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LE GESTE DE L'ARMER, PLACE À LA PRÉVENTION Jordy Cazalot – CECKS 2009/2010 Abstract : L'épaule est une des articulations qui présente le plus de traumatismes sportifs. Bien souvent la lésion survient à cause de micro-traumatismes répétés liés au geste de l'armer. Ce geste, que l'on peut décomposer en 5 phases, amène l'articulation à des amplitudes extrêmes et nécessite une coordination parfaite entre les muscles agonistes et antagonistes. Deux phases présentent plus de risques que les autres. Tout d'abord le cocking qui amène la gléno-humérale en flexion, rotation externe et abduction maximales. Les éléments passifs, soutenus par le grand-pectoral et le sub- scapulaire, sont mis à rude épreuve pour empêcher l'instabilité antérieure. La 2ème phase risquée et la décélération qui nécessite un puissant travail excentrique des rotateurs externes. Ces forces ont alors tendance à faire partir la tête humérale vers l'arrière. Afin de protéger l'épaule de toute instabilité, la proprioception entre en jeu. En stimulant à la fois muscles, tendons, ligaments, capsules et bourrelet, ce système complexe permet un recrutement musculaire coordonné et adéquat au bon maintien de l'articulation. C'est pourquoi il est primordial de proposer un protocole d'exercices proprioceptifs en complément de pliométrie et de renforcement musculaire. Mots clés Épaule, Proprioception, Prévention, Armer, Préparation Introduction L'épaule est l'articulation ayant la plus grande amplitude, mais qui dit grande mobilité dit grande instabilité. Avec 7,5% des lésions rencontrées, elle est, avec le genou et la cheville, l'articulation qui présente le plus souvent des traumatismes liés au sport. Dans les activités utilisant le membre supérieur (volley-ball, hand-ball, base-ball, tennis..) un geste technique appelé geste de l'armer met cette articulation dans une position extrême particulièrement instable. Malgré la haute vélocité du mouvement, un manque de congruence articulaire et un appareil capsulo-ligamentaire plutôt lâche, l'épaule conserve une bonne stabilité grâce à un équilibre biomécanique. Ce dernier est permis par une action musculaire régulée par un système complexe : la proprioception. Pour éviter des micro-traumatismes répétés pouvant être provoqués par le geste de l'armer il semble qu'un travail préventif proprioceptif soit fortement recommandé. 1. Biomécanique du geste de l'armer De nombreux sports impliquent la réalisation d'un geste de l'armer lors duquel les articulations de l'épaule et du coude sont exposées. Des études électromyographiques et cinématographiques ont permis d'analyser ce geste, de le décomposer en plusieurs phases et de voir quels muscles sont recrutés en fonction de l'action. Connaître le déroulement de ce geste permet d'en comprendre les risques et surtout de mettre en place des programmes d'entrainements adaptés. 1

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LE GESTE DE L'ARMER, PLACE À LA PRÉVENTIONJordy Cazalot – CECKS 2009/2010

Abstract :

L'épaule est une des articulations qui présente le plus de traumatismes sportifs. Bien souvent la lésion survient à cause de micro-traumatismes répétés liés au geste de l'armer. Ce geste, que l'on peut décomposer en 5 phases, amène l'articulation à des amplitudes extrêmes et nécessite une coordination parfaite entre les muscles agonistes et antagonistes. Deux phases présentent plus de risques que les autres. Tout d'abord le cocking qui amène la gléno-humérale en flexion, rotation externe et abduction maximales. Les éléments passifs, soutenus par le grand-pectoral et le sub-scapulaire, sont mis à rude épreuve pour empêcher l'instabilité antérieure. La 2ème phase risquée et la décélération qui nécessite un puissant travail excentrique des rotateurs externes. Ces forces ont alors tendance à faire partir la tête humérale vers l'arrière. Afin de protéger l'épaule de toute instabilité, la proprioception entre en jeu. En stimulant à la fois muscles, tendons, ligaments, capsules et bourrelet, ce système complexe permet un recrutement musculaire coordonné et adéquat au bon maintien de l'articulation. C'est pourquoi il est primordial de proposer un protocole d'exercices proprioceptifs en complément de pliométrie et de renforcement musculaire.

Mots clésÉpaule, Proprioception, Prévention, Armer, Préparation

IntroductionL'épaule est l'articulation ayant la plus grande amplitude, mais qui dit grande mobilité dit grande instabilité. Avec 7,5% des lésions rencontrées, elle est, avec le genou et la cheville, l'articulation qui présente le plus souvent des traumatismes liés au sport. Dans les activités utilisant le membre supérieur (volley-ball, hand-ball, base-ball, tennis..) un geste technique appelé geste de l'armer met cette articulation dans une position extrême particulièrement instable. Malgré la haute vélocité du mouvement, un manque de congruence articulaire et un appareil capsulo-ligamentaire plutôt lâche, l'épaule conserve une bonne stabilité grâce à un équilibre biomécanique. Ce dernier est permis par une action musculaire régulée par un système complexe : la proprioception.Pour éviter des micro-traumatismes répétés pouvant être provoqués par le geste de l'armer il semble qu'un travail préventif proprioceptif soit fortement recommandé.

1. Biomécanique du geste de l'armer

De nombreux sports impliquent la réalisation d'un geste de l'armer lors duquel les articulations de l'épaule et du coude sont exposées.Des études électromyographiques et cinématographiques ont permis d'analyser ce geste, de le décomposer en plusieurs phases et de voir quels muscles sont recrutés en fonction de l'action. Connaître le déroulement de ce geste permet d'en comprendre les risques et surtout de mettre en place des programmes d'entrainements adaptés.

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1.1 Un geste en différentes étapesIl n'existe pas un seul geste mais plusieurs, en fonction du sport et du type de mouvement effectué. Toutefois, on retrouve de nombreuses caractéristiques communes entre les gestes des différents athlètes ce qui permet de décomposer l'armé en cinq étapes.

Il est tout de même à noter que Andrew S. & al. ont divisé la phase de cocking en deux lors de leur étude sur les pitcher dans le baseball (1)(3)

Lors de cette même étude, les scientifiques ont analysé par électromyographie couplée à un système optoélectronique d'analyse 3D du mouvement (type VICON) le recrutement de différents muscles de l'épaule : deltoïde, sub-scapulaire, infra et supra-épineux, petit et grand rond, grand dorsal et grand pectoral.

1.1.1 Le WIND-UPPhase la plus longue du cycle (environ 80%) qui consiste à recruter de manière synergique le deltoïde et le supra-épineux afin d'élever rapidement l'humérus. Ce dernier a ici un rôle stabilisateur de la gléno-humérale puisqu'il permet de conserver une bonne congruence articulaire. Les muscles infra-épineux et petit rond, contractés à moindre intensité, permettent eux aussi d'améliorer la stabilité en affinant la position de la tête humérale dans la cavité glénoïde. (3)(13)

1.1.2 Le COCKINGMoment critique du geste puisque l'infra-épineux et le petit rond amènent l'humérus dans une position de rotation externe et d'abduction maximale. Le sportif cherche à augmenter ce mouvement afin d'emmagasiner un maximum d'énergie potentielle. Le deltoïde et le supra-

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épineux, toujours en contraction, provoquent une ascension de la tête humérale.Les muscles grand-pectoral et sub-scapulaire effectuent un travail excentrique pour soutenir les éléments passifs -bourrelet et ligaments- dans la lutte contre l'instabilité antérieure (cf. test d'appréhension). Lors de cette phase, le sportif effectue aussi une inclinaison et une extension du tronc.(2)(3)(12)

1.1.3 L'accélérationDe manière à générer une rotation interne de l'humérus associée à une antépulsion du moignon d'épaule à la fois forte et explosive, la majeure partie des muscles est recrutée à grande intensité.Les rotateurs internes -grand pectoral, grand dorsal, sub-scapulaire et grand rond- produisent un travail concentrique avec un départ en course externe. Le deltoïde et l'infra-épineux sont moins recrutés que lors des phases précédentes mais ils participent, avec l'aide des rotateurs externes travaillant ici en excentrique, à la stabilisation de l'épaule. Enfin, on peut aussi noter une forte participation des fixateurs de l'omoplate, notamment le dentelé antérieur, dans le contrôle du déplacement. (3)(12)(13)

Au cours de cette phase, la tête humérale s'appuie d'avantage sur le point faible antéro-inférieur. Il y a donc une forte participation des éléments passifs : la capsule, les ligaments gléno-huméraux moyen et inférieur et la partie antéro-inférieure de la glène et du bourrelet. De plus, les muscles normalement coaptateurs voient ici leur action s'inverser et deviennent luxants, c'est le cas notamment du grand pectoral et du sub-scapulaire. En cas de mauvais ratio entre les rotateurs internes et externes, il peut se produire un décentrage de la tête humérale qui glisse vers l'avant et peut provoquer diverses lésions du bourrelet, de la capsule et même de la glène. (11)

1.1.4 La décélérationCette phase correspond à une décélération de la rotation interne de la gléno-humérale associée à un freinage de l'abduction de l'omoplate. Au niveau du recrutement musculaire, il y a inversion des ratios puisque les rotateurs externes travaillent en excentrique de manière à freiner le mouvement. La décélération peut être considérée comme le deuxième moment critique du geste de l'armer puisque les forces de décélération sont considérées comme deux fois plus importantes que les forces d'accélération. La tête humérale a alors tendance à ripper vers l'arrière pendant que le bras poursuit sa course vers l'adduction. (3)(13)(12)(11)

1.1.5 Le FOLLOW-THROUGHTDernière phase du mouvement lors duquel le bras reprend une position le long du corps et les muscles reviennent à une activité basique.

1.2 Les facteurs de stabilitéLa stabilité de l’unité gléno-humérale au cours du lancer dépend donc:- des qualités intrinsèques de l’articulation gléno-humérale : hyperlaxité, forme et structure du rebord glénoïdien et du bourrelet.- de la mobilité du tronc, en rotation, extension et inclinaison, nécessaire à la préparation et à l’armer du geste.

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- de l’alignement mécanique du couple scapulo-huméral- de la qualité de la coordination neuro-musculaire qui doit être parfaite au cours d’un geste aussi élaboré(11)

La capsule de la gléno-humérale présente 2 défauts non négligeables quant à la qualité de la stabilité. Tout d'abord, elle possède une innervation relativement pauvre en comparaison aux autres articulations . De plus, cette articulation est la seule pour laquelle les systématisations capsulaires -ou boucles réflexes proprioceptives- ne sont pas en concordances : le nerf circonflexe innerve le deltoïde et la partie inférieure de la capsule alors que la partie supérieure est innervée par le sus-scapulaire. Ces défauts capsulaires doivent être compensés par une vigilance musculaire et une coordination irréprochable rendue possible par le nombre de fibres myéliniques destinées aux muscles péri-articulaires et par une automatisation soutenue de ce geste stéréotypé. (11)

(11) Chanussot JC, Danowski RG.

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1.3 Durée du cycle

Il existe des différences de vitesse entre un service et un smash. Lors de ce dernier, l'athlète a moins de temps pour réaliser le geste, chaque phase est alors plus rapide et présente ainsi un risque accru.Selon les auteurs, la durée du cycle varie entre 1 et 2 secondes. Les phases les plus longues sont le Wind-Up avec 0,37 seconde et la décélération avec 0,30 seconde. Les autres varient entre 0,1 et 0,25 seconde. (1)(3)

On peut donc dire qu'il y a réellement deux phases critiques au cours du geste de l'armer : le Cocking et la décélération. Au cours de celles-ci, les amplitudes sont extrêmes et/ou il y a un relâchement musculaire qui font que le joueur est plus exposé aux possibles lésions. Ainsi, il faudra travailler particulièrement sur les muscles mis en jeu lors de ces phases pour protéger l'épaule du sportif. La correction du geste permet aussi de prévenir tout risque de blessure.

2. Proprioception

Comme l'ont décrit de nombreux auteurs, la proprioception désigne la capacité du cerveau humain à reconnaître, à tout instant, la position du corps dans l'espace, à ressentir les mouvements articulaires. (6)(4)(14)Actuellement, nous la définissons comme une information afférente à trois modalités :

– Le sens de la position articulaire : orientation de l'articulation dans l'espace– La kinesthésie : appréciation du mouvement– La force impliquée : faculté à utiliser le force adéquat à une action spécifique

2.1 Fonctionnement :

Il y a stimulation de propriorécepteurs, donc création d'une information sensorielle, qui, par le biais de voies nerveuses afférentes, rejoint le Système Nerveux Central où elle est intégrée. Il en résulte alors une réponse efférente motrice essentielle à la coordination du mouvements et à la stabilité articulaire.

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2.2 Les Propriorécepteurs :

Il en existe de différents types en fonction de leur localisation :– Au niveau de la peau : des récepteurs tactiles sensibles au tact, à la pression, aux

vibrations, au froid, au chaud et à la douleur– Au niveau des muscles : les fuseaux neuro-musculaires– Au niveau des tendons : les organes tendineux de Golgi– Au niveau des articulations : des récepteurs de Golgi, de Ruffini et de Pacini– Au niveau du périoste près des insertions ligamentaires : des récepteurs de Pacini– On retrouve aussi autour de chaque articulation des terminaisons nerveuses libres

spécifiques. (4)(8)(9)(14)

2.3 Propriorécepteurs et épaule.

Dans leur étude, Vangness & al. ont recherché les différents propriorécepteurs au niveau de l'épaule.

– Au niveau des ligaments, on retrouve des terminaisons libres et de nombreux organes de Ruffini et corpuscules de Pacini. Les ligaments gléno-huméraux supérieur, moyen et inférieur sont les ligaments de l'épaule qui en possèdent le plus grand nombre.

– Au niveau du bourrelet et de la bourse sous-acromiale, aucun propriorécepteur particulier n'a été trouvé, seulement quelques terminaisons libres au niveau de l'insertion de la bourse.

(4)(5)(6)(8)

Grohle & al. ont comparé la distribution des mécanorécepteurs au sein de la gléno-humérale, de la coiffe des rotateurs et du ligament coraco-acromial. Ils ont retrouvé un grand nombre de

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corpuscules de Ruffini au niveau du coraco-acromial alors que la capsule articulaire contient essentiellement des organes de Pacini. (4)On retrouve aussi une forte présence de récepteurs musculo-tendineux, les organes tendineux de Golgi (OTG) au niveau des tendons et les fuseaux neuro-musculaires (FNM) au niveau des muscles. Les OTG sont recrutés lors des contractions musculaires qui entrainent un étirement du tendon. Il agissent comme système de protection mécanique et facilitent le relâchement des antagonistes. Les FNM, insérés en parallèles aux éléments contractiles, sont sensibles à l'étirement du muscle. (6)(8)

Les organes de Ruffini sont stimulés en cas de mouvements extrêmes, ils détectent les fortes tensions. Dès que l'on va dans une amplitude trop grande, ils envoient un influx nerveux pour limiter le mouvement. Les corpuscules de Pacini, quand à eux, répondent aussi à des amplitudes extrêmes mais par mécanisme de compression.

Corpuscules de Ruffini

Organes de Pacini

OTG FNM Terminaisons libres

Bourse et bourrelet

+

Ligament coraco-acromial

+++ +

Ligaments gléno-huméraux

+++ +++ +

Tendons +++

Muscles +++Tableau récapitulatif de la répartition des mécanorécepteurs

2.4 Évaluation de la proprioception

Etant donné la subjectivité du concept de proprioception, il n'est pas aisé de l'évaluer. Toutefois, il est possible d'utiliser différents moyens techniques de mesure afin de connaître certaines des composantes de la proprioception.Certaines articulations, comme les chevilles ou les genoux, sont plus simples à tester que l'épaule.

– La Goniométrie : mesure d'amplitude, perception articulaire– L'Electromyographie : analyse du recrutement musculaire– L'Isocinétisme : utilisé comme goniomètre– L'analyse 3D du mouvement par caméra optoélectroniques– La plate-forme de forces : analyse le déplacement du centre de gravité

Pour tester une épaule, le plus simple est de se servir d'un inclinomètre à huile et d'utiliser le protocole fourni par l'AFREK de validité internationale (7) (Annexe 1)

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2.5 Proprioception et pathologie

La proprioception est primordiale pour permettre aux couples de force de travailler de manière coordonnée en fonction d'un geste donné. Les éléments capsulo-ligamentaires et musculaires sont donc responsables de la bonne stabilité de l'épaule.

Dans leur étude de 2000, Lephart & al. présentent un paradigme illustrant la relation entre l'instabilité articulaire et la proprioception. Des lésions articulaires répétitives entrainent une instabilité et donc une diminution de la proprioception. Cette dernière cause une diminution des afférences nerveuses et ainsi un moins bon contrôle neuromusculaire. La répétition des lésions engendre bien une réelle instabilité fonctionnelle... (4)

3. Prévention

Le but de la prévention est tout simplement d'enrayer le possible cercle vicieux amenant du micro-traumatisme répété à la réelle instabilité chronique. En plus de programmes de renforcement des stabilisateurs d'épaule, il est fortement conseillé de corriger le geste sportif et d'intégrer dans les entrainements une série d'exercices proprioceptifs afin d'améliorer, non pas la force, mais le recrutement musculaire.

Dans une étude de 2006 concernant les genoux de volleyeuses, Myer GD & coll. ont montré qu'un entrainement neuro-musculaire utilisant la proprioception ou la pliométrie réduit le risque de

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blessures. Même si les performances ont évolué positivement grâce aux deux types d'entrainements, le travail proprioceptif a tout de même permis de meilleures adaptations musculaires permettant ainsi une stabilité articulaire supérieure lors de l'exécution de sauts. Toutefois, les auteurs suggèrent de combiner la proprioception et la pliométrie afin de préparer au mieux les athlètes lors de la pré-saison. (10)

En adaptant ce principe à l'épaule, il est tout à fait envisageable de prévoir un programme d'entrainement au cours de l'inter-saison comportant à la fois des exercices pliométriques -en utilisant un medecin ball- et du travail proprioceptif.A noter qu'il est réellement intéressent de tester la perception articulaire (inclinomètre) et la vitesse du smash avant et après la période de préparation physique.

Exemple d'exercices proprioceptifs :- Position de pompe sur un medecin ball- Position pompe sur un ballon plus mou type ballon de volley- Mêmes positions mais à une seule main- Même exercice mais sur les coudes sur un gros ballon- Gainage de profil, une main au sol- Même position sur un ballon- Maintenir ou déplacer un ballon contre le mur de face, de profil. Possibilité de le faire avec deux ballons. Le thérapeute peut aussi induire de l'instabilité par des petits coups sur le ballon.- Travail à 2 : le ballon est coincé entre les mains dominantes des 2 sportifs. Possible de le faire avec un ballon de chaque côté.- Exercices avec élastiques qui renforcent en même temps les muscles en excentrique.

Il faudra chercher à dynamiser progressivement les exercices de manière à les rendre plus proche de la réalité de match et des situations pouvant occasionner des lésions.

Conclusion

On sait que le geste de l'armer confronte l'épaule à un risque accru de lésions. Toutefois la forte présence de propriorécepteurs permet un bon équilibre entre la stabilité et la mobilité. Le rôle de la proprioception dans le recrutement minutieux des agonistes et antagonistes n'est plus à prouver. C'est pourquoi des exercices de stimulation des propriorécepteurs doivent être pratiqués de façon préventive à tous les niveaux de pratique. Pourquoi attendre la blessure ?

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Bibliographie

1. Meister K. Injuries to the shoulder in the throwing athlete, The American Journal ofSports Medicine, 28, p 265-275, 2000.

2. Steinbeck J, Liljenqvist U, Jerosch J. The anatomy of the glenohumeral ligamentouscomplex and its contribution to anterior shoulder stability, Journal of Shoulder and ElbowSurgery, Vol 7, No 2, p 122-126, 1998.

3. Andrew S, Rokito, Frank W, Jobe et al. Electromyographic analysis of shoulderfunction during the volleyball serve and spike, Journal of Shoulder and Elbow Surgery, Vol.7, Number 3, p 256-263, 1998.

4. Scott M, Lephart, Rajesh Jari. The role of proprioception in shoulder instability,Operative Techniques in Sports Medicine, Vol 10, No1, p 2-4, 2002.

5. Thomas Vangsness C, Ennis M, Jeremy G, Taylor B. Neural anatomy of theglenohumeral ligaments, labrum, and subacromial bursa, Athroscopy: The Journal ofArthroscopic and Related Surgery, Vol 11, No 2, p 180-184, 1995.

6. Joseph B, Myers, Kevin M, Guskiewicz, Rober A, Schneider, William E, Prentice.Proprioception and neuromuscular control of the shoulder after muscle fatigue, Journal ofAthletic training, No 34, p 362-367, 1999.

7. Epaule/proprioception/sens de la positionhttp://www.afrek.com/fiches/bilshojps.pdf

8. Joseph B, Myers, Scott M, Lephart. The role of the sensorimotor system in theathletic shoulder, Journal of Athletic Training, No 35, p 351-363, 2000.

9. Joseph B, Myers, Craig A, Wassinger, Scott M, Lephart. Sensorimotorcontribution to shoulder stability: effect of injury and rehabilitation, Manual Therapy, No 11,p 197-201, 2006.

10. The effects of plyometric vs. dynamic stabilization and balance training on power, balance, and landing force in female athletes Myer GD et coll., J Strength Conditioning Res 20(2):345-353, 2006.

http://www.savoir-sport.org/savoir_sport/index_f.aspx?ArticleID=586

11. Chanussot JC, Danowski RG. Rééducation en traumatologie du sport, Tome 1 : lemembre supérieur, Collection Médecine du Sport, Masson, 1999.

12. Kany J. L’épaule du sportif, Collection Médecine du Sport, Masson, 2000.

13. Coudreuse JM, Parier J. Pathologies du lancer : l’épaule et le coude.http://www.msport.net/newSite/index.php?op=aff_article&id_article=621

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14. Rigal R. La proprioception, Chapitre 7.http://www.er.uqam.ca/nobel/r17424/Docs_KIN2000_PDF/proprioception.pdf

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ANNEXE 1

PROTOCOLE : proprioception / sens des positions pour l'épaule

Test proposé par l'AFREK, largement accepté au niveau international.

Il interroge 3 degrés de liberté : la flexion, l'abduction et la rotation externeSeule l'articulation gléno-humérale est étudiée, le reste du complexe de l'épaule est considéré comme négligeable dans ces amplitudes.

Critère d'exclusion : épaule neurologique ou autre que traumatique et sur-utilisationMatériel : un inclinomètre

• Pour la flexion et l'abduction :- Patient assis, les yeux bandés, inclinomètre fixé sur le bras.- On amène le bras du patient à une position aléatoire de flexion ou d'abduction, à vitesse lente (2°/s). On maintient la position 2s puis on ramène le bras le long du corps.- On redéplace le bras du patient dans le même sens, il doit signaler lorsque l'on passe à la position précédente.- Le patient amène par lui même son bras dans la position de test.

=> Noter l'écart entre les amplitudes.

• Pour la rotation externe :- Patient assis de ¾ par rapport à la table, les yeux bandés et l'avant-bras posé sur une feuille de papier.- On effectue la même chose que pour la flexion et l'abduction mais en rotation externe sur feuille.

=> Noter l'écart entre les amplitudes

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