Le «Dictionnaire» d’Alain Baraton Le jardin, amoureusement · 2018. 3. 2. · Le jardin,...

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TOUT L’IMMOBILIER • NO 651 • 22 OcTOBRE 2012 n Le «Dictionnaire» d’Alain Baraton Le jardin, amoureusement Jardinier star français – il est depuis trente ans à la tête des jardins de Trianon et du Grand Parc de Versailles –, Alain Baraton signe un très beau «Dictionnaire amoureux des Jardins» (Ed. Plon). De la grande à la petite Histoire, un ouvrage qui se lit de A à Z – de abeilles à zinnia - avec un même plaisir. «J’ ai eu beaucoup de plaisir à par- ticiper à cette collection qui compte plusieurs grands écrivains, mais ce livre m’a surtout permis de parler du jardin comme d’une errance phi- losophique. Je n’étais pas tenu par l’Histoire comme lorsque je parle des jardins de Versailles», explique Alain Baraton avant d’ajouter en riant: «Mais le travail d’écriture n’a pas été facile, car il fallait trouver les mots justes. Il y a eu beaucoup d’angoisse et beaucoup de joie. Je ferais vo- lontiers un deuxième tome! Et j’y insérerais le Jardin botanique de Genève». Jardins célèbres ou non, Alain Baraton leur rend hommage, les choisissant en toute partialité. «Je n’aime pas tous les jardins, reconnaît-il. Je n’ai pas visité certains, d’autres ne me parlent pas. J’ai donc préféré ne pas les citer dans mon livre, plutôt que les critiquer». La délicatesse de Monet Le «Dictionnaire amoureux» s’intéresse à des jardins cé- lèbres ou inconnus, splendides ou modestes, faisant découvrir cette fois «la petite histoire plu- tôt que l’Histoire», souligne l’au- teur. C’est le cas, par exemple, pour le jardin de Claude Monet, à Giverny, en Normandie. «Mo- net avait fait un jardin absolu- ment extraordinaire. Il adorait les fleurs, mais selon sa volonté, il a été enterré sans couronnes ni fleurs, parce qu’il craignait très certainement que celles-ci ne soient cueillies dans son jardin». Alain Baraton est aussi tombé amoureux du jardin de la Mal- maison, voulu par l’impéra- trice Joséphine et dont l’état aujourd’hui «n’est pas génial, mais il a su conserver son âme, prouvant ainsi que le jardin peut transmettre des sentiments qui ont existé», mais aussi de celui d’Anne Frank, à Amsterdam. «Le jardin en lui-même n’a pas d’intérêt, mais je parle du mar- ronnier qu’elle voyait depuis l’endroit où elle se cachait des nazis. Elle conversait avec le vieil arbre. C’était une telle émotion quand je l’ai vu en 2007. Main- tenant, le marronnier est mort et remplacé par un de ses descen- dants. Un arbre est le plus beau monument que l’on puisse éri- ger à la gloire d’une personne». Où un nain devient géant Mais l’auteur s’indigne aussi, ci- tant ainsi le Jardin d’acclimata- tion, à Paris, qu’il trouve moche mais qu’il dédie «à la bêtise humaine. Ce jardin fut aussi un parc zoologique et on y exhibait… des êtres humains». Dans son livre, Alain Baraton ne se limite pas aux jardins. Ainsi, la brouette, dont l’invention revient aux bâtisseurs de cathédrales et non au mathématicien Pascal, la chaise longue, qui connaît son heure de gloire dans les années 60, ou encore le banc, qui sous Louis XV «participe à la décora- tion du jardin et devient même un but de promenade», sortent de l’anonymat où ils sont sou- vent relégués. Le nain de jardin trouve aussi grâce aux yeux de l’auteur, qui avoue rêver d’ins- taller dans le jardin de Versailles «à l’Etoile royale, à l’extrémité et au centre de la pers- pective, un gigantesque nain de jar- din. Un vrai de vrai, avec une pioche ou une lanterne, un bonnet rouge lui couvrant la tête et une barbe blanche. J’aimerais un nain géant, visible de partout». De quoi faire taire une bonne fois pour toutes les détracteurs de ces drôles de petits lutins! n Tina Laurier à LIRE 12 Alain Baraton. Le jardin de Monet à Giverny.

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TOUT L’IMMOBILIER • NO 651 • 22 OcTOBRE 2012

n Le «Dictionnaire» d’Alain Baraton

Le jardin, amoureusement Jardinier star français – il est depuis trente ans à la tête des jardins de Trianon et du Grand Parc de Versailles –, Alain Baraton signe un très beau «Dictionnaire amoureux des Jardins» (Ed. Plon). De la grande à la petite Histoire, un ouvrage qui se lit de A à Z – de abeilles à zinnia - avec un même plaisir.

«J’ai eu beaucoup de plaisir à par-ticiper à cette

collection qui compte plusieurs grands écrivains, mais ce livre m’a surtout permis de parler du jardin comme d’une errance phi-losophique. Je n’étais pas tenu par l’Histoire comme lorsque je parle des jardins de Versailles», explique Alain Baraton avant d’ajouter en riant: «Mais le travail d’écriture n’a pas été facile, car il fallait trouver les mots justes. Il y a eu beaucoup d’angoisse et beaucoup de joie. Je ferais vo-

lontiers un deuxième tome! Et j’y insérerais le Jardin botanique de Genève».Jardins célèbres ou non, Alain Baraton leur rend hommage, les choisissant en toute partialité. «Je n’aime pas tous les jardins, reconnaît-il. Je n’ai pas visité certains, d’autres ne me parlent pas. J’ai donc préféré ne pas les citer dans mon livre, plutôt que les critiquer».

La délicatesse de MonetLe «Dictionnaire amoureux» s’intéresse à des jardins cé-lèbres ou inconnus, splendides ou modestes, faisant découvrir

cette fois «la petite histoire plu-tôt que l’Histoire», souligne l’au-teur. C’est le cas, par exemple, pour le jardin de Claude Monet, à Giverny, en Normandie. «Mo-net avait fait un jardin absolu-ment extraordinaire. Il adorait les fleurs, mais selon sa volonté, il a été enterré sans couronnes ni fleurs, parce qu’il craignait très certainement que celles-ci ne soient cueillies dans son jardin». Alain Baraton est aussi tombé amoureux du jardin de la Mal-maison, voulu par l’impéra-trice Joséphine et dont l’état aujourd’hui «n’est pas génial, mais il a su conserver son âme, prouvant ainsi que le jardin peut transmettre des sentiments qui ont existé», mais aussi de celui d’Anne Frank, à Amsterdam. «Le jardin en lui-même n’a pas d’intérêt, mais je parle du mar-ronnier qu’elle voyait depuis l’endroit où elle se cachait des nazis. Elle conversait avec le vieil

arbre. C’était une telle émotion quand je l’ai vu en 2007. Main-tenant, le marronnier est mort et remplacé par un de ses descen-dants. Un arbre est le plus beau monument que l’on puisse éri-ger à la gloire d’une personne».

Où un nain devient géantMais l’auteur s’indigne aussi, ci-tant ainsi le Jardin d’acclimata-tion, à Paris, qu’il trouve moche mais qu’il dédie «à la bêtise humaine. Ce jardin fut aussi un parc zoologique et on y exhibait… des êtres humains». Dans son livre, Alain Baraton ne se limite pas aux jardins. Ainsi, la brouette, dont l’invention revient aux bâtisseurs de cathédrales et non au mathématicien Pascal, la chaise longue, qui connaît son heure de gloire dans les années 60, ou encore le banc, qui sous Louis XV «participe à la décora-

tion du jardin et devient même un but de promenade», sortent de l’anonymat où ils sont sou-vent relégués. Le nain de jardin trouve aussi grâce aux yeux de l’auteur, qui avoue rêver d’ins-taller dans le jardin de Versailles «à l’Etoile royale, à l ’extrémité et au centre de la pers-pective, un gigantesque nain de jar-din. Un vrai de vrai, avec une pioche ou une lanterne, un bonnet rouge lui couvrant la tête et une barbe blanche. J’aimerais un nain géant, visible de partout». De quoi faire taire une bonne fois pour toutes les détracteurs de ces drôles de petits lutins! n

Tina Laurier

• à L I R E12

• Alain Baraton.

• Le jardin de Monet à Giverny.