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LE DROIT DE LA CONCURRENCE SUISSE ET EUROPEEN (Cours SA 2011) 1 L’évolution des économies suisse, européenne et mondiale au cours des quinze dernières années a accentué le rôle de la concurrence dans le fonctionnement des marchés. Ces marchés ont pris des dimensions nouvelles : - La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 a accéléré et fortement augmenté les échanges internationaux ; - La mise en place d’un véritable marché intérieur européen (de 15 Etats en 1992, de 27 Etats en 2007 dans l’Union européenne et 3 Etats dans l’Espace Economique Européen et des Accords bilatéraux avec la Suisse !) a permis aux entreprises européennes de travailler et d’organiser leurs activités à une autre échelle ; - Dans ce contexte, la Suisse a d’abord pris conscience de son décalage (refus de l’Espace économique européen en 1992) et, depuis, essaie de se repositionner (adhésion à l’ONU, accords bilatéraux avec l’Union européenne, réforme du droit économique interne). 2 Dans ces marchés, la concurrence doit être réglementée. Le droit de la concurrence domaine devenu incontournable pour les entreprises actives à l'échelle nationale et internationale est à la convergence de plusieurs disciplines : droit, économie, science politique. La science économique explique les conséquences du comportement des entreprises ou tout simplement de leur taille. Le droit détermine les règles de comportement. La science politique oriente le choix des objectifs à poursuivre dans l'intérêt de la société dans son ensemble. 3 Au cours de cette période, à tous les échelons (OMC, Union européenne, Suisse), on s’est préoccupé du fonctionnement de la concurrence et de sa réglementation. La première tâche du législateur est de favoriser les échanges et de permettre l’accès au marché (1 ère Partie). Le cadre dans lequel la concurrence peut s’exercer étant fixé, il s’agira ensuite d’examiner comment elle risque d’être entravée ou éliminée ou encore accaparée (2 e Partie). Ces sujets seront traités en droit suisse et en droit européen car ils se présentent d’une manière assez comparable même si c’est à une échelle très différente. Préalablement, il convient de rappeler la place et le rôle du droit de la concurrence (§ 1).

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LE DROIT DE LA CONCURRENCE

SUISSE ET EUROPEEN

(Cours SA 2011)

1 L’évolution des économies suisse, européenne et mondiale au cours des quinze

dernières années a accentué le rôle de la concurrence dans le fonctionnement des

marchés. Ces marchés ont pris des dimensions nouvelles :

- La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 a accéléré et

fortement augmenté les échanges internationaux ;

- La mise en place d’un véritable marché intérieur européen (de 15 Etats en 1992, de

27 Etats en 2007 dans l’Union européenne et 3 Etats dans l’Espace Economique

Européen et des Accords bilatéraux avec la Suisse !) a permis aux entreprises

européennes de travailler et d’organiser leurs activités à une autre échelle ;

- Dans ce contexte, la Suisse a d’abord pris conscience de son décalage (refus de

l’Espace économique européen en 1992) et, depuis, essaie de se repositionner

(adhésion à l’ONU, accords bilatéraux avec l’Union européenne, réforme du droit

économique interne).

2 Dans ces marchés, la concurrence doit être réglementée. Le droit de la concurrence –

domaine devenu incontournable pour les entreprises actives à l'échelle nationale et

internationale – est à la convergence de plusieurs disciplines : droit, économie, science

politique. La science économique explique les conséquences du comportement des

entreprises ou tout simplement de leur taille. Le droit détermine les règles de

comportement. La science politique oriente le choix des objectifs à poursuivre dans

l'intérêt de la société dans son ensemble.

3 Au cours de cette période, à tous les échelons (OMC, Union européenne, Suisse), on

s’est préoccupé du fonctionnement de la concurrence et de sa réglementation. La

première tâche du législateur est de favoriser les échanges et de permettre l’accès au

marché (1ère Partie). Le cadre dans lequel la concurrence peut s’exercer étant fixé, il

s’agira ensuite d’examiner comment elle risque d’être entravée ou éliminée ou encore

accaparée (2e Partie). Ces sujets seront traités en droit suisse et en droit européen car

ils se présentent d’une manière assez comparable même si c’est à une échelle très

différente. Préalablement, il convient de rappeler la place et le rôle du droit de la

concurrence (§ 1).

2

§ 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Textes législatifs : art. 27, 94-97, 100-103, Cst. féd (RS 101); art. 3 par. 1 let. b,

101 et 102, 112 TFUE.

Vous trouverez les textes légaux suisses sur le site internet

http://www.admin.ch/ch/f/rs/rs.html en insérant le numéro du Recueil

systématique du droit fédéral (RS) indiqué entre parenthèse après chaque texte

légal dans le champ de recherche.

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,

Concurrence, 2e éd., Bâle 2011, 1 ss; J. DEISS, Les aspects économiques du

nouveau droit de la concurrence, in CR Concurrence, Bâle 2002, 71 ss ; C.L. DE

LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit

économique, Paris 2004; L. VOGEL, Droit européen de la concurrence, Paris

2010.

Vous pouvez connaître la disponibilité en bibliothèque des ouvrages cités ci-

dessus en consultant le site internet www.rero.ch.

4 Le droit de la concurrence est une branche de ce que certains appellent le droit

économique, (G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; J.-PH. COLSON,

Droit public économique, 3e éd., Paris 2001), et d’autres le droit du marché, (C.

LUCAS DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002). Cette manière

assez différente de « classer » cette branche du droit n’est pas surprenante ; elle

met en évidence les aspects administratifs (rapports entre l’Etat et les administrés,

en l’occurrence, les entreprises) ou les aspects de droit privé (rapports des

entreprises entre elles).

1.1 LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA CONCURRENCE

5 En Suisse, le droit de la concurrence a ses racines dans la Constitution

fédérale qui, d’une part, donne à l’Etat la mission de protéger la

concurrence économique (art. 94 Cst) et, d’autre part, protège depuis 1874

la liberté économique – aussi appelée liberté du commerce et de

l’industrie :

6 Art. 94 Principes de l’ordre économique

1 La Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté

économique.

3

2 Ils veillent à sauvegarder les intérêts de l’économie nationale et

contribuent, avec le secteur de l’économie privée, à la prospérité et à la

sécurité économique de la population. 3 Dans les limites de leurs compétences respectives, ils veillent à créer

un environnement favorable au secteur de l’économie privée. 4 Les dérogations au principe de la liberté économique, en particulier les

mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sont

prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens

des cantons.

7 Art. 96 : Politique en matière de concurrence

1 La Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales

et économiques dommageables des cartels et des autres formes de

limitation de la concurrence.

8 A noter que la garantie de la propriété, également prévue par la Constitution (art. 26 Cst.), et

un pouvoir judiciaire capable de fonctionner en toute indépendance sont également reconnus

comme des piliers nécessaires pour le bon fonctionnement d’une économie libérale.

9 La liberté contractuelle et les mécanismes prévus par le droit privé des

contrats permettent d’organiser l’activité économique. Cette liberté

contractuelle n’est toutefois pas sans limite :

- l’Etat intervient et impose des règles protectrices chaque fois que

l’expérience montre qu’une des parties au contrat n’est pas en position

de négocier avec une véritable marge de manœuvre : protection du

locataire dans le droit du bail ; protection du travailleur dans le contrat

de travail ; protection de l’emprunteur dans la loi sur le petit crédit (cf.

ci-dessous, ch. 3.2.1. N. 83 ss).

- Si les entreprises utilisent les règles contractuelles pour empêcher le

fonctionnement du marché (accord sur les prix, sur les territoires,

interdiction de revendre à certains acteurs économiques), l’Etat

intervient pour faire constater la nullité de ces clauses contractuelles.

10 En droit européen, les fondements du droit de la concurrence se trouvent

dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (art. 3 par. 1

let b, 101 et 102 TFUE), qui reprend les principes déjà fixés dans le Traité

de Rome signé en 1957 (ancien TCE).

11 D’une manière caractéristique, l’Union européenne s’est d’abord donnée pour but la mise en

place d’un marché intérieur « caractérisé par l’abolition, entre les Etats membres, des

obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des

capitaux » (art. 3 par. 1 let. c TCE). Ensuite, l’Union a voulu que soit instauré et maintenu

« un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur » (art. 3

par. 1 let. g TCE).

4

Ainsi, en dehors du système juridique américain, l’Union européenne est la principale entité

économique qui a, à la fois adopté des règles juridiques relatives à l’accès au marché et à

l’exercice de la concurrence, et qui a aussi mis en place les instruments de mise en œuvre et

d’application effective de ces règles (cf. ci-dessous, § 10 et 11).

12 Ces dispositions ont été :

- complétées par de nombreux règlements adoptés par le Conseil et par

la Commission ; soit par exemple le règlement du Conseil sur

l’application de l’art. 81 TCE (aujourd’hui art. 101 TFUE) qui prohibe

les ententes (R n° 19/65/CEE modifié par le R n° 1215/1999/CE ou le

R n° 1400/2002 de la Commission concernant l’application de l’art. 81

par. 3 TCE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques

concertées dans le secteur automobile.

En droit européen, un règlement est l’équivalent d’une loi en ce sens qu’il contient des

règles qui doivent être appliquées telles que définies alors qu’une directive indique un but

à atteindre en laissant aux Etats membres le choix des moyens pour atteindre ce but.

Les autorités européennes adoptent aussi des communications pour expliquer leur

manière d’appliquer certains textes. Par exemple, la Communication de la Commission

sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence a

pour objet d’expliquer la manière dont la Commission applique le concept de marché de

produit ou de marché géographique en cause (cf. Communication 97/C 372/03).

- interprétées, c’est-à-dire appliquées, par la Cour de Justice des

Communautés européennes (CJCE), dans des cas concrets.

La Cour de justice a été amenée à répondre à de nombreuses questions d’application du

traité grâce au mécanisme du recours préjudiciel prévu par le traité. Si la Cour de justice

avait été une instance de recours n’intervenant qu’après épuisement des voies de recours

nationales, il est probable que les justiciables n’y auraient pas eu souvent recours. Par la

voie du recours préjudiciel, l’instance nationale saisie – même la première instance – peut

soumettre un grief à la Cour de justice dès que ce grief soulève une question

d’interprétation du traité (p. ex. mesure d’effet équivalent ou entente illicite). Il est en effet

inutile que les différentes instances nationales se prononcent sur l’interprétation du traité

alors que de toute façon c’est la Cour de justice qui aura le dernier mot sur ce point !

1.2 LE ROLE DE L’ETAT

1.2.1 Le rôle traditionnel

13 L’Etat, au XXe siècle, est toujours intervenu de multiples manières dans

l’activité économique nationale :

- l’Etat acteur économique : l’Etat se croyait obligé d’exercer lui-même

certaines activités jugées indispensables pour assurer l’indépendance du

pays (armement, télécommunications, compagnies aériennes, p. ex) ;

- politique conjoncturelle : par le biais de la politique monétaire, les

gouvernements exerçaient une influence sur l’économie ;

5

- politique structurelle : en protégeant ou avantageant certaines

industries, en fixant les règles du marché du travail, les gouvernements

modifiaient les règles du jeu.

1.2.2 L’évolution du rôle de l’Etat

14 Au cours des vingt dernières années, le rôle de l’Etat a été fortement

modifié :

- marchés publics : lorsque l’Etat investit, construit, achète des biens ou

des services, il doit, dès que le marché atteint un certain seuil financier,

respecter la réglementation nationale, européenne ou de l’OMC relative

aux marchés publics ;

- politique monétaire : celle-ci n’est plus dans les mains des

gouvernements, mais de la banque nationale (pour la Suisse) ou de la

Banque Centrale Européenne (BCE) pour l’Union Européenne ;

- politique structurelle : elle est admissible mais ne doit pas aller

jusqu'à affecter la concurrence (problématique des aides d’Etat

prohibées par les art. 107 ss TFUE ; en Suisse, la Commission de la

concurrence (Comco) est invitée de par la loi à se déterminer sur les

projets législatifs qui pourraient affecter ou fausser la concurrence (art.

45 LCart.) :

1) Art. 45 Recommandations aux autorités

1 La commission observe de façon suivie la situation de la

concurrence.

2 Elle peut adresser aux autorités des recommandations visant à

promouvoir une concurrence efficace, notamment en ce qui concerne

l’élaboration et l’application des prescriptions de droit économique.

15 De plus, la création du marché unique européen, à fin 1992, et les règles

du GATT sur le commerce international ont changé les dimensions du

terrain sur lequel s’exerce la concurrence. Pour cette raison, les règles du

droit de la concurrence ont été harmonisées dans la Communauté

européenne et les règles suisses adaptées à celle du droit européen.

16 Il est intéressant de constater que, dans toute une série de domaines économiques particuliers,

le régime juridique adopté spécialement vise aussi à garantir une certaine égalité entre les

opérateurs pour garantir l’exercice de la concurrence :

- législation sur les télécommunications (cf. N 108 ss) ;

- législation dans le domaine de l’énergie électrique et du gaz (cf. N 111 ss) ;

- législation sur les bourses (cf. N 105 ss).

6

17 L’évolution a également été marquée dans l’application des règles du droit

de la concurrence :

- les administrations chargées d’appliquer ces règles ont crû en

personnel et en compétences (ce domaine exige une coopération étroite

de juristes et d’économistes) ; à l’échelle européenne, un réseau de

coopération a été mis en place entre la Commission européenne et les

autorités de la concurrence des Etats membres ;

- les pouvoirs d’enquête sont devenus si incisifs que l’on en vient à

invoquer pour les entreprises les droits fondamentaux que seules les

personnes physiques avaient l’habitude d’invoquer ;

- les sanctions, en particulier financières, que peuvent subir les

contrevenants deviennent vraiment dissuasives.

18 Cette évolution se caractérise par le fait que l’Etat n’agit plus directement

comme acteur économique, mais indirectement en définissant les règles du

jeu et garantissant leur respect.

1.3 LE DROIT DE LA CONCURRENCE

19 Par l’adoption des règles du droit de la concurrence et leur application,

l’Etat veille à ce que les acteurs économiques n’empêchent, ni n’entravent

d’une façon excessive l’exercice de la concurrence. Cela signifie :

- fixer les règles d'accès au terrain de jeu, soit favoriser l’établissement

(l’existence) du marché et son accès (y compris de l’extérieur du

pays) (mise en place du marché intérieur);

- fixer les règles du jeu en garantissant l’existence d’une concurrence

efficace et loyale sur le marché (LCart.); l’exercice de la concurrence

ne doit pas se faire à l’aide de méthodes déloyales ou contraires à la

bonne foi (indications fallacieuses, tromperies, publicité mensongère, p.

ex. ; cf. la LF contre la concurrence déloyale, LCD).

- empêcher la constitution de positions de puissance / domination sur le

marché (contrôle des concentrations).

20 De plus, l’Etat doit également veiller à ne pas lui-même entraver la

concurrence par sa propre activité :

- ne pas fausser le marché par des aides étatiques (subventions, aides aux

entreprises en détresse);

7

- respecter la concurrence lorsqu'il est acteur économique (sauf situations

exceptionnelles); autrement dit :

-- les exigences de la concurrence s'imposent également aux

entreprises étatiques qui exercent une activité économique;

-- les principes de la concurrence doivent être respectés dans

l'attribution des marchés publics.

21 Le droit de la concurrence n’existe que si le législateur (volonté politique)

adopte des règles juridiques. En Suisse, le droit de la concurrence a pris

de l’importance en plusieurs étapes :

- 1962 : adoption de la première loi sur les cartels et organisations

analogues ; les cartels restaient présumés licites aussi longtemps que

des conséquences nuisibles d’ordre économique et social n’étaient pas

établies par l’autorité.

- 1985 : la présomption de licéité subsiste.

- 1995 : la présomption est renversée pour les accords sur les prix, les

quantités ou sur les marchés géographiques.

- 2004 : la Comco obtient le droit d’infliger une sanction lorsqu’elle

constate un comportement illicite.

- 2011 : le Conseil fédéral propose d'adapter les sanctions lorsque

l'entreprise a mis en place un système interne de "compliance"; il

propose également des règles plus strictes pour les accords verticaux.

22 Cette évolution législative dénote une évolution de la politique de la

concurrence en Suisse :

23 Dans la première loi suisse sur les cartels, la Comco, lorsqu’elle achevait une enquête sur un

secteur économique, devait se contenter d’adresser aux entreprises concernées une

recommandation de mettre fin à la pratique visée. Si les entreprises ne suivaient pas la recom-

mandation, la Comco ne pouvait que demander au Département fédéral de l’économie de

prendre une décision dans le sens de la recommandation.

En comparaison, en application des dispositions de la LCart de 2004, la Comco a pris une

décision à l’encontre de Swisscom au printemps 2007 accompagnée d’une sanction de plus de

300 MCHF ! Cette décision a été cassée par le Tribunal administratif fédéral.

24 La mise en place d’autorités indépendantes et le développement des règles

de procédures ont favorisé un développement autonome du droit de la

concurrence :

- autonomie par rapport aux autorités politiques ; à titre d’exemple :

8

-- prise de contrôle d’ENDESA en Espagne par la société italienne

Enel malgré plusieurs tentatives du gouvernement espagnol de

favoriser un concurrent espagnol, la société Gaznatural.

-- tentative avortée d’intervention de la Banque centrale hollandaise

dans l’offre publique d’achat sur ABN Amro.

-- preuve contraire : en France, lorsque la société italienne ENEL a

annoncé qu'elle allait lancer une offre d'achat sur Gaz de France

(GDF), le gouvernement a "organisé" en un week-end la fusion de

GDF avec la société Suez !

- autonomie par rapport à la science économique ; la concurrence est

certes d’abord un concept économique qui vise la compétition entre les

acteurs économiques sur un marché donné ; dans les mains des

pouvoirs publics chargés d’appliquer le droit de la concurrence, la

concurrence devient un outil qu’ils ont adapté au but qu’ils

poursuivent : rechercher un équilibre concurrentiel ; non pas une

concurrence théorique ou parfaite, mais une concurrence praticable

(workable competition) sur un marché donné et compte tenu des

éventuels autres facteurs que le législateur a également demandé de

prendre en considération; par exemple :

-- Un accord affectant de manière notable la concurrence (art. 5 LCart.) peut être justifié

(motif d’efficacité économique) s’il a pour but d’améliorer la compétitivité des petites

et moyennes entreprises (art. 6 al. 1 let. e LCart).

-- Un accord contraire à l’art. 5 LCart. peut être autorisé par le Conseil fédéral s’il est

nécessaire à la sauvegarde d’intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).

25 L’Etat veut protéger la concurrence car l’effet supposé de celle-ci est

l’efficacité des mécanismes économiques. La concurrence n’est donc pas

recherchée pour elle-même mais comme instrument permettant

d’atteindre l’efficacité. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de

protéger la concurrence contre les atteintes qui peuvent être apportées à

son fonctionnement. C’est la notion de concurrence efficace (wirksamer

Wettbewerb).

26 Procédant à une nouvelle analyse économique de la règle de droit, les autorités européennes

ont dès le début accordé de l'importance aux effets des comportements des acteurs

économiques. Elles ne s'attachaient pas au caractère fautif d'un comportement (violation de la

règle) mais à ses conséquences, ses effets.

Afin de faciliter l'application des règles, on a tiré de la pratique certaines présomptions (tel

comportement – accord sur les prix – entraîne une suppression de la concurrence); ces

comportements sont qualifiés d'illicites; il n'est plus nécessaire d'examiner leurs effets.

Plus récemment, les autorités de la concurrence s'écartent des règles PERSE pour examiner

dans chaque cas les effets du comportement avant de porter un jugement sur le caractère

abusif ou non du comportement ("the more economic approach"). Mais cette manière de

procéder conduit à un jugement a posteriori qui n'est pas très compatible avec la sécurité

9

juridique (peut-on être condamné pour un comportement dont on ne pouvait savoir, à ce

moment-là, qu'il serait apprécié négativement ?).

Pour aider les entreprises à bien se comporter, la Commission a publié des Communications

dans lesquelles elle formalise la théorie économique qu'elle applique et explique donc de

quelle manière elle va appliquer les principes du droit européen. Toutefois, ces

Communications ne lient pas les tribunaux.

27 Les règles adoptées par le législateur en droit de la concurrence devraient donc être en

conformité avec les énoncés de la science économique. Mais parfois on constate un décalage

entre les recommandations de l'analyse économique et l'application concrète de la norme de

concurrence. D'où la critique adressée parfois aux juristes de l'usage d'une doctrine

économique imparfaite, mal comprise ou même dépassée.

(Sur ces questions : I. LIANOS, La transformation du droit de la concurrence par le recours à

l'analyse économique, Bruxelles, 2007; F. JENNY, Le rôle de l'analyse économique dans le

contrôle par la Cour de cassation en matière de droit de la concurrence : Concurrences

2007, n° 4, p. 27, p. 34).

1.4 LA CONCURRENCE ET LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

1.4.1 Nécessité d’une protection

28 Tout en recherchant les effets du fonctionnement efficace du marché,

l'Etat reconnaît généralement aussi la nécessité de protéger les efforts

consentis par le chercheur pour le développement d'un produit; d'où la

protection accordée par :

- la loi sur les brevets d'invention (LBI);

- la loi sur les designs (LDes);

- la loi sur les marques et les indications de provenance (LPM).

1.4.2 Protection internationale de la propriété industrielle ou intellectuelle

A. En général

29 Dans les pays industriels, le besoin d'une protection internationale des

droits de propriété industrielle a été ressenti très tôt et concrétisé à la fin du

XIXème siècle déjà dans un traité intitulé «Convention de l'Union de

Paris» (CUP), signé en 1883 et modifié à plusieurs reprises depuis lors

(1925, 1934, 1958, 1967).

30 Cette convention a été complétée par de nombreux traités ou accords inter-

nationaux dans le but de faciliter l'enregistrement dans des pays étrangers

de marques, de modèles ou dessins industriels, de brevets; de même,

d'autres accords protègent les appellations d'origine et les indications de

provenance. (L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle -

10

OMPI - a été instituée, avec siège à Genève, dans le but de coordonner ces

efforts).

31 L'importance accordée aux droits de la propriété industrielle par les pays

industrialisés a été soulignée dans la révision des accords du GATT,

puisque l'accord du 15 avril 1994 instituant l’OMC comprend une annexe

1C intitulée : « Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle

qui touchent au commerce ».

32 Depuis quelques années, en particulier depuis la réunion ministérielle de

Doha en 2001, la question de l’étendue de la protection des droits de la

propriété intellectuelle fait l’objet d’un débat nourri. C’est en particulier le

cas dans les relations avec les pays les plus démunis et dans le domaine de

la santé publique. Dans quelles circonstances et à quelles conditions une

licence obligatoire peut-elle être imposée au titulaire du brevet ?

B. Le conflit avec les règles du marché

33 Les principes de la propriété intellectuelle entrent en conflit avec les règles

du marché unique pour la raison suivante :

- le système du brevet ou de la marque reconnaît à son titulaire le droit

exclusif de fabriquer un produit selon le brevet ou d'utiliser une marque

pour caractériser un produit; le titulaire du brevet peut exploiter son

droit lui-même, mais il peut également céder ce droit à un tiers en lui

accordant une licence; ce droit est généralement accordé pour une durée

donnée et un territoire donné ;

- en accordant des licences dans différentes parties du marché européen,

le titulaire peut ainsi fixer des conditions (notamment de prix !) pour

l’usage du droit de propriété intellectuelle ; en faisant cela, le titulaire

du brevet ou de la marque peut ainsi cloisonner le territoire européen.

En effet, les règles contractuelles prévues dans le contrat de licence et

l’appareil judiciaire donnent au titulaire du droit les moyens de faire

respecter l’engagement pris par le preneur de licence. Or, cet effet est

précisément celui que l’on a voulu éviter en créant le marché unique.

34 Cette problématique a provoqué le débat sur l’épuisement national ou

international des droits de la propriété intellectuelle :

- La question est d’abord de savoir si le titulaire du droit (brevet ou

marque) peut encore contrôler l’usage du produit au-delà de la première

mise du produit sur le marché effectuée par le licencié.

- On parle « d’épuisement » pour signifier que lorsque le titulaire du

droit a accordé une licence (sur le brevet ou la marque) et que le

licencié utilise son droit conformément au contrat de licence, le titulaire

11

n’a plus de contrôle possible sur le produit : il a « épuisé » son droit par

l’octroi de la licence ou la première mise du produit sur le marché !

Cela signifie d'une part que le licencié ne peut pas interdire à son

acheteur de revendre le produit au-delà d'un certain marché; d'autre

part, le titulaire du droit ne peut pas invoquer son droit de propriété

intellectuelle pour empêcher l'importation du produit sur certains

marchés.

* * * * *

12

1ère

partie

L’ACCES AU MARCHE

35 La concurrence implique l’existence d’un marché sur lequel elle puisse s’exercer. La

notion de marché a évolué avec l’extension géographique des marchés (Chapitre 1).

La possibilité d’accéder au marché constitue un élément essentiel de son bon

fonctionnement (Chapitre 2).

Chapitre 1

LE MARCHE

36 Les échanges commerciaux ont été favorisés par l’abaissement des barrières tarifaires

et non tarifaires (§ 2) et la mise en place d'une réglementation du marché (§3). Depuis

1992, l’Union européenne poursuit la mise en place d’un marché intérieur (§ 4), dont

le modèle a inspiré le législateur suisse (§ 5).

13

§ 2 LES ZONES DE LIBRE ECHANGE

Textes législatifs : Accord OMC (RS 0.632.20) ; Convention du 04.01.1960

instituant l’association européenne de Libre-Echange (AELE) (RS 0.632.31);

l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401);

l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce

(RO 1995, p. 2252 ss); art. 30 ss TFUE; Loi fédérale du 06.10.1995 sur le marché

intérieur (LMI) (RS 943.02), FF 1995 IV 552 ss; Loi fédérale du 06.10.1995 sur

les entraves techniques au commerce (LETC) (RS 943.02), FF 1995 IV 539 ss;

art. 34 ss TFUE.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I 1193; E.

SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,

Coire/Zurich 1992; B. MERKT, Harmonisation internationale et entraide

administrative internationale en droit de la concurrence, Berne 2000; C.L. DE

LEYSSAC/G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002, p. 51 ss; D. DREYER/B.

DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activités

soumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,

1998, p. 859 ss; D. DREYER/B. DUBEY, Réglementation professionnelle et marché

intérieur, Bâle 2003.

2.1 L'ABAISSEMENT DES BARRIERES TARIFAIRES

37 A la fin des années 1950, la Suisse chercha sa place dans le concert des

Etats européens qui développaient et favorisaient les échanges

économiques.

38 Etant donné que la CEE - malgré son appellation - n'avait pas que des buts

économiques, il n'était pas question pour la Suisse d'en faire partie. Elle se

contenta donc :

- de participer à l'AELE dès 1960;

- de signer un accord de libre échange avec la CEE en 1972;

- de participer activement aux divers «rounds» de négociations du GATT

(devenu OMC en 1995).

39 La création d'une zone de libre échange vise des buts beaucoup plus

limités que celle d'un marché intérieur. Les pays qui établissent une zone

de libre échange conservent leur souveraineté ce qui permet –

14

volontairement ou involontairement – de créer ou de maintenir des

barrières non tarifaires aux échanges.

40 La création d'un marché intérieur implique des mesures qui dépassent

l'abolition des droits de douane (la libre circulation des personnes, des

marchandises, des services et des capitaux (cf. § 4 et 5 ci-dessous).

2.1.1 L'Association européenne de libre échange

41 En réponse à la création de la CEE (qui ne comprenait à l'origine que la France, l'Allemagne,

l'Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg), d'autres pays européens (la Suisse,

l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Suède, la Norvège, la Finlande, l'Islande et l'Irlande)

constituèrent en 1960 la Convention instituant l’association européenne de Libre-Echange

(AELE). Actuellement, seuls la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse en font

encore partie (mais la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein ont signé avec l’Union

européenne le Traité de l’Espace économique européen). Les objectifs décrits à l'art. 2 de la

Convention AELE sont notamment :

- de favoriser, dans la zone de libre échange (l'ensemble des pays membres de la

Convention), l'expansion du commerce en éliminant progressivement les obstacles qui

l'entravent;

- d'assurer aux échanges entre Etats membres des conditions de concurrence équitable.

42 Le démantèlement des droits de douane (obstacles tarifaires) à l'intérieur de l'AELE, a été

réussi progressivement du 1er juillet 1960 au 31 décembre 1966.

43 Quant à la concurrence, la Convention de l'AELE comporte plusieurs articles qui s'y

rapportent :

- aides gouvernementales (art. 13);

- achats publics (art. 14);

- pratiques commerciales restrictives (art. 15);

- établissement (art. 16);

- dumping (art. 17).

44 L'objectif semble bien d'éviter que les avantages du libre échange (élimination des droits de

douane et des restrictions quantitatives) ne soient réduits à néant par des mesures

gouvernementales ou privées.

45 En réalité, après avoir aboli les barrières douanières, les membres de l'AELE ne se sont que

tardivement occupés des barrières non tarifaires (en fait, ce n'est qu'à l'initiative du

Président de la Commission européenne, J. Delors, qu'en 1988 s'ouvrirent des discussions sur

la création de l'Espace Economique Européen).

46 De plus, l'AELE n'établit pas un système de concurrence mais se contente d'assurer le jeu du

libre-échange. La Convention ne prévoit aucune institution qui serait chargée de veiller à son

application; la violation des règles relatives à la concurrence (art. 13 à 17) ne peut être

sanctionnée que par une décision du Conseil des ministres (prise à la majorité). De telles

décisions n'ont été que très rarement prises, ce qui démontre l'importance toute relative que

les Etats membres de l'AELE attribuent au droit de la concurrence.

15

2.1.2 L'Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE (ALE)

47 En raison de l'accroissement des échanges internationaux et du développement de l'AELE et

de la Communauté économique européenne - CEE, leurs pays membres ressentirent le

besoin, à la fin des années 60, de faciliter les échanges de marchandises entre les deux zones.

Ce fut la signature des accords de libre-échange entre la CEE et les divers Etats membres de

l'AELE (et qui ont le même contenu).

48 Ces accords - celui qui fut signé par la Suisse date de 1972 - comprennent une clause relative

à la concurrence, l'art. 23, dont le texte est très semblable aux art. 81/82 du Traité CEE.

Pourtant, cet article n'a pratiquement pas eu d'impact sur les relations entre la Suisse et la

CEE car la Suisse - comme les autres pays de l'AELE - ne considère pas cette disposition

comme étant d'application directe. Cela signifie qu'en cas de différend, c'est un comité

mixte - institué par le Traité - qui doit être saisi. Composé de représentants des parties au

Traité, ce comité cherche, en cas de difficulté, des solutions selon une méthode politique

plutôt que juridictionnelle.

49 La portée (déjà faible) de cet Accord a été encore réduite par l'entrée en vigueur des Accords

bilatéraux (cf. 4 ci-dessous).

2.1.3 Autres organisations de libre-échange

50 L'UE constitue évidemment aussi une zone de libre échange mais elle est beaucoup plus que

cela puisqu'elle a aussi mis en place un marché intérieur et des organes politiques.

51 A noter que des organisations de libre-échange ont été mises sur pied sur d’autres continents :

- Amérique du Nord

The North American Free Trade Agreement (NAFTA) a été signé en 1992 entre les USA,

le Canada et Mexico, qui vise le libre commerce des marchandises et des services, ainsi

que la protection des investissements.

- Amérique du Sud

En 1960, plusieurs pays signèrent un accord de libre échanges (suppression des droits de

douane), transformé en 1980 en un traité d’intégration : Associación Latino-americana de

Integración, ALADI.

En 1991, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay décidèrent la création d’un

marché commun sud-américain : MERCOSUR (en espagnol), MERCOSUL (en

portugais). En 2004, d’autres pays s’y joignirent : Bolivie, Chili, Pérou, Colombie et

Equateur.

- Amérique Centrale et Caraïbes :

Le Belize, Costa Rica, le Salvador, Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et Panama ont

d’abord constitué le Marché Commun d’Amérique Centrale (MCCA), devenu depuis le

Système d’intégration de l’Amérique Centrale (SICA).

Les pays des Caraïbes ont formé le Carabbean Common Market.

- Asie

Dès 1967, plusieurs pays du sud-est asiatique signèrent l’AFTA : Asian Free Trade Area.

16

- Afrique

Plusieurs traités ont été signés :

-- Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (1975)

-- Marché Commun des Etats de l’Est et du Sud de l’Afrique (COMESA).

2.1.4 L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

52 En avril 1994, les pays membres du GATT ont signé un accord instituant

l'Organisation Mondiale du Commerce qui complète l'accord du GATT de

1947 et donne un nouvel élan à cette organisation.

A. Les tarifs douaniers

53 Tout comme les deux organisations régionales que sont la CEE et l'AELE,

l'OMC a d'abord pour but d'abaisser les barrières douanières et

tarifaires afin de favoriser le libre échange (avec cette différence que cet

accord a une portée quasi planétaire).

B. Les barrières non tarifaires

54 L'accord ne se contente pas d'abaisser les droits de douane. Il comprend

divers chapitres qui ont pour but d'ouvrir l'accès aux marchés ou d'éviter

que la concurrence ne soit faussée :

- Accord sur les subventions et les mesures compensatoires

(Annexe 1A de l'Accord) : il définit ce qu'est une subvention des

pouvoirs publics et indique les cas dans lesquels ces subventions sont

prohibées.

- Accord sur les obstacles techniques au commerce (cf. ci-dessous

2.2.1.)

- Accord sur les marchés publics (cf. ci-dessous 2.2.2.)

- Droits anti-dumping et droits compensateurs : l'Accord GATT de

1947 comprenait déjà des règles relatives à la possibilité reconnue à un

pays d'imposer des droits de douane pour s'opposer à des pratiques de

dumping. Ces dispositions sont maintenues dans l'Accord OMC et

surtout leur contrôle est mieux assuré par les règles sur les différends

entre les pays membres.

C. Règles et procédures régissant le règlement des différends

55 L'une des caractéristiques de l'Accord de 1994 est qu'il institue des

structures permanentes beaucoup plus développées.

17

a) Présentation du problème

56 Le GATT avait pour but, à l’origine, d’éliminer les obstacles tarifaires

(droits de douane) au commerce international. Cependant, les acteurs

du commerce international le savent, les échanges commerciaux

subissent aussi des entraves en raison de pratiques commerciales

restrictives dues aux organes étatiques ou aux entreprises elles-mêmes

(ou association d’entreprises). Ces pratiques commerciales restrictives

peuvent avoir des effets sur la concurrence internationale. Le GATT en

avait conscience dès ses origines puisqu’une charte fut négociée à La

Havane, en 1947/48, sur ces questions de concurrence ; cependant,

cette charte n’a pas pu entrer en vigueur suite à son rejet par le Sénat

américain. Quant à l’art. XXIX du GATT, il est resté dépourvu de force

juridique à ce jour. Il n’existe donc pas encore, dans l’OMC, de

réglementation générale de la concurrence relative aux pratiques

commerciales restrictives d’origine privée.

57 Même si les Etats membres de l’OMC n’ont pu à ce jour se mettre

d’accord sur des règles spécifiques relatives à la concurrence, ils ont

néanmoins instauré un règlement des conflits portant sur la violation

des dispositions des accords.

b) Le règlement des conflits

58 Jusqu’à l’accord de Marrakech (1994), les différends entre Etats ne

pouvaient être réglés que par des négociations. L’institution de l’OMC,

décidée à Marrakech, a marqué l’évolution de la politique du

compromis vers un véritable système juridictionnel, soit l’annexe 2 de

l’Accord OMC, intitulé « Mémorandum d’accord sur les règles et

procédures régissant le règlement des différends ».

59 La procédure débute par une consultation (art. XXII) : un Etat, dont les

entreprises sont entravées dans l’exercice de la concurrence

internationale, va demander à l’OMC d’ouvrir une procédure de

consultation avec l’Etat qui a pris des mesures entravant la concurrence

ou dont les entreprises sont la cause de l’entrave.

60 Si cette procédure de consultation n’aboutit pas à un accord, l’Etat dont

les entreprises sont entravées peut demander que l’Organe de

règlement des différends soit saisi. Celui-ci va alors mettre sur pied un

groupe spécial devant lequel les Etats concernés vont faire valoir leur

point de vue : demande, réponse, réplique, duplique. A l’issue de la

procédure, le groupe spécial établit un rapport qui est transmis à

l’ORD qui approuve formellement sauf si :

- il y a consensus au sein de l’ORD contre le rapport

18

- un membre OMC déclare faire recours dans les 60 jours à l’Organe

d’appel (ODA).

61 Lorsque le groupe spécial ou, le cas échéant, l’ODA conclut qu’une

mesure est incompatible avec les accords OMC, il est recommandé au

membre concerné de rendre la mesure conforme à l’accord visé.

L’ORD surveille la mise en œuvre de la décision et autorise, le cas

échéant, l’adoption de mesures de compensation ou la suspension de

concessions (art. 22 Memorandum d’accord).

2.2 LES OBSTACLES TECHNIQUES ET LES MARCHES PUBLICS

62 En plus de ces libertés, il est nécessaire pour la création d'un marché intérieur d'éliminer les

obstacles techniques et ouvrir l'accès aux marchés publics.

63 Il est intéressant de constater que, dans ces deux domaines, il y a convergence des

préoccupations aux trois niveaux : suisse, européen et mondial.

2.2.1 Les obstacles techniques

A. La législation suisse

64 La Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) a été adoptée en 1995, après

l'adoption des accords de l'OMC et alors que la Suisse avait entamé la négociation des

accords bilatéraux avec l'Union européenne et préparait sa propre législation sur le marché

intérieur.

a) But de la loi

65 Cette loi a pour but de faciliter les échanges sur le marché intérieur, ainsi que les activités

d'importation et d'exportation.

66 Les entraves techniques au commerce sont définies comme les entraves aux échanges

internationaux de produits qui résultent :

- de la divergence des prescriptions et des normes techniques;

- de l'application divergente de ces prescriptions ou normes;

- de la non-reconnaissance des essais, enregistrements ou homologations effectuées à

l'étranger.

b) Méthode du législateur

67 Afin de ne pas entraver le commerce, les prescriptions techniques devront dorénavant :

- être compatibles avec celles des principaux partenaires commerciaux de la Suisse;

- être si possible simples et transparentes.

68 Des dérogations à ces principes ne sont admissibles que si :

- les prescriptions sont nécessaires pour protéger des intérêts publics prépondérants;

19

- les prescriptions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une

restriction déguisée aux échanges (art. 4 LETC).

69 En 2009, le législateur a modifié l'art. 16 LETC pour introduire unilatéralement le principe

Cassis-de-Dijon dans les relations Suisse-UE (cf. ci-dessous 5.6).

B. Les accords internationaux

70 La législation suisse a été adoptée non seulement dans le but de contribuer à la réalisation du

marché intérieur suisse mais aussi afin de respecter les engagements pris par la Suisse dans

des traités internationaux et faciliter ainsi l'accès au marché helvétique.

71 Ces traités ou accords sont :

- la Convention de l'AELE de 1960 (RS 0.632.31);

- l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401);

- l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce (RO 1995,

p. 2252 ss).

(A noter qu'en 1988 déjà, les pays membres de l'AELE ont passé une convention sur la

reconnaissance mutuelle des résultats d'essais et des preuves de conformité).

- l'Accord bilatéral de 2002 entre la Suisse et l'Union européenne sur les obstacles

techniques.

2.2.2 Les marchés publics

A. Principes

72 L'importance économique des "marchés publics" n'est plus à démontrer. Le risque est grand

que l'autorité adjudicatrice, en l'absence de règles à suivre, n'accorde le "marché" à une

entreprise qui n'offre pas la meilleure offre possible pour l'adjudicateur. C'est afin d'éviter des

distorsions dans le processus d'adjudication que des règles de procédure ont été adoptées :

- publication de l'appel d'offres

- critères de choix

- annonce de la décision d'adjudication.

73 Ces règles élargissent considérablement le cercle des offreurs potentiels et donc améliore le

fonctionnement de la concurrence. D'un autre côté, la procédure est parfois compliquée, ce

qui engendre des coûts, et peut être longue (recours !).

74 Il importe de définir le champ d'application de ces règles. Dans chaque situation concrète, il

faut examiner les points suivants:

- Qui est l’adjudicateur du contrat ? Quelles sont les entités considérées comme des

«pouvoirs publics» ?

- Quel est l’objet du contrat ? S’agit-il de la construction d’un immeuble ? S’agit-il d’une

prestation de service ?

- Quelle est la valeur du contrat ? Comment se calcule la valeur du contrat ?

75 Les réponses à ces questions diront si la procédure prévue par la législation sur les marchés

publics doit être suivie, et le cas échéant, laquelle.

20

B. OMC

76 Des valeurs plancher ont été définies dans l'Accord de l'OMC sur les marchés publics (à noter

que cet accord - Annexe 4 de l'Accord de Marrakech - n'a pas été signé par tous les pays

membres de l'OMC mais par 24 Etats membres).

77 L'accord ne s'applique qu'aux marchés dont la valeur est supérieure à :

- pour les constructions : 9,575 millions de francs (5 millions DTS);

- pour les biens et services :

-- administration fédérale : fr. 263'000.-

-- Poste ou CFF : fr. 806'000.-

-- Swisscom : fr. 1'209'000.-.

2.2.3 Relations Suisse - Union européenne

78 Les marchés publics font l'objet de l'un des sept accords bilatéraux signés entre la Suisse et

l'Union européenne (cf. 4.5.1). Les valeurs plancher sont les mêmes que celles de l'accord

OMC.

2.2.4 Relations intercantonales

79 Les pouvoirs publics cantonaux et communaux sont tenus par les engagements des accords

OMC et de l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne.

80 Les cantons ont fixé des seuils inférieurs dans l'Accord intercantonal sur les marchés publics

(AIMP).

2.3. EXERCICE

Le 15 juillet 2011, l'organe d'appel de l'OMC a rendu son rapport dans la

procédure opposant l'UE et la Chine au sujet de mesures antidumping

appliquées par l'UE à l'encontre d'exportations chinoises d'éléments de

fixation en fer et en acier.

Des milliers d'entreprises chinoises, pour la plupart des petites et

moyennes entreprises se plaignent d'être affectées par des mesures

antidumping de l'UE. Afin que les mesures antidumping ne soient pas

appliquées n'importe comment, l'UE a fixé les conditions et la procédure

d'adoption de ces mesures dans un Règlement antidumping. En l'espèce,

les mesures ont été adoptées en application de l'art. 9 al. 5 dudit

Règlement (CE) n° 384/96 du Conseil du 22.12.1995.

Dans la procédure devant l'Organe d'appel, les parties étaient d'une part

l'UE, de l'autre, la Chine; 11 pays étaient des participants tiers.

21

Extraits du rapport

ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

ORGANE D'APPEL

Communautés européennes1 Ŕ Mesures

antidumping définitives visant certains éléments de

fixation en fer ou en acier en provenance de Chine

Union européenne, appelant/intimé

Chine, intimé/autre appelant

Brésil, participant tiers

Canada, participant tiers

Chili, participant tiers

Colombie, participant tiers

États-Unis, participant tiers

Inde, participant tiers

Japon, participant tiers

Norvège, participant tiers

Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen

et Matsu, participant tiers

Thaïlande, participant tiers

Turquie, participant tiers

AB-2011-2

Présents:

Oshima, Président de la section

Hillman, membre

Unterhalter, membre

(i) Introduction

1. L'Union européenne et la Chine font toutes deux appel de certaines questions de droit et

interprétations du droit figurant dans le rapport du Groupe spécial Communautés européennes –

Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en

1 Le présent différend a commencé avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne modifiant le

Traité sur l'Union européenne et du Traité instituant la Communauté européenne (fait à Lisbonne le

13 décembre 2007) le 1er

décembre 2009. Le 29 novembre 2009, l'Organisation mondiale du commerce a

reçu une note verbale (WT/L/779) du Conseil de l'Union européenne et de la Commission des Communautés

européennes indiquant que, en vertu du Traité de Lisbonne, à compter du 1er

décembre 2009, l'"Union

européenne" se substitue et succède à la "Communauté européenne". Le 13 juillet 2010, l'Organisation

mondiale du commerce a reçu une deuxième note verbale (WT/Let/679) du Conseil de l'Union européenne

confirmant que, avec effet à compter du 1er

décembre 2009, l'Union européenne a remplacé la Communauté

européenne et a assumé tous les droits et obligations de la Communauté européenne en ce qui concerne tous

les Accords dont le Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce est le dépositaire et auxquels

la Communauté européenne participe en tant que signataire ou partie contractante. Nous comprenons la

référence à la "Communauté européenne" figurant dans les notes verbales comme une référence aux

"Communautés européennes". L'Union européenne a demandé au Groupe spécial de remplacer le nom

"Communautés européennes" par "Union européenne" dans le titre de l'affaire, mais le Groupe spécial a

décidé de ne pas procéder à cette modification parce que les demandes de consultations et d'établissement

d'un groupe spécial avaient toutes les deux été présentées par la Chine avant le 1er

décembre 2009 et faisaient

référence aux Communautés européennes, tout comme la décision de l'ORD portant établissement du Groupe

spécial. Toutefois, toutes les communications des parties ont été présentées au Groupe spécial après cette

date et font référence à l'Union européenne et le Groupe spécial a formulé ses constatations en se référant à

l'Union européenne. (Rapport du Groupe spécial, paragraphes 6.4 et 6.5) Dans le présent rapport, nous nous

référons aussi à l'Union européenne.

22

provenance de Chine (le "rapport du Groupe spécial").2 Le Groupe spécial a été établi le

23 octobre 2009 pour examiner une plainte de la Chine concernant la compatibilité "en tant que

tel" de l'article 9 5) du Règlement (CE) n° 384/96 du Conseil du 22 décembre 1995 relatif à la

défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la

Communauté européenne, tel qu'il a été modifié3, avec l'Accord sur la mise en œuvre de l'article VI

de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (l'"Accord antidumping"),

l'"Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (le "GATT de 1994") et

l'"Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (l'"Accord sur l'OMC"),

et la compatibilité de cette mesure, "telle qu'appliquée" dans l'enquête sur les éléments de fixation,

avec l'Accord antidumping; et la compatibilité du Règlement (CE) n° 91/2009 du Conseil du

26 janvier 2009 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments

de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (le "Règlement

définitif")4 avec l'Accord antidumping. Le Règlement (CE) n° 384/96 du Conseil a ensuite été

abrogé et remplacé par le Règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil du 30 novembre 2009 et les

communications de la Chine au Groupe spécial portaient sur ce dernier Règlement (le "Règlement

antidumping de base").5

2. Devant le Groupe spécial, la Chine contestait la compatibilité de l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base, "en tant que tel", avec les articles 6.10, 9.2, 9.3, 9.4 et 18.4 de

l'Accord antidumping, des articles I:1 et X:3 a) du GATT de 1994 et de l'article XVI:4 de l'Accord

sur l'OMC, parce qu'il exigeait des exportateurs de pays à économie autre que de marché qu'ils

satisfassent à certains critères pour pouvoir bénéficier de marges de dumping individuelles et de

taux de droits individuels. La Chine contestait aussi l'article 9 5) du Règlement antidumping de

base, "tel qu'appliqué" dans l'enquête sur les éléments de fixation, au titre des articles 6.10, 9.2 et

9.4 de l'Accord antidumping. En outre, la Chine contestait divers aspects de fond et aspects

procéduraux du Règlement définitif, imposant des droits antidumping dans l'enquête sur les

éléments de fixation, au titre des articles 2, 3, 4, 5, 6 et 12 de l'Accord antidumping. Ces aspects

comprenaient les déterminations de la Commission concernant la représentativité, la définition de

la branche de production nationale, le produit considéré, l'existence d'un dumping et la

sous-cotation du prix, le volume et l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping et,

enfin, le lien de causalité. S'agissant de la procédure, les contestations formulées par la Chine

2 WT/DS397/R, 3 décembre 2010.

3 Journal officiel des Communautés européennes, série L, n° 56 (6 mars 1996) 2 (pièce CHN-1

présentée au Groupe spécial). 4 Journal officiel de l'Union européenne, série L, n° 29 (31 janvier 2009) 1 (pièce CHN-4 présentée

au Groupe spécial). 5 Journal officiel de l'Union européenne, série L, n° 343 (22 décembre 2009) 51, et rectificatif,

Journal officiel de l'Union européenne, série L, n° 7 (12 janvier 2010) 23 (pièce CHN-3 présentée au Groupe

spécial).

23

portaient sur la divulgation, par la Commission, de renseignements pertinents pour l'enquête, le

traitement des renseignements confidentiels et les aspects procéduraux des allégations concernant

le traitement individuel.

3. Le rapport du Groupe spécial a été distribué aux Membres de l'Organisation mondiale du

commerce (l'"OMC") le 3 décembre 2010. Pour les raisons exposées dans son rapport, le Groupe

spécial a formulé les constatations ci-après.

Le Groupe spécial a constaté que les allégations suivantes ne relevaient pas de son mandat:

b) l'allégation au titre de l'article 2.6 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la définition

du produit similaire;

c) l'allégation au titre de l'article 6.9 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la

non-divulgation alléguée de certains aspects de la détermination de la valeur normale; et

d) l'allégation au titre de l'article 6.9 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les aspects

procéduraux de la définition de la branche de production nationale.

Le Groupe spécial a constaté que l'Union européenne avait agi d'une manière incompatible avec:

a) les articles 6.10, 9.2 et 18.4 de l'Accord antidumping, l'article I:1 du GATT de 1994 et

l'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC en ce qui concerne l'article 9 5) du Règlement

antidumping de base;

b) les articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les déterminations

relatives au traitement individuel dans l'enquête sur les éléments de fixation;

c) l'article 3.1 et 3.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le volume des importations

faisant l'objet d'un dumping examiné dans l'enquête sur les éléments de fixation;

d) l'article 3.1 et 3.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne l'analyse du lien de causalité

dans l'enquête sur les éléments de fixation;

e) l'article 6.4 et 6.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne certains aspects de la

détermination de la valeur normale;

f) l'article 6.5.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les versions non confidentielles

des réponses au questionnaire de deux producteurs européens et l'article 6.5 de l'Accord

antidumping en ce qui concerne le traitement confidentiel des renseignements figurant

dans la réponse au questionnaire du producteur indien;

g) l'article 6.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le traitement confidentiel des

données d'Eurostat sur la production totale d'éléments de fixation de l'UE; et

h) l'article 6.5 de l'Accord antidumping du fait qu'elle a divulgué des renseignements

confidentiels.

Le Groupe spécial a constaté que la Chine n'avait pas établi que l'Union européenne avait agi d'une

manière incompatible avec:

24

a) l'article 5.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la détermination de la

représentativité dans l'enquête sur les éléments de fixation;

b) les articles 4.1 et 3.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la définition de la

branche de production nationale dans l'enquête sur les éléments de fixation;

c) l'article 2.1 et 2.6 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le produit considéré dans

l'enquête sur les éléments de fixation;

d) l'article 2.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la détermination de l'existence

d'un dumping dans l'enquête sur les éléments de fixation;

e) l'article 3.1 et 3.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la détermination de la

sous-cotation du prix dans l'enquête sur les éléments de fixation;

f) l'article 3.1, 3.2, 3.4 et 3.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le fait d'avoir

considéré les importations en provenance des producteurs et exportateurs non inclus dans

l'échantillon/non examinés comme faisant l'objet d'un dumping dans l'enquête sur les

éléments de fixation;

g) l'article 3.1 et 3.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne l'examen de l'incidence des

importations faisant l'objet d'un dumping sur la branche de production nationale;

h) l'article 6.5, 6.4 et 6.2 de l'Accord antidumping relativement à la non-divulgation de

l'identité des plaignants et de ceux qui soutenaient la plainte;

i) l'article 6.2 et 6.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le traitement confidentiel

des données d'Eurostat sur la production totale d'éléments de fixation de l'UE;

j) l'article 6.2 et 6.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les aspects procéduraux de

la définition de la branche de production nationale; et

k) l'article 6.1.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le délai accordé pour répondre

aux demandes de renseignements.

Le Groupe spécial a appliqué le principe d'économie jurisprudentielle pour ce qui concerne les

allégations de la Chine au titre de:

a) l'article 9.3 et 9.4 de l'Accord antidumping et de l'article X:3 a) du GATT de 1994 en ce

qui concerne l'article 9 5) du Règlement antidumping de base;

b) l'article 9.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les déterminations relatives au

traitement individuel dans l'enquête sur les éléments de fixation;

c) l'article 3.4 et 3.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le volume des importations

faisant l'objet d'un dumping examiné dans l'enquête sur les éléments de fixation;

d) l'article 6.5.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la réponse au questionnaire du

producteur indien;

e) l'article 6.2 et 6.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les versions non

confidentielles des réponses au questionnaire de deux producteurs européens et le

traitement confidentiel des renseignements figurant dans la réponse au questionnaire du

producteur indien; et

25

f) l'article 12.2.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les aspects procéduraux des

déterminations relatives au traitement individuel.

4. Le 25 mars 2011, l'Union européenne a notifié à l'Organe de règlement des différends

(l'"ORD") son intention de faire appel de certaines questions de droit couvertes par le rapport du

Groupe spécial et de certaines interprétations du droit données par celui-ci, conformément aux

articles 16:4 et 17 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement

des différends (le "Mémorandum d'accord") et a déposé une déclaration d'appel6 ainsi qu'une

communication en tant qu'appelant conformément aux règles 20 et 21, respectivement, des

Procédures de travail pour l'examen en appel (les "Procédures de travail").7

5. Le 30 mars 2011, la Chine a notifié à l'ORD son intention de faire appel de certaines

questions de droit couvertes par le rapport du Groupe spécial et de certaines interprétations du droit

données par celui-ci, conformément aux articles 16:4 et 17 du Mémorandum d'accord et a déposé

une déclaration d'un autre appel8 ainsi qu'une communication en tant qu'autre appelant

conformément à la règle 23 1) et à la règle 23 3), respectivement, des Procédures de travail. Le

12 avril 2011, l'Union européenne et la Chine ont chacune déposé une communication en tant

qu'intimé.9 Le 15 avril 2011, le Brésil, la Colombie, les États-Unis et le Japon ont chacun déposé

une communication en tant que participant tiers.10

Le même jour, le Canada, le Chili, l'Inde, la

Norvège, le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu et la Thaïlande ont

chacun notifié leur intention de comparaître à l'audience en tant que participant tiers.11

Le

18 avril 2011, la Turquie a notifié son intention de comparaître à l'audience en tant que participant

tiers.12

……..

387. Par conséquent, en ce qui concerne l'article I:1 du GATT de 1994, le Groupe spécial a

conclu ce qui suit:

[I]l est clair que l'application de l'article 9 5) se traduira, dans

certaines situations, par un traitement différent pour le même

produit provenant de Membres de l'OMC différents dans les

enquêtes antidumping effectuées par l'Union européenne. Nous

6 WT/DS397/7 (jointe en tant qu'annexe 1 au présent rapport).

7 WT/AB/WP/6, 16 août 2010.

8 WT/DS397/8 (jointe en tant qu'annexe II au présent rapport).

9 Conformément aux règles 22 et 23 4) des Procédures de travail.

10 Conformément à la règle 24 1) des Procédures de travail.

11 Conformément à la règle 24 2) des Procédures de travail.

12 Conformément à la règle 24 4) des Procédures de travail.

26

estimons donc que l'article 9 5) contrevient à l'obligation NPF

énoncée à l'article I:1 du GATT de 1994.13

388. L'Union européenne allègue que le Groupe spécial a fait erreur dans l'interprétation et

l'application de l'article I:1 du GATT de 1994, et a agi d'une manière incompatible avec l'article 11

du Mémorandum d'accord, lorsqu'il a constaté que l'article 9 5) du Règlement antidumping de base

était incompatible avec l'obligation NPF énoncée à l'article I:1 du GATT de 1994. Elle soutient

que l'avantage allégué accordé aux pays à économie de marché était fondé sur la nature des

fournisseurs considérés, et non sur le produit lui-même, et que cela veut dire qu'il n'y a pas, dans la

présente affaire, de discrimination entre produits similaires provenant de pays différents.14

L'Union européenne fait valoir qu'elle est en droit d'accorder un traitement différent aux

importations en provenance de pays à économie de marché et de NME parce que ces importations

sont différentes par nature. Elle ajoute que les termes "sans condition" figurant à l'article I:1

n'empêchent pas de soumettre l'octroi d'un avantage à certaines conditions dans la mesure où cela

n'entraîne pas une discrimination de facto.15

389. La Chine répond que le Groupe spécial a constaté à juste titre que l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base était incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994, parce que

le traitement différent que l'Union européenne accorde dans ses enquêtes antidumping aux

importations provenant de NME et de pays à économie de marché Membres de l'OMC "ne peut pas

se justifier au motif que l'origine du produit reflète en quelque sorte une différence de nature".16

La

Chine estime en outre que le Groupe spécial n'a pas manqué à son obligation de se conformer à

l'article 11 du Mémorandum d'accord et qu'il n'a pas fait erreur en constatant que l'Accord

antidumping n'autorisait pas le traitement spécifique différent des importations provenant de NME

qui est prévu à l'article 9 5) du Règlement antidumping de base.

390. L'article I:1 du GATT de 1994 exige ce qui suit:

Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un

Membre à un produit originaire ou à destination de tout autre pays

seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit

similaire originaire ou à destination du territoire de tous les autres

Membres. Cette disposition concerne les droits de douane et les

impositions de toute nature perçus à l'importation ou à

l'exportation ou à l'occasion de l'importation ou de l'exportation,

ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds

effectués en règlement des importations ou des exportations, le

13

Rapport du Groupe spécial, paragraphe 7.124. 14

Communication de l'Union européenne en tant qu'appelant, paragraphe 213. 15

Communication de l'Union européenne en tant qu'appelant, paragraphe 212. 16

Communication de la Chine en tant qu'intimé, paragraphe 330.

27

mode de perception de ces droits et impositions, l'ensemble de la

réglementation et des formalités afférentes aux importations ou

aux exportations ainsi que toutes les questions qui font l'objet des

paragraphes 2 et 4 de l'article III.

391. L'article VI:2 du GATT de 1994 dispose ce qui suit:

En vue de neutraliser ou d'empêcher le dumping, tout Membre

pourra percevoir sur tout produit faisant l'objet d'un dumping un

droit antidumping dont le montant ne sera pas supérieur à la marge

de dumping afférente à ce produit. Aux fins d'application du

présent article, il faut entendre par marge de dumping la différence

de prix déterminée conformément aux dispositions du paragraphe

premier.

392. Nous observons que l'article VI du GATT de 1994 permet l'imposition de droits

antidumping, ce qui pourrait autrement être incompatible avec d'autres dispositions du GATT de

1994, telles que l'article I:1.17

Par conséquent, nous sommes d'avis qu'une question préliminaire à

examiner avant de déterminer si un droit antidumping a été imposé d'une manière incompatible

avec l'article I:1 du GATT de 1994 est celle de savoir s'il a été imposé d'une manière compatible

avec l'article VI du GATT de 1994.

393. Dans l'affaire Brésil – Noix de coco desséchée, l'Organe d'appel a confirmé la constatation

du Groupe spécial selon laquelle l'applicabilité de l'article VI du GATT de 1994 à une enquête en

matière de droits compensateurs déterminait également l'applicabilité des articles Ier et II du GATT

de 1994. Le Groupe spécial avait constaté que l'article VI du GATT de 1994 ne s'appliquait pas à

une mesure en matière de droits compensateurs qui résultait d'une enquête ouverte avant le 1er

janvier 1995. Il avait en outre constaté que si l'article VI du GATT de 1994 ne constituait pas

l'instrument juridique applicable, les allégations au titre des articles Ier

et II, qui découlaient

d'allégations d'incompatibilité avec ledit article VI, ne pouvaient pas être retenues.18

394. L'article 9 5) du Règlement antidumping de base régit les conditions dans lesquelles un

droit antidumping doit être imposé par l'Union européenne. Cependant, dans sa demande

d'établissement d'un groupe spécial, la Chine n'a pas formulé d'allégation au titre de l'article VI du

GATT de 1994 en ce qui concerne l'article 9 5) du Règlement antidumping de base. La question

17

Cette relation est aussi reflétée à l'article II:2 b) du GATT de 1994, qui dispose ce qui suit:

Aucune disposition du présent article n'empêchera un Membre de

percevoir à tout moment, à l'importation d'un produit:

b) un droit antidumping ou un droit compensateur en

conformité de l'article VI. 18

Rapport de l'Organe d'appel Brésil – Noix de coco desséchée, page 24; rapport du Groupe

spécial, Brésil – Noix de coco desséchée, paragraphes 280 et 281.

28

de savoir si l'article 9 5) du Règlement antidumping de base est appliqué d'une manière compatible

avec les dispositions de l'article VI du GATT de 1994 n'a donc pas été soulevée devant le Groupe

spécial et n'est pas contestée devant nous. Cela a des implications importantes pour la question de

savoir si l'article 9 5) du Règlement antidumping de base est incompatible avec l'article I:1 du

GATT de 1994.

395. Cependant, le Groupe spécial a constaté que l'article 9 5) du Règlement antidumping de

base était incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994, sans examiner la question préliminaire

se posant en l'espèce, qui consiste à savoir s'il était compatible avec l'article VI du GATT de 1994.

Le Groupe spécial n'a pas traité des implications de l'absence d'allégation au titre de l'article VI du

GATT de 1994 pour une allégation formulée au titre de l'article I:1 du GATT de 1994. Il n'a pas

non plus examiné la relation entre l'article VI du GATT de 1994 et les dispositions de l'Accord

antidumping, qui, aux termes de l'article premier de l'Accord antidumping, "régissent l'application

de l'article VI du GATT de 1994".19

Par conséquent, nous considérons qu'il manque à la

constatation formulée par le Groupe spécial au titre de l'article I:1 du GATT de 1994 une étape

essentielle dans le déroulement de l'analyse juridique, à savoir la détermination de la question de

savoir si et dans quelles circonstances une mesure antidumping qui est incompatible avec l'Accord

antidumping peut être examinée au titre de l'article I:1 du GATT de 1994, sans qu'il y ait examen

au titre de l'article VI du GATT de 1994.

396. Comme nous l'avons expliqué plus haut, la Chine n'a pas allégué devant le Groupe spécial

que l'article 9 5) du Règlement antidumping de base était incompatible avec l'article VI du GATT

de 1994 et, en l'espèce, les parties n'ont pas non plus avancé d'arguments relatifs à la relation entre

les dispositions de l'Accord antidumping et celles des articles VI et Ier du GATT de 1994. Par

conséquent, nous ne considérons pas qu'il soit approprié que nous examinions plus avant les

implications de l'absence d'allégation au titre de l'article VI du GATT de 1994 pour une allégation

au titre de l'article I:1 du GATT de 1994.

397. En outre, nous avons déjà confirmé les constatations du Groupe spécial selon lesquelles

l'article 9 5) du Règlement antidumping de base était incompatible "en tant que tel" avec les

19

L'article premier de l'Accord antidumping dispose ce qui suit: "[l]es dispositions qui suivent

régissent l'application de l'article VI du GATT de 1994 pour autant que des mesures soient prises dans le

cadre d'une législation ou d'une réglementation antidumping". (pas d'italique dans l'original) Nous notons

aussi que l'article 18.1 de l'Accord antidumping dispose qu'il ne pourra être pris aucune mesure particulière

contre le dumping "si ce n'est conformément aux dispositions du GATT de 1994, tel qu'il est interprété par le

présent accord". Le Groupe spécial n'a pas analysé les implications des termes "application" figurant à

l'article premier et "tel qu'il est interprété" figurant à l'article 18 de l'Accord antidumping pour ce qui est de la

relation entre les obligations énoncées dans l'Accord antidumping et aux articles VI et Ier

du GATT de 1994.

29

articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping et nous estimons qu'une décision au titre de l'article I:1

du GATT de 1994 n'est pas nécessaire pour régler le présent différend.

398. Par conséquent, pour les raisons exposées plus haut, nous nous abstenons de nous

prononcer sur la constatation du Groupe spécial selon laquelle l'article 9 5) du Règlement

antidumping de base est incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994 et déclarons que cette

constatation est sans pertinence et sans effet juridique. Nous ne jugeons pas nécessaire d'examiner

l'allégation de l'Union européenne selon laquelle le Groupe spécial a agi d'une manière

incompatible avec l'article 11 du Mémorandum d'accord, étant donné que nous avons déclaré que

la constatation du Groupe spécial selon laquelle l'article 9 5) du Règlement antidumping de base

était incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994 était sans pertinence et sans effet juridique.

G. Article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC et article 18.4 de l'Accord antidumping

399. L'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC exige que les Membres de l'OMC assurent la

conformité de leurs lois, réglementations et dispositions administratives avec les dispositions des

accords visés. L'article 18.4 de l'Accord antidumping exige que chaque Membre prenne toutes les

mesures nécessaires pour assurer la conformité de ses lois, réglementations et procédures

administratives avec les dispositions de l'Accord antidumping. Après avoir conclu que l'article 9 5)

du Règlement antidumping de base était incompatible avec les articles 6.10 et 9.2 de l'Accord

antidumping "en tant que tel", le Groupe spécial a aussi constaté ce qui suit:

[L']Union européenne a agi d'une manière incompatible avec

l'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC et l'article 18.4 de l'[Accord

antidumping] en n'assurant pas la conformité de ses lois, réglementations

et procédures administratives avec ses obligations au titre des accords

pertinents.20

…..

623. Par conséquent, sur la base du contenu du formulaire de demande de traitement MET/IT et

du but dans lequel il est utilisé, nous constatons que ce formulaire n'est pas une demande de

renseignements sollicitant, de la part des exportateurs et producteurs chinois, une grande quantité

de renseignements sur lesquels la Commission fonderait ses déterminations concernant les aspects

essentiels d'une enquête antidumping.21

Nous confirmons donc la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.579 de son rapport, selon laquelle le formulaire de demande de

traitement MET/IT n'est pas un "questionnaire" au sens de l'article 6.1.1 de l'Accord antidumping,

et selon laquelle, par conséquent, l'Union européenne n'a pas agi d'une manière incompatible avec

20

Rapport du Groupe spécial, paragraphe 7.137. 21

Rapport du Groupe spécial, paragraphe 7.577.

30

ses obligations au titre de l'article 6.1.1 en ne ménageant pas aux exportateurs chinois un délai de

30 jours pour présenter leurs réponses.

X. Constatations et conclusion

624. Pour les raisons exposées dans le présent rapport, l'Organe d'appel:

a) en ce qui concerne l'article 9 5) du Règlement antidumping de base22

:

(i) confirme la constatation formulée par le Groupe spécial au paragraphe 7.77 de son

rapport, selon laquelle l'article 9 5) du Règlement antidumping de base concerne

non seulement l'imposition de droits antidumping mais aussi le calcul des marges

de dumping, et selon laquelle il pourrait être contesté "en tant que tel" au titre de

l'article 6.10 de l'Accord antidumping, qui traite du calcul des marges de dumping

pour chaque exportateur ou producteur;

(ii) confirme, bien que pour des raisons différentes, la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.98 de son rapport, selon laquelle l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base est incompatible "en tant que tel" avec l'article

6.10 de l'Accord antidumping parce qu'il subordonne la détermination de marges

de dumping individuelles pour les producteurs ou exportateurs NME au respect des

critères IT;

(iii) confirme, bien que pour des raisons différentes, la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.112 de son rapport, selon laquelle l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base est incompatible "en tant que tel" avec l'article 9.2

de l'Accord antidumping parce qu'il subordonne l'imposition de droits individuels

aux producteurs ou exportateurs NME au respect des critères IT;

(iv) constate que, en formulant les constatations selon lesquelles l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base était incompatible "en tant que tel" avec les

articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping, le Groupe spécial n'a pas agi d'une

manière incompatible avec l'article 11 du Mémorandum d'accord;

(v) déclare sans pertinence et sans effet juridique la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.127 de son rapport23

, selon laquelle l'article 9 5) du

22

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 a). 23

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 a).

31

Règlement antidumping de base est incompatible avec l'obligation NPF énoncée à

l'article I:1 du GATT de 1994;

(vi) confirme la constatation formulée par le Groupe spécial au paragraphe 7.137 de

son rapport24

, selon laquelle l'Union européenne a agi d'une manière incompatible

avec l'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC et avec l'article 18.4 de l'Accord

antidumping en n'assurant pas la conformité de ses lois, réglementations et

procédures administratives avec ses obligations au titre des accords pertinents;

(vii) confirme la constatation formulée par le Groupe spécial au paragraphe 7.148 de

son rapport25

, selon laquelle l'article 9 5) du Règlement antidumping de base est

incompatible avec les articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping "tel qu'appliqué"

dans l'enquête sur les éléments de fixation.

b) en ce qui concerne les constatations formulées par le Groupe spécial au titre des

articles 4.1 et 3.1 de l'Accord antidumping26

:

i) constate que le Groupe spécial a fait erreur en constatant, au

paragraphe 7.230 de son rapport, que "l'Union européenne n'a[vait] pas agi

d'une manière incompatible avec l'article 4.1 de l'[Accord antidumping] en

définissant une branche de production nationale comprenant des

producteurs représentant 27 pour cent de la production totale estimée

d'éléments de fixation de l'UE" sur la base du fait que les productions

additionnées de ces producteurs représentaient "une proportion majeure"

de la production nationale totale;

ii) constate que le Groupe spécial n'a pas fait erreur en constatant, au

paragraphe 7.241 de son rapport, que la Chine n'avait pas établi que

l'Union européenne avait agi d'une manière incompatible avec l'article 3.1

de l'Accord antidumping lors du choix de l'échantillon de la branche de

production nationale aux fins de la détermination de l'existence d'un

dommage; et

iii) constate que le Groupe spécial n'a pas fait erreur dans son interprétation ou

son application des articles 4.1 et 3.1 de l'Accord antidumping, ni n'a agi

24

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 a). 25

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 b). 26

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.3 b).

32

d'une manière incompatible avec l'article 11 du Mémorandum d'accord et

avec l'article 17.6 de l'Accord antidumping, en constatant, au

paragraphe 7.219 de son rapport, que "le simple fait que la branche de

production nationale telle qu'elle [avait] été définie en définitive

n'inclu[ait] aucune proportion particulière de producteurs exprimant des

vues différentes au sujet de la plainte ou de producteurs qui ne [s'étaient]

pas manifestés dans le délai de 15 jours ne démontr[ait] pas que l'Union

européenne [avait] agi d'une manière incompatible avec l'article 4.1 de

l'[Accord antidumping] pour définir la branche de production nationale"

ou qu'elle avait agi d'une manière incompatible avec l'article 3.1 de cet

accord.

…..

Questions

1. Qui subit une atteinte justifiant l'introduction de la procédure ?

2. Qui sont les parties à la procédure ?

3. Identifier les différentes instances de la procédure.

4. Quelles dispositions juridiques ont-elles été violées ?

5. Comment les décisions de l'Organe d'appel sont-elles exécutées ?

* * * * *

33

§ 3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

Textes législatifs : art. 94-97, 100-103, Cst. féd. (RS 101); art 6 CC ; Loi fédérale

du 06.10. 1995 sur les cartels (LCart) (RS 251) ; Loi fédérale du 19 décembre

1986 contre la concurrence déloyale (LCD) (RS 241).

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,

Concurrence, Bâle 2002, 1 ss; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché,

Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; M. HERDEGEN,

Internationales Wirtschaftsrecht, 6e éd., Munich 2007 ; R. RHINOW / G. SCHMID /

G. BIAGGINI, Oeffentliches Wirtschaftsrecht, Bâle 1998.

3.1 L’INTERVENTION ETATIQUE

81 De tout temps, l’Etat a règlementé l’activité économique. C’est la

problématique de l’étendue de la liberté économique – garantie par la

Constitution fédérale – et de l’intérêt public justifiant les limites apportées

à son exercice. A juste titre, les entrepreneurs ont lutté pour réduire l’inter-

vention de l'Etat et obtenir une plus grande marge de manœuvre. Tout en

réduisant l’appareil législatif et règlementaire visant l’activité économique

de l’entrepreneur, l’Etat s’est préoccupé du fonctionnement du marché lui-

même.

82 Bien avant les dernières crises financières et économiques de 2007/2008,

la réglementation de l'économie a fait l'objet de multiples discussions :

- Tout en demandant une réduction des mesures restrictives inutiles ("red

tape"), les juristes et les économistes s'efforçaient de se mettre d'accord

sur une nouvelle réglementation (cf. par exemple en 2004, J.-B.

Zufferey, (Dé-, re-, sur-, auto-, co-, inter-) réglementation en matière

bancaire et financière, thèses pour un état des lieux en droit suisse,

Rapport à la société des juristes, in RDS 2004/II, p. 479 ss). On assiste

alors à une intensification de la réglementation.

- Dans le même temps, apparaissent des règles non-impératives (SOFT

LAW) mais dont l'application est "recommandée" si l'on veut faire

partie du système ("normes" comptables internationales, règles de

bonne gouvernance).

- De plus, les règles suivies en Suisse sont parfois reprises quasi-

intégralement de règles étrangères (p. ex. du droit européen); d'où une

globalisation de la réglementation.

34

3.2 LES DIVERS TYPES D’INTERVENTION

83 L’Etat peut intervenir de diverses manières et dans divers domaines. Il

peut :

- fixer des règles quant au contenu de certains contrats (cf. 3.2.1) ;

- fixer des règles générales d'organisation de l'entreprise (cf. 3.2.2) ;

- fixer des règles générales quant au fonctionnement du marché (cf.

3.2.3);

- fixer des règles quant au fonctionnement de certains marchés

particuliers (cf. 3.2.4).

3.2.1 La réglementation des relations contractuelles

84 Notre système économique repose sur le postulat de la liberté individuelle

et de l’autonomie de la volonté.

85 Cependant, le Code des obligations contient déjà, à l’art. 21 CO, une règle

qui protège la partie qui, en raison de sa gêne, de sa légèreté ou de son

inexpérience aurait signé un contrat dont les prestations sont

disproportionnées. Mais il s'agit d'une disposition très générale et qui n'est

guère plus appliquée.

86 Dans des domaines particuliers de la vie économique, le législateur a

adopté des règles spéciales protégeant la partie qui, en raison des dis-

fonctionnements du marché, n’est pas en position de négocier le contrat

dans des conditions usuelles :

A. Contrat de bail (art. 253 à 274 g CO, bail à loyer)

87 Depuis plus de quarante ans, le législateur suisse a adopté des règles

particulières concernant la fixation du loyer ou la résiliation du contrat.

En effet, en raison de l'exiguïté du territoire et de la demande croissante de

logements, le marché du logement est en Suisse en constant déséquilibre

(l'offre est inférieure à la demande). Par exemple :

- le Chapitre II (art. 269 ss CO) est intitulé : « Protection contre les loyers

abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur en matière de baux

d’habitation et de loyers commerciaux » ;

- le Chapitre III (art. 271 ss CO) est intitulé : « Protection contre les

congés concernant les baux d’habitations et de locaux commerciaux ».

B. Droit de la consommation

35

88 Alors que les consommateurs représentent une partie essentielle du

marché, le législateur (du moins en Suisse) s’y est peu intéressé. Pourtant,

il est nécessaire de traiter certains aspects tels que :

- L’information du consommateur : c’est la question d’une part des

conditions générales et, d’autre part, de l’étiquetage des produits.

- La formation du contrat : en 1990, le législateur a adopté les art. 40a

à 40f CO sur le droit de révoquer certains contrats (RO 1991 846).

- Le crédit à la consommation : en 2001, le législateur a adopté la loi

fédérale sur le crédit à la consommation.

- La sécurité des produits : la réglementation suisse était disséminée

dans les différents domaines du droit; depuis 1993, la loi sur la

responsabilité du fait du produit élargit les possibilités d'actions en

justice pour celui qui subit un dommage en raison de la défectuosité

du produit. La LF du 12.6.2009 sur la sécurité des produits a introduit

des normes techniques pour les équipements de protection

individuelle (équipements d'alpinisme et d'escalade, lunettes-masques

de motocyclistes et cyclomoteurs, gilets de sauvetage; cf. RS 930.11

et 930.111). Il s'agit à ce propos de normes européennes harmonisées

qui ont été édictées par le Comité européen de normalisation (CEN),

sur l'ordre de la Commission européenne et de l'Association

européenne de libre échange (AELE).

C. Le contrat d’assurance

89 Cette branche économique est régie, dans ses relations avec ses

clients, par la loi fédérale sur le contrat d’assurance (RS 221.229.1).

3.2.2 La réglementation de l'entreprise

A. Organisation et fonctionnement de la société

90 Le Code des obligations a été modifié dans le but de faciliter la

constitution d'une société à responsabilité limitée et le transfert des parts.

Dans certaines conditions, le ou les associés peuvent renoncer à

l'établissement d'un rapport annuel de l'organe de révision. Cette dernière

possibilité est aussi, à certaines conditions (peu d'employés, faible chiffre

d'affaires), accordée à la société anonyme.

B. Contrat de travail (art. 319 à 362 CO)

36

91 Dans ce contrat, le législateur a imposé des règles auxquelles il ne peut

être dérogé au détriment du travailleur (la liste en est donnée à l’art. 362

CO), et d’autres auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment du

travailleur, ni au détriment de l’employeur (cf. la liste de l’art. 361 CO).

92 Le Code des obligations réglemente aussi les conventions collectives de

travail qui sont, soit adoptées par les partenaires sociaux (représentants des

employés et des employeurs), soit imposées par les autorités compétentes.

3.2.3 La réglementation du marché en général

A. La concurrence déloyale

a) Droit suisse

93 Le législateur suisse s’est d’abord préoccupé de la manière d’exercer la

concurrence avant même de se préoccuper que le marché existe et que

la concurrence y fonctionne. La première loi suisse sur la concurrence

déloyale (LCD) a été adoptée en 1943, soit vingt et un ans avant la

première loi sur les cartels (LCart.). Dans un premier temps, en effet, le

législateur veillait d'abord à la protection des concurrents contre des

comportements déloyaux de tiers. L'entreprise exclue de la concurrence

par un boycott, par exemple, devait invoquer l'art. 28 CC (protection

des droits de la personnalité).

94 Par la suite, après l'adoption de la première loi sur les cartels en 1962

(révisée en 1986, 1996 et 2004), l'objectif de la LCD a quelque peu

évolué. Selon l'art. 1er LCD (révisée en 1986), cette loi « vise à

garantir, dans l’intérêt de toutes les parties concernées, une

concurrence loyale et qui ne soit pas faussée ».

95 Il est cependant exact que le droit de la concurrence au sens étroit

concerne la garantie de la possibilité d’exercer la concurrence, alors

que la législation contre la concurrence déloyale se rapporte à la

manière d’exercer la concurrence. Ainsi, selon l’art. 2 LCD « est

déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est

trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la

bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre

fournisseurs et clients. » L’art. 3 LCD donne ensuite une liste

exemplative de ce genre de comportements : dénigrement d’autrui,

indications inexactes ou fallacieuses, mesures de nature à faire naître

une confusion avec les marchandises ou les prestations d’autrui, ventes

en dessous du prix coûtant, etc.

96 L’action en concurrence déloyale sera toujours introduite par un

concurrent à l’encontre d’un autre opérateur sur le marché. Elle n’est

37

pas engagée par une autorité administrative (et les dispositions pénales

sont rarement invoquées). Pourtant, en protégeant les concurrents

contre des pratiques déloyales c’est aussi le fonctionnement du marché

qui est indirectement protégé.

97 La plupart des systèmes juridiques connaissent des dispositions légales

relatives à la concurrence déloyale. La Convention d’Union de Paris, de

1883, faisait déjà référence aux « usages honnêtes et loyaux du

commerce ».

b) Droit communautaire

98 Jusqu’en 2005, le droit communautaire ne s’est pas préoccupé de la

concurrence déloyale, laissant ce domaine aux pays membres. Le 11

mai 2005, la Commission a adopté la Directive 2005/29 sur les

pratiques commerciales déloyales. Par cette Directive, la Commission

vise deux buts :

- satisfaire les impératifs du marché intérieur et la libre circulation que

celui-ci implique ;

- protéger les consommateurs, en particulier dans les échanges

transfrontaliers (pratiques trompeuses et pratiques agressives).

99 La Commission insiste sur un renforcement de la coopération entre les

Etats membres et entre les « professionnels » pour lutter de façon

uniforme contre les pratiques commerciales déloyales.

B. La protection de la concurrence

100 Alors que les règles relatives à la concurrence déloyale protègent d’abord

le concurrent, le droit de la concurrence proprement dit vise l’existence

même de la concurrence sur le marché et son exercice (cf. 2e Partie, ci-

dessous):

- art. 1er LCart: «La présente loi a pour but d’empêcher les

conséquences nuisibles d’ordre économique ou social imputables aux

cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir

ainsi la concurrence dans l’intérêt d’une économie de marché fondée

sur un régime libéral»;

- art. 3 par. 1 let. b TFUE: «L’Union dispose d’une compétence

exclusive dans […] l’établissement des règles de concurrence

nécessaires au fonctionnement du marché intérieur».

C. La loi suisse sur la surveillance des prix (LSP)

38

a) But

101 Après avoir instauré des mesures conjoncturelles de surveillance des

prix, au cours des années 1970, le législateur suisse, exécutant un

mandat résultant d’une initiative constitutionnelle, a adopté en 1985

une loi fédérale sur la surveillance des prix. Le Surveillant des prix

observe l’évolution des prix (art. 4 al. 1 LSPr) et empêche les

augmentations de prix abusives et le maintien de prix abusifs.

b) Champ d’application

102 Quant aux personnes, la loi s’applique aux cartels et aux organisations

analogues (« autres restrictions à la concurrence ») au sens de la LCart.

103 Si une appréciation de la situation est nécessaire, le Surveillant des prix

doit consulter la Commission de la Concurrence avant de prendre sa

décision (art. 5 al. 4 LSPr).

104 Quant à la matière, la loi

- s’applique au prix des marchandises, des services et de l’argent

(intérêts) ;

- ne s’applique pas à la rémunération du travail (salaires).

c) Prix administrés

105 Si une autorité (fédérale, cantonale ou communale) est compétente pour

décider ou approuver une augmentation de prix proposée par un cartel

ou une organisation analogue, elle prend au préalable l’avis du

Surveillant des prix (art. 14 LSPr).

3.2.4. La réglementation de certains marchés particuliers

A. Marchés financiers

a) Autorités administratives

106 - Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA;

RS 956.1)

- Commission des offres publiques (COPA; 954.195.1)

b) Rôle

107 Surveillance de l'activité des banques, des compagnies d'assurances

privées et des sociétés cotées en bourse.

39

c) Bases légales

108 - LF sur les banques et les caisses d'épargne (RS 952.0);

- LF sur la surveillance des entreprises d'assurances (RS 961.01)

- LF sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (RS 954.1)

- LF sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.31)

B. Télécommunications

a) Autorité administrative

109 Commission fédérale de la communication, composée de 7 membres

spécialistes du domaine et indépendants, dont le Prof. Reiner

Eichenberger.

b) Rôle

110 Régulation du marché des télécommunications en Suisse

c) Bases légales

111 LF sur les télécommunications (RS 784.10) et les ordonnances

d'exécution

C. Marché de l'électricité

a) Autorité administrative

112 Commission fédérale de l'électricité, composée de 7 membres.

b) Rôle

113 Contrôle les prix de l'électricité, statue sur les litiges concernant le libre

accès au réseau électrique, règle les questions de transport et de

commerce international d'électricité.

c) Bases légales

114 LF sur l'approvisionnement en électricité (RS 734.7).

* * * * *

40

Chapitre 2

LA CREATION D’UN MARCHE INTEGRE

§ 4 LE MARCHE INTERIEUR EUROPEEN

Textes législatifs : art. 34 ss, 45 ss, 49 ss, 56 ss et 63 ss TFUE; Accords

bilatéraux, RS 0.142.112.681; 0.972.052.68; 0.420.513.1; 0.740.72;

0.748.127.192.68; 0.916.026.81; 0.946.526.81.

Bibliographie : N. LIGNEUL/J.-C. MASCLET, Libre circulation des marchandises,

Juris-Classeur Europe, Vol. 2, Fasc. 550; Accords bilatéraux Suisse – UE

(Commentaires), Bâle 2001; D. DREYER/B. DUBEY, La place des avocats dans les

accords sectoriels et leur rôle dans leur application, in « Accords bilatéraux »,

p. 209 ss; J. PELKMANS, Economic Concept and Meaning of the Internal Market,

in The EU Internal Market in Comparative Perspective, Economic, Political and

Legal Analysis, J. PELKMANS, D. HANF and M. CHANG, Bruxelles 2008, p. 29-76;

D. HANK, Legal Concept and Meaning of the Internal Market, in The EU Internal

Market, p. 77-93.

4.1 UN MARCHE CREE PAR ETAPES

4.1.1 Les étapes du marché intérieur

115 Le Traité de Rome prônait déjà la libre circulation des personnes et la libre

circulation des marchandises. L'abolition (progressive) des droits de

douane facilitait certes l'exportation des marchandises d'un pays à l'autre

de la Communauté, mais la libre circulation des marchandises n'était de

loin pas encore garantie. En effet, de nombreux obstacles administratifs ou

techniques restreignaient le mouvement des marchandises au sein de la

Communauté.

116 En 1985, vingt-huit ans après l'adoption du traité de Rome instituant la

CEE, les autorités communautaires se rendaient compte que la création

d'un véritable marché intérieur européen était encore très éloignée. L'une

des causes principales de la lenteur des progrès provenait des procédures

41

d'adoption des règles communautaires nécessaires, pour favoriser la libre

circulation des marchandises.

117 Les autorités de l'Union (Commission, Conseil des ministres, Parlement)

s'efforçaient d'harmoniser les règles applicables au sein de l'Union soit par

des Règlements (règles directement applicables dans l'ensemble de

l'Union), soit par des Directives (fixant des objectifs à atteindre mais

accordant une marge de manœuvre aux Etats membres sur la manière d'y

parvenir). Mais ces deux types de règles ne pouvaient le plus souvent être

adoptées qu'à l'unanimité.

118 Les Etats communautaires modifièrent alors le Traité par l'Acte unique

européen (1986), un traité qui non seulement réunissaient les organes des

trois communautés qui existaient encore distinctement (la CEE, la

Communauté du charbon et de l'acier - CECA - et la Communauté de

l'énergie atomique – CEEA) mais surtout modifiait les règles sur la

majorité en rendant possible l'adoption d'un beaucoup plus grand nombre

de décisions à la majorité plutôt qu'à l'unanimité.

119 Par la même occasion, les Etats communautaires se fixèrent comme

objectif de réaliser ce marché intérieur pour la fin 1992.

120 Cette réalisation a aussi été grandement facilitée par une interprétation très

dynamique du Traité par la Cour de Justice des Communautés

européennes (CJCE).

4.1.2 Remarque sur les traités européens

121 A l’époque de l’adoption du Traité de Rome (1957) instituant la

Communauté économique européenne – le marché commun, deux autres

traités régissaient le charbon et l’acier (CECA) et la recherche atomique

(Euratom). Chacune de ces organisations avait ses propres organes ; c’est

pourquoi, on parlait alors des Communautés européennes.

122 Le traité de Rome a été modifié à plusieurs reprises :

- l’Acte Unique européen (1986), rassemblant les différents organes en une seule

Communauté européenne et modifiant les systèmes de majorités ;

- le Traité de Maastricht (1992) modifiant les organes pour tenir compte de

l’agrandissement de la Communauté.

- le Traité d’Amsterdam (1997) instituant l’Union européenne et complétant la

Communauté européenne (1er pilier) par deux autres piliers :

-- la politique étrangère et la sécurité commune (PESC, 2e pilier) ;

-- la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI ; accord

de Schengen, 3e pilier);

42

- le Traité de Lisbonne (2007) simplifiant l’architecture de l’Union et fusionnant les trois

piliers.

4.1.3 La Constitution européenne et le Traité de Lisbonne

123 Nombre de principes importants de l’Union européenne étant dispersés

dans l’un ou l’autre traité, les Etats membres ont manifesté le souhait de

réunir les éléments fondamentaux dans un « texte de base », une

« constitution » (Traité de Rome II ou Traité de Rome de 2004). Ce traité

aurait dû entrer en vigueur le 1er novembre 2006, mais il a été rejeté par

la majorité des électeurs français et néerlandais lors des procédures de

ratification en 2005.

124 Pour palier à l’échec de la ratification de la « Constitution européenne »,

un nouveau texte, le Traité de Lisbonne, a été soumis aux pays membres

pour ratification. Toutefois, le processus de ratification a duré deux ans.

En effet, dans un premier temps, lors du référendum en juin 2008, le

peuple irlandais s’était exprimé contraire à l’adoption du Traité de

Lisbonne. Par contre, lors d’un nouveau référendum, en automne 2009,

les irlandais ont voté en grande majorité pour le oui. Ce traité est

finalement entré en vigueur le 1er décembre 2009.

4.2 L’ACCES AU MARCHE INTERIEUR

4.2.1 Le principe du marché intérieur

125 Selon l'art. 3 § 1 let. c du Traité de Maastricht (aujourd’hui abrogé et

remplacé, en substance, par les art. 3 à 6 TFUE), le marché intérieur

européen est caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des

obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des

services et des capitaux.

126 En effet, un véritable marché intérieur ne peut fonctionner que si :

- les marchandises peuvent circuler librement (art. 28 TFUE);

- les capitaux peuvent circuler librement (art. 63 TFUE);

- les professionnels peuvent librement prester leurs services sur tout le

territoire de l'Union (art. 56/57 TFUE);

- les ressortissants de l'Union peuvent librement s'établir sur tout le

territoire de l'Union (art. 49 TFUE);

- les travailleurs peuvent librement circuler (art. 45 TFUE).

43

127 L'exercice de ces trois dernières libertés implique la reconnaissance des

diplômes et des certificats de capacité (cf. à ce sujet, ci-après, § 5.4 et 5.6).

128 Seule la libre circulation des marchandises est examinée ici plus en détail.

4.2.2 La libre circulation des marchandises

A. La marchandise (au sens communautaire)

a) La définition

129 La CJCE (10.12.1968, Commission c/ Italie, aff. 7/68) a défini les

marchandises comme les « produits appréciables en argent et

susceptibles comme tels de former l’objet de transactions commer-

ciales ».

b) Le caractère communautaire

130 L’art 28 al. 2 TFUE dispose que la liberté de circulation s’applique

« aux produits qui sont originaires des Etats membres, ainsi qu’aux

produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique

dans les Etats membres ».

131 La détermination de l’origine de la marchandise pose deux problèmes :

- un problème géographique : la marchandise a son origine dans le

territoire douanier communautaire y.c. les territoires assimilés au

territoire douanier en raison de conventions internationales (soit la

mer territoriale et l’espace) ;

- un problème de détermination de l’origine pour les marchandises

complexes : quelle est l’origine du produit réalisé sur le territoire

communautaire avec des produits importés d’Etats tiers ?

132 L’art. 24 du Code des douanes communautaire dispose que l’origine

d’un tel produit est le lieu de sa dernière ouvraison à condition que

celle-ci soit substantielle et économiquement justifiée

133 De plus, la marchandise issue d’un Etat tiers mais introduite dans la

Communauté à la suite des formalités douanières et fiscales et donc

régulièrement importée est alors assimilée à une marchandise

communautaire.

B. L'interdiction des droits de douanes

44

a) Le principe

134 Puisqu’elle est une zone de libre-échange, la Communauté interdit à ses

Etats membres de percevoir des droits de douane dans leurs relations

commerciales réciproques.

135 Par ailleurs, l’Union européenne a instauré, progressivement de 1957 à

1969, une union douanière : tarif douanier commun et réglementation

douanière unique (Code des douanes communautaires, envois

administration, contrôle et sanction par les Etats membres).

136 Une taxe imposée au commerce international et qualifiée de droit de

douane est donc illicite si elle ne correspond pas au Code des douanes.

Les problèmes ont surgi lorsque les Etats ont adopté des taxes « d’effets

équivalent aux droits de douane ».

b) La notion de taxe d’effet équivalent

137 Les art. 28/30 TFUE posent le principe d’interdiction des taxes d’effet

équivalent mais ne les définissent pas.

138 A l’origine les taxes d’effet équivalent ont été définies dans l’affaire du

« pain d’épices » (CJCE 14.12.1962, Commission c/ Luxembourg et

Belgique, aff. 2/62 et 3/62) de la façon suivante :

« La taxe d’effet équivalent peut être considérée, quelles que soient son

appellation et son origine, comme un droit unilatéralement imposé, soit

au moment de l’importation, soit ultérieurement et qui, frappant

spécifiquement un produit importé d’un pays membre à l’exclusion du

produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix, d’avoir

ainsi sur la liberté de circulation des produits, la même incidence

qu’un droit de douane. »

139 Depuis la fin des années 1960, la taxe d’effet équivalent est définie (cf.

CJCE 01.07.1969, Sociaal fonds Diamanterbeiders c/ Brachfeld et

Chougol, aff. 2/69 et 3/69 et Commission c/ Italie, aff. 24/68) comme :

« une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée

quelles que soient son appellation ou sa technique, et frappant les

marchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu’elles

franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane […]

alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle

n’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit

imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production

nationale ».

45

140 Les critères de qualification de ces taxes sont donc :

- une charge pécuniaire ;

- une imposition unilatérale ;

- le franchissement d’une frontière.

141 Les Etats membres peuvent en revanche créer des mesures d’imposition

intérieures. Ils ont en effet conservé leur souveraineté fiscale (sauf dans

les domaines harmonisés).

142 L’art. 110 par. 1 TFUE dispose toutefois «Aucun Etat membre ne

frappera directement ou indirectement les produits des autres Etats

membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient,

supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les

produits nationaux similaires».

143 Il n’est donc possible de créer une taxe ou une imposition sur son

propre territoire que dans la mesure où elle frappe les produits

nationaux et les produits des autres Etats membres de la CE de façon

analogue. L’art. 110 n’est dès lors rien d’autre qu’une expression du

principe de non-discrimination sur la nationalité.

144 En conséquence, les mesures d’imposition intérieures sont en principe

licites si deux conditions sont remplies. La mesure ne doit pas :

- créer une discrimination entre des produits nationaux et des produits

similaires en provenance d’autres Etats membres ;

- faire naître une discrimination déguisée au commerce. L’art. 110

par. 2 TFUE interdit en effet les mesures d’imposition intérieure

« de nature à protéger indirectement d’autres productions ». Le juge

communautaire doit alors apprécier la « proximité » des

marchandises en causes, appréciation qui dépend de l’existence d’un

rapport de concurrence entre les produits.

c) Le régime de la taxe d’effet équivalent

145 Etant assimilée à des droits de douanes, la taxe d’effet équivalent est

interdite.

146 Deux actions sont ouvertes pour celui qui a payé indûment cette taxe :

- Une action en responsabilité contre l’Etat membre qui a violé cette

norme de droit communautaire si cette norme faisait naître des droits

au profit de particuliers, si la violation de la norme est suffisamment

caractérisée et si elle est la cause du préjudice dont on entend obtenir

réparation.

46

- Une action en répétition de l’indu. La restitution doit être intégrale

et englober l’indemnisation des éventuels préjudices découlant de la

violation du traité. Les Etats membres doivent organiser un recours

effectif devant leurs juridictions nationales, à savoir un recours dont

les conditions de recevabilité sont raisonnables. Ce recours doit en

outre être au moins aussi favorable que ceux organisés par les Etats

membres en matière de fiscalité interne.

C. L’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effet

équivalent

147 Les restrictions quantitatives ou les mesures d'effet équivalent peuvent être

éliminées en adoptant une règle commune à l'ensemble des Etats membres

(par la voie d'un règlement ou d'une directive). On parle alors d'un

domaine "harmonisé". En dehors de ces domaines, des règles différentes

sont applicables dans les pays membres. Cette différence peut-elle justifier

une restriction à l'importation? C'est à cette question que vise à répondre

l'art. 34 TFUE :

"Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure

d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres".

a) Les restrictions quantitatives

148 La jurisprudence a précisé la notion de restriction quantitative en

indiquant qu’il s’agit de « toute mesure visant une prohibition totale ou

partielle d’importation, d’exportation ou de transit » (CJCE 12.07.73,

aff. 2/73).

149 La restriction quantitative a donc deux éléments constitutifs : une

mesure étatique et une prohibition totale ou partielle d’importer.

150 Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'une

collectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

151 Est une restriction quantitative toute mesure visant à restreindre le

nombre (ou le poids) d'une marchandise à l'importation ou à

l'exportation.

b) Les mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives

47

152 L'expression "mesures d'effet équivalent" a donné lieu à une abondante

jurisprudence de la CJCE. L'arrêt fondamental fut l'arrêt Dassonville

selon lequel une mesure d'effet équivalent englobe :

"Toute réglementation commerciale des Etats membres susceptibles

d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou

potentiellement le commerce intracommunautaire" (CJCE 11 juillet

1974, aff. 8/74).

153 Il s’agit, comme pour les restrictions quantitatives, d’une mesure

étatique.

154 Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'une

collectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

155 Une mesure peut être qualifiée d'effet équivalent même si son influence

est potentielle ou d'une faible importance. En permettant d'éliminer

toute disposition discriminatoire ou non, constituant un obstacle ou

pouvant constituer un obstacle aux échanges, si limités que soient ses

effets, la jurisprudence "Dassonville" a étendu de manière considérable

le champ d'application de l'art. 34 TFUE. Ainsi, ont été jugées

contraires au droit communautaire :

- des mesures avantageant la production nationale (p. ex. les aides à la

presse réservées aux publications du pays octroyant l'aide);

- des mesures imposant des licences ou des certificats d'importation

ou d'exportation;

- la perception d'un "droit de statistique";

- des mesures concernant la composition des produits : règles

italiennes de fabrication des pâtes alimentaires excluant les farines

de blé tendre;

- des mesures concernant le conditionnement des produits et leur

étiquetage ou leur désignation (règle belge n'autorisant la vente de

margarine que sous un emballage de forme cubique).

48

156 La Cour a freiné l'extension de la jurisprudence Dassonville en jugeant

que des règles relatives aux modalités de vente ne violaient pas l'art. 34

TFUE "pourvu qu'elles s'appliquent à tous les opérateurs concernés

exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu'elles

affectent de la même manière, en droit comme en fait, la

commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance des

autres Etats membres" (Keck et Milhouard, CJCE, 24 nov. 1993, aff.

C-267 et 268/91 : Rec I. p. 6097).

157 Elle l'a également fait en renonçant à condamner des restrictions ayant

un effet trop hypothétique et aléatoire sur le commerce

intracommunautaire.

4.3 LES EXCEPTIONS AU LIBRE ACCES

158 Les entraves au commerce intracommunautaire sont admises lorsqu'elles

entrent dans le champ d'application de l'art. 36 TFUE. Le régime

d'exception ne s'applique qu'aux "entraves" alors qu'une "taxe d'effet

équivalent" à un droit de douane ne pourra jamais être justifiée.

159 L'art. 36 TFUE doit être interprété de manière restrictive. La mesure

restrictive doit respecter le principe de proportionnalité et être adéquate

(propre à atteindre le but visé). C'est en application de cette disposition,

que la CJCE a rendu son arrêt "Cassis-de-Dijon", précisant que la

restriction peut aussi être admise si elle est reconnue "nécessaire pour

satisfaire à des exigences impératives, tenant notamment à l'efficacité des

contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la loyauté des

transactions commerciales et à la défense des consommateurs."

4.4 LES PROCEDURES GARANTISSANT L’ACCES AU MARCHE

160 Alors que, selon les règles de l’OMC, les entreprises ne peuvent écarter les

obstacles au libre-échange que par une intervention de l’Etat dans lequel

elles ont leur siège (cf. ci-dessus § 2.1.4), les entreprises dont l’accès au

marché intérieur européen est dénié ou indûment entravé ont d’autres

moyens d’agir.

4.4.1 Le recours préjudiciel (art. 267 TFUE)

161 Selon l’art. 267 TFUE, la Cour de justice est compétente pour statuer à

titre préjudiciel sur l’interprétation du traité. Lorsqu’une question

d’interprétation est soulevée devant une juridiction (tribunal) d’un Etat

membre, cette juridiction peut demander à la Cour de justice de statuer sur

cette question.

49

162 Ainsi, lorsqu’une entreprise considère qu’une mesure administrative, dont

elle est l’objet et qui entrave son accès au marché, est contraire aux règles

européennes, elle invoque cette violation et invite le juge à solliciter de la

Cour de justice l’interprétation de ces règles européennes. Cette manière

de faire a été abondamment utilisée dès les années 1960 et a permis le

développement des règles du marché intérieur, en particulier celles

relatives à la libre circulation des personnes et à la libre circulation des

marchandises.

4.4.2 Dénonciation à la Commission

163 Lorsqu’une entreprise – dont les siège peut être hors de l’Union

européenne – est entravée par une autre entreprise (ou une association

privée), elle peut dénoncer le cas à la Commission européenne (ou encore

actuellement, à l’autorité nationale chargée d’appliquer le droit européen

de la concurrence) et cette autorité pourra, si jugé nécessaire, prendre une

décision à l’encontre de la société incriminée.

164 A noter que, dans le cas d’une dénonciation à la Commission par une

entreprise dont le siège est dans l’Union européenne, le pays de

l’entreprise entravée pourrait, en cas d’inaction de la Commission,

introduire devant les juridictions européennes une action judiciaire.

4.4.3 Action en dommages-intérêts

165 Par le biais d’une procédure civile entamée devant un tribunal d’un pays

membre de l’UE, l’entreprise entravée invoquera la violation du droit

européen dans le but d’obtenir l’annulation de l’entrave et, éventuel-

lement, des dommages-intérêts (la juridiction saisie pourra consulter la

CJCE par le biais du recours préjudiciel). Une telle action peut être

introduite par une entreprise établie hors de l’UE.

4.5 LES ACCORDS BILATERAUX ENTRE LA SUISSE ET L’UE

4.5.1 Adoption et contenu des accords

166 A la suite de l'échec en Suisse, à fin 1992, du vote sur le Traité instituant

l'Espace Economique Européen, le gouvernement suisse a conclu des

accords bilatéraux avec l'Union européenne. Ces négociations ont abouti

au printemps 1999 à la signature des accords bilatéraux entre la Suisse et

l’Union européenne. Ces accords et la législation d’accompagnement sont

entrés en vigueur le 1er juillet 2002.

50

167 L'extension de ces accords aux dix nouveaux pays membres de l'Union

européenne a été approuvée. Ces accords prévoient des périodes

transitoires. Une première étape transitoire a été franchie en 2007.

168 Les sept accords portent sur les objets suivants :

- la recherche,

- les obstacles techniques aux échanges,

- l'accès aux marchés publics,

- les transports terrestres,

- les transports aériens,

- la libre circulation des personnes,

- l'accès aux marchés des produits agricoles.

169 Plus précisément, il s’agit de:

- L’Accord du 16 janvier 2004 de coopération scientifique et technologique entre la

Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et la Communauté

européenne de l’énergie atomique, d’autre part (RS 0.420.513.1) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne

relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de conformité (RS

0.946.526.81) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur

certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.177.052.68) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur

le transport des marchandises et voyageurs par rail et par route (RS 0.740.72) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur

le transport aérien (RS 0.748.127.192.68) ;

- L’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses

Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne

relatif aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81).

4.5.2 Le comité mixte

170 Les Accords bilatéraux n’instituent pas d’organes communs à la Suisse et

à l’Union européenne. Ils constatent l’accord des parties sur des règles en

vigueur au moment de l’adoption des Accords.

171 Or :

- des conflits peuvent surgir au sujet de l’interprétation ou de

l’application des accords ;

- les règles, en particulier les règles communautaires auxquelles se

rapportent les Accords évoluent rapidement ; il s’agit de décider

comment tenir compte de cette adaptation.

51

172 C’est pourquoi les parties signataires ont instauré pour chacun des

Accords un Comité mixte au sein duquel les représentants des parties

contractantes :

- règlent d’un commun accord les questions d’interprétation ou

d’exécution ;

- modifient les annexes des accords lorsque cette compétence leur a été

accordée ;

- constatent leur désaccord et sollicitent une coopération au niveau

gouvernemental (Conseil fédéral, Commission ou Conseil des

ministres).

4.5.3 Effets sur la concurrence

173 Du point de vue du droit de la concurrence, on peut faire les constatations

suivantes :

- alors que l'Accord de libre-échange de 1972 ne concerne que la

circulation des marchandises, les accords bilatéraux couvrent aussi la

circulation des personnes et des services;

- les accords bilatéraux instituent un comité mixte pour superviser leur

application; toutefois, les accords contiennent des règles d’application

directe qui pourraient être soumises, selon les circonstances, aux

tribunaux suisses ou aux tribunaux du pays européen concerné;

cependant, seuls les tribunaux d’un pays membre pourront, selon le

Traité (art. 267 TFUE), solliciter une décision préjudicielle de la Cour

de Justice de Luxembourg;

- en raison du décalage important entre la date de signature des accords

(printemps 1999) et celle de leur entrée en vigueur, respectivement de

leur application, se pose le problème du droit évolutif (c'est-à-dire de

l’intégration progressive aux accords des modifications du droit

communautaire postérieures à la signature des accords);

- il n'existe aucun accord international réglant les relations entre la

Comco à Berne et la Commission de Bruxelles (et la Direction de la

concurrence). C'est donc uniquement d'une manière informelle et

pragmatique que se règlent les rapports entre ces deux institutions (à

titre de comparaison, les autorités de la concurrence des Etats membres

de l’Union européenne travaillent en coordination avec la Division

générale de la concurrence de la Commission européenne (cf. § 10).

4.5.4 Mise en œuvre procédurale des accords au sein de l’Union

européenne

52

174 L’hypothèse est la suivante : une entreprise suisse met en vente un produit

ou exerce une activité soumise à autorisation au sein de l’Union

européenne. Une autorité administrative d’un Etat membre de l’Union

intervient pour le motif que ce produit ou cette activité ne lui semble pas

conforme aux prescriptions en vigueur au lieu de vente ou d’exercice de

l’activité.

175 Ce droit de regard devrait toujours être exercé dans le cadre d’une

procédure aussi courte, efficace et peu onéreuse que possible. En principe,

il ne peut y avoir de contrôle systématique dans l’Etat membre de

destination avant la mise sur le marché. Par conséquent, celui-ci ne

pourra, en règle générale, examiner la conformité d’un produit à ses

propres règles techniques que lors d’une inspection faite dans le cadre de

ses activités de surveillance du marché.

176 Si le produit en question devait ne pas être jugé conforme à ces règles, il y

a alors lieu d’examiner la proportionnalité de l’application de telles

règles au cas d’espèce. En effet, pour que l’application d’une règle

technique soit proportionnée, il faut qu’elle soit à la fois nécessaire et

adéquate. Si tel n’est pas le cas, l’autorité compétente doit prendre la

décision – conformément au droit communautaire qui prime le droit

national - d'écarter de sa propre initiative cette règle nationale lors de

l’examen du produit.

177 Par ailleurs, une réglementation nationale ne peut pas exiger que des

produits de ce type satisfassent littéralement et exactement aux mêmes

dispositions ou caractéristiques techniques prescrites pour les produits

fabriqués dans l’Etat membre de destination, alors que les produits

importés garantissent le même niveau de protection.

178 En cas de décision négative, il importe que l’Etat membre qui invoque

un motif justifiant à ses yeux une restriction à la libre circulation des

marchandises démontre concrètement l’existence d’un motif d’intérêt

général, la nécessité de la restriction en cause et son caractère

proportionné par rapport à l’objectif poursuivi.

179 L’un des principes généraux du droit communautaire est que toute

personne doit pouvoir bénéficier, devant les juridictions nationales, d’un

recours juridictionnel effectif contre les décisions nationales pouvant

porter atteinte à un droit reconnu par les traités ou par le droit

communautaire dérivé. Ce principe implique que les intéressés peuvent

obtenir de l’administration, avant tout recours, connaissance des motifs

de telles décisions.

53

180 En conséquence, l’Etat membre de destination qui estime qu’un tel

produit ne devrait pas être admis sur son marché ou qu’un tel service ne

peut être offert par ce prestataire devrait en tout état de cause :

- indiquer par écrit au fabricant ou au distributeur quels éléments de ses

règles techniques nationales empêchent, selon lui, la

commercialisation du produit concerné dans l’Etat membre de

destination ;

- prouver, sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents, pour

quelles raisons ces éléments de la règles technique doivent être

imposés et pour quelles raisons des mesures moins entravantes ne

sauraient être acceptées ;

- inviter l’opérateur économique concerné à formuler ses observations

dans un délai raisonnable ;

- tenir compte de ces observations avant de rendre une décision finale ;

- une fois la décision prise, notifier cette décision motivée à l’opérateur

économique concerné en lui indiquant les voies de recours à sa

disposition ;

- notifier cette décision à la Commission en vertu de l’art. 11 de la

directive 2001/95 CEE relative à la sécurité générale des produits ou

en vertu de l’art. 50 du règlement n° 178/2002 établissant les

principes généraux et les prescriptions générales dans la législation

alimentaire ;

- ou, lorsque ces articles ne s’appliquent pas, notifier cette décision à la

Commission en vertu de la décision n° 3052/95 CE du Parlement du

13.12.05 établissant une procédure d’information mutuelle sur les

mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des

produits à l’intérieur de la Communauté.

181 Une décision négative de la part de l’Etat membre de destination

concernant l’admission à son marché d’un produit de l’EEE ou de la

Turquie ou d’un Etat membre de l’AELE est, en principe, susceptible de

constituer une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à

l’importation, interdite par l’art. 34 TFUE. Dès lors, l’opérateur

économique concerné peut toujours contester dans le pays devant les

juridictions, respectivement les administrations de l’Etat membre de

destination, une décision négative prise à son encontre.

182 Les juridictions et administrations nationales ont alors l’obligation de

garantir le plein effet du droit communautaire, lorsque l’on est en

présence de dispositions du droit national incompatible avec les articles 4

54

34 à 36 TFUE. En effet, le juge national chargé d’appliquer, dans le

cadre de sa compétence, les art. 34 et 36 TFUE, a l’obligation d’assurer

le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa

propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale. Il

doit en outre appliquer les art. 23 et 36 TFUE à la lumière de la

jurisprudence de la Cour de Justice.

183 Les juridictions nationales peuvent cependant, le cas échéant, demander

à la Cour de Justice de statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des

art. 34 et 36 TFUE, conformément à l’art. 267 TFUE.

4.5.5. Mise en œuvre procédurale en Suisse

184 L'hypothèse est la suivante : une entreprise européenne met en vente un

produit ou exerce une activité soumise à autorisation en Suisse. Une

autorité administrative suisse (cantonale ou fédérale) intervient pour le

motif que ce produit ou cette activité ne lui semble par conforme à la

réglementation suisse.

185 Si l'autorité administrative prend une décision restreignant l'activité de

l'entreprise européenne, cette décision sera sujette à recours à plusieurs

échelons, éventuellement jusqu'au Tribunal fédéral. A noter que les

autorités suisses ne peuvent recourir directement à l'autorité suprême

(recours préjudiciel à la Cour de Justice puisque les autorités suisses n'y

sont pas soumises).

186 La restriction pourrait aussi, le cas échéant, être examinée par un tribunal

civil. Dans une action en dommages-intérêts fondée sur la violation d'une

clause contractuelle restreignant les quantités à vendre, par exemple, ou

le territoire dans lequel la vente peut être faite, la partie attaquée pourrait

invoquer la nullité de la clause en soutenant qu'elle n'est pas conforme

aux accords bilatéraux. C'est alors le juge civil (cantonal, puis, le cas

échéant, fédéral) qui décidera de la validité de la clause.

4.5 EXERCICE

Aff. C-570/07 CJUE Grande Chambre, 1.6.2010

Le contexte de l'affaire a été résumé comme suit par V. MICHEL dans la

Revue Europe août-septembre 2010, p. 17-18.

"Sur la base d'une division du territoire en zones pharmaceutiques, dans

chacune d'elles une seule pharmacie peut être créée par tranche de 2'800

55

habitants; une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque

ce seuil est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction

supérieure à 2'000 habitants; chaque pharmacie doit respecter une

distance minimale par rapport aux pharmacies déjà existantes, cette

distance étant, en règle générale, de 250 mètres …

Contestant ce système, les pharmaciens José Manuel Blanco Pérez et

maria del Pilar Chao Gomez soulèvent, devant les juridictions espagnoles,

son incompatibilité avec la liberté d'établissement.

… il est de jurisprudence constante que l'entrave à la liberté

d'établissement procède de règlementations, même indistinctement

applicables, qui subordonnent l'établissement d'une entreprise dans un

autre Etat membre soit à une autorisation préalable – car cela entendre

notamment des charges supplémentaires – soit à des conditions tenant aux

besoins économiques ou sociaux – car cela tend à limiter le nombre de

prestataires de services."

Extrait de l'arrêt de la Cour :

Article 49 TFUE – Directive 2005/36/CE – Liberté d’établissement – Santé

publique – Pharmacies – Proximité – Approvisionnement de la population

en médicaments – Autorisation d’exploitation – Répartition territoriale des

pharmacies – Instauration de limites fondées sur un critère de la densité

démographique – Distance minimale entre les officines – Candidats ayant

exercé l’activité professionnelle sur une partie du territoire national –

Priorité – Discrimination»

Dans les affaires jointes C-570/07 et C-571/07,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article

234 CE, introduites par le Tribunal Superior de Justicia de Asturias

(Espagne), par décisions des 26 octobre et 22 octobre 2007, parvenues à la

Cour les 24 décembre et 27 décembre 2007, dans les procédures

José Manuel Blanco Pérez,

María del Pilar Chao Gómez

contre

Consejería de Salud y Servicios Sanitarios (C-570/07),

Principado de Asturias (C-571/07),

en présence de:

56

Federación Empresarial de Farmacéuticos Españoles (C-570/07),

Plataforma para la Libre Apertura de Farmacias (C-570/07),

Celso Fernández Gómez (C-571/07),

Consejo General de Colegios Oficiales de Farmacéuticos de España,

Plataforma para la Defensa del Modelo Mediterráneo de Farmacias,

Muy Ilustre Colegio Oficial de Farmacéuticos de Valencia,

Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED)

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. K. Lenaerts et E. Levits,

présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, E. Juhász,

G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič, J. Malenovský (rapporteur), U.

Lõhmus, A. Ó Caoimh et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme

M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mai 2009,

considérant les observations présentées:

…..

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de

l’article 49 TFUE.

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant

M. Blanco Pérez et Mme

Chao Gómez à la Consejería de Salud y Servicios

Sanitarios (autorité de la santé et des services sanitaires) (C-570/07) ainsi

qu’au Principado de Asturias (C-571/07), au sujet d’un appel à candidatures

en vue de délivrer des autorisations d’établissement de nouvelles

pharmacies dans la Communauté autonome des Asturies.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

57

3 Aux termes du vingt-sixième considérant de la directive 2005/36/CE

du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la

reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22), qui

reprend, en substance, le deuxième considérant de la directive 85/432/CEE

du Conseil, du 16 septembre 1985, visant à la coordination des dispositions

législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités

du domaine de la pharmacie (JO L 253, p. 34):

«La présente directive n’assure pas la coordination de toutes les conditions

d’accès aux activités du domaine de la pharmacie et de leur exercice. La

répartition géographique des officines, notamment, et le monopole de

dispense de médicaments devraient continuer de relever de la compétence

des États membres. La présente directive n’affecte pas les dispositions

législatives, réglementaires et administratives des États membres qui

interdisent aux sociétés l’exercice de certaines activités de pharmacien ou

soumettent cet exercice à certaines conditions.»

…..

Il résulte de l’article 103, paragraphe 3, de la loi générale 14/1986 sur la

santé (Ley General de Sanidad 14/1986), du 25 avril 1986 (BOE n° 102, du

29 avril 1986, p. 15207), que les officines de pharmacie sont soumises à la

planification sanitaire dans les conditions définies par la législation spéciale

sur les médicaments et les pharmacies.

8 L’article 2 de la loi 16/1997 relative à la régulation des officines de

pharmacie (Ley de Regulación de los Servicios de las Oficinas de Farmacia

16/1997), du 25 avril 1997 (BOE n° 100, du 26 avril 1997, p. 13450),

prévoit:

«1. […] [A]fin d’organiser les services pharmaceutiques fournis à la

population, les communautés autonomes, à qui il incombe de veiller à ce

que ces services soient assurés, fixent des critères spécifiques de

planification pour l’autorisation des officines de pharmacie.

[…]

2. La planification des officines de pharmacie tient compte de la densité

démographique, des caractéristiques géographiques et de la dispersion de la

population, de manière à garantir l’accessibilité et la qualité du service et un

approvisionnement suffisant en médicaments, eu égard aux besoins

médicaux de chaque territoire.

La répartition territoriale de ces établissements est réalisée au regard du

nombre d’habitants par officine de pharmacie et de la distance entre les

officines de pharmacie, déterminés par les communautés autonomes,

conformément aux critères généraux susmentionnés. En tout état de cause,

les règles de répartition territoriale garantissent un service pharmaceutique

approprié à la population.

58

3. La tranche de population minimale pour permettre l’ouverture d’une

officine de pharmacie est, en règle générale, de 2 800 habitants par

établissement. En fonction de la concentration de la population, les

communautés autonomes peuvent fixer des tranches de population

supérieures, ne pouvant excéder 4 000 habitants par officine de pharmacie.

En tout état de cause, lorsque ces seuils sont atteints, une nouvelle officine

de pharmacie peut être ouverte par fraction supérieure à 2 000 habitants.

Sans préjudice du paragraphe précédent, les communautés autonomes

peuvent fixer des tranches de population plus faibles pour les zones rurales,

touristiques, de montagne ou pour les zones où, en raison de leurs

caractéristiques géographiques, démographiques ou sanitaires, l’application

des critères généraux ne permet pas d’assurer un service pharmaceutique.

4. La distance minimale entre officines de pharmacie, compte tenu des

critères géographiques et de dispersion de la population, est, en règle

générale, de 250 mètres. En fonction de la concentration de la population,

les communautés autonomes peuvent autoriser des distances inférieures

entre celles-ci; de même, les communautés autonomes peuvent fixer des

limitations à l’installation d’officines de pharmacie à proximité des centres

médicaux.»

9 En application de cette réglementation, la Communauté autonome des

Asturies a adopté le décret 72/2001 réglementant les pharmacies et les

services de pharmacie dans la principauté des Asturies (Decreto 72/2001

regulador de las oficinas de farmacia y botiquines en el Principado de

Asturias), du 19 juillet 2001 (BOPA nº 175, du 28 juillet 2001, p. 10135).

10 L’article 1er

, paragraphe 1, premier alinéa, de ce décret prévoit:

«Le territoire de la Communauté autonome est divisé en zones

pharmaceutiques qui coïncident, en règle générale, avec des zones sanitaires

de base qui sont établies dans le cadre de la planification sanitaire de la

principauté des Asturies.»

11 Selon les indications fournies par la Consejería de Salud y Servicios

Sanitarios et par le Principado de Asturias, la Communauté autonome des

Asturies est divisée en 68 zones sanitaires de base qui coïncident, en règle

générale, avec des zones pharmaceutiques.

12 L’article 2 de ce même décret énonce:

«1. Dans chaque zone pharmaceutique, le nombre de pharmacies

respecte la tranche de population de 2 800 habitants par pharmacie. Lorsque

ce seuil est dépassé, une nouvelle pharmacie peut être créée pour la fraction

supérieure à 2 000 habitants.

2. Dans toutes les zones sanitaires de base et dans tous les districts, il

peut y avoir au moins une pharmacie.»

59

13 L’article 3 du décret 72/2001 prévoit:

«Aux fins du présent décret, le calcul de la population est effectué sur la

base des données résultant de la dernière révision du recensement

municipal.»

14 L’article 4 de ce décret dispose:

«1. La distance minimale entre les locaux des officines de pharmacie est,

en règle générale, de 250 mètres quelle que soit la zone de pharmacie dans

laquelle ils se situent.

2. Cette distance minimale de 250 mètres est également respectée par

rapport aux centres de santé de l’une quelconque des zones de pharmacie,

qu’ils soient publics ou privés avec une convention d’assistance

extrahospitalière ou hospitalière, pratiquant des consultations externes ou

dotés de services d’urgence, qu’ils soient en fonctionnement ou en cours de

construction.

Cette condition de distance entre les centres de santé ne s’applique pas dans

les zones de pharmacie où il n’y a qu’une officine de pharmacie ni dans les

localités qui comptent actuellement une seule officine de pharmacie et où,

compte tenu de leurs caractéristiques, l’ouverture de nouvelles officines de

pharmacie n’est pas à prévoir.

….. 16 Selon ces dispositions, la Communauté autonome des Asturies est

notamment tenue d’entamer d’office, au minimum une fois par an, une

procédure en vue de délivrer des autorisations d’établissement de nouvelles

pharmacies pour tenir compte de l’évolution de la densité démographique.

…..

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

22 En 2002, la Communauté autonome des Asturies a décidé d’entamer,

conformément aux articles 6 à 17 du décret 72/2001, une procédure en vue

de l’octroi d’autorisations d’installation de nouvelles pharmacies.

23 La Consejería de Salud y Servicios Sanitarios a pris, le 14 juin 2002,

une décision lançant un appel à candidatures en vue de délivrer des

autorisations d’établissement de pharmacies dans la Communauté autonome

des Asturies (BOPA n° 145, du 24 juin 2002, p. 8145, ci-après la «décision

du 14 juin 2002»).

24 Les règles de l’appel à candidatures ont prévu l’ouverture de 24

nouvelles pharmacies en fonction, notamment, de la densité

démographique, de la dispersion de la population, de la distance entre les

pharmacies ainsi que des groupes de population minimaux.

60

25 Les requérants au principal, pharmaciens diplômés, souhaitaient

ouvrir une nouvelle pharmacie dans la Communauté autonome des Asturies,

sans toutefois se voir imposer le régime de planification territoriale

découlant du décret 72/2001.

26 Par conséquent, ils ont, dans le cadre de la première affaire au

principal, formé un recours contre la décision du 14 juin 2002, ainsi que

contre celle du Consejo de Gobierno del Principado de Asturias, du 10

octobre 2002, qui confirme la décision précédente.

27 Dans la seconde affaire au principal, ces mêmes requérants ont saisi

le Tribunal Superior de Justicia de Asturias d’un recours par lequel ils

attaquent la décision implicite relative à la réclamation introduite contre le

décret 72/2001 et, en particulier, contre ses articles 2, 4, 6 et 10 ainsi que

contre son annexe relative au barème de mérites.

28 Dans ces deux affaires, lesdits requérants ont contesté la légalité des

décisions susmentionnées et du décret 72/2001 notamment au motif que

ceux-ci ont pour effet d’empêcher l’accès des pharmaciens aux nouvelles

pharmacies dans la Communauté autonome des Asturies. Ce décret

prévoirait, en outre, des critères inadmissibles de sélection des titulaires de

nouvelles pharmacies.

29 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de

savoir si le régime prévu par le décret 72/2001 constitue une restriction à la

liberté d’établissement incompatible avec l’article 49 TFUE.

30 Dans ces circonstances, le Tribunal Superior de Justicia de Asturias a

décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle

suivante dans l’affaire C-570/07:

«L’article [49 TFUE] s’oppose-t-il aux articles 2, 3 et 4 du [décret 72/2001],

ainsi qu’aux points 4, 6 et 7 de l’annexe du décret susmentionné?»

31 Dans l’affaire C-571/07, le Tribunal Superior de Justicia de Asturias a

décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle

suivante:

«L’article [49 TFUE] s’oppose-t-il aux dispositions de la législation de la

Communauté autonome [...] des Asturies concernant l’autorisation

d’installation d’officines de pharmacie?»

…..

51 Dans ces conditions, les règles de droit interne concernées, relatives à

la répartition territoriale, doivent être examinées au regard des dispositions

du traité, et notamment de son article 49.

61

Sur la première partie des questions préjudicielles, relative aux conditions

principales liées à la densité démographique et à la distance minimale entre

les pharmacies

52 Par la première partie de ses questions, la juridiction de renvoi

demande, en substance, si l’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation

nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose des limites à la

délivrance d’autorisations d’établissement de nouvelles pharmacies, en

prévoyant que:

– dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être

créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;

– une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce seuil

est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction supérieure à 2 000

habitants, et

– chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par rapport

aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle générale, de

250 mètres.

Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

53 Selon une jurisprudence constante, constitue une restriction au sens

de l’article 49 TFUE toute mesure nationale qui, même applicable sans

discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre

moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté

d’établissement garantie par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre

2004, Commission/Pays-Bas, C-299/02, Rec. p. I-9761, point 15, et du 21

avril 2005, Commission/Grèce, C-140/03, Rec. p. I-3177, point 27).

54 Relève de cette catégorie, en particulier, une réglementation nationale

qui subordonne l’établissement d’une entreprise d’un autre État membre à la

délivrance d’une autorisation préalable, car celle-ci est susceptible de gêner

l’exercice, par une telle entreprise, de la liberté d’établissement en

l’empêchant d’exercer librement ses activités par l’intermédiaire d’un

établissement stable. En effet, ladite entreprise risque, d’une part, de

supporter les charges administratives et financières supplémentaires que

chaque délivrance d’une telle autorisation implique. D’autre part, le système

d’autorisation préalable exclut de l’exercice d’une activité non salariée les

opérateurs économiques qui ne répondent pas à des exigences

prédéterminées dont le respect conditionne la délivrance de cette

autorisation (voir, en ce sens, arrêt Hartlauer, précité, points 34 et 35).

55 Une réglementation nationale constitue par ailleurs une restriction

lorsqu’elle soumet l’exercice d’une activité à une condition tenant aux

besoins économiques ou sociaux auxquels cette activité doit satisfaire,

puisqu’elle tend à limiter le nombre de prestataires de services (voir, en ce

sens, arrêt Hartlauer, précité, point 36).

62

56 Dans les litiges au principal, il convient de relever, premièrement, que

la réglementation nationale subordonne la création d’une nouvelle

pharmacie à la délivrance d’une autorisation administrative préalable et que

celle-ci n’est en outre accordée qu’aux lauréats d’un concours.

57 Deuxièmement, cette réglementation permet, dans chaque zone

pharmaceutique, la création d’une seule pharmacie par tranche de

population de 2 800 habitants, une pharmacie supplémentaire ne pouvant

être créée que lorsque ce seuil est dépassé, et elle est créée pour la fraction

supérieure à 2 000 habitants.

58 Troisièmement, ladite réglementation s’oppose à ce que les

pharmaciens puissent exercer une activité économique indépendante dans

les locaux de leur libre choix, puisqu’ils sont tenus de respecter, en général,

une distance minimale de 250 mètres par rapport aux pharmacies déjà

existantes.

59 De telles règles ont ainsi pour effet de gêner et de rendre moins

attrayant l’exercice, par des pharmaciens d’autres États membres, de leurs

activités sur le territoire espagnol par l’intermédiaire d’un établissement

stable.

60 Par conséquent, une réglementation nationale telle que celle en cause

au principal constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de

l’article 49 TFUE.

Sur la justification de la restriction à la liberté d’établissement

61 Selon une jurisprudence constante, les restrictions à la liberté

d’établissement, qui sont applicables sans discrimination tenant à la

nationalité, peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt

général, à condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation de

l’objectif poursuivi et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour

atteindre cet objectif (arrêts précités Hartlauer, point 44, ainsi que

Apothekerkammer des Saarlandes e.a., point 25).

62 Dans les affaires au principal, il convient de constater, en premier

lieu, que les règles en cause s’appliquent sans discrimination tenant à la

nationalité.

63 En deuxième lieu, il ressort de l’article 52, paragraphe 1, TFUE que

la protection de la santé publique peut justifier des restrictions aux libertés

fondamentales garanties par le traité telles que la liberté d’établissement

(voir, notamment, arrêts précités Hartlauer, point 46, ainsi que

Apothekerkammer des Saarlandes e.a., point 27).

64 Plus précisément, des restrictions à la liberté d’établissement peuvent

être justifiées par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en

médicaments de la population sûr et de qualité (arrêts précités

63

Commission/Italie, point 52, ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes

e.a., point 28).

65 L’importance dudit objectif est confirmée par les articles 168,

paragraphe 1, TFUE et 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union

européenne en vertu desquels, notamment, un niveau élevé de protection de

la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes

les politiques et actions de l’Union européenne.

66 Il s’ensuit que l’objectif visant à assurer un approvisionnement en

médicaments de la population sûr et de qualité est susceptible de justifier

une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.

67 En troisième lieu, il convient d’examiner si une telle réglementation

est propre à garantir cet objectif.

68 À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que, compte tenu de

la marge d’appréciation rappelée au point 44 du présent arrêt, le fait qu’un

État membre impose des règles plus strictes en matière de protection de la

santé publique que celles établies par un autre État membre ne saurait

impliquer que ces règles sont incompatibles avec les dispositions du traité

relatives aux libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêt du 10 février

2009, Commission/Italie, C-110/05, Rec. p. I-519, point 65 et jurisprudence

citée).

69 Par conséquent, n’est pas déterminante pour la solution des présentes

affaires la circonstance que les États membres prévoient des règles

divergentes dans ce domaine et, plus particulièrement, que certains d’entre

eux ne restreignent pas le nombre de pharmacies pouvant être créées sur le

territoire national alors que d’autres limitent leur nombre en les soumettant

à des règles de planification géographique.

70 Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de

la Cour, des établissements et infrastructures sanitaires peuvent faire l’objet

d’une planification. Celle-ci peut comprendre une autorisation préalable

pour l’installation de nouveaux prestataires de soins, lorsqu’elle s’avère

indispensable pour combler d’éventuelles lacunes dans l’accès aux

prestations sanitaires et pour éviter la création de structures faisant double

emploi, de sorte que soit assurée une prise en charge sanitaire adaptée aux

besoins de la population, qui couvre l’ensemble du territoire et qui tienne

compte des régions géographiquement isolées ou autrement désavantagées

(voir, par analogie, arrêts du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C-157/99,

Rec. p. I-5473, points 76 à 80; du 16 mai 2006, Watts, C-372/04, Rec.

p. I-4325, points 108 à 110, ainsi que Hartlauer, précité, points 51 et 52).

71 Or, cette conclusion est pleinement transposable aux prestataires

sanitaires en matière de pharmacie.

64

72 Troisièmement, il convient de relever qu’il existe des agglomérations

qui pourraient être perçues par de nombreux pharmaciens comme très

rentables, et, partant, plus attractives, telles que celles situées dans les zones

urbaines. En revanche, d’autres parties du territoire national pourraient être

considérées comme moins attractives, telles que des zones rurales,

géographiquement isolées ou autrement désavantagées.

73 Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que, en l’absence de toute

régulation, les pharmaciens se concentrent dans les localités jugées

attractives, de sorte que certaines autres localités moins attractives

souffriraient d’un nombre insuffisant de pharmaciens susceptibles d’assurer

un service pharmaceutique sûr et de qualité.

74 Quatrièmement, il y a lieu de rappeler que, lorsque des incertitudes

subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé

publique, l’État membre peut prendre des mesures de protection sans avoir à

attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée (arrêt

Apothekerkammer des Saarlandes e.a., précité, point 30).

75 Dans ces circonstances, un État membre peut estimer qu’il existe un

risque de pénurie de pharmacies dans certaines parties de son territoire et,

par conséquent, de défaut d’approvisionnement en médicaments sûr et de

qualité.

76 Par suite, un État membre peut adopter, eu égard à ce risque, une

réglementation qui prévoit qu’une seule pharmacie peut être créée par

rapport à un certain nombre d’habitants (voir point 57 du présent arrêt).

77 En effet, une telle condition peut avoir pour effet de canaliser

l’implantation de pharmacies vers des parties du territoire national où

l’accès au service pharmaceutique est lacunaire puisque, en empêchant les

pharmaciens de s’implanter dans des zones déjà pourvues d’un nombre

suffisant de pharmacies, elle les invite ainsi à s’installer dans des zones dans

lesquelles il existe une pénurie de pharmacies.

78 Il s’ensuit que ladite condition est susceptible de répartir les

pharmacies d’une manière équilibrée sur le territoire national, d’assurer

ainsi à l’ensemble de la population un accès approprié au service

pharmaceutique, et, par conséquent, d’augmenter la sûreté et la qualité de

l’approvisionnement de la population en médicaments.

79 Ensuite, il convient de relever que la seule condition liée aux tranches

de population risque de ne pas permettre d’éviter une concentration des

pharmacies, au sein d’une zone géographique déterminée selon cette

condition, dans certaines localités attractives de cette zone. Or, une telle

concentration de pharmacies pourrait aboutir à la création de structures

faisant double emploi, alors que d’autres parties de la même zone pourraient

souffrir d’une pénurie de pharmacies.

65

80 Dans ces circonstances, il est loisible à un État membre de prévoir des

conditions supplémentaires qui viseraient à empêcher cette concentration,

en adoptant, par exemple, une condition telle que celle au principal, qui

impose des distances minimales entre les pharmacies.

81 En effet, cette condition permet d’éviter une telle concentration par sa

nature même, et elle est ainsi susceptible de répartir les pharmacies d’une

manière plus équilibrée au sein d’une zone géographique déterminée.

82 La condition liée à la distance minimale accroît aussi, par voie de

conséquence, la certitude des patients qu’ils disposeront d’une pharmacie à

proximité, et, par conséquent, qu’ils disposeront d’un accès facile et rapide

au service pharmaceutique approprié.

83 De telles conditions d’accès pourraient être considérées comme

nécessaires d’autant plus que, d’une part, l’administration de médicaments

peut s’avérer urgente et que, d’autre part, la clientèle des pharmacies

comprend des personnes à mobilité réduite, telles que des personnes âgées

ou gravement malades.

84 Ainsi, la condition liée à la distance minimale s’avère

complémentaire à celle liée aux tranches de population et, partant, elle peut

contribuer à la réalisation de l’objectif visant à répartir les pharmacies d’une

manière équilibrée sur le territoire national, assurer ainsi à l’ensemble de la

population un accès approprié au service pharmaceutique, et, par

conséquent, augmenter la sûreté et la qualité de l’approvisionnement de la

population en médicaments.

85 Enfin, il convient de relever que la poursuite de l’objectif visé par les

deux conditions susmentionnées est renforcée au travers de certains critères

intervenant, aux termes du décret 72/2001, lors de la phase de sélection des

titulaires de nouvelles pharmacies.

86 En effet, conformément au point 7, sous b), de l’annexe de ce décret,

en cas d’égalité résultant de l’application du barème de mérites en vertu

duquel les titulaires de nouvelles pharmacies sont sélectionnés, les

autorisations sont accordées selon un ordre qui donne une priorité, après les

catégories de pharmaciens figurant audit point 7, sous a), aux pharmaciens

qui ont été titulaires d’officines de pharmacie situées dans des zones ou des

municipalités dont la population est inférieure à 2 800 habitants.

87 Étant donné que les zones géographiques dont la population est

inférieure à 2 800 habitants sont généralement des zones considérées par les

pharmaciens comme moins attractives (voir point 72 du présent arrêt), ladite

condition de délivrance d’autorisation vise à encourager des pharmaciens à

s’implanter dans ces zones dans la perspective d’être récompensés

ultérieurement lors de l’octroi d’autres autorisations d’installation de

nouvelles pharmacies.

66

88 Cependant, les requérants au principal et la Plataforma para la Libre

Apertura de Farmacias font valoir que le régime en cause au principal ne

pourrait être considéré comme propre à atteindre l’objectif invoqué car il a

pour conséquence que certains pharmaciens sont privés de tout accès à

l’activité professionnelle indépendante alors que les pharmaciens établis sur

le marché bénéficient de profits disproportionnés.

89 Une telle argumentation ne saurait prospérer.

90 En effet, il convient de relever, tout d’abord, que la liberté

d’établissement des opérateurs économiques doit être mise en balance avec

les impératifs de la protection de la santé publique et que la gravité des

objectifs poursuivis dans ce domaine peut justifier des restrictions qui ont

des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs

(voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, Affish, C-183/95, Rec. p. I-4315,

points 42 et 43).

91 Ensuite, il ressort du dossier que les autorités compétentes organisent

au moins une fois par an une procédure en vue de délivrer des autorisations

d’établissement de nouvelles pharmacies en fonction de l’évolution

démographique. Ainsi, par la décision du 14 juin 2002, la Communauté

autonome des Asturies a entamé une procédure en vue de l’octroi

d’autorisations d’installation de 24 nouvelles pharmacies sur son territoire à

partir de l’année 2002.

92 Enfin, selon le point 4 de l’annexe du décret 72/2001, ni l’expérience

professionnelle en tant que pharmacien titulaire ou cotitulaire d’une

pharmacie ni aucune autre catégorie de mérites ne sont prises en

considération lorsque l’une ou l’autre ont servi précédemment pour obtenir

une autorisation d’installation. De même, le point 7, sous a), de cette même

annexe énonce que, en cas d’égalité résultant de l’application du barème, les

autorisations sont accordées selon un ordre qui donne une priorité aux

pharmaciens qui n’ont pas été titulaires d’une officine de pharmacie.

93 Par ces critères, une telle réglementation nationale privilégie, dans ses

effets, les pharmaciens qui n’ont pas encore obtenu une autorisation

d’installation et elle vise, partant, à garantir à davantage de pharmaciens

l’accès à l’activité professionnelle indépendante.

94 S’il ressort de ce qui précède qu’une réglementation telle que celle en

cause au principal est en principe propre à atteindre l’objectif visant à

assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de

qualité, encore faut-il que la manière dont cette réglementation poursuit

ledit objectif ne soit pas incohérente. En effet, selon la jurisprudence de la

Cour, les différentes règles, ainsi que la législation nationale dans son

ensemble, ne sont propres à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que

si elles répondent véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière

cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêts précités Hartlauer, point

55, ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes e.a., point 42).

67

95 Dès lors, il convient d’examiner si le décret 72/2001 poursuit d’une

manière cohérente et systématique l’objectif visant à assurer un

approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité

lorsqu’il fixe le nombre minimal d’habitants par pharmacie, en principe, à

2 800 ou à 2 000 et la distance minimale entre les pharmacies, en règle

générale, à 250 mètres. À cet égard, il y a lieu de tenir compte également de

la loi 16/1997, dès lors que le décret 72/2001 exécute cette loi.

96 Sur ce point, il convient de constater que les deux conditions prévues

par ce décret – applicables à l’ensemble du territoire concerné – sont

censées assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr

et de qualité sur la base des indications de nature forfaitaire qui tiennent

nécessairement compte des éléments démographiques ordinaires, considérés

comme moyens. Il s’ensuit que l’application uniforme des conditions ainsi

conçues risque de ne pas assurer un accès approprié au service

pharmaceutique dans des zones qui présentent certaines particularités

démographiques.

97 Tel peut être le cas, premièrement, dans certaines zones rurales dont

la population est généralement dispersée et moins nombreuse. Cette

particularité peut avoir pour effet que, si la condition du nombre minimal de

2 800 habitants était invariablement appliquée, certains habitants intéressés

se trouveraient hors de la portée locale raisonnable d’une pharmacie et

seraient ainsi privés d’un accès approprié au service pharmaceutique.

98 À cet égard, il convient de relever que la réglementation nationale

prévoit certaines mesures d’ajustement qui permettent d’atténuer les

conséquences de l’application de la règle de base de 2 800 habitants. En

effet, selon l’article 2, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la loi 16/1997, les

communautés autonomes peuvent fixer des tranches de population plus

faibles que 2 800 habitants par pharmacie pour les zones rurales,

touristiques, de montagne ou pour les zones où, en raison de leurs

caractéristiques géographiques, démographiques ou sanitaires, l’application

des critères généraux ne permet pas d’assurer un service pharmaceutique et

rendre ainsi une pharmacie située dans une telle zone particulière plus

accessible pour le segment de la population l’entourant.

99 Deuxièmement, il s’avère qu’une stricte application de l’autre

condition du décret 72/2001, tenant à la distance minimale entre les

pharmacies, risque de ne pas assurer un accès approprié au service

pharmaceutique dans certaines zones géographiques à forte concentration

démographique. En effet, dans ces zones, la densité de population autour

d’une pharmacie peut nettement dépasser le nombre d’habitants fixé à titre

forfaitaire. Dans ces circonstances spécifiques, l’application de la condition

de la distance minimale de 250 mètres entre les pharmacies risquerait

d’aboutir à la situation dans laquelle le périmètre prévu pour une seule

pharmacie inclurait plus de 2 800 habitants – voire plus de 4 000 habitants

dans l’hypothèse visée à l’article 2, paragraphe 3, de la loi 16/1997. Partant,

il ne saurait être exclu que les habitants des zones ainsi caractérisées

68

puissent éprouver des difficultés, en raison de l’application stricte de la

règle tenant à la distance minimale, à accéder à une pharmacie dans des

conditions qui permettent d’assurer un service pharmaceutique approprié.

100 Cela étant, même dans un tel cas, ces conséquences peuvent être

atténuées par la mesure d’assouplissement prévue à l’article 2, paragraphe

4, de la loi 16/1997 selon lequel la distance minimale entre officines de

pharmacie est fixée «en règle générale» à 250 mètres, les communautés

autonomes pouvant autoriser, en fonction de la concentration de la

population, une distance inférieure entre les pharmacies et augmenter de

cette manière le nombre de pharmacies disponibles dans les zones à très

forte concentration de population.

101 À cet égard, il y a lieu de relever que, afin d’atteindre d’une manière

cohérente et systématique, dans un cas tel que celui décrit au point 99 du

présent arrêt, l’objectif visant à assurer un service pharmaceutique

approprié, les autorités compétentes pourraient même être amenées à

interpréter la règle générale comme une règle permettant d’accorder une

autorisation pour la création d’une pharmacie à une distance inférieure à

250 mètres non seulement dans des cas tout à fait exceptionnels, mais

chaque fois que l’application stricte de la règle générale de 250 mètres

risque de ne pas assurer un accès approprié au service pharmaceutique dans

certaines zones géographiques à forte concentration démographique.

102 Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier

si les autorités compétentes font un usage, dans le sens décrit aux points 98,

100 et 101 du présent arrêt, de l’habilitation offerte par de telles dispositions

dans toute zone géographique ayant des caractéristiques démographiques

particulières dans laquelle l’application stricte des règles de base de 2 800

habitants et de 250 mètres risquerait d’empêcher la création d’un nombre

suffisant de pharmacies susceptibles d’assurer un service pharmaceutique

approprié.

103 À la lumière de tout ce qui précède, il convient de constater que, sous

réserve des considérations énoncées aux points 94 à 100 du présent arrêt, la

réglementation en cause au principal s’avère propre à atteindre le but

poursuivi.

104 Il reste à examiner, en quatrième lieu, si la restriction à la liberté

d’établissement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le

but invoqué, c’est-à-dire s’il n’existe pas des mesures moins attentatoires

pour y parvenir.

105 Sur ce point, les requérants au principal, la Plataforma para la Libre

Apertura de Farmacias et la Commission européenne font notamment valoir

qu’il suffirait de prévoir des règles fixant un nombre minimal de pharmacies

dans des zones géographiques déterminées (ci-après le «système ‘a

minima’»). De cette manière, aucune nouvelle implantation de pharmacie

ne serait certes autorisée – comme dans le système actuel – dans des zones

69

déjà pourvues d’un nombre suffisant de pharmacies, et ce jusqu’à ce que

chacune des zones géographiques déterminées dispose du nombre minimal

requis de pharmacies. Cependant, l’ouverture de nouvelles pharmacies

serait libre à partir du moment où chacune de ces zones disposerait de ce

nombre minimal de pharmacies.

106 À cet égard, il convient cependant de relever que, au regard de la

marge d’appréciation dont bénéficient les États membres en matière de

protection de la santé publique, mentionnée au point 44 du présent arrêt, un

État membre peut estimer que le système «a minima» ne permet pas

d’atteindre – avec la même efficacité que le système actuel – l’objectif

visant à assurer un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité

dans les zones peu attractives.

107 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, dans le système actuel, le

facteur qui incite les pharmaciens à s’installer dans les zones dépourvues de

pharmacies résulte du fait qu’ils sont empêchés de s’implanter dans des

zones déjà pourvues d’un nombre suffisant de pharmacies, et ce en vertu

d’un critère démographique objectif, à savoir jusqu’au moment où la

population de ces zones augmente au-delà du seuil fixé. Ce système ne

laisse ainsi, en principe, aucun autre choix aux pharmaciens désireux

d’exercer une activité professionnelle indépendante que celui de s’installer

dans des zones dépourvues de pharmacies, dans lesquelles

l’approvisionnement de la population en médicaments est insuffisant et où

l’installation de pharmacies est donc autorisée.

108 Ensuite, il convient de constater qu’un État membre, tel que le

Royaume d’Espagne, peut légitimement aménager le système de répartition

territoriale à l’échelle régionale, c’est-à-dire conférer aux différentes

régions le soin d’organiser la répartition de pharmacies entre les zones

géographiques de leurs territoires respectifs.

109 Or, la situation dans les différentes régions peut se distinguer

considérablement en ce qui concerne l’installation de pharmaciens.

110 Plus précisément, il est envisageable que, au sein de certaines régions,

il existe une ou plusieurs zones géographiques dans lesquelles le nombre

minimal requis de pharmacies n’a pas encore été atteint. Ce n’est donc que

dans ces zones lacunaires que la possibilité de l’installation de nouvelles

pharmacies se présente.

111 En revanche, s’agissant d’autres régions, il peut y avoir la situation

dans laquelle toutes leurs zones géographiques sont déjà pourvues d’un

nombre minimal requis de pharmacies et – dans le système alternatif «a

minima» décrit au point 105 du présent arrêt – l’ensemble de leur territoire

serait donc ouvert à une libre installation de pharmaciens, y compris les

zones les plus attractives. Or, cette situation pourrait porter atteinte à

l’objectif national, tel qu’il ressort de la loi 16/1997, de canaliser les

pharmaciens vers des zones dépourvues de pharmacies dans quelque région

70

que ce soit. En effet, il ne saurait être exclu que les pharmaciens concernés

aient tendance à s’ajouter aux pharmaciens qui se sont installés dans les

régions saturées – et donc ouvertes à l’installation libre – au lieu

d’envisager une installation dans les zones dépourvues de pharmacies dans

les régions non saturées.

112 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la réglementation

en cause au principal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre

l’objectif poursuivi.

113 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première partie

des questions posées que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens

qu’il ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que

celle en cause au principal, qui impose des limites à la délivrance

d’autorisations d’établissement de nouvelles pharmacies, en prévoyant que:

– dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être

créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;

– une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce seuil

est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction supérieure à 2 000

habitants, et

– chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par rapport

aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle générale, de

250 mètres.

114 Cependant, l’article 49 TFUE s’oppose à une telle réglementation

nationale pour autant que les règles de base de 2 800 habitants ou de 250

mètres empêchent, dans toute zone géographique ayant des caractéristiques

démographiques particulières, la création d’un nombre suffisant de

pharmacies susceptibles d’assurer un service pharmaceutique approprié, ce

qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

…..

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose

pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que celle en cause

au principal, qui impose des limites à la délivrance d’autorisations

d’établissement de nouvelles pharmacies, en prévoyant que:

– dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être

créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;

– une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce

seuil est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction

supérieure à 2 000 habitants, et

71

– chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par

rapport aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle

générale, de 250 mètres.

Cependant, l’article 49 TFUE s’oppose à une telle réglementation

nationale pour autant que les règles de base de 2 800 habitants ou de

250 mètres empêchent, dans toute zone géographique ayant des

caractéristiques démographiques particulières, la création d’un

nombre suffisant de pharmacies susceptibles d’assurer un service

pharmaceutique approprié, ce qu’il appartient à la juridiction

nationale de vérifier.

…..

* * * * *

72

§ 5 LE MARCHE INTERIEUR SUISSE

Textes législatifs : Loi fédérale du 6.10.1995 sur le marché intérieur (LMI) (RS

943.02), FF 1995 IV 552 ss et 2005 461 ss ; Loi fédérale sur les entraves

techniques au commerce (LETC) (RS 946.51), FF 1995 IV 539 ss; LF sur la

formation professionnelle, RS 412.10 ; art. 34 ss TFUE.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I

1193 ; Message relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur, FF 2005 421;

E. SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,

Coire/Zurich 1992; V. MARTENET/C. RAPIN, Le marché intérieur suisse, in

Cahiers Suisses de droit européen, n° 19, Berne/Zurich 1999; D. DREYER/B.

DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activités

soumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,

1998, p. 859 ss; Commentaire romand - Concurrence, LMI, p. 1239 ss; A.

AUER/V. MARTENET, La loi sur le marché intérieur face au mandat

constitutionnel de créer un espace économique unique - Avis de droit, DPC

2004/1, p. 277 ss.

5.1 LE LIBRE ACCES AU MARCHE

5.1.1 Généralités

187 La Loi fédérale sur le marché intérieur est fondée sur l’art. 95 Cst qui

donne à la Confédération la compétence de légiférer sur l’exercice des

activités économiques privées.

188 En vertu de l’al. 2 de cette disposition : la Confédération veille à créer un

espace économique suisse unique;

La Confédération a donc le devoir de prendre les mesures nécessaires à

cette fin.

189 Le but de la Loi sur le marché intérieur est clairement énoncé à l'art. 1er :

garantir à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse

l'accès libre et non discriminatoire au marché, afin qu'elle puisse exercer

une activité lucrative.

190 Une activité lucrative ? Toute activité non régalienne (i.e. dont l’Etat ne

s’est pas réservé le monopole) ayant pour but un gain (art. 1er al. 3 LMI).

73

191 Comment garantir l'accès au marché ? Par les principes suivants :

- la suppression des dispositions et des mesures de nature

protectionniste édictées par les cantons et les communes; les cantons,

les communes et les autres organes assumant des tâches publiques

avaient un délai de deux ans dès l'entrée en vigueur de la loi en 1996

pour adapter leurs prescriptions (art. 11 LMI); cette disposition n’a

malheureusement eu que peu d’effets ;

- l'interdiction des mesures discriminatoires (art. 3 al. 1 let. a LMI) ;

- l'application du principe «Cassis-de-Dijon» (art. 2 al. 1 et 3 al. 2

LMI) ;

- la suppression des obstacles techniques (cf. LETC).

5.1.2 La suppression des obstacles techniques

192 La libre circulation des marchandises en Suisse était encore entravée par

de multiples obstacles techniques. La LF sur les entraves techniques,

adoptée en 1996 en même temps que la LF sur le marché intérieur, a pour

but de supprimer ces obstacles sur le marché suisse.

193 Cette loi – visant le marché intérieur – a été complétée sur le plan

extérieur par l'Accord relatif à la reconnaissance mutuelle en matière

d'évaluation de conformité signé entre la Suisse et l'UE en 1999 (entrée en

vigueur le 1er juin 2002 en même temps que les autres "accords

bilatéraux").

194 A noter que le principe "Cassis de Dijon", appliqué au sein du marché

intérieur européen et sur le marché suisse, ne peut être appliqué dans les

relations Suisse-UE car il n'existe pas d'institution, telle qu'un tribunal, qui

pourrait trancher les différents. Le Comité mixte n'a pas la même fonction

que la Cour de Justice des Communautés européennes par exemple.

195 Par contre, dans le but de faciliter les échanges entre la Suisse et l'UE, le

parlement suisse a adopté au printemps 2009 une modification de la LETC

par laquelle le principe "Cassis de Dijon" sera appliqué unilatéralement

par la Suisse à l'égard des produits européens (cf. ci-dessous 5.6).

5.1.3 Le principe "Cassis-de-Dijon"

A. Origine européenne du principe

74

196 Ce principe a été établi par la Cour de Justice des Communautés

européennes en application de l'art. 34 TFUE qui interdit les restrictions

quantitatives et les mesures d'effet équivalent (cf. ci-dessus § 4.3).

197 Selon ce principe, les produits fabriqués et commercialisés légalement

dans l'un des Etats membres doivent en principe être admis dans toute la

Communauté.

198 Certes, en l'absence de réglementation communautaire, les Etats membres

restent compétents pour édicter des prescriptions applicables sur leur

propre territoire. Mais les obstacles qui en résultent ne sont admissibles

que dans la mesure où ces prescriptions «peuvent être reconnues comme

étant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant,

notamment à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé

publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des

consommateurs» (Arrêt Cassis-de-Dijon).

B. Application du principe en Suisse

199 Dans la LMI, ce principe est énoncé à l'art. 2 qui limite les restrictions

possibles (art. 3). Toute personne a le droit d'offrir des marchandises ou

des services dans toute la Suisse pour autant que l'exercice de l'activité

lucrative en question soit licite au lieu où cette personne a son siège ou son

établissement (art. 2 al. 1 LMI).

200 C'est le canton de l'offreur qui détermine les éventuelles prescriptions

relatives à l'offre de marchandises ou de services. La marchandise dont la

mise en circulation est autorisée dans le canton de l'offreur peut être mise

en circulation dans toute la Suisse.

201 Aux termes de l’art. 2 al. 4 LMI, la liberté d’accès au marché selon les

prescriptions du lieu de provenance est étendue à l’établissement

commercial. Dès lors, des catégories professionnelles entières qui ne

pouvaient auparavant bénéficier de cette liberté d’établissement puisque

tributaires d’équipements fixes sur le lieu d’exécution de la prestation ont

désormais plus de mobilité. Concrètement, cela signifie que les personnes

concernées ne sont pas tenues de demander une autorisation au lieu de

destination pour exercer leur activité puisqu’elles peuvent exercer celle-ci

sur la base de l’autorisation délivrée au lieu du premier établissement.

202 La révision de la LMI a également ajouté à l’art. 2 LMI un alinéa 5 qui

fixe explicitement dans la loi la présomption (réfragable) d’équivalence

des règlementations cantonales et communales, qui est à la base de la

liberté d’accès au marché. L’inscription de ce principe dans la loi ne le

modifie pas, elle lui confère simplement plus de poids.

75

5.2 LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU MARCHE

203 Des restrictions à la liberté d'accès au lieu de destination (de la

marchandise) ou de prestation des services ne peuvent être imposées que

si (art. 3 LMI) :

204 a) Ces restrictions s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux

(principe de non-discrimination ou traitement national).

205 b) Ces restrictions sont indispensables à la préservation d'intérêts publics

prépondérants : Dans une précédente version, la LMI donnait une liste

exemplative d'intérêts prépondérants. Cette liste ne figure plus dans la

loi. Il a en effet été considéré qu’il n’était pas nécessaire de les préciser,

notamment en raison du fait qu’il s’agit des mêmes intérêts que ceux

admis par la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de

restrictions à la liberté économique. Il est cependant utile de la rappeler

pour concrétiser cette notion :

- protection de la vie et de la santé de l'être humain, protection des

animaux et des végétaux;

- protection de l'environnement;

- protection de la loyauté des échanges commerciaux et des consom-

mateurs;

- poursuite d'objectifs de politique sociale et énergétique;

- garantie d'un niveau de formation suffisant pour les activités

professionnelles soumises à autorisation.

206 Ces restrictions doivent respecter le principe de la proportionnalité;

l'art. 3 al. 2 LMI précise que ce principe n'est pas respecté si :

- la protection recherchée est déjà obtenue au moyen des

prescriptions applicables au lieu de provenance;

- les attestations de sécurité ou les certificats déjà produits par

l'offreur au lieu de provenance ne sont pas pris en compte.

207 Afin de bien se faire comprendre, le législateur ajoute (art. 3 al. 2 let. c

et 3 LMI) que :

76

- un siège ou un établissement au lieu de destination ne peuvent pas

être imposés à l’offreur comme condition pour pouvoir y exercer une

activité lucrative;

- les restrictions ne doivent en aucun cas constituer un obstacle

déguisé aux échanges ou destiné à favoriser les intérêts économiques

locaux.

5.3 LES ACTIVITES SOUMISES A AUTORISATION

5.3.1 Règles générales

A. Compétences fédérales

208 La LMI ne joue pas (ou plus) de rôle lorsque la compétence de

réglementer une profession est (ou est passée) en mains de la

Confédération.

209 C'est le cas pour certaines professions médicales pour lesquelles la

législation fédérale a prévu des certificats fédéraux et les conditions

d'obtention de ces certificats.

210 C'est aussi le cas pour l'exercice de la profession d'avocat :

- Alors même que les cantons fixent encore les exigences pour

l'obtention du brevet d'avocat (attestant la réussite des examens à la fin

du stage d'avocat) la Loi fédérale sur la libre circulation des avocats

(LLCA) a introduit le principe selon lequel un avocat inscrit à un

registre cantonal des avocats peut pratiquer la représentation en justice

dans toute la Suisse sans qu'une nouvelle autorisation ne soit nécessaire

(art. 4 LLCA).

- La LLCA fixe les conditions de formation (art. 7), les conditions

personnelles d'inscription au registre des avocats (art. 8), ainsi que les

règles professionnelles et la surveillance par les autorités (art. 12 à 20

LLCA).

211 De plus, exerçant la compétence conférée par la Constitution (art. 63) de

légiférer en matière de libre circulation professionnelle, la Confédération a

adopté la loi fédérale sur la formation professionnelle (RS 412.0).

B. Compétences cantonales

212 La LMI joue pleinement son rôle lorsque la compétence d'imposer un

certificat de capacité pour l'exercice de certaines activités est encore en

mains cantonales (art. 27 ss Cst).

77

213 Les cantons sont tenus, selon l’art. 196 ch. 5 Cst, à la reconnaissance

réciproque des titres sanctionnant une formation (une règle semblable

existait déjà dans la Constitution fédérale de 1874 !). De plus, la nouvelle

loi fédérale sur la formation professionnelle fixe – comme une directive

européenne – un cadre que les cantons doivent respecter.

214 Les cantons imposaient souvent, en plus des connaissances techniques ou

professionnelles établies par le certificat, des conditions personnelles.

Avant la LMI, les cantons exigeaient encore le dépôt d'une requête afin de

vérifier si ces conditions personnelles étaient remplies. Cette manière de

faire n'est plus possible avec la LMI.

215 L'art. 4 al. 4 LMI prévoit encore une règle très particulière dans

l'hypothèse où la reconnaissance de certificats est prévue dans un accord

intercantonal (concordat) puisque les dispositions du concordat

l'emportent sur la LMI !

5.3.2 La reconnaissance des certificats de capacité cantonaux

216 Le principe de la reconnaissance sur tout le territoire suisse des certificats

de capacité cantonaux étant déjà prévu par l'art. 196 ch. 5 Cst., il s'agit de

comprendre ce qu'apporte la loi sur le marché intérieur. Cet apport, à

l'art. 4 LMI, consiste dans la limitation des restrictions possibles puisque

celles-ci doivent respecter les règles de l'art. 3 LMI.

217 L’alinéa 3bis de l’art. 4 LMI prévoit en outre que : « La reconnaissance

de certificats de capacité pour les activités lucratives couvertes par

l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la

Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre

circulation des personnes est régie par cet accord ».

218 A l’avenir, la reconnaissance des certificats de capacité cantonaux devra

donc s’effectuer selon la procédure de reconnaissance de l’UE, les

accords intercantonaux restant réservés. Pour ce qui est de la

reconnaissance non réglée sur le plan cantonal, les mêmes règles

s’appliqueront sur le plan interne (entre cantons) et externe (UE).

219 La portée de l’alinéa 3bis dépendra toutefois de l’usage que fera la

Confédération, dans le cadre de la nouvelle loi sur la formation

professionnelle, de ses prérogatives en matière de réglementation.

220 S’agissant de la procédure de reconnaissance mise en place au sein de

l’UE, on distingue entre les directives générales et spéciales que la

Suisse a reprises dans son propre droit en signant l’accord sur la libre

circulation des personnes.

78

221 Les directives générales (p. ex. la directive 95/21/CE qui régit la

reconnaissance des métiers nécessitant une formation de 1 à 3 ans) se

fondent sur le principe de la confiance réciproque dans le système de

formation des autres Etats membres, alors que les directives spéciales

(par ex. la directive 77/452/CE reconnaissance de diplômes en matière

de soins infirmiers) se fondent sur le principe de l’harmonisation

préalable des systèmes de formation. En d’autres termes, une vérification

de la durée et des contenus des formations aura lieu dans le cas des

formations concernées par les directives générales tandis que les

diplômes pris en compte par les directives spéciales seront reconnus

d’office.

222 Il faut encore noter que l’accord sur la libre circulation des personnes a

été étendu aux dix nouveaux membres de l’UE en mai 2004 et ce,

également dans le domaine de la reconnaissance des diplômes.

5.4 LA MISE EN ŒUVRE PROCEDURALE

223 L’hypothèse est la suivante : une entreprise met en vente un produit ou

exerce une activité et l’autorité suisse intervient pour le motif que ce

produit ou cette activité n’est pas conforme aux prescriptions en vigueur

au lieu de vente ou d’exercice de l’activité.

224 En principe, l’autorité doit d’abord réunir des informations :

- sur la conformité du produit aux règles de l’Etat de provenance

- sur les diplômes du prestataire de service lorsque l’activité est

soumise à autorisation.

225 L’autorité ne peut pas instituer des contrôles faisant double emploi avec

les contrôles déjà effectués dans un autre Etat membre. L’autorité est

tenue de vérifier l’équivalence des niveaux de protection ou des

diplômes.

226 L’administration ne peut exiger que des produits satisfassent

littéralement et exactement aux mêmes dispositions ou caractéristiques

techniques prescrites en Suisse alors que les produits importés

garantissent objectivement le même niveau de protection. La règle est la

même mutatis mutandis pour la reconnaissance des diplômes.

227 Si l’autorité arrive à la conclusion que le produit n’est pas conforme ou

que la personne prestant le service n’a pas les qualifications requises, elle

prend une décision d’interdiction de la vente du produit ou d’exercice de

l’activité par la personne en cause.

79

228 Cette décision pourra faire l’objet d’un recours :

229 - devant un tribunal administratif cantonal lorsque c’est un organe de

l’administration cantonale qui a pris la décision ;

230 - devant le Tribunal administratif fédéral lorsque la décision a été prise

par une autorité administrative fédérale.

5.5 LE DROIT DE RECOURS DE LA COMCO

231 Le nouvel article 9 al. 2 bis LMI confère le droit à la Comco de faire

constater par un recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) qu’une

décision (cantonale ou communale) restreint indûment l’accès au marché.

232 L’art. 89 al. 2 lit. a LTF prévoit notamment que les départements fédéraux

ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont

subordonnées, ont la qualité pour recourir si l’acte attaqué est susceptible

de violer la législation fédérale dans leur domaine d’attributions.

233 En vertu de l’art. 104 al. 2 LTF, la Comco peut donc, dès qu’elle a la

qualité pour recourir, faire usage des voies de recours cantonales et être

partie à une procédure devant n’importe quelle instance cantonale. Dans la

mesure où d’éventuels recours auprès d’instances communales peuvent

être qualifiées généralement de « voies de droit cantonales » au sens de

cette disposition, la Comco est assurée de disposer aussi d’un droit de

recours contre les décisions de première instance.

234 De plus, en vertu de l’art. 105 al. 4 LTF, le Conseil fédéral déterminera

par voie d’ordonnance les décisions devant être communiquée à la Comco

par les instances cantonales et communales.

235 Cependant, le droit de recours de la Comco sera restreint dans le domaine

des marchés publics aux décisions soulevant des questions d’importance

fondamentale et concernant des marchés excédent les valeurs seuils

déterminantes.

236 Il faut encore préciser que la Comco peut exercer son droit de recours

indépendamment d’un éventuel recours privé visant le respect de la liberté

d’accès au marché. L’aval des particuliers concernés n’est par ailleurs pas

nécessaire et le recours de la Comco n’interrompt pas le délai pour le

dépôt d’un recours individuel.

5.6 L'APPLICATION UNILATERALE DU PRINCIPE "CASSIS-DE-

DIJON"

80

5.6.1. Motifs de la révision de la LETC

237 Depuis 1992, le Conseil fédéral a poursuivi deux voies pour réduire les

entraves techniques au commerce :

- l'harmonisation autonome des prescriptions suisses avec le droit de

l'UE;

- la conclusion d'accords internationaux sur l'accès réciproque au

marché.

238 Malgré cela, un grand nombre d'entraves subsistent. Or, ces entraves

augmentent le prix des produits européens vendus en Suisse et rendent

plus difficiles les exportations suisses (les importations provenant de l'UE

représentent le 80 % des importations suisses et la majoration de prix est

de 10 à 25 %).

239 La modification législative ne s'applique pas pour les domaines dans

lesquels les réglementations suisses et européennes ne divergent pas, c'est-

à-dire sont déjà harmonisées. Evidemment, cette harmonisation résulte du

fait que la Suisse reprend telles quelles les normes européennes !

240 Des règles particulières sont prévues pour les denrées alimentaires (art. 16

c à e).

5.6.2. La modification de l'art. 16 LETC

241 Par la modification de l'art. 16 LETC, le législateur suisse a décidé

d'appliquer unilatéralement aux produits européens le principe "Cassis-de-

Dijon". L'application est dite unilatérale parce qu'elle est appliquée

indépendamment de ce que fait l'UE à l'égard des produits suisses.

A. Le principe et ses exceptions

242 Il est énoncé à l'art. 16 a LETC

243 "Les produits qui ne satisfont pas aux prescriptions techniques suisses

peuvent être mis sur le marché :

a) s'ils ont été fabriqués conformément aux prescriptions techniques de la

Communauté européenne (CE) et, lorsque le droit de la CE n'est

harmonisé ou ne fait l'objet que d'une harmonisation incomplète,

conformément aux prescriptions techniques d'un Etat membre de la CE

ou de l'Espace économique européen (EEE);

b) s'ils sont légalement sur le marché de l'Etat membre de la CE ou de

l'EEE visé à la let. a, et

81

c) s'ils ne présentent aucun risque majeur pour des intérêts publics

prépondérants au sens de l'art. 4, al. 4, let. a à e, lorsqu'ils sont utilisés

dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles."

244 Sont exceptés les produits soumis à homologation tels que les

médicaments, et les substances soumises à notification tels que les

produits chimiques. Il en va de même pour les produits dont l'importation

requiert une autorisation préalable (p. ex. LF sur le matériel de guerre ou

LF sur les épizooties – grippe aviaire !). Des procédures simplifiées sont

mises en place dans ces cas-là.

245 La loi prévoit aussi des exceptions pour les cas dans lesquels les prescrip-

tions suisses sont maintenues.

246 L'application unilatérale du principe "Cassis-de-Dijon" ne se fait pas pour

les produits pour lesquels le Conseil fédéral arrête une exception (art. 16a

al. 2 let. e LETC).

247 Lors de la préparation de la révision de la LETC, le Conseil fédéral a

procédé à un examen complet des prescriptions techniques suisses. Dans

un premier temps, 129 divergences ont été annoncées par l'administration

fédérale.

- Après un premier examen interne, 69 divergences ont été soumises lors

de la mise en circulation du projet;

- Finalement, lors de l'adoption du texte légal pour le soumettre au

Parlement, le Conseil fédéral n'a retenu que 18 exceptions :

-- Dans 5 cas, il a confirmé le maintien des prescriptions suisses :

"- interdiction du plomb dans les peintures et les vernis;

- prescriptions de sécurité relatives aux produits pour les chemins

de fer;

- mention de la teneur en alcool pour les boissons alcoolisées

sucrées;

- marques de contrôle des boissons distillées destinées à la

consommation;

- mention de la raison sociale, du prix de vente au détail et des

mises en garde combinées sur les produits du tabac et produits

contenant des succédanés de tabac destinés à être fumés."

-- Dans 13 cas, l'exception s'appliquera de manière restreinte ou

seulement à titre provisoire :

82

"- installations de combustion alimentées à l'huile, au gaz, au bois et

au charbon: exigence de qualité de l'air;

- identification d'une entreprise suisse à titre de personne

responsable de la mise sur le marché sur l'étiquette des substances

et préparations et sur la fiche de données de sécurité;

- substances stables dans l'air (gaz à effet de serre): limitations,

prescriptions en vue de prévenir les émissions et prescriptions sur

le marquage;

- interdiction des paraffines chlorées à chaînes courtes dans les

peintures et les vernis, les mastics, les textiles ainsi que les

matières plastiques et les caoutchoucs;

- exigences posées au bois traité avec des produits pour la

conservation du bois et aux matériaux en bois;

- interdiction des phosphates et limitation des agents complexants

dans les lessives et produits de nettoyage;

- titre, désignation et contrôle des ouvrages en métaux précieux;

- déclaration de l'élevage en batterie, non admis en Suisse;

- obligation de déclarer les mélanges involontaires avec des

substances allergènes dans les denrées alimentaires;

- exigences concernant la combustibilité des produits textiles

(articles vestimentaires, rideaux, voilages);

- exigences concernant les déperditions de chaleur des chauffe-eau,

des réservoirs d'eau chaude et des accumulateurs de chaleur;

- mention du pays de production des denrées alimentaires;

- mention du pays de production des matières premières des

denrées alimentaires."

248 Les précisions relatives au caractère restreint ou temporaire de la

restriction seront données dans l'ordonnance du Conseil fédéral qui sera

adoptée lors de la mise en œuvre de la révision de la LETC.

B. Les entreprises européennes

249 Les entreprises européennes peuvent donc exporter leurs produits sur le

marché suisse pour autant que :

- le produit a été fabriqué conformément aux prescriptions techniques

applicables dans son pays (prescriptions harmonisées ou prescriptions

de l'Etat de provenance);

- le produit a été légalement mis sur le marché de l'Etat membre;

83

- le produit ne présente pas un risque majeur pour des intérêts publics

prépondérants.

250 La règle s'applique tant aux marchandises fabriquées et légalement mises

sur le marché dans un Etat membre de l'UE qu'aux marchandises

provenant d'un autre Etat et qui satisfont au droit communautaire ou aux

prescriptions d'un Etat membre.

251 Il faut que le producteur européen soit effectivement actif sur le marché

européen et que la marchandise soit légalement sur le marché (l'art. 20

LETC explique la marche à suivre pour la surveillance du respect des

conditions légales).

C. Les entreprises suisses exportant en Europe

252 Les sociétés suisses qui exportent en Europe respectent la réglementation

européenne (harmonisée ou existante dans le pays d'exportation). Ces

entreprises, en application de l'art. 16a LETC peuvent écouler les mêmes

marchandises sur le marché suisse même si elles ne satisfont pas aux

règles suisses éventuellement divergentes.

D. Les autres entreprises suisses

253 L'application de l'art. 16a LETC aux entreprises suisses exportant sur le

marché européen crée une discrimination par rapport aux entreprises

suisses dont l'activité est limitée au marché suisse dans la mesure où

celles-ci doivent, selon les cas, respecter des normes suisses plus

contraignantes. Afin de réduire les effets de cette discrimination, le

législateur a adopté l'art. 16b LETC :

- lorsque les producteurs suisses constatent une telle discrimination péna-

lisant leurs produits, ils peuvent en informer le SECO;

- le SECO peut proposer de supprimer ou modifier les prescriptions

techniques suisses divergentes;

- le Conseil fédéral peut, dans les cas de rigueur, prévoir une

autorisation, limitée dans le temps, de produire et de vendre sur le

marché suisse selon les normes européennes.

* * * * *

84

2ème

partie

L'EXERCICE DE LA CONCURRENCE

ET LA PROTECTION DU MARCHE

Dans cette deuxième partie, après avoir précisé le champ d’application du droit de la

concurrence (Chapitre 3), il s’agira d’examiner à quelles conditions les entraves à la

concurrence sont illicites (Chapitre 4) et de quelle manière on procède pour appliquer ce

droit (Chapitre 5).

Chapitre 3

LE CHAMP D'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Le droit de la concurrence ne s’applique pas à tous les acteurs économiques et il vise un

but spécifique. C’est pourquoi, il faut délimiter le champ d’application matériel et le

champ d’application personnel et géographique, du droit de la concurrence.

§ 6 LES CHAMPS D'APPLICATION MATERIEL, PERSONNEL ET

GEOGRAPHIQUE

Textes législatifs : art. 2 à 4 LCart.; art. 1 et 2 LCD; art. 1 et 2 Loi fédérale

concernant la surveillance des prix (LSPr) (RS 942.20); art. 101 et 102 TFUE.

Bibliographie : P.-A. KILLIAS, CR Concurrence, Art. 2 et Art. 3; E. CLERC, CR

Concurrence, Art. 4; B. GOLDMAN/A. LYON-CAEN/L. VOGEL, Droit commercial

européen, 5e éd., Paris 1994; Traité de droit européen, Juris-Classeur; B.-A.

85

GENESTE, Pratiques restrictives de concurrence, Ententes anticoncurrentielles,

Champ d'application, in Juris classeur, Europe, 4, Paris 1996.

254 Le champ d’application de la loi sur les cartels est précisé aux art. 2 à 4 LCart. ; la

loi s’applique :

- aux entreprises (cf. ad 6.3 ci-dessous) ;

- aux entreprises qui, par une entente (6.2.1), une position dominante (6.2.2) ou

une opération de concentration (6.2.3) exercent une influence sur le marché ;

- aux entreprises qui ont des effets en Suisse (6.4).

255 En droit européen, les mêmes critères sont utilisés ; s’y ajoute celui de

l’affectation du commerce entre les Etats membres (6.5).

256 La loi réserve quelques domaines auxquels la loi sur les cartels ne s’applique pas

(6.1).

6.1 ACTIVITES NON SOUMISES AU DROIT DE LA

CONCURRENCE

6.1.1 Les règles de la propriété intellectuelle

257 Selon l’art. 3 al. 2 LCart., la loi ne s’applique pas aux effets sur le

concurrence qui découlent exclusivement des lois sur la propriété intellec-

tuelle. En effet, le titulaire d’un brevet se voit reconnaître le droit exclusif

d’exploiter le procédé de fabrication décrit par le brevet ; ce titulaire du

brevet bénéficie ainsi, de par la loi, d’une position dominante. Cette

situation est justifiée par la volonté de protéger les investissements faits

dans la recherche et le développement industriel.

258 Cette exemption est cependant strictement limitée au droit de l’usage

exclusif du brevet, lequel comprend le droit d’accorder une licence.

Cependant le droit exclusif accordé par la loi sur les brevets n’a pas pour

but de permettre au titulaire du brevet de mettre en place un cloisonnement

commercial du marché par des accords qui dépassent le droit d’usage du

brevet. C’est le sens de l’art. 3 al. 2 LCart.

259 La question des effets sur la concurrence découlant exclusivement de la

législation sur la propriété intellectuelle ou plutôt de la manière d'user de

ses droits est liée à la problématique de l'épuisement des droits.

260 Selon le principe de l'épuisement du droit, le titulaire du brevet a "épuisé"

son droit sur l'objet du brevet dès qu'il a mis licitement et volontairement

86

l'objet sur le marché. A la suite de cette première mise sur le marché, le

titulaire ne peut plus se fonder sur le brevet pour contrôler la "circulation"

de l'objet sur le marché.

261 Les milieux intéressés ont longtemps débattu la question de l'étendue

géographique de l'épuisement :

- s'il n'est que national, le titulaire peut encore s'opposer à l'arrivée sur le

marché d'un objet provenant d'un autre pays (alors même que cet objet

aurait été licitement mis sur le marché par le titulaire lui-même);

- si l'épuisement est international, le titulaire ne peut plus s'opposer à

l'arrivée d'un produit licitement mis sur le marché par lui-même dans un

autre pays;

- on parle d'un épuisement régional lorsque l'effet de l'épuisement

s'étend aux pays d'une organisation régionale telle que l'Union

européenne ou l'Espace économique européen.

262 En Suisse, alors que la législation ne traitait pas de cette question, le

Tribunal avait décidé d'appliquer le principe de l'épuisement international

pour les marques, mais celui de l'épuisement national pour les brevets.

263 En 2008, la loi suisse sur les brevets d'invention a été modifiée sur ce

point (entrée en vigueur le 1er juillet 2009) :

- le principe de l'épuisement régional s'applique dorénavant aussi aux

brevets; ce principe est appliqué unilatéralement, c'est-à-dire sans

convenir du principe de réciprocité) :

"Lorsqu'une marchandise brevetée est mise en circulation en Suisse ou

dans l'Espace économique européen par le titulaire du brevet ou avec

son accord, elle peut être importée et utilisée ou revendue en Suisse à

titre professionnel" (art. 9 a al. 1 LBI)

- exception : le principe de l'épuisement national continue à s'appliquer

pour les biens dont le prix est fixé par l'Etat, notamment les

médicaments :

"Nonobstant les al. 1 à 4, une marchandise brevetée ne peut être mise

en circulation en Suisse qu'avec l'accord du titulaire du brevet lorsque,

en Suisse ou dans le pays de mise en circulation, le prix de cette

marchandise est imposée par l'Etat." (art. 9 a al. 5 LBI)

6.1.2 Marchés de caractère étatique

264 Il est des domaines d’activités économiques pour lesquels l’Etat établit des

règles particulières qui dérogent à la concurrence; c'est le cas par exemple

pour les domaines suivants :

87

- télécommunications

- secteur laitier

- trafic aérien de ligne

- activité de notaire

265 (Certains secteurs qui échappent à la concurrence restent soumis à la

surveillance des prix, RS 942.20)

266 L’art. 3 al. 1 LCart. précise la notion de « prescriptions qui excluent de la

concurrence certains biens ou services » en indiquant que ce sont celles

qui :

- établissent un régime de marché ou un régime de prix de caractère

étatique; dans une affaire concernant Météosuisse, unité administrative

de l'administration fédérale, le TF a jugé que lorsque l'Etat intervient

souverainement et se fait rétribuer les prestations de services qu'il

fournit sur la base d'un tarif, la LCart ne s'applique pas. Le fait que

l'unité administrative soit gérée par mandat de prestations et enveloppes

budgétaires n'y change rien, tant qu'elle n'est pas autonome du point de

vue organisationnel et demeure dans la hiérarchie administrative (ATF

127 II 32 = JdT 2004 I 131).

- accordent des droits spéciaux à des entreprises chargées de l’exécution

de tâches publiques; par exemple l'instauration d'un monopole de droit

en faveur des Services Industriels genevois pour l'approvisionnement et

la distribution d'électricité (ATF 132 I 282); par la suite, la portée de ce

monopole a été modifiée par l'entrée en vigueur de la LF sur

l'approvisionnement en électricité.

La qualité d'entreprise suppose l'indépendance économique et juridique

(art. 2).

267 Malgré cela, l’application de ces règles soulève bien des difficultés en

pratique.

6.2 ACTIVITES SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE

268 Le droit suisse, comme le droit européen, de la concurrence s’applique aux

entreprises capables d’exercer une influence sur le marché. La notion

« d’entreprise » sera traitée ci-dessous sous point 6.3.

269 L’influence sur le marché peut résulter d’une entente passée entre

plusieurs entreprises (6.2.1), d’une position dominante (6.2.2) ou d’une

opération de concentration (6.2.3).

88

6.2.1 Les ententes

270 Selon l’art. 4 LCart., les ententes (« accords en matière de concurrence »)

sont :

- les conventions, avec ou sans force obligatoire

- les pratiques concertées.

A. Les conventions

271 Une convention avec force obligatoire passée entre deux entreprises est

un contrat au sens de l’art. 1er CO. La convention peut aussi résulter d’une

décision prise par une association d’entreprises ou de sociétés auxquelles

des entreprises participent en qualité d’associés.

272 La loi distingue les conventions avec force obligatoire et celles sans force

obligatoire, mais sans prévoir des conséquences différentes à ces ententes.

Autrement dit, les deux types de conventions sont soumis à la loi. (Une

convention sans force contraignante n’est pas un contrat ; une partie à la

convention ne peut pas exiger une réparation à l’égard d’une autre partie

qui ne respecterait pas la convention). Les conventions sans force

obligatoire sont parfois appelées « gentlemen’s agreement » ou

« Frühstückskartell ». Etant donné que ces conventions sont souvent

informelles, elles sont difficiles à prouver.

B. Les pratiques concertées

273 Les pratiques concertées ne résultent pas non plus d’un accord formel

entre les entreprises. Ces pratiques donnent lieu à une adaptation

simultanée du comportement des entreprises qui ont précédemment

échangé des informations : annonce d’une augmentation ou d’une baisse

de prix, adoption d’un nouveau standard, recommandations données aux

distributeurs.

274 La pratique concertée doit être distinguée du comportement parallèle qui

ne tombe pas dans le champ d’application de la loi.

275 Qu’en est-il des recommandations adoptées par une association

professionnelle ? Peut-on considérer qu’elles n’entrent pas dans le champ

d’application de la loi alors que celle-ci ne les mentionne pas ? Selon le

principe de base, la loi s’applique à tout comportement qui a pour objet

ou pour effet de restreindre la concurrence. En conséquence, dans la

mesure où les membres de l’association suivent effectivement les recom-

mandations et que celles-ci peuvent avoir pour effet de restreindre la

concurrence, ces recommandations entrent dans le champ d’application de

la loi.

89

6.2.2. Les positions dominantes

276 La puissance sur le marché n’est pas illicite aussi longtemps qu’elle

résulte de pratiques orientées sur la performance et que la concurrence est

capable de l’entamer. La loi ne s’applique que si une entreprise domine le

marché.

277 Selon la loi suisse, une position dominante est acquise lorsque l’entreprise

concernée peut se comporter de manière essentiellement indépendante

par rapport aux autres participants au marché (art. 4 al. 2). L’existence

d’une position dominante dépendra :

- de la structure du marché ;

- du nombre et de la qualité des concurrents potentiels ;

- des barrières d’entrée sur le marché.

278 Selon l’art. 4 al. 2 LCart., la position dominante peut être détenue par une

ou plusieurs entreprises. On parle alors d’une position dominante

collective (duopole ou oligopole).

Un groupe de sociétés – société holding et filiales – ne constitue pas une position dominante

collective car les filiales ne jouissent pas d’une autonomie suffisante pour déterminer leurs

modes d’actions sur le marché.

A noter aussi que l’oligopole peut – selon les circonstances du marché – présenter une

structure de marché où la concurrence fonctionne de manière particulièrement efficace

(chaque acteur réagit rapidement aux actions de ses rivaux) ou présenter le risque de pratiques

parallèles ou concertées.

6.2.3. Les concentrations d’entreprises

A. Principe

279 Une position dominante peut résulter d’une opération de concentration.

Celle-ci résultant d’un accord entre deux ou plusieurs entreprises pourrait

aussi tomber dans le champ d’application de l’art. 5 LCart. Toutefois, la

procédure d’examen des ententes selon cette disposition n’est pas idéale

pour les entreprises qui souhaitent savoir le plus rapidement possible si

l’opération de concentration projetée peut être réalisée. C’est pourquoi, les

autorités de la concurrence (aussi bien européennes que suisses) ont mis

en place des procédures de contrôle des concentrations.

280 Selon ces règlements, les entreprises concernées ont l’obligation

d’annoncer l’opération de concentration (cf. § 9.2.1) ; elles ne peuvent se

contenter d’attendre que l’autorité administrative ouvre une enquête

comme c’est le cas pour la violation présumée de l’art. 5 LCart. Au vu de

cette obligation, il importe de

- définir ce qu’est une opération de concentration ;

90

- déterminer un « seuil d’intervention » (taille de l’opération).

B. Notion

281 Le contrôle s’applique à :

- la fusion de deux ou plusieurs entreprises ;

- toute opération de prise de contrôle direct ou indirect, pour autant que

les entreprises concernées soient d’une certaine importance sur le

marché suisse.

C. Seuils d’intervention

a) Droit suisse

282 Selon l’art. 9 LCart., les entreprises concernées sont d’une importance

suffisante pour justifier l’exigence de notification à la Comco de

l’opération de fusion lorsque :

- ces entreprises ont réalisé ensemble – en Suisse et à l’étranger – un

chiffre d’affaires minimum de 2 milliards de francs ou un chiffre

d’affaires en Suisse d’au moins 500 millions de francs (art. 9 al. 1

let. a LCart.) ;

- au moins deux des entreprises concernées ont réalisé

individuellement en Suisse un chiffre d’affaires minimum de 100

millions de francs.

283 Pour les sociétés d’assurances, au lieu du chiffre d’affaires, c’est le

montant total des primes brutes annuelles qui est pris en compte.

284 Pour les banques soumises à la loi fédérale sur les banques et les

caisses d’épargne, c’est le 10 % de la somme du bilan qui est retenu

comme critère.

285 Nonobstant ces critères, la notification à la Comco est obligatoire

lorsqu’il a été établi d’une autre manière qu’une des entreprises occupe

une position dominante en Suisse et que la concentration concerne ce

marché.

b) Droit européen

286 1) La concentration est réputée de dimension communautaire

lorsque :

- le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par

l’ensemble des entreprises concernées est supérieur à 5

milliards d’euros, et

91

- le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union

européenne par au moins deux des entreprises concernées est

supérieur à 250 millions d’euros,

287 2) à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus de

deux tiers de son chiffre d’affaires dans l’Union européenne à

l’intérieur d’un seul et même Etat membre.

288 3) La concentration qui n’atteint pas les seuils sus-indiqués reste de

dimension communautaire lorsque :

- le chiffre d’affaires réalisé sur le plan mondial par l’ensemble

des entreprises concernées est supérieur à 2,5 milliards d’euros ;

- dans chacun d’au moins trois Etats membres, le chiffre

d’affaires réalisé par toutes les entreprises concernées est

supérieur à 100 millions d’euros ;

- dans chacun d’au moins trois Etats membres - selon point 2 - le

chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins

deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions

d’euros, et

- le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union

européenne par au moins deux des entreprises concernées

représente un montant supérieur à 100 millions d’euros.

6.3 LES ENTREPRISES CONCERNEES PAR LE DROIT DE LA

CONCURRENCE

6.3.1 La notion d’entreprise

289 Le droit suisse et le droit européen s'appliquent aux entreprises.

Cependant, ni la loi suisse, ni le Traité de l'UE ne définissent cette notion.

290 Selon le message du Conseil fédéral (lors du projet de modification de la

LCart en 1995), une "entreprise", c'est "tout acteur qui produit des biens et

des services et participe ainsi de manière indépendante au processus

économique, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande".

291 La loi ne s'applique donc pas aux consommateurs, ni aux rapports entre

les travailleurs et l'entreprise (qui sont souvent réglés par des conventions

collectives).

292 L'art. 101 TFUE utilise également l'expression "entreprise", définie de

manière extensive par les autorités communautaires.

92

293 Certaines entreprises sont écartées en raison de l'objet de leurs activités : 294

- produits agricoles

- transports (certains types de transports maritimes internationaux; les

services de transports maritimes assurés exclusivement entre des ports

situés dans un même Etat membre; les transports aériens entre les

aéroports de la Communauté et des pays tiers).

6.3.2 Entreprises exerçant une influence sur le marché

295 Les entreprises sont soumises au droit de la concurrence pour autant

qu'elles exercent une certaine influence sur le marché :

A. Droit suisse

296 L'art. 5 LCart. vise les comportements des entreprises qui affectent la

concurrence de manière notable.

297 La Comco a publié une communication sur les accords entre PME

(communication relative aux accords ayant pour but d'améliorer la

compétitivité et dont l'impact sur le marché est restreint). Selon cette

communication, les accords en matière de concurrence ayant pour but

l'amélioration de la compétitivité sont en principe admissibles lorsque :

- les parts de marché cumulées des entreprises parties à un accord

horizontal ne dépassent pas 10 % de chacun des marchés de référence

concernés par l'accord;

- les parts de marché détenues par chacune des entreprises parties à un

accord vertical sur les marchés concernés par l'accord ne dépassent pas

15 %.

298 De même, la Comco considère comme n'affectant pas la concurrence de

manière notable les accords entre petites entreprises (moins de 10

collaborateurs et chiffre d'affaires annuel ne dépassant pas CHF 2 mio).

299 Toutefois, ces règles ne s'appliquent pas si des accords horizontaux

concernent :

- la fixation directe ou indirecte des prix

- des restrictions quantitatives

- une répartition des marchés

300 ou si des accords verticaux ont pour objet :

- un prix de vente minimum

- une protection territoriale absolue

93

B. Droit européen

301 En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées

"susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres".

302 La Commission européenne a publié une Communication définissant les

accords dont il peut être présumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter

le commerce entre les Etats membres" (art. 101 al. 1 TFUE). C'est le cas

lorsque les produits ou services objets de l'accord ne représentent pas plus

de 5 % de l'ensemble des produits et services sur le territoire européen où

l'accord produit ses effets et le chiffre d'affaires total des entreprises à

l'accord ne dépasse pas 200 millions d'euros.

6.3.3 Entreprises de droit public ou de droit privé

303 En principe, toute restriction de la concurrence doit être évitée. Peu

importe que la restriction soit le fait d'une entreprise de droit privé ou

organisée selon le droit public :

- "Est soumise à la présente loi toute entreprise engagée dans le

processus économique qui offre ou qui acquiert des biens ou des

services, indépendamment de son organisation ou de sa forme

juridique." (art. 2 al. 1 bis LCart.)

- "Une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et

immatériels, rattachés à un sujet juridiquement autonome et

poursuivant d'une façon durable un but économique déterminé." (CJCE

13.7.1962, Mannesman AG, aff. 19/61 Rec. p. 677).

6.4. LE TERRITOIRE CONCERNE

6.4.1 Délimitation du territoire

304 Le droit de la concurrence s’applique aux entreprises dont le siège est situé

dans le territoire de l’ordre juridique concerné (suisse ou européen).

305 Selon les art. 52 TUE et 355 TFUE, le droit européen s’applique sur tout

le territoire des Etats membres de l’Union, lors même que certaines parties

de ce territoire se trouveraient en dehors du continent européen, par

exemple :

- les départements français d’Outre-Mer (la Guyane, la Guadeloupe, la

Martinique, la Réunion),

- les Açores, Madère, les Iles Canaries (Portugal).

94

306 Les règles du droit européen de la concurrence s’appliquent également

dans les Etats membres de l’Espace économique européen (Islande,

Norvège, Liechtenstein), en application du Traité signé entre ces pays et

l’Union européenne.

307 Le droit européen de la concurrence est-il applicable en Suisse ?

308 La Suisse a signé avec l’Union européenne un Accord de libre échange, en

1972, dont l’art. 23 a la teneur suivante :

1. Sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l’accord, dans la

mesure où ils sont susceptibles d’affecter les échanges entre la

Communauté et la Suisse:

i) tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations

d’entreprises et toutes pratiques concertées entre entreprises qui

ont pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le

jeu de la concurrence en ce qui concerne la production et les

échanges de marchandises;

ii) l’exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d’une

position dominante sur l’ensemble des territoires des Parties

contractantes ou dans une partie substantielle de celui-ci;

iii) toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la

concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines

productions.

2. Si une Partie contractante estime qu’une pratique donnée est

incompatible avec le présent article, elle peut prendre les mesures

appropriées dans les conditions et selon les procédures prévues à

l’article 27.

6.4.2 Application « extra-territoriale » ?

309 Le droit de la concurrence s’applique-t-il également à des entreprises dont

le siège est à l’extérieur des frontières de l’ordre juridique concerné mais

dont les effets sont ressentis à l’intérieur dudit ordre juridique ? La

question se pose de la même manière pour les ententes, pour les positions

dominantes et pour les opérations de concentrations d’entreprises.

310 Les autorités suisses et européennes ne s’en tiennent pas au critère du

siège. L’élément déterminant est celui du lieu où est ressenti l’effet anti-

concurrentiel voulu par les entreprises. Si un état de fait (entente, par

exemple) est réalisé à l’étranger mais produit des effets en Suisse, la loi

95

suisse sur les cartels s’applique (art. 2 al. 2 LCart.). Les autorités

européennes suivent le même principe.

311 On parle alors parfois d’application extra-territoriale du droit de la

concurrence. En fait, le droit s’applique aux effets ressentis à l’intérieur du

territoire concerné. Cependant, l’expression « d’application extra-

territoriale » souligne la problématique de l’exécution des décisions, voire

des sanctions, prises à l’encontre d’une entité juridique installée en dehors

du territoire concerné. La réponse viendra le plus souvent de la décision de

l’entreprise extérieure de reconnaître la compétence de l’autorité

administrative concernée dans le but de pouvoir poursuivre des activités

commerciales dans le territoire concerné.

6.5. DROIT EUROPEEN : AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE

LES ETATS MEMBRES

312 En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées

« susceptibles d’affecter le commerce entre les Etats membres ».

313 Le commerce entre les Etats membres peut être affecté par des ententes

entre entreprises exerçant leurs activités dans différents Etats membres.

314 Il peut aussi l’être par des ententes entre une entreprise de l’Union

européenne et une entreprise exerçant son activité à l’extérieur de l’Union

européenne. Une entente entre entreprises d’un même Etat membre de

l’Union peut aussi affecter le commerce interétatique.

315 Le critère est appliqué d’une manière pragmatique : ce n’est pas

l’intention qui compte mais l’effet, actuel ou potentiel ; une affectation

vraisemblable suffit. Par contre, la conséquence de la pratique anti-

concurrentielle – actuelle ou potentielle – ne doit pas être insignifiante ou

négligeable ; l’effet doit être « sensible ».

316 Afin de faciliter l’application de ce critère, la Commission européenne a

publié une Communication définissant les accords dont il peut être

présumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter le commerce entre les

Etats membres" (art. 101 par. 1 TFUE). Selon cette communication, le

commerce interétatique n’est pas affecté lorsque les produits ou services

objets de l'accord ne représentent pas plus de 5 % de l'ensemble des

produits et services sur le territoire européen où l'accord produit ses effets

et le chiffre d'affaires total des entreprises à l'accord ne dépasse pas 200

millions d'euros.

* * * * *

Chapitre 4

LES ENTRAVES A LA CONCURRENCE

Le champ d'application du droit de la concurrence ayant été fixé, il s'agit

maintenant de déterminer si une entente entre entreprises constitue une entrave

illicite à la concurrence ou si elle est admissible (§ 7). La même appréciation doit

être faite au sujet des positions dominantes (§ 8) et des opérations de

concentrations (§ 9).

§ 7 LES ENTENTES

Textes législatifs : art. 5 à 9 LCart., communications Comco; art. 101 et 102

TFUE, Règlements et Communications Commission.

Bibliographie : Commentaire romand Concurrence, PH. GUGLER / PH.

ZURKINDEN, art. 5 LCart.; J.-M. REYMOND, art. 6 LCart.; E. CLERC, art. 7 LCart;

O. PIAGET, La justification des ententes cartellaires dans l'Union européenne et en

Suisse, thèse Lausanne, Bâle 2001; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du

marché, Paris 2002. I. CHABLOZ, L'autorisation exceptionnelle en droit de la

concurrence, thèse Fribourg 2002.

7.1 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT SUISSE

7.1.1 Remarques introductives

1 Au cours des quinze dernières années, la législation suisse est devenue

beaucoup plus restrictive au sujet des ententes cartellaires :

- lors de la révision de la loi intervenue en 1995, la notion de

"concurrence efficace" a été adoptée comme principe directeur de la

politique de la concurrence; de plus les cartels "rigides" (accords sur les

prix, les quantités ou les marchés) sont depuis lors présumés illicites;

- lors de la révision de 2004, la possibilité a été donnée à la Commission

d'infliger une sanction dès qu'elle constate la violation de la loi (alors

que précédemment une sanction ne pouvait intervenir que si les

entreprises participant à l'entente visée ne respectaient pas la décision

de la Comco);

- en septembre 2011, un projet de renforcement de la loi sur les cartels a

été mis en consultation; ce projet a pour but de déclarer illicites les

accords sur les prix, les quantités ou les marchés et de renverser le

fardeau de la preuve en ce qui concerne les faits justificatifs de

l'entrave.

2 La Comco a également commencé à faire usage de la possibilité que lui accorde

l'art. 6 LCart de publier des communications précisant les conditions

d'application de la loi (cf. la Communication concernant l'appréciation des

accords verticaux, la Communication concernant les accords verticaux

dans le domaine de la distribution automobile).

Les restrictions illicites à la concurrence peuvent résulter soit d'ententes

(7.1.2 ci-dessous), soit d'abus de position dominante (§ 8 ci-dessous).

7.1.2 Les restrictions dues à des ententes

3 Les différentes formes d'ententes visées ont été définies à l'art. 4 LCart. et

examinées au paragraphe 6.1.1 ci-dessus. C'est à l'art. 5 LCart. que le

législateur a fixé les critères de l'illicéité d'une entente. Ce texte s'est

considérablement inspiré des principes reconnus en droit européen de la

concurrence et en droit américain, selon lesquels certains types d'accord

sont en soi ("per se") illicites :

4 Art. 5 (Accords illicites) :

1 Les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains

biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d’efficacité économique, ainsi que

tous ceux qui conduisent à la suppression d’une concurrence efficace sont illicites.

2 Un accord est réputé justifié par des motifs d’efficacité économique :

a) lorsqu’il est nécessaire pour réduire les coûts de production ou de distribution, pour

améliorer des produits ou des procédés de fabrication, pour promouvoir la recherche ou

la diffusion de connaissances techniques ou professionnelles, ou pour exploiter plus

rationnellement des ressources ; et

b) lorsque cet accord ne permettra en aucune façon aux entreprises concernées de

supprimer une concurrence efficace.

3 Sont présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace dans la mesure où ils

réunissent des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes, les accords :

a) qui fixent directement ou indirectement des prix ;

b) qui restreignent des quantités de biens ou de services à produire, à acheter ou à fournir ;

c) qui opèrent une répartition géographique des marchés ou une répartition en fonction des

partenaires commerciaux.

4 Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace les accords

passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix de

vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des

territoires, lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclues.

A. Principes

5 Le principe de l'art. 5 LCart. peut se résumer ainsi. Sont déclarés illicites :

- les accords qui conduisent à la suppression de la concurrence (lettre B,

ci-dessous);

- les accords qui affectent de manière notable la concurrence sans

pouvoir être justifiés par des motifs d'efficacité économique (lettre C,

ci-dessous);

6 Certains types d'accords sont présumés entraîner la suppression de la

concurrence. La présomption ne pourra être levée que si les entreprises

concernées peuvent établir que la concurrence reste efficace malgré

l'existence de l'accord. Dans cette hypothèse, le cartel n'est pas encore

licite; ce qui est réfuté, c'est uniquement la présomption de la suppression

de la concurrence (qui entraîne automatiquement l'illiciété). Il faudra

encore, dans ce cas, examiner si la concurrence est notablement entravée;

si c'est le cas, l'accord ne sera licite que s'il est justifié par des motifs

d'efficacité économique.

B. La suppression de la concurrence efficace

7 Sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace (et donc

illicites) :

- Les accords sur les prix : c'est l'effet qui est déterminant; peu importe

que l'accord s'applique à la fixation directe ou indirecte (par exemple

rabais) du prix;

- Les accords portant sur les quantités de biens ou de services à

produire, à acheter ou à fournir;

- Les accords de répartition géographique des marchés ou de

répartition en fonction des partenaires commerciaux; cette présomption

ne s'applique qu'aux accords horizontaux, c'est-à-dire entre concurrents,

mais non pas aux accords verticaux (accords de distribution).

8 Les ententes illicites combinent souvent plusieurs de ces types d'accords.

9 Ainsi, la Comco a sanctionné plusieurs entreprises d'installations électriques de

la région de Berne qui avaient conclu des accords de prix et de répartition

de la clientèle (décision du 6.7.2009). Entre 2006 et 2008, les entreprises

concernées se sont réparties des projets de façon alternée. Elles

s'échangeaient des informations sur les prix et présentaient des offres

concertées.

- Certains accords verticaux, soit ceux par lesquels des entreprises

occupant différents échelons du marché imposent un prix de vente

minimum ou fixe, ou attribuent des territoires, lorsque les ventes par

d'autres fournisseurs agréés sont exclues (cf. ci-dessous § 7.3.2).

C. L'entrave notable à la concurrence

a) Le caractère notable de l'entrave

10 L'entrave notable à la concurrence est illicite à moins qu'elle ne soit

justifiée par des motifs d'efficacité économique.

11 L'application de l'art. 5 al. 2 LCart. pose deux questions : quand est-ce

qu'une entrave est notable ? Quels motifs peuvent la justifier ?

12 Le critère d'entrave notable à la concurrence a été précisé par les

autorités d'application, en utilisant deux critères :

- Critère qualitatif : l'accord visé porte-t-il sur un paramètre central

de la concurrence ? Ce sera toujours le cas, si l'accord porte sur les

prix, les quantités ou les marchés. Quant aux autres paramètres de la

concurrence (recherche et développement, publicité), leur

importance variera selon le marché concerné (différences entre le

marché d’un produit pharmaceutique ou celui d'un service).

- Critère quantitatif : afin d'appliquer ce critère, il faut déterminer

quel est le marché concerné, quelle est la concurrence potentielle et

quelle place occupent sur ce marché les entreprises concernées.

(Rappelons que la Suisse ne connaît pas le critère de l'affectation du

marché communautaire et que la Comco a adopté une Communi-

cation sur les PME).

b) Faits justificatifs

13 Si, au vu de ces deux critères, l'entrave ne peut être qualifiée de notable,

l'art. 5 n'est pas violé. S'il est constaté que l'entrave est notable, il

convient alors d'examiner si elle peut être justifiée par un motif

d'efficacité économique; ce pourra être le cas, selon l'art. 5 al. 2 LCart.

lorsque l'accord est nécessaire :

- pour réduire les coûts de production ou de distribution;

- pour améliorer des produits ou des procédés de fabrication;

- pour promouvoir la recherche ou la diffusion de connaissances

techniques ou professionnelles;

- pour exploiter plus rationnellement des ressources.

14 La loi ajoute cependant une condition négative : la justification n'est

pas admissible si l'accord a pour effet de supprimer une concurrence

efficace.

c) Règles d'application

15 Afin de faciliter la compréhension et l'application de l'art. 5 LCart, le

législateur a prévu à l'art. 6 que le Conseil fédéral pourra édicter des

ordonnances et la Commission de la concurrence des communications.

A ce jour, aucune ordonnance n'a été adoptée par le Conseil fédéral. Par

contre, la Comco a publié deux Communications concernant les

accords verticaux :

- une Communication du 28.6.10 concernant l'appréciation des

accords verticaux;

- une Communication du 21.10.02 concernant les accords verticaux

dans le domaine de la distribution automobile, complétée par une

Note explicative réunissant les réponses données par la Comco aux

questions les plus fréquentes, en tenant compte des développements

observés au niveau européen dans l'application du règlement n°

1400/2002.

16 De plus, la Comco publie une Communication PME relative aux

accords ayant un impact restreint sur le marché (cf. 6.3.2.A ci-dessus).

7.1.3 La clause échappatoire des intérêts publics prépondérants

17 Lorsque des accords en matière de concurrence ou des pratiques

d'entreprises ayant une position dominante ont été déclarés illicites, les

entreprises concernées peuvent demander au Conseil fédéral d'autoriser, à

titre exceptionnel, ces pratiques ou ces accords s'ils sont nécessaires à la

sauvegarde d'intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).

18 Il ne s'agit pas à proprement parler de recours. Les procédures de recours

proprement dites sont prévues aussi bien en procédure civile, lorsque les

tribunaux déclarent une entrave à la concurrence illicite, qu'en procédure

administrative (cf. ci-dessous § 10 et 11). La requête au Conseil fédéral

peut être déposée à n'importe quel stade de la procédure, même après

l'arrêt du Tribunal fédéral.

19 Il faut voir dans cette disposition une autorisation exceptionnelle qui

permet de tempérer l'application des nouveaux principes d'illicéité si

vraiment des intérêts publics prépondérants sont donnés et que l'accord ou

la pratique « illicite » est nécessaire pour la sauvegarde de ces intérêts.

20 A ce jour (2009), cette disposition n’a été examinée qu’une seule fois : le

Conseil fédéral a refusé de reconnaître un intérêt public prépondérant à la

fixation du prix des livres (décision du 2 mai 2007; aux Chambres

fédérales, une loi fédérale sur la réglementation du prix du livre a été

adoptée; mais un référendum a été demandé; le vote du peuple n'a pas

encore eu lieu.

7.2 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT EUROPEEN

7.2.1 Remarque introductive

21 Alors que le droit suisse a péniblement évolué à travers plusieurs réformes

légales (1985, 1995, 2004), l'Union européenne a, dès l'adoption du Traité

de Rome en 1957, mis l'accent sur le rôle de la concurrence (et du marché

intérieur dès 1992). De plus, la Cour de justice a rapidement pris le relais

dans sa jurisprudence.

22 Suite à l'ouverture de l'Europe à 27 membres, de nouvelles règles de

procédure ont été adoptées afin de permettre une application plus efficace

du droit de la concurrence (cf. § 10 ci-dessous).

7.2.2 Principes

23 Concernant les ententes entre entreprises, le principe fondamental est

énoncé à l'art. 101 TFUE en deux paragraphes :

- les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de

restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont interdits.

- les accords qui tombent sous le coup de l'interdiction de l'art. 101 al. 1

sont nuls de plein droit.

24 Les conditions à remplir pour échapper à l'interdiction sont données à

l'art. 101 par. 3 TFUE.

7.2.3 Les éléments constitutifs de l'interdiction

25 Selon l'art. 101 par. 1 TFUE, "sont incompatibles avec le marché commun

et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations

d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles

d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour

effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à

l'intérieur du marché commun".

26 L'entente est donc interdite lorsque les éléments suivants sont réunis :

A. Un concours de volontés ou une décision

27 Il existe un concours de volontés qui s'exprime :

- soit dans des accords (avec ou sans force obligatoire);

- soit par des décisions d'associations (décision prise par l'organe

compétent d'un groupe professionnel);

- soit par une pratique concertée; un parallélisme de comportement ne

suffit pas; il faut une concertation, c'est-à-dire au moins un échange

d'informations ou un contact qui affecte l'autonomie de décision des

entreprises.

B. Un but ou un résultat

28 La condition est satisfaite si les parties à l’entente ont eu pour but

d’empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence. Elle l’est aussi

si le résultat du comportement des parties en cause est une entrave, une

distorsion ou une restriction de la concurrence (même si ce résultat n’a pas

été expressément voulu) : « qui ont pour objet ou pour effet » :

29 L'art. 101 TFUE donne au par. 1er une liste exemplative de pratiques qui

portent atteinte à la concurrence :

- la fixation des prix ou des conditions de transaction;

- la limitation du développement technique, commercial ou financier;

- la répartition des marchés ou sources d'approvisionnement;

- la discrimination entre les partenaires commerciaux;

- les ventes (ou prestations de services) "couplées".

C. Un lien de causalité

30 Le comportement visé ne pourra être illicite que si un lien existe entre la

pratique et l'atteinte à la concurrence. Si le lien est établi, l'entente est

illicite lorsque l'accord a pour but de porter atteinte à la concurrence (peu

importe que le résultat ait été effectivement atteint). Réciproquement,

l'entente est illicite si le résultat (atteinte) est obtenu sans même que les

parties l'aient recherché.

7.2.4 La sanction

31 La sanction de cette incompatibilité est donnée par le par. 2 de l'art. 101

TFUE : "Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article

sont nuls de plein droit."

32 Cela signifie que les accords ou la décision n'ont pu produire aucun effet

valable dès leur adoption. De plus, la décision de constatation de la nullité

est généralement accompagnée d'une sanction pécuniaire importante (cf.

§ 10).

7.2.5 Les dérogations possibles

A. Le principe

33 Selon l'art. 101 par. 3 TFUE, le premier alinéa (principe d'interdiction)

n'est pas applicable si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

- l'entente contribue à améliorer la production ou la distribution des

produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique;

- l'entente réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en

résulte;

- l'entente n'impose pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne

sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

- l'entente n'élimine pas la concurrence, pour une partie substantielle des

produits en cause.

B. Le régime applicable

34 La réglementation du régime des exemptions a été profondément modifiée

en 2004. Alors que, jusque là, les entreprises avaient l'obligation de

notifier les accords tombant sous le coup de l'art. 101 TFUE, cette

exigence a été supprimée par le Règlement (CE) 1/2003.

35 Dorénavant, dans toutes les procédures d'application de l'art. 101 TFUE,

que ce soit dans une procédure communautaire ou dans une procédure

engagée dans un Etat membre :

- la charge de la preuve d'une violation de l'art. 101 par. 1 TFUE

incombe à la partie ou à l'autorité qui l'allègue;

- il appartient à l'entreprise ou l'association d'entreprises qui invoque le

bénéfice de l'art. 101 par. 3 TFUE d'apporter la preuve que les

conditions de ce paragraphe sont réunies.

C. Règles d’application

36 Afin d'accroître la sécurité juridique et de favoriser la bonne marche des

affaires, la Commission a adopté ou publié des règlements, des communi-

cations et des lignes directrices :

37 Le Règlement 2790/1999, relatif aux accords verticaux pour l'achat ou la

vente de biens ou de services (cf. 7.3.2. A. ci-dessous) présume la licéité

des accords verticaux pour autant que les parties à l'entente n'occupent pas

ensemble une part de marché supérieure à 30 % :

- si le seuil n'est pas atteint, l'autorité d'application peut néanmoins tenter

de démontrer que l'entente viole l'art. 101 par. 1 TFUE;

- si le seuil est atteint, les parties visées peuvent tenter de démontrer que

l'entente ne viole pas l'art. 101 par. 1 ou satisfait les conditions de

l'art. 101 par. 3 TFUE.

38 De plus, la Commission a adopté des règlements pour certains types de

contrats particuliers :

- Règlement n° 1475/95 concernant les accords de distribution et de

services de vente et d'après-vente de véhicules automobiles;

- Règlement n° 4087/88 concernant les accords de franchise;

- Règlement n° 240/96 concernant les accords de transfert de

technologie.

39 Voici, à titre d'exemple, ce que disent les Lignes directrices concernant

l'application de l'art. 101 al. 3 TFUE :

« 1. L'article 81, paragraphe 3 [aujourd’hui art. 101 par. 3 TFUE], du

traité prévoit une dérogation aux dispositions de l'article 81, paragraphe

1, du traité. Les accords, décisions d'associations d'entreprises et

pratiques concertées(1) qui sont visés par l'article 81, paragraphe 1, mais

remplissent les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont valides et

applicables sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet.

2.

L'article 81, paragraphe 3, s'applique à des accords individuels ou, au

moyen de règlements d'exemption par catégorie, à des catégories

d'accords et de pratiques concertées. Le règlement no 1/2003 relatif à la

mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82

du traité (2) n'affecte pas la validité et la nature juridique des règlements

d'exemption par catégorie. Tous les règlements d'exemption actuels

restent en vigueur et les accords couverts par des règlements

d'exemption par catégorie sont juridiquement valides et applicables,

même s'ils restreignent la concurrence au sens de l'article 81,

paragraphe (3). Ces accords ne peuvent être interdits que pour l'avenir

et seulement après abrogation officielle de l'exemption par catégorie par

la Commission ou une autorité nationale de la concurrence (4). Les

accords exemptés par catégorie ne peuvent être invalidés par les

juridictions nationales dans le cadre d'une procédure contentieuse

privée.

4. Les présentes lignes directrices exposent l'interprétation que la

Commission donne aux conditions de l'exception contenue à l'article 81,

paragraphe 3. Elles fournissent ainsi des orientations sur la manière

dont elle appliquera cette disposition dans des cas individuels. Bien que

ces

lignes directrices ne soient pas contraignantes pour les juridictions et les

autorités des États membres, elles ont aussi pour objet de leur fournir

des orientations pour l'application de l'article 81, paragraphes 1 et 3, du

traité.

5. Ces lignes directrices définissent un cadre analytique pour

l'application de l'article 81, paragraphe 3. L'objectif est de permettre

l'élaboration d'une méthodologie pour l'application de cette disposition.

Cette méthodologie est fondée sur l'approche économique qui a été

introduite et développée dans les lignes directrices sur les restrictions

verticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accords

de transfert de technologie. La Commission appliquera également les

présentes lignes directrices, qui donnent une orientation plus détaillée

sur l'application des quatre conditions de l'article 81, paragraphe 3, que

celle contenue dans les lignes directrices sur les restrictions verticales,

sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfert

de technologie, aux

accords couverts par ces dernières lignes directrices.

6. Les principes énoncés dans les présentes lignes directrices doivent être

appliqués à la lumière des circonstances de l'espèce, ce qui exclut toute

application mécanique. Il convient d'apprécier chaque affaire au regard

des faits qui la caractérisent et d'appliquer les lignes directrices avec

bon sens et souplesse.

11. L'appréciation au regard de l'article 81 s'effectue donc en deux

étapes. La première consiste à déterminer si un accord entre entreprises,

qui est susceptible d'affecter le commerce entre États membres, a un

objet anticoncurrentiel ou des effets anticoncurrentiels réels ou

potentiels (9). La seconde étape, qui n'a lieu d'être que s'il est avéré

qu'un accord restreint le jeu de la concurrence, consiste à déterminer les

effets proconcurrentiels produits par cet accord et à voir si ces effets

proconcurrentiels l'emportent sur les effets anticoncurrentiels. La mise

en

balance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentiels

s'effectue exclusivement dans le cadre établi par l'article 81, paragraphe

3 (10).

15. Le type de coordination de comportements ou de collusion entre

entreprises visé par l'article 81, paragraphe 1, consiste dans la situation

où au moins une entreprise s'engage envers une autre entreprise à

adopter un certain comportement sur le marché ou que, par suite de

contacts entre elles, l'incertitude entourant leur comportement sur le

marché soit éliminée ou du moins substantiellement réduite (15). Il

s'ensuit que la coordination peut revêtir la forme d'obligations régissant

le comportement sur le marché d'au moins une des parties ainsi que

d'accords influant sur le comportement sur le marché d'au moins une des

parties en modifiant ses incitations. Il n'est pas indispensable que la

coordination soit de l'intérêt de toutes les entreprises en cause (16). De

même, elle ne doit pas forcément être explicite. Elle peut également être

tacite. Pour qu'un accord puisse être réputé conclu au moyen d'un

acquiescement tacite, il est nécessaire qu'une entreprise invite une autre

entreprise, que ce soit de façon expresse ou implicite, à la réalisation

commune d'un but (17). Dans certaines circonstances, un accord peut se

déduire de relations commerciales durables entre les parties et être

imputable à ces relations (18). Toutefois, le seul fait qu'une mesure

adoptée par une entreprise s'inscrive dans le cadre de relations

commerciales continues ne saurait être suffisant (19).

17. Pour apprécier si un accord doit être considéré comme altérant le jeu

de la concurrence, il convient d'examiner le jeu de la concurrence dans

le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux (20). Lors

de cette appréciation, il est nécessaire de tenir compte de l'incidence

éventuelle de l'accord sur la concurrence intermarques (c'est-à-dire la

concurrence entre fournisseurs de marques concurrentes) et sur la

concurrence intramarque (c'est-à-dire la concurrence entre distributeurs

d'une même marque). L'article 81, paragraphe 1, interdit les restrictions

tant de la concurrence intermarques que de la concurrence intramarque

(21).

25. Des effets défavorables sur la concurrence sont susceptibles de se

produire sur le marché en cause quand les parties, individuellement ou

conjointement, possèdent ou obtiennent un certain pouvoir de marché et

que l'accord contribue à la création, au maintien ou au renforcement de

ce pouvoir ou permet aux parties de pratiquer pendant une durée

significative des prix supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la

concurrence ou de maintenir pendant une durée significative la

production en termes de quantité, qualité et diversité des produits ou en

termes d'innovation à un niveau inférieur à celui qui résulterait du jeu de

la concurrence. Sur les marchés où les coûts fixes sont élevés, les

entreprises doivent fixer leurs prix sensiblement au-dessus de leurs coûts

de production marginaux, afin d'avoir un bon retour sur investissement.

Le fait que des entreprises fixent leurs prix au-dessus de coûts

marginaux n'indique donc pas, en soi, que la concurrence ne fonctionne

pas bien sur le marché et que les entreprises possèdent une puissance de

marché qui leur permet de fixer leurs prix à des niveaux qui ne sont pas

concurrentiels. C'est lorsque les pressions concurrentielles ne sont pas

suffisantes pour maintenir les prix de la production à des niveaux

concurrentiels que des entreprises possèdent une puissance de marché

au sens de l'article 81, paragraphe 1.

59. Les catégories de gains d'efficacité énoncées à l'article 81,

paragraphe 3, sont assez larges pour couvrir tous les gains d'efficacité

économiques objectifs. Étant donné qu'il existe un chevauchement

considérable entre les différentes catégories mentionnées à l'article 81,

paragraphe 3, et qu'un même accord peut générer plusieurs types de

gains d'efficacité, il n'est pas indiqué d'établir des distinctions claires et

nettes entre ces catégories. Aux fins des présentes lignes directrices, une

distinction est établie entre les gains d'efficacité réalisés sur les coûts et

les gains d'efficacité de nature qualitative, qui créent de la valeur sous

forme de produits nouveaux ou meilleurs, d'une plus grande variété de

produits, etc.

60. En général, les gains d'efficacité sont le fruit d'une intégration

d'activités économiques par laquelle des entreprises conjuguent leurs

actifs afin de réaliser ce qu'elles ne pourraient réaliser aussi

efficacement chacune de son côté ou par laquelle elles confient à une

autre entreprise

des tâches pour lesquelles celle-ci est plus performante.

61. Le processus qui va de la recherche et développement à la distribution

en passant par la production peut être assimilé à une chaîne de valeur

pouvant être divisée en plusieurs étapes: à chaque étape de cette chaîne,

l'entreprise doit choisir entre exécuter l'activité elle-même, l'exécuter

conjointement avec une ou plusieurs autres entreprises ou la confier

intégralement à une ou plusieurs autres entreprises.

62. Normalement, chaque fois que le choix opéré implique une

coopération sur le marché avec une autre entreprise, un accord au sens

de l'article 81, paragraphe 1, doit être conclu. Il peut s'agir d'un accord

vertical, comme c'est le cas lorsque les parties opèrent à des niveaux

différents de la chaîne de valeur, ou horizontal, lorsque les parties

opèrent au même niveau de la chaîne. Ces deux catégories d'accords

peuvent générer des gains d'efficacité en permettant aux entreprises en

cause d'exécuter une tâche donnée à moindre coût ou avec plus de

valeur ajoutée pour le consommateur. Ces accords peuvent aussi

contenir ou induire des restrictions de concurrence, auquel cas la règle

d'interdiction de l'article 81, paragraphe 1, et la règle d'exemption

prévue à l'article 81, paragraphe 3, peuvent jouer ».

7.3 LES ACCORDS VERTICAUX

7.3.1. Remarques introductives

40 Si la notion d’entente horizontale (sur les prix ou sur les quantités) est la

première qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque une entrave à la

concurrence, la réalité de la vie économique a rapidement obligé les

autorités d’application du droit de la concurrence à prendre en compte les

effets des accords verticaux.

41 Ce fut d’abord le cas en droit américain, puis en droit européen. En droit

suisse, on ne se préoccupait d’abord des effets des accords verticaux que si

l’une des parties au contrat occupait une position dominante sur l’un des

échelons du marché. Depuis 2004, l’art. 5 al. 4 LCart. contient une

disposition spécifique sur les accords verticaux :

«Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence

efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents

échelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de

vente fixe ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires,

lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclus».

42 Cette modification législative en Suisse a été influencée par la pratique

européenne ; c’est pourquoi, cette problématique des accords verticaux est

traitée ici en un même paragraphe pour les deux systèmes juridiques.

7.3.2. Textes légaux et textes explicatifs

A. Droit européen

43 Les autorités d’application du droit de la concurrence, aussi bien à

Bruxelles qu’à Berne, ont adopté des textes dont le but est de faciliter

l’application des principes juridiques dans le cas des accords verticaux :

- Règlement CE n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernant

l’application de l’art. 81 par. 3 du traité à des catégories d’accords

verticaux et de pratiques concertées.

Pour rappel, un règlement a valeur législative et contient des règles

d’application directe, ce qui signifie que les autorités des Etats

membres doivent les appliquer même si elles n’ont pas été reprises

formellement en droit national.

- Communication de la Commission des CE n° 2000 - C 291 – 01

Lignes directives sur les restrictions verticales : il s’agit là d’un

document par lequel la Commission explique de quelle manière elle

applique le règlement sur les accords verticaux.

44 La Commission européenne a également adopté des règles spécifiques sur

un secteur particulier, celui de la vente des véhicules automobiles :

- Règlement (CE) 1° 1400 – 2002 du 31 juillet 2002 concernant

l’application de l’art. 81, par. 3, du traité à des catégories d’accords

verticaux et des pratiques concertées dans le secteur automobile.

- La Direction générale de la concurrence à Bruxelles, a publié une

« Brochure explicative en matière de distribution et service après-vente

des véhicules automobiles dans l’Union européenne ».

B. Droit suisse

45 De son côté, la Comco a publié :

- une Communication concernant l’appréciation des accords verticaux,

dont la dernière version date du 2 juillet 2007 ;

- une Communication sur les accords verticaux dans le domaine de la

distribution automobile du 21 octobre 2002.

7.3.3 Principes applicables en droit suisse

46 Les accords verticaux peuvent améliorer l’efficience économique au sein

d’une chaîne de production ou de distribution, entraîner une diminution

des coûts de transaction et de distribution et favoriser un niveau optimal

des investissements et des ventes.

47 Selon le pouvoir des entreprises sur le marché des entreprises concernées,

ces accords peuvent aussi engendrer des restrictions ayant des effets

anticoncurrentiels graves.

A. Prix

48 La suppression de la concurrence efficace est présumée en cas

d’imposition de prix de revente minimaux ou fixes.

49 En cas de recommandation de prix, celle-ci est également présumée illicite

si elle indique un prix minimal ou fixe. Dans les autres cas, la Commission

examine si :

- la recommandation est effectivement suivie ;

- le niveau de prix est significativement plus élevé que dans les pays

voisins ;

- la recommandation est accompagnée de mesures contraignantes.

B. Affectation notable de la concurrence

50 Les accords verticaux affectent la concurrence de manière notable

lorsque :

- ils empêchent le fournisseur de livrer des composants ou des pièces de

rechange à des tiers ;

- ils contiennent une obligation de non-concurrence d’une durée

indéterminée ou qui dépasse 5 ans ;

- ils contiennent une obligation de non-concurrence de plus d’une année

après l’expiration de l’accord vertical ;

- ils restreignent le multi-marquisme dans un système de distribution

sélective.

51 Toutefois, ces règles ne s’appliquent pas si les parties à l’accord

n’occupent pas une place significative sur le marché :

- pas de restriction si aucune des entreprises parties à l’accord ne détient

une part de marché supérieure à 15 % sur le marché concerné ; cette

limite est ramenée à 5 % en cas d’effet cumulatif de plusieurs réseaux

d’accords verticaux produisant des effets similaires, sauf si la part

cumulée de ces réseaux parallèles est inférieure à 30 %.

C. Distribution sélective

52 Dans un système de distribution sélective, le fournisseur s’engage à

vendre les biens ou les services contractuels uniquement à des revendeurs

sélectionnés sur la base de critères prédéfinis et ces revendeurs s’engagent

à ne pas vendre ces biens ou ces services à des revendeurs non agréés.

53 La sélection des revendeurs se fait exclusivement sur la base de critères

qualificatifs, objectifs et requis par la nature du produit (formation du

personnel, service fourni, assortiment des produits).

7.3.4 Principes applicables en droit européen

54 Les principes décrits au § 7.3.3, et relatifs au droit suisse, trouvent leur

origine dans les règles européennes. Ces principes sont donc en général

aussi applicables sur le marché européen.

55 L’illustration en est faite ici d’une autre manière, en présentant quelques

aspects du Règlement (N° 1400/2002) de la Commission sur les catégories

d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

A. Prix

56 L’exemption de l’application de l’art. 101 al. 3 TFUE ne peut être

reconnue aux accords verticaux qui ont pour objet la restriction de la

capacité du distributeur ou du réparateur de déterminer son prix de vente.

La possibilité subsiste pour le fournisseur d’imposer un prix de vente

maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces

derniers n’équivalent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l’effet

de pressions exercées par l’une des parties ou de mesures d’incitation

prises par elle.

B. Plafonds

57 L’exemption s’applique, les autres conditions étant satisfaites, à condition

que la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du

marché en cause sur lequel il vend les véhicules automobiles neufs.

58 Les parts de marché sont calculées pour la distribution de véhicules

automobiles neufs sur la base du volume des biens contractuels et biens

correspondants vendus par le fournisseur, ainsi que tout autre type de

biens vendus par le fournisseur et que l’acheteur considère comme

interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de

leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés (art. 8 ch. 1 Règl.).

C. Distribution sélective

59 Au sujet de ce mode de distribution, le Règlement donne d’abord des

définitions :

- système de distribution sélective : un système de distribution dans

lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services

contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs ou

des réparateurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans

lequel ces distributeurs ou réparateurs s’engagent à ne pas vendre ces

biens ou ces services à des distributeurs non agréés ou à des réparateurs

indépendants, sans préjudice de la faculté de vendre des pièces de

rechange à des réparateurs indépendants ou de l’obligation de fournir

aux opérateurs indépendants l’ensemble des informations techniques,

des systèmes de diagnostic, des outils et de la formation nécessaires

pour la réparation et l’entretien des véhicules automobiles ou pour la

mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement ;

- système de distribution sélective quantitative : un système de

distribution sélective dans lequel le fournisseur applique, pour

sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent

directement le nombre de ceux-ci ;

- système de distribution qualitative : un système de distribution

sélective dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les

distributeurs ou les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis

par la nature des biens ou des services contractuels, établis

uniformément pour tous les distributeurs ou réparateurs souhaitant

adhérer au système de distribution, et appliqués d’une manière non

discriminatoire et ne limitant pas directement le nombre de

distributeurs ou de réparateurs.

* * * * *

25/10/2011

LE DROIT DE LA CONCURRENCE

SUISSE ET EUROPEEN

(Cours SA 2011)

1 L’évolution des économies suisse, européenne et mondiale au cours des quinze

dernières années a accentué le rôle de la concurrence dans le fonctionnement des

marchés. Ces marchés ont pris des dimensions nouvelles :

- La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 a accéléré et

fortement augmenté les échanges internationaux ;

- La mise en place d’un véritable marché intérieur européen (de 15 Etats en 1992, de

27 Etats en 2007 dans l’Union européenne et 3 Etats dans l’Espace Economique

Européen et des Accords bilatéraux avec la Suisse !) a permis aux entreprises

européennes de travailler et d’organiser leurs activités à une autre échelle ;

- Dans ce contexte, la Suisse a d’abord pris conscience de son décalage (refus de

l’Espace économique européen en 1992) et, depuis, essaie de se repositionner

(adhésion à l’ONU, accords bilatéraux avec l’Union européenne, réforme du droit

économique interne).

2 Dans ces marchés, la concurrence doit être réglementée. Le droit de la concurrence –

domaine devenu incontournable pour les entreprises actives à l'échelle nationale et

internationale – est à la convergence de plusieurs disciplines : droit, économie, science

politique. La science économique explique les conséquences du comportement des

entreprises ou tout simplement de leur taille. Le droit détermine les règles de

comportement. La science politique oriente le choix des objectifs à poursuivre dans

l'intérêt de la société dans son ensemble.

3 Au cours de cette période, à tous les échelons (OMC, Union européenne, Suisse), on

s’est préoccupé du fonctionnement de la concurrence et de sa réglementation. La

première tâche du législateur est de favoriser les échanges et de permettre l’accès au

marché (1ère Partie). Le cadre dans lequel la concurrence peut s’exercer étant fixé, il

s’agira ensuite d’examiner comment elle risque d’être entravée ou éliminée ou encore

accaparée (2e Partie). Ces sujets seront traités en droit suisse et en droit européen car ils

se présentent d’une manière assez comparable même si c’est à une échelle très

différente. Préalablement, il convient de rappeler la place et le rôle du droit de la

concurrence (§ 1).

25/10/2011

2

§ 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Textes législatifs : art. 27, 94-97, 100-103, Cst. féd (RS 101); art. 3 par. 1 let. b,

101 et 102, 112 TFUE.

Vous trouverez les textes légaux suisses sur le site internet

http://www.admin.ch/ch/f/rs/rs.html en insérant le numéro du Recueil

systématique du droit fédéral (RS) indiqué entre parenthèse après chaque texte

légal dans le champ de recherche.

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,

Concurrence, 2e éd., Bâle 2011, 1 ss; J. DEISS, Les aspects économiques du

nouveau droit de la concurrence, in CR Concurrence, Bâle 2002, 71 ss ; C.L. DE

LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit

économique, Paris 2004; L. VOGEL, Droit européen de la concurrence, Paris 2010.

Vous pouvez connaître la disponibilité en bibliothèque des ouvrages cités ci-

dessus en consultant le site internet www.rero.ch.

4 Le droit de la concurrence est une branche de ce que certains appellent le droit

économique, (G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; J.-PH. COLSON,

Droit public économique, 3e éd., Paris 2001), et d’autres le droit du marché, (C.

LUCAS DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002). Cette manière

assez différente de « classer » cette branche du droit n’est pas surprenante ; elle

met en évidence les aspects administratifs (rapports entre l’Etat et les administrés,

en l’occurrence, les entreprises) ou les aspects de droit privé (rapports des

entreprises entre elles).

1.1 LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA CONCURRENCE

5 En Suisse, le droit de la concurrence a ses racines dans la Constitution

fédérale qui, d’une part, donne à l’Etat la mission de protéger la

concurrence économique (art. 94 Cst) et, d’autre part, protège depuis 1874

la liberté économique – aussi appelée liberté du commerce et de

l’industrie :

6 Art. 94 Principes de l’ordre économique

1 La Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté

économique.

25/10/2011

3

2 Ils veillent à sauvegarder les intérêts de l’économie nationale et

contribuent, avec le secteur de l’économie privée, à la prospérité et à la

sécurité économique de la population. 3 Dans les limites de leurs compétences respectives, ils veillent à créer un

environnement favorable au secteur de l’économie privée. 4 Les dérogations au principe de la liberté économique, en particulier les

mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sont

prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens

des cantons.

7 Art. 96 : Politique en matière de concurrence

1 La Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales

et économiques dommageables des cartels et des autres formes de

limitation de la concurrence.

8 A noter que la garantie de la propriété, également prévue par la Constitution (art. 26 Cst.), et

un pouvoir judiciaire capable de fonctionner en toute indépendance sont également reconnus

comme des piliers nécessaires pour le bon fonctionnement d’une économie libérale.

9 La liberté contractuelle et les mécanismes prévus par le droit privé des

contrats permettent d’organiser l’activité économique. Cette liberté

contractuelle n’est toutefois pas sans limite :

- l’Etat intervient et impose des règles protectrices chaque fois que

l’expérience montre qu’une des parties au contrat n’est pas en position

de négocier avec une véritable marge de manœuvre : protection du

locataire dans le droit du bail ; protection du travailleur dans le contrat

de travail ; protection de l’emprunteur dans la loi sur le petit crédit (cf.

ci-dessous, ch. 3.2.1. N. 83 ss).

- Si les entreprises utilisent les règles contractuelles pour empêcher le

fonctionnement du marché (accord sur les prix, sur les territoires,

interdiction de revendre à certains acteurs économiques), l’Etat

intervient pour faire constater la nullité de ces clauses contractuelles.

10 En droit européen, les fondements du droit de la concurrence se trouvent

dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (art. 3 par. 1 let

b, 101 et 102 TFUE), qui reprend les principes déjà fixés dans le Traité de

Rome signé en 1957 (ancien TCE).

11 D’une manière caractéristique, l’Union européenne s’est d’abord donnée pour but la mise en

place d’un marché intérieur « caractérisé par l’abolition, entre les Etats membres, des

obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des

capitaux » (art. 3 par. 1 let. c TCE). Ensuite, l’Union a voulu que soit instauré et maintenu « un

régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur » (art. 3 par. 1

let. g TCE).

25/10/2011

4

Ainsi, en dehors du système juridique américain, l’Union européenne est la principale entité

économique qui a, à la fois adopté des règles juridiques relatives à l’accès au marché et à

l’exercice de la concurrence, et qui a aussi mis en place les instruments de mise en œuvre et

d’application effective de ces règles (cf. ci-dessous, § 10 et 11).

12 Ces dispositions ont été :

- complétées par de nombreux règlements adoptés par le Conseil et par la

Commission ; soit par exemple le règlement du Conseil sur l’application

de l’art. 81 TCE (aujourd’hui art. 101 TFUE) qui prohibe les ententes

(R n° 19/65/CEE modifié par le R n° 1215/1999/CE ou le R n°

1400/2002 de la Commission concernant l’application de l’art. 81 par. 3

TCE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées

dans le secteur automobile.

En droit européen, un règlement est l’équivalent d’une loi en ce sens qu’il contient des

règles qui doivent être appliquées telles que définies alors qu’une directive indique un but

à atteindre en laissant aux Etats membres le choix des moyens pour atteindre ce but.

Les autorités européennes adoptent aussi des communications pour expliquer leur manière

d’appliquer certains textes. Par exemple, la Communication de la Commission sur la

définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence a pour

objet d’expliquer la manière dont la Commission applique le concept de marché de produit

ou de marché géographique en cause (cf. Communication 97/C 372/03).

- interprétées, c’est-à-dire appliquées, par la Cour de Justice des

Communautés européennes (CJCE), dans des cas concrets.

La Cour de justice a été amenée à répondre à de nombreuses questions d’application du

traité grâce au mécanisme du recours préjudiciel prévu par le traité. Si la Cour de justice

avait été une instance de recours n’intervenant qu’après épuisement des voies de recours

nationales, il est probable que les justiciables n’y auraient pas eu souvent recours. Par la

voie du recours préjudiciel, l’instance nationale saisie – même la première instance – peut

soumettre un grief à la Cour de justice dès que ce grief soulève une question

d’interprétation du traité (p. ex. mesure d’effet équivalent ou entente illicite). Il est en effet

inutile que les différentes instances nationales se prononcent sur l’interprétation du traité

alors que de toute façon c’est la Cour de justice qui aura le dernier mot sur ce point !

1.2 LE ROLE DE L’ETAT

1.2.1 Le rôle traditionnel

13 L’Etat, au XXe siècle, est toujours intervenu de multiples manières dans

l’activité économique nationale :

- l’Etat acteur économique : l’Etat se croyait obligé d’exercer lui-même

certaines activités jugées indispensables pour assurer l’indépendance du

pays (armement, télécommunications, compagnies aériennes, p. ex) ;

25/10/2011

5

- politique conjoncturelle : par le biais de la politique monétaire, les

gouvernements exerçaient une influence sur l’économie ;

- politique structurelle : en protégeant ou avantageant certaines

industries, en fixant les règles du marché du travail, les gouvernements

modifiaient les règles du jeu.

1.2.2 L’évolution du rôle de l’Etat

14 Au cours des vingt dernières années, le rôle de l’Etat a été fortement

modifié :

- marchés publics : lorsque l’Etat investit, construit, achète des biens ou

des services, il doit, dès que le marché atteint un certain seuil financier,

respecter la réglementation nationale, européenne ou de l’OMC relative

aux marchés publics ;

- politique monétaire : celle-ci n’est plus dans les mains des

gouvernements, mais de la banque nationale (pour la Suisse) ou de la

Banque Centrale Européenne (BCE) pour l’Union Européenne ;

- politique structurelle : elle est admissible mais ne doit pas aller jusqu'à

affecter la concurrence (problématique des aides d’Etat prohibées par les

art. 107 ss TFUE ; en Suisse, la Commission de la concurrence (Comco)

est invitée de par la loi à se déterminer sur les projets législatifs qui

pourraient affecter ou fausser la concurrence (art. 45 LCart.) :

1) Art. 45 Recommandations aux autorités

1 La commission observe de façon suivie la situation de la

concurrence.

2 Elle peut adresser aux autorités des recommandations visant à

promouvoir une concurrence efficace, notamment en ce qui concerne

l’élaboration et l’application des prescriptions de droit économique.

15 De plus, la création du marché unique européen, à fin 1992, et les règles du

GATT sur le commerce international ont changé les dimensions du terrain

sur lequel s’exerce la concurrence. Pour cette raison, les règles du droit de

la concurrence ont été harmonisées dans la Communauté européenne et les

règles suisses adaptées à celle du droit européen.

16 Il est intéressant de constater que, dans toute une série de domaines économiques particuliers,

le régime juridique adopté spécialement vise aussi à garantir une certaine égalité entre les

opérateurs pour garantir l’exercice de la concurrence :

- législation sur les télécommunications (cf. N 108 ss) ;

- législation dans le domaine de l’énergie électrique et du gaz (cf. N 111 ss) ;

- législation sur les bourses (cf. N 105 ss).

25/10/2011

6

17 L’évolution a également été marquée dans l’application des règles du droit

de la concurrence :

- les administrations chargées d’appliquer ces règles ont crû en

personnel et en compétences (ce domaine exige une coopération étroite

de juristes et d’économistes) ; à l’échelle européenne, un réseau de

coopération a été mis en place entre la Commission européenne et les

autorités de la concurrence des Etats membres ;

- les pouvoirs d’enquête sont devenus si incisifs que l’on en vient à

invoquer pour les entreprises les droits fondamentaux que seules les

personnes physiques avaient l’habitude d’invoquer ;

- les sanctions, en particulier financières, que peuvent subir les

contrevenants deviennent vraiment dissuasives.

18 Cette évolution se caractérise par le fait que l’Etat n’agit plus directement

comme acteur économique, mais indirectement en définissant les règles du

jeu et garantissant leur respect.

1.3 LE DROIT DE LA CONCURRENCE

19 Par l’adoption des règles du droit de la concurrence et leur application,

l’Etat veille à ce que les acteurs économiques n’empêchent, ni n’entravent

d’une façon excessive l’exercice de la concurrence. Cela signifie :

- fixer les règles d'accès au terrain de jeu, soit favoriser l’établissement

(l’existence) du marché et son accès (y compris de l’extérieur du

pays) (mise en place du marché intérieur);

- fixer les règles du jeu en garantissant l’existence d’une concurrence

efficace et loyale sur le marché (LCart.); l’exercice de la concurrence ne

doit pas se faire à l’aide de méthodes déloyales ou contraires à la bonne

foi (indications fallacieuses, tromperies, publicité mensongère, p. ex. ;

cf. la LF contre la concurrence déloyale, LCD).

- empêcher la constitution de positions de puissance / domination sur le

marché (contrôle des concentrations).

20 De plus, l’Etat doit également veiller à ne pas lui-même entraver la

concurrence par sa propre activité :

- ne pas fausser le marché par des aides étatiques (subventions, aides aux

entreprises en détresse);

25/10/2011

7

- respecter la concurrence lorsqu'il est acteur économique (sauf situations

exceptionnelles); autrement dit :

-- les exigences de la concurrence s'imposent également aux entreprises

étatiques qui exercent une activité économique;

-- les principes de la concurrence doivent être respectés dans

l'attribution des marchés publics.

21 Le droit de la concurrence n’existe que si le législateur (volonté politique)

adopte des règles juridiques. En Suisse, le droit de la concurrence a pris

de l’importance en plusieurs étapes :

- 1962 : adoption de la première loi sur les cartels et organisations

analogues ; les cartels restaient présumés licites aussi longtemps que des

conséquences nuisibles d’ordre économique et social n’étaient pas

établies par l’autorité.

- 1985 : la présomption de licéité subsiste.

- 1995 : la présomption est renversée pour les accords sur les prix, les

quantités ou sur les marchés géographiques.

- 2004 : la Comco obtient le droit d’infliger une sanction lorsqu’elle

constate un comportement illicite.

- 2011 : le Conseil fédéral propose d'adapter les sanctions lorsque

l'entreprise a mis en place un système interne de "compliance"; il

propose également des règles plus strictes pour les accords verticaux.

22 Cette évolution législative dénote une évolution de la politique de la

concurrence en Suisse :

23 Dans la première loi suisse sur les cartels, la Comco, lorsqu’elle achevait une enquête sur un

secteur économique, devait se contenter d’adresser aux entreprises concernées une

recommandation de mettre fin à la pratique visée. Si les entreprises ne suivaient pas la recom-

mandation, la Comco ne pouvait que demander au Département fédéral de l’économie de

prendre une décision dans le sens de la recommandation.

En comparaison, en application des dispositions de la LCart de 2004, la Comco a pris une

décision à l’encontre de Swisscom au printemps 2007 accompagnée d’une sanction de plus de

300 MCHF ! Cette décision a été cassée par le Tribunal administratif fédéral.

24 La mise en place d’autorités indépendantes et le développement des règles

de procédures ont favorisé un développement autonome du droit de la

concurrence :

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8

- autonomie par rapport aux autorités politiques ; à titre d’exemple :

-- prise de contrôle d’ENDESA en Espagne par la société italienne Enel

malgré plusieurs tentatives du gouvernement espagnol de favoriser

un concurrent espagnol, la société Gaznatural.

-- tentative avortée d’intervention de la Banque centrale hollandaise

dans l’offre publique d’achat sur ABN Amro.

-- preuve contraire : en France, lorsque la société italienne ENEL a

annoncé qu'elle allait lancer une offre d'achat sur Gaz de France

(GDF), le gouvernement a "organisé" en un week-end la fusion de

GDF avec la société Suez !

- autonomie par rapport à la science économique ; la concurrence est

certes d’abord un concept économique qui vise la compétition entre les

acteurs économiques sur un marché donné ; dans les mains des pouvoirs

publics chargés d’appliquer le droit de la concurrence, la concurrence

devient un outil qu’ils ont adapté au but qu’ils poursuivent : rechercher

un équilibre concurrentiel ; non pas une concurrence théorique ou

parfaite, mais une concurrence praticable (workable competition) sur un

marché donné et compte tenu des éventuels autres facteurs que le

législateur a également demandé de prendre en considération; par

exemple :

-- Un accord affectant de manière notable la concurrence (art. 5 LCart.) peut être justifié

(motif d’efficacité économique) s’il a pour but d’améliorer la compétitivité des petites

et moyennes entreprises (art. 6 al. 1 let. e LCart).

-- Un accord contraire à l’art. 5 LCart. peut être autorisé par le Conseil fédéral s’il est

nécessaire à la sauvegarde d’intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).

25 L’Etat veut protéger la concurrence car l’effet supposé de celle-ci est

l’efficacité des mécanismes économiques. La concurrence n’est donc pas

recherchée pour elle-même mais comme instrument permettant

d’atteindre l’efficacité. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de

protéger la concurrence contre les atteintes qui peuvent être apportées à son

fonctionnement. C’est la notion de concurrence efficace (wirksamer

Wettbewerb).

26 Procédant à une nouvelle analyse économique de la règle de droit, les autorités européennes

ont dès le début accordé de l'importance aux effets des comportements des acteurs

économiques. Elles ne s'attachaient pas au caractère fautif d'un comportement (violation de la

règle) mais à ses conséquences, ses effets.

Afin de faciliter l'application des règles, on a tiré de la pratique certaines présomptions (tel

comportement – accord sur les prix – entraîne une suppression de la concurrence); ces

comportements sont qualifiés d'illicites; il n'est plus nécessaire d'examiner leurs effets.

Plus récemment, les autorités de la concurrence s'écartent des règles PERSE pour examiner

dans chaque cas les effets du comportement avant de porter un jugement sur le caractère abusif

25/10/2011

9

ou non du comportement ("the more economic approach"). Mais cette manière de procéder

conduit à un jugement a posteriori qui n'est pas très compatible avec la sécurité juridique (peut-

on être condamné pour un comportement dont on ne pouvait savoir, à ce moment-là, qu'il

serait apprécié négativement ?).

Pour aider les entreprises à bien se comporter, la Commission a publié des Communications

dans lesquelles elle formalise la théorie économique qu'elle applique et explique donc de

quelle manière elle va appliquer les principes du droit européen. Toutefois, ces

Communications ne lient pas les tribunaux.

27 Les règles adoptées par le législateur en droit de la concurrence devraient donc être en

conformité avec les énoncés de la science économique. Mais parfois on constate un décalage

entre les recommandations de l'analyse économique et l'application concrète de la norme de

concurrence. D'où la critique adressée parfois aux juristes de l'usage d'une doctrine

économique imparfaite, mal comprise ou même dépassée.

(Sur ces questions : I. LIANOS, La transformation du droit de la concurrence par le recours à

l'analyse économique, Bruxelles, 2007; F. JENNY, Le rôle de l'analyse économique dans le

contrôle par la Cour de cassation en matière de droit de la concurrence : Concurrences 2007,

n° 4, p. 27, p. 34).

1.4 LA CONCURRENCE ET LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

1.4.1 Nécessité d’une protection

28 Tout en recherchant les effets du fonctionnement efficace du marché, l'Etat

reconnaît généralement aussi la nécessité de protéger les efforts consentis

par le chercheur pour le développement d'un produit; d'où la protection

accordée par :

- la loi sur les brevets d'invention (LBI);

- la loi sur les designs (LDes);

- la loi sur les marques et les indications de provenance (LPM).

1.4.2 Protection internationale de la propriété industrielle ou intellectuelle

A. En général

29 Dans les pays industriels, le besoin d'une protection internationale des

droits de propriété industrielle a été ressenti très tôt et concrétisé à la fin du

XIXème siècle déjà dans un traité intitulé «Convention de l'Union de

Paris» (CUP), signé en 1883 et modifié à plusieurs reprises depuis lors

(1925, 1934, 1958, 1967).

30 Cette convention a été complétée par de nombreux traités ou accords inter-

nationaux dans le but de faciliter l'enregistrement dans des pays étrangers

de marques, de modèles ou dessins industriels, de brevets; de même,

d'autres accords protègent les appellations d'origine et les indications de

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10

provenance. (L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle -

OMPI - a été instituée, avec siège à Genève, dans le but de coordonner ces

efforts).

31 L'importance accordée aux droits de la propriété industrielle par les pays

industrialisés a été soulignée dans la révision des accords du GATT,

puisque l'accord du 15 avril 1994 instituant l’OMC comprend une annexe

1C intitulée : « Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle

qui touchent au commerce ».

32 Depuis quelques années, en particulier depuis la réunion ministérielle de

Doha en 2001, la question de l’étendue de la protection des droits de la

propriété intellectuelle fait l’objet d’un débat nourri. C’est en particulier le

cas dans les relations avec les pays les plus démunis et dans le domaine de

la santé publique. Dans quelles circonstances et à quelles conditions une

licence obligatoire peut-elle être imposée au titulaire du brevet ?

B. Le conflit avec les règles du marché

33 Les principes de la propriété intellectuelle entrent en conflit avec les règles

du marché unique pour la raison suivante :

- le système du brevet ou de la marque reconnaît à son titulaire le droit

exclusif de fabriquer un produit selon le brevet ou d'utiliser une marque

pour caractériser un produit; le titulaire du brevet peut exploiter son

droit lui-même, mais il peut également céder ce droit à un tiers en lui

accordant une licence; ce droit est généralement accordé pour une durée

donnée et un territoire donné ;

- en accordant des licences dans différentes parties du marché européen,

le titulaire peut ainsi fixer des conditions (notamment de prix !) pour

l’usage du droit de propriété intellectuelle ; en faisant cela, le titulaire du

brevet ou de la marque peut ainsi cloisonner le territoire européen. En

effet, les règles contractuelles prévues dans le contrat de licence et

l’appareil judiciaire donnent au titulaire du droit les moyens de faire

respecter l’engagement pris par le preneur de licence. Or, cet effet est

précisément celui que l’on a voulu éviter en créant le marché unique.

34 Cette problématique a provoqué le débat sur l’épuisement national ou

international des droits de la propriété intellectuelle :

- La question est d’abord de savoir si le titulaire du droit (brevet ou

marque) peut encore contrôler l’usage du produit au-delà de la première

mise du produit sur le marché effectuée par le licencié.

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11

- On parle « d’épuisement » pour signifier que lorsque le titulaire du droit

a accordé une licence (sur le brevet ou la marque) et que le licencié

utilise son droit conformément au contrat de licence, le titulaire n’a plus

de contrôle possible sur le produit : il a « épuisé » son droit par l’octroi

de la licence ou la première mise du produit sur le marché ! Cela signifie

d'une part que le licencié ne peut pas interdire à son acheteur de

revendre le produit au-delà d'un certain marché; d'autre part, le titulaire

du droit ne peut pas invoquer son droit de propriété intellectuelle pour

empêcher l'importation du produit sur certains marchés.

* * * * *

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1ère partie

L’ACCES AU MARCHE

35 La concurrence implique l’existence d’un marché sur lequel elle puisse s’exercer. La

notion de marché a évolué avec l’extension géographique des marchés (Chapitre 1). La

possibilité d’accéder au marché constitue un élément essentiel de son bon

fonctionnement (Chapitre 2).

Chapitre 1

LE MARCHE

36 Les échanges commerciaux ont été favorisés par l’abaissement des barrières tarifaires

et non tarifaires (§ 2) et la mise en place d'une réglementation du marché (§3). Depuis

1992, l’Union européenne poursuit la mise en place d’un marché intérieur (§ 4), dont le

modèle a inspiré le législateur suisse (§ 5).

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13

§ 2 LES ZONES DE LIBRE ECHANGE

Textes législatifs : Accord OMC (RS 0.632.20) ; Convention du 04.01.1960

instituant l’association européenne de Libre-Echange (AELE) (RS 0.632.31);

l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401);

l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce

(RO 1995, p. 2252 ss); art. 30 ss TFUE; Loi fédérale du 06.10.1995 sur le marché

intérieur (LMI) (RS 943.02), FF 1995 IV 552 ss; Loi fédérale du 06.10.1995 sur

les entraves techniques au commerce (LETC) (RS 943.02), FF 1995 IV 539 ss;

art. 34 ss TFUE.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I 1193; E.

SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,

Coire/Zurich 1992; B. MERKT, Harmonisation internationale et entraide

administrative internationale en droit de la concurrence, Berne 2000; C.L. DE

LEYSSAC/G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002, p. 51 ss; D. DREYER/B.

DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activités

soumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,

1998, p. 859 ss; D. DREYER/B. DUBEY, Réglementation professionnelle et marché

intérieur, Bâle 2003.

2.1 L'ABAISSEMENT DES BARRIERES TARIFAIRES

37 A la fin des années 1950, la Suisse chercha sa place dans le concert des

Etats européens qui développaient et favorisaient les échanges

économiques.

38 Etant donné que la CEE - malgré son appellation - n'avait pas que des buts

économiques, il n'était pas question pour la Suisse d'en faire partie. Elle se

contenta donc :

- de participer à l'AELE dès 1960;

- de signer un accord de libre échange avec la CEE en 1972;

- de participer activement aux divers «rounds» de négociations du GATT

(devenu OMC en 1995).

39 La création d'une zone de libre échange vise des buts beaucoup plus limités

que celle d'un marché intérieur. Les pays qui établissent une zone de libre

échange conservent leur souveraineté ce qui permet – volontairement ou

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involontairement – de créer ou de maintenir des barrières non tarifaires

aux échanges.

40 La création d'un marché intérieur implique des mesures qui dépassent

l'abolition des droits de douane (la libre circulation des personnes, des

marchandises, des services et des capitaux (cf. § 4 et 5 ci-dessous).

2.1.1 L'Association européenne de libre échange

41 En réponse à la création de la CEE (qui ne comprenait à l'origine que la France, l'Allemagne,

l'Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg), d'autres pays européens (la Suisse,

l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Suède, la Norvège, la Finlande, l'Islande et l'Irlande)

constituèrent en 1960 la Convention instituant l’association européenne de Libre-Echange

(AELE). Actuellement, seuls la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse en font encore

partie (mais la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein ont signé avec l’Union européenne le

Traité de l’Espace économique européen). Les objectifs décrits à l'art. 2 de la Convention

AELE sont notamment :

- de favoriser, dans la zone de libre échange (l'ensemble des pays membres de la

Convention), l'expansion du commerce en éliminant progressivement les obstacles qui

l'entravent;

- d'assurer aux échanges entre Etats membres des conditions de concurrence équitable.

42 Le démantèlement des droits de douane (obstacles tarifaires) à l'intérieur de l'AELE, a été

réussi progressivement du 1er juillet 1960 au 31 décembre 1966.

43 Quant à la concurrence, la Convention de l'AELE comporte plusieurs articles qui s'y

rapportent :

- aides gouvernementales (art. 13);

- achats publics (art. 14);

- pratiques commerciales restrictives (art. 15);

- établissement (art. 16);

- dumping (art. 17).

44 L'objectif semble bien d'éviter que les avantages du libre échange (élimination des droits de

douane et des restrictions quantitatives) ne soient réduits à néant par des mesures

gouvernementales ou privées.

45 En réalité, après avoir aboli les barrières douanières, les membres de l'AELE ne se sont que

tardivement occupés des barrières non tarifaires (en fait, ce n'est qu'à l'initiative du

Président de la Commission européenne, J. Delors, qu'en 1988 s'ouvrirent des discussions sur

la création de l'Espace Economique Européen).

46 De plus, l'AELE n'établit pas un système de concurrence mais se contente d'assurer le jeu du

libre-échange. La Convention ne prévoit aucune institution qui serait chargée de veiller à son

application; la violation des règles relatives à la concurrence (art. 13 à 17) ne peut être

sanctionnée que par une décision du Conseil des ministres (prise à la majorité). De telles

décisions n'ont été que très rarement prises, ce qui démontre l'importance toute relative que les

Etats membres de l'AELE attribuent au droit de la concurrence. 47

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15

2.1.2 L'Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE (ALE)

48 En raison de l'accroissement des échanges internationaux et du développement de l'AELE et de

la Communauté économique européenne - CEE, leurs pays membres ressentirent le besoin, à la

fin des années 60, de faciliter les échanges de marchandises entre les deux zones. Ce fut la

signature des accords de libre-échange entre la CEE et les divers Etats membres de l'AELE (et

qui ont le même contenu).

49 Ces accords - celui qui fut signé par la Suisse date de 1972 - comprennent une clause relative à

la concurrence, l'art. 23, dont le texte est très semblable aux art. 81/82 du Traité CEE.

Pourtant, cet article n'a pratiquement pas eu d'impact sur les relations entre la Suisse et la CEE

car la Suisse - comme les autres pays de l'AELE - ne considère pas cette disposition comme

étant d'application directe. Cela signifie qu'en cas de différend, c'est un comité mixte -

institué par le Traité - qui doit être saisi. Composé de représentants des parties au Traité, ce

comité cherche, en cas de difficulté, des solutions selon une méthode politique plutôt que

juridictionnelle.

50 La portée (déjà faible) de cet Accord a été encore réduite par l'entrée en vigueur des Accords

bilatéraux (cf. 4 ci-dessous).

2.1.3 Autres organisations de libre-échange

51 L'UE constitue évidemment aussi une zone de libre échange mais elle est beaucoup plus que

cela puisqu'elle a aussi mis en place un marché intérieur et des organes politiques.

52 A noter que des organisations de libre-échange ont été mises sur pied sur d’autres continents :

- Amérique du Nord

The North American Free Trade Agreement (NAFTA) a été signé en 1992 entre les USA,

le Canada et Mexico, qui vise le libre commerce des marchandises et des services, ainsi

que la protection des investissements.

- Amérique du Sud

En 1960, plusieurs pays signèrent un accord de libre échanges (suppression des droits de

douane), transformé en 1980 en un traité d’intégration : Associación Latino-americana de

Integración, ALADI.

En 1991, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay décidèrent la création d’un

marché commun sud-américain : MERCOSUR (en espagnol), MERCOSUL (en portugais).

En 2004, d’autres pays s’y joignirent : Bolivie, Chili, Pérou, Colombie et Equateur.

- Amérique Centrale et Caraïbes :

Le Belize, Costa Rica, le Salvador, Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et Panama ont

d’abord constitué le Marché Commun d’Amérique Centrale (MCCA), devenu depuis le

Système d’intégration de l’Amérique Centrale (SICA).

Les pays des Caraïbes ont formé le Carabbean Common Market.

- Asie

Dès 1967, plusieurs pays du sud-est asiatique signèrent l’AFTA : Asian Free Trade Area.

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16

- Afrique

Plusieurs traités ont été signés :

-- Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (1975)

-- Marché Commun des Etats de l’Est et du Sud de l’Afrique (COMESA).

2.1.4 L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

53 En avril 1994, les pays membres du GATT ont signé un accord instituant

l'Organisation Mondiale du Commerce qui complète l'accord du GATT de

1947 et donne un nouvel élan à cette organisation.

A. Les tarifs douaniers

54 Tout comme les deux organisations régionales que sont la CEE et l'AELE,

l'OMC a d'abord pour but d'abaisser les barrières douanières et

tarifaires afin de favoriser le libre échange (avec cette différence que cet

accord a une portée quasi planétaire).

B. Les barrières non tarifaires

55 L'accord ne se contente pas d'abaisser les droits de douane. Il comprend

divers chapitres qui ont pour but d'ouvrir l'accès aux marchés ou d'éviter

que la concurrence ne soit faussée :

- Accord sur les subventions et les mesures compensatoires

(Annexe 1A de l'Accord) : il définit ce qu'est une subvention des

pouvoirs publics et indique les cas dans lesquels ces subventions sont

prohibées.

- Accord sur les obstacles techniques au commerce (cf. ci-dessous

2.2.1.)

- Accord sur les marchés publics (cf. ci-dessous 2.2.2.)

- Droits anti-dumping et droits compensateurs : l'Accord GATT de

1947 comprenait déjà des règles relatives à la possibilité reconnue à un

pays d'imposer des droits de douane pour s'opposer à des pratiques de

dumping. Ces dispositions sont maintenues dans l'Accord OMC et

surtout leur contrôle est mieux assuré par les règles sur les différends

entre les pays membres.

C. Règles et procédures régissant le règlement des différends

56 L'une des caractéristiques de l'Accord de 1994 est qu'il institue des

structures permanentes beaucoup plus développées.

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a) Présentation du problème

57 Le GATT avait pour but, à l’origine, d’éliminer les obstacles tarifaires

(droits de douane) au commerce international. Cependant, les acteurs du

commerce international le savent, les échanges commerciaux subissent

aussi des entraves en raison de pratiques commerciales restrictives dues

aux organes étatiques ou aux entreprises elles-mêmes (ou association

d’entreprises). Ces pratiques commerciales restrictives peuvent avoir

des effets sur la concurrence internationale. Le GATT en avait

conscience dès ses origines puisqu’une charte fut négociée à La Havane,

en 1947/48, sur ces questions de concurrence ; cependant, cette charte

n’a pas pu entrer en vigueur suite à son rejet par le Sénat américain.

Quant à l’art. XXIX du GATT, il est resté dépourvu de force juridique à

ce jour. Il n’existe donc pas encore, dans l’OMC, de réglementation

générale de la concurrence relative aux pratiques commerciales

restrictives d’origine privée.

58 Même si les Etats membres de l’OMC n’ont pu à ce jour se mettre

d’accord sur des règles spécifiques relatives à la concurrence, ils ont

néanmoins instauré un règlement des conflits portant sur la violation

des dispositions des accords.

b) Le règlement des conflits

59 Jusqu’à l’accord de Marrakech (1994), les différends entre Etats ne

pouvaient être réglés que par des négociations. L’institution de l’OMC,

décidée à Marrakech, a marqué l’évolution de la politique du

compromis vers un véritable système juridictionnel, soit l’annexe 2 de

l’Accord OMC, intitulé « Mémorandum d’accord sur les règles et

procédures régissant le règlement des différends ».

60 La procédure débute par une consultation (art. XXII) : un Etat, dont les

entreprises sont entravées dans l’exercice de la concurrence

internationale, va demander à l’OMC d’ouvrir une procédure de

consultation avec l’Etat qui a pris des mesures entravant la concurrence

ou dont les entreprises sont la cause de l’entrave.

61 Si cette procédure de consultation n’aboutit pas à un accord, l’Etat dont

les entreprises sont entravées peut demander que l’Organe de

règlement des différends soit saisi. Celui-ci va alors mettre sur pied un

groupe spécial devant lequel les Etats concernés vont faire valoir leur

point de vue : demande, réponse, réplique, duplique. A l’issue de la

procédure, le groupe spécial établit un rapport qui est transmis à

l’ORD qui approuve formellement sauf si :

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18

- il y a consensus au sein de l’ORD contre le rapport

- un membre OMC déclare faire recours dans les 60 jours à l’Organe

d’appel (ODA).

62 Lorsque le groupe spécial ou, le cas échéant, l’ODA conclut qu’une

mesure est incompatible avec les accords OMC, il est recommandé au

membre concerné de rendre la mesure conforme à l’accord visé. L’ORD

surveille la mise en œuvre de la décision et autorise, le cas échéant,

l’adoption de mesures de compensation ou la suspension de concessions

(art. 22 Memorandum d’accord).

2.2 LES OBSTACLES TECHNIQUES ET LES MARCHES PUBLICS

63 En plus de ces libertés, il est nécessaire pour la création d'un marché intérieur d'éliminer les

obstacles techniques et ouvrir l'accès aux marchés publics.

64 Il est intéressant de constater que, dans ces deux domaines, il y a convergence des

préoccupations aux trois niveaux : suisse, européen et mondial.

2.2.1 Les obstacles techniques

A. La législation suisse

65 La Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) a été adoptée en 1995, après

l'adoption des accords de l'OMC et alors que la Suisse avait entamé la négociation des accords

bilatéraux avec l'Union européenne et préparait sa propre législation sur le marché intérieur.

a) But de la loi

66 Cette loi a pour but de faciliter les échanges sur le marché intérieur, ainsi que les activités

d'importation et d'exportation.

67 Les entraves techniques au commerce sont définies comme les entraves aux échanges

internationaux de produits qui résultent :

- de la divergence des prescriptions et des normes techniques;

- de l'application divergente de ces prescriptions ou normes;

- de la non-reconnaissance des essais, enregistrements ou homologations effectuées à

l'étranger.

b) Méthode du législateur

68 Afin de ne pas entraver le commerce, les prescriptions techniques devront dorénavant :

- être compatibles avec celles des principaux partenaires commerciaux de la Suisse;

- être si possible simples et transparentes.

69 Des dérogations à ces principes ne sont admissibles que si :

- les prescriptions sont nécessaires pour protéger des intérêts publics prépondérants;

25/10/2011

19

- les prescriptions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une

restriction déguisée aux échanges (art. 4 LETC).

70 En 2009, le législateur a modifié l'art. 16 LETC pour introduire unilatéralement le principe

Cassis-de-Dijon dans les relations Suisse-UE (cf. ci-dessous 5.6).

B. Les accords internationaux

71 La législation suisse a été adoptée non seulement dans le but de contribuer à la réalisation du

marché intérieur suisse mais aussi afin de respecter les engagements pris par la Suisse dans des

traités internationaux et faciliter ainsi l'accès au marché helvétique.

72 Ces traités ou accords sont :

- la Convention de l'AELE de 1960 (RS 0.632.31);

- l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401);

- l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce (RO 1995,

p. 2252 ss).

(A noter qu'en 1988 déjà, les pays membres de l'AELE ont passé une convention sur la

reconnaissance mutuelle des résultats d'essais et des preuves de conformité).

- l'Accord bilatéral de 2002 entre la Suisse et l'Union européenne sur les obstacles

techniques.

2.2.2 Les marchés publics

A. Principes

73 L'importance économique des "marchés publics" n'est plus à démontrer. Le risque est grand

que l'autorité adjudicatrice, en l'absence de règles à suivre, n'accorde le "marché" à une

entreprise qui n'offre pas la meilleure offre possible pour l'adjudicateur. C'est afin d'éviter des

distorsions dans le processus d'adjudication que des règles de procédure ont été adoptées :

- publication de l'appel d'offres

- critères de choix

- annonce de la décision d'adjudication.

74 Ces règles élargissent considérablement le cercle des offreurs potentiels et donc améliore le

fonctionnement de la concurrence. D'un autre côté, la procédure est parfois compliquée, ce qui

engendre des coûts, et peut être longue (recours !).

75 Il importe de définir le champ d'application de ces règles. Dans chaque situation concrète, il

faut examiner les points suivants:

- Qui est l’adjudicateur du contrat ? Quelles sont les entités considérées comme des

«pouvoirs publics» ?

- Quel est l’objet du contrat ? S’agit-il de la construction d’un immeuble ? S’agit-il d’une

prestation de service ?

- Quelle est la valeur du contrat ? Comment se calcule la valeur du contrat ?

76 Les réponses à ces questions diront si la procédure prévue par la législation sur les marchés

publics doit être suivie, et le cas échéant, laquelle.

25/10/2011

20

B. OMC

77 Des valeurs plancher ont été définies dans l'Accord de l'OMC sur les marchés publics (à noter

que cet accord - Annexe 4 de l'Accord de Marrakech - n'a pas été signé par tous les pays

membres de l'OMC mais par 24 Etats membres).

78 L'accord ne s'applique qu'aux marchés dont la valeur est supérieure à :

- pour les constructions : 9,575 millions de francs (5 millions DTS);

- pour les biens et services :

-- administration fédérale : fr. 263'000.-

-- Poste ou CFF : fr. 806'000.-

-- Swisscom : fr. 1'209'000.-.

2.2.3 Relations Suisse - Union européenne

79 Les marchés publics font l'objet de l'un des sept accords bilatéraux signés entre la Suisse et

l'Union européenne (cf. 4.5.1). Les valeurs plancher sont les mêmes que celles de l'accord

OMC.

2.2.4 Relations intercantonales

80 Les pouvoirs publics cantonaux et communaux sont tenus par les engagements des accords

OMC et de l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne.

81 Les cantons ont fixé des seuils inférieurs dans l'Accord intercantonal sur les marchés publics

(AIMP).

2.3. EXERCICE

Le 15 juillet 2011, l'organe d'appel de l'OMC a rendu son rapport dans la

procédure opposant l'UE et la Chine au sujet de mesures antidumping

appliquées par l'UE à l'encontre d'exportations chinoises d'éléments de

fixation en fer et en acier.

Des milliers d'entreprises chinoises, pour la plupart des petites et moyennes

entreprises se plaignent d'être affectées par des mesures antidumping de

l'UE. Afin que les mesures antidumping ne soient pas appliquées n'importe

comment, l'UE a fixé les conditions et la procédure d'adoption de ces

mesures dans un Règlement antidumping. En l'espèce, les mesures ont été

adoptées en application de l'art. 9 al. 5 dudit Règlement (CE) n° 384/96 du

Conseil du 22.12.1995.

Dans la procédure devant l'Organe d'appel, les parties étaient d'une part

l'UE, de l'autre, la Chine; 11 pays étaient des participants tiers.

25/10/2011

21

Extraits du rapport

ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

ORGANE D'APPEL

Communautés européennes1 Ŕ Mesures

antidumping définitives visant certains éléments de

fixation en fer ou en acier en provenance de Chine

Union européenne, appelant/intimé

Chine, intimé/autre appelant

Brésil, participant tiers

Canada, participant tiers

Chili, participant tiers

Colombie, participant tiers

États-Unis, participant tiers

Inde, participant tiers

Japon, participant tiers

Norvège, participant tiers

Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et

Matsu, participant tiers

Thaïlande, participant tiers

Turquie, participant tiers

AB-2011-2

Présents:

Oshima, Président de la section

Hillman, membre

Unterhalter, membre

(i) Introduction

1. L'Union européenne et la Chine font toutes deux appel de certaines questions de droit et

interprétations du droit figurant dans le rapport du Groupe spécial Communautés européennes –

Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en

1 Le présent différend a commencé avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne modifiant le

Traité sur l'Union européenne et du Traité instituant la Communauté européenne (fait à Lisbonne le

13 décembre 2007) le 1er

décembre 2009. Le 29 novembre 2009, l'Organisation mondiale du commerce a

reçu une note verbale (WT/L/779) du Conseil de l'Union européenne et de la Commission des Communautés

européennes indiquant que, en vertu du Traité de Lisbonne, à compter du 1er

décembre 2009, l'"Union

européenne" se substitue et succède à la "Communauté européenne". Le 13 juillet 2010, l'Organisation

mondiale du commerce a reçu une deuxième note verbale (WT/Let/679) du Conseil de l'Union européenne

confirmant que, avec effet à compter du 1er

décembre 2009, l'Union européenne a remplacé la Communauté

européenne et a assumé tous les droits et obligations de la Communauté européenne en ce qui concerne tous

les Accords dont le Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce est le dépositaire et auxquels

la Communauté européenne participe en tant que signataire ou partie contractante. Nous comprenons la

référence à la "Communauté européenne" figurant dans les notes verbales comme une référence aux

"Communautés européennes". L'Union européenne a demandé au Groupe spécial de remplacer le nom

"Communautés européennes" par "Union européenne" dans le titre de l'affaire, mais le Groupe spécial a

décidé de ne pas procéder à cette modification parce que les demandes de consultations et d'établissement

d'un groupe spécial avaient toutes les deux été présentées par la Chine avant le 1er

décembre 2009 et faisaient

référence aux Communautés européennes, tout comme la décision de l'ORD portant établissement du Groupe

spécial. Toutefois, toutes les communications des parties ont été présentées au Groupe spécial après cette

date et font référence à l'Union européenne et le Groupe spécial a formulé ses constatations en se référant à

l'Union européenne. (Rapport du Groupe spécial, paragraphes 6.4 et 6.5) Dans le présent rapport, nous nous

référons aussi à l'Union européenne.

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22

provenance de Chine (le "rapport du Groupe spécial").2 Le Groupe spécial a été établi le

23 octobre 2009 pour examiner une plainte de la Chine concernant la compatibilité "en tant que

tel" de l'article 9 5) du Règlement (CE) n° 384/96 du Conseil du 22 décembre 1995 relatif à la

défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la

Communauté européenne, tel qu'il a été modifié3, avec l'Accord sur la mise en œuvre de l'article VI

de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (l'"Accord antidumping"),

l'"Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (le "GATT de 1994") et

l'"Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (l'"Accord sur l'OMC"),

et la compatibilité de cette mesure, "telle qu'appliquée" dans l'enquête sur les éléments de fixation,

avec l'Accord antidumping; et la compatibilité du Règlement (CE) n° 91/2009 du Conseil du

26 janvier 2009 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments

de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (le "Règlement

définitif")4 avec l'Accord antidumping. Le Règlement (CE) n° 384/96 du Conseil a ensuite été

abrogé et remplacé par le Règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil du 30 novembre 2009 et les

communications de la Chine au Groupe spécial portaient sur ce dernier Règlement (le "Règlement

antidumping de base").5

2. Devant le Groupe spécial, la Chine contestait la compatibilité de l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base, "en tant que tel", avec les articles 6.10, 9.2, 9.3, 9.4 et 18.4 de

l'Accord antidumping, des articles I:1 et X:3 a) du GATT de 1994 et de l'article XVI:4 de l'Accord

sur l'OMC, parce qu'il exigeait des exportateurs de pays à économie autre que de marché qu'ils

satisfassent à certains critères pour pouvoir bénéficier de marges de dumping individuelles et de

taux de droits individuels. La Chine contestait aussi l'article 9 5) du Règlement antidumping de

base, "tel qu'appliqué" dans l'enquête sur les éléments de fixation, au titre des articles 6.10, 9.2 et

9.4 de l'Accord antidumping. En outre, la Chine contestait divers aspects de fond et aspects

procéduraux du Règlement définitif, imposant des droits antidumping dans l'enquête sur les

éléments de fixation, au titre des articles 2, 3, 4, 5, 6 et 12 de l'Accord antidumping. Ces aspects

comprenaient les déterminations de la Commission concernant la représentativité, la définition de

la branche de production nationale, le produit considéré, l'existence d'un dumping et la

sous-cotation du prix, le volume et l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping et,

2 WT/DS397/R, 3 décembre 2010.

3 Journal officiel des Communautés européennes, série L, n° 56 (6 mars 1996) 2 (pièce CHN-1

présentée au Groupe spécial). 4 Journal officiel de l'Union européenne, série L, n° 29 (31 janvier 2009) 1 (pièce CHN-4 présentée

au Groupe spécial). 5 Journal officiel de l'Union européenne, série L, n° 343 (22 décembre 2009) 51, et rectificatif,

Journal officiel de l'Union européenne, série L, n° 7 (12 janvier 2010) 23 (pièce CHN-3 présentée au Groupe

spécial).

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23

enfin, le lien de causalité. S'agissant de la procédure, les contestations formulées par la Chine

portaient sur la divulgation, par la Commission, de renseignements pertinents pour l'enquête, le

traitement des renseignements confidentiels et les aspects procéduraux des allégations concernant

le traitement individuel.

3. Le rapport du Groupe spécial a été distribué aux Membres de l'Organisation mondiale du

commerce (l'"OMC") le 3 décembre 2010. Pour les raisons exposées dans son rapport, le Groupe

spécial a formulé les constatations ci-après.

Le Groupe spécial a constaté que les allégations suivantes ne relevaient pas de son mandat:

b) l'allégation au titre de l'article 2.6 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la définition

du produit similaire;

c) l'allégation au titre de l'article 6.9 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la

non-divulgation alléguée de certains aspects de la détermination de la valeur normale; et

d) l'allégation au titre de l'article 6.9 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les aspects

procéduraux de la définition de la branche de production nationale.

Le Groupe spécial a constaté que l'Union européenne avait agi d'une manière incompatible avec:

a) les articles 6.10, 9.2 et 18.4 de l'Accord antidumping, l'article I:1 du GATT de 1994 et

l'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC en ce qui concerne l'article 9 5) du Règlement

antidumping de base;

b) les articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les déterminations

relatives au traitement individuel dans l'enquête sur les éléments de fixation;

c) l'article 3.1 et 3.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le volume des importations

faisant l'objet d'un dumping examiné dans l'enquête sur les éléments de fixation;

d) l'article 3.1 et 3.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne l'analyse du lien de causalité

dans l'enquête sur les éléments de fixation;

e) l'article 6.4 et 6.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne certains aspects de la

détermination de la valeur normale;

f) l'article 6.5.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les versions non confidentielles

des réponses au questionnaire de deux producteurs européens et l'article 6.5 de l'Accord

antidumping en ce qui concerne le traitement confidentiel des renseignements figurant

dans la réponse au questionnaire du producteur indien;

g) l'article 6.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le traitement confidentiel des

données d'Eurostat sur la production totale d'éléments de fixation de l'UE; et

h) l'article 6.5 de l'Accord antidumping du fait qu'elle a divulgué des renseignements

confidentiels.

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24

Le Groupe spécial a constaté que la Chine n'avait pas établi que l'Union européenne avait agi d'une

manière incompatible avec:

a) l'article 5.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la détermination de la

représentativité dans l'enquête sur les éléments de fixation;

b) les articles 4.1 et 3.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la définition de la

branche de production nationale dans l'enquête sur les éléments de fixation;

c) l'article 2.1 et 2.6 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le produit considéré dans

l'enquête sur les éléments de fixation;

d) l'article 2.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la détermination de l'existence

d'un dumping dans l'enquête sur les éléments de fixation;

e) l'article 3.1 et 3.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la détermination de la

sous-cotation du prix dans l'enquête sur les éléments de fixation;

f) l'article 3.1, 3.2, 3.4 et 3.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le fait d'avoir

considéré les importations en provenance des producteurs et exportateurs non inclus dans

l'échantillon/non examinés comme faisant l'objet d'un dumping dans l'enquête sur les

éléments de fixation;

g) l'article 3.1 et 3.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne l'examen de l'incidence des

importations faisant l'objet d'un dumping sur la branche de production nationale;

h) l'article 6.5, 6.4 et 6.2 de l'Accord antidumping relativement à la non-divulgation de

l'identité des plaignants et de ceux qui soutenaient la plainte;

i) l'article 6.2 et 6.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le traitement confidentiel

des données d'Eurostat sur la production totale d'éléments de fixation de l'UE;

j) l'article 6.2 et 6.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les aspects procéduraux de

la définition de la branche de production nationale; et

k) l'article 6.1.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le délai accordé pour répondre

aux demandes de renseignements.

Le Groupe spécial a appliqué le principe d'économie jurisprudentielle pour ce qui concerne les

allégations de la Chine au titre de:

a) l'article 9.3 et 9.4 de l'Accord antidumping et de l'article X:3 a) du GATT de 1994 en ce

qui concerne l'article 9 5) du Règlement antidumping de base;

b) l'article 9.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les déterminations relatives au

traitement individuel dans l'enquête sur les éléments de fixation;

c) l'article 3.4 et 3.5 de l'Accord antidumping en ce qui concerne le volume des importations

faisant l'objet d'un dumping examiné dans l'enquête sur les éléments de fixation;

d) l'article 6.5.1 de l'Accord antidumping en ce qui concerne la réponse au questionnaire du

producteur indien;

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25

e) l'article 6.2 et 6.4 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les versions non

confidentielles des réponses au questionnaire de deux producteurs européens et le

traitement confidentiel des renseignements figurant dans la réponse au questionnaire du

producteur indien; et

f) l'article 12.2.2 de l'Accord antidumping en ce qui concerne les aspects procéduraux des

déterminations relatives au traitement individuel.

4. Le 25 mars 2011, l'Union européenne a notifié à l'Organe de règlement des différends

(l'"ORD") son intention de faire appel de certaines questions de droit couvertes par le rapport du

Groupe spécial et de certaines interprétations du droit données par celui-ci, conformément aux

articles 16:4 et 17 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement

des différends (le "Mémorandum d'accord") et a déposé une déclaration d'appel6 ainsi qu'une

communication en tant qu'appelant conformément aux règles 20 et 21, respectivement, des

Procédures de travail pour l'examen en appel (les "Procédures de travail").7

5. Le 30 mars 2011, la Chine a notifié à l'ORD son intention de faire appel de certaines

questions de droit couvertes par le rapport du Groupe spécial et de certaines interprétations du

droit données par celui-ci, conformément aux articles 16:4 et 17 du Mémorandum d'accord et a

déposé une déclaration d'un autre appel8 ainsi qu'une communication en tant qu'autre appelant

conformément à la règle 23 1) et à la règle 23 3), respectivement, des Procédures de travail. Le

12 avril 2011, l'Union européenne et la Chine ont chacune déposé une communication en tant

qu'intimé.9 Le 15 avril 2011, le Brésil, la Colombie, les États-Unis et le Japon ont chacun déposé

une communication en tant que participant tiers.10

Le même jour, le Canada, le Chili, l'Inde, la

Norvège, le Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu et la Thaïlande ont

chacun notifié leur intention de comparaître à l'audience en tant que participant tiers.11

Le

18 avril 2011, la Turquie a notifié son intention de comparaître à l'audience en tant que participant

tiers.12

……..

387. Par conséquent, en ce qui concerne l'article I:1 du GATT de 1994, le Groupe spécial a

conclu ce qui suit:

6 WT/DS397/7 (jointe en tant qu'annexe 1 au présent rapport).

7 WT/AB/WP/6, 16 août 2010.

8 WT/DS397/8 (jointe en tant qu'annexe II au présent rapport).

9 Conformément aux règles 22 et 23 4) des Procédures de travail.

10 Conformément à la règle 24 1) des Procédures de travail.

11 Conformément à la règle 24 2) des Procédures de travail.

12 Conformément à la règle 24 4) des Procédures de travail.

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[I]l est clair que l'application de l'article 9 5) se traduira, dans

certaines situations, par un traitement différent pour le même

produit provenant de Membres de l'OMC différents dans les

enquêtes antidumping effectuées par l'Union européenne. Nous

estimons donc que l'article 9 5) contrevient à l'obligation NPF

énoncée à l'article I:1 du GATT de 1994.13

388. L'Union européenne allègue que le Groupe spécial a fait erreur dans l'interprétation et

l'application de l'article I:1 du GATT de 1994, et a agi d'une manière incompatible avec l'article 11

du Mémorandum d'accord, lorsqu'il a constaté que l'article 9 5) du Règlement antidumping de base

était incompatible avec l'obligation NPF énoncée à l'article I:1 du GATT de 1994. Elle soutient

que l'avantage allégué accordé aux pays à économie de marché était fondé sur la nature des

fournisseurs considérés, et non sur le produit lui-même, et que cela veut dire qu'il n'y a pas, dans la

présente affaire, de discrimination entre produits similaires provenant de pays différents.14

L'Union européenne fait valoir qu'elle est en droit d'accorder un traitement différent aux

importations en provenance de pays à économie de marché et de NME parce que ces importations

sont différentes par nature. Elle ajoute que les termes "sans condition" figurant à l'article I:1

n'empêchent pas de soumettre l'octroi d'un avantage à certaines conditions dans la mesure où cela

n'entraîne pas une discrimination de facto.15

389. La Chine répond que le Groupe spécial a constaté à juste titre que l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base était incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994, parce que

le traitement différent que l'Union européenne accorde dans ses enquêtes antidumping aux

importations provenant de NME et de pays à économie de marché Membres de l'OMC "ne peut pas

se justifier au motif que l'origine du produit reflète en quelque sorte une différence de nature".16

La Chine estime en outre que le Groupe spécial n'a pas manqué à son obligation de se conformer à

l'article 11 du Mémorandum d'accord et qu'il n'a pas fait erreur en constatant que l'Accord

antidumping n'autorisait pas le traitement spécifique différent des importations provenant de NME

qui est prévu à l'article 9 5) du Règlement antidumping de base.

390. L'article I:1 du GATT de 1994 exige ce qui suit:

Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par un

Membre à un produit originaire ou à destination de tout autre pays

seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit

similaire originaire ou à destination du territoire de tous les autres

Membres. Cette disposition concerne les droits de douane et les

13

Rapport du Groupe spécial, paragraphe 7.124. 14

Communication de l'Union européenne en tant qu'appelant, paragraphe 213. 15

Communication de l'Union européenne en tant qu'appelant, paragraphe 212. 16

Communication de la Chine en tant qu'intimé, paragraphe 330.

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impositions de toute nature perçus à l'importation ou à

l'exportation ou à l'occasion de l'importation ou de l'exportation,

ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds

effectués en règlement des importations ou des exportations, le

mode de perception de ces droits et impositions, l'ensemble de la

réglementation et des formalités afférentes aux importations ou

aux exportations ainsi que toutes les questions qui font l'objet des

paragraphes 2 et 4 de l'article III.

391. L'article VI:2 du GATT de 1994 dispose ce qui suit:

En vue de neutraliser ou d'empêcher le dumping, tout Membre

pourra percevoir sur tout produit faisant l'objet d'un dumping un

droit antidumping dont le montant ne sera pas supérieur à la

marge de dumping afférente à ce produit. Aux fins d'application

du présent article, il faut entendre par marge de dumping la

différence de prix déterminée conformément aux dispositions du

paragraphe premier.

392. Nous observons que l'article VI du GATT de 1994 permet l'imposition de droits

antidumping, ce qui pourrait autrement être incompatible avec d'autres dispositions du GATT de

1994, telles que l'article I:1.17

Par conséquent, nous sommes d'avis qu'une question préliminaire à

examiner avant de déterminer si un droit antidumping a été imposé d'une manière incompatible

avec l'article I:1 du GATT de 1994 est celle de savoir s'il a été imposé d'une manière compatible

avec l'article VI du GATT de 1994.

393. Dans l'affaire Brésil – Noix de coco desséchée, l'Organe d'appel a confirmé la constatation

du Groupe spécial selon laquelle l'applicabilité de l'article VI du GATT de 1994 à une enquête en

matière de droits compensateurs déterminait également l'applicabilité des articles Ier et II du GATT

de 1994. Le Groupe spécial avait constaté que l'article VI du GATT de 1994 ne s'appliquait pas à

une mesure en matière de droits compensateurs qui résultait d'une enquête ouverte avant le 1er

janvier 1995. Il avait en outre constaté que si l'article VI du GATT de 1994 ne constituait pas

l'instrument juridique applicable, les allégations au titre des articles Ier et II, qui découlaient

d'allégations d'incompatibilité avec ledit article VI, ne pouvaient pas être retenues.18

17

Cette relation est aussi reflétée à l'article II:2 b) du GATT de 1994, qui dispose ce qui suit:

Aucune disposition du présent article n'empêchera un Membre de

percevoir à tout moment, à l'importation d'un produit:

b) un droit antidumping ou un droit compensateur en

conformité de l'article VI. 18

Rapport de l'Organe d'appel Brésil – Noix de coco desséchée, page 24; rapport du Groupe spécial,

Brésil – Noix de coco desséchée, paragraphes 280 et 281.

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394. L'article 9 5) du Règlement antidumping de base régit les conditions dans lesquelles un

droit antidumping doit être imposé par l'Union européenne. Cependant, dans sa demande

d'établissement d'un groupe spécial, la Chine n'a pas formulé d'allégation au titre de l'article VI du

GATT de 1994 en ce qui concerne l'article 9 5) du Règlement antidumping de base. La question

de savoir si l'article 9 5) du Règlement antidumping de base est appliqué d'une manière compatible

avec les dispositions de l'article VI du GATT de 1994 n'a donc pas été soulevée devant le Groupe

spécial et n'est pas contestée devant nous. Cela a des implications importantes pour la question de

savoir si l'article 9 5) du Règlement antidumping de base est incompatible avec l'article I:1 du

GATT de 1994.

395. Cependant, le Groupe spécial a constaté que l'article 9 5) du Règlement antidumping de

base était incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994, sans examiner la question préliminaire

se posant en l'espèce, qui consiste à savoir s'il était compatible avec l'article VI du GATT de 1994.

Le Groupe spécial n'a pas traité des implications de l'absence d'allégation au titre de l'article VI du

GATT de 1994 pour une allégation formulée au titre de l'article I:1 du GATT de 1994. Il n'a pas

non plus examiné la relation entre l'article VI du GATT de 1994 et les dispositions de l'Accord

antidumping, qui, aux termes de l'article premier de l'Accord antidumping, "régissent l'application

de l'article VI du GATT de 1994".19

Par conséquent, nous considérons qu'il manque à la

constatation formulée par le Groupe spécial au titre de l'article I:1 du GATT de 1994 une étape

essentielle dans le déroulement de l'analyse juridique, à savoir la détermination de la question de

savoir si et dans quelles circonstances une mesure antidumping qui est incompatible avec l'Accord

antidumping peut être examinée au titre de l'article I:1 du GATT de 1994, sans qu'il y ait examen

au titre de l'article VI du GATT de 1994.

396. Comme nous l'avons expliqué plus haut, la Chine n'a pas allégué devant le Groupe spécial

que l'article 9 5) du Règlement antidumping de base était incompatible avec l'article VI du GATT

de 1994 et, en l'espèce, les parties n'ont pas non plus avancé d'arguments relatifs à la relation entre

les dispositions de l'Accord antidumping et celles des articles VI et Ier du GATT de 1994. Par

conséquent, nous ne considérons pas qu'il soit approprié que nous examinions plus avant les

19

L'article premier de l'Accord antidumping dispose ce qui suit: "[l]es dispositions qui suivent

régissent l'application de l'article VI du GATT de 1994 pour autant que des mesures soient prises dans le

cadre d'une législation ou d'une réglementation antidumping". (pas d'italique dans l'original) Nous notons

aussi que l'article 18.1 de l'Accord antidumping dispose qu'il ne pourra être pris aucune mesure particulière

contre le dumping "si ce n'est conformément aux dispositions du GATT de 1994, tel qu'il est interprété par le

présent accord". Le Groupe spécial n'a pas analysé les implications des termes "application" figurant à

l'article premier et "tel qu'il est interprété" figurant à l'article 18 de l'Accord antidumping pour ce qui est de la

relation entre les obligations énoncées dans l'Accord antidumping et aux articles VI et Ier

du GATT de 1994.

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29

implications de l'absence d'allégation au titre de l'article VI du GATT de 1994 pour une allégation

au titre de l'article I:1 du GATT de 1994.

397. En outre, nous avons déjà confirmé les constatations du Groupe spécial selon lesquelles

l'article 9 5) du Règlement antidumping de base était incompatible "en tant que tel" avec les

articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping et nous estimons qu'une décision au titre de l'article I:1

du GATT de 1994 n'est pas nécessaire pour régler le présent différend.

398. Par conséquent, pour les raisons exposées plus haut, nous nous abstenons de nous

prononcer sur la constatation du Groupe spécial selon laquelle l'article 9 5) du Règlement

antidumping de base est incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994 et déclarons que cette

constatation est sans pertinence et sans effet juridique. Nous ne jugeons pas nécessaire d'examiner

l'allégation de l'Union européenne selon laquelle le Groupe spécial a agi d'une manière

incompatible avec l'article 11 du Mémorandum d'accord, étant donné que nous avons déclaré que

la constatation du Groupe spécial selon laquelle l'article 9 5) du Règlement antidumping de base

était incompatible avec l'article I:1 du GATT de 1994 était sans pertinence et sans effet juridique.

G. Article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC et article 18.4 de l'Accord antidumping

399. L'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC exige que les Membres de l'OMC assurent la

conformité de leurs lois, réglementations et dispositions administratives avec les dispositions des

accords visés. L'article 18.4 de l'Accord antidumping exige que chaque Membre prenne toutes les

mesures nécessaires pour assurer la conformité de ses lois, réglementations et procédures

administratives avec les dispositions de l'Accord antidumping. Après avoir conclu que

l'article 9 5) du Règlement antidumping de base était incompatible avec les articles 6.10 et 9.2 de

l'Accord antidumping "en tant que tel", le Groupe spécial a aussi constaté ce qui suit:

[L']Union européenne a agi d'une manière incompatible avec

l'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC et l'article 18.4 de l'[Accord

antidumping] en n'assurant pas la conformité de ses lois, réglementations

et procédures administratives avec ses obligations au titre des accords

pertinents.20

…..

623. Par conséquent, sur la base du contenu du formulaire de demande de traitement MET/IT et

du but dans lequel il est utilisé, nous constatons que ce formulaire n'est pas une demande de

renseignements sollicitant, de la part des exportateurs et producteurs chinois, une grande quantité

20

Rapport du Groupe spécial, paragraphe 7.137.

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30

de renseignements sur lesquels la Commission fonderait ses déterminations concernant les aspects

essentiels d'une enquête antidumping.21

Nous confirmons donc la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.579 de son rapport, selon laquelle le formulaire de demande de

traitement MET/IT n'est pas un "questionnaire" au sens de l'article 6.1.1 de l'Accord antidumping,

et selon laquelle, par conséquent, l'Union européenne n'a pas agi d'une manière incompatible avec

ses obligations au titre de l'article 6.1.1 en ne ménageant pas aux exportateurs chinois un délai de

30 jours pour présenter leurs réponses.

X. Constatations et conclusion

624. Pour les raisons exposées dans le présent rapport, l'Organe d'appel:

a) en ce qui concerne l'article 9 5) du Règlement antidumping de base22

:

(i) confirme la constatation formulée par le Groupe spécial au paragraphe 7.77 de son

rapport, selon laquelle l'article 9 5) du Règlement antidumping de base concerne

non seulement l'imposition de droits antidumping mais aussi le calcul des marges

de dumping, et selon laquelle il pourrait être contesté "en tant que tel" au titre de

l'article 6.10 de l'Accord antidumping, qui traite du calcul des marges de dumping

pour chaque exportateur ou producteur;

(ii) confirme, bien que pour des raisons différentes, la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.98 de son rapport, selon laquelle l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base est incompatible "en tant que tel" avec l'article

6.10 de l'Accord antidumping parce qu'il subordonne la détermination de marges

de dumping individuelles pour les producteurs ou exportateurs NME au respect

des critères IT;

(iii) confirme, bien que pour des raisons différentes, la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.112 de son rapport, selon laquelle l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base est incompatible "en tant que tel" avec l'article 9.2

de l'Accord antidumping parce qu'il subordonne l'imposition de droits individuels

aux producteurs ou exportateurs NME au respect des critères IT;

(iv) constate que, en formulant les constatations selon lesquelles l'article 9 5) du

Règlement antidumping de base était incompatible "en tant que tel" avec les

21

Rapport du Groupe spécial, paragraphe 7.577. 22

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 a).

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31

articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping, le Groupe spécial n'a pas agi d'une

manière incompatible avec l'article 11 du Mémorandum d'accord;

(v) déclare sans pertinence et sans effet juridique la constatation formulée par le

Groupe spécial au paragraphe 7.127 de son rapport23

, selon laquelle l'article 9 5)

du Règlement antidumping de base est incompatible avec l'obligation NPF énoncée

à l'article I:1 du GATT de 1994;

(vi) confirme la constatation formulée par le Groupe spécial au paragraphe 7.137 de

son rapport24

, selon laquelle l'Union européenne a agi d'une manière incompatible

avec l'article XVI:4 de l'Accord sur l'OMC et avec l'article 18.4 de l'Accord

antidumping en n'assurant pas la conformité de ses lois, réglementations et

procédures administratives avec ses obligations au titre des accords pertinents;

(vii) confirme la constatation formulée par le Groupe spécial au paragraphe 7.148 de

son rapport25

, selon laquelle l'article 9 5) du Règlement antidumping de base est

incompatible avec les articles 6.10 et 9.2 de l'Accord antidumping "tel qu'appliqué"

dans l'enquête sur les éléments de fixation.

b) en ce qui concerne les constatations formulées par le Groupe spécial au titre des

articles 4.1 et 3.1 de l'Accord antidumping26

:

i) constate que le Groupe spécial a fait erreur en constatant, au

paragraphe 7.230 de son rapport, que "l'Union européenne n'a[vait] pas agi

d'une manière incompatible avec l'article 4.1 de l'[Accord antidumping] en

définissant une branche de production nationale comprenant des

producteurs représentant 27 pour cent de la production totale estimée

d'éléments de fixation de l'UE" sur la base du fait que les productions

additionnées de ces producteurs représentaient "une proportion majeure"

de la production nationale totale;

ii) constate que le Groupe spécial n'a pas fait erreur en constatant, au

paragraphe 7.241 de son rapport, que la Chine n'avait pas établi que

l'Union européenne avait agi d'une manière incompatible avec l'article 3.1

23

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 a). 24

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 a). 25

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.2 b). 26

Voir aussi le rapport du Groupe spécial, paragraphe 8.3 b).

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32

de l'Accord antidumping lors du choix de l'échantillon de la branche de

production nationale aux fins de la détermination de l'existence d'un

dommage; et

iii) constate que le Groupe spécial n'a pas fait erreur dans son interprétation

ou son application des articles 4.1 et 3.1 de l'Accord antidumping, ni n'a

agi d'une manière incompatible avec l'article 11 du Mémorandum d'accord

et avec l'article 17.6 de l'Accord antidumping, en constatant, au

paragraphe 7.219 de son rapport, que "le simple fait que la branche de

production nationale telle qu'elle [avait] été définie en définitive

n'inclu[ait] aucune proportion particulière de producteurs exprimant des

vues différentes au sujet de la plainte ou de producteurs qui ne [s'étaient]

pas manifestés dans le délai de 15 jours ne démontr[ait] pas que l'Union

européenne [avait] agi d'une manière incompatible avec l'article 4.1 de

l'[Accord antidumping] pour définir la branche de production nationale"

ou qu'elle avait agi d'une manière incompatible avec l'article 3.1 de cet

accord.

…..

Questions

1. Qui subit une atteinte justifiant l'introduction de la procédure ?

2. Qui sont les parties à la procédure ?

3. Identifier les différentes instances de la procédure.

4. Quelles dispositions juridiques ont-elles été violées ?

5. Comment les décisions de l'Organe d'appel sont-elles exécutées ?

* * * * *

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33

§ 3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

Textes législatifs : art. 94-97, 100-103, Cst. féd. (RS 101); art 6 CC ; Loi fédérale

du 06.10. 1995 sur les cartels (LCart) (RS 251) ; Loi fédérale du 19 décembre

1986 contre la concurrence déloyale (LCD) (RS 241).

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,

Concurrence, Bâle 2002, 1 ss; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché,

Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; M. HERDEGEN,

Internationales Wirtschaftsrecht, 6e éd., Munich 2007 ; R. RHINOW / G. SCHMID /

G. BIAGGINI, Oeffentliches Wirtschaftsrecht, Bâle 1998.

3.1 L’INTERVENTION ETATIQUE

82 De tout temps, l’Etat a règlementé l’activité économique. C’est la

problématique de l’étendue de la liberté économique – garantie par la

Constitution fédérale – et de l’intérêt public justifiant les limites apportées

à son exercice. A juste titre, les entrepreneurs ont lutté pour réduire l’inter-

vention de l'Etat et obtenir une plus grande marge de manœuvre. Tout en

réduisant l’appareil législatif et règlementaire visant l’activité économique

de l’entrepreneur, l’Etat s’est préoccupé du fonctionnement du marché lui-

même.

83 Bien avant les dernières crises financières et économiques de 2007/2008, la

réglementation de l'économie a fait l'objet de multiples discussions :

- Tout en demandant une réduction des mesures restrictives inutiles ("red

tape"), les juristes et les économistes s'efforçaient de se mettre d'accord

sur une nouvelle réglementation (cf. par exemple en 2004, J.-B.

Zufferey, (Dé-, re-, sur-, auto-, co-, inter-) réglementation en matière

bancaire et financière, thèses pour un état des lieux en droit suisse,

Rapport à la société des juristes, in RDS 2004/II, p. 479 ss). On assiste

alors à une intensification de la réglementation.

- Dans le même temps, apparaissent des règles non-impératives (SOFT

LAW) mais dont l'application est "recommandée" si l'on veut faire

partie du système ("normes" comptables internationales, règles de bonne

gouvernance).

- De plus, les règles suivies en Suisse sont parfois reprises quasi-

intégralement de règles étrangères (p. ex. du droit européen); d'où une

globalisation de la réglementation.

25/10/2011

34

3.2 LES DIVERS TYPES D’INTERVENTION

84 L’Etat peut intervenir de diverses manières et dans divers domaines. Il

peut :

- fixer des règles quant au contenu de certains contrats (cf. 3.2.1) ;

- fixer des règles générales d'organisation de l'entreprise (cf. 3.2.2) ;

- fixer des règles générales quant au fonctionnement du marché (cf.

3.2.3);

- fixer des règles quant au fonctionnement de certains marchés

particuliers (cf. 3.2.4).

3.2.1 La réglementation des relations contractuelles

85 Notre système économique repose sur le postulat de la liberté individuelle

et de l’autonomie de la volonté.

86 Cependant, le Code des obligations contient déjà, à l’art. 21 CO, une règle

qui protège la partie qui, en raison de sa gêne, de sa légèreté ou de son

inexpérience aurait signé un contrat dont les prestations sont

disproportionnées. Mais il s'agit d'une disposition très générale et qui n'est

guère plus appliquée.

87 Dans des domaines particuliers de la vie économique, le législateur a

adopté des règles spéciales protégeant la partie qui, en raison des dis-

fonctionnements du marché, n’est pas en position de négocier le contrat

dans des conditions usuelles :

A. Contrat de bail (art. 253 à 274 g CO, bail à loyer)

88 Depuis plus de quarante ans, le législateur suisse a adopté des règles

particulières concernant la fixation du loyer ou la résiliation du contrat. En

effet, en raison de l'exiguïté du territoire et de la demande croissante de

logements, le marché du logement est en Suisse en constant déséquilibre

(l'offre est inférieure à la demande). Par exemple :

- le Chapitre II (art. 269 ss CO) est intitulé : « Protection contre les loyers

abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur en matière de baux

d’habitation et de loyers commerciaux » ;

- le Chapitre III (art. 271 ss CO) est intitulé : « Protection contre les

congés concernant les baux d’habitations et de locaux commerciaux ».

25/10/2011

35

B. Droit de la consommation

89 Alors que les consommateurs représentent une partie essentielle du marché,

le législateur (du moins en Suisse) s’y est peu intéressé. Pourtant, il est

nécessaire de traiter certains aspects tels que :

- L’information du consommateur : c’est la question d’une part des

conditions générales et, d’autre part, de l’étiquetage des produits.

- La formation du contrat : en 1990, le législateur a adopté les art. 40a à

40f CO sur le droit de révoquer certains contrats (RO 1991 846).

- Le crédit à la consommation : en 2001, le législateur a adopté la loi

fédérale sur le crédit à la consommation.

- La sécurité des produits : la réglementation suisse était disséminée

dans les différents domaines du droit; depuis 1993, la loi sur la

responsabilité du fait du produit élargit les possibilités d'actions en

justice pour celui qui subit un dommage en raison de la défectuosité du

produit. La LF du 12.6.2009 sur la sécurité des produits a introduit des

normes techniques pour les équipements de protection individuelle

(équipements d'alpinisme et d'escalade, lunettes-masques de

motocyclistes et cyclomoteurs, gilets de sauvetage; cf. RS 930.11 et

930.111). Il s'agit à ce propos de normes européennes harmonisées qui

ont été édictées par le Comité européen de normalisation (CEN), sur

l'ordre de la Commission européenne et de l'Association européenne

de libre échange (AELE).

C. Le contrat d’assurance

90 Cette branche économique est régie, dans ses relations avec ses clients,

par la loi fédérale sur le contrat d’assurance (RS 221.229.1).

3.2.2 La réglementation de l'entreprise

A. Organisation et fonctionnement de la société

91 Le Code des obligations a été modifié dans le but de faciliter la constitution

d'une société à responsabilité limitée et le transfert des parts. Dans certaines

conditions, le ou les associés peuvent renoncer à l'établissement d'un

rapport annuel de l'organe de révision. Cette dernière possibilité est aussi, à

certaines conditions (peu d'employés, faible chiffre d'affaires), accordée à

la société anonyme.

25/10/2011

36

B. Contrat de travail (art. 319 à 362 CO)

92 Dans ce contrat, le législateur a imposé des règles auxquelles il ne peut être

dérogé au détriment du travailleur (la liste en est donnée à l’art. 362 CO),

et d’autres auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment du travailleur,

ni au détriment de l’employeur (cf. la liste de l’art. 361 CO).

93 Le Code des obligations réglemente aussi les conventions collectives de

travail qui sont, soit adoptées par les partenaires sociaux (représentants des

employés et des employeurs), soit imposées par les autorités compétentes.

3.2.3 La réglementation du marché en général

A. La concurrence déloyale

a) Droit suisse

94 Le législateur suisse s’est d’abord préoccupé de la manière d’exercer la

concurrence avant même de se préoccuper que le marché existe et que la

concurrence y fonctionne. La première loi suisse sur la concurrence

déloyale (LCD) a été adoptée en 1943, soit vingt et un ans avant la

première loi sur les cartels (LCart.). Dans un premier temps, en effet, le

législateur veillait d'abord à la protection des concurrents contre des

comportements déloyaux de tiers. L'entreprise exclue de la concurrence

par un boycott, par exemple, devait invoquer l'art. 28 CC (protection des

droits de la personnalité).

95 Par la suite, après l'adoption de la première loi sur les cartels en 1962

(révisée en 1986, 1996 et 2004), l'objectif de la LCD a quelque peu

évolué. Selon l'art. 1er LCD (révisée en 1986), cette loi « vise à garantir,

dans l’intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale

et qui ne soit pas faussée ».

96 Il est cependant exact que le droit de la concurrence au sens étroit

concerne la garantie de la possibilité d’exercer la concurrence, alors que

la législation contre la concurrence déloyale se rapporte à la manière

d’exercer la concurrence. Ainsi, selon l’art. 2 LCD « est déloyal et

illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou

qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui

influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et

clients. » L’art. 3 LCD donne ensuite une liste exemplative de ce genre

de comportements : dénigrement d’autrui, indications inexactes ou

fallacieuses, mesures de nature à faire naître une confusion avec les

marchandises ou les prestations d’autrui, ventes en dessous du prix

coûtant, etc.

25/10/2011

37

97 L’action en concurrence déloyale sera toujours introduite par un

concurrent à l’encontre d’un autre opérateur sur le marché. Elle n’est

pas engagée par une autorité administrative (et les dispositions pénales

sont rarement invoquées). Pourtant, en protégeant les concurrents contre

des pratiques déloyales c’est aussi le fonctionnement du marché qui est

indirectement protégé.

98 La plupart des systèmes juridiques connaissent des dispositions légales

relatives à la concurrence déloyale. La Convention d’Union de Paris, de

1883, faisait déjà référence aux « usages honnêtes et loyaux du

commerce ».

b) Droit communautaire

99 Jusqu’en 2005, le droit communautaire ne s’est pas préoccupé de la

concurrence déloyale, laissant ce domaine aux pays membres. Le 11 mai

2005, la Commission a adopté la Directive 2005/29 sur les pratiques

commerciales déloyales. Par cette Directive, la Commission vise deux

buts :

- satisfaire les impératifs du marché intérieur et la libre circulation que

celui-ci implique ;

- protéger les consommateurs, en particulier dans les échanges

transfrontaliers (pratiques trompeuses et pratiques agressives).

100 La Commission insiste sur un renforcement de la coopération entre les

Etats membres et entre les « professionnels » pour lutter de façon

uniforme contre les pratiques commerciales déloyales.

B. La protection de la concurrence

101 Alors que les règles relatives à la concurrence déloyale protègent d’abord

le concurrent, le droit de la concurrence proprement dit vise l’existence

même de la concurrence sur le marché et son exercice (cf. 2e Partie, ci-

dessous):

- art. 1er LCart: «La présente loi a pour but d’empêcher les

conséquences nuisibles d’ordre économique ou social imputables aux

cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir

ainsi la concurrence dans l’intérêt d’une économie de marché fondée

sur un régime libéral»;

25/10/2011

38

- art. 3 par. 1 let. b TFUE: «L’Union dispose d’une compétence exclusive

dans […] l’établissement des règles de concurrence nécessaires au

fonctionnement du marché intérieur».

C. La loi suisse sur la surveillance des prix (LSP)

a) But

102 Après avoir instauré des mesures conjoncturelles de surveillance des

prix, au cours des années 1970, le législateur suisse, exécutant un

mandat résultant d’une initiative constitutionnelle, a adopté en 1985 une

loi fédérale sur la surveillance des prix. Le Surveillant des prix observe

l’évolution des prix (art. 4 al. 1 LSPr) et empêche les augmentations de

prix abusives et le maintien de prix abusifs.

b) Champ d’application

103 Quant aux personnes, la loi s’applique aux cartels et aux organisations

analogues (« autres restrictions à la concurrence ») au sens de la LCart.

104 Si une appréciation de la situation est nécessaire, le Surveillant des prix

doit consulter la Commission de la Concurrence avant de prendre sa

décision (art. 5 al. 4 LSPr).

105 Quant à la matière, la loi

- s’applique au prix des marchandises, des services et de l’argent

(intérêts) ;

- ne s’applique pas à la rémunération du travail (salaires).

c) Prix administrés

106 Si une autorité (fédérale, cantonale ou communale) est compétente pour

décider ou approuver une augmentation de prix proposée par un cartel

ou une organisation analogue, elle prend au préalable l’avis du

Surveillant des prix (art. 14 LSPr).

3.2.4. La réglementation de certains marchés particuliers

A. Marchés financiers

a) Autorités administratives

107 - Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA;

RS 956.1)

25/10/2011

39

- Commission des offres publiques (COPA; 954.195.1)

b) Rôle

108 Surveillance de l'activité des banques, des compagnies d'assurances

privées et des sociétés cotées en bourse.

c) Bases légales

109 - LF sur les banques et les caisses d'épargne (RS 952.0);

- LF sur la surveillance des entreprises d'assurances (RS 961.01)

- LF sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (RS 954.1)

- LF sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.31)

B. Télécommunications

a) Autorité administrative

110 Commission fédérale de la communication, composée de 7 membres

spécialistes du domaine et indépendants, dont le Prof. Reiner

Eichenberger.

b) Rôle

111 Régulation du marché des télécommunications en Suisse

c) Bases légales

112 LF sur les télécommunications (RS 784.10) et les ordonnances

d'exécution

C. Marché de l'électricité

a) Autorité administrative

113 Commission fédérale de l'électricité, composée de 7 membres.

b) Rôle

114 Contrôle les prix de l'électricité, statue sur les litiges concernant le libre

accès au réseau électrique, règle les questions de transport et de

commerce international d'électricité.

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40

c) Bases légales

115 LF sur l'approvisionnement en électricité (RS 734.7).

* * * * *

25/10/2011

41

Chapitre 2

LA CREATION D’UN MARCHE INTEGRE

§ 4 LE MARCHE INTERIEUR EUROPEEN

Textes législatifs : art. 34 ss, 45 ss, 49 ss, 56 ss et 63 ss TFUE; Accords

bilatéraux, RS 0.142.112.681; 0.972.052.68; 0.420.513.1; 0.740.72;

0.748.127.192.68; 0.916.026.81; 0.946.526.81.

Bibliographie : N. LIGNEUL/J.-C. MASCLET, Libre circulation des marchandises,

Juris-Classeur Europe, Vol. 2, Fasc. 550; Accords bilatéraux Suisse – UE

(Commentaires), Bâle 2001; D. DREYER/B. DUBEY, La place des avocats dans les

accords sectoriels et leur rôle dans leur application, in « Accords bilatéraux »,

p. 209 ss; J. PELKMANS, Economic Concept and Meaning of the Internal Market,

in The EU Internal Market in Comparative Perspective, Economic, Political and

Legal Analysis, J. PELKMANS, D. HANF and M. CHANG, Bruxelles 2008, p. 29-76;

D. HANK, Legal Concept and Meaning of the Internal Market, in The EU Internal

Market, p. 77-93.

4.1 UN MARCHE CREE PAR ETAPES

4.1.1 Les étapes du marché intérieur

116 Le Traité de Rome prônait déjà la libre circulation des personnes et la libre

circulation des marchandises. L'abolition (progressive) des droits de

douane facilitait certes l'exportation des marchandises d'un pays à l'autre

de la Communauté, mais la libre circulation des marchandises n'était de

loin pas encore garantie. En effet, de nombreux obstacles administratifs ou

techniques restreignaient le mouvement des marchandises au sein de la

Communauté.

117 En 1985, vingt-huit ans après l'adoption du traité de Rome instituant la

CEE, les autorités communautaires se rendaient compte que la création

d'un véritable marché intérieur européen était encore très éloignée. L'une

des causes principales de la lenteur des progrès provenait des procédures

25/10/2011

42

d'adoption des règles communautaires nécessaires, pour favoriser la libre

circulation des marchandises.

118 Les autorités de l'Union (Commission, Conseil des ministres, Parlement)

s'efforçaient d'harmoniser les règles applicables au sein de l'Union soit par

des Règlements (règles directement applicables dans l'ensemble de

l'Union), soit par des Directives (fixant des objectifs à atteindre mais

accordant une marge de manœuvre aux Etats membres sur la manière d'y

parvenir). Mais ces deux types de règles ne pouvaient le plus souvent être

adoptées qu'à l'unanimité.

119 Les Etats communautaires modifièrent alors le Traité par l'Acte unique

européen (1986), un traité qui non seulement réunissaient les organes des

trois communautés qui existaient encore distinctement (la CEE, la

Communauté du charbon et de l'acier - CECA - et la Communauté de

l'énergie atomique – CEEA) mais surtout modifiait les règles sur la

majorité en rendant possible l'adoption d'un beaucoup plus grand nombre

de décisions à la majorité plutôt qu'à l'unanimité.

120 Par la même occasion, les Etats communautaires se fixèrent comme

objectif de réaliser ce marché intérieur pour la fin 1992.

121 Cette réalisation a aussi été grandement facilitée par une interprétation très

dynamique du Traité par la Cour de Justice des Communautés européennes

(CJCE).

4.1.2 Remarque sur les traités européens

122 A l’époque de l’adoption du Traité de Rome (1957) instituant la

Communauté économique européenne – le marché commun, deux autres

traités régissaient le charbon et l’acier (CECA) et la recherche atomique

(Euratom). Chacune de ces organisations avait ses propres organes ; c’est

pourquoi, on parlait alors des Communautés européennes.

123 Le traité de Rome a été modifié à plusieurs reprises :

- l’Acte Unique européen (1986), rassemblant les différents organes en une seule

Communauté européenne et modifiant les systèmes de majorités ;

- le Traité de Maastricht (1992) modifiant les organes pour tenir compte de l’agrandissement

de la Communauté.

- le Traité d’Amsterdam (1997) instituant l’Union européenne et complétant la Communauté

européenne (1er pilier) par deux autres piliers :

-- la politique étrangère et la sécurité commune (PESC, 2e pilier) ;

-- la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI ; accord

de Schengen, 3e pilier);

25/10/2011

43

- le Traité de Lisbonne (2007) simplifiant l’architecture de l’Union et fusionnant les trois

piliers.

4.1.3 La Constitution européenne et le Traité de Lisbonne

124 Nombre de principes importants de l’Union européenne étant dispersés

dans l’un ou l’autre traité, les Etats membres ont manifesté le souhait de

réunir les éléments fondamentaux dans un « texte de base », une

« constitution » (Traité de Rome II ou Traité de Rome de 2004). Ce traité

aurait dû entrer en vigueur le 1er novembre 2006, mais il a été rejeté par

la majorité des électeurs français et néerlandais lors des procédures de

ratification en 2005.

125 Pour palier à l’échec de la ratification de la « Constitution européenne »,

un nouveau texte, le Traité de Lisbonne, a été soumis aux pays membres

pour ratification. Toutefois, le processus de ratification a duré deux ans.

En effet, dans un premier temps, lors du référendum en juin 2008, le

peuple irlandais s’était exprimé contraire à l’adoption du Traité de

Lisbonne. Par contre, lors d’un nouveau référendum, en automne 2009,

les irlandais ont voté en grande majorité pour le oui. Ce traité est

finalement entré en vigueur le 1er décembre 2009.

4.2 L’ACCES AU MARCHE INTERIEUR

4.2.1 Le principe du marché intérieur

126 Selon l'art. 3 § 1 let. c du Traité de Maastricht (aujourd’hui abrogé et

remplacé, en substance, par les art. 3 à 6 TFUE), le marché intérieur

européen est caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des

obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des

services et des capitaux.

127 En effet, un véritable marché intérieur ne peut fonctionner que si :

- les marchandises peuvent circuler librement (art. 28 TFUE);

- les capitaux peuvent circuler librement (art. 63 TFUE);

- les professionnels peuvent librement prester leurs services sur tout le

territoire de l'Union (art. 56/57 TFUE);

- les ressortissants de l'Union peuvent librement s'établir sur tout le

territoire de l'Union (art. 49 TFUE);

- les travailleurs peuvent librement circuler (art. 45 TFUE).

25/10/2011

44

128 L'exercice de ces trois dernières libertés implique la reconnaissance des

diplômes et des certificats de capacité (cf. à ce sujet, ci-après, § 5.4 et 5.6).

129 Seule la libre circulation des marchandises est examinée ici plus en détail.

4.2.2 La libre circulation des marchandises

A. La marchandise (au sens communautaire)

a) La définition

130 La CJCE (10.12.1968, Commission c/ Italie, aff. 7/68) a défini les

marchandises comme les « produits appréciables en argent et

susceptibles comme tels de former l’objet de transactions commer-

ciales ».

b) Le caractère communautaire

131 L’art 28 al. 2 TFUE dispose que la liberté de circulation s’applique

« aux produits qui sont originaires des Etats membres, ainsi qu’aux

produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique

dans les Etats membres ».

132 La détermination de l’origine de la marchandise pose deux problèmes :

- un problème géographique : la marchandise a son origine dans le

territoire douanier communautaire y.c. les territoires assimilés au

territoire douanier en raison de conventions internationales (soit la

mer territoriale et l’espace) ;

- un problème de détermination de l’origine pour les marchandises

complexes : quelle est l’origine du produit réalisé sur le territoire

communautaire avec des produits importés d’Etats tiers ?

133 L’art. 24 du Code des douanes communautaire dispose que l’origine

d’un tel produit est le lieu de sa dernière ouvraison à condition que

celle-ci soit substantielle et économiquement justifiée

134 De plus, la marchandise issue d’un Etat tiers mais introduite dans la

Communauté à la suite des formalités douanières et fiscales et donc

régulièrement importée est alors assimilée à une marchandise

communautaire.

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45

B. L'interdiction des droits de douanes

a) Le principe

135 Puisqu’elle est une zone de libre-échange, la Communauté interdit à ses

Etats membres de percevoir des droits de douane dans leurs relations

commerciales réciproques.

136 Par ailleurs, l’Union européenne a instauré, progressivement de 1957 à

1969, une union douanière : tarif douanier commun et réglementation

douanière unique (Code des douanes communautaires, envois

administration, contrôle et sanction par les Etats membres).

137 Une taxe imposée au commerce international et qualifiée de droit de

douane est donc illicite si elle ne correspond pas au Code des douanes.

Les problèmes ont surgi lorsque les Etats ont adopté des taxes « d’effets

équivalent aux droits de douane ».

b) La notion de taxe d’effet équivalent

138 Les art. 28/30 TFUE posent le principe d’interdiction des taxes d’effet

équivalent mais ne les définissent pas.

139 A l’origine les taxes d’effet équivalent ont été définies dans l’affaire du

« pain d’épices » (CJCE 14.12.1962, Commission c/ Luxembourg et

Belgique, aff. 2/62 et 3/62) de la façon suivante :

« La taxe d’effet équivalent peut être considérée, quelles que soient son

appellation et son origine, comme un droit unilatéralement imposé, soit

au moment de l’importation, soit ultérieurement et qui, frappant

spécifiquement un produit importé d’un pays membre à l’exclusion du

produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix, d’avoir

ainsi sur la liberté de circulation des produits, la même incidence qu’un

droit de douane. »

140 Depuis la fin des années 1960, la taxe d’effet équivalent est définie (cf.

CJCE 01.07.1969, Sociaal fonds Diamanterbeiders c/ Brachfeld et

Chougol, aff. 2/69 et 3/69 et Commission c/ Italie, aff. 24/68) comme :

« une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée

quelles que soient son appellation ou sa technique, et frappant les

marchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu’elles

franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane […]

alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle

n’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit

25/10/2011

46

imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production

nationale ».

141 Les critères de qualification de ces taxes sont donc :

- une charge pécuniaire ;

- une imposition unilatérale ;

- le franchissement d’une frontière.

142 Les Etats membres peuvent en revanche créer des mesures d’imposition

intérieures. Ils ont en effet conservé leur souveraineté fiscale (sauf dans

les domaines harmonisés).

143 L’art. 110 par. 1 TFUE dispose toutefois «Aucun Etat membre ne

frappera directement ou indirectement les produits des autres Etats

membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient,

supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les

produits nationaux similaires».

144 Il n’est donc possible de créer une taxe ou une imposition sur son propre

territoire que dans la mesure où elle frappe les produits nationaux et les

produits des autres Etats membres de la CE de façon analogue. L’art.

110 n’est dès lors rien d’autre qu’une expression du principe de non-

discrimination sur la nationalité.

145 En conséquence, les mesures d’imposition intérieures sont en principe

licites si deux conditions sont remplies. La mesure ne doit pas :

- créer une discrimination entre des produits nationaux et des produits

similaires en provenance d’autres Etats membres ;

- faire naître une discrimination déguisée au commerce. L’art. 110 par.

2 TFUE interdit en effet les mesures d’imposition intérieure « de

nature à protéger indirectement d’autres productions ». Le juge

communautaire doit alors apprécier la « proximité » des

marchandises en causes, appréciation qui dépend de l’existence d’un

rapport de concurrence entre les produits.

c) Le régime de la taxe d’effet équivalent

146 Etant assimilée à des droits de douanes, la taxe d’effet équivalent est

interdite.

147 Deux actions sont ouvertes pour celui qui a payé indûment cette taxe :

25/10/2011

47

- Une action en responsabilité contre l’Etat membre qui a violé cette

norme de droit communautaire si cette norme faisait naître des droits

au profit de particuliers, si la violation de la norme est suffisamment

caractérisée et si elle est la cause du préjudice dont on entend obtenir

réparation.

- Une action en répétition de l’indu. La restitution doit être intégrale

et englober l’indemnisation des éventuels préjudices découlant de la

violation du traité. Les Etats membres doivent organiser un recours

effectif devant leurs juridictions nationales, à savoir un recours dont

les conditions de recevabilité sont raisonnables. Ce recours doit en

outre être au moins aussi favorable que ceux organisés par les Etats

membres en matière de fiscalité interne.

C. L’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effet

équivalent

148 Les restrictions quantitatives ou les mesures d'effet équivalent peuvent être

éliminées en adoptant une règle commune à l'ensemble des Etats membres

(par la voie d'un règlement ou d'une directive). On parle alors d'un domaine

"harmonisé". En dehors de ces domaines, des règles différentes sont

applicables dans les pays membres. Cette différence peut-elle justifier une

restriction à l'importation? C'est à cette question que vise à répondre l'art.

34 TFUE :

"Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet

équivalent sont interdites entre les Etats membres".

a) Les restrictions quantitatives

149 La jurisprudence a précisé la notion de restriction quantitative en

indiquant qu’il s’agit de « toute mesure visant une prohibition totale ou

partielle d’importation, d’exportation ou de transit » (CJCE 12.07.73,

aff. 2/73).

150 La restriction quantitative a donc deux éléments constitutifs : une

mesure étatique et une prohibition totale ou partielle d’importer.

151 Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'une

collectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

25/10/2011

48

152 Est une restriction quantitative toute mesure visant à restreindre le

nombre (ou le poids) d'une marchandise à l'importation ou à

l'exportation.

b) Les mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives

153 L'expression "mesures d'effet équivalent" a donné lieu à une abondante

jurisprudence de la CJCE. L'arrêt fondamental fut l'arrêt Dassonville

selon lequel une mesure d'effet équivalent englobe :

"Toute réglementation commerciale des Etats membres susceptibles

d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou

potentiellement le commerce intracommunautaire" (CJCE 11 juillet

1974, aff. 8/74).

154 Il s’agit, comme pour les restrictions quantitatives, d’une mesure

étatique.

155 Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'une

collectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

156 Une mesure peut être qualifiée d'effet équivalent même si son influence

est potentielle ou d'une faible importance. En permettant d'éliminer

toute disposition discriminatoire ou non, constituant un obstacle ou

pouvant constituer un obstacle aux échanges, si limités que soient ses

effets, la jurisprudence "Dassonville" a étendu de manière considérable

le champ d'application de l'art. 34 TFUE. Ainsi, ont été jugées contraires

au droit communautaire :

- des mesures avantageant la production nationale (p. ex. les aides à la

presse réservées aux publications du pays octroyant l'aide);

- des mesures imposant des licences ou des certificats d'importation ou

d'exportation;

- la perception d'un "droit de statistique";

25/10/2011

49

- des mesures concernant la composition des produits : règles

italiennes de fabrication des pâtes alimentaires excluant les farines de

blé tendre;

- des mesures concernant le conditionnement des produits et leur

étiquetage ou leur désignation (règle belge n'autorisant la vente de

margarine que sous un emballage de forme cubique).

157 La Cour a freiné l'extension de la jurisprudence Dassonville en jugeant

que des règles relatives aux modalités de vente ne violaient pas l'art. 34

TFUE "pourvu qu'elles s'appliquent à tous les opérateurs concernés

exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu'elles

affectent de la même manière, en droit comme en fait, la

commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance des

autres Etats membres" (Keck et Milhouard, CJCE, 24 nov. 1993, aff. C-

267 et 268/91 : Rec I. p. 6097).

158 Elle l'a également fait en renonçant à condamner des restrictions ayant

un effet trop hypothétique et aléatoire sur le commerce

intracommunautaire.

4.3 LES EXCEPTIONS AU LIBRE ACCES

159 Les entraves au commerce intracommunautaire sont admises lorsqu'elles

entrent dans le champ d'application de l'art. 36 TFUE. Le régime

d'exception ne s'applique qu'aux "entraves" alors qu'une "taxe d'effet

équivalent" à un droit de douane ne pourra jamais être justifiée.

160 L'art. 36 TFUE doit être interprété de manière restrictive. La mesure

restrictive doit respecter le principe de proportionnalité et être adéquate

(propre à atteindre le but visé). C'est en application de cette disposition,

que la CJCE a rendu son arrêt "Cassis-de-Dijon", précisant que la

restriction peut aussi être admise si elle est reconnue "nécessaire pour

satisfaire à des exigences impératives, tenant notamment à l'efficacité des

contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la loyauté des

transactions commerciales et à la défense des consommateurs."

4.4 LES PROCEDURES GARANTISSANT L’ACCES AU MARCHE

161 Alors que, selon les règles de l’OMC, les entreprises ne peuvent écarter les

obstacles au libre-échange que par une intervention de l’Etat dans lequel

elles ont leur siège (cf. ci-dessus § 2.1.4), les entreprises dont l’accès au

marché intérieur européen est dénié ou indûment entravé ont d’autres

moyens d’agir.

25/10/2011

50

4.4.1 Le recours préjudiciel (art. 267 TFUE)

162 Selon l’art. 267 TFUE, la Cour de justice est compétente pour statuer à titre

préjudiciel sur l’interprétation du traité. Lorsqu’une question d’interpré-

tation est soulevée devant une juridiction (tribunal) d’un Etat membre,

cette juridiction peut demander à la Cour de justice de statuer sur cette

question.

163 Ainsi, lorsqu’une entreprise considère qu’une mesure administrative, dont

elle est l’objet et qui entrave son accès au marché, est contraire aux règles

européennes, elle invoque cette violation et invite le juge à solliciter de la

Cour de justice l’interprétation de ces règles européennes. Cette manière de

faire a été abondamment utilisée dès les années 1960 et a permis le

développement des règles du marché intérieur, en particulier celles

relatives à la libre circulation des personnes et à la libre circulation des

marchandises.

4.4.2 Dénonciation à la Commission

164 Lorsqu’une entreprise – dont les siège peut être hors de l’Union

européenne – est entravée par une autre entreprise (ou une association

privée), elle peut dénoncer le cas à la Commission européenne (ou encore

actuellement, à l’autorité nationale chargée d’appliquer le droit européen

de la concurrence) et cette autorité pourra, si jugé nécessaire, prendre une

décision à l’encontre de la société incriminée.

165 A noter que, dans le cas d’une dénonciation à la Commission par une

entreprise dont le siège est dans l’Union européenne, le pays de l’entreprise

entravée pourrait, en cas d’inaction de la Commission, introduire devant les

juridictions européennes une action judiciaire.

4.4.3 Action en dommages-intérêts

166 Par le biais d’une procédure civile entamée devant un tribunal d’un pays

membre de l’UE, l’entreprise entravée invoquera la violation du droit

européen dans le but d’obtenir l’annulation de l’entrave et, éventuellement,

des dommages-intérêts (la juridiction saisie pourra consulter la CJCE par le

biais du recours préjudiciel). Une telle action peut être introduite par une

entreprise établie hors de l’UE.

25/10/2011

51

4.5 LES ACCORDS BILATERAUX ENTRE LA SUISSE ET L’UE

4.5.1 Adoption et contenu des accords

167 A la suite de l'échec en Suisse, à fin 1992, du vote sur le Traité instituant

l'Espace Economique Européen, le gouvernement suisse a conclu des

accords bilatéraux avec l'Union européenne. Ces négociations ont abouti au

printemps 1999 à la signature des accords bilatéraux entre la Suisse et

l’Union européenne. Ces accords et la législation d’accompagnement sont

entrés en vigueur le 1er juillet 2002.

168 L'extension de ces accords aux dix nouveaux pays membres de l'Union

européenne a été approuvée. Ces accords prévoient des périodes

transitoires. Une première étape transitoire a été franchie en 2007.

169 Les sept accords portent sur les objets suivants :

- la recherche,

- les obstacles techniques aux échanges,

- l'accès aux marchés publics,

- les transports terrestres,

- les transports aériens,

- la libre circulation des personnes,

- l'accès aux marchés des produits agricoles.

170 Plus précisément, il s’agit de:

- L’Accord du 16 janvier 2004 de coopération scientifique et technologique entre la

Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et la Communauté

européenne de l’énergie atomique, d’autre part (RS 0.420.513.1) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne

relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de conformité (RS

0.946.526.81) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur

certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.177.052.68) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur

le transport des marchandises et voyageurs par rail et par route (RS 0.740.72) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur

le transport aérien (RS 0.748.127.192.68) ;

- L’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses

Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne

relatif aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81).

4.5.2 Le comité mixte

171 Les Accords bilatéraux n’instituent pas d’organes communs à la Suisse et à

l’Union européenne. Ils constatent l’accord des parties sur des règles en

vigueur au moment de l’adoption des Accords.

25/10/2011

52

172 Or :

- des conflits peuvent surgir au sujet de l’interprétation ou de l’application

des accords ;

- les règles, en particulier les règles communautaires auxquelles se

rapportent les Accords évoluent rapidement ; il s’agit de décider

comment tenir compte de cette adaptation.

173 C’est pourquoi les parties signataires ont instauré pour chacun des Accords

un Comité mixte au sein duquel les représentants des parties

contractantes :

- règlent d’un commun accord les questions d’interprétation ou

d’exécution ;

- modifient les annexes des accords lorsque cette compétence leur a été

accordée ;

- constatent leur désaccord et sollicitent une coopération au niveau

gouvernemental (Conseil fédéral, Commission ou Conseil des

ministres).

4.5.3 Effets sur la concurrence

174 Du point de vue du droit de la concurrence, on peut faire les constatations

suivantes :

- alors que l'Accord de libre-échange de 1972 ne concerne que la

circulation des marchandises, les accords bilatéraux couvrent aussi la

circulation des personnes et des services;

- les accords bilatéraux instituent un comité mixte pour superviser leur

application; toutefois, les accords contiennent des règles d’application

directe qui pourraient être soumises, selon les circonstances, aux

tribunaux suisses ou aux tribunaux du pays européen concerné;

cependant, seuls les tribunaux d’un pays membre pourront, selon le

Traité (art. 267 TFUE), solliciter une décision préjudicielle de la Cour

de Justice de Luxembourg;

- en raison du décalage important entre la date de signature des accords

(printemps 1999) et celle de leur entrée en vigueur, respectivement de

leur application, se pose le problème du droit évolutif (c'est-à-dire de

l’intégration progressive aux accords des modifications du droit

communautaire postérieures à la signature des accords);

25/10/2011

53

- il n'existe aucun accord international réglant les relations entre la Comco

à Berne et la Commission de Bruxelles (et la Direction de la

concurrence). C'est donc uniquement d'une manière informelle et

pragmatique que se règlent les rapports entre ces deux institutions (à

titre de comparaison, les autorités de la concurrence des Etats membres

de l’Union européenne travaillent en coordination avec la Division

générale de la concurrence de la Commission européenne (cf. § 10).

4.5.4 Mise en œuvre procédurale des accords au sein de l’Union européenne

175 L’hypothèse est la suivante : une entreprise suisse met en vente un produit

ou exerce une activité soumise à autorisation au sein de l’Union

européenne. Une autorité administrative d’un Etat membre de l’Union

intervient pour le motif que ce produit ou cette activité ne lui semble pas

conforme aux prescriptions en vigueur au lieu de vente ou d’exercice de

l’activité.

176 Ce droit de regard devrait toujours être exercé dans le cadre d’une

procédure aussi courte, efficace et peu onéreuse que possible. En principe,

il ne peut y avoir de contrôle systématique dans l’Etat membre de

destination avant la mise sur le marché. Par conséquent, celui-ci ne pourra,

en règle générale, examiner la conformité d’un produit à ses propres règles

techniques que lors d’une inspection faite dans le cadre de ses activités de

surveillance du marché.

177 Si le produit en question devait ne pas être jugé conforme à ces règles, il y

a alors lieu d’examiner la proportionnalité de l’application de telles règles

au cas d’espèce. En effet, pour que l’application d’une règle technique soit

proportionnée, il faut qu’elle soit à la fois nécessaire et adéquate. Si tel

n’est pas le cas, l’autorité compétente doit prendre la décision – conformé-

ment au droit communautaire qui prime le droit national - d'écarter de sa

propre initiative cette règle nationale lors de l’examen du produit.

178 Par ailleurs, une réglementation nationale ne peut pas exiger que des

produits de ce type satisfassent littéralement et exactement aux mêmes

dispositions ou caractéristiques techniques prescrites pour les produits

fabriqués dans l’Etat membre de destination, alors que les produits

importés garantissent le même niveau de protection.

179 En cas de décision négative, il importe que l’Etat membre qui invoque un

motif justifiant à ses yeux une restriction à la libre circulation des

marchandises démontre concrètement l’existence d’un motif d’intérêt

général, la nécessité de la restriction en cause et son caractère

proportionné par rapport à l’objectif poursuivi.

25/10/2011

54

180 L’un des principes généraux du droit communautaire est que toute

personne doit pouvoir bénéficier, devant les juridictions nationales, d’un

recours juridictionnel effectif contre les décisions nationales pouvant

porter atteinte à un droit reconnu par les traités ou par le droit

communautaire dérivé. Ce principe implique que les intéressés peuvent

obtenir de l’administration, avant tout recours, connaissance des motifs

de telles décisions.

181 En conséquence, l’Etat membre de destination qui estime qu’un tel

produit ne devrait pas être admis sur son marché ou qu’un tel service ne

peut être offert par ce prestataire devrait en tout état de cause :

- indiquer par écrit au fabricant ou au distributeur quels éléments de ses

règles techniques nationales empêchent, selon lui, la

commercialisation du produit concerné dans l’Etat membre de

destination ;

- prouver, sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents, pour

quelles raisons ces éléments de la règles technique doivent être

imposés et pour quelles raisons des mesures moins entravantes ne

sauraient être acceptées ;

- inviter l’opérateur économique concerné à formuler ses observations

dans un délai raisonnable ;

- tenir compte de ces observations avant de rendre une décision finale ;

- une fois la décision prise, notifier cette décision motivée à l’opérateur

économique concerné en lui indiquant les voies de recours à sa

disposition ;

- notifier cette décision à la Commission en vertu de l’art. 11 de la

directive 2001/95 CEE relative à la sécurité générale des produits ou

en vertu de l’art. 50 du règlement n° 178/2002 établissant les principes

généraux et les prescriptions générales dans la législation alimentaire ;

- ou, lorsque ces articles ne s’appliquent pas, notifier cette décision à la

Commission en vertu de la décision n° 3052/95 CE du Parlement du

13.12.05 établissant une procédure d’information mutuelle sur les

mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des

produits à l’intérieur de la Communauté.

182 Une décision négative de la part de l’Etat membre de destination

concernant l’admission à son marché d’un produit de l’EEE ou de la

Turquie ou d’un Etat membre de l’AELE est, en principe, susceptible de

constituer une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à

25/10/2011

55

l’importation, interdite par l’art. 34 TFUE. Dès lors, l’opérateur

économique concerné peut toujours contester dans le pays devant les

juridictions, respectivement les administrations de l’Etat membre de

destination, une décision négative prise à son encontre.

183 Les juridictions et administrations nationales ont alors l’obligation de

garantir le plein effet du droit communautaire, lorsque l’on est en

présence de dispositions du droit national incompatible avec les articles 4

34 à 36 TFUE. En effet, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre

de sa compétence, les art. 34 et 36 TFUE, a l’obligation d’assurer le plein

effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre

autorité, toute disposition contraire de la législation nationale. Il doit en

outre appliquer les art. 23 et 36 TFUE à la lumière de la jurisprudence de

la Cour de Justice.

184 Les juridictions nationales peuvent cependant, le cas échéant, demander à

la Cour de Justice de statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des art.

34 et 36 TFUE, conformément à l’art. 267 TFUE.

4.5.5. Mise en œuvre procédurale en Suisse

185 L'hypothèse est la suivante : une entreprise européenne met en vente un

produit ou exerce une activité soumise à autorisation en Suisse. Une

autorité administrative suisse (cantonale ou fédérale) intervient pour le

motif que ce produit ou cette activité ne lui semble par conforme à la

réglementation suisse.

186 Si l'autorité administrative prend une décision restreignant l'activité de

l'entreprise européenne, cette décision sera sujette à recours à plusieurs

échelons, éventuellement jusqu'au Tribunal fédéral. A noter que les

autorités suisses ne peuvent recourir directement à l'autorité suprême

(recours préjudiciel à la Cour de Justice puisque les autorités suisses n'y

sont pas soumises).

187 La restriction pourrait aussi, le cas échéant, être examinée par un tribunal

civil. Dans une action en dommages-intérêts fondée sur la violation d'une

clause contractuelle restreignant les quantités à vendre, par exemple, ou

le territoire dans lequel la vente peut être faite, la partie attaquée pourrait

invoquer la nullité de la clause en soutenant qu'elle n'est pas conforme

aux accords bilatéraux. C'est alors le juge civil (cantonal, puis, le cas

échéant, fédéral) qui décidera de la validité de la clause.

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56

4.6 EXERCICE

Aff. C-570/07 CJUE Grande Chambre, 1.6.2010

Le contexte de l'affaire a été résumé comme suit par V. MICHEL dans la

Revue Europe août-septembre 2010, p. 17-18.

"Sur la base d'une division du territoire en zones pharmaceutiques, dans

chacune d'elles une seule pharmacie peut être créée par tranche de 2'800

habitants; une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce

seuil est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction supérieure à

2'000 habitants; chaque pharmacie doit respecter une distance minimale

par rapport aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle

générale, de 250 mètres …

Contestant ce système, les pharmaciens José Manuel Blanco Pérez et

maria del Pilar Chao Gomez soulèvent, devant les juridictions espagnoles,

son incompatibilité avec la liberté d'établissement.

… il est de jurisprudence constante que l'entrave à la liberté

d'établissement procède de règlementations, même indistinctement

applicables, qui subordonnent l'établissement d'une entreprise dans un

autre Etat membre soit à une autorisation préalable – car cela entendre

notamment des charges supplémentaires – soit à des conditions tenant aux

besoins économiques ou sociaux – car cela tend à limiter le nombre de

prestataires de services."

Extrait de l'arrêt de la Cour :

Article 49 TFUE – Directive 2005/36/CE – Liberté d’établissement – Santé

publique – Pharmacies – Proximité – Approvisionnement de la population

en médicaments – Autorisation d’exploitation – Répartition territoriale des

pharmacies – Instauration de limites fondées sur un critère de la densité

démographique – Distance minimale entre les officines – Candidats ayant

exercé l’activité professionnelle sur une partie du territoire national –

Priorité – Discrimination»

Dans les affaires jointes C-570/07 et C-571/07,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article

234 CE, introduites par le Tribunal Superior de Justicia de Asturias

(Espagne), par décisions des 26 octobre et 22 octobre 2007, parvenues à la

Cour les 24 décembre et 27 décembre 2007, dans les procédures

José Manuel Blanco Pérez,

María del Pilar Chao Gómez

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57

contre

Consejería de Salud y Servicios Sanitarios (C-570/07),

Principado de Asturias (C-571/07),

en présence de:

Federación Empresarial de Farmacéuticos Españoles (C-570/07),

Plataforma para la Libre Apertura de Farmacias (C-570/07),

Celso Fernández Gómez (C-571/07),

Consejo General de Colegios Oficiales de Farmacéuticos de España,

Plataforma para la Defensa del Modelo Mediterráneo de Farmacias,

Muy Ilustre Colegio Oficial de Farmacéuticos de Valencia,

Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED)

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. K. Lenaerts et E. Levits,

présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, E. Juhász,

G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič, J. Malenovský (rapporteur), U.

Lõhmus, A. Ó Caoimh et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme

M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mai 2009,

considérant les observations présentées:

…..

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de

l’article 49 TFUE.

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant

M. Blanco Pérez et Mme

Chao Gómez à la Consejería de Salud y Servicios

Sanitarios (autorité de la santé et des services sanitaires) (C-570/07) ainsi

qu’au Principado de Asturias (C-571/07), au sujet d’un appel à candidatures

en vue de délivrer des autorisations d’établissement de nouvelles pharmacies

dans la Communauté autonome des Asturies.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

25/10/2011

58

3 Aux termes du vingt-sixième considérant de la directive 2005/36/CE

du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la

reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22), qui

reprend, en substance, le deuxième considérant de la directive 85/432/CEE

du Conseil, du 16 septembre 1985, visant à la coordination des dispositions

législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités

du domaine de la pharmacie (JO L 253, p. 34):

«La présente directive n’assure pas la coordination de toutes les conditions

d’accès aux activités du domaine de la pharmacie et de leur exercice. La

répartition géographique des officines, notamment, et le monopole de

dispense de médicaments devraient continuer de relever de la compétence

des États membres. La présente directive n’affecte pas les dispositions

législatives, réglementaires et administratives des États membres qui

interdisent aux sociétés l’exercice de certaines activités de pharmacien ou

soumettent cet exercice à certaines conditions.»

…..

Il résulte de l’article 103, paragraphe 3, de la loi générale 14/1986 sur la

santé (Ley General de Sanidad 14/1986), du 25 avril 1986 (BOE n° 102, du

29 avril 1986, p. 15207), que les officines de pharmacie sont soumises à la

planification sanitaire dans les conditions définies par la législation spéciale

sur les médicaments et les pharmacies.

8 L’article 2 de la loi 16/1997 relative à la régulation des officines de

pharmacie (Ley de Regulación de los Servicios de las Oficinas de Farmacia

16/1997), du 25 avril 1997 (BOE n° 100, du 26 avril 1997, p. 13450),

prévoit:

«1. […] [A]fin d’organiser les services pharmaceutiques fournis à la

population, les communautés autonomes, à qui il incombe de veiller à ce

que ces services soient assurés, fixent des critères spécifiques de

planification pour l’autorisation des officines de pharmacie.

[…]

2. La planification des officines de pharmacie tient compte de la densité

démographique, des caractéristiques géographiques et de la dispersion de la

population, de manière à garantir l’accessibilité et la qualité du service et un

approvisionnement suffisant en médicaments, eu égard aux besoins

médicaux de chaque territoire.

La répartition territoriale de ces établissements est réalisée au regard du

nombre d’habitants par officine de pharmacie et de la distance entre les

officines de pharmacie, déterminés par les communautés autonomes,

conformément aux critères généraux susmentionnés. En tout état de cause,

les règles de répartition territoriale garantissent un service pharmaceutique

approprié à la population.

25/10/2011

59

3. La tranche de population minimale pour permettre l’ouverture d’une

officine de pharmacie est, en règle générale, de 2 800 habitants par

établissement. En fonction de la concentration de la population, les

communautés autonomes peuvent fixer des tranches de population

supérieures, ne pouvant excéder 4 000 habitants par officine de pharmacie.

En tout état de cause, lorsque ces seuils sont atteints, une nouvelle officine

de pharmacie peut être ouverte par fraction supérieure à 2 000 habitants.

Sans préjudice du paragraphe précédent, les communautés autonomes

peuvent fixer des tranches de population plus faibles pour les zones rurales,

touristiques, de montagne ou pour les zones où, en raison de leurs

caractéristiques géographiques, démographiques ou sanitaires, l’application

des critères généraux ne permet pas d’assurer un service pharmaceutique.

4. La distance minimale entre officines de pharmacie, compte tenu des

critères géographiques et de dispersion de la population, est, en règle

générale, de 250 mètres. En fonction de la concentration de la population,

les communautés autonomes peuvent autoriser des distances inférieures

entre celles-ci; de même, les communautés autonomes peuvent fixer des

limitations à l’installation d’officines de pharmacie à proximité des centres

médicaux.»

9 En application de cette réglementation, la Communauté autonome des

Asturies a adopté le décret 72/2001 réglementant les pharmacies et les

services de pharmacie dans la principauté des Asturies (Decreto 72/2001

regulador de las oficinas de farmacia y botiquines en el Principado de

Asturias), du 19 juillet 2001 (BOPA nº 175, du 28 juillet 2001, p. 10135).

10 L’article 1er

, paragraphe 1, premier alinéa, de ce décret prévoit:

«Le territoire de la Communauté autonome est divisé en zones

pharmaceutiques qui coïncident, en règle générale, avec des zones sanitaires

de base qui sont établies dans le cadre de la planification sanitaire de la

principauté des Asturies.»

11 Selon les indications fournies par la Consejería de Salud y Servicios

Sanitarios et par le Principado de Asturias, la Communauté autonome des

Asturies est divisée en 68 zones sanitaires de base qui coïncident, en règle

générale, avec des zones pharmaceutiques.

12 L’article 2 de ce même décret énonce:

«1. Dans chaque zone pharmaceutique, le nombre de pharmacies respecte

la tranche de population de 2 800 habitants par pharmacie. Lorsque ce seuil

est dépassé, une nouvelle pharmacie peut être créée pour la fraction

supérieure à 2 000 habitants.

2. Dans toutes les zones sanitaires de base et dans tous les districts, il

peut y avoir au moins une pharmacie.»

13 L’article 3 du décret 72/2001 prévoit:

25/10/2011

60

«Aux fins du présent décret, le calcul de la population est effectué sur la

base des données résultant de la dernière révision du recensement

municipal.»

14 L’article 4 de ce décret dispose:

«1. La distance minimale entre les locaux des officines de pharmacie est,

en règle générale, de 250 mètres quelle que soit la zone de pharmacie dans

laquelle ils se situent.

2. Cette distance minimale de 250 mètres est également respectée par

rapport aux centres de santé de l’une quelconque des zones de pharmacie,

qu’ils soient publics ou privés avec une convention d’assistance

extrahospitalière ou hospitalière, pratiquant des consultations externes ou

dotés de services d’urgence, qu’ils soient en fonctionnement ou en cours de

construction.

Cette condition de distance entre les centres de santé ne s’applique pas dans

les zones de pharmacie où il n’y a qu’une officine de pharmacie ni dans les

localités qui comptent actuellement une seule officine de pharmacie et où,

compte tenu de leurs caractéristiques, l’ouverture de nouvelles officines de

pharmacie n’est pas à prévoir.

…..

16 Selon ces dispositions, la Communauté autonome des Asturies est

notamment tenue d’entamer d’office, au minimum une fois par an, une

procédure en vue de délivrer des autorisations d’établissement de nouvelles

pharmacies pour tenir compte de l’évolution de la densité démographique.

…..

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

22 En 2002, la Communauté autonome des Asturies a décidé d’entamer,

conformément aux articles 6 à 17 du décret 72/2001, une procédure en vue

de l’octroi d’autorisations d’installation de nouvelles pharmacies.

23 La Consejería de Salud y Servicios Sanitarios a pris, le 14 juin 2002,

une décision lançant un appel à candidatures en vue de délivrer des

autorisations d’établissement de pharmacies dans la Communauté autonome

des Asturies (BOPA n° 145, du 24 juin 2002, p. 8145, ci-après la «décision

du 14 juin 2002»).

24 Les règles de l’appel à candidatures ont prévu l’ouverture de 24

nouvelles pharmacies en fonction, notamment, de la densité démographique,

de la dispersion de la population, de la distance entre les pharmacies ainsi

que des groupes de population minimaux.

25 Les requérants au principal, pharmaciens diplômés, souhaitaient

ouvrir une nouvelle pharmacie dans la Communauté autonome des Asturies,

sans toutefois se voir imposer le régime de planification territoriale

découlant du décret 72/2001.

25/10/2011

61

26 Par conséquent, ils ont, dans le cadre de la première affaire au

principal, formé un recours contre la décision du 14 juin 2002, ainsi que

contre celle du Consejo de Gobierno del Principado de Asturias, du 10

octobre 2002, qui confirme la décision précédente.

27 Dans la seconde affaire au principal, ces mêmes requérants ont saisi le

Tribunal Superior de Justicia de Asturias d’un recours par lequel ils

attaquent la décision implicite relative à la réclamation introduite contre le

décret 72/2001 et, en particulier, contre ses articles 2, 4, 6 et 10 ainsi que

contre son annexe relative au barème de mérites.

28 Dans ces deux affaires, lesdits requérants ont contesté la légalité des

décisions susmentionnées et du décret 72/2001 notamment au motif que

ceux-ci ont pour effet d’empêcher l’accès des pharmaciens aux nouvelles

pharmacies dans la Communauté autonome des Asturies. Ce décret

prévoirait, en outre, des critères inadmissibles de sélection des titulaires de

nouvelles pharmacies.

29 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de

savoir si le régime prévu par le décret 72/2001 constitue une restriction à la

liberté d’établissement incompatible avec l’article 49 TFUE.

30 Dans ces circonstances, le Tribunal Superior de Justicia de Asturias a

décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle

suivante dans l’affaire C-570/07:

«L’article [49 TFUE] s’oppose-t-il aux articles 2, 3 et 4 du [décret 72/2001],

ainsi qu’aux points 4, 6 et 7 de l’annexe du décret susmentionné?»

31 Dans l’affaire C-571/07, le Tribunal Superior de Justicia de Asturias a

décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle

suivante:

«L’article [49 TFUE] s’oppose-t-il aux dispositions de la législation de la

Communauté autonome [...] des Asturies concernant l’autorisation

d’installation d’officines de pharmacie?»

…..

51 Dans ces conditions, les règles de droit interne concernées, relatives à

la répartition territoriale, doivent être examinées au regard des dispositions

du traité, et notamment de son article 49.

Sur la première partie des questions préjudicielles, relative aux conditions

principales liées à la densité démographique et à la distance minimale entre

les pharmacies

52 Par la première partie de ses questions, la juridiction de renvoi

demande, en substance, si l’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation

nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose des limites à la

délivrance d’autorisations d’établissement de nouvelles pharmacies, en

prévoyant que:

25/10/2011

62

– dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être

créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;

– une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce seuil

est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction supérieure à 2 000

habitants, et

– chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par rapport

aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle générale, de

250 mètres.

Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

53 Selon une jurisprudence constante, constitue une restriction au sens de

l’article 49 TFUE toute mesure nationale qui, même applicable sans

discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre

moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté

d’établissement garantie par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre

2004, Commission/Pays-Bas, C-299/02, Rec. p. I-9761, point 15, et du 21

avril 2005, Commission/Grèce, C-140/03, Rec. p. I-3177, point 27).

54 Relève de cette catégorie, en particulier, une réglementation nationale

qui subordonne l’établissement d’une entreprise d’un autre État membre à la

délivrance d’une autorisation préalable, car celle-ci est susceptible de gêner

l’exercice, par une telle entreprise, de la liberté d’établissement en

l’empêchant d’exercer librement ses activités par l’intermédiaire d’un

établissement stable. En effet, ladite entreprise risque, d’une part, de

supporter les charges administratives et financières supplémentaires que

chaque délivrance d’une telle autorisation implique. D’autre part, le système

d’autorisation préalable exclut de l’exercice d’une activité non salariée les

opérateurs économiques qui ne répondent pas à des exigences

prédéterminées dont le respect conditionne la délivrance de cette

autorisation (voir, en ce sens, arrêt Hartlauer, précité, points 34 et 35).

55 Une réglementation nationale constitue par ailleurs une restriction

lorsqu’elle soumet l’exercice d’une activité à une condition tenant aux

besoins économiques ou sociaux auxquels cette activité doit satisfaire,

puisqu’elle tend à limiter le nombre de prestataires de services (voir, en ce

sens, arrêt Hartlauer, précité, point 36).

56 Dans les litiges au principal, il convient de relever, premièrement, que

la réglementation nationale subordonne la création d’une nouvelle

pharmacie à la délivrance d’une autorisation administrative préalable et que

celle-ci n’est en outre accordée qu’aux lauréats d’un concours.

57 Deuxièmement, cette réglementation permet, dans chaque zone

pharmaceutique, la création d’une seule pharmacie par tranche de population

de 2 800 habitants, une pharmacie supplémentaire ne pouvant être créée que

lorsque ce seuil est dépassé, et elle est créée pour la fraction supérieure à

2 000 habitants.

25/10/2011

63

58 Troisièmement, ladite réglementation s’oppose à ce que les

pharmaciens puissent exercer une activité économique indépendante dans

les locaux de leur libre choix, puisqu’ils sont tenus de respecter, en général,

une distance minimale de 250 mètres par rapport aux pharmacies déjà

existantes.

59 De telles règles ont ainsi pour effet de gêner et de rendre moins

attrayant l’exercice, par des pharmaciens d’autres États membres, de leurs

activités sur le territoire espagnol par l’intermédiaire d’un établissement

stable.

60 Par conséquent, une réglementation nationale telle que celle en cause

au principal constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de

l’article 49 TFUE.

Sur la justification de la restriction à la liberté d’établissement

61 Selon une jurisprudence constante, les restrictions à la liberté

d’établissement, qui sont applicables sans discrimination tenant à la

nationalité, peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt

général, à condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation de

l’objectif poursuivi et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour

atteindre cet objectif (arrêts précités Hartlauer, point 44, ainsi que

Apothekerkammer des Saarlandes e.a., point 25).

62 Dans les affaires au principal, il convient de constater, en premier lieu,

que les règles en cause s’appliquent sans discrimination tenant à la

nationalité.

63 En deuxième lieu, il ressort de l’article 52, paragraphe 1, TFUE que la

protection de la santé publique peut justifier des restrictions aux libertés

fondamentales garanties par le traité telles que la liberté d’établissement

(voir, notamment, arrêts précités Hartlauer, point 46, ainsi que

Apothekerkammer des Saarlandes e.a., point 27).

64 Plus précisément, des restrictions à la liberté d’établissement peuvent

être justifiées par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en

médicaments de la population sûr et de qualité (arrêts précités

Commission/Italie, point 52, ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes

e.a., point 28).

65 L’importance dudit objectif est confirmée par les articles 168,

paragraphe 1, TFUE et 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union

européenne en vertu desquels, notamment, un niveau élevé de protection de

la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes

les politiques et actions de l’Union européenne.

66 Il s’ensuit que l’objectif visant à assurer un approvisionnement en

médicaments de la population sûr et de qualité est susceptible de justifier

une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.

25/10/2011

64

67 En troisième lieu, il convient d’examiner si une telle réglementation

est propre à garantir cet objectif.

68 À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que, compte tenu de

la marge d’appréciation rappelée au point 44 du présent arrêt, le fait qu’un

État membre impose des règles plus strictes en matière de protection de la

santé publique que celles établies par un autre État membre ne saurait

impliquer que ces règles sont incompatibles avec les dispositions du traité

relatives aux libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêt du 10 février

2009, Commission/Italie, C-110/05, Rec. p. I-519, point 65 et jurisprudence

citée).

69 Par conséquent, n’est pas déterminante pour la solution des présentes

affaires la circonstance que les États membres prévoient des règles

divergentes dans ce domaine et, plus particulièrement, que certains d’entre

eux ne restreignent pas le nombre de pharmacies pouvant être créées sur le

territoire national alors que d’autres limitent leur nombre en les soumettant à

des règles de planification géographique.

70 Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la

Cour, des établissements et infrastructures sanitaires peuvent faire l’objet

d’une planification. Celle-ci peut comprendre une autorisation préalable

pour l’installation de nouveaux prestataires de soins, lorsqu’elle s’avère

indispensable pour combler d’éventuelles lacunes dans l’accès aux

prestations sanitaires et pour éviter la création de structures faisant double

emploi, de sorte que soit assurée une prise en charge sanitaire adaptée aux

besoins de la population, qui couvre l’ensemble du territoire et qui tienne

compte des régions géographiquement isolées ou autrement désavantagées

(voir, par analogie, arrêts du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C-157/99,

Rec. p. I-5473, points 76 à 80; du 16 mai 2006, Watts, C-372/04, Rec.

p. I-4325, points 108 à 110, ainsi que Hartlauer, précité, points 51 et 52).

71 Or, cette conclusion est pleinement transposable aux prestataires

sanitaires en matière de pharmacie.

72 Troisièmement, il convient de relever qu’il existe des agglomérations

qui pourraient être perçues par de nombreux pharmaciens comme très

rentables, et, partant, plus attractives, telles que celles situées dans les zones

urbaines. En revanche, d’autres parties du territoire national pourraient être

considérées comme moins attractives, telles que des zones rurales,

géographiquement isolées ou autrement désavantagées.

73 Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que, en l’absence de toute

régulation, les pharmaciens se concentrent dans les localités jugées

attractives, de sorte que certaines autres localités moins attractives

souffriraient d’un nombre insuffisant de pharmaciens susceptibles d’assurer

un service pharmaceutique sûr et de qualité.

74 Quatrièmement, il y a lieu de rappeler que, lorsque des incertitudes

subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé

25/10/2011

65

publique, l’État membre peut prendre des mesures de protection sans avoir à

attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée (arrêt

Apothekerkammer des Saarlandes e.a., précité, point 30).

75 Dans ces circonstances, un État membre peut estimer qu’il existe un

risque de pénurie de pharmacies dans certaines parties de son territoire et,

par conséquent, de défaut d’approvisionnement en médicaments sûr et de

qualité.

76 Par suite, un État membre peut adopter, eu égard à ce risque, une

réglementation qui prévoit qu’une seule pharmacie peut être créée par

rapport à un certain nombre d’habitants (voir point 57 du présent arrêt).

77 En effet, une telle condition peut avoir pour effet de canaliser

l’implantation de pharmacies vers des parties du territoire national où

l’accès au service pharmaceutique est lacunaire puisque, en empêchant les

pharmaciens de s’implanter dans des zones déjà pourvues d’un nombre

suffisant de pharmacies, elle les invite ainsi à s’installer dans des zones dans

lesquelles il existe une pénurie de pharmacies.

78 Il s’ensuit que ladite condition est susceptible de répartir les

pharmacies d’une manière équilibrée sur le territoire national, d’assurer ainsi

à l’ensemble de la population un accès approprié au service pharmaceutique,

et, par conséquent, d’augmenter la sûreté et la qualité de

l’approvisionnement de la population en médicaments.

79 Ensuite, il convient de relever que la seule condition liée aux tranches

de population risque de ne pas permettre d’éviter une concentration des

pharmacies, au sein d’une zone géographique déterminée selon cette

condition, dans certaines localités attractives de cette zone. Or, une telle

concentration de pharmacies pourrait aboutir à la création de structures

faisant double emploi, alors que d’autres parties de la même zone pourraient

souffrir d’une pénurie de pharmacies.

80 Dans ces circonstances, il est loisible à un État membre de prévoir des

conditions supplémentaires qui viseraient à empêcher cette concentration, en

adoptant, par exemple, une condition telle que celle au principal, qui impose

des distances minimales entre les pharmacies.

81 En effet, cette condition permet d’éviter une telle concentration par sa

nature même, et elle est ainsi susceptible de répartir les pharmacies d’une

manière plus équilibrée au sein d’une zone géographique déterminée.

82 La condition liée à la distance minimale accroît aussi, par voie de

conséquence, la certitude des patients qu’ils disposeront d’une pharmacie à

proximité, et, par conséquent, qu’ils disposeront d’un accès facile et rapide

au service pharmaceutique approprié.

83 De telles conditions d’accès pourraient être considérées comme

nécessaires d’autant plus que, d’une part, l’administration de médicaments

peut s’avérer urgente et que, d’autre part, la clientèle des pharmacies

25/10/2011

66

comprend des personnes à mobilité réduite, telles que des personnes âgées

ou gravement malades.

84 Ainsi, la condition liée à la distance minimale s’avère complémentaire

à celle liée aux tranches de population et, partant, elle peut contribuer à la

réalisation de l’objectif visant à répartir les pharmacies d’une manière

équilibrée sur le territoire national, assurer ainsi à l’ensemble de la

population un accès approprié au service pharmaceutique, et, par

conséquent, augmenter la sûreté et la qualité de l’approvisionnement de la

population en médicaments.

85 Enfin, il convient de relever que la poursuite de l’objectif visé par les

deux conditions susmentionnées est renforcée au travers de certains critères

intervenant, aux termes du décret 72/2001, lors de la phase de sélection des

titulaires de nouvelles pharmacies.

86 En effet, conformément au point 7, sous b), de l’annexe de ce décret,

en cas d’égalité résultant de l’application du barème de mérites en vertu

duquel les titulaires de nouvelles pharmacies sont sélectionnés, les

autorisations sont accordées selon un ordre qui donne une priorité, après les

catégories de pharmaciens figurant audit point 7, sous a), aux pharmaciens

qui ont été titulaires d’officines de pharmacie situées dans des zones ou des

municipalités dont la population est inférieure à 2 800 habitants.

87 Étant donné que les zones géographiques dont la population est

inférieure à 2 800 habitants sont généralement des zones considérées par les

pharmaciens comme moins attractives (voir point 72 du présent arrêt), ladite

condition de délivrance d’autorisation vise à encourager des pharmaciens à

s’implanter dans ces zones dans la perspective d’être récompensés

ultérieurement lors de l’octroi d’autres autorisations d’installation de

nouvelles pharmacies.

88 Cependant, les requérants au principal et la Plataforma para la Libre

Apertura de Farmacias font valoir que le régime en cause au principal ne

pourrait être considéré comme propre à atteindre l’objectif invoqué car il a

pour conséquence que certains pharmaciens sont privés de tout accès à

l’activité professionnelle indépendante alors que les pharmaciens établis sur

le marché bénéficient de profits disproportionnés.

89 Une telle argumentation ne saurait prospérer.

90 En effet, il convient de relever, tout d’abord, que la liberté

d’établissement des opérateurs économiques doit être mise en balance avec

les impératifs de la protection de la santé publique et que la gravité des

objectifs poursuivis dans ce domaine peut justifier des restrictions qui ont

des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs

(voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, Affish, C-183/95, Rec. p. I-4315,

points 42 et 43).

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67

91 Ensuite, il ressort du dossier que les autorités compétentes organisent

au moins une fois par an une procédure en vue de délivrer des autorisations

d’établissement de nouvelles pharmacies en fonction de l’évolution

démographique. Ainsi, par la décision du 14 juin 2002, la Communauté

autonome des Asturies a entamé une procédure en vue de l’octroi

d’autorisations d’installation de 24 nouvelles pharmacies sur son territoire à

partir de l’année 2002.

92 Enfin, selon le point 4 de l’annexe du décret 72/2001, ni l’expérience

professionnelle en tant que pharmacien titulaire ou cotitulaire d’une

pharmacie ni aucune autre catégorie de mérites ne sont prises en

considération lorsque l’une ou l’autre ont servi précédemment pour obtenir

une autorisation d’installation. De même, le point 7, sous a), de cette même

annexe énonce que, en cas d’égalité résultant de l’application du barème, les

autorisations sont accordées selon un ordre qui donne une priorité aux

pharmaciens qui n’ont pas été titulaires d’une officine de pharmacie.

93 Par ces critères, une telle réglementation nationale privilégie, dans ses

effets, les pharmaciens qui n’ont pas encore obtenu une autorisation

d’installation et elle vise, partant, à garantir à davantage de pharmaciens

l’accès à l’activité professionnelle indépendante.

94 S’il ressort de ce qui précède qu’une réglementation telle que celle en

cause au principal est en principe propre à atteindre l’objectif visant à

assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de

qualité, encore faut-il que la manière dont cette réglementation poursuit ledit

objectif ne soit pas incohérente. En effet, selon la jurisprudence de la Cour,

les différentes règles, ainsi que la législation nationale dans son ensemble,

ne sont propres à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elles

répondent véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière

cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêts précités Hartlauer, point

55, ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes e.a., point 42).

95 Dès lors, il convient d’examiner si le décret 72/2001 poursuit d’une

manière cohérente et systématique l’objectif visant à assurer un

approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité

lorsqu’il fixe le nombre minimal d’habitants par pharmacie, en principe, à

2 800 ou à 2 000 et la distance minimale entre les pharmacies, en règle

générale, à 250 mètres. À cet égard, il y a lieu de tenir compte également de

la loi 16/1997, dès lors que le décret 72/2001 exécute cette loi.

96 Sur ce point, il convient de constater que les deux conditions prévues

par ce décret – applicables à l’ensemble du territoire concerné – sont censées

assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de

qualité sur la base des indications de nature forfaitaire qui tiennent

nécessairement compte des éléments démographiques ordinaires, considérés

comme moyens. Il s’ensuit que l’application uniforme des conditions ainsi

conçues risque de ne pas assurer un accès approprié au service

25/10/2011

68

pharmaceutique dans des zones qui présentent certaines particularités

démographiques.

97 Tel peut être le cas, premièrement, dans certaines zones rurales dont la

population est généralement dispersée et moins nombreuse. Cette

particularité peut avoir pour effet que, si la condition du nombre minimal de

2 800 habitants était invariablement appliquée, certains habitants intéressés

se trouveraient hors de la portée locale raisonnable d’une pharmacie et

seraient ainsi privés d’un accès approprié au service pharmaceutique.

98 À cet égard, il convient de relever que la réglementation nationale

prévoit certaines mesures d’ajustement qui permettent d’atténuer les

conséquences de l’application de la règle de base de 2 800 habitants. En

effet, selon l’article 2, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la loi 16/1997, les

communautés autonomes peuvent fixer des tranches de population plus

faibles que 2 800 habitants par pharmacie pour les zones rurales,

touristiques, de montagne ou pour les zones où, en raison de leurs

caractéristiques géographiques, démographiques ou sanitaires, l’application

des critères généraux ne permet pas d’assurer un service pharmaceutique et

rendre ainsi une pharmacie située dans une telle zone particulière plus

accessible pour le segment de la population l’entourant.

99 Deuxièmement, il s’avère qu’une stricte application de l’autre

condition du décret 72/2001, tenant à la distance minimale entre les

pharmacies, risque de ne pas assurer un accès approprié au service

pharmaceutique dans certaines zones géographiques à forte concentration

démographique. En effet, dans ces zones, la densité de population autour

d’une pharmacie peut nettement dépasser le nombre d’habitants fixé à titre

forfaitaire. Dans ces circonstances spécifiques, l’application de la condition

de la distance minimale de 250 mètres entre les pharmacies risquerait

d’aboutir à la situation dans laquelle le périmètre prévu pour une seule

pharmacie inclurait plus de 2 800 habitants – voire plus de 4 000 habitants

dans l’hypothèse visée à l’article 2, paragraphe 3, de la loi 16/1997. Partant,

il ne saurait être exclu que les habitants des zones ainsi caractérisées

puissent éprouver des difficultés, en raison de l’application stricte de la règle

tenant à la distance minimale, à accéder à une pharmacie dans des

conditions qui permettent d’assurer un service pharmaceutique approprié.

100 Cela étant, même dans un tel cas, ces conséquences peuvent être

atténuées par la mesure d’assouplissement prévue à l’article 2, paragraphe 4,

de la loi 16/1997 selon lequel la distance minimale entre officines de

pharmacie est fixée «en règle générale» à 250 mètres, les communautés

autonomes pouvant autoriser, en fonction de la concentration de la

population, une distance inférieure entre les pharmacies et augmenter de

cette manière le nombre de pharmacies disponibles dans les zones à très

forte concentration de population.

101 À cet égard, il y a lieu de relever que, afin d’atteindre d’une manière

cohérente et systématique, dans un cas tel que celui décrit au point 99 du

25/10/2011

69

présent arrêt, l’objectif visant à assurer un service pharmaceutique

approprié, les autorités compétentes pourraient même être amenées à

interpréter la règle générale comme une règle permettant d’accorder une

autorisation pour la création d’une pharmacie à une distance inférieure à 250

mètres non seulement dans des cas tout à fait exceptionnels, mais chaque

fois que l’application stricte de la règle générale de 250 mètres risque de ne

pas assurer un accès approprié au service pharmaceutique dans certaines

zones géographiques à forte concentration démographique.

102 Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier

si les autorités compétentes font un usage, dans le sens décrit aux points 98,

100 et 101 du présent arrêt, de l’habilitation offerte par de telles dispositions

dans toute zone géographique ayant des caractéristiques démographiques

particulières dans laquelle l’application stricte des règles de base de 2 800

habitants et de 250 mètres risquerait d’empêcher la création d’un nombre

suffisant de pharmacies susceptibles d’assurer un service pharmaceutique

approprié.

103 À la lumière de tout ce qui précède, il convient de constater que, sous

réserve des considérations énoncées aux points 94 à 100 du présent arrêt, la

réglementation en cause au principal s’avère propre à atteindre le but

poursuivi.

104 Il reste à examiner, en quatrième lieu, si la restriction à la liberté

d’établissement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le

but invoqué, c’est-à-dire s’il n’existe pas des mesures moins attentatoires

pour y parvenir.

105 Sur ce point, les requérants au principal, la Plataforma para la Libre

Apertura de Farmacias et la Commission européenne font notamment valoir

qu’il suffirait de prévoir des règles fixant un nombre minimal de pharmacies

dans des zones géographiques déterminées (ci-après le «système ‘a

minima’»). De cette manière, aucune nouvelle implantation de pharmacie ne

serait certes autorisée – comme dans le système actuel – dans des zones déjà

pourvues d’un nombre suffisant de pharmacies, et ce jusqu’à ce que chacune

des zones géographiques déterminées dispose du nombre minimal requis de

pharmacies. Cependant, l’ouverture de nouvelles pharmacies serait libre à

partir du moment où chacune de ces zones disposerait de ce nombre

minimal de pharmacies.

106 À cet égard, il convient cependant de relever que, au regard de la

marge d’appréciation dont bénéficient les États membres en matière de

protection de la santé publique, mentionnée au point 44 du présent arrêt, un

État membre peut estimer que le système «a minima» ne permet pas

d’atteindre – avec la même efficacité que le système actuel – l’objectif

visant à assurer un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité dans

les zones peu attractives.

107 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, dans le système actuel, le

facteur qui incite les pharmaciens à s’installer dans les zones dépourvues de

25/10/2011

70

pharmacies résulte du fait qu’ils sont empêchés de s’implanter dans des

zones déjà pourvues d’un nombre suffisant de pharmacies, et ce en vertu

d’un critère démographique objectif, à savoir jusqu’au moment où la

population de ces zones augmente au-delà du seuil fixé. Ce système ne

laisse ainsi, en principe, aucun autre choix aux pharmaciens désireux

d’exercer une activité professionnelle indépendante que celui de s’installer

dans des zones dépourvues de pharmacies, dans lesquelles

l’approvisionnement de la population en médicaments est insuffisant et où

l’installation de pharmacies est donc autorisée.

108 Ensuite, il convient de constater qu’un État membre, tel que le

Royaume d’Espagne, peut légitimement aménager le système de répartition

territoriale à l’échelle régionale, c’est-à-dire conférer aux différentes régions

le soin d’organiser la répartition de pharmacies entre les zones

géographiques de leurs territoires respectifs.

109 Or, la situation dans les différentes régions peut se distinguer

considérablement en ce qui concerne l’installation de pharmaciens.

110 Plus précisément, il est envisageable que, au sein de certaines régions,

il existe une ou plusieurs zones géographiques dans lesquelles le nombre

minimal requis de pharmacies n’a pas encore été atteint. Ce n’est donc que

dans ces zones lacunaires que la possibilité de l’installation de nouvelles

pharmacies se présente.

111 En revanche, s’agissant d’autres régions, il peut y avoir la situation

dans laquelle toutes leurs zones géographiques sont déjà pourvues d’un

nombre minimal requis de pharmacies et – dans le système alternatif «a

minima» décrit au point 105 du présent arrêt – l’ensemble de leur territoire

serait donc ouvert à une libre installation de pharmaciens, y compris les

zones les plus attractives. Or, cette situation pourrait porter atteinte à

l’objectif national, tel qu’il ressort de la loi 16/1997, de canaliser les

pharmaciens vers des zones dépourvues de pharmacies dans quelque région

que ce soit. En effet, il ne saurait être exclu que les pharmaciens concernés

aient tendance à s’ajouter aux pharmaciens qui se sont installés dans les

régions saturées – et donc ouvertes à l’installation libre – au lieu d’envisager

une installation dans les zones dépourvues de pharmacies dans les régions

non saturées.

112 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la réglementation

en cause au principal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre

l’objectif poursuivi.

113 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première partie

des questions posées que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens

qu’il ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que

celle en cause au principal, qui impose des limites à la délivrance

d’autorisations d’établissement de nouvelles pharmacies, en prévoyant que:

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71

– dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être

créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;

– une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce seuil

est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction supérieure à 2 000

habitants, et

– chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par rapport

aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle générale, de

250 mètres.

114 Cependant, l’article 49 TFUE s’oppose à une telle réglementation

nationale pour autant que les règles de base de 2 800 habitants ou de 250

mètres empêchent, dans toute zone géographique ayant des caractéristiques

démographiques particulières, la création d’un nombre suffisant de

pharmacies susceptibles d’assurer un service pharmaceutique approprié, ce

qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

…..

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose

pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que celle en cause

au principal, qui impose des limites à la délivrance d’autorisations

d’établissement de nouvelles pharmacies, en prévoyant que:

– dans chaque zone pharmaceutique, une seule pharmacie peut être

créée, en principe, par tranche de 2 800 habitants;

– une pharmacie supplémentaire ne peut être créée que lorsque ce

seuil est dépassé, cette pharmacie étant créée pour la fraction

supérieure à 2 000 habitants, et

– chaque pharmacie doit respecter une distance minimale par

rapport aux pharmacies déjà existantes, cette distance étant, en règle

générale, de 250 mètres.

Cependant, l’article 49 TFUE s’oppose à une telle réglementation

nationale pour autant que les règles de base de 2 800 habitants ou de

250 mètres empêchent, dans toute zone géographique ayant des

caractéristiques démographiques particulières, la création d’un nombre

suffisant de pharmacies susceptibles d’assurer un service

pharmaceutique approprié, ce qu’il appartient à la juridiction nationale

de vérifier.

…..

* * * * *

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72

§ 5 LE MARCHE INTERIEUR SUISSE

Textes législatifs : Loi fédérale du 6.10.1995 sur le marché intérieur (LMI) (RS

943.02), FF 1995 IV 552 ss et 2005 461 ss ; Loi fédérale sur les entraves

techniques au commerce (LETC) (RS 946.51), FF 1995 IV 539 ss; LF sur la

formation professionnelle, RS 412.10 ; art. 34 ss TFUE.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I

1193 ; Message relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur, FF 2005 421;

E. SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,

Coire/Zurich 1992; V. MARTENET/C. RAPIN, Le marché intérieur suisse, in

Cahiers Suisses de droit européen, n° 19, Berne/Zurich 1999; D. DREYER/B.

DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activités

soumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,

1998, p. 859 ss; Commentaire romand - Concurrence, LMI, p. 1239 ss; A.

AUER/V. MARTENET, La loi sur le marché intérieur face au mandat constitutionnel

de créer un espace économique unique - Avis de droit, DPC 2004/1, p. 277 ss.

5.1 LE LIBRE ACCES AU MARCHE

5.1.1 Généralités

188 La Loi fédérale sur le marché intérieur est fondée sur l’art. 95 Cst qui

donne à la Confédération la compétence de légiférer sur l’exercice des

activités économiques privées.

189 En vertu de l’al. 2 de cette disposition : la Confédération veille à créer un

espace économique suisse unique;

La Confédération a donc le devoir de prendre les mesures nécessaires à

cette fin.

190 Le but de la Loi sur le marché intérieur est clairement énoncé à l'art. 1er :

garantir à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse

l'accès libre et non discriminatoire au marché, afin qu'elle puisse exercer

une activité lucrative.

191 Une activité lucrative ? Toute activité non régalienne (i.e. dont l’Etat ne

s’est pas réservé le monopole) ayant pour but un gain (art. 1er al. 3 LMI).

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73

192 Comment garantir l'accès au marché ? Par les principes suivants :

- la suppression des dispositions et des mesures de nature protectionniste

édictées par les cantons et les communes; les cantons, les communes et

les autres organes assumant des tâches publiques avaient un délai de

deux ans dès l'entrée en vigueur de la loi en 1996 pour adapter leurs

prescriptions (art. 11 LMI); cette disposition n’a malheureusement eu

que peu d’effets ;

- l'interdiction des mesures discriminatoires (art. 3 al. 1 let. a LMI) ;

- l'application du principe «Cassis-de-Dijon» (art. 2 al. 1 et 3 al. 2 LMI) ;

- la suppression des obstacles techniques (cf. LETC).

5.1.2 La suppression des obstacles techniques

193 La libre circulation des marchandises en Suisse était encore entravée par de

multiples obstacles techniques. La LF sur les entraves techniques, adoptée

en 1996 en même temps que la LF sur le marché intérieur, a pour but de

supprimer ces obstacles sur le marché suisse.

194 Cette loi – visant le marché intérieur – a été complétée sur le plan extérieur

par l'Accord relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de

conformité signé entre la Suisse et l'UE en 1999 (entrée en vigueur le 1er

juin 2002 en même temps que les autres "accords bilatéraux").

195 A noter que le principe "Cassis de Dijon", appliqué au sein du marché

intérieur européen et sur le marché suisse, ne peut être appliqué dans les

relations Suisse-UE car il n'existe pas d'institution, telle qu'un tribunal, qui

pourrait trancher les différents. Le Comité mixte n'a pas la même fonction

que la Cour de Justice des Communautés européennes par exemple.

196 Par contre, dans le but de faciliter les échanges entre la Suisse et l'UE, le

parlement suisse a adopté au printemps 2009 une modification de la LETC

par laquelle le principe "Cassis de Dijon" sera appliqué unilatéralement par

la Suisse à l'égard des produits européens (cf. ci-dessous 5.6).

5.1.3 Le principe "Cassis-de-Dijon"

A. Origine européenne du principe

197 Ce principe a été établi par la Cour de Justice des Communautés

européennes en application de l'art. 34 TFUE qui interdit les restrictions

quantitatives et les mesures d'effet équivalent (cf. ci-dessus § 4.3).

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74

198 Selon ce principe, les produits fabriqués et commercialisés légalement dans

l'un des Etats membres doivent en principe être admis dans toute la

Communauté.

199 Certes, en l'absence de réglementation communautaire, les Etats membres

restent compétents pour édicter des prescriptions applicables sur leur

propre territoire. Mais les obstacles qui en résultent ne sont admissibles que

dans la mesure où ces prescriptions «peuvent être reconnues comme étant

nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant, notamment

à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la

loyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs»

(Arrêt Cassis-de-Dijon).

B. Application du principe en Suisse

200 Dans la LMI, ce principe est énoncé à l'art. 2 qui limite les restrictions

possibles (art. 3). Toute personne a le droit d'offrir des marchandises ou des

services dans toute la Suisse pour autant que l'exercice de l'activité

lucrative en question soit licite au lieu où cette personne a son siège ou son

établissement (art. 2 al. 1 LMI).

201 C'est le canton de l'offreur qui détermine les éventuelles prescriptions

relatives à l'offre de marchandises ou de services. La marchandise dont la

mise en circulation est autorisée dans le canton de l'offreur peut être mise

en circulation dans toute la Suisse.

202 Aux termes de l’art. 2 al. 4 LMI, la liberté d’accès au marché selon les

prescriptions du lieu de provenance est étendue à l’établissement

commercial. Dès lors, des catégories professionnelles entières qui ne

pouvaient auparavant bénéficier de cette liberté d’établissement puisque

tributaires d’équipements fixes sur le lieu d’exécution de la prestation ont

désormais plus de mobilité. Concrètement, cela signifie que les personnes

concernées ne sont pas tenues de demander une autorisation au lieu de

destination pour exercer leur activité puisqu’elles peuvent exercer celle-ci

sur la base de l’autorisation délivrée au lieu du premier établissement.

203 La révision de la LMI a également ajouté à l’art. 2 LMI un alinéa 5 qui fixe

explicitement dans la loi la présomption (réfragable) d’équivalence des

règlementations cantonales et communales, qui est à la base de la liberté

d’accès au marché. L’inscription de ce principe dans la loi ne le modifie

pas, elle lui confère simplement plus de poids.

25/10/2011

75

5.2 LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU MARCHE

204 Des restrictions à la liberté d'accès au lieu de destination (de la

marchandise) ou de prestation des services ne peuvent être imposées que si

(art. 3 LMI) :

205 a) Ces restrictions s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux

(principe de non-discrimination ou traitement national).

206 b) Ces restrictions sont indispensables à la préservation d'intérêts publics

prépondérants : Dans une précédente version, la LMI donnait une liste

exemplative d'intérêts prépondérants. Cette liste ne figure plus dans la

loi. Il a en effet été considéré qu’il n’était pas nécessaire de les préciser,

notamment en raison du fait qu’il s’agit des mêmes intérêts que ceux

admis par la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de restrictions

à la liberté économique. Il est cependant utile de la rappeler pour

concrétiser cette notion :

- protection de la vie et de la santé de l'être humain, protection des

animaux et des végétaux;

- protection de l'environnement;

- protection de la loyauté des échanges commerciaux et des consom-

mateurs;

- poursuite d'objectifs de politique sociale et énergétique;

- garantie d'un niveau de formation suffisant pour les activités

professionnelles soumises à autorisation.

207 Ces restrictions doivent respecter le principe de la proportionnalité;

l'art. 3 al. 2 LMI précise que ce principe n'est pas respecté si :

- la protection recherchée est déjà obtenue au moyen des prescriptions

applicables au lieu de provenance;

- les attestations de sécurité ou les certificats déjà produits par

l'offreur au lieu de provenance ne sont pas pris en compte.

208 Afin de bien se faire comprendre, le législateur ajoute (art. 3 al. 2 let. c

et 3 LMI) que :

- un siège ou un établissement au lieu de destination ne peuvent pas

être imposés à l’offreur comme condition pour pouvoir y exercer une

activité lucrative;

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76

- les restrictions ne doivent en aucun cas constituer un obstacle déguisé

aux échanges ou destiné à favoriser les intérêts économiques locaux.

5.3 LES ACTIVITES SOUMISES A AUTORISATION

5.3.1 Règles générales

A. Compétences fédérales

209 La LMI ne joue pas (ou plus) de rôle lorsque la compétence de réglementer

une profession est (ou est passée) en mains de la Confédération.

210 C'est le cas pour certaines professions médicales pour lesquelles la

législation fédérale a prévu des certificats fédéraux et les conditions

d'obtention de ces certificats.

211 C'est aussi le cas pour l'exercice de la profession d'avocat :

- Alors même que les cantons fixent encore les exigences pour l'obtention

du brevet d'avocat (attestant la réussite des examens à la fin du stage

d'avocat) la Loi fédérale sur la libre circulation des avocats (LLCA) a

introduit le principe selon lequel un avocat inscrit à un registre cantonal

des avocats peut pratiquer la représentation en justice dans toute la

Suisse sans qu'une nouvelle autorisation ne soit nécessaire (art. 4

LLCA).

- La LLCA fixe les conditions de formation (art. 7), les conditions

personnelles d'inscription au registre des avocats (art. 8), ainsi que les

règles professionnelles et la surveillance par les autorités (art. 12 à 20

LLCA).

212 De plus, exerçant la compétence conférée par la Constitution (art. 63) de

légiférer en matière de libre circulation professionnelle, la Confédération a

adopté la loi fédérale sur la formation professionnelle (RS 412.0).

B. Compétences cantonales

213 La LMI joue pleinement son rôle lorsque la compétence d'imposer un

certificat de capacité pour l'exercice de certaines activités est encore en

mains cantonales (art. 27 ss Cst).

214 Les cantons sont tenus, selon l’art. 196 ch. 5 Cst, à la reconnaissance

réciproque des titres sanctionnant une formation (une règle semblable

existait déjà dans la Constitution fédérale de 1874 !). De plus, la nouvelle

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77

loi fédérale sur la formation professionnelle fixe – comme une directive

européenne – un cadre que les cantons doivent respecter.

215 Les cantons imposaient souvent, en plus des connaissances techniques ou

professionnelles établies par le certificat, des conditions personnelles.

Avant la LMI, les cantons exigeaient encore le dépôt d'une requête afin de

vérifier si ces conditions personnelles étaient remplies. Cette manière de

faire n'est plus possible avec la LMI.

216 L'art. 4 al. 4 LMI prévoit encore une règle très particulière dans l'hypothèse

où la reconnaissance de certificats est prévue dans un accord intercantonal

(concordat) puisque les dispositions du concordat l'emportent sur la LMI !

5.3.2 La reconnaissance des certificats de capacité cantonaux

217 Le principe de la reconnaissance sur tout le territoire suisse des certificats

de capacité cantonaux étant déjà prévu par l'art. 196 ch. 5 Cst., il s'agit de

comprendre ce qu'apporte la loi sur le marché intérieur. Cet apport, à

l'art. 4 LMI, consiste dans la limitation des restrictions possibles puisque

celles-ci doivent respecter les règles de l'art. 3 LMI.

218 L’alinéa 3bis de l’art. 4 LMI prévoit en outre que : « La reconnaissance de

certificats de capacité pour les activités lucratives couvertes par l’accord

du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la

Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre

circulation des personnes est régie par cet accord ».

219 A l’avenir, la reconnaissance des certificats de capacité cantonaux devra

donc s’effectuer selon la procédure de reconnaissance de l’UE, les

accords intercantonaux restant réservés. Pour ce qui est de la

reconnaissance non réglée sur le plan cantonal, les mêmes règles

s’appliqueront sur le plan interne (entre cantons) et externe (UE).

220 La portée de l’alinéa 3bis dépendra toutefois de l’usage que fera la

Confédération, dans le cadre de la nouvelle loi sur la formation

professionnelle, de ses prérogatives en matière de réglementation.

221 S’agissant de la procédure de reconnaissance mise en place au sein de

l’UE, on distingue entre les directives générales et spéciales que la Suisse

a reprises dans son propre droit en signant l’accord sur la libre circulation

des personnes.

222 Les directives générales (p. ex. la directive 95/21/CE qui régit la

reconnaissance des métiers nécessitant une formation de 1 à 3 ans) se

fondent sur le principe de la confiance réciproque dans le système de

formation des autres Etats membres, alors que les directives spéciales

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78

(par ex. la directive 77/452/CE reconnaissance de diplômes en matière de

soins infirmiers) se fondent sur le principe de l’harmonisation préalable

des systèmes de formation. En d’autres termes, une vérification de la

durée et des contenus des formations aura lieu dans le cas des formations

concernées par les directives générales tandis que les diplômes pris en

compte par les directives spéciales seront reconnus d’office.

223 Il faut encore noter que l’accord sur la libre circulation des personnes a

été étendu aux dix nouveaux membres de l’UE en mai 2004 et ce,

également dans le domaine de la reconnaissance des diplômes.

5.4 LA MISE EN ŒUVRE PROCEDURALE

224 L’hypothèse est la suivante : une entreprise met en vente un produit ou

exerce une activité et l’autorité suisse intervient pour le motif que ce

produit ou cette activité n’est pas conforme aux prescriptions en vigueur

au lieu de vente ou d’exercice de l’activité.

225 En principe, l’autorité doit d’abord réunir des informations :

- sur la conformité du produit aux règles de l’Etat de provenance

- sur les diplômes du prestataire de service lorsque l’activité est soumise

à autorisation.

226 L’autorité ne peut pas instituer des contrôles faisant double emploi avec

les contrôles déjà effectués dans un autre Etat membre. L’autorité est

tenue de vérifier l’équivalence des niveaux de protection ou des

diplômes.

227 L’administration ne peut exiger que des produits satisfassent

littéralement et exactement aux mêmes dispositions ou caractéristiques

techniques prescrites en Suisse alors que les produits importés

garantissent objectivement le même niveau de protection. La règle est la

même mutatis mutandis pour la reconnaissance des diplômes.

228 Si l’autorité arrive à la conclusion que le produit n’est pas conforme ou

que la personne prestant le service n’a pas les qualifications requises, elle

prend une décision d’interdiction de la vente du produit ou d’exercice de

l’activité par la personne en cause.

229 Cette décision pourra faire l’objet d’un recours :

230 - devant un tribunal administratif cantonal lorsque c’est un organe de

l’administration cantonale qui a pris la décision ;

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79

231 - devant le Tribunal administratif fédéral lorsque la décision a été prise

par une autorité administrative fédérale.

5.5 LE DROIT DE RECOURS DE LA COMCO

232 Le nouvel article 9 al. 2 bis LMI confère le droit à la Comco de faire

constater par un recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) qu’une

décision (cantonale ou communale) restreint indûment l’accès au marché.

233 L’art. 89 al. 2 lit. a LTF prévoit notamment que les départements fédéraux

ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont

subordonnées, ont la qualité pour recourir si l’acte attaqué est susceptible

de violer la législation fédérale dans leur domaine d’attributions.

234 En vertu de l’art. 104 al. 2 LTF, la Comco peut donc, dès qu’elle a la

qualité pour recourir, faire usage des voies de recours cantonales et être

partie à une procédure devant n’importe quelle instance cantonale. Dans la

mesure où d’éventuels recours auprès d’instances communales peuvent être

qualifiées généralement de « voies de droit cantonales » au sens de cette

disposition, la Comco est assurée de disposer aussi d’un droit de recours

contre les décisions de première instance.

235 De plus, en vertu de l’art. 105 al. 4 LTF, le Conseil fédéral déterminera par

voie d’ordonnance les décisions devant être communiquée à la Comco par

les instances cantonales et communales.

236 Cependant, le droit de recours de la Comco sera restreint dans le domaine

des marchés publics aux décisions soulevant des questions d’importance

fondamentale et concernant des marchés excédent les valeurs seuils

déterminantes.

237 Il faut encore préciser que la Comco peut exercer son droit de recours

indépendamment d’un éventuel recours privé visant le respect de la liberté

d’accès au marché. L’aval des particuliers concernés n’est par ailleurs pas

nécessaire et le recours de la Comco n’interrompt pas le délai pour le dépôt

d’un recours individuel.

5.6 L'APPLICATION UNILATERALE DU PRINCIPE "CASSIS-DE-

DIJON"

5.6.1. Motifs de la révision de la LETC

238 Depuis 1992, le Conseil fédéral a poursuivi deux voies pour réduire les

entraves techniques au commerce :

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- l'harmonisation autonome des prescriptions suisses avec le droit de

l'UE;

- la conclusion d'accords internationaux sur l'accès réciproque au

marché.

239 Malgré cela, un grand nombre d'entraves subsistent. Or, ces entraves

augmentent le prix des produits européens vendus en Suisse et rendent plus

difficiles les exportations suisses (les importations provenant de l'UE

représentent le 80 % des importations suisses et la majoration de prix est de

10 à 25 %).

240 La modification législative ne s'applique pas pour les domaines dans

lesquels les réglementations suisses et européennes ne divergent pas, c'est-

à-dire sont déjà harmonisées. Evidemment, cette harmonisation résulte du

fait que la Suisse reprend telles quelles les normes européennes !

241 Des règles particulières sont prévues pour les denrées alimentaires (art. 16

c à e).

5.6.2. La modification de l'art. 16 LETC

242 Par la modification de l'art. 16 LETC, le législateur suisse a décidé

d'appliquer unilatéralement aux produits européens le principe "Cassis-de-

Dijon". L'application est dite unilatérale parce qu'elle est appliquée

indépendamment de ce que fait l'UE à l'égard des produits suisses.

A. Le principe et ses exceptions

243 Il est énoncé à l'art. 16 a LETC

244 "Les produits qui ne satisfont pas aux prescriptions techniques suisses

peuvent être mis sur le marché :

a) s'ils ont été fabriqués conformément aux prescriptions techniques de la

Communauté européenne (CE) et, lorsque le droit de la CE n'est

harmonisé ou ne fait l'objet que d'une harmonisation incomplète,

conformément aux prescriptions techniques d'un Etat membre de la CE

ou de l'Espace économique européen (EEE);

b) s'ils sont légalement sur le marché de l'Etat membre de la CE ou de

l'EEE visé à la let. a, et

c) s'ils ne présentent aucun risque majeur pour des intérêts publics

prépondérants au sens de l'art. 4, al. 4, let. a à e, lorsqu'ils sont utilisés

dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles."

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245 Sont exceptés les produits soumis à homologation tels que les

médicaments, et les substances soumises à notification tels que les

produits chimiques. Il en va de même pour les produits dont l'importation

requiert une autorisation préalable (p. ex. LF sur le matériel de guerre ou

LF sur les épizooties – grippe aviaire !). Des procédures simplifiées sont

mises en place dans ces cas-là.

246 La loi prévoit aussi des exceptions pour les cas dans lesquels les prescrip-

tions suisses sont maintenues.

247 L'application unilatérale du principe "Cassis-de-Dijon" ne se fait pas pour

les produits pour lesquels le Conseil fédéral arrête une exception (art. 16a

al. 2 let. e LETC).

248 Lors de la préparation de la révision de la LETC, le Conseil fédéral a

procédé à un examen complet des prescriptions techniques suisses. Dans un

premier temps, 129 divergences ont été annoncées par l'administration

fédérale.

- Après un premier examen interne, 69 divergences ont été soumises lors

de la mise en circulation du projet;

- Finalement, lors de l'adoption du texte légal pour le soumettre au

Parlement, le Conseil fédéral n'a retenu que 18 exceptions :

-- Dans 5 cas, il a confirmé le maintien des prescriptions suisses :

"- interdiction du plomb dans les peintures et les vernis;

- prescriptions de sécurité relatives aux produits pour les chemins de

fer;

- mention de la teneur en alcool pour les boissons alcoolisées

sucrées;

- marques de contrôle des boissons distillées destinées à la

consommation;

- mention de la raison sociale, du prix de vente au détail et des

mises en garde combinées sur les produits du tabac et produits

contenant des succédanés de tabac destinés à être fumés."

-- Dans 13 cas, l'exception s'appliquera de manière restreinte ou

seulement à titre provisoire :

"- installations de combustion alimentées à l'huile, au gaz, au bois et

au charbon: exigence de qualité de l'air;

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82

- identification d'une entreprise suisse à titre de personne

responsable de la mise sur le marché sur l'étiquette des substances

et préparations et sur la fiche de données de sécurité;

- substances stables dans l'air (gaz à effet de serre): limitations,

prescriptions en vue de prévenir les émissions et prescriptions sur

le marquage;

- interdiction des paraffines chlorées à chaînes courtes dans les

peintures et les vernis, les mastics, les textiles ainsi que les

matières plastiques et les caoutchoucs;

- exigences posées au bois traité avec des produits pour la

conservation du bois et aux matériaux en bois;

- interdiction des phosphates et limitation des agents complexants

dans les lessives et produits de nettoyage;

- titre, désignation et contrôle des ouvrages en métaux précieux;

- déclaration de l'élevage en batterie, non admis en Suisse;

- obligation de déclarer les mélanges involontaires avec des

substances allergènes dans les denrées alimentaires;

- exigences concernant la combustibilité des produits textiles

(articles vestimentaires, rideaux, voilages);

- exigences concernant les déperditions de chaleur des chauffe-eau,

des réservoirs d'eau chaude et des accumulateurs de chaleur;

- mention du pays de production des denrées alimentaires;

- mention du pays de production des matières premières des denrées

alimentaires."

249 Les précisions relatives au caractère restreint ou temporaire de la

restriction seront données dans l'ordonnance du Conseil fédéral qui sera

adoptée lors de la mise en œuvre de la révision de la LETC.

B. Les entreprises européennes

250 Les entreprises européennes peuvent donc exporter leurs produits sur le

marché suisse pour autant que :

- le produit a été fabriqué conformément aux prescriptions techniques

applicables dans son pays (prescriptions harmonisées ou prescriptions

de l'Etat de provenance);

- le produit a été légalement mis sur le marché de l'Etat membre;

- le produit ne présente pas un risque majeur pour des intérêts publics

prépondérants.

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83

251 La règle s'applique tant aux marchandises fabriquées et légalement mises

sur le marché dans un Etat membre de l'UE qu'aux marchandises provenant

d'un autre Etat et qui satisfont au droit communautaire ou aux prescriptions

d'un Etat membre.

252 Il faut que le producteur européen soit effectivement actif sur le marché

européen et que la marchandise soit légalement sur le marché (l'art. 20

LETC explique la marche à suivre pour la surveillance du respect des

conditions légales).

C. Les entreprises suisses exportant en Europe

253 Les sociétés suisses qui exportent en Europe respectent la réglementation

européenne (harmonisée ou existante dans le pays d'exportation). Ces

entreprises, en application de l'art. 16a LETC peuvent écouler les mêmes

marchandises sur le marché suisse même si elles ne satisfont pas aux règles

suisses éventuellement divergentes.

D. Les autres entreprises suisses

254 L'application de l'art. 16a LETC aux entreprises suisses exportant sur le

marché européen crée une discrimination par rapport aux entreprises

suisses dont l'activité est limitée au marché suisse dans la mesure où celles-

ci doivent, selon les cas, respecter des normes suisses plus contraignantes.

Afin de réduire les effets de cette discrimination, le législateur a adopté

l'art. 16b LETC :

- lorsque les producteurs suisses constatent une telle discrimination péna-

lisant leurs produits, ils peuvent en informer le SECO;

- le SECO peut proposer de supprimer ou modifier les prescriptions

techniques suisses divergentes;

- le Conseil fédéral peut, dans les cas de rigueur, prévoir une autorisation,

limitée dans le temps, de produire et de vendre sur le marché suisse

selon les normes européennes.

* * * * *

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84

2ème partie

L'EXERCICE DE LA CONCURRENCE

ET LA PROTECTION DU MARCHE

Dans cette deuxième partie, après avoir précisé le champ d’application du droit de la

concurrence (Chapitre 3), il s’agira d’examiner à quelles conditions les entraves à la

concurrence sont illicites (Chapitre 4) et de quelle manière on procède pour appliquer ce

droit (Chapitre 5).

Chapitre 3

LE CHAMP D'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Le droit de la concurrence ne s’applique pas à tous les acteurs économiques et il vise un

but spécifique. C’est pourquoi, il faut délimiter le champ d’application matériel et le

champ d’application personnel et géographique, du droit de la concurrence.

§ 6 LES CHAMPS D'APPLICATION MATERIEL, PERSONNEL ET

GEOGRAPHIQUE

Textes législatifs : art. 2 à 4 LCart.; art. 1 et 2 LCD; art. 1 et 2 Loi fédérale

concernant la surveillance des prix (LSPr) (RS 942.20); art. 101 et 102 TFUE.

Bibliographie : P.-A. KILLIAS, CR Concurrence, Art. 2 et Art. 3; E. CLERC, CR

Concurrence, Art. 4; B. GOLDMAN/A. LYON-CAEN/L. VOGEL, Droit commercial

européen, 5e éd., Paris 1994; Traité de droit européen, Juris-Classeur; B.-A.

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85

GENESTE, Pratiques restrictives de concurrence, Ententes anticoncurrentielles,

Champ d'application, in Juris classeur, Europe, 4, Paris 1996.

255 Le champ d’application de la loi sur les cartels est précisé aux art. 2 à 4 LCart. ; la

loi s’applique :

- aux entreprises (cf. ad 6.3 ci-dessous) ;

- aux entreprises qui, par une entente (6.2.1), une position dominante (6.2.2) ou

une opération de concentration (6.2.3) exercent une influence sur le marché ;

- aux entreprises qui ont des effets en Suisse (6.4).

256 En droit européen, les mêmes critères sont utilisés ; s’y ajoute celui de l’affectation

du commerce entre les Etats membres (6.5).

257 La loi réserve quelques domaines auxquels la loi sur les cartels ne s’applique pas

(6.1).

6.1 ACTIVITES NON SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE

6.1.1 Les règles de la propriété intellectuelle

258 Selon l’art. 3 al. 2 LCart., la loi ne s’applique pas aux effets sur le

concurrence qui découlent exclusivement des lois sur la propriété intellec-

tuelle. En effet, le titulaire d’un brevet se voit reconnaître le droit exclusif

d’exploiter le procédé de fabrication décrit par le brevet ; ce titulaire du

brevet bénéficie ainsi, de par la loi, d’une position dominante. Cette

situation est justifiée par la volonté de protéger les investissements faits

dans la recherche et le développement industriel.

259 Cette exemption est cependant strictement limitée au droit de l’usage

exclusif du brevet, lequel comprend le droit d’accorder une licence.

Cependant le droit exclusif accordé par la loi sur les brevets n’a pas pour

but de permettre au titulaire du brevet de mettre en place un cloisonnement

commercial du marché par des accords qui dépassent le droit d’usage du

brevet. C’est le sens de l’art. 3 al. 2 LCart.

260 La question des effets sur la concurrence découlant exclusivement de la

législation sur la propriété intellectuelle ou plutôt de la manière d'user de

ses droits est liée à la problématique de l'épuisement des droits.

261 Selon le principe de l'épuisement du droit, le titulaire du brevet a "épuisé"

son droit sur l'objet du brevet dès qu'il a mis licitement et volontairement

l'objet sur le marché. A la suite de cette première mise sur le marché, le

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86

titulaire ne peut plus se fonder sur le brevet pour contrôler la "circulation"

de l'objet sur le marché.

262 Les milieux intéressés ont longtemps débattu la question de l'étendue

géographique de l'épuisement :

- s'il n'est que national, le titulaire peut encore s'opposer à l'arrivée sur le

marché d'un objet provenant d'un autre pays (alors même que cet objet

aurait été licitement mis sur le marché par le titulaire lui-même);

- si l'épuisement est international, le titulaire ne peut plus s'opposer à

l'arrivée d'un produit licitement mis sur le marché par lui-même dans un

autre pays;

- on parle d'un épuisement régional lorsque l'effet de l'épuisement s'étend

aux pays d'une organisation régionale telle que l'Union européenne ou

l'Espace économique européen.

263 En Suisse, alors que la législation ne traitait pas de cette question, le

Tribunal avait décidé d'appliquer le principe de l'épuisement international

pour les marques, mais celui de l'épuisement national pour les brevets.

264 En 2008, la loi suisse sur les brevets d'invention a été modifiée sur ce point

(entrée en vigueur le 1er juillet 2009) :

- le principe de l'épuisement régional s'applique dorénavant aussi aux

brevets; ce principe est appliqué unilatéralement, c'est-à-dire sans

convenir du principe de réciprocité) :

"Lorsqu'une marchandise brevetée est mise en circulation en Suisse ou

dans l'Espace économique européen par le titulaire du brevet ou avec

son accord, elle peut être importée et utilisée ou revendue en Suisse à

titre professionnel" (art. 9 a al. 1 LBI)

- exception : le principe de l'épuisement national continue à s'appliquer

pour les biens dont le prix est fixé par l'Etat, notamment les

médicaments :

"Nonobstant les al. 1 à 4, une marchandise brevetée ne peut être mise

en circulation en Suisse qu'avec l'accord du titulaire du brevet lorsque,

en Suisse ou dans le pays de mise en circulation, le prix de cette

marchandise est imposée par l'Etat." (art. 9 a al. 5 LBI)

6.1.2 Marchés de caractère étatique

265 Il est des domaines d’activités économiques pour lesquels l’Etat établit des

règles particulières qui dérogent à la concurrence; c'est le cas par exemple

pour les domaines suivants :

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87

- télécommunications

- secteur laitier

- trafic aérien de ligne

- activité de notaire

266 (Certains secteurs qui échappent à la concurrence restent soumis à la

surveillance des prix, RS 942.20)

267 L’art. 3 al. 1 LCart. précise la notion de « prescriptions qui excluent de la

concurrence certains biens ou services » en indiquant que ce sont celles

qui :

- établissent un régime de marché ou un régime de prix de caractère

étatique; dans une affaire concernant Météosuisse, unité administrative

de l'administration fédérale, le TF a jugé que lorsque l'Etat intervient

souverainement et se fait rétribuer les prestations de services qu'il

fournit sur la base d'un tarif, la LCart ne s'applique pas. Le fait que

l'unité administrative soit gérée par mandat de prestations et enveloppes

budgétaires n'y change rien, tant qu'elle n'est pas autonome du point de

vue organisationnel et demeure dans la hiérarchie administrative (ATF

127 II 32 = JdT 2004 I 131).

- accordent des droits spéciaux à des entreprises chargées de l’exécution

de tâches publiques; par exemple l'instauration d'un monopole de droit

en faveur des Services Industriels genevois pour l'approvisionnement et

la distribution d'électricité (ATF 132 I 282); par la suite, la portée de ce

monopole a été modifiée par l'entrée en vigueur de la LF sur

l'approvisionnement en électricité.

La qualité d'entreprise suppose l'indépendance économique et juridique

(art. 2).

268 Malgré cela, l’application de ces règles soulève bien des difficultés en

pratique.

6.2 ACTIVITES SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE

269 Le droit suisse, comme le droit européen, de la concurrence s’applique aux

entreprises capables d’exercer une influence sur le marché. La notion

« d’entreprise » sera traitée ci-dessous sous point 6.3.

270 L’influence sur le marché peut résulter d’une entente passée entre plusieurs

entreprises (6.2.1), d’une position dominante (6.2.2) ou d’une opération de

concentration (6.2.3).

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88

6.2.1 Les ententes

271 Selon l’art. 4 LCart., les ententes (« accords en matière de concurrence »)

sont :

- les conventions, avec ou sans force obligatoire

- les pratiques concertées.

A. Les conventions

272 Une convention avec force obligatoire passée entre deux entreprises est

un contrat au sens de l’art. 1er CO. La convention peut aussi résulter d’une

décision prise par une association d’entreprises ou de sociétés auxquelles

des entreprises participent en qualité d’associés.

273 La loi distingue les conventions avec force obligatoire et celles sans force

obligatoire, mais sans prévoir des conséquences différentes à ces ententes.

Autrement dit, les deux types de conventions sont soumis à la loi. (Une

convention sans force contraignante n’est pas un contrat ; une partie à la

convention ne peut pas exiger une réparation à l’égard d’une autre partie

qui ne respecterait pas la convention). Les conventions sans force

obligatoire sont parfois appelées « gentlemen’s agreement » ou

« Frühstückskartell ». Etant donné que ces conventions sont souvent

informelles, elles sont difficiles à prouver.

B. Les pratiques concertées

274 Les pratiques concertées ne résultent pas non plus d’un accord formel

entre les entreprises. Ces pratiques donnent lieu à une adaptation

simultanée du comportement des entreprises qui ont précédemment

échangé des informations : annonce d’une augmentation ou d’une baisse de

prix, adoption d’un nouveau standard, recommandations données aux

distributeurs.

275 La pratique concertée doit être distinguée du comportement parallèle qui

ne tombe pas dans le champ d’application de la loi.

276 Qu’en est-il des recommandations adoptées par une association

professionnelle ? Peut-on considérer qu’elles n’entrent pas dans le champ

d’application de la loi alors que celle-ci ne les mentionne pas ? Selon le

principe de base, la loi s’applique à tout comportement qui a pour objet ou

pour effet de restreindre la concurrence. En conséquence, dans la mesure

où les membres de l’association suivent effectivement les recom-

mandations et que celles-ci peuvent avoir pour effet de restreindre la

concurrence, ces recommandations entrent dans le champ d’application de

la loi.

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89

6.2.2. Les positions dominantes

277 La puissance sur le marché n’est pas illicite aussi longtemps qu’elle résulte

de pratiques orientées sur la performance et que la concurrence est capable

de l’entamer. La loi ne s’applique que si une entreprise domine le marché.

278 Selon la loi suisse, une position dominante est acquise lorsque l’entreprise

concernée peut se comporter de manière essentiellement indépendante

par rapport aux autres participants au marché (art. 4 al. 2). L’existence

d’une position dominante dépendra :

- de la structure du marché ;

- du nombre et de la qualité des concurrents potentiels ;

- des barrières d’entrée sur le marché.

279 Selon l’art. 4 al. 2 LCart., la position dominante peut être détenue par une

ou plusieurs entreprises. On parle alors d’une position dominante

collective (duopole ou oligopole).

Un groupe de sociétés – société holding et filiales – ne constitue pas une position dominante

collective car les filiales ne jouissent pas d’une autonomie suffisante pour déterminer leurs

modes d’actions sur le marché.

A noter aussi que l’oligopole peut – selon les circonstances du marché – présenter une

structure de marché où la concurrence fonctionne de manière particulièrement efficace (chaque

acteur réagit rapidement aux actions de ses rivaux) ou présenter le risque de pratiques

parallèles ou concertées.

6.2.3. Les concentrations d’entreprises

A. Principe

280 Une position dominante peut résulter d’une opération de concentration.

Celle-ci résultant d’un accord entre deux ou plusieurs entreprises pourrait

aussi tomber dans le champ d’application de l’art. 5 LCart. Toutefois, la

procédure d’examen des ententes selon cette disposition n’est pas idéale

pour les entreprises qui souhaitent savoir le plus rapidement possible si

l’opération de concentration projetée peut être réalisée. C’est pourquoi, les

autorités de la concurrence (aussi bien européennes que suisses) ont mis en

place des procédures de contrôle des concentrations.

281 Selon ces règlements, les entreprises concernées ont l’obligation

d’annoncer l’opération de concentration (cf. § 9.2.1) ; elles ne peuvent se

contenter d’attendre que l’autorité administrative ouvre une enquête

comme c’est le cas pour la violation présumée de l’art. 5 LCart. Au vu de

cette obligation, il importe de

- définir ce qu’est une opération de concentration ;

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90

- déterminer un « seuil d’intervention » (taille de l’opération).

B. Notion

282 Le contrôle s’applique à :

- la fusion de deux ou plusieurs entreprises ;

- toute opération de prise de contrôle direct ou indirect, pour autant que

les entreprises concernées soient d’une certaine importance sur le

marché suisse.

C. Seuils d’intervention

a) Droit suisse

283 Selon l’art. 9 LCart., les entreprises concernées sont d’une importance

suffisante pour justifier l’exigence de notification à la Comco de

l’opération de fusion lorsque :

- ces entreprises ont réalisé ensemble – en Suisse et à l’étranger – un

chiffre d’affaires minimum de 2 milliards de francs ou un chiffre

d’affaires en Suisse d’au moins 500 millions de francs (art. 9 al. 1 let.

a LCart.) ;

- au moins deux des entreprises concernées ont réalisé

individuellement en Suisse un chiffre d’affaires minimum de 100

millions de francs.

284 Pour les sociétés d’assurances, au lieu du chiffre d’affaires, c’est le

montant total des primes brutes annuelles qui est pris en compte.

285 Pour les banques soumises à la loi fédérale sur les banques et les caisses

d’épargne, c’est le 10 % de la somme du bilan qui est retenu comme

critère.

286 Nonobstant ces critères, la notification à la Comco est obligatoire

lorsqu’il a été établi d’une autre manière qu’une des entreprises occupe

une position dominante en Suisse et que la concentration concerne ce

marché.

b) Droit européen

287 1) La concentration est réputée de dimension communautaire

lorsque :

- le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par

l’ensemble des entreprises concernées est supérieur à 5 milliards

d’euros, et

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- le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union

européenne par au moins deux des entreprises concernées est

supérieur à 250 millions d’euros,

288 2) à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus de

deux tiers de son chiffre d’affaires dans l’Union européenne à

l’intérieur d’un seul et même Etat membre.

289 3) La concentration qui n’atteint pas les seuils sus-indiqués reste de

dimension communautaire lorsque :

- le chiffre d’affaires réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des

entreprises concernées est supérieur à 2,5 milliards d’euros ;

- dans chacun d’au moins trois Etats membres, le chiffre

d’affaires réalisé par toutes les entreprises concernées est

supérieur à 100 millions d’euros ;

- dans chacun d’au moins trois Etats membres - selon point 2 - le

chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins

deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions

d’euros, et

- le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union

européenne par au moins deux des entreprises concernées

représente un montant supérieur à 100 millions d’euros.

6.3 LES ENTREPRISES CONCERNEES PAR LE DROIT DE LA

CONCURRENCE

6.3.1 La notion d’entreprise

290 Le droit suisse et le droit européen s'appliquent aux entreprises.

Cependant, ni la loi suisse, ni le Traité de l'UE ne définissent cette notion.

291 Selon le message du Conseil fédéral (lors du projet de modification de la

LCart en 1995), une "entreprise", c'est "tout acteur qui produit des biens et

des services et participe ainsi de manière indépendante au processus

économique, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande".

292 La loi ne s'applique donc pas aux consommateurs, ni aux rapports entre

les travailleurs et l'entreprise (qui sont souvent réglés par des conventions

collectives).

293 L'art. 101 TFUE utilise également l'expression "entreprise", définie de

manière extensive par les autorités communautaires.

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92

294 Certaines entreprises sont écartées en raison de l'objet de leurs activités : 295

- produits agricoles

- transports (certains types de transports maritimes internationaux; les

services de transports maritimes assurés exclusivement entre des ports

situés dans un même Etat membre; les transports aériens entre les

aéroports de la Communauté et des pays tiers).

6.3.2 Entreprises exerçant une influence sur le marché

296 Les entreprises sont soumises au droit de la concurrence pour autant

qu'elles exercent une certaine influence sur le marché :

A. Droit suisse

297 L'art. 5 LCart. vise les comportements des entreprises qui affectent la

concurrence de manière notable.

298 La Comco a publié une communication sur les accords entre PME

(communication relative aux accords ayant pour but d'améliorer la

compétitivité et dont l'impact sur le marché est restreint). Selon cette

communication, les accords en matière de concurrence ayant pour but

l'amélioration de la compétitivité sont en principe admissibles lorsque :

- les parts de marché cumulées des entreprises parties à un accord

horizontal ne dépassent pas 10 % de chacun des marchés de référence

concernés par l'accord;

- les parts de marché détenues par chacune des entreprises parties à un

accord vertical sur les marchés concernés par l'accord ne dépassent pas

15 %.

299 De même, la Comco considère comme n'affectant pas la concurrence de

manière notable les accords entre petites entreprises (moins de 10

collaborateurs et chiffre d'affaires annuel ne dépassant pas CHF 2 mio).

300 Toutefois, ces règles ne s'appliquent pas si des accords horizontaux

concernent :

- la fixation directe ou indirecte des prix

- des restrictions quantitatives

- une répartition des marchés

301 ou si des accords verticaux ont pour objet :

- un prix de vente minimum

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93

- une protection territoriale absolue

B. Droit européen

302 En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées

"susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres".

303 La Commission européenne a publié une Communication définissant les

accords dont il peut être présumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter

le commerce entre les Etats membres" (art. 101 al. 1 TFUE). C'est le cas

lorsque les produits ou services objets de l'accord ne représentent pas plus

de 5 % de l'ensemble des produits et services sur le territoire européen où

l'accord produit ses effets et le chiffre d'affaires total des entreprises à

l'accord ne dépasse pas 200 millions d'euros.

6.3.3 Entreprises de droit public ou de droit privé

304 En principe, toute restriction de la concurrence doit être évitée. Peu

importe que la restriction soit le fait d'une entreprise de droit privé ou

organisée selon le droit public :

- "Est soumise à la présente loi toute entreprise engagée dans le

processus économique qui offre ou qui acquiert des biens ou des

services, indépendamment de son organisation ou de sa forme

juridique." (art. 2 al. 1 bis LCart.)

- "Une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et

immatériels, rattachés à un sujet juridiquement autonome et

poursuivant d'une façon durable un but économique déterminé." (CJCE

13.7.1962, Mannesman AG, aff. 19/61 Rec. p. 677).

6.4. LE TERRITOIRE CONCERNE

6.4.1 Délimitation du territoire

305 Le droit de la concurrence s’applique aux entreprises dont le siège est situé

dans le territoire de l’ordre juridique concerné (suisse ou européen).

306 Selon les art. 52 TUE et 355 TFUE, le droit européen s’applique sur tout le

territoire des Etats membres de l’Union, lors même que certaines parties de

ce territoire se trouveraient en dehors du continent européen, par exemple :

- les départements français d’Outre-Mer (la Guyane, la Guadeloupe, la

Martinique, la Réunion),

25/10/2011

94

- les Açores, Madère, les Iles Canaries (Portugal).

307 Les règles du droit européen de la concurrence s’appliquent également

dans les Etats membres de l’Espace économique européen (Islande,

Norvège, Liechtenstein), en application du Traité signé entre ces pays et

l’Union européenne.

308 Le droit européen de la concurrence est-il applicable en Suisse ?

309 La Suisse a signé avec l’Union européenne un Accord de libre échange, en

1972, dont l’art. 23 a la teneur suivante :

1. Sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l’accord, dans la

mesure où ils sont susceptibles d’affecter les échanges entre la

Communauté et la Suisse:

i) tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations

d’entreprises et toutes pratiques concertées entre entreprises qui

ont pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le

jeu de la concurrence en ce qui concerne la production et les

échanges de marchandises;

ii) l’exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d’une

position dominante sur l’ensemble des territoires des Parties

contractantes ou dans une partie substantielle de celui-ci;

iii) toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la

concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines

productions.

2. Si une Partie contractante estime qu’une pratique donnée est

incompatible avec le présent article, elle peut prendre les mesures

appropriées dans les conditions et selon les procédures prévues à

l’article 27.

6.4.2 Application « extra-territoriale » ?

310 Le droit de la concurrence s’applique-t-il également à des entreprises dont

le siège est à l’extérieur des frontières de l’ordre juridique concerné mais

dont les effets sont ressentis à l’intérieur dudit ordre juridique ? La

question se pose de la même manière pour les ententes, pour les positions

dominantes et pour les opérations de concentrations d’entreprises.

311 Les autorités suisses et européennes ne s’en tiennent pas au critère du

siège. L’élément déterminant est celui du lieu où est ressenti l’effet anti-

concurrentiel voulu par les entreprises. Si un état de fait (entente, par

exemple) est réalisé à l’étranger mais produit des effets en Suisse, la loi

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95

suisse sur les cartels s’applique (art. 2 al. 2 LCart.). Les autorités

européennes suivent le même principe.

312 On parle alors parfois d’application extra-territoriale du droit de la

concurrence. En fait, le droit s’applique aux effets ressentis à l’intérieur du

territoire concerné. Cependant, l’expression « d’application extra-

territoriale » souligne la problématique de l’exécution des décisions, voire

des sanctions, prises à l’encontre d’une entité juridique installée en dehors

du territoire concerné. La réponse viendra le plus souvent de la décision de

l’entreprise extérieure de reconnaître la compétence de l’autorité

administrative concernée dans le but de pouvoir poursuivre des activités

commerciales dans le territoire concerné.

6.5. DROIT EUROPEEN : AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE

LES ETATS MEMBRES

313 En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées

« susceptibles d’affecter le commerce entre les Etats membres ».

314 Le commerce entre les Etats membres peut être affecté par des ententes

entre entreprises exerçant leurs activités dans différents Etats membres.

315 Il peut aussi l’être par des ententes entre une entreprise de l’Union

européenne et une entreprise exerçant son activité à l’extérieur de l’Union

européenne. Une entente entre entreprises d’un même Etat membre de

l’Union peut aussi affecter le commerce interétatique.

316 Le critère est appliqué d’une manière pragmatique : ce n’est pas l’intention

qui compte mais l’effet, actuel ou potentiel ; une affectation vraisemblable

suffit. Par contre, la conséquence de la pratique anti-concurrentielle –

actuelle ou potentielle – ne doit pas être insignifiante ou négligeable ;

l’effet doit être « sensible ».

317 Afin de faciliter l’application de ce critère, la Commission européenne a

publié une Communication définissant les accords dont il peut être

présumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter le commerce entre les

Etats membres" (art. 101 par. 1 TFUE). Selon cette communication, le

commerce interétatique n’est pas affecté lorsque les produits ou services

objets de l'accord ne représentent pas plus de 5 % de l'ensemble des

produits et services sur le territoire européen où l'accord produit ses effets

et le chiffre d'affaires total des entreprises à l'accord ne dépasse pas 200

millions d'euros.

* * * * *

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96

Chapitre 4

LES ENTRAVES A LA CONCURRENCE

Le champ d'application du droit de la concurrence ayant été fixé, il s'agit

maintenant de déterminer si une entente entre entreprises constitue une entrave

illicite à la concurrence ou si elle est admissible (§ 7). La même appréciation doit

être faite au sujet des positions dominantes (§ 8) et des opérations de

concentrations (§ 9).

§ 7 LES ENTENTES

Textes législatifs : art. 5 à 9 LCart., communications Comco; art. 101 et 102

TFUE, Règlements et Communications Commission.

Bibliographie : Commentaire romand Concurrence, PH. GUGLER / PH.

ZURKINDEN, art. 5 LCart.; J.-M. REYMOND, art. 6 LCart.; E. CLERC, art. 7 LCart;

O. PIAGET, La justification des ententes cartellaires dans l'Union européenne et en

Suisse, thèse Lausanne, Bâle 2001; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du

marché, Paris 2002. I. CHABLOZ, L'autorisation exceptionnelle en droit de la

concurrence, thèse Fribourg 2002.

7.1 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT SUISSE

7.1.1 Remarques introductives

318 Au cours des quinze dernières années, la législation suisse est devenue

beaucoup plus restrictive au sujet des ententes cartellaires :

- lors de la révision de la loi intervenue en 1995, la notion de

"concurrence efficace" a été adoptée comme principe directeur de la

politique de la concurrence; de plus les cartels "rigides" (accords sur les

prix, les quantités ou les marchés) sont depuis lors présumés illicites;

- lors de la révision de 2004, la possibilité a été donnée à la Commission

d'infliger une sanction dès qu'elle constate la violation de la loi (alors

25/10/2011

97

que précédemment une sanction ne pouvait intervenir que si les

entreprises participant à l'entente visée ne respectaient pas la décision de

la Comco);

- en septembre 2011, un projet de renforcement de la loi sur les cartels a

été mis en consultation; ce projet a pour but de déclarer illicites les

accords sur les prix, les quantités ou les marchés et de renverser le

fardeau de la preuve en ce qui concerne les faits justificatifs de l'entrave.

319 La Comco a également commencé à faire usage de la possibilité que lui

accorde l'art. 6 LCart de publier des communications précisant les

conditions d'application de la loi (cf. la Communication concernant

l'appréciation des accords verticaux, la Communication concernant les

accords verticaux dans le domaine de la distribution automobile).

Les restrictions illicites à la concurrence peuvent résulter soit d'ententes

(7.1.2 ci-dessous), soit d'abus de position dominante (§ 8 ci-dessous).

7.1.2 Les restrictions dues à des ententes

320 Les différentes formes d'ententes visées ont été définies à l'art. 4 LCart. et

examinées au paragraphe 6.1.1 ci-dessus. C'est à l'art. 5 LCart. que le

législateur a fixé les critères de l'illicéité d'une entente. Ce texte s'est

considérablement inspiré des principes reconnus en droit européen de la

concurrence et en droit américain, selon lesquels certains types d'accord

sont en soi ("per se") illicites :

321 Art. 5 (Accords illicites) :

1 Les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens

ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d’efficacité économique, ainsi que tous

ceux qui conduisent à la suppression d’une concurrence efficace sont illicites.

2 Un accord est réputé justifié par des motifs d’efficacité économique :

a) lorsqu’il est nécessaire pour réduire les coûts de production ou de distribution, pour

améliorer des produits ou des procédés de fabrication, pour promouvoir la recherche ou

la diffusion de connaissances techniques ou professionnelles, ou pour exploiter plus

rationnellement des ressources ; et

b) lorsque cet accord ne permettra en aucune façon aux entreprises concernées de supprimer

une concurrence efficace.

3 Sont présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace dans la mesure où ils

réunissent des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes, les accords :

a) qui fixent directement ou indirectement des prix ;

b) qui restreignent des quantités de biens ou de services à produire, à acheter ou à fournir ;

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98

c) qui opèrent une répartition géographique des marchés ou une répartition en fonction des

partenaires commerciaux.

4 Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace les accords

passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix de

vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des

territoires, lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclues.

A. Principes

322 Le principe de l'art. 5 LCart. peut se résumer ainsi. Sont déclarés illicites :

- les accords qui conduisent à la suppression de la concurrence (lettre B,

ci-dessous);

- les accords qui affectent de manière notable la concurrence sans

pouvoir être justifiés par des motifs d'efficacité économique (lettre C,

ci-dessous);

323 Certains types d'accords sont présumés entraîner la suppression de la

concurrence. La présomption ne pourra être levée que si les entreprises

concernées peuvent établir que la concurrence reste efficace malgré

l'existence de l'accord. Dans cette hypothèse, le cartel n'est pas encore

licite; ce qui est réfuté, c'est uniquement la présomption de la suppression

de la concurrence (qui entraîne automatiquement l'illiciété). Il faudra

encore, dans ce cas, examiner si la concurrence est notablement entravée; si

c'est le cas, l'accord ne sera licite que s'il est justifié par des motifs

d'efficacité économique.

B. La suppression de la concurrence efficace

324 Sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace (et

donc illicites) :

- Les accords sur les prix : c'est l'effet qui est déterminant; peu importe

que l'accord s'applique à la fixation directe ou indirecte (par exemple

rabais) du prix;

- Les accords portant sur les quantités de biens ou de services à

produire, à acheter ou à fournir;

- Les accords de répartition géographique des marchés ou de répartition

en fonction des partenaires commerciaux; cette présomption ne

s'applique qu'aux accords horizontaux, c'est-à-dire entre concurrents,

mais non pas aux accords verticaux (accords de distribution).

325 Les ententes illicites combinent souvent plusieurs de ces types d'accords.

25/10/2011

99

326 Ainsi, la Comco a sanctionné plusieurs entreprises d'installations

électriques de la région de Berne qui avaient conclu des accords de prix et

de répartition de la clientèle (décision du 6.7.2009). Entre 2006 et 2008, les

entreprises concernées se sont réparties des projets de façon alternée. Elles

s'échangeaient des informations sur les prix et présentaient des offres

concertées.

- Certains accords verticaux, soit ceux par lesquels des entreprises

occupant différents échelons du marché imposent un prix de vente

minimum ou fixe, ou attribuent des territoires, lorsque les ventes par

d'autres fournisseurs agréés sont exclues (cf. ci-dessous § 7.3.2).

C. L'entrave notable à la concurrence

a) Le caractère notable de l'entrave

327 L'entrave notable à la concurrence est illicite à moins qu'elle ne soit

justifiée par des motifs d'efficacité économique.

328 L'application de l'art. 5 al. 2 LCart. pose deux questions : quand est-ce

qu'une entrave est notable ? Quels motifs peuvent la justifier ?

329 Le critère d'entrave notable à la concurrence a été précisé par les

autorités d'application, en utilisant deux critères :

- Critère qualitatif : l'accord visé porte-t-il sur un paramètre central

de la concurrence ? Ce sera toujours le cas, si l'accord porte sur les

prix, les quantités ou les marchés. Quant aux autres paramètres de la

concurrence (recherche et développement, publicité), leur importance

variera selon le marché concerné (différences entre le marché d’un

produit pharmaceutique ou celui d'un service).

- Critère quantitatif : afin d'appliquer ce critère, il faut déterminer

quel est le marché concerné, quelle est la concurrence potentielle et

quelle place occupent sur ce marché les entreprises concernées.

(Rappelons que la Suisse ne connaît pas le critère de l'affectation du

marché communautaire et que la Comco a adopté une Communi-

cation sur les PME).

b) Faits justificatifs

330 Si, au vu de ces deux critères, l'entrave ne peut être qualifiée de notable,

l'art. 5 n'est pas violé. S'il est constaté que l'entrave est notable, il

convient alors d'examiner si elle peut être justifiée par un motif

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100

d'efficacité économique; ce pourra être le cas, selon l'art. 5 al. 2 LCart.

lorsque l'accord est nécessaire :

- pour réduire les coûts de production ou de distribution;

- pour améliorer des produits ou des procédés de fabrication;

- pour promouvoir la recherche ou la diffusion de connaissances

techniques ou professionnelles;

- pour exploiter plus rationnellement des ressources.

331 La loi ajoute cependant une condition négative : la justification n'est pas

admissible si l'accord a pour effet de supprimer une concurrence

efficace.

c) Règles d'application

332 Afin de faciliter la compréhension et l'application de l'art. 5 LCart, le

législateur a prévu à l'art. 6 que le Conseil fédéral pourra édicter des

ordonnances et la Commission de la concurrence des communications.

A ce jour, aucune ordonnance n'a été adoptée par le Conseil fédéral. Par

contre, la Comco a publié deux Communications concernant les accords

verticaux :

- une Communication du 28.6.10 concernant l'appréciation des accords

verticaux;

- une Communication du 21.10.02 concernant les accords verticaux

dans le domaine de la distribution automobile, complétée par une

Note explicative réunissant les réponses données par la Comco aux

questions les plus fréquentes, en tenant compte des développements

observés au niveau européen dans l'application du règlement n°

1400/2002.

333 De plus, la Comco publie une Communication PME relative aux

accords ayant un impact restreint sur le marché (cf. 6.3.2.A ci-dessus).

7.1.3 La clause échappatoire des intérêts publics prépondérants

334 Lorsque des accords en matière de concurrence ou des pratiques

d'entreprises ayant une position dominante ont été déclarés illicites, les

entreprises concernées peuvent demander au Conseil fédéral d'autoriser, à

titre exceptionnel, ces pratiques ou ces accords s'ils sont nécessaires à la

sauvegarde d'intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).

25/10/2011

101

335 Il ne s'agit pas à proprement parler de recours. Les procédures de recours

proprement dites sont prévues aussi bien en procédure civile, lorsque les

tribunaux déclarent une entrave à la concurrence illicite, qu'en procédure

administrative (cf. ci-dessous § 10 et 11). La requête au Conseil fédéral

peut être déposée à n'importe quel stade de la procédure, même après l'arrêt

du Tribunal fédéral.

336 Il faut voir dans cette disposition une autorisation exceptionnelle qui

permet de tempérer l'application des nouveaux principes d'illicéité si

vraiment des intérêts publics prépondérants sont donnés et que l'accord ou

la pratique « illicite » est nécessaire pour la sauvegarde de ces intérêts.

337 A ce jour (2009), cette disposition n’a été examinée qu’une seule fois : le

Conseil fédéral a refusé de reconnaître un intérêt public prépondérant à la

fixation du prix des livres (décision du 2 mai 2007; aux Chambres

fédérales, une loi fédérale sur la réglementation du prix du livre a été

adoptée; mais un référendum a été demandé; le vote du peuple n'a pas

encore eu lieu.

7.2 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT EUROPEEN

7.2.1 Remarque introductive

338 Alors que le droit suisse a péniblement évolué à travers plusieurs réformes

légales (1985, 1995, 2004), l'Union européenne a, dès l'adoption du Traité

de Rome en 1957, mis l'accent sur le rôle de la concurrence (et du marché

intérieur dès 1992). De plus, la Cour de justice a rapidement pris le relais

dans sa jurisprudence.

339 Suite à l'ouverture de l'Europe à 27 membres, de nouvelles règles de

procédure ont été adoptées afin de permettre une application plus efficace

du droit de la concurrence (cf. § 10 ci-dessous).

7.2.2 Principes

340 Concernant les ententes entre entreprises, le principe fondamental est

énoncé à l'art. 101 TFUE en deux paragraphes :

- les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de

restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont interdits.

- les accords qui tombent sous le coup de l'interdiction de l'art. 101 al. 1

sont nuls de plein droit.

341 Les conditions à remplir pour échapper à l'interdiction sont données à

l'art. 101 par. 3 TFUE.

25/10/2011

102

7.2.3 Les éléments constitutifs de l'interdiction

342 Selon l'art. 101 par. 1 TFUE, "sont incompatibles avec le marché commun

et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations

d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter

le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet

d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à

l'intérieur du marché commun".

343 L'entente est donc interdite lorsque les éléments suivants sont réunis :

A. Un concours de volontés ou une décision

344 Il existe un concours de volontés qui s'exprime :

- soit dans des accords (avec ou sans force obligatoire);

- soit par des décisions d'associations (décision prise par l'organe

compétent d'un groupe professionnel);

- soit par une pratique concertée; un parallélisme de comportement ne

suffit pas; il faut une concertation, c'est-à-dire au moins un échange

d'informations ou un contact qui affecte l'autonomie de décision des

entreprises.

B. Un but ou un résultat

345 La condition est satisfaite si les parties à l’entente ont eu pour but

d’empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence. Elle l’est aussi

si le résultat du comportement des parties en cause est une entrave, une

distorsion ou une restriction de la concurrence (même si ce résultat n’a pas

été expressément voulu) : « qui ont pour objet ou pour effet » :

346 L'art. 101 TFUE donne au par. 1er une liste exemplative de pratiques qui

portent atteinte à la concurrence :

- la fixation des prix ou des conditions de transaction;

- la limitation du développement technique, commercial ou financier;

- la répartition des marchés ou sources d'approvisionnement;

- la discrimination entre les partenaires commerciaux;

- les ventes (ou prestations de services) "couplées".

C. Un lien de causalité

25/10/2011

103

347 Le comportement visé ne pourra être illicite que si un lien existe entre la

pratique et l'atteinte à la concurrence. Si le lien est établi, l'entente est

illicite lorsque l'accord a pour but de porter atteinte à la concurrence (peu

importe que le résultat ait été effectivement atteint). Réciproquement,

l'entente est illicite si le résultat (atteinte) est obtenu sans même que les

parties l'aient recherché.

7.2.4 La sanction

348 La sanction de cette incompatibilité est donnée par le par. 2 de l'art. 101

TFUE : "Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont

nuls de plein droit."

349 Cela signifie que les accords ou la décision n'ont pu produire aucun effet

valable dès leur adoption. De plus, la décision de constatation de la nullité

est généralement accompagnée d'une sanction pécuniaire importante (cf.

§ 10).

7.2.5 Les dérogations possibles

A. Le principe

350 Selon l'art. 101 par. 3 TFUE, le premier alinéa (principe d'interdiction)

n'est pas applicable si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

- l'entente contribue à améliorer la production ou la distribution des

produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique;

- l'entente réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en

résulte;

- l'entente n'impose pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne

sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

- l'entente n'élimine pas la concurrence, pour une partie substantielle des

produits en cause.

B. Le régime applicable

351 La réglementation du régime des exemptions a été profondément modifiée

en 2004. Alors que, jusque là, les entreprises avaient l'obligation de notifier

les accords tombant sous le coup de l'art. 101 TFUE, cette exigence a été

supprimée par le Règlement (CE) 1/2003.

25/10/2011

104

352 Dorénavant, dans toutes les procédures d'application de l'art. 101 TFUE,

que ce soit dans une procédure communautaire ou dans une procédure

engagée dans un Etat membre :

- la charge de la preuve d'une violation de l'art. 101 par. 1 TFUE incombe

à la partie ou à l'autorité qui l'allègue;

- il appartient à l'entreprise ou l'association d'entreprises qui invoque le

bénéfice de l'art. 101 par. 3 TFUE d'apporter la preuve que les

conditions de ce paragraphe sont réunies.

C. Règles d’application

353 Afin d'accroître la sécurité juridique et de favoriser la bonne marche des

affaires, la Commission a adopté ou publié des règlements, des communi-

cations et des lignes directrices :

354 Le Règlement 2790/1999, relatif aux accords verticaux pour l'achat ou la

vente de biens ou de services (cf. 7.3.2. A. ci-dessous) présume la licéité

des accords verticaux pour autant que les parties à l'entente n'occupent pas

ensemble une part de marché supérieure à 30 % :

- si le seuil n'est pas atteint, l'autorité d'application peut néanmoins tenter

de démontrer que l'entente viole l'art. 101 par. 1 TFUE;

- si le seuil est atteint, les parties visées peuvent tenter de démontrer que

l'entente ne viole pas l'art. 101 par. 1 ou satisfait les conditions de

l'art. 101 par. 3 TFUE.

355 De plus, la Commission a adopté des règlements pour certains types de

contrats particuliers :

- Règlement n° 1475/95 concernant les accords de distribution et de

services de vente et d'après-vente de véhicules automobiles;

- Règlement n° 4087/88 concernant les accords de franchise;

- Règlement n° 240/96 concernant les accords de transfert de technologie.

356 Voici, à titre d'exemple, ce que disent les Lignes directrices concernant

l'application de l'art. 101 al. 3 TFUE :

« 1. L'article 81, paragraphe 3 [aujourd’hui art. 101 par. 3 TFUE], du traité

prévoit une dérogation aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du

traité. Les accords, décisions d'associations d'entreprises et pratiques

concertées(1) qui sont visés par l'article 81, paragraphe 1, mais

25/10/2011

105

remplissent les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont valides et

applicables sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet.

2.

L'article 81, paragraphe 3, s'applique à des accords individuels ou, au

moyen de règlements d'exemption par catégorie, à des catégories

d'accords et de pratiques concertées. Le règlement no 1/2003 relatif à la

mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82

du traité (2) n'affecte pas la validité et la nature juridique des règlements

d'exemption par catégorie. Tous les règlements d'exemption actuels

restent en vigueur et les accords couverts par des règlements d'exemption

par catégorie sont juridiquement valides et applicables, même s'ils

restreignent la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe (3). Ces

accords ne peuvent être interdits que pour l'avenir et seulement après

abrogation officielle de l'exemption par catégorie par la Commission ou

une autorité nationale de la concurrence (4). Les accords exemptés par

catégorie ne peuvent être invalidés par les juridictions nationales dans le

cadre d'une procédure contentieuse privée.

4. Les présentes lignes directrices exposent l'interprétation que la

Commission donne aux conditions de l'exception contenue à l'article 81,

paragraphe 3. Elles fournissent ainsi des orientations sur la manière

dont elle appliquera cette disposition dans des cas individuels. Bien que

ces

lignes directrices ne soient pas contraignantes pour les juridictions et les

autorités des États membres, elles ont aussi pour objet de leur fournir des

orientations pour l'application de l'article 81, paragraphes 1 et 3, du

traité.

5. Ces lignes directrices définissent un cadre analytique pour

l'application de l'article 81, paragraphe 3. L'objectif est de permettre

l'élaboration d'une méthodologie pour l'application de cette disposition.

Cette méthodologie est fondée sur l'approche économique qui a été

introduite et développée dans les lignes directrices sur les restrictions

verticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accords

de transfert de technologie. La Commission appliquera également les

présentes lignes directrices, qui donnent une orientation plus détaillée

sur l'application des quatre conditions de l'article 81, paragraphe 3, que

celle contenue dans les lignes directrices sur les restrictions verticales,

sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfert

de technologie, aux

accords couverts par ces dernières lignes directrices.

6. Les principes énoncés dans les présentes lignes directrices doivent être

appliqués à la lumière des circonstances de l'espèce, ce qui exclut toute

25/10/2011

106

application mécanique. Il convient d'apprécier chaque affaire au regard

des faits qui la caractérisent et d'appliquer les lignes directrices avec bon

sens et souplesse.

11. L'appréciation au regard de l'article 81 s'effectue donc en deux étapes.

La première consiste à déterminer si un accord entre entreprises, qui est

susceptible d'affecter le commerce entre États membres, a un objet

anticoncurrentiel ou des effets anticoncurrentiels réels ou potentiels (9).

La seconde étape, qui n'a lieu d'être que s'il est avéré qu'un accord

restreint le jeu de la concurrence, consiste à déterminer les effets

proconcurrentiels produits par cet accord et à voir si ces effets

proconcurrentiels l'emportent sur les effets anticoncurrentiels. La mise

en

balance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentiels

s'effectue exclusivement dans le cadre établi par l'article 81, paragraphe

3 (10).

15. Le type de coordination de comportements ou de collusion entre

entreprises visé par l'article 81, paragraphe 1, consiste dans la situation

où au moins une entreprise s'engage envers une autre entreprise à

adopter un certain comportement sur le marché ou que, par suite de

contacts entre elles, l'incertitude entourant leur comportement sur le

marché soit éliminée ou du moins substantiellement réduite (15). Il

s'ensuit que la coordination peut revêtir la forme d'obligations régissant

le comportement sur le marché d'au moins une des parties ainsi que

d'accords influant sur le comportement sur le marché d'au moins une des

parties en modifiant ses incitations. Il n'est pas indispensable que la

coordination soit de l'intérêt de toutes les entreprises en cause (16). De

même, elle ne doit pas forcément être explicite. Elle peut également être

tacite. Pour qu'un accord puisse être réputé conclu au moyen d'un

acquiescement tacite, il est nécessaire qu'une entreprise invite une autre

entreprise, que ce soit de façon expresse ou implicite, à la réalisation

commune d'un but (17). Dans certaines circonstances, un accord peut se

déduire de relations commerciales durables entre les parties et être

imputable à ces relations (18). Toutefois, le seul fait qu'une mesure

adoptée par une entreprise s'inscrive dans le cadre de relations

commerciales continues ne saurait être suffisant (19).

17. Pour apprécier si un accord doit être considéré comme altérant le jeu

de la concurrence, il convient d'examiner le jeu de la concurrence dans

25/10/2011

107

le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux (20). Lors

de cette appréciation, il est nécessaire de tenir compte de l'incidence

éventuelle de l'accord sur la concurrence intermarques (c'est-à-dire la

concurrence entre fournisseurs de marques concurrentes) et sur la

concurrence intramarque (c'est-à-dire la concurrence entre distributeurs

d'une même marque). L'article 81, paragraphe 1, interdit les restrictions

tant de la concurrence intermarques que de la concurrence intramarque

(21).

25. Des effets défavorables sur la concurrence sont susceptibles de se

produire sur le marché en cause quand les parties, individuellement ou

conjointement, possèdent ou obtiennent un certain pouvoir de marché et

que l'accord contribue à la création, au maintien ou au renforcement de

ce pouvoir ou permet aux parties de pratiquer pendant une durée

significative des prix supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de la

concurrence ou de maintenir pendant une durée significative la

production en termes de quantité, qualité et diversité des produits ou en

termes d'innovation à un niveau inférieur à celui qui résulterait du jeu de

la concurrence. Sur les marchés où les coûts fixes sont élevés, les

entreprises doivent fixer leurs prix sensiblement au-dessus de leurs coûts

de production marginaux, afin d'avoir un bon retour sur investissement.

Le fait que des entreprises fixent leurs prix au-dessus de coûts marginaux

n'indique donc pas, en soi, que la concurrence ne fonctionne pas bien sur

le marché et que les entreprises possèdent une puissance de marché qui

leur permet de fixer leurs prix à des niveaux qui ne sont pas

concurrentiels. C'est lorsque les pressions concurrentielles ne sont pas

suffisantes pour maintenir les prix de la production à des niveaux

concurrentiels que des entreprises possèdent une puissance de marché au

sens de l'article 81, paragraphe 1.

59. Les catégories de gains d'efficacité énoncées à l'article 81,

paragraphe 3, sont assez larges pour couvrir tous les gains d'efficacité

économiques objectifs. Étant donné qu'il existe un chevauchement

considérable entre les différentes catégories mentionnées à l'article 81,

paragraphe 3, et qu'un même accord peut générer plusieurs types de

gains d'efficacité, il n'est pas indiqué d'établir des distinctions claires et

nettes entre ces catégories. Aux fins des présentes lignes directrices, une

distinction est établie entre les gains d'efficacité réalisés sur les coûts et

les gains d'efficacité de nature qualitative, qui créent de la valeur sous

forme de produits nouveaux ou meilleurs, d'une plus grande variété de

produits, etc.

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108

60. En général, les gains d'efficacité sont le fruit d'une intégration

d'activités économiques par laquelle des entreprises conjuguent leurs

actifs afin de réaliser ce qu'elles ne pourraient réaliser aussi

efficacement chacune de son côté ou par laquelle elles confient à une

autre entreprise

des tâches pour lesquelles celle-ci est plus performante.

61. Le processus qui va de la recherche et développement à la distribution

en passant par la production peut être assimilé à une chaîne de valeur

pouvant être divisée en plusieurs étapes: à chaque étape de cette chaîne,

l'entreprise doit choisir entre exécuter l'activité elle-même, l'exécuter

conjointement avec une ou plusieurs autres entreprises ou la confier

intégralement à une ou plusieurs autres entreprises.

62. Normalement, chaque fois que le choix opéré implique une

coopération sur le marché avec une autre entreprise, un accord au sens

de l'article 81, paragraphe 1, doit être conclu. Il peut s'agir d'un accord

vertical, comme c'est le cas lorsque les parties opèrent à des niveaux

différents de la chaîne de valeur, ou horizontal, lorsque les parties

opèrent au même niveau de la chaîne. Ces deux catégories d'accords

peuvent générer des gains d'efficacité en permettant aux entreprises en

cause d'exécuter une tâche donnée à moindre coût ou avec plus de valeur

ajoutée pour le consommateur. Ces accords peuvent aussi contenir ou

induire des restrictions de concurrence, auquel cas la règle d'interdiction

de l'article 81, paragraphe 1, et la règle d'exemption prévue à l'article

81, paragraphe 3, peuvent jouer ».

7.3 LES ACCORDS VERTICAUX

7.3.1. Remarques introductives

357 Si la notion d’entente horizontale (sur les prix ou sur les quantités) est la

première qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque une entrave à la concurrence,

la réalité de la vie économique a rapidement obligé les autorités

d’application du droit de la concurrence à prendre en compte les effets des

accords verticaux.

358 Ce fut d’abord le cas en droit américain, puis en droit européen. En droit

suisse, on ne se préoccupait d’abord des effets des accords verticaux que si

l’une des parties au contrat occupait une position dominante sur l’un des

échelons du marché. Depuis 2004, l’art. 5 al. 4 LCart. contient une

disposition spécifique sur les accords verticaux :

«Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence

efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents

25/10/2011

109

échelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de

vente fixe ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires,

lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclus».

359 Cette modification législative en Suisse a été influencée par la pratique

européenne ; c’est pourquoi, cette problématique des accords verticaux est

traitée ici en un même paragraphe pour les deux systèmes juridiques.

7.3.2. Textes légaux et textes explicatifs

A. Droit européen

360 Les autorités d’application du droit de la concurrence, aussi bien à

Bruxelles qu’à Berne, ont adopté des textes dont le but est de faciliter

l’application des principes juridiques dans le cas des accords verticaux :

- Règlement CE n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernant

l’application de l’art. 81 par. 3 du traité à des catégories d’accords

verticaux et de pratiques concertées.

Pour rappel, un règlement a valeur législative et contient des règles

d’application directe, ce qui signifie que les autorités des Etats membres

doivent les appliquer même si elles n’ont pas été reprises formellement

en droit national.

- Communication de la Commission des CE n° 2000 - C 291 – 01

Lignes directives sur les restrictions verticales : il s’agit là d’un

document par lequel la Commission explique de quelle manière elle

applique le règlement sur les accords verticaux.

361 La Commission européenne a également adopté des règles spécifiques sur

un secteur particulier, celui de la vente des véhicules automobiles :

- Règlement (CE) 1° 1400 – 2002 du 31 juillet 2002 concernant

l’application de l’art. 81, par. 3, du traité à des catégories d’accords

verticaux et des pratiques concertées dans le secteur automobile.

- La Direction générale de la concurrence à Bruxelles, a publié une

« Brochure explicative en matière de distribution et service après-vente

des véhicules automobiles dans l’Union européenne ».

B. Droit suisse

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110

362 De son côté, la Comco a publié :

- une Communication concernant l’appréciation des accords verticaux,

dont la dernière version date du 2 juillet 2007 ;

- une Communication sur les accords verticaux dans le domaine de la

distribution automobile du 21 octobre 2002.

7.3.3 Principes applicables en droit suisse

363 Les accords verticaux peuvent améliorer l’efficience économique au sein

d’une chaîne de production ou de distribution, entraîner une diminution des

coûts de transaction et de distribution et favoriser un niveau optimal des

investissements et des ventes.

364 Selon le pouvoir des entreprises sur le marché des entreprises concernées,

ces accords peuvent aussi engendrer des restrictions ayant des effets

anticoncurrentiels graves.

A. Prix

365 La suppression de la concurrence efficace est présumée en cas d’imposition

de prix de revente minimaux ou fixes.

366 En cas de recommandation de prix, celle-ci est également présumée illicite

si elle indique un prix minimal ou fixe. Dans les autres cas, la Commission

examine si :

- la recommandation est effectivement suivie ;

- le niveau de prix est significativement plus élevé que dans les pays

voisins ;

- la recommandation est accompagnée de mesures contraignantes.

B. Affectation notable de la concurrence

367 Les accords verticaux affectent la concurrence de manière notable lorsque :

- ils empêchent le fournisseur de livrer des composants ou des pièces de

rechange à des tiers ;

- ils contiennent une obligation de non-concurrence d’une durée

indéterminée ou qui dépasse 5 ans ;

25/10/2011

111

- ils contiennent une obligation de non-concurrence de plus d’une année

après l’expiration de l’accord vertical ;

- ils restreignent le multi-marquisme dans un système de distribution

sélective.

368 Toutefois, ces règles ne s’appliquent pas si les parties à l’accord n’occupent

pas une place significative sur le marché :

- pas de restriction si aucune des entreprises parties à l’accord ne détient

une part de marché supérieure à 15 % sur le marché concerné ; cette

limite est ramenée à 5 % en cas d’effet cumulatif de plusieurs réseaux

d’accords verticaux produisant des effets similaires, sauf si la part

cumulée de ces réseaux parallèles est inférieure à 30 %.

C. Distribution sélective

369 Dans un système de distribution sélective, le fournisseur s’engage à vendre

les biens ou les services contractuels uniquement à des revendeurs

sélectionnés sur la base de critères prédéfinis et ces revendeurs s’engagent

à ne pas vendre ces biens ou ces services à des revendeurs non agréés.

370 La sélection des revendeurs se fait exclusivement sur la base de critères

qualificatifs, objectifs et requis par la nature du produit (formation du

personnel, service fourni, assortiment des produits).

7.3.4 Principes applicables en droit européen

371 Les principes décrits au § 7.3.3, et relatifs au droit suisse, trouvent leur

origine dans les règles européennes. Ces principes sont donc en général

aussi applicables sur le marché européen.

372 L’illustration en est faite ici d’une autre manière, en présentant quelques

aspects du Règlement (N° 1400/2002) de la Commission sur les catégories

d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

A. Prix

373 L’exemption de l’application de l’art. 101 al. 3 TFUE ne peut être

reconnue aux accords verticaux qui ont pour objet la restriction de la

capacité du distributeur ou du réparateur de déterminer son prix de vente.

La possibilité subsiste pour le fournisseur d’imposer un prix de vente

maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers

n’équivalent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l’effet de

pressions exercées par l’une des parties ou de mesures d’incitation prises

par elle.

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112

B. Plafonds

374 L’exemption s’applique, les autres conditions étant satisfaites, à condition

que la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du

marché en cause sur lequel il vend les véhicules automobiles neufs.

375 Les parts de marché sont calculées pour la distribution de véhicules

automobiles neufs sur la base du volume des biens contractuels et biens

correspondants vendus par le fournisseur, ainsi que tout autre type de biens

vendus par le fournisseur et que l’acheteur considère comme interchan-

geables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et

de l’usage auquel ils sont destinés (art. 8 ch. 1 Règl.).

C. Distribution sélective

376 Au sujet de ce mode de distribution, le Règlement donne d’abord des

définitions :

- système de distribution sélective : un système de distribution dans lequel

le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services

contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs ou des

réparateurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces

distributeurs ou réparateurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces

services à des distributeurs non agréés ou à des réparateurs

indépendants, sans préjudice de la faculté de vendre des pièces de

rechange à des réparateurs indépendants ou de l’obligation de fournir

aux opérateurs indépendants l’ensemble des informations techniques,

des systèmes de diagnostic, des outils et de la formation nécessaires

pour la réparation et l’entretien des véhicules automobiles ou pour la

mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement ;

- système de distribution sélective quantitative : un système de

distribution sélective dans lequel le fournisseur applique, pour

sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent

directement le nombre de ceux-ci ;

- système de distribution qualitative : un système de distribution sélective

dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs

ou les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis par la nature

des biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous

les distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distri-

bution, et appliqués d’une manière non discriminatoire et ne limitant pas

directement le nombre de distributeurs ou de réparateurs.

* * * * *

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113

§ 8 LES POSITIONS DOMINANTES

Textes législatifs : art. 7 LCart ; art. 102 TFUE.

Bibliographie : Commentaire Romand Concurrence, Evelyne CLERC, art. 7

LCart ; C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, p. 877 ss.

8.1 LA PROBLEMATIQUE

377 Avant d’aborder les notions de position dominante et d’abus de cette

position, trois remarques s’imposent aussi bien en droit suisse qu’en droit

européen :

- Les deux systèmes juridiques reconnaissent que toute entreprise, de par

son existence, exerce une certaine influence sur le marché ; toutefois, la

constatation de ce fait ne signifie pas encore que les autorités de la

concurrence doivent s’y intéresser. Ce n’est que lorsqu’une entreprise

dispose d’une influence qualifiée sur le marché et que l’on peut dire

que cette entreprise occupe une position de puissance sur le marché

que le droit de la concurrence va s’y intéresser (cf. 8.3 ci-dessous).

- A première vue, la position dominante est le fait d’une entreprise,

puisque si plusieurs entreprises se concertent pour influencer le marché,

on sera en présence d’une entente (§ 7).

De plus, lorsque plusieurs entreprises agissent de manière concertée,

cette concertation est aussi qualifiée d'entente. Mais, la théorie

économique a expliqué que la position dominante peut découler de

l’existence d’un oligopole, sans qu’il existe une concertation entre les

entreprises occupant collectivement une position dominante (cf. E.

CLERC, Art. 4 LCart. n° 47 ss et 146 ss).

La position dominante collective sera constatée lorsque sur un même

marché, en raison de facteurs de corrélations économiques (résultant de

liens structurels ou de la structure oligopolitique du marché) des effets

de coordination sur le marché sont constatés (comportement uniforme

ou même ligne d'action sur le marché).

- Alors que les deux premières remarques se réfèrent à une puissance

horizontale, une situation de domination peut aussi exister dans des

relations verticales, du côté des acheteurs (puissance d’achat), et

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114

engendrer des situations de dépendance de certaines entreprises

(fournisseurs, sous-traitants).

8.2 LES POSITIONS DOMINANTES

378 La position dominante ne peut être constatée sans que l’on ait déterminé

l’objet de la domination : le marché (marché en cause, « relevant

market »). Celui-ci doit être délimité :

- quant à l'objet

- quant au lieu

- quant au temps

8.2.1. Délimitation quant à l’objet

379 Selon l'art. 11 al. 1 Ordonnance sur le contrôle des concentrations, repris

du ch. 7 de la Communication de la Commission européenne sur la

définition du marché en cause (97/C 372/03) :

«Le marché de produits comprend tous les produits ou services que les

partenaires potentiels de l’échange considèrent comme substituables en

raison de leurs caractéristiques ou de l’usage auquel ils sont destinés. »

380 Dans sa Communication (ch. 22), la Commission européenne donne un

exemple de l’analyse de la substituabilité du côté de l’offre dans le secteur

du papier :

«On trouve généralement sur le marché toute une gamme de qualités de

papier, depuis le papier d’impression standard jusqu’au papier de qualité

supérieure utilisé, entre autres, pour les livres d’art. Du point de vue de la

demande, on n’utilise pas indifféremment ces différentes qualités de

papier ; on n’imprime pas un livre d’art, par exemple, ou un ouvrage de

luxe en utilisant un papier de qualité médiocre. Les papeteries peuvent

pourtant fabriquer différentes qualités de papier et la production peut être

adaptée à court terme et moyennant de très faibles coûts d’adaptation. En

l’absence de difficultés particulières au stade de la distribution, les

entreprises papetières peuvent donc se faire concurrence pour les

commandes de diverses qualités de papier, notamment si ces commandes

sont passées suffisamment à l’avance pour permettre de modifier les plans

de production. Dans ces circonstances, la Commission ne définirait pas un

marché distinct pour chaque qualité de papier et chacun de ses usages. Les

diverses qualités sont regroupées dans un même marché en cause et leurs

ventes sont cumulées afin d’évaluer l’importance du marché total, en

valeur et en volume. »

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115

La Commission adopte une approche souple en se fondant sur des éléments

empiriques et en exploitant toutes les informations dont elle dispose (ch. 25

de la Communication).

8.2.2 Délimitation quant au lieu

381 La commission définit ainsi le marché géographique :

"Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les

entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services

en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment

homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines

parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de

manière appréciable."

382 Les catégories de données suivantes sont jugées utiles par la Commission

pour définir le marché géographique :

- preuves que, dans le passé, il y a déplacement de commandes vers

d'autres zones;

- caractéristiques fondamentales de la demande (préférence nationale,

langue, culture, nécessité d'une présence sur place)

- opinions des clients et des concurrents (interrogés par la Commission !)

- examen des habitudes d'achat des clients

- entraves et coûts liés à la réorientation des commandes des entreprises

situées dans d'autres zones géographiques.

383 Du point de vue géographique, selon la formule de l’art. 102 TFUE, la

position dominante peut exister sur le « marché commun ou dans une

partie substantielle de celui-ci ». A diverses reprises, les autorités

communautaires ont considéré que le territoire d’un seul Etat membre

(Allemagne, Royaume-Uni, mais aussi Belgique ou Hollande) pouvait

constituer le marché géographique.

8.2.3 Délimitation quant au temps

384 Pour certains types de produits, le facteur temps doit être pris en considéra-

tion :

- les vols transatlantiques entre l'Europe et les Etats-Unis sont plus chers

en été lorsque la demande est forte et moins chers à d'autres moments;

- la publicité télévisée coûte plus chère à certaines heures ("prime-time").

25/10/2011

116

385 La Comco s’appuie quant à elle sur les définitions données dans

l’Ordonnance sur le contrôle des concentrations (art. 11 al. 3 let. a et b).

386 Une position dominante peut être détenue par toute entreprise quelle qu'en

soit la forme juridique. Un "joint-venture" (société simple, qui n'a pas la

personnalité juridique) peut détenir une position dominante.

387 Le Traité ne donnant pas de définition de la notion de position dominante,

celle-ci a été élaborée par la Commission et la Cour de Justice.

388 Lorsque le marché a été délimité, l’existence de la position dominante est

établie par les autorités de la concurrence à l’aide des critères de :

389 - structure (répartition des parts de marché, conditions d’accès au

marché) : après avoir défini le marché en cause, quant au produit et au

territoire, la Commission détermine la taille totale du marché et les parts

détenues sur le territoire en cause. Elle le fait en consultant les sources

disponibles (estimations des entreprises, publication des associations

professionnelles) ou en demandant à chaque fournisseur sur le marché

en cause de lui communiquer son chiffre d’affaires ;

390 - comportement (quant à la fixation des prix, aux rapports avec les

fournisseurs) ; l’entreprise a le pouvoir de faire obstacle au maintien

d’une concurrence effective ; autrement dit, l’entreprise (ou les

entreprises) concernée(s) dispose(nt) d’une autonomie de stratégie sur le

marché.

391 - résultat (marge bénéficiaire) : l’entreprise obtient des marges

supérieures à la moyenne.

8.3 L’ABUS DE LA POSITION DOMINANTE

8.3.1 Généralités

392 La concurrence est une lutte pour des parts de marchés. Les efforts

entrepris pour acquérir, conserver ou augmenter ces parts de marchés sont

donc propres au système. Les entreprises peuvent donc accéder à une

position dominante grâce à leur succès économique et leur croissance

interne (la croissance externe – par acquisition d’autres entreprises – fait

l’objet du contrôle des concentrations cf § 10). La constatation de

l’existence d’une position dominante n’implique pas un reproche à l’égard

de cette entreprise. Cependant, lorsque cette position est acquise,

l’entreprise en position dominante doit assumer une responsabilité

particulière, celle de ne pas – par son comportement – porter atteinte à une

concurrence effective.

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117

393 Le même comportement d’une entreprise dominant le marché pourra, selon

les circonstances, être considéré comme un comportement concurrentiel

favorable ou comme une pratique abusive. Les circonstances particulières

de chaque cas d’espèce seront donc déterminantes.

8.3.2 Conditions de l’abus

394 L’art. 7 al. 1 LCart. constitue une clause générale (illustrée par les

exemples de l’al. 2) :

« Les pratiques d’entreprises ayant une position dominante sont réputées

illicites lorsque celles-ci abusent de leur position et entravent ainsi l’accès

d’autres entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagent

les partenaires commerciaux. »

395 Selon cette disposition, la première condition d’un abus de position

dominante consiste soit en une entrave à l’accès à la concurrence ou à son

exercice, soit dans l’exploitation de la position dominante au détriment des

partenaires commerciaux.

396 Une seconde condition doit être remplie même si elle n’est que sous-

entendue par l’art. 7 al. 1 LCart. : le comportement n’est pas justifié par des

considérations commerciales légitimes (legitimate business reasons).

Cette possibilité d’une justification objective existait déjà dans la

législation antérieure et a toujours été reconnue aussi bien par la Comco

(DPC 1997, p. 490) et par les tribunaux. Cette condition négative de

l’absence de « legitimate business reasons » est également appliquée, en

droit européen, dans l’interprétation de l’art. 102 TFUE.

397 L’entrave est donnée lorsque la position dominante a pour effet ou est

utilisée pour limiter l’accès de tiers à la concurrence et limiter l’exercice de

la concurrence.

398 L’exploitation est constatée lorsque l’entreprise tire partie de sa rente de

position dominante sur le marché pour maximiser ses profits.

L’exploitation de la position dominante est réalisée même si l’entreprise en

position dominante ne cherche pas à entraver des concurrents déterminés.

399 Il n’est pas possible de donner une définition des considérations

commerciales légitimes d’une part parce qu’elles doivent toujours être

appréciées en fonction des circonstances du cas d’espèce et, d’autre part,

parce que la plupart des pratiques des entreprises sont ambivalentes.

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118

400 L’abus de position dominante est une notion juridique, mais une notion

juridique indéterminée qui nécessite une analyse économique de chaque

cas d’espèce.

401 L’abus de position dominante est une notion objective. Le comportement

d’une entreprise en position dominante peut être jugé illicite en raison de

ses effets, en l’absence de toute faute.

402 Une intention de l’entreprise en cause de vouloir dominer le marché en

exploitant sa situation ou en écartant ses concurrents permettra bien sûr de

conclure à un comportement abusif. La preuve de cette intention ne sera

pas facile à apporter car les autorités disposent rarement d’écrits permettant

d’établir cette intention. Mais celle-ci peut aussi résulter d’indices. Des

pratiques s’apparentant à des mesures « disciplinaires » (boycott,

interruption des relations contractuelles, conditions commerciales

discriminatoires) dénotent une intention de domination.

403 L’Association suisse pour l’insémination artificielle avait le monopole

d’approvisionnement aux vétérinaires. Le monopole fut aboli.

L’association a proposé aux vétérinaires des contrats d’approvisionnement

exclusif avec des clauses de réduction des prestations et de conditions

financières désavantageuses si le vétérinaire se fournit aussi ailleurs (DPC

1999, p. 75 ss.).

404 En l’absence d’une preuve de l’intention, la qualification d’abus résultera

de l’analyse des effets du comportement de l’entreprise en position

dominante. L’alinéa 2 de l’art. 7 LCart donne une liste exemplative de ces

comportements.

8.4 EXEMPLES DE COMPORTEMENTS ABUSIFS

8.4.1 Le refus d’entretenir des relations commerciales

405 Cette pratique est visée aussi bien par le droit suisse (art. 7 al. 2 let. a

LCart) que par le droit européen (selon la jurisprudence de la CJCE en

application de l’art. 102 TFUE, cf. arrêt United Brands c/ Commission

22/76, Rec. 1978, p. 207, ch. 163-203).

406 Le principe vise aussi bien le refus d’établir des relations commerciales

avec des partenaires commerciaux potentiels, sans raison objective, que la

rupture des relations commerciales existantes sans respecter une période

transitoire appropriée.

407 Le refus d’entretenir des relations commerciales constitue un cas d’entrave

à l’encontre des concurrents. Les partenaires commerciaux peuvent être

25/10/2011

119

soit des fournisseurs, soit des clients de l’entreprise dominante dans la

mesure où ils sont des concurrents de celle-ci (Refus de livrer les sons et

images des courses françaises de chevaux par une société française au

bookmaker belge Ladbroke ; la société française titulaire des droits sur les

images était absente du marché belge des paris et n’avait pas non plus

octroyé une licence sur ce marché ; le refus ne fut pas considéré comme

illicite en raison de l’absence de restriction de concurrence sur le marché

belge).

408 Le fait d’empêcher une entreprise (dominante) de mettre un terme à ses

relations commerciales avec un partenaire commercial ou de l’obliger à

entamer des relations avec ce partenaire constitue une atteinte forte à la

liberté de contracter de l’entreprise concernée. Une telle décision ne peut

intervenir qu’aux conditions suivantes

A. Il n’existe pas de substitut réel ou potentiel

409 Il n’y a pas de source alternative.

(Swisscom décide de ne plus louer de lignes en cuivre dans la boucle locale

à des prestataires concurrents, mais de leur offrir un autre service : la

capacité de transmission. La Comco a considéré qu’il ne s’agissait pas

d’une entrave ; DPC 1999, p. 375, ch. 58-63).

B. Le produit/service/infrastructure est indispensable

410 Dans l’affaire Ladbroke, la transmission télévisée des courses a été

considérée comme un service complémentaire mais non indispensable.

C. Suppression de la concurrence

411 Le refus a pour effet d’éliminer toute concurrence de la part de l’entreprise

qui requiert la relation commerciale.

(SWIFT, coopérative détenue par 2000 banques, refuse d’offrir les services

de transmissions de données à la Poste – en France. Accord amiable).

D. Absence de justification objective

412 Le refus (ou la rupture des relations) est arbitraire. Le refus peut être

justifié lorsque les prestations économiques du cocontractant deviennent

insuffisantes ou sa solvabilité douteuse.

413 Mais la préservation ou l’augmentation de parts de marchés, ou encore

l’expansion sur un marché voisin, peuvent être admis comme justifications.

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120

8.4.2 Discrimination de partenaires commerciaux

414 L’entreprise dominante pratique des prix ou autres conditions

commerciales qui, sans raisons objectives, défavorisent certains partenaires

commerciaux par rapport à d’autres.

415 La discrimination n’a pas besoin d’atteindre un degré tel que ces conditions

soient inéquitables (cf. art. 7 al. 2 let. c LCart) pour être considérée comme

une entrave illicite.

416 Des conditions commerciales exceptionnellement favorables résultant de

subventions croisées peuvent être discriminatoires (let. b), prédatoires (let.

d) ou inéquitables (let. c)

(Télécom PTT – nom de l’entité qui a repris l’activité téléphone à PTT et

qui a précédé Swisscom – a discriminé les exploitants privés d’accès ou de

services Internet en réservant exclusivement le numéro O-842 à son service

« Blue Window » ; de plus, Blue Window a bénéficié de subventions

croisées).

417 En droit européen, une différence de prix devient significative et

injustifiable, donc illicite, à un faible niveau lorsque la discrimination

résulte d’une politique claire de cloisonnement des marchés.

(Abus de position dominante par United Brands qui vendait ses bananes à

des prix différents selon le pays du distributeur dans l’UE – avec

interdiction de revente – alors que toutes les autres conditions étaient

semblables).

418 Quid des rabais de fidélité accordés aux clients qui s’engagent à ne

s’approvisionner qu’auprès du vendeur pour un certain pourcentage de

leurs besoins ?

8.4.3 Conditions commerciales inéquitables

419 Ces conditions constituent une pratique d’exploitation de la part de

l’entreprise dominante qui extrait ainsi une rente de la position qu’elle

détient sur le marché. L’entreprise dominante ne cherche pas à écarter ou

éliminer la concurrence, mais plutôt à exploiter l’absence de concurrence.

420 Cette pratique est visée par l’art. 7 al. 2 let. c LCart et par l’art. 102 TFUE

expressément.

421 Le caractère inéquitable peut résulter du prix ou des autres conditions du

contrat. Le caractère inéquitable peut être établi :

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121

- soit par la méthode relative par comparaison avec les conditions qui

résulteraient d’une concurrence efficace sur le marché (« als – ob

Wettbewerb ») ou les conditions pratiquées sur un autre marché

géographique ;

- soit par la méthode absolue : les conditions commerciales proposées

sont inéquitables parce que dans un rapport déraisonnable avec la valeur

économique de la prestation de l’entreprise dominante.

8.4.4 Pratiques prédatoires

422 La pratique classique est la sous-enchère en matière de prix ou de

conditions dirigée contre un concurrent déterminé. Cette pratique est visée

par l’art. 7 al. 2 let. d LCart et par l’art. 102 TFUE. Une telle pratique

permet en effet à l’entreprise dominante, moyennant un sacrifice

temporaire, d’écarter un concurrent ou de décourager l’arrivée d’un

concurrent sur le marché pour ensuite mieux profiter de la situation. La

concurrence sur les prix est l’essence même du marché. La distinction entre

l’attitude souhaitée pour le bon fonctionnement du marché et l’attitude

répréhensible parce qu’abusive n’est souvent pas facile.

423 La pratique prédatoire est ciblée : elle vise un ou des concurrents

déterminés que l’entreprise dominante cherche à faire « rentrer dans le

rang » ou à écarter du marché.

424 L’application des art. 7 LCart et 102 TFUE à ces pratiques pose la délicate

question de l’analyse des coûts : à partir de quel niveau de prix la pratique

peut-elle être qualifiée de prédatoire? Les autorités d’application de ces

dispositions qualifient de prédatoires des prix inférieurs à la moyenne des

coûts variables, puisque chaque vente entraîne alors une perte.

8.4.5 Limitation de la production, des débouchés ou du développement

technologique

425 Il s’agit de pratiques d’entraves visées par l’art. 7 al. 2 let. e LCart et l’art.

102 TFUE, le premier étant la reprise du second. Le fait que la précision

(« au préjudice des consommateurs ») de l’art. 102 TFUE ne soit pas

reprise expressément en droit suisse ne joue pas de rôle. Ces types

d’entraves, qui créent une pénurie artificielle, ont en effet toujours un effet

indirect pour le consommateur.

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122

8.4.6 Affaires liées

426 Les affaires liées (« Koppelungsverträge », « tying ») visent la

subordination de la conclusion de contrats à l’acceptation ou à la fourniture

de prestations supplémentaires.

427 Cette pratique est visée par l’art. 7 al. 2 let. f LCart et l’art. 102 TFUE. Elle

peut être qualifiée à la fois d’entrave et d’exploitation. L’entreprise

concernée utilise sa position dominante sur un marché comme levier pour

étendre sa puissance sur le marché du produit « lié ».

428 La question délicate est de savoir si le produit supplémentaire est un

produit distinct dont l’achat est imposé sans que cela soit nécessaire ou si

c’est un produit complémentaire du premier dont l’acquisition est

objectivement et nécessairement liée à l’acquisition du premier.

429 (Vente des clous Hilti : justification rejetée puisqu’il existait des

fournisseurs indépendants de clous).

* * * * *

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§ 9 LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS D’ENTREPRISES

Textes législatifs : art. 9 à 11 et 32 à 38 LCart. ; Ordonnance sur le contrôle des

concentrations d’entreprises du 17.6.1996. Règlement n° 139/2004 du Conseil

relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

Bibliographie : Commentaire romand sur le droit de la concurrence, S. VENTURI,

art. 9 à 11; C. BOVET, art. 32 à 38 ; Th. GEISER / P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH,

Wettbewerbsrecht, Bâle 2005, p. 369 - 413. C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI,

Droit du marché, Paris 2002, p. 703 - 741.

9.1. NOTION

430 Alors que le Traité de Rome instituant le Marché Commun date de 1957,

ce n’est qu’en 1989 que le Conseil a adopté le premier Règlement (n°

4064/1989) sur le contrôle des opérations de concentrations entre

entreprises. Ce Règlement a été remplacé en 2004 par le Règlement du

Conseil n° 139/2004.

431 En Suisse, ce n’est qu’en 1995 que des dispositions légales relatives aux

concentrations d’entreprises ont été introduites dans la loi (art. 9 à 11 et 32

à 38 LCart). Ces règles ont été complétées par l’Ordonnance du Conseil

fédéral du 17 juin 1996. Le régime légal suisse s’inspire très largement des

règles du droit européen.

432 Il y a opération de concentration en cas de fusion de deux ou plusieurs

entreprises. Mais le contrôle de la concentration ne s’exerce pas seulement

en présence d’une fusion formelle de deux entreprises. Il s’exerce à toute

opération d’acquisition du contrôle quelle qu’en soit la forme. Le contrôle

est réputé acquis lorsque, par la prise de participations au capital ou par

tout autre moyen, une entreprise est en mesure d’exercer une influence

déterminante sur l’activité de l’entreprise visée (art. 1 OCCE ; art. 3 Règl.

n° 139/2004).

433 L’influence déterminante peut être obtenue par :

- des droits de propriété ou de jouissance sur des biens de l’entreprise ;

- des droits ou des contrats permettant d’influencer la composition, les

délibérations ou les décisions des organes de l’entreprise.

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124

434 Le droit communautaire présente deux particularités :

435 1) Le Règlement européen ne s’applique qu’aux opérations de

concentration de dimension communautaire (art. 1er ch. 1 Règl.).

436 2) La Commission peut renvoyer l’examen de la concentration à un Etat

membre :

- si la concentration menace d’affecter de manière significative la

concurrence dans un marché intérieur de cet Etat membre qui

présente toutes les caractéristiques d’un marché distinct ;

- ou si la concentration affecte la concurrence dans un marché à

l’intérieur de cet Etat membre, qui présente toutes les caractéristiques

d’un marché distinct et qui ne constitue pas une partie substantielle

du marché commun.

9.2 NOTIFICATION

9.2.1 Devoir d’annonce

437 Aussi bien en droit suisse qu’en droit européen, les opérations de

concentration d’entreprises doivent être notifiées aux autorités de la

concurrence avant leur réalisation (lorsque les valeurs seuils sont atteintes).

438 En cas d’inobservation de la notification, les règles suivantes s’appliquent

selon le droit suisse :

- la procédure de contrôle des art. 32 ss LCart est appliquée d’office ;

- les entreprises participantes doivent s’abstenir de réaliser la

concentration ;

- les entreprises concernées s’exposent à une sanction de CHF 1'000'000.-

ou plus (art. 51 al. 1 LCart) ; les sanctions en cas de non-respect d’une

charge sont réservées.

9.2.2 Contenu de la notification

439 L’objet du contrôle de concentration est de vérifier si l’opération envisagée

« crée ou renforce une position dominante capable de supprimer une

concurrence efficace » (art. 10 al. 2 LCart) ou si elle entrave de manière

significative une concurrence efficace (art. 2 ch. 1 let. b Règl.).

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125

440 Afin de procéder à ce contrôle, la Commission doit pouvoir disposer de

toutes les informations nécessaires sur l’opération visée. La liste des

informations à fournir est donnée par l’Ordonnance sur le contrôle des

concentrations d’entreprises (du 17.6.1996), à l’art. 11, soit en particulier :

- une description de l’opération de concentration et un exposé des faits

et circonstances pertinents ainsi que des objectifs poursuivis par

l’opération de concentration ;

- les données relatives aux marchés de produits et aux marchés

géographiques affectés par la concentration, sur lesquels la part de

marché totale en Suisse de deux ou plusieurs entreprises participantes

est de 20 % ou plus, ou sur lesquels la part de marché en Suisse de l’une

des entreprises participantes est de 30 % ; en outre une description de

ces marchés qui indiquera au moins la structure de la distribution et de

la demande ainsi que l’importance de la recherche et du

développement ;

- pour les marchés affectés selon la lettre d, les parts de marché des

entreprises participantes pour les trois dernières années et, si elles sont

connues, celles de chacun des trois principaux concurrents, ainsi qu’un

exposé des bases de calcul utilisées pour déterminer les parts de

marché ;

- pour les marchés affectés selon la lettre d, des informations sur les

entreprises entrées sur le marché au cours des cinq dernières années et

sur celles qui pourraient le faire dans les trois ans qui suivent ; les

coûts d’une entrée sur le marché seront, si possible, indiqués ;

- des copies des comptes et rapports annuels les plus récents des

entreprises participantes ;

- des copies des contrats qui mettent en œuvre la concentration et de

ceux qui lui sont liés.

441 Afin d’aider les entreprises dans la préparation de la notification, l’UE et la

Comco ont élaboré chacune une formule de notification donnant toutes les

rubriques auxquelles une réponse doit être apportée.

9.2.3 Procédure

442 A l’exception du calcul des délais, les grandes étapes de la procédure sont

semblables en droit suisse et en droit européen.

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126

443 En pratique, les entreprises engagent des contacts informels avec les

autorités compétentes afin d’anticiper leurs réactions et de savoir si une

procédure simplifiée est possible (procédure de pré-examen seulement).

444 Au cours de la procédure d’examen préalable, l’autorité examine s’il

existe des indices que la concentration crée ou renforce une position

dominante (art. 10 LCart.).

445 A l’issue de cette procédure de pré-examen (phase 1, qui dure un mois

selon l’art. 32 LCart., 25 jours ouvrables, voire 35 jours ouvrables selon

l’art. 10 ch. 1 Règl. n° 139/2004), l’autorité communique aux entreprises

concernées si elle entend soumettre l'opération à un examen proprement

dit (phase 2). A défaut d’une telle décision, la concentration est admise. Le

délai prévu pour cette phase 1 ne commence toutefois à courir qu’à partir

du moment où la Commission a attesté avoir reçu un dossier de notification

complet. Il peut ainsi s’écouler plusieurs semaines entre le moment où la

concentration est annoncée et celui auquel l’autorité déclare que le dossier

est complet.

446 Si, à la fin de la première phase, l’autorité constate qu’il existe des indices

suffisants pour justifier un examen proprement dit, elle ouvre cette seconde

phase de la procédure :

- Elle publie le contenu essentiel de la notification de concentration et

offre aux tiers la possibilité de donner leur avis dans un certain délai

(art. 33 LCart.).

- En principe, l’exécution de la concentration reste suspendue au cours

de cette phase.

- L’autorité peut solliciter des informations complémentaires ; elle peut

même procéder à des inspections dans les locaux des entreprises et

examiner sa comptabilité (art. 13 Règl. n° 139/2004).

- L’autorité rend sa décision dans les quatre mois (art. 33 al. 3 LCart.) en

droit suisse, dans les 90 jours ouvrables, voire 105 jours ouvrables, à

compter de la date d’ouverture de la procédure.

- L’autorité décide alors :

-- soit d’interdire la concentration

-- soit d’autoriser la concentration ou de ne l’autoriser que sous

certaines conditions ou moyennant certaines charges.

A défaut de décision dans les délais prévus, la concentration peut être

réalisée.

25/10/2011

127

- La décision d’interdiction ou d’autorisation sous condition ou

moyennant charge peut faire l’objet d’un recours (cf. § 12).

- En droit suisse, la procédure d’autorisation exceptionnelle est réservée

(art. 11 LCart.).

9.3. APPRECIATION DE LA CONCENTRATION

9.3.1 Les principes

447 Afin d’apprécier l’effet de l’opération de concentration, il faut d’abord

avoir délimité le marché :

- l’Ordonnance fédérale le fait à l’art. 11 al. 3 ;

- en droit européen, on commence aussi par se référer à la

Communication sur la définition du marché du 9.12.1997.

448 Il s’agit ensuite de déterminer si la concentration permet de créer ou de

renforcer une position dominante. Mais alors que la position dominante

de l’art. 102 TFUE (art. 7 LCart.) était examinée sous l’angle du

comportement (de l’abus), le contrôle des concentrations s’intéresse aux

effets sur la structure du marché, y compris à son évolution (rôle de la

concurrence potentielle). Pour le même motif, il est tenu compte de

l’évolution probable du marché en l’absence de la concentration : il n’y a

pas de renforcement de la position dominante si l’entreprise rachetée était

en difficulté et aurait disparu à défaut de la concentration (failing company

defence).

449 L’appréciation des autorités européennes et suisses diffère quant aux effets

considérés :

- en droit suisse, la concentration peut être interdite si la position

dominante est capable de supprimer une concurrence efficace (art. 10

al. 2 let. a LCart.) ;

- en droit européen, la concentration doit être refusée lorsqu’elle entrave

de manière significative une concurrence efficace dans le marché

commun ou une partie substantielle de celui-ci (art. 2 ch. 1 let. b Règl.).

9.3.2 Facteurs pris en compte en droit suisse

450 Le critère de la suppression de la concurrence efficace dénote la volonté du

législateur de n’interdire les fusions que dans les cas de concentration

extrêmement élevée.

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128

451 De plus, étant donné qu’il faut tenir compte de la concurrence potentielle

(art. 10. al. 4 LCart.), on comprend aisément que pour peu qu’une

concurrence étrangère existe ou puisse se concrétiser, la suppression de la

concurrence ne pourra être établie que si la concentration a lieu sur un

marché suisse isolé du marché international.

A. La part de marché

452 La part de marché à considérer est celle de l’entité qui résultera de

l’opération de concentration. Le calcul de cette part de marché résulte de

l’addition des parts de marché des entreprises participant à l’opération de

concentration.

453 Une première indication est donnée par l’art. 11 al. 1 let. d de l’Ordon-

nance de contrôle des concentrations d’entreprises : celles-ci doivent

donner des indications détaillées si :

- la part de marché totale en Suisse des entreprises participant à

l’opération est de 20 % ou plus ; ou

- si la part de marché en Suisse de l’une des entreprises concernées

dépasse 30 %.

454 Ces chiffres ne donnent qu’une présomption de non-nocivité. En règle

générale, en dessous de ces seuils, il n’y aura pas de suppression de la

concurrence. Mais, il n’y a pas de présomption inverse. La concentration

n’est pas déjà présumée nuisible au dessus de ces seuils.

455 Les concentrations horizontales feront l’objet d’un examen attentif.

B. La concurrence actuelle et potentielle

456 C’est le critère décisif. Il s’agit d’abord de déterminer l’état de la

concurrence actuelle. Si cette concurrence est suffisante et n’est pas

susceptible d’être supprimée dans un avenir proche, la concentration doit

être admise. L’intensité de la concurrence actuelle dépend :

- du nombre d’acteurs actifs sur le marché

- des parts de marché détenues par ces différents acteurs.

457 La concurrence potentielle est le second facteur déterminant. Le législateur

a expressément exigé de la Comco que ce facteur soit pris en considération

car ce qui compte, ce n’est pas la situation actuelle du marché mais ses

perspectives de développement. Dans ce but, sont à considérer :

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129

a) La vraisemblance de l’arrivée de nouveaux concurrents

Si le marché est caractérisé par des barrières à l’entrée élevées (investis-

sements coûteux et irrécupérables à court terme – sunk costs ; barrières

technologiques, règlementaires ou géographiques), les chances de

nouvelles entrées sur le marché sont faibles.

b) La concurrence potentielle doit être suffisante

Les nouveaux concurrents doivent avoir la taille suffisante et les

ressources nécessaires pour exercer une concurrence efficace de manière

durable.

c) La concurrence potentielle doit pouvoir s’exercer dans un avenir proche

L’Ordonnance donne à nouveau une indication à cet égard puisque,

selon l’art. 11 al. 1 let. f, les entreprises concernées doivent fournir des

informations sur les entreprises qui pourraient entrer dans le marché

dans les trois années à venir.

C. Les effets favorables sur un autre marché

458 Si les entreprises concernées par l’opération de concentration peuvent

montrer que cette opération conduit à une amélioration des conditions de

concurrence sur un autre marché, la Comco devra examiner si ces effets

positifs permettent de justifier la suppression de la concurrence entraînée

par la concentration.

9.3.3 Facteurs pris en compte en droit européen

459 Les facteurs pris en compte en droit européen sont énoncés à l’art. 2 ch. 1

let. b du Règl. :

460 La Commission tient compte « de la position sur le marché des entreprises

concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités

de choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources

d’approvisionnement ou aux débouchés, de l’existence en droit ou en fait

de barrières à l’entrée, de l’évolution de l’offre et de la demande des

produits et services concernés, des intérêts des consommateurs

intermédiaires et finals ainsi que de l’évolution du progrès technique et

économique pour autant que celle-ci soit à l’avantage des consommateurs

et ne constitue pas un obstacle à la concurrence. »

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130

9.4 DECISIONS DES AUTORITES

461 Les autorités de la concurrence peuvent accepter l’opération de concen-

tration ou la rejeter. L’absence d’une décision dans les délais prévus pour

l’examen préalable ou l’examen approfondi aura pour effet que l’opération

pourra être réalisée.

462 Les autorités peuvent aussi assortir leur approbation de conditions ou de

charges :

- Les conditions (suspensives) devront être satisfaites avant que

l’opération ne puisse être réalisée.

- Les charges doivent être satisfaites dans le délai imparti par l’autorité

mais n’empêchent pas la réalisation de la concentration. Le non-respect

des charges expose l’entreprise à une sanction (art. 51 LCart.). Le droit

européen connaît à ce propos le régime des astreintes, c’est-à-dire d’une

amende journalière, par jour de retard, pouvant aller jusqu’à 5 % du

chiffre d’affaires total journalier moyen de l’entreprise (art. 15 Règl.).

463 Les décisions des autorités d’application du droit peuvent faire l’objet de

recours (cf. § 10).

9.5. PROPOSITIONS DE MODIFICATIONS DU CONTRÔLE DES

CONCENTRATIONS

9.5.1. Matières concernées

464 Le projet de modification de la LCart. soumis mis en consultation en 2011

porte, dans le domaine du contrôle des concentrations sur :

- un cas d'exemption d'une notification;

- les critères d'appréciation des effets de la concentration projetée.

9.5.2. Exemption

465 Il n'est pas nécessaire de notifier à l'Autorité de la concurrence (nouvelle

autorité proposée) une opération de concentration lorsque :

- les marchés de produits concernés par l'opération comprennent

géographiquement la Suisse et au moins l'Espace Economique

Européen, et

- l'opération est évaluée par la Commission européenne.

466 Il est rappelé que, selon le droit actuel, aussi bien la Comco que la

Commission européenne examine une opération de concentration lorsque

25/10/2011

131

les seuils sont atteints; cela pose des problèmes puisque aucune procédure

de consultation n'est actuellement formellement applicable.

467 Texte du projet

Art. 9 al. 1 bis (nouveau) et al. 5

1bis Les opérations de concentration d'entreprises atteignant les valeurs

seuils de l'art. 9, al. 1, ne doivent pas être notifiées à l'Autorité de la

concurrence lorsque :

a. chacun des marchés de produits concerné par l'opération peut être

défini géographiquement comme comprenant la Suisse et au moins

l'EEE, et

b. l'opération est évaluée par la Commission européenne. Les entreprises

participantes sont tenues de communiquer à l'Autorité de la

concurrence une copie complète de la notification de l'opération dans

les dix jours suivant le dépôt de cette notification auprès de la

Commission européenne.

5 L'assemblée fédérale peut, par voie d'ordonnance :

a. adapter aux circonstances les valeurs seuils fixées aux al. 1 à 3;

b. assortir de conditions spéciales l'obligation de notifier des concen-

trations d'entreprises dans certaines branches de l'économie.

9.5.3. Critères d'appréciation

468 Le projet propose deux variantes pour l'appréciation des opérations de

concentration :

469 Variante 1

Art. 10 al. 1 et 2

1 Les concentrations d'entreprises devant être notifiées sont examinées par

l'Autorité de la concurrence lorsqu'un examen préalable (art. 32, al. 1) fait

apparaître des indices qu'elles affectent de manière notable la concurrence

efficace.

2 L'Autorité de la concurrence peut interdire la concentration ou

l'autoriser moyennant des conditions ou des charges lorsqu'il résulte de

l'examen que la concentration :

a. affecte de manière notable la concurrence efficace, et

25/10/2011

132

b. ne génère pas, pour les acheteurs, des gains d'efficacité spécifiques,

vérifiables, immédiats et prouvés par les entreprises participantes qui

compensent les inconvénients causés par l'affectation notable de la

concurrence.

470 Variante 2

Art. 10 al. 1 et 2

1 Les concentrations d'entreprises devant être notifiées sont examinées par

l'Autorité de la concurrence lorsqu'un examen préalable (art. 32, al. 1) fait

apparaître des indices qu'elles créent ou renforcent une position

dominante.

2 L'Autorité de la concurrence peut interdire la concentration ou

l'autoriser moyennant des conditions ou des charges lorsqu'il résulte de

l'examen que la concentration :

a. crée ou renforce une position dominante, et

b. ne provoque pas une amélioration des conditions de concurrence sur un

autre marché, qui l'emporte sur les inconvénients de la position

dominante.

9.5.4. Accord d'entraide administrative entre la Suisse et l'UE ?

471 Depuis plusieurs années, la Suisse souhaite passer un accord avec l'Union

européenne dans le but d'échanger des informations et de coordonner

temporellement les procédures.

* * * * *

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133

Chapitre 5

APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Après avoir déterminé le champ d’application du droit de la concurrence et examiné le

contenu des règles relatives aux entraves à la concurrence, il est nécessaire, dans ce

domaine particulier, de traiter des procédures d’application qui sont de deux sortes : de

droit administratif (§ 10) et de droit civil (§ 11).

§ 10 DROIT ADMINISTRATIF

Textes législatifs : art. 18 à 31 ; 39 à 53 LCart ; Règlement interne du 1er juillet

1996 de la Commission de la concurrence (RS 251.1) : Règlement (CE) n° 1/2003

du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de

concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE.

Bibliographie : Commentaire romand sur le droit de la concurrence, S. VENTURI,

art. 9 à 11; C. BOVET, art. 32 à 38 ; Th. GEISER / P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH,

Wettbewerbsrecht, Bâle 2005, p. 369 - 413. C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI,

Droit du marché, Paris 2002, p. 703 - 741.

472 L’application du droit de la concurrence incombe d’abord aux autorités

administratives, non seulement dans le cas du contrôle des concentrations, mais

également dans le cas des ententes et des positions dominantes.

473 Dans ce domaine de l’application, il est nécessaire de traiter séparément le droit

suisse et le droit européen.

10.1 DROIT SUISSE

474 L’application de la législation sur les ententes est d’abord de la compétence

de la Commission de la concurrence (Comco). Ainsi qu’expliqué ci-

dessous, d’autres autorités (Tribunal administratif fédéral, Tribunal fédéral,

Conseil fédéral) ont également un rôle à jouer.

25/10/2011

134

10.1.1 Les tâches de la Comco

475 Selon la loi sur les cartels, la Comco a les tâches suivantes :

- prendre des décisions lorsqu'elle constate une violation de la LCart. (art.

30 LCart.);

- se prononce sur les concentrations d'entreprises (art. 32 LCart.);

- adresser aux autorités des recommandations (art. 45 al. 2 LCart.);

- donner des préavis (art. 46 al. 2 LCart.);

- élaborer des avis (art. 47 al. 1 LCart.).

A. Enquêtes

476 Selon l’art. 45 LCart, la Comco observe de façon suivie la situation de la

concurrence en Suisse et procède à une enquête administrative soit au sujet

d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises en particulier, soit au sujet

d’une branche économique s’il existe des indices d’une restriction illicite à

la concurrence (art. 27 LCart).

477 La procédure commence généralement par une enquête préalable (art. 26

LCart) ouverte par le Secrétariat de la Comco.

478 Cette enquête préalable peut être ouverte par la Comco de son propre chef.

Elle peut l'être aussi :

- à la suite d'une plainte ou d'une dénonciation d'un concurrent;

- à la suite d'une dénonciation par une partie à l'accord illicite.

479 A la fin de l'enquête préalable, le Secrétariat de la Comco peut :

- proposer de clore l'enquête préalable sans lui donner, s'il n'y a pas de

violation de la LCart.; le Secrétariat en informe la Comco;

- propose à l'entreprise ou aux entreprises concernées de passer un accord

à l'amiable (qui doit être approuvé par la Comco (art. 29 LCart.);

- recommander à la Comco d'ouvrir une enquête.

480 Lorsqu'une enquête est ouverte, il s'agit de déterminer l’éventuelle

existence d’une restriction illicite à la concurrence. Lorsqu’une telle

restriction est constatée, la Comco prend une décision, (cf. no 497) sur les

éventuelles mesures à prendre (art. 30 LCart).

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135

B. Examen des concentrations d’entreprises

481 La Comco se prononce sur les concentrations d’entreprises qui lui sont

notifiées (art. 32 LCart ; cf. § 9).

C. Autres tâches

482 La Comco a également pour tâche :

- d’adresser aux autorités des recommandations visant à promouvoir une

concurrence efficace (art. 45 LCart) ; cela vaut pour l’ensemble des

prescriptions de droit économiques. L’art. 8 LMI assigne à la Comco la

tâche de veiller à ce que les autorités fédérales, cantonales et

communales respectent les principes énoncés par la LMI.

- donner des préavis sur les projets de lois et ordonnances de la

Confédération en matière de droit économique (art. 46 LCart) ;

- donner des avis aux autorités sur des questions de principe touchant la

concurrence (art. 47 LCart).

10.1.2 Organisation

483 Pour accomplir les tâches prévues par la loi, ont été mis en place une

Commission de la concurrence (Comco) et un Secrétariat.

A. La commission

484 La Commission de la concurrence (Comco) est composée de onze à

quinze membres qui n’exercent pas cette activité à plein-temps et qui

doivent être en majorité des experts indépendants.

485 L’organisation et le mode de fonctionnement de la Comco sont fixés dans

un Règlement interne (RS 251.1) approuvé par le Conseil fédéral.

486 Selon le Règlement interne, les décisions prises au nom de la Commission

peuvent l’être par :

- la Commission elle-même, soit l’ensemble de ses membres ;

- la Présidence, composée du Président de la Comco et des vice-

Présidents (le Président actuel est le Prof. Vincent Martenet, Professeur

à la Faculté de droit de l'Université de Lausanne);

- chacun des membres de la Présidence.

25/10/2011

136

487 La Comco peut valablement prendre des décisions lorsque la moitié au

moins de ses membres sont présents et que plus de la moitié des membres

présents sont des experts indépendants.

488 Les membres de la Comco doivent indiquer dans un registre public les

liens qu’ils ont avec l’économie. Cette transparence est exigée afin que les

parties à la procédure puissent, le cas échéant, demander la récusation de

l’un des membres de la Chambre.

489 Les questions juridiques fondamentales, en particulier les changements de

jurisprudence, sont soumis à la Comco dans son ensemble.

490 Le Surveillant des prix prend part aux séances de la Comco ou des

Chambres avec voix consultative.

491 Dans le cadre de son objectif d'évaluation de la LCart (cf. art. 59a LCart.), le Conseil fédéral a

soumis diverses propositions dont le renforcement de la Comco. Cette réforme institutionnelle

a pour but de renforcer l'indépendance et le professionnalisme de la Comco et de clarifier la

répartition des compétences entre les différents organes (secrétariat-Commission) : la priorité

du Conseil fédéral est de réduire le nombre de membres de la Comco, d'augmenter leur taux

d'occupation et de supprimer la distinction entre Comco et Secrétariat. A la suite de la

consultation organisée en automne 2009, un rapport du Département de l'économie est attendu

au printemps 2010.

B. Le secrétariat

492 Le Secrétariat, dirigé par un Directeur, est composé d’une cinquantaine

de collaborateurs. Il instruit les affaires de la Comco, lui fait des

propositions et exécute ses décisions.

493 Il mène les enquêtes préalables (art. 26 ss LCart) et informe la Chambre

compétente de leur clôture. S’il existe des indices d’une restriction illicite à

la concurrence, le Secrétariat, d’entente avec un membre de la Présidence

de la Comco, ouvre une enquête (art. 27 LCart).

494 A l’issue de la procédure d’enquête, la Comco, sur proposition du

Secrétariat, prend sa décision sur les mesures à prendre ou sur

l’approbation de l’accord amiable (art. 30 LCart).

10.1.3 Compétences et procédures

A. Décisions

495 A l’aboutissement de son enquête ou de l’examen de l’opération de

concentration, la Comco prend une décision. En droit administratif, une

décision (cf. art. 5 Loi fédérale sur la procédure administrative) est une

mesure prise par une autorité, dans un cas d’espèce, fondée sur le droit

public fédéral et ayant pour objet :

25/10/2011

137

- de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ;

- de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou

d’obligations ;

- de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer,

modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.

496 Sont aussi considérées comme décisions les mesures en matière

d’exécution, les décisions incidentes, les décisions sur opposition, les

décisions sur recours, les décisions prises en matière de révision et

l’interprétation.

497 Le droit suisse de la concurrence n’a évolué que très progressivement à ce sujet. Jusqu’en

1996, la Comco ne faisait qu’adopter des recommandations ; seul le Département de

l’Economie était habilité, le cas échéant, à prendre une décision au sens indiqué ci-dessus.

Jusqu’en 2004, la Comco pouvait certes prendre des décisions mais celle-ci se contentait de

constater l’illicéité d’une pratique. Une sanction ne pouvait intervenir que si la décision n’était

pas respectée. Depuis 2005, la Comco est en droit, lorsqu’elle constate la violation de la loi

d’infliger immédiatement une sanction.

498 La Comco dispose de tous les moyens nécessaires pour instruire une

affaire :

- audition des parties et des témoins ;

- entraide administrative d’autres services de l’administration ;

- perquisition et saisie des pièces à conviction ; la Comco a publié une

Notice sur le déroulement des perquisitions qui traite du droit à

l’assistance d’un avocat et de la protection de la correspondance

échangée entre l’avocat et l’entreprise au sujet de l’affaire donnant lieu à

la perquisition.

499 Les décisions de la Commission ou du Secrétariat peuvent faire l’objet

d’un recours au Tribunal administratif fédéral (art. 44 LCart). Un recours

en matière de droit public au Tribunal fédéral peut encore être interjeté

contre les décisions du Tribunal administratif fédéral.

B. Sanctions

a) Le montant de la sanction

500 La sanction de la Comco est déterminée selon les principes énoncés à

l’art. 49a LCart et explicités dans l’Ordonnance sur les sanctions

adoptée par le Conseil fédéral.

501 La sanction est calculée en fonction de la durée et de la gravité des

pratiques illicites, ainsi que du profit présumé résultant de ces pratiques

25/10/2011

138

(art. 2 Ordonnance sur les sanctions). La prise en compte de ces critères

permet d’établir un montant de base.

502 Ce montant de base pourra :

- être majoré dans une proportion pouvant atteindre jusqu’à 50 % si la

pratique anticoncurrentielle a duré de un à cinq ans ;

- être majoré de 10 % par année supplémentaire si la pratique

anticoncurrentielle a duré plus de cinq ans.

503 Toutefois, le montant de la sanction ne pourra en aucun cas être

supérieur à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en Suisse par l’entreprise

au cours des trois derniers exercices (art. 49a LCart).

b) Circonstances aggravantes (art. 5 Ordonnance sur les sanctions) :

504 Le montant est majoré en cas de circonstances aggravantes telles que :

- la violation répétée de la LCart

- la réalisation d’un gain particulièrement élevé

- le refus de coopérer avec les autorités

- le rôle d’instigateur ou d’acteur principal de l’infraction

- l’usage de mesures de rétorsion dans le but de faire respecter l’accord

illicite.

c) Circonstances atténuantes (art. 6 Ordonnance sur les sanctions)

505 Le montant de la sanction est réduit si l’entreprise cesse le

comportement illicite dès la première intervention de la Comco.

506 Dans le cas de restriction à la concurrence selon l’art. 5 al. 3 et al. 4

LCart, le montant est également réduit si l’entreprise a joué un rôle

exclusivement passif ou n’a pas mis en œuvre les mesures de rétorsion

décidées pour imposer l’accord.

507 En vertu du principe de la proportionnalité, les autorités prennent en

compte la situation financière de l’entreprise.

508 Une sanction pouvant aller jusqu’à 1 million de francs peut être imposée

à l’entreprise qui aura réalisé une concentration sans procéder à la

notification dont elle aurait dû faire l’objet ou n’aura pas observé

l’interdiction provisoire de réaliser la concentration (art. 51 LCart).

25/10/2011

139

C. Programme de clémence

509 Dans la modification législative de 2004, le législateur suisse a introduit

(art. 49 a LCart) ce que l’on appelle le « programme de clémence ». Etant

donné qu’il est souvent difficile d’apporter les preuves de l’accord

cartellaire, les autorités encouragent un membre du cartel à en dénoncer

l’existence et offre, à titre de récompense, la possibilité pour le

dénonciateur d’échapper à toute sanction.

510 Le procédé est certes controversé et discutable. Il est cependant déjà

appliqué depuis plusieurs années par les autorités de la concurrence de

l’UE.

511 Cette immunité ne peut toutefois être accordée qu’à des conditions très

strictes ; une entreprise ne peut être libérée de toute sanction que si :

- elle est la première à dénoncer le cartel (une seule entreprise peut

bénéficier de l’immunité) ; c’est pourquoi, le Secrétariat accuse

réception de l’auto-dénonciation en précisant la date et l’heure de son

enregistrement (art. 9 Ordonnance sur les sanctions).

- elle fournit des informations justifiant l’ouverture d’une enquête au

sens de l’art. 27 LCart (et des informations que la Comco ne connaissait

pas déjà) ;

- ou fournit des preuves permettant d’établir une restriction de la

concurrence.

512 Le Secrétariat, d’entente avec un membre de la Présidence, communique à

l’entreprise :

- si les conditions pour une renonciation à la sanction sont remplies ;

- si des informations complémentaires doivent être transmises ;

- dans quel délai le dénonciateur anonyme doit révéler son identité.

513 L’immunité peut être complète ou partielle. Elle ne peut être complète que

si :

- la société dénonciatrice n’était pas elle-même l’instigatrice ou l’actrice

principale du cartel ou n’a pas forcé une autre entreprise à participer au

cartel ;

- la société dénonciatrice remet spontanément (de son propre chef) toutes

les informations et preuves dont elle dispose ;

25/10/2011

140

- la société dénonciatrice coopère sans interruption, sans réserve et sans

atermoiement avec l’autorité ;

- l’entreprise doit cesser ses activités illicites dès la dénonciation.

514 Une réduction de la sanction pourra aller jusqu’à 50 % en fonction de la

contribution à la réussite de la procédure.

515 La sanction pourra même être réduite jusqu’à 80 % lorsque l’entreprise

fournit des informations ou soumet des preuves sur une autre infraction

aux al. 3 ou 4 de l’art. 5 LCart.

D. Procédure d’opposition

516 Une autre possibilité offerte par la révision législative de 2004 afin d’offrir

une certaine sécurité juridique est celle de l’annonce d’une restriction à la

concurrence avant que celle-ci ne produise ses effets. Si dans les 5 mois à

compter de l’annonce, la Comco n’a pas décidé l’ouverture d’une enquête

au sens de l’art. 26 LCart, l’entreprise peut mettre en œuvre le

comportement annoncé sans risque d’une sanction directe.

517 Il faut également rappeler qu’une entreprise peut demander une

consultation au Secrétariat sur la licéité d’un comportement annoncé (art.

23 al. 2 LCart).

E. Instances de recours

518 Les décisions de la Comco peuvent faire l’objet d’un recours dans les 30

jours au Tribunal administratif fédéral.

519 Les arrêts du Tribunal administratif fédéral peuvent être attaqués devant le

Tribunal fédéral par un recours en matière de droit public.

520 A tous les stades de la procédure, y compris dans les 30 jours suivant

l’arrêt du Tribunal fédéral, une demande d’autorisation exceptionnelle peut

être adressée au Conseil fédéral.

10.1.4 Les propositions de réforme

521 Le projet de révision de 2011 comprend une proposition de réorganisation

des organes d'application du droit de la concurrence. A l'heure actuelle, la

chaîne décisionnelle est la suivante :

- Secrétariat – Comco – Tribunal administratif fédéral – Tribunal fédéral,

La proposition est la suivante :

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- Autorité de la concurrence – Tribunal de la concurrence – Tribunal

fédéral.

Selon cette proposition :

- la distinction entre le Secrétariat et la Comco est supprimée;

- un tribunal spécialisé est mis en place.

522 Le chapitre des sanctions serait complété par des restrictions des sanctions

pour les entreprises qui auraient adopté et mis en place un programme de

"compliance" :

"Des mesures adaptées à l'activité commerciale et à la branche concernée

et destinées à lutter contre les infractions à la législation sur les cartels

amènent une réduction de la sanction si l'entreprise démontre qu'elle a pris

de telles mesures à même de prévenir efficacement les infractions."

10.2 DROIT EUROPEEN

10.2.1 Autorités d’application du droit européen de la concurrence

A. Autorités européennes

a) La Commission européenne

523 La Commission européenne est la principale autorité chargée

d’appliquer le droit européen de la concurrence. A ce titre, la

Commission européenne ne fait pas qu’adopter des décisions dans des

cas d’espèce. Elle adopte aussi des Règlements et des Communications

afin de faciliter l’application du droit.

524 Au sein de la Commission, un Commissaire – actuellement M. Almunia

– a la charge de la politique de la concurrence, charge qu’il assume avec

l’aide de la Direction générale de la concurrence.

b) Les instances de recours

525 Les décisions de la Commission européenne peuvent être l’objet d’un

recours au Tribunal de première instance (TPI) à Luxembourg, qui

peut revoir les faits et le droit.

526 Les jugements du TPI peuvent être attaqués devant la Cour de Justice

des Communautés européennes (CJCE), à Luxembourg, qui ne revoit

alors que l’application du droit.

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142

B. Les autorités nationales

527 Jusqu’en 2003, les autorités européennes et les autorités nationales

d’application du droit de la concurrence travaillaient séparément dans leurs

domaines respectifs de compétence.

528 Le Règlement n° 1/2003 du 16.12.2002 relatif à la mise en œuvre des art.

101 et 102 TFUE a complètement changé le système en instituant un

régime de compétences parallèles permettant à la Commission et aux

autorités de concurrence des Etats membres d’appliquer l’art. 101 et l’art.

102 du traité !

529 Ces autorités forment ensemble un réseau : réseau européen de la

concurrence (REC) (European Competition Network – ECN). Elles

collaborent désormais étroitement. Ce réseau devrait assurer une division

efficace du travail et une application homogène des règles communautaires

relatives à la concurrence. 530 La répartition des tâches s’effectue selon les principes suivants :

- toutes les autorités de concurrence (la Commission européenne ou une

autorité nationale) sont habilitées à appliquer les art. 101 et 102 du

traité ;

- l’autorité qui reçoit une plainte ou entame une procédure d’office

restera en principe en charge de l’affaire ; si nécessaire, l’autorité peut

solliciter le concours d’une autre autorité ;

- la réattribution d’une affaire ne peut être envisagée qu’au

commencement de la procédure que si cette autorité estime qu’elle

« n’est pas bien placée pour agir » ou si d’autres autorités s’estiment

« bien placées » elles aussi pour agir (cette procédure implique que tous

les membres du réseau soient informés de l’ouverture d’une

procédure) ;

- une autorité est considérée comme étant « bien placée » pour traiter une

affaire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies :

1) l’accord ou la pratique a des effets directs, substantiels, actuels ou

prévisibles sur son territoire ;

2) l’autorité est à même de faire cesser efficacement l’intégralité de

l’infraction et de la sanctionner d’une manière appropriée ;

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143

3) l’autorité est en mesure de réunir les preuves requises pour

démontrer l’infraction (le cas échéant avec le concours d’autres

autorités).

- la Commission européenne est « particulièrement bien placée » si un

accord (ou des accords similaires) ont des effets sur la concurrence

dans plus de trois Etats membres ;

- la Commission européenne est aussi « particulièrement bien placée »

pour traiter une affaire si celle-ci est étroitement liée à d’autres

dispositions communautaires pouvant être plus efficacement appliquées

par la Commission ou si l’intérêt de la Communauté exige l’adoption

d’une décision de la Commission (cas d’un problème nouveau, par

exemple).

- lorsque la Commission européenne est saisie la première d’une affaire,

les autorités nationales ne peuvent plus, de leur propre chef, traiter

l’affaire.

- dans les deux mois qui suivent la date de l’information, envoyée au

réseau par une autorité nationale, de l’ouverture d’une affaire, la

Commission européenne peut, après avoir consulté l’autorité

concernée, ouvrir une procédure, ce qui aura pour effet de dessaisir

l’autorité nationale.

- après la période initiale de deux mois, ce n’est que dans des situations

exceptionnelles que la Commission peut décider de reprendre une

affaire (retard excessif d’une procédure, nécessité d’une décision

communautaire).

10.2.2 Procédure

A. Saisine

531 La Commission ou l’autorité nationale intervient soit d’office, après avoir

constaté l’existence d’un problème potentiel, soit suite à une plainte.

B. Instruction

532 La Commission peut exiger des parties qu’elles lui fournissent les

renseignements utiles pour son enquête. Elle peut aussi solliciter la collabo-

ration des autres autorités administratives communautaires ou des Etats

membres.

533 Vu l’importance des conséquences possibles, les autorités administratives

doivent respecter les principes de la procédure administrative lors de leurs

enquêtes :

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144

534 - droit d’être entendu : les entreprises visées doivent avoir la possibilité

de s’exprimer sur les reproches formulés à leur égard ;

535 - accès au dossier : un des aspects essentiels du droit d’être entendu est

celui de l’accès au dossier. Les entreprises concernées doivent être en

mesure de connaître, en temps voulu, les éléments sur lesquels l’autorité

envisage de fonder sa décision

536 - secret professionnel : (correspondance avec un avocat).

C. Décision

537 L’autorité peut être amenée à prendre des décisions en cours d’instruction

du dossier : exigence de production des pièces, audition des parties, de

témoins ou d’experts.

538 Lorsque la procédure est terminée, l’autorité rend une décision. En droit

communautaire, l’enquête relative à une pratique restrictive de la

concurrence doit être ouverte au plus tard cinq ans après la survenance de

la pratique, faute de quoi l’affaire serait prescrite. La décision finale peut

faire l’objet d’un recours :

- auprès du Tribunal de 1ère instance, si la décision a été prise par la

Commission européenne ;

- selon les règles du droit national si la décision a été rendue par une

autorité administrative d’un Etat membre;

- dans les deux cas, un recours reste possible encore à la CJCE.

D. Contenu de la décision (sanction)

539 En droit communautaire, un premier effet d’une sanction est la nullité de la

clause restrictive de la concurrence (cf. art. 101 al. 2 TFUE), ce qui peut

entraîner des conséquences pour les entreprises concernées (par exemple,

la restitution d’une subvention).

540 La Commission peut infliger une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à

10 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise concernée. Cette sanction

est fixée en tenant compte de la nature de l’infraction et de son impact

concret sur le marché, si cet impact est mesurable. La Commission

distingue les infractions peu graves, les infractions graves et celles qui sont

très graves. En plus de la sanction, la Commission peut imposer une

astreinte, soit une sanction pécuniaire pour chaque jour de retard dans

l'application d'une de ses décisions.

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145

541 Enfin, en dehors des sanctions pécuniaires, la Commission peut :

- exiger des entreprises concernées qu’elles adoptent dorénavant un

comportement différent (mesures comportementales : ne plus avoir

telle attitude restrictive de la concurrence ou accepter d’avoir des

relations contractuelles avec une autre entreprise) ;

- exiger d’une entreprise qu’elle modifie sa structure (mesures

structurelles) ; ces dernières mesures, beaucoup plus intrusives pour

l’entreprise, ne seront prononcées qu’à titre exceptionnel et que si des

mesures comportementales apparaissent insuffisantes;

- refuser une opération de concentration.

* * * * *

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146

§ 11 DROIT CIVIL

Textes législatifs : art. 12 à 17 LCart.

Bibliographie : Droit de la concurrence, J.-M. REYMOND, art. 12 ss ; TH. GEISER /

P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH, Schweizerisches und europäisches Wettbewerbsrecht,

p. 523 ss.

11.1 DROIT SUISSE

11.1.1 Actions judiciaires et autorités compétentes

542 Selon un principe juridique fondamental, celui qui subit un préjudice

(dommage ou tort moral) en raison de l’attitude illicite d’un tiers doit

pouvoir obtenir la cessation du préjudice et la réparation du préjudice.

543 C’est ce principe qui, en droit de la concurrence, est concrétisé et

développé à l’art. 12 LCart dans lequel le législateur a prévu plusieurs

types d’actions.

A. Suppression ou cessation de l’entrave

544 Celui qui est entravé dans l’accès ou l’exercice de la concurrence par une

restriction illicite à la concurrence peut demander la suppression ou la

cessation de l’entrave.

545 Le demandeur devra donc établir qu’il y a eu entrave illicite au sens des art.

5 ou 7 LCart.

a) Suppression de l’entrave

546 L’action en suppression vise une entrave actuelle et qui dure encore.

547 Deux situations peuvent être envisagées. Dans le premier cas, le

demandeur subit les effets d’un accord auquel des entreprises tierces

sont parties ou subit les effets d’une position dominante. Dans le second

cas, le demandeur est partie à un accord dont il souhaite être libéré sans

devoir subir les peines contractuelles prévues dans cette situation. Dans

les deux cas, il est demandé au juge de constater que l’accord est illicite,

et donc nul (art. 13 LCart et art. 20 CO). (Le même résultat pourrait être

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147

obtenu par une dénonciation de l’accord à la Comco mais selon une

procédure différente).

b) Cessation de l’entrave

548 L’action en cessation vise une entrave qui risque sérieusement de se

réaliser ou de se répéter.

549 Afin de supprimer ou d’écarter l’entrave, l’art. 13 LCart donne au juge

la possibilité de décider que celui qui est à l’origine de l’entrave doit

conclure avec celui qui la subit des contrats conformes au marché et aux

conditions usuelles de la branche.

B. Action en dommages-intérêts

550 L’action en dommages-intérêts suppose quatre conditions :

- un acte illicite : en l’espèce, ce serait la violation de l’art. 5 LCart

(entente illicite) ou de l’art. 7 LCart (abus d’une position dominante)

- une faute ou une négligence qui est appréciée objectivement

- un dommage qui correspond à la différence entre l’état du patrimoine

de la partie entravée s’il n’y avait pas eu d’entrave et l’état actuel du

patrimoine

- un lien de causalité entre l’acte illicite et fautif et le dommage subi ;

selon la jurisprudence, ce doit être un lien de causalité « adéquate »,

c’est-à-dire que, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la

vie, il était en soi propre à produire un effet du genre de celui qui s’est

réalisé, de sorte que la survenance de ce résultat paraît, d’une manière

générale, provoquée ou favorisée par cet événement.

C. Autorités compétentes

a) Niveau cantonal

551 En Suisse, l’organisation judiciaire et la procédure civile sont de la

compétence des cantons. Cette règle générale trouve parfois des

exceptions dans le droit fédéral (matériel) qui détermine alors le tribunal

(for) compétent ou la règle de procédure. C’est le cas à l’art. 5 al. 1 let. b

Code fédéral de procédure civile selon lequel les cantons doivent

désigner pour leur territoire un tribunal chargé de connaître en instance

cantonale unique des actions civiles intentées pour violation du droit

de la concurrence. Dans le Canton de Fribourg, c’est une cour d’appel

du Tribunal cantonal qui est compétente pour traiter ce type de litige.

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552 La loi fédérale sur les fors désigne (quant au lieu) le tribunal devant

lequel l’action peut être introduite :

- le tribunal du siège de la partie ayant subi le dommage

- ou celui du siège du défendeur

- ou celui du lieu où l’acte illicite a été commis

- ou celui du lieu où le résultat s’est produit.

553 Lorsqu’une entreprise étrangère est impliquée, il faut tenir compte

des règles de droit international privé (art. 137 LDIP).

b) Niveau fédéral

554 L’arrêt rendu par un tribunal cantonal peut faire l’objet d’un recours en

matière civile au Tribunal fédéral.

c) Tribunal arbitral

555 Les parties peuvent avoir convenu par contrat – ou décider après la

survenance du conflit, par un « compromis arbitral » - de soumettre leur

litige à un tribunal arbitral. La sentence du Tribunal arbitral sera

exécutoire comme un jugement d’un tribunal ordinaire (pour autant que

certaines conditions soient respectées, en particulier l’indépendance des

arbitres).

11.1.2 Procédure

A. Règles générales

556 Devant l’instance cantonale, les règles de procédure sont celles prévues par

le droit cantonal.

Aucune facilité, telle que les actions collectives – class actions – introduites ces dernières

années dans plusieurs pays de l'UE (et depuis longtemps aux Etats-Unis) n'existe en Suisse.

Aucune mesure telle que celles préconisées dans l'UE n'est à l'étude. En conséquence, à titre

d'exemple, le client de Swisscom qui voudrait faire valoir une réduction de ses factures pour le

motif d'abus de position dominante devrait procéder ainsi :

- l'abus de position dominante a été constaté par la Comco dans une procédure

administrative (qui n'est pas encore terminée); le client faisant valoir une action civile devra

introduire action devant le Tribunal, instance unique pour ce type d'affaires;

- le client fera valoir un dommage de quelques centaines de francs; selon les règles de

procédure civile fribourgeoise, le demandeur devra faire une avance de frais entre 100.- et

30'000.- CHF; une avance est requise de chacune des parties;

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149

- la partie qui a gain de cause obtient des dépens et celle qui perd son procès doit les payer;

ces dépens sont fixés par le Tribunal selon le tarif des dépens; l'avocat établit sa liste de

frais au tarif horaire de base de 230.- CHF; dans les affaires de nature pécuniaire, les

honoraires sont majorés jusqu'à un maximum de 350 % (15 % dès 42'000.- CHF à 350 %

pour 17 MCHF).

557 Devant le Tribunal fédéral, ce sont celles prévues par la loi fédérale sur

l’organisation judiciaire fédérale.

B. Rôle de la Comco

558 Le procès est introduit devant l’instance cantonale unique – et non pas

devant le tribunal ordinaire de première instance – parce que le demandeur

invoque la violation de la loi sur les cartels. Cela implique que le

demandeur fonde son action sur l’existence d’une entente ou d’une position

dominante et la violation de l’art. 5 ou de l’art. 7 LCart.

559 Afin d’éviter des interprétations divergentes de la notion d’entrave ou de

suppression de la concurrence, l’art. 15 LCart prescrit que lorsque la licéité

d’une restriction à la concurrence est contestée, la Cour doit soumettre

cette question à la Comco qui rend un avis (et non pas une décision) :

- si la Comco arrive à la conclusion qu’il n’y a pas d’entrave à la

concurrence, la procédure n’a plus d’objet (sauf si la Cour cantonale

refuse de suivre l’avis de la Comco !) ;

- si la Comco constate une violation, l’affaire est reprise par l’autorité

judiciaire cantonale sur les autres aspects du procès (étendue du

dommage, réparation).

C. Importances des mesures provisionnelles

560 Les mesures provisionnelles sont celles qui sont prises par le juge, à la

requête d’une partie, et qui s’appliquent pendant la durée de la procédure.

Souvent, la procédure débute par une requête de mesures provisionnelles

sur laquelle le juge se prononce après avoir entendu la partie défenderesse.

Toutefois, en cas d’urgence, le juge peut se prononcer avant même d’avoir

pu convoquer l’autre partie. Dans ce cas, l’ordonnance « super provisoire »

sera réexaminée par le juge lorsque la partie adverse aura pu s’exprimer.

561 Ces mesures sont souvent primordiales car seule une intervention rapide,

ou même immédiate, du juge permet de sauvegarder les droits du

requérant.

562 Des conditions strictes doivent être remplies :

- l’entrave doit être imminente ou actuelle

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150

- la vraisemblance de l’atteinte illicite doit être donnée

- le préjudice causé serait difficilement réparable

- des sûretés peuvent être imposées, sur requête, si les mesures sont de

nature à causer un préjudice à la partie adverse.

11.2 DROIT EUROPEEN

11.2.1 Règles actuelles

563 La Commission européenne, le Tribunal de Première Instance et la Cour de

Justice des Communautés Européennes (CJCE) sont des instances

administratives. Elles ne se prononcent pas sur des demandes en

dommages-intérêts. Les sanctions pécuniaires qu’elles imposent ne servent

pas à compenser un dommage puisqu’elles sont attribuées à la

Communauté européenne.

564 Une action civile en cessation du trouble ou en dommages-intérêts doit être

introduite devant les tribunaux civils des Etats membres de l’Union.

11.2.2 Les réformes en vue

565 En décembre 2005, la Commission a mis en consultation un « livre vert »

relatif aux actions en dommages-intérêts. Elle constate tout d’abord que ce

domaine du droit (actions civiles) est caractérisé dans les Etats membres

par un « total sous-développement » et que son objectif est d’identifier les

principaux obstacles à un fonctionnement efficace des actions en

dommages-intérêts :

- détermination des dommages-intérêts : selon un modèle économique

(complexe) ou en chargeant le juge de le faire en équité ?

- permettre au juge de doubler le montant des dommages-intérêts dans le

cas d’infractions caractérisées (ententes horizontales) (aux Etats-Unis,

dans ce cas-là, le juge peut attribuer le triple du montant)

- faciliter l’introduction d’actions collectives (class actions) ?

- réduire le risque financier du demandeur en ne le condamnant à payer

les frais, en cas de perte du procès, que s’il a agi de façon manifestement

déraisonnable en introduisant l’action ?

- consentir une réduction du risque financier à l’entreprise qui a collaboré

avec les autorités administratives selon le programme de clémence ?

(remise conditionnelle, suppression de la responsabilité conjointe).

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566 En avril 2008, la Commission, suite à la procédure de consultation, a

développé ses propositions dans un "livre blanc" :

- l'objet reste d'assurer aux victimes d'infractions au droit communautaire

de la concurrence d'obtenir réparation intégrale de leur dommage par

des mécanismes de réparation efficaces.

- Le droit à la réparation doit être reconnu à toute personne ayant subi un

préjudice du fait de cette infraction, y compris aux acheteurs indirects

qui sans traiter directement avec l'auteur de l'infraction subit un

dommage du fait de la répercussion du surcoût.

- Deux modes d'agir complémentaires sont proposés :

-- les actions collectives ("class actions") par lesquelles les victimes

décident de mettre en commun leurs demandes d'indemnisation

individuelles;

-- les actions représentatives, intentées par des entités qualifiées, telles

que des associations de consommateurs, désignés à l'avance, ou

habilitées au cas par cas.

567 Ce type de procédures pose des problèmes délicats :

- accès aux preuves : difficulté de l'équilibre entre l'accès aux éléments

de fait nécessaire et le respect du secret des affaires;

- calcul des dommages-intérêts : dommage subi; manque à gagner :

multiple ?

La réforme est toujours en cours.

* * * * *