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LE DOSSIER RÉCOLTE LA CROISSANCE QUI SÈME L'INNOVATION La mutation digitale a sensiblement modifié le paysage entrepreneurial français. Plus rapide, plus imprévisible, le contexte exige aujourd'hui de la part des entrepreneurs une souplesse et un flair encore plus importants que par le passé, afin d'imaginer des business models viables, d'anticiper des besoins en perpétuel mouvement. Aujourd'hui plus que jamais, le risque est l'un des facteurs clés de succès et les entreprises « installées » de se remettre en question dans une économie toujours plus numérisée. Risquer et innover vont permettre de mieux grandir. On en parle.

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récolte la croissance

qui sèMe l'innovAtion

la mutation digitale a sensiblement modifié le paysage entrepreneurial français.plus rapide, plus imprévisible, le contexte exige aujourd'hui de la part des entrepreneurs

une souplesse et un flair encore plus importants que par le passé, afin d'imaginerdes business models viables, d'anticiper des besoins en perpétuel mouvement. aujourd'hui plus que jamais, le risque est l'un des facteurs clés de succès et les

entreprises « installées » de se remettre en question dans une économie toujoursplus numérisée. risquer et innover vont permettre de mieux grandir. on en parle.

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ujourd’hui, l’ensemble du tis-su économique, industriel et entrepreneurial prend peu à peu conscience des bénéfices que peut tirer une entreprise, jeune ou moins jeune, d’une stratégie tournée vers l’inno-vation. Une fois ce constat éta-bli, reste à définir les contours de l’écosystème du passage à l’acte qui prend en compte le

potentiel de multiples formes d’innovation. Car pour se transformer, les entreprises disposent de leviers com-plémentaires à l’innovation technologique : innovation d’usage, de procédés, de services, de modèle d’affaires, innovation organisation-nelle ou encore innovation sociale peuvent les guider vers de nouvelles oppor-tunités de croissance. Ce que souligne Stanislas de Bentzmann, président de CroissancePlus : « Nous sommes dans un cycle d’innovation qui s’accélère. Nos business models sont secoués. Les entreprises doivent être agiles et rapides pour faire face à l’uberi-sation de l’économie. C’est pourquoi le cadre législatif et réglementaire français doit s’adapter et s’assouplir pour anticiper ces mutations économiques majeures. »

« Qui Sème l’innovation, réColte la CroiSSanCe. » À QuelleS ConditionS ?Pour Robin Rivaton, économiste, auteur de Relancer notre industrie par les robots, l’innovation génère de la croissance à condition d’être adaptée aux besoins des clients. « Or les entreprises françaises n’investissent pas assez en marketing stratégique pour connaître leurs marchés. » Une innovation ne peut vous dépor-ter totalement d’un territoire de marque au risque de casser le lien avec les clients. L’histoire qui l’entoure est devenue aussi importante que le produit lui-même.Pour Hugues Souparis, président de la Commission recherche, innovation et propriété intellectuelle de CroissancePlus, un point essentiel dégrade la capacité d’innovation des entreprises en croissance, la faiblesse

des marges : « Compte tenu des charges, des coûts de production, de la fiscalité, les entreprises ont donc du mal à investir dans la R&D. Mais si elles avaient des marges suffisantes, tous les palliatifs, comme

le CIR, les dispositifs de la BPI, seraient inutiles ! C’est seulement l’environnement actuel, politique, législatif et fiscal qui les rend nécessaires. Chez CroissancePlus, nous ne revendiquons pas un soutien ni une aide de l’État ; nous demandons simplement qu’on laisse les en-trepreneurs tranquilles, qu’on baisse les charges sociales

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Ala numérisation, dans un contexte

de croissance molle, peut permettre des gains de productivité et une

relance de l’activité !

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et les impôts, qu’on institue des contrats de travail beau-coup plus souples, permettant l’embauche de chercheurs pour des périodes limitées dans le cadre de projets. »

remodeler leS CHaîneS de valeur par l’innovationÀ l’avenir, la performance des entreprises va dépendre de leur capacité croissante à collecter, exploiter et va-

loriser rapidement de l’information et d’interagir avec leurs clients à partir de celles-ci. Ces technologies vont générer d’importants gains de productivité pour l’en-treprise et surtout remodeler les chaînes de valeur. Benoît Thieulin, directeur de La Netscouade, président du Conseil national du numérique abonde en ce sens. « La révolution numérique marque une nouvelle étape dans le cycle du capitalisme : le pouvoir est de nouveau entre …

● à quelles conditionsl’innovation peut-elle irriguerle système productif ?Des entreprises comme Twitter, Airbnb ou Uber auraient eu du mal à trouver des financements en France, alors que nous sommes au deuxième rang des pays les plus plébiscités par les start-up pour innover. Les investis-seurs doivent être capables d’analyser

Benoît Thieulindirecteur de la netscouade, président du conseil national du numérique

ces nouveaux modèles économiques pour les financer et offrir des oppor-tunités sur les marchés financiers et auprès des grandes entreprises, prêtes à racheter des start-up in-novantes. Nos systèmes publics doivent aussi suivre ce mouvement et reconnaître ces nouvelles formes d’innovation dans la réglementation (marchés publics, fiscalité, etc.) afin de donner un signal positif au tissu entrepreneurial, prêt à innover et changer ses manières de concevoir, produire et distribuer.Cette réflexion sur l’innovation doit ensuite s’intégrer dans un plus grand ensemble, celui d’une stratégie in-dustrielle européenne ambitieuse et inscrite sur le long terme. Nous pour-rions imaginer que le plan français Industrie du futur fusionne avec le plan allemand Industrie 4.0, permet-tant de créer des entreprises leaders (objets connectés, e-santé, énergie). Bien sûr cela suppose d’améliorer et d’harmoniser certaines de nos régulations, de mieux orienter le financement de l’économie et surtout de mailler le territoire européen de clusters encore plus compétitifs.

● Comment faire en sorte que le système d’innovation de la france, un des meilleurs au monde, exprime tout son potentiel productif ?

Au-delà, la France doit améliorer le financement de l’économie de l’innovation. Tous les acteurs de la chaîne doivent changer : les banques doivent proposer des nou-veaux produits adaptés aux nou-veaux modèles économiques, les entreprises traditionnelles doivent apprendre à valoriser ces modèles afin de réaliser des acquisitions stratégiques – qui sont aussi des so-lutions de sortie pour les start-up – et les investisseurs institutionnels (assureurs, etc.) doivent prendre davantage de risques. Le succès du financement participatif est la preuve qu’en France, les particuliers ont besoin de mieux savoir où va leur épargne.

● en quoi la formation est-elle essen-tielle pour accompagner l’innovation et la transformer en relais de croissance ?Dans notre rapport, nous propo-sons que soit intégré dans le compte d’activité un « droit individuel à la contribution », offrant aux salariés la possibilité de participer à des pro-jets ouverts dans des associations, fablab, start-up ou universités, et enrichir ainsi leur expérience en-trepreneuriale. Nous devons enfin anticiper les impacts de cette révo-lution sur la nature du travail et la structure de l’emploi.

parole à Benoît thieulin

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… les mains des innovateurs. Au xixe siècle, de grandes inventions ont rythmé la naissance de champions in-dustriels. Aujourd’hui les innovateurs reprennent le pouvoir dans les entreprises et remettent en cause les dominations successivement créées par le fordisme, le marketing et la financiarisation de l’économie. Les start-up, par leur créativité et leur envie de casser des modèles de rente, inspirent la transformation numérique

des entreprises et leur donnent l’opportunité de re-nouer avec la tradition entrepreneuriale. Ces entreprises doivent donc mobiliser les leviers offerts par la démo-cratisation de la production, le collaboratif, valoriser les profils créatifs dans leurs équipes et mieux intégrer les méthodes agiles, l’expérimentation, l’essai-erreur. »Pour la France, c’est l’occasion unique de sauter un

À l’avenir, la performance des entreprises va dépendre de leur capacité croissante À collecter,

exploiter et valoriser rapidement de l’information.

Henri Seydouxprésident-directeur général du groupe parrot

● l’innovation, moteur de croissance ?L’innovation, ça s’organise, mais ça ne se commande pas. Dans mon domaine, le fil conducteur de l’inno-vation technique est le software. À partir de vieilles idées, je cherche de nouveaux domaines. Ainsi, pour le drone : est-ce qu’avec de puissants microprocesseurs on peut trans-former un jouet d’enfant ? Mais un drone n’est pas un jouet, il a de nombreuses applications profession-nelles. À l’origine de l’innovation, il y a donc une idée, imparfaite, et, avant même l’idée, il y a un désir.

● la france est-elle un pays d’innovation ?Le monde change. Les écoles d’in-

parole à henri seyDouxgénieurs sont grandes à l’échelle de la France, mais toutes petites à l’échelle du monde : il en existe dans tous les pays. Les États-Unis, la Chine ont de grands marchés intérieurs, et il est possible d’y dé-marrer une entreprise et d’atteindre une taille critique uniquement avec ce marché intérieur. D’autres pays, comme la Suède, la Suisse, les Pays-Bas, n’ont pas de marché domes-tique et sont tournés d’emblée vers l’export. En France, nous sommes dans un entre-deux très inconfor-table : nous n’avons pas de marché intérieur, cependant nous croyons qu’il existe des clients chez nous, et nous ne sommes pas assez tournés vers l’international.

l'innovation en quelques chiffres

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2,2 %46 545

3 edu PIB français dépensé en R&D pour la scienceet la technologie en 2013.

millions d’eurosdépensés pour la R&Den 2012, en France.

villes françaisesont obtenuen 2014 le label« French Tech »qui favorise

la création d’entrepriseet crée un écosystème pourles investisseurs locaux.

C'est la place de la France dansle Top 100 Global Innovators (Thomson Reuters).

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● parlez-nous du travail de la Commission recherche, innovation et propriété intellectuelle au sein de Croissanceplus.Nous sensibilisons les entrepreneurs aux pratiques de l’intelligence économique : comment protéger ses informations, aller chercher celles dont on a besoin… En matière de propriété intellectuelle, nous les infor-mons sur les dispositifs existants pour protéger ses innovations. Nous sommes également intervenus pour que l’activité de la médiation interentreprises s’étende aux sujets de l’innovation.

● Croissanceplus propose la création de vre :qu’est-ce que c’est ?Aujourd’hui, les PME font très peu appel aux cher-cheurs, elles ont plutôt le réflexe de se tourner vers des ingénieurs. L’idée, c’est de créer un pendant du VIE pour les PME, tourné vers la recherche, avec à la clé des avantages sociales. En créant un pool de post-doc, on favorisera l’emploi des docteurs dans les PME.

Hugues Souparisprésident de la commission recherche, innovation et propriété intellectuelle de croissanceplus

parole àhugues soupAris

les entreprises françaiseset l'innovation● quel constat sur l’attitude des entreprises françaises face à l’innovation ?Des attitudes radicalement différentes sont observées. Les secteurs dynamiques et/ou fortement exposés à la concurrence bougent, et ce au détriment de leurs marges : car c’est le coût de leur survie. Ils sont pourtant ralentis par nos législations et nos évolutions légales, qui les obligent à dépenser de l’argent qui n’est pas de l’investissement productif. L’innovation provient aussi de la capacité d’embauche, qui permet d’ajouter des compétenceset de l’agilité.

● à quelles conditions l’innovation peut-elle permettre aux entreprises françaises de renoueravec la croissance, voire avec l’emploi ?À condition que cette innovation apporte une valeur ajoutée sur le marché cible. Les entreprises n’ont plus le choix. De façon variable selon les secteurs d’activité, l’obsolescence des modèles va s’accélérer, les ruptures technologiques seront plus fréquentes et l’évolution ne se fera plus en douceur.

● la france a-t-elle les moyens de (re)devenirun leader mondial de l’innovation ?Évidemment, mais à condition de se réformer !La France a le crédit impôt recherche, les capacités intellectuelles, les écoles, les formations… mais elle croule sous les réglementations. Par ailleurs qui dit innovationdit essai… et donc risque d’échec ! Or la France n’admet pas les échecs…

Viviane Chaine-Ribeiroprésidente de talentia software (ex-lefebvre software), éditeur de logiciels de gestion d’entreprise, présidente de la fédération syntec

cycle et rattraper une décennie de sous-investisse-ment dans l’appareil productif, explique Robin Rivaton : « Aujourd’hui les barrières à l’entrée d’un certain nombre de marchés se sont affaissées, avec des prix d’équipe-ment en baisse et une montée en qualification de la main-d’œuvre française par des ressources abondantes en R&D. Multiplier les rencontres avec des start-up, in-novateurs, écoles est indispensable pour bénéficier des technologies RoboNumériques [fusion des technologies de la robotique et du numérique] au meilleur coût. » ■

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