LE DIABETE GESTATIONNEL De la théorie à la pratique · Atcd de DG, de macrosomie ou de MF in...

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LE DIABETE GESTATIONNEL De la théorie à la pratique DIAPASON 36 Marc DAUPHIN, endocrinologue Hôtel Best Western - Châteauroux Jeudi 29 janvier 2013

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LE DIABETE GESTATIONNEL De la théorie à la pratique

DIAPASON 36

Marc DAUPHIN, endocrinologue

Hôtel Best Western - Châteauroux

Jeudi 29 janvier 2013

LE DIABETE GESTATIONNEL

- 6% des grossesses

-  Problème de santé publique croissant avec augmentation de 16 à 127% depuis 20 ans

- Retentissement maternel et foetal

RAPPELS PHYSIOLOGIQUES

Profil glycémique de la femme enceinte

Glycosurie et grossesse

Qui passe la barrière placentaire ?

Les corps cétoniques

Profil glycémique de la femme enceinte

Première moitié de la grossesse

Anorexie – vomissements

Tendance hypoglycémie et cétose

Insulino-sensibilité augmente

Glycémies surtout nuit et réveil

Femme diabétique : besoins en insuline

Insulino-résistance (progestérone, GH placentaire, cortisol)

Normal Hyperinsulinisme

Maintien de la glycémie

Anormal insuline insuffisante

(post-prandial)

Diabète gestationnel

Femme diabétique : besoins insuliniques qui chuteront brutalement après l’accouchement

Deuxième moitié de la grossesse

Profil glycémique de la femme enceinte

GLYCOSURIE ET GROSSESSE

Il existe une diminution du seuil rénal du glucose pendant la grossesse

l’existence d’une glycosurie n’a pas de valeur pathologique obligatoire

La persistance d’une glycosurie en post-partum peut évoquer un diabète rénal

A ne pas faire : se contenter d’une glycosurie pour dépister un diabète gestationnel

Qui passe la barrière placentaire ?

MERE FOETUS

Glucose

Acides gras

Acides aminés

Corps cétoniques

INSULINE

P L A C E N T A

Les corps cétoniques

C E L L U L E

GLU A. GRAS

GLU A. GRAS

E Corps cétoniques

E Acidose Cerveau

Insuline

Le diabète gestationnel DEFINITION

Ce n’est pas un diabète

« hyperglycémie gravidique »

HGPO ++

LE DEPISTAGE « ANTIQUE »

- Dépistage en deux temps

-  Test de O’SULLIVAN : 50 g de glucose et glycémie une heure après

1g30 2g

HGPO à 100 g N DG

2 valeurs +

DG

LE DEPISTAGE « ANTIQUE »

Critères de CARPENTER et COUSTAN pour l’HGPO à 100 grammes

H 0 = < 0g95

H 1 = < 1g80

H2 = < 1g55

H3 = < 1g40

A interpréter

Selon les

Facteurs de risque

QUAND FAISAIT-ON LE DEPISTAGE ?

En général au début du sixième mois

Femmes à risque : au troisième mois, à répéter au sixième mois en cas de négativité

Le dépistage était à proposer officiellement à toutes les femmes (30% des femmes avec un diabète gestationnel n’ont aucun facteur de risque)

LE « NOUVEAU » DEPISTAGE

1 - Un dépistage ciblé

2 - Un dépistage « à deux temps »

3 - Un dépistage fondé sur le risque de morbidité foeto-maternelle

LE « NOUVEAU » DEPISTAGE

1 - Un dépistage ciblé :

âge > 35 ans. IMC > 25. Atcd perso de DG ou macrosomie. Atcd famille 1er degré de D2

2 - Un dépistage « à deux temps »

Glycémie à jeun au T1 : si > 0g92 : intervention. HGPO 75g entre 24 et 28 SA

INTERPRETATION DE L’HGPO à 75 GRAMMES

- HGPO à 75 grammes de glucose (24-28 SA)

-  H 0 : glycémie normale < 0g92 -  H +60 mn : glycémie normale < 1g80 -  H +120 mn : glycémie normale < 1g53

-  Epreuve anormale si UNE valeur pathologique

Etude HAPO – 9 pays – 7 ans – 23325 grossesses Âge moyen 29 ans – IMC moyen 27.7

Dépistage HGPO 75g entre S24 et S32

Femmes retenues si < 1g05 à jeun et < 2g à 2 heures et classement des glycémies à H0, H1 et H2 en sept strates

Relation continue entre glycémies maternelles et conséquences foeto-maternelles

Le nouveau consensus repose donc aussi sur des décisions partiellement arbitraires

3 - Un dépistage fondé sur le risque de morbidité foeto-maternelle

LES NOUVEAUX CRITERES Heurs et malheurs

AVANTAGES : -  Reposent sur consensus mondial -  Bien corrélés à la survenue de complications (HTA X 1.5 ; prématurité X 1.7 ; hypo néo-nat X 3.4) ( 6.5% de macrosomies dépistées en plus )

INCONVENIENTS : - Méthode plus lourde -  Majoration du nombre de dépistées ?

PREVALENCE DU DG AVEC LES NOUVEAUX CRITERES DANS QUELQUES CENTRES DE

L’ ETUDE HAPO

-  USA : 16 à 23 % -  SINGAPOUR : 22 % -  THAÏLANDE : 21 % -  ANGLETERRE : 21 % -  IRLANDE : 15 % -  CANADA : 14 % -  AUSTRALIE : 13% -  CHINE : 13 % -  ISRAËL : 9%

FRANCE ? 6 9 % ?

Facteurs de risque

de diabète gestationnel

Âge supérieur à 30 ans

Surpoids ou obésité prégestationnels

Père ou mère diabétique

Atcd de DG, de macrosomie ou de MF in utero

Ethnie (asiatique, amérindienne, Réunion)

-Si IMC > 40, X 3 de la mortalité périnatale, de la prématurité et de la dystocie des épaules.

-Un poids de 90 à 120 kg majore le risque d’HTA gravidique, de césarienne et d’accident thrombo-embolique.

-Risque de développer un diabète gestationnel : IMC > 25 : risque X 2 IMC > 30 : risque X 4 IMC > 40 : risque X 8

-Augmentation du risque de macrosomie fœtale, indépendamment de la notion de diabète gestationnel

Complications obstétricales

du surpoids et de l’obésité

Pourquoi dépister le diabète gestationnel ?

Risques pour la MERE

Risques pour l’ENFANT

Risques du DG pour la MERE

Césarienne

HTA gravidique voire pré-éclampsie

Diabète de type 2 ultérieur

Risque pour la mère de développer un D2 après avoir présenté un DG

Etude de O’SULLIVAN – BOSTON (1991)

615 femmes suivies pendant 28 ans

HGPO à 100 grammes

50% de diabètes ( vs 5% pour les témoins)

Femmes ayant fait un DG plus à risque de faire un D2

Etude de SCHAEFER-GRAF

Glycémie à jeun : < 0g95 = 0.5 %.

> 1g21 = 36.7 %

Âge gestationnel au diagnostic : < 19 SA = 21.4 %.

> 31 SA = 8.7 %

Test de O’SULLIVAN : < 1g55 = 2.6%.

> 2g02 = 27.3%

Risques du DG pour l’enfant

Pendant la grossesse : macrosomie - hydramnios. Prématurité.

MF in utero - détresse respiratoire

Accouchement : hypoglycémie néo-natale.

Traumatisme (dystocie des épaules)

Enfant – adulte : obésité voire diabète de type 2.

Surtout si haut poids de naissance

La corpulence pré-gestationnelle un facteur de risque capital

de macrosomie

( HALL et al. , Obstet Gynecol Surv , 2005 )

Groupes : - 1110 femmes avec un DG traité - 555 femmes avec DG non traité ( > 37 SA ) - 1110 femmes témoins sans DG

L’étude a recherché le risque de macrosomie dans les différents groupes ci-dessus

TEMOINS

DG TRAITES

DG non traités poids normal

DG non traités surpoids - obèse

12 %

18 %

59 %

Risque de macrosomie

SURPOIDS MATERNEL = RISQUE DE MACROSOMIE

TEMOINS

DG TRAITES

DG non traités poids normal

DG non traités surpoids - obèse

12 %

18 %

59 % 18 %

69 %

Risque de macrosomie

SURPOIDS MATERNEL = RISQUE DE MACROSOMIE

MECANISME de la MACROSOMIE

MERE

AC. GRAS

AC. AMINES

GLUCOSE

FŒTUS

I. RESISTANCE

INSULINE

MACROSOMIE

PLACENTA

OBESE

LA MACROSOMIE

Est le résultat de

L’ HYPERINSULINISME FOETAL

Femme enceinte

45 kg avant grossesse D1 mal contrôlé

120 kg avant grossesse non diabétique

PLACENTA

GLU AG - AA

HYPER INSULINISME

MACROSOMIE

IR

MACROSOMIE DU NOUVEAU-NE DE MERE DIABETIQUE

Disposition THORACIQUE de la graisse

Dystocie des épaules Paralysie du plexus brachial

Fracture claviculaire

RISQUE D’OBESITE INFANTILE APRES UN DIABETE GESTATIONNEL

Etude portant sur 465 enfants nés de mère avec un DG et revus entre 9 et 14 ans

surpoids obésité

DG 17.1 % 9.7%

Témoins 14.2% 6.6%

DONC , risque de surpoids majoré de 20%

risque d’obésité majoré de 50%

LA MACROSOMIE Facteur de risque d’obésité

( SILVERMAN, Ann N Y Acad Sci , 1993 )

L’étude a recherché le pourcentage d’enfants obèses à l’âge de 7 ans selon le poids de naissance

OBESES à 7 ANS.

PN > 4 kg 42 %.

PN < 4 kg 7 %

Or, une obésité infantile persiste dans environ 50% des cas à l’âge adulte

Risque de D2 ultérieur chez un enfant dont la mère a fait un diabète gestationnel

Non démontré mais très probable

Excès de transmission maternelle du diabète, suggérant un rôle de l’environnement intra-utérin

Pimas : si la mère est diabétique pendant la grossesse, on a 45% d’enfants diabétiques à 20 ans vs 1.5% si la mère est non diabétique

L’obésité est un facteur de risque de diabète

Flux trans-placentaire de GLU / AC. GRAS

Hyperinsulinisme fœtal

MACROSOMIE

Obésité enfant / adulte

DIABETE de type 2

LE DIABETE GESTATIONNEL : une machine à fabriquer des diabétiques ?

F. Enceinte en surpoids

DG D2 mère

Surpoids enfant

naissance

surpoids adulte

D2 adulte

PREMIERE CONCLUSION :

Il est justifié d’essayer de prévenir le diabète gestationnel

Optimiser l’hygiène de vie avant la grossesse notamment chez les femmes en

surpoids ou obèses

TRAITER LE DIABETE GESTATIONNEL DONNE-T-IL DES RESULTATS CLINIQUES ?

Etude ACHOIS (NEJM, 2005) : O’SULLIVAN > 1g40 (1g58) , avec Gly à jeun < 1g40 (0g86) et Gly 2H post 75g entre 1g40 et 2g (1g55) Pop : blancs 73%, asiatiques 19%, autres 9% Deux groupes de 500 femmes environ

CPS + mort NN Int : 1% Obs : 4%

Macrosomie I : 13% O : 22%

Pré-éclampsie I : 12% O : 18%

Dépression PP I : 8% O : 17% (CPS = complication périnatale sérieuse = dystocie des épaules, paralysie nerveuse, fracture claviculaire)

TRAITER LE DIABETE GESTATIONNEL DONNE-T-IL DES RESULTATS CLINIQUES ?

Etude de LANDON et al (NEJM, 2009) : O’SULLIVAN de 1g35 à 2g (1g59), avec gly à jeun < 0g95 (0g86) et au moins 2 valeurs patho à l’HGPO 100g : 1g80 (1g91) à H1, 1g55 (1g73) à H2, 1g40 (1g37) à H3. Pop : noirs 12%, blancs 25%, asiatiques 5%, hispaniques 58% Deux groupes de 480 femmes environ CJP : mort périnatale, complications néo-natales (hypoglycémie, hyperbilirub, hyperinsulin néonat, traumatisme obstétrical) : NON SIGNIFICATIF Mieux pour des CS pré-spécifiés : poids de naissance, masse grasse périnétale, bébés > 4 kg, césarienne, pré-éclampsie, HTA gravidique, prise de poids pendant grossesse

Les études de 2005 et 2009 semblent donc montrer une diminution du risque de complications avec un

traitement intensif du DG

DEUXIEME CONCLUSION : Il est justifié de traiter le diabète

gestationnel pour essayer de prévenir ses complications diverses

Prise en charge du DIABETE GESTATIONNEL

- TOUJOURS : la diététique

-  SOUVENT : l’auto-surveillance

-  PARFOIS : l’insuline

-  JAMAIS : anti-diabétiques oraux. bêta-mimétiques

LA DIETETIQUE

La diététicienne a sa place dans le DG : - AVANT la grossesse (si surpoids – obésité) - PENDANT la grossesse (maîtriser le DG) - APRES la grossesse (prévenir un diabète de type 2)

Ne pas trop restreindre l’alimentation (cétogenèse)

Enrichir la ration en fibres

Ajouter éventuellement des collations inter-prandiales (surtout si insuline)

Aller marcher après les repas si possible

L’AUTO-SURVEILLANCE

- Lecteur glycémique

-  Six glycémies par jour jusqu’à l’accouchement

- Avant et deux heures après le début des repas

-  Objectifs < 0g95 avant les repas.

< 1g20 deux heures après début repas

-  HbA1c : non évaluée dans le DG

-  Glycosurie : inutile

-  Acétonurie : à discuter si le poids stagne

L’ INSULINE

- Souvent : analogue rapide de l’insuline (HUMALOG, NOVORAPID, APIDRA) avant un ou plusieurs des repas si glycémie post-prandiale > 1g20

-  Plus rarement : insuline d’action prolongée le soir (INSULATARD, UMULINE NPH) si glycémie à jeun élevée > 1g – 1g10.

-  Au début : 4u puis augmenter de 2 en 2u pour avoir moins de 1g20 en post-prandial.

- Effet indésirable : les hypoglycémies

-  Infirmière nécessaire au moins les premiers jours

-  Insister sur l’intérêt de l’insuline pour l’enfant

L’ INSULINE exemple

DG traité par NOVORAPID : 4 – 6 – 4

8H pp 12H pp 19H pp

85  107 82 136 73 106

81  113 84 128 71 111

88  102 79 142 75 105

Conduite à tenir : ??

L’ INSULINE exemple

DG traité par NOVORAPID : 4 – 6 – 4

8H pp 12H pp 19H pp

85  107 82 136 73 106

81  113 84 128 71 111

88  102 79 142 75 105

Conduite à tenir : passer NOVORAPID à 4 – 8 – 4 en ajoutant une collation vers 16 heures

APRES L’ ACCOUCHEMENT

- Stopper l’ INSULINE (surveiller glycémies)

-  Continuer la DIETETIQUE

-  Conseiller l’ ALLAITEMENT MATERNEL

-  Penser à la CONTRACEPTION

-  GLYCEMIE A JEUN trois mois plus tard ( HGPO ? ) puis annuellement pour dépister un diabète de type 2

LA CONTRACEPTION

- Les estro-progestatifs (EP) sont possibles avec les précautions habituelles (respect des CI et vérifier la tolérance métabolique et cardio-vasculaire).

-  Les progestatifs seuls ne sont pas forcément à prescrire systématiquement à la place des EP

-  Contraception mécanique ++ (DIU, ligature)

L’ALLAITEMENT MATERNEL

- A conseiller +++ après un diabète gestationnel

-  L’ AM > trois mois est négativement corrélé au risque d’obésité chez l’enfant, surtout si la mère est obèse (SCHAEFER-GRAF, Diab Care, 2006, 1165-7)

-  L’AM > six mois pourrait diminuer le risque de diabète de type 1.

Ce qui n’est pas un DIABETE GESTATIONNEL

- Le diabète de type 2 débutant

-  A suspecter si la glycémie à jeun est > 1g10 ; il est même presque certain si le chiffre est > 1g25 à jeun ou > 2g à 2H de l’HGPO à 75g : une intervention est alors urgente et indispensable (insuline)

-  Les risques cités plus hauts (macrosomie notamment) sont plus importants, et il s’y rajoute :

ENFANT Risque MALFORMATIF

MERE Risque RETINIEN

D. de type 2 40 ans

Âge maternel 30 ans

CONCLUSION

- DEPISTER le DG plus ou moins tôt selon les facteurs de risque (sixième mois voire dès le premier trimestre)

-  TRAITER par les règles hygiéno-diététiques voire par l’insuline

- SURVEILLER à long terme la mère et l’enfant qui sont exposés à des risques métaboliques