Le Fantôme noir - Fnac

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Le Fantôme noir Hervé Blaise Menguele

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Le Fantôme noirHervé Blaise Menguele

21.74 586254

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 304 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 23.28 ----------------------------------------------------------------------------

Le Fantôme noir

Hervé Blaise Menguele

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A ma mère, toi qui es décédée il y a à peine quelques jours. J’étais Pourtant enthousiaste à L’idée que tu lises bientôt mes écrits…Tu ne pourras malheureusement voir éclore le grain que tu as patiemment semé.

A ma femme Joni Estelle Royston, mon soutien moral et ma conseillère. Certainement celle sans qui ce projet n’aurait jamais abouti.

A mes enfants Lauryn, Myles et Jeffrey Menguele, mes rayons de soleil galvanisants qui boostent mon énergie et me donnent la force d’aller au bout de tout ce que j’entreprends.

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Ce récit, qui part de faits réels et vécus par les

étudiants Africains en Chine, a été volontairement romancé pour garantir aux protagonistes le nécessaire anonymat.

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Préface

En embarquant des capitales africaines à destination de la République Populaire de Chine pour y continuer leurs études, les étudiants africains sont loin de s’imaginer l’expérience en douche écossaise qu’ils vont vivre dans ce pays lointain. S’il est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’être un étudiant à l’étranger quel que soit le pays, cela est davantage vrai en ce qui concerne la République Populaire de Chine. Le roman de M. Hervé Blaise MENGUELE donne à comprendre la difficile condition de l’étudiant Noir, dans un pays où tout est curiosité et où on est soi-même une curiosité.

Il est important de préciser que les évènements relatés dans ce roman, quoique relatés de façon romancée par l’auteur, sont tirés de faits réels, vécus par les étudiants Noirs en général, et africains en particulier. Ces évènements se situent aussi dans une certaine temporalité (1996-2003), car au-delà de cette période et même avant, les mêmes situations peuvent

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ne pas produire les mêmes effets. Les mentalités en Chine changent et évoluent au fur et à mesure qu’elle s’ouvre au monde extérieur et qu’elle s’immerge dans la mondialisation, qui est aujourd’hui le refrain que tout le monde fredonne sur la scène internationale. De manière réciproque, la rencontre entre étudiants Noirs et citoyens chinois donne lieu à un choc culturel, explicable par un certain nombre de variables.

La Chine a longtemps vécu en autarcie, renfermée sur elle-même, avec peu ou pas du tout de contact avec le monde extérieur. La grande Révolution Culturelle Prolétarienne qui a tenu la Chine en haleine de 1966 à la mort de Mao Zedong en 1976 est tenue pour responsable de ce repli de la Chine sur elle-même. Pendant toute cette période, les Chinois ne savent rien de ce qui se passe à l’étranger. En arrivant en Chine, les étudiants africains n’ont que de vagues connaissances de la Chine, au moyen de films chinois adulés pendant une période de leur jeunesse. En outre, s’ils avaient eu le choix, la Chine n’aurait pas été leur destination favorite. Ils ont dû se contenter pour la plupart des bourses du gouvernement chinois, faute de mieux. Leur arrivée en Chine apparait comme un saut vers l’inconnu. La méconnaissance de l’Afrique et de ses habitants par les chinois est aussi construite par le fait que les medias internationaux de manière générale et chinois en particulier, ne parlent de l’Afrique que dans des

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registres évoquant les guerres, les coups d’Etats, la famine, le SIDA, la fièvre Ebola etc. Quand le tableau est moins triste, on montre les pygmées, les multiples épouses du Roi d’un pays de l’Afrique australe, ou encore les animaux sauvages des parcs Kenyan et Zimbabwéen. On ne peut donc pas être surpris qu’au premier contact avec un chinois, il vous demande si c’est en Chine que vous avez commencé à porter des chaussures ou encore si c’est sur le dos d’une girafe ou d’un éléphant que vous êtes arrivé en Chine. Il arrive même qu’en faisant la cour à une jeune chinoise, elle dise non, tout simplement parce qu’elle aurait entendu qu’en Afrique, tout le monde est atteint de SIDA. D’ailleurs, une fois arrivés dans leurs universités, tous les étudiants étrangers en général, et africains en particulier, passent les tests de dépistage de SIDA avant toute délivrance de Cartes d’étudiant et de résidence.

Le roman de M. Hervé Blaise MENGUELE a le mérite de relater avec humour et sarcasme les péripéties et tribulations des étudiants Noirs en Chine. Il ne doit d’aucune manière être considéré comme une diatribe à l’encontre du gouvernement et du peuple chinois, envers lesquels ceux qui ont été formés en Chine, boursier ou non, sont si redevables. La vie des étudiants Noirs en Chine ne s’écrit pas seulement en lettres de dépit, de dégoût et d’amertume, loin s’en faut. Ils ont aussi vécu des moments inoubliables sur le sol chinois. D’ailleurs, tous les chinois n’affichent pas le

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même comportement lorsqu’ils se retrouvent en face d’un étudiant Noir. Le niveau d’éducation, la localisation géographique, ou la profession sont autant de paramètres qui expliquent parfois tel ou tel dérapage comportemental du chinois en présence d’un Noir. Ceux qui sont instruits comprennent bien qu’il y a un continent dont les habitants sont en majorité de race noire. Ceux qui résident dans les grandes métropoles telles Pékin, Shanghai, Guangzhou ou Tianjin, sont plus ou moins habitués à voir des Noirs. Ceux qui exercent des professions qui les mettent en contact avec des étrangers (services d’immigration, diplomatie, enseignants d’universités, médecins et journalistes) ne considèrent plus le Noir comme une curiosité.

Doit-on vraiment stigmatiser le comportement des chinois face aux Noirs, lorsqu’on sait que même au sein de la race noire, il y a des rencontres qui peuvent provoquer un choc culturel ? Lorsqu’un Camerounais Noir rencontre un Haïtien Noir ou lorsqu’un Sénégalais Noir est en face d’un Noir de la Papouasie Nouvelle Guinée, il y a réciproquement beaucoup de curiosités et de pratiques culturelles différentes. S’il y a du racisme en Chine, c’est un racisme de curiosité et d’ignorance. On le comprend lorsqu’un chinois s’approche de vous et qu’il vous avoue qu’il n’a jamais vu de Noir qu’à la télévision. Nous sommes loin des agressions quotidiennes des Noirs dans les rues de certains pays européens, tout

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simplement parce qu’ils ont la peau noire. On doit tout de même reconnaitre que les situations relatées dans ce roman concernent plus la vie estudiantine des Noirs, et que dans le milieu professionnel en Chine, on peut avoir du grain à moudre concernant les difficultés d’insertion professionnelle des étrangers en général, et des Noirs en particulier.

« Le fantôme Noir » a une valeur pédagogique en résonance avec ces paroles de La Bruyère : « corriger les hommes, est l’unique fin que l’on doit se proposer en écrivant ». C’est une invite au rapprochement des peuples, au dialogue, afin de mettre en place des mécanismes de compréhension et de connaissance mutuelles, gages d’harmonie et de paix dans le vouloir vivre collectif qui anime les habitants du village planétaire. C’est une contribution notable à la construction d’une culture de la paix par la sensibilisation et l’éducation. Cette œuvre s’associe à la préoccupation de la Charte constitutive de l’UNESCO, pour laquelle, « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut élever les défenses de la paix ». Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que la lecture de ce roman provoque un réajustement de comportement.

Bertrand ATEBA Ph.D. en Science Politique de l’Université de

Pékin

Chargé de Cours à l’Université de Douala (Cameroun).

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Avant-propos

Cinq années d’une vie sont jalonnées d’expériences multiples dont il appartient à chacun d’en rapporter ou non les plus significatives. Je n’étais pas le seul étudiant africain en Chine, loin s’en faut, mais peut-être suis-je l’un des seuls à avoir jugé utile de partager certains détails de mon quotidien et de celui de tant d’autres qui me ressemblent dans ce pays. Je me refuse cependant de verser dans la facilité et les stéréotypes en crachant un venin fortuit contre mes anciens hôtes. Je me dois d’être le plus objectif possible aux fins de bâtir une crédibilité nécessaire. Cette objectivité m’impose de reconnaître que la Chine aura contribué de façon substantielle à mon épanouissement intellectuel, matériel et m’aura surtout permis d’être en position de pouvoir donner un certain sens à ma vie. L’objectivité m’impose aussi de relever la particularité de ce séjour, la brutalité de ce contact, celui d’un Africain et de ses hôtes chinois qui, pour la plupart, n’avaient jamais vu un Noir de

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leur vie. Je m’attellerai tout au long de ce récit, à faire la part des choses, c’est-à-dire de fustiger ce qui mérite de l’être mais aussi de relever ces moments de mon séjour qui se veulent indélébiles, inoubliables. Une autre précision vaut peut-être la peine d’être mentionnée. Chaque récit, chaque expérience se vit et se raconte en fonction de la sensibilité de l’auteur. Je ne saurais donc m’arroger la prétention de détenir la vérité absolue. Cher lecteur, tu m’excuseras donc des imperfections notées çà et là.

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Ce qui, au départ, ressemblait à une simple bouteille qu’on jette à la mer avec l’espoir qu’elle accoste dans des côtes fertiles, avait peu à peu pris forme un soir. Alors que j’étais affalé sur mon lit en train de lire une œuvre de Mongo Béti, j’entendis mes deux amis Nazaire et Seth frapper à ma porte. Leurs visages étaient rayonnants. Ils firent leur entrée sans attendre que je le leur demande et m’embrassèrent très fort tout en me congratulant. J’avoue que je n’avais pas immédiatement compris ce qui se passait mais ils vont rapidement mettre fin au suspense en m’annonçant qu’ils avaient entendu lire mon nom à la radio nationale ; qu’ils avaient suivi le communiqué me demandant, avec d’autres, de rapidement prendre attache avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur pour finaliser le processus de l’octroi de la bourse chinoise. Je restai là, interdit, les yeux grands ouverts, incapable de dire un mot tellement la joie et l’émotion m’avaient envahies. Ma première pensée fut pour ma

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mère, cette femme qui avait jusque-là fait de son mieux pour que je me construise un avenir aux antipodes du sien. Une femme dont la vie a été ce roman malicieux et destructeur, comme si l’existence s’était arrangée pour lui servir toutes les souffrances de l’univers. De ma mère, il sera question dans une prochaine publication, cette femme dont les épreuves multiples, portant l’estampille d’un vendeur d’illusions qui se faisait passer pour l’incarnation de Dieu, ont profondément impacté mon devenir. C’est ma mère qui m’avait encouragé à postuler pour cette bourse et nous savions tous les deux que l’issue était des plus incertaines. J’eus aussi une pensée immédiate pour mes frères et mes amis que j’allais devoir quitter pour embrasser une nouvelle vie dans un pays lointain. Mais le sentiment dominant était bien la joie, le soulagement car obtenir une bourse d’études voulait d’abord dire que j’allais pouvoir tranquillement étudier sans avoir besoin de me soucier de ma ration du lendemain, sans me demander comment j’allais pouvoir régler les 50000 francs CFA de la pension universitaire. Ce sésame tombait à pic et allait me permettre d’envisager mes futures années d’études avec calme et sérénité.

Le lendemain, je me rendis au ministère où je fis la connaissance des neuf autres étudiants qui avaient été, comme moi, sélectionnés pour la même bourse d’études. Nos visages étaient unanimement rayonnants, conscients que nous étions des privilégiés

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dans ce décor de chaos et de désespérance ambiants. Notre destin de boursiers trouvait son origine dans les accords de coopération signés entre notre pays le Cameroun – ainsi que de nombreux autres pays africains – et la République Populaire de Chine. Ces accords avaient leur base historique dans la coalition des pays tiers-mondistes, unis dans une solidarité de destin et dont l’objectif majeur – du moins pour la Chine – était, d’une part, d’accroitre son influence et sa présence internationales et d’autre part, d’avoir accès à de nouveaux débouchés et à de nouvelles sources d’énergie.

Pour ce qui est desdits dossiers de bourse, la partie camerounaise était en charge du processus de sélection des étudiants avec un appel d’offre public dans le journal officiel. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur informait les potentiels postulants des conditions à remplir pour pouvoir y prétendre et des délais de constitution des dossiers. Une fois les dossiers finalisés et déposés, les centaines de postulants pour les dix places offertes se devaient de continuer à mener une existence normale, sans penser une seule seconde à l’éventualité d’être sélectionné car c’était une véritable loterie dont l’issue n’était nullement écrite d’avance. Et quand les résultats sont enfin rendus publics quelques mois plus tard, les heureux élus commencent ainsi une nouvelle étape dans ce processus quasi interminable. Ils sont conviés au ministère où il leur est remis des fiches avec tous les examens médicaux qui leur sont exigés pour pouvoir finaliser la procédure. Parmi ces

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examens, il y avait le VIH, la radiographie du thorax, les hépatites, la syphilis et l’électrocardiogramme. Avec ce screening corporel quasi exhaustif, il nous était demandé de prouver que nous étions en bonne santé physique, chose qui était toute nouvelle pour moi. Je ne m’étais en effet jusque-là jamais interrogé sur ma sérologie, ni même sur mon statut hépatique, me contentant de vivre ma vie de façon conforme à la conception populaire de la jeunesse de mon Cameroun natal. Nous étions tous conscients qu’il y avait une nouvelle maladie appelée SIDA qui sévissait et nous acceptions volontiers mentalement de changer et d’adapter nos comportements sexuels. Ainsi, quand nous avions une nouvelle conquête, on s’imposait rigoureusement de faire usage du préservatif. Mais, une fois qu’on avait dépassé le cap de deux semaines de relation avec elle, on s’empressait d’abandonner le fameux préservatif, guidé par un instinct sentimental qui impose presque toujours à l’être humain de baisser sa garde dès lors que son cœur commence à battre, comme si l’amour ou l’attachement qu’on ressentait pour l’autre était la garantie infaillible d’une bonne santé. Notre bonne volonté éphémère se heurtait à la réalité des habitudes enracinées dans l’inconscient collectif de la jeunesse de mon pays. On se jetait ainsi dans l’inconnu, ne se posant même plus la question de notre intégrité physique du point de vue santé. Cette façon irresponsable d’agir était quasi répandue parmi les jeunes que je fréquentais à l’époque car, dans nos

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conversations, presque tous témoignaient de la même chose : ils baissaient rapidement la garde une fois que les premiers jours de la relation avaient été consommés.

Il faut, en outre, dire que le SIDA en 1997-1998 n’avait pas encore de manifestations visibles à une échelle exponentielle. C’était une maladie qui, pour nous, relevait de l’exceptionnel voire de la fatalité et c’est ce qui justifie le fait que nous la considérions comme une chose lointaine, un fardeau dont nous étions, à n’en point douter, hors de portée, nous qui étions, croyions-nous alors, « immunisés » contre ce mal qui ne viendrait pas s’incruster dans nos vies jusque-là monotones et qui se déroulaient de la façon la plus ordinaire. Il ne nous était même jamais venu à l’esprit qu’il viendrait, le jour où nous serions amenés à devoir nous soumettre au test de dépistage de cette maladie. Aussi vivions-nous dans la plus grande des quiétudes.

Quiétude abusivement satisfaisante cependant Car la donne – tel un orage esquissant une impression de douceur dans sa phase initiale, avant de se déployer avec force et violence – avait subitement changée. Si je voulais voir mon rêve se réaliser, à savoir aller à la découverte de l’ailleurs, cet ailleurs qui s’offrait à moi et qui me donnait la garantie de pouvoir étudier sans me soucier des questions financières, je me devais de prouver que j’étais complètement en bonne santé

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physique. C’est ainsi que, subitement, je commençai à m’intéresser à ma santé en général et au SIDA en particulier. Je me mis donc activement à la recherche d’informations sur cette maladie. Je m’approchai en conséquence de quelques amis étudiants en médecine qui, comme moi, habitaient la cité universitaire. Moi pour qui le SIDA était une chose lointaine et dont le simple fait d’en être atteint était synonyme de condamnation à mort, j’allais être choqué par les révélations glaçantes de la part des amis auxquels je m’étais ouvert pour me renseigner. J’appris avec stupeur par exemple que le taux de prévalence au sein de la communauté estudiantine dont je faisais naturellement partie était en explosion et qu’il était plus que vital de réviser mes comportements sexuels. Le SIDA n’était pas une illusion ou un phénomène sciemment exagéré pour faire peur à la jeunesse, c’était une maladie grave qui se faufilait avec malice et dont les manifestations commençaient à devenir évidentes.

– Tu sais, chaque jour nous avons des étudiants qui viennent retirer les résultats de leur test positif au centre hospitalier, me dit ainsi l’un deux, l’air solennel et grave.

– Je veux bien te croire, lui rétorquai-je faiblement, apeuré par ces révélations qui m’installaient dans le doute le plus absolu. Mais dis-moi, dans ton observation ces cas positifs sont-ils isolés ou as-tu l’impression que ça se généralise ?

– Pour être tout à fait honnête, répondit-il avec

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autorité tout en me regardant droit dans les yeux comme pour mieux faire passer le message, le nombre de personnes contrôlées séropositives est en très grande augmentation et nous voyons cette tendance aller grandissante au fil des mois.

– Y a-t-il parmi ces malades des étudiants que tu connais personnellement ? Lui demandai-je, comme pour mieux continuer dans ma logique qui voulait que ce mal n’appartienne qu’à d’autres mais certainement pas à moi et à ceux qui m’étaient proches ou même que je connaissais tout simplement.

– Oui, il y en a que je connais très bien, me répondit-il l’air grave. Et certains que tu connais d’ailleurs toi-même… Mais tu comprends bien que le secret médical m’impose un silence strict à ce propos. Ne vas donc surtout pas me demander de te révéler de qui il s’agit. Mais crois-moi, le SIDA existe et il fait des ravages dans cette université !

Je commençais maintenant à douter en repensant à toutes ces nombreuses occasions où j’avais négligé de me protéger. Je n’étais même plus certain de vouloir aller en Chine car ce voyage passait forcement par des examens médicaux poussés, ce que je redoutais dorénavant au plus haut point.

Cher lecteur je souhaite que tu fasses un petit effort pour me comprendre. En ces années lointaines, il y avait certes un traitement non curatif disponible qui aidait à freiner l’évolution de la maladie dans le corps. Mais ce dernier était si onéreux qu’il était tout

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simplement inaccessible pour la majorité des Camerounais et personne dans mon entourage familial n’était en mesure de faire face à de telles dépenses si jamais j’étais déclaré porteur de ce virus. Aussi était-il peut-être préférable de rester dans l’ignorance de son statut sérologique car, au moins cette ignorance nous permettait de continuer de mener une vie en apparence normale. Mais une fois qu’on savait qu’on était malade, non seulement on ne pouvait pas se soigner mais en plus on était stigmatisé et victime de médisances ce qui précipitait les malades aux abimes de la dépression et réduisait naturellement leur espérance de vie. C’est dans cette logique que je me demandais sérieusement s’il fallait que j’accepte d’aller affronter cette épreuve de tests médicaux car je craignais énormément pour la suite. Et si par hasard j’étais malade, qu’allais-je devenir ?

Après quelques jours de réflexion, je pris la décision d’affronter mon destin et me rendis donc au Centre Pasteur, référence en matière d’examens médicaux dans la capitale camerounaise. Je fus reçu par un médecin à qui j’expliquai que ma démarche s’inscrivait dans le cadre des conditions à remplir pour finaliser mon dossier de bourse. A l’issue de cette petite entrevue, je me dirigeai dans la salle où mon sang allait être prélevé. Il y avait une foule nombreuse en ces lieux qui sentait le désespoir car, sur les visages de nombreux usagers, on pouvait voir transparaitre des signes de souffrance physique et sur d’autres, on voyait des