Le Journal de Notre Amérique n°2

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Bruxelles, Mars 2015, Investig'Action

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SOMMAIRE

La une : Fleur de luttes Cecilia Zamudio

L' Edito du Journal de Notre Amérique

Alex Anfruns & Michel Collon

De Salvador Allende à Hugo Chavez, le socialisme contre la barbarie Tarik Bouafia

« Coup bleu » au Venezuela : ce qu’ occulte l’«accord de transition» de la droite vénézuélienne

Luiginio Bracci

Le dessin du mois: yAce

Dossier Ayotzinapa : Le Mexique : entre glorifications et silence médiatique Tarik Bouafia

Que faire face au «Plan Condor» médiatique en Amérique Latine Interview de Fernando Buen Abad par Alex Anfruns

Mexique : comment en est-on arrivé là ? Interview avec Luis Martinez par Tarik Bouafia & Raffaele Morgantini

Brèves & Médiamensonges Investig'Action Bruselas-Caracas

25 vérités de la Présidente de l’Argentine Cristina Fernández aux Nations unies

Salim Lamrani

La guerre contre le Paraguay : une guerre impérialiste méconnue

Tarik Bouafia

L’Edito du Journal de Notre Amérique

ALEX ANFRUNS ET MICHEL COLLON Des quatre coins du monde, vous réservez depuis un mois un accueil très chaleureux à notrenouveau « Journal de Notre Amérique ». Nous vous en sommes très reconnaissants. Fidèlesà nos engagements, nous avons le plaisir de vous présenter tout de suite le numéro 2.

Comme annoncé dans le premier numéro, notre objectif est ambitieux : contrecarrer lapropagande des grands médias. Un exemple particulièrement frappant et constant : letraitement réservé au Venezuela depuis le triomphe de la révolution bolivarienne il y a seizeans. En effet, le 13 février dernier, le Venezuela révélait l'échec d'une énième tentative decoup d'Etat : un plan macabre planifié par la droite et supervisé depuis Washington. Avec lesmêmes soutiens en coulisses que lors du putsch de 2002 contre Chavez. Comme Jean Ortizle révélait dans notre numéro 1, ce plan prévoyait, entre autres, le bombardement aérien desinstallations de TeleSur (800 personnes !).

Eh bien, chers lecteurs, avez-vous entendu s’indigner nos grands amis de la démocratie etde la liberté d'expression dans les médias français ? Ni à la télé, ni dans les journauxmainstream. Pourtant, dans le contexte traumatisant de la société française post-Charlie, rienn'aurait été plus logique. Et quel a été l'accueil réservé en Europe au comité des victimes des"guarimbas", en tournée ce mois de février dans plusieurs pays (Belgique, France,Espagne…) ? Formé par les proches des victimes, ce comité a été créé pour rétablir la véritéet signaler les vrais responsables des événements qui causèrent la mort de dizaines depersonnes durant le processus de déstabilisation du Venezuela début 2014.

Encore une fois, le silence a régné avec paternalisme et mépris. Il y aurait donc les« bonnes » et les « mauvaises » victimes. Les victimes dont il ne faut pas parler dans lesmédias, sont celles des guarimbas, ces barricades conçues pour semer le chaos et la terreursystématique dans certains secteurs de Caracas. Mais aussi les 43 étudiants disparusd'Ayotzinapa au Mexique. Quant aux milliers de morts résultant de la répressionsystématique contre les militants des droits de l'homme et ceux qui défendent les servicespublics en Colombie et au Mexique, il ne faut surtout pas en parler, puisqu'il s'agit desvictimes du modèle néolibéral. Aussi graves que soient les violations des droits de l'hommedans ces pays, les médias vous parleront de "démocraties" plutôt réussies, car ellesfavorisent les intérêts des multinationales occidentales.

Les « péchés » impardonnables de Chavez sont aussi ceux de Maduro : face au sabotageéconomique, il défend un monde multipolaire, se tourne vers l'Asie et la Russie, et renforceainsi le contrepoids des pays du Sud face à la cupidité de l'impérialisme états-unien. Sur leplan intérieur, Maduro renforce les politiques sociales, augmente le salaire minimum,favorise la participation des femmes, des jeunes et des communautés indiennes. Il leur rendle pouvoir qui leur a été si longtemps nié. Bref, le Venezuela de Maduro rend lasouveraineté au peuple. Il tient tête à l'impérialisme qui prétend le monde entier.Aujourd'hui, la bataille des idées est plus que jamais nécessaire.

De Salvador Allende à Hugo Chavez,le socialisme contre la barbarie

Plus de quarante ans se sont écoulésdepuis le coup d’État militaire du généralAugusto Pinochet au Chili. Après lesdécennies noires qu'a connues l'AmériqueLatine en proie aux dictatures, après la«décennie perdue» des années 1990 quifurent marquées par les politiquesnéolibérales aux conséquencesdésastreuses, les années 2000 marquèrentun tournant historique pour le continentlatino-américain.

Du Nicaragua à l'Argentine en passant parla Bolivie, des politiques redistributivesfurent mises en place avec plus ou moinsde radicalité. Un pays, le Venezuela,devint le fer de lance de cette résurrectionlatino-américaine. Emmené par sonprésident charismatique Hugo Chavez, lanation caribéenne entama une révolutionpolitique, économique et socialeambitieuse. Nationalisations de secteursstratégiques, investissement massif dansl'éducation, la santé, le logement, adoptiond'une nouvelle constitution qui institue unevéritable démocratie participative...

Quant à la politique extérieure, le dirigeantvénézuélien a toujours exprimé un rejetviscéral face à l'impérialisme états-unienet n'a cessé de travailler pour qu'émerge unbloc du «Sud» avec des pays commel'Iran, le Brésil, la Russie, la Chine et lesautres pays latino-américains pour ainsilutter contre l'hégémonie de Washingtonsur le continent et dans le monde. Toutesces mesures-là ont eu le don d'agacersérieusement l'ancienne oligarchievénézuélienne représentée par les partisAction Démocratique (AD) et Copei quiont gouverné ensemble pendant près de 40ans mais aussi et surtout les États-Unis qui

Karl Marx a un jour écrit: «celui qui ne connaît pas l'histoire est condamnéà la revivre». Est-ce le cas pour la révolution bolivarienne qui fête cetteannée ses seize ans de lutte? L'expérience vénézuélienne connaîtra-elle lemême sort que la révolution chilienne conduite par Salvador Allende? C'estcertainement le rêve que font chaque nuit les opposants à la révolution.L'extrême droite vénézuélienne soutenue par les États-Unis rêve d’unnouveau Pinochet. Washington de son côté fantasme sur un nouveau 11septembre vénézuélien en référence au 11 septembre 1973 au Chili. Lesennemis de la révolution s'avèrent être toujours les mêmes: l'oligarchieapatride et l'impérialisme états-unien. Les premiers souhaitent reprendreleurs privilèges, les seconds s'emparer à nouveau du pétrole. Mais legouvernement vénézuélien, appuyé par une majorité de son peuple, n' entendpas se laisser faire... par Tarik Bouafia

voyaient dans la révolution bolivarienneun remake de l'expérience chilienneconduite par Salvador Allende quaranteans plus tôt. Par conséquent, ce qui avaitété tenté et réussi au Chili devait sereproduire au Venezuela. Coup d’Étatmilitaire, guerre économique, guerremédiatique, guerre psychologique...

La guerre économique

Peu de temps après l'élection de SalvadorAllende, le président Richard Nixon, aprèsavoir soutenu farouchement l'opposition àl'Unité Populaire (UP), chargea sonsecrétaire d’État Henry Kissinger depréparer un plan pour «faire hurlerl'économie chilienne». Étant donné queWashington avait échoué à faire barrage àSalvador Allende dans les urnes, il fallaitdésormais trouver de nouvelles combinespour renverser le présidentdémocratiquement élu. On utilisa doncl'économie comme arme de destructionmassive. Le but était de créer des crises àrépétition, d'organiser des pénuries,d'instaurer le chaos... Bref, il fallait créerun sentiment de mécontentement au seinde la société chilienne pour délégitimer legouvernement populaire de SalvadorAllende et ainsi le pousser vers la sortie.

Pour cela, les États-Unis s'appuyèrent surses alliés de l'oligarchie chilienne. Toutd'abord, cette dernière, qui avait perdu sonpouvoir politique mais qui gardait encoreson hégémonie économique, entama uneguerre sans merci contre le gouvernementet en définitive contre le peuple chilien.Un petit groupe de capitalistes était alorsles «propriétaires» du Chili. Il s'agissait dela richissime famille Edwards qui détenait

notamment le journal El Mercurio, unquotidien qui joua un rôle central dans lerenversement du président Allende, de lacélèbre famille Matte Perez ainsi que deJosé Alessandri, ancien président chilien,qui devint après sa défaite contre SalvadorAllende en 1970 le président de lapuissante entreprise de la CompagnieManufacturière de Papiers et de Cartons(CMPF).Tous ces puissants bourgeois à la solde desEtats-Unis qui dominaient alors le Chiliétaient chargés de «faire hurler l'économiechilienne». Pour cela, ils utilisèrent unearme très performante: la spéculation etl'accaparement. Il s'agissait alors deproduire ou d'importer des marchandisesmais de ne pas les mettre en vente. Cesdernières étaient stockées dans d'immenseshangars. On spéculait sur tous types deproduits mais spécialement sur ceux depremière nécessité comme le papiertoilette, les œufs, la farine, le sucre, le lait,le riz... Toutes sortes de produits basiquesdont les Chiliens avaient besoin pour vivreconvenablement. Ces pénuries n'étaientdonc pas la conséquence del'incompétence du gouvernement ou d'unmanque de production. Non, elles étaientsoigneusement orchestrées par les maîtresde l'économie chilienne largementsoutenue par les États-Unis. Comme l'aaffirmé l'ancien vice-président de laBanque Centrale chilienne, Hugo Fazio :«si on étudie les chiffres de l'économiechilienne de cette période (1970-1973), laproduction chilienne n'a jamais diminué,donc de ce point de vue, on ne pouvait pasexpliquer le désapprovisionnement» (1). José Cadermatori qui fut nommé ministre del'économie en 1973 par le président Allendeconfirme les propos d'Hugo Fazio : «Le volume de la production se maintenaitmais le problème, c'est que les produitsn'étaient pas mis en vente. Ils étaientaccaparés, cachés, pour ainsi spéculer surces derniers ou bien pour des raisonspurement politiques» (2).

Tous ces produits qui disparaissaientmystérieusement réapparurent à la suite ducoup d’État et de la prise de pouvoir dudictateur Pinochet.De leur côté, les États-Unis étaient prêts àtout pour en finir avec celui que Nixonqualifiait de «fils de pute» (3), enl'occurrence Salvador Allende. Desgrossièretés qui témoignent de la haineimmense que Washington portait augouvernement populaire chilien.

Dès 1970 donc, de nombreuses banquesétats-uniennes bloquèrent les crédits ausecteur bancaire chilien. A la fin de l'année1970, c'est au tour de la Banque Mondialesous contrôle des États-Unis de stopper sescrédits à Santiago. Washington faisaitégalement pression sur ses alliéseuropéens pour que ces derniersn'investissent pas au Chili. Et puis onpourrait citer le sabotage électrique de1972 ou encore le financement par legouvernement états-unien de la grève descamionneurs qui paralysa tout le territoirechilien. Ainsi, pendant tout le mandat deSalvador Allende, les agressionséconomiques ne faiblirent pas. Il fallaitabsolument faire plier un gouvernementqui avait osé s'attaquer aux intérêts états-uniens dans le pays en nationalisant, et cefut le plus grand «crime» que commitAllende, les gigantesques mines de cuivrealors sous contrôle des multinationalesétats-uniennes. Cette nationalisation d'unsecteur stratégique de l'économie ne fait-ilpas écho à une nationalisation d'undomaine tout aussi stratégique dans unautre pays de la région? Il est bienévidemment ici question de l'étatisation del’industrie pétrolière par le gouvernement

vénézuélien d'Hugo Chavez. Quarante ansd'écart mais les mêmes déterminations etle même volontarisme politique. Et qui ditrévolution similaire dit déstabilisationssimilaires!A l'arrivée au pouvoir du commandanteChavez, plus de la moitié de la populationdu Venezuela vit sous le seuil de pauvreté.Un million et demi de Vénézuéliens nesavent ni lire ni écrire et deuxVénézuéliens sur trois n'ont jamais vu demédecin. Pendant que la masse du peuplesouffre de la faim et de la misère, unepetite poignée de nantis s'enrichit grâce àl'argent de la rente pétrolière. Lesmultinationales états-uniennes de leur côtéaccumulent les bénéfices records. Lesinégalités sont criantes et les choses nesemblent pas près d'évoluer. Le présidentChavez décide donc de donner un plusgros poids à l'entreprise pétrolièrenationale PDVSA pour ainsi développer lepays et réduire la pauvreté.

La réaction de l'opposition et des États-Unis ne se fit pas attendre. En 2002, desmilliers de travailleurs de PDVSA semirent en grève du jour au lendemain, sansraison valable. On apprendra quelquestemps plus tard que ces grévistes avaientété payés par la CIA (4) pour cesser letravail et ainsi paralyser toute l'économievénézuélienne très dépendante du pétrole.Camionneurs chiliens, travailleurspétroliers vénézuéliens. Même méthodepour les mêmes objectifs.

En 2012, la raffinerie de Amuay explosemystérieusement faisant 48 morts et 156blessés. Quelques jours plus tard, dans unentretien à la télévision publique, le vice-président de PDVSA Eulogio Del Pino,affirma que le gouvernement n'écartait pasla thèse du «sabotage économique». Enfin, ces deux dernières années,l'offensive de l'opposition vénézuélienne aredoublé en intensité. Il faut dire que cetteopposition a de quoi être désespérée. Eneffet, elle ne cesse de perdre électionsaprès élections. La défaite électorale estpermanente, que ce soit pour les électionsprésidentielles bien sûr, législatives, maisaussi municipales que le Parti SocialisteUnifié du Venezuela (PSUV) a largementremportées en décembre 2013. Pourtant,la droite vénézuélienne avait fondé tousses espoirs dans Enrique Capriles,notamment après la mort du commandanteChavez. Mais rien n’y a fait. Toute cettefrustration-là a donc poussé ceux quidétiennent encore un fort pouvoiréconomique au Venezuela à redoublerd'efforts pour déstabiliser le présidentNicolas Maduro en utilisant une méthodedéjà utilisée quarante ans plus tôt auChili : la spéculation. La bourgeoisievénézuélienne reproduit à la lettre lesactions menées par l'élite chilienne contreSalvador Allende. Parmi les représentantsdu grand capital vénézuélien, on trouvel'empire Cisneros qui possède notammentle laboratoire FISA producteur de biens deconsommation tels que shampoings,déodorants, savons … Ensuite la famille Mendoza dont lemagazine Forbes a estimé la fortune à 2,7milliards de dollars (5). Lorenzo Mendoza,le chef de cette famille détient denombreuses entreprises alimentaires quiproduisent de la nourriture de base ainsique des condiments et du vin. Comme parhasard, c'est ce genre de produit (farine,œufs, sucre...) ou encore les déodorants etautres produits de toilette qui viennent à

manquer dans les rayons dessupermarchés. Nicolas Maduro,connaissant l'histoire chilienne et ladétermination des grands capitalistes àfaire tomber la révolution bolivarienne aaccusé Lorenzo Mendoza de baisservolontairement la production et de cacherdes produits pour provoquer des pénuries.Et le président vénézuélien a vu juste. Cesdeux dernières années, ce sont des dizainesde hangars et d’entrepôts qui ont étédécouverts remplis de marchandise. Desmarchandises qui auraient normalement dûse trouver sur les étals des magasins.Également mise en cause l'entrepriseprivée Herrera C.A qui est accusée par legouvernement bolivarien de spéculer surles produits de première nécessité. Cesderniers mois, ce sont plus de mille tonnesde produits divers comme des couches oudu lait pour bébés qui ont été découvertsdissimulés. La stratégie de l'opposition bourgeoise n'apas pris une ride depuis la révolutionchilienne. Les sabotages, la spéculation,l'accaparement font partie des stratégiesfavorites pour affaiblir le pouvoir en place. DuChili au Venezuela, la guerre économique apour but de fabriquer artificiellement unesituation de pénurie et de manquepermanent. Par ce procédé, on tente dedéstabiliser non seulement legouvernement mais toute la société. Aufond, ces agissements ont deux objectifs.Le premier est économique et vise àtravers la spéculation à faire augmenter lesprix. En effet, plus un produit est rare, plusson prix grimpe. Le deuxième est denature politique. Créer ce genre desituation permet à l'opposition et auxgrands chefs d'entreprises d'accuser legouvernement d'amateurisme oud'incompétence. Et ceci a en partiefonctionné. Certains citoyens ont en effetmis sur le dos du gouvernement laresponsabilité de ces pénuries. Bien sûr, legouvernement bolivarien commet deserreurs et sa gestion économique est loind’être irréprochable. Il ne s'agit donc pas

d'analyser de manière binaire etmanichéenne la situation au Venezuelacomme le font la majorité des médiasoccidentaux. Mais force est de constaterque les preuves qui mettent en cause laresponsabilité des Cisneros, des Mendozaet autre Herrera sont irréfutables. Lestonnes de biens saisis par la GardeNational Bolivarienne (GNB) sont autantd'éléments qui mettent en exergue laviolente guerre économique qui est menéecontre l’État vénézuélien. Il serait cependant incomplet d'analyserla guerre économique qui a eu lieu auChili et qui a lieu actuellement auVenezuela sans prendre en compte unpilier essentiel de toute cette stratégie dedéstabilisation quotidienne. Cet autre pilierest évidemment le système médiatique.Comme sur le plan économique, la guerremédiatique qui fut déclarée au présidentAllende est très proche de celle qui estmenée depuis quinze ans contre larévolution socialiste bolivarienne. Voyonsça de plus près.

Guerre, propagande etmanipulations médiatiques

Au Chili, un quotidien va énormémentparticiper à la propagande et auxmanipulations en tout genre. Il s'agit dujournal El Mercurio, propriété durichissime homme d'affaires AgustinEdwards. Pendant les trois années dugouvernement Allende, le journal necessera de créer les conditions nécessairesà la chute du président démocratiquementélu. Un travail de sape qui seragrandement piloté depuis les États-Unis.

En effet, Edwards reconnaîtra plus tardque son journal bénéficiait d'unfinancement et était soumis à un contrôleéditorial strict de la part de Washington.Un rapport vient éclairer un peu plus cettealliance entre l'homme d'affaires et legouvernement états-unien. C'est le rapportChurch. Dans ce dernier, il est écritexplicitement que: «En accord avec laCIA, les efforts du journal El Mercurio onteu un rôle significatif dans la création desconditions du coup d’État militaire». Deplus, chaque numéro comportait un articlepréparé aux Etats-Unis. Les unes du journal témoignent del'offensive médiatique anti-Allende et desa volonté d'en finir avec le gouvernementsocialiste. Ainsi, après le sabotageélectrique de 1972 et la grève descamionneurs, le quotidien s'en donnait àcœur joie pour critiquer le pouvoir enplace et l'accuser de tous les maux. Iltitrait par exemple «Le Chili manque depain», «Grande grève nationale», «Alerteau désapprovisionnement» (6), «Legouvernement se met à la limite de la loi»ou encore «C'est ça le communisme»faisant ainsi un lien entre la penséemarxiste du président Allende et lespénuries qui frappaient le pays. Enfin, lesamedi 8 septembre 1973, soit trois joursavant le coup d’État militaire, le quotidienpublie un article prémonitoire intitulé «LeChili au bord de la rupture de son systèmedémocratique». Comme s’il savait déjà cequi allait se passer trois jours plus tard. ElMercurio était devenu l'organe depropagande de la droite réactionnairechilienne. Un outil très utile à la nouvelledictature qui l'utilisa pour légitimer sonimage. Le nouveau régime militaire fermaen effet tous les médias pro-Allende, fitemprisonner quarante-sept journalistes, enassassina trente et un, et ne circulèrentplus que les médias favorables au régimedictatorial dont le fameux El Mercurio.

Même son de cloche quarante ans plustard avec les quotidiens putschistes ElUniversal, Ultimas Noticias ou ElNacional au Venezuela. Mais aussi etsurtout avec les très puissantes chaînes detélévision Globovision ou Venevision quiappartiennent au groupe Cisneros Media.Tous ces médias ont effectivement joué unrôle tout aussi important qu'au Chili.

S'agissant de Globovision, la chaîne aparticipé grandement au coup d’État du 11avril 2002 contre le président HugoChavez en divulguant de faussesinformations, en montrant des images departisans de Chavez tirer depuis le hautd'un pont sans préciser que ces partisanstentaient juste de se défendre et de riposteraux tirs de snipers qui venaient de touscôtés, en affirmant à tort que Chavez avaitordonné à la police de tirer sur la foule etque ce dernier avait finalementdémissionné de son poste de présidentsous la pression de la rue. Venevision deson côté rendit un hommage appuyé dès lelendemain au travail des médias et à leurimplication dans le renversement d'HugoChavez. Dans le programme «24 horas»,Napoleon Bravo qui dirige le programmeexulte: «Je vais dire une chose et nousdevons le dire autant Venevision queRCTV (une autre chaîne anti-Chavez),merci Televen, merci Globovision».

Son interlocuteur Victor Manuel Garcia,président de l'institut de sondage Cecaajoute: «Merci aux médias decommunication» (7). Avant, pendant et après le coup d’État, lesmédias firent tout ce qui était en leur pouvoirpour provoquer le renversement dugouvernement bolivarien. Le 12 avril 2002, aulendemain du coup d’État, El Universal titrejoyeusement «Se Acabo!» (8) (C'estterminé!). Le même jour, le quotidienUltimas Noticias titre en une «Chavez serinde» (Chavez s'est rendu) et écrit plusbas «Des snipers provoquent un massacreaprès la marche: 13 morts et 100 blessés».(9) En accusant le «régime chaviste» d'avoirtiré sur les manifestants, les différenteschaînes de télévision, de radio ainsi queles journaux tentèrent en vain dedécrédibiliser et de délégitimer leprésident élu quatre ans plus tôt. Car, enréalité, le nombre de morts avait étédiscuté à l'avance par l'opposition quisouhaitait ainsi montrer au monde entier la«tyrannie» chaviste. Les événementsd'avril 2002 n'étaient en définitive passeulement un coup d’État militaire maisaussi un coup d’État médiatiquemagnifiquement mis en scène dans ledocumentaire La révolution ne sera pastélévisée. Deux jours plus tard, lesmanifestations monstres des partisans duprésident déchu mirent fin à ce coup deforce et le président Chavez reprit sonposte le 13 avril au soir. Néanmoins les médias n'avaient pas ditleur dernier mot et, à la fin de l'année2002, la grève des travailleurs pétroliersqui provoqua de grandes pénuries leuroffrirent une nouvelle occasion des'attaquer à la révolution bolivarienne. Ilssurfèrent sur cet événement pour alarmerla population et la monter contre songouvernement. Les différents journauxtitraient leurs articles ainsi: «Lessupermarchés rationnent la vente decertains produits», «Manque demédicaments» ou encore «L’inquiétude

internationale augmente au sujet duVenezuela».(10) Peine perdue! Malgré lescampagnes médiatiques défavorables et ladouloureuse situation économique quisuivit la grève des travailleurs pétroliers, leprésident Hugo Chavez resta pluspopulaire que jamais. Plus récemment en 2013, les médiasoligarchiques trouvèrent une nouvelleopportunité d'attenter contre lasouveraineté du pays. Le 14 avril 2013, denouveau frustrés par la défaite électoralede leur «poulain» Henrique CaprilesRadonski, cette fois-ci contre NicolasMaduro, les médias d'oppositionattaquèrent d'emblée le nouveau présidentde la République. Le 16 avril 2013, soitdeux jours après l'élection de Maduro, ElNacional publia sur son site internet unarticle alarmant «Il faut des mesuresd'urgence pour freiner l'inflation et lespénuries» et que par conséquent «Les pluspauvres souffriront d'une inflation de5,8%». Comme si ce journal oligarchiquese préoccupait des plus pauvres, lui qui asoutenu les gouvernements qui ont le plusmartyrisé les plus faibles par despolitiques néolibérales notamment.

Enfin, force est de constater que les grandsmédias d'opposition vénézuéliens ontfortement mis à mal le professionnalismeet la déontologie journalistiques. En effet,le travail normal d'un journaliste, lorsqu'ilrelaie une information ou une photo, est de

vérifier ses sources. De ce point de vue,non seulement ceci n'a pas été fait mais,pire, les médias dominants vénézuéliensont volontairement menti sur laprovenance de certaines informations.C'est ce qu’il se passa lors des violentesmanifestations de février 2014 qui firentde nombreux morts. Pendant plusieurssemaines, des bandes armées dirigées parles leaders d’extrême droite dont LéopoldoLopez, la députée Maria Corina Machadoet le maire de la métropole de Caracas,Antonio Ledezma, semèrent le troubledans le pays. Leur but était de pousser leprésident Maduro et son gouvernementvers la sortie. C'est alors qu'entrèrent enjeu les réseaux sociaux, les pro et antiMaduro s'affrontèrent dans une guerred'image et d'informations. Les opposantspublièrent des centaines de photos quimontraient la supposée «répression» de lapolice bolivarienne. Des photos qui enréalité provenaient pour la plupart d'autresmanifestations réellement réprimées parles forces de l'ordre, comme au Chili ou enÉgypte. Ces photos furent malheureusementreprises sans qu'aucune vérification ne soiteffectuée au préalable et ceci dans le seulbut de salir et d'accuser le présidentvénézuélien d'autoritarisme. Il y a bien euparfois du côté des policiers vénézuéliensun usage excessif de la force mais celan’avait rien à voir avec les caricaturesgrossières qui ont été publiées sur la toile.

Les médias dans leur ensemble ontévolué positivement depuis les années1970. Les nouvelles technologies, internet,les réseaux sociaux ont révolutionné ledomaine des médias. Néanmoins, onconstate que les actions des médiasputschistes au Venezuela ressemblentcomme deux gouttes d'eau à celles misesen pratique au Chili quarante ansauparavant. Les grands médiasoligarchiques se sont ainsi faits les porte-parole de l'opposition d’extrême droite.Leur production journalistique est trèssouvent émaillée de mensonges, depropagandes, de manipulations,d'approximations... Ils installent une peurpermanente et font du gouvernement leseul responsable de tous les maux quitouchent la société. Alors que, nous l'avonsvu, les pénuries étaient largementorganisées par les propriétaires desgrandes entreprises. Pourquoi les Cisnerosou les Edwards qui détenaient etdétiennent les plus grands médias nedisaient pas la vérité? Tout simplementparce que ce sont eux, en tant que grandscapitalistes, qui étaient les principauxresponsables de ces pénuries. Ils n'allaientpas tout de même pas s'accuser dans leurspropres médias des problèmes qu'ilsdénonçaient. Et la boucle est bouclée. Toutcomme en Occident, la connivence entrepouvoir économique et pouvoir politiqueest intrinsèquement liée. Les grandspatrons d'entreprises sont les grandspatrons des médias. Ils défendent doncleurs intérêts et n'hésitent pas à utiliserleurs organes de propagande pour soutenirdes coups d’État et des déstabilisations entous genres. En Amérique Latine, les médiasoligarchiques n'ont pas hésité à soutenirles pires dictatures, notamment dans lesannées 1970. Au Chili, comme nousvenons de le voir, mais aussi en Argentineavec le quotidien Clarin. Ainsi, ce qui aété possible en Amérique Latine est loin

d'être impossible en Europe. Ungouvernement révolutionnaire comme auVenezuela qui prendrait le pouvoir enFrance ou en Espagne deviendraitimmédiatement la cible privilégiée desmédias dominants. Et le scénario chilien etvénézuélien ne tarderait pas à sereproduire.

Conclusion

Toutes ces guerres économiques etmédiatiques répétées à l'encontre deprésidents démocratiquement élus etinsoumis à l'ordre dominant font partied’une guerre plus large et qui s'avère êtrepsychologique. En effet, du point de vueéconomique, le fait de créer des pénuries àrépétitions provoque un sentimentcroissant d'insécurité et de méfiance. Lemanque est psychologiquement unsentiment très douloureux pour l'homme.D'autant plus lorsqu'il s'agit d'un manquede produits de base dont tout homme abesoin pour vivre correctement. De son côté, l'opposition réactionnairevénézuélienne n'hésite pas à s'afficher avecles anciens responsables de la dictaturechilienne, augmentant ainsi le sentimentde complicité et d'entraide entre cesderniers. L'opposition vénézuélienne s'estrendue à Santiago pour rencontrer desanciens hauts responsables de la dictature.Henrique Capriles Radonski s'estnotamment affiché aux côtés de Jovino

Novoa, ancien sous-secrétaire dugouvernement Pinochet et fondateur duparti pinochiste Union DémocratiqueIndépendante (UDI) ou encore avecPatricio Melero, dirigeant étudiant etmaire durant le régime de Pinochet, actuelprésident de l'UDI. Et bien sûr, lorsqu'on parle de coupd’État et de déstabilisations, on ne peutoublier le rôle que jouent les Etats-Unis.Dans un article publié dans le Guardian, lejournaliste Mark Weisbrot signale que «Ce sont 5 millions de dollars qui en 2014ont été transférés du budget fédéral poursoutenir les activités de l'opposition. Etceci n'est que la pointe de l'iceberg, si ony joint les centaines de millions de dollarsqui ont été apportés durant les 15dernières années" (11)La guerre contre la révolution bolivarienneest donc globale. Elle oppose une majoritédu peuple vénézuélien et songouvernement à l'oligarchie médiatico-

politique nationale et à l'impérialismeétats-unien. Une guerre qui vise à détruireun processus révolutionnaire et qui duredéjà depuis 1999. L'ombre de l’expérience chilienne del'Unité Populaire plane en permanence au-dessus du Venezuela. Mais, ce qui changeaujourd'hui, c'est que le Venezuela n'estpas seul en Amérique Latine et dans lemonde. Il bénéficie de l'appui denombreux pays et pas des moindrescomme le Brésil, l'Argentine, la Russie ouencore la Chine. De plus, l'intégrationrégionale impulsée par le président HugoChavez avec des organismes tels quel'ALBA ou la CELAC renforceparticulièrement la solidarité entre lesnations et les peuples latino-américains. L'Unité, voilà ce qui manqua cruellementen 1973. La leçon de l'histoire doit servir àanticiper le futur pour ne pas «êtrecondamné à revivre le passé».

Barack Obama, prix Nobel de la « Paix »...

« Coup bleu » au Venezuela : ce qu’ occultel’«accord de transition» de la droite vénézuélienne

Ces militaires ont été arrêtés ainsi qu’un desorganisateurs politiques – qui est aussi undes maires de Caracas : Antonio Ledezma,déjà connu pour ses répressions d’étudiantset de journalistes sous les régimes «démocratiques » d’avant la révolution maisaussi pour son soutien aux militairesd’extrême-droite auteurs du coup d’Etatmanqué de 2002 contre Chavez (1). Depuis,Ledezma utilisait son poste de maire pourorganiser des violences comme celles de2014 qui ont causé la mort de 43 citoyensvénézuéliens (ce plan baptisé « La Sortie »visait à créer le chaos social pour renverserle président élu, Nicolas Maduro).

Leopoldo Lopez, Maria Corina Machado, Antonio Ledezma

Le 12 février dernier, le coup d’état devaitmener à la constitution d’un « gouvernementde transition ». Le document intitulé « Appelaux Vénézuéliens, pour un accord nationalde transition », devait être diffuséimmédiatement par le quotidien El Nacional(propriétaire Miguel Henrique Otero), maisaussi les sites internet d’extrême-droite,

Vente Venezuela (coalitiond’opposition/MUD), Voluntad Popular(fondée par Leopoldo Lopez Mendoza),d’Antonio Ledezma (maire deCaracas/MUD), Congreso Ciudadano(dirigeante : Maria Corina Machado).

Maria Corina Machado, Antonio Ledezma etLeopoldo Lopez ont apposé leurs signaturesau bas de ce manifeste de caractèrenéolibéral, qui devait servir de base à unesupposée transition sans la moindre baseconstitutionnelle, exactement comme lors ducoup d’Etat contre le président Chavez enavril 2002. Nous avons sélectionné lespassages-clés de ce texte, afin d’en éclairer-et le cas échéant- en approfondir le sens.

« Préparer et organiser dans latransparence, des élections présidentielleslibres ».Commentaire : Pourquoi des électionsprésidentielles auraient-elles lieu, sachantque nous avons un président légitime enexercice, dont le mandat légal expire en2019 ? Quel sera le sort réservé à NicolasMaduro ? Sera-t-il arrêté, contraint àdémissionner ? Sera-t-il dans l’obligation deprendre le chemin de l’exil, sera-t-ilassassiné ?

« Rétablir dans leur autonomie, les diversorganes de la puissance publique, endésigner leurs représentants par desmoyens constitutionnels, restaurer lepluralisme politique et la souveraineténationale de l’Etat vénézuélien ».

Caracas, 21 février 2015. Après seize ans de révolution, l’ extrêmedroite vénézuélienne rêve encore et toujours de répéter le coup d’Etatqui coûta la vie à Salvador Allende et à des milliers de chiliens. Legouvernement bolivarien a déjoué le 12 février une nouvelle tentativeau cours de laquelle des officiers de l’Armée de l’Air allaientbombarder (notamment) le siège de la télévision latino-américaineTelesur, l’Assemblée Nationale et le palais présidentiel.

Par Luiginio Bracci Roa

Commentaire : en usant de moyensidentiques à ceux du 12 avril 2002, lorsqueles députés de l’Assemblée Nationale, lesjuges de la Cour suprême de Justice, leprocureur général de la République, leMédiateur (une des instances du PouvoirCitoyen, en charge de la promotion et de ladéfense des Droits de l’homme) ont étéarbitrairement destitués et remplacés au piedlevé ?

« Mise en application d’un calendrierdestiné à redonner confiance au pays surle plan économique » ; « Réinsertion duVenezuela au sein des circuits financiersinternationaux. Obtenir en retour, lesoutien financier nécessaire, visant àsurmonter les difficultés rencontrées àcourt terme ».Commentaire : retour aux négociations avecle FMI (Fonds monétaire international), laBanque mondiale et d’autres instancesinternationales qui conditionnent l’obtentionde prêts à l’application de politiquesnéolibérales. Avec leur cortège deprivatisations, de licenciements massifs defonctionnaires, de réduction, voire desuppression des programmes d’aides auxpersonnes (pensions, etc.). Ceci afin de «garantir » aux secteurs dont il est question, labonne obtention des aides financièresprévues.

« Désigner de nouvelles autorités à la têtedes instances économiques de l’Etat, sur labase de normes et de critères decompétence et de mérite ».Commentaire : cette démarche suppose queles contraintes d’ordre technique l’emportentsur la dimension sociale des politiques àmettre en œuvre. C’est le retour programméde la technocratie.

« Parvenir à des accords d’indemnisationpour les dommages résultant desexpropriations arbitraires ».Commentaire : toutes les terres, entrepriseset industries ayant fait l’objet d’une mesured’expropriation, ou ayant été occupéeslégalement par le gouvernement bolivarienseront restituées à leurs ancienspropriétaires. Cela implique la fin des

sociétés d’économie mixte (production debiens socialement utiles?), des communes etentités assimilées.

« On procédera à un audit de toutes lesentreprises (hors secteur pétrolier), dontl’Etat s’est indûment emparé, signe de larapacité du régime. Décider des formes depropriété et de gestion qui devront leurêtre appliquées, pour assurer leur relanceproductive ».Commentaire : privatisation des entreprisespubliques. Licenciement des travailleurs.Baisse des salaires et éliminationsystématique des avantages sociaux, pourrépondre aux critères d’« efficacité ».

«Libération des prisonniers politiques. Leretour immédiat des exilés sera facilité.»Commentaire : la libération (et leur pardon)accordée aux personnes coupables de gravesdélits – c’est le cas du banquier EligioCedeno, de Leopoldo Lopez, ManuelRosales, et de nombreux autres – supposeque l’on s’ingère dans les affaires relevantstrictement du pouvoir judiciaire. En effet cen’est pas pour leurs opinions que cespersonnes ont été arrêtées mais pour des faitsrelevant du code pénal : corruption,organisation de violences, par exemple.

Leopoldo Lopez

« Se débarrasser de la chape de plomb desmultiples contrôles, qui étouffel’économie. Réinstauration des basesjuridiques et économiques qui attirerontles investissements productifs. Et quiassureront à l’avenir, une croissancestable ».

Commentaire : fin de la réglementationrelative aux prix des produits de base ; auxtransports publics ; aux cliniques etassimilées. Suppression des mécanismes decontrôle tels que la Loi sur les prixéquitables ; du contrôle des changespermettant l’acquisition des produitsalimentaires et des médicaments de base,pour être revendus à des prix abordables. Lapriorité est donnée aux investisseurs, audétriment des intérêts du peuple vénézuélien.

« Solliciter des autorités judiciaires,l’ouverture de procès visant à réprimer lesdélits graves commis sous la responsabilitéde l’ancien gouvernement. »Commentaire : A l’heure actuelle, le systèmejudiciaire en place est parfaitement rôdé. Lefait que les fonctionnaires accusés d’excèsde pouvoir soient jugés et sanctionnés enadministre la preuve. Ainsi lors desviolences de 2014 l’usage excessif de laforce dans certains cas a aussitôt entraînél’arrestation des policiers ou gardesnationaux concernés. Ceux qui ont trempédans les assassinats de Juan Montoya («Juancho »), de Bassil Da Costa et deGeraldine Moreno, sont en passe d’êtrejugés. De plus, le gouvernement Bolivarien arécemment obtenu que les fonctionnaires dePdvsa impliqués dans des affaires decorruption soient mis en détention. Enfin ledocument dont il est question ici, menace lespersonnels du gouvernement Bolivariend’être persécutés, comme ils l’ont été en2002. (Coup d’Etat contre Hugo Chavez, leprésident sortant).

« Combattre l’insécurité touchant lapopulation, devient une priorité d’Etat.Démantèlement des réseaux criminels quiont proliféré grâce à la complicité durégime actuel, qui leur a assurél’impunité. Traiter globalement cesquestions sous l’angle de la prévention,des actions policières à mener, desproblèmes rencontrés au sein del’administration judiciaire. L’objectif :mettre un terme à l’impunité, et renforcerl’efficacité du système pénitentiaire ».

Commentaire : suspension des garantiesconstitutionnelles, et violation des droitshumains ? Ratissages des quartierspopulaires suivis d’arrestations massivescomme c’était le cas sous la IVèmeRépublique ? Comme par sous les régimesd’avant la révolution, assassinats camouflésdes dirigeants politiques sous prétexte decombattre la délinquance ?

« Rétablir la capacité opérationnelle dusecteur pétrolier, et élévation significativede la production pétrolière »Commentaire : Cela suppose le non respectdes quotas établis par l’OPEP. Le Venezuelase verrait contraint de quitter cette instance.De rompre avec elle. Cela causeraitimmanquablement une baisse des prix dupétrole similaire à celle que l’on a connusous l’ère pré-Chavez : 9 $ le baril.Réduction des recettes, ce qui obligera l’Etatà adopter des mesures néolibérales. (Unterme est mis aux investissements sociaux).

Antonio Ledezma

« Révision des cadres juridiques existants,et des accords en vigueur, qui lui sontnéfastes ».Commentaire : Il sera mis fin auxpartenariats liant le pays et les nations qui luisont associées. Seront notamment visés desorganismes tels que : Petrocaribe, UNASURet CELAC. Les chances de parvenir àl’intégration et à l’union de l’Amériquelatine, en seront amenuisées. Les accordsassurant la présence de médecins cubains auVenezuela ne seront pas reconduits. Finégalement des accords passés avec des paystels que la Chine et la Russie. Avec toutes lesconséquences que cela entraînera sur le planéconomique.

« Désigner à la tête de Pdvsa, un nouvelorgane de direction, dont l’honnêteté et lescapacités seront reconnues. Le bonfonctionnement de cette instance seraainsi garanti, et mis au service du pays ».Commentaire : retour des coteries du pétroleà la tête de Pdvsa. Avec en perspective, saprivatisation partielle, voire totale.

« Recouvrer l’exercice effectif de laliberté d’expression. Retour pour lepeuple, du droit à l’information sur lagestion de l’Etat ».Commentaire : les medias d’Etatsubordonneront leur nouvelle ligneéditoriale, aux directives imposées par ladroite. Le peuple vénézuélien n’aura plusdroit au chapitre. Les nouvelles, et la relationdes activités liées aux organisations duPouvoir populaire, aux conseils communaux,et d’une manière générale les opinionsfavorables au chavisme, sont appelées àdisparaître des pages du Correo del Orinoco(Courrier de l’Orénoque), de Ciudad CCS,des radios d’Etat ou des télévisionspubliques.

« S’assurer de la loyauté des ForcesArmées Nationales, et de leur appui à laConstitution. Elles se débarrasseront detoutes formes d’ingérence venant del’extérieur de leurs rangs, et sepréserveront de toute activité politiquepartisane. »Commentaire : Pourquoi se réfère-t-on ici,aux Forces Armées Nationales, et non pasaux Forces Armées Nationalesbolivariennes ? Pourquoi en a-t-ondélibérément soustrait le terme «bolivariennes » ? Qui va juger de la loyautéde la FANB envers la Constitution ?Puisqu’il est précisé que ces dernièresdevront s’abstenir de toute activité politiquepartisane, est-il envisagé de retirer le droit devote aux militaires ?

« Amorcer un processus de dépolarisationpolitique, menant à la réconciliationnationale. »Commentaire : Quel sens accorder àl’expression «dépolarisation politique » ?Interdira- t-on de se référer au chavisme et à

la révolution, au motif que ce genre dediscussion porte ombrage à la dépolarisationescomptée, et à la réconciliation nationale ?Imposera-t-on comme par le passé, lacensure aux forces de gauche ?

« Restaurer à très court terme, unapprovisionnement suffisant en matièred’alimentation, mais aussi en ce quiconcerne les produits de consommationcourante destinés aux foyers. Pallier leproblème des pièces détachées, mais aussides fournitures qui font défaut, et quinuisent au bon fonctionnement deschaînes de distribution ».Commentaire : A première vue, cela sembletrès simple : il suffira de demander auxentreprises concernées, d’abandonner leurpratique de rétention actuelle, et de cesser lesactions qui consistent à faire partirfrauduleusement vers la Colombie, lesmarchandises destinées au marché intérieurvénézuélien. Nous ne serions pas surpris sice genre de rétablissement accompagnait desmesures telles que la libération des prix desprincipaux produits de consommationcourante, et l’annulation de la Loi sur lesPrix équitables. Ce qui n’apparaît pas dans ledocument.

Toute référence à Simon Bolivar estsupprimée : on parle des « Forces arméesNationales » (en lieu et place de « Forcesarmées Nationales Bolivariennes ».) Onrecourt par ailleurs, à « Venezuela », audétriment de « République Bolivariennedu Venezuela ». Or, c’est exactement ce qui est arrivé le 12avril 2002, lorsque sur les instances del’éphémère dictateur Pedro Carmona, patrondu « MEDEF » vénézuélien, on retira leportrait de Bolivar du Palais présidentiel deMiraflores.

Le document fait très peu état desinvestissements sociaux réalisés, prêtebien peu d’attention aux pauvres et auxprécaires, y compris les enfants, lesadolescents. Pas plus qu’aux personnesâgées, aux handicapé(e)s, et à ceux dontl’état de santé, requiert un traitementparticulier.

A rebours, les priorités affichées sontclairement définies : « attirer lesinvestissements productifs », « réinsertion duVenezuela au sein des circuits financiersinternationaux ». « Redonner confiance aupays ».Aucune mention n’est faite del’enseignement public gratuit. Et ce, quelsque soient les niveaux existants: primaire,secondaire, universitaire. Aucune garantien’est donnée aux établissementsuniversitaires publics, créés sous larévolution (Unefa, UBV, Unearte, unitéssport-études) quant à leur avenir. Il en est demême en ce qui concerne les universitésayant bénéficié d’importantsréaménagements (Simon Bolivar, RomuloGallegos, etc.).

Pour les pensions versées aux retraités,aux personnes âgées, à celles qui sontatteintes d’un handicap, le flou subsiste.Les projets et Missions sociales tels que les «Madres del Barrio » (« Les Mères desquartiers »), ne sont pas mieux lotis : aucuneprécision quant au sort qui leur est réservé.Aucune mention relative à la défense dusalaire minimum, et à son indexation sur lecoût de la vie (inflation). Au Venezuela, à 28reprises durant ces 15 dernières années, lesalaire minimum a été revu à la hausse. Parailleurs, on ignore ce qu’il adviendra desnombreux acquis obtenus par le monde dutravail, notamment à travers la mise enapplication de la nouvelle Loi du Travail (2).La sécurité de l’emploi n’est pas garantie.Par conséquent, il semble bien que lareconduction du décret sur la sécurité del’emploi soit remise en cause. Renouvelétous les ans par le président Chavez et sonsuccesseur Nicolas Maduro, ce décretprotège tant les travailleurs des entreprisesprivées, que publiques. Les employés et lestravailleurs du secteur public, voientégalement la stabilité de leur emploi remiseen question.Un flou artistique enveloppe aussil’engagement de mener à son terme, la

construction de 100 000 logements (GranMision Vivienda Venezuela). Ce projetayant bénéficié d’un fort volontarismed’Hugo Chavez et de son successeur, leprésident Nicolas Maduro.

A aucun moment dans ce document, iln’est fait mention du Pouvoir Populaire. Les diverses instances de cogestion enactivité à ce jour (les Conseils communaux ;Communes, Comités techniques (de l’eau…); les Entreprises de Production sociale(EPS), etc.) sont logées à la même enseigne.De fait, toutes ces formes de propriété mixteinstaurées par le gouvernement bolivariensont sur la sellette. On ne sait pas si ellesseront maintenues ou non. Le silence estégalement fait sur l’avenir que l’on réserveau projet Canaima Educativa (Canamaitas),dont la mise en œuvre a permis aux jeunesvénézuéliens, d’accéder à des millions delogiciels (et ordinateurs portables) misgratuitement à leur disposition.

Dans le document en question, nulle partil n’est fait allusion à la défense et à lapromotion des droits des femmes, àl’appui dont devraient continuer àbénéficier les mouvements sociaux, lescollectifs de paysans, LGBT (mouvementlesbien, gay, bisexuel et transsexuel), lesgroupes écologistes, les défenseurs de lacause animale. Qu’en sera-t-il du maintien de lasouveraineté acquise en matière detechnologie, en ce qui concerne les logicielslibres ? Qu’en sera-t-il enfin, de cesinnombrables mouvements qui auront faitl’objet d’un soutien de la part de laRévolution bolivarienne? Enfin, à lire cedocument, personne ne sait ce qu’iladviendra des mandats de ceux/celles quiassument à ce jour une charge électiveissues de scrutins populaires, qu’ils soientissus de la démocratie directe (assemblées)ou d’élections à bulletins secrets.Source:aporrea.org Traduction : Jean-Marc del Percio

Notes : (1) Voir http://www.legrandsoir.info/venezuela-qui-est-antonio-ledezma-telesur.html (2) Sur la Loi du Travail en vigueur au Venezuela,(3) “C’est l’heure d’anéantir Maduro, le reste tombera de son propre poids” : les visages du coup d’État

Le dessin du mois yAce

L'inféodation du Mexique auxmultinationales étrangères a atteint sonparoxysme lorsque le 20 décembre 2013, leprésident Enrique Pena Nieto annonça unereforme constitutionnelle dans le but deprivatiser le pétrole du pays au profitd'entreprises étrangères. Pemex, l'entreprised’État qui conservait jusqu'alors unmonopole sur ce pétrole fut vidée de sasubstance et reconvertie en vulgaire sous-traitant du ministère de l'énergie. LazaroCardenas, père de l’État moderne mexicain etqui avait fait du pétrole un bien nationalinaliénable en écartant les multinationalesprédatrices en 1938 a sans doute dû se«retourner dans sa tombe». Comme vouspouvez l'imaginer, cette décision a provoquéun flot ininterrompu d'applaudissements et defélicitations de la part des multinationales,des marchés financiers, des gouvernementsoccidentaux et sans oublier des médias. Unenouvelle chasse au pétrole était désormaisouverte. Le Washington Post dans sonéditorial du 16 décembre 2013 saluait avecenthousiasme cette réforme du présidentmexicain: «Alors que l'économie duVenezuela implose, et que la croissance duBrésil stagne, le Mexique est en train de

devenir le producteur de pétrole latino-américain à surveiller et un modèle de lafaçon dont la démocratie peut aider un paysen développement». Ou encore le FinancialTimes qui chantait les louanges de cetteinitiative du président: «le vote historique duMexique en faveur de l'ouverture de sonsecteur pétrolier et gazier auxinvestissements privés, après soixante-quinzeans de soumission au joug de l’État». Fairedu pétrole, ressource stratégique mondiale unbien public au service du peuple s'apparenteselon le Financial Times à «une soumissionau joug de l’État». Pas très étonnant au fondde la part d'un journal libéral. Mais il auraitquand même pu s'efforcer de montrer ledéveloppement impulsé par l’État après quece dernier ait pris les rênes de l'industriepétrolière. Ce fait important dans l'histoire duMexique a été passé aux oubliettes. Sur le plan économique, afin de justifier sadécision de privatiser le pétrole, l'argumentdu président Nieto a consisté à répéter ce quedisent constamment les libéraux quand ils'agit de privatiser des pans entiers du secteurpublic. «L’État n'a plus les moyens», «il fautdégraisser le mammouth» en l'occurrencel’État mais aussi et toujours «L’État n'est pas

DOSSIER AYOTZINAPA

Le Mexique: entre glorifications et silence médiatique

Les médias occidentaux nous ont habitués à dépeindre les nationslatino-américaines de manière binaire et manichéenne. Il y auraitselon les grands médias comme Le Monde ou El Pais des gentils etdes méchants. Des démocrates et des despotes. Des dirigeantsréalistes et des utopistes. Bref, des «analyses» journalistiquessouvent biaisées, incomplètes et très souvent mensongères. Dans ceflot médiatique ininterrompu, un pays bénéficie d'un traitement defaveur particulier, c'est le Mexique! Et pour cause! Depuis que le payss'est engagé voilà plus de trente ans sur la voie néolibérale, il n'a cesséd’être encensé par la presse et les gouvernements occidentaux.Libéralisation de l'économie, soumission aux États-Unis, privatisationà marche forcée... Le cocktail du FMI et de la BM a été appliqué à lalettre et ce pour le plus grand bonheur des marchés financiers et desinvestisseurs étrangers. par Tarik Bouafia

compétent», il faut donc transférer sesactivités au secteur privé, plus efficace et quiinvestira plus nous dit-on. Mais cesarguments relèvent souvent du mythe. En Argentine par exemple, après que leprésident Menem eut décidé la privatisationde l'entreprise nationale pétrolièreYacimientos Petroliferos Fiscales (YPF) auprofit du géant espagnol Repsol, très actif enAmérique du Sud. Bilan de cetteprivatisation: désinvestissement au profitd'une hausse des dividendes versés auxactionnaires, augmentation des prix, déficitde la balance énergétique... Ce qui en avril2012 a poussé la présidente CristinaFernandez de Kirchner, réélue avec 54% desvoix l'année précédente à exproprier 51% desactions d' YPF (1) et ce avec l'objectif derééquilibrer la balance énergétique puiscommerciale du pays et d’œuvrer audéveloppement de la nation albiceleste grâceà l'argent des exportations. Sans surprise, lesmédias sont montés au front comme leFinancial Times qui applaudissait laprivatisation au Mexique et qui là qualifiaitcette expropriation d'acte de «piraterie». Legouvernement espagnol de son côté, enragé,a qualifié cette décision d' «arbitraire» et amenacé l'Argentine de représailles. Le deuxpoids, deux mesures... Un exemple parmid'autres qui montre la duplicité des médias. Mais revenons au Mexique. L'enchantementexprimé par la presse capitaliste à l'égard despolitiques néolibérales imposés dans lanation aztèque s'accompagne d'un profondsilence à propos des impitoyables violationsdes droits de l'homme. Dans son éditorial citéplus haut, le Washington Post faisait l'élogede la «démocratie» mexicaine, qui seraitselon le journal un atout pour le«développement» du pays. Les médiasdominants occidentaux sont-ils vraiment lesmieux placés pour parler de démocratie?Certainement pas. Allons voir la fameuse«démocratie» mexicaine de plus près. Toutd'abord, s'agissant de la privatisation dupétrole, notons que le président Nieto n'aaucunement consulté son peuple sur uneréforme pourtant capitale pourl'indépendance économique du Mexique.L’esprit démocratique aurait été d'organiserun référendum sur cette ignoble privatisation.

Au lieu de ça, un vote vite fait bien fait àl'Assemblée Nationale et le tour était joué.Cette réforme faite dans le dos du peuple parune élite politique qui rassemble les troisprincipaux partis sous le nom de «Pacte pourle Mexique» a une nouvelle fois mis enlumière l'atomisation du débat public et lemépris croissant des élites à l'égard dupeuple. Car comme le souligne John MillAckerman, chercheur à l'institut derecherches juridiques de l'Universiténationale autonome du Mexique (UNAM), le«Pacte a simultanément approfondi le fosséentre le monde politique et la société». Cetteprivatisation du pétrole a nourri beaucoup decolère chez le peuple mexicain. Car celle-cine profitera qu'à deux camps: lesmultinationales étrangères et l'oligarchiepolitico-économique nationale au pouvoir.L’enquête annuelle Latinobarometroconfirme la tendance autocratique qu'a pris ladémocratie mexicaine. Elle révélait en 2013qu'à peine 21% des Mexicains jugeaient être«satisfaits» de leur démocratie...le pirerésultat en Amérique Latine.

Ça, le Washington Post se passe de le dire.Tout comme ce silence sur les relationsqu'entretiennent les partis dominants avec lescartels de la drogue. Le récent massacre des43 étudiants de l'école normale ruraled'Ayotzinapa à Iguala dans l’État de Guerreroest un exemple frappant qui démontre lacomplicité entre le pouvoir d’État et le

pouvoir des cartels. Alors que les étudiantsqui avaient manifesté pour la survie de leurécole se trouvaient à bord d'un bus, ils furentarrêtés par la police puis emmenés dans unlieu secret pour être remis à une organisationcriminelle dans le but de les faire disparaître.Depuis maintenant plusieurs années, lesétudiants des écoles normales rurales luttentsans relâche pour faire vivre leurs écoles. Eneffet, le désengagement de l’État dans lesservices publics menace la vie de cesinstitutions. Des écoles nées au lendemain dela grande révolution mexicaine de 1910-1917. Leurs créations eurent pour objectifd'offrir aux jeunes issus des campagnesl'opportunité de poursuivre des étudesuniversitaires. Mais également de permettreaux jeunes instituteurs issus de la classepaysanne de pouvoir enseigner. Ces écolesqui ont une empreinte importante dans lasociété mexicaine ne cessent de recevoir lesfoudres des néolibéraux qui veulent faire del'école non plus un bien public pour tousmais une marchandise comme une autre.L’État terroriste mexicain a ainsi fait appelaux criminels pour faire disparaître cesétudiants qui devenaient gênants et quirisquaient de contagionner le reste de lasociété mexicaine, fatiguée d'une castepolitique corrompue et violente. Selon RafaelBarajas et Pedro Miguel, journalistesmexicains, la connivence entre le pouvoirpolitique et les barons de la drogue fait duMexique un «narco-Etat». Cet acoquinemententre les deux pouvoirs, intimement liés,s’explique notamment par leur dépendancemutuelle. En effet, selon l'agence de sécuritéKroll, ce sont entre 25 et 40 milliards dedollars provenant de la drogue quialimenteraient l'économie mexicaine. Unargent indispensable pour un État néolibéraloù le secteur financier occupe une placeprépondérante. Une somme plus importanteque celles tirées des exportations de pétrolequi représentent 25 milliards de dollars.L’État mexicain ne peut donc plus vivre sanscet argent provenant de la drogue. Oncomprend tout de suite mieux pourquoil'impunité envers les organisationscriminelles est de mise. Comme le soulignentles journalistes mexicains, «lesnarcotrafiquants ne peuvent agir sans la

coopération des hommes politiques et desfonctionnaires à tous les niveaux». Et leprésident Nieto est loin d’être épargné. Unepartie de la presse a en effet révélé le lienpotentiel entre ce dernier et lesnarcotrafiquants. Il aurait reçu toujours selonles informations de la presse mexicaine desmillions de dollars afin de financer sacampagne électorale, une des plusdispendieuses de l'histoire. (2) Enfin, notons la terrible répression policièreet militaire qui s'abat en permanence sur ceuxqui osent défier l'ordre injuste et violent quiprévaut au Mexique. Une des ciblesprivilégiées des différents pouvoirs en place aété les journalistes. Depuis 2010, plus de 100d'entre eux ont été assassinés, 12 dans le seulÉtat de Guerrero, là où ont disparus lesétudiants.(3) Critiquer le pouvoir en place oupire oser révéler ses liens avec les barons dela drogue, c'est s'auto-condamner à la mort.Être journaliste critique du pouvoir dans cepays, c'est vivre avec la peur. La peur del'enlèvement, le peur du viol, la peur de lamort. Dans un reportage réalisé par la chaîned'information Telesur dans l’État deGuerrero, une journaliste témoigne (4):«l’État de Guerrero est un État trèscompliqué. Tu peux être menacé par lesnarcotrafiquants, par le maire, par lesmilitaires... Tu n'as aucune garantie», avantde dénoncer la complicité des médiasdominants mexicains avec le pouvoirnotamment au sujet d'Ayotzinapa: «Latélévision est devenue le moyen par lequel lepouvoir se légitime». Aujourd'hui auMexique, le simple fait de revendiquer tel outel droit en allant manifester est suffisantpour se retrouver soit derrière les barreauxsoit dans une des centaines de fossescommunes que l'on trouve dans le pays.L'insécurité règne et le pouvoir installe unepeur quotidienne. Et les chiffres sont là (5):57 899, c'est le nombre d’enquêtespréliminaires pour homicide volontaireouvertes depuis l'arrivée au pouvoird'Enrique Pena Nieto le 1er décembre 2012.Le nouveau président mexicain est lui unhabitué des répressions. Lorsqu'il étaitgouverneur de l'Etat de Mexico, il avaitdonné l'ordre en 2006 de mater lesmanifestants de San Salvador Atenco qui

luttaient pour ne pas être expulsés de leurterre. Cette violence impitoyable s'appliqueégalement envers ceux (qui ne pensent pasou) qui osent montrer leur désaccordpolitique et idéologique avec le pouvoir enplace. En août 2014, l'organisation NestoraLibre qui défend les prisonniers politiques aannoncé que plus de 350 personnes avaientété mises derrière les barreaux depuisdécembre 2012, et ce pour des motifspolitiques. Face à ce constat alarmant, doit-on encoreconsidérer le Mexique comme un paysdémocratique où règne un État de droit? CetÉtat terroriste, présidé par un homme toutaussi violent et cruel ne semble pas dérangercertains présidents occidentaux. En effet, laFrance lui a remis récemment la grand-croixde la Légion d'honneur. Elle faisait ainsihonneur à la politique néolibérale impulséepar le président Nieto. Comme dans le cas duPérou qui s'est montré très complaisant avec

les multinationales, la France tout comme lamajorité des pays impérialistes etnéocoloniaux a décidé de fermer les yeux surles atrocités qui secouent le Mexique. Lapresse également même si elle a évoqué lesévénements d'Ayotzinapa, est restée discrètesur les liaisons qui unissent l’État mexicain etles narcotrafiquants. Cela signifie la chosesuivante: tant qu'un pays sert les intérêtséconomiques, énergétiques, géopolitiques desmultinationales, alors il pourra commettre lespires exactions, assassiner à tout va, torturercomme bon lui semble, emprisonnerarbitrairement, il ne sera jamais épinglé parni par les gouvernements ni par les médiasoccidentaux. Comme l'affirmait le secrétaire d’État états-unien Henry Kissinger: «les grandespuissances n'ont pas de principes, juste desintérêts». Le cas du Mexique en est le parfaitexemple.

Ayotzinapa: chronique d'une disparition annoncée“La violence engendre la violence, comme on le sait ;

mais elle engendre aussi des gains pour l’industrie de la violence, qui, elle, la vend comme spectacle et la convertit en objet de consommation. »

Eduardo Galeano

Voilà maintenant six mois que les 43 étudiants de l'école normale ruraled'Ayotzinapa ont disparu. Une disparition que beaucoup au Mexique, desorganisations indigènes aux mouvements étudiants imputent à l’Étatmexicain et aux narcotrafiquants. Ces deux entités sont en effet accuséesd'avoir collaboré pour faire disparaître ces étudiants gênants. Nous vousproposons ici de revenir chronologiquement sur les dates clés et les faitsmarquants de cette tragédie.

26 septembre 2014: Par manque de moyens dus aux politiques néolibérales qui ont pourconséquence le désengagement de l’État, les étudiants de l'école d'Ayotzinaparéquisitionnent deux bus pour pouvoir réaliser leur travail d'observation dans des écolesprimaires du village pour pouvoir ensuite participer à la commémoration du massacre du 2octobre 1968*. La police municipale de la ville d'Iguala dans l’État de Guerrero où setrouve l'école d'Ayotzinapa sur les ordres du maire José Luis Abarca tire à quatre reprisessur les étudiants. Bilan: 6 morts et 43 disparus.

7 octobre 2014: Soit onze jours après la disparition des étudiants, le président EnriquePena Nieto s'exprime pour la première fois. Il promet que toute la lumière sera faite sur ladisparition des étudiants et que les auteurs seront punis.

30 septembre 2014: 22 policiers sont arrêtés et sont soupçonnés d'avoir participé àl'assassinat de 6 personnes à Iguala. Ils seront jugés pour homicide.

4 octobre 2014: 16 fosses clandestines sont localisées à Iguala. On découvre par la suiteque ces fosses contiennent 28 corps.

5 octobre 2014: Luis Abarca, le maire d'Iguala s'enfuit avec sa femme.

10 octobre 2014: 4 autres personnes sont arrêtées suite à la disparition des étudiantsd'Ayotzinapa et 4 nouvelles fosses communes ont été localisées.

17 octobre 2014: Les chiffres connus indiquent que 36 policiers municipaux sont détenusainsi que 17 membres du crime organisé. 3 nouvelles fosses ont été découvertes à Iguala.

22 octobre 2014: Nouvelle piste: José Luis Abarca et sa femme ont agi en complicité avecle groupe criminel des narcotrafiquants, le cartel Guerreros Unidos. La femme du maire et lasœur font partie des responsables du cartel.

4 novembre 2014: Arrestation de José Luis Abarca et de sa femme dans une maison deMexico City.

7 novembre 2014: Les familles des disparus s'expriment: ils considèrent que par manquede preuves leurs enfants sont vivants. Les corps n'ont cependant jamais été localisés. Ilsdécident de ne pas abandonner le combat malgré que le gouvernement affirme que lesétudiants sont morts.

8 novembre 2014: Des centaines de personnes manifestent à Mexico City lors d'unejournée nationale de protestation. La police arrête ce jour-là 18 personnes. Parmi eux setrouvent des étudiants d'Ayotzinapa, de l'Institut polytechnique nationale, de l'Instituttechnologique de Monterrey accompagnés d'acteurs de cinéma mexicains.

13 février 2015: La Commission Inter-américaine des droits de l'homme (CIDH) décided’enquêter sur la disparition des étudiants.

Mars 2015: Pour le moment, les étudiants d'Ayotzinapa n'ont toujours pas été retrouvés.

Comment faire face au «Plan Condor»médiatique en Amérique Latine

La disparition des 43 étudiants de Ayotzinapa au Mexique a révélé l'attaquesystématique de l'Etat contre les jeunes et a suscité une indignationmondiale. Cependant, l'État mexicain peut compter sur l'étroite complicitédes médias de communication des oligarchies. Dans cet interview accordé àAlex Anfruns, l'écrivain mexicain Fernando Buen Abad, connu égalementcomme philosophe, analyse les défis à relever au Mexique et dans NotreAmérique en portant toute son attention à l'actualité.

Alex Anfruns: Beaucoup d'analystesont noté que la disparition des 43étudiants n'est pas un cas isolé. Onestime à 22.600 le nombre dedisparitions forcées au Mexique durantces 8 dernières années. Que peutrévéler un tel chiffre sur une société oul’avenir d’un pays ?

Fernando Buen Abad: Le décomptemacabre, monstrueux, exprimé en mortset en disparitions, est en soi très incertain.D'un côté, il n'y a pas de donnéesofficielles crédibles à propos des chiffres.Et d'un autre côté, il y a diverses sourcesdont les décomptes sont très différentsainsi que les méthodologies utilisées.Selon certaines informations, par exemplecelles de la revue "Proceso de Mexico", lenombre d'assassinats pourrait être« arrondi » autour de 120.000 personnes(jpour le journal de Felipe Calderon et ceque l'on a de Pena Nieto). D'autresavancent des chiffres de 22.000, 25.000ou 30.000 disparus, selon les sources. Etensuite on évoque le chiffre de 300.000personnes déplacées de leurs terres du faitde la lutte territoriale du crime organisé. Aeux seuls, les chiffres sont scandaleux,mais ne sont pas suffisamment expressifspour comprendre le niveau de l’impactsocial et politique que cela a provoquédans le pays. Il s'est produit undéchirement social d’une profondeurinestimable.

Fernando Buen Abad

Ayotzinapa est l'expression la plus ultimedu capitalisme au Mexique. Là secondense toute la perversité du modèlenéo-libéral, en mettant en évidence l'unede ses plus claires et plus brutalespathologies, qui est la haine contre lesjeunes, surtout si ces jeunes sont critiques,si ces jeunes se regroupent et si ces jeunessont pauvres.

Effectivement cela n'a pas été un casisolé, il a plutôt fait partie d'une salehabitude du capitalisme au Mexique, quise répète dans d'autres pays mais, auMexique, cela fait plusieurs années. Sansaller plus loin dans l'histoire, on peut citer1968, avec le massacre d'étudiants deTlatelolco, perpétré par le gouvernementde Gustavo Diaz Ordaz.

Participèrent à ce crime beaucoup de ceuxqui aujourd'hui continuent toujours d'êtredes personnages de la vie politique auMexique, en particulier ceux qui sont lesplus soumis aux intérêts nord-américains,de même que certains membres del'appareil bureaucratique du PRI (PartiRévolutionnaire Institutionnel), considérécomme étant un appareilfondamentalement répresseur tout au longde son histoire.

Depuis 1968, les agressions contre lesjeunes étudiants et universitaires auMexique n'ont pas cessé. Et nous n'avonspas de source claire d'information, niofficielle ni d'un autre type, à propos dumode d'agression et de répression contreles jeunes. Nous pourrions passer enrevue les différents mouvementsd’expression qui ont été harcelés etattaqués par le gouvernement mexicain,en y incluant évidemment ceux des jeunesindigènes et paysans qui, au Mexique, ontreprésenté l'apparition d'un mouvementpolitique longtemps négligé.

Ainsi, en 1994 cette action s'est renduevisible avec l'apparition de l'ArméeZapatiste de Libération Nationale (EZLNen espagnol) dans le Sud-Est du Mexique.Il s'agit d'un mouvement composéprincipalement par des jeunes, quiprennent les drapeaux de EmilianoZapata, les actualisent à leur manière, etproposent, dans le Mexique actuel, laperspective d'un mouvement socialrévolutionnaire, comme le sont lesmouvements indigènes et paysans, dansun pays qui a signé le Traité de Libre-Echange avec les Etats-Unis et le Canada.

Ayotzinapa est la preuve palpable del'attaque systématique de l'Etat contre lesjeunes. C'est pour cela qu'il y a eu unetelle réaction, entraînant un tel chaos,dans un Etat non seulement incapable degarantir la sécurité et la tranquillité de la

population mais aussi garantissantl’impunité des criminels et la confusiontotale. Actuellement, le gouvernement vatout faire pour composer avec la douleurdu peuple mexicain, grâce à un processusélectoral. Bien entendu, les 43 -que nousvoulons vivants- perturbent beaucoup leprojet d'un parti politique comme celui duPRI.

Alex Anfruns : Concrètement, avec ladisparition des 43 étudiants deAyotzinapa, comment s'articule letraitement médiatique de cette affaireavec le récit de l'Etat mexicain ?

Ceux qu'on appelle "les médias" -que moije mets toujours entre guillemets-,devraient s'appeler des armes de guerreidéologique. Le rôle joué par ces outils auMexique, en particulier ceux desmonopoles comme Televisa ouTeleazteca, consiste à être les armes d’uneguerre idéologique dont l'objectiffondamental est d'effrayersystématiquement le peuple, avec desmenaces de tous types et en créant unclimat oppressant de violence,d'instabilité, d'apocalypse. A travers ces"médias" et ces armes, le paysagesanguinaire provoqué par le crimeorganisé devient une espèce de culture oude destin fatal en imposant l'idée qu'au

Mexique le climat apocalyptique est d'unetelle intensité qu'il n'y a plus rien à faire,qu'on ne peut rien changer. Quoi demieux au lieu d'être résigné et soumisface à cette réalité que de lutter face cetteréalité ? En plus de cela, les armes de la guerreidéologique pointent systématiquement lacriminalisation de tout leader critique quifait face à l'establishment au Mexique. Ilsprivent les leaders de leur prestige, lesaccusent de tout et n'importe quoi en touteimpunité, s’escriment à créer de faussespreuves et pratiquent un espionnageillégal. Enfin, ce sont des armes quiopèrent avec une absolue impunité dans lascène des imaginaires collectifs pourinfluencer les gens à l'aide de mensonges,de tromperies et de falsifications. Ces armes de guerre idéologique sontabsolument complaisantes avec lacorruption du gouvernementmexicain...Elles ne sont rien d'autre queleur âme. La droite en Amérique Latineest allée se réfugier dans les médias. Sesfaiblesses et son incompétence lui ont faitperdre du terrain et, par conséquent, ellecroit qu'elle peut réparer ses erreurs en seréfugiant dans les appareils médiatiques,dans les grands monopoles. Le cas mexicain en est l'expression laplus évidente car c’est le monopole de latélévision qui a mis le président duMexique sur le devant de la scène aprèsl'avoir soutenu durant de nombreusesannées. Pena Nieto est une fabrication del'ingénierie médiatique de Televisa qui l'a«mis au monde» pour recevoir lesbénéfices, archiconnus aujourd’hui auMexique, par la voie de la corruption, descadeaux, du trafic d'influence. Unecorruption qui est la marque de cegouvernement.

Tout ceci obéit à ce que j'appelle le«Plan Condor» médiatique en AmériqueLatine, dans lequel apparaissent des alliéscomme le groupe Prisa en Espagne, CNN

à Miami, la chaîne Foxnews, Televisa auMexique, le groupe Clarin en Argentine,Globo au Brésil, El Mercurio au Chili...Toutes les chaînes médiatiques exercentun monopole sur le continent et contrôlentune alliance pour produire un discourschaque fois un peu plus omniprésent et enmême temps plus synchronisé. C’est-à-dire que, en même temps et sur tout lecontinent, se produit le même modèled'agression médiatique de façonsimultanée. C'est ainsi qu'une mêmecalomnie se propage partout. Au Mexique donc, une figure commePena Nieto a réussi à prendre le pouvoir.Un homme qui a été fabriqué directementpar la télévision pour arriver à ses fins.Une opération de guerre idéologique estdonc en marche à travers les médias et,comme le dit Michel Collon, soncomportement de domination etd’invasion peut être comparé à celui d'unbélier.

Alex Anfruns: Des voix comme lavotre pointent, depuis quelques temps,la nécessité de faire face à cettestratégie de guerre médiatique enmettant en avant le soutien des médiasà ces agressions. Fort ton expériencedans le domaine de l'enseignement etde l'étude du langage et de lacommunication, comment penses-tuqu’il faille développer et renforcer lastratégie de communication desmouvements sociaux?

Fernando Buen Abad: Le seuldiagnostic du comportement ducapitalisme, armé de ces outils de guerreidéologique, n'est pas suffisant. Cela nousavance pas de savoir comment ils vontnous tuer ou comment ils sont en train denous agresser. Effectivement, nous savonspar exemple que Ollanta Humala auPérou que 3.200 soldats états-uniensarmés arriveront au Pérou en septembrepour appuyer la lutte contre le narcotrafic.

En Amérique Latine, nous savons déjàque cela va créer un nouveau foyer deviolence dans la région pour transformercette zone de la planète en quelque chosede semblable à ce qui se passe en Irak ouen Syrie. Nous savons que, pour enarriver là, ils ont dû créer un écran defumée et un discours médiatique. Untravail qu'ils ont déjà commencé au Péroudepuis quelques années et qui justifiemaintenant l'arrivée de ces soldats sur leterritoire péruvien. Très bien. Maintenant que faisons-nouspendant tout ce temps? Que faisons-nousquand nous sommes victimes d’unproblème d'isolement communicationnelentre les médias alternatifs et lesmouvements sociaux? Que faisons-nouslorsqu'il y a une grande force mondialecommunicationnelle mais qu'elle setrouve éparpillée? Que faisons-nousquand il y a urgence? Comme le dit le grand poète JorgeFalcone en Argentine: «il y a une veilléedes caméras». Un réveil de l'intérêtphotographique, audiovisuel,cinématographique, de documentaire, quitémoigne de choses que nous n’avionsjamais vues auparavant, dans les luttesdes peuples de toute la planète.

Et cependant, cette grande quantité denouvelles forces communicationnelles,

alternatives, révolutionnaires etindépendantes n'arrivent ni à l'unité ni à lacohésion. Il y a une urgence à constituer desponts, des réseaux, des espaces derencontres pour pouvoir articuler desmouvements entiers. En Amérique Latine,j'ai la certitude que ceux qui sont en trainde travailler dans le domaine critique,dans le domaine révolutionnaire de lacommunication sont beaucoup plusnombreux que ceux qui travaillent dansles structures oligarchiques. Et pourtant,ils nous vainquent à cause de notre propreincapacité à nous unir. Ceci doit êtrerésolu par une profonde autocritique. Mais la phase la plus compliquée, laplus alarmante, à avoir spécifiquementavec le champ sémantique, est dedévelopper notre propre agenda, avec desraisons, des arguments, un tas de thèmes àdiscuter et de développer desraisonnements critiques de tous types.Mais nous n'avons pas encore réussi àconstruire un agenda politique ougéopolitique qui pose les grands thèmesde nos luttes comme axes primordiaux. Acause de notre retard pour résoudre ceproblème, on nous a vaincussystématiquement. «Dans le retard setrouve le danger». S’ils gagnent du terrain, et enparticulier sur le terrain sémantique, ilstermineront un jour par nous assassineravec nos propres drapeaux, comme celas'est passé plusieurs fois dans l'histoire.Par exemple, des mots comme«austérité»? Que voulons-nous d'autresinon une vraie retenue du gaspillage, ducynisme bourgeois qui gaspille tantd'argent de manière infernale. Quelleaustérité supplémentaire demanderions-nous que de distribuer la richesse d'unemeilleure manière? Ainsi, ils utilisent le mot précisémentpour nous soumettre! Et nous imposerl'austérité qu’ils veulent pour nous, nonpour eux! Nous avons besoin d'espace de

discussion pour ne pas répéter le discoursdu patron sans nous en rendre compte.Chez certains peuples d'Afrique, parler dedémocratie signifie parler des pireschoses qui se sont passées. Les États-Unisaffirment être le grand paradigme de ladémocratie et c'est précisément l'endroitoù on pratique le moins la démocratie. La bataille sémantique est un défi faceauquel nous avons beaucoup de retard. Deplus, nous devons faire une autocritique etnous demander systématiquement si notrerécit est à la hauteur de l'histoire que noussommes en train de vivre. Si nous avonsvraiment les mots, la fraîcheur, lacréativité qu'a su avoir par exemplel'Armée Zapatiste de Libération Nationale(EZLN en espagnol) à ses débuts.L'EZLN a su trouver les mots, mais aussila poésie, qui lui a permis de toucher lescœurs et les pensées pour créer unemobilisation et une unité. Cet aspect estcrucial. Notre capacité de communicationrévolutionnaire, alternative, populaire etde base doit construire sa propre poésiepour toucher simultanément les penséeset les cœurs afin d’arriver à actionorganisée.

Pour finir, qu'est ce qui ressort selon-vous de la tentative de coup d’État quia eu lieu au mois de février auVenezuela? Avant tout, je veux exprimer masolidarité avec le Venezuela. Nous voyonsici l'exemple type de toutes les agressionsmédiatique, économique et politiquepossibles. Le président Maduro a lancé unappel contre la guerre économique et laguerre médiatique. Le Venezuela est leparfait exemple du territoire qui disposede toutes les possibilités, notamment cellede discuter de manière critique avec lesoutils de communication et où, malgrécela, l'unité n'est pas atteinte. J'insiste pour dire qu'aujourd'hui plusque jamais, il manque un sommet desPrésidents en matière de communication,

comme cela a lieu avec le sommet del'UNASUR ou de l'ALBA, Un sommetserait nécessaire pour discuter de ce quenous allons faire face à l'agressionmédiatique et comment nous impulsons lagrande révolution de la communicationqu'il nous manque. En solidarité avec lesprincipes de la révolution et avec lePrésident Maduro, mais aussi devant laperspective que nous sommes en traind'observer dans la région. Comme je ledisais, Ollanta Humala vient d'annoncerqu'il acceptera des militaires états-uniensau Pérou et, dans le même temps, auMexique, Enrique Pena Nieto présenteune initiative de la Chambre de Sénateurs,pour accepter que des agents extérieurstransitent armés via le territoire mexicain.Une permissivité légalisée de violation dela souveraineté des peuples est en train dese configurer, avec un message clair:Pérou, Colombie, Mexique, nous sommesles pays de l'alliance du Pacifique. Etcette alliance n'est autre qu'une avant-garde du projet de l'ALCA qu'ils veulentressusciter pour imposer un Traité deLibre Échange avec toute l'AmériqueLatine. Pour autant, il y a une alerte clairequi montre où va cet alliance: à traversl'agression médiatique mais aussi avec laprésence de forces militaires armées nord-américaines en Amérique Latine. Je crois que c'est un momentfondamental pour freiner ces tentatives encréant un consensus international dedénonciation et de rejet face à cesinitiatives. Mais également en renforçantla solidarité, spécialement avec leVenezuela qui est l'avant-garde politiquede l'Amérique Latine.

"Mexique: comment en est-on arrivé la?

Depuis quelques années, le Mexique occupe de plus en plus d’espace dans la chronique de nos médias : narcotrafic,immigration, violence, décapitations, disparitions d’étudiantsetc. Comme d’habitude s’opère une occultation systématique desvéritables origines de cette situation. Pourquoi ? Que se passe-t-il réellement au Mexique ? Quelles sont les forces maîtresses dece « jeu », et surtout, quels sont leurs intérêts ? Afin dedécanter cette situation d ’embrouille, nous nous sommesentretenus avec le sociologue mexicain Luis Martinez Andrade,fin connaisseur de la situation sociale et politique de son pays.

Par Tarik Bouafia & Raffaele Morgantini

Pouvez-vous nous dresser un bilan del’histoire et du développement desmouvements sociaux au Mexique ?

Pour commencer, il est important de soulignerque le Mexique a une large tradition demouvements sociaux depuis sonindépendance. Pendant la révolution de 1910,ces mouvements acquièrent des nouvellesteintes, et en leur sein, différentes tendancesvoient le jour. Il y a par exemple, la tendanceplus « paysanne et zapatiste » dans le sud dupays, une autre tendance au nord, qui s’inspiredu révolutionnaire Pancho Villa, et il existeaussi une tendance anarchiste avec l’influencedes frères Flores-Magon.

Avec la formation de l’Etat mexicain, onassiste à un développement, dit-on, favorableaux mouvements sociaux : il y a une reformeagraire, les mouvements gagnent la bataillepour certains droits sociaux (la journée de 8hpar exemple). C’est ainsi qu’au Mexique, onpeut observer les caractéristiques d’un Etatsocial bien avant la révolution russe de 1917.

Cependant, avec la consolidation du PRI(Parti Révolutionnaire Institutionnel) unnouveau pacte social voit le jour, accompagnépar la recomposition d’une nouvelle élite quiprend la place de l’élite familialeprérévolutionnaire. Au Mexique, on parle dela « révolution trahie » ou « volée ».

Les communautés indigènes qui plaidaientpour plus de représentation, sont écartées dupouvoir, tout comme les communautéspaysannes les plus vulnérables ou encore lespartis de la gauche révolutionnaire. Le PRI vaconsolider ce que Gramsci appellerait un« bloc hégémonique », où les groupessubalternes vont adopter l’apparat étatiquepour essayer de s’emparer des revendicationssociales, tout en conservant dans le mêmetemps, un caractère fortement réactionnaire.C’est ainsi que s’est construit un imaginairecollectif d’ascension sociale au sein descommunautés indigènes, qui, dans les faits,n’a jamais cessé d’être que fictif.

Face à cette situation, on voit surgir uneforme de résistance populaire qui ira jusqu’àla guerre et plus précisément, jusqu’à laguérilla, notamment dans le sud du pays, lapartie la plus pauvre du pays et à majoritéindigène.Mais cette guérilla se répand aussi en zone

urbaine. Le commandant Marcos parexemple, construit le début de sa carrière ausein de groupes de guérilleros urbains, pouraprès, émigrer vers des zones plus rurales etessayer de mener une révolution guevariste(d’Ernesto Che Guevara) par la création defoyers de guérilla révolutionnaires.

Aujourd’hui, grâce au mouvement zapatiste,le peuple mexicain est en train de se rendrecompte que différentes façons de s’organisersont possibles, qu’un autre modèle estenvisageable. Et cela est certes, une notepositive. Mais ce dont le Mexique a besoinaujourd’hui c’est d’un grand front commun,anti-néolibéral, anticapitaliste, progressiste etémancipateur. Mais il n’y a pas decanalisateurs, il faut donc une structured’organisation bien définie, et cela prendra dutemps.

D’un point de vue politique, économique etsocial, comment en est-on arrivé à lasituation dramatique d’aujourd’hui ?Comment un pays aussi riche en ressourcesnaturelles, et pouvant compter sur desmouvements sociaux nombreux et bienstructurés, est devenu un pays détruit parla violence, la pauvreté, le narcotrafic etc. ?

Il y a deux phénomènes parallèles qui peuventnous aider à comprendre cette situation. Lepremier élément, c’est le rôle des Etats-Unis,qui depuis le coup d’Etat organisé auGuatemala contre le président Arbenz, en1954, n’ont jamais cessé d’intervenir enAmérique latine, directement ouindirectement, là où leurs intérêts étaientmenacés. La force et la violenced’intervention des USA à l’égard del’Amérique latine, et du Mexique plus enparticulier, ne sont pas discutables, c’est unfait établi. Le deuxième élément, c’est ledéveloppement du néolibéralisme, impulséégalement par les USA et les instancesfinancières internationales comme le FMI oula Banque Mondiale. Cette période commenceà la fin des années 70 – début des années 80,avec une vague de privatisations desentreprises publiques, justifiée par le mythequ’une entreprise publique ne peut pas êtrerentable si elle est étatique. L’iceberg de cette

dynamique est la signature du traité de libre-échange en 1994 avec les USA et le Canada :l’ALENA (Accord de Libre-échange Nord-Américain).

La privatisation commence avec les grandesbanques publiques et la grande entreprisepublique de téléphonie, ouvrant la porte audéveloppement d’une classe managériale quiva s’enrichir énormément au cours desdernières années, opposée à un peuple en voiede paupérisation en raison des mesuresd’austérité imposées par les programmesd’ajustement structurel du FMI/BanqueMondiale.

Dans ce contexte on doit se rappeler desenseignements du penseur marxiste LouisAlthusser quand il analyse les apparatsidéologiques de l’Etat. Il analyse la façondont les individus se sont pliés aux exigencesde l’Etat néolibéral et comment, à travers lesystème éducatif étatique ou la télévision (quisont des moyens de propagande idéologiquede l’Etat), ils ont accepté de se soumettre à seslois. En 1968 par exemple, l’entreprise detélécommunication Televisa nie le massacrede centaines d’étudiants par les forces del’ordre. L’histoire se répète en 1988, avecl’occultation systématique des scandales desfraudes électorales.

Le néolibéralisme a entrainé une véritabledécomposition de l’Etat et de la structurepolitique et sociale mexicaine. Il ne faut pasoublier que le néolibéralisme et lamilitarisation de la société sont deuxphénomènes qui vont de pair, deux facesd’une même pièce. Pensez au Chili. D’aprèsvous, le néolibéralisme a-t-il pu s’imposerpacifiquement ? Bien sûr que non, cela s’estfait par un coup d’Etat militaire, par une« stratégie du choc » comme le dirait NaomiKlein. La même chose est en train de sepasser ici, au Mexique, le tout, avec l’appuides moyens de communicationmonopolistiques, véhicules et porte-parolesfondamentaux de cette dictature.

Pouvez-vous nous expliquer ledéveloppement du narcotrafic dans votrepays ? Quels sont les liens entre l’Etat

mexicain et le narcotrafic ? La situationest-elle similaire à la Colombie, où les liensentre la politique et les grands producteursde drogue sont désormais une évidence ?

Avant tout, il y a quelque chose qu’il fautclarifier. Quand on aborde le thème dunarcotrafic, on se trouve dans une situationplutôt « floue ». Par exemple, le blanchimentd’argent sale : comment peut-on être sûr deson ampleur, tant que demeure le secretbancaire ? Suivre la piste du narcotrafic estdifficile car il n’y a pas de données précises.On sait bien qu’il fonctionne comme uneentreprise mais il est très difficile à détecter,et presque impossible d’en comprendre lesmouvements et les mécanismes. C’est unmonde de spéculation.

Que se passe-t-il dans cette relationnarcotrafic-Etat ? C’est un sujet trèsintéressant. La question du trafic estcomplexe. Ce n’est pas uniquement la ventede marijuana ou de cocaïne, c’est égalementle trafic d’organes, d’armes, de femmes etc.Tous ces trafics impliquent le blanchimentd’argent, l’existence d’entreprises illicitesetc. Déjà, dès les années 20-30 il y a avait descamions de marijuana qui partaient vers lesUSA…

Néanmoins, on peut identifier un moment derupture : ce sont les années de la présidencede Vicente Fox entre 2000 et 2006. C’est soussa présidence que Chapo Guzman (membre del’un des plus grands cartels de la drogue dupays) s’enfuit de la prison de hautesurveillance, dans laquelle il est prisonnier etceci, dans des circonstances très obscures.Apparemment, selon l’avis d’experts, legouvernement de Fox a déclaré la guerre àcertains cartels, et a pactisé avec d’autres.Cela a généré beaucoup de méfiance au seinde certains cartels, car ils se sont renduscompte que l’Etat était en train de prendre uneposition stratégique au sein même de la guerreentre les cartels. Cela a rendu la situationencore plus tendue et a exacerbé la lutte depouvoir au sein du monde narcotrafiquant. Leproblème c’est qu’à partir de là, il y a eu uneforte infiltration du narcotrafic au sein de lapolice. Une infiltration qui, peu à peu, est

remontée jusqu’aux hautes sphères de l’Etat.

Cette situation larvaire explose sous legouvernement de Felipe Calderon. À caused’un soutien populaire très faible, Calderondécide de déclarer la guerre au narcotrafic.Par contre, ne pouvant pas compter sur lapolice à cause de la corruption généralisée, leprésident décide d’utiliser l’armée. Il est trèsintéressant à cet égard, de rappeler quequelques années auparavant, il y a eu, au seinde l’armée, le développement d’une élitefortement réactionnaire, entrainée, imaginez-vous, par le Mossad, la CIA et des assesseurscolombiens d’Alvaro Uribe. Ce groupe d’élitea été formé et mis en place pour lutter contreles cartels de la drogue, mais immédiatement,ils ont compris qu’il y avait moyen de gagnerbeaucoup plus d’argent… En formant leurpropre cartel de la drogue ! C’est ainsi que cegroupe d’élite de l’armée s’est transformé enun véritable cartel. En fait, ce sont justementeux qui vont commencer à mener des actionsd’une violence sans précédent, avec desdécapitations, des pendaisons, et par unestratégie de terreur, exactement comme ce quise passe en Colombie.

Il faut aussi rappeler que déjà en 1994 onparlait du « Plan Mexique-Panama », qui parla suite, a échoué et a été recyclé dans le« Plan Colombie ». Là, on a pu voir le rôledes USA qui visaient à mettre sur pied desplans stratégiques pour détruire toute formede résistance dans les pays sous leur sphèred’influence, là même où l’expansion etl’accumulation des capitaux étaient remisesen question par des mouvementsprogressistes, syndicalistes, indigènes etc.Auparavant, on utilisait l’armée, maisaujourd’hui, on a recours aux paramilitaires, àpartir du moment où le fait d’utiliser l’arméeéquivaut à impliquer directement l’autoritépublique. Au Mexique on est même arrivé àun stade supérieur, c’est-à-dire à l’utilisationdu narcotrafic comme moyen de lutteréactionnaire.Il ne faut pas perdre de vue le fait que lenarcotrafic et la classe politique dominante nesont pas deux entités antagonistes. Il y aquelques différents, c’est clair, car toutes cesoligarchies sont en conflit entre elles. Mais

finalement ils représentent la même force,c’est-à-dire celle d’une élite dominante aupouvoir. Le narcotrafic est le bourreau dupeuple, tout comme l’élite oligarchiquecapitaliste au pouvoir. Je pense que les cartelsde la drogue font partie d’une stratégie decontre-insurrection. Grâce à eux, l’Etatpossède un prétexte pour accroître lamilitarisation de la société. Finalement onpeut dire que les cartels ne constituent pas unemenace pour l’Etat, ils sont un instrument del’Etat !

Quel est le rôle du para-militarisme auMexique ? Comment s’est-il développé ?

Les paramilitaires jouaient déjà un rôleimportant dans les années 70, pour démantelerles mouvements de résistance. On parlait alorsde « guerre sale » pour décrire ce qui sepassait dans l’Etat de Guerrero, une régiontrès pauvre qui a connu un développementimportant de groupes de guérilleros marxistes.En 1994, cette guerre sale connaît un essorconsidérable avec l’arrivée du mouvementzapatiste. On parle aussi de « guerre de faibleintensité » (le même concept utilisé pourdécrire les guerres anti-communistes dans lespays de l’Amérique centrale). Cette guerreconsiste dans la formation d’escadronsparamilitaires formés par l’armée régulièrepour semer le chaos entre les différentesethnies et cultures existantes dans ces régions.Les médias ont par la suite « fini le boulot »,en faisant passer ces guerres pour des guerresethniques, et entre différents groupespolitiques. Aujourd’hui, au sein même descartels, la confusion règne. La mêmemanipulation de masse s’est passée avec les43 étudiants disparus d’Ayotzinapa. Dans unpremier temps en effet, les moyens decommunication ont relayé l’information queles étudiants étaient liés à des groupes dedélinquants. Le para-militarisme s’est ainsiavant tout, vu divisé, laissé intimider, etréprimer. Il faut savoir aussi que l’Etat du Chiapas (oùil y a eu le soulèvement du mouvementzapatiste EZLN) est très riche en ressourcesnaturelles. Il y a également beaucoup deressources hydriques, et minières. L’Etat, pours’approprier ces terres, a recours au para-

militarisme. Exactement comme en Colombie.

Mais alors peut-on affirmer qu’il y a unlien entre la montée du para-militarisme etdu narcotrafic, et la mise en placeautoritaire du modèle néolibéral ?

Oui bien sûr. Le para-militarisme a connu undécollage important justement à partir de lapériode où s’est mis en place lenéolibéralisme. En ce sens, ce n’est pas unesurprise que les deux pays, où le problème dupara-militarisme/narcotrafic est le plussignificatif soient le Mexique et la Colombie,les deux pays latino-américains où le modèlenéolibéral a pu s’imposer (presque) sansrésistance aucune, grâce à la présence d’uneoligarchie capitaliste assujettie aux intérêtsdes USA. Le néolibéralisme en Amériquelatine implique l’accaparement des terres parles multinationales, la destruction des droitssociaux, du tissu social, des droits desindigènes etc. Pour que cela soit soutenable,le néolibéralisme a besoin d’une force qui faitrespecter le statut quo, et cette tâche a étéconfiée justement au paramilitaires...

Le Mexique possède d’énormes réserves depétrole. L’ingérence des USA dans le pays,peut-elle aussi s’expliquer par la présencede cette ressource ?

En décembre 2013 le président Peña Nietoprivatise la dernière grande entreprisepétrolière étatique. Cette privatisationcorrespond au modèle classique capitaliste etau développement de la mondialisation, là oùles pays riches du centre, volent les ressourcesdes pays pauvres de la périphérie. Celaperdure depuis des siècles, depuis le début dela colonisation au 16ème siècle. La privatisationdu pétrole s’inscrit dans cette même logiquede pillage des ressources des pays du sud,exercée autrefois par les colonialistesespagnols, et aujourd’hui, par les Etats-Unis. Au Mexique, la lutte sera longue etcompliquée. Mais le peuple n’est pas stupide.Cette situation ne pourra pas durer toujours.Je vais terminer par une phrase du philosophefrançais Daniel Bensaïd : « Ah la révolution,soit elle arrive trop tôt, soit elle arrive troptard, mais jamais à l’heure. »

BREVES

La justice argentine rejetteles accusations duprocureur Nisman

Le juge fédéral Daniel Rafecas arejeté les accusations du ProcureurAlberto Nisman contre la PrésidenteCristina Kirchner. Le procureur, décédéil y a un mois, accusait en effet laPrésidente argentine d'avoir couvert deshauts responsables iraniens dansl'attentat contre une mutuelle juive àBuenos Aires en 1994 pour protéger lesrelations entre Buenos Aires et Téhéran.«Aucune des deux hypothèses de délitssoutenus par le Procureur dans sonréquisitoire ne sont un minimumprouvés» a déclaré le juge Rafecas.

Le Président équatorien Rafael Correaa salué cette décision en déclarant que«la farce visant à accuser CristinaKirchner est terminée»

Le budget 2014 des USAa accordé 5 millions de

dollars pour l’ oppositionvénézuélienne

Le budget 2014 des USA a accordé 5millions de dollars pour l’oppositionvénézuélienne. Ce n’est pas Maduroqui le dit, mais The Guardian, unjournal libéral anglais. Legouvernement US n’essaye même pasde le cacher, les 5 millions de dollarsqui servent au financement del’opposition vénézuélienne, c’est-à-dire au financement d’actionsviolentes et plans putschistes afin dedéstabiliser, voire renverser, legouvernement de Nicolas Maduro,sont là, visibles aux yeux de tout le

monde. "Nous sommesparticulièrement alarmés par lesrapports qui disent que legouvernement vénézuélien a arrêtédes manifestants anti-gouvernementaux”, a affirmé leSecretaire d’Etat John Kerry.

C'est une ingérence dans lesaffaires internes du Venezuela, et donccontraire au droit international. Maiscomme on le sait, la relation entre ledroit international et les USA estcompliquée.

Deux européens sontcondamnés pour la

planification d’un attentatcontre Evo Morales

Il y a deux semaines, le Tribunal dePremière Instance de La Paz (Bolivie) acondamné Mario Tadic (Bolivien d’originecroate) et Elöd Tóásó (citoyen hongrois) à5 ans de prison ferme pour avoir planifiédes attentats contre le président EvoMorales et pour la programmationd’actions terroristes et sécessionnistesafin de déstabiliser le gouvernementbolivien. Ces deux mercenaires européens fontpartie d’un groupe sécessionniste deSanta Cruz, dirigé par un Hongro-bolivien, Eduardo Rózsa Flores, qui vise àséparer cette région du reste du pays. Ilfaut savoir qu’il ne s’agit pas d’un casisolé, les actions violentes etsécessionnistes de la part de l’oligarchiecapitaliste bolivienne de Santa Cruz faitpartie du quotidien. Malgré cela, ni l’ONUni aucun des pays occidentaux (les soi-disant paladins de la démocratie et de lajustice) n’ont jamais mis en question etn’a jamais condamné les actions de cesgroupes. Vous pouvez deviner pourquoi ?

Journée mondialeen soutien au

43 étudiants mexicainsdisparus

Cinq mois après la disparition des 43étudiants de l'école normale ruraled'Ayotzinapa, la neuvième journée d'ActionGlobale pour Ayotzinapa s'est tenue le 26février dernier. A l'initiative des associationsciviles et des familles des disparus, denombreuses marches ont été organisées auMexique et dans le monde pour réclamerque justice soit faite.

Venezuela -Témoignage de laguerre économique

Lieu: Figueroa, petite zone rurale àenviron 20 km de Caracas.

Date: Samedi 21 février

06:30 Les habitants du secteur s'organisent enfaisant la queue pour faire leurs courses,en donnant la priorité aux personnesâgées mais aussi, peut-être commemarque de reconnaissance et desympathie, aux médecins cubains quiopèrent dans le dispensaire du coin.

09:30 La vente des produits se termine.

Coût des produits des magasins Mercal:Huile de soja: 0,04euro. Kilo de riz: 0,04euro.Kilo de sucre: 0,05euro. Kilo de viande: 0,31euro.Farine: 0,03euro. Pâtes: 0,02euro. Poulet: 0,15euro.

Notes: Les prix sont calculés sur la basedu taux de change du bolivar (monnaielocale) établi par l'oppositionvénézuélienne. Dans n'importe quel cas,les prix sont dérisoires par rapport aupouvoir d'achat du Vénézuélien.

La guerre économique et alimentaire auVenezuela est déjà entrée dans sa phasede résistance pacifique.

Les commerçants de l'opposition devronttôt ou tard vendre leurs produits à desprix justes ou se résigner à fermer leurscommerces avant de faire faillite.

Ce qui suit est un exemple dufonctionnement de ladistribution d'aliments de basepar la chaîne de magasins d’ÉtatMercal.

Il se passe dans le Mercal d’unezone rurale la même chose quedans les milliers de Mercalrépartis sur tout le pays.

LES 7 MEDIAMENSONGES DU MOIS

Le Monde ou le journalisme de seconde zone

Depuis un mois et la mort du Procureur Alberto Nisman, les critiques des médiasoccidentaux à l'égard de la Présidente argentine Cristina Kirchner vont bon train. Celle-ciest soupçonnée implicitement d’être à l'origine de la disparition du Procureur. Certains s'endonnent même à cœur joie pour dresser un bilan négatif de sa présidence. Comme cet articledu Monde.fr intitulé Argentine:le crépuscule des années Kirchner du 20 février 2015.

Le journaliste Paulo A. Paranagua n'hésite pas à critiquer ouvertement la Présidente (ce quiest son droit le plus strict) sans donner de chiffres ni de données qui nous permettraient devérifier ses allégations.

Il affirme par exemple: «Hélas, l’enrichissement personnel vertigineux de la familleKirchner suscite des soupçons: au minimum, il y a eu conflit d’intérêt, si ce n’estblanchiment d’argent provenant de la corruption». Très bien. Mais quel conflit d'intérêtayant opposé qui à qui? De quel blanchiment d'argent parle-t-il et combien d'argent lafamille Kirchner a-t-elle amassé grâce à la corruption? Aucun chiffre. Aucune informationconcrète.Tout l'article se présente comme un violent réquisitoire contre la gouvernance Kirchner et lepéronisme en général, dont la Présidente est issue. La Présidente est accusée égalementd'avoir utilisé les «services de renseignement à des fins partisanes» sans qu'encore une foisaucune preuve ne soit donnée.Pas un mot sur la forte croissance économique qu'a connue le pays ces dix dernières années,sur les nombreux programmes sociaux, la baisse de la pauvreté... Non, seulement du négatif.Voilà le type d' «informations» qui participent au discrédit des gouvernements progressisteslatino-américains.

Vrai-Faux sur le Venezuela

Le site web BBC Monde, le 20 février dernier, a publié un articleintitulé "Les difficultés d'être un Gouvernant au Venezuela" dont lecontenu cherche à discréditer le Gouvernement Bolivarien et lastabilité du pays. L 'ambassade du Venezuela au Royaume Uni a envoyéune réponse au média britannique pour répliquer aux inexactitudes etaux faussetés publiés.

1. Il est faux que l'opposition est persécutée pour des raisons politiques.Une confirmation de cela est l'existence d'une opposition organisée qui jouitdes mêmes droits constitutionnels que les autres partis politiques du paysqui ont participé à 19 élections nationales pendant ces 15 dernières années.On peut dire la même chose de toute autre organisation qui travaille et agitdans le cadre de la loi. Il y a eu de nombreux cas d'actionsanticonstitutionnelles et illégales menées à bien par la coalition des partisd'opposition, dont le coup d'Etat de 2002 et la grève pétrolière de décembre2002 qui a duré jusqu'en janvier 2003 (et qui a coûté au pays des milliers demillions de dollars), une longue liste de tentatives pour briser l'ordreconstitutionnel et renverser le gouvernement légitime et éludémocratiquement.

2. Il est faux qu'il existe une persécution politique des mairesd'opposition. Les 33 cas qui sont mentionnés dans l'article sont dus à desenquêtes initiées non contre les maires mais contre des personnes accuséesd'actions illégales et/ou tombant sous le coup de la loi. Le gouvernement aaussi initié des enquêtes contre des fonctionnaires du parti au pouvoircomme le maire de Valencia, Edgardo Parra, qui a été emprisonné pendant 6mois pour corruption dans l'attente de son procès, ou le cas de l'ex maire deMaturín, Numa Rojas, qui est en prison.

3. Il est faux qu'on empêche la police de l'état de Miranda de faire sontravail. Au contraire, le gouvernement et les porte-paroles du gouvernementont exhorté à plusieurs occasions le gouverneur de l'état de Miranda às'assurer que la police de Miranda accomplisse son obligation légale deprévenir la violence de rue connue comme "guarimbas", entre février et juin2014,qui a causé la mort de 43 Vénézuéliens. A ce moment-là, le gouverneuret la police de l'état de Miranda ont refusé d'écouter ces appels et ontadopté une attitude négligemment passive face à la violence déployée parquelques extrémistes sur les vies et le bien-être des citoyens. La violenceextrémiste de février à juin a été menée à bien dans quelques 18municipalités, en majorité sous le contrôle politique de l'opposition et où lesmaires et les autorités municipales, parmi lesquelles les corps de la policelocale sous leur contrôle, comme Polichacao, Polibaruta et Polimiranda,étaient coupables d'avoir négligé leur devoir, de ne rien avoir faitpourprévenir la violence de l'extrême droite.

4. Ce qu'on appelle la décentralisation, mise en place dans les années

90, avant le premier mandat présidentiel d'Hugo Chávez, futessentiellement une politique néolibérale qui a eu desconséquences néfastes puisqu'elle ne liait pas les régions aux plansnationaux de développement et se concentrait sue la promotion duclientélisme et de la bureaucratie aux niveaux de l'état et au niveaumunicipal. Cette "décentralisation" a eu our objet de perpétuer l'exclusionsociale de millions de personnes et de renforcer les inégalités puisque lesressources étaient concentrées dans les municipalités riches aux dépendsdes zones de faible développement socio-économique dans lesquelles vivaitla majorité de la population. Le gouvernement bolivarien a obtenu degrandes avancées dans l'éradication de la pauvreté et de l'exclusion sociale,précisément parce qu'il distribue et redistribue les ressources fiscales auxmunicipalités et aux gouvernements pour répondre aux besoins de lapopulation. Cela a fait que le démantèlement de la décentralisationnéolibérale a été indispensable. La Constitution Bolivarienne du Venezuela,approuvée par presque 80% de l'électorat en 1999, établit quela base de lastructure politique du Venezuela est la démocratie participative et pourcela, les organisations de représentation populaire comme les conseilsCommunaux sont indispensables. Ces conseils permettent à des millions deVénézuéliens, qui auparavant étaient exclus, d'avoir du pouvoir et departiciper directement aux questions concernant leur quartier, leur paroisse,leur district ou leur mairie. la force de la démocratie participative auVenezuela s'exprime dans l'existence de beaucoup d'autres organisations debase.

5. Il est complètement faux que les municipalités et/ou lesgouvernements d'états sous le contrôle de l'opposition sont laissés sansressources. Le budget 2015 a augmenté de 34,21% par rapport à 2014 et lefinancement de programmes sociaux a augmenté de 34%. Dans le cas dugouverneur de Miranda, Henrique Capriles gère un des budgets régionaux lesplus importants du pays. En ce sens, les politiques du Gouvernement enmatière de santé, d'éducation, de logement, de transport, de santé etd'hygiène, de création d'emplois et d'autres domaines s'appliquent aussi auniveau fédéral, y compris aux états de Miranda et de Caracas, qui en ontbénéficié dans une large mesure. Pour l' état de Miranda, les chiffres parlentd'eux-mêmes: le Gouvernement a construit 71.143 logements et 36.433 sonten construction alors que le gouvernement de Miranda que dirige HenriqueCapriles bien qu'il ait des ressources fédérales et locales de l'étatsuffisantes, ne fait rien de significatif dont il puisse montrer les résultatsdans ce domaine, bien qu'il affirme que son gouvernement a construit cesmaison.

6. (sic). L' accusation contre le Gouvernement Bolivariend'avoir créé un réseau de clientélisme à but électoral nonseulement est tendancieuse mais elle est fausse. L'essenceéthique du Gouvernement Bolivarien depuis sa création a été et continuerad'être la promotion du progrès social, comme le démontre la réduction

massive de la apuvreté, la création d'un service d'hygiène universel etgratuit, l'éducation et la construction de 700 000 maisons pour des famillesà bas revenus, ainsi que beaucoup d'autres réussites. Le Venezuela a déjàatteint les Objectifs de Développement du Millénaire et malgré lesdifficultés temporaires causées par la chute du prix du pétrole et une guerreéconomique provoquée de l'extérieure et à l'intérieur, est un des pays quiont des indices d'inégalités, y compris la brèche de genre, les plus bas ducontinent. Le peuple vénézuélien soutient ces objectifs en ayant voté defaçon écrasante en faveur du Gouvernement Bolivarien lors de 19 électionslibres, justes et transparentes dans un système électoral que l'ex présidentJimmy Carter a qualifié de "meilleur du monde". Et grâce à la politiqueénergique du Gouvernement Bolivarien en matière d'inclusion sociale etpolitique, les listes électorales ont augmenté de 10 millions d'inscrits en1999 à presque 20 millions en 2014. Le Venezuela bolivarien encouragevigoureuseent la démocratie et le progrès social.

7. L'article cite Jesús Torrealba, le secrétaire de la coalition de partis del'opposition (MUD), qui affirme que le Gouvernement essaie de forcerl'opposition à abandonner les bons mécanismes démocratiques pour résoudre

les conflits. La vérité, cependant, c' est que le président Maduroa convoqué une Conférence Nationale de Paix en pleine vaguede violence, en février 2014, pour obtenir que otus les secteursparticipent à un dialogue pour mettre fin à l'effusion de sang maisl'opposition a boycotté cette conférence.

En résumé, cet article est plein d'accusations sans fondementet d'inexactitudes. On ne fait aucun effort pour interviewer unreprésentant du Gouvernement concernant les allégations des individus liésà l'opposition. Monsieur Pardo se limite à présenter ces accusations commela vérité.

Au nom du journalisme responsable, l'Ambassade pourrit profiter de cetteoccasion pour attirer l'attention de la BBC sur ce qu'affirme son propre coded'éthique journalistique, en particulier le chapitre 1.2.2. :

"notre production journalistique utilisera des sources d'informationresponsables, se basera sur des preuves solides et prouvées et seraprésentée dans un langage clair et précis. Nous nous efforçons d'êtrehonnêtes et sincères concernant ce que nous savons et on évitera laspéculation sans fondement."

Source : Agencia Venezolana de Noticias

L'Association Inter-américaine de Presseet ses actions au Venezuela

Depuis 15 ans, de nombreux journaux d'opposition au processus révolutionnaire ont délégitimé sanscesse le gouvernement d'Hugo Chávez et de Nicolás Maduro. Or, la plupart de ces entreprises decommunication vénézuéliennes font partie de la Société inter-américaine de presse (SIP). Le rôle dela SIP, en tant qu'extension de la CIA en Amérique latine, est de préparer des plans d'ingérence, parle biais de différentes techniques de manipulation des médias au Venezuela et en Amérique latine.

La SIP ne regroupe ni des journalistes ni des employés, mais les propriétaires de journaux sur toutle continent. Elle fut donc créée avec pour seul but de défendre les intérêts économiques etpolitiques des propriétaires des médias imprimés. A plusieurs reprises, cet organe a été discréditépar des porte-paroles du Venezuela qui démontrent quels sont les intérêts réels de cette institutionétrangère, preuves juridiques à l'appui.

Un jour, le journaliste et Président de l'Assemblée nationale William Lara a déclaré: «Le SIP est unesociété qui ne représente pas les journalistes du Venezuela ni ceux d'aucun autre pays sur lecontinent américain, mais les propriétaires de journaux qui sont principalement là pour promouvoirleurs propres intérêts économiques ".

Cette agence fut également remise en cause par l'enseignant, journaliste et membre de l'Assembléevénézuélienne Earle Herrera, qui dit: "Le SIP est une organisation qui a toujours été associée auxpropriétaires des médias sociaux".

ll rappela également le silence qui fut maintenu pendant le coup d'Etat du 11 Avril 2002, dans lequelles propriétaires de médias jouèrent un rôle très actif. Le fait que ces entreprises fermèrent les yeuxen essayant d'occulter la tentative de coup d'Etat, un fait historique, et en se mettant à la dispositiondes putschistes pour son aboutissement, les discrédita aux yeux du peuple vénézuélien.

En 2005, le journaliste et actuellement Ministre Andrés Izarra déclara, au sujet de cette agence, que:

"L'histoire contemporaine de l'Amérique latine démontre que la tâche de la SIP a été d'appuyer lesdictatures, en occultant l'emprisonnement et l'assassinat des journalistes, et en attaquant lesgouvernements qui promeuvent la liberté et le progrès pour leurs peuples en les accusant d'ennemisde la liberté d'expression ".

En conclusion, aujourd'hui cette organisation continue à exercer le même rôle en faveur des intérêtsdes propriétaires de médias (identiques à ceux de l'opposition politique putschiste et antirévolutionnaire).

Depuis le triomphe du projet politique bolivarienne en 1999, la SIP a été l'instrument médiatiqueutilisé à la fois pour approuver des actions de coups d'Etat de l'opposition, et pour tenter deboycotter les initiatives politiques progressistes qui sont en cours d' application au Venezuela deNicolas Maduro.

Par Richard Moya, Caracas

Les manipulations de tous les jours dans le contextede la bataille médiatique au Venezuela

"L'hebdo indépendant" est une publication du sénateur français Robert del Picchia et de son équipe de rédaction.Robert del Picchia est le sénateur des Français résidant à l'étranger.

Les bulletins de "L'Hebdo indépendant" sont présentés comme émanant d’une rédactionresponsable, désireuse de diffuser des informations complètes et fiables, sans toutefois pouvoir legarantir formellement. Dans son bulletin n°545 de janvier 2015 publié dans la rubrique Afrique-Amérique-Asie, nouslisons à propos du Venezuela : "Des milliers de citadins ont manifestés dans les rues de Caracascontre la politique économique appliquée par le gouvernement de Nicolás Maduro. En charge de laprésidence du pays depuis mars 2013, le successeur de CHAVEZ voit ses appuis s'écrouler, ainsique ceux de ses partisans" . Et cela n'importe quel lecteur peut le croire. Sauf ceux qui vivent le quotidien de Caracas, qu'ilssoient partisans ou opposants à la Révolution Bolivarienne, et qui sont des témoins directs desdifférentes manifestations organisées tantôt par l'opposition tantôt par les partisans de Maduro.Qui vit à Caracas peut comparer le petit numéro des opposants qui se rassemblent pour protesteravec les milliers de personnes manifestant avec une régularité et une fréquence qui ne faiblissentpas pour soutenir Maduro dans la continuité fidèle de la politique de Hugo Chávez.

C'est pour cela que nous nous sommes permis d'envoyer au sénateur une petite note sur la situationen question, en faisant référence aux trois lignes de son Journal qui prétendent décrire la situationpolitique du Venezuela. Nous devons reconnaître que sa réponse nous a surpris (en réalité nous nel’attendions pas...) et que Madame Olivia Richard, collaboratrice parlementaire du sénateur, a ététrès courtoise. Nous nous sommes félicités d’avoir envoyé nos commentaires. Monsieur le sénateurnous a signalé que ses informations étaient "simplement tirées de la presse française" et qu'avecgrand plaisir il prendrait connaissance de notre point de vue sur la situation politique.

Confrontés à ce type de situation, nous nous rendons compte à quel point les grands médias decommunication réussissent à montrer à leurs lecteurs – et, dans ce cas précis, en obtenant unediffusion internationale – une information biaisée reproduite telle quelle par un sénateur de laRépublique Française dont la bonne foi ne doit probablement pas être mise en doute. Pour êtrejustes et honnêtes, nous devons saluer la grande valeur du travail accompli par ce sénateur en faveurde ses compatriotes résidant à l'étranger, de même que l'intéressante source d'informationsinternationales qu'offre son hebdomadaire. Nous enverrons donc au sénateur une informationvérifiée à propos de la situation politique au Venezuela et nous espérons qu’il la fera suivre.

Par Jean Araud, Caracas

La guerre médiatique contre le Venezuela :la lourde campagne de ABC

La campagne de discrédit contre le Venezuela menée par le journal espagnolABC, campagne inscrite dans une guerre médiatique internationale contre legouvernement légitime de ce pays, est tout simplement scandaleuse. Mi-février, lequotidien a accusé le président de l'Assemblée Nationale Diosdado Cabello d'avoirdes liens avec le narcotrafic. Ce dernier a réagi en annonçant qu'il allaitentreprendre des actions légales contre le journal pamphlétaire de droite.

par Maria Vacas Sentis

Quelques jours plus tôt, ce journal s’était fortement etlonguement« préoccupé » des files d'attentes et des problèmes d’approvisionnementen produits de base (mais aussi, et cela ABC ne le dit pas, pour les entrepreneurs quisont à l'origine de ce mal-être social). Et puis les autres thèmes phares étaientconsacrés à la violence, comme si l'insécurité et la délinquance étaient un phénomèneexclusif de ce pays. Aujourd'hui, ABC dédie sa une aux liens d'amitié qui unissentCuba et le Venezuela, en lançant des mensonges sur la collaboration fructueuse etl’échange de médecins et professeurs, qui ont permis l'éradication del'analphabétisme en permettant un plus grand accès aux soins de santé aux classespopulaires vénézuéliennes. Autant d'obsession néocoloniale pour le Venezuela quicontraste de manière puissante avec le silence médiatique concernant d'autres pays ducontinent américain. Au Mexique, fin février, soixante et un cadavres ont étédécouverts dans une des nombreuses fosses communes. Quelques jours plus tôt, lecorps décapité d'un militant social connu a été découvert pendant que se poursuit larecherche des 43 étudiants d'Ayotzinapa. Au Honduras, un autre journaliste a étéassassiné cette même semaine, alourdissant le nombre de reporters tués ces dernièresannées. En Colombie, il y a quelques jours, quatre enfants d'une même famille, leplus petit âgé seulement de quatre ans ont été assassinés par balles, certainement pardes paramilitaires. Cependant, pour ABC, il n'existe que le Venezuela. Pourquoi?

Le journal espagnol ABCs' « inquiète » pour le

Venezuela

Le « dernier journal nazi aumonde », comme le rappelle lePrésident ouvrier Nicolas Maduro,en rappelant son passé et le fait quecelui-ci n'a jamais été remis encause, n'hésite pas à consacrer desunes mensongères à la patrie duLibertador Simon Bolivar. Pour uneseconde, l'on croirait que « tout vabien » dans l'Espagne de Rajoy...L'ABC, une arme de distractionmassive.

Venezuela : qui agresse qui ?

Des jeunes violents ont essayé delyncher un officier de la « GuardiaNacional Bolivariana » à Caracas.

Source : Laiguana.tv, 19 février 2015

L’absence d’une politique multilatéraleinternationale « effective, concrète etdémocratique » est le principal danger pour lapaix dans le monde et explique la majorité desproblèmes liés au terrorisme, à la sécurité, à lasouveraineté, à l’intégrité territoriale, ainsique les problèmes économiques et financiersactuels qui frappent la planète. Les Etats-Unis,par leur unilatéralisme, sont en grande partieresponsables de la situation actuelle.

L’Assemblée générale des Nations unies aadopté la résolution n°68/304 concernant lacréation d’une Convention multilatéralechargée d’établir un cadre juridique pour larestructuration des dettes souveraines desnations. Avec une majorité de 124 voix, cettedécision illustre la volonté majoritaire de lacommunauté internationale et l’isolement despays développés. La restructuration de la detteest un processus indispensable afin d’éviter lafaillite des économies du Tiers-monde. Sansrestructuration, les pays du Sud vont à unemort certaine. Et « les morts ne payent pasleurs dettes ».Les grandes puissances et les institutionsfinancières ne peuvent pas continuer à pillerimpunément les richesses des pays du Sud etexiger le remboursement d’une dette qui adéjà été payée plusieurs fois. Pour chaquedollar prêté, l’Amérique latine a déjàremboursé plus de 7 dollars et croule toujourssous le poids de la dette. La responsabilité dela dette n’incombe pas seulement au débiteurmais également aux créanciers, c’est-à-dire lesprincipaux organismes financiersinternationaux et les banques privées. La dette

des pays du Sud a été contractée à des tauxusuraires et est impayable en l’état. On aimposé à l’Argentine des taux d’intérêt allantjusqu’à 14%.Une partie de dette externe de l’Argentine aété contractée par la dictature militaire de1976. Elle est donc illégitime et moralementimpayable.La vague néolibérale des années 1980 et 1990,imposée par les institutions financièresinternationales, avec des privatisationsmassives des secteurs stratégiques del’économie nationale, une dérégulation sansprécédent et un démantèlement de l’Etat-Providence, a conduit le pays vers le désastrede 2001. Alors que l’Argentine était présentéecomme le meilleur élève du continent par leFMI et la Banque mondiale, les politiquesnéolibérales ont été un échec total. En 2001,l’Argentine a souffert d’une grave criseéconomique, similaire à celle qui a frappé lemonde en 2008 et dont les effets menacentaujourd’hui les économies émergentes. Lepays s’était déclaré en défaut de paiementavec une dette représentant 160% du PIB. A lacrise économique s’est ajoutée une grave crisepolitique qui a vu l’Argentine changer cinqfois de président en une semaine. Lesinstitutions financières internationales, àcommencer par le Fonds monétaireinternational et la Banque mondiale,responsables de la tragédie économique etpolitique, ont abandonné le peuple argentin àson sort. Le Fonds monétaire internationaldoit être réformé en profondeur car sespolitiques d’ajustement structurel ont conduitl’économie mondiale dans l’abîme.

25 vérités de la Présidente de l’Argentine

Cristina Fernández aux Nations unies

Lors de la 69ème Assemblée générale des Nations unies, enseptembre 2014, la présidente de l’Argentine a rappelé quelquesvérités soigneusement occultées par les grands médias.

par Salim Lamrani

En 2003, le Président Néstor Kircher a exigédes principaux responsables de la crise, àsavoir le FMI, la Banque mondiale et lesprincipaux créanciers, qu’ils assument lesconséquences de leurs actes. Elu avec 22%des voix, il a repris en main l’économie dupays afin de faire face à un taux de chômagede 25%, un taux de pauvreté de 54%, un tauxd’indigence de 27%, et un systèmed’éducation et de santé complètementdémantelé. Depuis 2003, grâce à une politiqueéconomique volontariste, où l’Etat a joué unrôle important en nationalisant une partie deses ressources énergétiques, rejetant lefondamentalisme néolibéral, l’Argentine aréussi à créer des millions d’emplois, à mettreen place un système de retraite efficace et àobtenir une croissance moyenne annuelle duPIB de 6%. Le gouvernement de Kirchner adédié les nouvelles ressources àl’infrastructure du pays avec la constructionde routes, d’écoles, de centrales nucléaires ethydroélectriques, de réseaux électriques et desystèmes de distribution d’eau potable danstout le pays. Le citoyen argentin a été placé aucentre du projet d’inclusion sociale et lapauvreté et l’indigence sont passées sous leseuil des 10%. Malgré l’adoption d’une politiqueéconomique aux antipodes de ce quepréconisent les organismes financiersinternationaux adeptes du néolibéralisme, leFMI a reconnu que la croissance économiquede l’Argentine entre 2004 et 2011 était lameilleure de l’Amérique latine et parmi lestrois meilleures au monde, juste après laChine et la Bulgarie. De la même manière,l’Argentine dispose aujourd’hui, selon le FMI,du meilleur pouvoir d’achat et du meilleurrevenu prévisionnel de l’Amérique latine.De 2003 à 2014, l’Argentine a dédié plus de190 milliards de dollars en remboursement dela dette externe contractée par lesgouvernements antérieurs. Près de 92,4% descréanciers ont accepté une restructuration dela dette en 2005 et en 2010 et ont reçu desversements réguliers depuis ces dates.L’Argentine a remboursé l’intégralité de ladette contractée auprès du FMI. L’Argentine aégalement réussi à obtenir un accord en 2014pour la restructuration d’une dette contractéeen 1956 auprès du Club de Paris.

Malgré ses réticences initiales, l’entreprisepétrolifère espagnole Repsol, expropriée en2012 dans le cadre d’une politique derécupération de la souveraineté énergétique, aaccepté l’indemnisation de 5 milliards dedollars proposée par l’Argentine, soit la moitiéde ce qu’exigeait la multinationale. Tout cela a pu être réalisé sur fonds proprescar l’Argentine n’a plus accès aux marchés decapitaux depuis la crise de la dette de 2001. « Ce processus d’inclusion sociale a été initiéà partir d’une banqueroute totale et absolue,en pleine cessation de paiement. Nous avonsréussi à surmonter cela, nous avons réussi àinclure les Argentins, nous avons pu obtenirune croissance sociale avec inclusion, nousavons réussi à nous désendetter et,aujourd’hui, nous disposons d’un niveau dedette parmi les plus bas au monde ».Les « fonds vautours », fonds de pension quiexigent le remboursement intégral et immédiatde la dette et qui représentent les 1% descréanciers qui n’ont pas accepté larestructuration de la dette de 2005,représentent un danger pour la stabilitéfinancière du monde car ils menacent les paysles plus fragiles qui s’efforcent à lutter contrela pauvreté. « Aujourd’hui, l’Argentine, avecla complicité du système judiciaire de ce pays[les Etats-Unis], est harcelée par ces fondsvautours ». Le rôle des « fonds vautours »,selon l’expression de l’ancien Premierministre britannique Gordon Brown, consisteà racheter les titres de dettes des pays endéfaut de paiement et d’entamer ensuite despoursuites judiciaires auprès de différentesjuridictions et d’obtenir « des bénéficesexorbitants ». Ainsi, après leur plainte contrel’Argentine, ces fonds vautours ont obtenud’un tribunal de New York des indemnisationséquivalant à 16 fois le montant de la detteréclamée. Ces fonds vautours mettent endanger la stabilité financière de l’Argentine etmenace la restructuration de la dette établie en2005 et 2010 avec 92,4% des créanciers. Eneffet, l’accord stipule qu’aucun créancier nepourra obtenir un remboursement supérieur àcelui établi avec la majorité des détenteurs detitres de dette argentine. « De plus, ces fonds vautours menacent etharcèlent l’économie de notre pays, enprovoquant des rumeurs, des infamies et

calomnies […] et agissent en tant quevéritables déstabilisateurs de l’économie ».

« Il s’agit presque d’une espèce de terrorismeéconomique et financier. Ceux qui posent desbombes ne sont pas les seuls terroristes. Ceuxqui déstabilisent l’économie et provoquent lapauvreté, la faim et la misère, à partir dupêché de la spéculation sont également desterroristes ».L’Argentine a été victime de deux attentatsterroristes. En 1992, une bombe a détruitl’ambassade d’Israël, et en 1994, une autre afrappé le siège de l’Association mutuelleisraélite argentine (AMIA).Le gouvernement du Président NéstorKirchner a été celui qui a le plus œuvré afinque l’on découvre les véritables responsablesde ces crimes. Toutes les archives des servicesde renseignement ont été déclassifiées et uneéquipe d’investigation spéciale a été crééepour élucider cette affaire.« Quand en 2006, la Justice de mon pays aaccusé des citoyens iraniens d’être impliquésdans l’explosion de l’AMIA, il a été le seulprésident, avec moi, qui ait osé proposer à laRépublique islamique d’Iran de collaborer àl’enquête ».En 2011, l’Iran a accepté la proposition decollaboration et un mémorandum d’accord decoopération judiciaire a été signé entre lesdeux pays.« Que s’est-il passé après la signature de cemémorandum ? Il semble que nous ayonsréveillé tous les démons internes et externes.Les institutions d’origine juive qui nous ontaccompagné toutes ces années et qui ontdemandé la coopération ont soudain expriméleur opposition […]. Elles nous ont accusés decomplicité avec l’Etat d’Iran […]. Cettesemaine, le secrétaire d’Etat s’est réuni avecson homologue iranien. […]Nous aimerionsdemander à ceux qui accusaient l’Iran et lesqualifiaient de terroristes l’année dernière :que dites-vous aujourd’hui ? ».

Les supposés « combattants de la liberté »,soutenus par les puissances occidentales, quiessayaient de renverser le gouvernement deBachar el Assad hier, constituent aujourd’huiles troupes de ISIS, qui menacent la sécuritédans tout le Moyen-Orient. Les Etats-Unis, laFrance et le Royaume-Uni, membres duConseil de Sécurité des Nations unies, chargéde la paix dans le monde, ont créé le monstre.« Où sont apparus Al Qaeda et les Talibans ?Qui leur vend des armes ? D’où prennent-ilsleurs ressources ? Mon pays ne produit pasd’armes. Quels sont les pays qui leur vendentdes armes? »Les grandes puissances changent tropfacilement « le concept de ami-ennemi ou deterroriste-non terroriste ». Il est impossible decombattre le terrorisme par la guerre. Il fautœuvrer pour la paix mondiale.« Je réclame de nouveau à cette Assemblée, lareconnaissance définitive de la Palestinecomme Etat membre de plein droit de cetteAssemblée ». La Palestine a le droit à laprotection de ses populations civiles et à nepas subir une agression « qui a provoqué lamort de centaines d’enfants et de femmes ».L’usage de la force doit être banni et ilconvient de respecter l’intégrité territorialedes nations. Les îles Malouines sont argentines et il esttemps que le Royaume-Uni accepte cetteréalité.

Il est temps de réformer le Conseil de sécuritédes Nations unies et d’abroger le droit de vetodes cinq grandes puissances que sont lesEtats-Unis, le Royaume-Uni, la France, laChine et la Russie. Il faut que l’Assembléegénérale des Nations unies retrouve sespleines prérogatives, sans subir les contraintesdu Conseil de Sécurité, afin de faire régnerune « véritable démocratie mondiale » oùchaque pays représente une voix.

Le contexte historique

Quels points communs les indépendancesafricaines du début des années 1960 ont-elles avec les indépendances latino-américaines du début du 19ème siècle? Ceslibérations, fruit de longues luttes souventmeurtrières débouchèrent essentiellementsur des indépendances politiques. En effet,les administrations coloniales qui jadisdominèrent politiquement les colonies furentremplacées par les représentants desnouveaux États «libres». Néanmoins, dansde nombreux pays, une oligarchie parasitaireet corrompue prit le pouvoir, reléguant lepeuple à la passivité et à la soumission.

Si l'indépendance politique fut en partiegagnée par les anciennes colonies,l'indépendance économique, elle, fut unleurre. En effet, les États récemment libérésdu joug des anciennes puissances colonialesrestèrent très dépendantes vis-à-vis desmétropoles européennes. Concernantl'Amérique Latine, l'immense majorité despays s’insérèrent dans l'économie monde enadoptant le libre- échange. Un systèmedominé à cette époque par la grandepuissance industrielle, l'Angleterre. Le libre-échange, tout comme aujourd'hui, était alorsle système économique et commercialdominant. Il fut théorisé par l'économisteanglais David Ricardo. Cette théorie reposait

sur l'idée qu'un pays, pour être compétitif,devait se spécialiser dans un secteur ou unproduit en particulier pour en tirer unmaximum de bénéfices, c'est la fameusethéorie des «avantages comparatifs». Parexemple, si un pays était riche en café, ildevait se spécialiser uniquement dansl'exportation de café. Ce système entraîna lespays riches en matières premières etagricoles vers le modèle de la monoculture.Un véritable désastre pour ces pays. Cettethéorie du libre-échange était imposée alorspar l'Empire britannique qui dominaitéconomiquement et militairement unegrande partie du monde, de la Chine àl'Argentine en passant par l'Inde.

Cependant, ce système extrêmementavantageux pour Londres s'avérait êtrecatastrophique pour le développement despays du «sud».

Comment fonctionnait précisément cesystème? Les pays latino-américains parexemple exportaient leurs matièrespremières vers la métropole anglaise à desprix parfois très avantageux. Celle-citransformait ces matières premières enproduits manufacturés et trouvait dans cespays des marchés pour écouler sesmarchandises. Les États comme le Brésil oul'Argentine s’endettèrent alors, souventauprès de banques anglaises pour acheter ces

La guerre contre le Paraguay: Une guerre impérialiste méconnue

Au 19ème siècle, les indépendances des pays latino-américainsmettent fin à quatre siècle de domination coloniale. Néanmoins, lesnouvelles nations ne sont que relativement «indépendantes». Leuréconomie est en effet totalement dépendante des métropoleseuropéennes et notamment de l'Empire britannique. Un pays, leParaguay, décide cependant de se développer indépendamment etde choisir la voie du protectionnisme en refusant de s'insérer dansl’ «économie monde» et le libre-échange dominé par Londres. Uncrime pour le capitalisme anglais qu'il fera payer très cher aupeuple paraguayen. Par Tarik Bouafia

biens. C'est ainsi que commença notammentla dette extérieure des pays du «tiers-monde». Ces pays ne faisaient qu’exporterleur matière première et ne produisaientquasiment rien. L'industrie était quasiinexistante et alors que l'Angleterre sedéveloppait à grande vitesse, les nouvellesnations sud-américaines stagnaient voire sesous-développaient. Cette économiedésastreuse profitait seulement auxbourgeoisies commerciales comme celle deBuenos Aires, très puissante à l'époque. Lereste de l'Argentine était quant à luiabandonné. Néanmoins, un pays, leParaguay, va lui choisir une voie alternative,celle du protectionnisme.

Le Paraguay, une exception

Pendant que la grande majorité des payssud-américains suivent le chemin imposé parla puissance britannique, le Paraguay prendavec l'arrivée au pouvoir en 1814 de JoséGaspar de Francia un tournant historique. Eneffet, le nouveau dirigeant paraguayendécide d'en finir avec l'oligarchie corrompuequi domine la société paraguayenne.L'écrasement de l'oligarchie n'a pas pour butd'asseoir le pouvoir du nouveau général maisde créer un État fort et interventionniste.Lorsque le général meurt en 1840, CarlosAntonio Lopez puis son fils FernandoSolano Lopez prennent le pouvoir. Le pèreet le fils suivent la politique économiqueimpulsée par le général Gaspar Francia. Uneéconomie basée sur un pilier essentiel: leprotectionnisme. Ce dernier contrairementau libre- échange fait de l'industrialisation la

clé essentiel du développement économique.Mais pour cela, il s'agit de fermer le paysaux investisseurs, entreprises et produitsétrangers pour ainsi privilégier ledéveloppement d'une industrie nationale. Lechoix du Paraguay d'adopter cette politiqueéconomique en fait le premier paysindustriel d'Amérique Latine. Les succèséconomiques sont impressionnants. Pendantque le reste des nations latino-américaines sesous développent et dépendentexclusivement de leurs relations avecl'Empire britannique, le Paraguay lui,développe un réseau de chemins de ferperformant et inédit en Amérique Latine. Onfabrique des matériaux de construction, uneindustrie textile et de la sidérurgie voient lejour, une flotte marchande avec des naviressont construits dans des chantiers nationaux,une ligne de télégraphe est également crée.Sur le plan agricole, les dirigeantsparaguayens lancent une grande réformeagraire et reprennent les terres des grandspropriétaires terriens pour les léguer à depetits paysans. La balance commerciale estde son côté largement excédentaire.L'endettement, qui ronge petit à petit lesautres pays de la région est inconnue auParaguay.

Au niveau social, les voyageurs étrangersqui se rendent au Paraguay affirment que lepays ne connaît ni la mendicité, ni la faim.

Toutes ces réussites économiques, sociales,politiques, commerciales permettent même àAsunción d'envoyer ses meilleurs citoyensdans les plus grandes universitéseuropéennes pour se former.

Le Paraguay décida donc de refuser lesystème économique imposé par Londres etsuivi par les néo-colonies latino-américainestel que le Brésil et l'Argentine notamment.Malheureusement, l'histoire nous montre quelorsqu'un pays refuse de se soumettre àl'idéologie dominante imposé par lespuissances occidentales, ces dernières fonttout pour faire rentrer de gré ou de force cetÉtat «dissident» dans le rang. Et le Paraguayn'échappa pas à la règle.

La guerre de la Triple Alliance

José Gaspar Rodriguez de Francia

En 1865, l'Uruguay, le Brésil et l'Argentinese réunissent pour signer le traité de la TripleAlliance. Quelques mois plus tard, ces troispays mais surtout l'Argentine et le Brésil selancent à l'assaut du Paraguay. Pourquoi?Quelles sont les causes de cette guerre? Que cherchèrent notamment le Brésil etl'Argentine en attaquant le territoireparaguayen? Et surtout, quelle fut le rôlejoué par l'Angleterre et quels étaient sesobjectifs?

Comme nous le savons tous, l'histoire estécrite par les vainqueurs. Comme l'a trèsbien démontré le philosophe français MichelFoucault dans ses ouvrages, le pouvoirimpose sa vérité. Il dit ce qui est vrai et cequi est faux. De leur côté, les vaincus n'ontpas leur place dans le récit du passé. Encoreaujourd'hui, ils sont condamnés au silence.

Commençons par la version que donnèrentles pays sud-américains. L'Argentine et leBrésil qui furent les principaux belligérantsaffirmèrent avoir déclenché cette guerrepour des raisons humanistes et morales. Eneffet, considérant que le général FransiscoSolano Lopez n'avait pas été éludémocratiquement par le peuple paraguayen,il était dans le devoir des dirigeants brésilienPedro II et argentin Bartolomé Mitred'apporter le progrès et la civilisation auParaguay. Un peu comme le prétexte utilisépar les États-Unis aujourd'hui pour agresserdes nations souveraines à travers le monde.

Cependant, la raison évoquée par l'Argentineet le Brésil n'était pas aussi noble qu'elle yparaissait. Pour le Brésil, il s'agissait degarder le soutien de l'Angleterre. Pourl'Argentine, les raisons furent plus diverses.Au-delà du fait que l'Argentine souhaitaitconserver de bonnes relations commerciales,politiques et diplomatiques avec la puissancebritannique, le président Bartolomé Mitredésirait également mettre fin aux troubles etaux révoltes qui secouaient l'intérieur de lasociété argentine. L'intérieur fait référence àtout le territoire argentin sauf la capitaleBuenos Aires. Depuis l'indépendance del'Argentine en 1816, le pays fit face à desconflits parfois très violents entre lesfédéralistes qui prônaient un Étatdécentralisé et les centralistes qui euxplaidaient pour une forte centralisation del’État autour de la capitale, Buenos Aires.C'est finalement les seconds quil'emportèrent. Comme il est dit plus haut, lesprovinces intérieures de l'Argentine furenttotalement abandonnées par l'oligarchie aupouvoir. Cette immense partie du paysservait exclusivement à récolter les matièrespremières et agricoles et à les transportervers le port de Buenos Aires pour ensuite lesexporter vers l'Angleterre. Face à cesinjustices territoriales et économiques, dessoulèvements éclatèrent et des mouvementsinsurrectionnels virent le jour. Des hommescomme Felipe Varela ou Juan Saa fondèrentles organisations «montoneros» (à ne pasconfondre avec les montoneros péronistesdes années 1970) et s'allièrent dans le but demarcher sur Buenos Aires. Le sentimentd'injustice était immense contre l'oligarchieportena (de Buenos Aires) qui s'enrichissaitgrâce au commerce avec la puissancebritannique pendant que le reste du territoireargentin était sinistré et que les genssouffraient de la faim et des pénuries. Danscette lutte contre le pouvoir de Buenos Aires,les mouvements insurrectionnels pouvaientcompter sur l'appui de l’État paraguayen.Voilà en partie pourquoi le présidentargentin Bartolomé Mitre décida d'envahir leParaguay conjointement avec le Brésil etl'Uruguay. S'attaquer au général Lopez étaitune manière de détruire les rebellionsintérieures. Notons au passage que le

dirigeant argentin était très confiant à l'idéed'en finir rapidement avec le généralparaguayen. Il s'exclama ainsi lors d'un deses discours: «En trois jours dans lescasernes, en trois semaines au front, en troismois à Asunción». Et voilà qu'à la fin del'année 1865, la guerre de la Triple Alliancecontre le Paraguay est déclenchée. Avant devoir les conséquences désastreuses de cetteguerre, intéressons-nous d'abord au rôleprimordial qu'a joué l'Angleterre dans cetteguerre.

Une guerre pilotée par Londres

Tout comme de nombreux dirigeants du«tiers-monde» aujourd'hui, les dirigeantsargentins et brésiliens de l'époque n'étaienten réalité que des marionnettes à la solde del'impérialisme anglais. En effet, si Mitre etPedro II ont lancé cette guerre, c'était pluspar soumission vis-à-vis de l'Angleterre quepour des raisons géographiques liées à desconflits frontaliers et encore moins pour desraisons humanistes. Non, cette guerre futpensée et pilotée depuis Londres. Lesoligarchies argentines et brésiliennesobéirent aux ordres donnés par les hommesd'affaires anglais dans le but de conserverleurs bonnes relations avec la métropoleeuropéenne et ainsi profiter des nombreuxcapitaux anglais qui affluaient alors enmasse dans ces pays. Des capitaux quienrichirent considérablement lesbourgeoisies commerciales et quiparticipèrent dans le même temps à obtenirdes matières premières à bon marché. Aprèsla fin de ce qu'on pourrait appeler le«colonialisme pur», le néocolonialisme pritla relève. Dans son ouvrage Impérialisme, stadesuprême du capitalisme, Lénine montrecomment l'afflux de capitaux des paysindustriels du Nord vers les pays riches enmatières premières du Sud permet auxpremiers d'asseoir leur domination dans lemonde tout en sous-développant les pays quireçoivent ces flux de capitaux. C'est ce quise passa après les indépendances africainesavec l'arrivée en nombre desmultinationales et c'est exactement ce qui se

passa en Amérique Latine après lesindépendances du 19ème siècle. Dans son œuvre monumentale Les veinesouvertes de l'Amérique Latine, le grandécrivain uruguayen Eduardo Galeano écrit«un pays est dominé par les capitaux qu'on yinvestit». Les capitaux remplacent ainsi lesarmes. Mais ses effets sont tout aussidévastateurs.

Ainsi, les milieux d'affaires britanniquesfinancèrent grandement cette guerre contrele Paraguay. La Banque de Londres, laBaring Brothers ainsi que la BanqueRotschield apportèrent le financementnécessaire pour mener à bien ce projet. Maisalors pourquoi un tel acharnement contre unpetit pays comme le Paraguay? Pourcomprendre, il faut s’intéresser à l'économiebritannique. L'Angleterre devient à la fin du18ème siècle une grande puissanceindustrielle. Celle qui dominera le mondependant plus d'un siècle. Une industrie quipossède un secteur fondamental, celui dutextile. Et pour développer ce dernier,Londres a besoin de nombreuses matièrespremières dont une en particulier: le coton.Jusqu'en 1865, l'empire britannique pouvaitcompter sur le coton bon marché quiprovenait des plantations esclavagistes dusud des États-Unis. Mais en 1861, la guerrecivile étasunienne, la fameuse guerre desécession éclate entre le Nord et le Sud. A lafin de la guerre en 1865, c'est le nordindustriel emmené par Abraham Lincoln quil'emporte. L'Angleterre perd ainsi sonprincipal marché de coton. Il lui faut alorsabsolument trouver une sourced'approvisionnement en coton. En regardantsur la carte du monde, les capitalistes anglaisvoient dans le Paraguay le pays qui pourrasubvenir à leurs besoins en coton. Leproblème, c'est que le Paraguay est un paysprotectionniste qui n'accepte pas comme sesvoisins latino-américains qu'une puissanceétrangère vienne lui piller ces ressourcesnaturelles. Face à ce problème, la solutionque trouvent les milieux d'affaires anglais estd'utiliser les pantins argentins, uruguayens etbrésiliens qui leur sont soumis pour faireplier le Paraguay et l'insérer dansl'économie monde et le libre-échange et

ainsi s'emparer de ses grandes ressources encoton. Preuve de la dépendance et de lasoumission de l'Argentine à l'Angleterre, leprésident Bartolomé Mitre déclarera pendantcette guerre «Je lève mon verre aux effortsargentins et aux capitaux anglais». Lessoldats argentins sont ainsi chargés de fairele sale boulot.

Ce conflit qui se termine en 1870 met fin àl'expérience indépendante du Paraguay. Lesconséquences sont désastreuses. On compteentre six cent mille et un million de mortscôté paraguayen soit plus de 60% de lapopulation qui est décimée. Un autre chiffredonne encore plus froid dans le dos: 90%des hommes paraguayens meurent à la suitede ce conflit. Le déficit démographique estalors catastrophique. Un déficit quiaujourd'hui encore se fait sentir dans lasociété paraguayenne. Les gens meurent defaim et la misère se répand comme unetraînée de poudre.

Ainsi, cette guerre mal nommée de laTriple Alliance puisque l'Angleterre même sielle n'envoya pas de soldats sur le front sud-américain y participa grandement fut leconflit le plus meurtrier que connutl'Amérique Latine. L'Empire britannique suts'imposer et imposer ses lois et son modèleéconomique dévastateur à un pays qui avaitchoisi l'insoumission et le développementautonome. La défaite du Paraguay qui lutterajusqu'au bout contre l'agression militaire deses voisins fait basculer le seul paysindustriel de la région dans le libre-échange.C'est un succès pour l'Empire britanniquequi résout son problèmed'approvisionnement en coton.

Résonances contemporaines

L'impérialisme, le néocolonialisme, lorsqu'ilne peut entrer tranquillement par la portecomme en Argentine ou au Brésil entre parla fenêtre comme au Paraguay . Lesconséquences sont de leur côté identiques.Sous- développement, pauvreté, indigence,dépendance, sont les résultats de politiques

économiques imposés par les puissancesoccidentales aux peuples du sud avec bienévidemment la complicité des bourgeoisiesnationales. Des bourgeoisies qui comme ledit très justement Eduardo Galeano sont«dominantes à l'intérieur et dominées àl’extérieur». Cet épisode tragique del’histoire contemporaine de l'Américaine dusud est malheureusement largementméconnue. Les manuels scolaires, lesmédias spécialisés dans l'histoire n'en parlentpas ou alors que très peu. Pourtant, la guerrede la Triple Alliance doit être connue detous. Elle est un des symboles du cynisme etde la barbarie britannique au 19ème siècle.Et puis, elle montre également à quel pointcertains pays du sud étaient alors tellementinféodés aux grandes puissances qu'ilsn'hésitaient pas à envoyer leurs hommespour satisfaire ceux qui les dominaient. Près d'un million de morts, voilà lapunition que Londres infligea à un pays quiavait commis le crime de se développer entoute indépendance. Par ailleurs, ce retourdans l'histoire montre à quel pointl'impérialisme n'a nullement disparu enAmérique Latine notamment. Au 20èmesiècle, les États-Unis remplacèrentl'Angleterre. Les visées hégémoniques deWashington dans son ancien «pré-carré»représentent aujourd'hui une des plusgrandes menace pour la paix et la stabilité ducontinent latino-américain. Pour mener àbien ces plans, l'administration états-uniennepourra encore compter sur des États traîtreset soumis comme la Colombie qui n'a pashésité à envoyer des paramilitaires sur le solvénézuélien pour tenter de déstabiliserl'ancien président Hugo Chavez.

Voilà pourquoi il est plus que jamais urgentpour les peuples de l'Amérique Latine des'unir face au danger extérieur qui menaceen permanence leur souveraineté. De Cuba àl'Argentine en passant par le Brésil et leVenezuela, l'unité et la solidarité doivent êtreles maîtres mots. Sous peine de revivre lescénario paraguayen.

Le Journal de Notre Amérique n°2

Bruxelles – Caracas – Buenos Aires Mars 2015

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Directeur de publication : Michel Collon

Rédacteur en chef: Alex Anfruns

Equipe de Rédaction: A.Anfruns, Tarik Bouafia, RaffaeleMorgantini, Pablo Gandolfo, Richard Moya, Jean Araud.

Graphisme et illustrations: Cecilia Zamudio , BAF.F & yAce

Traductions et corrections : Maeva Otte, Elisabeth Beague, SarahBrasseur, Tarik Bouafia, Raffale Morgantini, Rocio AnguianoPérez, Jenny Fer, Françoise Lopez (Cuba Si-Provence).