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1 Le grand dirigeable militaire Astra « Clément-Bayard n° 1 » survole Paris le 1 er novembre 1908. (L’Illustration).

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Le grand dirigeable militaire Astra « Clément-Bayard n° 1 » survole Paris le 1er novembre 1908. (L’Illustration).

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Cette photographie regroupe le 10 novembre 1908 autour d’Adolphe Clément tous les artisans de l’aéronautique française :l’ingénieur Henri Kapférer, l’aéronaute et ingénieur Louis Capazza, l’ingénieur Edouard Surcouf, l’ingénieur Pierre Clerget et

Ernest Archdeacon. (Musée de l’Air).

Clément-Bayard, sanspeur et sans reproche

par Gérard Hartmann

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Clément-Bayard, sans peur et sans reproche

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dolphe Clément (1855-1928) est leplus surprenant des industrielsfrançais qui ont vécu sous la IIIeRépublique, honneur qu’il par-tage avec le marquis Albert de

Dion (1856-1946), son contemporain.Créateur de complexes sportifs, industriels etcommerciaux d’importance, de deux usines re-marquables à Mézières et à Levallois-Perret (plusgrande usine de France en 1904), d’une sociétéindustrielle de cycles, automobiles et de matérielaéronautique sous la marque Clément-Bayard,c’est cependant le plus mal connu d’entre eux 1.

Nom RéfrérencesAlbert de Dion 1 920 000Louis Renault 2 630 000Clément-Bayard (société) 528 000Adolphe Clément et Gustave-AdolpheClément et Adolphe Clément-Bayard

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Le nom d’Adolphe Clément est moins connu que celui de sonentreprise, et ne figure même pas dans le dictionnaire La-rousse ! (situation le 6 juillet 2006).

Une enfance difficileGustave-Adolphe Clément - il oublie son pre-

mier prénom qui l’éloigne de ses ascendants pa-ternels - naît le 22 septembre 1955 rue du Bourg àPierrefonds dans l’Oise dans une famille de petitsbourgeois. D’une fratrie de cinq, il est le secondenfant de Léopold-Adolphe Clément et de Julie-Alexandrine Rousselle. Sa mère décède quand il asept ans et son père, épicier marchand de nou-veautés, se remarie et meurt deux ans plus tard.C’est sa belle-mère qui élève pendant sept ans lesenfants Clément, puis elle épouse un instituteur.Adolpge Clément étudie à l’école primaire dePierrefonds puis au collège de Villers-Cotterêts.Dès son plus jeune âge, il doit effectuer les beso-gnes les plus humbles, à onze ans il livre les pa-quets de l’épicerie familiale. A treize, il déclarevouloir travailler le fer et devient l’apprenti d’unmaréchal-Ferrant.

La famille Clément habite aux pieds du châ-teau de Pierrefonds, une ruine aimée des visiteursromantiques qui menace de s’effondrer sur toutela ville bâtie à ses pieds 2 . Durant toute son en-fance, Adolphe Clément voit les chantiers ouvertsaux portes de la ville, les compagnons tailleur depierre œuvrer et les matériaux aller et venir, lesmurs de la forteresse s’élever. Fasciné par les

1. Erigée quai Michelet à Levallois-Perret en 1903 sur les

plans des architectes Leneveu, et Hermant, l’usine Clé-ment-Bayard fut vendue à Citroën en 1921. Considéréecomme un pur chef d’œuvre d’architecture industrielle,elle fut restituée par Citroën à la ville de Levallois en 1988,et démolie depuis pour faire place à des immeubles derapport.

2. En 1857, Napoléon III ordonne sa restauration. Il choisitl’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) pourconduire les travaux qui vont durer de 1859 à 1884. Legrand architecte est assisté par son gendre, Maurice Ou-radou, qui achèvera les travaux après la mort de sonbeau-père.

forgerons et leur capacité de réaliser à la seuleforce de la main une pièce compliquée à partird’un lopin, il passe des heures à les voir marteler,forger. Ils parlent de leur formation durant leurvie sur le tour de France. Adolphe Clément vientde trouver un excellent prétexte pour quitter lamaison : il veut faire le tour de France.

Maison natale d’Adolphe Clément à Pierrefonds, rue duBourg, maintenant rue Clément-Bayard. (Photo de l’auteur)

Maison natale de Gustave-Adolphe Clément à Pierrefonds,rue du Bourg, maintenant rue Clément-Bayard. (idem).

Le château de Pierrefonds en 1855. (Musée du château).

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Le tour de FranceDurant l’hiver 1871-1972, Adolphe Clément

quitte le domicile familial de Pierrefonds et part àl’aventure sur le tour de France avec 30 francs enpoche (environ 100 euros de 2006), tout ce qu’il apu amasser en faisant des petits travaux pendanttrois ans. A cette époque, la France est sillonnéede voitures à cheval, les fameux postillons, allantd’étape en relais. Excepté quelques lignes pion-nières, le chemin de fer n’est encore qu’un projet.Il aurait aimé acheter un vélocipède, on en trouvedans le commerce, mais il n’en a pas les moyens 3.

Le jeune Adolphe Clément vit grâce à son tra-vail. Il paie son gîte et sa nourriture en effectuanttoutes sortes de travaux à la forge, ferrer un che-val, réparer une pièce de fer. Il ne fait halte quedans les villes où se trouvent des forges et où lescompagnons du tour de France sont reçus. Sespérégrinations l’amènent à Paris en 1872, une ca-pitale encore sous le choc de la guerre franco-prussienne puis à Orléans (Loiret). A tours où iltrouve un emploi, il fait la connaissance de Truf-faut, grand constructeur de cycles parisien 4. Ildécide de réaliser une bicyclette. Son employeurlui fournit deux roues de charrette en bois cer-clées de fer. Adolphe Clément réalise un cadre enfer, comme sur les vélocipèdes produits enFrance depuis deux ans.

Les premières courses cyclistes sont organi-sées par les casinos, les municipalités (villesd’eaux), supportées par les producteurs de li-queurs et de vins. Lors du Paris – Rouen disputéquatre ans auparavant, pas moins de 203 partici-pants ont pris le départ. Adolphe Cléments’engage à son tour dans les courses. Il a dix-huitans. Truffaut lui prête une bicyclette en fer avecdes pneus en caoutchouc plein. A Angers, il par-ticipe à l’épreuve cycliste Angers-Tours, et finit 6e.Pour la première fois, les journaux mentionnentson nom. Il en tire une grande fierté.

Un jour dans les manufactures autour de laforge il entend parler des lois sur la « sociétéanonyme » permettant à un inconnu sans fortunede démarrer une entreprise. Un autre jour, il en-tend parler des lois votées par la Républiqueprotégeant les brevets d’invention. On cite quePierre Lallement, inventeur de la bicyclette mo-derne avec pédalier, chaîne et transmission, a dé-posé pour cette invention un brevet et que l’Etatl’a protégé. Il se fait expliquer comment il fautprocéder. Les anciens lui parlent de l’expositionindustrielle organisée à Paris en 1867 et le succèsde la bicyclette Michaux 5 . Il a compris ce quil’animait depuis le début, il veut fonder sa propreentreprise.

3. Les premiers vélocipèdes sont commercialisés en France

en 1867 au prix de 400 francs environ.4. Truffaut est connu pour avoir inventé la jante creuse en

1875.5. Pierre et Ernest Michaux sont considérés comme les in-

venteurs de la pédale de bicyclette moderne, dès 1855. De-puis l'exposition de 1867, leurs ventes de vélocipèdes ex-plosent.

Ballon Giffard vu à l’Exposition universelle de Paris en 1878.(L’Illustration).

La grande salle des machines à vapeur et à pétrole del’Exposition universelle de Paris 1889. (La Documentationfrançaise).

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L’industrie du cycleA Bordeaux, Adolphe Clément qui a amassé

un petit pécule en deux ans grâce aux courses (enfait, il ne dépense rien et capitalise constamment)ouvre un modeste atelier de réparation de cyclesen 1876. C’est sa première entreprise. Il en est trèsfier. A Marseille, étape suivante du tour deFrance, il apprend à fabriquer des bicyclettes entube d’acier. L’année suivante à Lyon, il crée unatelier de fabrication sous sa marque, « cyclesClément SA ». C’est sa première entreprise.

Le première bicyclette, un grand bi à pédalier et entraînementde la roue arrière par chaîne, 1880. (Larousse 1902).

Après un an de travail comme constructeur etaprès avoir sillonné les villes de France à vélo,Clément ouvre en 1878 un atelier au, 20, rue Bru-nel, à Paris 17e, près de la Porte Maillot, où ilanime également une école de cyclisme. Ses com-manditaires se nomment MM de Graffenried et deMontgeron. Clément construit lui-même ses pre-miers cycles, réputés pour leur qualité. Avec lechampion cycliste Charles Terront, il participe fin1978 aux Six-Jours cyclistes de l’Agricultural Hallà Londres. Il ouvre un magasin d’exposition et devente à Paris, 31 rue du 4-septembre, fait unecampagne de publicité par affiches, la premièredu genre.

Bicyclette Clément à cadre droit, 1885. Les roues comportentencore des bandages en caoutchouc plein. (Larousse 1902).

Rapidement, il s’entoure de main d’œuvrecompétente. L’usine rue Brunel qui produit lescycles Clément emploie 150 personnes en 1880 et400 en 1885. En France et en Angleterre, les

champions cyclistes Terront et de Civry rempor-tent quantité d’épreuves sur cycles Clément. En1886, Adolphe Clément est devenu le plus impor-tant constructeur de cycles en France.

Bicyclette à demi-cadre Clément, 1890. (Larousse 1902).

Il se marie avec Céleste Angèle Roguet qui luidonne quatre enfants, Albert, Angèle, Jeanne etMaurice.

En septembre 1879, Clément a créé une pre-mière fonderie en province, à Tulle en Corrèze oùse trouve une force hydraulique. Ne disposantpas de fortune personnelle, malgré quelquesgains en compétitions, le succès de son école etl'agrandissement continuel de l'usine de Paris etTulle le mettent vite en difficulté financière. Ils’endette et la société « Clément et Cie – manufac-ture de bicycles et tricycles » doit trouver des as-sociés. Les déplacements coûtent cher ; trop éloi-gnée de Paris, l’usine de Tulle est revendue.

Publicité Clément et Cie, 1890. (Musée du vélo, Favrieux).

Ses concurrents pionniers de l’industrie au-tomobile ont des bases industrielles et une clien-tèle qui apporte des revenus récurrents. AmédéeBollée père possédait une fonderie de cloches au

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Mans, Albert de Dion des manufactures et unefortune appréciable, Armand Peugeot une fabri-que d’outils et cycles, Panhard-Levassor une fa-brique de scies à bois, Marius Berliet une entre-prise de satin, rubans et chapeaux, Renault pèredes draperies, mais Adolphe Clément n’a rien detout cela.

Papier à en-tête de la société Clément et Cie, 1891. (Coll. Clé-ment-Bayard).

Bicyclette Clément à cadre incliné, vers 1895. Notezl’apparition des pneumatiques. (Larousse 1902).

Son endettement croissant auprès des ban-ques le pousse à acquérir en 1890 la concessionpour la France des nouveaux pneumatiquesDunlop qu’il a découverts à l’exposition du cycleà Londres l’année précédente. Les bicyclettesClément sont les premières à rouler sur pneuma-tiques. C’est le début d’une seconde aventure in-dustrielle. La société anglaise l’a contraint à de-venir actionnaire (1 000 actions d’une livre ster-ling). Comme le succès de ces pneumatiques estfoudroyant, l’action Dunlop vaut 10 livres puis 20et voilà Adolphe Clément bientôt riche, en millionsde francs (or) 6 . De 1890 à 1900, il achète des ter-rains et y implante des usines, forges et fonderies,à Mézières dans les Ardennes, puis à Levallois-

6. Une livre sterling vaut dix francs (or) en 1890.

Perret car il ne veut pas s’arrêter là et ambitionnede produire des automobiles.

Adolphe Clément entouré de ses champions, de gauche à droiteFernand Charron, Lamberjack, de Civry (assis), Arlaud,Fol, Jiel-Laval, Echalié, de Clèves, Merrilees, Voigt. (Coll.Clément-Bayard).

Bicyclette Clément à cadre droit, vers 1900. (Larousse 1902).

Publicité des cycles Gladiator, 1897. (Musée du vélo).

Clément diversifie sa production, ajoutant auxbicyclettes à cadre incliné les bicyclettes à cadredroit, des bicyclettes de de travail plus démocra-tiques (vendues 185 francs), des bicyclette de da-mes (coût : 290 francs), pour enfants, des tricyclesmonoplaces (400 francs) et biplaces (500francs) 7, des triporteurs (240 francs), des tan-dems, des triplettes. 7. Le premier tricycle à pédales, stable et très demandé, est

apparu en France en 1873.

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Motocycles ClémentClément pense investir dans de nouveaux pro-

duits, les tricycles à moteur à pétrole. En 1891, ilrembourse les divers associés auxquels il était liédans la première société Clément et Cie, et réin-vestit une partie de son capital dans une spécula-tion foncière qui va s’avérer heureuse, l'acquisi-tion de très vastes terrains à Levallois-Perret, lafuture banlieue industrielle de Paris, pour ymonter un vélodrome en 1893, le Vélodrome de laSeine, attraction phare de la future société qu’ilespère fonder. Car l’homme est aussi un idéaliste,il rêve d’équiper tous les Français.

Publicité pour les tricycles automobiles Clément parue dans LaFrance automobile en 1898. (Coll. Clément-Bayard).

Les quatre exercices commerciaux de 1894 à1897 sont des années record en matière de crois-sance. Clément ne pense plus désormais qu’àmettre sur le marché de nouveaux produits, avecde meilleures marges, les tricycles automobiles àpétrole.

Usine Clément du Pré-Saint-Gervais, vers 1895. (Coll. Clé-ment-Bayard).

Après avoir accepté en 1894 la proposition dugroupe financier franco-anglais Humber Gladia-tor - dont la partie française est représentée parAlexandre Darracq - qui détient le contrôle desfabriques de bicyclettes Humber et Gladiator, defusionner ses ateliers en un groupe industrielplus grand, afin de produire des voiturettes, Clé-ment confie à son futur gendre, le champion cy-cliste Fernand Charron, la direction de l'établis-sement parisien, la Société des vélocipèdes Clé-ment Gladiator et Humber au Pré-Saint-Gervais(anciennes usines Darracq) au capital impres-

sionnant de 22,5 millions de francs. Le nom com-mercial de Clément appartient désormais au nou-veau groupe. Nouvelle reconnaissance : Clémentest décoré par l’Etat pour la participation de sasociété à l’exposition du cycle à Chicago.

Affiche de Georges Paume, 1890. (Musée du sport).

En 1895, Clément fonde à Paris avec JohnBoyd Dunlop (1840-1921) et Arthur du Gros la« compagnie française des pneumatiques Dun-lop » laquelle va employer jusqu’à 250 personnes.Les actions Dunlop valent maintenant 100 livres.Clément est devenu millionnaire en francs (or). Le12 novembre, il assiste à la première réunion desmembres de l’Automobile-Club de France dont ilest devenu (par cooptation) l’un des membres.

Tricycle automobile de Dion, 1898. (Larousse 1902).

Le premier tricycle à pétrole sort en Francedes usines de Dion-Bouton en 1895. L’année estmarquée par la course Paris – Bordeaux, la pre-mière course officielle d’automobile au monde.Elle est remportée le 12 juin par Emile Levassor, àplus de 20 km/h de moyenne, prouvant la supério-rité du moteur à pétrole sur la vapeur. Dans cettecourse, et pour la 1ère fois, une auto, « L’Eclair »,dispose de pneumatiques (Michelin). AdolpheClément s’intéresse aux recherches de Panhard etLevassor. Il achète des actions de la société dontil va bientôt détenir les brevets. Visant à réaliserune opération de plus-value, Clément achète lesterrains qui entourent l’usine Panhard et Levas-sor de la porte d’Ivry. En 1896, la course Paris –Marseille est remportée par un tricycle à pétrole,lequel devance toutes les voitures à vapeur. Quel-ques tricycles propulsés par un moteur monocy-lindre De Dion-Bouton sont commercialisés en1896. Clément prend la licence de Dion.

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Productiond’automobiles

La construction de l’usine de Mézière estpresque achevée en 1896 et celle de Levalloiscommence. Le premier véhicule automobile por-tant le nom de Clément date de 1897. En janvier1897, deux voiturettes Clément sont construites,l’une monoplace l’autre biplace avec un moteur à2-cyl horizontaux. Presque à la même époque,apparaît un tricycle sous la marque Clément-Bayard, tandis que Clément-Gladiator, au Pré-Saint-Gervais, prépare une série de voiturettes,équipées de moteurs monocylindriques Aster re-froidis par air et avec boîte de vitesses épicycloï-dale à deux vitesses. Ce sont les débuts d'uneproduction diffusée en France et en Angleterrepar les deux marques associées ou bien par uneseule des deux, suivant les possibilités locales.

Devant le succès croissant des ventes de voi-turettes, Adolphe Clément prend des participa-tions dans la société des moteurs Aster et prendle contrôle du capital des usines parisiennesPanhard et Levassor. Il souscrit à hauteur d’unmillion de francs (or) dans la constitution du ca-pital et acquiert la majorité des actions. Il en de-vient le directeur commercial, puis le président le31 mai 1899 après la démission de René Panhard.En 1899 sort des usines d’Adolphe Clément unevoiturette légère Panhard dessinée par ArthurKrebs, ingénieur de grande classe et nouveau di-recteur technique des usines Panhard, avec mo-teur arrière de 3 ch.

A 44 ans, Clément refait un tour de France,cette fois sur une voiture de luxe valant 25 000francs. Il participe en effet au 1er tour de Franceautomobile organisé du 16 au 24 juillet 1899 parL’Automobile-Club de France et le journal Le Ma-tin, à bord d’une Panhard Levassor à pneus Mi-chelin. Brisant l’essieu avant de sa voiture sur unpassage à niveau à Ozoir-la-Ferrière, il réparelui-même et conduit le jour suivant pendant 700km sans interruption, terminant 7ème.

Le développement des ventes d’automobiles(création des magasins à succursales, rétributiondes distributeurs) oblige Clément à renoncer àson vélodrome et à réaliser, sur le même terraindu 48-58 quai Michelet à Levallois, un nouvel éta-blissement de construction d’automobiles. Il s'as-sure la collaboration de Marius Barbarou 8, autreingénieur de grande classe. Entre 1901 et 1903,Barbarou crée une gamme de trois modèles devoitures : une 2-cyl et deux 4-cyl, avec soupapesd'admission commandées, dont la production estfaite à grande échelle. Clément tente un rappro-chement industriel avec le carrossier Rothschildpour l’intégration à sa marque.

Publicité Clément, 1903. (Musée automobile de Reims).

Publicité des automobiles Bayard, Hugo d’Alési 1903. (Mu-sée automobile de Reims).L’original de cette affiche figuredans le salon de la demeure Clément-Bayard à Pierrefonds.

8. Futur créateur des moteurs d’aviation Lorraine-Dietrich.

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En 1900, les usines d’automobiles Clément deMézières et Levallois ne comptent encore que 300ouvriers et elles n’occupent qu’une surface de6 000 m2, mais il en sort 500 voiturettes au coursde l’année. Adolphe Clément et André Michelinsont élus membres du conseil d’administration dujournal L’auto-Vélo, qui devient L’Auto en 1901.Clément marie sa fille aînée Angèle à l’ingénieurAlbert Dumont, directeur à l’usine de Levallois.

Les quatre années du nouveau siècle sontpour Clément, qui va sur ses 50 ans, des annéesd’efforts industriels et d’efforts personnels sansprécédent. Il travaille douze heures par jour et serend dans toutes ses usines chaque semaine enautomobile. Il achète à Pierrefonds dans un im-mense domaine une villa luxueusement décorée,de domaine du Bois d’Aucourt.

Albert Clément le plus rapide sur un tour sur la Clément-Bayard n° 13A au Grand Prix de l’Automobile-Club deFrance au Mans, une course où il finit 3e, trahi pas des cre-vaisons multiples. (Coll. Clément-Bayard).

Selon le journaliste Maurice Martin 9 quis’appuie sur les statistiques du ministère des fi-nances, la France au 31 décembre 1903 compte unparc de 1 310 223 cycles, 19 816 motocyclettes et19 876 automobiles, soit un cycle pour 30 habi-tants (le marché est considéré comme saturé avectrois millions de cycles, soit encore 6-7 ans deventes), et une motocyclette et une automobilepour 1 960 habitants. Depuis 1900, les ventes decycles ont augmenté de 34 %, celles des motocy-cles de 76 % et celles des automobiles de 276 % !

9. Revue L’Illustration n° 3206 du 6 août 1904, p. 90

Albert Clément lancé à pleine vitesse sur le circuit du Mans,1906. (Collection Clément-Bayard).

En dépit des fortes ventes, l'année 1903 estune année difficile pour Adolphe Clément, qui ainvesti trop de capitaux sans en attendre le retour.Le marché britannique étant en plein essor, il dé-cide de s’y implanter. Il prend des participationschez Talbot et fonde une grande usine avec forgeset fonderie à Laddbroke Grove où sont construi-tes des Clément sous la marque Clément-Talbot.Une opération similaire tentée en Italie avec lamarque Diatto-Clément se termine en fiasco.

Chez Clément-Bayard, le patron a instauré unepolitique qui fait que les bons ouvriers sont mieuxpayés que les ingénieurs. Barbarou le quitte pourla société Mercedes-Benz. Autre coup du sort,Clément est dépossédé de son patronyme par sesassociés du consortium Clémcnt-Gladiator-Humber. Clément cherche une nouvelle raison so-ciale, qui sonne bien au plan commercial. Devantson usine de Mézières s’élève une statue deBayard. Sa société se nommera Bayard-Clément.

Voiture Clément-Bayard-Dunlop d’Albert Clément, 3ème surle circuit de la Sarthe 1906. Cette course fut le départ des 24heures du Mans. (Collection Clément-Bayard).

Désormais, les « vraies » Clément cessent deporter son nom. Adolphe Clément choisit en 1903la marque Bayard (qui deviendra ensuite Bayard-

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Clément et, Clément-Bayard en 1909, le Conseild’Etat cette année-là ayant même accepté le chan-gement de son patronyme en Adolphe Clément-Bayard). Ses voitures sont marquées « VoituresBayard A. Clément constructeur » et ses facturesportent la devise « sans peur et sans reproche ».

A la fin de 1903, des automobiles « Talbot »sont pour la première fois exposées au CrystalPalace à Londres. Ce sont des Clément qui vien-nent de Levallois. Les premières « Bayard » sor-tent de l’usine Talbot en janvier 1906, des 4-cyl de20 ch plutôt luxueuses. A partir de 1907, des Tal-bot participent à toutes les compétitions enGrande-Bretagne.

Densité du parc automobile français. (L’Illustration du 6 août1904).

En 1907, la gamme des automobiles Clément-Bayard va de lepetite 2-cyl de 8/10 ch à la grosse 4-cyl de 60 ch. (L’Aérophileavril 1907).

De 1904 à 1907, les voitures de la marque Clé-ment et celles de la marque Gladiator sortent del'établissement du Pré Saint-Gervais, et lesBayard-Clément de l’usine de Levallois. Cettedernière usine produit 1 800 voitures au cours del’année 1907 10. Le nombre des machines-outilspasse de 500 à 900. Devenu un grand del’industrie, Adolphe Clément reçoit la Légiond’honneur en 1904 et fait Officier en 1906.

Publicité des automobiles Bayard, A. Clément constructeur.(Musée automobile de Reims).

En 1905, une voiture Clément-Bayard remportela coupe de Calais. En 1906, la marque brille encompétition, grand prix de l’ACF, circuit des Ar-dennes, coupe « Vanderbilt » à New-York, circuitde la Sarthe (1ère édition des fameuses 24 heuresdu Mans), course de Dourdan, rallye de Paris –Monte-Carlo. Des usines Clément-Bayard de Le-vallois en 1906 sortent une série de 600 fiacrespour la Compagnie générale des voitures de Pa-ris. Les automobiles Clément-Bayard sont trèsremarquées au Salon de l’automobile de Paris.

Usine Clément-Bayard de Mézières, « la Macérienne », 1907.(Collection Clément-Bayard).

Les luxueuses voitures de tourisme Clément-Bayard remportent en 1907 la Coupe del’Automobile-Club de Cannes. Le 25 avril 1907,Adolphe Clément marie sa seconde fille Jeanne àFernand Charron. Mais son fils aîné Albert, aéro-

10. C’est la seconde plus grosse production en France, après

Renault (2 000 automobiles), devant Panhard & Levassor(1 700), de Dion et Delaunay-Belleville.

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naute confirmé et excellent pilote automobile,perd la vie le 17 mai 1907 dans un accident lors del'essai d'une voiture de course hyper-puissante(100 ch) sur le circuit de Dieppe aux essais dugrand prix de France. Il portait le n° 13. A compterde ce jour, ce n° ne sera plus attribué en France.

D’Alési sur la Bayard-Clément n° 2 au Grand Prix del’ACF 1907 à Dieppe. (Collection Clément-Bayard).

Le 9 juillet 1907, voulant jouer un rôle politi-que et économique dans sa ville natale, AdolpheClément achète à Pierrefonds la totalité de la sta-tion thermale et de nombreux terrains. Des usinesde Levallois qui comptent maintenant près de4 000 ouvriers sortent par an plus de 3 000 véhi-cules.

La gamme des automobiles Clément-Bayarden 1907 comprend différents modèles, tousluxueux, allant de la petite biplace à moteur bicy-lindre de 8-10 ch à la grosse 4-cyl de 50-60 ch quidépasse 60 km/h. L’année, prospère au plan desrésultats financiers, est catastrophique au planpersonnel et familial. Après avoir perdu son filsaîné en mai, Adolphe Clément voit mourir de ma-ladie fin novembre Albert Dumont, le mari de safille aînée.

Adolphe Clément-Bayard en 1907. (Collection Clément-Bayard).

En 1908, les puissantes automobiles Clément-Bayard de course remportent encore le meetingde Cannes (comme en 1907), le Tour de France del’Automobile-Club, le concours des véhicules in-dustriels et de tourisme, un concours du ministèrede la guerre pour une auto-mitrailleuse (sonconcurrent malheureux est Panhard et Levassor),le concours des Petits poids-lourds (voitures delivraison). En revanche dans le grand prix del’ACF, toujours disputé sur le circuit de Dieppe, lamieux classée des trois Clément-Bayard ne finitque 7ème (Fernand Gabriel). Après la perte de sonfils aîné, Adolphe Clément-Bayard n’a plus le goûtde la course. Il veut tout arrêter.

René Hanriot sur la 4-cyl de 60 ch Clément-Bayard, juin1907. (collection de l’auteur).

Entre 1909 et 1912, les grands prix sont forte-ment concurrencés par un phénomène qui va du-rer quatre ans et s’éteindre de lui-même : la foliedes meetings aériens. Ballons dirigeables et aé-roplanes sont exhibés dans des foires discuta-bles, que chacun veut voir, au point d’éclipser lescourses d’automobiles. Faute de visiteurspayants, le grand prix de l’ACF est suspendu de1909 à 1912.

Fernand Gabriel sur la Clément-Bayard n° 28 au GP del’ACF 1908 à Dieppe. (Coll. Clément-Bayard).

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Clément-Bayard, sans peur et sans reproche

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Excepté Maurice Farman qui va rejoindre sonfrère devenu constructeur, bon nombre de fous duvolant passent à l’aéronautique et à l’aviation, unsport qui n’est pas moins dangereux. Les plusgrands pilotes d’aéroplane de l’époque ont tenu levolant des Clément-Bayard de course : Victor Ri-gal (qui deviendra aviateur), René Hanriot (quideviendra constructeur d’aéroplanes).

En 1910, les automobiles Clément-Bayardcomprennent un nouveau modèle d’avant-garde,une petite auto biplace carrossée en torpédo ven-due à bas prix, mue par un beau 4-cyl de 10/12 chavec radiateur sur le tablier, un modèle qui seveut populaire et qui va rester au catalogue duconstructeur jusqu’en 1914.

Torpédo Clément-Bayard 1910. Musée de Rochetaillée-sur-Saône.(Collection H Malartre).

L’année 1911 est la dernière où sortent lesgrandes quatre places de 35-45 ch et 50-60 ch àtransmission par chaîne. Adolphe Clément-Bayard s’est résigné à acheter la licence Renaultet toutes les voitures qui sortent de l’usine de La-vallois sont dotées d’une boîte-pont avec entraî-nement direct, et d’un radiateur d’eau sur le ta-blier. En 1911, les nouvelles 6-cyl sont livrables entrois versions, 15, 20 et 30 ch.

En 1912 est présentée une nouvelle petite autoà moteur bicylindre de 7 ch. Tandis que des Talbotsortent de l’usine de Laddbroke Grove, les Clé-ment-Bayard nouvelle génération sont de nou-veau importées et vendues en Angleterre par unimportateur de la société française et sous lamarque Clément-Talbot.

Torpédo 30-40 ch de sport à châssis Clément-Bayard, 1913.(Revue de l’industrie automobile et aéronautique).

Après la folie des aéroplanes, un feu de paillequi n’a duré que trois ou quatre ans, les coursesd’automobiles reprennent en 1913, pour un anseulement, la guerre mettant fin à toute épreuvesportive. Clément-Bayard en est absent, ayant re-noncé au sport automobile, mais Fernand Char-ron a pris le relais ; ayant établi une usine à Pu-teaux, il est devenu constructeur.

La production d’automobiles n’est pas la seuleactivité des usines. « Des immenses usines de Le-vallois et Mézières, avec leur puissant outillagesans cesse augmenté, sortent non seulement deschâssis, des voitures carrossées et des camions,mais encore des dirigeables, des aéroplanes, desmoteurs, des canots, des bicyclettes, des groupes(moteurs) industriels, des groupes électrogènes,etc…, sans compter des séries de pièces détachéesles plus diverses » titre la Revue de l’industrieautomobile et aéronautique n°11 du 15 novembre1913, qui présente en première page la nouvelleClément-Bayard de 30-40 ch à moteur 4-cyl.

Publicité Charron, 1913. Fernand Charron fut nommé direc-teur des usines de Levallois, avant de se brouiller avec son beau-père et fonder sa propre entreprise en 1912.

Juste avant le début de la guerre, douze mo-dèles d’automobiles Clément sont proposés, dedeux à six places, comprenant la petite 7 ch à mo-teur bicylindre, vendue moins de 7 000 francs à lagrosse 6-cyl de 30 ch, l’un des modèles étant pro-pulsé par un 4-cyl sans soupape Knight de 20 chdont la société a pris la licence (comme Panhardet Levassor).

L’usine Clément-Bayard quai Michelet à Levallois figurait surles en-têtes des lettres de la société, entre 1910 et 1914. On estimpressionné par la surface couverte d’ateliers, huit hectares.(Collection Clément-Bayard).

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Les dirigeables Clément-Bayard

Le 9 novembre 1906, le journal Le Matin an-nonce un prix de 250 000 francs au premier enginaérien, aéroplane ou dirigeable de constructionfrançaise qui reliera en moins de 24 heures Parisà Londres. Le départ sera donné le 14 juillet 1908à 10 heures du matin. 100 000 francs sont donnéspar le journal français, 50 000 francs par le mar-quis de Dion, 50 000 francs par Adolphe Clément,50 000 F par un dernier mécène. A la mort de sonfils dont il voulait faire son successeur à la tête deses industries, Adolphe Clément tombe dans lemécénat aéronautique.

Après l’échec du développement du dirigeablegéant Général Meusnier et après le décès tragiquedu colonel Charles Renard en 1905 qui fait perdreau ministère de la Guerre son plus grand ingé-nieur en matière de développement de dirigeables,les responsables français de l’aérostation mili-taire se trouvent embarrassés alors quel’Allemagne s’arme frénétiquement.

Surcouf, Kapférer et Clerget se relaient dans la nacelle dudirigeable Astra Clément-Bayard n° 1 (1908). (Coll. Clerget).

En décembre 1905, les frères Labaudy offrentà l’armée leur dirigeable Lebaudy n° 1. Suivant lesrecommandations d’Henri Deutsch de la Meurthe(propriétaire de l’usine de carburants à Pantin) etArchdeacon, le général Picquart ministre de laGuerre n’a d’autre choix que de s’adresser pour lafourniture de ses matériels aériens à l’industrieprivée, qui maîtrise à la fois le moteur à essenceet les ballons de sport à hautes performances 11.

Le Reich allemand soutient le comte Zeppelinet l’ingénieur Parseval. Ils reçoivent chacun de laLigue nationale 500 000 DM en 1907. En France,quelques autorités s’inquiètent de l’avance tech-nique prise par les Allemands. Les Zeppelins sontrapidement perçus comme de formidables enginscapables de bombarder l’ennemi loin à l’intérieur

11. Le général Picquart effectue le 16 mai 1907 une première

ascension en ballon libre sur l’Excelsior (1600 m3), ballonde l’Aéro-Club de France. Le pilote est le comte Arnold deContades-Gizeux.

de son sol, comme une menace terrible.

La nacelle de l’Astra « Clément-Bayard », 1908. (MAE)

Quatre constructeurs en France se lancentdans l’aventure du dirigeable militaire : les frèresLebaudy, industriels du sucre, (Paris) dont leshangars sont installés à Moisson (actuellementYvelines) au bord de la Seine avec son ingénieurHenri Julliot, les ateliers Surcouf qui deviendrontle 1er janvier 1908 Astra (Billancourt) dont les han-gars à dirigeables sont dressés à Montesson prèsde Paris (actuellement Yvelines) que dirigel’ingénieur Edouard Surcouf, Maurice Mallet et sasociété Zodiac (Paris) installé à Saint-Cyr-l’Ecole(actuellement Yvelines) avec son créateur, Mau-rice Mallet. Suivant l’exemple des frères Lebaudy,chaque société offre à l’Etat en 1907 un dirigeablemilitaire.

Le patron, toujours présent lors des premières ascensions desmachines portant son nom. Le pilote est Capazza. On reconnaîtKapférer, Surcouf et Clerget. (Coll. Clerget).

Dernier venu à cette nouvelle technologie,Clément-Bayard, qui s’appuie sur l’ingénieur etaéronaute Louis Capazza pour superviser la ré-alisation des ballons, lui, entend bien les vendre.Basée à Levallois, quai Michelet, la société Clé-ment-Bayard érige des hangars à dirigeables àLamotte-Breuil au nord de Pierrefonds (Oise) villenatale d’Adolphe Clément et elle bénéficie del’utilisation plus près de Paris pour les évolutionde ses machines du terrain d’Issy-les-Moulineaux.

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Le dirigeable Astra « Clément-Bayard »

En 1907, l’armée commence à militariser lesaéronats qui lui sont offerts. Le dirigeable Patrieest militarisé à Chalais-Meudon début 1907. Cetteopération consiste à former aux opérations sonéquipage militaire 12, à le gréer avec du matérielmilitaire standard, hydrogène, ancres, suspentes,et à lui faire effectuer des manœuvres. Ensuite estmilitarisé le Lebaudy. Prévu directement pour unusage militaire, le dirigeable Ville de Paris com-mence ses vols à Sartrouville pendant l’été 1907.

Après de défilé du 14 juillet, le général Pic-quart et Georges Clemenceau, président duConseil, effectuent à bord du Patrie un vol d’uneheure à Chalais-Meudon le 22 juillet, suivis par legénéral Roques, directeur du Génie au ministère,puis du colonel Bouttieaux, directeur du centreaérostier de Chalais-Meudon. A la fin de l’année,l’armée devrait disposer de trois dirigeables, maisles militaires laissent s’échapper la Patrie (valeur400 000 francs) qui est perdu fin 1907.

Début 1908, la société Clément-Bayard selance dans la construction aéronautique, avec unprojet remarquable (et remarqué par toute lapresse de l’époque) la commande chez Astra d’ungrand ballon militaire baptisé Clément-Bayard n° 1cubant 3 500 m3 dont Clément-Bayard fabrique lanacelle et tout le système de propulsion (moteurClément-Bayard de 120 ch).

Pierre Clerget en 1908. Photographie prise par Emile Ches-nay. (Collection Clerget, musée de Biscarrosse).

Archdeacon est pervenu à convaincre le géné-ral Picquart d’acheter des machines pour lecompte de l’armée. C’est encore lui qui présente àAdolphe Clément en juin 1907 un ingénieur de 32ans talentueux, méconnu et mal payé : Pierre

12. Il est formé du capitaine Voyer, des adjudants Vincenot et

Girard, des sergents Bonnet et Barret. Ces derniers com-plètent leur formation d’aérostier en juin 1907. Périssantdans un vol, leur nom sera donné aux dirigeables suivants.

Clerget. Ce dernier va améliorer les moteurs lesplus remarquables des dirigeables et développerdes moteurs d’aéroplanes. Le succès de ses mo-teurs étant au rendez-vous, tant sur dirigeablesque sur aéroplanes, Clerget, ingénieur talentueux,connu et bien payé cette fois va monter sa propreentreprise en 1911. Adolphe Clément n’a décidé-ment pas de chance avec ses ingénieurs.

Le Clément-Bayard n° 1 effectue son premiervol à Sartrouville (plaine de Montesson) le 28 oc-tobre 1908, piloté par Kapférer. Lors de ce 1er vol,le grand dirigeable - avec 56,25 m de longueur et10,58 m de diamètre, c’est le plus gros jamais misen service en France - réalise un parcours Mon-tesson – Saint-Germain – Maisons-Laffitte, puis lemême jour il survole Paris.

Type LongueurDiamètre

Cubage Moteurs

Clément-Bayard n° 1 56,25 m10,58 m

3 500 m3 2 Clément-Bayardde 115 ch

Clément-Bayard n° 2 76,50 m13,22 m

7 000 m3 2 Clément-Bayard120 ch

CB n° 3 Dupuy de Lôme 89 m13,50 m

9 000 m3 2 Clément-Bayard120 ch

CB n° 4 Adjudant Vincenot 88,50 m13,50 m

9 800 m3 2 Clément-Bayard120 ch

Adjudant Vincenot modifié 87,30 m13,50 m

9 800 m3 2 Clément-Bayard120 ch

CB n° 5 livré à la Russie 86 m13,50 m

9 600 m3 2 Clément-Bayard130 ch

CB n° 6 Montgolfier 73,50 m12,20 m

6 500 m3 2 Clément-Bayard90 ch

Les dirigeables Clément-Bayard, 1908 à 1914.

Raid du Clément-Bayard n° 1 passant au-dessus de Compiègne,le 1er novembre 1908. (carte postale ancienne).

Raid du Clément-Bayard n° 1 passant au-dessus de Pierre-fonds, le 1er novembre 1908. (carte postale ancienne).

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Le 1er novembre, la machine effectue un raid de200 km entre Sartrouville, Pierrefonds (patried’Adolphe Clément dont il sera aussi maire), Pa-ris, Auteuil et retour à Sartrouville, en moins decinq heures, battant le record de France de duréeet de vitesse sur circuit fermé.

Chute en Seine à Sartrouville du Clément-Bayard n° 1 le 23août 1909. (Collection Claude Faix).

Plan du Clément-Bayard n° 1, L’Aérophile 15 sept. 1908.

Chute en Seine à Sartrouville du Clément-Bayard n° 1 le 23août 1909. (Collection Claude Faix).

Avant la fin de l’année 1908, le grand dirigea-ble Clément-Bayard, machine docile et rapide (50km/h) effectue vingt-neuf sorties. Adolphe Clé-ment-Bayard veut le vendre 500 000 francs. LeGouvernement le trouve trop cher. C’est finale-ment le tsar de Russie qui l’achète. Il détache àParis une délégation. Le 23 août 1909, lors d’unedémonstration devant les militaires russes, leClément-Bayard piloté par Capazza monte à 1 550mètres (un record) demeurant plus de deux heures

à plus de 1 200 mètres (autre record), mais lors del’atterrissage à Maisons-Laffitte la machine pous-sée par un vent violent se prend dans les arbres ettombe dans la Seine. Après les réparations de ri-gueur, le grand dirigeable prend le chemin de laRussie où il deviendra le Berkut.

Le dirigeable Clément-Bayard n° 2

En 1909, Clément-Bayard se lance dans la fa-brication d’aéroplanes (lire plus loin), avant deconstruire des dirigeables militaires. Début 1910,en effet la société Clément-Bayard construit entiè-rement à Levallois (ballon, nacelle, moteur) ungrand dirigeable militaire de 6 500 m3 dessiné parl’ingénieur Sabatier. Gonflé à l’hydrogène, la ma-chine est essayée pour la première fois sur l’aéro-parc Clément-Bayard à Lamotte-Breuil le 10 avril1910. Le 1er juin 1910, la machine nommée provisoi-rement Clément-Bayard n° 2 effectue son vol deréception. Ce dirigeable, totalement différent desproductions Astra, est stabilisée par des plansterminant la nacelle qui héberge deux moteursClément-Bayard de 120 ch actionnant deux héliceslatérales de grand diamètre (six mètres) tournant à350 tours par minute.

Premier vol du Clément-Bayard n° 2 le 10 avril 1910 qui fran-chit l’Aisne. (Archives de Compiègne).

Lors de sa vingt-troisième sortie, le 7 septem-bre 1910, le commandant Ferrié effectue avec suc-cès la première liaison aérienne sans fil par T.S.F.avec la tour Eiffel depuis un poste radio émetteur-récepteur embarqué de 65 kg.

Hangar Clément-Bayard à Breuil (Oise). (Arch Compiègne).

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Moteur 120 ch Clément-Bayard du dirigeable Clément-Bayard n° 2, 1910. (Collection Clerget).

Chaque moteur valant 50 000 francs, Clément-Bayard veut vendre son dirigeable 200 000francs. L’Armée ne peut pas le payer. Finalement,Clément-Bayard le vend aux Anglais. Le 16 octo-bre, le CB n° 2 effectue la 1ère traversée de la Man-che par un dirigeable militaire, entre Compiègne etLondres. En six heures, la machine a franchi les390 km qui séparent Breuil de Londres, à la vi-tesse record de 65 km/h. Clément est à bord (c’estsa 1ère traversée de la Manche) avec six autres per-sonnes. La machine est payée 16 000 livres (soit150 000 francs) par le Daily Mail qui l’offre augouvernement anglais.

Le Clément-Bayard n° 2, 1910. (Collection Clément-Bayard).

Le succès technique de cet aéronef est tel qu’ilsuscite rapidement des commandes de plusieursmachines semblables par le gouvernement fran-çais et le ministère de la Guerre qui appréciesurtout sa maniabilité et sa robustesse. En début

d’année 1911, la société Clément-Bayard construitpour l’armée (Génie) le CB n° 3 baptisé Adjudant-Vincenot et le CB n° 4 baptisé en 1912 Dupuy-de-Lôme.

Plan du Clément-Bayard n° 2. (L’Aérophile).

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Le dirigeable Clément-Bayard n° 3

Bâti sur le modèle du n° 2, le CB n° 3 Adju-dant-Vincenot apparaît à la fin de l’hiver 1910-19111911 et il est rapidement (cette fois) réceptionnépar l’armée. Ayant satisfait aux épreuves militai-res, il collectionne aussitôt les records du monde.

Le hangar de Breuil, près de Compiègne, en 1910. (Archivesde Compiègne).

Le 19 juin 1911, pour sa dix-septième sortie, pi-loté par la capitaine Destouches, le CB n° 3 établitun nouveau record du monde d’altitude avec 1 967mètres. Les excellentes qualités de la machinesont confirmées peu après les 7 et 8 juillet 1911 parl’établissement d’un record mondial de distance,avec 614 km parcourus en 16 heures 20 minutes devol (record du monde de durée de vol). Le 14 juillet1911, le CB n° 3 survole les Champs-Élysées etpasse devant la tribune du président de la Répu-blique sur l’hippodrome de Longchamp.

L’équipage de l’Adjudant-Vincenot, le capitaine Destouches,l’ingénieur Sabatier et le pilote Baudry. (Collection Clerget).

Les 13 et 14 septembre 1911, le grand dirigeablemilitaire français participe aux manœuvres du 6ème

corps du général Poisson. A l’issue de sa 41ème

sortie, le 6 octobre 1911, le CB n° 3 est affecté auGénie sous le nom d’Adjudant-Vincenot, son portd’attache étant Toul.

Modifié pendant l’été 1913 - nacelle raccourciede 55 à 26 mètres, allégé de 400 kg - et doté d’unenouvelle enveloppe, le CB n° 3 bat début 1914 lerecord du monde de durée de vol, avec un périplede 35 heures 19 minutes, dépassant de 20 minutesle record établi par un Zeppelin allemand.

Son utilisation militaire sera peu glorieuse. Enaoût 1914, l’artillerie française le prend pour cible,il est confondu avec un Zeppelin. Basé à Chalais-Meudon, le capitaine Joux l’utilise pour des mis-sions de reconnaissance et de bombardement au-dessus des lignes ennemies jusque octobre 1915.Après plusieurs missions de survol du territoireennemi, le 1er juin 1916, alors commandé par le ca-pitaine Paquignon, le Clément-Bayard n° 3 Adju-dant-Vincenot est abattu lors de sa 131ème ascen-sion, au sud de la tranchée de Colonne, à 400mètres des lignes allemandes.

Le dirigeable Clément-Bayard n° 4

Du même type et dimensions que le n° 3, lapremière sortie du Clément-Bayard n° 4 Dupuy-de-Lome a lieu à Lamotte-Breuil le 1er mai 1912.Comme le n° 3, il est très rapidement réceptionnépar l’armée. Toujours propulsée par deux 4-cylClément-Bayard de 123 ch, la machine emporte unéquipage de neuf hommes.

Dès le 20 mai, piloté par le capitaine Néant, ilbat un record d’altitude avec 2 943 mètres. A la findu mois de mai, le CB n° 4 effectue un vol de dé-monstration de prestige avec à son bord vingt-sept passagers, dont le marquis Albert de Dion,sa femme et Ernest Archdeacon et sa femme.

Le 6 juin 1912, nouveau vol de démonstration,avec cette fois comme passager l’écrivain Colettequi fera de son voyage aérien une description ly-rique. Le lendemain, le CB n° 4 participe au défilédu 14 juillet. Le grand dirigeable (c’est le plusgrand de la famille Clément-Bayard, avec 89 mè-tres de longueur) participe ensuite à des manœu-vres au-dessus de la Somme et de la Normandie,dont des vols d’observation de nuit. Le 31 août1912, le CB n° 4 s’abîme sur les mâts de 15 mètresde long planté par un voisin jaloux d’AdolpheClément-Bayard à Breuil, dénommé Coquerel. Cedernier sera condamné à payer la remise en étatde la machine payée par l’armée.

Comme sur les dirigeables précédents, le pa-tron (qui vient d’être nommé Commandeur de laLégion d’honneur) et ses collaborateurs partici-pent pratiquement à toutes les sorties de cettemachine. Une fois réceptionné par l’armée, le Clé-ment-Bayard n° 4 est baptisé Dupuy-de-Lôme.

Sa carrière militaire sera peu glorieuse. Audébut des hostilités, il effectue plusieurs missionsd’observation de guerre jusqu’en Belgique, sur-volant les camps allemands. Malheureusement, le24 août 1914, commandé par l’officier Leroy, il estabattu au-dessus de Courcy par l’artillerie fran-çaise qui, une fois encore, l’a pris pour un aéronefallemand. Le lieutenant Jourdan est tué. C’est lepremier aérostier français à périr en guerre.

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Le dirigeable Clément-Bayard n° 5

Le dirigeable militaire Clément-Bayard n° 5(9 000 m3) est construit à Levallois pendant l’hiver1912-1913. Commandée par la Russie, la machineeffectue sa première sortie le 9 février 1913.

Le 11 février, deux jours plus tard, le n° 5 faitune démonstration devant un équipage russe,pendant cinq heures. Il effectue ensuite des essaisde vitesse probants, avec et contre un vent de10m/s, avec respectivement 62 et 53 km/h, avant salivraison à la Russie à la fin du printemps 1913.

Le grand aéronat militaire Clément-Bayard n° 5. La cartepostale annonce longueur 89 m (il n’en fait que 86), charge utiletransportable quatre tonnes (c’est exact), deux moteurs Clément-Bayard de 123 ch. (Carte postale ancienne).

En 1913, la société fait sa publicité avec ses dirigeables militai-res types CB n° 4 et 5. (L’Illustration).

Le dirigeable Clément-Bayard n° 6

Dernier à porter le nom de Clément-Bayard, leCB n° 6 construit début 1913 pour les besoins de lamarine effectue sa première sortie à Breuil le 31juillet 1913. La machine est d’un type nouveau.

Cubant 6 500 m3 seulement, il est plus court (75mètres) que les précédents. Sa nacelle est courte(10 mètres) et construite en tubes d’acier. Equipéde deux moteurs ultra-légers Clément-Bayard de

110 ch, il dispose d’une vitesse de croisière deplus de 50 km/h grâce à deux hélices propulsiveset une troisième, horizontale, toutes trois à pasvariable et inversable, ce qui lui permet de ma-nœuvrer remarquablement serré.

Conçu par l’ingénieur Lucien Sabatier, le diri-geable est piloté par Baudry et Leprince, l’officierdes transmissions étant le lieutenant Tixier etl’opérateur radio Savary.

Le dirigeable Clément-Bayard n° 6 après un envol à Breuil.(Archives de Compiègne).

Le 3 octobre 1913, le ministre de la marine ac-compagné du vice-amiral Le Bris, assiste auxpremiers essais militaires de la machine.

Le 24 janvier 1914, lors de sa 20ème sortie, leCB n° 6 est réceptionné et devient le Montgolfier. Ilparticipe à plusieurs missions de guerre, commele bombardement de la gare de Terniers le 1er dé-cembre 1914, avant d’être abattu par les troupesfrançaises, dit-on, près de Maubeuge.

De gauche à droite, le lieutenant Tixier, le pilote Baudry,l’ingénieur Sabatier, Adolphe Clément-Bayard. (Coll. Clé-ment-Bayard).

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Les aéroplanes Clément-Bayard

Au début de l’année 1908, la société Clément-Bayard est sollicitée pour réaliser plusieursprototypes de machines volantes plus lourdesque l’air. Fournisseur de santos-Dumont depuis1898, le patron a la faiblesse d’accepter. Certainesconnaissent le succès, les autres sont vite ou-bliées.

La planeur lenticulaire Capazza

Né à Bastia le 17 janvier 1862, ingénieur etgrand aérostier (premier à traverser la Méditerra-née en ballon en 1886), membre du comité de di-rection de l’Aéro-Club de France, fondateur del’Aéro-Club de Belgique, Louis Capazza est re-cruté en 1907 pour diriger le service aéronautiquedes établissements Clément-Bayard. Il a conçu en1887 pour le général Peigné (Artillerie) un enginhybride mi-aéronat mi-aéronef de forme lenticu-laire, le « planeur Bayard-Clément », présentédans L’Aérophile le 15 mai 1908.

Le planeur Bayard-Clément, 1908. (L’Aérophile).

L’engin se présente en coupe verticale commeun dirigeable à enveloppe de forme lenticulaire de52 mètres de diamètre et contenant rien moins que9 418 m3 d’hydrogène grâce à une structure mé-tallique sous laquelle est accrochée une nacelleportant six membres d’équipage et trois moteursClément-Bayard de 125 ch actionnant chacun unehélices Chauvière, deux à l’avant latéralement,l’autre à l’arrière.

Planeur Bayard-Clément, système de propulsion. L’Aérophile

C’est au moyen de poids mobiles, déplaçant lecentre de gravité qu'on manœuvre l’immense en-gin en tangage et en roulis, mais il existe aussides gouvernes de direction à l’arrière (de 26 m2 desurface). L’idée et de faire de ce … planeur un en-gin espion capable de glisser dans l’air etd’observer les forces ennemies (allemandes).

Le planeur Bayard-Clément intéresse en faitd’avantage les militaires russes que les français.Le général Boreskoff présente le planeur Bayard-Clément de Capazza à la Commission de naviga-tion aérienne de Saint-Petersbourg. Mais, devantl’énormité des frais de construction, deux millionsde francs, Adolphe Clément renonce.

L’aventure de la « demoiselle »

Alberto Santos-Dumont ayant reçu au prin-temps 1908 une douzaine de commandes pour saDemoiselle n° 19 conçue en décembre précédentdans le but de disputer le concours du kilomètrede l’Aéro-Club de France (prix Archdeacon),adresse les acheteurs à plusieurs industriels, leurfournissant les plans. C’est ainsi qu’en mai 1908Clément-Bayard, la société qui lui fournissait lesmoteurs de Dion de ses premiers dirigeables, selance peut-être un peu imprudemment dans la fa-brication de cet aéroplane ultra léger.

Le petit monoplan de 1907 baptisé la Demoi-selle (le terme de Libellule est déjà pris) créée parle Brésilien est si léger qu’il ne peut voler que lejour, par temps sec, et vent nul, ce qui limite sonutilisation. Sa masse inertielle est si faible que lemoindre vent fait tourner la machine autour deson centre de gravité. Santos-Dumont a conçu lefuselage en bambou et l’entoilage en papier.

Clément-Bayard fait refaire des plans par sesingénieurs, remplaçant le bambou par des tubesd’acier et le papier par de la toile à ballon. La pe-tite machine Demoiselle est propulsée par un bi-cylindre à plat Clément-Bayard de 20 ch. Elle estproposée à la vente fin 1908 au prix de 7 500francs sans moteur. Très optimiste, le construc-teur pense lancer une série de 100 machines (c’estla première fabrication en série d’aéroplanes aumonde) mais la série s’arrête à 50, une quinzaineseulement de Demoiselle étant vendues fin 1910.

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Clément-Bayard, sans peur et sans reproche

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Trois moteurs sont proposés en 1909, le Clémentde 20 ch, le 4-cyl Wright de 30 ch dont Clément-Bayard a pris la licence de fabrication et le Clé-ment-Bayard de 40 ch (vendu 7 500 francs) dessi-né par Clerget. Avec ce moteur, le petit engin at-teint 120 km/h.

Clerget développe chez Clément-Bayard plu-sieurs moteurs d’aviation, en 1908 un 7-cyl enétoile suralimenté destiné à la torpille aérienne deVictor Tatin (lire plus loin), le 4-cyl de 40 chmonté sur la Demoiselle, sur le monoplan Ar-chdeacon et sur l’aéroplane à réaction Coanda(lire plus loin). Ces moteurs, Financés par Ar-chdeacon, sont suivis de plusieurs moteurs aé-riens de grande puissance financés par Clément-Bayard, un 4-cyl de 100 ch vu sur les monoplansHanriot, Etrich et aéroplanes et dirigeables Clé-ment-Bayard et un gros V8 de 200 ch en 1911 des-tiné au Voisin Icare transatlantique.

Monoplan Clément-Bayard n° 1 vu au Salon de Paris1910.(Collection Clerget).

Le monoplan Archdeacon ou CB n° 1

En mars 1908, Clerget étudie pour Archdeaconun monoplan que ce dernier veut financer et faireconstruire chez Clément-Bayard.

Le moteur 40 ch Clément-Bayard de Clerget. (Coll. Clerget).

Le constructeur de Levallois présente en 1909un beau monoplan à structure entièrement métal-lique inspirée des appareils R.E.P. animé du Cler-get de 40 ch (théoriquement on pourrait monterun rotatif Gnome Omega de 50 ch). A l’issue destests réalisés en 1910 par les pilotes Chassagne etDelétang, l’appareil est considéré comme lourd,peu maniable, sous motorisé.

Le monoplan Archdeacon-Clerget avec ses ailes doubles. Lemoteur est installé au centre de gravité entre les ailes.

Il est doté d’une seconde paire d’aile, avec la-quelle les performances ne sont pas améliorées,en dépit du moteur 100 ch monté, un 14-cyl Gnome(la référence du moment) ou le 4-cyl 100 ch mai-son (Clément-Bayard). Les essais, confiés aux pi-lotes Gastinger (Clément-Bayard) et Dubreuil(Hanriot puis Nieuport), s’avèrent peu concluants.On revient vite pour la saison 1911 au monoplaninitial.

Le beau profil d’aile du monoplan Archdeacon-Clerget n° 1

Pour disputer le concours militaire de Reims1911, la machine Clément-Bayard est sérieusementallégée. Deux versions sont présentées, l’une àmoteur 14-cyl Gnome de 100 ch, l’autre avec le 4-cyl Clerget de 100 ch. Ni l’une ni l’autre ne par-viennent à se qualifier. Adolphe Clément est dé-sabusé. En guise de punition, le monoplan est

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Clément-Bayard, sans peur et sans reproche

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présenté dans les salons aéronautiques sous lenom de Clerget…

Au meeting de Juvisy 1912, le 15 juillet, le mo-noplan Clément-Bayard propulsé par un Gnomede 70 ch se classe second derrière un R.E.P. surle parcours Juvisy - Amiens et retour. Quelquesjours plus tard, la vitesse de 150 km/h est dépas-sée sur le parcours Juvisy - Corbeil.

En 1913, à l’occasion de la Coupe Pommery,Maurice Guillaux, sur un monoplan Clément-Bayard à moteur Clerget effectue le trajet BiarritzKollum (Pays-Bays), soit 1 253 km en moins de dixheures de vol 13 .

Monoplan Clément-Bayard à moteur Clerget présenté auconcours militaire, octobre 1911. (Coll. Clerget).

L’aéro-torpille de Tatin

Sexagénaire membre du comité de direction del’Aéro-Club de France depuis les premiers jourscomme Archdeacon, Victor Tatin fait réaliser endébut d’année 1909 chez Clément-Bayard un mo-noplan aux formes aérodynamiques très étudiées(un brevet de 1879) baptisé par la presse la« Torpille aérienne » ou aérotorpille, avec hélicepropulsive placée à l'étambot (pointe arrière). Lamachine est financée en partie par l'hélicier Lu-cien Chauvière (transmission) et Archdeacon(moteur).

Clément-Bayard demande à Clerget de luiconstruire un moteur adapté au gabarit du fuse-lage. Clerget réalise son premier moteur en étoile,à sept cylindres fixes à refroidissement par eaude 100 mm d’alésage et 115 mm de course dévelop-pant 50 ch à 1 200 t/mn.

L’aéro-torpille de Victor Tatin (1911). (Musée de l’Air).

13. Lire dans la même collection « La Coupe Pommery ».

Mais si Archdeacon finance le moteur, per-sonne ne veut avancer les fonds pour acheverl’aéroplane. C’est seulement deux ans après, auprintemps 1911, que Louis Paulhan [devenu mil-lionnaire après différentes victoires dans lesmeetings aériens] peut aider Tatin, alors âge de 68ans, à concrétiser son projet.

Nouvelle sortie en septembre 1911, pilotée parl’aérostier Louis Gaudart, la « torpille » Tatin-Paulhan est un monoplan à fuselage entièrementcaréné qui a encore belle allure. Paulhan a rem-placé le moteur Clerget prototype par un GnomeOmega de 50 ch qu’il connaît bien. Placé au centrede gravité (à l’intérieur du fuselage) son axe derotation étant longitudinal (sens d’avancement del’appareil), le 7-cyl rotatif actionne une héliceChauvière placée à l’étambot via un long arbre detransmission.

Louis Paulhan et Louis Godart, deux anciensaérostiers passés à l’aéroplane, pilotent l’enginpour la première fois à Reims en octobre 1911 avecsuccès. La machine est rapide et la formule aéro-dynamique imaginée par Tatin trente-deux ansauparavant s’avère excellente. En 1912, Jules Vé-drines volera à plus de 150 km/h avec ce bolide,toujours propulsé par le petit Gnome de 50 ch.

Biplan à réaction Coanda à moteur Clerget 50 ch présenté auSalon de 1910. (Collection Clerget).

L’aéroplane à réaction de Coanda

L’ingénieur roumain Henri Coanda (1885-1972)demeure célèbre pour avoir conçu en 1908, réaliséet expérimenté en 1910 chez Clément-Bayard lepremier aéroplane propulsé par réaction. Le dis-positif fonctionne ainsi : à l'avant du fuselage uneturbine de 60 cm de diamètre, entraînée par lemoteur via un réducteur monté à l’envers (1 800tours au moteur, 4 000 tours à la turbine), chassel'air aspiré dans l'espace annulaire entourant lemoteur ; cet air heurte un déflecteur de section enprofil d'aile et dont le bord d'attaque engendreune « dépression d'extrados ».

L'air aspiré et l'air refoulé se mêlent aux gazd'échappement qui contribuent ainsi partiellementà l'effet de réaction. Avec le 4-cyl Clerget de 50 chtournant à 1800 tours, la poussée au point fixen’est que de 17 kg à 4 000 t/mn à la turbine, maisCoanda escompte en tirer 24 kg en vol.

En décembre 1910, après avoir exposé sonengin révolutionnaire au Salon de l’aéronautique,

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Henri Coanda l'expérimente sur le terrain d'Issy-les-Moulineaux. La puissance est trop faible pourfaire décoller du sol l’appareil, mais il se main-tient en vol une fois lancé. Cette expérience a lemérite de démontrer que le procédé fonctionneparfaitement. Il aurait fallu faire tourner la turbineà plus de 7 000 tours pour disposer d’une forcesuffisante, en courant le risque qu’elle explose.

Appareil Coanda à réaction au Salon de l’aéronautique 1912.(L’Aérophile).

L’aéroplane Chesnay

En 1909, Emile Chesnay, membre du comité dedirection de l’Aéro-Club de France depuis 1899,photographe et aérostier très connu des habitantsde Dijon (il a photographié toutes les cathédralesgothiques de France entre 1895 et 1905 depuis unballon) fait fabriquer chez Clément-Bayard unmonoplan qui ressemble au monoplan CB N° 1. Lemoteur est le 4-cyl Clerget de 50 ch.

L’aéroplane Chesnay, en 1910. (Carte postale ancienne).

Le biplan Clément-Bayard ou CB N° 2

Après que Wilbur Wright soit venu en Franceen 1908 apporter la preuve que sa machine vo-lante était capable de tenir l’air plus d’une heure,il négocie avec l’Etat français pour l’armée lesdroits de fabrication de son Flyer et ceux de sonmoteur. Lazare Weiller en négocie la licence etcrée la société Ariel pour les exploiter. Mais il n’aaucune compétence aéronautique. Les machinesWright fabriquées en France sont vite copiées etaméliorées.

Fin 1909, plusieurs journaux dont L’Aérophileet L’Aéronaute publient les photographies et lesplans d'un de ces dérivés, baptisé l’aéroplane bi-plan Clément-Bayard ou CB N° 2. Grosso modo, ils’agit d’un biplan Wright mais complètement revupar le bureau d’études de Levallois.

Envergure des ailes 11,30 mLongueur 11,50 mSurface portante 46 m2

Corde des ailes 2,00 mMoteur 4-cyl Clerget 50 chHélice Une, diamètre 2,50 mMasse à vide 400 kgMasse en charge 500 kgVitesse 55 km/h

Caractéristiques du biplan Clément-Bayard type Wright, jan-vier 1910. (L’Aérophile).

Biplan Clément-Bayard ou CB n° 2, janvier 1910. (CollectionClément-Bayard).

Le prototype est présenté au Salon del’aéronautique en décembre 1909 au Grand Palais.Il est doté d’ailerons à la partie supérieure del’aile, d’un moteur 4-cyl Clerget de 50 ch entraî-nant par un réducteur une unique hélice Chau-vière de 2,50 m de diamètre tournant à 900 tours.Le pilote qui peut emporter un passager disposed’un volant genre automobile (système Breguet)commandant le gouvernail de direction placé àl’arrière et d’avant en arrière le plan stabilisateuravant ; un pédalier commande les ailerons ; unemanivelle située sous le siège du pilote com-mande la mise en marche du moteur et une trans-mission débrayable de l’hélice est commandée parun levier situé à main droite. Le traind’atterrissage qui comprend deux skis et deuxroues est amortis par des sandow en caoutchouc.

Le Biplan Clément-Bayard CB n° 2, janvier 1910.(L’Aéronaute).

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Le marché que vise Adolphe Clément est celuide l’armée, son client en matière de grands diri-geables. L’appareil Wright semblant dépassé en1911, il met en chantier l’année suivante de nou-velles machines. Responsable des achats de diri-geables pour l’armée quand il était directeur del’aérostation militaire, le colonel Hirschauer,promu général en 1912 et nommé à la tête del’aéronautique militaire française, va l’y aider,pense Adolphe Clément-Bayard. Mais c’est sanscompter sur l’administration française du moment,largement hostile à l’industrie privée.

Marchés 1909 1910 1911 1912 1913

AéroplanesFrance

35 129 1 350 1 425 1 294

Moteurs France 85 250 1 400 2 217 2 440

Total hélicesFrance

170 550 2 700 8 000 14 900

Ratio moteurs /aéroplanes

2,4 1,9 1 1,5 1,8

Avions militai-res France

35 142 130

Brevets AéCF 18 335 351 469 401

Brevets pilotescivils monde

18 560 1 350 2 200 3 150

Brevets Pilotesmil. France

0 10 90 200 350

Chiffres de l’évolution de l’aviation civile et militaire entre 1909et 1913. (Source : Hirschauer).

Monoplan monoplace militaire Clément-Bayard CB n° 3. (Col-lection Clément-Bayard).

Le monoplan monoplace Clément-Bayard à moteur Gnome 50 ch

A la fin de l’année 1911, au moment du départde Clerget, fort de l’expérience (ratée) du mono-plan Archdeacon dans le concours militaire deReims, le bureau d’études de Levallois dont lacompétence en matière d’aéroplane est mainte-nant certaine et reconnue, dessine un monoplanmonoplace d’observation militaire, le CB n° 3, sui-

vi de plusieurs autres machines, un biplan bi-place, un biplan triplace monomoteur et un grosbimoteur de bombardement.

Le fuselage du monoplan militaire présenté enmars 1912 est réalisé en tubes d’acier assembléspar des raccords. De section rectangulaire aprèsle moteur (rotatif Gnome 50 ch) et au niveau duposte de pilotage (monoplace), le fuselage devienttriangulaire après, sans revêtement à partir dubord de fuite de l’aile. Constitué de patins en frênereliés au corps par des montants en tubes d’aciertriangulés, le train d’atterrissage forme un blocsoudé au châssis. Les roues sont montées surune fourche avec amortisseurs en caoutchouc.

Le monoplan Clément-Bayard militaire type CB n° 3, 1912.(Collection Clément-Bayard).

Le monoplan Clément-Bayard militaire type CB n° 3, 1912.(Collection Clément-Bayard).

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Le biplan biplace Clément-Bayard n° 4

L’armée ayant porté son choix sur d’autresmomoplans (Blériot pour l’Artillerie, Nieuport,Deperdussin, REP pour l’observation et Morane-Saulnier pour la marine), le bureau d’études Clé-ment-Bayard s’oriente vers d’autres programmeset propose en 1912 dans le cadre d’un concoursmilitaire un biplan d’observation.

Envergure des ailes 16 m (plan supérieur)11 m (plan inférieur)

Longueur 8,50 mSurface portante 50 m2

Corde des ailes 2,00 mMoteur 7-cyl Gnome rotatif 50-80 chMasse à vide 450 kgMasse en charge 700 kgVitesse 75 km/h (avec le 80 ch)

Caractéristiques du biplan triplace d’observation militaire Clé-ment-Bayard type CB n° 4, été 1912. (L’Aérophile).

La machine qui offre une surface portante de50 m2 est construite comme le monoplan précé-dents, un châssis rigide en tubes d’acier triangu-lés de section circulaire assemblés par des ferru-res, le fuselage étant partiellement entoilé. L’aileest assemblée comme celle du monoplan, maisagrandie en envergure et le métal remplace lefrêne dans les longerons. Le moteur est recouvertaux trois quarts d’un joli capotage en aluminium.Le train d’atterrissage est un châssis de tubesd’acier.

Deux hommes d’équipage prennent place dansla machine, un observateur à l’avant placé sousl’aile (où son champ de vision est occulté par lesailes) et un pilote en arrière du bord de fuite.L’appareil n’est pas retenu, ses performancesétant jugées insuffisantes.

Biplan biplace Clément-Bayard, 1912. (Collection Clément-Bayard).

Le monoplan Clément-Bayard n° 5

Après avoir essuyé deux refus de la part del’administration, Adolphe Clément-Bayard seconsole en vendant une centaine de moteurs 4-cylClément-Bayard d’aviation de 100 ch. Ces moteurséquipent les monoplans Hanriot, Deperdussin enGrande-Bretagne et plusieurs monoplans autri-chiens Etrich.

Monoplan militaire CB n° 5, 1912. (L’Aérophile).

Tenant compte des remarques des militaires,le monoplan monoplace est modifié et une nou-velle machine est présentée aux servicesd’homologation en novembre 1912. Par rapport aumonoplan précédent, l’envergure a été réduited’un mètre, les extrémités des ailes adoptant dessections anguleuses. Le revêtement de toile seprolonge jusqu’à l’arrière du fuselage. Le train estmonté en trois points et rendu démontable pourune éventuelle adaptation de flotteurs, la modeétant celle des hydros.

Un capotage en tôle d’aluminium recouvre unpeu moins de la moitié du moteur, un rotatifGnome de 70 ch, connu pour ses projectionsd’huile bouillante (et son manque de fiabilité).Pour permettre l’observation, une fenêtre est dé-coupée dans les flancs du fuselage. Le moteuractionne une hélice Chauvière de 2,60 m de dia-mètre et de 2,00 m de pas. Le pilote est assis dansun baquet en aluminium garni de cuir. Devant luise trouvent plusieurs instruments : compte-tour,manomètre de pression, altimètre, porte-carte,jauge à essence.

Monoplan Clément-Bayard n° 5 vu par dessus. (L’Aérophile).

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Envergure 9,20 mLongueur 7,50 mSurface portante 16 m2

Corde des ailes 2,00 mMoteur 7-cyl Gnome rotatif 50 à 80 chMasse à vide 320 kgMasse en charge 520 kgVitesse 120 km/h (avec le 70 ch)Autonomie 1 h 30Plafond 1 300 m

Caractéristiques du monoplan d’observation militaire Clément-Bayard type CB n° 4, novembre 1912.(L’Aérophile).

Le Clément-Bayard n° 4 devant le hangar de La Motte-Breuilen 1913. (Collection Clément-Bayard).

Monoplan d’observation militaire Clément-Bayard, 1913. (Col-lection Clément-Bayard).

Monoplan d’observation militaire Clément-Bayard, 1913. (Col-lection Clément-Bayard).

Le biplan triplace Clément-Bayard n° 6

L’armée ayant porté son choix sur d’autresmomoplans, le bureau d’études Clément-Bayardrevoit une fois de plus sa copie et propose en 1913dans le cadre d’un concours militaire un grandbiplan triplace d’observation.

Biplan triplace militaire type Clément-Bayard n° 6, 1913.

Présenté début 1913, l’appareil qui porte le n° 6de type comprend l’aile à deux plans du biplan de1912 attachée au fuselage du même type que lemonoplan n° 4 avec un allongement supérieur parune structure métallique. Trois hommes peuventprendre place à bord, deux observateurs aux pla-ces avant et un pilote à l’arrière, en tandem. Lemoteur, un 4-cyl 100 ch Clément-Bayard ou un 14-cyl Gnome de même puissance est placé à l’avantsous un capotage en tôle d’aluminium qui le re-couvre presque entièrement.

Biplan triplace Clément-Bayard, 1913. (L’Aérophile).

Le train d’atterrissage comprend à l’avant unchâssis en tubes d’acier triangulés comme sur lemonoplan de 70 ch, avec deux roues par demi-arbre, et un ski portant deux roues amorties àl’arrière, peu après le centre de gravité, en lieu etplace de la béquille de queue.

Envergure des ailes 16 m (plan supérieur)11 m (plan inférieur)

Longueur 11,20 mSurface portante 50 m2

Corde des ailes 2,00 mMoteur 14-cyl Gnome rotatif 100 ch

ou Clément-Bayard 100 chMasse à vide 650 kgMasse en charge 1 100 kgVitesse 85 km/h (avec le 100 ch

Gnome)Autonomie Une heure

Caractéristiques du biplan triplace d’observation militaire Clé-ment-Bayard type CB n° 6, janvier 1913. (L’Aérophile).

Pas de chance, l’armée choisit le biplan Bre-guet (marine) et le biplan Voisin (futur bombarde-ment).

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Productions de guerreFin 1913, probablement un peu désabusé par

ses avatars avec les fonctionnaires d’Etat quant àsa production d’aéronefs et d’aéroplanes, Adol-phe Clément-Bayard se présente à la mairie dePierrefonds. Après son élection, il cède sa place àle tête de sa société à son fils Maurice. Jusqu'alorsmis au second plan par son frère aîné Albert,Maurice a toujours manifesté un intérêt plus vifpour les arts et l'aviation que pour l'automobile etl’industrie 14. Sa gestion des affaires pendant laguerre est calamiteuse.

Ayant fait aux Etats-Unis la connaissance deHenry Ford, Adolphe Clément-Bayard au momentde la guerre est sur le point de passer à la fabri-cation à la chaîne (système Taylor, depuis long-temps adopté par ses concurrents) de lancer unmodèle populaire, une petite automobile de 7 chvendue à petit prix (faibles marges).

La section de la rue du Bourg passant devant sa maison natalese nomme maintenant rue Clément-Bayard. (Photo del’auteur).

Astra Colonel-Renard 4 200 m3 Panhard-LevassorAstra Adjudant-Réau 8 950 m3 BrazierAstra Lieutenant-Chauré 8 850 m3 Panhard-LevassorAstra Eclaireur-Conté 6 650 m3 ChenuCB Adjudant-Vincenot 9 800 m3 Clément-BayardCB Dupuy-de-Lôme 9 000 m3 Clément-BayardCB Montgolfier 6 500 m3 Clément-BayardChalais Fleurus 6 315 m3 Clément-BayardChalais L’Alsace (non prêt) 15 000 m3 Aviation-MilitaireChalais La Champagne 12 000 m3 Aviation-MilitaireChalais Pilatre-de-Rozier 15 000 m3 Aviation-MilitaireLebaudy Capitaine-Marchal 7 200 m3 Panhard-LevassorLebaudy La-Liberté 4 200 m3 Panhard-LevassorLebaudy Lt-Selle-de-Beauchamp 10 000 m3 Panhard-LevassorZodiac Commandant-Coutelle 9 500 m3 Clément-BayardZodiac Capitaine-Ferber 6 000 m3 Dansette-GilletZodiac Le-Temps 2 300 m3 Dansette-Gillet

Dirigeables militaires français disponibles en août 1914.(Source : SHD Air).

14. A 20 ans, Maurice Clément-Bayard est un aéronaute com-

pétent et reconnu et il a même appris à piloter sur uneDemoiselle Clément-Bayard en même temps de RolandGarros en 1910, ce qui est un exploit, la machine étant ré-putée difficile à piloter.

Dès les premiers jours d’août 1914, l’usine deMézières est envahie par l’armée allemande, demême, quelques jours après, la propriété familialedu Bois d’Aucourt à Pierrefonds. Les forges etfonderies des Ardennes sont mises à sac.L’ensemble des machines-outils est envoyé enAllemagne et l’atelier de mécanique d’avant-gardeest transformé en hôpital militaire. La fonderie estdémantelée et fait fonction de manège hippiquepour l’état-major allemand installé à Mézières.Replié avec sa famille à Paris, Adolphe Clémentconfie les clefs de sa propriété et celles de la villede Pierrefonds à Carlo Bugatti. Il a une grandeconfiance en l’orfèvre Italien de Molsheim.

L’usine de Levallois qui devait assurer lemontage des automobiles n’est évidemment plusalimentée en acier par les forges et fonderies desArdennes. La production est suspendue dès août1914 avant sa réquisition fin octobre pour la pro-duction de guerre.

La guerre ne met pas fin aux productions aé-ronautiques ni automobiles, l’armée ayant besoinde véhicules roulants, de camions, puis de maté-riel aérien. En octobre 1914, l’Etat réquisitionneles société industrielles. A son tour, AdolpheClément-Bayard est assigné à la production dematériel militaire dans l’usine du quai Michelet,épargnée par la guerre et les bombardements surla capitale..

La bataille de l’Aisne, 1915. Vue d’artiste.

Activités aéronautiques

Le 3 août 1914, la France possède seize diri-geables militaires, basés à Maubeuge, Verdun,Toul, Epinal et Belfort, deux centres d’essais àIssy-les-Moulineaux et Saint-Cyr l’Ecole, et uncentre de développement militaire à Chalais-

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Clément-Bayard, sans peur et sans reproche

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Meudon. La moitié des dirigeables opérationnelssont motorisés par Clément-Bayard. MauriceClément-Bayard est mobilisé dans son usine auprofit de la défense nationale.

En 1914, 1915 et 1916, c’est-à-dire jusqu’à la findes investissements fait par l’armée sur lesgrands dirigeables à gaz, la société Clément-Bayard quai Michelet contribue à la réalisation deplusieurs mastodontes pour le compte du minis-tère de la Guerre et celui de la Marine et jouit d’uncontrat pour entretenir ceux qui sont en service.

Grande coulée de fonte au Creusot, 1915. (Enc. Larousse).

Annonce du projet du biplan Clément-Bayard, janvier 1916.(Collection Clément-Bayard).

Le Commandant-Coutelle a été remotorisé pardes moteurs Clément-Bayard ; les nacelles et mé-canismes du Fleurus (6 310 m3) en 1913 destiné àl’armée et les Lorraine et Tunisie (12 000 m3) en1915 destinés à la marine sont sortis des usines deLevallois. Le Fleurus est propulsé par deux mo-teurs Clément-Bayard de 80 ch. Il apparaît que lasociété Clément-Bayard n’a jamais été payée pourcette prestation.

Les prix de vente des aéronats neufs pratiquéspar l’industriel de Levallois sont considérés parl’état-major des armées et le gouvernement fran-çais comme très excessifs : plus d’un million defrancs (or). Un projet de vente à la Russie en 1916d’un gros dirigeable de 15 000 m3 établit son prixde vente à 1 150 000 francs. Mais l’affaire n’a pasde suite, la Russie étant en pleine guerre civile.

Le Fleurus participe à ses premières opéra-tions militaires dans la nuit du 9 au 10 août 1914,sous le commandement du capitaine Tixier. Partiede Verdun, la machine fait une incursion en Sarre,pousse à l’intérieur du ciel ennemi jusqu’à Trèvesbombarder une gare de triage et un arsenal (pou-drerie). Retirée du front début 1916, la machine estaffectée à l’école des dirigeables de Saint-Cyrl’Ecole près de Versailles. Son histoire pourraits’arrêter là. Elle brûlera dans son hangar lorsd’un bombardement allemand en juin 1918.

Le dirigeable Général Meusnier

En attendant, et pour pouvoir payer les nom-breux ouvriers de Levallois, l’Etat demande àAdolphe Clément-Bayard de prendre la licence defabrication des moteurs Aviation-Militaire dessi-nés par Marius Barbarou (que le patron connaîtbien) fabriqués à Argenteuil chez Lorraine-Dietrich. Ces gros moteurs V8 et V12 sont aussidestinés à propulser les dirigeables en cours defabrication à Chalais-Meudon.

En 1915, l’armée commande à Clément-Bayardun nouveau dirigeable, énorme, monstrueux (200mètres de longueur) : c’est le Général Meusnier,cubant 28 000 m3, dont la carrière se termine ra-pidement au front, le 6 avril 1917, quand l’engin seplie en deux devant des soldats médusés.

Le Clément-Bayard n° 7 est un dirigeable sou-ple et très fin de 200 mètres de long portant deuxmoteurs, resté à l’état de projet compte tenu deson caractère « irréalisable ».

Le biplan bimoteur Clément-Bayard n° 7

Le 3 janvier 1916, Clément-Bayard propose àla Section technique d’aérostation militaire un bi-moteur baptisé CB n° 7, dans le cadre du projet duprogramme d’avion puissant de bombardement.Les caractéristiques sont les suivantes :

Envergure 24,36 mHauteur 4,80 mSurface portante 109,40 m2

Masse à vide 3 870 kgMasse en charge 4 170 kgPuissance deux Renault 220 chAutonomie 4 h

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Clément-Bayard, sans peur et sans reproche

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Plafond 2 000 mEquipage 3Vitesse 140 km/h

Caractéristiques du bimoteur triplace CB n° 7, 1916.(Source :SHD Air).

Biplan bimoteur Clément-Bayard CB n° 7, 1916. (CollectionClément-Bayard).

L’avion est construit à Levallois. MaximeGuilloteau se tue le 5 février 1916 à Buc en es-sayant le nouvel appareil.

De 1915 à 1918, la grande usine de Levallois fa-brique des obus, sans bénéfice (à perte), à défautd’une production plus rentable.

Biplan bimoteur Clément-Bayard CB n° 7, 1916. (CollectionClément-Bayard).

La production automobile

En 1915, Adolphe Clément-Bayard, soucieuxd’offrir des modèles à bas prix, fait étudier denouveau une petite auto à moteur 4-cyl de 8 ch àradiateur placé à l’avant comme sur les modèlesde 1906. Le modèle est présenté en 1916 mais l’Etat

n’accepte pas leur production en série, l’usine deLevallois étant réquisitionnée pour les fabrica-tions de guerre. Au front, les obus manquent ettoute l’industrie parisienne d’automobiles est miseà contribution. Ne baissant pas les bras, Clément-Bayard ressortira ce modèle de 1920 à 1922, demême qu’une 12 ch de 2,6 litres, sans plus de suc-cès. Définitivement dans l’esprit du public, Clé-ment-Bayard est synonyme de luxe et de prix éle-vé.

Brevet d’aviateur militaire, 1918.

Autre conséquence de ses mauvaises rela-tions avec les commissions d’achat de l’armée, latotalité des auto-mitrailleuses utilisées parl’armée pendant la guerre sort des usines Renaultet Peugeot. En revanche, Clément-Bayard estobligé de souscrire massivement aux Bons de laDéfense nationale.

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Patriarche et mécèneEn décembre 1918, Adolphe Clément-Bayard

retrouve la mairie de Pierrefonds qu’il avait lais-sée à Carlo Bugatti. Ce dernier retourne à Mols-heim en Alsace, désormais française. Avec sonfils, Clément-Bayard tente de remettre sur pied lafabrication d’automobiles. Mais les temps ontchangé. La clientèle est désargentée, il faudraitproduire des voitures à bas prix, avec des métho-des nouvelles, nécessitant de renouveler tout leparc des machines-outils de l’usine. Les produitsde luxe qui sortent de l’usine de Lavallois en 1919ne se vendent pas. L’image glorieuse et de hautetechnicité qu’elle avait acquise se ternit indénia-blement. Bloqué par ses soucis financiers et in-dustriels à Levallois, le patron ne se représentepas à la mairie de Pierrefonds en 1919.

Dès 1914, Adolphe Clément-Bayard a laissél’ensemble de la direction des activités de la so-ciété à son fils Maurice. Marié à Renée Hammond,celui-ci est père de trois enfants, Andrée, Jacque-line et Albert, ce dernier surnommé « Billy » pouréviter une confusion avec son oncle, le championautomobile disparu en 1907. La fille aînée Angèle,veuve d’Albert Dumont, s’est remariée avec NumaSasias avec lequel elle a un fils. Sa seconde fille,Jeanne, divorcée de Fernand Charron, vit seule,sans enfant. Adolphe Clément-Bayard est devenule patriarche d’une famille tournée vers la gestiondes biens accumulés depuis 1878, du moins ce quela guerre a laissé.

Alors que le patron réside à Neuilly-sur-Seine, 35 avenue du Bois de Boulogne, la grandedemeure du Bois d’Aucourt à Pierrefonds devientla « tanière » des nouvelles générations.

L’usine de Levallois

La loi d’avril 1920 sur l’impôt de guerre ruinela plupart des grandes sociétés françaises impli-quées dans la haute technologie et les produc-tions de guerre, ce qui concerne tout le secteur del’aviation : Clément-Bayard (Levallois), Gnome &Rhône (boulevard Kellermann à Paris), Farman(Billancourt), Blériot (Levallois et Suresnes), Cler-get-Blin (Levallois) n’échappent pas au couperetdu fisc. En 1921, les comptes de la société sont auplus bas et le patron doit licencier ses ouvriers.Les élus de la ville de Levallois qui vivait de cesproductions s’inquiètent.

Devant une catastrophe imminente, AdolpheClément-Bayard âgé de 65 ans confie la réalisa-tion de son rêve de voiture automobile populaireà un autre. Il finance un ingénieur dont il aime lesidées neuves, désireux de mettre sur le marchéune automobile entièrement finie : André Citroën.Il lui cède ses usines à bas prix. En décembre 1921,Citroën qui a racheté au passage les machinesoutils de Clerget-Blin et utilise abondamment lesservices des forges et fonderies de Gnome &Rhône (châssis) met sur le marché son type A quiconnaît un grand succès.

La Banque des Ardennes

En 1922, Adolphe Clément-Bayard est nomméadministrateur de la Banque régionale des Ar-dennes, constituée à Charleville le 12 avril 1922,dont il devient vice-présidents avec M. Chapuis.

La faïencerie de Pierrefonds

Adolphe Clément-Bayard remet sur pied lafaïencerie de Pierrefonds qu’il avait fini pas ac-quérir en 1911.

L’usine de Mézières

Maurice Clément-Bayard tente de remettre enplace des productions rentables dans l’usine deCharleville-Mézières dévastée par la guerre.Après plusieurs séjours aux Etats-Unis, il décidede se lancer dans la sous-traitance de produits detravaux publics, ce choix étant dicté par l’Etatfrançais. De ses voyages aux Etats-Unis, il rap-porte en 1925 un contrat de fabrication des maté-riels de la société Allied Machinery Companydont les marques commerciales sont Almacoapour les engins de levage et Cletrac pour lestracteurs à chenilles. Sous la marque Almacoasortent en 1928 des usines de Mézières des pellesexcavatrices, des tracteurs et chariots élévateursà quatre roues motrices. Sous la marque Cletracsont produits des tracteurs à chenilles dont Clé-ment-Bayard a l’exclusivité pour l’Europe etl’Afrique du Nord.

Mort d’un grand patron

Adolphe Clément qui a vendu ses chères usi-nes de Levallois aide Citroën à les faire redémar-rer. Il meurt le 10 mai 1928, frappé d'une attaquecardiaque au volant de sa voilure, dans le centrede Paris, rue Laffitte en se rendant à un conseild'administration.

Plaque apposée sur la maison natale d’Adolphe Clément-Bayard à Pierrefonds, rue Clément-Bayard. (Cliché ElianeHartmann, novembre 2006).