Le fait urbain en France et les échelles de la ville

Anne Bretagnolle, Université Paris 1

Préparation commune Paris 1, Paris 4, Paris 7

Question au concours : La France en villes, juin 2010

Responsable des cycles de conférences: Edith Fagnoni (Paris IV-IUFM)

Positionnement par rapport à la question au programme du concours

« La France en villes »Une « approche très large, à toutes les échelles, des mécanismes, des formes et des dynamiques, de leurs conséquences spatiales, sociales, politiques et culturelles »(Note de présentation, Historiens et Géographes, n°410, avril-mai 2010, p. 142)

Echelles de l’urbain : îlot, quartier, ville, système de villes… (Grataloup, 1996)

PLAN

L’échelon de la villeLa ville, une notion polysémiqueLa ville comme agglomération morphologiqueLa ville comme aire fonctionnelle

L’échelon du système de villesNotions de semis, trame, systèmeAccroissement de la vitesse et télescopage des échellesCycles d’innovation et différenciations socio-économiques des villes

Bibliographie (sélection à partir de celle d’Historiens et Géographes n°410, avril-mai 2010)

Claval P. (1981), La logique des villes. Litec, 633 p.Roncayolo M. (1990), La ville et ses territoires. Folio/Essais, 280 p.Pumain D., Saint-Julien Th. (1989), Atlas des villes en France. Reclus, La Doc. Fse.Pumain et al. (2006), Dictionnaire de la ville et de l’urbain. Paris, Anthropos, 320 p.Collection Données Urbaines (5 volumes), 1996 à 2007INSEE, Economie et Statistiques (bibliothèque) + INSEE Première (en ligne)Thèse en ligne Paulus Fabien 2003 (étude longitudinale des unités et aires urbaines françaises 1962-1999)

L’échelon de la ville

La ville, une notion polysémiqueLa ville / l’urbain?

Mode de vie, « urbanité* », Lévy, Paquot, Choay (le règne de « l’urbain généralisé »)

La ville / le rural?Délimitation des espaces urbains (rurbain*, peri-urbain*…)? Notions d’agglomération morphologique* (ex. unité urbaine) et d’aire fonctionnelle* (ex. zonage en aire urbaine)Le « rural », défini par l’INSEE en négatif par rapport aux zonages urbains« Espaces de faible densité ». En revanche pour l’urbain, la densité est un critère peu employé dans le monde (variété des seuils possibles)Critère de continuité du bâti : mieux adapté

Source: INSEE RGP 2006

Densité de population en 2006 : une entrée Villes/Campagnes?

« Tissu rural traditionnel » : 30 à 80 hab/km2 (INSEE)

Espaces de « faibles densités » : < 30 hab./Km2 (INSEE)

Dont « Espaces désertifiés » : < 10 hab/km2 (INSEE)

« Urbanized areas » aux Etats-Unis : >2600 hab/km2

« Morphological UrbanAreas » en Europe : >650 hab./Km2

(« Unités urbaines » INSEE : continuité du bâti)

La ville, une notion polysémique (suite)La variété des définitions s’explique en partie par l’évolution des formes de villes, en lien avec les innovations dans les systèmes de transports

Source: Bretagnolle et al., Espon, Luxembourg 2010

La ville comme agglomération morphologiqueUn bref historique

La commune urbaine (1846), devient rapidement obsolète avec les banlieues nées des chemins de fer suburbains, malgré les annexions de communes dans les grandes villesFin 19ème, discussions chez Paul Meuriot et Adna Weber autour de la notion d’agglomération urbaine. Paul Geddeset la « conurbation » de Londres (1915).L’unité urbaine (agglomération multi-communale ou ville isolée) s’impose tardivement en France

1954, « agglomérations multi-communales » mais pas selon le critère de continuité du bâti (enquêtes)1958-1960, travaux de Bastié et Brichler sur Paris. Recommandations de l’ONU sur l’adoption du critère de 200 mètres1962, critère de continuité adopté en France (sauf Paris)1968, critère de continuité France entière

La ville en doigts de gant (étalement urbain le long des lignes ferroviaires). Ici, l’exemple de Paris, cartographié par Jean Bastié et Marcel Brichler1960

Construction de l’unité urbaineRepérage de la zone bâtie (espacement max. 200 mètres + 2000 hab. min)Ajustement au maillage des communes (on garde la ou les communes dont au moins 50% de la population réside dans la zone bâtie)Résultat: des « villes isolées » et des « agglomérations multi-communales » (qui peuvent donc contenir des communes de moins de 2000 habitants)

RGP 2006: pas de réactualisation des limites, seulement des populations.

Zone bâtie et réajustement aux limites communales

Zone bâtie

Commune Zone de continuité morphologique mais population < 2000 hab.

4300 hab

Bre

tagn

olle

2010

Commune A

500 hab

Dont 300 dans la ZB

Commune B

5000 hab

Dont 3000 dans la ZB

Commune C

2100 hab

Dont 1000 dans la ZB

Agglo multi-communale (2 communes urbaines)

Commune rurale

Source: Paulus 2004

Evolution du nombre et de la population des unités urbaines, de 1968 à 1999 (source: Paulus 2004)

Taux d’urbanisation en 1999 : 76% (sur 18% du territoire)

509 89868512 463Douai - Lens 10

542 66226543 065Toulon 9

569 96020568 743Nantes 8

809 22451803 117Bordeaux 7

858 23572850 876Toulouse 6

946 63150940 018Nice 5

1 014 590831 016 205Lille (France) 4

1 422 3281021 417 463Lyon 3

1 428 660381 418 481Marseille-Aix-en-Provence 2

10 197 67839610 142 983Paris 1

2007Nb communes2006

Les 10 plus grandes unités urbaines en 2006 (population)

Ces 10 agglomérations rassemblent près de 30% de la population française !

Source: INSEE

La ville comme aire fonctionnelleUn bref historique

1949, Standard Metropolitan Area (Etats-Unis)1962, ZPIU (France), critères démographiques et fonctionnels

notion de « commune-dortoir » et de « commune rurale industrielle »)abandon 1996 (96% de la population en ZPIU!)

1976, « rurbanisation* » (Bauer et Roux)1979, rapport Mayoux: 96% des habitants de logements individuels péri-urbains sont motorisés (France: 65%)1995, 75% des navettes utilisent la voiture (Paris excepté) (Dupuy 1995).

Notion de « retournement des densités » (Dupuy 1999)Emergence de centralités secondaires (échangeurs et carrefours autoroutiers)

1996, Zonage en Aires Urbaines (RGP 1999 et rétropolation jusqu’en 1962)

Bussy-Saint-Georges, 2006 (photo R. Le Goix)

Illustration : Les couronnes péri-urbaines, un mode de peuplement nouveau, qui n’est ni de la ville, au sens classique, ni de la campagne …

Illustration : Le retournement de l’évolution des densités, Toulouse (Dupuy 1999)

Illustration : articulation des zonages urbains, Toulouse 1999 (Paulus 2003)

Construction du zonage en aire urbainePôle urbain : unité urbaine d’au moins 5000 emploisCouronne périurbaine : contient les communes dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille chaque jour dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Une définition itérativeUn bloc d’un seul tenant et sans enclave

Pôle + Couronne = Aire urbaineAire urbaine + Communes multipolarisées = Espace àdominante urbaine

Commune multipolarisée : au moins 40% des actifs travaille dans plusieurs aires urbaines sans atteindre ce seuil avec l’une d’entre elleEnsemble d’un seul tenant

Détermination du pôle urbain

On ajoute au pôle urbain les communes rurales et unités urbainesdont au moins 40 % des actifs ayant un emploi travaillent dans ce pôle.

On ajoute à la zone précédente prise dans son ensemble les communes ou u.u.dont au moins 40 % des actifs ayant un emploi travaillent dans cette zone.

On réitère le processus

Aucune autre commune ou u. u. extérieure à la zone précédente n'envoie au moins 40 % de ces actifs y travailler. Le processus itératif s'achève

Les communes non contiguës à la zone contenant le pôle urbain sont écartées. Les communes enclavées sont ajoutées

L'aire urbaine est constituée.

Source: http://www.insee.fr/fr/regions/auvergne/default.asp?page=themes/donnees_detaillees/aireurbaine/aire-construc.htm

Illustration: construction de l’aire urbaine de Clermont-Ferrand

Source: http://www.insee.fr/fr/regions/auvergne/default.asp?page=themes/donnees_detaillees/aireurbaine/aire-construc.htm

Illustration (suite) : construction de l’espace urbain de Clermont-Ferrand

On détermine les communes mulitpolarisées (en rose). Le tout forme l’espace à dominante urbaine (ou espace urbain) de Clermont-Ferrand (en 1999)

Evolution de la surface des aires urbaines françaises, entre 1968 et 1999 (Paulus 2004)

595 884Toulon 10

638 670Strasbourg9

804 833Nantes 8

991 903Nice 7

1 009 000Bordeaux 6

1 102 882Toulouse 5

1 164 716Lille (France) 4

1 623 720Marseille-Aix-en-Provence 3

1 748 271Lyon 2

11 769 433Paris 1

2006

Aires urbaines TOP 10 2006

Ces 10 aires urbaines rassemblent 34% (un tiers) de la population française !

www.insee.fr/.../img/alap311_encad1_carte.gif

Illustration : L’aire urbaine de Paris en 2006

TVAM 1999-2006 : 0.7% Croissance par solde naturel(population jeune), et non par solde migratoire

Cependant, Parisregagne des habitants pour la première fois depuis 1954

L’aire déborde largement des contours de la région IDF

L’échelon du système de villes

Semis*, trame*, système*Un semis ancien et dense

espacement moyen entre deux unités urbaines de plus de 10 000 hab. : environ 15 km

Le semis des villes romaines en Europe (Source : Benevolo1993)

Une trame persistante au cours du tempsStabilité de la hiérarchie urbaine (les plus grandes villes avant la révolution industrielle restent les plus grandes villes aujourd’hui)

source : Bretagnolle, Pumain, Vacchiani-Marcuzzo 2009

Un systèmed’interdépendances qui s’est mis en place fin 18ème-début 19ème

siècle à l’échelon national

Rôle du réseau de transport routier dans la constitution d’un système de ville àl’échelon nationalAttention, aujourd’hui les inter-dépendancesinterviennent àl’échelon mondial

Trame des villes et réseau des routes de la poste aux chevaux (17ème-19ème siècle) : une articulation progressive

Source: Bretagnolle 2009

Accroissement de la vitesse et « téléscopagedes échelles » (Offner 2000)

Dilation des villes grâce à l’accroissement de la vitesse des transports urbains (échelon de la ville)

Cf plus hautContraction (rapprochement relatif des villes) grâce à l’accroissement de la vitesse des transports inter-urbains (échelon des systèmes de villes)

Chemin de fer, autoroutes, TGV, avions…Les petites villes sont court-circuités les premières (sélection hiérarchique)Explique en partie la hiérarchisation des tailles de villes

Processus de « métropolisation* »: concentration des populations et des activités les plus dynamiques dans des villes de plus en plus grandesLié à la fois aux recherches d’économies d’agglomération et à la contraction espace-temps

Source: Bretagnolle 2005

Cycles d’innovation et différenciations socio-économiques des villes

Rappel: Nomenclature d’activités économiques*Source: recensement (nom et adresse de l’employeur)Affectés à une catégorie de la NAF (depuis 1993, Nomenclature des Activités Françaises)

Rappel: notion de spécialisation économique* (mesurée par rapport à une moyenne, ici le profil moyen des villes françaises). A ne pas confondre avec l’activité dominante (regroupant le plus d’actifs)Rappel: Nomenclature des PCS (Professions et Catégories Socioprofessionnelles)

En vigueur depuis 1982, révisée en 2003Diffusion hiérarchique des innovations économiques (notion de cycle de diffusion)

Le profil économique d’une ville ne dépend pas que des « effets de gisement » (charbon, acier, tourisme littoral ou montagnard), mais aussi de sa position relative dans le système de ville

Source: Paulus 2003

Deux groupes de villes, ind/tertiaire

Les activités industrielle, notamment celles héritées de la 1ère rév. ind., sont les plus spécialisées

La coupure France du Nord-est/France du sud-ouest s’estompe

Profil métropolitain : un effet de taille

Source: INSEE Première, Février 2010

Une autre illustration de l’effet « métropolitain »

Un exemple d’activité à profil métropolitain : les services aux entreprises

Mutation des systèmes productifs, années 60-90

Source: Paulus 2003

Source: INSEE Première, Février 2010

L’effet métropolitain apparaît aussi pour les professions