Le livre blanc de l'expérience client - Vol 1

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Laurence Body LE LIVRE BLANC DE L’EXPÉRIENCE CLIENT VOL. 1 Janvier 2017 Le livre blanc de l’Expérience Client 2

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Laurence Body

LE LIVRE BLANC DE L’EXPÉRIENCE CLIENT VOL. 1

Janvier 2017

Le livre blanc de l’Expérience Client 2

Pour faire face au défi que représente le basculement de nos économies industrielles vers une économie plus centrée sur l’usage, la fonctionnalité et le partage, il est plus que jamais nécessaire d’innover pour concevoir les futurs

services, systèmes et expériences de demain. En allant au delà de la simple prise en compte des besoins et des attentes pour des produits ou des services,

l'Expérience Client permet d'aller plus loin encore que l'approche marketing / études classique car elle intègre l'ensemble des dimensions qui jalonnent le

parcours client : sociale, sensorielle, comportementale, émotionnelle, relationnelle et cognitive.

Le temps où la marque se contentait de faire des promesses sans se préoccuper de les tenir est bel et bien révolu : notre mission est de vous

permettre de réduire l’écart entre la promesse de marque et la perception de l’expérience vécue par les clients utilisateurs, de vous aider à livrer des

services qui soient sources de plaisir et qui enrichissent la vie des gens.

La multiplicité des canaux d’accès à la marque sont autant d’occasions d’interaction avec le client mais paradoxalement aussi sources de complexité : notre but est de vous aider à simplifier et fluidifier l’expérience client pour

qu’elle facilite les relations et favorise le bouche à oreille positif.

Nul n’a envie d’être frustré ou en colère quand il prend les transports, ou utilise son téléphone, or le quotidien est rempli de cette multitude de micro désagréments qui, additionnés les uns aux autres, nous assombrissent à notre insu : notre savoir-faire est la mise en oeuvre de pilotes pour co concevoir

en équipe et dans le détail (services, systèmes, process, interfaces, kpi's) les expériences qui enchanteront vos clients et vos collaborateurs.

Nous croyons qu’en ayant une meilleure compréhension de vos clients et de leurs attentes et besoins non exprimés, vous accéderez à un niveau d’intimité

et de transparence qui feront de votre marque une marque digne de confiance.

X+M innove par l’expérience client depuis 2012.

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Nos méthodologies

Les méthodologies que nous proposons sont issues de l’ethnographie et du design de services et donnent une large part à la dimension émotionnelle de la consommation. Les outils du design de services ont ceci d’intéressant qu’ils sont très différents de ceux du marketeur, car au lieu d’anticiper les choix des clients sur la base d’évaluations entre les performances des produits en lien

avec leurs attentes - ce que sont censées faire les études -, ils s’intéressent aux processus qui aboutissent à ces choix, aux évènements et aux activités qui en

font partie, en un mot : à l’expérience du client dans ce qu’elle a de holistique et de complexe.

De plus, ils ont en commun de favoriser une approche qui met l’individu au coeur de la démarche de création, ce qui nécessite une compréhension réelle de celui-ci, au delà des statistiques et de l’analyse empirique de ses

besoins. Dans l’approche marketing classique, attentes client et performances produits sont limitées à leur dimension fonctionnelle alors que la satisfaction,

celle qui fidélise, prend naissance dans les dimensions expérientielles du service : comment le service agit sur le ressenti du consommateur, comment il facilite sa vie quotidienne. Pour développer une connaissance approfondie et authentique du client, il est indispensable de se mettre dans ses chaussures

et de placer l’expérience individuelle dans un contexte plus large.

Si l’expérience client est une discipline à la croisée du management, du marketing, de la psychologie et du design, elle est avant tout un cadre

opérationnel qui permet de mettre les clients au centre de chaque action de l’entreprise. Pour manager l’expérience client et la déployer dans

l’organisation, nous avons créé un modèle en 7 étapes : le modèle des 7C pour innover et piloter l’expérience client.

1. Capter les enjeux2. Comprendre les clients et les collaborateurs

3. Co concevoir l’expérience client4. Connecter à la stratégie

5. Collaborer pour déployer l’expérience client6. Chiffrer la performance

7. Changer

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Notre façon de travailler

En général, les démarches d’innovation commencent par l’identification d’une problématique dont la résolution intègre les besoins de la cible pour faire

ensuite marche arrière lorsqu’ils sont confrontés aux contraintes internes de l’entreprise. Pourquoi ? Parce que les approches traditionnelles génèrent

beaucoup d’idées qui ne prennent pas en compte les contraintes opérationnelles, la capacité des équipes à les exécuter, ou la viabilité

commerciale du projet. Nous pensons qu’il faut combiner les deux points de vue - celui du client et celui de l’entreprise, à partir d’une compréhension approfondie des besoins - pour dépasser le cadre de la problématique et

donner du sens au projet.

Une autre de nos différences par rapport aux démarches classiques, c’est que nous nous autorisons la posture du « Et si ? » (What if ?), qui nous ouvre le

champ des possibles et laisse place à la sérendipité. Notre équipe intègre trois compétences clés : marketing, design et management qui travaillent main

dans la main depuis les phases amont jusqu’à la livraison. Nous pensons qu’en mariant les compétences stratégiques d’un consultant en management de

l’expérience client, celles d’un spécialiste des sciences du consommateur et les autres d’une équipe de designers de grand talent nous réalisons la synthèse

idéale entre cerveau droit et cerveau gauche pour résoudre de manière structurée et rapide les problématiques qui nous sont confiées.

Nos clients

ING Direct Cofidis Dessange International Groupe La Poste Leroy Merlin Monoprix Mobivia Groupe Orange Castorama Groupe Chantelle Chanel Joaillerie

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SNCF Securitas Val Thorens RATP Cetelem La Banque Postale American Express Decathlon Ile de la Réunion Groupe Yak et Yéti

L’expérience client, pourquoi maintenant ?

En dépit du fait qu’on en parle de plus en plus, l’expérience client a du mal à franchir le pas et à passer à l’action. Pourquoi ? J’échangeais récemment avec un

spécialiste et fin connaisseur du secteur des services en France qui m’avouait que les entreprises ne savaient pas par où commencer, qu’elles étaient

paralysées par l’ampleur de la tâche. S’il est vrai que la peur n’évite pas le danger, il y a quand même urgence à agir pour ne pas figurer sur la liste des

entreprises qui auront disparu dans 10 ans.

Vous pensez que j’exagère ? Quelques chiffres pour vous convaincre du contraire. Prenons l’exemple de la banque : une forteresse réputée imprenable

du fait du poids réglementaire et des barrières à l’entrée. Aux USA et au Royaume-Uni, les plateformes de financement participatif entre particuliers

ont prêté 17 milliard de dollars en 2106, soit autant qu’au cours de leurs 7 années d’existence. Avec ses 65 millions d’abonnées, Netflix, a 4 fois plus de clients que le leader historique Comcast, Whatsapp n’en finit pas de faire

perdre de l’argent aux géants de la téléphonie… sans parler de Airbnb, Tesla, Uber… La liste est longue des nouveaux joueurs qui changent les codes et

accélèrent l’adoption de nouveaux usages par la mise en oeuvre d’une expérience client hors pair.

Vous pensez que ca n’est pas pour vous ? Que vous êtes à l’abri, qu’il y a une exception française ? Si exception il y a, c’est à notre médiocrité que nous la

devons : à part Amazon, aucune entreprise n’apparait sur le radar du Cxi (Customer Experience Index), là où dans d’autres pays plus matures une

entreprise sur 5 est jugée bonne voire excellente sur le sujet. Alors qu’attendons-nous ?

Depuis 5 ans que j’ai créé X+M, je n’ai eu de cesse d’évangéliser, d’animer des conférences, d’écrire… Mon livre « L’expérience client » paru chez Eyrolles en

2015 a déjà été adopté par des entreprises leaders. Pour avancer dans cette voie, voici le volume 1 du Livre blanc de l’expérience client dans lequel vous trouverez les meilleurs articles de mon blog pour vous initier, challenger vos

connaissances ou plus simplement diffuser autour de vous.

L’expérience client n’est pas une mode, c’est un mouvement ! Alors allons-y !

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SOMMAIRE

1. LES GRANDS PRINCIPES 8 Par où on commence ? 8

Je perçois donc je suis 12

L’expérience client : business as unusual 14

L’engagement, la nouvelle frontière de la relation client 17

Stop thinking, start doing 22

Éloge de la simplicité 25

De l’importance de la mémoire 28

Des émotions à l’expérience client 32

L’enchantement client, arme ultime de différenciation 36

Les services excellents ne font pas (systématiquement) les clients enchantés 39

2. MÉTHODES ET OUTILS 42 Parcours client, mode d’emploi 42

Les « 7C » ou la stratégie en action 45

Capter les enjeux 49

Comprendre les clients et les collaborateurs 52

BONUS - Une société en quête d’émotions 55

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1. LES GRANDS PRINCIPES

Par où on commence ?

Je souhaite partager avec vous les préoccupations de tous ceux qui viennent de prendre en charge l'expérience client dans leur entreprise et qui se posent la question - angoissante pour certains - : « Par où je commence ? ». Je vois déjà les vieux briscards du sujet - et il n'y en pas tant que ça - esquisser un sourire : rassurez vous, ils se la posaient il n'y a pas si longtemps.

Alors pour démarrer sereinement dans votre nouveau rôle, voici mes 10 conseils pour mettre en place une démarche expérience client et organiser son pilotage.

1. Allez sur le terrain et vivez l'expérience des clients et des collaborateurs : c'est la première chose à faire ! Enfilez vos baskets, prenez un appareil photo, un carnet de notes et quelques stylos et plongez vous dans le quotidien des opérations. Achetez en ligne, in store, annulez, retournez, réclamez, parlez avec les collaborateurs en front, allez chez vos clients voir comment ils utilisent vos services ... en un mot «  crash testez » vos offres et voyez ce qui se passe. Rien de tel pour prendre le pouls de ce qui va bien et moins bien. On ne se fait vraiment son opinion que lorsqu'on est confronté à la réalité : d'ailleurs l'étymologie du mot expérience n'est elle pas : «  connaissance acquise par le vécu » ?

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2. Faites un état des lieux de la maturité expérience client : pour savoir d'où on part ! Fort de votre expérience terrain, vous allez vous rendre compte à quel degré la culture client est présente dans votre organisation, et où. Le plus souvent, on se rend compte que dans les entreprises «  orientées client  », les collaborateurs au contact sont très sensibilisés aux problématiques clients, mais que plus on s'éloigne vers les fonctions back office, plus cette sensibilité disparait pour laisser la place aux process et aux règles qui entravent l'expérience. Complétez par un autodiagnostic et échangez sur les résultats. L'expérience client est l'affaire de tous ! C'est un changement de paradigme qui nécessite que tout le monde partage sa culture quel que soit son rôle.

3. Embarquez le Comité de Direction dans la démarche : l'expérience client est un sujet stratégique ! Si votre CEO n'y croit pas, vous n'irez pas loin ! Et là on ne parle pas de la banale « orientation client », on va beaucoup plus loin. Si vous voulez engager les clients et les collaborateurs, il faut que le patron s'engage aussi. C'est une question de courage et de conviction car une fois que vous aurez commencé, il n'y aura pas de retour en arrière possible : l'expérience client ça ne vient pas en claquant des doigts. Pour paraphraser Jeff Bezos, « Ça n'est pas un projet, c'est un chemin  ». Pour symboliser cet engagement, vous pouvez faire comme Air France qui a installé la chaise du client à la table du Comité Exécutif : chaque réunion commence par un sujet client.

4. Cartographiez le parcours client : ça devient sérieux ! En fait l'idéal est de se faire la main sur un petit périmètre : octroi - s'il s'agit d'un organisme de crédit -, sav - pour un distributeur d’électroménager -, assistance technique - pour un fournisseur d'accès internet … Choisissez de préférence un sujet qui ne fâche pas trop et où les gains - victoires rapides - peuvent être spectaculaires. L'idée c'est de convaincre par la preuve : vous allez devoir évangéliser à l'interne sur l'importance de l'expérience client, autant le faire avec un business case exemplaire. En général, avec le parcours client se pose la question du comment ? Workshops internes ? Avec ou sans clients ? Quels collaborateurs impliquer ? Pour vos débuts, ne faites pas trop compliqué : 3 workshops suffisent. Mixez les profils et les niveaux hiérarchiques et surtout ne recrutez que des gens positifs, qui ont envie que ça marche. Pas de grincheux, ni de taiseux …

5. Collectez l'information et renseignez votre cartographie avec votre équipe projet ! C'est l'occasion de faire le point sur tout ce qui est disponible aux Etudes, au Marketing, au Service Client ... Ce que vous avez collecté sur le terrain est aussi important. Votre premier chantier sera de structurer la Voix du Client, alors autant mettre les mains dedans rapidement. Pensez également à l'information non structurée (verbatims) et non sollicitée (réseaux sociaux). N'oubliez pas non plus de recenser toutes les initiatives en cours, les petites comme les plus ambitieuses. Et admirez le résultat ! Ce premier livrable est un bel objet qui ne laisse pas indifférent.

6. Documentez-vous sur le sujet : la théorie c'est aussi important ! Puisque vous êtes le référent expérience client, vous devez acquérir une légitimité et rien de

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tel qu'un solide bagage culturel pour cela. Lisez des livres, visitez des blogs, inscrivez-vous à des groupes sur LinkedIn... Mieux, rencontrez vos pairs et partagez sur vos enjeux et préoccupations. Cela dit, on ne vous demande pas d'être un expert mais de saisir la réalité de votre nouvelle fonction et de l'incarner avec enthousiasme et à propos.

7. Partagez votre nouveau savoir : la connaissance du client et de ses enjeux ! Il faut rendre concret ce qui est parfois perçu comme vague et flou. L'expérience client est encore un sujet nouveau qui n'a pas que des adeptes. Certains tiennent dur comme fer à leurs prérogatives : vous devez les convaincre qu'on a besoin de tout le monde et que votre rôle n'est pas de leur enlever du boulot mais de mieux coordonner les actions et de faire en sorte que les services se parlent davantage pour le bien du client. Faites vous aider par un conférencier pour faire passer les messages clés et inspirer avec des exemples marquants.

8. Construisez votre feuille de route : à court terme ! Pas de blabla mais des actes, pas de planification mais des problématiques client a adresser plus ou moins rapidement. Si l'expérience client s'installe dans le long terme, il n'en demeure pas moins qu'elle démarre petit et par itérations successives. On commence par des projets portés par un Comité de pilotage et une fois qu'ils sont menés à leur terme, on passe à l'implémentation avec une gouvernance pérène ... Il s'agit d'avoir un fonctionnement agile dans un premier temps et de faire passer l'idée qu'on va aussi changer de façon de travailler. Business as unusual !

9. Apprenez de ces expériences : c'est LA nouvelle compétence que vous allez acquérir ! Et communiquez, partagez sur vos succès et vos échecs. Faites de l'expérience client la nouvelle culture de l'entreprise, pratique et basée sur l'action avant d'entamer l'étape suivante d'implémentation et de transformation. On commence par améliorer ce qui ne va pas et on poursuit par l'innovation, le redesign de l'expérience. Allez y pas-à-pas : Rome ne s'est pas faite en un jour ! Si vous rêvez grand, il faut commencer petit !

10. Soyez optimiste : et faites confiance aux méthodes et aux outils ! Le meilleur moyen de se perdre c'est d'avoir l’oeil rivé sur le ROI. Soyez sans crainte, si vous pratiquez l'expérience client comme un sport de compétition, les résultats suivront. C'est prouvé !

Cet article a été publié le 06/09/2016… et a été lu 5 000 fois

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En résumé : Si vous ne savez pas comment adopter une approche expérience client, suivez le guide et appliquez ces dix conseils : 1. Allez sur le terrain et vivez l'expérience des clients et des collaborateurs 2. Faites un état des lieux de la maturité expérience client 3. Embarquez votre Comité de Direction dans la démarche4. Cartographiez le parcours client5. Collectez l'information et renseignez votre cartographie6. Documentez-vous sur le sujet 7. Partagez votre nouveau savoir 8. Construisez votre feuille de route9. Apprenez de ces expériences 10. Soyez optimiste : et faites confiance aux méthodes et aux outils

Je perçois donc je suis

En bousculant l’ancien paradigme cognitiviste centré sur la raison («  je pense donc je suis »), le nouveau paradigme «  je percois donc je suis » consacre le primat des émotions sur la rationalité supposée des comportements et impose un nouvel ordre : la perception EST la réalité.

La supériorité de l’expérience par rapport au service réside dans sa nature profondément humaine et son caractère émotionnel. Dire à son propos qu’elle est « centrée sur le client » ne lui rend pas justice, disons plutot qu’elle est « inspirée par l’humain ». Le revers de la médaille est que cela la rend très subjective : on n’évalue pas une expérience comme on évalue un service. De fait, il existe autant d’expériences que d’individus les ayant vécues. Pourquoi ? La réponse est dans sa définition - «  l’expérience client est l’ensemble des interactions perçues par le client » - et pose la question de la perception et de son rôle dans le processus de décision. Par exemple, lorsque nous faisons nos courses, notre perception filtre et simplifie les informations qui proviennent de l’environnement physique (plus ou moins bruyant, chaud ou froid, bien éclairé ou sombre …) par le biais des sensations (visuelles, olfactives, tactiles, kinesthésiques, auditives, gustatives).

Notre mémoire ayant déjà en stock d’autres informations collectées à l’occasion d’expériences passées (et pas nécessairement dans les mêmes lieux) va en plus les associer à des éléments de contexte dans lequel ces sensations ont déjà été éprouvées. Si la dernière fois que vous êtes allé dans un supermarché vous avez échangé avec un vendeur particulièrement aimable, ou vous avez appris que vous étiez reçu à un examen, votre perception du lieu va être plus positive qu’elle aurait été en l’absence de ces souvenirs associés. Et comme nous avons tendance à vouloir revivre les expériences qui nous ont procuré du plaisir, naturellement nous allons

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revenir dans ce magasin : le secret de la fidélité est là. D’où l’intérêt de renforcer les associations positives par la création de situations susceptibles de déclencher des émotions : surprise, joie, enchantement, excitation…

Revenons à la mémoire : si le but du service est de créer de la satisfaction, celui de l’expérience est de créer des souvenirs. En quoi est-ce important ? Cela permet de se concentrer sur l’impact émotionnel de l’expérience et non pas sur sa dimension objective et rationnelle. Une expérience émotionnelle (positive ou négative) est plus susceptible de laisser une trace dans la mémoire qu’une expérience excellente du point de vue de la qualité de service. Contrairement au service, une bonne expérience n’est pas nécessairement parfaite : au contraire, elle doit contenir des aspérités tout en adressant le besoin qu’a la perception de trouver la « bonne forme », c’est à dire une représentation la plus juste et la plus complète possible. N’avez vous pas remarqué que même quand l’expérience est parfaite, c’est le détail qui « cloche » que vous allez retenir ? La congruence des signaux est essentielle, de même que le caractère holistique de l’expérience : la perception ne « saucissonne » pas le jugement pour chacun des processus, elle évalue l’intégralité de l’expérience, du début à la fin. D’où l’importance du NPS « end to end » vs les NPS transactionnels qui donnent une impression plus positive de l’expérience qu’elle n’est en réalité.

Cet article a été publié le 13/11/2016… et a été lu 1 020 fois

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En résumé :

- Cela ne sert à rien d’attendre de vos clients qu’ils expriment les émotions que vous avez prévues pour eux et qu’ils agissent en conséquence, les modèles comportementaux de type stimulus / réponse ne fonctionnent plus- Pour réduire l’écart entre la promesse de marque et la perception de l’expérience vécue par le client, vous devez concevoir l’expérience depuis le point de vue du client- La mesure aussi est personnelle et subjective : le CES qui évalue la perception de l’effort et le NPS qui s’appuie sur la mémoire pour recommander… ou pas

L’expérience client : business as unusual

Dans notre environnement complexe, les grilles de lecture classiques basées sur l’analyse du passé ne fonctionnent plus. Difficile également d’en comprendre les enjeux tant ils ne cessent de changer, modifiant ainsi les règles et le champ de ce qui est possible et probable. Les études marketing autrefois si précieuses pour prédire les comportements sont devenues inopérantes : on n’achète plus un service ou un produit mais la solution à un problème, la réponse à une frustration.

Au milieu de toute cette confusion, nous n’avons qu’une certitude : plus rien ne sera comme avant. Il est arrivé le temps du « business as unusual », où l’innovateur est en première ligne pour révéler de nouvelles opportunités de développement qui vont plus loin que les produits ou services « me too » et qui prennent enfin le consommateur/utilisateur au sérieux. Pour Pine et Gilmore (1999), nous sommes entrés dans l’économie d’expérience, une nouvelle ère aussi différente de l’économie de service que celle-ci l’était de l’économie de production. Dans cette économie se sont déjà imposés des acteurs comme Uber, Apple, Tesla, Starbucks, Virgin Atlantic, Amazon, Ikea …

L’expérience client est ce nouveau paradigme qui remplace le marketing et l’analyse concurrentielle dans la création de valeur et permet de dépasser le cadre limité de la relation client pour prendre en compte celui plus large de l’organisation et de l’écosystème. Mais sa qualité principale réside dans sa dimension profondément humaine et sa capacité à livrer des expériences différenciées sources d’émotions. En tant que démarche, elle est

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particulièrement intéressante pour les organisations en cours de transformation digitale, et pour les start ups qui ont compris que l’usage est au cœur de la conception d’une expérience de service.

Parce qu’elle s’autorise à voir plus grand, l’expérience client inclut dans son périmètre des acteurs variés qui interagissent entre eux à l’occasion d’activités qui se déroulent dans le temps : Uber n’a pas seulement une activité de VTC mais assure aussi un service de livraison de repas pour le compte de restaurants de quartier (Uber Eats), de sapins de Noël pour Treezmas … services qui ont en commun de s’intégrer parfaitement dans le quotidien de la vie des gens. Ce qui signifie que les pratiques en silos centrées sur la transaction sont révolues et qu’il faut désormais se concentrer sur l’usage, c’est à dire la valeur que retire le client de la consommation d’un produit ou de l’utilisation d’un service et des canaux proposés pour sa délivrance, du service après vente, etc… et cela tout au long du parcours client et du cycle de vie client.

La stratégie en action

En adoptant un regard extérieur centré sur les usages et la perception des signaux émis par l’entreprise, l’expérience client s’appuie une connaissance fine du vécu des gens et des motivations qui ont conduit à leurs choix. Là où le marketing s’intéressait au quoi ? et au combien ?, l’expérience client se penche sur le pourquoi ? le comment ?, c’est à dire aux conditions et aux moyens que l’organisation met en œuvre pour concevoir et livrer une expérience qui dépasse la traditionnelle satisfaction du client. Fondamentalement tournée vers le terrain et les actions qui s’y déroulent, elle invite les parties prenantes -collaborateurs en front, managers intermédiaires, fonctions support, back office - à réinventer (voire réenchanter) l’expérience de service pour la rapprocher des besoins exprimés et non exprimés des clients et des collaborateurs.

Et parce qu’elle permet d’en finir avec les pratiques de conception en silos et les déploiements descendants, l’expérience client est aussi un moyen d’accompagner le changement. Êtes-vous prêt ?

Cet article a été publié le 16/05/2016… et a été lu 310 fois

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En résumé : L’économie est en plein bouleversement et les grilles d’analyse classiques ne s’appliquent plus à notre environnement complexe et mouvant. L’expérience client est le nouveau paradigme qui remplace le marketing et les études concurrentielles pour permettre de se différencier de manière pérenne. Plutôt que de s’intéresser au quoi ? et au combien?, l’expérience client fait émerger le comment et le pourquoi, permettant ainsi d’aller au delà des silos et de se concentrer sur l’usage, c’est à dire la valeur que retire le client de la consommation d’un produit ou d’un service. C’est en étudiant les usages en profondeur qu’on peut développer des services pertinents et délivrer des expériences mémorables et distinctives.

L’engagement, la nouvelle frontière de la relation client

Une récente etude publiée par Accenture révèle l’émergence d’une nouvelle économie qui a augmenté au rythme effréné de 26 % ces 4 dernières années et dont la valeur est estimée à 6 milliards $ : c’est l’économie du “churn” ou de l’attrition. Cette étude révèle aussi que les consommateurs n’ont jamais été aussi peu fidèles et que 80% de ces transferts auraient pu être évités si les insatisfactions avaient été traitées rapidement. Et je ne parle pas de toutes ces expériences fades et ordinaires qui ne nous donnent aucune raison valable de nous attacher. Et pour ce qui est de la France, le taux de fidélité moyen a baissé de 4 points à 71% entre 2013 et 2014 : le décrochage est encore plus violent quand c’est une expérience négative qui est à l’origine du départ (Source Customer Expérience Lab.)

A la lecture de ces chiffres, le moins que l’on puisse dire est que le gâchis est immense et on se demande comment on ose encore parler d’expérience client quand la qualité de service est à ce point degradée. C’est malheureusement ce qui arrive quand on rogne sur la relation client et qu’on taille dans les coûts : les clients ne mettent pas longtemps à réaliser que l’expérience n’est plus aussi bonne qu’avant, qu’on a fait des économies sur leur dos et ils le font payer (cher) par leur départ. J’ai en mémoire mes déboires récents à l’ouverture d’un compteur EDF où il a fallu que j’attende 24 heures - dans le froid et dans le noir - parce que n’avais pas fait ma demande à temps, c’est à dire dans les horaires d’ouverture du centre de relation client qui était innaccessible de toutes façons, faute de conseillers en nombre suffisant pour absorder le flot des demandes.

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Pour survivre aujourd’hui dans cette économie, il est plus que jamais nécessaire de concevoir des expériences qui génèrent des liens émotionnels forts sources de fidélisation et qui garantissent le réachat sur le long terme. Et je ne parle pas de SBAM ou de SBRAM (le regard en plus) qui pour moi sont le minimum attendu. Créer de l’engagement est d’autant plus crucial que le self care se généralise pour les interactions à faible valeur - financière - ajoutée et que la relation en face-à-face va devenir rare donc précieuse. Pour aller plus loin que l’amélioration continue, voici les étapes du parcours client réinventées pour générer des émotions et renforcer le lien source d’attachement.

1. Bienvenue chez vous

Le facteur humain est central : les gens - en général et pas seulement les clients - réclament d’être considérés et reconnus en tant qu’individus, veulent sentir qu’on les accueille et qu’on s’intéresse à eux et à leur vie. Derrière chaque demande, il y a une histoire, une situation, une vie. Et le rôle des collaborateurs n’est tant pas de vendre que d’entendre l’histoire et le besoin qui se cache derrière de manière authentique et sincère. Quand je rentre dans une boutique pour acheter le sac dont je rêve depuis des mois, qu’on me répond - avec le sourire et très poliment – qu’il y a une liste d’attente et qu’on me laisse repartir comme ca, je me sens seule et misérable. Meme si le sujet est trivial -un sac à main … - j’en veux au vendeur de ne pas avoir pris la mesure de l’importance qu’il avait pour moi. Aucune connection, rien : juste un échange hyper professionnel mais désincarné là où j’attendais qu’on me donne l’espoir de voir ma demande enfin satisfaite, voire qu’on me fasse vivre une experience, fusse-t-elle de refus mais qui me laisse un bon souvenir. Pour paraphraser la célèbre maxime : «  la personne d’abord, le client ensuite  ». Exit les collaborateurs qui offrent des réponses standardisées qui ne laissent aucune trace émotionnelle et qui n’engagent pas personnellement. Plus concrètement , voici quelques bonnes pratiques pour faire en sorte que les clients se sentent accueillis :

- Être empathique et pratiquer l’écoute active pour identifier les motivations et déceler les émotions associées

- Faire de l’attente une expérience à part entière- Partager des sentiments personnels pour créer la confiance- Recommander des concurrents si le produit est en rupture de stock- Être curieux, montrer de l’intérêt mais sans être intrusif- Anticiper les questions et agir comme on le ferait avec un ami

2. Nous en savons (beaucoup) plus que vous

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Aujourd’hui les clients sont devenus des experts hyper renseignés sur les produits et les services qu’ils achètent. Cela est encore plus vrai quand l’investissement est élevé ou l’implication forte. Ce qu’ils attendent n’est pas tant qu’on réponde à leurs questions ordinaires mais qu’on les accompagne dans une découverte approfondie du produit et qui ne peut s’obtenir que si le collaborateur est sincèrement intéressé par le sujet : maquillage, mode, littérature … qu’importe le domaine, vous trouverez toujours des gens passionnés prêts à travailler pour vous.

A l’instar des vendeurs de Apple ou de BMW qui ne sont pas objectivés sur les ventes, il s’agit d’engager les clients dans un échange autour du produit, de l’histoire de la marque, de sa culture, de répondre à des questions complexes comme « Comment est-il fabriqué ? Où ? Par qui ? D’où viennent les matières premières ? ». Derrière la recherche d’information se cache souvent une quête de vérité et de transparence et la réponse à une interrogation plus générale : cette marque mérite-t-elle ma confiance ? Il ne s’agit pas de transformer les collaborateurs en encyclopédies mais de leur faciliter l’accès à l’information pour satisfaire la curiosité du client. Une bonne occasion de prolonger la relation après qu’il ait quitté le point de vente.

Au coeur de cette tendance, le clienteling, une approche pas si nouvelle qui consiste à personnaliser à l’extrême le face-à-face en magasin. Grâce à la généralisation des outils CRM et la mise à disposition des collaborateurs de tablettes et de smartphones ces derniers ont les moyens d’en savoir plus que leurs clients. L’historique des achats étant facilement accessible, le vendeur peut être proactif et proposer un parcours magasin ultra personnalisé : il est en première ligne pour créer un lien d’intimité susceptible d’encourager le client à fournir des informations additionnelles sur ses goûts, ses hobbies et ses préférences (beaucoup plus que sur un formulaire internet).

3. Nous ne disons jamais “non”

Il y a tellement de façons de dire non ! Cela va du très populaire «  je ne sais pas » à « je ne peux pas » en passant par le classique « je ne suis pas autorisé à le faire  » ou «  notre système ne le permet pas  ». On ne devrait jamais prononcer aucune de ces phrases ! Et pourtant, le fait de proposer des alternatives au lieu de dire « non » permettrait de libérer le stress lié au refus et laisserait suggérer au client qu’il a le contrôle de la situation. Quitte à lui proposer de vérifier chez un concurrent s’il dispose du produit.

D’une manière générale, chaque communication avec un client doit inviter à une réponse. Pensez à l’effet désastreux qu’ont les emails auxquels on ne peut pas répondre, ceux qui affichent « do not reply » dans leur intitulé : ils en

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disent long sur le peu d’importance qu’on accorde à notre point de vue. Quelques pistes pour préserver le niveau d’engagement en cas de situation difficile :- Écouter les émotions négatives s’exprimer- Rassurer sur le fait qu’il y a une solution et proposer autre chose à la place- Être souple avec les règles et les process- Autoriser les collaborateurs à prendre des décisions sans en réferrer à leur

hiérarchie (comme disposer d’un budget pour réparer suite à un problème)- Présenter des excuses sincères- Identifier les sujets pour lesquels on peut dire oui systématiquement

4. Quand nous revoyons-nous ?

On parle souvent de l’importance de la première impression, de l’expérience d’accueil mais qu’en est-il de l’expérience de prise de congé ? La plupart du temps, l’objectif de vente étant atteint, l’histoire s’arrête là. Mais le client lui, aimerait bien être contacté pour d’autres occasions que son anniversaire ou la fête des pères ou des mères. Pensez à l’effet que peut avoir la petite carte manuscrite qui remercie de la visite et qui rassure sur le fait qu’on est disponible pour une autre demande ou un besoin quel qu’il soit. Tout le monde n’aime pas l’expérience Burberry, mais pour y avoir récemment acheté un trench, je n’oublierai pas la carte de visite avec ses coordonnées que la vendeuse m’a remise à l’issue de la vente. J’ai réellement eu le sentiment d’être considérée. Contrairement aux campagnes d’emailings qui donnent l’impression que la marque s’intéresse davantage à pousser son programme relationnel qu’à créer un lien avec le client, le petit mot envoyé par courrier par le collaborateur pour signaler une nouveauté, ou un arrêt prochain du produit a un réel impact. Je n’oublierai jamais l’expérience que j’ai vécue quand Guerlain a arrêté la gamme bain de mon parfum Jicky, que j’ai racontée sur mon blog. C’est aussi un message que j’adresse à la marque qui m’a fabriqué un joli portefeuille sur mesure - et qui se reconnaitra - et qui a omis de me demander depuis Noël comment se passait ma vie avec mon nouvel accessoire … J’en suis très satisfaite mais s’en soucie-t-elle vraiment ?Et vous qu’en pensez vous ? Que faites-vous pour engager vos clients et créer ce lien qui en ferait des fans ?

Cet article a été publié le 14/03/2016… et a été lu 399 fois

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En résumé : La fidélité est en berne, et il est devenu indispensable de concevoir des expériences mémorables, produisant un attachement émotionnel fort, pour retenir ses clients sur le long terme. Voici quatre pistes à explorer pour développer la fidélisation : 1. Considérer les clients comme des personnes avant d’y voir des

clients potentiels, soyez empathiques2. Partir du principe que les clients sont extrêmement bien

renseignés : embauchez des passionés 3. Ne jamais dire « non » et proposez des solutions alternatives4. Soigner l’expérience d’après-achat, elle est aussi importante que

celle d’achat

Stop thinking, start doing

L’idée selon laquelle l’expérience client est bonne pour le business n’est pas nouvelle : quand je fondais X+M et inaugurais ce blog en 2011, Joe Pine et Jim Gilmore avaient déjà lancé le sujet en 1998 avec leur article controversé “Welcome to the Experience Economy”. Depuis cette date, elles ne sont pas si nombreuses les entreprises qui se sont engagées avec le succès que l’on sait sur cette voie de l’enchantement : Apple, Amazon, Netflix, Ikea, Disney, Airbnb, Uber, Starbucks, Virgin… quelques dizaines tout au plus, là où la majorité a choisi le status quo de la banalité au détriment de leurs clients. Alors que l’expérience client fait l’objet de nombreuses publications et qu’elle s’invite dans toutes les conversations, pourquoi ses pratiques sont-elles si peu répandues ? Pourquoi est-elle si peu incarnée dans des actions sources de changement?

La raison principale tient au fait qu’elle n’est pas bien comprise : nous avons tous entendu dire que l’expérience client était le nouveau territoire de différenciation, le nouvel avantage concurrentiel … mais concrètement, que font les entreprises pour la déployer ? Le plus souvent, les actions mises en oeuvre s’inscrivent dans une stratégie d’excellence opérationnelle ce qui est un bon début mais comporte l’inconvénient de limiter le sujet à la qualité de service. Or nous nous le savons tous, la satisfaction ne suffit plus pour fidéliser.

L’autre raison est liée à l’organisation en silos des entreprises : telle fonction ou département va s’approprier le sujet et repenser l’expérience de

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remboursement, ou d’accueil, etc … Mais en matière d’expérience client, ça ne va bien que quand TOUT va bien et ça n’est pas parce qu’on a simplifié les intéractions sur tel point de contact ou réenchanté tel autre que l’on va livrer une expérience mémorable. L’expérience client est complexe à comprendre et à concevoir parce les gens vivent des expériences pleines de rebondissements, d’imprévus avec leurs fournisseurs de services. Or les process sont conçus pour reproduire des interactions pas pour anticiper des dysfonctionnements qui ne sont pas pris en compte la plupart du temps dans la conception du service.En conséquence de quoi, le fait de se concentrer sur l’amélioration de la qualité sur certains points de contact a faussé notre compréhension du sujet et nous a fait croire à tort que les clients étaient plus contents qu’ils ne le sont en réalité : ça n’est pas parce que vous avez cumulé de très bons scores de NPS sur les points de contacts relationnels que vos clients sont enchantés et vous recommanderaient pour autant. L’expérience client, la vraie, celle qui laisse des traces et fait l’objet de prescription est « end to end » et concerne l’ensemble des produits, services, process et canaux qui la constituent.

Pour bien commencer l’année et intégrer cette dimension concrete intrinsèque à l’expérience, voici mes recommendations :

1. Soyez volontaire et discipliné : l’expérience client peut être un sujet très théorique et difficile à appréhender tant qu’on ne l’a pas vécu. Il peut même être intimidant : la remarque qui revient souvent est « on ne sait par quel bout le prendre  ». Pour convaincre votre hiérarchie et embarquer vos collaborateurs, choisissez un petit périmètre du parcours client - parcours accueil, parcours résiliation, parcours entretien… - et faites-en un pilote pour dérouler la démarche. Il s’agit de commencer petit mais de faire la preuve par le « faire ». Puis, communiquez sur le projet et de fil en aiguille, identifiez d’autres projets, plus ou moins urgents/importants.

2. Soyez audacieux : la peur est mauvaise conseillère et vous n’arriverez à rien si vous refusez de bousculer l’ordre établi. C’est une erreur de croire que vos clients vont continuer de se contenter de ce que vous leur proposez : chaque jour qui passe les rend plus informés et plus exigeants. L’expérience client est un impératif dont vous ne pouvez vous passer. La question n’est pas si vous devez y aller mais quand vous devez commencer. Et cela ne vous servira à rien de dire que vous êtes orienté client si vous n’avez pas désigné une personne qui le représente, le Chief Customer Officer, seul garant que sa Voix sera bien entendue et prise en compte.

3. Soyez créatif et intégrez les méthodes et outils de la pensée design : on ne peut pas s’engager sur le chemin du changement avec les outils du

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passé. À nouveau paradigme, nouvelles façons de faire. Et contrairement à ce qu’on pense, on peut décider d’être créatif. Si si, la créativité, ça se décide ! Pour vous en convaincre, vous pouvez lire l’excellent livre de Tom et David Kelley les fondateurs d’IDEO “Creative Confidence”. Vous y apprendrez que la créativité est avant tout un état d’esprit, une manière de penser et une façon proactive de trouver de nouvelles solutions.

4. Soyez plus empathique et observez ce que vivent vos clients au quotidien : il n’y a rien de tel que l’expérience du vécu (un pléonasme) pour comprendre profondément les désirs et les motivations des gens. Le simple fait d’identifier ce dont ils ont vraiment besoin et qu’ils n’expriment pas a toujours conduit à de belles innovations. L’empathie humanise des problématiques habituellement noyées dans des visions moyennisantes et des statistiques détachées de la réalité.

5. Et enfin, soyez optimiste et entretenez un «  espoir raisonnable de succès ». La confiance en votre créativité sera nourrie de vos réussites mais aussi de vos échecs. Quand il est permis d’échouer, on a moins peur d’avancer.

Cet article a été publié le 06/01/2016… et a été lu 342 fois

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En résumé : Si l’idée que l’expérience client est le nouvel avantage concurrentiel est aurjourd’hui largement acceptée, sa mise en application dans les entreprises reste encore trop rare et partielle. Voici quelques conseils pour s’approprier cette nouvelle discipline : 1. Soyez volontaire et discipliné et commencez par un projet pilote2. Soyez audacieux et nommez une personne en charge de

représenter la Voix du client 3. Soyez créatif et intégrez les méthodes et outils de la pensée design 4. Soyez plus empathique et observez ce que vivent vos clients au

quotidien5. Soyez optimiste et entretenez un « espoir raisonnable de succès »

Éloge de la simplicité

Une étude réalisée en 2014 pour l’ARFC révèle que : - 21% des personnes interrogées trouvent que certains processus d’achat ou de gestion client sont complexes à appréhender ; - 16% estiment que le temps passé représente un effort ; - 13% intègrent l’effort physique dans la notion d’effort fourni ( Source AFRC)

Alors que le NPS se révèle souvent inadéquat pour mesurer les progrès de l’entreprise sur le chemin de l’expérience client - l’enchantement étant parfois jugé inaccessible - le Customer Effort Score apparait comme un complément intéressant des indicateurs de satisfaction et de prescription. Il permet de mesurer six types d’effort : de temps, financier, cognitif, de processus, physique et relationnel. J’ai écrit cet article avec Christophe Tallec à la veille de la présentation de ce baromètre de l’effort client par GN Research pour revenri sur la simplicité, un principe central de design de services.

D’une façon générale, nous recherchons les produits et les services qui améliorent notre vie au quotidien et nous sommes reconnaissants envers les entreprises qui conçoivent des expériences client simples. Amazon, Apple, Air BnB, autant d’acteurs récents qui ont transformé leurs industries respectives et fait de la simplicité un principe central de leur expérience client.Si la “simplicité est la sophistication ultime” (Léonard de Vinci), elle adresse notre besoin de clarté, de transparence et de proximité. Utilisée de manière appropriée, elle nous aide à prendre les bonnes décisions (nudge !), à choisir rapidement et donc à économiser du temps et de l’argent : plus de débats intérieurs longs et fastidieux au moment du choix ni d’aller-retours compliqués pour être sûrs de ne pas se tromper.

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Nous sommes de plus en plus sensibles à la simplicité, notamment par l’analogie que nous pouvons faire avec nos expériences de services. Notre instinct nous conduit la plupart du temps à éviter ou réagir à des expériences de services comprenant des situations complexes sources de stress (trop d’étapes à un service) ou inefficaces (service client) et à rechercher la simplicité.

La principale raison pour laquelle tant de produits et de services sont stressants à utiliser est qu’ils n’ont pas été conçus à l’origine pour être simples. A l’inverse, les services de réclamation clients nous semblent parfois pensés pour être complexes. Zappos, société américaine de vente en ligne de vêtements et exemple phare d’excellence dans l’expérience client, parie sur la confiance et la relation entretenue avec ses clients : elle rembourse ou renvoie des colis déclarés égarés par leurs clients sans autre difficulté.Plus nos vies sont compliquées, plus nous sommes attachés aux marques qui prennent en compte notre stress ou qui anticipent celui qui pourrait perturber une expérience de service. Les meilleures expériences clients sont celles qui éliminent la confusion, le doute, et l’anxiété : elles génèrent un avantage concurrentiel, de la fidélité et une image incomparable.Les erreurs sont la principale cause de stress : elles obligent à recommencer la tâche, augmentant encore le niveau d’effort demandé. Le mieux, pour éviter cela, est de concevoir des expériences client simples qui limitent la possibilité d’erreur ou qui nous offrent la possibilité de les réparer simplement et rapidement. KLM permet par exemple à ses clients de changer leurs réservations de vols d’un simple tweet.

Voici quelques pistes pour manager les erreurs par la simplicité et réduire le stress :- Prendre en compte la compétence de l’utilisateur : les novices et habitués

s’énervent plus facilement que les experts et ont besoin de plus d’accompagnement dans des phases d’apprentissage / d’évolution des services

- Limiter les choix à un nombre raisonnable - less is more : prendre des décisions demande plus d’effort quand le choix est trop vaste, ce qui génère des erreurs et le sentiment de ne plus avoir le contrôle

- Clarifier les parcours clients, rendre les options très distinctes et communiquer sur les différentes étapes, en justifiant de chacune des tâches à accomplir

- Permettre au client de réparer simplement ses erreurs- Fournir un feed-back rapide et passer d’une relation client à une conversation

client simplifiée- Éliminer les distractions qui polluent l’environnement

Autre cause de stress importante : les interactions qui font peser sur le client la responsabilité de leur bon achèvement, autrement dit celles qui nous donnent l’impression de faire le travail à la place de l’entreprise : questionnaires fastidieux à remplir, nombre incalculable de pièces à fournir (alors que l’entreprise a déjà les informations), relevés de compteurs : c’est une erreur notamment de penser qu’autonomisation du client et automatisation de la relation sont recherchées par les clients pour la pseudo liberté qu’elles leur accorde.

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Les grandes expériences sont SANS EFFORT : en faisant perdre leur temps et de l‘énergie au client, les expériences médiocres sont en général remplacées par celles qui sont moins exigeantes. Les services qui réclament peu d’efforts de la part de ceux qui les utilisent sont les plus sources d’attachement et de fidélisation : Amazon en est le plus bel exemple.

Les 3 leviers de la simplification de l’expérience client perçue sont : la réduction du temps passé à effectuer la tâche, la praticité et la clarté. Ces leviers de la simplification sont les mêmes pour l’expérience perçue par les collaborateurs et se concrétisent souvent pour les clients - et les colaborateurs - dans les principes suivants :

- Simplifier l’expérience de services, les parcours et les points de contacts. Un bon design est un design simple qui limite le nombre de tâches à accomplir et le nombre de choix, chaque étape pouvant être considérée par le client comme autant d’informations à traiter et de barrières infranchissables. Il s’agit de les regrouper ou les réaliser à sa place.

- Utiliser moins de mots : supprimer les conditions d’utilisations, les notices superflues et privilégier la concision, les phrases simples. Dans la foulée, supprimer les astérisques : c’est au juridique de s’adapter, pas l’inverse.

- Prioriser les tâches.- Réduire le temps passé à chaque tâche.- Réduire le temps d’attente : commencer par une analyse des «  root causes »,

« sources de retard » et informer systématiquement des raisons du retard- Réduire la possibilité d’erreurs - Être le moins intrusif possible : être juste au bon endroit au bon moment sur le

bon canal- Parler la langue du client / Créer un langage commun avec le client

Cet article a été publié le 02/04/2014… et a été lu 593 fois

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En résumé : La simplicité d’usage est une part importante d’une expérience client réussie, et pourtant trop de produits et service sont complexes et génèrent ainsi du stress et de l’insatisfaction chez leus usagers. Les erreurs sont également source de frustration. Voici quelques pistes pour réduire le stress des clients : - Prendre en compte leur compétence- Simplifier le choix et l’expérience d’usage - Clarifier le parcours client- Réparer rapidement ses erreur et prévenir leur occurence - Fournir du feed-back - Éliminer les distractions- Réduire le temps d’attente et les retards …

De l’importance de la mémoire

Quand on parle d’expérience client, la notion de fidélisation n’est jamais très loin : ne dit-on pas quand on conçoit des expériences que le but recherché est la création de souvenirs ? D’ailleurs en parlant de mon métier, je dis souvent qu’il ne consiste pas à créer des services mais des expériences mémorables. En étant fidèles à un service ou un produit, ce que nous recherchons c’est revivre l’expérience de plaisir associée et c’est la mémoire que nous avons des expériences passées qui nous permet de sélectionner les comportements qu’il faut reproduire, ou au contraire ceux qu’il faut éviter.

Ainsi, grâce à notre perception, nous sélectionnons dans notre environnement les informations qui contribuent à l’homéostasie, cette recherche permanente d’équilibre qui nous guide dans nos choix. Ces informations sont confrontées à celles déjà présentes et organisées en mémoire, et sont rattachées à des catégories : le principe de catégorisation est fondamental en marketing, il est à l’origine du concept de positionnement et concerne toutes les informations qu’elles soient sensorielles ou sémantiques, conscientes ou pas. Pour vous convaincre du lien entre mémoire et expérience, voici un extrait de mon livre « Marketing Sensoriel » 2ème édition, publié chez Vuibert en 2012. Bonne lecture !

La catégorisation est l’un des processus élémentaires du fonctionnement cognitif humain. Il consiste à traiter les différences perçues entre les objets. Lorsque ces différences sont négligeables, les objets sont considérés comme suffisamment semblables et sont inclus dans une même catégorie. À l’inverse, lorsque ces différences sont grandes, les objets sont rattachés à des catégories différentes. Les catégories communes aux consommateurs sont

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constituées à partir de la diversité des expériences sensorielles sollicitées lors de l’achat et la consommation du produit. Elles intègrent non seulement les sensations sollicitées dans le présent (la saveur du chocolat en cours de dégustation par exemple), mais également la mémoire des expériences précédentes. Sont concernées l’ensemble des sensations sollicitées par le produit et les éléments du contexte dans lequel ces expériences sensibles ont été éprouvées : la couleur de l’emballage, le bruit et l’effort lors du déballage de la plaquette, le fait (plaisir ou déplaisir) de l’avoir partagé avec X ou Y, le contexte de la dégustation… La catégorie ainsi construite intègre toutes les propriétés et tous les éléments de mémoire qui se trouvent globalisés et peuvent conduire à un jugement hédonique qui déterminera le comportement de re-consommation ou non, en un mot, la fidélisation.

Ce concept de catégorisation qui exploite les informations sensorielles et sémantiques est stratégique en marketing car il permet au consommateur d’associer une marque, un logo, une couleur, une forme à un produit et donc à une catégorie. La catégorisation s’exprime en termes de niveaux (à quel niveau un consommateur associe-t-il un prix : haut, moyen, ou bas ?), de lien entre un stimulus et une catégorie (bleu pour le lait demi écrémé, doré pour les produits haut de gamme, etc..) et de généralisation qui permet de rattacher un stimulus – produit, forme, etc. – nouveau à une catégorie existante. La marque peut donc être construite comme une heuristique connotant l’appartenance à un segment défini en termes de prix, d’attributs spécifiques, etc. Les connotations évoquées par le consommateur sont plus ou moins riches suivant son niveau d’implication : plus le produit est impliquant, plus les évocations sont élaborées, plus il sera fait référence à des concepts sous forme verbale ou imagée et à des sensations. L’objectif d’une stratégie expérientielle étant la débanalisation du produit / service, celle-ci passe par par une augmentation du niveau d’implication via la puissance d’évocation véhiculée par les stimuli. Notons enfin que le caractère sélectif de la perception a pour conséquence la recherche de la « bonne forme » (homéostasie) de la part du consommateur, c’est-à-dire une perception qui soit la plus « juste » et la plus complète possible.

Une bonne compréhension de ce processus de perception permet d’éviter les erreurs classiques de segmentation, de ciblage et de positionnement en testant le nouveau produit ou service en branded ou en blind (avec ou sans information de la marque) auprès du consommateur cible. La perception peut subir l’influence de facteurs individuels, liés au produit - marketing -, à la situation ou à leur souvenir.

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" Notre mémoire est structurée en trois sous-systèmes :1. L’information détectée par nos sens est d’abord stockée dans la mémoire

sensorielle. C’est une mémoire automatique, extrêmement brève qui conserve de façon fidèle les informations provenant des organes des sens. Ainsi, la mémoire iconique, ou mémoire sensorielle visuelle, permet de maintenir une image d’un stimulus visuel pendant quelques millisecondes.

2. Ensuite, la mémoire à court terme permet d’enregistrer, pendant une courte période, des informations provenant de la mémoire sensorielle. C’est la mémoire que l’on utilise, par exemple, pour retenir les numéros de voiture et de siège indiqués sur notre ticket, le temps de trouver notre place dans un train. La quantité d’information qui peut être stockée à un moment donné dans la mémoire à court terme est limitée à environ 7 ± 2 items selon les personnes. On parle également de mémoire de travail pour désigner la mémoire à court terme, dans la mesure où cette mémoire permet de faire des opérations sur les informations stockées.

3. Finalement, la mémoire à long terme permet de stocker les informations sur une très longue période de temps. Cette mémoire nous permet d’emmagasiner nos souvenirs, nos connaissances, en d’autres termes, notre histoire. Elle peut être divisée en mémoire procédurale (implicite) et mémoire déclarative (explicite). La mémoire procédurale correspond aux savoir-faires, comme savoir faire du vélo. La mémoire déclarative est subdivisée en mémoire épisodique et mémoire sémantique. La mémoire épisodique est une mémoire autobiographique ; elle permet à l’individu de se rappeler les épisodes de sa vie et est organisée de façon spatio-temporelle. C’est une mémoire fortement émotionnelle et dépendante du contexte. La mémoire sémantique permet à un individu de stocker ses connaissances sur le monde. Elle permet, par exemple, de savoir qui est l’actuel président de la République. Contrairement à la mémoire épisodique, elle est indépendante du contexte d’acquisition et l’accès aux informations stockées est très rapide.

Vous l’avez compris, la mémoire d’une expérience est très liée à la quantité et au niveau d’informations qu’elle contient : plus l’expérience est dense et riche, plus elle sera mémorable. Donald A. Norman va même plus loin lorsqu’il écrit : « De nombreuses preuves en psychologie montrent que le début et la fin d’une expérience sont tous deux les plus critiques pour déterminer le souvenir d’un événement : on appelle cela l’effet de position sérielle. On en déduit une règle appliquée en design : Start strong. End strong ». Sans compter que certains éléments bien précis dans l’expérience vont influencer fortement le souvenir : le fait par exemple de dépasser les attentes des consommateurs de manière inattendue et de créer l’heureuse surprise. Tout un art !

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Cet article a été publié le 09/06/2013… et a été lu 822 fois

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En résumé : À chaque fois que l’on vit une expérience, s’enclenche un phénomène de catégorisation qui va déterminer notre comportement futur face à une nouvelle expérience de ce type. Cette catégorisation dépend de notre perception de l’expérience en question, et des expériences similaires que l’on a pu vivre dans le passé. Ainsi, elle est très liée à notre mémoire. Or, plus une expérience sera riche et dense, plus elle sera mémorable. Il faut donc privilégier la qualité et l’intensité des expériences que l’on délivre à ses clients pour s’assurer qu’il la garde en mémoire et nous accorde leur fidélité.

Des émotions à l’expérience client

L’expérience client est à l’honneur en ce moment : pas une conférence, un article, un salon qui ne fasse référence à ce nouveau buzzword. Aujourd’hui, tout est expérience client : un service innovant, un lieu connecté, une relation client exceptionnelle, une solution CRM… Avec tout ça, on en oublierait presque la dimension profondément humaine de l’expérience à l’origine de notre connaissance du monde, car faire l’expérience de quelque chose, c’est le vivre. Pour vous aider à y voir plus clair, voici un autre extrait de mon livre « Marketing sensoriel : une approche globale pour les produits et les services » qui nous rappelle le lien entre les émotions et l’expérience vécue. Bonne lecture !

À l’origine de la réflexion sur le lien entre l’expérience vécue et les émotions, on trouve les travaux issus de la psychologie environnementale. Le modèle des affects de Russell (1974) identifie deux « émotions », le plaisir (pleasure) et la stimulation (arousal) comme principaux médiateurs entre l’environnement et les comportements d’approche ou d’évitement. Suivant que l’environnement est plus ou moins plaisant et/ou stimulant, on va vouloir rester physiquement dans l’environnement de service ou le quitter, l’explorer ou se replier sur soi et limiter les contacts, communiquer avec les autres ou ignorer les tentatives de communication, rechercher ou éviter la performance et la satisfaction issue de l’accomplissement de tâches.

Le plaisir est la première réponse recherchée dans un environnement de service - le lieu de l’expérience - : ce dernier doit avant tout être attirant - vs répulsif - sous peine de faire fuir les clients. La stimulation vient en second : dans les environnements

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stimulants, on trouve beaucoup d’informations sensorielles et cognitives, de la complexité, du mouvement, des changements fréquents, des surprises… À l’inverse, un milieu peu stimulant présente les caractéristiques opposées : calme, lumières douces, ambiance apaisante… À partir de ces deux concepts de base (plaisir/stimulation), un environnement peut être perçu comme passionnant, excitant, agréable, relaxant, endormant, ennuyeux, déplaisant, stressant… et générer diverses réponses d’ordre émotionnel comme l’intérêt, la joie, l’euphorie, l’émerveillement, l’enchantement, la volupté, la surprise, l’anticipation, la sérénité, ou au contraire la douleur, l’ennui, la tristesse, la colère… Le temps passé et les sommes dépensées par le consommateur dans de tels environnements sont fonction du niveau de plaisir ressenti et de l’état émotionnel. Ainsi, et à condition qu’il soit d’abord agréable, un environnement stimulant est perçu positivement, sauf si le niveau de stimulation le rend désagréable. Bien sûr, cela dépend de la personne, de ses expériences passées, de son seuil d’activation… L’enseigne Abercrombie & Fitch est appréciée pour son atmosphère hyperstimulante saturée en musique, parfums, images…mais peut aussi engendrer des attitudes de rejet, de repli sur soi, pour ces mêmes raisons.

Selon le modèle de « Serviscape » de Bitner, les clients et le personnel engagent divers types de réactions en réponse à l’environnement : des réactions émotionnelles mais également des réponses liées aux connaissances préalables des consommateurs (croyances, catégorisations, significations symboliques) et plus largement des réponses de jugement global telles que le confort, la sécurité, la confiance… L’ensemble de ces réponses, associées aux interactions sociales, contribuent alors à la modulation des comportements selon deux tendances que Bitner oppose : le comportement d’approche (attractif) et celui d’évitement (répulsif).

Ces états intérieurs varient selon la personnalité de l’individu, son expérience passée, le moment ou le but de l’achat et le niveau d’attente. Ainsi, dans une situation de foule, une même personne aura un comportement différent selon qu’elle est fatiguée ou détendue, sensible au temps ou indifférente. Elle sera aussi influencée par l’ensemble des éléments qui composent les dimensions de l’environnement de service comme les éléments extérieurs, intérieurs, l’aménagement, la décoration intérieure et la dimension humaine. Et bien sûr, le produit au coeur de l’expérience est lui aussi vecteur de sensations et d’émotions.

D’une manière générale, le plaisir est souvent associé à la sensation de contrôle personnel et de confort, notion difficile à appréhender, qui s’exprime le plus souvent par le fait « qu’on est bien » sans savoir pourquoi précisément. L’inconfort, quant à lui, est plus précis : on sait que l’on est mal assis ou que l’on a trop chaud. Cette impression issue d’une réponse physiologique de l’organisme dans des contextes de foule, de chaleur excessive, d’obscurité, de bruit intense, en perturbant les capacités cognitives à évaluer la situation et à faire des choix éclairés peut modifier le comportement jusqu’à provoquer le rejet et la fuite : les périodes de grands départs dans les gares et les aéroports génèrent souvent ce genre de stress. L’amélioration du confort va donc passer par la possibilité que l’on donne au client d’agir sur les variables de son inconfort.

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Cette sensation peut être modulée en agissant sur la signalétique visuelle et sonore, la ventilation, la lumière, la qualité des sièges ou l’espace adéquat. On sait, par exemple, que le fait d’être confortablement assis influence le temps passé dans un lieu, que la sensation de chaleur excessive génère de l’irritabilité, de la lassitude et une baisse de vigilance et qu’elle altère la qualité de la relation entre personnes qui ne se connaissent pas, et que des réponses physiologiques négatives affectent l’image et les croyances que l’on peut avoir sur un lieu et les gens qui y travaillent. Le confort est un attribut de la première classe dans les avions et dans les trains : l’inclinaison des fauteuils, l’intensité de la lumière et de l’aération sont modulables et peuvent être gérés individuellement. L’inconfort sonore, quant à lui, est d’autant plus important qu’il s’accompagne souvent de modifications inconscientes du comportement : un lieu mal conçu incitera l’ensemble des personnes présentes à parler plus fort, créant ainsi un volume sonore encore plus dérangeant. Ainsi, une démarche opérationnelle de renforcement de la dimension de plaisir d’une expérience client consiste à identifier les sources d’insatisfaction, par exemple en utilisant une grille d’évaluation, pour les supprimer, puis, par contraste, pour proposer des alternatives qui, potentiellement, seront sources de satisfaction et de plaisir. Une autre démarche s’appuie sur le renforcement de la stimulation, del’éveil, par l’intégration d’éléments dynamiques dans l’expérience client.

Alors que le niveau de stimulation dépend de la quantité d’informations à laquelle est soumis un individu, en introduisant beaucoup d’informations, des changements, des surprises, du mouvement… on contribuera à augmenter la complexité d’un environnement et à élever le niveau de plaisir. Si notre perception de la plupart des services que nous consommons quotidiennement (prendre le bus, aller à la banque…) résulte de processus cognitifs simples, une façon de renforcer la sensation de plaisir associé sera d’introduire des éléments surprenants dans le décor : les rames iDTGV Zap, les zones de jeux chez McDonald’s, l’espace customisation chez Desigual…

Ces connaissances sont issues des travaux portant sur le design et l’ergonomie des lieux de travail et permettent de mieux comprendre les liens entre l’environnement, les réponses physiologiques des individus et leur capacité à mener à bien une tâche ou opérer une fonction. Transposées aux environnements de service par Bitner, elles présentent un grand intérêt dans le sens où elles prennent en compte à la fois les réactions du personnel mais aussi celles des clients qui cohabitent et interagissent dans le même endroit : ce point est vital pour les designers qui doivent réaliser que les employés passent plus de temps sur le lieu de l’interaction que leurs clients. Pour Bitner, « la scène de service (Serviscape) joue un rôle important dans de nombreuses organisations de services (hôtels, restaurants, etc.) dans la mesure où elle offre une première impression, avant que les clients aient l’occasion d’interagir avec les employés. Elle est un élément important qui va guider les attitudes, les croyances et les attentes du client. En interagissant de manière continue avec le lieu, l’expérience qu’ils vivent est plus intense que leur relation avec les employés. Partant de là, il faut examiner les réactions cognitives et émotionnelles du consommateur de manière très méticuleuse. »

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Avant de créer un environnement de service, il est important de se poser la question de savoir quel type de réponse émotionnelle est attendu de la part des clients et du personnel, pour interagir confortablement dans le cas d’un club de sport, par exemple, pour opérer de manière autonome dans le cas d’un espace en libre service ou pour s’orienter facilement dans le cas d’un parking. Quelle que soit la famille d’émotions que l’on souhaite susciter, plaisir ou stimulation, celle-ci doit faire l’objet d’une décision stratégique actée dans la plate-forme de l’expérience. Elle doit également être en affinité avec les valeurs de la marque et les dimensions de service et s’incarner dans des preuves tangibles.

Cet article a été publié le 24/04/2013… et a été lu 547 fois

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En résumé : La psychologie environnementale nous apprend qu’un environnement stimulant est perçu positivement, à condition qu’il soit agréable et que le niveau de stimulation ne le rende pas désagréable. Cette perception positive incitera les clients à y passer plus de temps et à y dépenser davantage. Dans son modèle «  Serviscape  », Bitner parle de deux tendances comportementales face à un environnement donné : le comportement d’approche et l’évitement. Quelques pistes pour favoriser les comportements d’approche : - Donner la possibilité au client d’agir sur les variables de son

inconfort- Renforcer la dimension plaisir de l’expérienceEt cela vaut aussi bien pour vos clients que pour vos collaborateurs !

L’enchantement client, arme ultime de différenciation

S’il est un mot qui résonne particulièrement aux oreilles des dirigeants aujourd’hui, c’est bien celui d’enchantement des clients. Mais au fait, de quoi parle-t-on ? De qualité de service ? De relation client ? D’excellence opérationnelle ? D’un autre mot pour décrire l’orientation client ? De solutions CRM ? Pour vous aider à y voir plus clair, nous vous proposons une visite guidée à l’intérieur du secret le mieux gardé des entreprises qui réussissent à enchanter leurs clients : l’expérience client.

Pour commencer il est temps de lever une ambiguïté : quand on parle d’enchantement, c’est bien d’expérience client dont il s’agit, d’un «  processus continu » composé d’un enchaînement de moments de vérité, sources de « petites » et de « grandes » émotions. Les « petites » émotions peuvent être liées à la mise en place de normes, mais c’est beaucoup plus difficile pour les « grandes » émotions.Prenons la métaphore d’un « compte en banque émotif » : quand le compte est débiteur, le client sera insatisfait et frustré, et si le compte est créditeur, il sera satisfait et peut être même enchanté s’il est très créditeur ! L’enjeu, pour l’entreprise, est de savoir générer, dans les différents moments d’expérience, plus de crédits que de débits… logique. Cela dit, il est inévitable que les entreprises générent du débit dans le compte en banque émotif de leurs clients, quelque soit « l’excellence de service » offerte : une réponse tardive à un courrier de réclamation n’est qu’un petit débit… alors qu’un client qui se fait insulter ou menacer au téléphone … ça c’est un gros débit dans le compte en banque émotif… mais il y a aussi des débits qu’on ne peut parfois pas éviter, quand le client fait, par exemple une demande qui ne peut être

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légalement acceptée. La question est donc bien de réaliser de nombreux crédits dans le compte en banque émotif : des petits, qui peuvent être normés, notamment liés aux respects des engagements, des délais… et des gros crédits à des moments de vérité clefs… des moments d’enchantement ! C’est ce principe qui fait de l’expérience client et de ses pépites d’enchantement les secrets les mieux gardés de certaines entreprises…Pour résumer, l’expérience client est la façon dont vos clients perçoivent l’ensemble des interactions avec votre entreprise. Elle est directement influencée par ce qu’ils pensent de vous quand ils cherchent de l’information, achètent, utilisent votre produit et peut être essaient de résoudre un problème. Sont-ils excités, heureux, rassurés ou nerveux, déçus, frustrés ? … le lien avec l’enchantement ? C’est l’émotion qu’ils ressentent quand l’expérience a été exceptionnelle : quand il y a eu un gros crédit dans le compte en banque émotif !

Mais pourquoi l’expérience client ? Pourquoi maintenant ? Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, une ère où le fait de se concentrer sur le client compte plus que n’importe quel autre impératif stratégique. Les barrières concurrentielles du passé - capacité de production, pouvoir de la distribution, maîtrise de l’information, des coûts, des achats - sont impuissantes à assurer une différenciation pérenne. L’un après l’autre, chacun de ces investissements corporate s’est banalisé. Les barrières concurrentielles ont disparu. Renault n’est pas seulement concurrent de PSA, il l’est aussi d’Autolib : Avis qui vient de racheter Zipcar l’a bien compris. Au milieu de tout cela, le consommateur a plus de pouvoir que jamais. Avec les réseaux sociaux, les revues en ligne et l’accès à l’internet mobile, il est devenu facile pour lui d’en savoir plus que les vendeurs sur un produit, son prix, la concurrence… Les règles ont changé et nous le savons tous.

Le management de l’expérience client est ce nouvel impératif qui consiste a créer et alimenter un ensemble de pratiques interdépendantes se renforçant mutuellement, à aligner les collaborateurs, les partenaires, les valeurs, les process, les politiques et les technologies autour d’une différenciation par l’expérience client. Il ne s’agit plus du « bon vieux message » sur l’orientation client : l’expérience client va beaucoup plus loin en intégrant une dimension émotionnelle, en mettant en résonance les perceptions du client et les valeurs de l’entreprise. L’expérience client convoque une autre façon de manager, de regarder profondément dans les process et de les challenger pour voir si on atteint l’objectif premier : faire vivre aux clients des moments sources d’enchantement, cette émotion unique qui a ceci d’intéressant qu’elle ne peut être copiée. Si le service - défini comme un ensemble de processus et de normes - est copiable, le travail sur l’expérience client ne l’est pas, car il contribue à bâtir une différenciation pérenne sur des dimensions subjectives et non exprimées connectées aux émotions du client. Envisagée comme un projet d’entreprise, le management de l’expérience client, et l’enchantement qui peut en résulter, est clairement l’arme ultime de différenciation !

Cet article a été publié le 10/03/2013… et a été lu 417 fois

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En résumé : Enchanter ses clients passe par leur faire vivre des expériences plaisantes mémorables. Si on prend la métaphore d’un compte en banque émotif du client, il s’agit de générer un maximum de « crédits », un maximum de moments d’enchantement, pour s’assurer un avantage concurrentiel qui ne peut pas être copié. S’il est mené à l’échelle de toute l’entreprise, le management de l’expérience client, et l’enchantement des clients qu’il peut produire, est l’arme ultime de différenciation !

Les services excellents ne font pas (systématiquement) les clients enchantés

Avant Noël, je tombe sur cette émission intitulée « normer l’enchantement », où il est question du projet de l’AFNOR de normalisation de l’enchantement client dans les services : la question qui se pose est la suivante : y a-t-il un lien entre excellence de service et enchantement ? Ma réponse est : peut-être, mais cela dépend des gens et des situations.

En clair, on ne peut pas décider du fait qu’un client sera enchanté ou pas : chaque individu est unique et évalue son expérience vécue à l’aune de sa culture, de ses expériences passées, de son humeur du moment, du temps qu’il fait… L’enchantement est une émotion, on ne peut pas le normer… et encore moins l’industrialiser. Sans compter qu’il est déjà difficile d’aligner expérience voulue et expérience perçue : j’en veux pour preuve une étude récente réalisée par Bain &Cie qui révèle que pour 80% d’entreprises qui pensent délivrer une expérience différente et positive à leurs clients, ces derniers ne sont que 8% à penser la même chose. L’écart est immense et nous dit que si on ne peut pas obliger les clients a percevoir le service tel qu’il a été conçu, on peut encore moins les obliger à réagir en conséquence, à être enchantés, puis à réacheter… vous connaissez la suite. En d’autres termes, le modèle behavioriste de type stimulus réponse qui a fait le succès de la publicité et du marketing de masse est dépassé et a laissé place à une approche plus sensible inspirée de la psychologie cognitive qui fait une large part à l’individu et la dimension irrationnelle du comportement. Ce n’est pas l’enchantement que l’on devrait normer, mais l’excellence de service, l’objet et non pas le sujet !

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Cela dit, l’expérience client est source d’amélioration continue car elle oblige à s’intéresser à la qualité du service sur la base de critères censés satisfaire des besoins clients identifiés préalablement. Mais elle va plus loin, beaucoup plus loin. Elle dispose d’une composante subjective qui ne peut pas être prise en compte si on n’a pas pris de la hauteur et intégré la dimension holistique de l’expérience client, celle qui permet aux gens de faire un lien avec leur quotidien, leurs valeurs, le sens qu’ils donnent à leur vie… Car la beauté de l’expérience réside dans le fait qu’elle est perceptuelle et qu’au-delà de l’amélioration des points de faiblesses elle est aussi une source inépuisable de différenciation. Pour illustrer tout cela, je vous propose un petit retour sur l’expérience que je viens de vivre au Club Med. Était-ce une belle expérience ? Indiscutablement. Vais-je revenir ? Oui, peut être. Vais-je en parler autour de moi ? Pas plus que quand on me demande habituellement comment se sont passées mes vacances. En résumé, j’étais très contente, mais pas enchantée.Pour les fêtes nous avons passé une semaine à la montagne dans le dernier né du Club, ouvert seulement depuis le 18 décembre - le très réussi village de Pragelato dans le Piemont : décodage de l’expérience client.

Premièrement, une expérience client, ça se désire, a fortiori des vacances de Noël en famille. L’expérience d’anticipation est la première marche vers l’enchantement et intervient bien avant l’expérience de consommation. Là, on ne peut pas dire que le Club donne envie : accueil chaleureux et professionnel dans la boutique Club Med mais un échange qui s’articule autour des disponibilités et de l’écran de l’ordinateur - tableaux verts sur fond noir de l’outil de réservation. Rien sur les villages, pas de photos ni de vidéos ou d’expérience qui offrirait un aperçu du prochain séjour… Au premier contact on comprend que le Club c’est surtout de la logistique, des flux…bien loin de la pub qui fait rêver.

Deuxièmement, pour qu’un service accède au rang d’expérience, il doit être perçu de manière homogène par les clients, ce qui veut dire que l’ensemble des signaux qui émanent de l’entreprise avant, pendant et après l’expérience, y compris les interactions humaines, à distance - téléphone, internet - et l’ensemble des signaux sensoriels doivent être congruents. C’est le niveau de base, le prérequis. L’idée c’est de valider que les messages - email, courrier, sms… - que le client va recevoir tout au long de son parcours et pour l’ensemble des situations qu’il peut rencontrer sont cohérents et harmonieux sur le fond et la forme. De ce point de vue, le Club Med a de gros progrès à faire : j’ai d’abord reçu un contrat, très administratif, puis un second courrier lié à la commande - dans lequel on me réclamait de l’argent que j’avais déjà versé. Un autre reçu au moment de l’accueil, une lettre manuscrite de la main du Chef de Village Nicola destiné aux enfant qui sont allés à l’infirmerie (la signature de Nicola était différente sur les deux documents, c’était un « fake » !). Idem pour les intitulés : tantôt « Bonjour Madame Laurence Body », puis « Chère Laurence », ou encore « Cher GM »… On voit bien qu’ils émanent de services différents - service client, back office commercial,GO, « Nicola »… et qu’ils ne communiquent pas de manière homogène. Quant au courrier de départ, c’était un petit miracle de poésie : des instructions sèches sans message

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personnel, nous sommes revenus dans la gestion des flux. Allez ouste ! Dehors ! Ce sont peut être des détails mais qui sont des gisements d’amélioration continue.

Troisièmement, quand parmi les valeurs figurent la convivialité, la générosité et surtout la gentillesse, on s’assure qu’elles sont bien présentes dans TOUTE l’expérience client (pas seulement dans les relations avec les GO) et qu’elles sont surtout authentiques. Alors que le buffet est l’incarnation par excellence de l’esprit du Club et de cette abondance qui a fait sa réputation, on trouve que faire payer le parking, l’accès internet 20 euros ou les photos 10 euros est mesquin, surtout quand on sait que le souvenir est la quatrième marche de l’expérience client. Pour moi, la gentillesse, c’est comme l’amour, il n’y a que les preuves qui comptent, le reste c’est du discours.

Bon; je pourrais dire beaucoup d’autres choses sur l’excellence de service et l’attention portée au détail pour créer l’enchantement. Vous remarquerez que je n’ai pas parlé de relation client : volontairement. Je pense en effet que celle-ci s’exprime de 1000 façons, et pas seulement par le biais d’interactions humaines.

Cet article a été publié le 06/01/2013… et a été lu 608 fois

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En résumé : L’excellence du service ne suffit plus à enchanter les clients et à assurer leur fidélité. Voici quelques idées pour aller plus loin que l’excellence opérationnelle et considérer l’expérience client dans son ensemble pour créer de l’enchantement véritable : - Travailler l’expérience d’anticipation en donnant de quoi rêver, se

projeter …- Aligner tous les signaux pour créer un ensemble cohérent et réduire

le stress que les dissonances peuvent engendrer chez le client- Incarner les valeurs que l’on proclame à tous les niveaux

2. MÉTHODES ET OUTILS

Parcours client, mode d’emploi

De tous les outils de l’expérience client, le parcours client est certainement le plus connu. Il en existe de multiples formes et modèles : pas de format type mais une seule règle, il se construit du point de vue du client utilisateur et pas du point de vue des process internes ce qui est l’erreur la plus souvent rencontrée.

Le parcours client est une représentation des étapes et des états émotionnels qu’un client traverse dans une situation donnée qui inclut un certain nombre d’interactions avec l’entreprise. Il fournit une visualisation vivante mais structurée de l’expérience de service telle que la perçoit le client. Réalisé sous la forme d’une cartographie, il permet de décomposer les étapes de l’expérience vécue sur l’ensemble des canaux et se déploie sur un laps de temps qui peut se découper en quatre grandes étapes :

1. L’expérience d’anticipation qui consiste à rechercher, planifier, rêver, budgéter ou désirer l’expérience,

2. L’expérience d’achat qui correspond au choix, au paiement et à la rencontre avec le service et le lieu,

3. L’expérience proprement dite, l’usage du service qui peut s’étaler sur une durée plus ou moins longue,

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4. Et l’expérience du souvenir qui mobilise notamment des artefacts - comme des photos - pour revivre l’expérience passée, qui s’appuie sur des récits d’histoires et les discussions avec des amis, qui passe par le classement des souvenirs voire par une véritable reconstruction de l’expérience vécue

Le travail de cartographie commence par l’identification des points de contact à l’intérieur desquels les parties prenantes du service interagissent. Ces points de contact sont à l’intersection des étapes du parcours et des canaux : contact face-à-face entre des individus dans des magasins, interactions virtuelles avec un site internet ou un serveur vocal interactif, ou bien encore par téléphone. Ils racontent une histoire engageante reposant sur l’expérience des utilisateurs et qui inclut les circonstances, le contexte général, les motivations et les émotions qui ont accompagné ce process. Ce travail est réalisé à l’occasion de workshops collaboratifs qui rassemblent du personnel en contact mais aussi des personnes du back office (IT, compliance, réclamations, service client…). Le plus important est de mélanger les fonctions et de casser les lignes hiérarchiques. Cela permet d’adopter une vision commune et partagée de ce que vivent les clients. Si la phase précédente de captation est bien renseignée du point de vue de la connaissance client, il n’est pas utile d’inclure des clients. Elle est ensuite documentée à l’aide des insights identifés pendant la phase de synthèse. On peut la compléter avec les mots des clients eux mêmes, des photos issues des études ethnographiques, de notes personnelles ce qui facilite l’engagement empathique qui est crucial pour faire passer la myriade d’émotions dont la plupart des parcours sont faits.

Un parcours client construit depuis la perspective de l’utilisateur fournit une lecture à un niveau élevé des facteurs qui influencent l’expérience et permet de cartographier à la fois des points de contact formels et informels et un certain nombre d’itérations. Par exemple, on peut appeler plusieurs fois un service client pour obtenir des informations ou résoudre un problème. La perspective que la carte fournit permet d’identifier à la fois les zones de problèmes - les moments de vérité -et d’opportunités pour l’innovation, les points de souffrance pour améliorer l’expérience collaborateurs et la courbe émotionnelle du client. Elle permet de se concentrer sur des points de contact spécifiques permettant à l’expérience de service d’être divisée en étapes - continuums expérientiels - pour une analyse plus approfondie. Le principe c’est de pouvoir zoomer et dézoomer en fonction du niveau de granularité recherché : ce qui fait la force d’un bon parcours client, c’est le niveau de détail obtenu : on dit souvent de l’expérience client que c’est dans les détails que se trouvent les opportunités… ou les frustrations.

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Cette représentation visuelle structurée rend possible le fait de comparer plusieurs expériences dans le même langage visuel et facilite également des comparaisons rapides entre un service et ses concurrents. Outre la cartographie en elle même, les données de sortie - livrables - sont : les moments de vérité, la trame de l’expérience, les points d’enjeu à corriger et les pistes d’opportunités à développer dans l’étape suivante de co création. Elle sert aussi de support à l’identification de KPI’s pour mesurer la performance sur les moments de vérité, à la priorisation des points à améliorer en fonction des objectifs internes et des besoins clients. Mais ce qui compte n’est pas la cartographie en elle-même mais la compréhension de ce que vivent les clients et les collaborateurs.

Cet article a été publié le 21/08/2014… et a été lu 2 312 fois

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En résumé : Le parcours client est un outil majeur de l’expérience client et permet de représenter visuellement l’expérience d’un client dans sa globalité. Les étapes pour construire son parcours client sont les suivantes : - Identifier les points de contact grâce à des workshops collaboratifs - Documenter la cartographie à l’aide des insights identifés pendant la

phase de synthèse des verbatims des clients eux mêmes, des photos …Une cartographie ainsi conçue du point de vue du client fournit une lecture à un niveau élevé des facteurs qui influencent l’expérience et permet d’identifier les irritants et opportunités à travailler pour délivrer une expérience enchantante.

Les « 7C » ou la stratégie en action

Je fais souvent le constat, partagé avec mes clients, que le problème avec les mauvaises expériences n’est pas tant lié à une erreur de conception qu’à un défaut d’exécution. Pour mémoire cette citation de Bain&Cie qui dit que « pour 80% des entreprises qui pensent livrer une expérience exceptionnelle, ils ne sont plus que 8% des clients de ces memes entreprises à penser la même chose ».

Problèmes de compréhension de la part des collaborateurs ? Mauvaise compréhension du client de la part des managers ? La liste est longue des écarts perceptuels qui amènent l’idée originale à se diluer dans les multiples étapes qui jalonnent la vie d’un service. On a parfois l’impression qu’au sein d’une même entreprise, personne ne parle la même langue. Convaincue qu’il s’agit avant tout d’un problème de méthode, je dis qu’il est indispensable d’articuler ces étapes entre l’intention et l’exécution avec rigueur et discipline.L’expérience client en tant que démarche permet cela car elle intègre une dimension stratégique qui permet l’alignement et une dimension collaborative qui permet de décloisonner les silos fonctionnels et les lignes hiérarchiques. Pour doter l’expérience client d’une dimension stratégique et opérationnelle, voici un nouveau modèle de transformation de l’organisation qui connecte plusieurs disciplines - de gestion, de management et de design de l’expérience client - le modèle des 7C. Cette approche est un changement de paradigme, car elle oblige à avoir un regard externe sur l’entreprise, contrairement au marketing, où le client intervient en validation. Ce passage de l’orientation client à l’inspiration par le client s’appuie sur une démarche empathique qui met véritablement le client au cœur de l’entreprise, intervenant très en amont dans la conception.

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Les 7C sont une approche en sept temps qui se compose de méthodologies, d’outils et de recommandations pour mener à bien un projet de transformation (« Changer »). Ces temps, qui peuvent être linéaires dans le cas d’une refonte globale d’expérience client, peuvent aussi être traités individuellement dans le cas de projets aux périmètres plus réduits. Si ces temps sont chronologiques, le « C » d’entrée dépend de la culture de l’entreprise. À des entreprises qui ont intégré le design comme culture, le « C » de captation sera un prérequis en amont de la définition du projet. Ces temps sont itératifs, le processus de conception de l’expérience client s’appuyant sur le design n’étant pas linéaire.

Ainsi, certaines entreprises souhaiteront d’abord s’appuyer sur le « C » de co création avant d’identifier des projets pour redérouler les différentes phases de conception. D’autres entreprises, partant de la stratégie et de la vision, préféreront connecter valeurs d’entreprises, de marques et les grands chantiers stratégiques à des plans d’actions.

Temps 1 – Capter les enjeux L’expérience client est un territoire complexe où de nombreux paramètres, acteurs, moyens et conditions de réalisation de l’expérience entrent en jeu. Il s’agit pour l’entreprise entamant une démarche expérience client de chercher à savoir où elle en est par rapport à l’ensemble d’enjeux et d’opportunités de natures différentes. Humains, managériaux, technologiques, organisationnels, structurels ou contextuels, ces enjeux identifiés et captés sont le point de départ de la démarche expérience client. Ceux-ci sont pris en compte dans leur ensemble, en adoptant un cadre holistique, pour le potentiel qu’ils représentent : les problématiques et les symptômes de ces problématiques qui thématiseront la démarche expérience client à venir, les premiers enjeux sources de victoires rapides, les enjeux sources d’enchantements, les enjeux d’optimisation ou d’innovation.L’empathie est une dimension essentielle de l’expérience client : comprendre l’humain, clients et collaborateurs, est la première condition de succès de l’expérience client. Par une variété de stratégies, méthodes et outils, les démarches d’expérience client placent, par nature, au cœur des projets les besoins, aspirations, attentes, actions de ces utilisateurs, afin de pouvoir adopter leur point de vue dans la conception de l’expérience client.

Temps 2 – Comprendre les clients et les collaborateurs C’est ce changement de paradigme, d’une approche de l’expérience client pensée par l’entreprise à une expérience client vécue du point de vue du client, paradigme central à l’approche design de services, qui est nécessaire pour des expériences clients réussies.Dans « Capter », on collecte une masse énorme d’informations qui va faire sens dans « Comprendre » : comprendre les clients et les collaborateurs encore une fois de façon holistique, en amont, pendant et après et sans œillères, mais surtout de les comprendre dans ce qu’ils sont et représentent profondément. Les méthodologies et outils de « Comprendre » visent à représenter de la manière la plus visuelle possible la complexité des situations identifiées dans « Capter ».

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Temps 3 – Coconcevoir l’expérience client Coconcevoir l’expérience client représente un changement d’échelle de conception produit-service-système-expérience par rapport à une conception en silos des produits, des services et des systèmes associés : elle peut impacter l’ensemble de ces dimensions.Coconcevoir répond à un enjeu d’innovation pluridisciplinaire pour adresser la complexité de nos sociétés et de notre environnement et réunit différentes pratiques et méthodologies, le codesign et les méthodes collaboratives de créativité (brainstorming, par exemple) et d’innovation. Coconcevoir est un changement de culture dans la manière de concevoir, une approche décloisonnée, qui constitue un prétexte de langage commun et aboutit à des continuums d’expériences, des moments tangibles d’expériences et leurs points de contact, processus et actions associées. C’est aussi une dynamique mobilisatrice des équipes et des partenaires.

Temps 4 – Connecter à la stratégie et à la culture de l’entreprise Connecter à la stratégie et à la culture de l’entreprise est un temps essentiel d’alignement qui consiste à prendre la plate-forme de l’expérience comme outil de filtrage pour sélectionner les moments tangibles d’expérience qui seront implémentés et prioriser les décisions. De cette manière, l’expérience client et son impact sur les politiques, process, technologies et communications deviennent un critère de décision à part entière. Il s’agit ainsi non seulement de maintenir un flux constant de projets destinés à améliorer l’expérience client, mais aussi de réviser régulièrement le statut et les métriques du programme expérience client pour piloter le niveau d’atteinte des objectifs business et ajuster les tactiques et les budgets si nécessaire.

Temps 5 – Collaborer pour mobiliser durablement La dimension RH de l’expérience client permet de faire le lien entre l’expérience voulue et l’expérience livrée, permettant ainsi de réduire l’écart entre l’intention et l’exécution. Pour ce faire, la sélection des collaborateurs se fait essentiellement sur la base de leurs valeurs orientées client et de leur capacité à délivrer la stratégie expérience client. « Hire for passion » est le mantra de nombreux champions de l’expérience client, la compétence métier suivra. La contribution des collaborateurs renforce la culture expérience client qui se diffuse grâce aux histoires de bonnes pratiques, à la mise en œuvre de rituels et de routines et à l’utilisation de récompenses et de célébrations informelles pour mettre en avant les meilleurs comportements orientés client.

Temps 6 – Chiffrer la performance Le pilotage de l’expérience client passe par la définition d’un cadre de mesure en lien avec les perceptions des clients et consistant dans toute l’organisation (circuits, BU…). Il s’articule autour de plusieurs systèmes de métriques qui montrent comment chaque groupe, rôle et individu dans l’organisation contribue à la qualité de l’expérience client. L’analyse des tableaux de bord permet ensuite d’identifier des différences de qualité parmi les segments de clients clés, les tâches (acheter un produit, obtenir un service…) ou des aspects de l’expérience (gentillesse du

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personnel) et de modéliser des relations entre les drivers de la qualité de l’expérience (rapidité, pertinence…), la perception des clients de leurs expériences (facile, fiable…) et les résultats en termes de business (augmentation des ventes, nombre d’appels au call center…).

Temps 7 – Changer : coordonner et pérenniser les actions Chaque fois qu’un changement est approuvé par une politique, un process, un produit, une technologie ou un autre système qui affecte l’expérience client, il convient de redesigner de manière proactive l’expérience pour prendre en compte le changement, organiser l’entreprise autour du client et de l’expérience vécue, mettre en place les instances nécessaires au pilotage et responsabiliser les équipes pour plus d’autonomie.

Parce qu’elle ne se contente pas de modifier l’expérience livrée au client, l’expérience client en tant que discipline permet à l’organisation de redéfinir son activité et le business model qui va avec dans une logique de transformation pour ses clients et ses collaborateurs.

Cet article a été publié le 11/09/2015… et a été lu 2 043 fois

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En résumé : L’écart perçu entre l’expérience que l’on souhaite délivrer et l’expérience vécue par les clients est immense, et provient d’une mauvaise exécution liée à un défaut de méthode. L’expérience client étant une réelle discipline, elle a besoin de modèles et nous vous proposons le nôtre : les 7C. Cette méthode s’inspire des clients et adopte leur point de vue pourtransformer l’organisation par le prisme de l’expérience et se structure en 7 étapes :

C1. Capter les enjeuxC2. Comprendre les clients et les collaborateurs C3. Coconcevoir l’expérience clientC4. Connecter à la stratégie et à la culture de l’entrepriseC5. Collaborer pour mobiliser durablementC6. Chiffrer la performanceC7. Changer : coordonner et pérenniser les actions

Capter les enjeux

Pour rentrer concrètement dans le « comment » d’une démarche expérience client, je vous présente le premier des 7C : Capter les enjeux.

Capter c’est construire un socle commun de connaissances pour partager une même compréhension de la situation. Ce que l’on veut capter ce sont les regards croisés sur les enjeux de l’entreprise et sur les enjeux des clients et, plus généralement, sur l’écosystème de l’entreprise : c’est le préambule indispensable à une démarche expérience client. Et pour cela, il est nécessaire d’adopter une posture empathique pour se mettre dans les chaussures du client et envisager les situations depuis son point de vue.

Cette première étape permet de sentir, de comprendre les émotions et les attentes du client. Récolter ces informations qualitatives (en plus des informations quantitatives existantes) nécessite un pilotage et un encadrement très précis. Rajoutons qu’il est crucial de se défaire de tout a priori. Vous êtes un observateur neutre et ouvert ! Et le mieux, c’est de faire appel à des collaborateurs internes mais aussi à des spécialistes externes : ethnographes, philosophes, marketeurs, linguistes, sémiologues ont des visions des organisations et de l’humain, qui, une fois croisées, nourrissent une compréhension holistique de la situation.

La méthode : Pour réaliser cette étape, plusieurs méthodes sont utilisées. Issues de plusieurs disciplines, elles vont de l’observation des comportements des clients aux interviews et observations des collaborateurs délivrant le service, le tout illustré de nombreuses photos et vidéos. Le pilotage du temps de captation est très stratégique : il s’agit de décloisonner les silos fonctionnels en charge de la conception des expériences de service (marketing, relation client, communication, service client…) et de reconnecter

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en interne le top management et les acteurs en charge de la conception du service à la réalité vécue et perçue par les clients. On passe d’une classique connaissance quantitative des segments de clients et des processus, à une captation dite « qualitative » de l’ordre du vécu. Et pour avoir emmené sur le terrain de nombreux dirigeants, je vous assure que beaucoup d’entre eux ont littéralement découvert ce que vivaient concrètement leurs clients et collaborateurs !

Point d’enjeu : La difficulté de cette étape réside dans le fait que, rapidement, une masse d’informations très importante peut être collectée et risque donc de noyer les observateurs lors de la synthèse. De même, une approche trop superficielle et non pilotée ne permettra pas de collecter des informations viables voire de premières pistes de réflexion.

Organisation et logistique : La captation est pilotée de manière générale, ouverte et sans a priori, et s’organise en mode projet avec la désignation d’un chef de projet à l’interne pour identifier les participants, gérer les rendez vous terrain, recueillir les informations auprès des différents services. Plusieurs itérations de cette étape sont parfois nécessaires. La plupart des informations sont déjà disponibles au sein de l’entreprise. Il s’agit donc :- d’identifier les sources humaines et documentaires de connaissances et

d’informations existantes, vision stratégique d’entreprise, veille sur les sources et contenus en lien avec la thématique projet…

- d’identifier et de cibler un premier cercle de parties prenantes. Ce premier cercle, au fil de la captation, est amené à évoluer pour intégrer de nouveaux acteurs pertinents identifiés pendant les échanges (par exemple, des partenaires externes à l’entreprise).

- de créer l’équipe de captation - d’identifier les moyens à utiliser suivant la nature des captations : formats

collaboratifs (avec collaborateurs), interviews individuelles pour creuser en profondeur les enjeux perçus, remontées anonymes terrain sur des espaces d’expression physique ou encore de séquences photos, vidéos, sonores de l’environnement ou de plongées dans le vécu des clients.

- de définir une échelle commune d’observation, en validant le cadrage projet. Alternativement, cette phase de captation peut permettre de mieux définir un périmètre projet.

Timing : Le temps de captation peut se dérouler sur différentes temporalités. En fonction du degré de complexité du parcours client à construire, du scope du projet et des enjeux business, ce temps sera plus ou moins long : (de 2 à 5 jours à 1 mois) ou de façon plus permanente mais avec des processus de remontées rapides et automatisés.

Outils : La captation repose sur un ensemble d’outils à la croisée du design, de l’ethnographie et des études qualitatives permettant l’empathie et inclut:

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- l’observation fine de l’expérience vécue, empathique, émotionnelle;- l’observation in situ au sein des différentes étapes du parcours client;- l’observation silencieuse – ou shadowing – des utilisateurs sur des séquences

complètes de leurs parcours;- le questionnement en mode ouvert des collaborateurs et des clients;- la simulation de rôles sur le parcours client, permettant de se projeter dans des

utilisateurs extrêmes, caractérisant des usages émergents ou spécifiques;- l’observation contextuelle des usages

Le livrable répond à l’objectif de mise en perspective des enjeux des clients et de ceux de l’entreprise et est construit dans le 2ème temps de COMPRENDRE : c’est le parcours client. Ce livrable est multimédia (interviews, verbatims utilisateurs, photos, vidéos, enregistrements, captures et séquençage de parcours au sein de points de contact digitaux, données qualitatives, quantitatives visualisées). Des représentations plus complexes sont possibles suivant les projets.

Cet article a été publié le 25/10/2015… et a été lu 226 fois

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En résumé : Avant de débuter le travail de conception de l’expérience à délivrer, il est primordial de construire un solide socle de connaissances sur lesquelles on se basera pour mettre en place une démarche expérience client. Il s’agit de récolter des informations qualitatives afin de comprendre ses clients. - Méthode : décloisonner les silos fonctionnels traditionnellement en

charge de la conception des expériences de service et reconnecter le top management à la réalité vécue et perçue par les clients

- Point d’enjeux : adopter le bon niveau de détail dans les informations captées (trop d’informations rendent l’analyse confuse, pas assez d’informations livrent une analyse superficielle)

- Organisation et logistique : identifier les sujets à observer, créer une équipe de captation, identifier les outils à utiliser, définir une échelle commune de captation

- Timing : de quelques jours à un mois selon le degré de complexité du parcours client à construire

- Outils : observation fine de l’expérience vécue, observation in situ, shadowing, questionnement en mode ouvert, simulation de rôles, observation contextuelle des usages …

Comprendre les clients et les collaborateurs

Notre découverte de la démarche des 7C a commencé par «  Capter les enjeux », elle se poursuit par le 2ème C; celui de « Comprendre les clients et les collaborateurs ».

Comprendre, c’est structurer les informations collectées lors de la captation. Il faut en effet faire sens des données récoltées sur le terrain (documents internes, interviews, observations, etc). Comprendre, c’est aligner les besoins exprimés et non exprimés par les collaborateurs, voire dissimulés. Enfin, comprendre c’est une remise en contexte de l’expérience observée en intégrant les pratiques des concurrents par exemple.A l’issue de la phase de compréhension, vous devez être en mesure d’identifier les différentes zones d’opportunité à travailler.

La méthode : La phase de compréhension va permettre de mettre en lumière, certes les premières opportunités d’innovation, des enjeux - irritants, dysfonctionnements - à corriger, mais peut-être aussi de nouvelles connaissances à acquérir.La première étape de « Comprendre  » consiste à visualiser le parcours client à l’occasion d’un atelier qui rassemble les membres de l’équipe projet . Chaque colonne correspond à une étape d’un service vécue par le client. Chaque ligne indique, pour chacune de ces étapes, les points de contact c’est-à-dire tous les moments d’interaction entre votre organisation et les clients mais aussi les moyens utilisés par l’entreprise pour s’adresser à ses clients (collaborateur à un guichet, emails, sms, site internet, signalétique, etc).Cette version est ensuite mise au propre puis nourrie de l’ensemble des informations qui ont été collectées puis synthétisées pendant la phase de captation et qui sont issues des études, des remontées terrain - interviews et observations.

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Ce travail de synthèse va mettre en lumière :- les premières opportunités d’innovation- des enjeux - irritants clients, dysfonctionnements - à corriger- mais peut-être aussi de nouvelles connaissances à acquérirOn peut utiliser des codes couleurs pour représenter les opportunités et les enjeux et renforcer la lisibilité de l’ensemble.On demande aux participants de la démarche de captation de compléter la cartographie en leur donnant accès à la feuille excel puis on la fige et on la met en forme graphiquement pour l’atelier de co-conception. Le fait d’avoir contribué à la captation permet aux participants d’avoir une connaissance de l’ordre du vécu et de bâtir la cartographie du point de vue du client et non pas du point de vue des process internes de l’entreprise.C’est à travers les personas que le parcours va être étudié et exploité. Ceux-ci permettent d’humaniser, de concrétiser toutes les informations récoltées. 4 à 5 personas sont suffisants pour représenter l’ensemble des étapes à forts enjeux cartographiées dans le parcours client. Les personas sont crées à l’occasion d’une réunion de l’équipe en charge qui valide le parcours client complété de l’ensemble des informations et identifie les situations d’usage qui leur correspond

Points d’enjeu : Un parcours client peut vite être très fourni, très détaillé et donc devenir illisible : c’est un outil de représentation qui doit être déchiffrable rapidement et facilement. Il est important que les étapes de captation et de compréhension soient réalisées par les mêmes personnes : on apprend plus de ce que l’on vit que de ce qu’on lit ou de ce que l’on entend (learning by doing).L’étape de synthèse est essentielle car elle seule peut faire ressortir cohérence et sens entre toutes les données. Elle a aussi le pouvoir de faire ressortir des émotions qui n’auraient pas été exprimées par les acteurs, clients et collaborateurs.Il peut être necessaire de faire compléter certaines étapes par les équipes terrain avant de la figer pour l’atelier de co conception.

Timing : La phase de compréhension est initiée en atelier et se poursuit en chambre. Elle peut être complétée d’un ou deux ateliers pour valider les étapes et les informations figurant dans le parcours client. On peut aussi avoir besoin de retourner vers le terrain pour compléter la compréhension avec des informations supplémentaires.

Livrables : Le parcours client et les personas sont les livrables de la phase « compréhension ».La compréhension permet d’être plus empathique et de se préparer à la phase de co cocréation. Elle doit être conduite l’esprit ouvert afin ne pas se limiter pour la phase de co conception.

Cet article a été publié le 06/12/2015… et a été lu 233 fois

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En résumé : La seconde étape de la méthode des 7C, Comprendre, consiste à structurer et analyser les informations recueillies lors de la première étape, aligner les besoins exprimés et non exprimés de clients et collaborateurs, et replacer l’expérience vécue dans un contexte plus large. - Méthode : étudier le parcours client à l’aide de personas et en déduire

les opportunités d’amélioration, les irritants à corriger et les nouvelles connaissances à acquérir

- Point d’enjeux : la lisibilité du parcours client, l’implication d’une même équipe pour les phases de captation et de compréhension, la synthèse qui doit faire émerger la cohérence des observations

- Timing : débute lors d’ateliers, peut comporter des itérations avec le terrain

- Livrables : le parcours client et les personas

BONUS - Une société en quête d’émotions

En octobre 2014, j’organisais avec le Club Cortex, une conférence intitulée « Prendre de la hauteur avec l’expérience client » dont Gilles Lipovetsky était l’invité. Ce choix était pour moi l’occasion de rendre hommage à celui qui n’a cessé de m’inspirer depuis la parution de « L’ère du vide » en 1989. Devant un auditoire venu nombreux à la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale, place Saint Germain, il nous a rappelé que la société dans laquelle nous vivons ne cesse de mobiliser, de solliciter les plaisirs et les émotions, qu’elle nourrit notre appétit à vivre des expériences qui nous enchantent. Ceci est la retranscription de son intervention. Bonne lecture !

«  Nous sommes à l’heure où l’activité esthétique du capitalisme est devenue structurelle, exponentielle, présente dans tous les secteurs de la consommation marchande. Nous sommes à l’heure de la prolifération, de l’inflation esthétique portée par le capitalisme de l’hyperconsommation. J’ai proposé ce nouveau modèle du capitalisme : le capitalisme artiste, ou le capitalisme transesthétique. Pourquoi ? Parce qu’il se définit par l’incorporation systématique, structurelle du parallèle esthétique ou expérientielle dans tous les secteurs qui touchent à la consommation, ce qui veut dire que ça ne touche que les secteurs du capitalisme de consommation, et pas du capitalisme financier. Le capitalisme artiste, esthétique, touche le capitalisme de consommation. Cette dimension renvoie à toutes les opérations de décoration, de stylisation, de séduction des produits et de l’espace - magasins, centre commercial, restaurants, aéroports, centre-villes, gares, paysages - il n’y a plus un domaine qui échappe à cette incorporation de ce paradigme. Mais l’esthétique dépasse la simple stylisation formelle ou visuelle. Ce n’est qu’un aspect. Esthétique doit s’entendre au

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sens grec originel, aesthesis qui veut dire perceptions, sensations, affects, émotions. C’est ça la définition de l’aesthesis. Le capitalisme est ce système qui fait appel aux émotions, qui stimule les affects et les imaginaires, afin de faire rêver sans dire divertir. Le capitalisme artiste, c’est le système qui construit ce que j’appellerais le marché de la sensibilité, les espaces de la sensibilité et donc il fonctionne comme une immense ingénierie du rêve, de l’émotion et de l’imaginaire. Voilà la définition.

Il y a de nombreuses logiques qui définissent ce système. Je vais en prendre 5 traits.

1. La généralisation du design.

L’intégration ou l’incorporation du paradigme esthétique se vit fondamentalement dans cette dimension-là. Aujourd’hui, plus aucun objet, même le plus banal, n’échappe à l’intervention du design. Mêmes les produits qui autrefois étaient strictement utilitaires et qui avaient peu de dimension esthétique (téléphone, montre, lunette, matériel sportif, sous-vêtements, jusqu’aux brosses à dents) sont maintenant designés, sont rentrés dans une logique de mode et transformés en accessoires de mode. Un design qui investit à présent jusqu’au territoire des odeurs, des sons, des sensations tactiles. L’importance du design se lit dans la forme des produits, dans le réaménagement des espaces, mais aussi dans le graphisme, le packaging, le merchandising, et du coup ce qu’on appelle le design n’est plus simplement le design d’objet qui était autrefois la dimension majeure du design.

Aujourd’hui on parle de design d’environnement, du design paysagiste, de design d’ambiance lumineuse, web design, design sensoriel, olfactif, sonore, tactile. On est dans la dissémination désormais du design et qui engage comme vous le voyez bien sûr les formes, les lignes mais aussi les sensations propres, les sensations vécues du consommateur. Le design au départ ce n’est pas ça, le rationalisme d’origine ne prend pas en compte l’expérience du consommateur ou des individus. C’est une activité rationaliste, assez proche de celle de l’ingénieur. C’est le design de Kröger, de Le Corbusier, des designs fonctionnalistes. Il y en a toujours, bien évidemment mais à côté de celui-là il y en a d’autres qui se sont multipliés et qui s’ouvrent désormais à l’imaginaire, au pouvoir d’évocation sentimentale des espaces et des objets, la dimension sensorielle des consommateurs ou des clients. Une grande part des décisions d’achat aujourd’hui comprend ces éléments émotionnels et le design ne se contente plus de construire un produit fonctionnel, utilitaire, économique, vrai, mais il cherche à raconter une histoire, à faire rêver, à donner du plaisir. Il y a un nouveau mariage entre le design et la séduction alors que le design d’origine voulait rompre avec les logiques de séduction dont Laus disait que c’était un crime, je vous le rappelle. Nous sommes sortis, je crois, de ce modèle car nous voyons la réincorporation de cette dimension du plaisir, le réenchantement de l’objet marque une vraie cassure de l’histoire séculaire du design.

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2. L’escalade de la mode et du spectaculaire.

Nous sommes à une époque où à présent les produits, les jeux, les sports, les accessoires, les espaces, tout rentre désormais dans un mécanisme de mode, de séduction, c’est-à-dire de renouvellement accéléré de l’offre. C’est particulièrement visible dans l’Europe aujourd’hui : chaque année, c’est plus de 20 000 nouveaux produits qui font leur apparition sur les marchés européens de grande consommation, plus de 800 millions de parfums sont vendus sur le marché mondial chaque année. L’accélération et l’obsolescence du produit s’observent partout dans le monde ; tout va toujours plus vite, les produits sont hors circuit non pas parce qu’ils sont hors fonction mais parce qu’ils sont dépassés par de nouveaux produits qui viennent s’offrir sur le marché par un renouvellement systématique. Donc nous sommes rentrés dans un monde restructuré par la logique de la mode (qui a toujours été une logique de renouvellement permanent) sauf que cela touchait les vêtements essentiellement alors qu’aujourd’hui ça a annexé l’intégralité de notre environnement: les objets mais aussi quand on regarde les magasins et les espaces haut de gamme, là aussi, nous avons un renouvellement de plus en plus systématique de l’environnement spatial du lieu commercial. Escalade d’éphémère, mais aussi escalade du spectaculaire.

On dit parfois que la société du spectacle est dépassée parce qu’on est dans la société d’internet, des réseaux interactifs, la société de la transparence et de l’authenticité. Je crois que ce n’est pas vrai : je crois que c’est le contraire. Jamais la dimension spectaculaire n’a eu autant de relief. Il y a de plus en plus de spectacles, avec de plus en plus d’images, de gigantisme, d’impact visuel et de divertissement. On est bien souvent dans une logique de surenchère, de toujours plus, d’hyperbolisme du spectacle. Les exemples ne manquent pas : prenez le cinéma, des superproductions aux budgets colossaux qu’on appelle des blockbusters, des défilés de mode qui depuis quelques années se sont un petit peu corrigés, mais il reste des logiques de présentation extrême, au Grand Palais, des énormes spectacles de mode, l’architecture elle, les gratte-ciels de plus en plus hauts dans le monde, les centres commerciaux gigantesques se multiplient ; les mégapoles qui fleurissent à travers le monde avec des hôtels, des golfs, des piscines, des lieux de divertissement qui intègrent de plus en plus les espaces expérientiels ; des paquebots de croisières sont de plus en plus gigantesques.

Nombre de musées maintenant apparaissent comme des architectures spectacles en vue d’un effet image et de l’essor du tourisme culturel. Les parcs de loisirs se multiplient avec des divertissements kitsch : des spectacles de sons et lumières, des parades. Il s’agit au fond de faire image, de provoquer des émotions et des stimulations immédiates. Et cela pourquoi ? Pour se différencier, pour gagner de nouveaux marchés, pour marquer les sensibilités. Le capitalisme artiste pousse toujours plus loin la recherche des effets pour séduire, pour amuser, distraire un nombre croissant de consommateurs. La société de l’hyperspectacle unit l’économie, le divertissement, la séduction, l’expérientiel. Désormais nous sommes dans une société qui transforme toute chose en culture. L’information, les jeux, les spectacles tout cela vient illustrer cette dimension de l’hyperspectacle et de la séduction. Le

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capitalisme artiste est le système qui s’emploie à créer une magie, un état de magie enchantée à l’heure du désenchantement du monde.

3. La logique de l’hybridation, la logique du croisement.

Le capitalisme artiste se caractérise en effet par un système qui brouille systématiquement les anciennes oppositions de la modernité entre l’économie, l’art, la mode, le culturel. Le capitalisme moderne, celui du 19e siècle, était fondé sur une logique de différenciation. Là où était le culturel et le religieux, la modernité au nom de la rationalité et de l’efficacité va se séparer. Les logiques sont différentes : le monde de l’art n’est pas le même que le nôtre et les artistes méprisent le monde économique. Il y a des séparations où la mode se différencie, il y a des liens mais ce n’est pas le même monde. Alors je crois que c’est ça qui est en train de se produire : on est à l’heure du mélange des genres, des croisements, de l’hybridation de l’économie et de l’art et c’est ça qui justifie l’idée d’un capitalisme transesthétique. Il y a un mariage.

Notre époque est marquée par une relative dé-différenciation des sphères de l’économie et de l’esthétique. Il y a une dérégulation entre les sphères de l’industrie et du style, de la mode et de l’art, du divertissement et de la culture, du commercial et du créatif, la culture de masse et la haute culture. Chaque jour, le monde industriel se croise un peu plus avec l’univers de la mode : les ustensiles de cuisine, les salles de bain, la lingerie, le matériel sportif, tout ça, des objets purement fonctionnels deviennent des articles de mode, des accessoires de mode. Les partenariats avec les notoriétés de la mode se renforcent : Karl Lagerfel a redessiné les bouteilles de Coca Cola, Stella Mc Cartney a sorti des mini-collections pour H&M. Vous voyez ? je multiplie les exemples qui montrent que le monde de l’art, et le monde du show business, qui étaient des mondes relativement autonomes, aujourd’hui viennent se croiser avec d’autres univers. Buren a travaillé pour Hermès, qui incarnait dans les années 60 l’avant-garde qui vomissait le capitalisme et la sphère marchande. Murakami, Stephen Sprouse ont signé des articles pour Vuitton. On peut multiplier les exemples.

Nous sommes à l’heure du lissage des genres, de la déstabilisation des distinctions traditionnelles entre culture artistique et culture matérielle, art et économie, avant-garde et marché, création et industrie. De plus en plus, on voit dans ces nouvelles hybridations créatives un pacte de performance qui permet de renforcer la notoriété et l’image des produits, des enseignes, parce que ça touche précisément les émotions, l’expérientiel, dès l’instant où vous faites intervenir ce paramètre esthétique, c’est l’ensemble du système qui se coule. L’ensemble du système économique était fondé sur un élément simple, sur les formes par exemple, avec Ford les machines seraient capables de créer des voitures en série etc. Il y a un refus systématique de l’expérience même, elle est la même pour tout le monde, une voiture pas chère et une voiture qui marche. Il n’y a aucun sens de forme, 1910-1920, c’est le rationalisme

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du départ. Et là on se rend compte qu’on est dans un tout autre système qui se met en place.

4. L’esthétisation des désirs et comportements.

Il y a le changement de l’offre mais il y a également une transformation du côté de la demande des individus. On n’arrête pas de dire que le système dans lequel nous sommes prolétarise les consommateurs parce qu’on a un nombre croissant de fast foods, de télévision, du zapping … Dans cet univers-là, l’expérience esthétique ne cesserait de décliner, et au fond brise l’expérience qualitative. Il y a des tas d’exemples qui viennent étayer la thèse de la prolifération mais en même temps on a mille autres exemples qui vont dans le sens opposé car nous sommes désormais dans un monde où les consommateurs sont de plus en plus désireux de paysages, de patrimoines, de tourisme, de décoration des intérieurs, de jardins, d’ambiance, de décoration. Jamais on n’a consommé autant de musique, de concerts, de films, de festivals. Les nuits banches à Paris chaque année c’est plus de deux millions de personnes. C’est pas des phénomènes esthétiques à l’ancienne, tout le monde qui regarde des films, qui va au musée, qui regarde les chefs d’œuvre de l’humanité, ce n’est pas ça ; il y a une sorte de quête esthétique qui signifie ici expérientielle au sens aesthesis comme je l’ai dit tout à l’heure. On n’est pas là pour faire des analyses sémiotiques des œuvres d’art. Ceux qui vont visiter ces lieux veulent vivre une expérience. Nous assistons non pas au dépérissement de masse de la sensibilité mais je pense à la démocratisation des aspirations et de l’expérience esthétique au sens global que j’ai défini tout à l’heure.

La vérité est que le capitalisme artiste a enrichi les attentes esthétiques des individus, l’appétit des sensations et des expériences nouvelles. De fait, le capitalisme artiste ne cesse de développer une consommation de plus en plus abondante d’expériences esthétiques au sens originel du terme. Voyez la musique, avant c’était dans les fêtes de temps en temps, deux-trois dans l’année ; aujourd’hui c’est non-stop. Les jeunes écoutent de la musique non-stop, ils écoutent leurs playlists, sur les différents médias, la musique est devenue un antidote expérientiel permanent. Le capitalisme a contribué à créer un regard, un mode de perception désintéressé, une distance du regard, autrement dit un consommateur esthétique ou transesthétique, c’est-à-dire à la recherche, comme disait Valéry, des « impressions inutiles » qui sont caractéristiques de l’expérience esthétique.

Prenons un exemple : prenons le touriste. Le touriste se promène avec des shorts horribles, des baskets, il mange ses sandwichs avec ses papiers gras, il parle fort, bref c’est l’horreur. Mais en même temps qu’est-ce qui motive ce touriste ? Il va aux quatre coins du monde pour quoi faire ? Il va voir sans vivre les choses : il se promène, il va voir des musées, des villes, des pyramides, des cathédrales, des temples, ce que vous voulez, mais il va pour vivre des émotions, des sensations, quelle que soit la part de vulgarité qui peut l’accompagner. Les deux choses peuvent aller ensemble. Reste que dans l’essentiel, vous avez là une formidable expression de ce néo-consommateur à l’affût non pas d’utilité mais comme le disait Valéry d’impressions

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inutiles, purement expérientielles. Il veut voir, sentir, alors il prend des photos, ce consommateur.

Alors bien sûr, il est vrai que dans la société dans laquelle nous sommes a brisé les codes capables de nous faire comprendre les chefs d’œuvre dont nous sommes témoins durant ces voyages – le visiteur de musée reste entre 5 et 10 secondes devant un tableau – par rapport à une vision académique de ce qu’est l’expérience esthétique, face à ça les gens ne comprennent rien, c’est normal : il faut les codes, quelqu’un. Vous n’êtes pas un spécialiste, un égyptologue. Mais justement c’est exactement ça : ce n’est plus une expérience savante, c’est purement une expérience esthétique, on ne comprend même pas. Et donc le consommateur esthétique aujourd’hui transforme en esthétique ce qui ne l’était pas. Ce n’était pas des projets esthétiques. Par exemple au Quai Branly au Musée des Arts Premiers, vous voyez des totems, des masques qui n’étaient pas des objets esthétiques. Ils étaient intégrés dans l’univers – des objets magiques, faits pour la guerre, plein de choses -, le problème n’était pas de plaire ou de ne pas plaire, il n’y avait pas de problème esthétique. Contrairement à ce qui est dit, il n’y a pas prolétarisation mais il y a démocratisation de l’expérience esthétique, du goût de l’esthétique, quelle que soit l’absence de repères et de capacité de l’intelligibilité des choses parce que nous ne sommes plus dans un monde fermé. Il faut allier les deux, les deux sont vrais. A partir de là, gardons ce modèle tout simplement ambivalent.

5. Quels sont les impacts sur le consommateur ou la consommation ?

Avec le capitalisme artiste, nous sommes entrés dans une nouvelle logique. La consommation était dans les trente glorieuses une consommation fondée sur un développement d’une consommation semi-collective. La maison, la voiture, la télé, étaient pour la famille. Depuis une trentaine d’années, c’est un autre jeu qui se met en place, c’est une consommation fondée sur les individus. Il y a plusieurs télés dans la maison, plusieurs ordinateurs, appareils, des consoles. Là où il y avait une standardisation de la consommation, nous avons des expériences de désynchronisation, de délinéarisation.

Je vais prendre un exemple simple : dans les années 50, tous les Français regardaient le même programme, à la même heure, tous. Aujourd’hui vous avez la multiplication des canaux, avec le replay, les podcasts, les différés, les smartphones. Là où il y avait une massification de la consommation, vous avez une hyperindividualisation rendue possible par les nouvelles technologies qui rendent possibles des pratiques de désynchronisation là où tout était synchronisé. Cette désynchronisation d’ailleurs se lit jusque dans les modes de consommation : autrefois les gens consommaient en fonction de leur classe sociale. Un ouvrier consomme comme un ouvrier. Si une femme ouvrière voulait un chapeau dans un magasin un peu chic, il valait mieux qu’elle se pende. Aujourd’hui vous avez une dérégulation des comportements de consommation car on n’a plus de culture de classe. Il y a toujours, il y a même un renforcement des inégalités économiques mais il n’y a plus de culture de classe. Du

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coup les gens mélangent les repères. Nous sommes au début de processus de désynchronisation, de dérégulation des comportements. Vous avez des comportements où on voit cohabiter à la fois le goût du rare, du luxe et le simple. Les gens mélangent les choses sans que ce soit mis à l’index du tout.

Les gens sont devenus des opérateurs qui, en fonction de la démultiplication des besoins, font des achats. La logique de l’essor ne vient pas de la misère, il vient du fait de l’excroissance des besoins que les gens veulent plus qu’ils ne peuvent. Ils ont fait des économies ici pour dépenser ailleurs. On va prendre un avion en première par exemple pour aller dans un très bel hôtel, mais on peut aller prendre le bus. C’est ce qui fait la difficulté aujourd’hui de classifier les consommateurs selon les catégories socio-professionnelles parce qu’il n’y a plus de culture de masse. Quand il n’y a plus de culture de masse alors vous avez des comportements erratiques, des comportements dérégulés caractéristiques. On voit que les motivations des consommateurs ont changé. On fonctionnait au concret, au fond sur le modèle de Hegel, avec une consommation de type statutaire, c’est le signe de réussite sociale. Qui aujourd’hui achète une télévision pour la montrer à ses voisins ? C’est fini.

Aujourd’hui nous sommes entrés dans une logique de consommation émotionnelle ou une consommation expérientielle. On achète des produits pour le plaisir, pour ressentir des choses. On n’achète pas des smartphones pour se montrer, pas du tout : on achète des smartphones pour être joint, jouer, échanger sur les réseaux sociaux, prendre des photos. C’est le plaisir qui est acheté et il n’y a pas de statut honorifique, ça a totalement changé. On est dans une logique profondément expérientielle, à travers l’expérience la plus banale aujourd’hui de l’acte de consommation. Cette expérience émotionnelle dépend de l’explosion d’internet, des smartphones, de toutes ces nouvelles technologies qui permet une dérégulation de l’acte d’achat. Là où autrefois on était tributaire des horaires, des programmes, des magasins, aujourd’hui vous êtes un consommateur non-stop, un hyper-consommateur, chez vous à 4 heures du mat’ vous achetez ce que vous voulez sur Internet. Évidemment les choses se bousculent avec une consommation complètement virtualisée. Le paradoxe c’est qu’à mesure qu’il y a l’univers virtuel qui se développe, on voit monter une demande de qualité expérientielle dans de multiples aspects. Une tendance est immédiatement contrebalancée par une autre. Vous avez une formidable virtualisation mais qui ne conduit pas à l’appauvrissement de l’expérience, au contraire. L’essor des spas, des thalasso thérapies … Vous voyez l’essor des sports de glisse, du goût des gens de la décoration de leur intérieur : il y a aujourd’hui une formidable demande de qualité et non tout simplement de quantité.

Les trente Glorieuses, c’était ça. Nous voulons moderniser notre environnement, développer des espaces qui enrichissent l’expérience du moment. D’un côté un univers de l’immatériel qui ne va pas porter atteinte aux lieux physiques et de l’autre un certain nombre d’expériences. Pourquoi les expériences ? Parce que la consommation est recherche d’expériences nouvelles, vivre des choses nouvelles comme une manière de briser la routine des jours : vivre des choses. Il y a une sorte d’appel à une jeunesse perpétuelle. Ce qui se recherche c’est le refus de la répétition. Et chaque expérience de consommation apporte un peu de beauté. Il se passe

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quelque chose, un semblant d’aventure. Cela peut également être une manière de compenser les frustrations de la vie. C’est pourquoi il y aura de plus en plus d’immatériel, de virtuel, de numérique et en même temps la place pour de formidables expériences au niveau réel. L’idée que le virtuel tue le live, tue l’expérience des gens est une contre-vérité. Regardez : des gens qui vont dans les bars, etc. Pourquoi aller dans les bars, les restaurants, faire la queue dans les musées ? Les gens paient l’expérience alors même qu’ils sont suréquipés avec les smartphones, les tablettes. Voyez ? c’est ce paradoxe qu’il faut comprendre. Les marques font appel elles-mêmes à des formes de design dans lesquels ils vont intégrer cette dimension esthétique et expérientielle.

A propos de la consommation collaborative qui se développe, avec un consommateur expert professionnel, extrêmement distancié par rapport à ça qui ferait qu’au fond l’univers d’hyperconsommation serait quelque chose du passé et nous vivrions quelque chose de beaucoup plus raisonnable, responsable. La collaboration existe mais si l’analyse que j’ai proposée est exacte, la consommation aujourd’hui remplit des fonctions complexes. Nous sommes sortis de l’univers traditionnel. Dans cet univers-là dans lequel y vécu 99,9% de l’humanité, la recherche expérientielle est extrêmement démocratique : on dansait de la même manière, on s’habillait de la même manière, on mangeait de la même manière, pendant des générations. C’est devenu intolérable aujourd’hui, parce que nous sommes dans une société de consommation. Quand la tradition recule, la demande d’expérience croît, de recueillement du vécu perpétuellement. Les gens qui sont dans la consommation collaborative sont dans ce modèle-là : ils le font car c’est un modèle économique qui le permet. Avec un site internet vous allez pouvoir faire un voyage, avec une voiture à 4 vous allez aller à l’autre bout de la France vous allez payer 30€ au lieu de payer 150 avec la SNCF. C’est la même chose pour le tourisme : ce n’est pas du tout un refus. C’est parce qu’il faut pouvoir être dans cet univers-là expérientiel que de nouvelles formes de consommation peuvent se développer. On n’est pas dans une consommation purement éthique, responsable, mais la consommation éthique se développe en même temps que la consommation expérientielle : elles ne sont pas antinomiques. C’est cette nouvelle hybridation qu’il va falloir faire, qui va devenir impérative. Il va falloir varier les contraires. Jusqu’alors les titres responsabilité et puis esthétique de la consommation étaient des choses totalement séparées. Il ne faudra pas faire valoir l’un sur l’autre mais le varier. C’est vrai en particulier pour le luxe où on voit de plus en plus la volonté de marier la dimension responsable, verte, écologique avec une dimension expérientielle, esthétique. Le jeu est rebattu mais il se perpétue en intégrant de nouveaux paramètres en permanence. »

Gilles Lipovetsky

Cet article a été publié le 22/11/2014… et a été lu 1 209 fois

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