LE MALADE IMAGINAIRE - cndp.fr · Notes d’intention La reprise d’un spectacle « Le Malade...
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LE MALADE IMAGINAIRE
OU
LE SILENCE DE MOLIERE Dossier réalisé par Fatima BELAID-TADJINE
Adaptation
Et
Mise en scène d’ Arthur NAUZYCIEL
Le Malade imaginaire (1673 ; publication posthume)
Cette comédie-ballet en trois actes et en prose, précédée d'un prologue et accompagnée
d'intermèdes dont la musique a été composée par Marc-Antoine Charpentier, est d'une ampleur
et d'un faste, qui, comme c'était déjà le cas pour Le Bourgeois gentilhomme, en font un
somptueux spectacle, plus proche par sa conception globale et sa réalisation des grandes pièces
de Cour et des opéras de Lulli et Quinault que des - grandes comédies - de Molière lui-même.
Aussi, quoique la comédie proprement dite occupe la plus grande part, quoique le prologue et le
premier intermède paraissent être mal liés à celle-ci, ne faut-il pas dissocier les divers éléments
d'un spectacle qui forme un tout : ultime pièce donnant à voir le jeu des apparences et de la
réalité ainsi que le pouvoir de l'illusion, elle utilise précisément les parties chantées et dansées en
ce sens, comme le montrent aussi bien le ballet des Égyptiens (Second Intermède) qui plonge
Argan dans un rêve destiné à casser l'illusion de sa maladie et le pouvoir illusoire des médecins,
que la réception fictive du malade dans le corps des médecins qui termine la comédie en même
temps que le spectacle. Il n'est donc pas exagéré de voir dans cette oeuvre la somme du théâtre
de Molière : on y retrouve les thèmes des comédies précédentes (dénonciation de l'imposture,
satire de la médecine et du formalisme, triomphe de la jeunesse), la plupart des personnages
(Argan, successeur d'Orgon et des autres maniaques, Béline, l'épouse intéressée qui renvoie à
Tartuffe ou M. Diafoirus à Trissotin), la structure de l'intrigue (face au fou qui veut marier sa fille à
l'homme qui flatte sa manie, alliance du reste de la famille), l'esthétique du ridicule et les procédés
de la farce, enfin une théâtralité généralisée qui débouche sur la fantasmagorie endiablée de
Monsieur de Pourceaugnac et du Bourgeois gentilhomme.
G. Forestier, Molière
Notes d’intention
La reprise d’un spectacle
« Le Malade imaginaire ou Le Silence de Molière » était mon premier spectacle.
Nous l’avons créé il y a six ans.
En mai 2004, à l’initiative du Centre dramatique national de Montreuil nous lui avons
redonné corps, souffle et vie pour 15 représentations exceptionnelles.
J’ai accepté cette proposition parce qu’il est actuellement presque impossible de voir ou
revoir une première mise en scène. Et alors que je venais de présenter « Oh les beaux
jours » au théâtre National de l’Odéon, et avant la création de « Place des Héros » salle
Richelieu à la Comédie Française, nous pouvions ainsi offrir aux spectateurs la
possibilité de s’inscrire dans une histoire, de tisser des liens d’une création à l’autre, de
découvrir le spectacle fondateur, celui qui contient déjà tous les autres, et qui veut tout
embrasser, car c’est le premier.
Spectacle sur l’intime, l’abandon de la mort, la mémoire et la transmission, mêlant la
vraie vie au théâtre, ou le théâtre à la vie, il réunissait mon propre père et des acteurs
amis. Le spectacle a tourné en France en 1999 et 2000, et nous l’avons recréé au théâtre
de l’Ermitage de Saint Petersbourg en invitant Elena Rufanova (comédienne fétiche de
Andrei Sokourov) à jouer en russe le rôle d’Esprit-Madeleine Poquelin.
Rejouer ce spectacle, c’est témoigner de cette aventure, d’un parcours artistique, et de
ce que nous étions. Mais nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui, et c’est donc
au présent et sans nostalgie que nous avons de nouveau raconté cette histoire de
famille, de deuil et de théâtre.
Suite au succès rencontré lors de ces représentations, nous avons décidé de reprendre
le spectacle en tournée en 2006, avec la même équipe.
A. Nauzyciel avril 2005
La genèse du spectacle
Raconter son histoire
Mon histoire commence en un lieu où il n’y a plus d’hommes, plus de langage, plus de
nom.
En m’apprenant à compter avec les chiffres du numéro tatoué sur son avant-bras, mon
grand-père m’a inoculé Auschwitz.
J’ai connu les chiffres avant les lettres. Ces chiffres indélébiles étaient son nom.
Derrière les lettres de mon nom, il y a l’histoire des souffrances de ma famille, et celles
de millions de gens.
Pendant des années, parfois toute leur vie, les survivants n’ont rien dit. Quand mon
grand-père me parlait, j’essayais de comprendre ses phrases faites de mots étrangers,
des bribes d’une autre langue, perdue, bientôt oubliée.
Une langue d’avant l’horreur et qui ne se reconstituera jamais vraiment. Alors, la plupart
du temps, il se taisait.
Mon père, lui, me racontait l’histoire que son père n’avait jamais pu lui raconter, et qu’il
avait apprise par d’autres.
C’est me raconter cette histoire qui fait de lui un père.
C’est la dire et ne jamais oublier qui ferait de moi un homme.
Alors je deviendrais père à mon tour.
Et si je disais: «Pardonnez moi, mais je ne peux pas»...
Si je ne voulais pas être un bon fils...
Si je voulais que rien ne reste après moi et que tout meure...
«J’ai voulu arrêter tout cela», crie Esprit-Madeleine Poquelin.
«Ah, il n’y a plus d’enfants...En vérité, je n’en puis plus.», murmure Molière.
«Le Silence», c’est l’histoire d’une fille qui a dit «non» au théâtre, «non» à sa famille,
«non» à son père, «non» à son nom.
« Le Malade Imaginaire », c’est l’histoire d’un homme qui meurt au théâtre,
en rêvant que sa famille lui pardonne d’être né «Poquelin» et de mourir «Molière»...
Arthur Nauzyciel, novembre 1997.
Réunir le Silence de Molière1 et le Malade imaginaire
Le point de départ et d’aboutissement de ce texte est l’image énigmatique de la fille
unique de Molière, Esprit-Madeleine Poquelin, dont toute l’existence fut entourée d’un
profond silence. C’est le récit d’une enfance au sein d’une famille d’acteurs, un monde
de deuils, de jalousies, de colères, d’amour et de théâtre. Esprit-Madeleine se raconte et
raconte son père. Cette histoire, au centre du Malade Imaginaire, en révèle une autre,
intime et secrète, faite des liens père\fille, maître\élève, metteur en scène\acteur. Il n’y
est finalement pas question de médecine, ou alors de celle qui guérit les âmes et les
cœurs trop lourds. Cette médecine, c’est l’Art, ses médecins sont les acteurs, ceux «qui
écrivent sur le sable», comme le disait Antoine Vitez, qui aurait pu être notre Argan...
Un questionnement sur sa condition d’homme de théâtre
Je trouve dans Le Malade imaginaire des résonances, des réponses aux questions que
je me pose, en tant qu'acteur, sur ma relation aux maîtres, sur la nécessité de faire du
théâtre aujourd'hui, et comment. Je n'ai pas décidé d'être metteur en scène. C'est la
matière même de la vie, des rencontres, des histoires d'amour et des histoires de deuil,
des histoires de théâtre, qui fait qu'un jour on découvre un texte, qui avec le temps
devient spectacle.
Tout a commencé il y a deux ans. A l'école Claude Mathieu, alors que j'animais un atelier
sur Molière. Le thème retenu était celui de « l'enfer familial ». Je me suis aperçu que
chez les gens très jeunes, y compris ceux qui n'avaient jamais vu jouer une pièce de 1 «Ce silence, cette sereine absence de bonheur n’arrivent pas à me libérer de certaines pensées, de certains fantômes, de certains remords. Je me sens responsable de n’avoir rien fait: de n’avoir pas honoré mon père, de ne l’avoir pas assez aimé, de ne l’avoir pas défendu après sa mort... Dans sa dernière comédie, la dernière justement, mon père avait mis en scène une petite fille. J’étais à cette époque une fillette entre sept et huit ans. Sans aucun doute, mon père, en écrivant cette scène avait pensé à moi, il l’avait écrite pour moi. Mon père a affronté le risque de mettre en scène une enfant, pour le simple goût de la voir jouer, et il l’a fait pour moi. Un certain nombre de tentatives pour me faire jouer furent organisées...»
GIOVANNI MACCHIA, Le Silence de Molière, 1985
Molière, un certain style, une certaine tradition étaient encore très présents. Toutes les
filles, par exemple, jouaient Dorine les mains sur les hanches. J'ai voulu comprendre
d'où ça venait, comment la tradition était devenue style. Nous avons repris le travail de
lecture en essayant d'oublier l'interprétation générée par une idée du personnage, une
idée du style, une idée du genre. Afin de dire, de jouer ce qui était vraiment écrit. Afin de
le rendre effectif. Ce qui m'a permis de réentendre tout particulièrement la scène entre
Louison et Argan de l'acte II. Cette scène qui n'a pas de nécessité apparente au sein de
l'intrigue est mystérieuse, détentrice d'un secret. Comme j'étais curieux d'approcher ce
secret, je me suis mis à lire des biographies de Molière et notamment le texte de
Giovanni Macchia, Le Silence de Molière. Il s’agit d'une conversation imaginaire avec
Esprit-Madeleine Poquelin, la seule enfant Poquelin qui ait survécu. Où elle dit que
Molière a écrit pour elle la scène de Louison, et qu'elle a refusé de jouer. La réplique
d'Argan, «Ah ! Il n'y a plus d'enfants... En vérité je n'en puis plus», prend alors un sens
très fort : il n'y aura pas de transmission puisque sa fille unique renonce définitivement
au théâtre2.
Arthur Nauzyciel
2 Nous ne pouvons pas faire comme si nous étions des incroyants. Désormais il faut choisir sa croyance. Le salut nous viendra de l’écriture et du langage. Si nous refondons la langue, nous pourrons résister. Ensuite en reprenant l’autre pour ne pas le perdre. Reprendre la langue, se reparler et reprendre l’autre. Enfin, il faut reprendre le monde. Il ne faut pas fantasmer sur l’au-delà du monde, sur l’au-delà de la Terre, et sur l’au-delà de l’homme. L’homme n’est pas le centre du monde, il est la fin du monde. La première façon de s’aimer, c’est la parole...
PAUL VIRILIO Cybermonde ~ la politique du pire, 1996
L’EQUIPE
LE MALADE IMAGINAIRE
ou
LE SILENCE DE MOLIÈRE
D’après Le Malade Imaginaire de Molière et Le Silence de Molière de Giovanni Macchia
MISE EN SCENE ET ADAPTATION : ARTHUR NAUZYCIEL
SCENOGRAPHIE : CLAUDE CHESTIER
CREATION COSTUME : CLAUDE CHESTIER / PASCALE ROBIN
CREATION LUMIERE : MARIE-CHRISTINE SOMA
SON : XAVIER JACQUOT
CREATION MUSICALE : JEAN-CHRISTOPHE MARTI
avec :
Hélène Babu, Gilles Blanchard, Mickaël Duglué, Nanou Garcia, Pierre Gérard, Arthur
Nauzyciel, Émile Nauczyciel, Stéphanie Schwartzbrod, Jean-Philippe Vidal, Catherine
Vuillez.
Le metteur en scène
Arthur Nauzyciel est né à Paris en 1967.
Parallèlement à une licence d'art plastique et une maîtrise d'études
cinématographiques, il entre à l'école du Théâtre National de Chaillot, dirigé par
Antoine Vitez, qui sera son professeur de 1986 à 1989.
Depuis, il a joué sous la direction de B. Bonvoisin, M. Didym, J.-M. Villegier, L.-C.
Sirjacq, C. Rist, D. Podalydès, E. Vigner, A. Françon, J. Nichet, L. Pelly, A. Vassiliev, Tsai
Ming Liang...
Artiste associé au Centre Dramatique de Bretagne (CDDB-Théâtre de Lorient)
depuis 1996, il fonde sa compagnie à Lorient en 1999,(Compagnie 41751/Arthur
Nauzyciel), et y crée sa première mise en scène
Le malade imaginaire ou le silence de Molière d'après Molière et Giovanni
Macchia. Après une première tournée en France, le spectacle est sélectionné dans le
cadre du programme Européen AFAA/Générations 2001, et est recrée au Théâtre de
l’Ermitage à Saint Petersbourg en 2000, avec la comédienne russe Elena Rufanova, puis
tourne en Russie et de nouveau en France en 2001.
En mai 2000, à la demande de l'Ecole Nationale de Musique et de Danse de
Lorient, il met en scène au CDDB un opéra contemporain de Philippe Dulat, chanté par
120 enfants, Le voyage de Seth.
En avril 2001, pour le 7 Stages Théâtre, il crée pour la première fois aux Etats-
Unis: Black Battles With Dogs/(Combats de nègre et de chiens), de B.M Koltès à Atlanta,
qu'il adapte et retraduit en anglais, avec une équipe américaine.
Le spectacle est repris en France en 2002.
En juin 2003, il crée à Lorient Oh les beaux jours, avec Marilù Marini, qui sera
présenté dans le cadre du Festival International de Buenos Aires au Teatro San Martin,
à Barcelone et au Théâtre National de l'Odéon (Paris) avant une tournée en France et à
l'étranger (Casablanca, Meknes, Marrackeh, Rabat).
En mai 2004, Le malade imaginaire ou le Silence de Molière est présenté au CDN
de Montreuil.
En juin et juillet 2004 Oh les beaux jours est repris en espagnol au teatro San
Martin à Buenos Aires (prix de la critique, meilleur spectacle étranger, meilleure
actrice).
En septembre 2004, il crée en anglais dans une traduction de Martin Crimp pour Emory
Theatre, à Atlanta : Robero Zucco de B. M. Koltes.
Black Battles With Dogs/(Combats de nègre et de chiens) est présenté à Chicago
et Boston en octobre 2004.
En décembre 2004, il met en scène Place des Héros, de Thomas Bernhard,
présenté pour la première fois à la Comédie Française (salle Richelieu)- inscription au
répertoire.
Il est lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs (Hong Kong, Taipeh, Beijing).
LES COMEDIENS :
GILLES BLANCHARD
Formation à l’Ecole du Théâtre National de Chaillot dirigée par Antoine Vitez.
Au théâtre, Gilles Blanchard a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez Le
soulier de satin de Claudel (1988) ; Michel Didym Au perroquet vert d’Arthur
Schnitzler (1989) ; Martine Viard Kagel de Georges Aperghis (1989) ; Michèle Guigon
Cabaret (1992) ; Christian Colin TDM 3 de Didier-Georges Gabily (1996) ; Arthur Nauzyciel
Le Malade imaginaire ou Le Silence de Molière (1999) et Pile ou pile au CDDB de Lorient
(2003).Il etait également artiste associé au CDDB Lorient (direction Eric Vigner) et il a
signé quelques mises en scène dont : Ubu d’après Alfred Jarry/Nada Théâtre 1990),
Pourquoi pas l’Antarctique (2003). Il vient de réaliser Tête d’Or de Paul Claudel, pour le
cinéma.
MICKAËL DUGLUE
Formé au théâtre universitaire de Lorient (1994-1997) Mickaël Duglué a suivi les ateliers
du CDN de Lorient avec Arthur Nauzyciel, Laurent Poitrenaux et Eric Vigner.
Au théâtre, il a joué sous la direction d’Arthur Nauzyciel Le voyage de Seth (2000), Le
malade imaginaire ou Le Silence de Molière (2001 et 2004) ; Jacques Duparc dans
Passionnément (2003) et Yes ! à l’Opéra de Rennes (2002).
NANOU GARCIA
Au théâtre, Nanou Garcia a joué notamment sous la direction de Geneviève de
Kermabon Freaks de Tod Browning (1987) ; Jérôme Savary Marylin Montreuil (1991/92),
Chantecler d’Edmond Rostand (1995), L’important d’être constant d’Oscar Wilde (1997),
Le Bourgeois gentilhomme de Molière (1998) ; Arthur Nauzyciel Le malade imaginaire ou
Le Silence de Molière (1999) ; Yves Beaunesne L’éveil du printemps de Frank Wedekind,
Edgard et sa bonne et Le dossier Rosafol d’Eugène Labiche (1999 et 2003). Elle écrit et
réalise.
PIERRE GÉRARD
Formé au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Pierre Gérard a
joué au théâtre sous la direction d’Etienne Pommeret, Jacques Weber, Isabelle Nanty,
Aurélien Recoing et Arthur Nauzyciel.
Au cinéma, Pierre Gérard a joué sous la direction de Edouard Molinaro, Jacques Weber
Don Juan, Hervé Leroux Grand Bonheur, On appelle ça le printemps et Lucas Belvaux Un
couple épatant, Cavale, Après la vie.
Pour la télévision, il a joué de nombreuses fois sous la direction de Roger Pigault, et
dans les téléfilms : Julie Lescaut, Maigret: L’Affaire Saint Fiacre, Lagardère…
STEPHANIE SCHWARTZBROD
Formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, sous la direction de
Viviane Théophilidès, Madeleine Marion et Jean-Pierre Vincent et à l’Ecole du Théâtre de
Chaillot sous la direction d’Antoine Vitez, Aurélien Recoing, Jean-Marie Winling, Martine
Viard, Andrezj Seweryn et Stuart Seide.
Au théâtre, Stéphanie Schwartzbrod a joué notamment sous la direction de François
Rancillac Ondine de Giraudoux ; Stanislas Nordey Bête de style de Pasolini et La légende
de Siegfried (1991/1992) ; Bernard Sobel Three penny lear de Shakespeare (1993) ;
Stuart Seide Henry VI, de Shakespeare (1995) ; Yves Beaunesne Un mois à la campagne
de Tourgueniev (1997/2000) ; Frédéric Fisbach L’annonce faite à Marie de Claudel
(1998) ; Jacques Nichet Caroline et Casimir de Horvath et Les cercueils de zinc de
Smetlana Alexievitch (2003) ; Philippe Eustachon Constellation le marin d’après Pessoa
(2004), Daniel Janneteau Anéantis.
HELENE BABU
Formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (90/93), elle a travaillé
sous la direction, entre autres, de Francis Huster dans le Cid (Rond Point), de Philippe
Adrien - Grand Peur et Misère du 3éme Reich (La Tempête), Katharina Talbach -
Macbeth (Chaillot), Eric Vigner - La Pluie d’été (Cnsad, Théâtre de la Commune, film) et
Où Boivent les vaches (Rond Point), Julie Brochen -Penthésilée (Théâtre de la Bastille),
Roger Planchon - Célébration (Rond Point) . Au cinéma, elle a joué avec Roger Planchon
Lautrec, et Mathieu Amalric Mange ta soupe.
JEAN-PHILIPPE VIDAL
Après le cours de Madeleine Marion, il entre à l’École du Théâtre National de Chaillot
alors dirigé par Antoine Vitez qui sera son professeur de 1986 à 1989.
Il joue sous la direction de Michel Didym, Christian Colin, Éloi Recoing avec qui il joue
dans La Famille Schroffenstein de H. V. Kleist.
Il rejoint Christian Schiaretti à la Comédie de Reims (CDN) comme acteur permanent,
durant trois ans. Avec les Comédiens de la Comédie, il joue des textes de Pirandello,
Brecht, Vitrac, Calderon, Badiou…
Puis il collabore avec Ludovic Lagarde dans trois de ses spectacles, dont Platonov de
Tchékhov qu’il interprète.
Il est collaborateur artistique à la Comédie de Clermont Ferrand – scène nationale,
dirigée par Jean-Pierre Jourdain, où il joue et met en scène Le Nécrophile de Gabrielle
Wittkop et Les Soliloques d’un chœur de Jean-Pierre Siméon.
Il collabore avec Didier Galas sur la mise en scène de Monnaie de singes. Il joue ensuite
le rôle de Molière/Argan dans Le Malade imaginaire ou Le Silence de Molière.
CATHERINE VUILLEZ
Formée à l’école à l’Ecole de l’acteur Florent puis au Conservatoire National Supérieur
d’Art Dramatique, classes de Denise Bonal, Daniel Mesguich et Gérard Desarthe.
Au théâtre, Catherine Vuillez a joué notamment sous la direction de Jean-Pierre Vincent
Le mariage de Figaro (1987) et Le chant du départ de Ivanane Daoudi (1990) ; Klaus-
Michaël Grüber La mort de Danton de Georg Büchner (1989) ; Eric Vigner La maison d’os
de Roland Dubillard (1991) et Le jeune homme de Jean Audureau (1994) ; Roger
Planchon Le radeau de la méduse (1995) et La dame de chez Maxim de Georges Feydeau
(1998) ; Arthur Nauzyciel Le Malade imaginaire ou Le Silence de Molière d’après Molière
et Giovanni Macchia (1999/2000) et Pile ou…pile ! Ou bien quoi ? D’après Histoire de rire
d’Armand Salacrou (2003) ; Manuel Rebjock Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée
de Alfred de Musset (2001) et Entonnoir/Trafic de Louis Calaferte (2003).
EMILE NAUCZYCIEL
80 ans. Père du metteur en scène. Le Malade Imaginaire ou le Silence de Molière est
son premier spectacle.
EXTRAITS
ACTE I
SCÈNE 1
MOLIÈRE
(DANS LA SALLE, ET PRÉSENT PENDANT TOUTE LA REPRÉSENTATION)
MOLIÈRE. Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Trois et deux font cinq.
« Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour
amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de monsieur. »
Ce qui me plaît de monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont
toujours fort civiles : « les entrailles de monsieur, trente sols» Oui ; mais, monsieur
Fleurant, ce n’est pas tout que d’être civil, il faut être aussi raisonnable et ne pas
écorcher les malades. Trente sols un lavement ! Je suis votre serviteur, je vous l’ai déjà
dit. Vous ne me les avez mis dans les autres parties qu’à vingt sols ; les voilà, dix sols.
« Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe,
miel rosat et autres, suivant l’ordonnance, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre
de monsieur, trente sols. »
Avec votre permission, dix sols.
« Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif et somnifère, composé pour
faire dormir monsieur, trente-cinq sols. »
Je ne me plains pas de celui-là car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize et dix-sept
sols, six deniers.
« Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée
de casse récente avec séné levantin et autres, suivant l'ordonnance de monsieur Purgon,
pour expulser et évacuer la bile de monsieur, quatre livres. »
Ah ! Monsieur Fleurant, c'est se moquer, il faut vivre avec les malades. Monsieur Purgon
ne vous a pas ordonné de mettre quatre francs. Mettez, mettez trois livres, s'il vous plaît.
Vingt et trente sols.
« Plus, dudit jour, une potion anodine et astringente pour faire reposer monsieur, trente
sols.»
Bon... dix et quinze sols.
« Plus, du vingt-sixième, un clystère carminatif pour chasser les vents de monsieur,
trente sols. »
Dix sols, monsieur Fleurant.
« Plus le clystère de monsieur réitéré le soir, comme dessus, trente sols.»
Monsieur Fleurant, dix sols.
« Plus, du vingt-septième, une bonne médecine composée pour hâter d'aller, et chasser
dehors les mauvaises humeurs de monsieur, trois livres.»
Bon, vingt et trente sols; je suis bien aise que vous soyez raisonnable.
« Plus, du vingt-huitième, une prise de petit-lait clarifié et dulcoré, pour adoucir,
lénifier, tempérer et rafraîchir le sang de monsieur, vingt sols. »
Bon, dix sols.
« Plus une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoard,
sirop de limon et grenade, et autres suivant l'ordonnance, cinq livres.»
Ah ! monsieur Fleurant tout doux, s'il vous plaît. Si vous en usez comme cela, on ne
voudra plus être malade: contentez-vous de quatre francs. Vingt et quarante sols. Trois
et deux font cinq et cinq font dix et dix font vingt. Soixante et trois livres quatre sols six
deniers. Si bien donc que, de ce mois, j'ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et
huit médecines, et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze
lavements. Et l’autre mois, il y avait douze médecines et vingt lavements. Je ne m'étonne
pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l'autre. Je le dirai à monsieur Purgon,
afin qu'il mette ordre à cela.
Allons, qu'on m'ôte tout ceci.
Il n'y a personne ?
J'ai beau dire, on me laisse toujours seul. Il n'y a pas moyen de les arrêter ici. (Il agite
une sonnette) Ils n'entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin,
drelin, drelin, point d'affaire. Drelin, drelin, drelin, ils sont sourds...
Toinette !
Drelin, drelin, drelin. Tout comme si je ne sonnais point. Chienne ! coquine ! Drelin,
drelin, drelin, j'enrage.
(Il ne sonne plus, mais il crie.)
Drelin, drelin, drelin. Carogne, à tous les diables.
Est-il possible qu'on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ! Drelin, drelin,
drelin : voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin.
Ah ! mon Dieu, ils me laisseront ici mourir.
Drelin, drelin, drelin.
SCÈNE 7
ESPRIT MADELEINE POQUELIN
C'est une grande miséricorde de Dieu que le passé parvienne à se détruire...
Je me souviens de la maison où je suis née. J'y suis restée, toute petite, les quelques
années que j'ai vécues avec mon père... J'ai bien en mémoire le plan de la maison,
I'emplacement des chambres, les deux entrées, comme dans le dessin précis d'un livre
d'école. Il y avait, en face de la maison, un château d'eau: c'était la construction pour un
réservoir d'eau sur laquelle étaient peintes des décorations et des fenêtres en trompe-
l’œil. J'observais longuement le dessin de ces fenêtres. Ce n'était pas pour moi des
fenêtres en trompe-l'œil, mais des fenêtres murées. Derrière elles, il n'y avait pas le
plein, mais le vide. J'imaginais avec frayeur des jeunes filles cloîtrées, emprisonnées,
sans air, sans lumière. On me racontait des histoires de jeunes filles dans des châteaux
solitaires. Ce nom, château d'eau, évoquait pour moi des fontaines fatales, des ogres,
des dragons.
[…]
Madeleine me demandait: ‘Tu aimerais être actrice ?’ Moi, je ne répondais pas.
Un jour ont commencé les morts, les deuils. La mort de Madeleine, qui fut la première
douleur de ma vie.
[…]
Il était malade. Il ne voulait pas se soigner. Il avait ses éclats soudains, terribles, comme
s'il nourrissait une irritation sourde contre tous. Puis il s'enfermait dans un silence total.
Et passaient quelques secondes qui semblaient interminables. Moi , je fuyais dans ma
chambre.
Souvent, je l’entendais répéter, dans ces moments d'abattement, de mélancolie, seul,
dans la demi obscurité: ‘‘Je veux rester tranquille... Je veux rester tranquille... Je dois
rester tranquille...’’
[…]
... Vous me regardez, vous m'observez dans le silence de cette maison, moi, seule ici,
maintenant... Mais ce silence, cette sereine absence de bonheur n'arrivent pas à me
libérer de certaines pensées, de certains fantômes, de certains remords...
Je me sens responsable de n'avoir rien fait : de n’avoir pas honoré mon père, de ne
l'avoir pas assez aimé, de ne l'avoir pas défendu après sa mort...
Il avait pensé à un avenir pour son unique fille. Et avant de mourir, il a fait une
tentative... sa dernière tentative...
Dans sa dernière comédie, la dernière justement, mon père avait mis en scène une
petite fille. Dans Le Malade imaginaire , il avait songé à une fille à marier, Angélique. Il y
ajouta une sœur cadette, une fillette entre sept et huit ans, à laquelle il réserva une
scène, une seule scène. Louison...
J'étais justement à cette époque une fillette de sept-huit ans. Mon père, en écrivant cette
scène, avait pensé à moi, il l'avait écrite pour moi. Mon père a affronté le risque de
mettre en scène une enfant, pour le simple goût de la voir jouer, et il l'a fait pour moi.
Un certain nombre de tentatives pour me faire jouer, furent organisées. J'opposai de la
résistance. On m'obligea. Mais je ne parvins pas à émettre un seul son, à prononcer un
seul mot. Mon père se rendit compte que je n'y arrivais pas et renonça.
SCÈNE 8
ESPRIT MADELEINE, MOLIÈRE
(LOUISON - ARGAN)
MOLIÈRE.
Il n’y a personne ?
J’ai beau dire on me laisse toujours seul.
Est-il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul !
Drelin, drelin, drelin.
ESPRIT MADELEINE.
Qu'est-ce que vous voulez, mon papa ?
MOLIÈRE.
Venez çà. Avancez là. Tournez-vous. Levez les yeux. Regardez-moi. Eh !
ESPRIT MADELEINE.
Quoi, mon papa ?
MOLIÈRE.
Là ?
ESPRIT MADELEINE.
Quoi ?
MOLIÈRE.
N'avez-vous rien à me dire ?
ESPRIT MADELEINE.
Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de Peau d'âne ou bien la
fable du Corbeau et du Renard, qu'on m'a apprise depuis peu.
MOLIÈRE.
Ce n'est pas là ce que je vous demande.
ESPRIT MADELEINE.
Quoi donc ?
MOLIÈRE
Ah ! rusée, vous savez bien ce que je veux dire.
ESPRIT MADELEINE.
Pardonnez-moi, mon papa.
GALERIE DES PHOTOS DU SPECTACLE
Molière et Toinette
Argan et Louison
Argan et Béralde
Esprit Madeleine
Molière : ombre et lumière