LeGypaètebarbu

Généalogie

Tous les rapaces diurnes appartiennent à l’ordre des Falconiformes, dans ce vaste ensemble regroupant, pygargues, aigles, buses, busards, éperviers, milans et faucons, les vautours se démarquent par leur régime alimentaire car ils se nourrissent exclusivement de cadavres. Ils présentent des caractéristiques assez différentes des autres rapaces. Ils sont grands, voire très grands, pèsent plusieurs kilos avec une envergure pouvant atteindre plus de trois mètres.Les restes fossiles des rapaces sont rares et il est difficile de retracer l’évolution de ces espèces. Un groupe disparu :Teradornidae, vivait il y a 40 000 ans au Nouveau Monde. Teratornis incredibilis pouvait atteindre 5m d’envergure et l’on découvrit en Argentine un fossile d’Argentavis magnificiens d’une envergure de 7m et d’un poids estimé entre 80 et 120kg. Les deux groupes de Vautours actuels: Cathartidae du Nouveau Monde (7 espèces actuelles dont les Condors), génétiquement plus proche des cigognes. Aegyplinae de l’Ancien Monde (15 espèces actuelles) plus proche des rapaces.

Ils ont évolué à partir d’origines différentes depuis 50 millions d’années, pour parvenir à des adaptations similaires afin d’exploiter les carcasses des grands mammifères herbivores apparus au Myocène il y a 20 millions d’années. 12 morceaux d’une flûte en ivoire, de 21,8 cm de long et de 8 mm de diamètre, ont été retrouvés en septembre 2008 dans la grotte « Hohle Fels » de la vallée de l’Ach, dans le sud-ouest de l’Allemagne. Vieux de 36 000 ans, ce fifre taillé dans un radius de Vautour fauve est le plus vieil instrument de musique connu…

Première rencontre

C’est en 1989 alors que je survolais en parapente la vallée du Giffre près de Samoëns que je fus intrigué par un très grand oiseau de couleur brune venant à ma rencontre dans un courant ascendant, il avait environ 3m d’envergure, trop grand pour un aigle royal ! et pas la tête d’un vautour ! D’où venait ce magnifique oiseau ? Il fit quelques tours avec moi, puis partit rapidement le long des crêtes, impossible de le suivre. De retour à la maison, je me plongeais dans meslivres pour découvrir qu’il s’agissait d’un Gypaète barbu juvénile, mais problème, on n’en trouve plus que quelques individus en Corse et dans les Pyrénées ! L’espèce ayant été décimée par les chasseurs il n’y en a plus dans les Alpes depuis 1935. Alors, d’où vient celui qui m’a accompagné en vol ? Après quelques recherches, j’apprends que depuis 1987 une tentative de réintroduction est en cours dans le massif du Bargy, au-dessus de la vallée de Cluses en Hte Savoie

Depuis, je suis fasciné par cet oiseau magnifique que j'ai retrouvédans les Alpes, les Baronnies mais aussi en Afrique du Sud.Voici ce que j'ai appris sur lui.

Les Quatre Vautours d'Europe méridionale

Vautour moine Gypaète barbu Percnoptère d'Egypte Vautour fauve

Vautour fauve (Gyps fulvus) : Poids de 8 à 11 kg. Envergure de 2,40 à 2,80 mAprès avoir failli disparaitre et réduit à quelques petites populations ibériques. A partir de 1981, grace à un programme de réintroduction il est de retour dans l'arc alpin. C'est dans les Baronnies que niche la plus grosse colonie composée de plus de 200 couples reproducteurs (donnée 2017). Facilement reconnaissable en vol, il se caractérise par ses ailes longues et larges. La queue est courte et carrée. Le dos brun clair contraste avec les rémiges brun foncé ; le ventre est également brun. Sa tête est son cou sont recouverts d'un duvet, sa collerette lui sert de bavette.Le Vautour fauve est un oiseau très social, qui ne se plaît qu’en compagnie de congénères. Ils se rassemblent pour nicher en colonies. L’œuf est pondu en début d'année, il est incubé pendant 54 jours. Le poussin prend son envol à l'âge de 4 mois, il a alors la taille adulte.

Vautour moine (Aegypius monachus) : Poids de 7 à 12 kg. Envergure : 2,50 à 2,95 m L’un des plus grands rapaces d'Europe.En vol, le Vautour moine se distingue du Vautour fauve par son plumage uniformément brun chez les adultes et par ses ailes rectangulaires. Son cou est emplumé et bordé d’une large collerette de plumes érectiles. La calotte occipitale claire et le bec très fort le rendent difficile à confondre. Lié à la forêt méditerranéenne, il niche à la cime des grands arbres. Disparu au début du XXe siècle, le Vautour moine est de retour dans le ciel de France depuis 1992, grâce au programme de réintroduction mis en place par la LPO Grands Causses.

Percnoptère d’Égypte (Neophron percnopterus) : Poids de 1,6 à 2,2 kg. Envergure : 1,46 à 1,75 m C’est le plus petit vautour européens. Son plumage est blanc et noir, sa tête munie d'un bec fin est jaune orangée. Son faciès est totalement dégarni de plumes. Les individus juvéniles ont un plumage très différent, de couleur très sombre assez uniforme. Ils n’acquièrent leur plumage définitif qu’à l’âge de 4 ou 5 ans.Le Vautour percnoptère est migrateur : la majorité des individus européens passe l’hiver en Afrique, au sud du Sahara. La population française ne dépasse pas les 70 couples (environ 55 couples dans les Pyrénées et 15 dans le Sud-est). Fait rare dans le monde animalier, ils ont inventé l’outil, avec un caillou qu’il projette avec son bec, il casse les œufs d’autruche en Afrique pour en avaler le contenu.

Et enfin, Le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) : Taille : 100 à 115 cm Envergure : 280 m à 290 cm Poids : 5 à 7 kg Longévité : jusqu'à 25 ans Rupestre - SédentaireReproduction à l'âge de 6 à 7 ans. Un à deux œufs, un seul jeune à l'envol.

Le gypaète est l'un des plus grands rapaces européens.On ne sait rien de son origine en particulier. Sans doute dérive-t-il d’un rapace chasseur dont il a gardé quelques adaptations. Son nom savant traduit bien cette double appartenance « vautour-aigle ».

Dernier maillon de la chaîne des nécrophages, le Gypaète se nourrit de cadavres et principalement d’os.Il peut avaler et digérer un os de 30 cm de long. Pour les os plus long, le Gypaète utilise la technique du cassage d’os : il transporte l’os dans ses serres, prend de l’altitude et le lâche en visant des zones rocheuses, afin qu’il se casse en morceaux.

En vol, ses ailes étroites et pointues et sa longue queuecunéiforme lui donnent une silhouette svelte et élancée.

Les juvéniles et les immatures sont brun foncé avec un léger contraste entre le corps et les ailes qui s'accentue avec l'âge.

Chez l'adulte, le contraste de son plumage gris ardoisé aux ailes et blanc à orangé pour la tête et le ventre ne permet pas de le confondre avec les autres vautours. L’iris, de couleur paille, est entouré d’un cercle orbital rouge. Quant aux vibrisses plumes noires qui forment la barbe, elles sont visibles même chez les immatures. Le conduit auditif est recouvert de plumes noires et certains individus portent un collier plus ou moins marqué. Les plumes des pattes recouvrent les tarses jusqu'aux doigts. Il n'existe pas de dimorphisme sexuel net chez cette espèce.

Le gypaète est présent dans les Pyrénées, les Alpes, la Corse, les régions montagneuses d'Afrique du Nord. On le retrouve également en Asie, au Proche-Orient, en Iran et jusqu'en Chine. Une sous-espèce Gypaetus barbatus meridionalis habite l'est du continent Africain le long d'une ligne suivant aproximativement la faille du rift, de l'Ethiopie à l'Afrique du Sud. Elle diffère par sa taille plus petite, l'absence de trait sombre sur les joues et des pattes moins emplumées.

Gypaète adulte

Adaptations physiologiques

Le squelette Pour pouvoir voler, les oiseaux ont dû s'alléger. C'est d'autant plus important pour le gypaète pratiquant le vol plané sur de longues distances, plus de 400 km/jour en moyenne.Les os, et particulièrement ceux des ailes, sont creux avec des parois minces reliées entre elles par des entretoises laissant circuler l'air. En effet, ces os creux participent au système respiratoire. Toujours pour réduire le poids les os ont fusionné au niveau de la queue et de la main qui ne comporte plus que deux doigts. Des pattes courtes et solides, un cou bref sont parfaits pour un oiseau qui passe des heures à tirer sur des articulations très dures pour les dissocier.

La voilure Dans son habitat montagnard tourmenté, avec des courants complexes insignifiants ou violents, des vols à haute altitude pour changer de vallée ou le long de falaise sa voilure doit pouvoir s'adapter à toutes les conditions. Ce qui la rend très différente des autres vautours. Le gypaète possède un excellent rapport, surface portante/poids. De ce fait, il peut s'envoler dès l'aube surfant sur le moindre courant ascendant. Tournant court grâce à sa longue queue il peut prospecter au ras du sol à vitesse réduite à la recherche des morceaux d'os cassés. Par vent fort il file en ligne droite, la queue serrée, les ailes très légèrement repliées parcourant ainsi, à grande vitesse, des distances importantes. L'appareil respiratoire Capable de voler à haute altitude, au-delà de 6000m, dans un air raréfié, les échanges gazeux doivent être efficaces et rapides avec un renouvellement complet.En plus des poumons relativement petits, le système respiratoire comprend, un réseau de sacs aériens en avant et arrière de ceux-ci et reliés aux os creux.

L'appareil digestifLe bec est fort et terminé en crochet. Il est aussi long que la tête (65 mm) et large à la base. Les maxillaires peuvent s'écarter, grâce à leurs ligaments élastiques, jusqu'à 90 mm. L'ouverture du bec est située très en arrière de l'oeil, permettant ainsi d'avaler entier de gros os.Les parois de l'oesophage extrêmement élastiques et renforcées peuvent se distendre au point d'accepter une patte de chamois ou de brebis.Le jabot est à peine marqué par un renflement à l'oesophage, le gypaète étant la seule espèce de vautour qui ne possède pas cette poche de stockage avant l'estomac.Celui-ci peut contenir plusieurs pattes d'ongulés à la fois (radiographié en 1999 par le Dr Giraud). Ses parois renferment une grande densité de cellules sécrétant de l'acide gastrique, mais apparemment pas de pepsine.L'estomac ne joue pas un rôle mécanique comme un gésier, ses parois ne sont pas musculeuses.Les 3/4 de la nourriture du gypaète sont constitués d'os et de ligaments. Cette ressource alimentaire peut paraître peu nourrissante à première vue, néanmoins elle contient autant d'éléments énergétiques que la viande. De plus, elle possède l'avantage de n'être contestée par aucun autre animal.

Gypaète Juvénile

Les sensLes oiseaux partagent avec l'homme une appréhension de leur environnement qui passe par deux sens dominant: la vue et l'ouïe, l'odorat jouant un rôle négligeable chez la plupart des espèces.

La vueL'excellente vue du Gypaète lui permet à la fois d'examiner le sol où il pourra de très loin distinguer un passereau mort et de surveiller la progression d'un intrus dans son territoire.Car comme tous les oiseaux, son oeil possède deux fovéas (une seule chez l'homme) et grâce à la plus grande concentration des cellules rétiniennes un pouvoir séparateur très supérieur au nôtre ce qui lui confère une vision extrêmement précise.Le gypaète vole souvent en plein brouillard: disposerait-il d'une vision infrarouge? Il semble que beaucoup d'oiseaux peuvent s'orienter par temps couvert grâce à la perception de la lumière polarisée dans des longueurs d'onde proches des ultraviolets.L'ouïeLes rapaces diurnes communiquent plutôt par des signaux plus visuels (parades en vol) que sonores. Le gypaète utilise rarement sa voix. Etant donné qu'il recherche des proies mortes, l'ouïe ne lui est d'aucun secours pour les localiser.Son organe de l'ouïe est différent de celui des mammifères et ne comporte qu'un seul os au lieu de trois: la clochée est rectiligne et non enroulée. Pas de pavillon auditif comme tous les oiseaux. C'est au niveau de l'oreille moyenne, près du tympan, que l'organe de Vitali lui permet de percevoir les variations de pression atmosphérique le renseignant sur les écarts d'altitude de vol, très utile dans les ascendances thermiques, en vol libre nous utilisons un variomètre pour mesurer les écarts de pression et nous renseigner sur notre taux de montée.

L'odoratAprès de multiples expérimentations, il a été prouvé, en Europe et en Afrique, que les vautours n'étaient pas capables de découvrir une charogne cachée, aussi puante soit-elle!

Le toucherOn peut assimiler à une forme de toucher la "sensibilité" des rémiges palpant l'air.Les racines des plumes perçoivent les vibrations et l'ensemble du plumage enregistre les pressions exercées en tout point afin que l'oiseau puisse ajuster en permanence sa position dans l'air.

Le volDepuis que je fais du vol libre (vol sans moteur) je n'ai eu de cesse d'observer les rapaces, qui pour économiser leur énergie, utilisent le vol plané à la recherche de nourriture.Le Gypaète est le champion toutes catégories, il possède un excellent rapport surface portant / poids et grâce à sa longue queue une maniabilité hors pair lui permettant même de pourchasser les corbeaux qui d'habitude ne cessent d'importuner les autres rapaces.Une étude réalisée en Afrique du Sud par C. Brown (1990) sur des gypaètes munis d'émetteurs, a montré qu'ils passaient 80% de leur temps en vol de recherche, parcourant 430 km/jour en moyenne, et s'éloignant jusqu'à 75 km de leur aire. Un adulte a même parcouru 149 km en 2h48mn !Un rêve pour un parapentiste comme moi.

220 jeunes libérés sur 25 sites en 31 ans dans l'arc alpin ont permis l'installation de 43 couples reproducteurs en 2016Un long travail de restauration de l'espèce à été mis en route, mais c'est la restauration de toute la chaîne de biodiversité dans nos montagnes qui permettra son retour effectif. Malgré les efforts entrepris depuis plus de 10 ans en Europe de l'Ouest, l’espèce est toujours considérée selon les critères UICN comme "Menacée d'extinction".Apercevoir un gypaète glissant le long des crêtes de nos montagnes est un privilège qui m'émeut toujours autant et je souhaite que vous ayez l'occasion de le rencontrer vous aussi!

Je vous recommande:• l'excellent livre de JF Terrasse "Le gypaète barbu" dans lequel j'ai puisé la plupart des informations

sur cet oiseau.• Ainsi que "Du vent dans les plumes" les mémoires d'un vautour fauve, écrit avec beaucoup d'humour

par M. Mouze un grand spécialiste des vautours.