Le “français tchaté” un objet à géométrie variable

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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=LS&ID_NUMPUBLIE=LS_104&ID_ARTICLE=LS_104_0123 Le “français tchaté” : un objet à géométrie variable ? par Isabelle PIEROZAK | Maison des sciences de l'homme | Langage & société 2003/2 - n° 104 ISSN 0181-4095 | ISBN 2735109526 | pages 123 à 144 Pour citer cet article : — Pierozak I., Le “français tchaté” : un objet à géométrie variable ?, Langage & société 2003/2, n° 104, p. 123-144. Distribution électronique Cairn pour Maison des sciences de l'homme. © Maison des sciences de l'homme. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Le “français tchaté” : un objet à géométrie variable ?

par Isabelle PIEROZAK

| Maison des sciences de l'homme | Langage & société2003/2 - n° 104ISSN 0181-4095 | ISBN 2735109526 | pages 123 à 144

Pour citer cet article : — Pierozak I., Le “français tchaté” : un objet à géométrie variable ?, Langage & société 2003/2, n° 104, p. 123-144.

Distribution électronique Cairn pour Maison des sciences de l'homme.© Maison des sciences de l'homme. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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IntroductionCet article porte sur le français utilisé dans le cadre du tchat1. Il reposesur un corpus2 d’environ 13000 alinéas (300 pages en simple inter-ligne) dont voici un échantillon:

(1)***Mode "+o topaze" by arlequin***Cabranche is now known as CabranBrome: camille faut pas :)Camille^: brome ahh... ok :) alors non jeculpabilise po :)gilet: salut atousgana: salut a tous

Isabelle PierozakFrançais émergents et contacts de langues, Université de ToursFormation doctorale Langage et parole, Université d’Aix-Marseille I

Le “français tchaté” : un objet à géométrie variable ?

© Langage et société n° 104 – juin 2003

1. Le terme tchat est relativement polysémique: il désigne aussi bien le protocole infor-matique, un secteur d’internet (au même titre que le web, par exemple), le disposi-tif sociotechnique (réseau, serveur, canal, logiciel) (se) configurant (par) l’usagesocial qui en est fait, ou le produit (c’est-à-dire les échanges). Nous avons adopté lagraphie tchat (vs chat). Ces deux graphies sont couramment utilisées, mais chats’accompagne généralement de guillemets, ou d’italiques, voire d’une glose, ren-dus nécessaires par le problème homographique qui se pose en français.

2. Ce travail est issu d’une thèse en cours sous la direction de M.-C. Hazaël-Massieux,intitulée: « Le français tchaté. Une étude en trois dimensions - sociolinguistique, syn-taxique et graphique – d’usages IRC ». Le tchat étudié est lié au protocole spéci-fique de l’IRC (« Internet Relay Chat », littéralement « bavardage relayé par inter-net ») et non aux tchats que l’on trouve sur les sites web.

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***Mode "-o arlequin" by arlequin***Signoff: amine-- (mIRClic v 2.1, script en francais non agressif,[email protected])Brome: salut gilet, gana :)gilet: pc_land t'es par ici?gana: je vien d'entrerCamille^: efficace et silencieux comme on l'aime le patchworkMia-: cam patchwork?Brome: gana : d'entrer ou? sur #france?Camille^: mia oui le couvre lit, la serpillere mutlicolore***DESPOTES is now known as NounoursNounours: re a tous Nounours: je suis al Camille^: nouuuuurs;)Mia-: cam ah voui... toujours aussi affectionnées les relations entre vous jevoisRescator: pour les quebecois -> serpillere=moppe fripouill: salut tout le monde Y-a-til un canal pour la Guadeloupe ou laMartinique?Camille^: mia euhhhhh glaciales voire inexistantes :)) over and out koua***agooooy is now known as purrpleBrome: merci pour le vocabulaire rescator :)gilet: je cherhce FA_PREMIER_LEAGUE_STARStopaze: fripouill tu compte aller a la guadeloupe?topaze: gilet te peux chercher sans caps svp (texte recueilli le 30/08/993).

Sans entrer dans le détail du dispositif sociotechnique, il nous fautpréciser quelques aspects, qui sont intervenus dans l’élaboration ducorpus.

Le canal constitue, un peu à l’image du groupe de discussion, une“unité de lieu” où vont défiler en permanence, plus ou moins rapi-dement, les échanges de tchateurs “actifs” (c’est-à-dire produisant dutexte), connectés “simultanément” (c’est-à-dire en situation de tempsréel) depuis n’importe quel endroit4. Les canaux, identifiés par unterme géographique, générationnel, thématique, etc. sont d’impor-

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3. Le corpus a été recueilli à l’aide du logiciel anglophone Mirc, sur le « canal France »(dit aussi « #france ») du réseau Undernet.

4. La caractéristique de “temps réel” nous semble devoir s’appliquer davantage à lasituation d’énonciation qu’aux échanges en eux-mêmes dont les temps de trans-mission, par exemple, sont variables d’un tchateur à l’autre, etc. (cf. J. Anis 1998).

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tance variable en nombre de connectés, d’existence plus ou moinsdurable et sont définis selon divers modes réglant entre autres l’accès(en fonction par exemple d’un nombre de connectés à ne pas dépas-ser). La fenêtre principale du canal correspond à une sphère publiqued’échanges, ouverte à tous les connectés au canal. Des échanges àcaractère privé peuvent avoir lieu en parallèle (dans autant defenêtres distinctes) auxquels n’ont accès que les connectés engagésdans ces échanges décidés à leur initiative.

Dans l’exemple précédent, les alinéas précédés de « *** » corres-pondent à des alinéas générés automatiquement. Les autres alinéascorrespondent au texte envoyé sur le canal par le tchateur dont lepseudonyme (fréquemment désigné par les termes pseudo ou nick)apparaît automatiquement en position initiale (suivi de « : »). La men-tion du pseudo du destinataire, généralement en début d’alinéa aprèsles deux-points, est en revanche laissée à l’initiative du destinateur.

Nous avons choisi d’étudier les échanges publics sur des canauximportants, d’accès aisé, existant depuis plusieurs années et sur les-quels les tchateurs s’expriment en français. De tels canaux corres-pondent à un profil généraliste plutôt que thématique. Nous avonsretenu quatre canaux géographiques (#belgique, #france, #québec et#suisse) et deux canaux générationnels bien contrastés (#40ans&+ et#ados). Le corpus comprend six fois cinq extraits, ce qui représenteun peu moins de 30 heures d’enregistrements (retravaillés en fonc-tion de la sélection de certaines indications techniques, généréesautomatiquement5). Ces extraits ont été choisis afin de présenter unmatériau diversifié du point de vue de comportements comme l’insé-curité ou la stigmatisation. Dans l’exemple 1) l’explicitation (relati-vement rare) de « pour les quebecois -> serpillere=moppe » est à cetitre intéressante.

Dans un tel corpus, les phénomènes que l’on trouve intuitivement“remarquables” sont nombreux et de différents ordres. Nous allons

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5. Dans l’extrait supra apparaissent en particulier des changements de pseudos et destatuts, sur lesquels nous reviendrons. Le mode « +o » signifie que le tchateur accè-de au statut envié d’opérateur (qui, approximativement, joue le rôle de modéra-teur/animateur du canal); le mode « -o » signifie, à l’inverse, le retrait de ce statut.Ici, « topaze » devient « op » grâce à « arlequin » et op se « désope » quelques ali-néas plus loin.

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traiter principalement de phénomènes syntaxiques et graphiques:des fils conversationnels qui semblent “perturbés”, par rapport àceux des échanges en face-à-face6, et d’écarts par rapport à l’ortho-graphe standard (repère évidemment commode lorsqu’il s’agitd’écrit). Il s’agira à partir de là de réfléchir sur la notion de françaistchaté, questionnée sous l’angle de la problématique de l’identifica-tion registrale, à quoi nous substituons la description alternative“d’objet à géométrie variable”.

La notion de français tchaté sera d’abord présentée en partant à lafois de faits linguistiques et des processus linguistiques qui les sous-tendent. Nous nous référerons pour cela à une sociolinguistiqued’inspiration fonctionnelle. Puis la perspective sera élargie au débatépistémologique sur la caractérisation/désignation/identification.En effet, que l’on parle de français, de français parlé, ou comme ici defrançais tchaté, cet étiquetage commode n’est jamais neutre. Il sup-pose la possibilité d’isoler une langue, une variété, un registre, unniveau de langue, style, genre, etc7.

1. UNE ÉTUDE PLURIDIMENSIONNELLE

1.1. Les communautés essentiellement linguistiques des tchateursLes tchateurs sont structurés socialement en communautés (voir lesrecherches anglophones pionnières de Reid 1991, ou plus récemment,de Kollock et Smith (eds.) 1998, ou encore, l’ouvrage bien connu deRheingold, 1993). À l’instantanéité des tchats, morceaux de discourséphémères en permanent défilement, correspond une “sédimentationcommunautaire”. Une communauté – qui se fonde sur une mémori-sation collective et individuelle du personnage discursif de chaque

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6. Ces perturbations (au regard des conceptions pragmatiques engageant par exempleles notions de tour de parole, paires adjacentes, etc.) seraient à comparer avec lesanalyses de M. Marcoccia (à paraître), portant sur les fils discursifs des groupes dediscussion. Elles devraient être mises en rapport avec d’autres plans linguistiques,par exemple syntaxique. Ainsi, l’éclatement de la structure conversationnelle est liéentre autres à un fractionnement syntagmatique de l’énoncé (cf. infra).

7. La cohésion communautaire permet l’identification d’une variété au plan sociolin-guistique. Néanmoins, il est intéressant de considérer ce qu’il en est au plan lin-guistique (dont les limites seront rappelées infra), notamment lorsque les commu-nautés sont essentiellement linguistiques.

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habitué8 – se trouve à l’origine de l’élaboration d’un véritable “capi-tal sociodiscursif” permettant aux tchateurs de se reconnaître, endehors même de leur pseudonyme, lequel peut faire l’objet de varia-tion et de changement (Pierozak, à paraître a)9. Une communauté selimite généralement à un canal et comprend au plus – même pour lesplus gros canaux étudiés – quelques dizaines d’habitués.

Dans une perspective sociolinguistique, l’on ne s’étonnera guèredu fait que le social émerge du discours et réciproquement. Si l’oncherche à préciser ce que l’on entend ici par social, il faut reconnaîtreque le tchateur néophyte ne sait pas a priori à qui il a affaire, en termesclassiquement sociologiques du moins (il ignore le sexe, l’âge… deses correspondants). Les habitués d’un canal peuvent néanmoinsacquérir ces informations au fil des tchats ; leur fiabilité se vérifiedans la durée, au long des interactions croisées entre membres d’unemême communauté. Toutefois, la dimension sociale renvoie essen-tiellement au dispositif sociotechnique du tchat, organisé en statutsliés à la fois aux compétences techniques des tchateurs et à leurs com-pétences sociolinguistiques. Les ops10 s’opposent aux non-ops, et lacatégorie des ops est elle-même diversifiée et hiérarchisée en diffé-rents statuts allant de l’op fondateur du canal à l’op en quelque sorte“stagiaire”, dont le statut non permanent dépend des ops, de niveauhiérarchique plus élevé11. Des règles plus ou moins explicites – dont

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8. Dans un autre cadre, celui des groupes de discussion, cf. F. Cusin-Berche etF. Mourlhon-Dallies (2000).

9. Le pseudonyme est généralement stable, mais il peut varier à l’initiative du tcha-teur, pour des raisons ludiques, et son changement n’est pas anodin (et reste moti-vé). Un problème est celui du “vol”, correspondant à une usurpation d’identité, sile propriétaire du pseudonyme n’a pas pris la précaution de le protéger en s’enre-gistrant auprès d’un serveur de pseudonymes, qui correspond à une sorte d’acte denaissance et de reconnaissance simultanée de propriété.

10. Ce terme vient de « operator » ou « opérateur ». Il désigne le modérateur d’un canal,qui a le devoir plus ou moins implicite d’animer le canal, et la possibilité explicitede sanctionner positivement ou négativement le comportement de tchateurs (les-quels peuvent devenir op à leur tour ou être exclus du canal pour une duréevariable).

11. Selon les canaux, liés à différents réseaux de serveurs, les hiérarchies peuvent êtrediversement organisées. Globalement, le niveau hiérarchique d’un op dépend enparticulier de son type d’“access” au robot gérant le canal. Plus cet accès est com-plet, plus l’op est de niveau élevé. Par un exemple, le “founder” d’un canal, le seulà avoir un accès complet, est dit de “level 500”.

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il est par exemple question dans la nétiquette du canal France12 –organisent la mobilité sociale (ascendante comme descendante). Dèslors, si les communautés sont ici plus que jamais linguistiques, le dis-cours est du même coup plus que jamais social. Nous serions tentéede dire que nous n’avons pas affaire à des communautés linguis-tiques “ordinaires” – s’il en existe – et qu’il s’agit là, de communau-tés essentiellement linguistiques13 qui surinvestissent le matériau lin-guistique.

Le sentiment premier d’une grande variation, confirmé par nosenquêtes, est sans doute lié à ce privilège symbolique accordé au lan-gage (au-delà même du caractère objectivable car visuographique del’écrit, qui y contribue aussi indéniablement). Certes, le discours esttoujours investi de manière plurielle. Simplement, dans le cas destchats, tout – y compris l’identitaire (au sens le plus large) – passe parle matériau linguistique discursif (Pierozak, 2000).

C’est pourquoi il n’est guère tenable, d’étudier le corpus, en isolantseulement des paramètres variationnels, selon une perspective corré-lationniste14. Il faut attendre, en effet, d’un matériau surinvesti qu’ilrelève de logiques dont le fonctionnement est lui aussi important àsaisir. Nous prenons donc également en compte les processus – oufonctionnements – qui sous-tendent les faits linguistiques et qui enrendent compte. Notre hypothèse est que le français tchaté serait enpartie le produit d’un jeu qui consiste (surtout pour les jeunes tcha-teurs) à s’entraîner à la sociabilité dans (et par) le développementd’une compétence sociolinguistique. Non seulement, la communau-té serait structurée par le jeu, mais la langue serait le lieu où ce jeu se

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12. Voir M. Marcoccia (2000 : 241), pour qui les netiquettes témoignent d’une sociabili-té « codifiée par des principes de savoir-vivre similaires à ceux qui ont été défendusdans les traités de politesse, du XVIIe siècle à nos jours ». Modestie, discrétion, etc.sont des notions que l’on retrouve dans nos entretiens avec des tchateurs.

13. Précisons encore autrement: ce n’est pas parce que les communautés, telles quenous venons de les présenter, en appellent entre autres à l’existence de statuts hié-rarchisés, à la présence d’habitués, etc. qu’elles ne sont pas essentiellement linguis-tiques. Les éléments non linguistiques ne trouvent de sens qu’en regard de l’exis-tence et du fonctionnement linguistique des communautés (ainsi, un habitué est untchateur ayant un certain volume d’échanges, en direction de différents tchateurs).

14. Ce n’est pas parce qu’on ignore l’identité sociale des tchateurs (ce qui est largementinexact, comme on vient de le rappeler).

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manifeste et elle en deviendrait en quelque sorte l’enjeu principal. Lefrançais tchaté serait le produit d’une “ludogenèse” (Pierozak, 2003).

Ainsi, ce français n’est pas seulement un conglomérat d’emprunts“registraux”, tel qu’il apparaît à des descripteurs extérieurs aux com-munautés des tchateurs lorsqu’ils font le choix épistémologique del’explication (vs compréhension). Là où ces chercheurs pourraient nevoir que des onomatopées empruntées à la bande-dessinée, des abré-viations comme on en observe dans la prise de notes, ou des phéno-mènes d’étendue variable suggérant l’oral spontané, la perspectivecompréhensive permet de considérer les continuités entre cesemprunts présumés, de saisir leur manière de cohabiter, de penserles phénomènes en termes de compétences sociolinguistiques descommunautés étudiées.

Sur le plan linguistique, nous décrivons un certain type d’énoncé,désigné sous l’expression d’“énoncé fractionné”, ainsi que des phé-nomènes graphiques comme l’usage du syllabogramme « c », desallongements et des cas de fusions. Dans chaque cas, nous essayonsde montrer jusqu’où ces usages participent d’une caractérisation,relativement stable, de l’objet “français tchaté” sous l’angle de la pro-blématique registrale. Dans le paragraphe conclusif 1.4., nous verronsqu’une construction non partielle, c’est-à-dire “complexe”, de cetobjet doit être à la fois stable et instable (nous retrouvons alors la lec-ture ludogénétique).

1.2. D’un point de vue “syntaxique”15

Le “fractionnement syntagmatique” fait partie des phénomènes quiémergent lorsqu’on étudie la façon dont se structurent les énoncésdes tchats. Ce procédé, lié au dispositif sociotechnique du tchat,consiste à structurer la chaîne syntagmatique d’un énoncé en utili-sant plus d’un alinéa (généralement trois). En voici deux exemples:le premier concerne un fractionnement engageant une analyse syn-taxique de la rection verbale. Le second intervient à un niveau macro-

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15. Notre problématique s’inspire largement des travaux sur l’oral spontané, qui ontdéveloppé la notion de macro-syntaxe. Il y aurait là, en tout état de cause, un débatà mener, dont l’exposé argumenté constitue l’une des conclusions de l’étude syn-taxique, menée dans notre thèse.

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syntaxique (au sens de Claire Blanche Benveniste et al. 1990). Cesecond type est beaucoup plus fréquent que le premier:

Gomez: oui mais on recommencaitGomez: a 0(extrait de #suisse16)

abeneuneu: ah moi aussiabeneuneu: j'aime les tits chiensabeneuneu: ils font de tres bonns cibles :)(extrait de #belgique)

Au contraire l’extrait suivant, conserve le format d’un seul alinéa.On y observe entre autres un “parallélisme structurateur” qui repo-se sur la répétition d’un segment (ici, le segment la17):

angie45: moi aussi la c le temps de dejeuner ici la tekk a +tard :)) (extrait de#40ans&+18)

Ce segment la, répété deux fois (d’où le terme de « parallélisme »),permet lui aussi d’isoler, en l’absence de toute ponctuation, troisséquences, co-présentes dans le même alinéa.

Le fractionnement peut donc être considéré comme un procédéfaisant varier les possibilités de structuration du discours. Il se carac-térise par les trois éléments suivants. (1) Il y a envoi du texte sur lecanal à une frontière syntagmatique: c’est justement en cela que leprocédé permet de distinguer certains des syntagmes ou desséquences de l’énoncé (supérieures au syntagme et de niveau macro-syntaxique). (2) Tous les alinéas ne sont pas syntaxiquement auto-nomes. (3) Enfin, généralement, il n’y a pas d’alinéas, externes àl’énoncé étudié, qui soient intercalés (le tchateur produit donc les ali-néas fractionnés de manière continue et rapide).

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16. Le pseudo « Gomez » a envoyé en deux fois, de manière contiguë, du texte sur lecanal, apparaissant sous la forme de deux alinéas, à chaque fois précédés automa-tiquement de son pseudo. Notons que ce procédé interdit de considérer que chaquealinéa correspond à un énoncé syntaxiquement autonome et complexifie parailleurs le comptage moyen du nombre de mots par énoncé.

17. Le site #40ans&+ (hébergé sur le serveur d’Undernet) est surtout fréquenté par desQuébécois qui utilisent la particule « la » beaucoup plus fréquemment que les tcha-teurs français métropolitains.

18. « tekk », le pseudo destinataire, est également un élément structurant.

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Les fractionnements syntagmatiques sont observables sur tous lescanaux géographiques, mais leur emploi oppose nettement lescanaux générationnels: #40ans&+ utilise très peu le procédé, en com-paraison avec #ados. Ce phénomène doit être mis en rapport avec lesétudes statistiques sur les habitudes des tchateurs 19. Plus le tchateurest jeune, plus il est fidèle aux canaux fréquentés; la cohésion relati-vement importante chez les jeunes est à l’origine de procédés lin-guistiques spécifiques – liés ici au média – mais observables dansd’autres situations (voir infra la vernacularisation).

Par ailleurs, nous avons constaté que le fractionnement syntag-matique est régulièrement utilisé un habitué, et qu’il est alors utiliséde manière concomitante par les différents tchateurs qui interagis-sent. Ainsi une stratégie individuelle a des conséquences, au niveaucollectif. Fractionner son discours en plusieurs envois permet d’occu-per la fenêtre du canal, ce qui entraîne une plus grande visibilité.Mais, cela perturbe aussi le flux des échanges. On attendrait plutôtune alternance, alors même que ces échanges ont du mal à s’organi-ser les uns à la suite des autres parce qu’interviennent des perturba-tions multiples. Elles sont causées par le temps de réaction des tcha-teurs qui, de surcroît, échangent régulièrement dans plus d’unefenêtre, par le temps de frappe, ainsi que par le temps que prendl’envoi du texte tapé au serveur. Le fractionnement se rajoute à cesperturbations et modifie le rythme discursif. Comme la synchroni-sation discursive est nécessaire au bon fonctionnement des échanges,le procédé de fractionnement se généralise sur le tchat concerné.

Le fractionnement résulte donc de plusieurs éléments d’ordreindividuel, collectif et médial qui se conjuguent S’il ne fallait craindrele mauvais jeu de mots, nous pourrions parler de “serial tchateurs”,parfois sanctionnés pour ce qui s’apparente à un “délit” discursif 20.

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19. Le profil identitaire des tchateurs semble bien correspondre aux intitulés identifi-catoires des canaux

20. Ce type de comportement se rapproche du flood (nuisance consistant en l’envoirépété, sur un bref laps de temps, de texte, parfois le même, notamment à des finspublicitaires). Le flood peut être sanctionné par un op. Par ailleurs, le fractionne-ment demande une certaine expérience (du moins de la rapidité et de la spontanéi-té), il peut exclure des tchateurs moins habitués, et se voir également sanctionné parun op pour cette raison (non explicitée, à la différence du flood).

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Le terme serial est à rapprocher du fractionnement syntagmatique del’énoncé, se présentant en une série d’alinéas entre lesquels d’autrespeuvent s’intercaler.

Avant de considérer le plan graphique, on peut s’arrêter sur undernier élément. À examiner l’extrait de corpus supra, l’énoncé écritstandard (« Sujet-Verbe-Objet ») paraît quasiment évacué du françaistchaté. Au moins à première vue, l’énoncé de base des tchats peutêtre rapproché de l’oral spontané ordinaire que M.-A. Morel (1998)analyse en « préambule-thème-(postrhème) ». Cependant l’usage dustandard est bien réel, même s’il est généralement lié à des circons-tances énonciatives particulières. Par exemple, sur #france, un habi-tué, « mojenn », échange simultanément avec deux autres habitués,« Rescator » et « Mia », sur deux sujets distincts. Dans un premieréchange qui concerne la mort de la mère de Rescator, les deux tcha-teurs adoptent un style standard (mojenn: « j'espère que tu te remetsde cette épreuve »), témoignant même d’une tendance à l’hypercor-rection (Rescator: « il semblerait alors que j'ai prises les bonnes deci-sions »21). Un second échange, au même moment, avec Mia-, portesur un tiers qualifié de « pot de colle »: le discours de mojenn est alorsnon standard (« pis moi il m'a collé 10 mins... le temps que tu prennesla relève »).

1.3. D’un point de vue graphiqueAu plan graphique, le discours de Rescator manifeste également unevariation sensible22 en fonction des thématiques évoquées: « il sem-blerait alors que j'ai prises les bonnes decisions » vs « surtout si le mecc un fif c ca? », avec l’usage remarquable du syllabogramme « c ».

On peut s’arrêter sur l’usage de « c », stéréotype en passe de segénéraliser, si l’on en croit nos enquêtes réalisées auprès de jeunes quipour la plupart ne pratiquent pas le tchat. Un même scripteur peuttrès bien faire usage des formes « c » et « c’est », en parallèle. L’op« Camille^ » (sur #france) emploie la « forme brève » (« c ») dans lesénoncés à destination des habitués et la « forme longue » (« c’est »)

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21. Le recours au standard est tout aussi ponctuel chez Rescator qui; dans un échangethématiquement plus léger, écrit: « surtout si le mec c un fif c ca? »).

22. Cependant les diacritiques n’apparaissent jamais chez ce tchateur.

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lorsqu’il s’agit de sanctionner un indésirable (en le chassant ducanal). « Brome » s’adressant à « Camille^ » lors du même tchat, uti-lise la forme « c » puis, lorsqu’il accède au statut d’op, la forme« c’est ». Dans cet exemple, les tchateurs jouent en tant qu’op le rôled’“arbitres linguistiques”.

Les allongements graphiques, qui consistent à répéter (au delà dudoublement) le même graphème, concernent surtout les pseudos deshabitués et s’observent essentiellement à l’ouverture et à la clôturedes échanges (c’est-à-dire à l’arrivée et au départ d’un habitué). Cesprocédés font partie des rituels de salutation puisqu’ils permettentd’évaluer et d’afficher indirectement un statut vis-à-vis de la com-munauté: plus le tchateur est salué, plus il est fait usage d’allonge-ments… et plus il est “important”. Voici un exemple, concernant« ChtiDiaPS », salué à son arrivée sur le canal Belgique (et qui répondde la même façon):

***ChtiDiaPS has joined channel #belgiqueAlbe: chti diapppppppppppChtiDiaPS: 'jour tout le mondeQuam-DoDo: ChtiDiaPS kikouuuuuuuuuMegaOtcho: chtiiiiiiChtiDiaPS: cargoloup kissssss si t'es la op nous egoiste;))))ChtiDiaPS: elbauhhhhhhhhhhhhChtiDiaPS: quamquam kissssssssssssMegaOtcho: diaps ta pas un w de reserveChtiDiaPS: megatotvhoooooooooMegaOtcho: cargo est pas la :( Quam-DoDo: kiss oui ChtiDiaPS !!!!!!!!!!!!!!!!!!Albe: <ChtiDiaPS> elbauhhhhhhhhhhhh => c moua ca?ChtiDiaPS: albeuh sorry oui :)))))))))Albe: mouarfAlbe: po graff

Ainsi la forme linguistique fait sens. Elle est investie de valeursselon des représentations plus ou moins conscientes, et selon la défi-nition de la situation que l’interaction suppose pour chacun des par-ticipants. Dans ces communautés essentiellement linguistiques, lestchateurs analysent en permanence le discours comme en témoi-gnent leurs réflexions épilinguistiques et métalinguistiques fré-quentes.

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À la différence de ces exemples qui relèvent au moins en partied’un fonctionnement énonciatif, les fusions graphiques sont plutôtliées à des contraintes syntaxiques. Ces fusions consistent à supprimerl’espace blanc, et parfois des graphèmes (comme le « e » dit muet).Elles s’observent entre prépositions, déterminants et noms (« dlaradio », « levin », « lcoeur »). On les remarque également souvent entrepronoms (« jtel dit »), entre pronom et verbe (« jpense »), que la formesoit négative ou non (« jtai pas sonné »). Ce dernier type de fusionpourrait venir à l’appui de l’hypothèse syntaxique du pronom commepréfixe verbal (voir les analyses de C. Blanche-Benveniste). Plus lar-gement, ces fusions témoignent de la “fragilité” relative de certainssegments dans la chaîne verbale. Et cette fragilité a d’autant plus deconséquences que du point de vue des conditions d’énonciation, lefrançais tchaté est un français “sous stress”, surtout lorsque les habi-tués mènent des échanges dans plusieurs fenêtres à la fois.

1.4. BilansCe qui de l’extérieur ressemble à une accumulation d’écarts hétéro-gènes (qu’on les appelle « fautes d’orthographe », « oral », « abrévia-tions », « écriture phonétique », etc.), renvoie de l’intérieur à des fonc-tionnements qui relèvent de plusieurs logiques.

L’orthographe standard de « Baudelair » a sans doute à voir avecle pseudo choisi par le tchateur 23 et avec sa représentation du poète.Cette cohérence sociodiscursive individuelle caractérise l’être de languequ’est le tchateur et sa façon d’utiliser, d’une manière plus ou moinscaractérisante, les ressources à sa disposition.

On observe également une cohérence sociodiscursive partagée, lorsd’interactions comme dans l’exemple de mojenn et de Rescator. Cesdeux types de cohérence peuvent être plus ou moins convergentes,d’où des variations locales plus ou moins importantes. Ainsi du pointde vue d’une lecture globale des textes, le jeu – au sens de “souples-se” – dans les formes locales est en quelque sorte relayé, au plan dela cohésion communautaire, par le jeu – au sens “ludique” du terme– qui fait l’un des intérêts du tchat.

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23. L’absence de « e » est probablement liée à la limite des neuf caractères autorisés pourcréer un pseudo, sur le serveur.

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Apparemment, le tchat n’a donc que peu d’identité linguistiqueet il fonctionne en exploitant toutes sortes de ressources discursives,de manière plus ou moins originale 24 en fonction des choix indivi-duels des tchateurs et des conventions (un discours standard appa-raît lors d’échanges sur un sujet grave, etc.). Si linguistiquement onpeut parler d’une variété ou d’un registre, c’est à partir de cettedouble utilisation, qui crée des repères valables de façon locale, bienqu’engageant à chaque fois la cohésion communautaire (cf. l’exemplede « Brome » et « Camille^ »).

Dès lors, la cohésion ne signifie pas irrégularité (comme dans lecadre de la vernacularisation décrite par Manessy, 1993, 1995), maisplutôt localisation de la régularité, cette localisation n’étant pas elle-même figée une fois pour toute. Le français tchaté serait donc à « géo-métrie variable »

Et il en va ainsi, plus largement, de toute variété, registre, langue…lorsque l’analyse est pleinement sociolinguistique.

2. UNE QUESTION ÉPISTÉMOLOGIQUE

La question de la catégorisation en variété, registre ou niveau delangue est posée de manière récurrente en sciences du langage. Denombreux travaux en témoignent, particulièrement en sociolinguis-tique. Nous n’en donnerons qu’un rapide aperçu et nous nous inté-resserons surtout à ce qu’ils impliquent. Par ailleurs nous considéronsque, quel que soit l’ordre de grandeur envisagé – “langue” “variétés”de cette langue, “registres”, “styles” “niveaux de langue”25 – le pro-blème posé est à chaque fois de même nature (Blanchet, 2000 : 119-124).

2.1. Poser les problèmesLorsqu’on veut corréler des traits linguistiques avec la dimensionsociale, indépendamment de leur fonctionnement sociolinguistique

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24. On peut envisager une extension des ressources dans la francophonie, en particulier:par exemple, un témoin résidant en France fait état de sa « découverte » et de sonutilisation du français québécois.

25. Cependant les étiquettes rappellent commodément que le linguiste se place à uneéchelle sociolinguistique particulière. Ainsi, dans le corpus francophone de tchatsétudié, l’étiquette « variété » peut par exemple qualifier le français québécois.

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plus complexe, on rencontre divers obstacles. La synthèse de travauxfrancophones et anglophones réalisée par F. Gadet (1996) en atteste àl’évidence. Ainsi, d’un côté, les catégorisations des membres des com-munautés linguistiques montrent des points de convergence certains,ce qui est remarquable étant donné l’ensemble hétérogène que consti-tue toute communauté26. D’un autre côté, les points d’ancrage de cettecatégorisation demeurent inaccessibles. Au-delà même de l’habituel-le question de savoir si c’est la langue qui sert à catégoriser la société,ou l’inverse, ou les deux en même temps, trois problèmes se posent:

Tout d’abord, il est plus facile d’associer les continuums linguis-tique et extralinguistique à leurs deux extrémités qu’en leur milieu.Ensuite, les traits linguistiques ne sont jamais étanches d’une variétéà l’autre. Enfin, l’existence de la variation inhérente (ou “intrin-sèque”) vient limiter la pertinence des corrélations.

En fait, ce type d’approche fait comme si le jeu de la variationautorisait, pour un “même” discours, diverses “variantes”. Pourtant,il n’y a pas équivalence entre ces variantes supposées. Par ailleurs,l’autre problème, qui se pose dans ce cadre, est la coexistence, dansun discours donné, de variantes hétérogènes qui n’ont pas un poidsidentique, et pour lesquelles l’appréciation du locuteur s’avère enfait tout autant qualitative que quantitative. S. Branca-Rosoff (1999aet b) montre ainsi que le choix des traits étudiés par D. Biber (1988),dans une perspective d’analyse quantitative de la variation, se heur-te au fait que des traits quantitativement mineurs sont également, et« tout autant », classants pour les locuteurs, dont la perspective estqualitative.

On comprend ainsi les refus de catégoriser, régulièrement réitéréesdepuis les années soixante-dix:

Y a-t-il même “des” registres? N’y aurait-il pas plutôt une ample tessitureregistrale située sur un continuum linguistique insécable? (Paquette in Bédardet Maurais, 1983 : 379).

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26. Il y aurait sans doute matière à enquêtes pour les sociolinguistes, étant donné lamobilité des représentations. De plus, le fait suivant, souligné par F. Gadet (1996 :22), pose question: « Il se pourrait […] que le flou actuel [en matière de variationidentifiée diastratiquement ou diaphasiquement] reflète une difficulté éprouvée parles sciences du langage à prendre acte d’une modification de société, [consistant enun] déplacement des acceptabilités sociales […]. »

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« Linéaire, scalaire, statique et figée », écrivait D. François (1976) pour carac-tériser cette notion [de niveau de langue]. On pourrait ajouter: homogénéisan-te, dichotomique, rigide, monolithique, monotone, simpliste… (Gadet, 1996 : 35).

F. Gadet conclut dès lors, selon cette logique, que « le seul travailutile consiste à explorer les dimensions proprement linguistiques dela variation, et à décrire le fonctionnement et les contraintes de cha-cun des traits variables dans chaque langue. » (Gadet, 1996 : 35).

2.2. Traits et fonctionsLes sociolinguistes qui travaillent sur des situations plurilingues(donc sur des matériaux particulièrement hétérogènes et instables)prennent aussi en compte les processus qu’engagent les traits linguis-tiques et les représentations qui y sont associées. Cela apparaît trèsnettement dans la position de P. Blanchet:

Variété et variation doivent toujours être pensées conjointement: il n’y ajamais l’une sans l’autre. L’oubli de la polarité variation est à l’origine des cari-catures de la variabilité en termes de dialectes, niveaux ou registres de langue pré-tendument pratiqués de façon déterministe et homogène. L’oubli de la polari-té variété conduit à une vision éclatée, totalement hétérogène, des pratiques devariabilité, et les réduit à de prétendues « variantes libres », négligeant lesaspects collectifs, les effets symboliques et la diversité des appartenances ethno-sociolinguistiques. (Blanchet, 2000 : 123-124).

Les études sur les situations franco-créolophones sont à cet égardriches d’enseignements. La créolistique française traite à travers uneapproche fonctionnelle, prenant en compte la dimension des repré-sentations, tant de la genèse des créoles français, au plan diachronique,que des contacts de langues, au plan synchronique. D’autres réflexionsvont dans le même sens. Ainsi, J.-B. Marcellesi voit le corse commeune langue polynomique liée à un processus d’individuation:

En réalité il est vain de s’attarder à des discussions intralinguistiques tradi-tionnelles [concernant la langue corse…] c’est le cas où on voit qu’une commu-nauté socio-historique qui pour des raisons qui lui sont propres éprouve lebesoin de se différencier, se construit sa propre identité à partir de différencesparfois mineures. […] Ce processus [d’individuation] ne touche pas de maniè-re uniforme tous les éléments du système linguistique. Il se focalise sur un cer-tain nombre d’indicateurs d’individuation (démarcatifs) auxquels est conféréeune grande valeur symbolique et qui, même quand ils sont peu importants auniveau linguistique, peuvent être fétichisés. (Marcellesi, 1984 : 311-312)

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De même, à propos du français en Afrique, G. Manessy met enavant le processus de vernacularisation:

[chaque français vernaculaire] a pour ses locuteurs une spécificité, difficile àatteindre par les techniques habituelles de la linguistique (ce qui explique qu’ilsoit généralement décrit négativement, comme intervalle entre des variétésrepérables), mais qui joue certainement un rôle décisif dans la cohésion de toutecommunauté. (Manessy, 1993 : 413)

Ces citations posent bien le problème du rapport entre la cohésionsociolinguistique, au niveau de laquelle la spécificité de la variétén’est généralement pas problématique, et la description linguistiquede cette variété dont la caractérisation pose question. C’est cequ’expriment les notions de cohérence vs cohésion proposées par deRobillard (1993), qui distingue et articule une conception sémiolinguis-tique de la langue (domaine de la cohérence) à une conception socio-linguistique (domaine de la cohésion). G. Manessy, J.-B. Marcellesi,L.-F. Prudent ou D. de Robillard soulignent tous les limites du cri-tère de cohérence linguistique. Inversement, ils reconnaissent tousl’importance de la cohésion dans l’existence d’une variété, surtout ensituation de contacts de langues. La vernacularisation (Manessy 1993,1995), correspondrait ainsi à une forte cohésion et une faible cohé-rence (à l’inverse de la véhicularisation)27.

Dans cette mouvance, notre description du tchat s’est attachée auxfonctionnements sociolinguistiques. Elle doit beaucoup aux analysesd’inspiration fonctionnelle évoquées plus haut. Le terme ludogenèse (cf.supra) fait ainsi écho au paradigme en « o-genèse » de L.-F. Prudent.Pour autant, il ne s’agit pas de suggérer que le français tchaté serait unnouveau créole mais seulement de souligner qu’on pourra raisonna-blement en décrire la genèse, comme on cherche à le faire pour lescréoles. La genèse du français on line engage selon nous des processusque l’on peut ramener, mutatis mutandis, aux deux étapes dégagées parR. Chaudenson, en matière de créolisation, complétées, au plan social,par l’hypothèse sociogénétique de L.-F. Prudent (Pierozak, 2003).

L’intérêt du français tchaté est de montrer la complexité des rap-ports, aussi bien quantitatifs que qualitatifs, qu’entretiennent la cohé-

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27. On aurait donc un rapport inversement proportionnel entre les notions de cohé-rence et de cohésion.

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rence et la cohésion: à mesure que la cohésion croît (c’est-à-dire que lejeu de la sociabilité fonctionne), la cohérence peut se réduire. Plusexactement, elle se “localise”, mais en gagnant en sens. Par exemple,et par opposition au « c » intégratif, le « c’est » exclusif dont« Camille^ » use ponctuellement fait immédiatement sens auprès desmembres de la communauté, qui ont appris au cours des interactionsà identifier la façon dont ce tchateur exploite cette ressource dispo-nible. Dans les rapports entre cohérence et cohésion, la dimensionqualitative, en plus de la dimension simplement quantitative, paraîtdonc essentielle.

2.3. Tirer les conséquencesLes auteurs qui réfléchissent sur les notions problématiques de varié-té, registre, etc. sont amenés à traiter du plan épistémologique. Ainsi,pour reprendre le texte introducteur du volume n° 87 de Langage etsociété, “Types, modes et genres”, S. Branca-Rosoff choisit d’organiserson exposé en deux grands points, lisibles au plan épistémologique:les « typologies universalistes », « sort[ant] de l’empiricité » (1999a:7), s’opposent aux « genres sociaux empiriques » « thématis[ant]l’impossibilité d’établir des catégorisations a priori » (1999a: 17).

F. Gadet, citée supra, soulève également la question fondamenta-le de la conception de la langue. Critiquant les conceptions qui ladéfinissent uniquement par des traits linguistiques stables (cf. lesproblèmes posés supra), l’auteur défend une conception assouplie:« Quel que soit le locuteur, son usage de la langue manifeste del’hétérogène, de l’inattendu, de l’instable, de l’imprévisible, del’éphémère, plutôt que du prévisible, de l’homogène et du monoto-ne » (1996 : 32). Tirer les conséquences d’une telle conception amèneà mettre en perspective le problème de la variation inhérente:

Il s’agit là d’une variation radicale à laquelle on ne peut trouver aucune« explication », ni dans l’extra-linguistique, ni en faisant appel aux notions de« code-switching » ou de « code-mixing », qui n’auraient guère de sens ici [etl’auteur ajoute en note à cet endroit:] Il n’empêche qu’il y a là un réel problème, carles points où se produit le « code switching » ou le « code-mixing » ne sont pas davanta-ge prévisibles grâce à des facteurs extérieurs à la langue. [nous soulignons] (Gadet,1996 : 32)

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Pourtant selon une conception assouplie, l’imprévisible n’est plusun problème. Le prévisible et l’imprévisible cohabitent d’une façonqui nous conduit à la notion de complexité, au sens d’E. Morin, 1977-2001 ou d’A. Moles, 1995.

L’organisation de la variation linguistique (au sein d’un paradig-me en dia… -chronique, -topique, -stratique, -phasique, ou par rapport àd’autres critères, plus affinés ou plus ponctuels, si l’on considère enparticulier le plan micro de l’interaction) n’est sans doute pas pos-sible, passé un certain seuil d’analyse. Si « ce qui est fondamental,c’est la variabilité », alors la langue, dans sa variabilité constitutive,fonctionne selon un jeu chaotique de variables appartenant à uneliste ouverte28. Reste la question, régulièrement posée, du seuil à par-tir duquel l’on pourrait parler de variété ou de registre. Et il sembleque ce seuil s’évalue généralement en termes quantitatifs (tel maté-riau est plus ou moins variable): or, nous avons montré qu’il fallaitégalement tenir compte de la dimension qualitative.

De ces réflexions, nous retenons que nous sommes face à desnotions souples, fonctionnant à un niveau empirique, que le linguis-te s’épuise généralement à vouloir réduire, cerner, définir. L’enfer estpavé de bonnes intentions et en l’occurrence, le linguiste cherche às’orienter dans l’enfer de la variation (Encrevé, 1976 : 11). En mêmetemps qu’il est convaincu que la langue est variation, il ne peuts’empêcher d’isoler les paramètres variationnels, à moins qu’il nechoisisse de considérer les représentations et les fonctionnementssociolinguistiques au sein de la communauté linguistique considérée.

Cette difficulté est liée à l’inscription de la recherche dans le para-digme épistémologique positiviste. Dans ce cadre, on représentel’objet étudié sous formes de règles, et lorsque ces règles ne suffisentpas, il est supposé que sa complexité en demande un plus grandnombre, dont il faut saisir le fonctionnement hiérarchisé. Selon nous,les catégorisations en variété, registre, etc. gagneraient à être abordéesà partir d’un positionnement épistémologique explicite: sauter le pasépistémologique de la complexité permettrait de considérer autrementce qui apparaît encore comme une limite irréductible de la recherche.

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28. « chaotique » ne signifie pas aléatoire. Une part de détermination est possible: prévisibleet imprévisible se combinent intimement. L’adjectif est lié ici à la théorie du chaos queD. de Robillard (2001) propose d’importer dans le champ des sciences du langage.

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CONCLUSION

La problématique de la caractérisation revient à questionner la spé-cificité linguistique de tel matériau par rapport à tel autre. Ce faisant,nous sommes là dans le domaine des représentations, aussi biencelles de la communauté linguistique que celles de la communautéscientifique, représentations qui peuvent être sensiblement diffé-rentes, d’une approche à l’autre (Branca-Rosoff, 1996).

Notre étude a voulu montrer que le français tchaté ne peut êtreconsidéré comme une catégorie, si on entend par catégorie unensemble de traits linguistiques corrélés de manière simple à desdimensions d’ordre externe. En effet, le dispositif sociotechnique dutchat ne permet pas de distinguer entre dimensions externe et inter-ne. De plus, les traits linguistiques sont indéterminés: on ne peut enfournir une liste puisque que l’étude des fonctionnements sociolin-guistiques montre que la cohérence, construisant la cohésion etconstruite par elle, est localisée et mobile. Enfin, cette “variété” estmoins liée à une situation objectivable qu’à une relation interperson-nelle subjective, baignée dans un tissu social, et redevable de diffé-rents paramètres en liste ouverte, variablement mobilisés (voirBlanchet 2000 : 119-124 sur variété, variation et variance). Aussi, lefrançais tchaté peut être considéré comme une catégorie seulementsi on l’aborde dans le cadre épistémologique de la complexité, telqu’il a été défini par E. Morin entre autres.

La caractérisation des ressources linguistiques que mobilise letchat ne saurait constituer une finalité de la recherche. Il faut dès lorss’interroger sur la fonction de sa souplesse. Un élément de réponsetient au fait que la flexibilité assure le fonctionnement social des com-munautés essentiellement linguistiques que constituent les tchateurs.Le français tchaté, objet à géométrie variable, est d’autant plus “mou-vant” que les dimensions sociales et linguistiques s’y confondent, etque la dimension sociale ne renvoie à aucun extérieur.

Ainsi, nous sommes persuadée, comme d’autres chercheurs dudomaine (cf. Crystal, 2001), que le français des tchats, peut contribuerà alimenter le débat jamais clos, à la fois épistémologique, théoriqueet méthodologique, qui traverse tout champ scientifique 29.

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29. Le seul intitulé d’une récente journée d’étude, qui traduit, au passage, une évolu-tion de la mentalité scientifique à l’endroit d’internet, en témoigne: « Internet

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