter en les classant.

Les antécédents familiaux, l ’âge et lescirconstances d’apparition de l’obésité, l’ancienneté

du surpoids et le surpoids maximum atteint,l’hyperphagie ou les TCA éventuels, le rôle joué (ourécupéré) par le « gros corps », la structurepsychologique qui sous-tend la demande de maigrir,le caractère statique ou dynamique de la courbepondérale, l’importance de la pression sociale oumédicale qui s’exerce sur le patient, le nombre, lestypes et les résultats des tentatives antérieures, tousces items et leurs combinaisons sont d’importancedécisive pour le traitement.

Il convient de les segmenter, selon que le patientest un homme ou une femme, que l’obésité estancienne ou récente, qu’il existe ou non des TCA.

Dans l’obésité récente

Les facteurs déclenchants peuvent faire écho à unévénement antérieur qui peut avoir trait auxantécédents familiaux. C’est le cas de la femmemince jusqu’à 25-30 ans, qui prend 30 kg lors de sesgrossesses. On découvre alors que sa mère a eu unetrajectoire identique. On peut parler de « génétiquepermissive », qui ne se manifeste dans le phénotypequ’à l’occasion d’événements particuliers, ici lesgrossesses.

Toujours dans l’obésité récente, la découverted’une décompensation psychologique, manifeste oulatente (des symptômes d’anxiété ou de dépressionse rencontrent chez deux sujets sur cinq), va justifierun traitement spécifique qui amélioreraconsidérablement le pronostic.

Bien évidemment, il faut aussi tenir compte del’activité physique et des modifications ducomportement alimentaire, en sachant que ceséléments ne jouent un rôle que s’ils rencontrent desprédispositions génétiques.

Dans l’obésité ancienne ou enkystée

Outre les facteurs précédents qu’il aura fallurechercher par une anamnèse soigneuse, il faudratenir compte des traitements antérieurs et desrestrictions qui sont venues alimenter les résistancesà la fois somatiques et psychosomatiques (le sujeta-t-il réussi à maintenir une phase de poids stable ?a-t-il connu une période de minceur (« obèsemince »), ou s’y est-il senti heureux ? (désir réalisé estsouvent désir perdu).

Le rôle des fluctuations pondérales est encorecontesté. Il semble toutefois qu’en terme delongévité, une variation pondérale de plus de 10 %

Tableau IV. – Risques de complications méta-boliques liées au tour de taille.

Sexe Risqueaccru

Risquesubstantiellement accru

Homme ≥ 94 cm ≥ 102 cm

Femme ≥ 80 cm ≥ 88 cm

On notera en particulier :✔ la taille et le poids : pour calculerle BMI ;✔ le tour de taille (cf supra), plussimple à mesurer que le rapporttaille/hanches, dont les normes sont :pour la femme, inférieur à 0,85 ;pour l’homme, inférieur à 1 ;✔ la tension artérielle, mesurée avecun brassard long adapté à lacirconférence du bras ;✔ les stigmates d’endocrinopathie(thyroïdienne, surrénalienne) ;✔ palpation des testicules chezl’adolescent et l’homme jeune :recherche d’un hypogonadisme ;✔ les troubles cutanés : mycose,infection des plis ;✔ les signes évoquant le yo-yopondéral : perte de l’élasticitécutanée, tablier graisseux,vergetures ;✔ l’examen de la statique et de lamobilité de la colonne, des hancheset des genoux.

Routine :✔ hémogramme ;✔ glycémie à jeun (à contrôler deuxfois si pathologique) ;✔ acide urique ;✔ bilan lipidique (cholestérol total,cholestérol-HDL, triglycérides) ;✔ gamma-GT (éventuellementtransaminases, à cause de lafréquence des stéatoses hépatiques) ;✔ chez la femme statut du fer (il n’estpas rare que les obèses soientpléthoriques et dénutris).

Selon l’orientation clinique :✔ TSH (thyroid stimulatinghormone) ;✔ test de freinage à la dexaméthasone(cortisol plasmatique à jeun, entre7 et 8 heures après avoir pris 1 mgde dexaméthasone à minuit) ;✔ si TCA : potassium, chlore, fer,ferritine ;✔ si suspicion d’un syndrome d’apnéedu sommeil, appelé autrefoissyndrome de Pickwick : oxymétrienocturne.

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du poids est associée à une plus forte mortalité, aucontraire d’une prise pondérale modérée au coursde l’âge adulte [8].

Les obésités enkystées sont souvent celles où lescomplications prédominent, et pour lesquelles lesobjectifs du traitement sont différents de ceux del’obésité récente. On devra se décider alors entre :

– le maintien du poids, en se focalisant sur letraitement des complications, et en tentant d’aider lepatient à se réconcilier avec lui-même ;

– une perte modérée du poids (10 % du poidsinitial), dont il faudra suivre attentivement lastabilisation prolongée (au moins 1 à 2 ans).

Lorsque les TCA dominent le tableau, commec’est souvent le cas chez la femme jeune, il faudraaider le sujet à accepter que le traitementpsychologique prime sur la perte pondérale.

Dans l’obésité massive et la super-obésité

Il ne faudra pas oublier la part psychologique. Cessujets ne sont pas qu’une forteresse pleine : ils ontaussi une histoire, des sentiments, une fragilité liéeaux nombreux échecs et rejets qu’ils ont endurés,« comme si maigrir était une question de régime »disait A Zamberlan. Pour celle-ci, l’aide du mondemédical ne s’applique pas seulement à la pertepondérale, mais surtout à la reconnaissance ducorps, à l’écoute patiente, à la déculpabilisation, à lapossibilité de retrouver la confiance en soi abolie. Onpourrait dire que plus on est obèse, plus l’aidepsychologique, et parfois celle du psychiatre, sontnécessaires.

Enfin, dans les items qu’il ne faudra pas cesser deprendre en compte, il y aura :

– l’âge du rebond pondéral (si ce dernier aexisté) ;

– la courbe pondérale et ses charnières ;– le comportement alimentaire, en terme de

vitesse d’absorption de la nourriture, derassasiement et de satiété.

‚ Buts

Il faudra donc tenir compte :– de la demande ;– du sujet ;– de la pathologie (comorbidité) ;– de la famille ;– de l’environnement socioéconomique.Le traitement ne passe pas forcément par la perte

pondérale. Il sera souvent plus utile de viser lastabilisation du poids et la correction des erreurs,qu’elles soient alimentaires ou du style de vie.

‚ Méthodes : la diététique

Plus qu’un seul traitement diététique, c’est toutel’hygiène de vie qu’il faut envisager. Certains sujetsont un style de vie défavorable, qui a joué un rôledans leur prise pondérale. Il faut pouvoir lesdistinguer, et leur proposer une prise en charge à lafois comportementale et diététique.

Après la démonstration des échecs du traitementde l’obésité, il est recommandé d’éviter les régimesrestrictifs : la restriction entraîne bien une pertepondérale, mais ne permet pas une issuethérapeutique à long terme. À vrai dire, nousn’avons pas de traitement efficace de l’obésité.

‚ Activité physique

Plus le BMI augmente, plus celle-ci est difficile. Cen’est donc pas tant à faire du sport qu’à bouger plusqu’il faudra inciter le sujet, par exemple, enchoisissant les escaliers au lieu de l’ascenseur, ou endescendant du bus une station plus tôt que ladestination prévue.

Avoir une activité physique aide à maigrir etinversement. Le régime seul entraîne une perte demasse maigre en plus de la perte de graisse, alorsque l’activité physique permet de maintenir celle-ci,voire de l’augmenter. Le métabolisme de baseaugmentera parallèlement, même au repos.

Il faut aussi prendre garde à la durée de l’effort :plus elle se prolonge, plus les graisses sont brûlées.

Pour inciter à l’activité physique, il faudra prendrele temps d’expliquer au sujet que ce qu’il perçoitd’abord comme une contrainte, risque bien de setransformer en plaisir, au bout de quelquessemaines.

C’est un des avatars de nos sociétés que d’avoirréservé de moins en moins de place auxmouvements, et cela peut être mis en parallèle avecla véritable épidémie d’obésité que nousconnaissons. Les effets pernicieux de la diminutionde la masse maigre sont, malheureusement,toujours encore trop négligés.

‚ Abord psychologique

Au stade initial de la prise en charge, il faut que lemédecin et les patients se mettent d’accord sur letype de traitement et son application. Il s’agit d’uneforme de projet où l’on négocie un objectif à longterme, qui risque de décevoir un patient pressé, etparfois plein d’illusions malgré ses échecs passés.Cette forme de contrat doit éviter de se focaliser surle poids.

Certes, la perte pondérale fait partie des buts àatteindre, mais, pour assurer le maintien de celle-ci, ilfaut mettre l’accent sur les changements à longterme. Le patient doit faire connaître quelles sont lesmodifications, même minimes, qu’il se sent prêt àappliquer sa vie durant. Cette attitude est loin decelles où tous les sacrifices sont consentis, pendantune période brève, pour une perte pondéralerapide..., qui sera suivie d’une reprise de poids dès leretour aux habitudes antérieures.

Pour une obésité simple (non compliquée par unecomorbidité), il faut envisager de voir le sujet aumoins une fois par mois. S’il y a nécessité d’unerelation de soutien, voire d’une thérapie à viséepsychologique, il faut augmenter cette fréquence àune consultation tous les 15 jours.

En ce qui concerne d’autres aspects spécifiques dela prise en charge psychologique, il faut parfoispasser la main.

On peut citer quelques unes de ces thérapies.

L’approche cognitivocomportementalecomporte un volet cognitif touchant, par exemple, larégulation pondérale ou l’utilisation des substrats.On pourra expliquer au patient le cercle vicieux desrégimes trop restrictifs (fig 1).

Le volet comportemental utilise une méthodeprogressive, basée sur le carnet alimentaire et lagestion des émotions, permettant de repérer lesdéclencheurs de certains comportementsalimentaires et les stratégies pour y faire face.

On peut encore citer l’approche systémique oufamiliale, l’approche psychothérapique, qui va dela psychothérapie de soutien aux thérapiesd’obédience analytique, à la psychanalyseelle-même, au traitement individuel ou en groupe.

On peut dire, en tout cas, que la multiplicité desapproches thérapeutiques témoigne de l’inefficacitérelative de chacune d’entre elles.

Afin de ne pas nuire, on suggérera :✔ l’équilibre alimentaire, selon leprincipe de la pyramide alimentaire(beaucoup de légumes, deux à troisfruits par jour, des féculents àchaque repas, peu de graissessaturées mais une à deux cuilleréesà soupe d’huile par jour, desprotéines en suffisance mais sansexcès (60 à 90 g/j, selon la taille) ;✔ la correction des erreursalimentaires (qualitatives) et unerestriction légère à modérée, àcondition que le sujet ait un poidsstable depuis 3 à 6mois, qu’il neprésente pas de TCA ni de difficultéspsychologiques qui nécessiteraientun traitement idoine en premièreintention.

En pratique, on proposera :✔ une activité physique au quotidien,comme la marche, pour totaliser30 à 60 min/j ;✔ une activité physique d’intensitémoyenne, en aisance respiratoire (lepatient doit pouvoir parler pendantqu’il bouge). Ceci permet d’obtenirune véritable endurance ;✔ au préalable, un examencardiovasculaire, voire une épreuved’effort, et un bilan locomoteur ;✔ une activité physique, en fonctiondes goûts et de la faisabilité, avecune progression adaptée à lacondition physique ;✔ la régularité : trois à sept fois parsemaine, en commençant par depetites séances dont on augmente ladurée progressivement.

Restriction

Faim Satiété Culpabilité

Rupture durégime

1 Cercle vicieux des régimes trop restrictifs.

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‚ Médicaments

Dans l’utilisation des psychotropes, il faut savoird’abord que les benzodiazépines ne se justifient quelors d’anxiété importante et douloureuse, de façontransitoire, et dans l’idée de passer un cap. Ce n’est,en aucun cas, un traitement de fond que l’on peutpoursuivre pendant des années. En revanche, onpeut aussi les utiliser comme déconditionnement depassage à l’acte en réponse à des stimulations nonspécifiques, mais seulement pour une brève durée.

Antidépresseurs

La dépression franche, chez les obèses, justifie untraitement par un médicament antidépresseur, enassociation avec d’autres mesures thérapeutiques. Lemeilleur antidépresseur est, pour un médecin donné,celui qu’il possède le mieux, sachant que tout patientdéprimé qui n’est pas amélioré après un traitement àdoses convenables, doit être adressé au psychiatre. Cesont les antidépresseurs sérotoninergiques (fluoxétine,fluvoxamine, paroxétine, citalopram, sertraline) quiprésentent l’avantage d’une meilleure toléranced’ensemble et d’une action plus nette sur l’impulsivitéqui préside au TCA. Le fait d’introduire un produitcapable d’augmenter l’inertie d’un système laisse untemps à la représentation, la mentalisation, et donc àla possibilité d’une prise ou d’une emprisepsychothérapique. Par là même, ces produitspermettent, à court et moyen terme, une action sur lesTCA, alors que l’état dépressif n’est ni manifeste, nilatent (voir chapitre « Troubles du comportementalimentaire »).

Perspectives du traitement médicamenteux

Des médicaments pour traiter l’obésité ont existé,et ont disparu. D’autres médicaments serontcommercialisés prochainement, dont certains sontmanifestement des médicaments novateurs, etd’autres des molécules proches des amphétami-niques. Le développement futur des produitsspécifiques, ciblés sur tel ou tel neurotransmetteur

ou neuropeptide, risque de compliquer plus que desimplifier la tâche du clinicien, demandant desconnaissances beaucoup plus précises et diversifiéesque celles qui ont permis jusqu’ici de traiter les sujetsobèses.

‚ Chirurgie

Dans l’obésité massive, lorsque tout a été tenté àplusieurs reprises et que la perte pondérale estimpossible à maintenir, ou même à atteindre, lachirurgie est le dernier recours. Son effet surl’amélioration de la qualité de vie des patients trèsobèses a été démontré. Il est beaucoup plus marquéque lors de régimes. Les résultats à court terme de lagastroplastie verticale en bandes, du « gastricbanding » ou du bypass gastrique sont en généralbons, aussi bien sur la santé physique et lacomorbidité que sur l’état psychique. À long terme,les résultats diffèrent selon les études, et l’on attendles conclusions des divers protocoles prospectifs encours un peu partout dans le monde. Lescomplications, comme l’anémie ou les déficitsvitaminiques, peuvent être contrôlées par un suiviattentif. Le patient doit être informé des résultatsattendus, des complications éventuelles, du typed’alimentation et de son contenu en graisses à suivreaprès l’opération (celle-ci doit être effectuée par uneéquipe pluridisciplinaire expérimentée), ainsi que descontrôles à poursuivre la vie durant sontindispensables.

■Indications des traitements

La combinaison de différentes mesuresthérapeutiques sera proposée chaque fois quepossible. Une meilleure diététique et hygiène de vie,un abord psychologique a minima, et une certaineactivité physique, ne devront jamais manquer.

Pour rentrer dans le détail des indications, il faudraitproposer une typologie des obésités qui, pour l’instant,

ne fait pas l’unanimité, car elle doit tenir compte à lafois de l’hérédité, de l’environnement, de lapsychologie individuelle, familiale et sociale, del’importance de la souffrance et de la pression de lademande, de la gravité des complicationsmétaboliques et somatiques, bref du projet qui aurapu être élaboré à l’issue des trois ou quatreconsultations préalables à toute mesure thérapeutiquevisant à s’inscrire dans la durée. Tout amaigrissementamène à des réajustements psychologiques que lemédecin doit pouvoir anticiper et expliquer à sonpatient. Citons pêle-mêle : la modification d’attitude del’entourage, l’érotisation du corps et l’expression del’agressivité qui n’est plus filtrée pas le tissu adipeuxisolant. Mentionnons aussi le risque de syndromeanxiodépressif et de perturbation de l’image du corps,d’obésité fantôme en particulier. Tout le programmeproposé ne peut s’accomplir si l’on ne se respecte pas,si on ne s’aime pas. Or, les obèses souvent ne s’aimentpas. Le travail du médecin est sans doute aussi de leurapprendre à s’aimer tels qu’ils sont, pour pouvoiraccéder à un changement éventuel.

Anne Laurent-Jaccard : Médecin-adjoint,polyclinique médicale universitaire de Lausanne, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.

Bernard Waysfeld : Assistant,ancien chef de clinique, unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Laurent-Jaccard et B Waysfeld. Obésité.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0780, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

[1] Björntorp P. Obesity.Lancet1997 ; 350 : 423-426

[2] Bourque D. À 10 kg du bonheur. Paris : Édition de l’homme, 1991 : 1-136

[3] Cohen-Cole SA. The medical interview. The 3-function approach. SaintLouis : Mosby-Year Book, 1991

[4] Colditz GA, Manson JC, Hankinson SE. The Nurses Health Study - 20 yearscontribution to the understanding of health among women.J of Women’s Health1997 ; 6 :49-62

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[10] Rosenbaum M, Leibel R, Hirsch J. Obesity.N Engl J Med1997 ; 337 :396-404

Erreurs à ne pas commettre✔ Ne pas tenir compte de la demanderéelle, profonde et subjective dusujet.✔ Prescrire d’emblée un régimerestrictif (la mauvaise adhérence aurégime restrictif favorise lesrechutes, via les TCA, qui émaillentle parcours des obèses.✔ Méconnaître des symptômespsychologiques comme la dépressionou l’anxiété.✔ Croire qu’une prescriptionmédicamenteuse, quelle qu’elle soit,puisse remplacer le soutien etl’accompagnement tout au long dutraitement.

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Place des nouveaux hypoglycémiants

oraux dans la stratégie

thérapeutique du diabète de type 2

JF Blicklé

L ’amélioration du contrôle glycémique du diabétique de type 2 passe par une utilisation optimale de l’ensembledes moyens thérapeutiques à la disposition du clinicien. L’introduction récente de la classe des glinides,

insulinosécrétagogues d’action rapide et brève, et de celle des thiazolidinediones ou glitazones, qui agissent commedes insulinosensibilisateurs, offre des alternatives à l’association classique sulfamide-metformine.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : diabète de type 2, inhibiteurs des a-glucosidases, glinides, thiazolidinediones.

■Introduction

Après 40 ans d’hégémonie des sulfamideshypoglycémiants (SH) et de la metformine (Met),l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2 s’estenrichi en 1994 avec la mise sur le marché dupremier inhibiteur des a-glucosidases (IAG),l’acarbose, ouvrant la voie au concept de régulationde la glycémie postprandiale (GPP) [1]. Toutefois,malgré un mécanisme d’action original, cette classethérapeutique conserve une place relativementmarginale. Plus récemment, le répaglinide, premierreprésentant des glinides, a fait son apparition [2]. Luiaussi se positionne clairement comme un régulateurde la GPP mais, à la différence des IAG qui sontcomplémentaires des SH et de la Met, cetinsulinosécrétagogue d’action rapide et brève entreen concurrence directe avec les anciens SH. Enfin,plus récemment encore, la classe des thiazolidi-nediones (TZD) ou glitazones a été admise enEurope [2]. Les conditions de prescription de ses deuxreprésentants, la rosiglitazone et la pioglitazone, sontactuellement limitées, mais le potentiel de cetteclasse apparaît extrêmement prometteur si aucunedonnée inattendue de pharmacovigilance à longterme ne vient en freiner le développement.

■Stratégie thérapeutique générale

du diabète de type 2

Le diabète de type 2 est une maladie évolutivenécessitant une adaptation thérapeutiquecontinuelle face à son évolution spontanée versl’aggravation de l’hyperglycémie et à l’apparitionéventuelle de complications [7]. Les recommanda-tions actuelles [5] vont dans le sens d’additionsthérapeutiques successives avec l’objectif, ambitieuxmais probablement justifié en ce qui concerne laFrance, de maintenir une hémoglobine (Hb) A1c

inférieure ou égale à 6,5 % dans le cas général(dosage en chromatographie liquide à haute

performance, valeurs normales : 4,4 à 6 %). Si ledosage de l’HbA1c est ininterprétable (hémoglobino-pathie, anémie hémolytique, saignements répétés,saignées, hypersplénisme…) ou si un dosage fiablen’est pas disponible, il convient de se référer auxvaleurs de la glycémie en sachant que ce paramètreest beaucoup plus variable d’un jour à l’autre et quela glycémie à jeun (GAJ) n’en représente qu’unecomposante (tableau I).

La diététique représente avec l’activité physique labase de la thérapeutique (fig 1). Lorsqu’elle nepermet pas d’atteindre l’objectif au bout de 3 moisou qu’elle devient insuffisante à le maintenir, la miseen place d’une monothérapie devient nécessaire. Enraison de sa supériorité démontrée chez les patientsen surpoids [8], la Met doit être donnée en premièreintention si l’indice de masse corporelle (poids/taille2)excède 28. En cas d’intolérance ou de contre-indication à ce traitement ou chez les sujets de poidsnormal, le choix est laissé à l’appréciation duclinicien. Logiquement, une hyperglycémie à jeunfait choisir la Met ou à défaut un SH, des signesd’insulinopénie un SH, tandis qu’une hyperglycémieà prédominance postprandiale oriente versl’utilisation d’un IAG chez le patient en surpoids oud’un glinide chez un patient de poids normal.

La posologie de la monothérapie est ajustée defaçon progressive en fonction de sa tolérance et deson efficacité, suivie initialement, du fait de la lenteurde réaction de l’HbA1c, sur les cycles glycémiques etéventuellement l’autosurveillance.

Si la monothérapie ne permet plus d’obtenir oude maintenir le résultat escompté, il convient dansun premier temps de vérifier l’observance diététiqueet des prises médicamenteuses. Si l’HbA1c restesupérieure à 6,5 %, le recours à une associationthérapeutique devient nécessaire. Classiquement,celle-ci repose sur un SH et la Met, mais les nouvellesmolécules offrent actuellement des alternativesintéressantes.

Lorsque, sur la base d’un suivi trimestriel, labithérapie s’avère insuffisante à maintenir l’objectifglycémique, l’heure de l’insulinothérapie a sonné. Engénéral, du fait de sa bonne acceptation, de la facilitéde sa mise en place et de la simplicité de l’adaptationdes doses d’insuline sur la seule GAJ, c’estl’insulinothérapie au coucher (bed-time ) en

Tableau I. – Objectifs glycémiques et adaptation thérapeutique dans le diabète de type 2.

Hémoglobine A1c(%)

Glycémie moyenne(g/L) Adaptation thérapeutique

≤ 6,5 ≤ 1,20 Maintenir le traitement en cours sauf si hypoglycémie ou élé-ment clinique nouveau

6,5-8 1,20-1,80 1) Évaluer le rapport bénéfice/risque et la marge thérapeuti-que (âge, affections associées, risque d’hypoglycémie...)

2) Renforcer l’observance3) Renforcer le traitement oral

> 8 % > 1,80 Renforcement thérapeutique indispensable

Insuline seule

Insuline + traitement oral

Association d’antidiabétiques oraux

Monothérapie par voie orale

Régime et activité physique

1 Stratégie générale de prise en charge du diabètede type 2.

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association à un traitement antidiabétique oral qui ala préférence. Cette stratégie limite de plus le risqued’hypoglycémie et de prise de poids potentiellementdélétère à long terme. L’administration de l’insulineau coucher (vers 22 h 30) peut néanmoins poser unproblème chez des patients ayant une autonomieréduite et dépendants du passage d’une infirmière,ou chez ceux ayant une vie nocturne active. Lesecond inconvénient tient au profil d’action del’insuline NPH habituellement utilisée dans ceschéma, qui conduit à un risque non négligeabled’hypoglycémie vers 3 heures du matin si l’oncherche une correction parfaite de la GAJ. La misesur le marché de la glargine (Lantust), un analoguelent de l’insuline, devrait résoudre ces deuxproblèmes du fait de sa durée d’action plus longue etde son profil plus plat permettant son administrationà l’heure du dîner et peut-être d’éviter l’échappementglycémique en cours de journée lié à uneinsulinosécrétion insuffisante en périodepostprandiale. Lorsque celui-ci survient, le recours àune insulinothérapie conventionnelle, voireintensifiée, devient nécessaire.

Il est possible que la classe des TZD ouvre desperspectives de trithérapie qui viendront ajouter d’iciquelques années une étape supplémentaire avant lepassage à l’insuline.

■Quelle place pour les inhibiteurs

des a-glucosidases ?

‚ Effets métaboliques

L’acarbose (Glucort) et le miglitol (Diastabolt),agissant en ralentissant l’absorption intestinale desglucides alimentaires, peuvent en théorie êtreassociés à toutes les autres classes thérapeutiques, àl’exception des glinides eux aussi ciblés sur lecontrôle de la GPP [3].

Leur effet sur la GAJ et l’HbA1c est en revancheplus modeste que celui des autres classesthérapeutiques (tableau II). Les limitations à leuremploi tiennent surtout à leurs effets indésirablesdigestifs (météorisme, flatulences, diarrhées), dont laseule prévention efficace consiste en uneaugmentation très progressive de la posologie. LesIAG n’entraînent pas par eux-mêmes d’hypogly-cémie, mais ils potentialisent l’effet hypoglycémiantdes SH et de l’insuline. Le resucrage doit dans ce casfaire appel à du glucose (exemple, tablettesénergétiques) et non du saccharose.

‚ Quels schémas ?

Les IAG peuvent être utilisés en monothérapie, enprolongement des mesures hygiénodiététiquesinitiales chez des patients insuffisamment contrôlés

par la diététique et ayant de façon prépondéranteune hyperglycémie postprandiale, en sachant que laMet garde une priorité chez le patient en surpoids.

En seconde intention, ils peuvent être utilisés enassociation avec la Met chez des patients ensurpoids chez lesquels on préfère retarder le recoursà un SH du fait d’un effet potentiellement délétèresur le poids ou chez les patients traités par SHprésentant une intolérance à la Met. Dans ces deuxindications, les IAG entrent actuellement enconcurrence avec les TZD.

Les IAG sont fréquemment utilisés en trithérapie,mais il est rare que cette association permette dedifférer grandement le passage à l’insuline de sorteque cette stratégie n’est pas recommandée.

■Quelle place pour les glinides ?

‚ Modalités de prescription

Le répaglinide (Novonormt), seul représentant decette classe thérapeutique actuel lementcommercialisé, agit sur la sécrétion d’insuline par desmécanismes assez voisins de ceux des SH [4]. Il s’endistingue toutefois par ses caractéristiquespharmacocinétiques (tableau III), le faisant entrerdans la classe des insulinosécrétagogues d’actionrapide et brève. Il doit être administré avant chaquerepas à une dose de 0,5, 1, 2 ou 4 mg, ajustée defaçon progressive sur le résultat de la GPP. La doseest habituellement mais non obligatoirementidentique aux trois repas principaux. L’avantage durépaglinide par rapport aux SH tient à son effetinsulinosécréteur plus rapide et plus bref que celui deces derniers, permettant un meilleur contrôle de laGPP et un moindre risque d’hypoglycémie à distancedes repas ou en cas d’omission d’un repas etpeut-être, mais ce point reste à démontrer, de prisepondérale. Son inconvénient tient à une actionrelativement insuffisante en deuxième partie de nuità l’origine d’un mauvais contrôle de la GAJ. Son effetindésirable principal est l’hypoglycémie.

‚ Quels patients et quels schémasthérapeutiques ?

En monothérapie, le répaglinide s’adresseessentiellement aux diabétiques de poids normal

ayant une hyperglycémie postprandiale marquée etune GAJ peu élevée. Il peut être avantageux parrapport aux SH d’action longue chez les patientsayant des horaires d’alimentation irréguliers ou uneactivité physique épisodiquement intense. A priori, ilreprésente un insulinosécrétagogue intéressant chezle sujet âgé, mais son utilisation au-delà de 75 ansn’est pas validée. D’autre part, en raison de sonélimination essentiellement biliaire, il peut trouverune place dans le traitement de sujets diabétiques detype 2 en insuffisance rénale modérée.

L’association à la Met représente probablementsa meilleure indication, les deux molécules agissantde façon complémentaire, l’une sur la GAJ, l’autre surla GPP. L’avantage par rapport à l’associationclassique SH et Met tient à l’effet insulinosécréteurplus rapide et plus bref du glinide, permettant unmeilleur contrôle de la GPP et une moindreinsulinisation interprandiale, donc un risque plusfaible d’hypoglycémie à distance des repas etpeut-être une moindre prise de poids.

Le répaglinide a également été utilisé enassociation avec l’insuline au coucher chez despatients non contrôlés par une bithérapie orale àposologie maximale.

L’association avec les TZD a été testée, maisn’entre pas strictement dans des mentionsd’autorisation de mise sur le marché actuelle de cetteclasse.

Enfin, l’association avec les SH classiques et lesIAG est illogique et non validée. Elle doit de ce faitêtre proscrite.

■Quelle place thérapeutique

pour les thiazolidinediones ?

‚ Effets métaboliques

Les TZD représentent une nouvelle classed’insulinosensibilisateurs agissant, en activant lesrécepteurs nucléaires PPARc, à l’interface entre lemétabolisme du tissu adipeux et l’utilisationpériphérique du glucose ainsi que son métabolismehépatique [6 ] . Deux représentants en sontactuellement commercialisés (tableau IV).

Tableau II. – Inhibiteurs desa-glucosidases disponibles en France.

DCI Nom commercial Dosage par cp(mg)

Dose maximalerecommandée (mg) Précautions d’emploi Effet attendu sur l’HbA1c

aux posologies maximales

Acarbose Glucort 50 300 - comprimés à avaler ou croquer au début du repas - 0,75 %100 - augmentation très progressive de la dose

Miglitol Diastabolt 50 300 - comprimés à avaler ou croquer au début du repas - 0,75 %100 - augmentation très progressive de la dose

DCI : dénomination commune internationale ; cp : comprimé ; Hb : hémoglobine.

Tableau III. – Caractéristiques pharmacocinétiques du répaglinide chez le diabétique de type 2.

Tmax : 1,0 à 1,4 heure pour des doses de 0,5 à 4 mgT1/2 : 1,0 à 1,4 heureCmax (2 mg) : 2,60± 13,0 ng/mLLiaison aux protéines :≈ 98 %Métabolisme hépatique, métabolites inactifsÉlimination rapide 90 % par voie biliaire, 8 % par voie rénalePharmacocinétique peu influencée par la prise alimentaire, l’âge, l’insuffısance rénale

3-0820 - Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2

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Page 162: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

‚ Indications

Le potentiel des TZD est extrêmement prometteurdans les domaines de la préservation au long coursde la fonction b-cellulaire et de la préventioncardiovasculaire. Leurs conditions de prescriptionsont toutefois actuellement limitées à la bithérapie*en association avec la Met chez les patients ensurpoids insuffisamment contrôlés par la dosemaximale tolérée ou en association avec les SH chezdes patients de poids normal présentant uneintolérance ou une contre-indication à l’utilisation dela Met [2]. L’insuffisance cardiaque, même modérée,et l’association à l’insuline représentent descontre-indications à l’utilisation de cette classe.

‚ Conditions de prescription

La prescription des TZD peut actuellement êtreinitiée par le médecin généraliste, aussi bien que lesspécialistes en endocrinologie-diabétologie et enmédecine interne, mais elle relève encore de laprocédure des médicat ions d’except ion(ordonnances 60-3976).

‚ Posologies recommandées

Rosiglitazone (Avandiat)

En association avec la Met : 4 mg/j (ou 2 ×2 mg/j) ; 8 mg/j (ou 2 × 4 mg/j) si l’objectifglycémique n’est pas atteint après 8 semaines.

En association avec les SH : 4 mg/j (ou 2 × 2 mg/j)avec réduction de la posologie du SH en casd’hypoglycémie.

* Depuis le 28 août 2003, l’AMM de la rosiglitazone et de lapioglitazone a été élargie à la monothérapie de deuxième intention(remboursement attendu pour le 2e trimestre 2004).

Pioglitazone (Actost)

En association avec la Met ou les SH : 15 mg/j enune prise unique ou 30 mg/j si l’objectif glycémiquen’est pas atteint**, la posologie d’un SH devantéventuellement être réduite en cas d’hypoglycémie.

‚ Surveillance

Du fait des accidents d’hépatotoxicité enregistrésavec la troglitazone, retirée de ce fait du marché, undosage des transaminases est recommandé avantl’instauration du traitement, puis tous les 2 mois aucours de la première année de prescription. Letraitement doit être interrompu en cas d’élévationdes transaminases à plus de trois fois la valeurnormale ou s’il apparaît des signes cliniques, enparticulier un ictère. Après la première année, lasurveillance des tests hépatiques n’est plusobligatoire. Il n’est pas certain, au vu des données depharmacovigilance, que cette recommandation soitmaintenue pour la rosiglitazone et la pioglitazone.

La prise de TZD s’accompagne assez fré-quemment d’un certain degré de rétentionhydrosodée à l’origine d’une hémodilution et parfoisd’une pseudoanémie (contrôle de la numérationformule sanguine avant la prescription) et pouvantfavoriser une décompensation chez certains patientsinsuffisants cardiaques.

Les autres effets indésirables fréquents sont lesœdèmes liés à une augmentation de la perméabilitécapillaire et à la rétention hydrosodée, ainsi qu’uneprise de poids par augmentation de la masse grasseliée aux mécanismes d’action même de cemédicament. Celle-ci s’observe au cours de la

première année du traitement et ne concerne quele tissu adipeux sous-cutané, les dépôts de graisseintra-abdominale évoluant favorablement. De ce

** AMM européenne récente pour la dose de 45 mg de pioglitazone.

fait, cette prise de poids n’a pas d’effet délétère surla sensibilité à l’insuline des patients et sur leuréquilibre métabolique à long terme.

‚ Quelle place thérapeutique ?Actuellement, les TZD représentent incontesta-

blement une alternative séduisante à l’associationSH-Met chez des patients obèses.

Chez le patient de poids normal en échec detraitement par SH, la Met garde logiquementune place prioritaire en raison de ses effetsbénéfiques démontrés, mais les TZD peuventtrouver leur place du fait des contre-indications etdes intolérances digestives relativement fréquentes àcet agent, limitant le recours à des posologiesmaximales.

L’originalité de la classe thérapeutique des TZDtient à la possibilité d’une protection b-cellulaire, quipermettrait de maintenir l’efficacité du traitementantidiabétique oral à long terme, et à des effetspléiotropes potentiellement bénéfiques sur le plande la prévention du risque cardiovasculaire de cespatients. Il est certain que si les études en coursconfirment les données préliminaires actuellementdisponibles et qu’aucune alerte de pharmacovigi-lance ne se fait jour, cette classe devrait voir sesindications élargies à la monothérapie de premièreintention et éventuellement à la trithérapie.

■Conclusion

Ces nouvelles classes thérapeutiques ne sontnullement destinées à se substituer aux SH et à laMet pour lesquels on dispose de données d’efficacitéet de tolérance à long terme. Elles offrent toutefoischez certains patients des alternatives intéressantespour atteindre, en fonction de leur profilmétabolique et de leur rythme de vie, un équilibreglycémique optimal. Il est possible que dans l’avenirle recours à la trithérapie orale, actuellementinsuffisamment validée, permette de retarder lepassage à l’insuline.

Tableau IV. – Glitazones commercialisées en France.

DCI Nom commercial Posologiesrecommandées (mg)

Effets attendussur l’HbA1c (%)

Effets sur les paramètreslipidiques Précautions d’emploi Effets indésirables

fréquents

Rosiglitazone Avandiat 4-8 - 0,96 à - 1,36 CT↑, TG =, HDL-C↑, LDL-C↑ 1) CI : insuffısance cardiaque - œdèmes

2) Pas d’AMM en monothérapie depremière intention et en associationavec l’insuline

- rétention hydro-sodée

Pioglitazone Actost 15-30 - 1,10 à - 1,28 CT , TG↓, HDL-C↑, LDL-C = 3) Surveillance hépatique la premièreannée

- prise de poids

DCI : dénomination commune internationale ; Hb : hémoglobine ; CT : cholestérol total ; TG : triglycérides ; HDL :high density lipoproteins; LDL : low density lipoproteins; CI : contre-indication ; AMM : autorisation de mise sur lemarché.

Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2 - 3-0820

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Jean-Frédéric Blicklé : Professeur, chef de service.Service de médecine interne, diabétologie et maladies métaboliques, clinique médicale B, Hôpital civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JF Blicklé. Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0820, 2003, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Blicklé JF. Traitements oraux du diabète.Encycl Méd Chir (Éditions Scienti-fiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), 10-366-R-20, Endocrinologie-Nutrition,1999 : 1-14

[2] Blicklé JF. Actualités sur les traitements oraux du diabète.Encycl Méd Chir(Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), 10-366-R-25,Endocrinologie-Nutrition,2002 : 1-5

[3] Blicklé JF. Traitements pharmacologiques de l’hyperglycémie post-prandialechez le diabétique de type 2. Inhibiteurs des alpha-glucosidases.Méd Clin Endo-crinol Diabète n° 1 (hors série) :2003 ; 45-48

[4] Blicklé JF. Traitements pharmacologiques de l’hyperglycémie post-prandialechez le diabétique de type 2. Glinides et apparentés : insulino-sécrétagogues d’ac-tion rapide et brève.Méd Clin Endocrinol Diabète n° 1 (hors série) :2003 ; 49-53

[5] Recommandations de l’ANAES. Stratégie de prise en charge du patient diabé-tique de type 2 à l’exclusion de la prise en charge des complications.DiabetesMétab2000 ; 26 : 1-96

[6] Scheen AJ, Charbonnel B. Les récepteurs nucléaires PPARs. Effets antidiabé-tiques des thiazolidinediones.Méd Thér2001 ; 7 :672-679

[7] UKPDS. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin com-pared with conventional treatment and risk of complications in patients with type2 diabetes (UKPDS 33).Lancet1998 ; 352 : 837-853

[8] UKPDS. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on compli-cations in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34).Lancet1998 ;352 : 854-865

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Page 164: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Sémiologie du comportement

alimentaire

B Waysfeld, A Laurent-Jaccard

L a table régule la prise alimentaire qui se fait sous le regard de l’autre, témoin et garant d’un comportement« normal ».

© Elsevier, Paris.

■Introduction

Un comportement peut se définir comme unensemble de conduites concourant vers un but. Enmatière de comportement alimentaire, la finalité estclairement la survie de l’individu et le maintien del’espèce. Cependant, chez l’homme, l’ensemble desconduites aboutissant à la prise alimentaire paraît auservice d’une triple demande : énergétique,hédonique et symbolique. Les différentes fonctionsassurées par l’aliment sont interdépendantes etpermettent d’obtenir une double homéostasie :interne, en assurant l’équilibre énergétique etnutritionnel, et externe, en régulant les échanges dusujet avec son environnement.

La pathologie du comportement alimentairerésulte d’une rupture d’équilibre d’une ou deplusieurs de ces fonctions elles-mêmes intriquées [7].

■Séquence comportementale : faim,

appétit et satiété

Elle comporte trois phases.

Une phase préingestive, caractérisée par un éveilorienté par la recherche, l’acquisition, la préparationdes aliments et éventuellement leur stockage.

Une phase ingestive, correspondant à la prisealimentaire elle-même, que l’on peut analyser entermes de structure du repas (volume, choix desaliments, rapidité d’ingestion, temps de masticationet arrêt de la prise alimentaire) et de consommationen macro- et micronutriments.

Une phase postingestive, correspondant à lasatiété, état de bien-être et parfois de somnolence.Durant cette phase, la prise alimentaire estnormalement inhibée, aboutissant à l’intervalleprandial.

‚ Analyse des signaux

Pour chaque phase, l’analyse des signaux permetd’expliquer l’initiation, la poursuite et l’interruptionde la prise alimentaire.

Faim

C’est un état d’éveil marqué par le besoin. Elle estconsidérée comme normale si elle correspond à unesensation de vide ou de « creux à l’estomac ». Ellepeut s’accompagner d’anxiété, de nervosité etd’irritabilité. On peut la reproduire par unehypoglycémie, même si sa manifestation spontanéen’est habituellement pas contemporaine d’une réellehypoglycémie. Elle correspond à la question [1] : « Ya-t-il quelque chose à manger ? »

Appétit

Il correspond à l’envie de manger un aliment ouun groupe d’aliments. Il répond au plaisirprévisionnel attendu des sensations agréablesprocurées par la consommation d’un aliment quel’on aime.

Rassasiement et satiété

Le rassasiement se caractérise par la diminutionde la prise alimentaire (ralentissement de la vitessed’ingestion, du nombre de bouchées par unité detemps).

La satiété est une sensation floue qui va, selon lesindividus, du sentiment de n’avoir plus faim, jusqu’àla nausée ou l’assoupissement. La satiété, plus oumoins nette selon les individus, peut s’évaluer par lesquestions suivantes : « Avez-vous encore faim à la findu repas ? Pouvez-vous continuer à manger mêmequand vous n’avez plus faim ? » La satiété répond àune cascade de signaux qui se mettent en placeprogressivement (fig 1).

Moyens divers

Ceux-ci permettent une approche semi-quantitative du comportement alimentaire. Levolume du repas-test varie en fonction de l’étatmétabolique. Il diminue après une précharge quirend le rassasiement plus précoce. On peut mesurerla salivation provoquée par la vue ou l’odeur d’unaliment, sachant que cette salivation diminue après

SIGNAUX

Sensoriels Cognitifs Postingestifs

PrécoceTardif

RASSASIEMENT

ALIMENT

Postabsorptifs

Satiété

1 Cascade des composantes de la satiété (selon Blundell).

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une précharge de fort niveau calorique. Citonsencore l’étude de la microstructure du repas par desmoyens vidéo informatisés, les échelles d’élévationvisuelle et les nombreux questionnaires permettantd’évaluer les attitudes alimentaires (EAT, Stunkard,Garner et Garfinkel...). Quant à l’alliesthésie décritepar Cabannac [3], elle consiste en une modificationde la perception affective des aliments en fonctionde l’état énergétique interne du consommateur : unesensation qualifiée d’agréable à jeun devient moinsagréable, voire aversive, chez le sujet en réplétion.Elle se « négative » et participe ainsi au rassasiementqui joue un rôle dans le contrôle régulateur de laprise alimentaire [5].

■Déterminants de la prise

alimentaire

Le comportement alimentaire est déterminé parun système biopsychologique complexe qui permetl’intégration d’informations multiples provenant à lafois de l’intérieur de l’organisme et de l’environ-nement (fig 2).

‚ Prise alimentaire et balance énergétique

Si les entrées d’énergie sont intermittentes, lessorties sont en partie constantes : dépenses basaleset thermogenèse, auxquelles il faut ajouter le travailmécanique. Toute rupture d’équilibre entre lesentrées et les sorties entraîne des variations demasse. Or les variations pondérales de la majoritédes individus restent minimes : si un adulte entre 20et 70 ans (donc en 50 ans) ingère 25 tonnes de

nourriture et boit 35 m3 d’eau, dans le même temps,sa masse corporelle ne fait qu’augmenter de 10 à15 kg, soit une erreur relative inférieure à 0,25 ‰.Ainsi, à long terme, il existe bien une adéquationentre apports alimentaires et dépenses énergétiques,seule condition de conservation d’une massecorporelle constante [4].

‚ Régulation de la masse corporelle

On sait depuis longtemps que c’est la massecorporelle, et plus précisément le niveau desréserves énergétiques, qui est régulée. On peutdonner comme argument le retour au poids initialde presque tous les obèses soumis à une restriction.L’hypothèse « lipostatique » de la régulationpondérale avait déjà été proposée dans les années1950 par Mayer. La découverte de la leptine (du grecleptos, minceur) est venue étayer cette hypothèse,même si le rôle de cette hormone reste encoreobscur chez l’homme : la leptine est le modèle d’unehormone produite par les adipocytes, sécrétée dansla circulation et agissant sur les systèmes centraux dela prise alimentaire et du bilan d’énergie. La quantitéde masse grasse corporelle paraît le déterminantprincipal des concentrations plasmatiques de leptinechez l’animal comme chez l’homme [8].

Rôle régulateur de la dépense énergétique

L’homme, comme l’animal, ne peut évacuerdirectement un excès d’apports nutritionnels :l’inflation de la masse grasse reste, pour beaucoupd’individus, le seul moyen de consommer davantaged’énergie. Des travaux récents ont montré quecertains sujets avaient des capacités moindres de

gaspillage énergétique par défaut de protéinedécouplante, également appelée UCP2

[6], et qu’ilsétaient davantage prédisposés à l’obésité.

Contrôle métabolique

Si à long terme l’état des réserves énergétiquesinforme le cerveau qui modifie en retour la prisealimentaire, à court terme, ce sont les signauxpostingestionnels et postabsorptifs qui assurent lerassasiement et la satiété (signaux sensoriels,hormonaux, nerveux, flux des nutriments) (fig 1). Lesmécanismes qui sous-tendent le rassasiement sontcomplexes, nombreux et redondants, des récepteursposthépatiques à la chimiosensibilité intestinale [5].Signalons l’existence d’un rassasiement conditionnéqui repose sur l’établissement de liens mémorisésentre l’image sensorielle des aliments et leurs effetspostabsorptifs, évalués lors des consommationsantérieures. Le rassasiement sensoriel spécifiquedécrit le phénomène par lequel l’homme occidental,confronté à un repas varié, va consommersuccessivement un peu de chaque aliment,atteignant pour chacun un rassasiement partielavant de passer au suivant. La diversité alimentaireest donc source d’hyperconsommation, comme ledémontre le modèle d’obésité expérimentale bienconnu du rat « cafétéria ». Le rassasiement sensorielspécifique ne suffit pas à limiter l’accroissement de laprise alimentaire des populations occidentales [4].

Contrôle psychosensoriel

Les sensations gastriques ne semblent pas jouerle rôle qu’on leur prêtait autrefois dans lecomportement alimentaire. La faim n’est pas liée à lavacuité gastrique, et la gastrectomie ne la supprimepas. En revanche, la palatabilité des alimentsintervient à plusieurs niveaux. Les qualitésorganoleptiques des aliments (odeur, couleur, goût,consistance) génèrent des sensations plus ou moinsagréables qui vont définir leur palatabilité forte oumédiocre. La palatabilité influence la consommationdes aliments. Si elle est élevée, le sujet consommeradavantage d’aliments et pourra même continuer àmanger alors qu’il est rassasié (cas du dessert sucréhautement palatable).

Les facteurs cognitifs, appelés stimuli, dépendentde l’expérience personnelle, familiale et sociale, etaboutissent à des conditionnements. On mange plusparce que c’est l’heure que parce qu’on a faim.L’affectivité influence encore le comportementalimentaire : une même émotion ou un conflit demême nature entraînera chez l’un une hyperoxie,chez l’autre une anorexie [1].

■Fonctions du comportement

alimentaire

Le comportement alimentaire assure les besoinsen macro- et micronutriments et participe àl’équilibre énergétique, assurant aussi la régulationdu poids corporel.

‚ Besoins en macro- et micronutrimentsIls sont assurés par la sélection des aliments.

L’alimentation doit couvrir les besoins nutritionnelsessentiels : protéiques, minéraux, hydroélectroly-tiques et vitaminiques. Parmi ceux-ci, il est notable

Psychologie Réserves énergétiques

DépensesénergétiquesMétabolisme

Métabolisme de reposet rendements

Rationalisation

Affects FaimSatiété

Apportsalimentaires

AppétitDisponibilité

ConditionnementApprentissage(habitudes) Palatabilité

Travailmusculaire

Environnementsocioculturel et économique

2 Schéma incomplet des interrelations factorielles intervenant dans la régulation des réserves énergétiques(d’après B Guy-Grand).

3-0760 - Sémiologie du comportement alimentaire

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Page 166: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

que l’apport protéique reste relativement fixe. Quelsque soient la latitude et le niveau d’activité, il se situeentre 11 et 16 % de l’apport énergétique total. Unindividu placé dans un environnement donné paraîtsélectionner les aliments de telle sorte que les troisgrandes classes de macronutriments (glucides,lipides, protides) représentent une fractionrelativement stable des apports énergétiques. Cettedonnée se vérifie en dépit des variations de lacomposition de l’alimentation au fil des siècles.

‚ Aliment, organisateur des échanges

Le repas pris ensemble joue un rôle d’échange,d’intégration et de régulation.

La table symbolise le lieu privilégié où s’exprimenttous les aspects de la convivialité. Les informations ycirculent, des sentiments sont échangés. Mangerpermet à la fois d’être ensemble, de communier sansnécessairement communiquer verbalement. La table

est un haut lieu d’échanges symboliques. Autour dela table se matérialise une certaine intégration àtravers les rencontres familiales, amicales, préludes àla socialisation. Enfin, la table régule la prisealimentaire qui se fait sous le regard de l’autre,témoin et garant d’un comportement « normal ». Êtrenormal, c’est aussi être comme l’autre, et lesempreintes familiales précoces jouent un rôledéterminant dans les comportements normaux oudévoyés des futurs adultes [9].

Bernard Waysfeld : Assistant, ancien chef de clinique,unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, France.

Anne Laurent-Jaccard : Médecin adjoint,policlinique universitaire de Lausanne, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B Waysfeld et A Laurent-Jaccard. Sémiologie du comportement alimentaire.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0760, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Basdevant A, Le Barzic M, Guy-Grand B. Comportement alimentaire du nor-mal au pathologique. PIL, 1990

[2] Blundell JE, Hill AJ. The psychobiological control of appetite.Adv Biosci1993 ; 90 : 3-9

[3] Cabanac M. Physiological role of pleasure.Science1971 ; 173 : 1103-1107

[4] Fantino M. Déterminants des comportements alimentaires.Rev Prat1989 ;39 : 367-374

[5] Fantino M. Nutriments et alliesthésie alimentaire.Cah Nutr Diet1995 ; 30 :14-18

[6] Fleury C, Neverona M, Collins S, Raimbault S, Champigny O, Levi-MeyrueisC et al. Uncoupling protein – 2 : anovel gene linked to obesity and hyperinsuline-mia.Nat Genet1997 ; 7 :269-272

[7] Guy-Grand B. Psychophysiologie du comportement alimentaire chezl’homme.Cah Nutr Diet1983 ; 18 : 279-288

[8] Oppert JM. Leptine et régulation du poids corporel.Cah Nutr Diet1997 ; 32 :217-223

[9] Waysfeld B. Alimentation, convivialité et symboles. In : Alimentation et liensocial. Paris : L’Harmattan, 1991 : 85-92

Sémiologie du comportement alimentaire - 3-0760

3

Page 167: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Troubles du comportement

alimentaire

B Waysfeld, A Laurent-Jaccard

D ’apparition récente dans le champ médical, les troubles du comportement alimentaire doivent être mieuxconnus du praticien, en raison de leur fréquence, de leur complexité et de leur évolution spontanée habituelle

vers l’aggravation.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La fréquence exacte des troubles du compor-tement alimentaire (TCA) est difficile à déterminermais peut être évaluée entre 2 % et 10 % enfonction du sexe, du type de trouble et de lapopulation étudiée (ils touchent préférentiellementles sujets féminins de haut niveau socioculturel).

La complexité tient au fait que les TCAreprésentent des symptômes au carrefour deschamps biologique, psychosociologique etnutritionnel, pouvant légitimement être revendiquéspar différents spécialistes.

L’évolution chronique habituelle, l’absence detraitement simple et l’intrication aux fluctuationspondérales et à l’obésité, contribuent à faire des TCAun problème de santé publique.

■Différents troubles

du comportement alimentaire

Il faut rappeler qu’il n’existe pas de comportementalimentaire normal. Si le principe des trois repas parjour représente une référence, le sujet se livrant à desgrignotages discontinus ou à un seul gros repas parjour ne relève pas du pathologique, dès lors que cecomportement n’est préjudiciable ni à lui-même, ni àson entourage.

‚ Troubles prandiaux

L’hyperphagie prandiale prédomine chez lessujets masculins, que ce comportement s’inscrivedans un contexte de gourmandise et de convivialité,ou de gloutonnerie largement alcoolisée. Cettehyperphagie conduit souvent à des obésitésandroïdes, graves sur les plans métabolique etcardiovasculaire.

‚ Troubles extraprandiaux

I ls sont nombreux, d’importance et designification fort différentes.

Le grignotage apparaît comme le plusélémentaire : simple remplissage discontinu, ilrenvoie souvent à l’ennui et à la solitude, sanssignification psychopathologique.

La compulsion implique la recherche impératived’un aliment souvent spécifique. Elle esthabituellement connotée de plaisir et de culpabilitéet fait écho aux pulsions agressives et érotiques nonsatisfaites : « je me suis vengée sur la nourriture »évoque à la fois la colère, la frustration et lasatisfaction substitutive sur l’objet nourriture.

La boulimie (étymologiquement « faim de bœuf »)consiste en l’absorption massive d’une grandequantité de nourriture, habituellement sans faim, etrapidement suivie d’un sentiment d’intenseculpabilité. La mise en œuvre de stratégies decontrôle de poids est habituelle, à la différence del’hyperphagie boulimique (cf infra).

Les autres troubles peuvent être rapidementcités : le night eating syndrome consiste en une priseimportante de nourriture, volontiers sucrée, aumilieu de la nuit, chez des sujets plutôt anxieux.

L’association ou la succession dans le temps dephases boulimiques et anorexiques chez un mêmesujet fait parler de boulimarexie. Les comportementsde restriction, presque toujours volontaires,entraînent des troubles psychologiques d’autant plussévères que le régime aura été plus restrictif etprolongé (tableau I). Ces perturbations ne doiventpas être confondues avec les troubles émotionnelsqui peuvent conduire directement aux TCA.

Boulimie✔ Survenue récurrente de crises de boulimie (binge eating). Une crise de boulimierépond aux caractéristiques suivantes :– absorption, en une période de temps limitée (par exemple moins de 2 heures),d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gensabsorberaient dans une période de temps similaire et dans les mêmescirconstances ;– sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire.✔ Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir laprise de poids, tels que : vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs,diurétiques, lavements ou autres, médicaments, jeûne, exercice physique excessif.✔ Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriéssurviennent tous les deux en moyenne deux fois par semaine, pendant 3 mois.✔ L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la formecorporelle.✔ Le trouble ne survient pas exclusivement pendant les périodes d’anorexiementale :– type avec vomissements ou prise de purgatifs (purging type) ;– type sans vomissement : jeûne, exercice physique, laxatifs (non purging type).Hyperphagie boulimique (binge eating disorder ou BED)Il existe des épisodes récurrents de crises de boulimie, en l’absence d’un recoursrégulier aux comportements compensatoires inappropriés caractéristiques de laboulimie.(DSM IV Masson, 1996).

Tableau I. – Conséquences psychologiquesd’une restriction alimentaire sévère.

Obsession de la nourriture Défaut de vigilance

Rituels alimentaires Apathie, troubles dusommeil

Accès compulsifs et bouli-miques Humeur fluctuante

Dépression Chute de la libido

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■Clinique

Le temps clinique est capital, car même si lediagnostic est évident, diverses informations vontpermettre de préciser l’étiologie des TCA, guidantainsi la thérapeutique. L’observation, obtenuedavantage à partir de l’écoute que de l’attituded’enquête devra préciser divers éléments :

– l’anamnèse pondérale, en notant en particulierle poids aux différents âges, l’impact des épisodes dela vie génitale, les régimes suivis et leurs résultats ;

– le comportement alimentaire, et notammentl’existence d’une restriction assez sévère dansl’année qui a précédé les premiers TCA, lesjustifications réelles ou alléguées à cette restriction.En outre, le degré de dépendance aux affects ainsique la nature de ces affects (envie, colère, frustration,solitude) seront notés (cf chapitre « Sémiologie ducomportement alimentaire ») ;

– le niveau d’activité physique, nul, modéré ouintense. Certains sujets semblent mêmeauthentiquement dépendants du sport, utilisécomme une drogue, s’inscrivant dans la stratégie decontrôle du poids et assurant la maîtrise sur uneimage du corps vécue négativement ;

– les caractéristiques psychologiques majeures :le sujet a-t-il connu des hospitalisations, desdépressions ? Quels traitements a-t-il suivi ? Lesdifficultés psychologiques préexistaient-elles à lasurvenue des TCA ou apparaissent-elles comme laconséquence du surpoids, des fluctuationspondérales ou d’une mauvaise image du corps ?Existe-t-il une demande qui justifierait d’emblée uneprise en charge par un psychothérapeute ?

– l’examen clinique recherchera des anomaliesmétaboliques et endocriniennes, et en particulier desanomalies du palais, des parotides et de l’émaildentaire chez les boulimiques vomisseuses(l’intensité du symptôme n’est pas toujours reconnueou avouée) ;

– l’enquête alimentaire sera confiée à unmédecin nutritionniste ou à un diététicien. Elle devradistinguer les situations de maîtrise et de restrictiondes phases d’anarchie ou d’abandon. Elle préciseraglobalement l’insuffisance du nombre de repas, dunombre d’aliments par repas et des quantités deglucides lents absorbés ;

– le bilan biologique sera centré sur la recherched’une dyslipémie et des complications du surpoids etde la dénutrition. On peut en effet être floride etcarencé (cf proposition auteur ).

Au terme de cette observation, le TCA pourra soitêtre considéré comme une réponse adaptée à unchangement de statut nutritionnel (diabète parexemple), soit apparaître comme le symptôme d’unepathologie comportementale, manifeste ou latente :

– le trouble du comportement est souvent mis enavant par des jeunes femmes normopondérales ouen léger surpoids, se plaignant avant tout d’uneinsatisfaction de l’image du corps. En dépit d’uneapparence habituellement soignée et souriante, cesjeunes femmes ne sont pas heureuses et masquentsouvent des symptômes anxiodépressifs. Privilégierle TCA c’est ignorer l’arrière-plan psychologique, et infine, les amener à l’échec. Mais en revanche, les

propulser sans qu’elles le demandent dans un circuitpsychologique ou psychiatrique, c’est risquer deprovoquer leur fuite prématurée. La marge demanœuvre du clinicien est particulièrement étroite ;

– parfois, le tableau est plus lourdement connotépsychologiquement : alternance de dépressions etde périodes stables ou euphoriques, d’apragmatismeou d’hyperactivité, de boulimie et de maîtrise ducomportement alimentaire. L’avis du psychiatres’avère fondamental et n’est habituellement pasrécusé : il permettra de préciser la place dusymptôme alimentaire dans la pathologiepsychiatrique et le type de prise en chargepréconisée.

Le tableau boulimique peut être individualisé enraison de sa fréquence et de sa gravité.

La crise, de fréquence variable, survient dans uncontexte de solitude déclenchée par des facteursaussi divers que le stress, la contrariété,l’hypoglycémie, la fatigue. Le contact avec l’alimentdéclenche une jouissance fugace ou à tout le moins,le soulagement d’une tension, suivi très rapidementd’un sentiment de profonde culpabilité. L’acteboulimique est toujours solitaire, honteux, caché. Lesstratégies de contrôle, vomissements surtout,purgatifs, périodes de jeûne, lui font suite trèsrapidement.

La personnalité sous-jacente paraît plus ou moinsperturbée et toutes les structures psychologiquespeuvent se rencontrer. On note cependant peu denévroses classiques, davantage d’organisationslimites de la personnalité, marquées d’impulsivité etd’une tendance à l’« agir », utilisées comme unmoyen de résoudre des conflits profonds par unrecours à la sensorimotricité, court-circuitant ainsi lamentalisation des affects.

Au plan étiologique, chez certains sujetsdominent des troubles de la régulation pondéraleliés aux restrictions imposées dans une rechercheéperdue de minceur. D’autres trouvent dans lepassage à l’acte boulimique une solution, certesmauvaise, obtenant dans l’« avoir » unecompensation à leur manque à être, à leursproblèmes d’identité (cf infra).

■Facteurs étiologiques

Il n’est pas facile pour le clinicien de faire la partdes différents facteurs favorisant les TCA. D’une part,il existe une multiplicité de registres biologique,psychophysiologique, psychologique et sociologiqueétroitement intriqués, d’autre part, causes etconséquences peuvent se renforcer mutuellement.Ainsi, une perception négative de l’image du corpspeut entraîner des TCA qui, via le surpoids, vontaggraver la perception négative du corps. Lesstratégies de contrôle, vomissements surtout,renforcent l’isolement et les perturbations depersonnalités fragiles, narcissiquement défaillantes(fig 1).

‚ Facteurs biologiques

Il n’est guère possible d’envisager ici lesinteractions complexes des neuromédiateurs de lafaim, de l’envie de manger et de la satiété. Signalonsqu’il s’agit d’un domaine de recherche en pleineexplosion, au sein duquel dominent, sur le versantorexigène, le neuropeptide Y (NPY) et lesendorphines et sur le versant anorexigène, lacholecystokinine, la sérotonine, la dopamine et chezcertains animaux, la leptine.

La sérotonine a été plus spécialement impliquéedans la pathologie compulsive : le concept de« carbohydrates cravers » (dévoreurs de sucre)correspond à des sujets dont les compulsions auxhydrates de carbone corrigeraient les troubles del’humeur liés à un déficit en sérotonine. Tout sepasse comme si la prise de glucides augmentait, viale tryptophane, la sérotonine intracérébrale(Wurtman). En somme, l’aliment glucidique pourraitêtre utilisé comme un médicament.

Certains sujets, biologiquement prédéterminés àl’obésité, pourraient présenter une valeur deconsigne de leur pondérostat (s e t p o i n t )particulièrement élevée. Les TCA seraient, chez eux,primitivement au service d’un pondérostat perturbé.À ce jour, seule une réponse pharmacologiquesemblerait susceptible de les aider.

Racisme antigrosIdéal de minceur(registre sociologique)

Métabolismegénétiquement

« économe »(registre biologique)

FrustrationTensionFaim...

Restriction

alimentaire TCA Surpoids

VomissementsLaxatifs

Mauvaise image de soiAdolescenceTroubles de la personnalité(registre psychologique)

1 Causes et conséquences des troubles du comportement alimentaire (TCA) se renforçant mutuellement.

3-0770 - Troubles du comportement alimentaire

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‚ Facteurs psychophysiologiques

Théorie de « l’externalité »

On a pu montrer que certains sujets se montraientparticulièrement sensibles aux caractéristiquesexternes des aliments : aspect, odeur, goût, et peusensibles aux signaux internes de satiété. Au-delà del’influence psychologique, cette « externalité » estlargement dépendante du niveau des réservesénergétiques, donc en rapport avec une éventuellerestriction alimentaire.

Théorie de la restriction

Cette théorie, proposée par Herman et Polivy,postule que c’est le déficit énergétique résultant de larestriction alimentaire qui génère les troubles ducomportement.

Ceux-ci prennent donc une valeur adaptative auplan métabolique. De nombreux facteurs favorisentla restriction (fig 1) qui, une fois engagée, a tendanceà s’autoentretenir à travers les troublespsychologiques qu’elle engendre.

‚ Facteurs psychologiques

L’accent a été mis très tôt sur les perturbationsde la relation mère-enfant. Si la mère, par uneattitude inappropriée, propose une réponsealimentaire systématique à toute demande del’enfant, celui-ci ne pourra pas faire la différenceentre ses besoins alimentaires et ses autres besoins(amour, colère, sommeil) : c’est la confusion desaffects. Plus tard, le sujet aura recours à la prisealimentaire comme réponse à tout besoin ou à touteémotion (Hilde Bruch).

La mère peut aussi anticiper sur les besoins del’enfant et se comporter en « trop bonne mère ».D’autres typologies maternelles ont été décritesmais, dans tous les cas, la séquence besoin-manque-désir-objet se trouve perturbée par le court-circuit dumanque et du désir. À toute stimulation ousollicitation, physiologique comme psychologique, lesujet risque de répondre sur le modèle du « tout, toutde suite », s’orientant ainsi vers une conduiteaddictive qui peut choisir, entre autres, l’alimentcomme objet d’addiction.

Un authentique fonctionnement psychosoma-tique peut également être repéré. À la différence dela névrose marquée de culpabilité, d’angoisse et dedépression, à l’opposé de la psychopathie et de sonpassage à l’acte (acting out), le sujet psychosoma-tique, faute d’avoir les mots pour dire ses émotions,peut recourir à des comportements visant le corpspropre (acting in). Ce mode de résolution des conflitsest particulièrement délétère.

Les relations TCA-dépression restent l’objet decontroverses. Pour beaucoup d’auteurs, lesboulimiques sont des dépressives en raison de leursantécédents personnels et familiaux et de l’efficacitédes antidépresseurs. Pour d’autres, les boulimiquesrelèvent davantage d’une organisation dépressivede la personnalité marquée d’immaturité,d’impulsivité et surtout de dépendance. C’est ce typede personnalité qu’on retrouve également parmi lesanorexiques chez lesquelles la boulimie constitueune modalité évolutive fréquente. Quoiqu’il en soit,

les épisodes dépressifs devront faire l’objet d’untraitement antidépresseur, le plus difficile étantquelquefois de les repérer. En effet, à côté desdépressions franches, on rencontre des étatsdépressifs masqués derrière des problèmessomatiques ainsi que des TCA symptomatiques dedépression saisonnière, les sujets réagissant à ladiminution de la lumière par une sorte d’hibernationavec hyperphagie, l’ensemble de ces symptômesrestant sens ib le aux ant idépresseurssérotoninergiques.

Les aspects psychosociologiques jouent un rôlerenforçateur : dans une société vouée au culte del’image et des télésystèmes, la perfusion d’imagescomme l’obtention du « tout, tout de suite » tend àbloquer l’imaginaire individuel et favorise lesréactions impulsives. Celles-ci court-circuitent lamentalisation. La présentation d’un idéal fémininmaigre et physiologiquement inaccessible, pousse leplus grand nombre à la restriction, vectrice de yoyospondéraux et, in fine, d’obésité ou de TCA. C’estévidemment à l’adolescence que toutes les forces enprésence risquent de se cristalliser (fig 1).

■Approche thérapeutique

Face à des symptômes aussi complexes dansleurs causes comme dans leurs conséquences,l’approche thérapeutique sera multidisciplinaire,nécessitant dans un premier temps une évaluationde l’importance et de la gravité des TCA.

‚ Évaluation globale des TCA

Du côté du symptôme, il importe de préciser sanature, du banal grignotage jusqu’à l’état de malboulimique. Son retentissement, limité ouenvahissant la vie psychique, relationnelle et mêmesomatique du sujet, doit être apprécié. Enfin, lavaleur adaptative du TCA ne peut être négligée, lesymptôme pouvant jouer un rôle dans l’équilibrepersonnel et familial du sujet (tableau II).

L’analyse psychologique du patient n’est pastoujours du ressort du généraliste ou del’endocrinologue et nécessite souvent lacollaboration avec un psychiatre sensibilisé à cesquestions : l’appréciation de la personnalité visera àdéterminer le niveau de fragilité : registrepsychotique ou organisation limite, plus rarementnévrose bien différenciée nécessitant des prises encharges bien différentes.

L’environnement personnel, familial, socialjoue- t-il un rôle d’entretien ou de renforçateur dusymptôme ? La situation du patient est-elle« aménageable » ou dramatiquement enkystée ?Quels appuis le thérapeute peut-il escompter ? Surquels leviers s’appuyer ?

L’évaluation de la fonction adaptative des TCAdemeure essentielle.

Les TCA ne sont pas que délétères en ce qu’ilsengendrent souffrance, dépréciation et isolementaffectif. Ils représentent aussi une défensecomportementale et à ce titre, une tentatived’autoguérison. Les significations des TCAapparaissent dans le tableau II et doivent être prisesen compte dans l’approche thérapeutique.

Le gros corps qui résulte inconstamment des TCApeut également revêtir une fonction adaptative ence qu’il est secondairement récupéré dans lesystème de défense du sujet (tableau III).

‚ Axe diététique de la prise en charge

Il est de fait inséparable de l’axe psychologiqueque nous aborderons plus loin et que nouspréférons isoler dans un souci de clarification.

Quelques grands principes doivent toujoursêtre respectés

– Ne pas faire de régimes, au sens restrictif duterme, car ceux-ci ne peuvent que majorer les TCA.

– Limiter les interdits alimentaires de toutessortes qui pérennisent le système du tabou et de latransgression. Ils mettent à tort l’accent sur l’intérêtde maigrir, ce qui n’est jamais le problème, du moinsdans un premier temps.

Proposer la tenue d’un carnet alimentaire

Tenu au jour le jour, il permet de noter les apports(repas, composition, horaire, quantité), mais aussinature et importance des TCA, stratégies de contrôle(vomissements, jeûne), ainsi que le contexteémotionnel dans lequel ils surviennent. L’expériencemontre, en effet, que pour un sujet donné, lessituations restent assez stéréotypées : angoisse-ennui-tristesse-solitude-insatisfaction de l’image desoi et de son mode de vie. Le carnet possède enlui-même une valeur thérapeutique : outre la prisede conscience de certains comportements souventdéniés, il assure la continuité du lien avec lethérapeute entre les rendez-vous et joue ainsi le rôlede « médicament-médecin ». Enfin, le carnet, par sonrecours à l’écrit, introduit une mentalisation, unesymbolisation des comportements, ce qui constituedéjà un traitement du court-circuit affectif de l’effortpour ne pas penser, que représentent une majorité

Tableau II. – Signification des troubles ducomportement alimentaire.

Quantitatifs QualitatifsRegistre socioculturel Registre individuel

Habitudes familiales Remplissage d’un videSociété d’abondance Communication non

verbaleCivilisation de consom-mation Sédation de l’angoisse

Equivalent agressifÉquivalent appétit/santéLutte antidépressiveConvivialitéÉquivalent érotique

Tableau III. – Signification du gros corps.

Registrepoids-puissance

Registreobésité-rempart

Toute puissance infan-tile

Angoisse de morcelle-ment

Occuper l’espace Angoisse de mortVirilité Lutte antidépressive« Faire le poids » so-cialement

Agressivité propreDésir sexuel

Troubles du comportement alimentaire - 3-0770

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de TCA. Le but avoué de maigrir, souvent mis enavant et parfaitement stérile tant que les TCApersistent, se trouve heureusement remplacé par laconscience de l’objectif comportemental à atteindre.

L’accent sera mis sur l ’équi l ibre et ladiversification, le premier résultant logiquement dusecond : trois à quatre aliments par repas,importance des féculents, des légumes et des fruitsfrais.

Contrat thérapeutique

Certains sujets acceptent le principe d’un contratthérapeutique où il est clairement stipulé :

– qu’ils ne doivent pas chercher à maigrir (dansun premier temps) ;

– qu’ils doivent prendre trois repas par jour, plusune ou deux collations ;

– qu’ils doivent prendre pain ou féculent àchaque repas ;

– qu’ils ne doivent pas sauter le repas suivant,même en cas de boulimie ;

– qu’ils doivent évidemment éliminer touttraitement médicamenteux (amphétamine,diurétique notamment).

‚ Axe psychologique

En dépit de la demande pressante de nombreusesjeunes femmes souhaitant entreprendre d’embléeune psychothérapie profonde, l’étape diététiquedevra toujours précéder, ou au moins être associée,à toute prise en charge psychologique.

Le temps psychoéducationnel est en effettoujours nécessaire. Le cercle vicieux perte de poids,faim, comportements compulsifs et boulimiques,doit être toujours précisément expliqué et associé àd’éventuels commentaires sur le carnet alimentaire.L’importance des féculents à chaque repas serasoulignée en précisant que ces « aliments-médicaments » n’agissent pas comme une pilulemagique. Il faut en effet plusieurs semaines pourqu’une nouvelle régulation pondérale, basée surtrois à cinq repas par jour avec des apports

convenables dans les différents nutriments, fassesentir ses premiers effets, au risque de provoquerune légère prise de poids dont le sujet sera prévenu.La lutte contre l’autoentretien et l’autoaggravationdu symptôme sera expliquée et combattue par lanécessité de prendre tous les repas prévus, même encas de boulimie. L’ensemble de ces conseils, siéloignés des habitudes, devra être présenté commeun but à atteindre progressivement, ce qui diffère dela demande de « tout, tout de suite » habituellementformulée.

Les traitements comportementaux et cognitifspermettent souvent des résultats remarquables. Leprogramme complet de Fairburn se déroule sur unevingtaine de séances réparties en trois étapes :

– la première, sur sept à huit séances, rejoint letemps psychoéducationnel ci-dessus, en y associantla conscience progressive et la « fonction » des TCA,boulimie notamment : le sujet va progressivementêtre capable de reconnaître et de nommer l’affect quidéclenche le comportement anormal ;

– la seconde est principalement centrée sur la« restructuration cognitive ». Il s’agit d’identifier tousles systèmes de pensée et de croyance quientretiennent les TCA : perte de l’estime de soifavorisant les préoccupations corporelles,perfectionnisme, dépendance, peur de grossir. C’estsur l’ensemble des pensées dites « dysfonctionnel-les » qu’il faut travailler en proposant des solutionsalternatives ;

– le dernier temps consolide les acquisprécédents et prévient des risques de rechute enprécisant les stratégies à adopter.

Les psychothérapies, du simple soutien à lapsychanalyse, ne peuvent être abordées dans cecadre. Soulignons que dans tous les cas, lethérapeute doit manifester sa présence souple pourpermettre l’installation d’un sentiment de sécurité. Lesilence est habituellement mal supporté comme lesont toutes les interprétations blessantes pour lenarcissisme de ces patients fragiles. Les thérapies

corporelles (travail sur l’image du corps), l’abordfamilial, peuvent aussi répondre à certainesindications spécifiques.

‚ Axe pharmacologique

Il est principalement représenté par lesantidépresseurs. Indiqués et utiles en cas d’étatdépressif franc, les antidépresseurs, surtout lessérotoninergiques, ont démontré également leurefficacité chez les sujets non déprimés. Ilssemblent agir en augmentant le délai dans laréponse comportementale de ces sujets impulsifs,la difficulté étant souvent de les faire accepter àdes jeunes femmes qui redoutent particuliè-rement toute forme nouvelle de dépendance.Quant aux tranquillisants, ils ne peuvent êtreprescrits que pour passer un cap.

‚ Indications

Les indications des différentes mesures sontimpossibles à codifier. Elles varient en fonction de lademande, de l’importance et du retentissement desTCA. L’abord diététique, associé à une basecomportementaliste, apparaît comme le socleindispensable. Dans les formes déjà invétérées, seulel’approche cognitive et/ou psychothérapique permetd’obtenir une guérison ou une amélioration. Lacollaboration nutritionniste-psychiatre s’avère trèssouvent nécessaire.

‚ L’avenir est à la prévention

Il importe :– de repérer des sujets à risque parmi ceux qui

présentent un métabolisme « économe » ;– de sensibiliser des femmes aux ravages du

terrorisme de la minceur, de manière à favoriserl’émergence de valeurs féminines dégagées del’androgynie régnante ;

– de rétablir un lien social et une qualitérelationnelle qui constituent le meilleur rempartcontre la solitude et la dépression.

Nombre de ces objectifs dépassent largement lecadre strictement médical.

Bernard Waysfeld : Ancien chef de clinique-assistant,unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris cedex 15, France.

Anne Laurent-Jaccard : Médecin-adjoint,policlinique universitaire, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B Waysfeld et A Laurent-Jaccard. Troubles du comportement alimentaire.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0770, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Basdevant A, Le Barzic M, Guy Grand B. Comportement alimentaire, dunormal au pathologique. Paris : PIL, 1990

[2] Bruch H. Les yeux et le ventre. Paris : Payot, 1975

[3] Faiburn G, Wilson T. Binge eating-nature, assessment and treatment. NewYork, London : Guilford Press, 1993

[4] Herman C, Polivy J. A boundary model for the regulation of eating and itsdisorders. New York : Raven Press, 1984

[5] Le Barzic M, Basdevant A, Guy Grand B. Troubles du comportement alimen-taire chez l’adulte.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Thérapeutique, 25-201-A-10, 1992 : 1-9

[6] Le Barzic M, Pouillon M, Waysfeld B, Guy Grand B. Toxicomanies alimen-taires.Cah Nutr Diet1983 ; 17 : 261-268

[7] Sanchez Cardenas M. Le comportement boulimique. Paris : Masson, 1991

[8] Waysfeld B, Le Barzic M, Guy Grand B. Résistances psychologiques à l’amai-grissement.Med Hyg1979 ; 37 : 1397-1399

[9] Wurtman JJ. Carbohydrate cravings: a disorder of food intake and mood.ClinNeuropharmacol1980 ; 11 (suppl) : S139-S145

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Vitamines dans la pratique

clinique de tous les jours

A Lemoine

L a toxicité des vitamines est très faible. Ceci ne saurait justifier des comportements anarchiques en matière deconsommation ou de prescription vitaminiques.

© 1999 , Elsevier, Paris.

■Généralités

Les vitamines ont été mises en évidence àl’occasion de leurs carences. Ce sont en effet, dans laplupart des cas, des maladies spécifiques guéries ouprévenues par la vitamine incriminée qui ont permisde mettre en évidence, d’isoler, puis de synthétiserles vitamines.

L’histoire des vitamines a eu beaucoupd’influence sur la place qu’elles occupent dans lapratique médicale. Les vitamines restent avant toutdes composés « anticarence ».

De plus, leur image dans le public, le caractèreparfois mystérieux de leur mode d’action, la craintenée de l’évolution alimentaire due à l’industriali-sation, et de nombreuses autres données plus oumoins conscientes dans lesquelles la publicitéintervient largement, leur confèrent une placeparfois excessive dans les préoccupations sanitairesde nos concitoyens.

Le remboursement des spécialités pharmaceu-tiques à base de vitamines a été supprimé. Desspécialités vitaminiques sont délivrées sans contrôlemédical dans la grande distribution, sous forme decompléments alimentaires. Certains consommateursen font parfois un usage inconsidéré, les parant devertus excessives. Un rôle thérapeutique fut parfoisabusivement prêté aux vitamines. Tout ceci a puamener certains médecins à douter de l’efficacité etde la nécessité des vitamines, au point que leur justeplace n’est parfois plus reconnue.

Dans la pratique médicale courante, des états dedéficience ou de carence vraie sont parfoisrencontrés, comme nous le verrons ci-dessous.

La notion de « besoin alimentaire » a beaucoupévolué depuis quelques décennies. Des dosessupérieures à ce qui est nécessaire pour éviter lacarence pourraient être utiles pour prévenir certainsétats pathologiques dégénératifs ou certainesmaladies plus ou moins liées à l’âge. De nouvellesrecherches, très actives, se développent autour deces thèmes.

Les vitamines présentes dans les complémentsalimentaires sont réservées à la prévention desdéficiences et de leurs conséquences à long terme.

La prévention devrait être mieux prise en comptepar les médecins. Dans la pratique clinique, troistypes d’indications curatives concernent laprescription de vitamines sous forme demédicaments :

– la correction des carences vitaminiquesavérées ;

– l’utilisation de fortes ou de mégadoses dansune optique pharmacologique ;

– la correction d’anomalies innées vitaminodé-pendantes du métabolisme.

Ce dernier point correspond à des maladies trèsrares et prises en charge par des spécialistes, à la foissur les plans diagnostique et thérapeutique. Nous nel’aborderons pas ici, renvoyant les lecteurs intéressésà des ouvrages spécialisés [1, 6, 7, 8, 9].

‚ Métabolisme des vitamines -Physiopathologie

Les métabolismes des 13 vitamines sont trèsdivers. Nous n’évoquerons que les points ayant unintérêt clinique direct, entraînant une fragilité ou unesusceptibilité métabolique particulière.

Certaines vitamines sont absorbées au moyen demécanismes très complexes et fragiles, dont ledérèglement peut entraîner des carences (vitamineB12 et maladie de Biermer par exemple).

L’absorption physiologique est généralement lefait de mécanismes actifs utilisant des transporteurs.Une absorption passive, en cas d’administration defortes doses, est souvent possible.

L’importance des réserves et la rapidité de leurrenouvellement sont deux données essentielles à lacompréhension des mécanismes conduisant à unecarence. Chez un sujet qui dispose de réservesnormales, les symptômes de carence n’apparaissentqu’après de longues périodes de défaut d’apport (2 à3 ans pour la vitamine B12), pour les vitamines dontles réserves sont importantes. À l’inverse, la carenceen vitamines à faibles stocks (C, B1 …) s’exprime enquelques semaines.

La plupart des vitamines subissent unetransformation biochimique pour devenir actives.Cette activation a lieu dans le foie (phosphoryla-tions) pour les vitamines du groupe B, et dans le foiepuis les reins pour la vitamine D (hydroxylations en25 et en 1). Une altération importante des organesoù a lieu cette activation (cirrhose, insuffisancerénale) retentit sur la ou les fonctions vitaminiques.

Les vitamines peuvent être catabolisées,éliminées sous forme plus ou moins active par voieurinaire et parfois fécale. Il existe un cycleentérohépatique pour certaines d’entre elles. La floreintestinale est capable de synthétiser certainesvitamines en quantité appréciable. Cette donnée estimportante dans la recherche sur des animaux

éventuellement coprophages. Chez l’homme,l’absorption de la plupart des vitamines ainsisynthétisées paraît modeste. Dans certains cas, ladisparition de cette synthèse peut entraîner desperturbations perceptibles (administrationd’antibiotiques à un sujet sous antivitamine K).

‚ Rôles des vitamines [6, 7, 8, 9]

Les 13 vitamines représentent une grande variétéde molécules sans rapport chimique entre elles.Certaines ont un rôle trophique et sont nécessairesau fonctionnement de cellules spécifiques. C’est lecas de la vitamine A et du fonctionnement rétinienet, plus généralement, de la trophicité de l’œil. Si leproblème a disparu en pratique dans les paysindustrialisés, rappelons que la carence en vitamineA est notamment responsable, dans les payssous-développés, de centaines de milliers de cas decécité. La vitamine C est, entre autres fonctions,essentielle pour le métabolisme du tissu conjonctif etdu cristallin. La vitamine E agit sur la stabilisation etla trophicité des membranes.

La plupart agissent comme transporteurs deprotons et d’électrons, comme coenzymes deréactions biochimiques, parfois de façon trèslocalisée dans l’ensemble des réactions, parfois defaçon beaucoup plus large, intéressant directementtout le métabolisme des protéines pour la vitamineB6, celui des glucides pour la B1, les carboxylationsdans le cas de la biotine (B8), le métabolisme desacides nucléiques (B9 et B12)...

La vitamine D se comporte comme une véritablehormone. Rendue active dans le foie et les reins, elleagit sur le métabolisme osseux et, plusgénéralement, sur celui du calcium.

Les métabolismes des diverses vitamines sontparfois interdépendants, et il est nécessaire que leurration respecte un certain équilibre.

‚ Besoins et apports conseillés

Pour pouvoir définir les besoins en vitamines, ilfaut avoir précisé les objectifs que la couverture deces besoins permet d’atteindre. Le besoin le plusfondamental est couvert quand il n’y a pas decarence. Cette définition n’est pas suffisante. Unealimentation correcte doit permettre, non seulementd’éviter les carences, mais aussi d’être durablementen bonne santé. La définition de la « bonne santé »,donnée par l’Organisation mondiale de la santé(OMS), est généralement acceptée : « Est en bonne

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santé, un individu qui vit dans un état de bien-êtrephysique et psychique, et se trouve donc capable deréaliser toutes ses potentialités ».

Les besoins sont normalement couverts parl’alimentation quand elle est suffisante et variée.Certaines vitamines peuvent être en partiesynthétisées dans l’organisme. Les caroténoïdespeuvent, par exemple, se transformer en vitamine Aquand les apports de rétinol ne sont pas suffisants.Un apport minimal de rétinol reste cependantnécessaire. En France, les deux tiers de la ration envitamine D sont d’origine endogène. La synthèse devitamine D, sous l’effet du rayonnement solaire,permet de couvrir le reste des besoins. On voit que lemode de vie peut avoir, dans ce cas, un rôle essentielet des conséquences à plus ou moins long terme.

Les apports nutritionnels conseillés (ANC)(1) sontceux que recommandent les experts des organismesofficiels. Ces apports sont, en France, calculés pourcouvrir les besoins quotidiens normaux de lapopulation. Ils ne prennent pas en compte lesbesoins particuliers de certains individus qui ont unmode de vie ou une pathologie responsables d’uneaugmentation des besoins. Les médecins doiventdonc considérer les ANC comme le besoin basal, ettenir compte du fait que la maladie ou sontraitement peuvent augmenter ce besoin.

Les ANC varient en fonction du sexe et de l’âge(tableau I). Ils sont adaptés aux besoins parfoisspécifiques d’une population définie. Ils sontrégulièrement réévalués en fonction des acquisitionsscientifiques.

Si les ANC ne sont pas atteints, il n’y a pasforcément carence. Le risque que les apports

al imentaires soient alors insuffisants estproportionnel à l’écart entre ces apports et les ANC.

‚ Sources de vitaminesLes vitamines sont normalement apportées par

l’alimentation. Une ration suffisante sur le planquantitatif et équilibrée permet de couvrir, sansdifficulté, les besoins de l’individu. Cependant, lesvitamines présentes dans les aliments peuvent êtredétruites, car ces composés organiques sont fragiles.Leur vulnérabilité est très variable. Les agents« agresseurs » sont généralement rencontrés dans lecursus des matières premières, et les technologiesagroalimentaires et culinaires courantes (tableau II).

L’évolution des modes de vie dans notre pays afavorisé la multiplication des facteurs délétères àl’égard des vitamines alimentaires. L’industriali-sation, l’urbanisation et l’allongement des circuits dedistribution alimentaire ont certes favorisé ladiversification des rations, mais, à l’inverse, ontpermis de consommer des aliments longuementconservés, produits des semaines ou des moisauparavant.

L’industrie agroalimentaire a pris la mesure duphénomène et propose de plus en plus auconsommateur des aliments dont la teneur envitamines est garantie, voire renforcée. Lesindustriels qui commercialisent des produits à teneur

garantie s’engagent à restituer à l’aliment sa teneurvitaminique initiale, dans une limite de 80 à 200 %de cette teneur. La composition doit être précisée surl’emballage. Elle est parfois exprimée enpourcentage des ANC moyens.

Après avoir lentement évolué à l’occasion destransformations induites par l’urbanisation, lamécanisation du travail et des transports, lacivilisation des loisirs, la demande du consommateurs’est progressivement orientée vers la recherched’aliments susceptibles de favoriser la santé.

Cette recherche de santé, de forme et de bien-êtrepar l’alimentation a une traduction dans lacomposition générale des rations alimentaires, etdonc dans leur profil vitaminique.

La recherche de la maîtrise du poids aboutitégalement à des pratiques diététiques quiretentissent sur la composition micronutritionnelledes rations.

Enfin, le recours à des aliments raffinés, jeunes,provenant de cultures ou d’élevages accélérés aumaximum pour améliorer la rentabilité desexploitations et suivre le goût des consommateurs,tend à appauvrir la ration vitaminique. Si l’onexcepte les boissons alcoolisées, dont laconsommation est fort ancienne, la consommationparfois massive, dans certaines catégories de

(1) Se reporter aux « Apports nutritionnels conseillés pour lapopulationfrançaise» [4].Cesapportssontrégulièrementréévaluéspar les comités d’experts et prennent en compte l’évolution dumode de vie, des habitudes et de l’état sanitaire, ainsi que lestravaux scientifiques fondamentaux qui permettent de faireévoluer lesconcepts.

Tableau I. – Apports conseillés[5] et doses limites de sécurité[2] dans la consommation des vitamines.

A D(4) E K B1 B2 PP B5 B6 B9 B12 C

µg(2) UI UI µg mg mg mg EN(3) mg mg µg µg mg

Enfants 1 à 3 ans 400 400 7 15 0,7 0,8 9 3 0,8 100 2 35

Enfants 4 à 9 ans 600 400 10 25 0,8 1,0 12 5 1,0 200 2 50

Garçons 10 à 12 800 400 15 30 1,2 1,4 14 8 1,4 200 2 60

Filles 10 à 12 800 400 15 30 1,2 1,4 14 8 1,4 200 2 60

Adolescents 13 à 19 1000 400 18 35 1,5 1,8 18 10 1,8 300 3 80

Adolescentes 13 à 19 800 400 18 35 1,3 1,5 15 10 1,5 300 3 80

Hommes adultes 1000 400 18 45 1,5 1,8 18 10 1,8 300 3 80

Femmes adultes 800 400 18 35 1,3 1,5 15 10 1,5 300 3 80

Femmes enceintes 1000 800 18 45 1,8 1,8 20 10 1,8 500 4 90

Femmes allaitantes 1300 600 18 55 1,8 1,8 20 10 1,8 500 4 90

Personnes âgées valides 800 480 18 35 1,3 1,5 15 10 1,5 300 3 80

DLS(1) (en ANC) 1 2,5 4 ND * * 2 * 2 2 * 12

(1) : DLS : Dose limite de sécurité. Doses proposées dans le rapport du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France[2], correspondant au dixième de la plus petite dose pour laquelle un effet secondaire a été observé. Ces niveaux deconsommation peuvent être maintenus sans limite de temps. Unité d’expression : multiple des apports nutritionnels conseillés (ANC) pour la catégorie d’âge considérée ; ND : non déterminée.* : En l’absence d’effet toxique connu, la détermination de DLS apparaît sans justification.(2) : µg ER =µg d’équivalent rétinol. Cette expression permet de prendre en compte les apports vitaminiques potentiels dus aux caroténoïdes.(3) : mg EN = mg d’équivalent niacine. Une partie de la PP peut être synthétisée à partir du tryptophane.(4) : La vitamine D n’est que partiellement apportée par l’alimentation. En France, plus de la moitié provient de la synthèse par effet de l’exposition solaire.

Tableau II. – Facteurs susceptibles de réduire la teneur des aliments en vitamines.

Agents Conditions Vitamines les plus concernées

Oxygène Transport, stockage, préparation,cuisson

A, D, E, B9, C

Chaleur Cuisson, stockage, réchauffage B1, CpH (acides et/ou bases) Eau de cuisson, conservation,

recette cuisineK, B1, B2, B9, B12, acide pantothénique, C

Rayonnement Conservation C, A, B12Lumière Stockage, préparation B12, A, D, KDilution, rinçage Nettoyage, blanchiment, cuisson à

grande eauToutes les vitamines hydrosolubles

Chélation Composition de l’aliment et additifs B9Élimination Raffınage industriel des céréales Groupe B, E

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population, d’aliments à faible densité nutritionnelle(en particulier de boissons sucrées et de produitsriches en énergie et pauvres, voire dépourvus devitamines) est relativement récente.

La question de la densité nutritionnelle (vitamineen mg/énergie en kcal) des aliments est essentielle,car elle permet de prévoir l’évolution de la rationvitaminique en fonction du niveau énergétique desrations. En cas d’utilisation des mêmes aliments pourun « régime amaigrissant », il est facile de calculer àpartir de quel niveau énergétique les ANC envitamines ne seront plus couverts.

■Diagnostic des déficiences

et des carences

Les carences vitaminiques sont rares dans lespays développés. De véritables carences avéréessont cependant diagnostiquées chez des patientsdénutris ou porteurs de pathologies spécifiques. Lesdéficiences vitaminiques sont, en revanche,fréquentes. Elles n’ont généralement aucunetraduction clinique évidente. Elles fragilisent lesindividus qui en sont affectés et peuvent, à l’occasiond’un épisode intercurrent, accélérer le dévelop-pement d’une carence véritable, posant alors unproblème immédiat.

Un sujet qui reçoit durablement une rationvitaminique inférieure à ses besoins développe, àterme, une déficience puis une carence en vitamine(fig 1). Ce postulat est compliqué par plusieursdonnées. L’importance des stocks, la vitesse durenouvellement des réserves vitaminiques, lacapacité de l’organisme à s’adapter, sont autant defacteurs qui influent sur la symptomatologie et lacinétique de la maladie carentielle.

Trois voies diagnostiques sont possibles pourétudier, de façon ponctuelle, le statut vitaminiqued’un sujet ou d’une population : examen clinique,

évaluation des apports, biologie. Il est souhaitable deles associer pour pouvoir constituer un faisceaud’arguments en cas d’anomalie fruste.

Les études prospectives recherchent la correction(tests thérapeutiques) ou la prévention (étudesd’intervention comme SUVIMAX(2) de certainesanomalies, de pathologies ou d’états morbides.Seules, des enquêtes de ce type permettent d’établirque la relation statistique entre deux phénomènesest de type causal.

‚ Clinique

Les signes cliniques de carence sont classiques,mais peu utilisables en pratique car très tardifs.

La déficience vitaminique, période de carencedébutante, comporte des signes non spécifiques etdiscrets. L’asthénie et l’anorexie, par exemple, sontpresque toujours présentes. L’anorexie pose unproblème particulier : elle aggrave la déficience etpeut donc favoriser le passage à une carence avérée.C’est en particulier le cas chez les personnes âgées.

Par ailleurs, les signes sont d’une grande banalité,et leur manque de spécificité ne permet pas de fairele diagnostic. Ainsi, l’hypervascularisation desconjonctives est beaucoup plus souvent due à unecause locale qu’à un déficit en vitamine C. Pourtant,cette anomalie est présente chez la majorité despatients présentant une déficience biologique envitamine C et chez tous ceux qui ont un scorbut.

L’accumulation des signes cliniques de déficiencenutritionnelle (anomalies cutanéomuqueuses,perturbations fonctionnelles et générales diverses,troubles psychologiques inhabituels …) doit êtreconsidérée comme un signe d’alerte, et doit pousserà rechercher des facteurs de risque de déficiencevitaminique et à s’intéresser aux habitudesalimentaires.

‚ Diététique

Les enquêtes alimentaires destinées à apprécierles rations vitaminiques doivent être précises etsoigneuses. Les calculs s’appuient sur des tables decomposition qui donnent des valeurs moyennes. La

teneur en vitamines peut, nous l’avons signalé plushaut, varier énormément d’un produit à un autre,selon les conditions de préparation, de conservation,de cuisson. L’utilisation de tables de compositionalimentaire, quelle que soit leur qualité, ne peutdonner que des indications relativement imprécises,de valeur limitée chez un sujet isolé (sauf en cas dedéséquilibre grave). En revanche, ces enquêtes sontindispensables à la compréhension du statutvitaminique de groupes de populations.

Pour leur interprétation, les résultats des enquêtessont généralement comparés aux ANC despopulations étudiées.

Les médecins disposent rarement du concours dediététiciens rompus à ce type d’enquête.

Certains groupes alimentaires sont-ils exclus ousous-représentés ? Le niveau énergétique des rationsest-il suffisant ? Les techniques culinaires sont-ellesagressives pour les vitamines ?

À titre d’exemples, on peut citer la carence envitamine B12 des personnes consommant unealimentation végétalienne (sans produits animauxd’aucune sorte et sans levure), la déficience enfolates et en vitamine C des individus neconsommant aucun légume, le probable déficit envitamine B2 de ceux qui n’ingèrent ni lait nilaitages…

‚ Biologie

Les signes biologiques de déficience vitaminiqueprécèdent généralement tous les autres. L’étude descarences expérimentales a permis de comprendre ledéveloppement et la cinétique des carences. Chaquevitamine a, sur ce plan, des spécificités.

Il faut d’abord souligner que les dosagesvitaminiques sont onéreux, d’interprétation parfoisdifficile, et que les examens biologiques utilesdoivent être adaptés à l’objectif poursuivi. Il peut êtrenécessaire d’employer plusieurs méthodes dedosages pour une même vitamine. Les laboratoiressusceptibles de réaliser ce type de déterminationsont rares et, pour certaines vitamines, les dosagessont exclusivement consacrés à la recherche.

Il est possible de classer les méthodes disponiblesen plusieurs catégories :

– méthodes dosant la vitamine et ses diversesformes (vitamers) dans le milieu circulant, les cellulescirculantes ou hépatiques ;

– méthodes permettant l’évaluation du bilanvitaminique (dosages urinaires de vitamines ou deleurs métabolites) ;

(2) SUVIMAX:étudeavecinterventionsedéroulantenFrance,pourune durée de 8 ans, avec surveillance d’une cohorte de 14 000volontaires recevant une association de vitamines et de minérauxantioxydants, à dose nutritionnelle. Cette enquête est notammentdestinée à apprécier l’effet de la supplémentation sur l’apparitionde pathologies qui pourraient être reliées aux radicaux libres(athérosclérose, cancers, cataractes).

Statutnormal

Déficience

Carence

Mort de l'animal

Stades des carences

Apports insuffisants

Épuisement des réserves

Phase biologique

Manifestations fonctionnelles

Signes cliniques réversibles

Anomalies organiques irréversibles

Pour certaines vitamines

1 Stades des carences.

Savoir quand évoquer une déficiencevitaminique✔ Le diagnostic de déficiencevitaminique est rarement possible enpratique médicale courante.✔ Il repose sur un faisceaud’arguments définissant le niveau derisque de déficience.

Y a-t-il un risque de carenced’apport ?✔ Les apports sont-ils corrects ?✔ Le niveau énergétique de la rationest-il suffisant ?✔ La diversité des sourcesalimentaires est-elle grande ?

Des marqueurs du risque de déficienceou de carence d’apport peuvent êtremis en évidence simplement, àl’interrogatoire, par le médecinpraticien.

Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours - 3-0890

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– appréciation fonctionnelle de la fonctionvitaminique et de la possibilité de « stimuler » cetteactivité par adjonction de vitamine activée (testsd’activation enzymatique, surtout utilisés pour lesvitamines B1, B2 et B6) ;

– évaluation indirecte par dosage de métabolitescirculants dont la teneur est plus ou moinsdirectement liée à l’imprégnation vitaminique, quece soit dans des conditions basales ou parstimulation dans certains « tests de charge ».

Les techniques biochimiques mises en œuvrepeuvent uti l iser des isotopes, de l ’HPLC(chromatographie liquide à haute pression), diversesréactions colorimétriques ou fluorométriques, desméthodes microbiologiques… Plusieurs dizaines deméthodes sont parfois disponibles pour une seulevitamine, ce qui traduit à la fois l’intensité de larecherche et le fait que les difficultés ne sont pastoutes surmontées.

Dans la pratique médicale courante, les dosagesne sont utiles que dans de rares circonstances, et neconcernent que quelques vitamines (B12, folates, D,parfois B1). Dans tous les autres cas, même si celan’est pas très satisfaisant sur le plan intellectuel et

que la rigueur scientifique n’est pas respectée, ilfaut reconnaître que le prix d’un dosage étant trèssupérieur à celui de plusieurs semaines detraitement, il semble parfois justifié de traiter sansdiagnostic précis.

‚ Intervention

Les tests thérapeutiques individuels ontmauvaise réputation, car ils peuvent être à l’originede dérives et peuvent conduire à traiter, par desvitamines, des anomalies qui ne correspondent pasà des déficiences ou des carences. Même si l’alopécieest un signe de la carence grave en biotine, traiterpar la biotine une alopécie d’origine hormonalen’est, a priori, ni dangereux, ni justifié.

Les études avec intervention portant sur despopulations nombreuses et représentativespermettent d’étudier les caractéristiques de lapopulation et d’en tirer éventuellement desconclusions étiologiques extrapolables. Quand ils’agit de la prévention de phénomènes commel’athérosclérose et la cancérogenèse, la durée del’étude est nécessairement très longue.

■Facteurs de risque et principaux

groupes à risque de déficience

‚ Déterminant des groupesà risque de déficience

Les facteurs de risque de déficience sont résumésdans le tableau III.

Le risque pour un sujet de ne pas couvrir sesbesoins en vitamines peut être dû à :

– des besoins élevés sur une période plus oumoins longue ;

Tableau III. – Facteurs de risque de déficience en rapport avec le métabolisme des vitamines.

Vitamine

Fragilitéaux agentsphysicochi-miques(1)

Composition alimentaire Métabolisme Interférences médicaments

Index derisque(2) Ubiquité Index de

risque(3) Points faibles Index derisque(4) Médicaments incriminés

A 6 2 Graisses animales, laitages 1 2 Néomycine, cholestyramine,antiacides, huile de paraffine

Caroténoïdes 6 2 Végétaux colorés 1 ? Peu étudié

D 7 3 Graisses animales, laitages 3 Exposition solaire néces-saire

2 Anticonvulsivants, antibioti-ques, cholestyramine

E 4 2 Graisses végétales 2 Absorption diffıcile 1 Chélateurs

K 5 1 Certains végétaux, floreintestinale

2 Flore intestinale, métabo-lisme hépatique

2 AntibiotiquesAntivitamine K

C 8 2 Végétaux, vitamine trèsfragile

1 Besoin le plus élevé, réser-ves faibles

2 Kanamycine, PAS et salicyla-tes, calcitonine, corticoïdes

B1 7 2 Céréales, viandes 2 Absorption active, rôles trèsdivers, réserves faibles

1 Antiacides, 5FU

B2 5 2 Laitages 1 1 Phénothiazine

B6 3 1 Toutes sources protéiques 2 Rôles très divers 2 INH, pénicillamine, hydrala-zine

Folates 7 2 Végétaux 2 Absorption,transformations,rôle clé dans le métabo-lisme des acides nucléiques

3 Triméthroprime, sulfasalazine,cholestyramine, protoxyded’azote, antimitotiques, li-thium,anticonvulsivants,triamtérène, œstrogènes

B12 8 2 Produits animaux 3 Absorption et transporteurs 3 PAS, salicylés, colchinine, met-formine, cholestyramine, pro-toxyde d’azote, méthotrexate,contraceptifs oraux

Biotine 3 1 Produits laitiers, céréales 1 1 Anticonvulsivants

PP 1 1 Toutes sources protéiques 1 ? Non connus

Acidepantothéni-

que

6 1 1 ? Non connus

Les index utilisés sont arbitraires. Ils sont d’autant plus élevés que le risque de déficience est plus grand.(1) : Stabilité index = addition de tous les coefficients de sensibilité aux agents physicochimiques (chaleur, lumière, oxydants, réducteurs, humidité, acides, bases). Codifié selon l’échelle : stable = 0, sensible = 1, très sensible = 2.(2) : Ubiquité; 1 = grande ubiquité, 2 = relativement limitée, 3 = très limitée.(3) : Fragilité du métabolisme; 1 = peu de fragilité, 2 = fragilité élevée, 3 = fragilité très élevée.(4) : Sensibilité aux médicaments; 1 = peu ou pas de sensibilité, 2 = sensibilité élevée, 3 = sensibilité très élevée, ? = sensibilité inconnue.PAS : acide para-amino-salicylique ; INH : acide isonicotinique hydrazide.

Y a-t-il des causes physiologiques oupathologiques d’augmentation desbesoins ?✔ Groupe d’âge à besoin élevé ?✔ Perturbations du métabolismevitaminique ?✔ Interférences entre métabolismesdes vitamines et des médicaments ?✔ Consommation excessive d’alcool ?

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– des apports alimentaires bas en vitamines ;– la conjonction, fréquente dans certains groupes

de population, de ces deux facteurs.

‚ Déficiences polyvitaminiques

Les enquêtes vitaminiques réalisées dans lapopulation ambulatoire, en bonne santé apparente,mettent en évidence les éléments suivants :

– des groupes de population d’importancenumérique variable, mais non négligeable pourcertaines vitamines, ont des apports alimentairesbas, infér ieurs ou très infér ieurs auxrecommandations ;

– les dosages biologiques mettent en évidencedes anomalies considérées comme caractéristiquesde carences vitaminiques, dans des proportions làaussi variables mais significatives ;

– les déficiences sont d’autant plus rares que lavitamine est susceptible d’être stockée et qu’elle estprésente dans de nombreux aliments ;

– les déficiences sont souvent multivitaminiques,les facteurs favorisant le déficit (densité nutritionnellebasse, alimentation hypoénergétique, malab-sorption …) ayant un impact global sur la qualité dela ration alimentaire ou l’absorption intestinale desvitamines.

‚ Déficiences spécifiques

Elles peuvent apparaître dans des conditionsparticulières et pour certaines vitamines. Parmi lesfacteurs de risque de déficience, certains tiennentaux individus, d’autres à des particularitésmétaboliques des vitamines elles-mêmes(tableau IV).

Vitamine D

Le rachitisme, qui est devenu rare compte tenu dela politique de prévention systématique mise enœuvre, existe toujours, en dehors de toute anomaliemétabolique, dans certaines couches de lapopulation. Le diagnostic est relativement simple.Les enfants faisant l’objet d’une surveillancemédicale systématique sont facilement dépistés.

Les déficiences vitaminiques D chez l’adulte sontsournoises. Elles peuvent évoluer pendant denombreuses années avant d’avoir une traductionclinique ou radiologique. L’ostéopénie estmultifactorielle. Elle est responsable de nombreuxaccidents fracturaires et de tassements vertébrauxqui constituent un véritable problème de santépublique. Les personnes vivant en atmosphèreconfinée, celles qui n’ont pas d’exposition au soleil,ne reçoivent pas une quantité suffisante derayonnement solaire pour couvrir leurs besoins envitamine D s’il n’y a pas de supplémentation. Laration alimentaire habituelle ne représente en effetque le tiers des besoins. Cette déficience chroniqueen vitamine D représente une cause de fragilisationosseuse qui est corrigée dans des études avecintervention (apports renforcés en vitamine D etcalcium) menées sur des personnes âgées vivant eninstitution.

Vitamines liposolubles

Elles sont, dans leur ensemble, très mal absorbéesen cas de malabsorption des graisses : pancréatitechronique, ictère par rétention chronique,mucoviscidose, grêle court, malabsorptions dediverses origines. La déficience en vitamine K estfacilement mise en évidence par la mesure de laprothrombine. Les mesures de vitamines A et E sontdifficiles à interpréter, car elles sont régulées pourl’une, et reliées à de nombreux paramètres dumétabolisme des lipides circulants pour l’autre.

Vitamine B12

En dehors du problème du végétalisme, dans lespays développés le statut en vitamine B12 est correct(s’il n’y a pas de perturbation de son absorption[maladie de Biermer, gastrectomies, résection desdernières anses de l’intestin grêle, achlorhydriespathologiques ou médicamenteuses).

Les signes hématologiques de la maladie deBiermer peuvent être évités par des traitementsabusifs à de fortes doses de folates. L’atteinteneurologique caractéristique continue à évoluer.

Le traitement de la carence d’apport peut êtreréalisé par des doses physiologiques de B12 per os.

En cas de maladie de Biermer, le recours à la voieparentérale est préférable, au moins au début. Lavitamine B12 à fortes doses peut aussi être délivréepar voie orale, car la diffusion passive suffit àl’absorption des faibles doses nécessaires. Il arriveque des malades, changeant de médecin, oublientde signaler leur maladie. Il faut alors au moins 2 ou 3ans pour que l ’anémie mégaloblast iquecaractéristique se manifeste de nouveau.

Les enquêtes montrent que dans lespays développés, des groupes de sujetsont des apports vitaminiquesinsuffisants et des marqueursbiologiques traduisant des déficiencesplus ou moins latentes.

Tableau IV. – Groupes à risque de déficience ou de carence.

Critères/vitamines A D E K B1 B2 B6 B8 B9 B12 PP C

Âge et état physiologique

Femmes enceintes et allaitantes + + + +++ ++ +

Prématurés + +++ +++ +++ + ++ +

Nourrissons, enfants ++ L’état nutritionnel de la mère retentit sur la qualité du lait. Vitamine K si nourri au sein, vitamine B6 sinourri au lait de chèvre. Importance de la période de diversification alimentaire

Adolescents ++ Période de besoins élevés et de désordres alimentaires, peu de travaux épidémiologiques spécifiques

Personnes âgées + +++ + + + +++ ++ +

Pathologies

Dénutritions ++ + + + + + ++ + + +

Malabsorptions ++ ++ ++ + + + + + ++ ++ + +

Sida + + + + + + + + ++ + + +

Alcoolisme + ++ ++ + ++ ++ + +

Cirrhose + ++ + ++ + + + + ++ + + +

Tabagisme + + +

Dialyse Toutes les vitamines hydrosolubles sont concernées

Traitement médicamenteux ++ + + + + ++ +

Habitudes alimentaires

Alimentation monotone Dépend de la sélection alimentaire et des groupes d’aliments non consommés

Végétalisme ++ + ++

Hypocalorique + + + + + + + + + + + +

Régime sans résidus + + ++ ++

Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours - 3-0890

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Folates

Les déficiences isolées en folates ne sont pasexceptionnelles. Elles sont souvent polyfactorielles,associant des alimentations pauvres en vitamines oucomportant des chélateurs comme les acidestanniques, des perturbations de l’absorption et uneaugmentation des besoins. Il est nécessaire des’interroger particulièrement sur ce problème en casde grossesse débutante, et plus généralement cheztoute femme en âge d’avoir des enfants. Le spinabifida est fréquent chez les enfants de femmescarencées en folates. La prévention est possible parl’administration extrêmement précoce de folates.Dans certaines populations [3, 11], la prescriptionsystématique de polyvitamines, et en particulier defolates, constitue une prévention efficace de cettemalformation, même administrée à des femmessans antécédent d’enfant précédemment mal formé.

Une attention particulière doit être apportée auxpersonnes sous anticonvulsivants et aux alcooliqueschroniques.

Vitamine B1 (thiamine)

La ration en vitamine B1 est normalement assezfacilement couverte, car elle est véhiculée par desaliments variés. Les buveurs excessifs d’alcoolcourent un risque de déficience et de carencesusceptible de provoquer ou de favoriser diversescomplications : cardiomyopathie, polynévritealcoolique, encéphalopathie carentielle deGayet-Wernicke, syndrome de Korsakoff. Cessyndromes comportent souvent des carencespolyvitaminiques dues à la fois :

– à la baisse de la densité nutritionnelle desrations (les boissons alcoolisées ne comportent pasde vitamines, à l’exception de la bière) ;

– aux perturbations de l’absorption et/ou dustockage en cas d’atteinte hépatique ;

– à l’augmentation des besoins, le catabolismede l’éthanol consommant de grandes quantités devitamines hydrosolubles.

■Prescription des vitamines

en pratique

‚ Y penser

Devant un patient, il faut évaluer les facteurs derisque de déficience vitaminique. Quelques mesuresd’hygiène suffisent généralement, à condition d’êtresuivies, à éviter les problèmes… Chacun sait commeil est difficile d’infléchir les habitudes alimentairesd’un sujet. Si le risque persiste, il est préférable deproposer des mesures correctrices adaptées.

‚ Donner ce qui est nécessaire

En cas de déficience, plusieurs micronutrimentssont généralement « à risque ». Dans la mesure où ilest impossible de prévoir exactement lesquels, il estpréférable de recourir à des préparationspolyvitaminées équilibrées, dans des proportionsproches d’une fraction des apports conseillés.

En cas de carence, il faut administrer la vitamineen cause à fortes doses, et s’assurer que le reste de laration est correctement couvert. Les interrelations quiexistent entre les métabolismes doivent conduire àdes prescriptions prenant en compte l’ensemble desproblèmes de déficience.

‚ Ne pas donner plus que nécessaire :innocuité et toxicité des vitamines

À l’exception des vitamines A et D, la toxicité desvitamines, au sens pharmacologique outoxicologique du terme, est très faible. Ceci ne sauraitjustifier des comportements anarchiques en matièrede consommation ou de prescription.

Dans la plupart des cas, il est possible, sans lemoindre trouble apparent, d’ingérer ou d’injecter desdoses unitaires couvrant les besoins de plusieurssemaines ou mois, voire années (vitamine B12).

Le principe d’action de certains médicaments estjustement leur activité antivitaminique. Il est parfoisnécessaire de régulariser le niveau des apports(vitamine K et traitements anticoagulants).

Il faut éviter les fortes doses de vitamine B6 en casde traitement par la lévodopa, du fait desinterférences métaboliques qui rendent le traitementmoins actif.

De très fortes doses de folates injectées à despatients épileptiques pourraient potentialiserl’apparition de crises convulsives.

À fortes ou très fortes doses (de dix fois à 1 000ANC selon les cas), les vitamines sont desmédicaments qui entraînent parfois des effetssecondaires ou des intolérances.

Ainsi, les très fortes doses de vitamine C (plusieursgrammes) peuvent faciliter l’ insomnie endéclenchant des brûlures épigastriques chez dessujets sensibles. Elles seraient aussi pro-oxydantes,ce qui peut aller à l’encontre d’une partie des effetsrecherchés. Quant au rôle excitant de la vitamine C, iln’est évident que chez les sujets atteints de scorbut.

Concernant la vitamine A, sa toxicité est connuedepuis très longtemps. Le seuil toxique peut êtreatteint par la consommation abusive de produits trèsriches en rétinol, comme le foie d’animauxcarnivores ou de poissons des mers froides qui, enbout de chaîne alimentaire, peuvent en concentrerd’importantes quantités. Le risque de surchargemédicamenteuse est devenu minime depuis que lerétinol a été remplacé, dans ses indicationsprincipales (traitements à visée dermatologique), pardes rétinoïdes de synthèse (qui ont leur propretoxicité). Les signes de surcharge dermatologique,hépatique, neurologique, osseuse sont variablesselon l’âge du sujet.

Le rétinol peut avoir une toxicité fœtale et, en casd’ingestion de fortes doses en début de grossesse,entraîner l ’appari t ion de malformationscongénitales. Parmi la quinzaine de cas publiés, il n’ajamais été décrit d’accident sérieusementdocumenté pour des doses inférieures à 25 000 UI/j(environ 10 ANC). La ration totale de rétinolpréformé (les caroténoïdes provitaminiques nedoivent pas être considérés dans ce calcul) comporteles apports alimentaires et les éventuellessupplémentations. Certains aliments, comme le foiede boucherie, peuvent renfermer des quantités trèsimportantes de rétinol, du fait de la supplémentationinconsidérée des animaux. Ceci a conduit desauteurs anglais à recommander aux femmesenceintes de s’abstenir de consommer du foie,pourtant précieux en matière de couverture des

besoins micronutritionnels. L’excès de rétinol est,tout comme sa carence, tératogène, et d’autresauteurs se préoccupent maintenant des déficiencesnutritionnelles que ce type de message peut induire.La supplémentation en vitamine A des femmes endébut de grossesse doit être très modérée. Lacouverture des ANC est l’objectif à atteindre.

La vitamine D est toxique à doses excessives.Dans la pratique, il faut des doses proches de 10ANC sur de longues périodes pour atteindre le seuiltoxique et observer les signes, parfois graves, del’intoxication chronique : hypercalcémie et, au longcours, perturbations osseuses ou rénales graves,hypertension intracrânienne chez l’enfant. La luttecontre le rachitisme est bien organisée en France, etles cas de surcharge en vitamine D sont devenus trèsrares avec l’éducation des mères.

Des cas d’intoxications par la vitamine B6 ont étédécrits chez des sujets recevant des doses trèsimportantes pendant plusieurs mois. Ce fait a amenéle Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France àproposer une dose limite de sécurité pour laconsommation journalière au long cours devitamine B6. Cette dose a été fixée à 2,5 fois les ANC(tableau I).

■Vitamines « protectrices »

La genèse, dans diverses circonstancesphysiologiques ou pathologiques, de radicaux libres,généralement dérivés de l’oxygène, est connuedepuis longtemps. Ces radicaux, très instables du faitde la perte d’un électron, cherchent dans leurenvironnement immédiat un électron susceptible deles stabiliser. Cette capture électronique se fait audétriment de structures importantes telles que lesacides gras poly-insaturés, les acides nucléiques. Lafluidité des membranes cellulaires, les transporteurslipoprotéiques, le code génétique, la souplesse destissus de soutien, de façon générale toutes lesstructures durables, les molécules volumineuses etfragiles sont à la merci de ces agressions. Autreparticularité, les détériorations que subissent desstructures s’aggravent avec le temps et deviennentplus difficiles à réparer. Elles sont proportionnelles àla durée de l’agression et donc à l’âge.

‚ Athérosclérose

Les recherches concernant l’efficacité desupplémentations en vitamines antioxydantes dansla protection vasculaire sont très actives. Des rationsde vitamine E de l’ordre de 50 à 200 UI sont misesen évidence chez des sujets ayant un risque relatifd’accident coronarien significativement réduit. Lavitamine E a de multiples points d’impact sur lesfacteurs athérogènes, qu’ils soient liés aumétabolisme de l’endothélium vasculaire, à celui deslipoprotéines ou à la microrhéologie.

‚ Cancer

Des arguments épidémiologiques convaincantsont permis d’établir qu’il existe des différencesd’incidence de certaines variétés de cancers(épithéliaux en particulier) en fonction des habitudesalimentaires. Les sujets qui absorbent des rationsriches en vitamine A, en caroténoïdes, en vitamine C,ont moins de cancers que les autres. Des étudesprospectives, avec intervention, furent donc mises en

✔ L’opulence alimentaire, n’impliquepas que l’on soit bien nourri.✔ Obésité et carence ne sont pasincompatibles.

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place. Certaines ont donné des résultats positifs.Deux d’entre elles ont fait apparaître un résultatparadoxal. Les sujets qui reçoivent du bêtacarotèneont une incidence supérieure de cancer bronchique.

‚ Pathologies « dégénératives »

Des travaux actifs portent sur la prévention de lacataracte par la vitamine C. Ils sont en coursd’évaluation et sont basés sur des considérationsépidémiologiques et expérimentales.

Les recherches engagées dans la voie de larecherche d’un effet préventif des micronutrimentsantioxydants vis-à-vis des maladies neurologiquesdégénératives (maladie d’Alzheimer, maladie deParkinson, dégénérescences neurologiques diverses)n’ont pas eu, jusqu’à maintenant, de conclusionutilisable.

‚ Spina bifida

La prévention par les complexes polyvitami-niques et en particulier par les folates, de la récidivedu spina bifida chez les enfants des femmes ayantdéjà eu un enfant atteint, est efficace dans certaineszones du globe où l’incidence de cette malformationest forte.

Plus récemment, il a été démontré que dans unepopulation d’Europe centrale, la supplémentationsystématique, réalisée dans des conditionsscientifiques satisfaisantes, a un effet préventifsignificatif.

Le problème que pose cette supplémentation estqu’il faudrait qu’elle soit prise, en pratique, dès laconception. C’est pour cette raison que la SociétéNord-Américaine de Pédiatrie préconise que l’onassure à toutes les femmes en âge de procréer desapports en folates au moins égaux à 300 mg/j. Onpeut atteindre sans difficultés un tel niveau enconsommant des légumes verts, cuisinés

correctement. L’expérience montre cependant quede nombreuses jeunes femmes ont des rations quirestent éloignées de ce niveau d’apport en folates.En cas de début de grossesse difficile (vomissementsou anorexie), le risque de carence survenant aumoment de la fermeture du tube neural est grand,avec toutes ses conséquences.

■Conclusion

Depuis la mise à la disposition des thérapeutesdes fortes doses, rendue possible par la synthèseindustrielle, les vitamines ont été employées dansdes indicat ions diverses. Certaines sontincontestables :

– la correction des carences plus ou moinsspécifiques relève sans conteste de la prescription dela ou des vitamines déficientes ;

– la déficience vitaminique (carence fruste), peutêtre prévenue par l’administration systématique defaibles doses de vitamines à titre préventif ;

– l’utilisation de fortes ou très fortes doses devitamines pour corriger des symptômes que l’onrencontre dans les carences (même s’il n’y a pas decarence) a été longtemps prônée avec des fortunesdiverses. Ces indications sont progressivementabandonnées devant l’apparition de médicamentsspécifiques, souvent plus efficaces.

Depuis quelques années, l’intérêt des chercheurss’est tourné vers les conséquences à long terme desdéficiences vitaminiques et la pathogénie de certainsétats pathologiques multifactoriels, dans lesquels desmécanismes protecteurs insuffisants sont mis encause. Ainsi, la protection contre les effets délétèresdes radicaux libres qui participent à la genèse de

lésions telles que l’athérosclérose ou à l’initiation decertaines formes de cancers fait elle l’objet derecherches très actives.

De facteurs de correction de grandes endémiesnutritionnelles, hélas toujours d’actualité danscertains pays sous-développés, les vitamines sontperçues maintenant comme facteurs de maintiend’un bon état de santé.

De nombreuses questions méritent d’être posées.Une alimentation équilibrée de type méditerranéen,riche en végétaux colorés est, incontestablement,facteur de santé et de longévité. Les vitamines, etplus généralement les micronutriments qui sontabondants dans ce type de régime, ont-ils, in vivo,des propriétés protectrices, notamment envers lesagressions radicalaires responsables de maladiesliées à l’âge ?

Faut-il définir de nouveaux objectifs de santé pourétablir les bases de calcul des ANC intégrant cettepossibilité de protection ?

Le débat reste ouvert et le caractère appa-remment paradoxal des résultats enregistrés danscertaines études d’intervention (légère augmentationde l’incidence du cancer du poumon chez desvolontaires recevant une supplémentation enbêtacarotène), doit inciter à la prudence et à lapoursuite des recherches.

Pour le moment, il faut continuer à souligner quele risque de déficience existe et qu’il peut être évalué.Des mesures préventives, purement alimentaires(alimentation suffisante et variée), ou faisant appel àdes compléments alimentaires, sont faciles àprendre.

Il faut rappeler aux thérapeutes que les carencesvitaminiques n’ont pas disparu, et que la démarchediagnostique doit comporter l’évaluation du risquede carences induit par les états pathologiques etleurs traitements.

Alain Lemoine : Médecin des Hôpitaux,service de gastroentérologie et nutrition, centre hospitalier de Nevers, 1, avenue Colbert, 58033 Nevers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemoine A. Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0890, 1998, 7 p

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Nutrition et diabète :

diététique pratique

H. Gin

L a prescription diététique chez un patient diabétique ne peut s’envisager qu’après un diagnostic étiologiqueprécis, c’est-à-dire en ayant une idée certaine du type de diabète ; elle ne peut se concevoir que dans le cadre

d’une bonne connaissance du rapport aliment-nutriment. L’apport calorique est respecté chez le patient diabétiquede type 1 et est réduit chez le patient diabétique de type 2 en surcharge pondérale. L’apport glucidique représente45 à 50 % de la ration calorique prescrite ; la bonne connaissance des équivalences glucidiques assure au patientdiabétique de type 1 une bonne gestion de son insulinothérapie ; le respect d’une ration glucidique suffisante chez lepatient diabétique de type 2 est un bon moyen de lutter contre l’insulinorésistance. L’apport lipidique est ce qui doitêtre restreint le plus en luttant contre les graisses saturées ; il ne doit pas dépasser 35 % de la ration calorique, quelque soit le type de diabète. Enfin, un bon contrôle de l’apport protidique au-dessous de 1 g/kg/j est un excellentmoyen de préserver une fonction rénale. Toutes ces notions ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une bonnepédagogie diététique où on évite de confondre protides et viande, glucides et pain, lipides et beurre, mais où on aune bonne connaissance de la composition exacte des aliments ; il s’agit d’un acte médical à part entière, relevantd’une bonne connaissance diététique.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète type 1 ; Diabète type 2 ; Aliments – Nutriments ; Apports caloriques, glucidiques, lipidiques

■Introduction

Chaque jour l’homme mange pour satisfaire les besoins énergétiques etplastiques de son organisme ; cependant, les apports sont discontinus et la vie restesans interruption. Les besoins énergétiques sont donc constants tout au long dunycthémère. Pour chaque type de nutriment, il existe un système de régulation ;pour les glucides, ce système est essentiellement représenté par la fonctioninsulinique pancréatique et ses organes cibles qui assurent la mise en stock desapports glucidiques au niveau hépatique et musculaire sous forme de glycogènepuis le déstockage au fur et à mesure des besoins.

Le diabète est donc une maladie où la nutrition et la prise en charge nutritionnellereprésentent une part importante de la prise en charge thérapeutique : il n’y aurapas de suivi correct répondant aux règles de bonne pratique clinique sansprescription adaptée et raisonnée de quelques règles nutritionnelles.

■Rappel et application

‚ Diabète de type 1Il s’agit d’une maladie aboutissant plus ou moins rapidement à une destruction

des cellules bêta avec perte de la fonction insulinique pancréatique. Dans le diabètede type 1, il n’y a pas d’autre anomalie de l’organisme ; l’insuline est susceptible d’yagir de manière normale si elle est distribuée de façon adaptée. La carenceinsulinique se traduit par un amaigrissement portant sur la masse maigre ; sondiagnostic est donc facile : le patient perd du poids, de la masse maigre et lesglycémies montent. Les conséquences thérapeutiques sont donc simples, il importede faire le travail du pancréas. La prise en charge nutritionnelle doit assurer uneadéquation entre les apports glucidiques et les apports insuliniques, avec une bonneconnaissance de la teneur glucidique des différents aliments. Par ailleurs, il faut biense souvenir que le pancréas assure une sécrétion insulinique à chaque repas maisaussi tout au long du nycthémère, c’est-à-dire 24 heures sur 24 ; il faut donc quel’opothérapie insulinique assure une couverture de la totalité du nycthémère pourassurer un traitement correct du diabète.

‚ Diabète de type 2Il s’agit d’une maladie tout à fait différente, centrée certes sur une inadéquation de

sécrétion insulinique, mais la fonction pancréatique reste présente pendantlongtemps. Cette sécrétion pancréatique se trouve face à une entrave à l’action del’insuline ; la sédentarité, la surcharge pondérale, une alimentation trop riche encalories et en graisses saturées sont des facteurs d’entrave à l’action de l’insuline,souvent retrouvés dans notre civilisation moderne, expliquant l’augmentation dunombre de patients diabétiques de type 2.

Le patient diabétique de type 2, cliniquement, est assez souvent facile àreconnaître ; il prend du poids avec une hypertrophie du tissu sous-cutané, et au furet à mesure où le poids augmente, les glycémies s’élèvent ; en revanche, quand il faitattention à son état nutritionnel ou son activité physique, le poids diminue, et alorsles glycémies s’améliorent. Cette évolution, tout à fait caractéristique du diabète detype 2, est importante à retenir. Cependant, parfois il existe quelques situationscliniques où le poids du patient baisse et les glycémies montent : soit le patient estatteint d’une pathologie intercurrente, soit il commence à débuter une carenceinsulinique et évolue alors vers l’insulinorequérance.

Les conséquences nutritionnelles dans le cadre d’un diabète de type 2 sontrelativement simples ; l’essentiel est de ne pas aggraver l’état d’insulinorésistance,voire de l’améliorer. La prise en charge nutritionnelle d’un patient diabétique de type2 consiste donc à bien connaître la relation qui existe entre aliments, nutriments,poids et insulinorésistance.

‚ Complications dégénérativesLes complications dégénératives du diabète à type de microangiopathies ou

macroangiopathies sont directement liées au niveau glycémique. La glycémieengendre une glycation de l’ensemble des protéines et les protéines glyquéessubissent une modification de leur structure ; par ailleurs, le niveau glycémiqueinfluence le comportement rhéologique des hématies et donc la distributiond’oxygène aux différents tissus. Tabac, hypertension et dyslipémies jouent un rôlefavorisant et amplifiant des complications dégénératives ; sur le plan nutritionnel,aussi bien l’hypercholestérolémie que l’hypertriglycéridémie ont été montréescomme des facteurs indépendants des complications dégénératives du diabète ;enfin, en cas de néphropathie, l’hyperfiltration glomérulaire est un facteurd’autoaggravation de la néphropathie.

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L’ensemble de ces données a des conséquences sur la prise en chargenutritionnelle. En effet, tout un chacun sait qu’il n’est pas difficile d’aggraver unehypertriglycéridémie avec un régime un peu trop calorique ou trop riche englucides ; il n’est pas difficile d’aggraver l’évolution de la dégénérescence des paroisvasculaires avec une alimentation riche en acides gras saturés ; il n’est pas difficiled’aggraver l’état d’hyperfiltration glomérulaire, donc l’évolution d’une néphropathieou l’aggravation d’une microprotéinurie avec une diététique trop riche en protéines.

‚ Aliments – Nutriments

Il n’est pas possible d’aborder le principe du conseil diététique simple sans avoirune idée claire sur la différence qu’il y a entre aliments et nutriments et sans sepréparer à une pédagogie efficace auprès des patients. Les médecins parlent deglucides, lipides, protides auxquels les patients associent :

– pour les glucides : pain, féculents et sucreries ;– pour les lipides : beurre et parfois fromage ;– pour les protéines : viande.La pédagogie à ce niveau doit être excessivement intense et bien savoir que si les

sucreries contiennent en effet essentiellement du sucre, le pain n’apporte que 50 %de son poids sous forme de glucides, les féculents dérivés des céréales n’apportentque 20 % de leur poids sous forme de glucides, et les féculents dérivés deslégumineuses sont à la fois riches en glucides mais aussi en protéines et contiennentgénéralement autant de protéines que de glucides. Les lentilles, les haricots secsdoivent être assimilés à des aliments glucidoprotidiques à part équivalente. Pour cequi est des lipides, il est souvent oublié que les charcuteries peuvent contenir 40 à60 % de protéines et il est surtout oublié qu’une viande rouge contient certes de 15 à20 % de protéines, mais contient de 14 à 18 % de lipides, la ration lipidique étantd’autant plus grande que la viande est tendre. Enfin, les notions de densité caloriquedoivent être connues et chacun doit se souvenir que 1 g de glucide apporte 4 cal, 1 gde lipide 9 cal, 1 g de protide 4 cal ; mais pour apporter 1 g de glucide, il faut 2 g depain, pour apporter 1 g de lipide, il suffit de 1 g d’huile. De ces notions, il doit êtreretenu par exemple qu’un patient qui croit faire un régime en ne mangeant queviande grillée et salade a un régime lipidoprotidique aglucidique, mais dont larichesse en lipides assure souvent une densité calorique engendrant une entrave àl’amaigrissement.

■Apport calorique et diabète

L’apport calorique est la première notion qui doit être définie dans le cadre d’uneprescription diététique.

Le patient diabétique de type 1 n’a pas de surpoids, n’a pas d’entrave à l’action del’insuline. Son apport calorique doit donc être normal. En quelque sorte, la rationcalorique habituelle du patient doit être respectée ; il n’y a pas de notion derestriction calorique dans le diabète de type 1.

Le patient diabétique de type 2 a le plus souvent une surcharge pondérale ;celle-ci est un facteur d’entrave à l’action de l’insuline. La perte de poids a donc undouble objectif ; d’une part contrôler les facteurs de morbimorbidité engendrés par lasurcharge pondérale, mais aussi et surtout améliorer la sensibilité à l’insuline et enquelque sorte épargner la fonction pancréatique. La perte de poids ne peut êtreassurée que par une restriction calorique. Il importe donc, soit de donner un régimehypocalorique « standard », ce qui généralement n’est pas la bonne solution, car nonrespecté, soit au contraire de partir de l’apport calorique actuel du patient etdiminuer cet apport calorique de 10 à 15 % de façon progressive, en sachant que laplus grande efficacité consiste à supprimer les aliments lipidiques, voire les caloriesalcooliques. En effet, chaque bouteille de vin apporte 650 à 700 cal.

Une fois la quantité calorique définie, la répartition des différents aliments etnutriments au sein de ce volume calorique est effectuée, en se souvenant bien que,lorsqu’un type de nutriment est donné avec une certaine abondance, ceci doit sefaire aux dépens d’un autre nutriment [1] (Tableau 1).

■Prescription glucidique

L’apport glucidique devrait théoriquement être de 45 à 55 % de la chargecalorique totale pour assurer le meilleur équilibre alimentaire et surtout la meilleuresensibilité à l’insuline de l’organisme. Chez le patient diabétique de type 1, il importepar ailleurs que celle-ci soit répartie tout au long du nycthémère de façon stable d’unjour à l’autre, de façon à ce que les mêmes quantités de glucides soient apportéestous les jours au petit déjeuner, que les mêmes quantités de glucides soientapportées tous les jours au repas de midi, et le même raisonnement pour le repas dusoir ; en effet, face à ces quantités de glucides et l’activité physique du patient, sontproposées des doses d’insuline qui sont la variable. Seule la pratique d’uneinsulinothérapie dite fonctionnelle permet une certaine modulation des apportsglucidiques mais impose alors une très bonne connaissance des équivalencesglucidiques (Tableau 2).

Chez le patient diabétique de type 2, il importe de passer suffisamment de tempspour bien définir cette ration glucidique, et qu’elle soit bien comprise par le patient ;en effet, le patient diabétique de type 2 a tendance à considérer que la glycémie qu’iltrouve élevée le matin à jeun correspond directement à la quantité de glucides qui setrouvaient la veille au soir dans son assiette. Ceci correspond à une méconnaissancede la physiologie : le glucose qui circule dans le sang le matin au réveil correspond àcelui qui a été libéré par le foie, et non pas à celui qui a été mangé le soir ; la glycémieélevée du réveil est une illustration directe de la résistance à l’insuline du foie ; or,plus la ration de glucides est restrictive, plus la résistance à l’insuline augmente et enconséquence, plus le diabète est difficile à traiter ; il importe donc, chez le patientdiabétique de type 2, de respecter au mieux un apport glucidique suffisant.Cependant, la pratique nous montre que les patients auxquels nous avons affaireont, sous l’influence de leur environnement extérieur, tendance à diminuer leurration glucidique ; ceci amène le médecin au cours de la consultation à augmentercette ration, mais bien sûr, dans ces conditions, à baisser la ration lipidique pour nepas modifier la ration calorique totale. Le risque serait qu’à la sortie de laconsultation, un patient ait compris qu’il fallait qu’il augmente sa ration glucidiquesans avoir entendu qu’en même temps, il fallait qu’il diminue sa ration lipidique. Ilimporte bien sûr de faire prendre conscience au patient de la différence de teneurglucidique entre les différents aliments, ceci conduisant aux notions d’équivalence ;enfin, dans une connaissance diététique plus avancée, il peut se discuter la notion devitesse d’accessibilité aux glucides, c’est-à-dire la notion d’index glycémique. Plus unaliment est riche en fibres, moins il a été industriellement travaillé (meunerie) etmoins il a été cuit, plus les glucides contenus dans cet aliment sont lentementaccessibles [2].

■Apport lipidique

Les lipides doivent donc être limités du fait de leur rôle cal (9 calories/g) et du faitde leur entrave potentielle à l’action de l’insuline. Dans une alimentation équilibrée,ils devraient représenter 30 % de l’apport calorique ; cependant, les lipides nepeuvent pas être traités comme de simples acteurs caloriques ; ils ont aussi un aspectstructurel et un aspect fonctionnel. Au niveau fonctionnel, ils participent à lasynthèse des prostaglandines, elles-mêmes jouant sur les phénomènes d’adhésionplaquettaire. Au niveau membranaire, les lipides sont directement incorporés dansla constitution des membranes des cellules et vont, de ce fait, participer àl’accélération ou au ralentissement des complications dégénératives. Les lipides nepeuvent donc pas être traités comme de simples nutriments qu’il faut chercher àcombattre mais il faut expliquer au patient les différentes variétés de lipides que l’onpeut globalement opposer en saturés, mono-insaturés et polyinsaturés ; les saturéssont essentiellement représentés par les graisses animales, et d’une manièregénérale peuvent être assimilés aux complications dégénératives et àl’insulinorésistance ; les mono-insaturés sont essentiellement représentés par l’acideoléique que l’on trouve dans l’huile d’olive, l’huile d’arachide et l’huile de colza ; cesacides gras sont strictement neutres par rapport à l’insulinorésistance ; ils ne lui sontni favorables ni défavorables. Ces acides gras, en revanche, sont excessivementfavorables au niveau membranaire et sur les complications dégénératives ; la

Tableau 1. – Répartition des aliments-nutriments en fonction du type dediabète.

Type 1 Type 2

Poids Normal SurpoidsApport calorique Respecté Restreint% glucidique 45 à 50 % 45 à 50 %% lipidique 30 à 35 % 30 à 35 %Apport protidique Restreint à 0,8 g/kg/j en cas d’insuffısance rénale

Tableau 2. – Exemple d’équivalence en apport de glucides.

40 g de pain (deux tranches)8 cuillères à soupe de petits pois2 pommes de terre (petite taille)5 cuillères à soupe de riz, pâtes, légumes secs

3-0895 - Nutrition et diabète : diététique pratique

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dernière variété sont les polyinsaturés divisés en N–3 provenant essentiellement despoissons et mammifères marins, et N–6 apportés par les huiles de soja, tournesol,maïs et pépins de raisin. Ces acides gras sont favorables dans la prévention descomplications dégénératives macrovasculaires et leur consommation estrecommandée ; ils restent sans influence sur la sensibilité de l’organisme.

Au total, il faut réduire l’apport lipidique total chez le patient diabétique de type2 mais, en même temps, il faut l’instruire de l’effet non délétère de certains corpsgras.

■Protéines

L’attitude nutritionnelle classique consiste à considérer la ration protéique commele complément libre de la ration alimentaire. Ceci est généralement vrai ; cependant,lorsqu’il existe un risque néphropathique, soit une microprotéinurie débutante, soitau contraire une néphropathie vraiment installée avec élévation de la créatinine, ilimporte alors de faire attention à l’apport protidique. Les protéines participent eneffet comme nous l’avons vu à l’hyperfiltration glomérulaire et il a bien été montréque chez un patient néphropathe, la perte de filtration glomérulaire mensuellepouvait passer de 0,14 ml/mois, à 0,64 ml/mois, en fonction uniquement de l’apportprotidique. Il importe de recommander à un patient néphropathe un apport de 0,8 à0,9 g/kg/j de protéine, en sachant que la population que nous représentons mangefacilement 1,2 à 1,3 g/kg/j de protéine et que les patients diabétiques qui pratiquentune restriction glucidique consomment en moyenne 1,4 à 1,5 g/kg/j. On comprenddonc l’importance qu’il y a à bien identifier cette situation chez le patient diabétiquenéphropathe. Pour l’identifier, il importe d’être bien conscient de la teneur enprotéine des viandes et autres produits animaux, ce que tout le monde accepte, maisaussi de la haute teneur en protéines des légumineuses. Il est à noter globalementqu’il y a une bonne concordance entre restriction protidique et restriction lipidique ;les choses vont donc dans le même sens, l’objectif doit donc être atteignable.

■De la connaissance théorique aux erreurs

d’interprétation des messages grand public

La ration calorique est une boîte inextensible au sein de laquelle les différentsnutriments que nous venons de voir sont placés ; quand les uns augmentent, lesautres diminuent. Cependant, si cette notion est simple à comprendre, elle se heurteaux données des médias ; à titre d’exemple, le régime méditerranéen est aujourd’huitrès largement colporté. Le grand public retient la consommation de vin, la

consommation de lipides mono-insaturés et d’huile d’olive. La réalité du paysanméditerranéen est un apport calorique restreint, un apport glucidique importantsous forme d’aliments riches en fibres, très peu de graisses animales, uneconsommation importante de poissons (Crête), le tout arrosé d’huile d’oliveapportant en effet de nombreux acides gras mono-insaturés ; enfin, le régime estfrugal avec une consommation importante de légumes et de fruits frais. Noscontemporains occidentaux oublient généralement la notion d’apports caloriquesrestreints, de faible teneur en graisses animales, de consommation de fruits frais etde légumes, gardant leur habitude alimentaire excessive et rajoutant l’huile d’olive,ce qui ne fait qu’augmenter le nombre de calories consommées, aboutissant à l’effetinverse de celui recherché. Les erreurs d’interprétation des messages decommunication sont fréquentes et le médecin doit être capable de les analyser et deles décrire.

■De la réalité de nos patients

Nous disposons actuellement d’un certain nombre de données épidémiologiquesqui nous permettent d’appréhender de façon statistique le comportement de nospatients. Une enquête européenne a pu montrer que les patients diabétiques detype 1 gardaient tous une consommation glucidique insuffisante (39,6 % de la rationtotale) et surtout avaient une ration protéique excessive, 1,5 g/kg/j de protéine.

Plusieurs enquêtes chez les patients diabétiques de type 2 réalisées en France onttoutes abouti à des conclusions concordantes. Le patient diabétique de type 2 estgénéralement considéré par le milieu médical comme un patient n’adhérant pas auxconseils nutritionnels. Ces enquêtes ont en fait montré l’inverse ; les patients qui sedéclarent ayant un diabète de type 2 ont tendance à consommer un peu moins decalories que la population générale, plus de margarine que la population générale,ce qui prouve bien que spontanément, une fois qu’ils se savent malades, ils sontprêts à faire des efforts nutritionnels ; malheureusement, souvent les messages quileur sont donnés ne sont pas bons, et ceci conduit au fait qu’ils mangent moins deglucides que la population générale, plus de protéines et plus de lipides. Ceci laisseentrevoir que cette population diabétique de type 2 est peut-être plus motivée qu’onne le dit mais, pour qu’elle se prenne bien en charge, il faut que les conseilsnutritionnels qui convergent vers elle soient homogènes, adaptés et réalistes.

Au total, une prescription diététique est un véritable acte médical basé sur undiagnostic (il importe de bien savoir si on a affaire à un type 1 ou un type 2), puis uneprescription adaptée au patient, c’est-à-dire différente d’un patient à l’autre, surtoutdifférente d’un type de diabète à l’autre, raisonnée et comprise avec un effort depédagogie. Il est hautement probable que c’est au niveau de l’effort pédagogiqueque se trouve le hiatus expliquant le relatif échec constaté aujourd’hui.

H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Adresse e-mail: [email protected]

Université de Bordeaux 2, service de nutrition-diabétologie, Hôpital Sud, 33604 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H. Gin. Nutrition et diabète : diététique pratique.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0895, 2003, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] ANAES Suivi du patient diabétique de type 2. Recommandations.DiabètesMétab1999; 2 (suppl2)

[2] Gin H, Rigalleau V. Diététique et diabète.Encycl Méd Chir1999 (ElsevierSAS, Paris), Endocrinologie, 10-366-R-10, 9p

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Prescription diététique

dans l’insuffisance rénale

V. Rigalleau, H. Gin

A vant la dialyse, réduire l’apport protéique à 0,8 g/kg/j.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Insuffisance rénale chronique ; Protéines alimentaires ; Dénutrition

■Introduction

L’insuffisance rénale justifie une prise en charge diététique en médecineambulatoire lorsqu’elle est chronique. Une fois le diagnostic porté, les objectifs decette prise en charge sont de :

– pallier, tant que possible, la défaillance des différentes fonctionsnormalement assurées par les reins ;

– ralentir l’évolution qui se fait vers la nécessité d’utiliser des moyensimparfaits, astreignants et coûteux d’épuration extrarénale (ou latransplantation) ;

– ne pas contribuer à la dénutrition fréquemment observée chez ces patients,et au contraire la dépister pour la corriger.

■Diagnostic d’insuffisance rénale

Même si l’élimination des déchets azotés n’est pas la seule fonction des reins,c’est leur rétention qui définit l’insuffisance rénale. L’urémie (> 0,5 g/l) a puautrefois être utilisée, mais elle dépend trop des facteurs nutritionnels (apportprotéique alimentaire et catabolisme des protéines corporelles) et lacréatininémie (> 150 µmol/l) reflète plus fidèlement l’altération de la fonctionrénale. La créatininémie dépend cependant aussi des masses musculaires où lacréatinine est produite. Celles-ci varient suivant l’âge, le sexe, le poids du sujet ; ilfaut tenir compte de ces paramètres pour évaluer la clairance de la créatinine (enml/min), et l’utilisation de la formule de Cockroft et Gault [2] est recommandée :

�140 − âge �ans � � × poids� kg � × �1,23Hou1,04F �Creatininemie�µ mol/l �

Ce calcul est indispensable ; se contenter d’une créatininémie à 90 µmol/l pourconsidérer que la fonction rénale est normale est une approximation acceptablechez un homme de 20 ans et 80 kg (clairance 131 ml/min) mais pas chez unefemme de 80 ans et 50 kg (clairance 35 ml/min).

On considère généralement que la fonction rénale est altérée quand laclairance est inférieure à 60 ml/min.

■Pallier les fonctions rénales déficientes

Les principales fonctions des reins sont l’élimination des déchets azotés, lemaintien de l’équilibre hydroélectrolytique, et des rôles endocrines. L’approchenutritionnelle peut aider à limiter les conséquences de leur défaillance ; elle estutile lorsque ces conséquences sont présentes, ce qui est apprécié par le suivi

clinique (tension artérielle, état d’hydratation) et biologique (ionogrammeplasmatique, réserve alcaline, bilan phosphocalcique, hémogramme) despatients.

‚ Élimination des déchets azotésIls sont issus du métabolisme protéique, sous forme d’urée synthétisée par le

foie (Fig. 1). En réduisant l’apport protéique alimentaire, on réduit la synthèsed’urée et l’urémie. Ceci a des effets positifs sur les signes de l’intoxicationurémique : céphalées, mais aussi troubles digestifs, anorexie, et est doncfavorable au maintien de l’état nutritionnel. Mais la restriction protéique a seslimites : la perte azotée obligatoire représente 0,6 g/kg/j de protéinesalimentaires. Il peut exister un accroissement des besoins protéiques dans lessituations d’hypercatabolisme, et une perte supplémentaire en cas de protéinurie,qui doivent être pris en compte dans la détermination du besoin protéiqueminimal.

‚ Équilibre hydroélectrolytiqueL’insuffisance rénale chronique entraîne une tendance à la rétention

hydrosodée, qui devient manifeste sous la forme d’œdèmes dans des formesavancées, ou en cas de syndrome néphrotique : le régime doit alors être désodé.Sinon la modération des apports sodés (visant à réduire la natriurèse à 70 mEq/j)est utile en cas d’hypertension artérielle ou pour renforcer l’effet antiprotéinuriquedes inhibiteurs d’enzyme de conversion. Elle consiste à éviter le sel (pour lacuisson, la table) et les aliments les plus riches en sel : viandes et, poissonssalés/fumés, charcuterie, fromages à pâte ferme, conserves, plats préparés, sodas,eaux minérales, moutarde.

L’hyperkaliémie est particulièrement fréquente en cas d’acidose, de diabète ousous inhibiteurs d’enzyme de conversion. Son danger est majeur en cas d’anurie.Lorsqu’elle est menaçante, elle justifie un traitement médicamenteux, mais lalimitation des aliments riches en potassium a aussi sa place : légumes (cuits àl’eau, ce qui en extrait le potassium), fruits secs, bananes, chocolat, frites, sels derégime.

L’acidose métabolique (réserve alcaline <22 mEq/l) a une influence néfaste surl’état nutritionnel et osseux, et sur la kaliémie. Consommer une eau minéralealcaline (Vichy) est alors utile, s’il n’y a pas de rétention hydrosodée importante.

Protéines

(300 g/j)Dégradation Synthèse

Acides aminéslibresProtéines

alimentairesÉlimination

urinaire

N Σ d’urée

CO2

Figure 1 Déchets azotés et métabolisme protéique. En réduisant l’apport pro-téique alimentaire, on réduit la synthèse d’urée et l’urémie.

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‚ Rôles endocrines

L’hyperphosphorémie, conséquence de l’insuffisance rénale, peut être réduiteen modérant les apports de phosphore alimentaire (les aliments riches enphosphore sont les aliments riches en protéines), puis en rendant le phosphorealimentaire indisponible pour l’absorption intestinale par l’utilisation d’unchélateur (carbonate de calcium pris lors des repas riches en phosphore). À unstade plus avancé, l’ostéodystrophie rénale s’accompagne d’une hypocalcémiequi justifie la supplémentation orale en calcium, pris en dehors des repas (0,5 à1,5 g/j), puis en vitamine D.

L’anémie justifie souvent un traitement par érythropoïétine, mais les carencesen fer et en acide folique doivent être reconnues et supplémentées à bon escient.

■Ralentir la dégradation de la fonction rénale

‚ Traitements néphroprotecteurs

L’évolution vers l’insuffisance rénale terminale est inéluctable, du fait de ladégradation liée à l’âge (la filtration glomérulaire baisse normalement de1 ml/min/an), de l’évolution de la néphropathie causale, et surtout demécanismes aggravants : activation du système rénine-angiotensine, fibrose parsynthèse locale de transforming growth factor (TGF)-ß, toxicité propre de laprotéinurie.

Son ralentissement est l’objectif majeur des traitements néphroprotecteurs. Laréduction de la tension artérielle, de la protéinurie, les traitements de ladyslipémie et du diabète, l’arrêt du tabac, ont ainsi franchement ralenti l’évolutionde la néphropathie diabétique, de -12 ml/min/an dans les années 1970 à-4 ml/min/an en moyenne actuellement. [5] Mais ceci implique unepolymédication majeure, chez des sujets dont les capacités d’épuration sontévidemment réduites. La prise en charge nutritionnelle a un rôle important àjouer dans cette démarche.

‚ Intérêt de la restriction protéique alimentaire

L’effet favorable de la restriction protéique alimentaire sur le pronostic desnéphropathies est démontré chez l’animal. Chez l’homme, les méta-analyses sonten faveur de cet effet, [3, 6] et l’European Society of Parenteral and Enteral Nutritionainsi que la National Kidney Foundation américaine recommandent de réduire laration protéique vers 0,6-0,8 g/kg/j en cas d’insuffisance rénale chronique, avantle stade de dialyse (les pertes protéiques en dialyse impliquent un apportprotéique minimal de 1,2 g/kg/j). Outre le ralentissement espéré de ladégradation de la fonction rénale, la restriction protéique a des effets favorablessur l’acidose, l’hyperphosphorémie, l’insulinorésistance, la dyslipémie, et bien sûrl’urémie.

‚ Mise en œuvre de la restriction protéique alimentaire

Les principales sources protéiques sont rappelées dans le Tableau 1. Desimples conseils (éviter les charcuteries, fromages, légumineuses) peuvent faireréduire un apport protéique souvent important dans notre pays (de l’ordre de1,4 g/kg/j). Une alimentation apportant 0,8 g/kg/j de protéines est unchangement souvent important, qui implique la prise d’un seul plat protéique(viande ou poisson) quotidien. Mais il faut respecter les besoins énergétiques, etl’aide d’une diététicienne est nécessaire, sinon les apports caloriques serontréduits, ce qui n’est pas souhaitable.

‚ Limites et surveillance de la restriction protéique

Les apports protéiques ne doivent pas être limités dans les situationsd’hypercatabolisme comme une infection, une corticothérapie, une carenceinsulinique, ou bien sûr après une intervention chirurgicale ou lors de la

cicatrisation d’une plaie. La restriction n’est pas toujours acceptée, la compliancepeut être vérifiée par la mesure de l’urée urinaire des 24 heures (500 mmol d’uréeurinaire correspondent à 100 g de protéines alimentaires). L’état nutritionnel doitêtre surveillé.

■Ne pas dénutrir

‚ Fréquence de la dénutritionUne dénutrition sévère est présente chez 25 % des patients hémodialysés. [1]

Les pertes protéiques inhérentes à l’épuration extrarénale ne sont pas la seuleexplication ; en effet, un nombre notable de patients sont déjà dénutris à l’entréeen dialyse, ce qui est alors déterminant pour leur espérance de vie. [4] Un bon étatnutritionnel est aussi important dans la perspective d’un acte chirurgical commeune transplantation rénale. L’apport calorique doit donc rester suffisant malgrél’inappétence fréquente au cours de l’insuffisance rénale.

‚ MécanismesPlusieurs facteurs contribuent à cette détérioration nutritionnelle : anorexie et

troubles digestifs favorisés par l’urémie et la polymédication, catabolismeprotéique favorisé par l’acidose, hypercortisolisme, protéinurie importante chezcertains patients. La restriction protéique améliore en général l’état nutritionnelcar elle a un effet favorable sur chacun de ces mécanismes. [7] Mais elle peut aussil’aggraver, si elle s’accompagne d’une réduction des apports caloriques ou si onne tient pas compte d’une pathologie intercurrente. L’apparition de signes dedénutrition doit alors faire élargir les apports, notamment en aliments glucidiques(ce qui n’altère pas la tolérance au glucose), et si nécessaire débuter la dialyse.

‚ SurveillanceLa surveillance régulière (au moins annuelle) de l’état nutritionnel est donc

indispensable :– clinique, par la pesée et l’interrogatoire diététique ;– biologique, par le dosage de l’albuminémie (valeur d’alarme <35 g/l) et de

la préalbuminémie (valeur d’alarme <300 mg/l).

■Conclusion

Une bonne prise en charge nutritionnelle des patients insuffisants rénauxchroniques repose sur : une prescription individualisée, car elle dépend desconséquences métaboliques de l’insuffisance rénale, qui varient suivant le sujet etle niveau de dégradation fonctionnelle ; une motivation majeure, qui est deretarder le passage en dialyse (traitement coûteux et astreignant) ou de pouvoirattendre la disponibilité d’un greffon. Le ralentissement de la progression del’insuffisance rénale par la restriction protéique est un des moyens pour atteindrecet objectif ; la connaissance du risque de dénutrition, et son dépistage. Mais enpratique, elle doit aussi tenir compte de deux éléments qui exigent des mesuresdiététiques spécifiques, compatibles avec les précédentes : la cause del’insuffisance rénale est aujourd’hui de plus en plus fréquemment un diabète ; saconséquence n’est pas seulement la perspective de l’épuration extrarénale ou dela transplantation, c’est aussi un risque cardiovasculaire majeur.

Tableau 1. – Sources alimentaires de protéines

Animales Végétales

Viande, poisson 20 % Soja 35 %Lait 3,5 % Légumineuses 25 %Œuf 7,5 % Pain, céréales et dérivés 7 %Fromage 20 % Fruits, légumes 1-2 %

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V. Rigalleau (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Adresse e-mail: [email protected]

H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Nutrition-Diabétologie, USN, Hôpital Haut-Lévêque, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V. Rigalleau, H. Gin. Prescription diététique dans l’insuffısance rénale.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0905, 2003, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Aparicio M, Cano N, Chauveau P, Azar R, Canaud B, Flory A et al. Nutritionalstatus of hemodialysis patients: a french national cooperative study. Nephrol DialTransplant 1999; 14: 1679-1686

[2] Cockroft DW, Gault HM. Prediction of creatinine clearance from serum crea-tinine. Nephron 1976; 16: 31-41

[3] Fouque D, Laville M, Boissel JP, Chifflet R, Labeeuw M, Zech PY. Controlledlow-protein diets in chronic renal insufficiency: meta-analysis. Br J Med 1992;304: 216-220

[4] Hakim RM, Levin N. Malnutrition in hemodialysis patients. Am J Kidney Dis1993; 21: 125-137

[5] Parving HH. Renoprotection in diabetes: genetic and non-genetic risk factorsand treatment. Diabetologia 1998; 41: 745-759

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[7] Walser M. Does prolonged protein restriction preceding dialysis lead to pro-tein malnutrition at the onset of dialysis?. Kidney Int 1993; 44: 1139-1144

Prescription diététique dans l’insuffisance rénale - 3-0905

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Prescription diététique

dans les dyslipémies

V. Rigalleau, H. Gin

R éduire les apports en graisse saturée d’origine animale terrestre. Conseiller une diététique du risque vasculaire.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hypercholestérolémie ; Hypertriglycéridémie ; Risque cardiovasculaire ; Lipides alimentaires

■Introduction

Les dyslipémies sont des pathologies métaboliques très fréquentes : on estimequ’en France 17 % des adultes [2] présentent une cholestérolémie supérieure à2,5 g/l, et 10 % une hypertriglycéridémie. [1] Visant à diminuer la concentrationplasmatique des lipides à jeun, la prise en charge dépend du diagnostic précis dela dyslipémie. Mais la réduction du risque d’accident cardiovasculaire des sujetsconcernés nécessite aussi d’apprécier ce risque. La prescription diététique estdonc basée sur des notions physiopathologiques, pour porter un diagnostic, etépidémiologiques, pour évaluer le pronostic.

■Physiopathologie et diagnostic des dyslipémies

‚ Transport des lipidesProvenant de l’alimentation (à l’état postprandial) ou d’une synthèse

endogène hépatique (à jeun), les lipides doivent être transportés vers les cellulespour être stockés (triglycérides au niveau du tissu adipeux ou musculaire),incorporés dans les membranes (cholestérol, phospholipides), utilisés commeprécurseurs (synthèse d’hormones stéroïdes, d’eicosanoïdes). Les triglycéridesfinissent par être oxydés pour fournir de l’énergie, en revanche le cholestérol enexcès doit suivre une « voie de retour » au foie pour y être catabolisé et éliminédans les sels biliaires.

Le transport des lipides non hydrosolubles dans le plasma, milieu aqueux,implique leur association à des apoprotéines qui permettent la cohésion deslipoprotéines, et leur interaction avec des récepteurs ou des enzymes spécifiques.

‚ Métabolisme des lipoprotéines à jeunDes perturbations du métabolisme lipidique postprandial jouent

probablement un rôle important dans l’athérosclérose, mais à ce jour lesanomalies les mieux identifiées concernent la situation après 12 heures de jeûne,le matin au réveil ( Fig 1) :

– les triglycérides sont alors exclusivement transportés dans les very lowdensity lipoproteins (VLDL) secrétées par le foie : la présence de chylomicronsd’origine intestinale est rare et pathologique. Comme les VLDL contiennent 1 g decholestérol pour 5 g de triglycérides, les hypertriglycéridémies notabless’accompagnent d’une hypercholestérolémie. Elles s’associent aussi à unabaissement du high density lipoprotein (HDL)-cholestérol, car la protéine detransfert des esters de cholestérol (CETP) échange ce cholestérol contre destriglycérides des VLDL ;

– le cholestérol contenu dans les low density lipoproteins (LDL) peut, s’il est enexcès, être dévié de son métabolisme normal pour être incorporé dans desmacrophages qui deviendront des cellules spumeuses, présentes dans les lésionsathéromateuses débutantes. La concentration (en g/l) de ce cholestérolathérogène peut être calculée par la formule de Friedwald, à partir de lacholestérolémie totale, du HDL-cholestérol, et des triglycérides si leur taux estinférieur à 4 g/l : LDL-C = CT (HDL-C + TG/5).

‚ Diagnostic des dyslipémies

Conformément aux recommandations de l’Agence française de sécuritésanitaire des produits de santé (Afssaps), [7] le diagnostic est porté sur les résultatsde l’exploration d’une anomalie lipidique :

– hypertriglycéridémie si les triglycérides sont supérieurs à 2,0 g/l ;– hypercholestérolémie si le LDL-cholestérol est supérieur à 1,6 g/l.La possibilité d’une forme secondaire à un diabète, une néphropathie, une

endocrinopathie ou une prise médicamenteuse doit toujours être envisagée.

■Épidémiologie et pronostic des dyslipémies

‚ Hypertriglycéridémie

L’hypertriglycéridémie majeure (> 10 g/l, et souvent beaucoup plus) expose aurisque de pancréatite aiguë, rare mais redoutable. Le rôle de cette dyslipémiedans l’athérogenèse n’est en revanche évident que si l’on tient compte del’abaissement de la concentration du HDL-cholestérol qui l’accompagne engénéral, ou dans certaines populations comme les diabétiques de type 2.

‚ Hypercholestérolémie

L’élévation du LDL-cholestérol est associée de façon certaine à un risquecardiovasculaire accru, et sa réduction diminue ce risque, mais il n’y a pas de seuilà partir duquel le risque apparaît. Le niveau à partir duquel une intervention estnécessaire est défini en fonction des facteurs de risque cardiovasculairesassociés :

– âge et sexe : supérieur à 45 ans chez l’homme et 55 ans (ou ménopauseprécoce) chez la femme ;

– antécédents cardiovasculaires chez des apparentés au 1er degré survenusprécocement : avant 55 ans chez le père, 65 ans chez la mère ;

HDL

VLDL

IDL

LDL

Foie

Bile

Cellulespumeuse

Cellulepériphérique

CHOL TGAG

LPL

LH

Figure 1 Métabolisme des lipoprotéines à jeun. HDL : high density lipoprotein ;VLDL : very low density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein ; LPL:lipoprotéine lipase ; TG: triglycérides ; LH : hormone lutéinisante; IDL : lipo-protéine de densité intermédiaire.

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– tabagisme actif ;– hypertension artérielle (> 14/9 ou traitée) ;– diabète ;– HDL-cholestérol inférieur à 0,35 g/l (un HDL-cholestérol supérieur à 0,60 g/l

est au contraire protecteur et doit être retranché des facteurs de risque).Les recommandations actuelles sont d’intervenir par la diététique lorsque le

LDL-cholestérol est supérieur à 2,20 g/l, mais dès 1,60 g/l s’il existe un facteurassocié, et 1,3 g/l s’il y en a deux ou si le risque s’est déjà exprimé par un accidentcardiovasculaire.

■Mesures diététiques en cas d’hypertriglycéridémie

Les mesures les plus efficaces sont la réduction pondérale et l’arrêt del’alcool, [5] ainsi que la suppression des sucres dits « rapides ». L’importance de ladiététique face à l’hypertriglycéridémie est tout à fait particulière, par deuxaspects :

– c’est une véritable urgence, et la mesure la plus efficace, lorsquel’hypertriglycéridémie majeure (> 10 g/l) expose à la pancréatite ;

– elle peut avoir une valeur diagnostique, définissant dans certains cas deshypertriglycéridémies alcoolo- ou glucidodépendantes.

‚ Graisses alimentaires

Les triglycérides en excès sont endogènes, la réduction des graissesalimentaires n’a un effet direct que si elles sont présentes dans le sang sous formede chylomicrons. Réduire les apports lipidiques est en revanche utile dans lecadre de l’alimentation hypocalorique proposée si l’hypertriglycéridémie estpléthorodépendante, secondaire à une obésité. Les huiles de poisson riches enacides gras oméga-3 polyinsaturés ont un effet hypotriglycéridémiant significatif,la consommation de poisson trois fois par semaine est donc conseillée.

‚ Boissons alcoolisées

L’arrêt des boissons alcoolisées peut être très rapidement efficace, définissantl’hypertriglycéridémie alcoolodépendante, possible en l’absence d’obésité. Lasensibilité à l’alcool est souvent évidente, elle peut en cas de doute êtredémontrée lors d’une réintroduction très prudente. Lorsque ce diagnostic estacquis, le meilleur conseil médical est l’éviction totale et définitive de l’alcool.

‚ Glucides alimentaires

La consommation d’aliments à index glycémique élevé (sucreries, confiseries,pâtisseries, boissons sucrées) ou riches en fructose (fruits en abondance) joue unrôle important dans certaines hypertriglycéridémies, là aussi démontrable parleur éviction (et limitation à deux fruits par jour) et éventuellement leurréintroduction prudente.

■Mesures diététiques en cas d’hypercholestérolémie

La modification des graisses alimentaires (matières grasses mais aussi graisses« cachées ») est déterminante.

‚ Cholestérol alimentaire

Son influence sur la cholestérolémie est assez faible, car la majorité ducholestérol circulant provient d’une synthèse endogène. Il faut cependant limiterla consommation des aliments les plus riches en cholestérol : œufs (un jauned’œuf contient 300 mg de cholestérol), beurre (125 g/semaine), abats, chocolat.

‚ Réduction des graisses saturées

Les graisses saturées, d’origine animale terrestre, élèvent le LDL-cholestérol. Ilfaut limiter la consommation des aliments concernés :

– charcuterie une fois par semaine ;– fromage une fois par jour ;

– viande une fois par jour, en préférant les viandes blanches plus maigres ;– beurre, crème. Les produits laitiers restent cependant nécessaires pour leur

apport calcique, sous forme de lait demi-écrémé ou de yaourts.

‚ Choix des matières grassesDes impératifs culinaires et nutritionnels (apports d’acides gras essentiels et de

vitamines liposolubles) les font maintenir, mais leur composition doit souvent êtremodifiée.

Les margarines d’origine végétale, concrètes, peuvent remplacer le beurre, sileur hydrogénation industrielle ne les enrichit pas trop en isomères « trans »d’acides gras insaturés qui élèvent le LDL-cholestérol. Les margarines disponiblesen Europe contiennent actuellement 1 % d’acides gras trans contre 6 % dans lesannées 1980, ce qui pourrait contribuer à la réduction de la mortalitécardiovasculaire. [6] Les margarines enrichies en phytostérols réduisent de 10 % leLDL-cholestérol en entravant l’absorption du cholestérol alimentaire.

Utilisables pour l’assaisonnement (colza, soja, noix) ou la cuisson (tournesol,olive, maïs, arachide), les huiles végétales sont insaturées (à l’exception de l’huilede palme) et font baisser le LDL-cholestérol. Il faut cependant distinguer lespolyinsaturées (tournesol, soja, maïs, pépins de raisin) qui abaissent aussi leHDL-cholestérol, des mono-insaturées (olive, colza, arachide) qui n’ont pas ceteffet indésirable.

■Diététique du risque vasculaire

Les interventions diététiques qui ont eu les résultats les plus remarquables surla morbimortalité en prévention secondaire après infarctus du myocarde, commedans la Lyon Heart Study [4] ou l’essai DART, [3] n’ont pas concerné des sujetsdyslipémiques. Les effets antiaggrégants et antiarythmiques des acides grasoméga-3, les effets antioxydants et réducteurs de l’homocystéinémie desvitamines contenues dans les fruits et légumes, la réduction du risque vasculaireavec la consommation de fibres et de glucides complexes contenus dans lescéréales, et d’alcool en quantité modérée, peuvent ainsi rendre compte dubénéfice apporté par un régime de type « méditerranéen ». Ces effets del’alimentation ne font pas directement partie de la prescription diététique dans lesdyslipémies : ils n’influencent pas notablement le bilan lipidique. Mais il faut lesprendre en compte : à quelques exceptions près (grandes hypertriglycéridémiesalcoolo- ou glucidodépendantes), ils sont compatibles avec les mesuresprécédemment citées, et s’y intègrent naturellement quand l’objectifthérapeutique est la réduction du risque d’accident cardiovasculaire, donc dans lagrande majorité des cas.

■Conclusion

Réduire une hyperlipémie par des mesures diététiques adaptées est possible :en moyenne de 30 % pour les hypertriglycéridémies, et de 15 % pour leshypercholestérolémies. De telles réductions sont utiles : rien ne remplace lacorrection urgente des erreurs responsables d’une hypertriglycéridémie majeure,et à ce jour aucun médicament hypocholestérolémiant n’a fait la preuve d’uneffet sur la morbimortalité cardiovasculaire sans que des mesures diététiques n’ysoient associées. L’effet propre de la diététique hypocholestérolémiante seule surle risque cardiovasculaire est difficile à mettre en évidence par des essaiscontrôlés, mais une méta-analyse de 29 essais [8] est cependant en faveur d’uneréduction significative de la mortalité totale (- 6 %) et des accidents coronariens(- 13 %).

La prescription ne se limite cependant pas à cette diététique, puis à l’ajout d’unmédicament si en quelques mois l’effet hypolipémiant n’a pas été suffisant :

– d’autres mesures concernant l’hygiène de vie (activité physique, arrêt dutabac) ont un effet favorable sur les dyslipémies et le risque cardiovasculaire ;

– la diététique elle-même influence ce risque indépendamment de ses effetshypolipémiants, justifiant en général l’orientation vers une alimentation« méditerranéenne », riche en produits d’origines végétale et marine.

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V. Rigalleau (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Adresse e-mail: [email protected]

H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Service de nutrition-diabétologie, USN, Hôpital Haut-Lévêque, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V. Rigalleau, H. Gin. Prescription diététique dans les dyslipémies.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0900, 2003, 3 p

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[7] Recommandations de l’AFSSAPS. Prise en charge thérapeutique des patientsdyslipémiques.

[8] TruswellAS. Review of dietary intervention studies: effect on coronary eventsand on total mortality.Aust NZ J Med1994; 24: 98-106

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Prescription diététique

dans les obésités

V. Rigalleau, H. Gin

L es mesures diététiques ne seront efficaces de façon durable que si elles sont modérées, équilibrées,personnalisées.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Obésité ; Diététique ; Dépense énergétique ; Comportement alimentaire ; Lipides ; Glucides ; Protéines ;Composition corporelle

■Introduction

L’obésité concerne 10 % des adultes en France. Cette prévalence est en netteaugmentation, notamment pour les formes les plus sévères. [5] L’évolution del’indice de masse corporelle (IMC) des enfants français fait penser que cettesituation va encore s’aggraver. Les conséquences de cette « épidémie » sontimportantes : la morbidité et la mortalité des sujets obèses sont accrues ; leurmal-être est certain ; les dépenses de santé et le coût social sont considérables.

La prescription diététique est la première et parfois la seule interventionmédicale face à un excès pondéral. Ses fondements sont logiques, son effetfavorable est démontré, mais ses limites sont aussi évidentes et la conditionnent.L’efficacité insuffisante à long terme des mesures diététiques amaigrissantes doity faire associer d’autres moyens : activité physique à chaque fois que possible,médicaments dans certains cas. Pour cette raison aussi, il ne faut pas attendrel’obtention d’un hypothétique poids idéal pour prendre en charge lescomplications. [1] Enfin, les mesures diététiques ne seront efficaces de façondurable que si elles sont appliquées définitivement : cela impose qu’elles soientmodérées, équilibrées, personnalisées, pour être sans danger et acceptées.

■Diagnostiquer l’obésité

Le diagnostic de l’obésité est porté sur la mesure du poids et de la taille,permettant le calcul de l’IMC : poids (kg) /taille (m) au carré. Ce dernier permet declasser l’obésité par degré de sévérité ( Fig. 1) : il est corrélé à la masse grasse dontl’excès définit l’obésité, et associé au risque de mortalité qui double lorsque l’IMCpasse de 25 à 30 et évolue au-delà de façon ascendante exponentielle.

La répartition androïde ou gynoïde de la surcharge est le secondrenseignement indispensable pour apprécier le risque de complicationmétabolique et cardiovasculaire, augmenté seulement dans le premier cas. Elleest évaluée par le rapport taille/hanche (supérieur à 0,85 chez la femme et 1 chezl’homme lorsque la répartition est androïde), ou plus simplement par le tour detaille (supérieur à 90 cm chez la femme et 100 cm chez l’homme).

■Négativer la balance énergétique

La prise de poids qui définit l’obésité dynamique nécessite que les apportscaloriques soient supérieurs à la dépense énergétique (DE) totale, et le maintiende l’obésité statique suppose l’équilibre entre ces deux postes. La DE a troiscomposants principaux ( Fig. 2).

‚ Dépense énergétique de repos

Elle représente habituellement 70 % de la DE totale. Elle correspond à l’énergienécessaire à l’entretien de la vie (maintien des potentiels membranairescellulaires, contractions musculaires cardiaques et respiratoires, coût énergétique

40

35

30

25

18,5

Dénutrition

Poids normal

Surpoids

Obésité modérée

Obésité sévère

Obésité massive

IMC

Figure 1 Classification de l’obésité en fonction del’indice de masse corporelle (IMC).

Activité physique

Thermogenèse

Dépense énergétique de repos

}

}}}

± variablevolontairement

Dépendant desnutriments ingérés

Variationsinterindividuelles

Dépendant de lamasse maigre

Énergie (kcal)

Figure 2 Principaux composants de la dépense énergétique.

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du renouvellement protéique) et est à 90 % conditionnée par la masse maigre.L’organisme dépense 30 kcal/kg de masse maigre par jour, avec une variabilitéinterindividuelle en partie d’origine génétique qui peut rendre compte del’inégalité des individus face à la prise de poids avec des rations alimentairessimilaires. La masse maigre dépend de la taille, de l’âge, du sexe et du poids. LaDE de repos peut être prédite à partir de ces données, par les équations deHarris-Benedict :

– chez les femmes : 655 × (9,6 × poids en kg) + (1,8 × taille en cm) − (4,7 × âgeen ans) ;

– chez les hommes : 66 × (13,7 × poids en kg) + (5 × taille en cm) − (6,8 × âgeen ans).

Au cours de l’obésité, 30 % de l’excès pondéral est de la masse maigre. La DEde repos est donc en général supérieure à celle de sujets normopondéraux, maisl’amaigrissement la réduira, conduisant progressivement à un nouvel équilibre età l’arrêt de la perte de poids, même si la diminution des apports caloriques estmaintenue à long terme.

‚ Thermogenèse liée à l’alimentation

Elle représente environ 10 % de la DE totale. Elle correspond au coûténergétique de la digestion et surtout du métabolisme des nutriments (stockage,interconversion), et varie fortement selon leur nature : les lipides alimentaires sontstockés à très faible coût (3 % de l’énergie ingérée) par rapport aux glucides(10 %) ou aux protéines (25 %).

‚ Dépense énergétique liée à l’activité physique

Elle représente dans les conditions habituelles de vie 20 % de la DE totale. Ellevarie fortement en fonction du mode de vie, de la profession, et peut souvent êtrevolontairement modifiée. Mais de fortes tendances sociales tendent à la réduire :on estime que la réduction d’activité physique depuis 1920 représente un gainde 600 kcal/j en moyenne, ce qui peut en bonne part rendre compte de laprévalence croissante de l’obésité.

‚ Apports énergétiques

Face à ces dépenses, l’organisme reçoit quotidiennement un apporténergétique sous forme de nutriments de valeur calorique très différente(Tableau 1) : les lipides (9 kcal/g) et l’alcool (7 kcal/g) ont une densité énergétiquebien supérieure à celle des glucides et des protéines (4 kcal/g). Ces apportspeuvent être appréciés par l’enquête alimentaire, réalisée par une diététicienne,mais le simple interrogatoire médical apporte déjà d’importantes indications.

■Modifier les apports quantitativement

Le niveau auquel les apports caloriques permettent un amaigrissement peutêtre chiffré à partir :

– de l’enquête alimentaire ; une réduction de 30 % est alors recommandée ;mais plus encore que les sujets de poids normal, beaucoup d’obèses tendent àsous-estimer leurs apports alimentaires, notamment concernant les graisses ; [3]

ceci légitime une prescription au niveau d’apports allégué, si des changementsprofonds concernant la proportion des nutriments et les habitudes culinaires sontréalisés ;

– des dépenses énergétiques, évaluées par la formule de Harris-Benedict ;comme la dépense de repos représente environ 70 % de la DE totale, la réductionde 30 % fait prescrire une ration calorique au niveau de cette dépense de repos ;une telle prescription ne tient cependant pas compte de la variabilitéinterindividuelle de la DE ;

– de la mesure directe de la DE de repos par calorimétrie indirecte, commecertains services spécialisés peuvent le réaliser ; cette mesure peut apporter uneaide à la prescription dans certains cas, mais il n’est pas démontré qu’elle soitnécessaire pour obtenir de meilleurs résultats en pratique clinique.

La réduction doit être modérée pour être réalisable sans danger à long terme.Les apports de sécurité en protéines (0,8 g/kg/j) doivent être respectés pourpréserver la masse maigre. Une prescription inférieure à 1 200 kcal/j n’est pasproposée habituellement, car elle peut exposer à des carences en vitamines etoligoéléments à long terme.

■Modifier les apports qualitativement [4]

‚ Réduire les aliments riches en calories

Ce sont surtout les aliments lipidiques :– purs ; ce sont les matières grasses animales (beurre, crème et donc sauces) et

végétales (huiles, margarines), ce qui conduit à des modifications importantesconcernant les modes de cuisson (nature, à la vapeur, au four) etl’assaisonnement ;

– sous forme de graisses cachées dans des aliments protéinolipidiques(charcuteries, viandes grasses, fromages) ou glucidolipidiques (pâtisseries etviennoiseries, biscuits, crèmes glacées mais aussi frites, chips).

La consommation d’alcool joue dans certains cas un rôle important : un verrede boisson alcoolisée apporte en moyenne 10 grammes d’alcool, soit 70 kcal. Lesboissons sucrées (sodas, jus de fruit, sirops) sont parfois aussi un apport caloriquenon négligeable.

‚ Privilégier les aliments à faible densité énergétique,riches en minéraux, micronutriments et en fibres

Ce sont les fruits et légumes, les produits laitiers.Les légumes crus (en limitant l’assaisonnement) ou cuits (nature) doivent être

consommés plusieurs fois par jour, occuper la moitié de l’assiette du plat principal,être utilisés en soupes.

Les fruits sont un dessert privilégié, aussi utilisables en entrée ou en collation.Le yaourt nature peut aussi être un dessert ou une collation. Le lait est un

aliment complet, riche en calcium, dont la teneur en lipides est réduite s’il estsemi-écrémé ou nulle s’il est écrémé.

‚ Maintenir un apport en glucides et en protéines maîtrisé

Outre les fruits, les céréales (donc le pain), les pommes de terre et leslégumineuses gardent une place, d’autant que leur apport calorique est quantifiéde façon assez fiable (50 % de glucides dans le pain, 20 % dans les féculents).

Un apport protéique suffisant est facilement obtenu ; l’objectif est de limiter leslipides l’accompagnant en privilégiant :

– les protéines végétales (légumineuses, tofu) ;– le poisson, moins gras que la viande ;– les viandes maigres (viandes blanches, cheval, morceaux choisis du bœuf

ou du porc).

■Modifier le comportement alimentaire

Si des pathologies majeures du comportement alimentaire (boulimies) sontrarement impliquées dans la survenue d’une obésité, certains troubles y sontfréquents :

– l’absence de petit déjeuner accroît les prises alimentaires suivantes ; sonrétablissement a un effet favorable démontré sur le poids ;

– dans la majorité des cas, des grignotages et compulsions alimentairesextraprandiaux contribuent fortement à l’excès calorique ; leur reconnaissance(par la tenue d’un carnet alimentaire), la gestion des situations de stress oud’ennui par d’autres moyens (sortir, téléphoner, se baigner…) et le retour à unealimentation contrôlée (à heures précises, assis à table, avec des couverts, unenappe…) sont favorables ;

– l’hyperphagie prandiale peut être réduite par un ensemble de mesurespréventives et comportementales simples : avoir des petites assiettes, ne pas lesfinir, ne pas se resservir, poser la fourchette entre chaque bouchée.

Tableau 1. – Principaux nutriments : implications dans l’excès pondéral.

Protéines Glucides Lipides

Rassasiement + + + + + ±Apport énergétique (kcal/g) 4 4 9Pourcentage des apports quotidiens + + + + + +Capacités de stockage ± + + + +Conversion vers un autre typede nutriment

+ + -

Autorégulation (oxydation accruesi apport accru)

+ + + + + -

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À l’inverse, une prescription trop hypocalorique entraîne un syndrome derestriction cognitive avec une hypersensibilité aux stimuli externes (aliments) etinternes (faim) favorisant la survenue de compulsions alimentaires, mais aussi detroubles du sommeil, de l’humeur. Le « régime » est alors inefficace sur le poids etnéfaste pour le sujet.

■Envisager une aide spécialisée

Le médecin généraliste consulté pour une obésité ou une demanded’amaigrissement a la formation nécessaire pour gérer cette consultation etréaliser une prescription diététique de première intention. Le temps et lacompétence qu’y consacrera une diététicienne seront une aide précieuse dans ungrand nombre de cas.

L’orientation vers un spécialiste peut être motivée par :– une pathologie psychiatrique (dépression, trouble grave du comportement

alimentaire) qui rend illusoire ou dangereux le changement de mode de vienécessaire pour négativer le bilan énergétique ;

– une complication somatique limitant les possibilités de modifier le bilanénergétique, ce qui installe un cercle vicieux entre l’obésité et ses conséquences ;il faut solliciter le rhumatologue ou l’orthopédiste si l’arthrose d’une articulationportante entrave la marche, le diabétologue si les hypoglycémies soussulfamides, hypoglycémiants ou insuline empêchent de modérer les apportsalimentaires, le cardiologue si la dyspnée ou les douleurs angineuses entraventl’activité physique ;

– une obésité massive ou rebelle, justifiant la prise en charge par un médecinnutritionniste.

■Conclusion

La prescription diététique dans les obésités relève bien des compétences d’unmédecin : elle suppose un interrogatoire, un examen clinique, une réflexionpersonnalisée quant aux enjeux, la délivrance d’informations diététiques maisaussi concernant l’activité physique, pour lesquelles les médecins sont formés, etelle justifie parfois l’orientation vers un spécialiste.

Elle a pourtant des spécificités qui l’éloignent de certains modes d’exercice : ellene peut pas être une réponse simplement médicamenteuse, lors d’uneconsultation hâtive. Le patient attendant de recevoir passivement ce type deprestation est forcément déçu quand c’est un changement actif de son mode devie, aux implications psychologiques importantes, qui lui est conseillé. Reflétantce décalage, beaucoup de médecins généralistes ont un vécu pénible, biencompréhensible, de la consultation de nutrition. [2] Des évolutions sociales lourdes(sédentarité, accès facile à une alimentation riche), l’ambiguïté des médias(encourageant la consommation et participant au culte de la minceur), aggraventcette difficulté.

L’échec à long terme de restrictions caloriques sévères (retour au poids initialdans 95 % des cas 9 ans après) ne doit pas faire oublier les bénéfices del’amaigrissement volontaire maintenu de façon prolongée. Maintenir une pertede seulement 5 kg pendant 5 ans améliore la tension artérielle, la glycémie et lerisque de diabète, le bilan lipidique, la fonction respiratoire, la qualité de vie : [1] ils’agit de recommandations de bonne pratique. Des objectifs réalistes sontcompatibles avec des résultats positifs et justifient le temps consacré à laprescription diététique.

V. Rigalleau (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Adresse e-mail: [email protected]

H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Nutrition-diabétologie, USN, Hôpital Haut-Lévêque, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V. Rigalleau, H. Gin. Prescription diététique dans les obésités.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0891, 2003, 3 p

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Prescription diététique dans les obésités - 3-0891

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Prescription diététique dans

l’hypertension artérielle

P. Gosse, H. Bely

L es règles hygiénodiététiques constituent un élément important de la prise en charge de l’hypertendu et doiventêtre adaptées à chaque patient. Les conseils visent d’une part à diminuer les chiffres tensionnels (réduction de

la consommation d’alcool et de sel, exercice physique, perte de poids) et d’autre part à lutter contre les autres facteursde risque éventuellement associés (tabac, hypercholestérolémie, diabète…). Ces conseils doivent être formulés dès ledébut de la prise en charge de l’hypertendu, et peuvent parfois éviter ou retarder la nécessité d’un traitementmédicamenteux. La principale difficulté consiste à faire accepter ces modifications à des sujets souventasymptomatiques.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hypertension ; Mesures hygiénodiététiques ; Alcool ; Régime sans sel ; Exercice physique

■Introduction

L’hypertension artérielle touche environ 15 % des populations des paysindustrialisés. Elle est responsable d’une morbimortalité cardiovasculaireimportante, que permet de réduire très significativement la baisse des chiffres depression artérielle (PA). L’hypertension artérielle (HTA) dite essentielle, de très loinla plus fréquente (95 %), fait intervenir des facteurs génétiques etenvironnementaux. Ces derniers rendent compte de l’intérêt des mesureshygiénodiététiques qui permettent souvent de limiter l’importance desprescriptions médicamenteuses, et qui de ce fait doivent être la première étape del’acte thérapeutique. Cependant, l’HTA touchant une population de sujets engénéral asymptomatiques, les mesures diététiques ne doivent pas être tropcontraignantes pour être acceptées sur le long terme et être présentées avecconviction et patience.

Les conseils à donner à nos patients ont deux volets : des mesures restrictiveset des mesures additives.

■Mesures restrictives

‚ Facteurs hypertensifs

Alcool

La responsabilité de l’alcool dans l’HTA est indiscutable, mais insuffisammentconnue et prise en compte. Il existe une relation linéaire entre la quantité d’alcoolconsommée et l’élévation de la PA, et une consommation d’alcool excessive etrégulière fait partie des HTA iatrogènes. Une consommation aiguë peut être àl’origine de poussées hypertensives, surtout pendant la période de sevrage. Cettecause d’HTA est de beaucoup plus fréquente que la consommation de réglissealors qu’elle est souvent oubliée dans l’interrogatoire de l’hypertendu. Laréduction de la consommation d’alcool fait partie des mesures efficaces dans lecontrôle de la PA (encadré 1).

Sel

La responsabilité du sel dans l’HTA reste très discutée. La controverse est liée àdeux types de résultats contradictoires. Épidémiologiquement, il existe unerelation entre la consommation de sel dans une population et la prévalence del’HTA, les populations où l’alimentation reste très pauvre en sel connaissant peu

d’HTA à la différence des populations industrielles. En revanche, les étudesd’intervention sur la consommation de sel ont montré une efficacité faible etinconstante sur la réduction des chiffres de PA. Au niveau individuel, il existe degrosses différences de sensibilité au sel et cette sensibilité est génétiquementdéterminée. À notre avis, il fait peu de doutes que l’augmentation considérable dela consommation de sel qu’a connue l’espèce humaine dans un passé récent,avec son utilisation d’abord comme mode de conservation puis aujourd’huicomme additif quasi constant de toute alimentation industrielle, est en grandepartie responsable de la fréquence actuelle de l’HTA. Cependant il est difficile derevenir en arrière tant cette consommation est devenue habituelle. Il faut, pourespérer prévenir un nombre significatif d’HTA, diminuer progressivement laconsommation de sel des populations par un certain nombre de mesuresprogressives visant à limiter les apports dans l’alimentation industrielle. Cesmesures sont à l’étude. Pour le présent et pour nos patients, la proposition derestriction sodée a une portée limitée :

– pour être vraiment efficace, elle doit être relativement importante, autour de3-4 g de chlorure de sodium alors que la consommation habituelle est autour de10 g. Une telle restriction n’est en général pas supportée par les patients, surtoutdes hypertendus par ailleurs en bonne santé ;

– les effets d’une telle restriction sur la PA sont très variables d’un individu àl’autre et, en dehors d’élévations modestes de la PA, ne suffisent pas à éviter untraitement médicamenteux ;

– il faut se méfier de ses inconvénients possibles chez les sujets âgés(anorexie).

Cependant, il faut souligner qu’une consommation sodée excessive peutlimiter l’action de certains antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme deconversion [IEC], diurétiques) et doit être combattue.

En pratique nous limitons la restriction sodée à quelques conseils faciles àsuivre pour la majorité des patients (encadré 2).

Encadré 1 Alcool et hypertension artérielleLes apports quotidiens d’alcool devraient être inférieurs à20 g pour la femme, 30 g pour l’homme.À titre indicatif, 10 g d’alcool sont apportés par :• vin 12° : 10 cl ;• bière : 25 cl ;• porto : 6 cl;• whisky, pastis, cognac : 3 cl.

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Surchage pondérale

Il existe un lien indiscutable entre surcharge pondérale et HTA. Ce lien estcomplexe et comporte des aspects génétiques et métaboliques(insulinorésistance, hyperuricémie…). La perte de poids est un des élémentsimportants de la prise en charge d’un hypertendu, non pas tant pour ladiminution des chiffres tensionnels qui reste le plus souvent modeste que pour ladiminution du risque cardiovasculaire qui est l’objectif primordial. Quelquesprincipes doivent guider l’action diététique :

– la restriction calorique doit être progressive et pouvoir être acceptée sur lelong terme et s’intégrer dans une alimentation équilibrée et variée ;

– la restriction calorique doit surtout porter sur les sucres rapides et lesaliments gras ;

– la ration calorique doit être répartie sur trois repas équilibrés ;– une perte de poids modeste peut déjà être bénéfique.La restriction calorique doit toujours s’accompagner d’une augmentation de

l’exercice physique, elle-même bénéfique sur les chiffres de PA.

Réglisse

La consommation régulière de réglisse peut entraîner une HTA. Il existe unesensibilité individuelle génétiquement déterminée et liée à l’activité d’uneenzyme : la 11-bêtahydroxydéshydrogénase qu’inhibe la réglisse. Cette enzymejoue un rôle fondamental en protégeant l’accès des récepteurs de l’aldostéronede l’action du cortisol. Sa totale absence dans certaines formes rares d’HTAconduit à un tableau de pseudohyperaldostéronisme avec hypokaliémie. C’est ceque reproduit l’intoxication à la réglisse. Il ne faut cependant pas interdire uneconsommation occasionnelle aux hypertendus. C’est la consommationquotidienne qui doit être évitée (encadré3).

Stress

Les patients font souvent un lien entre stress et HTA. Il est vrai que touteémotion, toute douleur s’accompagne habituellement d’une élévation transitoirede la PA. Certaines études épidémiologiques ont décrit une augmentation del’incidence de l’HTA dans certaines situations particulièrement stressantes, etquelquefois un effet bénéfique à court terme sur la PA des techniques derelaxation. Cependant, le lien entre HTA et stress reste ténu, et le médecin ne doit

pas encourager le patient dans cette direction qui peut avoir des conséquencesnéfastes sur sa prise en charge : abandon des traitements antihypertenseursquand le patient se sent bien (vacances…), automesure de la PA à chaque foisque le patient se sent stressé, ce qui peut aboutir à une surestimation de seschiffres tensionnels et à un cercle vicieux HTA-stress.

‚ Cofacteurs de risque

Tabac

La consommation de tabac entraîne une élévation brève de la PA et de lafréquence cardiaque, mais le tabagisme ne paraît pas lié à une augmentation dela prévalence de l’HTA. Cependant, le tabagisme majore de façon indiscutable lerisque cardiovasculaire et doit être combattu chez l’hypertendu avec toutel’énergie nécessaire. L’hypertendu tabagique doit comprendre que l’arrêt dutabac est aussi important que la prise de traitement antihypertenseur. L’utilisationdes patchs de nicotine n’est pas contre-indiquée chez le patient hypertendu.

Diabète

L’existence d’une HTA est particulièrement néfaste chez le diabétique, et cedanger se manifeste déjà pour des élévations modestes de la glycémie (glycémieà jeun entre 6,1 et 6,9 mmol/l) avant même le diabète avéré [1]. Dans cesconditions, la restriction calorique et la diminution des sucres rapides font partiedes mesures diététiques avant même que le diabète s’installe.

Graisses alimentaires

La lutte contre l’hypercholestérolémie fait bien sûr partie de la prise en chargeglobale du patient hypertendu. Une consommation importante de graissesinsaturées et en particulier d’huiles de poisson pourrait avoir un effethypotenseur. Le régime DASH, riche en fruits et légumes, pauvre en graissessaturées, a permis de réduire la PAS d’hypertendus de 11 mmHg [2].

Café

Contrairement à une idée parfois répandue chez les patients, il n’existe aucunlien entre la consommation de café et la survenue d’une HTA.

■Mesures additives

‚ Activité physique

L’exercice physique régulier fait partie des mesures diététiques efficaces pourdiminuer la PA et le risque cardiovasculaire, et cela reste valable à tout âge.L’exercice ne doit pas être violent mais soutenu (au moins une demi-heure) etrépété (au moins trois fois par semaine). Il faut privilégier les efforts isotoniques etd’endurance (marche, course, vélo, natation…). Les efforts violents sanspréparation et les efforts isométriques (musculation) doivent être évités par leshypertendus non équilibrés.

‚ Potassium

Les études épidémiologiques objectivent un lien positif entre la consommationde potassium et la PA, et la supplémentation potassique pourrait contribuer àfaire baisser légèrement la pression artérielle [3]. Il faut cependant se méfier d’unapport potassique excessif (encadré 4), en particulier avec les sels de potassiumen cas d’insuffisance rénale, chez le sujet âgé ou en association avec certainesthérapeutiques (diurétiques épargneurs de potassium, antialdostérone, IEC,antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II).

‚ Calcium

Une augmentation des apports en calcium de l’alimentation pourraitcontribuer à faire baisser la PA. Ces résultats sont cependant discutés. En fait,comme d’ailleurs pour le potassium, ces effets s’annuleraient en cas de restrictionsodée (encadré 5).

■Conclusion

Un certain nombre de mesures hygiénodiététiques peuvent ainsi chezl’hypertendu contribuer à diminuer les chiffres de PA et le risque cardiovasculaire.Le rôle du médecin est d’éduquer le patient tout au long des consultations

Encadré 2 Le sel chez l’hypertenduNotre alimentation est trop riche en sel. Certains gestespeuvent contribuer à diminuer ces apports :• limiter le sel dans la préparation des aliments. Préférer lesherbes aromatiques (persil, thym, basilic, estragon…), lesépices (poivre, muscade, safran, curry…), l’ail, l’oignon etl’échalote ;• ne pas mettre systématiquement de salière sur la table, nides condiments salés comme Ketchup, mayonnaise,moutarde ;• éviter les aliments très salés : salaisons, chips, gâteauxapéritifs…Pour information :• 60 g de pain (un quart de baguette), trois biscottes, 30 g defromage, une tranche de jambon, une tranche de saumonfumé, deux tranches de saucisson, 30 g de céréales, uneviennoiserie, cinq petits beurre, quatre olives noiresapportent 1 g de chlorure de sodium (NaCl) ;• une part (200 g) de pizza ou de quiche, une assiette desoupe industrielle (150 ml), 100 g de biscuits apéritifsapportent 2,5 g Nacl,

Encadré 3 Réglisse et alimentationLes sources de réglisse restent multiples et parfois cachées.Citons :• les confiseries, certains chewing-gums dont le parfumprincipal peut ne pas être la réglisse• certaines boissons : anthésite, certains pastis• tisanes.

3-0910 - Prescription diététique dans l’hypertension artérielle

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motivées par la prise en charge de l’HTA. Dans l’hypertension légère à modérée,qui est de loin la plus fréquente, le traitement antihypertenseur ne doit êtredébuté qu’après une période d’observation de plusieurs semaines à plusieursmois, qui vise à vérifier la permanence de l’HTA. Cette période doit absolument

être mise à profit pour mettre en place les mesure hygiénodiététiques quipeuvent dans certains cas éviter la prescription d’un traitementmédicamenteux [4]. Ensuite, tout au long du suivi de l’hypertendu, la consultationne doit pas se limiter à la mesure des chiffres tensionnels et au renouvellementde l’ordonnance. L’éducation du patient, l’encouragement insistant à abandonnerles plus mauvaises habitudes (alcool, tabac, sédentarité…) doivent être chaquefois un temps important de l’entretien avec le patient. Si le médecin veut êtreconvaincant, il doit d’abord être lui-même convaincu, et son insistance calme etpatiente pourra permettre des changements significatifs et bénéfiques dansl’hygiène de vie de ses patients.

P. Gosse (Cardiologue, praticien hospitalier)Adresse e-mail: [email protected]

H. Bely (Diététicienne)Hôpital Saint-André, 1 rue Jean-Burguet, 33075 Bordeaux, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P. Gosse, H. Bely. Prescription diététique dans l’hypertension artérielle.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0910, 2003, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Henry P, Thomas F, Benetos A, Guize L. Impaired fasting glucose, bloodpressure and cardiovascular disease mortality.Hypertension2002; 40: 458-463

[2] Appel LJ, Moore TJ, Obarzanek E, Vollmer WM, Svetkey LP, Sacks FM et al.A clinical trial of the effects of dietary patterns on blood pressure. DASH Collabo-rative Research Group.N Engl J Med1997; 336: 1117-1124

[3] Cappucio FP, MacGregor GA. Does potassium supplementation lower bloodpressure? A meta-analysis of published trials.J Hypertens1991; 9: 465-473

[4] Prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle essen-tielle. Anaes, 2000

Encadré 4 Alimentation et potassiumUne alimentation équilibrée contient naturellement dupotassium, en particulier si elle apporte quotidiennementdeux fruits crus, un plat de légumes verts cuits, une crudité.Sont particulièrement riches en potassium :• les légumes secs (lentilles, pois cassés) dont laconsommation hebdomadaire est recommandée ;• les fruits secs et oléagineux mais qui représentent unapport calorique important ;• les potages de légumes, de préférence faits à la maison sanstrop de sel ;• les jus de fruits frais.

Encadré 5 Alimentation et calciumLa source principale de calcium est représentée par lesproduits laitiers. Il faut privilégier les produits écrémés pourlimiter l’apport en graisses saturées et en calories.Certaines eaux minérales constituent une source intéressantede calcium : Vittel, Contrexéville, Hépar, Salvetat… Cette listen’est pas exhaustive.

Prescription diététique dans l’hypertension artérielle - 3-0910

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Corticothérapie et fonction

surrénalienne

H Mosnier-Pudar

T oute thérapeutique prolongée par les glucocorticoïdes comporte le risque de voir s’installer une insuffisancesurrénale. Le diagnostic repose sur des tests dynamiques. Le test le plus performant à pratiquer est le test au

Synacthènet immédiat.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les glucocorticoïdes utilisés à doses pharmacolo-giques ont une action anti-inflammatoire etimmunosuppressive, mais le gain thérapeutiques’accompagne d’effets secondaires métaboliques ethypophysofreinateurs. Ce sont ces derniers quiseront développés ici.

Les glucocorticoïdes sont responsables de lasuppression de la sécrétion de la CRH hypothala-mique (corticotropin releasing hormone) et de l’ACTHhypophysaire (adrenocorticotropic hormone). Defaçon simplifiée, l’ACTH a une action trophique surles surrénales, aboutissant à une augmentation de lasécrétion de glucocorticoïdes et d’androgènes. Lasécrétion d’ACTH est elle stimulée par la CRHhypothalamique et inhibée par un rétrocontrôlenégatif des glucocorticoïdes. Ainsi, l’actionsuppressive hypothalamohypophysaire desglucocorticoïdes de synthèse entraîne une atrophiedes surrénales, avec perte des capacités sécrétoiresen cortisol. Cette suppression est d’autant plusimportante que le traitement glucocorticoïde est pluslong et plus lourd. Elle est aussi très différente d’unindividu à l’autre du fait d’une très grande variabilitéinterindividuelle. Toute thérapeutique prolongée parles glucocorticoïdes comporte donc le risque de voirs’installer une insuffisance surrénale [1, 3].

■Glucocorticoïdes et suppression

de la fonction corticotrope

‚ Mécanismes d’action

L’effet suppresseur des traitements parglucocorticoïdes s’effectue à deux niveaux :

– au niveau hypothalamique par un rétrocon-trôle négatif sur la production et la libération de CRH,démontré chez l’animal ;

– au niveau hypophysaire où, dépendant de ladose, on assiste à une inhibition de la libération et dela synthèse d’ACTH, cela par le biais de récepteursglucocorticoïdes situés sur les cellules corticotropes.

‚ Facteurs déterminant le degréde suppression

Affinité pour le récepteur glucocorticoïde

L’affinité des stéroïdes de synthèse pour lerécepteur glucocorticoïde est variable.

Plus cette affinité sera forte, plus la suppression del’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS)sera importante.

Biodisponibilité

Elle dépend :– du mode d’administration : par voie orale,

l’absorption est le plus souvent rapide. Certainespréparations injectables sont résorbées lentement, etleurs taux plasmatiques restent élevés plusieursjours, voire plusieurs semaines. Enfin, lesapplications locales (cutanées, collyres...) peuventavoir des effets systémiques ;

– du type de molécules : certaines, pour êtreactives, doivent être converties in vivo ;

– de la clairance métabolique : facteur majeur dedétermination du niveau d’activité ;

– de l’horaire d’administration : en raison durythme nycthéméral de la sécrétion d’ACTH, lesglucocorticoïdes ne peuvent exercer unesuppression que lorsque l’axe HHS est en activité.Ainsi, l’administration d’une dose unique le matinaura moins d’effet suppresseur que la même doseadministrée le soir, qui elle supprimerait le picnocturne d’ACTH. Cette particularité est à l’origine dela corticothérapie alternée avec administration tousles 2 jours. Ainsi, l’efficacité est conservée, et onpourrait amoindrir la suppression de l’axe HHS. Parailleurs, en période de récupération de l’axe, il est

important d’administrer la totalité de la dosesubstitutive en une prise le matin en utilisant unglucocorticoïde de demi-vie courte.

Durée du traitement et quantitéde glucocorticoïdes administrée

Ce sont les deux facteurs principaux de lasuppression de l’axe HHS.

De façon très grossière, on peut avancer que :– un traitement de 3 semaines, quelle que soit la

dose, a peu de risque d’entraîner une insuffisancesurrénale ;

– une dose de moins de 10 mg/j d’équivalentprednisone, quelle que soit la durée du traitement età condition de ne pas l’administrer le soir, a peu derisque d’entraîner une insuffisance surrénale ;

– un patient développant des signes cliniquesd’hypercortisolisme a un risque accru d’insuffisancesurrénale. Ainsi, tout traitement prolongé deplusieurs mois ou plus, surtout si les doses sontimportantes (supérieures à 10 mg/j d’équivalentprednisone), risque d’entraîner une inertie de l’axeHHS.

Susceptibilité individuelle

La sensibilité aux glucocorticoïdes présente unegrande variabilité. Cela rend pratiquementimpossibles, pour un sujet donné, la prévision de laprofondeur de la suppression de l’axe HHS et le délaide récupération. Il faut donc dépister systémati-quement une insuffisance corticotrope à la fin d’unecorticothérapie et instaurer une surveillance cliniqueet biologique régulière pour en apprécier larécupération.

‚ Récupération de l’axehypothalamo-hypophyso-surrénalien

Le délai de récupération est très variable etimpossible à prévoir pour un individu donné. Àl’arrêt d’une corticothérapie prolongée, la

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suppression de l’axe HHS persiste. Le mécanisme decette persistance n’est pas connu, mais le déficitcorticotrope ne récupérant pas, l’atrophie surrénaliennese pérennise, expliquant l’insuffisance surrénale.

Il est probable que la récupération de la sécrétionhypothalamique de CRH soit la première à se faire,puis, plusieurs semaines après, on assiste à laréapparition puis à la normalisation de la sécrétionde l’ACTH.

Par la suite, le processus de cette récupération estmieux connu :

– progressivement, les taux d’ACTH du matin senormalisent, mais la sécrétion surrénalienne restebasse encore pendant plusieurs semaines ;

– puis les taux d’ACTH vont atteindre des tauxsupranormaux, la sécrétion surrénalienne de base senormalise et dans un deuxième temps la réponse austress est restaurée ;

– lorsque le cortisol du matin et le cortisol libreurinaire des 24 heures se normalisent, les tauxd’ACTH s’abaissent à nouveau à des niveauxphysiologiques.

■Évaluation de l’axe

hypothalamo-hypophyso-surrénalien

Le sevrage en glucocorticoïdes va se heurter àdeux problèmes :

– la possible récidive de la maladie causale lorsde l’effet de l’arrêt du traitement, partie que nous netraiterons pas au cours de cet exposé ;

– l’inertie de l’axe HHS, qui peut être responsabled’une insuffisance corticotrope avec risque dedécompensation aiguë de celle-ci en cas de stress.

Ainsi, l’évaluation de l’axe HHS sera faitecliniquement et biologiquement [2]. Elle serasystématique à l’arrêt de la corticothérapie et serapoursuivie régulièrement s’il existe une anomalie.

Le premier bilan sera effectué lorsque la dose deglucocorticoïdes aura été ramenée à une dosesubstitutive, environ 5 mg/j d’équivalent prednisoneou 20 mg/j d’hydrocortisone.

‚ Signes d’insuffisance clinique

Les signes d’insuffisance surrénale sont nonspécifiques et peuvent parfois en imposer pour unereprise évolutive de la maladie causale. De plus,l’insuffisance surrénale est en règle généralemodérée et donc peu parlante. Parfois, des signesd’imprégnation cortisolique peuvent masquerl’insuffisance.

Le tableau associe de façon variée une asthénie,une anorexie, une perte de poids, un syndromedouloureux avec céphalées, arthralgies, myalgies,un malaise généralisé, un état dépressif... Plusrarement, peuvent apparaître des douleursabdominales, des nausées, des vomissements et

une hypotension artérielle qui doivent faireévoquer une décompensation aiguë.

Le plus souvent, la sécrétion minéralocorticoïdeest préservée, et il n’y a pas de signe secondaire àune fuite sodée.

Ces signes sont améliorés par le maintien (ou lareprise) d’une dose de glucocorticoïdes substitutive.Cela authentifie une insuffisance corticotrope etconstitue, pour le médecin, un critère d’évaluationclinique qui lui permettra, par la suite, d’apprécier lapossibilité de réduire l’apport hormonal.

Beaucoup plus rarement, ces mêmes symptômespeuvent être retrouvés chez des patients recevantdes doses glucocorticoïdes supérieures à la dosesubstitutive, ou chez des patients ayant récupéré unaxe HHS normal, authentifié par des testsbiologiques.

C’est le phénomène de la corticodépendance. Laphysiologie de ce phénomène n’est pas connue, etseule la réintroduction ou l’ascension des doses decorticoïdes permettent une amélioration clinique.

‚ Évaluation biologique hormonale

Son but est d’authentifier une anomalie dufonctionnement de l’axe HHS dans un premiertemps, puis, au cours de la surveillance, d’affirmer leretour à un fonctionnement normal.

Le diagnostic d’anomalie de l’axe HHS reposeessentiellement sur les tests dynamiques.

Le test au Synacthènet immédiat est le testdiagnostique le plus facile à pratiquer, puisqu’il peutêtre fait en externe et 12 heures après l’arrêt d’untraitement substitutif. Ce test mesure la capacité dela surrénale à répondre à une stimulation aiguë.Cette capacité est fonction de l’état trophique de laglande surrénale : une glande atrophique nerépondra pas, ou mal, à cette stimulation.

Une réponse normale au Synacthènet immédiatimplique que la fonction corticotrope a redémarré, eton peut dire de façon quasi certaine que larécupération de l’ensemble de l’axe HHS a eu lieu. Laréponse normale à ce test est un cortisol supérieur à200 ng/mL 1 heure après l’injection intramusculairede Synacthènet immédiat.

Malgré tout, il existe quelques rares cas, environ5 %, où le Synacthènet immédiat ne permet pas defaire le diagnostic d’insuffisance corticotrope. Le plussouvent, il s’agit de situations de pathologiesorganiques ou de chirurgie hypophysaire, maisquelques cas ont pu être décrits également lors del’arrêt de la corticothérapie.

À ce moment-là, deux autres tests dynamiquespeuvent être proposés en cas de forte suspicionclinique. Ils explorent l’ensemble de l’axe HHS. Ils’agit du test à la Métopironet et de l’hypoglycémieinsulino-induite. Ces deux tests ne sont pas dénuésde risque. Ils sont contre-indiqués chez le sujet âgé etle sujet avec atteinte cardiovasculaire ouneurologique, et ils doivent toujours être pratiquésen milieu hospitalier.

La mesure de l’hormonémie de base, qu’il s’agissedu cortisol plasmatique ou du cortisol libre urinaire, apeu d’intérêt puisque ses paramètres peuvent êtrenormaux en présence d’une insuffisancecorticotrope, surtout si elle est modérée.

■Sevrage

Le sevrage d’une corticothérapie comporte troisétapes successives [1, 3] (fig 1).

‚ Première étape : revenir à des dosessubstitutives

La réduction des doses de glucocorticoïdes seraprogressive. Au cours de cette étape, il n’y a pas derisque d’insuffisance surrénale. En revanche, on peutassister à une recrudescence de la maladie causale.En fait, c’est l’évolution de la maladie causale quidictera la rapidité avec laquelle la corticothérapiesera diminuée.

Lorsque l’on atteint une dose équivalente à30 mg de prednisone (120 mg d’hydrocortisone), lacouverture, en cas de stress, peut être insuffisante. Ilexiste alors, en cas de maladie grave, un faible risqued’ insuffisance surrénale nécessi tant uneaugmentation des doses de la corticothérapie.

La récupération du fonctionnement del’axe HHS est progressive. Elle s’étalesur plusieurs mois, voire plusieursannées.

Temps

Cortisol plasmatique(ng/mL)

200

100

0

Glucocorticoïdesadministrés :Équivalents

Prednisone Cortisol

353025

1510

50

140

120100

604020

0

Risqued'insuffisancesurrénale

(stress)

1 2 3

(basale)

dose substitutive

Arrêtsubstitution(sauf stress)

AxeHHS

normalisé

: après Synacthène ®immédiat: base à 8 heures

Carte d'addisonien

1 Sevrage d’une cortico-thérapie en pratique. AxeHHS : axe hypothalamo-hypophysosurrénalien.

3-0550 - Corticothérapie et fonction surrénalienne

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‚ Deuxième étape : récupérationde la sécrétion basale

Lorsque l’on atteint une dose équivalente à 5 mgde prednisone (20 mg d’hydrocortisone), on atteintles doses substitutives, et c’est seulement à partir dece moment-là que l’on fera le bilan de l’axe HHS etque l’on pourra voir une insuffisance corticotropepersister et nécessiter un traitement substitutif, letemps de la récupération.

Le diagnostic d’insuffisance corticotrope reposedonc sur les signes cliniques et les tests biologiquesdéjà décrits.

Lorsque cette insuffisance corticotrope estconfirmée, un traitement substitutif est nécessaire, vule risque de décompensation aiguë qui met en jeu lepronostic vital à court terme (cf chapitre« Insuffisance surrénale »). Il faut dans ce cas éviterd’utiliser des glucocorticoïdes de demi-vie longue oude fortes doses de glucocorticoïdes de demi-viecourte le soir, car le délai de récupération sera

rallongé. Le choix peut se porter sur l’hydrocortisoneadministrée à la dose de 20 mg/j en deux prises,10 mg le matin et 10 mg à midi. Rapidement, ilfaudra essayer de donner la dose totale en une priseunique le matin. Si le patient le supporte bien, onessaiera de réduire encore la posologie à 10 mg/j.

Cette phase de sevrage est particulièrementdélicate, car le risque d’insuffisance surrénale estmaximal, aussi bien en situation basale qu’en cas destress. La surveillance sera surtout clinique. Dès quele patient supporte une dose infrasubstitutive, lasurveillance sera en plus biologique. Pendant toutecette période, le patient sera mis au courant durisque de décompensation aiguë. On lui enseignerala nécessité de doubler ses doses d’hydrocortisoneen cas de situation de stress (fièvre, chirurgie,extraction dentaire, fatigue intense, chaleurimportante...). Il est fortement conseillé de lui délivrerune carte d’insuffisant surrénal sur laquelle sontindiqués son traitement et son état.

La surveillance par le test au Synacthènetimmédiat sera donc instaurée, tous les 6 mois, unefois que le patient aura atteint des dosesinfrasubstitutives. Dès que le taux de cortisol dumatin se normalise, on considère que la sécrétionbasale est récupérée, mais le patient n’est toujourspas protégé dans les situations de stress. On peutalors supprimer la prise quotidienne d’hydrocor-tisone, mais en cas de stress, il faudra lui signaler dereprendre une dose de 10 mg, voire plus.

‚ Troisième étape : récupérationde la réponse au stress

Lorsque le test au Synacthènet immédiat senormalise, avec un taux de base normal et uneréponse normale du cortisol à la stimulation, on peutconsidérer que l’axe HHS est revenu à un état defonctionnement normal. C’est seulement à cemoment que l’on pourra arrêter tout traitementsubstitutif, y compris en cas de stress.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Corticothérapie et fonction surrénalienne.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0550, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Bertagna X. Corticothérapie et fonction surrénalienne.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-015-A-10, 1990 : 1-5

[2] Chaieb L, Vidal-Trecan G, Laudat MH et al. Le test rapide à la bêta 1-24corticotrophine, dans l’exploration de l’axe corticotrope.Presse Med1984 ; 13 :1283

[3] Mosnier-Pudar H, Bertagna X. Arrêt d’une corticothérapie. Quand ? Com-ment ?Rev Prat Med Gen1993 ; 7 :18-26

Corticothérapie et fonction surrénalienne - 3-0550

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Hyperaldostéronisme primitif

H Mosnier-Pudar

■Introduction

L’hyperaldostéronisme primitif ou primaire (HAP)associe habituellement une hypertension artérielle(HTA), une hypokaliémie, une rénine plasmatiquebasse et une aldostérone plasmatique élevée. Parmiles HAP, deux tiers sont liés à la présence d’unadénome surrénalien sécrétant de façon le plussouvent autonome de l’aldostérone, appeléclassiquement adénome de Conn. Les autres causesd’HAP sont l’hyperplasie bilatérale des surrénales dansla plupart des cas, et de rares formes d’HAPsporadiques ou familiales. L’adénome de Conn etl’hyperplasie bilatérale représentent moins de 2 % descauses d’HTA, mais l’adénome de Conn est laprincipale cause d’HTA chirurgicalement curable par sarésection. La guérison est obtenue dans un tiers descas, une franche amélioration des chiffres de pressionartérielle dans un autre tiers, les échecs étant surtoutliés à l’âge et à la l’ancienneté de l’HTA.

Devant un patient hypertendu hypokaliémique, lapremière démarche sera de rechercher la présenced’une HAP par exploration du système rénine-angiotensine. Ensuite, on s’attachera à distinguerl’adénome de l’hyperplasie bilatérale de la surrénale,principalement par l’imagerie et la démonstration del’autonomie de la sécrétion d’aldostérone.

■Diagnostic positif

‚ Éléments d’orientationL’association HTA et hypokaliémie doit faire

évoquer le diagnostic. L’HTA est constante sanscaractéristique sémiologique particulière. Elle estparfois sévère, classiquement résistante auxtraitements n’incluant pas de diurétiques.

L’hypokaliémie est l’anomalie majeure qui doit faireévoquer l’HAP. Elle est très suggestive du diagnosticlorsqu’elle est inférieure ou égale à 3,5 mmol/L, enl’absence de cause d’hypokaliémie (prise dediurétiques, de laxatifs, de réglisse...). Mais ce seuilconventionnel est insuffisant et amène à ignorer uneproportion importante d’HAP, voire des adénomes deConn. Cela s’explique par une distribution continue dela kaliémie, ainsi que des hormones entre les HTAessentielles et les HAP. Il reste néanmoins raisonnablede conserver la kaliémie comme test de dépistage desHAP, à condition d’élever le seuil de suspicion, quidéclenchera l’exploration hormonale à 3,7 mmol/L,voire à 3,9 mmol/L pour certains auteurs, en particuliersi l’HTA est sévère.

D’autres anomalies biologiques peuvent orienter lediagnostic :

– kaliurèse inadaptée à l’hypokaliémie en régimecalibré en sel (120 mEq de sodium/j) ;

– alcalose métabolique ;– élévation modérée de la natrémie.

‚ Diagnostic [1]

La preuve diagnostique de l’HAP passe par la miseen évidence d’anomalies de la sécrétion hormonaledu système rénine-angiotensine. Idéalement,l’exploration de ce système est réalisée en l’absence detout traitement antihypertenseur. En réalité, la sévéritéde l’HTA ne le permet le plus souvent pas. Dans tousces cas, l’exploration sera faite à 6 semaines d’arrêtd’un traitement par spironolactone et 10 jours aprèsarrêt d’un traitement diurétique, par inhibiteurs del’enzyme de conversion ou bêtabloquants. Letraitement de l’HTA repose si nécessaire sur lesantihypertenseurs centraux, les alphabloquants ou lesinhibiteurs calciques. De plus, cette exploration serafaite avec un apport sodé codifié : 120 mEq, soit 6 g desel de sodium/j.

Les explorations hormonales sont :– la mesure de l’aldostérone et de la rénine

plasmatique après 1 heure de décubitus ;– puis la mesure de l’aldostérone et de la rénine

plasmatique après 1 heure de marche ;– la mesure de l’aldostérone urinaire sur un recueil

d’urines des 24 heures.L’HAP, en l’absence des traitements sus-cités et des

bilans potassique et sodé équilibrés (natriurèsesupérieure à 100 mmoL/24 h et kaliurèse supérieure à40 mmoL/24 h), se caractérise par :

– un taux d’aldostérone élevé dans le plasma(valeur au repos supérieure à 150 pg/mL) et dans lesurines (supérieure à 15 ng/24 h) ;

– en présence d’une rénine basse après 1 heure demarche (rénine active inférieure à 10 pg/mL).

L’élévation du rapport aldostérone sur rénineplasmatique permet aussi de faire le diagnostic, àcondition de définir les valeurs de référence pourchaque laboratoire.

La recherche d’un hypercortisolisme pour mesuredu cortisol libre urinaire sur urines des 24 heures estsystématique. La mise en évidence d’une sécrétionpanachée cortisol et aldostérone fait évoquer lediagnostic de corticosurrénalome malin.

■Causes de l’hyperaldostéronisme

primitif

Les deux causes principales d’HAP sont avant toutl’adénome surrénalien et l’hyperplasie bilatérale dessurrénales. La distinction entre les deux se fait sur lamise en évidence d’une autonomie sécrétoire et sur lesdonnées de l’imagerie surrénalienne.

‚ Imagerie

Une fois l’HAP démontrée, l’imagerie abdominaleva jouer un rôle primordial dans la recherche de lacause de l’hypersécrétion hormonale.

La tomodensitométrie (TDM) abdominale est lepremier examen à pratiquer après le diagnostic del’HAP. Une bonne technique d’examen est primordiale

pour le diagnostic d’adénome surrénalien. Le patientdoit être à jeun, et l’opacification digestive peut êtrenécessaire. Des coupes axiales fines de 2 ou 3 mmdébordant largement les aires surrénaliennes sontpratiquées. L’injection de produit de contraste iodé estnécessaire en cas de pathologie tumorale.

La présence d’un nodule surrénalien unilatéral deplus de 10 mm ou de plus de 6 mm de diamètre, s’il estnettement individualisé et hypodense, permet de fairele diagnostic de la nature tumorale de l’HAP. La TDMpeut apporter des arguments de malignité si la tumeurest de grande taille, hétérogène ou calcifiée.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’estpas supérieure à la TDM pour le diagnostic d’adénomede Conn.

Lorsque la TDM n’est pas démonstrative et qu’ilexiste des arguments en faveur d’une autonomie de lasécrétion, il est licite de poursuive les explorationsradiologiques par une phlébographie avec traitementnumérique de l’image, avec prélèvements sanguinsétagés pour mesure de l’aldostérone et du cortisoldans les deux veines surrénaliennes. En faveur del’adénome, on retrouve un aspect d’encorbellementprésent sur au moins deux incidences et un rapportaldostérone sur cortisol cinq fois plus élevé du côtésuspect que du côté sain.

Lorsque la TDM n’est pas démonstrative et sil’autonomie sécrétoire n’est pas évidente, ou si laphlébographie n’est pas concordante, le patient esttraité médicalement. Dans la mesure du possible, lesexamens biologiques et la TDM seront refaits 2 ansplus tard.

‚ Recherche d’une autonomie sécrétoire

Physiologiquement, l’angiotensine II régule lasécrétion d’aldostérone. En cas d’adénomesurrénalien, la sécrétion d’aldostérone devientautonome et ne répond plus aux régulationsphysiologiques. Ainsi, elle n’est plus stimulée parl’orthostatisme, qui normalement augmente lalibération de rénine, et donc d’angiotensine II, qui àson tour aurait dû stimuler la sécrétion d’aldostérone.De même, la sécrétion d’aldostérone d’origineadénomateuse n’est pas freinée par la charge sodéeou le captopril, qui supprime la libérationd’angiotensine II. En revanche, dans l’hyperplasiebilatérale des surrénales, l’aldostérone reste en partiesensible à l’angiotensine II, stimulée par l’orthosta-tisme, inhibée par la charge en sel ou le captopril.

En fait, si les résultats de ces tests permettent debien distinguer les adénomes des hyperplasiesbilatérales des surrénales en tant que groupe depatients, les données individuelles sont moinsdiscriminatrices. Ces tests trouvent leur intérêt dansl’argumentation à poursuivre les explorationsd’imagerie à la recherche d’un adénome lorsque laTDM abdominale est douteuse.

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‚ Autres causesEn dehors de l’adénome de Conn et de

l’hyperplasie bilatérale des surrénales, les causesd’HAP sont exceptionnelles, sporadiques ou familiales(tableau I).

Seule mérite mention parmi les formes familialesl’HAP suppressible par les glucocorticoïdes. Le tableauclinique associe une HTA précoce, sévère, associée àune hypokaliémie. C’est une maladie à transmissionautosomique dominante justifiant une enquêtefamiliale, puisque la mutation responsable est connue.Il s’agit d’un gène hybride codant pour l’aldostérone etle cortisol, régulé par l’ACTH (adrenocorticotrophichormone). Un traitement par la dexaméthasonepermet de corriger les troubles.

■Diagnostic différentiel

‚ Hyperaldostéronismes secondairesMême si le tableau clinique se présente de façon

identique avec association d’une HTA et d’unehypokaliémie, les dosages hormonaux permettent defaire facilement la distinction devant un tauxaugmenté d’aldostérone plasmatique qui s’accompa-gne d’une rénine plasmatique non freinée.

Les causes principales en sont l’HTA traitée pardiurétiques, l’HTA rénovasculaire, l’HTA maligne et lesexceptionnelles tumeurs à rénine.

On en rapproche les hypokaliémies secondairesaux troubles digestifs ( laxatifs , diarrhées,vomissements), mais alors la kaliurèse est basse.

‚ Autres hyperminéralocorticismesDans ce cas, la sécrétion d’aldostérone est freinée et

la rénine est basse.Les causes en sont :– la corticothérapie ;– le syndrome de Cushing, qui sera systématique-

ment recherché par dosage du cortisol libre urinaire ;– la production, par des tumeurs surrénaliennes le

plus souvent malignes, de désoxycortisone (DOC) ouautres précurseurs ;

– l’hyperplasie congénitale des surrénales pardéficit enzymatique, le plus souvent en17â-hydroxylase ;

– la résistance aux glucocorticoïdes.En dehors de la corticothérapie et du syndrome de

Cushing, toutes les autres causes sont exceptionnelles.Plus fréquente, réalisant un pseudohyperminéralo-

corticisme, est la consommation importante deproduits dérivant de l’acide glycyrrhizinique (réglisse,antésite, pastis sans alcool). Il existe alors uneinhibition de la 11â-hydroxystéroïde-déshydrogénase.Celle-ci est responsable de la dégradation du cortisolhormone active en cortisone hormone inactive, auniveau du rein en particulier. L’inhibition de cetteenzyme résulte en des taux intrarénaux de cortisolélevés qui vont pouvoir se fixer sur le récepteur desminéralocorticoïdes et induire un hyperminé-ralocorticisme.

‚ Hypertension artérielle à rénine basseVingt pour cent des HTA de l’adulte s’accompa-

gnent d’un taux de rénine plasmatique abaissé. Cephénomène est plus fréquent chez les sujets de racenoire et ne s’accompagne jamais d’hyperaldo-stéronisme.

■Traitement

Les objectifs thérapeutiques sont la correction del’hypokaliémie et de l’HTA.

Le contrôle de la kaliémie est généralementpossible dans l’adénome et l’hyperplasie avec undiurétique distal à bonne dose, type spironolactone(100 à 150 mg/j) ou amiloride (20 à 30 mg/j).

Le contrôle tensionnel, en revanche, n’est pastoujours obtenu avec ces seuls agents, en particulierdans l’hyperplasie bilatérale des surrénales.

‚ Traitement de l’adénome de ConnLe diagnostic d’un adénome de Conn ne conduit

pas toujours à la chirurgie. En effet, l’existence d’untraitement médical spécifique, la spironolactone,permet dans certains cas de surseoir à l’intervention.

Les arguments en faveur d’un traitement chirurgicalsont [2] :

– des critères d’imagerie en faveur d’une malignitétumorale, et alors la chirurgie ne se discute pas ;

– le caractère récent de l’HTA ;– la sévérité de l’hypokaliémie ;– la bonne réponse tensionnelle à un traitement

d’épreuve par spironolactone ;– la mauvaise tolérance au traitement médical.

Une HTA ancienne et une kaliémie peu abaisséesont plutôt en défaveur de l’intervention.

Lorsque l’indication chirurgicale est posée, elle seraréalisée après 6 semaines de préparation médicale parspironolactone. Cette préparation permet de corriger ledéficit potassique et aussi, par la réponse tensionnelle,de prédire le gain tensionnel après chirurgie.

La kaliémie étant normalisée, aucune précautionanesthésique particulière n’est nécessaire. L’aspectunilatéral de la tumeur permet un abord parlobotomie. Aujourd’hui, les équipes entraînéesproposent un abord cœlioscopique vu la petite tailledes adénomes.

Les suites opératoires sont le plus souvent simples.La kaliémie reste normale malgré l’arrêt de laspironolactone, alors que la normalisation des chiffresde pression artérielle est retardée. Les facteurs deprédiction d’une évolution tensionnelle favorable sontla réponse à la spironolactone (positivement associéeau taux de succès), la diastolique initiale et l’anciennetéde l’HTA (négativement associée).

‚ Traitement par l’hyperplasie bilatéraledes surrénales

Dans ce cas, le traitement est toujours médical. Ilrepose sur la prescription de spironolactone (100 à150 mg/j) avec, si le contrôle tensionnel l’exige,association à un bêtabloquant et/ou à un inhibiteurcalcique.

Les effets secondaires de la spironolactone sontparfois importants et/ou mal tolérés. Le plus souvent, ils’agit , chez l’homme, d’impuissance et degynécomastie ; chez la femme, de troubles des règles.On peut alors avoir recours à un diurétique d’actiondistale comme l’amiloride.

L’HAP est une cause exceptionnelle d’HTA, mêmelorsque celle-ci s’accompagne d’hypokaliémie. Il n’enreste pas moins qu’il est important de la rechercherdevant un tableau évocateur car elle peut, en casd’adénome de Conn tout particulièrement, êtreresponsable d’une HTA sévère, curablechirurgicalement.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Hyperaldostéronisme primitif.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0570, 1998, 2 p

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Tableau I. – Causes des hyperaldostéronismesprimaires et leur prévalence.

Causes Prévalence

Adénome de Conn Près de 64 %

Hyperplasie bilatéraledes surrénales

Près de 32 %

Hyperplasie unilatéraled’une surrénale

Moins de 2 %

Carcinome surrénaliensécrétant de l’aldosté-rone

1 %

Production ectopiqued’aldostérone (tumeurovarienne)

Moins de 1 %

Hyperaldostéronismesuppressible à ladexaméthasone

Moins de 2 %

3-0570 - Hyperaldostéronisme primitif

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Incidentalome surrénalien

H Mosnier-Pudar

L a majorité des incidentalomes surrénaliens sont bénins et non sécrétants, posant le problème d’une approchediagnostique et thérapeutique devant prendre en compte les coûts, les risques d’explorations parfois agressives,

les faux positifs et, du point de vue thérapeutique, la morbidité et la mortalité de la chirurgie en particulier. Raisonsupplémentaire pour que toute demande d’examen d’imagerie soit précisément justifiée !© Elsevier, Paris.

■Introduction

Sous le terme d’incidentalomes surrénaliens sontregroupées les masses surrénaliennes ou de la logesurrénalienne, de découverte fortuite lors d’unexamen morphologique fait pour une pathologiesans rapport avec les surrénales [4].

Depuis le début des années 1980, les masses dela loge surrénalienne de découverte fortuitedeviennent un problème courant, conséquence del’augmentation du nombre d’explorationsradiologiques abdominales. La prévalence desincidentalomes varie, selon les séries, de 0,35 à4,36 % [4 ] des examens scanographiquesabdominaux.

La découverte d’un incidentalome soulève deuxquestions :

– la tumeur est-elle hormonosécrétante ?– existe-t-il des arguments en faveur d’une

malignité ?

Ainsi, la recherche d’une sécrétion anormale serasystématique, car elle conduit à un traitementspécifique, en particulier chirurgical. Le plus souvent,aucune hypersécrétion n’est retrouvée, et il faut alorséliminer l’éventualité que la masse découverte soitun tumeur maligne primitive de la surrénale ou unemétastase. Mais la majorité de ces lésions sontbénignes et non sécrétantes, posant le problèmed’une approche diagnostique et thérapeutique quidoit prendre en compte les coûts, les risquesd’explorations parfois agressives, les faux positifs et,du point de vue thérapeutique, la morbidité et lamortalité, de la chirurgie en particulier.

■La tumeur est-elle

hormonosécrétante ?

Les masses de la loge surrénalienne, découvertesdans la population générale et non oncologique,sont dans 36 à 94 % des cas des tumeurs bénignesnon sécrétantes de la surrénale. Ces lésions sontaussi fréquentes chez l’homme que chez la femme.Elles sont rares avant 30 ans, puis leur prévalenceaugmente avec l’âge. Certaines populationsprésentent une plus grande fréquence [4] : les sujetsde race noire, les diabétiques, les obèses et les sujetsatteints de néoplasie endocrine multiple. La plusgrande fréquence des incidentalomes surrénaliens,secondaires à la maladie athéromateuse, chez leshypertendus, reste fortement controversée. Larecherche d’une hypersécrétion est d’importance carelle conditionne l’attitude thérapeutique, avecnécessité d’une prise en charge spécifique,chirurgicale dans la majorité des cas.

Les tumeurs surrénaliennes sécrétantes sont rareset peuvent se développer à partir de la médullosur-rénale (phéochromocytome) ou de la corticosurrénale(hyperaldostéronisme primaire, adénome de Conn,syndrome de Cushing avec adénome bénin oucorticosurrénalome malin, tumeur responsable devirilisation ou de féminisation).

La prévalence des tumeurssurrénaliennes sur autopsiesystématique étant quatre foissupérieure[4], on peut penser quel’amélioration des techniquesd’imagerie ne peut s’accompagner qued’une augmentation de la fréquencede découverte de ces masses.

Tableau I. – Incidentalomes d’origine surrénalienne, d’après les données de la littérature (Kloos etal), et les données personnelles sur 116 incidentalomes opérés entre 1982 et 1995 (données person-nelles du Pr Luton, hôpital Cochin, Paris).

Étiologies Données littérature Données personnelles 1982-1995

CorticosurrénaleAdénomes non sécrétants 36-94 % 24,1 %Cushing et préCushing 0-12 % 11,1 %Corticosurénalomes 0-25 % 6,8 %Hyperplasies de la corticosurré-nale

7-17 % 2,7 %

Hyperplasies par bloc enzymati-que

– 1,6 %

Adénomes de Conn 0-7 % 2,5 %

Tumeur féminisante rare –Tumeur masculinisante 0-11 % –MédullosurrénalePhéochromocytomes 0-11 % 8,5 %Ganglioneuromes 0-6 % 0,8 %

Autres masses surrénaliennesHématomes 0-4 % 5,1 %Kystes de la surrénale 4-22 % 2,5 %Abcès de la surrénale – 0,8 %

Métastases 0-21 % (non oncologique)32-73 % (oncologique) 7,7 %

En se référant aux résultats des sériesautopsiques concernant les différentestumeurs sécrétantes de la surrénale,on peut estimer, chez un sujetprésentant un incidentalome, laprévalence du phéochromocytome à6,5 %, de l’adénome de Conn à 7 %,de l’adénome bénin responsable desyndrome de Cushing à 0,035 % etd’un carcinome surrénalien à0,058 %[4] (tableau I).

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3-0530

Page 202: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Du fait même de la définition, la très grandemajorité de ces patients ne présente aucunemanifestation clinique en faveur d’une tumeursécrétante. Néanmoins, certains signes qui étaientpassés inaperçus peuvent parfois être retrouvés. Parailleurs, il n’existe aucun argument radiologiquesuffisamment fiable pour affirmer la présence ounon d’une sécrétion anormale. Ainsi, il est nécessairede faire un bilan hormonal systématique pourdépister une telle sécrétion (tableau II).

■ La recherche d’un phéochromocytome,compte tenu du risque de mortalité et morbiditécardiovasculaire de cette affection doit être, à notreavis, systématique. De plus, aucune explorationagressive (cytoponction en particulier) ne doit êtreentreprise sans l’avoir éliminé (risque de crisehypertensive aiguë). Le test le plus fiable pour cediagnostic est un dosage des métanéphrines etnormétanéphrines, sur les urines des 24 heures [1].L’imagerie par résonance magnétique nucléaire(IRM) peut aider au diagnostic. Les phéochromocy-tomes, sur les séquences pondérées en T2, ont unsignal supérieur à celui des reins, très intense etaugmentant sur les échos successifs. La scintigraphieà la métaiodobenzylguanidine (MIBG) doit toujoursêtre proposée dans le bilan d’un patient avecanomalie biologique. De plus, elle est intéressantepour les diagnostics de neuroblastome et deganglioneurome de la loge surrénalienne [2].

■ Le dépistage d’un hyperaldostéronismeprimaire passe par la mesure des chiffres depression artérielle et de la kaliémie chez tous lespatients présentant un incidentalome [4]. La présenced’une hypertension artérielle et d’une kaliémieinférieure ou égale à 3,9 mmol/L doit conduire à desdosages hormonaux. Le second test sera alors lamesure de l’aldostérone ou du rapport aldostéronesur rénine plasmatique, après arrêt des traitementsantihypertenseurs pouvant interférer avec lesdosages hormonaux [4].

■ L’absence de signe clinique évocateur desyndrome de Cushing ne doit pas faire écarter cediagnostic. En effet, des anomalies subtiles de lasécrétion du cortisol peuvent exister longtempsavant l’installation des signes cliniques. Toutefois,une grande partie de ces anomalies, aujourd’hui

regroupées sous le terme de syndrome depré-Cushing, ne semblent pas avoir la mêmesignification, et une majorité d’entre elles nesemblent pas évolutives. Ainsi, la recherche d’unehypersécrétion de cortisol doit se limiter à un test defreination à la dexaméthasone minute (1 mgadministré à minuit, avec dosage du taux de cortisolplasmatique le lendemain à 8 h). La scintigraphie auiodocholestérol pourrait théoriquement aider audiagnostic en montrant une fixation unilatérale ducôté où se trouve l’incidentalome.

■ Le corticosurrénalome malin a commecaractéristique de sécréter très souvent desprécurseurs du cortisol, d’où l’intérêt du dosage des17-cétostéroïdes urinaires et de la 11-désoxycortisone plasmatique. L’élévation du tauxplasmatique de sulfate de déhydroépiandrostérone(SDHA) est aussi un argument majeur pour lecaractère malin de ces tumeurs [4].

Compte tenu de la rareté des tumeurs bénignessécrétant des androgènes et des œstrogènes, il n’estpas utile de doser les taux plasmatiques detestostérone et d’œstrogènes en dehors de signescliniques évocateurs [2]. Les tumeurs malignes elles,seront dépistées par le dosage du SDHA.

■ Rarement, un incidentalome peut révéler unehyperplasie congénitale des surrénales chezl’homme, alors que le taux plasmatique de17-hydroxyprogestérones est élevé.

Le bilan hormonal minimal est donné dans letableau II. Bien entendu, la découverte d’uneanomalie devra conduire à des explorations pluspoussées.

■La tumeur présente-t-elle

des signes de malignité ?

Comme pour le caractère sécrétant de la tumeur,la suspicion de malignité peut conduire à poserl’indication chirurgicale. Ainsi, les auteurs se sontattachés à mettre au point des critères, en particulierd’imagerie, de malignité (tableau III).

D’emblée, certaines lésions ont un aspectévocateur :

– l’hématome spontané de la surrénale estreconnaissable à l’IRM [4] sur des stigmatesd’hémorragie (présence d’hypers ignauxpériphériques en T1, d’une couronne en hypersignal,voire en hyposignal, en T2) et surtout par l’absencede prise de contraste et aucun rehaussementnodulaire ;

– le myélolipome est hétérogène, avec uncomposant graisseux plus ou moins important. Sondiagnostic est aisé en tomodensitométrie (TDM) ouen IRM devant une masse bien limitée à paroi fine,présentant des densités négatives en TDM et unhypersignal en T1, d’intensité décroissante en T2 [4] ;

– les kystes surrénaliens d’origine diverse,lésions liquidiennes homogènes à paroi fineprésentant souvent des ca lc ificat ionspériphériques [4].

Pour toutes les autres masses, des argumentsanatomiques de malignité doivent être recherchés.

Classiquement, il est dit que la distinction entre unadénome non sécrétant et les autres tumeurssurrénaliennes (métastases, corticosurrénalomesnon sécrétants) n’est pas possible sur des critèresuniquement morphologiques. D’après ces données,une taille inférieure à 3 cm, des contours réguliers,un contenu homogène sont en faveur de la naturebénigne de la tumeur. À l’inverse, une taillesupérieure à 5 cm, des limites irrégulières, uncontenu hétérogène évoquent le diagnostic delésions non adénomateuses. L’utilisation de cetteméthode conduit à 40 % d’erreurs ou d’incertitudes.La distinction entre adénomes non sécrétants etmétastases ou tumeurs malignes a fait l’objet demultiples travaux récents. Il en ressort qu’une massesurrénalienne, dont la densité spontanée des deuxtiers de sa taille, mesurée au centre, est de moins de0 UH (unité Hounsfield) a 100 % de chances d’êtrebénigne. Cette probabilité n’est plus que de 96 % sila densité est comprise entre 0 et 10 UH [4].

Le critère de taille est moins précis que celui dedensité. En effet, une tumeur de moins de 2,5 cm aseulement 76 % de chances d’être bénigne, et si ellefait moins de 1,5 cm, 93 % [4]. Enfin, quand unesurveillance régulière est proposée à des patients,l’indication à la chirurgie doit être portée, pourconfirmation histologique, devant toute tumeur quiaugmente de volume, mais cette méthode est sujetteà discussion car elle est responsable de retarddiagnostique et thérapeutique.

Des arguments étiologiques ont aussi été étudiéspour l’IRM. L’étude qualitative en IRM repose sur lacomparaison du signal de la tumeur et de celui dufoie et/ou de celui de la graisse. Sur les séquencespondérées en T1 ou en T2, malgré l’impossibilité deconclure dans 30 % des cas, cette méthode estlargement ut i l isée, notamment pour lesphéochromocytomes. L’intensité des signaux en T2permet ainsi une certaine approche étiologique. Engénéral, les adénomes ont un signal proche de celuidu foie, les métastases et les corticosurrénalomesmalins ont un signal compris entre celui du foie etcelui des reins.

Plusieurs auteurs ont proposé de mettre en évidencela graisse intratumorale en IRM. En effet, il a été montrépar des études spectroscopiques in vivo [3] que lesadénomes contenaient un taux de lipides supérieur à10 %, que les tumeurs malignes en revanche

Tableau II. – Bilan hormonal minimal à fairedevant une masse surrénalienne de découvertefortuite.

Hypersécrétionhormonale Test de dépistage

Phéochromocytome Métanéphrines urinai-res sur recueil des24 heures

Syndrome de pré-Cushing

Test de freination ra-pide à 1 mg de déxamé-thasone(1)

Adénome de Conn Rapport plasmatiquealdostérone/rénine(2)

Corticosurrénalomemalin

Taux sérique de sulfatede déhydroépiandrosté-rone(3)

Hyperplasie congéni-tale des surrénales

Taux de base de la17-hydroxyprogestérone

(1) : pour une meilleure spécificité, certains proposent une dose plus fortede déxaméthasone (2 à 3 mg) ;(2) : pour certains, à ne faire que lorsqu’ilexiste une hypertension artérielle et/ou une hypokaliémie ;(3) : faiblesensibilité et faible spécificité.

Chez les patients normotendus et ennormokaliémie, il nous sembleraisonnable de ne pas faired’investigations complémentaires.

Tableau III. – Aspect à l’imagerie et nature dela tumeur.

En faveurde la bénignité

En faveurde la malignité

Petite taille Grande taille

Aspect Aspect– Bord régulier – Irrégulier, parois

épaissies– Homogène– Nécrose– Faible densité à la

TDM – Forte densité à laTDM– Faible prise de

contraste – Prise de contrasteimportante, inhomo-gène

– Faible signal en T2 àla RMN

– Hyper signal en T2 àla RMN

Contenu en lipidesélevé

Contenu en lipides bas

TDM : tomodensitomérie ; RMN : imagerie par résonance magnétiquenucléaire.

3-0530 - Incidentalome surrénalien

2

Page 203: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

(corticosurrénalomes et métastases, ainsi que lesphéochromocytomes [3]) renfermeraient moins de 10 %de lipides. La méthode dite d’« étude de déplacementchimique [3] » semble la plus prometteuse.

L’étude cytologique après ponction-biopsie àl’aiguille n’est que peu, voire pas, contributive pour ladistinction entre tissu surrénalien bénin et malin. Deplus, elle s’accompagne de risques sérieux, même sipeu fréquents, pneumothorax, hémothorax, fièvre,bactériémie, hématome rénal ou hépatique [2].

Les métastases surrénaliennes méritent une placeà part. En l’absence de néoplasie extrasurrénalienne

connue, la fréquence des lésions secondairessurrénaliennes est basse. En revanche, leurfréquence est estimée à 25 % lors d’autopsies depatients cancéreux [2]. Le risque qu’une massesurrénalienne de découverte fortuite soit unemétastase surrénalienne dans une population nononcologique est très faible. En revanche, cettefréquence est de 32 à 73 % dans une populationoncologique [2]. Ce sont les mélanomes quimétastasent le plus souvent aux surrénales (42,3 %),puis les cancers pulmonaires (37,4 %), les cancersdu rein, de la thyroïde, du pancréas et de l’intestin [2].La distinction entre métastases et autres causes detumeur surrénalienne est importante chez lespatients ne présentant pas à l’évidence d’autrelocalisation secondaire, car ils pourraient alorsbénéficier d’un traitement chirurgical curatif de leurlésion primitive, si la masse surrénalienne ne s’avèrepas être une métastase. Les métastasessurrénaliennes sont le plus souvent bilatérales. Lestumeurs ont un diamètre en général supérieur à3 cm et sont irrégulières. Une insuffisance surrénaledoit alors toujours être recherchée, même si elle estrare mais non négligeable (7 % dans notreexpérience).

Toutes les masses surrénaliennes bilatérales nesont pas des métastases. Les autres étiologiesreconnues ont été : une hyperplasie macronodulaire(en particulier par un déficit enzymatiquesurrénalien), un corticosurrénalome, un adénomebénin, une dystrophie vasculaire. Dans la littérature,ont aussi été décrits des phéochromocytomes et desadénomes de Conn bilatéraux [1]. Devant uneadrénomégalie bilatérale, d’autres étiologies sont àévoquer : maladies infiltratives (tuberculose,sarcoïdose), hématomes, lymphomes, atteintemycosique, en particulier chez les sujetsimmonudéprimés (Cytomégalovirus, coccidioïdo-mycose...) [4].

Enfin, l’incidentalome de la loge surrénaliennepeut ne pas être une masse d’origine surrénalienne.Sur 106 patients opérés, 32 (30,2 %) avaient uneétiologie non surrénalienne, parfois orientéed’emblée par les données de l’imagerie, mais le plussouvent de découverte opératoire (tableau IV).

■Conduite à tenir

Elle est résumée dans la figure 1.Les masses de découverte fortuite de la loge

surrénalienne posent un double problèmediagnostique (caractère sécrétant, caractère malin) etthérapeutique (indication chirurgicale).

La balance risque/bénéfice et le coût desexplorations et du traitement font que toute décisiondoit reposer sur des arguments solides et résulter dela concertation entre les endocrinologues, lesradiologues et les chirurgiens.

Il est actuellement admis que toute massesurrénalienne sécrétante doit bénéficier d’untraitement curatif chirurgical.

Pour toutes les masses non sécrétantes dontl’aspect en imagerie n’est pas caractéristique d’unhématome, d’un myélolipome ou d’un kyste, lastratégie adaptée va dépendre avant tout descritères morphologiques : densité spontanée de la

Tableau IV. – Incidentalomes d’origine non surrénalienne d’après les données de la littérature(Kloos et al), et données personnelles sur 116 incidentalomes opérés entre 1982 et 1995 (donnéespersonnelles du Pr Luton, hôpital Cochin, Paris).

Étiologies Données littérature Données personnelles 1982-1995

Autres tumeursLymphangiomes - Angiomes - 9,4 %Neurofibromes - Schwanomes - 5,1 %Myéolipomes 7-15 % 1,7 %Liposarcomes - 3,4 %Fibrosarcomes - 0,8 %

Masses de la loge surrénale(organes de voisinage)

6 %

Adénocarcinomes du reinKystes du reinKystes bronchogéniquesMésenchymomes malinsRate

Taille : elle est appréciée au mieux par la TDM abdominale

Aspect radiographique :

Masses présentant tous les critères de bénignité

Masses ne présentant pas tous lescritères de bénignité (au moins un critère suspect)

Aspect scintigraphique :

Masses fixant l'iodocholestérol

Masses ne fixant pas l'iodocholestérol

TDM : tomodensitométrieFNA : cytoponction à l'aiguille de la masse

+

Taille

Aspect radiographique

Aspectscintigraphique

SURVEILLANCEFNA CHIRURGIE

Néoplasieconnue

Pas de néoplasie

(éventuellement)Scintigraphie

iodocholestérol

+ -

Stop?

∅ < 2cm ∅ : 2-4cm ∅ > 4cm

1 Arbre décisionnel pour l’exploration des masses surrénaliennes de découverte fortuite non hypersécrétante.

Ainsi, la cytoponction ne peut sediscuter que pour rechercher desarguments en faveur d’unetuberculose ou chez des patientsatteints de cancers, pour essayer dedistinguer une éventuelle métastaseunilatérale d’un adénome surrénalien,et uniquement après avoir éliminé defaçon certaine un phéochromocytome.

Incidentalome surrénalien - 3-0530

3

Page 204: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

masse en TDM, signal en IRM, voire rehaussementaprès injection de gadolinium, taille et teneur engraisses.

Il est convenu que toute masse de diamètresupérieur à 4 cm sera opérée, d’autant plus qu’elleest de caractère hétérogène ou de limitesirrégulières. Ce critère n’est pas absolu, descorticosurrénalomes de petite taille ont déjà étédécrits dans la littérature et nous en rapportons unde 3 cm de diamètre.

Pour les incidentalomes de la loge surrénaliennede diamètre inférieur à 3 cm dont les caractéristiquesradiologiques, en particulier une densité spontanéeinférieure à 0 UH, sont en faveur de la bénignité, unesurveillance radiologique et hormonale (à 6 mois,puis tous les ans) sera mise en place. Il s’agit ici dedépister une éventuelle évolutivité qui conduira àposer l’indication chirurgicale.

Enfin, restent les tumeurs d’un diamètre comprisentre 3 et 4 cm, surtout si leur densité spontanée en

TDM est comprise entre 0 et 10 UH. C’est dans cessituations que les progrès de l’imagerie médicale, enparticulier l’évaluation de la teneur en graisse de lamasse par technique IRM, devraient pouvoir nousaider pour le diagnostic.

L’ensemble de ces éléments permettra unemeilleure rationalisation des explorations et desindications chirurgicales pour les tumeurs de la logesurrénalienne de découverte fortuite.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Incidentalome surrénalien.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0530, 1998, 4 p

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3-0530 - Incidentalome surrénalien

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Page 205: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

Insuffisance surrénale

H Mosnier-Pudar

L e risque de l’insuffisance surrénale est la décompensation sur un mode aigu, mettant en jeu le pronostic vital.La prévention de ce risque repose sur l’éducation du malade.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’insuffisance surrénale [2] regroupe l’ensembledes affections où la sécrétion en hormonescorticosurrénaliennes, principalement gluco- et/ouminéralocorticoïdes, s’effondre en dessous desbesoins de l’organisme. On distingue lesinsuffisances primitives, où le déficit est dû à ladestruction de plus de 90 % du cortex surrénalien, etles insuffisances secondaires, ou corticotropes, paratteinte hypophysaire ou hypothalamique, parcarence en adrenocorticotropic hormone (ACTH).

Le risque de ces affections réside dans leurdécompensation sur un mode aigu, mettantrapidement en jeu le pronostic vital.

■Insuffisance surrénale primitive

(maladie d’Addison)

La destruction du cortex surrénalien entraîne unecarence globale en gluco- et minéralocorticoïdes eten androgènes surrénaliens.

‚ Diagnostic positif

Signes cliniques et biologie courante

L’installation de la maladie d’Addison est engénéral progressive. Seuls 25 % des cas se révèlentpar une décompensation aiguë.

S’installent d’abord une asthénie d’effort et unefatigabilité croissante. Le diagnostic est difficile àévoquer à ce stade. Le tableau complet associe :

– une mélanodermie pigmentaire brunâtre de lapeau et des muqueuses prédominant sur les zonesdécouvertes, les zones de frottement, les plis et lescicatrices. Elle affirme l’origine primitivementsurrénalienne de l’insuffisance ;

– une asthénie d’effort avec fatigabilité croissantedans la journée ;

– une anorexie responsable, avec la déshydra-tation, de l’amaigrissement ;

– une hypotension artérielle, le plus souventorthostatique. La pression artérielle est en généralnormale basse ;

– une constipation, la survenue de nausées, devomissements et de douleurs abdominales quidoivent faire craindre une décompensation aiguë.

D’autres symptômes sont moins fréquents etmoins évocateurs : l’hypoglycémie de jeûne etpostprandiale, le goût prononcé pour le sel,l’impuissance chez l’homme, l’aménorrhée chez lafemme, la perte de la pilosité axillaire et pubienne,l’irritabilité, l’instabilité, les arthralgies et les myalgies.

Les anomalies de la biologie standard sontlatentes et non spécifiques. L’ionogramme sanguinmontre une tendance à l ’hyponatrémie,l’hypochlorémie et l’hyperkaliémie. La réservealcaline est à la limite inférieure de la normale. Laglycémie à jeun est basse. La numération formulesanguine peut montrer une discrète anémienormocytaire et une éosinophilie modérée. Dans lesurines, la natriurèse des 24 heures est élevée.

L’épreuve de charge en eau de Robinson révèleun retard à l’élimination de l’eau, ou opsiurie.

Diagnostic positif

Le diagnostic de certitude repose sur les testsdynamiques. Le test au Synacthènet Immédiat (â1-24 corticotrophine ou tétracosactide) permet leplus souvent de faire le diagnostic. Il s’agit d’uneméthode rapide, fiable, pouvant être réalisée enambulatoire et ne nécessitant, en cas de traitementdéjà institué, qu’un arrêt de 12 heures.

Dans les atteintes sévères, la cortisolémieplasmatique, le cortisol libre urinaire des 24 heureset les métabolites urinaires du cortisol peuvent êtrebas. Mais dans les atteintes modérées, cesparamètres peuvent être normaux, traduisant le peud’intérêt de ces dosages pour le diagnostic.

L’origine primitivement surrénalienne del’insuffisance sera affirmée sur un taux plasmatique

élevé d’ACTH, lorsque l’on dispose du dosage, ou surune non-réponse des métabolites urinaires ducortisol (17-hydroxy) après test au SynacthènetRetard, toujours effectué en milieu hospitalier.

Formes cliniques

Le tableau clinique peut ne pas être complet.Ainsi, on note des aspects trompeurs, sansmélanodermie, sans hypotension artérielle. Il peuts’agir de formes frustes, voire latentes, dont lediagnostic sera fait à l’occasion d’une décompen-sation aiguë, lors d’une situation de stress.

Rarement, en dehors des pertes en selnéonatales, on peut voir des formes dissociées avecdéficit isolé en minéralocorticoïdes. On distinguealors :

– les hypoaldostéronismes à rénine basse, quel’on rencontre principalement dans l’insuffisancerénale modérée et chez le diabétique ;

– plus exceptionnellement, les hypoaldostéro-nismes à rénine haute, en cas de déficit enzymatiqueou dans les pathologies critiques.

Chez l’enfant [1], l’insuffisance surrénale a descauses propres : l’hypoplasie congénitale dessurrénales, le syndrome achalasie-alacrymie-Addison, l’adrénoleucodystrophie qui peutégalement se révéler à l’âge adulte, et le plussouvent l’hyperplasie congénitale par déficitenzymatique, en particulier en 21-hydroxylase.

‚ Diagnostic étiologique

Rétraction corticale

D’origine auto-immune, la rétraction corticale estla première cause d’insuffisance surrénale primitive.

Elle est suspectée en l’absence d’antécédent detuberculose et survient surtout chez la femme jeune,entre 20 et 40 ans. Dans 50 % des cas, elle s’associeà une autre maladie auto-immune : thyroïdite,insuffisance ovarienne primitive, diabète type 1,maladie de Basedow, hypoparathyroïdie, vitiligo,anémie de Biermer.

L’imagerie surrénalienne se résume à deuxglandes surrénales atrophiques à peine visibles,voire invisibles, sans calcifications.

Une réponse insuffisante (cortisolémieinférieure à 200 ng/mL 1 heure aprèsinjection) signe l’insuffisancesurrénale, sans préjuger de sonorigine primitive ou secondaire.

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Granulomatoses

La tuberculose reste une des causes importantesd’insuffisance surrénale (25 % des cas). Elle concernesurtout des populations à risque : immunodéprimés,cirrhotiques, immigrants. En sa faveur, on retiendral’absence de vaccination antituberculeuse, lesantécédents de primo-infection, la présence deséquelles à la radiographie de thorax et lescalcifications des aires surrénaliennes. Un foyertuberculeux évoluti f doit être recherchésystématiquement.

D’autres granulomatoses sont plus rarement encause : l’histoplasmose, la coccidioïdomycose et lacryptococcose.

Autres causes

Les métastases surrénaliennes sont fréquentes, leplus souvent bilatérales. Elles se voient surtout lorsdes cancers bronchiques, mammaires ou du rein etdes mélanomes. Elles sont à l’origine d’insuffisancequand elles ont détruit 90 % du cortex surrénalien.

Les anticortisoliques de synthèse (OP’DDD,aminoglutéthimide, Métopironet), le kétoconazoleet l’étomidate sont les causes iatrogènes les plusfréquentes. La rifampicine est un inducteurenzymatique hépatique, elle sera à l’origine dedécompensation d’insuffisance.

Le syndrome d’immunodéficience acquise (sida)est à l’origine d’insuffisance surrénale en casd’infection opportuniste (tuberculose, cryptococcose,Cytomégalovirus), de localisation surrénalienne dusarcome de Kaposi ou du fait d’un traitement(kétoconazole).

La surrénalectomie bilatérale s’accompagne biensûr d’un déficit immédiat et définitif.

■Insuffisance corticotrope

Le déficit en ACTH provoque une diminution,voire une disparition, de la sécrétion de cortisol etdes androgènes surrénaliens avec, dans la majoritédes cas, conservation de la sécrétion d’aldostérone.

Le déficit en ACTH peut être d’originehypophysaire ou hypothalamique.

À long terme, le cortex surrénalien s’atrophie etne peut plus répondre aux stimulations répétéesd’ACTH.

‚ Particularités cliniques

L’installation est ici aussi le plus souventprogressive. Ce n’est que rarement qu’unedécompensation aiguë est révélatrice.

La présentation clinique est identique à celle del’insuffisance surrénale primitive, à l’exception de lamélanodermie qui manque toujours et de la baissede la tension artérielle qui est moins habituelle. Lesaccidents hypoglycémiques sont, eux, plus fréquents.Ces signes peuvent être associés à d’autres signesd’insuffisance antéhypophysaire.

‚ Diagnostic positif

Comme pour l’insuffisance surrénale primitive, letest au Synacthènet Immédiat permet de faire lediagnostic d’insuffisance surrénale.

L’origine haute de l’insuffisance est confirmée parle dosage du taux plasmatique d’ACTH, qui est basou normal, et/ou par le test au Synacthènet Retardqui s’accompagne d’une élévation progressive des17-OH et du cortisol libre urinaire, parfoisuniquement après répétition de l’injection.

Dans un faible nombre de cas (5 %), la réponse auSynacthènet Immédiat est normale. Dans ces cas-là,lorque la suspicion clinique est très forte, il faut fairedes tests plus spécifiques de la fonctionhypothalamohypophysaire. Ces tests nécessitentune surveillance étroite du fait du risque demauvaise tolérance et/ou de décompensation aiguë.I ls seront donc effectués au cours d’unehospitalisation. Il s’agit du test à la Métopironet oude l’hypoglycémie insulino-induite. Une réponsenormale à l’un de ces deux tests élimine lediagnostic.

‚ Diagnostic étiologique

CorticothérapieLa corticothérapie est de loin, aujourd’hui, la

cause la plus fréquente d’insuffisance corticotrope.Les glucocorticoïdes freinent la sécrétion d’ACTH

aussi bien au niveau hypothalamique qu’hypophy-saire. La récupération est progressive après arrêt dela corticothérapie. Elle peut prendre plusieurs mois,voire plusieurs années.

Cette insuffisance corticotrope sera recherchéesystématiquement lors de l’arrêt d’une corticothé-rapie par une surveillance clinique et biologique quipermettra également d’évaluer la récupération del’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (cfchapi t re « Cort icothérapie et fonct ionsurrénalienne »).

Insuffisance antéhypophysaire globale

Toute cause d’insuffisance antéhypophysaire(tableau I) s’accompagne d’insuffisance corticotrope,en premier lieu les tumeurs de la région.

Insuffisance corticotrope isolée

Des déficits corticotropes isolés ont étéquelquefois décrits dans les hypophysitesauto-immunes, les selles turciques vides et lesapoplexies hypophysaires du post-partum.

Le déficit corticotrope isolé peut également êtresecondaire à la chirurgie d’une tumeur responsabled’une sécrétion ectopique d’ACTH, ou d’une tumeursurrénalienne sécrétant du cortisol. Dans ces deuxcas, l’hypercortisolisme est responsable d’une miseau repos de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, au même titre qu’une corticothérapie.

Enfin, l’insuffisance corticotrope est recherchée etobtenue après l’ablation réussie d’un adénomehypophysaire sécrétant de l’ACTH.

Tableau I. – Causes des insuffisances hypothalamohypophysaires.

Tumeurs Tumeurs embryonnaires :- craniopharyngiome- dysgerminome- chordome- hamartomeTumeurs dérivées des structures du système nerveux central :- méningiome- gliome- épendymomeAdénomes hypophysaires :- non sécrétant- gonadotrope- à prolactine- somatotrope- corticotrope- thyréotropeMétastases :- lymphomes

Maladies inflammatoires Granulomatoses :- sarcoïdose- histiocytose- tuberculoseProcessus auto-immun :- hypophysite lymphocytaire

Causes vasculaires Nécrose hypophysaire :- dans le cadre du post-partum (syndrome de Sheehan)- dans le cadre du diabète, de la drépanocytoseNécrose d’un volumineux adénome hypophysaireAnévrysme de la carotide

Causes iatrogènes Chirurgie (surtout par voie haute)Radiothérapie

Anomalies congénitales Malformation de la ligne médianeSelle turcique vide

Maladies de surcharge HémochromatoseAmylose

Traumatismes

Idiopathiques

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■Traitement

‚ Traitement substitutif

Un traitement substitutif, le plus souvent à vie, està instituer. Les seuls cas où le traitement pourraéventuellement être arrêté sont les insuffisancescorticotropes postcorticothérapie ou après chirurgiepour hypercorticisme, où la récupération d’unefonction corticotrope normale permettra le sevragedu patient.

Le remplacement glucocorticoïde se fait le plussouvent par l’hydrocortisone, le remplacementminéralocorticoïde par la 9α-fludrocortisone. Engénéral, 30 mg d’hydrocortisone et 50 à 100 µg de9α-fludrocortisone suffisent à bien équilibrer lepatient. En cas d’insuffisance corticotrope, lasubstitution en minéralocorticoïdes n’est pastoujours nécessaire. Le régime sera normosodé.

La cause de l’insuffisance surrénale ne modifiepas, en général, la conduite thérapeutique. S’il existedes arguments pour une tuberculose active, uneantibiothérapie spécifique sera associée autraitement substitutif.

Dès l’institution du traitement, l’amélioration esttrès rapide. La surveillance se fait essentiellement surla clinique : bien-être du patient, poids stable,pression artérielle normale, atténuation, voiredisparition, de la mélanodermie. Il n’existe pas deparamètre hormonal de surveillance du traitementpar hydrocortisone. Ainsi, lors d’une insuffisancesurrénale primitive, le taux plasmatique d’ACTH resteélevé alors qu’il n’y a pas de stigmate de déficit. Enrevanche, la kaliémie et le taux de rénineplasmatique normaux sont le reflet d’unesubstitution correcte en minéralocorticoïdes.

L’utilisation de laxatifs et de diurétiques est à faireavec précaution et sous surveillance médicale. Enfin,le patient doublera ses doses d’hydrocortisonechaque fois que surviendra une agressionsusceptible de décompenser l’insuffisance (infection,traumatisme, chaleur intense, effort physiqueimportant...).

‚ Cas particuliers

Au cours de la grossesse, une adaptationthérapeutique est nécessaire :

– au cours du premier trimestre, la posologied’hydrocortisone devra souvent être augmentéesuite aux vomissements ;

– l’accouchement sera programmé et encadré aumême titre qu’une intervention chirurgicale ;

– en cas d’allaitement, la posologie d’hydrocor-tisone sera également augmentée.

Lors d’une intervention chirurgicale, desprécautions doivent être prises. Le jour del’intervention et les jours suivants, le traitement seracelui d’une insuffisance surrénale aiguë.

Chez l’enfant, les posologies sont de 30 mg/m2/jd’hydrocortisone, de 50 à 100 µg de 9α -fludrocortisone et 2 à 6 g/j de sel en supplément.

■Insuffisance surrénale aiguë

L’insuffisance surrénale aiguë réalise une urgencemédicale mettant le pronostic vital en jeu à très courtterme.

Son diagnostic peut être difficile et doit êtreévoqué devant un tableau d’installation brutale aveccollapsus cardiovasculaire, altération de laconscience et déshydratation. Ce sont souvent lescirconstances étiologiques qui permettent d’orienterle diagnostic.

Dès le diagnostic évoqué, un traitement doit êtreimmédiatement mis en route, sans attendre laconfirmation biologique du diagnostic.

‚ Diagnostic positif

Tableau clinique

Typiquement, en quelques heures, s’installentquatre types de symptômes :

– des troubles digestifs à type de douleursabdominales diffuses ou épigastriques en barre, desnausées, des vomissements, une diarrhéeimportante. Le tableau peut évoquer en premier lieuune urgence chirurgicale, mais la palpationabdominale ne retrouve pas de contracture et doitfaire reconsidérer les différents éléments ;

– des troubles de la conscience, adynamieextrême, aboutissant au coma, ou plus rarementagitation extrême, confusion, délire. L’examenneurologique ne retrouvera aucun signe delocalisation ;

– une baisse de la tension artérielle pouvantconduire au collapsus ;

– une déshydratation extracellulaire.

Ce tableau peut se compléter par des algiesdiffuses (myalgies, arthralgies, céphalées) et unefièvre quasi constante, en dehors de tout contexteinfectieux.

Manifestations biologiques

L’ionogramme sanguin montre une hypona-trémie constante et une hyperkal iémie.L’ionogramme urinaire sur échantillon révèle unenatriurèse élevée, inadaptée, et une baisse de lakaliurèse. L’urée sanguine est augmentée, témoin del’insuffisance rénale fonctionnelle. Protéinurie ethématocrite augmentés reflètent la déshydratation.Il existe une acidose métabolique, une tendance àl’hypoglycémie, parfois une hypercalciurie.

La réalisation des prélèvements et surtoutl’attente des résultats ne doivent en aucun casretarder la mise en route du traitement. En fait, lesdonnées viendront le plus souvent conforter lediagnostic après le début du traitement.

Les tableaux clinique et biologique n’apportentpas d’argument formel pour le diagnostic. Le plussouvent, c’est le contexte étiologique qui oriente aumieux le diagnostic positif.

Modes de survenue

La connaissance du contexte étiologique est doncune étape fondamentale de l ’approchediagnostique.

L’insuffisance surrénale aiguë peut survenir dansle cadre d’une insuffisance surrénale chronique,connue ou pas, d’origine basse ou hypothalamohy-pophysaire, à l’occasion d’un stress tel qu’uneinfection, un traumatisme ou une interventionchirurgicale, de la mise en route inadéquate d’unrégime sans sel ou d’un diurétique. L’interrogatoiredu patient et de sa famille, le contexte de survenue,l’examen clinique, doivent alors rechercher lesarguments en faveur d’une telle étiologie.

Plus rarement, l’insuffisance surrénale aiguë estsecondaire à une destruction massive brutale etbilatérale des surrénales, généralement parhémorragie. Le diagnostic est alors difficile, d’oùl’importance du contexte :

– méningite fulminante à méningocoque chezl’enfant (syndrome de Waterhouse-Friderichsen) ;

– mise en route d’un traitement anticoagulant,rarement secondaire à une hypocoagulabilitémajeure, le plus souvent par thrombose des veinessurrénaliennes, dans le cadre d’une thrombopénie àl’héparine ;

– troubles de la coagulation, surtout en périodede stress majeur (période postopératoire,insuffi sance card iaque , maladiethromboembolique...).

L’échographie et surtout la tomodensitométrieabdominale permettent, dans un contexteévocateur, de faire le diagnostic devant deux grossessurrénales hémorragiques.

Enfin, une insuffisance surrénale aiguë peutsurvenir à l’arrêt intempestif d’une corticothérapie.

Diagnostic de certitude

Avant tout traitement, un prélèvement sanguinpour dosage du cortisol plasmatique sera effectué. Ilviendra confirmer ultérieurement le diagnostic parson taux bas, ou insuffisamment augmenté, dans lecontexte clinique de stress majeur.

Si l’état du patient le permet, un test auSynacthènet Immédiat sera fait.

Le meilleur critère diagnostique reste la réponseclinique au traitement. En quelques heures, lanatrémie se corrige, l’état hémodynamique et l’étatgénéral s’améliorent.

‚ Traitement

Il sera entrepris à la moindre suspiciondiagnostique, si possible dès le domicile du patient.Effectué en milieu spécialisé, il aura un triple objectif :

– rétablir la volémie ;

– rétablir le stock sodé ;

– combler le déficit hormonal.

Pour prévenir la survenue dedécompensation aiguë, l’éducation despatients est nécessaire. Le traitementne devra jamais être interrompu. Leport d’une carte mentionnant l’état dupatient et le traitement suivi estfortement conseillé.

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Traitement curatif

¶ Rétablir la volémie et le stock sodéAprès avoir assuré une bonne voie d’abord, une

perfusion de 4 à 6 L de sérum glucosé à 5 % sur les24 premières heures sera mise en place, contenant 4à 6 g de chlorure de sodium sans adjonction dechlorure de potassium, au moins au début de laréanimation sous surveillance de la pressionartérielle et de l’état pulmonaire.

¶ Combler le déficit hormonalLa substitution glucocorticoïde repose sur

l’administration, au départ, de 100 mg d’hémisuccinated’hydrocortisone (HSC) par voie intraveineuse et 100 mgpar voie intramusculaire. Puis 100 mg d’HSC serontrenouvelés toutes les 4 à 6 heures par voieintramusculaire. Les doses seront progressivementdégressives, et l’on repassera au traitement substitutifhabituel vers le quatrième ou cinquième jour.

Les minéralocorticoïdes seront apportés parl’acétate de désoxycorticostérone : 5 à 10 mg enintramusculaire au départ. Si besoin, l’administrationsera renouvelée au bout de 24 heures.

¶ Traitement du facteur déclenchant

Si besoin, un traitement spécifique antibiotique,en cas d’infection par exemple, sera institué.

Traitement préventif

Il est primordial compte tenu de la gravité dutableau clinique de l’insuffisance surrénale aiguë. Ilrepose principalement sur l’éducation des patientsen insuffisance surrénale chronique. Il s’agit de leurapprendre à reconnaître les situations où ladécompensation risque de survenir et à adapter letraitement dans ce cas (doublement de la dosed’hydrocortisone, puis retour progressif à la dose

substitutive après retour à une situation normale). Leport d’une carte indiquant l’état du patient estfortement conseillé.

Enfin, l’arrêt progressif d’une corticothérapie aulong cours avec recherche d’une insuffisancecorticotrope et substitution adéquate sont lesderniers éléments de cette prévention.

■Conclusion

L’insuffisance surrénale peut être d’origineprimitivement surrénalienne, le plus souventd’origine auto-immune, ou secondaire à un déficit enACTH, le plus souvent à l’arrêt d’une corticothérapie.Son diagnostic et son traitement sont essentiels vu lerisque de décompensation aiguë qui met en jeu lepronostic vital.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Insuffısance surrénale.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0540, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Chaussain JL. La maladie d’Addison de l’enfant. Étiologie et acquisitionsphysiopathologiques.Presse Med1984 ; 13 : 2183-2187

[2] Mosnier-Pudar H, Paoli V, Luton JP. Insuffisances surrénales.Encycl MedChir (Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-005-A-10, 1991 : 1-14

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Phéochromocytome

H Mosnier-Pudar

L e phéochromocytome n’est responsable qu’une fois sur 1 000 d’hypertension artérielle, mais son diagnosticest primordial compte tenu de la morbidité et de la mortalité de cette pathologie. La preuve d’une sécrétion

anormale de catécholamines est le préalable à tout diagnostic de localisation.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le phéochromocytome est une tumeur dérivéedes cellules chromaffines, qui sécrète descatécholamines. C’est une affection rare (prévalencede 1 pour 10 000) dont la gravité réside dans lerisque de poussées hypertensives, de troubles durythme pouvant être mortels, en plus de l’évolutiontumorale.

Son expression clinique la plus courante estl’hypertension artérielle qui se caractérise, dans cecontexte, par sa variabilité et la tendance àl’hypotension orthostatique. Toutefois, lephéochromocytome n’est responsable qu’une foissur 1 000 d’hypertension artérielle, ce qui exclut dele rechercher systématiquement.

Pour éviter la multiplication de tests coûteux ets’assurer un bon rendement de l’enquêtediagnostique, une stratégie en trois étapes estproposée : reconnaître sur des données cliniquessimples le sous-groupe de patients hypertendusayant une forte probabilité de phéochromocytome(diagnostic de suspicion), dans ce sous-groupe, fairela preuve d’hypersécrétion de catécholamines par lapratique de tests biochimiques sensibles etspécifiques (diagnostic positif), et une fois la preuvede l’hypersécrétion obtenue, localiser la tumeur parles techniques d’imagerie appropriées (diagnostic delocalisation).

■Diagnostic de suspicion

Le diagnostic de suspicion doit reposer sur desindices simples, facilement accessibles et de coûtnégligeable. Ces indices doivent être validés par unesensibilité et une valeur d’exclusion élevées.

Une étude comportant 2 185 sujets hypertendusa montré que l’association concomitante de sueurs,de céphalées et de palpitations était un motiffréquent de dépistage de phéochromocytome,

puisqu’elle offre une sensibilité de 91 % et unevaleur d’exclusion de 99,9 %. En dehors de laprésence de cette triade symptomatique, lephéochromocytome sera recherché dans leshypertensions artérielles résistant au traitement. Demême, sa recherche sera systématique en casd’incidentalome et dans les maladies familialescomportant le phéochromocytome : neurofibro-matose de type 1, néoplasie endocrinienne multiplede type 2 et maladie de von Hippel-Lindau.

■Diagnostic positif

Les risques spontanés du phéochromocytome etl’implication chirurgicale de son diagnostic obligent àune sensibilité et à une spécificité élevées des testsdiagnostiques. La preuve d’une sécrétion anormalede catécholamines est le préalable à tout diagnosticde localisation et doit suffire à emporter la décisionchirurgicale dans les cas où la localisation estdouteuse ou non retrouvée.

Aujourd’hui, le meilleur marqueur de la présenced’une hypersécrétion de catécholamines est ledosage des métanéphrines urinaires sur recueil des24 heures. Par rapport aux catécholamines, ellessont plus abondantes et plus faciles à mesurer. Ellessont sécrétées généralement directement par latumeur et sont également le reflet de la conversionpériphérique des catécholamines libérées en excès.La mesure de l’acide vanylmandélique urinaire a elleaussi été remplacée par celle des métanéphrines dufait de son manque de sensibilité (24 % de fauxnégatifs) et de son manque de spécificité (jusqu’à30 % de faux positifs), sa méthode de dosagecolorimétrique le plus souvent utilisée détectant unnoyau aromatique présent également dans diversaliments et médicaments.

L’intérêt du dosage des catécholaminescirculantes est controversé. L’aspect intermittent dela sécrétion de certains phéochromocytomes et lademi-vie brève des catécholamines exposent à de

nombreux faux négatifs. Inversement, le stress élèveles catécholamines plasmatiques, augmentant lenombre de faux positifs. Ainsi, le dosageplasmatique sera réservé aux patients hypertendusau moment du prélèvement, ce qui écarte le risqued’un faux négatif, mais pas d’un faux positif.

En pratique, le diagnostic positif repose enpremière intention sur le dosage, dans les urinesdes 24 heures, du taux de métanéphrines.L’interprétation du résultat tiendra compte deschiffres tensionnels du patient concomitants audosage. Un taux normal alors que la tensionartérielle est élevée permet d’éliminer unphéochromocytome. En revanche, un taux normalconcomitant de chiffres tensionnels normaux nepermet pas d’exclure de façon formelle unphéochromocytome quiescent. Il faut alors faire undosage au moment d’un paroxysme tensionnel, soitdes catécholamines plasmatiques, soit descatécholamines urinaires, sur un recueil d’urines desheures qui suivent la poussée tensionnelle. Dans cecas, on confie au patient un bocal contenant del’acide chlorhydrique pour le recueil des urines. Il luiest demandé de vider sa vessie dès le début del’accès paroxystique, puis de recueillir les urines 3heures plus tard. En cas de phéochromocytome enpoussée sécrétoire, le débit de catécholamines seratoujours augmenté ; s’il est normal, il permetd’infirmer le diagnostic. Compte tenu du délainécessaire à leur formation, les métanéphrines nesont pas le bon paramètre dans ce cas de figure.

■Diagnostic de localisation

La localisation tumorale par les techniquesd’imagerie ne sera pratiquée qu’après avoir fait lapreuve de l’hypersécrétion de catécholamines.L’imagerie permettra de préciser le nombre, le siègeet les rapports de voisinage de la ou des tumeurs etde détecter d’éventuelles métastases.

La majorité des phéochromocytomes de l’adultesont uniques et surrénaliens, plus souvent localisés à

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droite qu’à gauche. Leur diagnostic de localisationest simple par tomodensitométrie (TDM)abdominale, scintigraphie à la métaiodobenzylgua-nidine (MIBG) ou imagerie par résonancemagnétique (IRM) (les phéochromocytomes sur lesséquences pondérées en T2 ont un signal supérieurà celui du rein, très intense, augmentant sur leséchos successifs). Le problème est de ne pasméconnaître les localisations ectopiques oumultiples (20 % des cas) et de diagnostiquer lesphéochromocytomes malins sur la présence demétastases (10 % des cas).

Les phéochromocytomes ectopiques peuventêtre localisés, par ordre décroissant de fréquence, auniveau de l’organe de Zuckerkandl, de la vessie, deshiles rénaux, du médiastin postérieur, du péricarde etdu cou. Ces tumeurs ont un potentiel malin deux foissupérieur à celui des phéochromocytomessurrénaliens.

Il n’est pas possible d’établir un diagnostic demalignité sur l’examen anatomopathologique de latumeur. Le caractère malin d’un phéochromocytomene peut être affirmé que sur la présence demétastases au moment du diagnostic ou sur laprésence d’adénopathies au moment de la chirurgie.Il ne peut être parfois affirmé que des années plustard sur l’apparition, au cours du suivi postchirurgical,de métastases. Cela implique un suivi annuelindéfini de tout patient opéré d’un phéochro-mocytome.

■Traitement

Le traitement du phéochromocytome estchirurgical. Une préparation à la chirurgie estnécessaire, ayant comme objectifs de contrôler lapart permanente de l’hypertension artérielle, decorriger l’hypovolémie et de prévenir les troubles durythme.

La base du traitement antihypertenseur reposesur les alphabloquants (prazosine : 1,5 à 5 mg/jrépartis en 3 prises). Une tachycardie est souventdémasquée par ce traitement, nécessitant la mise enroute, dans un deuxième temps, d’un bêtabloquant(propranolol : 60 à 180 mg/j répartis en 3 prises).

La correction de l’hypovolémie repose sur l’arrêtdes diurétiques, sur un régime normosodé et sur lacorrection de l’hypertension artérielle.

La prévention des troubles du rythme est faite parla prescription de bêtabloquants et la correction del’hypovolémie.

Lors de l’anesthésie, on assiste à de grandesvariations rythmiques et tensionnelles lors del’induction, de l’intubation, de l’incision péritonéale etde la manipulation de la tumeur.

Ces variations peuvent aussi être favorisées parcertains médicaments utilisés par l’anesthésie. Ainsi,l’anesthésie du phéochromocytome nécessite uneéquipe entraînée et une surveillance permanente de

l’électrocardiogramme, de la pression artérielle, de lapression de remplissage, du débit cardiaque et del’oxymétrie par une sonde de Swan-Ganz.

L’intervention est généralement suivie d’unenormalisation tensionnelle et rythmique immédiate.En revanche, il est habituel d’avoir une excrétionpathologique mais décroissante de catécholaminesou de métanéphrines dans la semaine qui suit lachirurgie, représentant l’évacuation des pools derecapture des catécholamines.

■Conclusion

Le risque évolutif lié à la présence d’unphéochromocytome rend son diagnostic primordial,d’autant plus que le traitement chirurgical permet laguérison dans une grande majorité de cas. Mais lephéochromocytome est une tumeur rare, rendantnécessaire une démarche diagnostique rigoureuse.Les dosages hormonaux ne seront proposés qu’auxpatients « suspects » (hypertension artérielle et triadesymptomatique, ou maladie familiale évocatrice), etle diagnostic de localisation par imagerie (TDMabdominale, scintigraphie à la MIBG, IRM) qu’aprèsconfirmation de la sécrétion anormale decatécholamines.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Phéochromocytome.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0580, 1998, 2 p

R é f é r e n c e s

[1] Plouin PF, Camus-Bablon F, Azizi M, Denolle T, Duclos JM, Corvol P. Lephéochromocytome.Rev Fr Endocrinol Clin1990 ; 31 : 367-369

3-0580 - Phéochromocytome

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Syndrome de Cushing

H Mosnier-Pudar

L e syndrome de Cushing est rare, avec une prévalence estimée à 10 pour 1 million. Le diagnostic doit êtreévoqué sur des signes cliniques suffisamment caractéristiques et non pas simplement devant une obésité

diffuse et/ou une hypertension artérielle et/ou un diabète non insulinodépendant, fréquents et non spécifiques. Ledépistage se fait au mieux par une cortisolurie des 24 heures ou par un test de freinage minute à la dexaméthasone.Le diagnostic différentiel le plus difficile est l’hypercortisolisme sans syndrome de Cushing tel qu’on l’observe au coursdes dépressions endogènes sévères.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le syndrome de Cushing regroupe l’ensemble desmanifestations secondaires à un excès chronique deglucocorticoïdes qui peut s’associer à unehypersécrétion d’androgènes et/ou d’œstrogènessurrénaliens et/ou de minéralocorticoïdes.

■Étiologie

Le syndrome de Cushing est le plus souventsecondaire à une hyperplasie bilatérale dessurrénales par stimulation du cortex surrénalien parune hypersécrétion d’ACTH (adrenocorticotrophichormone ) d’origine hypophysaire (adénomecorticotrope principalement) ou ectopique (tumeursnon endocrines). Plus rarement, l’origine del’hypercortisolisme est primitivement surrénalienne,donc non dépendante de l’ACTH : le plus souventune tumeur surrénalienne bénigne ou maligne, unehyperplasie macronodulaire des surrénales, plusrarement une dysplas ie micronodulai rebilatérale [6, 7].

‚ Maladie de Cushing

L’incidence de la maladie de Cushing est trois àquatre fois plus élevée chez la femme que chezl’homme, survenant souvent dans la troisième ouquatrième décade de vie. Elle est due dans laquasi-totalité des cas à un adénome sécrétant del’ACTH, responsable de la production excessive decortisol, de désoxycorticostérone (DOC) etd’androgènes surrénaliens.

Le plus souvent, l’adénome est de taille inférieureà 10 mm. Plus rarement, c’est un macroadénomeavec risque d’envahissement local. D’exceptionnelscarcinomes hypophysaires avec métastases àdistance ont été décri ts . L ’adénome estclassiquement non encapsulé, basophile, réagissantpositivement en immunocytochimie avec desanticorps dirigés contre les différents fragments de lapro-opiomélanocortine (POMC).

L’examen des surrénales montre une hyperplasiesurrénalienne diffuse, avec souvent présence demicronodules traduisant la continuité entrel’hyperplasie simple et l’hyperplasie macronodulairequi atteint 15 % des porteurs de maladie de Cushing.L’évolution vers l’autonomisation d’un de cesnodules, voire vers la transformation néoplasique,reste controversée.

‚ Sécrétion ectopique d’ACTH

Dix pour cent des syndromes de Cushing ont uneorigine ectopique. Le plus souvent, c’est une tumeurbronchopulmonaire (cancer bronchique à petitescellules ou tumeur carcinoïde). Plus rarement, il s’agit

d’une tumeur thymique, d’une tumeur pancréatique,d’un cancer médullaire de la thyroïde ou d’unphéochromocytome.

Le tableau clinique est souvent typique, avecinstallation rapide d’une hypertension artérielle avecœdèmes, d’une alcalose hypokaliémique et d’uneintolérance aux hydrates de carbone, avec en plusdes manifestations de la tumeur. La mélanodermieest souvent présente, les taux d’ACTH étant trèsélevés.

Plus rarement, l’installation est plus lente avec untableau semblable à celui d’une maladie de Cushing.La sécrétion d’ACTH est alors parfaitementautonome.

Ces tumeurs, sur un plan anatomopathologique,ne se distinguent des autres tumeurs de mêmeorigine que par la mise en évidence, enimmunocytochimie, d’ACTH dans les cellules.

Plus récemment, des tumeurs à sécrétion de CRH(corticotropin releasing hormone) ont été décrites(carcinome de la prostate, carcinome pulmonaire àpetites cellules, gangliocytome hypothalamique...),avec mise en évidence de CRH dans leur contenu.

‚ Adénome bénin de la surrénale

Cliniquement, il s’agit d’un tableau d’hypercortiso-lisme pur d’installation progressive. Il atteint avecune égale fréquence les deux surrénales. Sondiamètre n’excède pas 4 cm et il est le plus souventencapsulé. La glande périadénomateuse estatrophiée.

Dans notre expérience, sur 809patients adultes, 68 % avaient unemaladie de Cushing, 25 % une tumeursurrénalienne et 7 % une sécrétionectopique d’ACTH, répartitionconcordante à celle de la littérature.

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‚ Corticosurrénalome malin

Son installation est plus rapide. Il associehypercortisolisme et hyperandrogénie, parfois aupremier plan. La tumeur peut être à l’origine dedouleurs et peut être palpée. Elle atteint de façonindifférente la surrénale droite ou gauche. Elle pèsesouvent plus de 100 g, avec des zones de nécrose etd’hémorragie. Des anomalies nucléaires, desmitoses, des invasions vasculaires et des bandesfibreuses qui orientent vers la malignité sontinconstantes. En fait, il n’existe aucun argumenthistologique formel de malignité : l’association decritères cliniques, biologiques, anatomopatholo-giques et évolutifs (métastases, récidives) permettrade conclure [4].

‚ Atteinte bilatérale indépendantede l’ACTH

Rarement, l’hypercortisolisme est dû à uneatteinte bilatérale des surrénales avec ACTH basse,voire indétectable. Les surrénales sont alors :

– macronodulaires : autonomisation d’hyper-plasie surrénalienne d’une maladie de Cushing oustimulation de la surrénale par d’autres facteurs(dans de rares cas, une expression anormale derécepteur surrénalien au GIP [gastric inhibitorpeptide] est à l’origine d’un syndrome de Cushing parstimulation aberrante et postprandiale dessurrénales par ce facteur) ;

– de taille normale : dysplasie micronodulairebilatérale des surrénales (syndrome de Meador),parfois familiale, du sujet jeune, voire de l’enfant,pouvant s’inscrire dans une atteinte de plusieurs

organes (le complexe de Carney : atteinte cutanée,myxome mammaire, sous-cutané de l’oreillette,tumeur testiculaire, tumeur hypophysaire à GH[growth hormone]). Dans ce cas, l’aspect dessurrénales est typique : glande avec de multiplespetits nodules bruns.

■Signes cliniques

et biologie courante

C’est en 1912 que Harvey Cushing décrit lessymptômes du syndrome qui porte son nom.Ceux-ci sont nombreux, mais aucun n’estpathognomonique [6, 7]. La prévalence des signes estrésumée dans le tableau I.

Beaucoup d’entre eux résultent de l’actioncatabolisante des glucocorticoïdes sur les tissuscibles :

– atrophie du tissu cutané avec mauvaisecicatrisation et fragilité capillaire ;

– vergetures typiquement larges, pourpres,situées au niveau de l’abdomen et des flancs, maisaussi des seins, des aisselles, des épaules et de laface interne des cuisses ;

– amyotrophie prédominant aux racines (signedu tabouret) ;

– ostéoporose marquée au niveau du rachis avecdouleurs ;

– parfois tassements vertébraux, d’où perte detaille.

La redistribution faciotronculaire des graisses estla manifestation la plus fréquente du syndrome :accumulation des graisses au niveau de la face

(faciès lunaire), du cou, des creux sus-claviculaires etde la région dorsolombaire (bosse de bison). La prisede poids est en règle générale modérée.

L’érythrose faciale est fréquente et évocatrice.L’hypertension artérielle est souvent modérée,

parfois sévère, responsable d’insuffisance cardiaque.Les accidents thrombotiques veineux et artériels sontfréquents.

Les troubles de la fonction gonadique sont quasiconstants :

– chez la femme : oligoaménorrhée, troubles del’ovulation ;

– chez l’homme : diminution de la libido,impuissance.

Lorsqu’elle existe, l’augmentation des androgènessurrénaliens est responsable, chez la femme, deséborrhée, d’acné, d’hirsutisme, voire, beaucoup plusrarement, de véritables signes de virilisation (golfestemporaux, voix grave, hypertrophie clitoridienne).

Les troubles psychiques existent chez 50 % despatients : anxiété, irritabilité, labilité émotionnelle,mais aussi dépressions sévères, bouffées délirantes,psychoses maniacodépressives, parfois révélatrices.

Il existe un accroissement du risque d’infection(pityriasis versicolor, mycose unguéale et cutanée...).

L’examen clinique recherchera également dessignes propres à l’étiologie : hyperpigmentationcutanéomuqueuse due à une hypersécrétiond’ACTH, céphalées et troubles visuels dus à unetumeur hypophysaire, perception d’une tumeursurrénalienne à la palpation des flancs, anomaliesévocatrices d’une tumeur sécrétant de l’ACTH.

Des anomalies biologiques non spécifiquespeuvent être constatées, principalement unehyperleucocytose à polynucléaires neutrophilesavec lymphopénie absolue ou relative, et uneéosinopénie. Des troubles de la glycorégulation sontfréquents. Une hypercalciurie modérée a été décritedans 50 % des cas, parfois responsable de coliquenéphrétique.

■Explorations et diagnostic

‚ Diagnostic positif (fig 1)Le cortisol libre urinaire (CLU) mesuré sur les

urines des 24 heures est un excellent reflet intégréde la fraction libre, donc active, du cortisol circulant.Les 17-hydroxycorticostéroïdes urinaires des 24heures (17-OH) sont pratiquement toujours élevésdans le syndrome de Cushing, mais c’est l’élévationdu CLU qui est l’indicateur le plus sensible d’unhypercortisolisme. Le dosage du cortisol sur descollections d’urines vespérales (20 h-24 h) ou de lanuit est un moins bon marqueur pour le diagnostic.

Le test de freination rapide est, lui aussi, un bonmoyen de dépistage. La cortisolémie dosée à 8 h du

Tableau I. – Prévalence des manifestations du syndrome de Cushing chez 211 patients ayant unesuspicion de syndrome de Cushing (d’après Nugent et al. J Clin Endocrinol Metab 1964 ; 24 :621-627).

Manifestations cliniques Patients avec syndromede Cushing

Patients sans syndromede Cushing

Ostéoporose 0,64 0,03

Obésité faciotronculaire 0,90 0,29

Obésité diffuse 0,03 0,62

Faiblesse musculaire 0,65 0,07

Globules blancs> 11 000/mm3 0,58 0,30

Acné 0,52 0,24

Vergetures 0,46 0,22

Pression artérielle systolique> 105 mmHg 0,39 0,17

Œdème 0,38 0,17

Hirsutisme 0,50 0,29

Ecchymoses 0,53 0,06

Kaliémie< 3,6 mEq/L 0,25 0,04

Spanioménorrhée 0,72 0,051

Céphalées 0,41 0,37

Hématocrite> 49 0,37 0,32

Femmes 0,65 0,77

Anomalies de la glycorégulation 0,88 0,77

Âge> 35 ans 0,55 0,52

Le diagnostic de syndrome de Cushingrepose sur la mise en évidence d’unehyperproduction endogène de cortisol,non freinable par la dexaméthasone(glucocorticoïde puissant pur)[1, 5].

3-0560 - Syndrome de Cushing

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Page 213: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

matin reste supérieure à 40 ng/mL dansl’hypercortisolisme. Cependant, des freinationsimparfaites ont été décrites, surtout chez les obèseset les déprimés.

Le test de freination à dose faible est le test deréférence pour le diagnostic positif. Dansl’hypercortisolisme, les 17-OH urinaires restentsupérieurs à 4 mg/24 heures et le CLU supérieur à10 µg/24 heures.

Le dosage du cortisol plasmatique du matin n’estpas un bon moyen diagnostique, car environ 50 %des sujets en hypercortisolisme ont un taux normal.En revanche, le cortisol plasmatique mesuré le soirest souvent élevé, proche du taux du matin,traduisant la rupture du cycle nycthéméral. De plus,le cortisol plasmatique est soumis à de multiplesfluctuations, et son dosage fait appel à desméthodes dosant le cortisol total, donc sensibles auxvariations de la protéine porteuse, la CBG (cortisolbinding globulin). La CBG est augmentée dans dessituations physiologiques comme la grossesse oulors de prise de traitement comme la piluleœstroprogestative. Son augmentation estresponsable d’une fausse élévation du cortisol

plasmatique total, alors que le cortisol libre, seul actif,reste dans les limites de la normale. Il n’existe doncpas, dans ces circonstances, d’hypercortisolisme. Cedernier écueil peut être évité par le dosage ducortisol salivaire, reflet direct du cortisol libreplasmatique.

‚ Diagnostic étiologique

Dosages hormonaux

Le diagnostic étiologique est difficile [1, 3] comptetenu du manque de spécificité des différents tests etde l’existence de variation spontanée des sécrétions.Il faudra donc des réponses concordantes àplusieurs tests pour arriver au bon diagnostic.

■ D’abord, il faut déterminer la dépendance àl’ACTH par son dosage plasmatique qui doit toujoursêtre réalisé dans des conditions strictes deprélèvement et dosé dans un laboratoire spécialisé.Dans notre expérience, la quasi-totalité dessyndromes d’origine surrénalienne ont un tauxd’ACTH indétectable. Le dosage d’ACTH ne permetpas de faire la distinction entre sécrétionhypophysaire et ectopique d’ACTH. Dans la maladie

de Cushing, le taux d’ACTH plasmatique est normalou peu élevé le matin et reste élevé en find’après-midi. Dans les sécrétions ectopiques, leniveau d’ACTH est souvent bien supérieur à celui desmaladies de Cushing, mais une zone importante dechevauchement existe (fig 2). Il faut alors faire appelà d’autres explorations.

■ Le dosage des autres dérivés de la POMC, et enparticulier la lipotropine hormone (LPH), peut aider àfaire la distinction entre sécrétion hypophysaire etectopique d’ACTH. La sécrétion d’ACTH et de LPH àpartir de la POMC se fait selon un mode équimolaire,conservé dans la maladie de Cushing. L’existenced’anomalies de la maturation de la POMC dans lessécrétions ectopiques fait que le rapport LPH/ACTHest augmenté : supérieur à 5, il oriente vers unesécrétion non hypophysaire.

■ Le test de freination à forte dose par ladexaméthasone qui montre une diminutionreproductible d’au moins 50 % des 17-OH urinaireset/ou du CLU oriente vers une maladie de Cushing.Quand l’origine du syndrome est surrénalienne ouectopique, aucune freination n’a lieu. Toutefois,

Dosages normaux :pas de syndrome de Cushing

Suspicion clinique

Tests de dépistage : - cortisol libre urinaire sur urines de 24 heures - freination minute (1 mg de déxaméthasone à minuit, cortisol plasmatique le lendemain à 8 h)

Freination à dose faible (2 mg/ j pendant 2 jours, dosage cortisol libre urinaire le 2e jour)

Dosages anormaux :syndrome de Cushing

Dosage ACTH plasmatique

ACTH plasmatique basse :syndrome de Cushing non ACTH-dépendant

ACTH plasmatique élevée :syndrome de Cushing ACTH-dépendant

TDM abdominale

Hyperplasie micronodulaire bilatérale Tumeur unilatéraleSDHA

Normal ou bas :adénome surrénalien

Élevé :corticosurrénalome

Maladie de Cushing Sécrétion ectopique

freination dose forte

(8 mg/ j pendant 2 jours)

Métopirone ®

IRM hypophysaire

Cathétérisme

sinus pétreux

+

+

+

Rapport C/P + Rapport C/P –

1 Diagnostic du syndrome de Cushing. TDM : tomodensitométrie ; SDHA : sulfate de déhydroépiandrostérone ; C/P : central/périphérique.

Syndrome de Cushing - 3-0560

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quelques rares patients avec sécrétion ectopiqued’ACTH peuvent avoir une réponse positive à ce test,mimant une maladie de Cushing.

■ Les tests qui apprécient la réservehypophysaire en ACTH auront une réponse positivelorsque la source d’ACTH est hypophysaire. En casde source ectopique ou d’origine surrénalienne dusyndrome de Cushing, le test sera négatif. Ce sont : letest à la Métopironet, l’épreuve à la lysine-vasopressine (LVP) et le test au CRH. Lors du test à laMétopironet, les 17-OH urinaires augmentent chezles patients atteints de maladie de Cushing, de façonquasi constante et souvent explosive. Une absencede réponse à la Métopironet permet d’exclurepratiquement ce diagnostic. En cas d’originesurrénalienne ou ectopique de l’hypercortisolisme, iln’y aura pas de réponse des 17-OH lors del’administration de Métopironet. L’administration deLVP et de CRH s’accompagne, en cas de maladie deCushing, d’une élévation de l’ACTH plasmatique etdonc de cortisol, mais des faux négatifs existent. Letest combiné LVP-CRH permet de les éliminerpresque tous. Lors des sécrétions ectopiques d’ACTHet des causes surrénaliennes de syndrome deCushing, il n’existe pas de réponse à ces tests.

■ Enfin, pour aider au diagnostic différentielentre sécrétion hypophysaire et sécrétion ectopiqued’ACTH, le cathétérisme des sinus pétreux inférieursa été proposé. Il permet, grâce à la mise en évidenced’un gradient centropériphérique d’ACTH dosée debase, et après stimulation par le CRH, de faire lediagnostic de maladie de Cushing. Sa performanceest beaucoup moins bonne pour la localisation del’adénome corticotrope.

■ L’augmentation importante des précurseurs ducortisol (progestérone, 17-OH progestérone,composé S) ou celle des androgènes circulants(sulfate de déhydroépiandrostérone [SDHA],∆4-androstènedione, testostérone) est en faveur

d’une tumeur surrénalienne maligne. En casd’adénome bénin de la surrénale, la sécrétion decortisol est « pure » avec des 17-cétostéroïdesurinaires et un sulfate de DHA plasmatique bas oupeu augmentés. Dans la maladie de Cushing, uneélévation modérée des androgènes est classique.

Imagerie

L’évaluation radiologique du syndrome deCushing repose d’abord sur la visualisation dessurrénales. L’examen tomodensitométrique (TDM)permet d’emblée de faire la différence entre tumeurunilatérale et hyperplasie bilatérale.

Une masse ronde bien limitée, homogène, detaille inférieure à 3 cm, est en faveur d’un adénomebénin. Le corticosurrénalome se présenteclassiquement comme une volumineuse massepouvant dépasser 10 cm, d’aspect hétérogène et delimites irrégulières. Dans ce cas, une imagerie parrésonance magnétique (IRM) sera toujours effectuéeen préopératoire pour préciser l’existence d’unenvahissement aux organes de voisinage, à la veinecave inférieure, et de métastases.

Tout patient présentant une hyperplasie bilatéraledes surrénales est suspect de maladie de Cushing etdoit donc avoir une imagerie hypophysaire. L’IRMavec injection de gadolinium DTPA (acide diéthylènetriamine penta-acétique) est le meilleur examen. Enpondération T1, l’adénome apparaît comme uneimage hypo-intense, encore mieux visible aprèscontraste. De plus, l’IRM est nettement supérieure àla TDM dans la détermination de l’envahissementdes sinus caverneux.

En cas de suspicion de sécrétion ectopiqued’ACTH, la TDM thoracique et abdominale peutmettre en évidence des petites tumeurs carcinoïdes.La radiographie standard de thorax permet, engénéral, de faire le diagnostic de tumeur anaplasiqueà petites cellules du poumon.

Actuellement, la scintigraphie à l’octréotidemarquée à l’indium 121 est un examen intéressantpour localiser les tumeurs neuroendocriniennessécrétant de l’ACTH.

‚ Diagnostic différentiel

Syndrome de Cushing iatrogène

La prise de corticoïdes peut être responsable d’unhypercortisolisme pur. Les explorations sont enfaveur d’une mise au repos de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ACTH indétectable, CLU bas,absence de réponse au test au Synacthènetimmédiat, à la Métopironet et au CRH).

Obésité simple

L’obésité induit une accélération du métabolismedu cortisol, d’où augmentation de production avecaugmentation des taux des 17-OH urinaires. Enrevanche, le cortisol plasmatique et salivaire, le CLUet le test de freination à dose faible sont presquetoujours normaux.

Hypercortisolisme sans syndrome de Cushing

Dans certaines circonstances physiologiques oupathologiques, des stigmates modérés biologiques,voire cliniques, d’hypercortisolisme peuvent se voir,dus à une hypersécrétion d’ACTH hypophysaire parmécanisme adaptatif ou par commande du systèmenerveux central. Ces situations sont :

– le troisième trimestre de la grossesse ;– les dépressions endogènes sévères où existent

souvent des signes biologiques d’hypercortisolisme(augmentation du CLU, réponse anormale au test defreination à dose faible). L’origine en estprobablement hypothalamique, voire suprahypo-thalamique. La présence d’une réponse normale ducortisol à l’hypoglycémie insulino-induite, d’uneréponse atténuée de l’ACTH au test au CRH et larégression de ces signes après correction de ladépression permettent de faire la différence ;

– l’alcoolisme qui peut s’accompagner desmêmes anomalies, avec en plus des signes cliniquesévocateurs (faciès lunaire, obésité tronculaire avecextrémités grêles). La présence d’altérations desfonctions hépatiques et la disparition des signesbiologiques après sevrage permettent la distinction ;

– l’anorexie mentale , dans laquelle unhypercortisolisme biologique peut se voir,disparaissant avec la prise de poids ;

– enfin, toutes les situations de stress (chirurgie,maladie aiguë ou chronique, brûlure), danslesquelles on trouve un hypercortisolisme sanssignes cliniques, par adaptation normale de l’axehypothalamo-hypophyso-surrénalien à l’agression.D’où la règle d’explorer cet axe à distance de toutstress.

■Formes cliniques

‚ Formes symptomatiques

Le tableau clinique du syndrome de Cushing peutêtre incomplet [6] : ostéoporose majeure, troublespsychiatriques au premier plan faisant errer lediagnostic.

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2 Dosages plasmatiques le matin du cortisol, de l’ACTH et de la lipotropine hormone (LPH) chez des sujetsnormaux (N), des patients atteints de maladie de Cushing (MC), des patients ayant une tumeur surrénalienne(AT) et des patients ayant une sécrétion ectopique d’ACTH (E) (d’après Kuhn JM et al. Am J Med 1989 ; 86 :678-684).

3-0560 - Syndrome de Cushing

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Généralement, l’évolution du syndrome deCushing se fait vers une aggravation progressive,mais des évolutions intermittentes, voire cycliques,avec alternance de périodes d’hypercortisolisme etd’eucortisolisme ont été décrites. Le diagnostic peutalors être difficile, nécessitant une surveillance(collection urinaire de la nuit ou vespérale pourdosage du cortisol, cortisol salivaire à 22 h).

‚ Forme selon le terrain

Au cours de la grossesse, le diagnostic positif estdifficile du fait d’un véritable état d’hypercortisolisme,surtout en fin de grossesse.

Chez l’enfant, la clinique est dominée par unretard statural, voire un arrêt de croissance, associé àune obésité et à des signes d’hyperandrogénie.L’étiologie la plus fréquente chez l’enfant jeune est lecorticosurrénalome.

■Traitement

Non traité, le syndrome de Cushing évolue plusou moins rapidement vers une issue fatale suite àune complication cardiovasculaire ou infectieuse, ouau suicide [5].

‚ Cushing non dépendant de l’ACTH

Tumeurs surrénaliennes

Le traitement d’une tumeur surrénalienneunilatérale est la chirurgie avec surrénalectomietotale unilatérale. Une petite taille de la tumeur, descontours réguliers et un contenu homogène àl’imagerie sont en faveur de la bénignité et doiventconduire à proposer au patient une cœliochirurgiequi, dans les mains d’un chirurgien entraîné, estsource de diminution de morbidité. Compte tenu dela possibi l i té d’atrophie de la surrénalecontrolatérale, une couverture périopératoire pourprévenir toute décompensation sur le moded’insuffisance surrénale aiguë est nécessaire, ainsiqu’un traitement substitutif glucocorticoïde enpostopératoire. Cette insuffisance corticotrope esttransitoire mais peut durer plusieurs années, voire nepas régresser.

En cas de tumeur bénigne, la guérison esttoujours obtenue.

Lorsqu’il s’agit d’un corticosurrénalome, lepronostic est très mauvais [4]. Un traitement courtpar Op’DDD (anticortisolique de synthèse) peutêtre proposé avant la chirurgie lors d’unhypercortisolisme majeur. En l’absence demétastases, il est logique de proposer unesurrénalectomie élargie à l’environnementcellulograisseux de la surrénale, avec dissectiondu pédicule rénal et si besoin néphrectomie.Malheureusement, l’existence quasi constante demicrométastases fait que la récidive est précoce etfréquente. Cela justifie la mise en route d’untraitement antimitotique postopératoire immédiat

par Op’DDD. Il supprime la production de cortisolet a un effet cytotoxique sur le cortex surrénalien.La dose maximale tolérée par le patient seraprescrite en association avec un traitementsubstitutif gluco- et minéralocorticoïde le pluslongtemps possible. Les effets secondaires le plussouvent observés sont gastro-intestinaux(anorexie, diarrhée, nausées, vomissements), plusrarement surviennent une somnolence, uneapathie et des rashs cutanés. L’administrationd’Op’DDD s’accompagne d’une élévationimportante des phosphatases alcalines et de lagammaglutamyl-transférase par effet inducteurenzymatique hépatique, d’une hyperuricémie etd’une hypercholestérolémie parfois majeure. Letraitement par Op’DDD ne semble pas rallongerla durée moyenne de survie (20 % à 5 ans), maisaméliore nettement le confort des patients.Toutefois, des améliorations spectaculaires avecrégression des métastases ont été décrites. Unesurveillance régulière par exploration hormonaleet imagerie est à faire. Lorsque la tumeur n’est pasextirpable d’emblée ou lorsqu’elle récidive,l ’Op’DDD sera toujours proposé. Desphénomènes d’échappement se produisentparfois. D’autres anticortisoliques peuvent alorsêtre proposés (aminoglutéthimide, Métopironet,kétoconazole), sans amélioration du pronostic.

Dysplasies micronodulaireset macronodulaires bilatérales des surrénales

Le traitement de ces affect ions est lasurrénalectomie bilatérale totale, avec traitementsubstitutif gluco- et minéralocorticoïde à vie. Laguérison est toujours obtenue.

‚ Cushing dépendant de l’ACTH

Maladie de Cushing

L’adénomectomie hypophysaire de premièreintention par voie transsphénoïdale est actuellementle traitement de choix de la maladie de Cushing [2].Elle doit toujours être faite par une équipechirurgicale entraînée. Elle constitue le seultraitement offrant une possibilité de retour àl’intégrité de l’axe hypophysosurrénalien. Elle estindiquée à chaque fois que l’imagerie hypophysaire,en particulier l’IRM et/ou éventuellement lecathétérisme des sinus pétreux inférieurs, est enfaveur d’un adénome corticotrope.

Si un microadénome est retrouvé, le chirurgienprocédera à une exérèse sélective. En l’absenced’insuffisance antéhypophysaire antérieure, une tellecomplication est exceptionnelle. En revanche,l’insuffisance corticotrope est fréquente et est un bonargument de guérison. Elle nécessite une prise encharge périopératoire pour prévenir la décompen-sation aiguë et un traitement substitutifglucocorticoïde en postopératoire. Une préparationmédicale avant chirurgie par anticortisolique desynthèse (Op’DDD, kétoconazole) peut s’avérernécessaire. Le taux de succès dans l’immédiat estexcellent (66 à 88 %), mais le taux de récidive à long

terme est loin d’être négligeable (jusqu’à 15 %). Lesrechutes surviennent en général dans les 3 ans, maisle délai peut être beaucoup plus long, d’où nécessitéd’un suivi à long terme.

Si l’adénome n’est pas retrouvé lors de lachirurgie, le plus souvent est pratiquée unehémihypophysectomie. Certaines équipes proposentune hypophysectomie totale, mais le risqued’insuffisance antéhypophysaire est alors plusimportant.

Le taux de succès immédiat est nettement moinsbon en cas de macroadénome (50 %). L’adénomeest parfois inextirpable d’emblée (volume important,envahissement des sinus caverneux). On peut alorsproposer un traitement par radiothérapieconventionnelle hypophysaire. La réponse à laradiothérapie est retardée de plusieurs mois, voireplusieurs années. Pour cette raison, un traitementpar Op’DDD peut y être associé au départ. Le taux desuccès est aux alentours de 50 %. Les risquesprincipaux sont l’insuffisance antéhypophysaire, lanécrose du nerf optique, la nécrose radique etl’artérite radique.

Il arrive que l’adénome hypophysaire ne soit pasvisible d’emblée à l’IRM. La chirurgie de premièreintention peut alors être discutée, uniquement si lediagnostic de maladie de Cushing est certain, mais letaux de succès est alors moins bon. Dans le cascontraire, un traitement par Op’DDD peut êtreproposé pour réduire l’hypercortisolisme. Uneélévation de l’ACTH sous Op’DDD est en faveurd’une cause hypophysaire, et l’apparition éventuelled’une image évocatrice à l’IRM hypophysaireviendra confirmer le diagnostic.

En cas d’échec immédiat ou secondaire d’unechirurgie hypophysaire, le traitement sera discutéau cas par cas. Si l’IRM montre à nouveau uneimage évocatrice d’adénome, une deuxièmechirurgie hypophysaire peut être tentée. Sinon, untraitement médical à visée surrénalienne(Op’DDD surtout) plus ou moins associé à uneradiothérapie hypophysaire est de règle. Endehors de l’Op’DDD, d’autres anticortisoliques desynthèse peuvent être utilisés : la Métopironet(mais effets secondaires importants, échappe-ment), l’aminoglutéthimide (mais efficacitéinconstante, échappement) et les dérivésimidazolés (kétoconazole, étomidate) dontl’intérêt est l’action très rapide et la réversibilité àl’arrêt, mais des phénomènes d’échappement etdes hépatites cytolytiques ou cholestatiques ontété décrits.

Enfin, une surrénalectomie bilatérale totalepeut être faite, mais elle a comme conséquenceune insuffisance surrénale complète et définitivenécessitant un traitement substitutif à vie. Lerisque en est l’apparition d’une tumeurhypophysaire (syndrome de Nelson), le plussouvent dans les 3 ans (10 à 20 % des cas). Cestumeurs semblent plus agressives que lesadénomes corticotropes. Le traitement de cestumeurs est difficile : chirurgie hypophysairetoujours incomplète et radiothérapie d’efficacitélimitée. La radiothérapie hypophysaireconcomitante de la surrénalectomie a étéproposée comme traitement préventif.

Syndrome de Cushing - 3-0560

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Sécrétion ectopique d’ACTH et/ou de CRHLe traitement est dans ce cas l’ablation

chirurgicale de la source d’ACTH, ce qui permetde guérir l’hypercortisolisme. Malheureusement,le plus souvent, cela n’est pas possible du fait de

l’extension tumorale, sauf en cas de carcinoïdebronchique, petite tumeur à faible évolutivitédont l’exérèse totale est toujours possible. Selonle type de tumeur, chimiothérapie et/ouradiothérapie peuvent aider.

Lorsque le traitement étiologique n’est pasposs ib le , un tra i tement symptomat iqueanticortisolique doit être institué (l’Op’DDD le plussouvent , Métopi ronet , ké toconazole ,aminoglutéthimide).

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Syndrome de Cushing.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0560, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

[1] Crapo L. Cushing’s syndrome : a review of diagnostic tests.Metabolism1979 ; 28 : 955-977

[2] Guilhaume B, Bertagna X, Thomsen M et al. Transsphenoidal pituitary sur-gery for the treatment of Cushing’s disease : results in 64 patients and long termfollow-up studies.J Clin Endocrinol Metab1988 ; 66 : 1056-1064

[3] Kaye TB, Crapo L. The Cushing syndrome : an update on diagnostic tests.Ann Intern Med1990 ; 112 : 434-444

[4] Luton JP, Cerdas S, Billaud L, Thomas G, Guilhaume B, Bertagna X et al.Clinical features of adrenocortical carcinoma, prognostic factors, and the effect ofmitotane therapy.N Engl J Med1990 ; 322 : 1195-1201

[5] Miller JW, Crapo L. The medical treatment of Cushing’s syndrome.EndocrRev1993 ; 14 : 443-458

[6] Mosnier-Pudar H, Guilhaume B, Billaud L, Thomopoulos P, Bertagna X,Luton JP et al. Le syndrome de Cushing.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris),Endocrinologie-Nutrition, 10-015-B-10, 1994 : 1-18

[7] Orth DN, Kovacs WJ, Rowan Debold C. The adrenal cortex. In : Wilson JD,Foster DW eds. Williams textbook of endocrinology. Philadelphia : WB Saunders,1992 : 489-619

3-0560 - Syndrome de Cushing

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Effets endocriniens

et métaboliques iatrogènes

des médicaments

F Bosquet, A Heurtier, F Tournant

■Médicaments hyperglycémiants [7]

Les médicaments peuvent être hyperglycémiantspar une action directe au niveau du pancréas eninhibant la secrétion d’insuline, par une diminution del’effet de l’insuline au niveau des tissus périphériques,ou encore par une augmentation de la productionhépatique de glucose.

‚ GlucocorticoïdesLes glucocorticoïdes induisent une insulinorésis-

tance périphérique et une augmentation de laproduction hépatique de glucose, source de troublesde tolérance glucidique variable allant de l’intoléranceau glucose au coma hyperosmolaire. Ils peuvent ainsinécessiter un recours à une insulinothérapie.

Tous les modes d’administration des corticoïdespeuvent être en cause (sauf les topiques locauxappliqués sur des surfaces limitées), en se méfiantparticulièrement des formes retard par voieintramusculaire et des infiltrations locales. Le délaid’apparition des troubles glucidiques est parfois trèsrapide, en 12 à 24 heures, avec un risque variable de 1à 50 % en fonction de la dose.

‚ Antihypertenseurs

Diurétiques non épargneurs de potassium

Les diurétiques thiazidiques sont les principauxmédicaments responsables [3] ; à un degré moindre, lefurosémide (en diminuant le transport du glucose) etl’indapamide (par le biais d’une hypokaliémie) peuventégalement induire des troubles de toléranceglucidique.

L’effet hyperglycémiant est surtout lié à la fuitepotassique, car l’hypokalicystie, au niveau des cellulesâ, réduit l’insulinosécrétion. Par ailleurs, les diurétiquessont un facteur de déshydratation chez la personneâgée, favorisant l’apparition d’un coma hyperosmo-laire. Enfin, les diurétiques ont également un effetpériphérique en diminuant la sensibilité à l’insuline.

Diazoxide (Proglicemt, Hyperstatt)

Le diazoxide est un antihypertenseur vasodilatateurqui a un effet inhibiteur puissant sur l’insulinosecrétionen maintenant ouverts les canaux potassiques ATP-dépendants de la cellule â. Cette propriété est de faitutilisée pour traiter les hypoglycémies liées à unhyperinsulinisme.

Bêtabloquants

Les bêtabloquants non sélectifs ou cardiosélectifs àfortes doses sont susceptibles d’induire uneintolérance au glucose, alors que les bêtabloquants àeffet sympathomimétique intrinsèque (pindolol,acébutolol) n’ont que peu d’effets sur le métabolismedu glucose.

En effet, les bêtabloquants sont capables d’inhiberla sécrétion d’insuline, d’augmenter la glycogénolysehépatique et de diminuer l’efficacité périphérique del’insuline [12].

‚ Œstroprogestatifs [1, 20, 25]

Les œstroprogestatifs ont des effets complexes surle métabolisme glucidique qui dépendent de la naturede la dose, du mode d’administration, de l’associationet de l’état préalable de la glycorégulation.

L’effet hyperglycémiant des contraceptifs oraux estlié à une diminution de la sensibilité des tissuspériphériques à l’insuline. Il existe d’une part unhyperinsulinisme, d’autre part une diminution del’insulinosécrétion précoce lors d’une charge orale englucose observée avec les pilules fortement dosées enœstrogènes. L’effet délétère des progestatifs est lié àleur activité androgénique, maximum avec les dérivésnorstéroïdes à l’origine d’une insulinorésistance avechyperinsulinisme. Ils diminuent le nombre et l’affinitédes récepteurs à l’insuline au niveau du foie et destissus périphériques.

L’évolution des pilules a été caractérisée par unediminution progressive de la dose d’éthinyl-œstradiolà 20-30 µg en association avec des progestatifsd’activité androgénique minimale. Ainsi, les faiblesdoses d’œstrogènes (≤ 3 µg) associées à un progestatifnon androgénique, les progestatifs microdosés et le17-â-œstradiol par voie cutanée n’ont que très peu,pour les premiers, et même pas, pour les derniers,d’activité hyperglycémiante.

‚ Bêta-agonistesL’adrénaline, et surtout le salbutamol â2-agoniste

utilisé en particulier chez la femme enceinte, sonthyperglycémiants en raison essentiellement d’uneaugmentation de la production hépatique de glucose.

Les bêtastimulants par voie intraveineuse sontpuissamment cétogènes. Le salbutamol peut induireune élévation de la glycémie et de l’insulinémie chez lenon diabétique et une acidocétose chez le diabétique.

‚ Pendamidine

La pendamidine, utilisée dans le traitement desleichmanioses et surtout des pneumopathies àPneumocystis carinii chez les sidéens, a un effetdiabétogène apparenté à la streptozotocine par effettoxique direct sur la cellule â. Après une hypoglycémieinitiale, liée à la libération d’insuline, apparaît undiabète insulinoprive secondaire à la destruction descellules â.

‚ Interféron alpha

L’interféron alpha, cytokine ayant des propriétésantivirales, est utilisée en oncologie et dans letraitement de certaines hépatites virales. Il estsusceptible d’induire des maladies auto-immunes, enparticulier une dysthyroïdie (cf infra), mais égalementun diabète. En effet, si l’interféron peut déterminer uneinsulinorésistance en élevant les hormones de lacontre-régulation et augmenter la clairance del’insuline [13], il peut surtout activer le systèmeimmunitaire et déterminer l’apparition d’un diabèteinsulinodépendant auto-immun. Une controversepersiste pour savoir si l’interféron alpha augmenteseulement une prédisposition préexistante àdévelopper des anomalies auto-immunes ou s’il peutinduire de novo ces anomalies.

En pratique

✔ En cas de diabète non insulinodé-pendant ou d’intolérance au glucose,il est recommandé d’éviter laprescription d’une contraceptionœstroprogestative.✔ En cas de facteurs de risque diabéto-gènes (antécédents familiaux dediabète, diabète gestationnel, obé-sité...), il est nécessaire de faire aupréalable une glycémie à jeun et post-prandiale ou une glycémie 2 heuresaprès 75 g de glucose.✔ Sous pilule œstroprogestative, uncontrôle métabolique à 6 mois et à 1an est justifié.

En pratique

✔ Le diabète étant une maladieasymptomatique en l’absence dedécompensation, la prescription d’unmédicament à potentiel hypergly-cémiant nécessite une surveillancesystématique de la glycémie avec unefréquence qui dépend de la nature etde la durée de la prescription ainsique de l’existence de facteurs derisque diabétogènes (surpoidsandroïde, antécédents familiauxdiabétiques...).✔ L’hyperglycémie médicamenteusen’est souvent qu’un révélateur d’uneprédisposition au diabète, ce quiimplique de maintenir une surveil-lance régulière de la glycémie chezces patients au décours de l’arrêt dumédicament responsable.

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■Hypoglycémie médicamenteuse [14, 23]

Les hypoglycémies correspondent à un abaisse-ment du taux de glucose sanguin au-dessous de 2,8mmol/L. Une hypoglycémie médicamenteuse peutsurvenir dans différentes circonstances : utilisation àdose thérapeutique d’un médicament hypoglycémiantchez un diabétique (sulfamide hypoglycémiant,insuline), surdosage intentionnel ou accidentel d’unmédicament hypoglycémiant, interaction synergiquede deux médicaments dont au moins un a un effethypoglycémiant (tableau I) prescription d’unmédicament non antidiabétique qui possède unpouvoir hypoglycémiant.

‚ Médicaments à visée cardiologique

Bêtabloquants

Ils peuvent masquer les symptômes adrénergiquesqui accompagnent l’hypoglycémie, retardant ainsi lediagnostic et le resucrage. Ils peuvent par ailleursprolonger l’hypoglycémie en inhibant l’effet del’adrénaline, hormone essentielle de la contre-régulation, sur la production hépatique de glucose.

De fait, chez le diabétique, les bêtabloquants,surtout non cardiosélectifs, peuvent aggraver unehypoglycémie provoquée par l’insuline ou unsulfamide hypoglycémiant. Chez le non diabétique,quelques observations d’hypoglycémie sousbêtabloquants, essentiellement avec le propranolol,ont été rapportées chez l’adulte et surtout chezl’enfant, favorisées par une période d’effort ou dejeûne.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Dès 1985, quelques observations suggéraient quele captopril pouvait être à l’origine d’accidentshypoglycémiques chez les patients traités par insulineou sulfamides hypoglycémiants. Les publicationsultérieures ont confirmé l’effet prépondérant ducaptopril (Loprilt, Captolanet), mais ont également

impliqué le lisinopril (Prinivilt, Zestrilt) et l’élanapril(Renitect) bien qu’il subsiste une controverse. L’effethypoglycémiant des inhibiteurs de l’enzyme deconversion est lié à une augmentation de la sensibilitéà l’insuline dont le mécanisme pourrait être uneinhibition de la dégradation de la bradykinine qui aune action insulinomimétique.

Antiarythmiques de classe 1a

Les médicaments de type quinidinique peuvent êtreà l’origine d’accidents hypoglycémiques parfoissévères. Les taux d’insulinémie sont souvent élevés, enrapport avec un effet stimulant direct de ses moléculessur la cellule â (inhibition des canaux potassiquesATP-dépendants).

Si ce type d’accident a d’abord été rapporté avec ladisopyramide (Rythmodant) [6], la cibenzoline(Cipralant) est actuellement le médicament le plussouvent incriminé [16].

‚ Antalgiques et anti-inflammatoiresnon stéroïdiens

Salicylés, indométacine, phénylbutazone

Ils agissent en se fixant par compétition surl’albumine : ils déplacent ainsi les sulfonylurés etrenforcent leur action hypoglycémiante.

Les dérivés de la phénylbutazone peuventégalement inhiber le métabolisme des sulfamideshypoglycémiants et prolonger leur action.

Les salicylés à fortes doses peuvent augmenter lasécrétion d’insuline en réponse au glucose. Unehypoglycémie peut être observée en cas d’intoxicationaccidentelle chez l’enfant et en cas de prise importante(4 à 6 g) chez l’adulte non diabétique.

Propoxyphène

C’est un antalgique morphinique susceptibled’entraîner des accidents hypoglycémiques à fortesdoses, surtout chez la personne âgée lorsqu’il estprescrit seul (Antalvict) ou en association avec duparacétamol (Di-Antalvict, Propofant) [15]. Lemécanisme de l’hypoglycémie est discuté.

‚ Anti-infectieux

Quelques observations d’hypoglycémie soussulfaméthoxazole-triméthoprime (Bactrimt) ont étérapportées chez des personnes âgées ayant uneréduction de leur fonction rénale, associée à unhyperinsulinisme. Il existe en effet des analogiesstructurales entre sulfamides antibactériens ethypoglycémiants, les premiers potentialisant les effetshypoglycémiants des seconds (tableau II).

La pentamidine [14] a entraîné un nombre croissantd’accidents hypoglycémiques liés à la fréquenced’utilisation de ce médicament dans les pneumopa-thies à Pneumocystis carinii chez les sidéens. Lapentamidine a un effet cytotoxique direct sur lescellules â, source d’hypoglycémie initiale suiviefréquemment d’un diabète insulinoprive. L’hypoglycé-mie associée à des concentrations plasmatiquesd’insuline élevées est de survenue précoce (quelquesheures à quelques jours) et brutale ; elle est souventsévère, récurrente, mettant en jeu le pronostic vital. Lesfacteurs favorisants retrouvés sont des posologiesélevées du produit, une insuffisance rénale, unehypoxie sévère, voire une insuffisance surrénale. Lesaccidents hypoglycémiques sont constatés le plussouvent avec le mésylate de pentamidine et à unefréquence moindre avec l’isétionate de pentamidine(Pentacarinatt). Si la pentamidine en aérosol peutégalement induire des hypoglycémies en traitementcuratif, le risque en prophylaxie apparaît mineur.

La quinine et les dérivés de la quinine (hydroxyqui-nidine, chloroquine, méfloquine) stimulent la sécrétionde l’insuline par les cellules â en activant les canauxpotassiques ATP-dépendants. En fonction de larésistance croissante du Plasmodium falciparum à lachloroquine, la quinine intraveineuse reste d’utilisationfréquente dans l’accès palustre sévère. La fréquencedes accidents hypoglycémiques varie de 10 à 30 % : ilssurviennent préférentiellement chez les sujets fragilisés(enfants, femmes enceintes, sujets cachectiques ouayant une diarrhée chronique), en soulignant qu’uneforte parasitémie en elle-même précipite l’hypoglycé-mie. Cependant, il semble qu’une hypoglycémie puisse

Tableau I. – Autres médicaments à potentiel hyperglycémiant[7].

Diminutioninsulinosécrétion

Augmentationproduction hé-

patique deglucose

Insulinorésis-tance

périphérique

Autres

Inhibiteurs calciques ±

Clonidine ±

Amiodarone ?

Diphénylhydantoïne +

Cimétidine +

Abus de laxatifs + (hypo K)

Morphine +

Calcitonine +

Hormones thyroïdiennes àdoses supraphysiologiques

+

Hormone de croissance +

Glucagon +

Somatostatine et dérivés +

Tableau II. – Médicaments potentialisant l’ef-fet hypoglycémiant des sulfamides hypogly-cémiants.

Par déplacement de la fraction liée à l’albumineplasmatique :

- salicylés, phénylbutazone et apparentés- sulfamides antibactériens et diurétiques- antivitamines K coumariniques- clofibrate (Lipavlont)

Par interférence avec la réponse adrénergique àl’hypoglycémie :

- bêtabloquants non cardiosélectifs, IMAO

Par diminution de l’épuration hépatique (inhibi-tion enzymatique) :

- sulfamides antibactériens (Bactrimt) ; chlo-ramphénicol

- miconazole (Daktarint)- anticoagulants coumariniques- phénylbutazone- allopurinol (Zylorict)- cimétidine (Tagamett)- clofibrate (Lipavlont)

Par interférence avec l’élimination rénale :- allopurinol- salicylés, phénylbutazone- probénécide

IMAO : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase.

3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

2

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également survenir chez des sujets non débilitésrecevant de la quinine pour des crampesmusculaires [11].

‚ Antidépresseurs

Plusieurs observations de coma hypoglycémiqueont été rapportées avec la fluoxétine (Prozact),antidépresseur sérotoninergique. Le mécanisme del’hypoglycémie pourrait être un effet stimulant de lasécrétion d’insuline, suggéré par la mise en évidencede sérotonine au niveau des îlots de Langerhans.

‚ Médicaments susceptibles d’entraînerune hypoglycémie auto-immune

L’hypoglycémie par anticorps anti-insuline est uneentité rare en France, due pour un tiers des cas à desmédicaments ayant en commun un groupementsulfhydryle, surtout le méthimazole, mais également laD-pénicillamine (Trolovolt), la tiopronine (Acadionet),le captopril (Loprilt) et la dihydralazine (Népressolt).

Lors des accidents hypoglycémiques, l’insulinémietotale est très élevée, l’insulinémie libre est normale oupeu augmentée avec présence, à des titres importants,d’anticorps anti-insulines, IgG , monoclonaux ouoligoclonaux.

Le mécanisme de production de ces anticorpsparaît lié à une interaction entre le groupementsulfhydryle et les ponts disulfures de l’insuline, d’oùmodification de la configuration moléculaire à l’originede l’auto-immunisation. Plusieurs hypothèsespathogéniques à l’origine de l’hypoglycémie sontdiscutées : stimulation de l’insulinosécrétion oupotentialisation de l’action de l’insuline par lesautoanticorps, dislocation non régulée des complexesinsuline-anticorps anti-insuline. L’évolution de ceshypoglycémies est le plus souvent spontanémentfavorable, avec parfois nécessité d’un recours à unecorticothérapie.

■Hyperprolactinémie

médicamenteuse [26]

La mise en évidence d’une hyperprolactinémiemodérée, révélée chez la femme par des troubles desrègles, une galactorrhée ou une dysovulation, et chezl’homme par une impuissance ou une stérilité, doitfaire systématiquement rechercher une causemédicamenteuse par un interrogatoire minutieux.

Œstroprogestatifs

L’effet hyperprolactinémiant est plus marqué avecles œstroprogestatifs séquentiels que combinés. Lesœstrogènes fortement dosés ont une action directe surl’hypophyse (croissance et multiplication des cellules àprolactine) et, par une action antidopaminergique, auniveau hypothalamohypophysaire. Par contre,l’utilisation d’œstroprogestatifs microdosés (≤ 30 µgd’éthinyl-œstradiol par jour) ne semble pas avoird’effet hyperprolactinémiant.

Médicaments antagonistes dopaminergiques

La régulation de la sécrétion de la prolactine estsous la dépendance prépondérante de facteursinhibiteurs stimulés par la dopamine.

Neuroleptiques

– Butyrophénones, type halopéridol (Haldolt).– Phénothiazines, type chlorpromazine (Largactilt).– Dérivés de benzamides, type sulpiride

(Dogmatilt), métoclopramide (Primpérant), tiapride(Tiapridalt), véralipride (Agréalt).

Ils agissent comme antagonistes des récepteursdopaminergiques au niveau hypothalamo-hypophysaire.

Certains antidépresseurs

– Tricycliques, type imipramine (Tofranilt).– IMAO.– Lithium (Téralithet).

Les anxiolytiques

– Benzodiazépines.– Méprobamate (Équanilt).

Les analgésiques morphiniques

Ils empêchent la libération de dopamine. Parailleurs, il existe des récepteurs morphiniqueshypophysaires dont la stimulation s’oppose à l’actionde la dopamine.

Certains antituberculeux (isoniazide)

Certains antihypertenseurs

La réserpine, en bloquant le processus de stockagede la dopamine.

L’alphaméthyldopa (Aldomett), en inhibant ladopadécarboxylase qui transforme la dopa endopamine.

Autres substances incriminées

– Alphaméthylparatyrosine.– Cimétidine (Tagamett) à fortes doses.– Anesthésiques généraux.– Acétate de cyprotérone (Androcurt) à fortes

doses (> 50 mg/j).– 5-hydroxytryptophane et certains anorexigènes

comme la fenfluramine (Pondéralt).

■Gynécomasties médicamenteuses [4]

L’apparition d’une gynécomastie est la consé-quence d’un déséquilibre de la balance hormonaleentre les œstrogènes et les androgènes : augmenta-tion de la sécrétion d’œstradiol et/ou diminution de lasécrétion de testostérone conduisant à un rapportT/E2 abaissé (N = 200 ± 50).

Les produits à l’origine d’une gynécomastie sontnombreux, avec une causalité en règle établie à partirdu principe de l’interruption-réintroduction dumédicament. Cependant, pour bon nombre d’entreeux, le mécanisme n’est pas élucidé.

Une gynécomastie iatrogène peut être laconséquence de nombreux phénomènes.

Effet œstrogéniqueLa responsabilité des œstrogènes est évidente

lorsqu’ils sont pris à visée thérapeutique (Distilbènetpour cancer de la prostate) ou chez les transsexuels,mais devient plus difficile à authentifier en casd’exposition industrielle ou sous forme locale (crèmevaginale chez la partenaire). Les digitaliques ont uneffet œstrogène-like.

Augmentation de la synthèse d’œstrogènesL’administration pulsatile de LH-RH (luteinizing

hormone-releasing hormone), d’hCG (human chorionicgonadotropin), de clomifène ou de testostérone peutêtre responsable d’une gynécomastie, en raison,principalement, d’une aromatisation périphérique desandrogènes en œstrogènes.

Inhibition de la synthèse de la testostéroneDes traitements prolongés (> 2-3 semaines) par les

imidazolés (métronidazole, kétoconazole, miconazole)peuvent occasionner une gynécomastie. Certaineschimiothérapies (vincristine, bisulfan, BCLU...),

En pratique

Les hypoglycémies médicamenteusessont des accidents métaboliques raressurvenant préférentiellement sur desterrains fragilisés (sujets âgés, dénu-trition, insuffisance rénale, insuf-fisance hépatique). Ils sont favoriséspar la polymédicamentation, sourced’interférence médicamenteuse.Leur diagnostic doit être précoce et letraitement rapide pour éviter de pro-longer la souffrance cérébrale. Lesaccidents sévères nécessitent l’admi-nistration de sérum glucosé par voieintraveineuse de façon prolongéependant plusieurs heures sous couvertd’une surveillance rapprochée de laglycémie capillaire. L’injection deglucagon peut être inefficace en cas dedéplétion glycogénique du foie (hypo-glycémie alcoolique...), ou mêmeinopportune en cas d’hypoglycémiesous sulfamides hypoglycémiants, carle glucagon peut garder alors sonpouvoir insulinosécréteur.

En pratique

✔ Il faut évoquer de principe unehyperprolactinémie médicamenteusequand le taux de prolactine estcompris entre 30 et 100 ng/mL, enrecherchant, en particulier, la prisede psychotropes, d’antiémétiques etd’œstrogènes avant d’envisager touteexploration morphologique del’hypophyse (scanner, imagerie parrésonance magnétique).✔ L’hyperprolactinémie médicamen-teuse n’est pas justifiable d’untraitement dopaminergique, enparticulier l’associationneuroleptique-bromocriptine estillogique, car ces deux substancessont en compétition au niveau desrécepteurs dopaminergiques. Il estnécessaire de faire un choix entre lapoursuite du traitement en cours etla guérison de l’hyperprolactinémie.En règle, les taux se normalisentaprès arrêt du médicamentresponsable en 1 à 3semaines,jusqu’à 4 mois en cas de traitementchronique.

Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments - 3-0940

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préscrites en particulier pour les hémopathies et lescancers testiculaires, sont également susceptiblesd’entraîner une gynécomastie, en règle transitoire paraltération de l’épithélium germinal et réduction descellules de Sertoli.

Inhibition de l’action des androgènesLes antiandrogènes (ciprotérone, flutamide)

entraînent une gynécomastie quasi constante,régressive à l’arrêt du traitement. Le risque relatif degynécomastie sous cimétidine (Tagamett) est élevé,en particulier en cas de prescription à dosesimportantes et/ou de façon prolongée (> 6 mois). Lemécanisme est une inhibition compétitive de ladihydrotestostérone au niveau des sites récepteurs desandrogènes. Le risque paraît mineur avec les autresantiulcéreux (ranitidine, oméprazole) [21]. Trente à60 % des malades traités à long terme par uneantialdostérone, la spironolactone (Aldactonet),développent une gynécomastie [10]. Le mécanisme estégalement une inhibition compétitive de ladihydrotestostérone avec, par ailleurs, unemodification de la stéroïdogenèse testiculaire,entraînant une diminution du rapport T/E2. Le risqueest bien moindre lors de l’utilisation de canrénoate depotassium (Soludactonet) ;

Les autres médicaments pouvant entraîner unegynécomastie sont nombreux, mais, pour l’essentiel,avec une fréquence rare et un mécanisme non élucidé.

Psychotropes : diazépam, antidépresseurstr icycl iques, phénytoïne, phénothiazine,amphétamines.

Antituberculeux : isoniazide, étionamide.Médicaments à visée cardiovasculaire :

alphaméthyldopa (Aldomett), réserpine, vérapamil(Isoptinet), nifédipine (Adalatet), élanapril (Renitect),captopril (Loprilt), aténolol (Ténorminet), amiodarone(Cordaronet).

■Impuissances médicamenteuses [5, 29]

On estime habituellement qu’un quart desimpuissances ont une origine médicamenteuse, avecdeux classes prépondérantes : les antihypertenseurs etles psychotropes. Les médicaments peuvent induireplusieurs types de troubles sexuels : troubles de lalibido, troubles de l’érection, de l’éjaculation, voirepriapisme. Dans le déterminisme des troubles de lasexualité, il faut souligner l’importance de lasusceptibilité individuelle très variable, de la durée dela prescription médicamenteuse, de l’intricationfréquente, en particulier chez l’homme d’âge mûr avecdes facteurs psychogènes et/ou vasculaires(tableau III).

‚ Psychotropes

Les neuroleptiques entraînent une anérection dans30 % des cas, avec une fréquence encore plus élevéepour le thioridazine (Mellerilt).

Les antidépresseurs tricycliques entraînent unediminution d’érection en raison de leurs effetsanticholinergiques et de leurs actions dépressives surle système nerveux central.

Par contre, il n’y a pas ou peu d’effets desantidépresseurs non cycliques.

Les anxiolytiques à doses fortes et en prescriptionprolongée.

‚ Antihypertenseurs

Tous les antihypertenseurs ont été incriminés maisavec des effets plus ou moins marqués sur la sexualité.

Antihypertenseurs d’impact sexuel marqué

Les antihypertenseurs centraux qui entraînent destroubles sexuels dans 20 % des cas avec la clonidine(Catapressant) et dans 30 % avec la méthyldopa(Aldomett).

Les réserpiniques à doses élevées, qui induisent parailleurs une hyperprolactinémie.

La guanéthidine seule ou en association est lamolécule qui perturbe le plus la fonction sexuelle (dansplus de 50 % des cas), en particulier source de troublesde l’éjaculation.

Antihypertenseurs d’impact sexuel modéré

Bêtabloquants cardiosélectifs ou non avec un effetdose-dépendant réversible à l’arrêt du traitement. Ànoter quelques cas d’impuissance observés avec lescollyres bêtabloquants utilisés dans l’hypertonieoculaire (Timoptolt).

Diurétiques : spironolactone (Aldactonet) etthiazidiques, effet dose-dépendant réversible à l’arrêtdu traitement. En revanche, pas d’effet du furosémide(Lasilixt).

Antihypertenseurs d’impact sexuel nondémontré ou négligeable

Alphabloquants : quelques cas de priapismeobservés avec la prazozine (Minipresst).

Bloqueurs calciques : quelques rares observationsd’anérection avec le vérapamil (Isoptinet) et lanifédipine (Adalatet).

Dihydralazine (Nepressolt) : a entraîné quelquescas de priapisme.

En pratique

Devant une gynécomastie, une étio-logie médicamenteuse doit êtresystématiquement recherchée, surtoutchez la personne âgée, en soulignantla responsabilité prépondérante de lacimitidine et de l’aldactone.Pour la plupart des médicamentsincriminés, il y a une alternative deprescription permettant leur arrêt.L’évolution vers la régression com-plète est rare et peut justifierl’application locale de gel de dihydro-testostérone (Andractimt).

Tableau III. – Médicaments responsables de troubles de la sexualité.

Classe Médicaments Li Er Ej Pr Mécanisme

Cardiologie

Alphabloquants Prazozine + + + + Sympatholytiquespériphériques

Bêtabloquants Cardiosélectifs ounon

+ + Sympatholytiquespériphériques

Anti-HTA centraux MéthyldopaClonidine

+ + Sympatholytiquescentraux

Réserpiniques + + + Sympatholytiquescentraux

Diurétiques Thiazidiques + AntiandrogènesAntialdostérones +

Inhibiteurs Vérapamil +

Antiandrogènescalciques Nifédipine +Digitaliques + +

Psychiatrie

Neuroleptiques Phénothiazine + + Hyperprolactiné-mieBenzamide +

Butyrophénone + + Parasympatholyti-ques

Antidépresseurs Tricycliques + + + AnticholinergiquesTrozodone +

IMAO +Lithium + +

Anxiolytiques + +Antiépileptiques Phénobarbital +

Hypocholestérolé-miants

Fibrates Clofibrate + + +Fénofibrate + + +

Hormones et anti-hormones

Œstrogènes Acétate de cypro-térone

+ + AntiandrogènesAntiandrogènes + +Antigonadotropes + +

Antiulcéreux Cimétidine + + Antiandrogènes

Cytostatiques + + Lésions gonadi-ques

Anticoagulants Héparine + Thrombose vei-neuse des corpscaverneux

Antimycosiques Kétoconazole + + Blocage de la sté-roïdogenèsetesticulaire

IMAO : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase.

3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

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‚ DigitaliquesIls ont un effet œstrogène-like pouvant induire des

troubles de la libido et de l’érection.

‚ FibratesLes effets sur la sexualité sont surtout observés avec

les fibrates de première génération (clofibrate). Ilsemble que l’effet soit moindre avec les nouveauxfibrates, type fénofibrate (Lipanthylt).

‚ AntiandrogènesIls sont utilisés chez l’homme dans le traitement du

cancer de la prostate : agonistes du LH-RH,œstrogènes, acétate de cyprotérone (Androcurt).

‚ Héparines de haut poids moléculaireCe sont les premiers pourvoyeurs de priapisme par

thrombose des lacs veineux des corps caverneux, avecun pronostic fonctionnel redoutable.

‚ CytostatiquesUtilisés en cancérologie, les molécules impliquées

ont une action toxique directe sur les cellules deLeydig. Cependant, il est difficile de distinguer l’effetpropre des médicaments des conséquences de lamaladie néoplasique.

‚ KétoconazoleLe kétoconazole (Nizoralt) à fortes doses (> 400

mg/j) peut bloquer la stéroïdogenèse testiculaire etinduire une insuffisance gonadique. Il agit en inhibantl’activité des enzymes utilisant le cytochrome P450.

‚ Autres médicamentsD’autres médicaments ont été incriminés à l’origine

de troubles sexuels :– les vasoconstricteurs nasaux utilisés de façon

prolongée ;– la lévodopa ;– le baclofène (Liorésalt) ;– le naproxène (Naprosynet, Apranaxt).

■Médicaments et thyroïde

‚ Dysthyroïdie par surcharge iodéePlus de 300 préparations médicamenteuses

contiennent de l’iode, mais le principal responsable dedysthyroïdie par surcharge iodée (SI) est l’amiodarone(Cordaronet, Corbionaxt).

En fait, la thyroïde est capable de s’adapter à la SIpar des mécanismes multiples, dont le principal est ladiminution de l’organification de l’iode intrathyroïdien(effet Wolff-Chaikoff) avec un échappementsecondaire. L’absence d’effet Wolff-Chaikoff est àl’origine de l’hyperthyroïdie induite par l’iode, alorsqu’à l’inverse, sa persistance explique l’hypothyroïdieiodo-induite.

‚ Amiodarone [28]

Elle se caractérise par sa richesse en iode (75 mg/cp)et sa demi-vie extrêmement longue (30 à 100 jours).Ses effets s’exercent aux différents points d’impact dela régulation thyroïdienne (hypophyse, thyroïde, tissuscibles). Elle diminue par ailleurs la conversionpériphérique de T4 en T3. Elle a enfin un effetimmunomodulateur pouvant induire une auto-immunité thyroïdienne. Ainsi s’explique la fréquencedes dysthyroïdies sous amiodarone.

Hypothyroïdie (3,7 à 22 %) [28]

Elle s’observe en règle précocement dans les 10premiers mois de traitement. Elle est plus fréquente encas de thyroïdite auto-immune préalable, attestée parla présence d’anticorps antithyroïdiens. Elle répond àdeux mécanismes différents.

Un trouble fonctionnel de l’organification lié àl’accumulation intra thyroïdienne d’iode, cas le plusfréquent avec une régression spontanée lente.

Une atteinte lésionnelle de la thyroïde favorisée pardes phénomènes auto-immuns préalables ouexacerbés par l’iode, situation plus rare conduisant enrègle à une hypothyroïdie définitive.

Hyperthyroïdie (3 à 13 %) [17]

L’expression clinique est souvent modérée enraison de l’effet antiadrénergique, et surtoutbêtabloqueur, de l’amiodarone, les signes les plusconstants étant l’amaigrissement (avec anorexie) et laréapparition des troubles cardiaques. Elle peutcorrespondre à deux mécanismes différents.

Une hyperthyroïdie induite par l’iode sur corpsthyroïde préalablement sain. Il s’agit d’une thyroïditeiodée comparable à une thyroïdite subaiguë virale,régressant spontanément en 1 mois à 1 an avec unemoyenne de 4 mois. La fixation en scintigraphieisotopique à l’iode 123 est effondrée. Lesantithyroïdiens de synthèse sont peu efficaces, et lacorticothérapie trouve une indication logique.

Une hyperthyroïdie induite par l’iode sur corpsthyroïde pathologique :

- soit d’une dystrophie nodulaire unique ou d’ungoître multinodulaire objectivés en scintigraphie parune fixation faible et hétérogène avec visualisation dezones hyperfonctionnelles ;

- soit de la maladie de Basedow induite ouexacerbée par l’amiodarone, diagnostiquée sur laprésence d’anticorps thyréostimulants et une fixationscintigraphique préservée.

L’hyperthyroïde peut être traitée par antithyroïdiensde synthèse, en choisissant de préférence lepropylthio-uracile (plutôt que le Néo-Mercazolet) enraison de son action sur la conversion périphériquedes hormones thyroïdiennes, voire par le perchloratede potassium ou le carbonate de lithium.

‚ Autres médicamentspouvant induire une surcharge iodée

En fait, nombre de spécialités médicamenteusescontiennent des quantités très faibles d’iode et neseront donc mentionnées que les spécialités apportantdes quantités d’iode disponibles supérieures à 100 µgpar jour (tableau V). Il faut par ailleurs soulignerl’érythrosine, colorant alimentaire, qui fait partie del’excipient de nombreuses spécialités. Par ailleurs, lesmédicaments à usage externe peuvent égalementinduire une surcharge iodée (certains collyres iodés,désinfection iodée répétitive sur les muqueuses ouapplication cutanée sur plaie profonde).

‚ Médicaments pouvant modifierla fonction thyroïdienne(par un mécanisme autre quela surcharge iodée) [27]

Médicaments affectant les protéinesde transport

Les androgènes à fortes doses diminuent lathyroxin binding globulin (TBG), d’où diminution de laT4 totale. Les salicylés, l’héparine, les sulfonylurées,

En pratique

Dans les critères de choix d’un traite-ment antihypertenseur, il faut tenircompte de leur effet potentiel délétèresur la sexualité.Il faut être par ailleurs attentif auxassociations médicamenteuses quipotentialisent leurs effets néfastes surla fonction sexuelle. Enfin, la réver-sibilité des impuissances médica-menteuses est souvent fonction de ladurée de prescription.

Tableau IV. – Profils hormonaux sous amiodarone.

TSH T4 libre T3 libre

Euthyroïdie N ou# ± N ou# ± N ou& ±

Hypothyroïdie # & &

Hyperthyroïdie & # N ou# ±

En pratique

Le traitement hormonal substitutifdevient nécessaire en casd’hypothyroïdie biologique prolongéeou d’hypothyroïdie patente. Aprèsélimination de la SI, une fenêtrethérapeutique est nécessaire pourapprécier la récupération de lafonction thyroïdienne. Enfin, si l’étatcardiologique le nécessite,l’amiodarone peut être poursuivie souscouvert du maintien d’un traitementsupplétif.

En pratique (tableau IV)

Préalablement à la prescription, faireun dosage de TSH us.Surveillance ou traitement tous les 4 à6 mois de la TSH us : si la TSH aaugmenté, T4 libre, anticorpsantithyroïdiens± échographie de lathyroïde ; si la TSH a diminué, T3libre, T4 libre, anticorpsthyréostimulants, scintigraphiethyroïdienne à l’iode 123±échographie de la thyroïde.

En pratique

✔ Éviter la prescription demédicaments contenant de l’iodechez les patients présentant un goitremultinodulaire.✔ En cas de suspicion de dysthyroïdiepar surcharge iodée, faire uneiodurie des 24 heures (ou uneiodurie sur créatinine lors d’unemiction).

Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments - 3-0940

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diazépam et la phénylbutazone peuvent égalemententraîner une diminution de la T4 totale. À l’inverse, lesœstrogènes, le tamoxifène (Nolvadext), le clofibrateaugmentent la TBG et la forme totale des hormonesthyroïdiennes. En revanche, ces médicaments nemodifient pas le taux des hormones thyroïdienneslibres.

Les amphétamines à fortes doses augmentent la T4

libre par stimulation de l’axe thyréotrope.Le carbonate de lithium (Téralithet), utilisé dans les

états maniacodépressifs peut induire un goître, parfoisune hypothyroïdie, exceptionnellement unehyperthyroïdie. En effet, le lithium freine la protéolysedes hormones thyroïdiennes et par conséquent leurlibération.

Le propranolol (Avlocardylt) entraîne unediminution de la T3 et, à fortes doses, uneaugmentation de la T4 par blocage de la conversionpériphérique de T4 en T3.

Les corticoïdes (dexamétasone, glucocorticoïdes àfortes doses) bloquent la conversion de T4 en T3,diminuent la TBG et la protéolyse de la thyroglobuline.En cas d’administration aiguë à fortes doses, la thyroidstimulating hormone (TSH) peut être freinée.

Les hydantoïnes (Di-hydant) peuvent diminuer lesformes totales et libres des hormones thyroïdiennespar réduction de la liaison aux protéines de transport,et surtout par augmentation de la clairancemétabolique de T3 et T4, liée à une inductionenzymatique sans entraîner néanmoins d’hypothyroï-die clinique.

L’acide tri-iodothyroacétique (Triacanat, Téatroist),dérivé catabolique des hormones thyroïdiennes,interfère avec les dosages de T3 et freine l’axethyréotrope. Le profil hormonal sous traitementassocie une augmentation de T3 et une diminution deT4 et TSH. À l’arrêt du traitement, la T3, T4 et la TSHsont abaissées.

Médicaments interférantavec la prise d’hormones thyroïdiennes

Ils nécessitent en règle une augmentationposologique chez les hypothyroïdiens substitués.

Phénobarbital (Gardénalt), carbamazépine(Tégrétolt), rifampicine (Rifadinet), en augmentant laclairance métabolique des hormones thyroïdiennespar induction enzymatique.

Cholestyramine (Questrant ) , hydroxyded’albumine, supplémentation en fer en réduisantl’absorption intestinale des hormones thyroïdiennes.

Interféron alpha

L’interféron alpha est une cytokine recombinanteutilisée dans le domaine de l’oncologie et dans

certaines maladies virales (hépatites B et C). Il peutinduire ou exacerber un processus auto-immunpréexistant à l’origine d’une dysthyroïdie dans 3 à13 % des cas [9, 22]. L’hypothyroïdie est nettementprédominante. Quelques cas d’hyperthyroïdie ont étédécrits, de même que des dysthyroïdies d’évolutionbiphasique, hyper- puis hypothyroïdie ou l’inverse. Ledélai moyen de survenue est de 6 à 12 mois, plusprécocement en cas d’hyperthyroïdie. L’évolution estparfois régressive à l’arrêt du traitement.

L’interleukine 2 peut induire des anticorpsantithyroïdiens et rarement une dysthyroïdie, surtouten cas d’association avec l’interféron alpha.

Le granulocyte macrophage colony stimulatingfactor (GM-CSF) peut également entraîner unedysthyroïdie en cas de présence préalable d’anticorpsantithyroïdiens.

■Médicaments et surrénales

‚ Médicaments et explorationsurrénalienne [24]

Fonction glucocorticoïde

Le cortisol circulant est lié en majeure partie à uneprotéine spécifique, la corticosteroid binding globulin(CBG), d’où la possibilité d’interférence médicamen-teuse au niveau du site de liaison.

Les œstrogènes et les hormones thyroïdiennesaugmentent ainsi la synthèse de CBG, d’où élévationdu taux de cortisol.

Les corticoïdes, le danazol et la médroxyprogesté-rone déplacent la liaison protéique, d’où diminution dutaux de cortisol.

Ces artefacts sont éliminés si l’on mesure le cortisollibre salivaire ou le cortisol libre urinaire des 24 heures.

La rifampicine, la phénytoïne et les opiacésaugmentent le catabolisme du cortisol et peuvent ainsidiminuer le taux de cortisol.

En ce qui concerne les tests dynamiques, ladiphénylhydentoïne (Di-hydant) les œstrogènes

peuvent perturber le test de freinage minute par ladexamétasone ainsi que le test à la métopirone ; lesinhibiteurs de la sérotonine empêchent la réponse del’adenocorticotrophic hormone (ACTH) au cours del’hypoglycémie insulinique.

Fonction minéralocorticoïdeLa rercherche d’un hyperaldostéronisme primaire

nécessite l’arrêt de tout médicament pouvant interférersur le système rénine-angiotensine-aldostérone. Dansl’idéal, l’exploration doit être réalisée en l’absence detout traitement antihypertenseur. Cependant,l’hyperaldostéronisme primaire est souvent responsabled’une hypertension artérielle sévère ne permettant pasde sevrage thérapeutique complet.

Fonction médullosurrénaleLe diagnostic de phéochromocytome repose sur le

dosage des métabolites urinaires des catécholamines. Ilexiste des interférences médicamenteuses avecprincipalement des faux positifs observés ; pour l’acidevanylmandélique en cas de prise d’alphaméthyldopa(Aldomett) ; pour les métanéphrines avec lesbêtabloquants ; pour les catécholamines avec la prise delabétalol (Trandatet).

En effet, les interférences potentielles sont plusnombreuses et sont résumées dans le tableau VI.

‚ Corticothérapie et axehypophysosurrénalien [2, 8]

Les corticoïdes de synthèse sont très utilisés enthérapeutique par voies générale et locale (cutanée,articulaire, bronchique) pour leurs propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives, antalgiques etantiallergiques. Cependant, ils engendrent denombreux effets secondaires dont, en particulier, unefreination de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien avec risque d’insuffisance surrénale.

La freination de la fonction corticotrope(tableau VII) dépend de plusieurs facteurs :

– l’affinité pour le récepteur glucocorticoïde : pluselle est élevée, plus l’action freinatrice desglucocorticoïdes est marquée ;

– la demi-vie biologique (tableau VIII) : elle varie de8 à 12 heures pour l’hormone naturelle, jusqu’à 36 à60 heures pour les corticoïdes deltahalogènes, d’actionlongue. La freination est d’autant plus marquée que lademi-vie d’un corticoïde est prolongée ;

– la biodisponibilité qui dépend du moded’administration du corticoïde : voie orale, voieintramusculaire pour les préparations retard, voieslocales qui peuvent avoir cependant des effetssystémiques ;

Tableau V. – Médicaments pouvant induire une surcharge iodée.

À visée neuropsychique Akinétont (866µg/cp) ; Haldolt 5 (182µg/cp) ; Prothiadent 25 (121µg/gel) ; Vésadolt (0,8 mg/cp) ; Magnogènet (36,5µg/cp)

À visée pneumologique Asthmalginet (61,2 mg/dragée) ; Asthmasédinet (115 mg/ c à café) ;Pneumogéinet (70 mg/c à café)

À visée anti-infectieuse

Abbomicinet 200 (143µg/ c-mesure) ;Clamoxylt 500 (570µg/gel),Fungizonet (855µg/c à café) ;Keforalt 250 (180µg/c-mesure) ;Rifadinet (821µg/gel)

Divers médicamentsd’utilisation fréquente

Anusolt (90 µg/cp) ; Carbosylanet (845µg/gel) ; Colchimaxt* (14,3ng/cp) ; Dénoralt (256µg/cp) ; Dafalgant (1096µg/gel) ; TardyferontB9 (180µg/cp)

* Une nouvelle formulation du Colchimaxt vient d’être commercialisée sans excipient iodé.

En pratique

Avant de débuter un traitement parinterféron alpha, interleukine 2 ouGM-CSF, faire un dosage de TSHultrasensible et une recherche d’anti-corps antithyroïdiens.Sous traitement, faire une TSH ul-trasensible tous les 3-4 mois.

En pratique

Les spironolactones (Aldactonet) doi-vent être arrêtés 6 semaines avantexploration, les diurétiques 1 moisavant, les bêtabloquants, les inhibi-teurs de l’enzyme de conversion, lesinhibiteurs de l’angiotensine II(Cozaart) 15 jours avant.L’influence des inhibiteurs calciques àlibération prolongée est discutée.Les traitements qui peuvent donc êtreconservés, si nécessaire, sont les anti-hypertenseurs centraux (alpha-méthyldopa), les bloqueurs calciquesde demi-vie courte et lesalphabloquants (prazosine).

3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

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– l’horaire d’administration : la prise d’une mêmedose de corticoïde aura moins d’effet freinateur lematin que le soir où elle supprimera le pic d’activité del’axe corticotrope survenant en fin de nuit ;

– la durée du traitement et la quantité deglucocorticoïdes administrée : pour les traitementslimités à quelques jours, la récupération de la fonctioncorticotrope est immédiate ou se fait en quelques jours.Par contre, les traitements prolongés pendant plusieurssemaines, a fortiori plusieurs mois, entraînent unefreination marquée, avec des délais de récupérationprolongés pouvant dépasser plusieurs mois. Il existe parailleurs une susceptibilité individuelle qui rend touteprévision de récupération non codifiable.

L’évaluation biologique hormonale se fait d’une partpar le dosage du cortisol plasmatique entre 8 et 9 heuresdu matin, avec une dernière prise hormonale si possible

la veille au matin. Un taux supérieur à 10 mg/100 mLtémoigne de la restauration de la fonction corticotropebasale, mais ne permet pas de juger de la capacité deréponse de l’axe hypophysosurrénalien en situation destress. Un taux inférieur à 10 mg/100 mL nécessite unesubstitution glucocorticoïde par l’hydrocortisone à 20-30mg/j ; cette évaluation se fait d’autre part par le test auSynactènet immédiat, qui consiste à injecter par voieintramusculaire une ampoule de tétracosactide avecdosage du cortisol plasmatique 1 heure plus tard. Untaux supérieur à 20 mg/100 mL témoigne de larécupération de l’axe corticotrope. En effet, après arrêtde la corticothérapie, la chronologie de récupération del’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien passe par laréactivation de l’hypophyse avant celle de lacorticosurrénale. Ainsi, une réponse normale du test auSynactènet témoigne d’une trophicité normale de la

surrénale, impliquant que les réserves en cortisol ont étéreconstituées sous l’effet de l’ACTH endogène.

‚ Sevrage en corticoïdes

Tableau VI. – Interférences médicamenteuses avec les dosages de catécholamines.

Catécholamines plasmatiques et urinaires VMA Métanéphrines

Dosages radioenzy-matique

Dosages fluoromé-triques

Dosages par oxyda-tion en vanilline

Dosages par chro-matographie mono-

dimensionnelle

Dosages par oxyda-tion en vanilline

Dosages par chroma-tographie bidimen-

sionnelle

Aldomett + + + + +

Trandatet +

Tétracyclines +

IMAO + + + + + +

Aspirine +

Sulfamides +

Alpha- etbêtabloquants

+ + + + +

Diurétiques +

Médicaments fluorés +

Amphétamines +

VMA : acide vanylmandélique ; IMAO : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase.

Tableau VII. – Activité comparée des différents glucocorticoïdes.

Activité gluco-corticoïde

Activité miné-ralocorticoïde

Action anti-inflammatoire

Freinage corti-cotrope

Équivalentglucocorticoïde

Hydrocortisone 1 1 1 1 20 mg

Delta-1-corticoïdes

4 0,8 4 4 5 mg

Deltaméthylés 5 0,5 5 5 4 mg

Deltafluores-hydroxyles

5 0 5 5 4 mg

Dérivéshalogènes-méthylés

25 0 25-30 50 0,5-0,75 mg

Tableau VIII. – Demi-vie biologique des glucocorticoïdes.

Glucocorticoïdes naturels (hydrocortisone) 8-12 heures action brève

Delta1-corticoïdes(prednisone, prednisolone)

Deltaméthylés 12-36 heures action intermédiaire(méthylprednisolone)

Deltafluores-hydroxyles(triamcilonone)

Dérivés halogènes-méthyles 36-60 heures action longue(dexaméthasone, bethamétasone)

En pratique

Dès que la maladie causale estcontrôlée, essayer de prescrire lecorticoïde en dose unique matinale,voire si possible en traitement alternéavec doublement de la dose quotidienneun jour et rien le lendemain.Lorsque la posologie du traitementcorticoïde est supérieure à la dosesubstitutive, il n’y a pas de risqued’insuffisance surrénale, sauf en casd’interruption brutale du traitement ouen cas de stress majeur (pour des dosesinférieures à 30 mg/j de prednisone).Lorsqu’on a pu réduire la dose decorticoïdes jusqu’à l’équivalent d’unedose substitutive (5 mg de prednisonepar jour), le traitement est alors relayépar 20 mg d’hydrocortisone en deuxprises par jour, matin et midi, puis enprise unique le matin avec uneréduction ultérieure à 10 mg.Dès que le cortisol du matin estsupérieur à 10 mg/100 mL,l’hydrocortisone peut être interrompumais devra être repris à dosesaugmentées en cas de stress oud’infection intercurrente jusqu’à ce quela réponse du cortisol après Synactènetsoit supérieure à 20 mg/100 mL.Rappelons enfin qu’il n’est ni efficaceni logique de proposer des injections deSynactènet retard pour relancerl’activité corticosurrénale, cetteprescription entravant au contraire, larécupération hypothalamohypophysaire.

Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments - 3-0940

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Page 224: Le manuel du généraliste   endocrinologie-métabolisme

‚ Héparine et fonctionminéralocorticoïde [18, 19]

L’héparine standard et les héparines de baspoids moléculaire, utilisées à doses préventives,peuvent induire des hypoaldostéronismesasymptomatiques se traduisant par unehyperkaliémie avec ou sans hyponatrémie. Lesfacteurs favorisants authentifiés sont l’âge élevé, lediabète, l’insuffisance rénale et les traitementsassociés (inhibiteurs de l’enzyme de conversion,

spironolactone...). Cet hyperaldostéronisme est lié àune inhibition enzymatique réversible sur la chaînede biosynthèse des minéralocorticoïdes.

‚ Kétoconazoleet fonction surrénale

Le kétoconazole (Nizoralt) est un antimycosiquedonné par voie orale qui, à doses élevées (> 400 mg/j),a un effet de blocage de la stéroïdogenèse tant

surrénalienne que testiculaire, d’où un risque potentield’insuffisance surrénale.

Il interagit avec le fer de l’hème des enzymesutilisant le cytochrome P450, et ainsi inhibe de façonréversible bon nombre d’activités enzymatiques de lastéroïdogenèse, dont en particulier la 11â-hydroxylaseet 17-20 lyase.

Cet effet peut être utilisé en thérapeutique dans letraitement de certains hypercorticismes, d’hyperaldo-stéronismes ou même de corticosurrénalomes malinssecrétants [9].

Frédéric Bosquet : Praticien hospitalier.Agnès Heurtier : Chef de clinique-assistant.Flavie Tournant : Chef de clinique-assistant.

Service de diabétologie-métabolisme (Pr Thervet), groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Bosquet, A Heurtier et F Tournant. Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0940, 1998, 8 p

R é f é r e n c e s

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3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

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