Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne

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    LE JE(U) DE L’ÉNONCIATIONDANS LES PAPYRUS DOCUMENTAIRES DE LA SORBONNE

    INTRODUCTION

    Les papyrus conservés à l’Institut de papyrologie de la Sorbonne ontété édités et commentés par Hélène Cadell en 19661. Ils sont présentés«dans l’ordre chronologique à l’intérieur des trois sections traditionnelles:papyrus littéraires, papyrus documentaires, ostraca»2.

    Les papyrus documentaires auxquels nous consacrerons notre étudecomportent des lettres, des quittances de loyer, des contrats, des ordres dedistribution de vin et de versements en nature, des comptes et des reçus, des

    serments royax, des cautions, des certificats de travail et une e[nteuxi".3

    Dans ce travail, nous nous proposons d’étudier le rôle que tiennentdans le procès d’énonciation les actants de l’énoncé, à savoir «tout ce quicorrespond à une intention communicative»4. Par énonciation nous enten-dons «l’événement historique constitué par le fait qu’un énoncé a été pro-duit, c’est-à-dire qu’une phrase a été réalisée»5. Par actants de l’énoncé  nousentendons le locuteur, désigné par le je, et son partenaire dans la situationde la communication, c’est-à-dire l’interlocuteur, désigné par le tu.

    Nous essaierons de faire ressortir la façon dont le locuteur et l’inter-

    locuteur se définissent dans l’énoncé en tenant compte de la spécificité dufonctionnement sémantico-référentiel des marques de l’acte d’énonciation, à

    1  H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne (P. Sorb. I), nos 1-68 (Travaux de l’Institut depapyrologie de Paris, fascicule 4), Presses Universitaires de France, Paris 1966.

    2  Cf. ivi, préface, p. V.3 Nous n’avons pris en considération que les documents qui fournissent toutes les

    informations indispensables à la réalisation de notre travail. Cf. infra p. 172-173.4 Cf. H. PERDICOYIANNI, La structure et l’énonciation dans les inscriptions syllabiques

    chypriotes, «Centre d’Etudes Chypriotes Cahier» 11-12 (1989), p. 89.5 Cf. O. DUCROT-J.M. SCHAEFFER, Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciencesdu langage, Editions du Seuil, Paris 19952, p. 603; O. DUCROT, Le dire et le dit, Paris 1984,p. 179; H. PERDICOYIANNI, La structure et l’énonciation…, cit., p. 89.

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    savoir des pronoms personnels de la première et de la seconde personne, des

    éléments démonstratifs de la deixis et de la situation temporelle du locuteuret, éventuellement, de l’interlocuteur. Cette démarche permettra donc demettre en lumière les circonstances entourant l’acte énonciatif en intégranttoute indication sur le statut social des deux actants de l’énoncé.

    Nous classerons les divers types de dispositif énonciatif en fonctiondes critères suivants:

    i) le nombre des scribes. En effet, le scribe est le producteur effectifde la transformation de la parole en signes d’écriture. En d’autres termes, ilest l’auteur empirique du texte qui agit sur la commande du locuteur. Par

    conséquent, il n’assume aucune responsabilité du contenu des énoncés;ii) le nombre des lecteurs-destinataires. Le lecteur-destinataire fait le

    mouvement inverse de celui du scribe: il reconnaît (ajnagignwvskei) la subs-tance du message transmis par le locuteur à travers les signes d’écriture. Ils’assigne donc une double tâche: celle de la lecture et celle de l’acquisitiondu savoir communiqué par le message écrit. Le lecteur-destinataire auquella lettre écrite par le scribe est destinée et l’interlocuteur auquel s’adresse lelocuteur ne sont donc qu’une même personne;

    iii) le nombre des locuteurs et leur statut social;

    iv) le nombre des interlocuteurs et leur statut social;v) la substance du message. Celle-ci est constituée par l’information,

    l’ordre, la sollicitation et le souhait. Par conséquent, la transmission écritedu message établit un rapport social entre le locuteur et le l’interlocuteur6.Ce rapport se représente comme suit:

    Loc. 1 message Interloc. 1

    (personnage de condition

    sociale inférieure à cellede l’interlocuteur)

    Loc. 2 message Interloc. 2

    (personnage de conditionsociale supérieure à cellede l’interlocuteur)

    6 Cf. O.DUCROT-J.M. SCHAFFER, Nouveau dictionnaire…, cit., p. 46; J. DUBOIS et al.,Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Larousse, Paris 19992, p. 298.

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    Loc. 3 message Interloc. 3

    (personnage de conditionsociale identique à cellede l’interlocuteur)

    vi) le nombre des avances cognitives. Par avances cognitives nous en-tendons les informations nouvelles, réelles ou éventuelles. La transmissionde ces informations contribuent à l’évolution du discours et à l’acquisitiondu savoir du lecteur/destinataire.

    1.  L’ÉNONCIATION DANS LES LETTRES

    1.1 Dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlocuteur

    1.1.1 Types de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlo-cuteur et un scribe (type 1)A ce type de dispositif énonciatif appartiennent les papyrus dont on

    possède soit seule la face soit la face et le revers.

    1.1.1.1 Dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlocuteur etun scribe et figurant sur des papyrus dont seule la face est conservée

    i) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 22

      Lettre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. informationLoc. 1 mess. souhait Interloc. 1 

    La lettre commence par l’emploi d’une formule de salutation, dans la-quelle le locuteur indique son nom, ce qui le détermine «comme une entitéunique et, à ce titre, individuel et indivisible»7, celui de son interlocuteur,

    7  M. LECOLLE-S. LEROY, Collectif, massif et partition dans les figures du nom propre,

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    sous la forme du datif de destination, et il exprime ses souhaits de bonne

    santé rendus par l’infinitif employé avec la valeur d’un impératif caivrein8.Le locuteur, dont on ne peut déterminer avec précision la fonction etson statut social, doit être subordonné à le interlocuteur, Diogénès, qui estle chef d’une petite normarchie de l’Arsinoïte9.

    A la formule de salutation s’ajoutent les renseignements sur les actionsque le locuteur et le personnel hiérachisé qui est à son service ont accompliesdans le passé, tel l’envoi (l. 2: ∆Aºpestavlkamen) de bétail sous la conduited’Arkhibios (avance cognitive 1)10. Dans la suite, on constate le passage dela première personne du pluriel comportant le «je» du locuteur et le «ils»

    désignant ses fonctionnaires à la première personne du singulier, dont lelocuteur se sert pour justifier son action d’écrire. En effet, Ammônios faitsavoir à Diogénès (l. 4: soi) que le but de sa lettre était d’inscrire (l. 4-5:uJpoÉgºevgrafa) le nombre des animaux envoyés (avance cognitive 2)11. Parl’emploi de uJpoÉgºevgrafa, le locuteur passe à l’action de leur énumérationaprès l’avoir annoncée12. L’énonciation joue donc le rôle d’une annonce et dela sorte elle est considérée comme une variété de performatif 13.

    L’emploi des verbes au parfait de l’indicatif permettent de localiser lesévénements sur l’axe de la durée par rapport à un moment T pris comme

    référence. Selon C. Kerbrat-Orecchioni14, on a affaire à une référence déic-tique lorsque ce moment To  est le moment de l’«instance énonciative».Ainsi les emplois des verbes dans une forme de passé, de présent ou defutur sont déictiques quand ils renvoient à un procès antérieur, simultanéou postérieur à To. ÔUpoÉgºevgrafa renvoie à une action qui s’est déroulée en

    in G. KLEIBER-C. SCHNEDECKER-A. THEISSEN (eds), La relation partie-tout, Editions Peeters,Louvain-Paris 2006, p. 543. Sur la fonction du nom propre, voir aussi N. FLAUX, le nom propreet le partitif , «Lexique» 15 (2000), pp. 93-116; M.N.GARY-PRIEUR, Grammaire du nom propre,Presses Universitaires de France, Paris 1994; ID., A propos du fonctionnement sémantique des Noms Propres et des Noms Abstraits, in N. FLAUX-M. GLATIGNY-D. SAMAIN (éds), Les Nomsabstraits, histoires et théories. Actes du colloque du Dunkerque (15-18 septembre 1992), PressesUniversitaires du Septentrion, Villeneuve d’Asq 1996, pp. 135-146; G. KLEIBER, Problèmes deréférence: descriptions définies et noms propres, Klincksieck, Paris 1981.

    8  P. Sorb. 22, 1.9  P. Sorb. 22, 85.10  P. Sorb. 22, 2-4.11  P. Sorb. 22, 4-7.

    12  P. Sorb. 22, 5-7.13 Cf. J.L. AUSTIN, Quand dire, c’est fait, Editions du Seuil, Paris 1970, p. 100.14  Cf. C. KERBRAT-ORECCHIONI, L’énonciation. La subjectivité dans le langage,

    Armand Colin, Paris 1908, p. 45.

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    T1, antérieur à T0 de l’instance énonciative, et postérieur à T2 qui représente

    le moment de la réalisation du procès a  jºpestavlkamen.L’interlocuteur est désigné par son nom (l. 1: Diogevnei) et par l’emploidu pronom personnel de la seconde personne soi qui forme une anaphorecoréférentielle15, transphrastique16 et de longue portée17 (3 lignes).

    ii) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 60

      Lettre

    Scribe Lecteur/Destinataire Face

    Loc. 2 mess. ordre Interloc. 2 

    Le locuteur, Dioscourides, probablement un hypodecte18, se définitpar l’indication de son nom.

    Sa fonction est d’enjoindre, par l’emploi de l’impératif passé, à soninterlocuteur, désigné par son nom (l. 2: ∆Anoubivwni) et qui est probable-ment son bohqov"19, de ramasser le blé (l. 3: uJpovdexai)20 des habitants deNéophytos21  et de recevoir (l. 7: devxai) de ceux-ci une somme d’argenten récompense des travaux agricoles. A ces deux ordres s’ajoute un aver-tissement négatif qui est rendu par le subjonctif de défense (l. 12-13: mh; 

     Éajmlhvshi") et par lequel le locuteur attire l’attention de son interlocuteursur une action déterminée à accomplir, celle de l’encaissement du montantselon la mesure officielle du cancellus.

    15  Par coréférence nous entendons «la succession des opérateurs anaphoriques dans lachaîne parlée», cf. H. PERDICOYIANNI, Anaphore, cataphore et deixis chez Plaute: les emploisde is, hic, iste, ille, Thèse du Doctorat du Nouveau Régime présentée à l’Université de ParisIV-Sorbonne, le 11 Octobre 2003, p. 44.

    16  La distinction entre anaphores transphrastiques et intraphrastique réside en ceci:lorsque l’anaphorique et son antécédent se trouvent dans la même phrase, on a une anaphoreintraphrastique. Dans les autres cas, on aura affaire à des anaphores transphrastiques, voir àce propos, H. PERDICOYIANNI, Anaphore, cataphore…, cit., p. 44.

    17  La portée de l’anaphore, c’est-à-dire l’espace couvert par la relation entrel’anaphorique et son antécédent peut être courte (une à deux lignes) ou longue (plus de 3lignes). Voir à ce propos, H. PERDICOYIANNI, Anaphore, cataphore…, cit., p. 44.

    18  Cf. H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 147. Sur la fonction de l’hypodecte, voir

    G.ROUILLARD, L’administration civile de l’Egypte byzantine, Geuthner, Paris 1928, pp. 120-132.19 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 147.20  Sur le sens du verbe, voir H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 149.21  Sur le Neofuvtou cwrivon, voir H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 147.

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    1.1.1.2 Dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlocuteur et

    un scribe et figurant sur des papyrus dont la face et le revers sont conservés

    i) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 18

      Lettre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. informationLoc. 1 mess. souhait Interloc. 1 

    ReversDestinataire

    Le locuteur commence sa lettre par la formule de salutation usuelle(caivrein). Ce désir est aussi exprimé à la clôture de la lettre au moyen de laformule d’adieu e[rrwso.

    Le locuteur met au courant l’interlocuteur, en l’occurrence son supé-rieur hiérarchique, des faits qui se sont déroulés dans le passé ou bien quise produiront dans l’avenir proche.

    Biênkhis, qui est probablement un toparque, rapporte à l’économePrôtogénès22, qui est désigné dans la suite par le datif singulier de la deuxièmepersonne du pronom personnel (l. 1, 9: soi), l’envoi (l. 1, 9: ajpevstalka)de divers comptes du blé qui représentent les rentrées effectuées (l. 2: tou ̀eijselhlªuºqovto") dans les districts d’Appollônidès et de Ptolémaios pen-dant le mois de Thôt, jusqu’au 20 (l. 3: ejn twì Qw  ùq e{w" k), de la taxe sur labière pour la même période (l. 5: tou ̀aujtou ̀crovnou), de la purou pentarbia23 (avance cognitive 1) ainsi que l’état concernant les vétérans et les brasseurs(avance cognitive 2)24. De plus, par l’emploi du futur de l’indicatif (l. 7:

    ajnoivsw), Biênkhis promet à son supérieur, désigné toujours par soi25, de luiporter en personne le détail au début de la journée (l. 8-9: a{maÉthì hJmevrai)(avance cognitive 3) alors que deux agents de transmission26 le feront le soir(l. 8: uJpo; nuvkta) (avance cognitive 4). Doté d’une fonction performative, lefutur permet au locuteur, d’une part, d’exprimer son intention d’accomplir

    22 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 74.23  P. Sorb. 18, l. 1-7. Sur l’existence de purou ̀pentartabiva", voir H.CADELL, Papyrus

    de la Sorbonne…, cit., p. 75.24  P. Sorb. 18, l. 9-10.25  P. Sorb. 18, l. 7.26 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 76.

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    un acte et, d’autre part, de réaliser un acte qui vise à un résultat perlocu-

    toire, celui de rassurer son interlocuteur.L’emploi successif du pronom personnel de la deuxième personne soiet le nombre élevé des indications temporelles, fournis par les temps et leslocutions adverbiales, invitent à faire les remarques suivantes:

    i) employé à trois reprises, soi forme une chaîne d’anaphores coréfé-rentielles, transphrastiques, dont l’une est de longue portée (6 lignes);

    ii) les actions désignées par le parfait ajpevstalka sont des actions quisont déjà accomplies par le locuteur au moment où l’énoncé se produit: T1 est antérieur à To.

    Dans son récit, le locuteur fait allusion à des faits qui s’étaient pro-duits avant l’accomplissement de ses actions, tels les rentrées (l. 2: tou ̀eijselhlªuºqovto") du compte du blé dans deux districts pendant le mois deThôth, jusqu’au 20 (l. 3: ejn twì Qw  ùq e{w" k), et de celui de la taxe sur la bièrepour la même periode (l. 5: tou ̀aujtou ̀crovnou). Ces faits, étant antérieurs àT1, se sont déroulés en T2.

    D’autre part, les actions exprimées par les verbes au futur sont desactions qui seront accomplies par le locuteur et les deux agents de trans-mission dans un avenir immédiat à cette différence près que l’action du

    locuteur (l. 8-9: to; de; kaq∆ e}n ajnoivsw soi a{maÉthì hJmevrai) sera antérieure àcelle des deux agents (l. 8: kai; ∆Apollwnivdh" kai Dwrovqeo" uJpo; nuvkta). T1,qui représente le moment de la réalisation de l’action du locuteur, est doncpostérieur à To et antérieur à T2, qui marque le moment de l’accomplisse-ment de l’action des deux agents.

    Au revers, on lit le nom du destinataire au datif.

    ii) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 20

      Lettre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. informationLoc. 1 mess. souhait Interloc. 1 

    ReversDate, mess. information supplementai-re / mess. souhait

    Après la formule de salutation, Ptolémaios, probablement unconstructeur de travaux, met au courant (l. 2: Givnwske) Apollônios, sansdoute architecte du nome, que les carriers ne reçoivent plus (l. 3: mh; e[conte")

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    leur salaire depuis le 13 de Mésorê (l. 4-5: ajpo; th"̀ ig É tou` Mesorhv) (avance

    cognitive 1) et que le transport de la chaux s’arrêta27 (avance cognitive 2).Ensuite, ayant recours à la première personne du pronom personnel (l. 7:ejgwv) et à l’emploi de verbes au passé, Ptolémaios fait savoir qu’il a com-plètement dépensé (l. 8-9: ejxan É hvlwsa) l’argent qu’il avait emporté (l. 7-8:ejxe É kovmisa) pour récompenser les carriers et pour assurer le transport dela chaux (avance cognitive 3)28.

    ∆Egwv sert d’opérateur anaphorique à Ptolemaiò" qui figure à la ligne1. L’anaphore est donc transphrastique et de longue portée.

    Par l’emploi du présent de l’impératif givnwske, le locuteur renvoie à

    T1, qui est simultané à To de l’instance énonciative, et invite son interlocu-teur à prendre connaissance des actions qui se sont produites dans le passé.A tenir compte de leur succession dans l’espace temporel, on constate quel’action de supprimer les salaires et le transport de la chaux s’est réalisée enT1, antérieur à To et postérieur à T2 qui représente le moment où l’actionde dépenser l’argent s’est accomplie. Celle-ci est antérieure à celle de leurobtention qui s’est réalisée en T3.

    Le revers comprend la date (l. 18: (“Etou") lb, Mesorh; kb) à laquellela lettre a été écrite. Dotée d’une fonction déictique, la date sert à indiquer

    le nunc  de l’énonciation. En effet, elle sert à désigner l’espace temporel dela journée où la lettre a été produite. L’énonciation de l’occurrence de ladate livre donc immédiatement l’identification de son référent. La date estsuivie d’un post-scriptum fragmentaire qui serait hâtivement ajouté à lalettre et qui comporterait des indications supplémentaires au contenu de lalettre. Cela permet de parler d’une avance cognitive additionnelle à cellesdu texte. Le revers se termine sur la formule d’adieu (l. 24: “Errwªsoº).

    iii) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 62

      Lettre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. informationLoc. 1 mess. sollicitation Interloc. 1 

    ReversLoc. 1 mess. ordre Interloc. (?) 

    27  P. Sorb. 20, l. 2-7.28  P. Sorb. 20, l. 7-11.

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    P. Sorb. 62 se distingue des deux précédents par sa syntaxe indécise et

    son style formulaire. En effet, le locuteur demande, d’une manière vive, àsa Splendeur (l. 1: kataxiwvshi hJ sh; lamprovth") de lui (l. 1: moi) envoyerde l’huile espagnole et de l’huile d’éclairage29, d’une part, et de lui (l. 2:moi) faire savoir lequel des deux modes de paiement elle souhaite: soit qu’illui fasse parvenir (l. 3: ajposteivlw) le prix de ces achats soit que sa Splen-deur (l. 3: eja;n qelhvshi hJ sh; lamprovth") daigne retenir le montant sur celuiqu’elle a reçu (l. 4: e[labe) du zygostate Pierre, puisqu’il le détient actuel-lement à son crédit (l. 4: katevcei moi nu`n)30 (avance cognitive 1). Le procèskatevcei fait allusion à une action réelle en T1, simultanée à T0. Le locuteur

    termine sa lettre par prière l’interlocuteur de ne pas omettre de s’occuperde sa requête par manque de soin (l. 5: Mh; ou\n ajmelhvshi") parce qu’il en estréduit à la dernière nécessité (avance cognitive 2)31.

    Dans cette lettre, le locuteur évite d’indiquer son nom et celui de soninterlocuteur. En plus, il ne fournit aucun renseignement sur son statutsocial ni sur le sien. Pourtant, le contenu de la lettre et son style expressiflaissent entendre qu’il s’agit d’une personne d’un rang social inférieur quicherche à obtenir avec instance une faveur auprès de son supérieur.

    Le locuteur se désigne à trois reprises par moi dont l’emploi successif

    sert à former une chaîne anaphorique coréférentielle, intraphrastique et decourte portée.

    Dans un premier temps, l’interlocuteur est désigné par métonymieau moyen d’un syntagme nominal comportant une de ses qualités sociales,celle de la Splendeur, précédée de l’adjectif possessif de la seconde per-sonne. Cette forme d’appel indirect exprime le tabou de toucher une per-sonne vénérée, même par l’intermédiaire de la parole écrite. Ainsi le locu-teur fait preuve de respect et de politesse à l’égard de l’interlocuteur. Dansun second temps, il passe du style formulaire à la seconde personne dusingulier suivi d’un subjonctif de défense qui exprime une sorte d’avertis-sement négatif: Mh; ou\n ajmelhvshi".

    A la différence du revers des P. Sorb. 18, 20, celui du P. Sorb. 62 com-porte un impératif (l. 6: ∆Epivdo")32 par lequel le locuteur charge son inter-

    29  P. Sorb. 62, 1-2.30  P. Sorb. 62, 2-4.

    31  P. Sorb. 62, 5.32 Sur l’emploi de ce verbe qui a remplacé ajpovdo" à partir du Vème s., cf. P. Oxy. XVI 1831, 14 et la note, P. Fouad  85, 21; voir aussi H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…,cit., p. 152.

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    locuteur, qui est une personne autre que celle auprès de laquelle il cherche

    à obtenir une faveur et dont le nom n’est pas indiqué, de remettre la lettreà sa dame (l. 6: th`i kurivai mou). L’indication du statut social de l’inter-locutrice de la lettre est suivie d’un syntagme nominal qui est constituéde son nom et de l’expression des sentiments de respect que éprouve lelocuteur à son égard (l. 6: ta; ªpavntaº eujdokim(wtavthi) kai; pamfilest(avthi)mhtri; Marturivai)33. A cela s’ajoute un syntagme prépositionnel dans lequelfigure le nom du locuteur et son statut social (l. 7: p(ara;) ∆Anoubivwno" domestik(ou)̀). Ce syntagme prépositionnel explicite le contenu du pronompersonnel à fonction cataphorique mou34, auquel sert de subséquent.

    1.1.2 Types de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlo-cuteur et deux scribes (type 2)

    i) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 50

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    Face

      mess. informationLoc. 1 mess. souhait Interloc. 1 

    Revers

    Date, Locuteur, Titre

    Lecteur

    Cette lettre est rédigée par Euarkhos, qui est dans une situation desubordination sociale à son interlocuteur, Thésénouphis, le toparque del’Arsinoïte, et dont la fonction ne peut être déterminée avec précision fauted’éléments disponibles. Toutefois, le contenu de la lettre permet de sup-poser qu’Euarkhos «devait appartenir aux services des Travaux publics dunome; ce pouvait être, sinon l’ingénieur en chef, du moins un de ses subor-données, voire un uJparcitevktwn».35

    33  Le terme mhtri;  est un simple terme de respect, voir H. CADELL, Papyrus de laSorbonne…, cit., p. 152. Sur l’expression ta;  ªpav(nt)aº  eujdokim(wtavthi), cf. P.C. Masp. I,67067, 5. Sur l’emploi de pamfilest(avthi), cf. P. Grenf . II, 92, 11.

    34  P. Sorb. 62, 7.35  H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 132.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 181

    A la formule de salutation usuelle (caivrein)36  s’ajoutent les renseigne-

    ments sur l’action que le locuteur et son personnel ont accomplie, telle la libé-ration des ouvriers qui ont terminé la corvée des travaux aux digues (avancecognitive 1)37. Cette action est exprimée par l’emploi d’un verbe à la premièrepersonne du pluriel du parfait (l. 16-17: ajpoleluv É kamen) incluant le «je» dulocuteur et le «ils» désignant le personnel hiérachisé qui est à son service.

    Dans la suite, on constate le passage de la première personne du plu-riel à la première personne du singulier, que le locuteur emploie pour justi-fier son action d’écrire. Euarkhos manifeste expressément son intention demettre au courant par écrit (l. 20-21: gevgra É fa) Thésénouphis (l. 20: soi)

    sur le progrès des travaux aux digues (avance cognitive 2)38.Gevgra É fa renvoie à une action qui s’est déroulée en T1, antérieur à T0 

    de l’instance énonciative, et postérieur à T2 qui représente le moment de laréalisation du procès ajpoleluv É kamen.

    L’interlocuteur est d’abord désigné par son nom (l. 2: Qesenouvfei)et ensuite par la seconde personne du pronom personnel (l. 6: sou.̀.. l. 21:soi), dont l’emploi successif sert à former des anaphores coréférentielles,transphrastiques et de longue portée.

    La lettre se termine par la formule d’adieu (l. 22: “Errwso) et l’énon-

    ciation de l’occurrence déictique temporelle désignant la date de la produc-tion de la lettre (l. 14: (“Etou") g, Mesorh; k").

    Le revers porte l’apostille et le nom du destinataire au datif 39. L’apos-tille comporte l’énonciation de l’occurrence déictique de la date, celle dunom propre du locuteur par laquelle celui-ci se désigne et celle du titre dela lettre40. Le titre désigne le contenu du texte et de la sorte il prépare autexte aussi précisément que possible. Il est donc pourvu d’une fonctionénonciatrice et déictique41: «ce qu’il énonce est lié à la contigence de ce

    36  P. Sorb. 22, 1-2; 50, 1-3.37  P. Sorb. 50, 4-17.38  P. Sorb. 50, 19-21.39  P. Sorb. 50, 23.40  P. Sorb. 50, 24-25.41  A propos de cette fonction, voir R. BARTHES, S/Z, Paris 1970; ID., Analyse textuelle

    d’un conte d’Edgar Poe, in Cl.CHAMBROL (éd.), Sémiotique narrative et texuelle, Paris 1973,pp. 29-54; S.F. BOKOBZA, Déictique, énonciatrice et poétique: les fonctions du titre, «FrenchLiterature Series» 11 (1984), pp. 33-46; R. DE DARDEL, Le titre: essai de systématisation, in

    R. LANDHEED (éd.), Aspects de linguistique française. Hommage à A.I.M. Mok, Amsterdam1988, pp. 77-89. Cette fonction est également appelée «désignative» (G. GENETTE, Seuils,Paris 1987, pp. 76-78; Ch. GRIVEL, Puissance du titre; sémiologie du titre; règles de titraisonromanesque, in Production de l’intérêt romanesque, The Hague-Paris 1973, pp. 166-185),

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    12/36

    182 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    qui suit»42. De plus, comme le titre parle du texte, on peut soutenir que

    «le texte est l’objet du contenu du titre»43, d’où sa fonction métalinguis-tique. Le titre englobe donc le texte, il le dissimule sans le pénétrer, parcequ’il est situé sur un niveau supérieur.

    ii) Dispositif énonciatif des lettres P. Sorb. 11, 42, 45, 49, 51

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    Face  mess. information

      mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Date, Locuteur, Titre

    Lecteur

    Ces lettres s’adressent à des personnes soumises à l’autorité hiérar-

    chique du locuteur. Elles commencent par la formule de salutation usuellecomportant son nom, celui de son interlocuteur et l’expression de ses sou-haits de bonne santé (caivrein)44.

    En vertu de son autorité, le locuteur fournit des renseignements et/oudonne des ordres à son interlocuteur.

    Dans P. Sorb. 11, le stratège Lykomédès annonce à son fonctionnaireinférieur Hippodamos45, désigné dans la suite par l’opérateur anapho-rique transphrastique de courte portée soi46, l’envoi d’une e[nteuxi" remisepar le clérourque Kallippos, du corps d’Antiokhos (l. 1: ∆Apestavlkamen)

    «appellative» (Ch. Grivel, 1973), «dénominative» (H. MITTERAND, «Les titres des romansde Guy des Cars», in Cl. DUCHET (éd.), Sociocritique, Paris 1979, 89-97), «distinctive» (J.-P. DE BEAUMARCHAIS-D. COUTY-A. REY, Dictionnaire des littératures de langue française,Paris 1987; J.-P. GOLDENSTEIN, Lire les titres, in Entrées de littérature, Paris 1990, 67-84),«référentielle» (C. KANTOROWICZ, Éloquence des titres, Ph.D. New York University 1986),«identificationnelle» (L.HOEK, Pour une sémiotique du titre, Urbino 1973).

    42 Cf. R. BARTHES, 1973, p. 33.43  Cf. J. BESA CAMPRUBÍ, Les fonctions du titre, «Nouveaux Actes Sémiotiques» 82

    (2002) PULIM, Université de Limoges, p. 15.44  P. Sorb. 11, 1; 42, 3; 45, 2; 46, 1-2; 49, 1; 51, 1-2.45 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 38.46  P. Sorb. 11,1.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 183

    (avance cognitive 1). L’emploi de la première personne du pluriel du parfait

    (ajpestavlkamen) est justifié par le fait que l’action a été accomplie par lelocuteur et ses subordonnés. Il s’agit donc d’une action dont le déroule-ment est antérieur au moment où l’énoncé se produit: T1 est antérieur àT0. Ensuite, par l’emploi des infinitifs ejpivskeyai  et poivhsai, Lykomédèsprescrit formellement à Hippodamos d’examiner en détail sa plainte47  etde faire en sorte que les impôts clérouchiques soient entièrement payés48.

    Le reste des lettres est adressé à Thénénouphis, le toparque respon-sable de la gestion du domaine royal49, par Hérakleidès, l’économe del’Arsinoïte50, Apollonidès, probablement un comarque51, et Nicanôr, le

    nomarque de l’Arsinoïte52.Dans P. Sorb. 42 et 45, Hérakleidès enjoint à Thésénouphis d’exécuter

    une série de tâches. Dans la première lettre, il lui demande expressémentde forcer les cultivateurs royaux de remettre aux cribleurs leur blé dispo-nible, ce qui leur permettra de se consacrer entièrement à leurs corvées53.Dans la seconde lettre, par l’emploi de la seconde personne du singulierdu futur à valeur modale de désir qui indique une nécessité impersonnelled’ordre matériel (l. 5: poihvsei"), Hérakleidès tient un langage conformeaux règles de la bienséance pour demander à Thésénouphis de lui envoyer

    dès ce soir (l. 6: a{ma nukªtiv) les dettes des cultivateurs de Krotou Ibion parl’intermédiare d’un agent du comarque Etpheus54. L’occurrence déictiquetemporelle a{ma nukªtiv désigne le point de départ de l’envoi des dettes T1.Elle est donc postérieure à l’instance énonciative T0.

    La lettre P. Sorb. 49, écrite par Apollônidès, fournit à Thésénouphis desrenseignements sur l’identité de la personne qui lui a remis (l. 1: oJ ajpodidouv"soi) la lettre. En effet, il s’agit de Pkôilis, un des cultuvateurs de l’entourage

    47  P. Sorb. 11, 2.48  P. Sorb. 11, 3.49  Sur les fonctions du toparque, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p.

    114. Sur l’hiérarchie des fonctionnaires, voir H. MASPÉRO, Les finances de l’Egypte sous lesLagides, Paris 1905, pp. 235-244.

    50  P. Sorb. 42, 45. Sur le personnage d’Hérakleidès, voir H. CADELL, Papyrus de laSorbonne…, cit., pp. 114, 116-117.

    51  P. Sorb. 49. Sur la fonction d’Apollonidès, voir H. CADELL, Papyrus de laSorbonne…, cit., p. 131.

    52  P. Sorb. 51. Sur le personnage de Nicanôr, voir H. CADELL, Papyrus de laSorbonne…, cit., p. 134.

    53  P. Sorb. 42, 8-13.54  P. Sorb. 45, 2-9.

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    184 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    du chef du village55 (l. 2: ejstin twǹ par∆ hJmwǹ g ªewrºgwǹº) (avance cognitive

    1), qui a prêté (l. 2: prodedwkwv") à un habitant du village de Philopatôr 24artabes de blé et d’orge et qui n’a pas été remboursé (avance cognitive 2)56.Par la suite, Apollônidès considère indispensable (l. 4: prosevcei) l’acquitte-ment du montant (avance cognitive 3)57. En cas de refus, il ordonne, d’unemanière conforme aux usages de la politesse (l. 5: kalw"̀ poihvsei"), à Thésé-nouphis de forcer l’emprunteur à rendre le somme reçue58.

    Le récit de l’affaire s’effectue par l’usage du présent, du passé et duparfait, ce qui permet de déterminer avec précision la succession des faitssur l’axe temporel: le présent (ejstin, prosevcei) fait allusion à une action

    réelle en T1, simultanée à T0 de l’instance énonciative; le passé (oJ ajpodidouv")renvoie à une action qui s’est déjà accomplie au moment où l’énoncé seproduit: T1 est antérieur à T0; le parfait (prodedwkwv") désigne une actionqui s’était déjà produite au moment où l’action exprimée par le passé seréalisait: T2 est antérieure à T1.

    Pour ce qui est de l’emploi des pronoms personnels, il est à noter quesoi reprend Qesenouvfei59 et de la sorte il forme une anaphore coréféren-tielle, transphrastique et de courte portée. Le syntagme prépositionnel par∆ hJmwǹ désigne le comarque et les habitants de l’agglomération rurale qui

    forment l’unité administrative. ÔHmw`n comporte donc le «je» du locuteur etle «ils» désignant une collectivité de personnes.

     Dans la lettre P. Sorb. 51, Nikanôr porte la remise d’un mémoire à laconnaissance de Thésénouphis. En effet, un cultivateur de Pêlousion, nom-mé Témopsipous (?), a déposé (l. 2: e[dwken) au nomarque de l’Arsinoïte età ses subordonnés (l. 3: hJmiǹ) un écrit sommaire dans lequel il déplorait (l.6: favmeno") le fait que le toparque (l. 10: se) avait enlevé et donné (l. 10-11:ajfelovmenon É paradedwkevnai) à d’autres exploitants la terre qu’il cultivaitdepuis longtemps (l. 7-8: th;n  gewrgoumevnhn) (avance cognitive 1)60. Cecidit, Nikanôr exige que la terre soit rendue (l. 12: ∆Apodoqhvtw) à son anciencultivateur. L’emploi du verbe à l’impératif et à la voix passive indique quel’énoncé (écrit) de la phrase est l’instrument par lequel s’effectue l’acte d’in- jonction61. ∆Apodoqhvtw est donc pourvu d’une valeur performative.

    55 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 131.56  P. Sorb. 49, 2-3.57  P. Sorb. 49, 4.

    58  P. Sorb. 49, 4-6.59  P. Sorb. 49, 1.60  P. Sorb. 51, 2-11.61 Cf. J.L. AUSTIN, Quand dire, c’est fait, cit., p. 82.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 185

    Si l’on considère comme T1  le moment de la réalisation des procès

    (e[dwken, favmeno"), on constate que T1 est antérieur à T0 qui représente lemoment de l’énonciation et postérieur à T2 qui renvoie au moment de laréalisation des procès ajfelovmenon, paradedwkevnai. En plus, T2 est posté-rieur à T3 qui indique le point de référence initial temporel à partir duquelle procès gewrgoumevnhn fut commencé à se produire et dura jusqu’au mo-ment de la réalisation des procès ajfelovmenon, paradedwkevnai.

    Enfin, nous tenons à remarquer l’anaphore transphrastique de longueportée rendue par se qui sert à reprendre Qesenouvfei62.

    Les lettres P. Sorb. 11, 42, 49 s’achèvent sur la formule d’adieu63  et

    l’énonciation de l’occurrence déictique temporelle désignant la date de laproduction de la lettre64.

    Le revers des P. Sorb. 42, 45 comporte l’apostille et le nom du desti-nataire au datif 65. L’apostille est constituée de l’énonciation de l’occurrencedéictique de la date, celle du nom propre du locuteur par laquelle celui-cise désigne et celle du titre de la lettre66.

    iii) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 43

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2Scribe 1

    Face  mess. ajntivgrafon

    Loc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    mess. informationLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Date, Locuteur, TitreDestinataire

    Dans P. Sorb. 43, les locuteurs sont les mêmes personnages que ceuxqui figurent dans P. Sorb. 42, 45.

    62  P. Sorb. 51, 1.

    63  P. Sorb. 11, 4; 42, 14; 49, 7.64  P. Sorb. 11, 4; 42, 14; 49, 7.65  P. Sorb. 11, 7; 42, 17; 45, 13; 49, 10; 50, 51, 20.66  P. Sorb. 11, 6-7; 42, 15-16; 45, 12-13; 49, 8-9; 51, 17-19.

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    186 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    La lettre commence par l’expression des souhaits de bonne santé

    (caivrein) que le locuteur adresse à son interlocuteur67.Dans la première partie68, Hérakleidès fait savoir à Thésénouphis quese trouve ci-dessous (l. 3: uJpovkeitai) à sa disposition (l. 4: soi) la reproduc-tion fidèle de la lettre qu’il a reçue (l. 2: ejlqouvsh" moi ejpistolh"̀) du basilo-grammate Hôros au sujet du différend opposant Hêphaistiôn, épistate duvillage de Kaminoi, à Pétôys, sans doute le fils de Hôros, le cômogrammatedu même village (avance cognitive 1).

    Si l’on considère comme T1 le moment de la réalisation du procèsejlqouvsh", on constate que T1 est antérieur à T0, qui représente à la fois le

    moment de l’instance énonciative et celui de l’état de la copie de la lettre(uJpovkeitai).

    Les pronoms personnels moi et soi servent d’opérateurs anahoriquesrespectivement à ÔHraklªeivdºh" et à Qesenªouvfei. Les anaphores sont coré-férentielles, transphrastiques et de courte portée.

    La seconde partie de la lettre69 comporte la lettre envoyée par le basilo-grammate et qui commence par la formule de salutation usuelle (caivrein)70. Cettepartie étant fragmentaire, on ne peut savoir le contenu du message transmis.

    Au revers, figurent, d’une part, l’apostille comprenant la date, le nom

    du locuteur et le titre71 et, d’autre part, le nom du destinataire au datif 72.

    iv) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 38 

    Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    Face  mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    ReversLocuteur, Titre

    Destinataire

    67  P. Sorb. 43, 1.68  P. Sorb. 43, 1-8.

    69  P. Sorb. 43, 9-11.70  P. Sorb. 43, 9.71  P. Sorb. 43, 12-14.72  P. Sorb. 43, 15.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 187

    Après la formule de salutation habituelle (l. 3: caivrein)73, Polémon,

    qui pouvait être soit économe de l’Arsinoïte et prédécesseur d’Hêrak-leidès soit économe de la méris de Thémistos et prédécesseurs d’Aris-tokritos74, ordonne, conformément aux bonnes manières (l. 8: kalw`"poihvsei"), à Thésénouphis d’écrire à lui et à ses subordonnés (l. 9: hJmi`n)au sujet des prêts d’orge attribués aux cultivateurs. La lettre s’achève surla formule d’adieu (l. 17: “Errwso) et l’occurrence déictique temporellede la date.

    Au revers, on distingue, d’une part, l’apostille comprenant le nom dulocuteur et le titre de la lettre et, d’autre part, le nom du destinataire.

    v) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 48

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    FaceLoc. 3 mess. souhait Interloc. 3 

    Revers

    Date, Locuteur, Titre

    Destinataire

    P. Sorb. 48 est une lettre fragmentaire dont le sujet n’est pas clair.Nous avons décidé de la traiter parce qu’elle comporte, outre la for-mule de salutation usuelle (caivrein)75, une figure de politesse76 qui nousferait émettre l’hypothèse que le locuteur, en l’occurrence Hêliodôros,est une fonctionnaire d’un rang correspondant à celui de l’interlocuteur,Thésénouphis77.

    La lettre se termine par la formule d’adieu et l’occurrence déictique dela date à laquelle la lettre a été écrite78.

    Le revers est constitué, d’une part, de l’apostille qui comprend l’oc-

    73  P. Sorb. 38, 1-3.74 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 115.

    75  P. Sorb. 48, 1-2.76  P. Sorb. 48, 3-4: Ei  jº e[rrwsai eu\ ªa]ºn e[coi É kai; aºujto;" de; uJgivainon.77 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., 129.78  P. Sorb. 48, 18.

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    188 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    currence déictique temporelle, l’indication du nom du locuteur et le titre,

    et, de l’autre part, le nom du destinataire au datif.

    1.1.3 Types de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlo-cuteur et trois scribes (type 3)

    i) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 9

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 3

    Scribe 1

    Face  mess. informationLoc. 2 mess. inform. Interloc. 2 

    mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Plaignant, Accusé

    Date, Locuteur

    Destinateur

     Cette lettre, la plus ancienne du dossier, est adressée par le stratègeLykomédès à son subordonné immédiat Hippodamos, qui est un fonction-naire militaire.

    Après la formule de salutation usuelle (caivrein)79, Lykomédès rap-

    porte l’affaire d’Hêgêsarkhos, qui est un fonctionnaire de l’administra-tion judiciaire80. En effet, celui-ci accuse (l. 1: kathgorei)̀ Théodôros,clérourque et militaire du corps de Philagros, (avance cognitive 1) et ildit (l. 2: fhsivn) (avance cognitive 2) que certaines personnes sont dispo-nibles à se présenter (l. 2: parei`nai) comme témoins devant le tribunal.Ce renseignement fait partie du discours accusatoire prononcé par Hêgê-sarkhos et constitue l’avance cognitive 1 de Théodôros.81 Dans la suite

    79  P. Sorb. 9, 1.80 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 42.81  P. Sorb. 9, 1-2.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 189

    de la lettre, Lykomédès ordonne à Hippodamos de faire accompagner

    Hêgêsarkhos à Hermoupolis en sorte que son affaire ne se prolonge pastrop longtemps.82

    Les procès kathgorei,̀ fhsivn, pareiǹai renvoient à des actions qui seréalisent en T1, simultané à T0.

    La lettre se termine par la formule d’adieu (l. 5: “Errwso) et l’occur-rence déictique de la date83.

    Au revers, on observe: i) les noms du plaignant et de l’accusé; ii)l’occurrence déictique de la date et le nom du locuteur; iii) le nom dudestinataire.

    ii) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 53

      Lettre

    Scribe 1

    Scribe 2

      Lecteur/Destinataire 

    Scribe 3

    Scribe 2

    FaceLoc. (?) mess. (?) Interloc. (?) 

    mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Locuteur, Titre

    Destinateur

    Le nom du locuteur et la fonction de l’interlocuteur écrits par le scribe1 ne sont pas conservés.

    Le scribe 2 produit la suite de la lettre que Dôrothéos, probable-

    ment un agent de l’économe ou un sitologue84, adresse à Thésénouphis,le toparque. A la formule de salutation ordinaire (caivrein)85  s’ajouteune instruction rendue par le futur à attenuation polie (l. 8: kalw  `º"poihvsei")86 et dont le contenu n’est pas lisible. L’interlocuteur doit exé-

    82  P. Sorb. 9, 2-3.

    83  P. Sorb. 9, 5.84 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 136.85  P. Sorb. 53, 2-3.86  Cf. supra p. 183.

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    190 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    cuter l’ordre au moment présent T1 (l. 7: nu`n), qui est simultané à To de

    l’instance énonciative.Au revers, on lit le nom du locuteur et le titre, d’une part, et le nomdu destinataire, de l’autre.

    iii) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 10

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    Scribe 3

    Face  mess. ordre

    Loc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Locuteur, Titre

    Destinateur

    Nom du pravktwr

      A la formule de salutation (l. 1: caivrein) fait suite l’annonce dusujet de la lettre que le stratège Lykomédès adresse à son subordonnéemilitaire Hippodamos. En effet, Khrysippos, le pravktwr87, a enregistré (l.1: ajnevgrayen) Polémon, probablement un clérourque88, comme devantla somme de cinq cent drachmes au titre de zutika89. Comme la présentedemande a été déjà (l. 2: provteron) formulée par Lykomédès et ses subor-donnés (l. 2: ejgravyamen), elle constitue le dédoublement cognitif d’Hip-podamos90. La localisation temporelle de la réalisation des procès del’enregistrement et des deux demandes sur l’axe de la durée par rapport

    T0 de l’instance énonciative se représente ainsi: le moment de la rédactionde la première demande T1 est antérieur à T0 qui indique le moment de larédaction de la seconde demande et postérieur à celui de l’enregistrementde la dette T2.

    87  Sur la fonction de Khrysippos, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 46.88 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 44.89  P. Sorb. 10, 1-2.90  P. Sorb. 10, 2-3.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 191

    Ensuite, Hippodamos fait part de deux dispositions impératives: il

    réclame, d’une part, la condamnation de Polemôn s’il s’oppose à cette déci-sion et, d’autre part, l’envoi d’une lettre (l. 4: Gravyon ou\n hJmiǹ) confirmantl’accomplissement de cette tâche (l. 4: th;n oijkonomivan h}n pepoivhsqe). Laformule d’adieu (l. 5: “Errwsªoº) et l’occurrence déictique temporelle de ladate viennent terminer la lettre.

    Au revers, figurent, d’une part, l’apostille comprenant le nom du des-tinataire et le titre et, d’autre part, le nom du destinataire. A ces indicationss’ajoute le nom du pravktwr.

    iv) Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 12

      Lettre

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    Scribe 3

    Face  mess. informationLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Date, Locuteur, TitreDestinateur

    Courte note fragmentaire

    Cette lettre est un bordereau qui accompagnait l’envoi d’une liste dekatovcimoi  et d’a[nippoi91, adressée par Lykomédès et ses subordonnés (l.2: ajpestavlªkºamen) (avance cognitive 1) à Hippodamos et ses sujets (l. 3:uJmiǹ). Le moment de l’expédition de la liste T1 est antérieur à T0.

    La lettre s’ouvre sur la formule de salutation ordinaire (l. 1: caivrein)et se clôt sur celle d’adieu (l. 4: “Errwso) suivie de l’occurrence déictiquetemporelle de la date.

    Le revers comporte l’apostille constituée par la date, le nom du locu-teur et le titre, le nom du destinaitaire et une note dont on ne dispose quequelques lettres.

    91  Sur la signification du terme, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 49.

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    192 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    1.2 Dispositif énonciatif constitué par un locuteur et deux interlocuteurs

    1.2.1 Type de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, deux inter-locuteurs et un scribe (type 1)

    Dispositif énonciatif de la lettre P. Sorb. 63

      Lettre

    Scribe 2 Lecteurs/Destinat. 

    Face  mess. ordre

    1 Loc. 2 mess. souhait 2 Interloc. 2 

    ReversMess. information supplementaire sousla forme d’avertissement

    En qualité de directeur d’un travail d’utilité publique92, lepoliteuovmeno" Philoxénos, qui est «un membre du corps des curiales assistant le pagarque»93,

    ordonne aux briquetiers Papnouthios et Phoibammôn de bien vouloir (l.2: Qelhvsate) achever dans les moindres délais le travail de briqueterie dontils sont chargés (l. 2: meta; spoudh"̀ poihs̀ai th;n aiJroumevnhn uJmiǹ plivnqon)et ne pas empêcher (l. 2: mh; ejmpodivsate) la construction de la citerne. ÔUmiǹ sert d’opérateur anaphorique à Papnouqivwi kai; Foibavmmwni94. L’anaphoreest intransphrastique, coréférentielle et de courte portée. La lettre se ter-mine par une formule d’adieu (l. 5: “Errwsqai).

    Au revers, Philoxénos met en garde les briquetiers contre les sanc-tions qu’ils recevront s’ils n’obéissent pas à ses ordres (l. 8: touvtoi" moi toi`"

    gravmmasi). La valeur fondamentale de gravmma  exprime l’aboutissementde l’action d’écrire. Gravmma  signifie donc «ce qui est écrit». De ce sensrésulte la valeur métaphorique renvoyant à l’action d’instruire par écrit.Doté d’une fonction déictique textuelle, le syntagme nominal touvtoi" moitoi"̀ gravmmasi indique l’ensemble des instructions écrites que Philoxénosdonne aux briquetiers afin de leur faire savoir leur tâche. Sur le revers estdonc écrit le but auquel vise le contenu du texte.

    92 Cf. H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 154.93  Cf. ivi, p. 153.94  P. Sorb. 63, 1.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 193

    Enfin, il est à noter que pour accéder à la référence textuelle de moi il

    faut se reporter à la première ligne du texte qui figure sur la face du papyruset dans laquelle est indiqué le nom du locuteur: moi annonce ce qui suit etde la sorte il est doté d’une fonction cataphorique.

    1.3. En fonction de l’analyse précédente portant sur l’énonciationdans les lettres se dégagent les conclusions suivantes:

     i) Les dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlo-

    cuteur (17 emplois) sont les plus fréquents. On n’a relevé qu’un dispositifénonciatif constitué par un locuteur et deux interlocuteurs.

    ii) Au sein des dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et uninterlocuteur, le type 2 (9 emplois) est le plus fréquent. Le nombre d’em-plois du type 1 (5 emplois) est légèrement plus élevé que celui du type 3 (4emplois).

    Le dispositif énonciatif constitué par un locuteur et deux interlocu-teurs est marqué par l’emploi du type 1 (1 emploi).

    iii) Le type 1 comprend trois lettres conservant la face et le revers etdeux lettres dont on ne dispose que la face. Les lettres envoyées par le locu-teur 2 (3 emplois) sont plus fréquentes que celles envoyées par le locuteur1 (2 emplois).

    Le type 2 est marqué par l’emploi majoritaire des lettres adressées parle locuteur 2 (7 emplois). Peu nombreuses sont les lettres adressées par lelocuteur 1 (1 emploi) et le locuteur 3 (1 emploi).

    Le type 3 ne comprend que des lettres faites par le locuteur 2 (4emplois).

    Cette forme de lettres fait également partie du type 1 du dispositifénonciatif constitué par un locuteur et deux interlocuteurs (1 emploi).

    iv) A regarder les messages qui sont en usage à l’interieur des disposi-tifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlocuteur, on constateque le message souhait figure plus fréquement dans le type 2 (9 emplois)que dans le type 3 (4 emplois) et le type 1 (3 emplois).

    Le message souhait sert généralement de forme de salutation au locu-teur 2 (type 2: 7 emplois; type 3: 4 emplois). Son emploi dans les lettres dulocuteur 1 (type 1: 3 emplois; type 2: 1 emploi) et du locuteur 3 (type 2: 1emploi) est peu attesté.

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    194 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    La quantité d’emplois du message ordre est plus élevée dans le type 2

    (6 emplois) que dans le type 3 (3 emplois). Au sein du type 1, son usage estrestreint (1 emploi).Le message ordre est constamment transmis par le locuteur 2.Le message sollicitation n’est employé que par le locuteur 2 du type

    1 (1 emploi).Le message souhait rendu par l’infinitif à valeur d’impératif caivrein ou

    l’impératif e[rrwso, le message ordre et le message sollicitation sont dotés d’unefonction performative. Par l’emploi de ces messages, le locuteur exprime sondésir, d’une part, et il fait savoir sa recommandation, son avertissement ou sa

    demande, de l’autre. L’impératif fonctionne donc comme un mode qui fait del’énonciation un «souhait», un «ordre», une «sollicitation».

    Le message information se rencontre en plus grand nombre dans letype 2 (7 emplois) que dans le type 1 (3 emplois) et le type 3 (2 emplois).

    La communication de ce message s’effectue plus souvent par le locu-teur 2 (type 2: 6 emplois; type 3: 2 emplois) que le locuteur 1 (type 1: 3emplois; type 2: 1 emploi).

    Le nombre des avances cognitives qui sont fournies par le locuteur 1du type 1 (10 avances cognitives) est prépondérant par rapport à celui des

    avances cognitives indiquées par le locuteur 1 (2 avances cognitives) et le locu-teur 2 du type 2 (6 avances cognitives). La quantité des avances cognitives queproduit le locuteur 2 du type 3 est limitée (4 avances cognitives).

    Le dispositif énonciatif constitué par un locuteur et deux interlocu-teurs comporte un message ordre et un message souhait transmis par lelocuteur 1.

    v) La localisation temporelle s’effectue grâce au double jeu des formestemporelles de la conjugaison verbale, et des adverbes et des locutionsadverbiales.

    A prendre en considération le déroulement des procès sur l’axe dela durée par rapport à To, moment de l’instance énonciative, on dégage lestypes de répérages déictiques suivants:

    Dispositif énonciatif constitué par un locuteur et un interlocuteur 

    a) T0

      Passé Actuel Futur  T1

    Sous-type 1

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 195

    Locuteur 1

    Fréquence d’emploi: 1

    b) T0

      Passé Actuel Futur  T1, T2, T3

    Sous-type 3Locuteur 2Fréquence d’emploi: 1

    c) T1  T0

      Passé Actuel Futur  T1

    • Sous-type 2Locuteur 2Fréquence d’emploi: 1• Sous-type 3

    Locuteur 2Fréquence d’emploi: 1

    d) T2  T1  T0

      Passé Actuel Futur  T1

    • Sous-type 1Locuteur 1Fréquence d’emploi: 1• Sous-type 2Locuteur 1Fréquence d’emploi: 1

    e) T3  T2  T1  T0

      Passé Actuel Futur• Sous-type 1Locuteur 1Fréquence d’emploi: 1• Sous-type 2

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    196 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    Locuteur 2

    Fréquence d’emploi: 1

    f) T0  T1

      Passé Actuel FuturSous-type 2Locuteur 2Fréquence d’emploi: 1

    g) T1  T0

      Passé Actuel Futur  T1

    Sous-type 2Locuteur 2Fréquence d’emploi: 1

    h) T2  T1  T0

      Passé Actuel Futur  T1

    Sous-type 2Locuteur 2Fréquence d’emploi: 1

    i) T2  T1  T0  T1  T2

      Passé Actuel Futurddi

    Sous-type 1Locuteur 1Fréquence d’emploi: 1

    vi) Au sein des dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et uninterlocuteur, le type 1 (6 emplois) et le type 2 (6 emplois) sont marqués parle nombre d’emplois identique des pronoms personnels.

    Dans les deux types, les pronoms personnels fonctionnent commedes opérateurs anaphoriques coréférentiels et forment généralement desanaphores transphrastiques. En effet, on a relevé une anaphore intra-

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 197

    phrastique dans le type 1. Les pronoms personnels faisant partie de ce

    type effectuent des anaphores de longue et de courte portée en nombreégal. En revanche, ceux du type 2 opèrent le plus souvent des anaphoresde courte portée (5 emplois) et rarement des anaphores de longue portée(1 emploi).

    Le dispositif énonciatif constitué par un locuteur et deux interlocu-teurs fournit un emploi anaphorique du pronom personnel. L’anaphore estcoréférentielle, transphrastique est de courte portée.

    vii) A l’intérieur des dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur

    et un interlocuteur, on remarqu’au revers l’indication du nom du destina-taire est constante au sein du type 2 (9 emplois) et du type 3 (4 emplois). Enrevanche, on n’en a relevé qu’une attestation dans le type 1.

    L’indication du nom du locuteur figure régulièrement dans le type 2(9 emplois) et le type 3 (4 emplois).

    L’occurrence déictique temporelle désignant la date à laquelle la lettrea été produite apparaît plus souvent dans le type 2 (8 emplois) que dans letype 1 (1 emploi) et le type 3 (2 emplois).

    L’indication du titre est constante dans le type 2 (9 emplois) et assez

    usuelle dans le type 3 (3 emplois).Rares sont la formule d’adieu (type 1: 1 emploi), l’adresse d’injonc-

    tions (type 1: 1 emploi), l’indication du nom d’une tierce personne (type3: 2 emplois) et la transmission de renseignements supplémentaires (type1: 2 emplois).

    La communication de notes additionnelles sous la forme d’aver-tissement réapparaît au revers de la lettre qui s’adresse à deux lecteurs/destinaitaires.

    A regarder l’ensemble des indications, on constate que celle du nomdu locuteur et, dans certaines lettres, l’occurrence déictique temporelle etle titre permettent au destinataire/lecteur de savoir avant l’ouverture de lalettre l’identité de son expéditeur et la date de sa production, d’une part,et de se préparer au contenu du texte, de l’autre. Les deux premières indi-cations fonctionnent comme des avances cognitives pour le lecteur/des-tinaitaire alors que la troisième, celle du titre, est dotée d’une valeur de«conducteur du texte» qui dirige l’attention de celui-ci vers le texte à venir.Le titre remplit donc le rôle d’une avance cognitive partielle et restreinteparce qu’il prépare le locuteur au contenu du texte.

    Après l’ouverture de la lettre, l’indication du nom du locuteur et cellede la date qui sont écrites sur la face constituent le dédoublement cognitifdu lecteur/destinaitaire.

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    198 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    2. L’ÉNONCIATION DANS LES ORDRES DE DISTRIBUTION 

    DE VIN ET DE VERSEMENTS EN NATURE

    2.1 Dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlocuteur

    2.1.1 Types de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlo-cuteur et un scribe (type 1)

    2.1.1.1 Dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlocuteur etun scribe et figurant sur des papyrus dont seule la face est conservée

    i) Dispositif énonciatif des ordres P. Sorb. 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30

      Ordre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Ces prostavgmata  sont adressés par Diogénès, le chef d’une no-marchie de l’Arsinoite, à son subordonné Thrasymédès, probablement untoparque95.

    La plus grande partie de ceux-ci commencent par la formule de salu-tation traditionnelle (caivrein)96 et se terminent par celle d’adieu (“Errwso)suivie de l’occurrence déictique désignant la date à laquelle l’ordre a étérédigé.97

    Diogénès transmet à Thrasymédès un ensemble de dispositions impé-ratives (suvntaxon metrhs̀ai)98 sur des versements en grains qui constituentdes prêts (davneion) accordés à des cultivateurs pour couvrir les dépenses demise en état de leur terre. Chacun de ceux-ci remboursera (ajpodwvsei) lesprêts sur les récoltes futures (ejg nevwn) en même temps que (a{ma) les rede-

    95  Sur les fonctions de ces deux personnages, voir H. CADELL, Papyrus de la

    Sorbonne…, cit., p. 87.96  P. Sorb. 24, 1; 25, 1; 26, 1-2; 28, 1; 29, 1; 30, 1.97  P. Sorb. 24, 7; 25, 7; 26, 6; 27, 6; 28, 7.98  P. Sorb. 24, 1-2; 25, 1-2; 26, 2, 8-9; 28, 2, 9; 29, 1-2.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 199

    vances du sol en l’année 3699. Le futur (ajpodwvsei) désigne une action réelle

    qui se produira dans l’avenir: T1 est postérieur à To.

    ii) Dispositif énonciatif de l’ordre P. Sorb. 31

      Ordre

    Scribe Lect./Dest. mess. ordre

    Sujet parlant mess. ordre Loc. 2 mess. souhait Interl. 2 

    Cet ordre de remettre 60 artabes de vieille orge à Mélanippos100 à titrede prêt est envoyé par Thrasymédès, sans doute un toparque, à Hêrak-leitos, probablement un sitologue ou un agent de sitologue101.

    Après la formule de salutation usuelle (l. 1: caivrein), Thrasy-mèdès, qui agit conformément à l’ordre d’Aristandros (l. 2: kata; to; para; ∆Aristavªndrou  É provsªtagmºa), économe dans l’Arsinoïte102, enjoint àHêrakleitos d’effectuer le versement (l. 2: mevtrhson).

    A l’intérieur de l’énoncé, on entrevoit des traces de récit. Cetteconstatation nous invite à faire la distinction entre sujet parlant empirique,

    en l’occurrence Aristandros, et locuteur, en l’occurrence Thrasymédès.Par «sujet parlant empirique» nous entendons avec Ducrot «le producteureffectif de l’énoncé» et par «locuteur» l’être désigné dans l’énoncé par le«je» et qui est représenté comme son responsable, c’est-à-dire comme lapersonne à laquelle «on doit imputer la responsablité de cet énoncé»103.

    L’ordre s’achève sur la formule d’adieu (l. 9: “Errwso) et l’occurrencedéictique désignant la date à laquelle l’ordre a été écrit104.

    99  P. Sorb. 24, 4-5; 25, 4-5; 27, 2-4; 28, 4-5.100  Sur la difficulté d’identifier ce personnage, voir H. CADELL, Papyrus de la

    Sorbonne…, cit., p. 99.101  Sur la fonction d’Hêrakleitos, voir H. CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit.,

    pp. 87, 99.102  Sur le statut d’Aristandros, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 99.

    Cf. P. Lille 49, 2, 3, 9; 50, 2, 4, 9, 11; 51, 6.103  Sur la théorie de polyphonie énonciative et le problème de l’unicité du sujet parlant,

    voir O. DUCROT, Le dire et le dit, Paris 1984, pp. 171-233. Voir aussi H. PERDICOYIANNI,La structure et l’énonciation dans les inscriptions syllabiques chypriotes, «Centre d’ÉtudesChypriotes Cahier» 11-12 (1989), pp. 89-90.

    104  P. Sorb. 31, 9.

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    200 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    2.1.1.2  Dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlocuteur et

    un scribe et figurant sur des papyrus dont la face et le revers sont conservés

    i) Dispositif énonciatif de P. Sorb. 19

      Ordre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    ReversDestinataire

    A la formule de salutation (l. 1: caivrein) fait suite l’ordre de distri-bution (l. 1: Dov") de vin de bonne qualité que Diogénès, le chef d’une no-marchie d’Arsinoïte, transmet à Lysippos.

    L’ordre se termine par la formule d’adieu (l. 3: “Errwso) et l’occur-rence déictique désignant la date à laquelle l’ordre a été rédigé.105

    Au revers, on lit le nom de la personne qui reçoit l’ordre.

    ii) Dispositif énonciatif de P. Sorb. 23

      Ordre

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. ordreLoc. 2 mess. souhait Interloc. 2 

    Revers

    Nome de la personne qui effectuera leversamentTitreDestinataire

    Après la formule de salutation (l. 1: caivrein), Diogénès ordonne àThrasymédès d’effectuer, par l’intermédiaire du myriaroure Sentheus et ducômogrammate Paôphis106, le versement en grain (suvntaxon metrhs̀ai)107 

    105  P. Sorb. 19, 3.106  Sur ces deux personnages, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 89.107  P. Sorb. 23, 1-2, 8.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 201

    au titre d’un prêt consenti à un groupe de cultivateurs d’Hermoupolis, ce

    qui leur permettra de couvrir les frais de mise en état de leur terre. Ceux-ci rembourseront (ajpodwvsousi) le prêt sur les récoltes futures (ejg nevwn)en même temps que (a{ma) les redevances du sol en l’année 36108. Le futur(ajpodwvsousi) renvoie à une action réelle qui se produira dans l’avenir: T 1 est postérieur à To.

    L’ordre s’achève sur la formule d’adieu (l. 6, 14: “Errwso) suivie del’occurrence déictique désignant la date à laquelle l’ordre a été rédigé.

    Le revers porte le nom de l’une des deux personnes qui effectuera leversement, le titre et le nom du destinataire.

    2.2  En guise de conclusion, on fait les remarques suivantes:

    i) les dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlocu-teur sont les seuls à être employés;

    ii) au sein de ceux-ci, seul le type 1 est en usage;

    iii) les ordres qui ne conservent que la face (8 ordres) sont plus fré-quents que ceux dont la face et le revers nous est parvenus intacts (2 ordres);

    iv) le message souhait et le message ordre sont constamment transmispar le locuteur 2;

    v) la localisation temporelle se produit par le biais de la forme tempo-relle du futur:

      T0 T1

      Passé Actuel FuturFréquence d’emploi: 1

    vi) au revers, l’indication du nom du destinaitaire est constante. Enrevanche, celles du nom de la personne qui exécutera l’ordre et du titredésignant le contenu de celle-ci ne sont pas régulières.

    108  P. Sorb. 23, 4-5, 11-14.

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    202 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    3. L’ÉNONCIATION DANS UN COMPTE PRIVÉ

    3.1 Dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlocuteur

    3.1.1 Types de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlo-cuteur et un scribe (type 1)

    i) Dispositif énonciatif de P. Sorb. 16109

      Compte privé

    Scribe Lecteur/Destinataire 

    Face  mess. informationLoc. 1 Interloc. 1 

    Le locuteur, probablement un serviteur, fait savoir à son interlocuteur,sans doute son maître ou sa maîtresse110, désigné(e) par soi111, les dépenses

     journalières (l. 2: ei\con) (avance cognitive 1) pour le 30 de Hathyr (l. 1:(“Etou") kh ∆Aqu;r l—) et les trois premiers jours de Khoiak (l. 7: Coivak a–).

    La localisation temporelle s’effectue par la forme verbale du passé etles occurrences déctiques temporelles désignant la date des dépenses.

    L’ÉNONCIATION DANS UNE E  [NTEUXI"

    4.1 Dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et un interlocuteur

    4.1.1 Types de dispositif énonciatif constitué par un locuteur, un interlo-cuteur et trois scribes (type 3)

    109  Sur ce type de document, voir L. BANDI, I Conti privati nei papiri dell’Egitto

     greco-romano, Aegyptus 17, 1937, pp. 349-451.110  Sur l’identification de ces personnages, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…,cit., p. 64.

    111  P. Sorb. 16, 2.

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      Le je(u) de l’énonciation dans les papyrus documentaires de la Sorbonne 203

    i) Dispositif énonciatif P. Sorb. 13

      “Enteuxi"

    Scribe 1 Lecteur/Destinataire 

    Scribe 2

    Scribe 1

    Face  mess. sollicitationLoc. 1 mess. souhait Interloc. 1 

    Revers

    Date

    Nom du plaignant, noms des accusés,titre (?)

    Après avoir adressé la formule de salutation habituelle au roi Ptolé-mée (l. 1: caivrein), l’auteur de la présente e[nteuxi", un habitant de l’Oxy-rhynchite, se plaint d’être lesé (l. 1: ∆Adikou`mai) par trois cavaliers ducorps de l’officier éponyme Spartakos et deux autres du corps de Niko-klès112. De plus, il regrette d’avoir été chassé de sa maison (l. 3-4: ejme; d∆ 

    ejgbeblhv É kasin) par ces hommes, qui, sur l’ordre de Ptolémée (l. 2: Sou ̀ga;r suntetacovto"), usurpent sa propriété après s’en être emparés (l. 3:ou|toi o{lhn mou th;n oijkivan parelovmenoi e[cousin). Enfin, le plaignant sol-licite le roi (l. 4: Devomai ou\n sou, basileu`) d’ordonner au stratège Nika-nôr113 son recouvrement (?)114. La lettre s’achève sur la formule d’adieu(l. 5: Eºujtucei)̀.

    Les procès ajdikoum̀ai, e[cousin, devomai  se déroulent au moment oùles énoncés sont produits: T1 et simultané à To. D’autre part, ils sont posté-rieurs à au procès parelovmenoi (T2), qui est, à son tour, postérieur au procès

    par ejgbeblhv  É kasin (T3). La réalisation de ce procès suit celle du procèssuntetacovto" (T4).L’expression du temps peut donc se représenter ainsi:

    T4  T3  T2  T1 T0  T3

      Passé Actuel Futur

    112  P. Sorb. 13, 1-2.113  Sur ce stratège, voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 56.114  P. Sorb. 13, 4-5.

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    204 HÉLÈNE PERDICOYIANNI-PALÉOLOGOU

    L’interlocuteur est désigné par son nom (l. 1) et le pronom personnel

    sou (l. 2, 4), qui sert à former des anaphores coréférentielles, transphras-tiques et de courte portée.Le revers porte l’occurrence déictique désignant la date à laquelle

    l’e[nteuxi" a été rédigée, le nom du plaignant et celui des accusés introduit parprov", et peut-être, bien que l’on n’en voie pas la trace, le titre de la plainte.115

    CONCLUSION

    A considérer l’ensemble des dispositifs énonciatifs, on fait les consta-tations suivantes:

    i) le nombre d’emplois des dispositifs énonciatifs constitués par unlocuteur et un interlocuteur l’emporte sur celui des dispositifs énonciatifsconstitués par un locuteur et deux interlocuteurs. Ces dispositifs ne se ren-contrent que dans les lettres.

    ii) au sein des dispositifs énonciatifs constitués par un locuteur et uninterlocuteur, le type 1 s’emploie dans les lettres, les ordres de vin et deversements en nature et le compte privé. Le type 2 ne se retrouve que dansles lettres. Le type 3 figure dans les lettres et l’e[nteuxi".

    iii) Les lettres sont marquées par la fréquence prépondérante du mes-sage souhait (16 emplois) par rapport à celle du message information (12emplois). Suit le nombre d’emplois du message ordre (10 emplois). Le mes-sage sollicitation est peu employé (1 emploi).

    A l’intérieur des ordres de vin et de versements en nature, la commu-nication s’effectue par le message souhait et le message ordre.

    Dans le compte privé, le message information est en usage.L’e[nteuxi" se caractérise par l’emploi du message souhait et celui du

    message sollicitation.Dans les lettres, la transmission du message s’effectue par les locu-

    teurs 1, 2, 3. En revanche, dans les ordres de vin et de versements en nature,d’un côté, et dans le compte privé et l’e[nteuxi", de l’autre côté, elle se réaliserespectivement par le locuteur 2 et le locuteur 1.

    115 Voir H.CADELL, Papyrus de la Sorbonne…, cit., p. 53.

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    iv) Au sein des lettres, le déroulement des procès s’effectue dans les

    trois temps de l’énonciation, à savoir le présent, le passé et le futur. Cetemps est également mis en usage dans les ordres de vin et de versementsen nature. Dans le compte privé, l’action verbale se produit dans le passé.A l’intérieur de l’e[nteuxi", les procès se déroulent dans l’actuel et le passé.

    v) Dans les lettres, la quantité d’emplois de pronoms personnels estla plus élevée.

    vi) Le titre et le nom d’une tierce personne sont indiqués sur le re-

    vers des lettres, des ordres de vin et de versements en nature ainsi que del’e[nteuxi". Le nom du destinataire n’apparaît que sur le verso des lettreset des ordres de vin et de versements en nature. L’occurrence déictiquedésignant la date à laquelle le texte a été rédigé figure sur le dos des lettreset de l’e[nteuxi". Enfin, le nom du locuteur, des renseignements supplémen-taires, la formule d’adieu et celle d’injonction sont marqués sur l’enversdes lettres.

    Boston  Hélène Perdicoyianni-Paléologou

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