LE CREDIT DES ORIGINES A NOS JOURS : ENTRE FAVEUR ET...

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Université Jean Moulin LYON III LE CREDIT DES ORIGINES A NOS JOURS : ENTRE FAVEUR ET REJET Approche historique du crédit en Occident de la Mésopotamie à la société actuelle. Lucie BARBOT et Laura MARCELLI 26/02/2009

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Université Jean Moulin LYON III

LE CREDIT DES ORIGINES A NOS JOURS : ENTRE FAVEUR ET REJET Approche historique du crédit en Occident de la Mésopotamie à la société actuelle.

Lucie BARBOT et Laura MARCELLI 26/02/2009

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SOMMAIRE

I. LA TECHNIQUE DU CREDIT : DES ORIGINES ANTIQUES

A. L’orient méditerranéen, berceau de la technique du crédit.

B. La civilisation grecque, inspiratrice de nos institutions.

C. Le crédit dans la civilisation romaine, entre Orient et Occident.

D. Points de vue religieux jusqu’au Moyen-âge: le rejet de l’intérêt.

II. LE CREDIT AU MOYEN-AGE ET PENDANT L’EPOQUE MODERNE

A. Une législation prohibitive

B. Le détournement de l’interdiction en pratique

C. Les exceptions légales

D. Les changements consécutifs à la Révolution française

III. L’EPOQUE CONTEMPORAINE : LA PROLIFERATION DU CREDIT

A. La Banque de France : le développement du crédit au niveau

étatique

B. La limite au crédit : l’usure

C. Le crédit à la consommation : le crédit des classes populaires

D. Le microcrédit, une technique mondialement utilisée

E. Les crises économiques et leur impact sur le crédit

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INTRODUCTION

Le droit du crédit correspond { l’ensemble des normes édictées et sanctionnées

par l’Etat permettant de réguler une certaine organisation économique. Le crédit est un

moyen d’anticiper les ressources futures du débiteur pour satisfaire un besoin financier

immédiat.

C’est un pari sur l’avenir : la racine du mot « crédit » vient du latin « credere » qui

veut dire croire. Le débiteur doit croire en lui, en ses ressources futures et en l’économie

en générale, il doit avoir confiance ; le créancier doit croire que le débiteur sera capable

de le rembourser en temps voulu, il doit croire en son avenir et en l’évolution des

finances de son débiteur, il doit avoir confiance.

Or la confiance est ce qui fait défaut aujourd’hui. Depuis l’éclatement de la crise

aux Etats-Unis en septembre 2008, les banquiers comme les particuliers n’ont plus

confiance, d’où l’effondrement de la consommation, donc de l’économie.

A l’opposé, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Etats occidentaux

sont passés d’une société de subsistance { une société de consommation, dans laquelle

on n’achète pas ce dont on a besoin mais ce dont on a envie. La consommation créé des

emplois, qui engendrent des salaires, qui augmentent le volume de l’impôt, qui permet

aux Etats d’investir dans l’éducation, les transports, les technologies…, d’où

l’augmentation des niveaux de vie. Or cette consommation ne peut se faire sans crédit, le

crédit a acquis alors une place majeure dans nos sociétés.

C’est ce qui s’est passé pendant les Trente Glorieuses, période faste allant de la fin

de la Seconde Guerre mondiale en 1945 au choc pétrolier de 1973, caractérisée par le

plein emploi, une croissance forte de la production industrielle et une expansion

démographique importante. Les Trente Glorieuses sont le parfait exemple d’un état de

confiance général à tous les niveaux de consommation, permettant un contexte

économique prospère avec une consommation et un investissement forts.

On en déduit que soit les agents s’endettent pour consommer et le système fonctionne,

soit les agents ne s’endettent plus et repoussent les dépenses de consommation et le

système s’écroule.

Au point de vue historique, le crédit est apparu sous différentes formes, selon le

contexte politique, économique et social de l’époque. Une des façons d’envisager

historiquement le crédit est de le faire grâce à la religion. Max Weber explique la

structure de nos sociétés capitalistes par la religion. Au départ, catholiques et

musulmans sont d’accord concernant le prêt à intérêts, le droit canon y est opposé pour

les catholiques. Les musulmans ont la même approche. Les droits grecs y sont plutôt

favorables mais les penseurs grecs tels que Platon et Aristote soutiennent que le

débiteur n’est pas tenu de payer les intérêts, Platon va même appliquer ce principe au

capital du prêt. La première faille apparaitra avec les protestants lorsque Calvin émettra

l’idée que le prêt n’est pas contraire { la loi divine car il favorise le travail.

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Avant l’émancipation de la population vis-à-vis des religions au siècle des

lumières, les sociétés étaient régies par le droit religieux. Le droit romain prohibait le

prêt, le crédit n’existait donc pas { cette époque. Puis le droit canon a également prohibé

le prêt à intérêts considéré comme de l’usure, le crédit n’a donc pas pu se développer.

Les pays devenus protestants, tels que la Grande-Bretagne et les pays nordiques, vont

pouvoir développer le crédit et les marchés monétaires car le protestantisme ne fait pas

obstacle à un tel commerce. Les pays protestants vont développer leur économie et

prendre beaucoup d’avance sur les pays chrétiens qui doivent attendre le XVIIIème

siècle pour commencer à dissocier le culte du commerce. Depuis lors, la France,

l’Espagne et l’Italie essayent de rattraper leur retard sur le Nord de l’Europe.

Quelles évolutions a subit le crédit ? Pourquoi a-t-il été tour-à-tour rejeté et admis, voire

préféré, par les sociétés ?

Le sujet est large et nous limiterons notre étude aux sociétés occidentales de

l’Antiquité grecque { nos jours. Préférant une approche historique du thème, nous

étudierons tout d’abord les origines du crédit dans l’Antiquité (I), puis le crédit au

Moyen-âge et pendant l’époque moderne (II) et enfin { l’époque contemporaine (III).

I. La technique du crédit : des origines antiques.

Comme il a été dit, le crédit n’est pas en soi une notion juridique. Il se matérialise

par des contrats. Cette technique est apparue pour la première fois dans le croissant

fertile, en Mésopotamie. Ce lieu porte bien le nom de berceau des civilisations, puisqu’il

a connu la naissance de l’agriculture et celle de l’écriture, écriture cunéiforme. La

civilisation babylonienne est { l’origine du crédit, et son droit et ses techniques

commerciales sont parvenus jusqu’{ nous grâce { la découverte d’une copie du Code

d’Hammourabi durant l’hiver 1901-1902, par une équipe d’archéologues français,

conduite par Jacques de Morgan, { Suse, en Irak, sur l’emplacement de l’ancienne ville

d’Elam (A). Le crédit se retrouve ensuite successivement dans la Grèce antique (B), puis

dans l’Empire romain (C). Enfin, un point de vue des différentes religions monothéistes

avant le Moyen-âge sur le crédit s’impose (D).

A. L’orient méditerranéen, berceau de la technique du crédit.

La civilisation babylonienne est née entre deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate,

autour de la ville de Babylone. Elle dure au moins du quatrième millénaire avant J.-C à

officiellement 539 avant J.-C, connaissant sa période de gloire vers 2000 avant J.-C1.

Comme c’est un peuple de commerçants, et qu’il règne un climat de libéralisme

économique, de nombreuses techniques commerciales sont utilisées, les activités

bancaires de dépôt rémunéré et de prêt à intérêt naissent assez tôt dans les temples.

Toutes ces activités économiques, favorisées par une agriculture de plus en plus

1 R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, p. 20.

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productive, se déroulent dans une atmosphère de grande liberté, garantie par le code

d’Hammourabi, qui reconnaît et protège les contrats.2

Vers la fin de son règne (1793-1750 avant J.-C), Hammourabi, fondateur du

premier royaume de Babylone, fait graver un recueil d’édits dans plusieurs villes du

royaume. Le texte se compose d’un prologue où le roi glorifie ses conquêtes et d’un

épilogue qui appelle au respect du code. Entre les deux, on trouve 282 articles qui

s’apparentent davantage { une compilation de la coutume et de la jurisprudence

babylonienne, qu’{ un véritable code au sens strict du terme. En effet, ce sont des

situations bien spécifiques qui y sont détaillées. Il dénote une société juste mais sévère

et même parfois cruelle. Ce sont les articles 113 à 119 qui réglementent les dettes et le

prêt { intérêt. On peut citer pour exemple l’article 113 : « si un homme a une créance de

blé ou d’argent sur un autre, et si { l’insu du maître du blé, dans le grenier ou dans le

dépôt il a pris du blé, on fera comparaître cet homme pour avoir pris du blé { l’insu du

maître du blé, dans le grenier ou dans le dépôt ; il rendra tout le blé qu’il a pris, et de

quoi que ce soit de tout ce qu’il avait prêté, il est frustré3. ». Il s’agit de l’hypothèse d’un

prêt entre deux hommes. Le créancier, ou prêteur, ne peut récupérer son dû { l’insu de

l’emprunteur, au risque de perdre son droit de créance.

La pratique qui s’est le plus répandue par la suite dans tout le bassin

méditerranéen est instaurée par les babyloniens. C’est le prêt { la grosse aventure, qui se

diffuse même dans l’Inde antique. Le prêt { la grosse aventure est une convention aux

termes de laquelle, en cas de perte par fortune de mer, l’emprunteur est dispensé du

remboursement de la somme prêtée sur le navire ou la cargaison. Si l’expédition arrive {

bon port, l’emprunteur a l’obligation de restituer la somme prêtée et un intérêt

extraordinaire, également appelé profit. Ce type de prêt est une prémices de l’assurance

maritime A Babylone, les intérêts ne doivent pas dépasser 20% voire 33% dans certains

cas, ce qui représente déj{ un taux d’intérêt très élevé.

On peut en déduire plusieurs choses. Tout d’abord, la technique du crédit est très

utilisée, très bien accueillie. Ensuite, les intérêts ne sont pas rejetés. En effet, ils sont

réglementés par le code d’Hammourabi. Enfin, on ne rejette pas les taux d’intérêt très

élevés, ils sont autorisés. Toutefois, le code fixe un seuil à ne pas dépasser : 20 à 33%

maximum, selon le produit prêté { savoir de l’argent ou des semences. Cela signifie

certainement qu’un taux supérieur est considéré comme abusif et est sanctionné. La loi

du talion, présente dans le code, encadre la pratique du crédit et dissuade les prêteurs

de dépasser le taux d’intérêt autorisé. La technique du crédit ne souffre donc pas d’autre

rejet qu’un taux d’intérêt abusif { cette époque, dont le seuil est élevé.

Dans les millénaires qui suivent, c’est-à-dire deuxième et premier avant J.-C, les

techniques commerciales des babyloniens sont reprises et diffusées par un autre peuple,

les Phéniciens. C’est un peuple de la mer, { partir des deux grands ports, Tyr et Sidon,

dans l’actuel Liban. Leur ruine est conduite par les Perses et Alexandre le Grand au IVe

siècle. Leur influence s’étend jusqu’{ la méditerranée occidentale, où ils fondent la ville

de Carthage, vers 700 avant J.-C, sur l’emplacement de Tunis : c’est la légende de la reine 2 F. Mazerolle, Histoire des faits et des idées économiques, Gualino éditeur, p.22

3 V. Scheil La loi de Hammourabi roi de Babylone vers 2000 avant J.-C, Leroux, 1904.

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Didon. Grande concurrente de Rome, Carthage est pendant longtemps la plus grande

puissance commerciale. Rome n’a de cesse de vouloir détruire cette ville et Caton

l’ancien, dit le censeur, homme politique romain et consul en 195 avant J.-C, répète dans

tous ses discours : « delenda Carthago est. » autrement dit : « il faut détruire Carthage ».

Carthage est rasée en 146 avant J.-C après les trois guerres dites puniques qui opposent

Rome au carthaginois Hannibal. Cette victoire est remportée par Scipion l’Africain4.

Carthage rasée, la civilisation phénicienne s’effondre définitivement. Tout est détruit, les

bibliothèques comme les monuments, il ne reste aucune trace du droit phénicien ou

carthaginois. La seule chose que l’on puisse imaginer, c’est que la civilisation

phénicienne connaissait les mêmes techniques de crédit que les Babyloniens5. Toutefois,

il est difficile de savoir quelles pratiques étaient favorisées et lesquelles étaient

rejetées… Tout au plus peut-on supposer que le prêt à la grosse aventure était beaucoup

utilisé, mais quand { savoir si un taux d’intérêt était autorisé, et si oui de combien, il

nous est impossible de le préciser.

Il est temps { présent d’étudier les techniques pratiquées par la Grèce, autre très

grande civilisation méditerranéenne, directement inspiratrice de nos institutions.

B. La civilisation grecque, inspiratrice de nos institutions.

La Grèce est connue historiquement à partir de 1500 avant J.-C, mais sa période

brillante et prospère correspond { l’époque de la grandeur d’Athènes, c’est-à-dire entre

les VIe et Ve siècle avant J.-C. A la différence de Rome, la Grèce n’est pas un Etat, c’est une

civilisation composée de centaines de petits Etats, les cités (polis). Chaque polis a son

propre gouvernement, sa propre législation. Le droit grec n’a donc pas le développement

complet qu’a le droit romain. Si un fonds commun existe, notamment la langue, les dieux

et une façon de voir les choses à la fois philosophique, littéraire et juridique, le droit grec

ne sera jamais unifié. En effet, dans beaucoup de cités, comme à Sparte par exemple, le

droit reste coutumier. Or, à Athènes, Dracon et Solon ont essayé de codifier le droit. La

Grèce de l’antiquité représente un monde méditerranéen de cités commerçantes {

l’échelle internationale. La monnaie apparaît, selon la légende chez le roi Crésus, vers le

VIIe siècle avant J.-C et de ce fait, c’est { cette époque qu’elle fait son apparition dans les

cités grecques. Bientôt, chaque cité a sa propre monnaie, mais un système d’étalonnage

est mis au point pour parvenir à effectuer des conversions. Ce nouveau moyen permet la

multiplication des possibilités commerciales6.

Dans le monde hellénique, vers le VIe siècle avant J.-C, chaque ville, chaque

sanctuaire frappent la monnaie, d’où la présence de nombreux changeurs qui se mettent

tout naturellement à faire du crédit. A Athènes, ils se contentent d’installer une table (en

grec « trapezion » signifie « petite table ») d’où leur nom de trapézistes7. La technique du

4 Le petit Larousse, 1998, éditions Larousse.

5 R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, p. 22

6 R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, p. 23

7 D. Brand et M. Durousset, Dictionnaire thématique histoire géographie, Sirey 6

ème édition, 2002, p.53.

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crédit se matérialise à travers différents contrats, se développent également des

opérations de change et de dépôt, constituant tout un fond de pratiques bancaires. Il

existe trois types de prêt dans la Grèce antique. Tout d’abord, le prêt de consommation,

ou daneismos, ensuite le prêt à usage, ou crhsis, enfin le prêt maritime dit prêt à la grosse

aventure, ou nautikon daneion. Ce dernier est sensiblement le même qu’{ Babylone. En

effet, un négociant maritime a besoin de fonds pour charger un navire, il emprunte donc

de l’argent { un capitaliste ; mais si le voyage ne réussit pas, si le navire disparaît en mer

avec la marchandise, l’armateur ne rendra rien au capitaliste. Il ne le rembourse que si le

voyage réussit. La question des intérêts se pose { présent. Le droit grec n’interdit pas

l’intérêt dans le prêt. La pratique l’a donc favorisé, d’autant plus qu’il n’existe pas de taux

légal. Les prêts sont donc conclus avec des taux d’intérêt (1% par mois en règle

générale). S’agissant du nautikon daneion, les intérêts atteignent un taux usuraire, c’est-

à-dire excessif, puisqu’ils oscillent entre 30 et 50%... De plus, on trouve toute les clauses

et modalités possibles des obligations, les dommages et intérêts pour inexécution de

l’engagement (ta diafora) le terme, la demeure (uperhmeria) la solidarité passive, la

clause pénale (ta epitimia). Comme mode d’extinction des obligations, outre le paiement,

on a la sommation de recevoir (proklhsis) la remise, etc.

L’insuffisance de matériaux juridiques nous pousse { nous tourner vers d’autres

sources, à savoir les écrits des orateurs et des philosophes. On connaît les différentes

techniques de crédit grâce aux plaidoyers des orateurs. En effet, lors de litiges, les

plaidoyers de chaque partie étaient conservés par écrit. On peut citer par exemple un

plaidoyer célèbre de l’orateur Démosthène contre Lacritos, dans un litige opposant

Androclès de Sphette et Nausicrate de Caryste à Artémon et Apollodore de Phrasélis8. Il

est question d’un prêt { la grosse aventure. Démosthène expose les termes du contrat, {

savoir qu’Androclès et Nausicrate ont prêté trois mille drachmes d’argent à Artémon et

Apollodore pour un voyage à Mendé ou à Scioné avec retour à Athènes. Ce prêt est

affecté sur trois mille amphores de vin de Mendé, et il « est déclaré que les objets ainsi

affectés sont francs et quittes de toute autre dette et ne seront point affectés à un nouvel

emprunt ». Ainsi, on apprend que les Grecs garantissaient déj{ leurs dettes, puisqu’il est

question d’un gage en l’espèce, pour garantir le prêt. Par ailleurs, on observe que la

convention de prêt impose un gage sur des marchandises qui ne sont pas encore

revenues { Athènes, et il n’existera qu’{ la condition que le bateau revienne { bon port.

Dès cet instant, le gage sera tenu intact { la disposition des prêteurs jusqu’{ ce que les

emprunteurs aient payé leur dette. A défaut de paiement au terme convenu, les prêteurs

pourront entrer en possession du gage et le vendre. Si le prix est insuffisant pour couvrir

la totalité de la somme due, les prêteurs pourront poursuivre les emprunteurs sur tous

leurs biens. Ensuite, Démosthène rappelle la loi athénienne pour montrer que le contrat

est licite et donc valable. Puis, il dit en quoi les emprunteurs ont manqué à leur

obligation de ne pas réaffecter les marchandises { un autre emprunt. Rien n’est dit sur le

taux d’intérêt de l’emprunt, mais les intérêts sont bien mentionnés tout de même. Cela

nous prouve que les Grecs utilisent les techniques du crédit.

8 R. Dareste, Les plaidoyers civils de Démosthène, Tome 1, Paris éditions Plon, 1875.

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Des ouvrages de philosophes grecs nous sont parvenus, et il est fait référence au

crédit, cependant pas en termes élogieux. En effet, Platon dans le livre les lois, affirme

que celui qui consent un crédit et fait ainsi confiance à celui avec qui il traite, agit à ses

risques et périls. Le crédit n’est pas pour ainsi dire condamné, mais il se situe dans une

dimension qui n’est pas juridique. C’est le mode des relations d’amitié. Parce qu’il est

nécessaire de procurer aux citoyens autant d’amitié mutuelle qu’il est possible dans la

république, une loi est souhaitable « qui viendrait après celle contre les dissipateurs et

qui obligerait les citoyens à être honnêtes, car si le législateur ordonnait que les

transactions volontaires se fissent en général aux risques du prêteur, on s’enrichirait

avec moins d’impudence dans la cité et moins de ces maux y naitraient. » dit encore

Platon dans la République. Il se prononce donc clairement contre les intérêts. Aristote est

également hostile aux intérêts dans le prêt. Il y voit en effet un moyen injuste,

déshonorant et contre nature de s’attribuer le bien d’autrui. En outre, dans Ethique à

Eudème, il montre aussi une hostilité { l’égard de toute action en justice pour l’exécution

des opérations de crédit. D’après lui, ceux qui font confiance ne peuvent que s’en

remettre { la bonne foi et { l’équité de l’autre partie9.

Les Grecs utilisent donc beaucoup la technique du crédit, condamnée par les

auteurs mais autorisée par la loi. Les Romains vont également les utiliser et vont

dégager des principes de droit commercial.

C. Le crédit dans la civilisation romaine, entre Orient et Occident.

Il paraît utile de faire un bref rappel historique de la puissance de Rome. On

distingue habituellement trois périodes. De 753 à 509 avant J.-C, c’est la royauté

romaine, durant laquelle le droit est assez rudimentaire, et l’économie agricole et

pastorale. De 509 à 27 avant J.-C, c’est l’ère de la République. La conquête, commencée

au IIe siècle avant J.-C, met Rome en contact avec les civilisations grecques et orientales,

et modifie profondément l’économie romaine qui devient internationale. Au Ier siècle

avant J.-C, tout le bassin méditerranéen est tombé aux mains des Romains. A partir de 27

avant J.-C, et jusqu’en 476 s’institue l’Empire. Le « Haut-Empire » fait régner jusqu’{ la

fin du IIe siècle la « Paix Romaine » sur l’Europe occidentale et les pays de tout le

pourtour méditerranéen. Après la crise économique du IIIe siècle, le « Bas-Empire » voit

le partage du pouvoir entre Rome et Constantinople. En 476, c’est la chute de l’Empire

d’occident qui tombe aux mains des Barbares. L’Empire romain d’orient devient

l’Empire byzantin et dure jusqu’en 1453. Il semble donc normal d’étudier les techniques

du crédit dans l’ensemble de l’Empire romain, jusqu’{ la chute de la partie occidentale

dans un premier temps, puis de voir si elles perdurent ou évoluent dans la partie

orientale.

Rome se trouve au centre du commerce mondial, entre le commerce occidental

avec le port de Marseille, le commerce africain avec la nouvelle Carthage romaine et

surtout le commerce oriental avec les villes d’Alexandrie, d’Antioche, d’Athènes et, plus

9 Ces références à Aristote et Platon se retrouvent dans la thèse présentée par A. Chirez en juin 1977 dont le

sujet est la confiance en droit contractuel.

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au nord, de Byzance. Sous la République et sous l’Empire, il existe { Rome une classe

supérieure vouée au négoce. Le système bancaire se développe assez tôt. Les banquiers,

ou argentarii, ne finance pratiquement que la consommation des particuliers. La banque

est surtout une banque de dépôt, de change, faisant des opérations de prêt destinées à

plusieurs catégories de personnes. Ces prêts financent les besoins de la classe

dirigeante, ceux des communautés, et ceux des villes provinciales très endettées par

leurs constructions, leurs jeux et leurs redevances au fisc impérial. Toutefois, la banque

souffre d’un manque de liquidités. En effet, il n’existe pas encore de monnaie-papier

négociable, ou de banque centrale. De plus, elle souffre d’un manque de moyens de

paiement car la monnaie scripturale est mal développée.

Pour les besoins du commerce, un droit spécial va se substituer au droit civil

traditionnel, grâce au rôle du préteur. C’est la naissance du jus gentium, ou droit des

gens. Le but est double : permettre aux étrangers de faire des actes juridiques avec les

Romains et permettre à toutes les catégories de citoyens de pratiquer un droit plus

souple. Rappelons en effet que selon le droit civil traditionnel, seul le pater familias a un

patrimoine et peut passer des actes juridiques, lui seul peut s’obliger envers quelqu’un

ou obliger ses descendants en sa puissance (« manus »). Le jus gentium change tout. C’est

le droit que tout individu détient et transporte avec lui, en dehors de sa cité d’origine.

Sur le plan du droit des gens, Romains et étrangers vont pouvoir passer un certain

nombre d’actes juridiques. C’est le préteur, ou praetor, qui est le magistrat compétent

pour les étrangers ou les rapports des citoyens romains avec eux. Annuellement, le

préteur prend un édit qui autorise de nouvelles actions, puisqu’{ Rome il n’y a pas de

droit s’il n’y a pas d’action. Tous les types de contrats vont donc se multiplier, et

notamment ceux qui utilisent la technique du crédit.

A l’origine, les Romains ne connaissent que le dépôt. Puis vient la notion de prêt

qui se divise en deux branches, à savoir le prêt à usage, ou commodat, et le prêt à la

consommation, ou mutuum. Le commodat est la convention aux termes de laquelle le

prêteur remet une chose { l’emprunteur, qui a le droit de s’en servir, mais ensuite il doit

le rendre. Le mutuum se constitue également par la remise de la chose (re), avec pour

l’emprunteur l’obligation de rendre l’équivalent au prêteur. Au tout début, le mutuum

est à titre gratuit. Mais, par la suite, on l’assortit d’intérêts. Néanmoins, les Romains ont

un concept assez original. En effet, s’agissant d’un prêt { intérêt, ils font deux actes

juridiques. Le premier, dont l’objet est la remise de la chose effectuée { titre de prêt de

consommation, est le mutuum. Le deuxième est un pacte qui prévoit des intérêts, c’est le

fenus. Mais, les Romains sont hostiles aux intérêts composés, et ils interdisent

l’anatocisme. Par la suite, pour renforcer les prêts, la notion de gage qui porte des fruits

est mise au point, c’est le vif-gage. Celui-ci peut être assorti d’un pacte commissoire qui

permet de garder la chose donnée en gage, si l’on n’a pas été remboursé. Evidemment,

les Romains pratiquent également le prêt à la grosse aventure, le nauticum fenus.

Toutefois, on n’a pas tellement d’idée précise sur le taux d’intérêts10. De manière

générale, l’intérêt n’est pas interdit dans le prêt, et celui-ci est également très pratiqué.

10

R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, p. 27 à 38.

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En effet, il est admis comme une activité annexe de l’agriculture et du commerce.

Cependant, les excès sont punis. Comme le dit Caton : « Majores nostri sic habuere, et ita

in legibus posuere, ut cum sures quidem duplici poena luerunt, foenoratores in quadruplum

condamnerent. »

A la chute de l’Empire romain, en 476, le prêt { intérêt disparaît avec la

disparition progressive de l’économie monétaire. Le Moyen-âge commence alors en

Occident. En orient, l’Empire perdure jusqu’en 1453. Sous le règne de Justinien, de 527 {

565, ce dernier entreprend un effort de codification. Ce travail est mené par des

commissions composées de jurisconsultes et de fonctionnaires, et aboutit à la

promulgation successive de quatre ouvrages fondamentaux11. C’est le Digeste qui nous

intéresse le plus. En effet, il s’agit d’une compilation de droit privé, qui regroupe toutes

les règles de droit civil et de droit des gens12. De plus, il aura une grande influence dans

la rédaction de notre Code civil. Toutefois, comme { cette époque l’Occident est coupé de

Constantinople, le code de Justinien ne peut y entrer en vigueur. L’empereur d’Orient

envoie tout de même un exemplaire au Pape à Rome13. En matière de crédit, le Code

n’innove pas par rapport { ce qui existe déj{ avant. Toutes les règles qui y sont relatives

sont contenues dans le troisième livre de la quatrième partie du Digeste.

D. Points de vue religieux jusqu’au Moyen-âge: le rejet de l’intérêt.

D’une manière générale, la religion condamne les intérêts dans le prêt. D’après la

religion juive tout d’abord, cette interdiction se retrouve dans le Pentateuque. La Bible

condamne fermement la pratique du prêt à intérêt ou usure. Cet interdit est exprimé

dans l'Ancien Testament, au vingt-troisième chapitre du Deutéronome (23-19): « Tu ne

prêteras pas à intérêt à ton frère, intérêt d'argent ou intérêt de nourriture, de toute

chose qui se prête à intérêt. » Le verset suivant (23-20) ajoute cependant une restriction

importante : « Tu pourras tirer un intérêt de l'étranger, mais tu n'en tireras point de ton

frère, afin que l'Éternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays

dont tu vas entrer en possession. » L'interdiction du prêt à intérêt figure également dans

l'Exode (22-24), le Lévitique (25,35-37) et Ezéchiel (18,8 ; 13,7 ; 22,12). Les rabbins juifs

ont réagi à l'interdiction biblique en codifiant les choses dans le Talmud de Jérusalem au

IVe siècle, et dans le Talmud de Babylone au VIe siècle, qui apportent de grandes

innovations sur l'organisation sociale, en particulier les taux d'intérêt, l'usage des lettres

de change, et les limites du profit en introduisant la notion de prix juste. Un

décisionnaire comme Amram Gaon interdit le prêt à intérêt.

Dans le Nouveau Testament, la formulation de cet interdit est moins explicite.

Dans l'Évangile selon Luc, les versets suivants mentionnent le prêt sans parler

explicitement d'intérêt : « et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré

vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la

pareille. » Puis, « Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et

11

Le code de Justinien est aussi connu sous le nom de Corpus juris civilis. 12

R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, p.49. 13

Cet exemplaire joue d’ailleurs un rôle important dans la redécouverte du droit romain en Occident au XIe siècle.

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11

votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les

ingrats et pour les méchants. » Dans les Évangiles, les passages mentionnant l'argent

sont très nombreux. Ils encouragent le don aux pauvres selon le principe de charité, ou

condamment sévèrement ceux qui ne font pas fructifier leurs talents, dans la parabole

des talents. L'utilisation de l'argent n'est pas condamnée, à condition que cela ne soit pas

une fin, mais seulement un moyen, ce qui rejoint la conception judaïque.

Si le droit romain autorisait le prêt { intérêt, l’Église catholique romaine l'interdit

à ses fidèles, le droit canon prenant appui sur la Bible. En Occident, l'interdiction du prêt

à intérêt est intégrée au droit laïc sous Charlemagne et perdure pendant tout le Moyen-

âge.

II. Le crédit au Moyen-âge et pendant l’époque moderne

Le sujet étant très vaste, il a fallu en définir les limites : après quelques mots sur

le crédit dans le droit islamique, nous étudierons le crédit en Occident, c’est-à-dire dans

les pays ayant fait partie de l’Empire romain d’Occident, et plus particulièrement en

France pour laquelle nous avons le plus de sources.

En droit islamique, la prohibition de l’intérêt résulte du verset 275 de la

deuxième sourate du Coran : « Dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt ». Un

hadith de Mahomet expose les règles du commerce légal. Ce hadith a une portée

générale parce qu’il vise six produits : l'or, l'argent, le blé, le froment, les dattes et le sel.

Tout échange de produit identique (or contre or, blé contre blé) avec un avantage pour

une personne constitue une opération usuraire ; ce qui concerne les avantages résultant

de l’échange de produits de nature différente est licite (or contre blé). Si l'Islam continue

encore de faire valoir cet interdit auprès de ses fidèles, force est de constater qu'il a été

contourné avec créativité, et l’est encore, par les commerçants et banquiers musulmans.

Les techniques utilisées sont par exemple le soukouk et la mousharaka. Le soukouk est

une obligation où l'intérêt, sous-jacent, ne dit pas son nom, étant considéré comme une

quote-part de profits futurs garantis. Aussi appelé obligation islamique, c’est un

certificat d'investissement conforme à la charia. Il est généralement considéré comme

étant l'équivalent, dans la finance islamique, d'une obligation dans la finance

occidentale. Dans la mousharaka, la banque participe au financement de l’acquisition

d’un bien immeuble et le remboursement obéit à un tableau d’amortissement qui

comprend, outre le capital principal, les « bénéfices » tirés par la banque pour cette

opération. Il existe un nombre croissant de banques islamiques, y compris dans des pays

occidentaux, offrant ces produits financiers dits islamiques.

En Occident, l’intérêt et l’usure sont un problème majeur : dès le XIIIe siècle, alors

que l’Eglise chrétienne est à son apogée, elle est déj{ menacée par l’économie monétaire.

L’économie se développe et le capitalisme est sur le point de se former mais cela

nécessite l’usage massif de pratiques financières prohibées par l’Eglise. Dès lors, vont

s’opposer religieux et laïcs dans une lutte acharnée, les premiers par une législation

prohibitive (A) et les autres par le détournement de ces interdictions (B), alors que

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quelques exceptions sont aménagées légalement (C). Les choses changent en France lors

de la Révolution (D).

A. Une législation prohibitive

Dans les pays de l’ancien Empire romain d'occident, de sa chute en 476 jusqu'à

l'an 1000, le droit commercial régresse et se referme à cause des invasions barbares. Les

villes disparaissent, et les seigneuries vivent en autarcie. À la fin de l'empire romain le

prêt à intérêt disparait avec la disparition progressive de l'économie monétaire. En l'an

1000, les croisades rouvrent une route commerciale vers Constantinople, or le

commerce implique nécessairement le crédit. Le nouveau développement du commerce

et du crédit va pousser religieux et laïcs à légiférer en la matière.

L'Église catholique romaine avait déjà repris la distinction que fait le droit romain

pour le prêt de biens mobiliers : celui des choses qui se consument par l'usage et celui

des choses qui ne se consument pas, appelé commodatum. Exiger un paiement pour le

commodat est contraire à la charité, et l'argent est un bien qui ne se consume pas. Dès

lors, on voit le prêt à intérêt condamné sur le fondement de l'Ancien et du Nouveau

Testament : l’usure avait d’abord été interdite aux clercs par le concile d’Elvire vers 300

puis par le concile de Nicée en 325, puis l’interdiction avait été étendue aux laïcs par le

concile de Clichy en 626. Charlemagne dans les Capitulaires en 789, légiférant au

spirituel comme au temporel, interdit l’usure aux laïcs et aux clercs14.

Le droit romain, lorsqu’il réapparait au XIIe siècle, bouleverse le paysage

juridique français et provoque une rupture dans l’histoire du droit. Cette redécouverte

du droit romain est plus tardive en France qui conserve une part du système médiéval

dans la plupart de ses institutions au XIIIe siècle.

Le droit romain se répand grâce à la diffusion des compilations de Justinien et est

utilisé pour la création de techniques juridiques favorisant le commerce. Ces nouvelles

techniques prennent en compte les réalités économiques tout en respectant le droit

canon. Par exemple, la coutume de Montpellier promulguée en 1204 édicte que la valeur

des intérêts payés ne doit pas dépasser le montant du principal. Les textes coutumiers

visent à protéger le créancier et à poursuivre le débiteur défaillant sans réglementer

directement la pratique du crédit et les taux.

Il convient de rappeler que l’Eglise chrétienne n’est pas opposée au commerce en

tant que tel, malgré la parabole du Christ selon laquelle il sera plus difficile à un riche

d’entrer au paradis qu’{ un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Le Décret de

Gratien15 rappelle que le marchand ne peut plaire { Dieu ou difficilement, qu’il est

difficile de ne pas pêcher quand on fait profession d’acheter ou de vendre16. Cette

réticence est retranscrite dans le système juridique.

14 Jacques Le Goff, La bourse et la vie, Hachette, 1986, p.24. 15 Le Décret de Gratien est une œuvre majeure du droit canonique, rédigé entre 1140 et 1150, qui rassemble plus de 3800 textes. Il fait autorité jusqu'au Code de droit canonique de 1917. Cette œuvre collective sous la tutelle de Gratien a pour finalité de rassembler des règles canoniques et de les concilier, donc de les rendre beaucoup plus cohérentes. 16 Maïté Lesné-Ferret, « Le crédit à travers quelques pratiques de l’ancien droit ».

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A défaut de condamner le commerce, l’Eglise condamne le prêt { intérêts. En

1139, le second concile de Latran décide d’une interdiction générale de l’usure. Vers

1140, le Décret de Gratien définit l’usure selon saint Augustin, comme le simple fait de

demander un intérêt, si bas soit-il, même infime ; tout surplus fourni par l’emprunteur

au prêteur est considéré comme usuraire, peu importe la nature ou la quotité du

supplément. Les papes juristes comme Alexandre III, dans la deuxième moitié du

XIIe siècle, vont faire de l’interdiction de l’usure une règle obligatoire pour tous les

chrétiens, assortie d’une peine sévère, l’excommunication. Cependant, les conciles

suivant se plaignent de la multiplication des pratiques usuraires dans les activités

économiques quotidiennes et réitèrent la proscription17 : Latran III en 1179, Latran IV

en 1215, le second concile de Lyon en 1274 et le concile de Vienne en 1311 vont

réaffirmer le principe d’interdiction des intérêts.

La prohibition de l’usure est caractérisée autant du coté du prêteur que de

l’emprunteur : les créanciers doivent se faire prêter serment par l’emprunteur sur les

Evangiles l’exécution des modalités des opérations de crédit.

Le droit canon incrimine le délit d’usure du XIIe jusqu’au XVIIIe siècle, ses règles

sont appliquées dans tous les pays catholiques. L’usure est absolument défendue quand

elle est « lucratoire », c’est-à-dire qu’elle est promise au créancier en pur gain du prêt

accordé18. Les ordonnances des rois de France ont suivi les dispositions du droit canon :

l’ordonnance de Saint Louis de 1254 défend aux Chrétiens et aux Juifs d’exercer aucune

usure. Charles IX, en 1560, condamne les usuriers à la restitution et à une punition

corporelle ; l’ordonnance de Henri III, en 1579, aggrave la peine des usuriers récidivistes

qui encourent le gibet.

L’usure lucratoire est cependant { distinguer de l’usure punitoire, imposée par les

juges comme dédommagement du retard du débiteur, et de l’usure « compensatoire »

qui tient lieu de dommages intérêts pour défaut de paiement, le recours à ces deux

catégories étant admis.

Le principe est que nul n’est censé alors pouvoir prêter { intérêts. Cependant, les

seigneurs ont besoin d’argent : la circulation monétaire est faible et au-delà de la

fonction économique, le crédit a des fonctions sociales, morales et politiques. L’Eglise

elle-même et les autorités laïques vont progressivement apporter des réponses à ces

nécessités économiques. Des autorisations sont d’abord accordées aux Juifs, n’étant pas

soumis au droit canonique, puis aux Lombards, qui eux-mêmes des chrétiens vont se

placer en dehors de la Chrétienté. Ils vont s’installer dans les grandes villes d’Europe

occidentale et pratiquer des opérations de crédit.

L’apparition du protestantisme va marquer une nouvelle rupture, fondée sur des

principes différents, elle ne condamne pas systématiquement le prêt à intérêts. Calvin

fait la distinction entre le prêt { la consommation interdit par l’Ancien et le Nouveau

Testament, et le prêt { la production, dans lequel on prête { quelqu’un quelque chose qui

lui permet, en y ajoutant son travail, de gagner de l’argent, de faire fructifier ses affaires,

d’étendre son commerce. Ainsi, le prêt { intérêts n’est pas contraire { la loi divine

17 J. Le Goff, La bourse et la vie : économie et religion au Moyen Age, Paris, 1997. 18 Cl.-J. de Ferrière, Dictionnaire de Droit et de Pratique, t.2, Paris, 1754, p.762.

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lorsqu’il favorise le travail, il l’est lorsqu’il est trop important ou fait { des gens trop

pauvres pour le rembourser. Dans les pays protestants tels que les Pays-Bas et le

Royaume-Uni, le commerce de l’argent prend une importance rapide et des places

financières telles que Bruges sont crées. La pratique du prêt à intérêt se propagea dès

lors rapidement à partir des réseaux de banques dont les sièges étaient établis à

l'étranger, soit dans les pays d'obédience calvinistes comme Genève, les Pays Bas et

l'Angleterre.

Cependant, la Contre-réforme instituée au XVIe siècle par l’Eglise catholique

réaffirme la prohibition de l’usure et du prêt { intérêts19.

La pratique du prêt à intérêt étant interdite ou limitée par le droit canon, les

commerçants et praticiens du droit ont développé des techniques permettant de

détourner ces interdictions ou limitations dès le Moyen-âge. Certaines pratiques

juridiques ont disparu ou ont été remplacées, alors que d’autres ont perduré jusqu’{ la

fin de l’Ancien Régime.

B. Le détournement de l’interdiction en pratique

La pratique de l’usure dépend du contexte économique : en période d’expansion

économique, l’usure se pratique plus ouvertement, d’où la multiplication des sanctions,

alors qu’en régression, la répression diminue pour favoriser le prêt à la consommation

et les investissements.

La prohibition du prêt { intérêts n’a jamais satisfait les juristes et praticiens du

droit qui demandent son abrogation car ils la considèrent comme mauvaise pour la

pratique commerciale. Dès le XIIe siècle, les juristes médiévaux, et principalement les

notaires, vont créer des solutions pratiques afin de détourner l’interdiction.

En Languedoc septimanien20, de véritables prêts à intérêts vont être conclus dès

le XIe siècle sur la base et l’apparence de la constitution d’une sûreté réelle. Le gage, tiré

du pignus romain, comporte une clause attribuant les revenus du bien constitutif de la

sûreté au créancier. Dans le cas du « mort-gage »21, lorsque ces revenus ne sont pas

déductibles du montant de la dette, les contrats dissimulent des emprunts sous une

forme juridique licite. Le débiteur peut remettre la possession du bien gagé à son

créancier jusqu’au remboursement. Dans cette situation, le soupçon d’usure paraît

encore plus éloigné : le créancier doit fournir un certain travail ou engager quelques

dépenses pour que le bien continue à produire des revenus.

Certaines de ces opérations sont repérées par les autorités ecclésiastiques et une

décrétale d’Alexandre III en 1163 interdit aux clercs et aux laïcs de pratiquer le mort-

19 La Contre-réforme, ou réforme catholique, est un mouvement de réaction de l'Église catholique romaine, apparu dans le courant du XVIe siècle face à la Réforme protestante. La Contre-réforme prend place dans une vaste aspiration à la Réforme et au renouveau religieux qui traverse l'Occident chrétien depuis le XVe siècle. Elle répond en partie aux objectifs de l'Église catholique visant à faire reculer et disparaître le protestantisme. Elle dote l'Église catholique des moyens spirituels et matériels pour commencer une reconquête partielle des régions acquises aux Églises protestantes et une profonde renaissance religieuse. 20 Adjectif de Septimanie, qui désigne au Vème siècle la partie sud de la Gaule Nouvelle, l’équivalent aujourd’hui du Languedoc-Roussillon. 21 Gage dont on laisse recueillir les fruits à l'engagiste, sans qu'ils soient comptés sur la dette.

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gage. Les praticiens vont continuer à utiliser le mort-gage quelques décennies encore,

malgré des décisions judiciaires défavorables, pour ensuite lui préférer l’hypothèque.

L’évolution de la répression va cependant conduire les contractants à devenir plus

discrets quant à la destination des revenus du bien donné en garantie. Des conciles, tels

que les conciles de Latran, rappellent ponctuellement l’interdiction.

Les rédacteurs des contrats contournant l’interdiction sont très inventifs et seule

une lecture minutieuse de ces actes permet de détecter une opération de crédit. Certains

actes imposent une durée minimum du contrat en deç{ de laquelle il n’est pas permis au

débiteur de rembourser, l’échéance est calculée en fonction d’une prévision

d’amortissement. D’autres contrats précisent aussi le montant des revenus que le

créancier entend percevoir avant d’être remboursé de l’intégralité du prêt. Quand

plusieurs chartes constitutives de gage portent sur le même bien, l’opération ressort de

l’accumulation des contrats. Si le bien, assiette de la sûreté, finit par être vendu, le

remboursement fait au créancier comprend expressément le montant du capital prêté

augmenté des intérêts. L’intention des parties de constituer un véritable prêt { intérêt

apparaît encore plus clairement lorsque la garantie est fondée sur des redevances. La

comparaison entre les techniques et la superposition des documents autorisent le calcul

des taux d’intérêt pratiqués, selon le contexte politique ou économique.

Les banquiers vont également contribuer au développement de certaines

techniques : l’escompte, qui se généralise au début du XVIIIe siècle, est l’opération par

laquelle un banquier paiera la lettre de change que le fournisseur d’une marchandise,

désireux d’obtenir immédiatement des liquidités, détient sur son client, en déduisant un

escompte pour l’avance effectuée. L’escompte est l’intérêt calculé sur le temps restant {

courir d’une lettre de change. L’aspect instrument de crédit { court terme l’emportera

sur l’aspect instrument de paiement.

La lettre de change, autorisée par l’Eglise (voir ci-après), va être modifiée par les

praticiens : le maniement de la lettre de change, qui était restée l’instrument de crédit le

plus courant, était complexe, trop lourd pour le commerce modeste ; l’acte notarié a

alors offert d’autres solutions. L’« obligé » est une reconnaissance authentique de dette

qui peut être cédée par un nouvel acte notarié, et devient un instrument du commerce

intérieur. Il sera remplacé, au XVIIe siècle, par le billet à ordre, plus souple et moins

onéreux, toujours d’actualité.

Les notaires ont joué, du XIIe siècle { la fin de l’Ancien Régime, un rôle actif

déterminant pour favoriser les opérations de crédit ; ils ont constamment conservé une

large part dans la pratique des affaires22 ; ce sont eux en effet qui attribuent l’essentiel

des crédits à moyen ou long terme. De même, ils constituent une source importante

d’information concernant les biens hypothéqués. Ils connaissent déj{ la situation de

leurs clients et l’information n’est pas aussi couteuse que dans les institutions mises en

place à cet effet par la Monarchie. Leur rôle est alors essentiel dans une grande partie de

l’Europe.

22

J. Hilaire, Le droit des affaires et l’histoire, Paris, 1995.

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C. Les exceptions légales

En XIVe siècle, l’Eglise adopte un rôle modérateur tandis que le domaine du crédit

s’étend et s’accompagne d’une baisse des taux d’intérêt. La loi romaine relayée par le

Code Justinien et les lois du Haut Moyen-âge autorisaient une usure annuelle de 12% et

le taux de 33 ½% devint entre l’An Mil et le XIIIème siècle le plafond autorisé, imposé

par Louis VIII en 1223 et Saint Louis en 1230 et 1234 aux usuriers juifs. Dans les

grandes places marchandes, les taux variaient entre 5 et 8% à Venise, de 20 à 30% à

Florence, et jusqu’{ 74% en Autriche. Les Lombards pratiquaient des taux de 34 à 266%.

Enfin une étude de R.H. Helmolz révèle que la grande majorité des taux d’intérêts en

Angleterre au XIIIème siècle allait de 12 à 33 1/3%23.

Le droit canonique a également admis quelques exceptions : l’extrême nécessité,

le risque encouru par le prêteur, le change manuel avec remise de place en place…

Avec l’exception du risque encouru dans les activités maritimes, le prêt pour un

voyage périlleux est considéré comme une forme de société entre le capitaliste terrestre

et le navigateur. L’Eglise accepte l’idée d’intérêt, car il y aurait péril du capital, pour

l’argent mis en commenda puis dans toute forme de société de commerce liée à des

voyages maritimes ou terrestres. Cette exception s’applique ensuite à toute société où

chaque associé supporte sa part d’incertitudes et reçoit une part des bénéfices.

Au XIIe siècle, l’Eglise accepte l’exception de change manuel avec remise de place

en place : un service matériel et périlleux est rendu, contre rémunération. De cette

exception naîtra la lettre de change comme effet de commerce. La lettre de change est à

l’origine un acte authentique, ce qui renforce la sécurité des transactions ; les affaires

croissantes et la position sociale grandissante des marchands provoquent l’abandon du

contrat notarié pour l’acte sous-seing privé. La lettre de change est une reconnaissance

de dette, elle constitue un titre de paiement. La lettre de change est aussi un titre de

crédit puisqu’elle autorise des délais24. Elle est définie comme une convention par

laquelle quelqu’un fournit une somme d’argent { quelqu’un d’autre et reçoit en échange

un engagement payable à terme, mais en un autre lieu et en une autre monnaie par une

autre personne à lui-même, ou à son représentant ou à un de ses créanciers. Le transfert

et le change justifient la différence entre les sommes de paiement et le montant des

remboursements. La lettre de change constitue un instrument de paiement payable à

terme, le délai de paiement en fait un instrument de crédit.

Cette technique, née au XIIe siècle, se développe fin du XIIIe siècle ou début du

XIVe siècle. La lettre de change n’était utilisée à l’origine que pour faire du change et

permettre des transferts de place { place. Peu { peu les marchands s’en servent pour

contourner l’interdiction canonique du prêt à intérêt. La lettre de change a les avantages

de constituer une opération de crédit qui n’est pas soupçonnée d’usure et d’éviter les

transferts de fonds en espèces métalliques, dangereux et peu pratiques.

La législation s’assouplit peu { peu aussi grâce aux rois qui se reconnaissent le

pouvoir de concéder des privilèges d’usure, dérogeant au droit canonique, pour

23

Jacques Le Goff, La bourse et la vie, Hachette, 1986, p.76-77. 24

R. de Roover, L’évolution de la lettre de change, XIVe-XVIIIe, SEVPEN, 1953.

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favoriser les foires. Les grandes foires apparaissent entre le XIème et le XIIème,

notamment en Champagne. La foire de Lyon profite du déplacement vers l'est de l'axe de

commerce après la guerre de 100 ans. Les seigneurs voisins devaient donner leurs

accords pour la tenue des foires. Les marchands se faisaient consentir un ensemble de

privilèges ("la paix des foires") les plaçant sous sa protection directe et spéciale, dont la

levée de la prohibition du prêt à intérêt (la pratique de l’usure était autorisée pendant

les foires).

Au début du XIVe siècle, la législation royale admet le caractère licite de l’intérêt ;

la prohibition canonique traditionnelle est rappelée mais seuls sont sanctionnés,

civilement ou pénalement, les cas d’usure les plus graves. La jurisprudence du

Parlement de Paris des XIIIe-XIVe siècles, accepte implicitement la pratique de l’usure.

D. Les changements consécutifs à la Révolution française

Pendant l’époque moderne, la société a commencé { se transformer pour amorcer

le passage d'une économie agraire et rurale, basée sur un système féodal tant

socialement que politiquement, à un autre, qui sans l'être majoritairement, comprend

une nouvelle dimension commerciale et urbaine. On assiste alors progressivement à la

transition du féodalisme au capitalisme. Dans changements apparaissent, la population

augmente, les forces productives se développent. Ces nouvelles sociétés seront à

l’origine de la création des Etats-nations. Un nouvel acteur social apparait, la

bourgeoisie, qui, sans remettre en cause la prédominance du clergé et de la noblesse,

prône des valeurs telles que l’individualisme, le travail, le marché et le progrès.

En France, la Monarchie s’effondre lors de la Révolution suite { tous les

bouleversements sociaux, caractérisés au XVIIIème siècle par la philosophie des

Lumières.

Avec la Révolution française, l'activité bancaire et le prêt à intérêt deviennent

complètement libre. La législation contre l’usure est abolie, n’importe quel contrat de

prêt peut stipuler des intérêts dès octobre 1789. L’usure même n’est plus une infraction

puisque le plafonnement de l’intérêt est supprimé en juillet 1796.

La loi du 17 Germinal An II (5 avril 1794) supprime les banques, comme toutes

les associations de commerce. Le II messidor An IV (29 juin 1796) est créée à Paris la

Caisse des comptes courants, malgré la prohibition des banques, elle fusionne en 1800

avec la Banque de France. Les autres établissements émetteurs de monnaie, tels que la

Caisse d’Escompte du Commerce, le Comptoir Commercial, la Factorerie du Commerce,

la Caisse d’échange des billets, la Caisse territoriale, et en province La Société générale

du commerce, fusionnent en 1800 avec la Banque de France.

Alors que l’intérêt reste proche de 5% dans les périodes stables, avant la

Révolution et de 1820 à 1850, les écarts apparaissent clairement pendant les crises

politiques pendant lesquelles les taux s’envolent. En 1804, le prêt à intérêt est légalisé à

l'article 1905 du Code civil. Le taux légal est réintroduit en 1807, fixé { 5% jusqu’au

début du XIXème siècle25. La fixation de l’intérêt plafond { 5% va avoir pour

25

Hoffman, Postel-Vinay, Rosenthal, Des marchés sans prix, une économie politique du crédit à Paris, 1660-1870, 2001, p.36.

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18

conséquence de modifier les choix des prêteurs : limités à un taux « faible », les prêteurs

n’accepteront de traiter qu’avec les emprunteurs les plus fiables, c’est-à-dire ceux qui

présentent le plus de sûretés et surtout des gages. La Monarchie avait essayé de mettre

en place dès le XVIème siècle un système d’information efficace sur les biens donnés en

hypothèques, mais c’est seulement à partir de la Convention26 que l’information

hypothécaire se répand avec une réforme en 3 étapes : le Code hypothécaire de

Messidor An III, la loi de Brumaire An VII, et le Code civil. L’administration des

Hypothèques rencontre vite le succès à Paris mais ne se répand que difficilement en

province du fait des coûts qu’elle engendre.

La création de l’administration des Hypothèques va avoir pour conséquence le

déclin des notaires qui ne sont plus aptes { fournir l’information, notamment du fait de

la destruction de leurs stocks d’informations { la Révolution.

Faisant suite { la Révolution française et { la mise en place de l’Empire, arrive en

France dès le début du XIXème siècle la Révolution industrielle, peu de temps après

l’Angleterre et la Belgique, et avant l’Allemagne et les Etats-Unis, pour finir avec le Japon

et la Russie. La période allant de la Révolution industrielle à nos jours est dite période

contemporaine et est le théâtre de nombreux bouleversements sociaux, politiques et

économiques.

III. L’EPOQUE CONTEMPORAINE : LA PROLIFERATION DU CREDIT

A. La Banque de France : le développement du crédit au niveau

étatique

La Banque de France est créée le 18 janvier 1800 par le premier consul Napoléon

Bonaparte. Au moment où la Banque est créée, elle bénéficie de l’expérience acquise des

tentatives précédentes et de l’exemple anglais, dans un contexte où le désordre règne

dans l’économie et dans les finances publiques. La misère et l’usure s’installent { Paris,

les grands centres provinciaux ne se sont pas encore remis de la Révolution, tandis que

les campagnes ont repris leurs activités.

Gaudin, ministre des Finances, est informé le 6 janvier 1800 que les statuts de la

Banque sont rédigés. La Banque commence ses activités le 20 février 1800, qui

sont l’escompte des lettres de change et des billets { ordres, le recouvrement des effets

de commerce et les avances sur recouvrement, recevoir les dépôts et consignations en

compte courant, ouvrir une Caisse de placement et d’épargne et l’émission des billets

payables au porteur et à vue et des billets à ordre.

L’activité de la Banque est d’abord modeste puisqu’elle n’exerce qu’{ Paris. Elle

obtient en 1803 le privilège d’émission exclusif pour Paris. Ce privilège est rappelé et

élargi tout au long du XIXème et du XXème siècles, en 1810, 1848, 1945, 1975 et 1993.

26 En France, la Convention nationale est le nom donné { l’assemblée, qui succède officiellement { l’Assemblée législative et qui dura du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795. La Convention assura le pouvoir exécutif de la Première République française après la déposition de Louis XVI le 10 août 1792 et l'abolition de la royauté. La Convention est suivie par le Directoire de 1795 à 1799.

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Le privilège d’émission est transmis { la Banque centrale européenne lors du passage {

l’euro le 1er janvier 2002.

En contrepartie du privilège d’émission, l’Etat avait imposé { la Banque certaines

charges, notamment la fonction de « banque de l’Etat » en vertu de laquelle elle devait

apporter { l’Etat des concours financiers de plus en plus importants. Son concours a pris

historiquement la forme d'avances permanentes prélevées en une seule fois et d'avances

provisoires fonctionnant comme des ouvertures de crédit. L’État fit appel à la Banque en

vue de faciliter l'exécution du budget. Ces facilités de trésorerie furent élargies en 1857.

Pour tenir compte du développement des opérations budgétaires, ces avances,

permanentes, furent augmentées à plusieurs reprises.

Le concours de la Banque ne s'est pas limité à compléter le fonds de roulement du

Trésor public. Il s'est manifesté avec ampleur lors d'événements exceptionnels où l'État

devait faire appel à tous les moyens possibles de financement. Ce fut le cas pendant les

guerres de l'Empire, et de 1939 à 1945. La Banque a également été mise à contribution,

en 1926, puis à de multiples reprises de 1936 à 1958, pour permettre à l'État de faire

face à des difficultés de trésorerie nées du déséquilibre du budget.

De toutes ces avances provisoires, celles consenties avant 1936 ne présentent

plus qu'un intérêt historique. Elles ont été intégralement remboursées. Au contraire, les

concours « provisoires » n'ont pas été totalement apurés malgré l'affectation à leur

remboursement de recettes exceptionnelles.

Depuis le 1er janvier 1994, la loi du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de

France interdit à celle-ci d'autoriser des découverts ou d'accorder tout autre type de

crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics, de même que

l'acquisition de titres de leur dette. Les services bancaires (opérations de caisse, tenue

de compte, placement des bons du Trésor, etc.) encore assurés par la Banque pour le

compte du Trésor sont désormais rémunérés par l'État.

B. La limite au crédit : l’usure

Au moment de la Révolution française, l'activité bancaire et le prêt à intérêt

étaient devenus complètement libres, et de nouvelles banques avaient été créées dans

presque toutes les villes, avec des fonds considérables provenant presque toujours de la

spéculation sur les biens nationaux et la fourniture aux armées.

Aujourd'hui, certaines législations condamnent l'usure, et dans ce but fixent des

taux maximaux, dits taux de l'usure, pour les crédits qui sont accordés, en fonction du

type de prêt.

En France, le législateur, { l’Article L313-3 du Code Monétaire et Financier, a

défini un taux de l'usure pouvant s'appliquer à certaines opérations de prêt. Il est fixé à

133% du taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les

établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques

analogues. Il comprend plus d'une dizaine de catégories d'opérations et concerne la

plupart des prêts aux entreprises, ainsi que quasiment tous les prêts aux particuliers.

La législation française relative à la répression de l'usure est également régie par

les articles L. 313-3 à L.313-6 du Code de la consommation. Certaines de ces dispositions

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ont été récemment modifiées par deux lois : la loi du 1er août 2003 pour l'initiative

économique, et la loi du 2 août 2005 en faveur des PME. La loi de 2003 a supprimé le

délit d'usure pour les prêts consentis à des personnes morales exerçant une activité

commerciale, industrielle ou financière. Seule demeure la sanction civile pour les

découverts en compte qui leur sont consentis. La loi de 2005 étend cette suppression du

délit aux personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels.

Parallèlement, la sanction civile prévue dans le Code monétaire et financier en matière

de découverts en compte consentis aux personnes morales exerçant une activité

commerciale est élargie afin d'inclure également les personnes physiques agissant pour

leurs besoins professionnels.

En revanche, les sanctions pénales prévues par les articles L.313-4 et L.313-5 du

Code de la consommation restent applicables aux prêts immobiliers ainsi qu'aux prêts à

la consommation.

L'islam, quant à lui, continue à ne pas établir de distinction entre intérêt et usure.

C. Le crédit à la consommation : le crédit des classes populaires

Le crédit à la consommation fait son apparition à la fin du XIXème siècle. Les

premiers instruments de crédit à la consommation ont été conçus outre-Atlantique, dès

la fin du XIXe siècle. Le « hire-purchase », créé en 1850, s’apparente { la fois { la vente {

tempérament et à la location-vente. Le bien financé appartient au propriétaire jusqu’au

paiement total du prix, et tient lieu de garantie au crédit. Le « home equity » est un crédit

à la consommation garanti par une hypothèque prise sur la résidence de l’emprunteur.

Les premières formes modernes de crédit à la consommation apparaissent en France à

la fin du XIXe siècle et sont liées au développement des grands magasins parisiens. En

1865, Crépin, fondateur d’un magasin de meubles, systématise la vente de meubles par «

abonnement ». Par la suite, d’autres commerçants acceptent les bons de Crépin. Dufayel,

associé de Crépin et constructeur du palais de la Nouveauté à Paris, grand magasin

tourné vers le meuble et l’équipement ménager, développe lui aussi les ventes { crédit.

La Semeuse de Paris, filiale de la Samaritaine, a aussi été créée au XIXe siècle. Ancêtre

d’établissements de crédit { la consommation (« bons de la Semeuse »), elle a poursuivi

ses activités jusque dans les années quatre-vingt.

C’est au lendemain de la Première Guerre mondiale que le crédit à la

consommation fait une première percée encore timide, en liaison avec la diffusion de

l’automobile. C’est aussi { cette époque qu’apparaissent les premières financières

spécialisées. La SOVAC (Société pour la vente { crédit d’automobiles), créée par Citroën

en 1919, en association avec la banque Lazard, est rachetée rapidement par cette

dernière. Ses activités sont alors élargies aux secteurs de l’électroménager et de

l’immobilier. La DIAC (Diffusion industrielle automobile par le crédit) est établie en

1924 { l’initiative de Renault. La constitution de la DIN (Diffusion industrielle nationale)

par Peugeot date de 1928. Le nom même de « diffusion » chez DIAC et chez DIN indique

parfaitement leur vocation de soutien { l’industrie. En 1939, le quart des véhicules est

ainsi financé à crédit. En 1927, quelques grands producteurs, dont Thomson, et leurs

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banquiers, fondent le CREG (Crédit électrique et gazier) destiné { faciliter l’équipement

ménager des familles.

Dans la foulée de Cofica (Compagnie pour le financement de l’industrie, du

commerce et de l’agriculture) fondée symboliquement le 8 mai 1945, les deux créations

les plus marquantes sont Sofinco (Société financière industrielle et commerciale) qui

date de 1950 autour de la Fédération de l’ameublement, { l’initiative de ce qui allait

devenir le groupe Suez, et Cetelem (Crédit { l’électroménager), dans l’orbite de ce qui

allait devenir la Compagnie bancaire. En 1953, ces pères fondateurs s’inspirent de

l’exemple américain. Un voyage d’étude sous le parrainage de la Fédération des

industries électriques (qui demeure encore au capital de la société) les décide à innover

radicalement : suppression des traites, gestion de masse, étroite collaboration avec le

commerce, mise en place d’un recouvrement d’intégration du client, et non de rejet.

Dans l’essor du crédit { la consommation, les banques généralistes ont eu un rôle plus

minime. En revanche, elles ont pris part { l’expansion des établissements de crédit

spécialisés en prêtant le capital nécessaire.

Dans les années quatre-vingt, du fait de la levée de l’encadrement bancaire, les banques

généralistes deviennent concurrentes avec les établissements de crédit spécialisés. Dans

les années 90, certaines banques réinvestissent le marché sous une autre forme. Les

établissements de crédit spécialisés deviennent des filiales de ces banques. Dans les

sociétés modernes de type tertiaire, ces outils à la disposition des ménages sont très

utiles pour soutenir l'Économie nationale, donc l'emploi. Il existe plusieurs formes de

crédit à la consommation. Ainsi, on trouve le prêt affecté à une dépense donnée, le prêt

personnel non lié à une dépense précise, le crédit revolving personnel, que l’on étudiera

ultérieurement, et l’ouverture de crédit personnel, qui est une autorisation de débit du

compte courant bancaire dans certaines limites. On peut également y assimiler le crédit-

bail et la location-vente.

L'accord d'un prêt à la consommation est lié à la capacité de remboursement

(mensualités / revenus stables du ménage). Il est très pratiqué pour différentes raisons.

Tout d’abord, pour l’emprunteur il permet d’acheter des biens de consommation que

l’on ne peut payer en une seule fois. De plus, ce type de crédit encourage la

consommation et soutient la croissance de l’économie nationale et donc de l’emploi.

Néanmoins, plusieurs critiques sont souvent avancées. Elles portent notamment sur leur

coût. En effet, les crédits à la consommation sont souvent accordés à des taux d'intérêts

très élevés par rapport aux taux du marché. Certaines personnes s’inquiètent également

du risque de surendettement car les crédits à la consommation, souvent utilisées par les

classes populaires, sont l'un des principaux éléments conduisant au surendettement.

Plus précisément, selon le quotidien Les Échos, le « crédit renouvelable (revolving) (est)

présent dans 86 % des dossiers déposés devant les commissions de surendettement fin

juin 2007 ». Enfin, certains dénoncent la publicité mensongère. A titre d’exemple, dans

des publicités diffusées en janvier 2006, la société Sofinco annonçait un taux d'intérêt

effectif (TEG) de 16,58 % alors que le taux réel était supérieur à 20 %. Sofinco a été

condamné en novembre 2007 par le tribunal correctionnel d'Évry pour ce fait.

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L’exemple du crédit renouvelable : une opération de crédit très pratiquée et

critiquée.

Le crédit permanent ou crédit revolving est une forme de crédit consistant à

mettre { disposition d’un emprunteur une somme d’argent sur un compte particulier

ouvert auprès de l’établissement prêteur de ce crédit, de façon permanente et avec

laquelle il peut financer les achats de son choix. Il constitue une formule particulière de

crédit à la consommation et relève par conséquent de la réglementation qui y est

afférente.

Le crédit renouvelable est introduit à partir des années soixante, dans un

contexte de prospérité économique, les « Trente glorieuses ». Cette période est

caractérisée par un essor économique et démographique, illustré par un chômage quasi-

absent et l’émergence de l’État-Providence. La demande de biens de consommation

durables explose en raison du besoin important de consommation domestique et donc

de crédit pour les ménages à moyens ou faibles revenus.

Le crédit renouvelable, en tant que nouvelle forme de crédit, se développe dans les

grands magasins, puis auprès de sociétés de vente par correspondance et même

d’unions de commerçants. Puis, quelques établissements de crédit spécialisés se mettent

à proposer le crédit renouvelable directement aux particuliers, avec des

perfectionnements successifs. Enfin, l’apparition de la technologie de la carte bancaire

permet de lui associer une carte de crédit. La carte Galeries Lafayette est créée en 1967.

Le crédit renouvelable est également appelé crédit revolving, crédit permanent, prêt

permanent, ouverture de crédit permanent, compte permanent, utilisation d’ouvertures

de crédits permanents dans les documents publics ou les statistiques publiés par des

organismes tels que de la Banque de France ou le Conseil économique et social.

Le renouvellement du crédit permanent s’opère au fur et { mesure des

remboursements de l’emprunteur dans la limite du montant autorisé par l’organisme et

à concurrence de la partie remboursée. Cette formule de crédit est généralement

assortie d’une carte de crédit utilisable dans le réseau des commerces affiliés qui

acceptent cette carte. Si cette formule présente l’avantage de la souplesse, elle est

généralement coûteuse, peut constituer une incitation dangereuse à la

surconsommation, voire au surendettement, et nécessite donc une parfaite gestion de

son compte. Le succès du crédit renouvelable repose sur une demande importante et

durable de crédits de petits montants, provenant d’une clientèle nombreuse et solvable

dans la majorité des cas. Cette forme de crédit à la consommation a suscité diverses

critiques de la part, notamment, d’associations de consommateurs qui ont mis en cause

son rôle dans le surendettement des ménages. Le glissement que l’on observe des

crédits affectés vers les crédits non affectés prive, en effet, les emprunteurs des

protections attachées { l’affectation contractuelle.

Les statistiques sur les encours de crédit à la consommation par type de crédit

renouvelable sont peu développées en Europe. La France apparaît, de ce point de vue,

relativement en avance, même par rapport à des pays où le crédit à la consommation

représente pourtant une part plus élevée de la consommation des ménages (le

Royaume-Uni par exemple). Ainsi, aux Pays-Bas, plus de 50 % de l’encours de crédit { la

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consommation sont liés au seul crédit renouvelable. Ce chiffre est de 7 % seulement en

Allemagne et de 8 % en Belgique. Pour la France, plus de 20 % des crédits à la

consommation sont réalisés sous forme de crédits renouvelables.

En France, la législation est la suivante. La durée du contrat est limitée à 1 an

(renouvellement par tacite reconduction). Trois mois avant la date « anniversaire » de

l’ouverture du compte, l’établissement de crédit doit obligatoirement remettre {

l’emprunteur une offre de renouvellement (arrêt de la première chambre civile de la Cour

de cassation du 18 septembre 1998) ; de plus, l’augmentation du plafond prêté doit faire

l’objet d’une nouvelle offre de crédit (arrêt de la première chambre civile de la Cour de

cassation du 17 mars 1998, Mlle S. c/ Finaref). Une réserve d'argent remboursée et non

utilisée sur une période de 3 ans (contrat inactif), se verra automatiquement clôturée

(Loi Chatel) Les intérêts sont décomptés sur les sommes restant dues à la fin de chaque

mois. Le TEG - autrement dit, le taux effectif global - varie entre 16 et 22 %, c'est à dire

qu'une somme de 100 euros empruntés génère entre 16 euros et 22 d'euros d'intérêts à

payer sur un an (en plus du remboursement du capital). L'astuce de nombreuses

sociétés de crédit revolving est d'affecter une grande partie des remboursements

mensuels à des frais divers et variés (frais d'envois, frais de prélèvements, frais

d'assurance, frais de tenue de compte) ce qui diminue d'autant la part du capital

remboursé qui est parfois insignifiante. La durée de remboursement du crédit révolving

quand on ne puise pas dans la réserve disponible, peut alors être extrêmement longue.

S'agissant d'un crédit à la consommation dont la durée est inférieure à 3 mois et le

montant supérieur { 21500€, la loi Scrivener s'applique, visant à informer et à protéger

le consommateur. Ainsi, il faut faire une offre préalable de prêt, précisant notamment le

montant maximal du crédit, son coût total, les conditions et le coût de l'assurance

éventuelle. Un délai de réflexion, appelé date de validité de l’offre, de quinze jours, est

nécessaire pour permettre à l'emprunteur d'étudier les termes du contrat, et de

permettre à l'organisme de crédit, d'annuler une vente sans retour du contrat celui-ci

étant périmé au-delà de cette période. Enfin, le délai de rétractation de quatorze jours

une fois l'offre préalable de prêt signée, durant lequel l'emprunteur peut encore se

rétracter, est obligatoire.

D. Le microcrédit, une technique mondialement utilisée

On peut trouver des antécédents au microcrédit dans la pratique de prêt sur gage

à taux faibles ou nuls des Monts de Piété, dans les mutuelles de crédit agricole créées en

Europe à la fin du XIXe siècle.

L'activité de microcrédit consiste généralement en l'attribution de prêts de faible

montant à des entrepreneurs ou des artisans qui ne peuvent accéder aux prêts bancaires

classiques, le plus souvent des femmes. Le microcrédit se développe surtout dans les

pays en développement, où il permet de concrétiser des microprojets favorisant ainsi

l'activité et la création de richesse mais se pratique aussi bien dans les pays développés

ou en transition.

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Le 13 octobre 2006, la mise en place et le développement à grande échelle de ce

système ont été récompensés par le prix Nobel de la paix attribué à Muhammad Yunus

qui a développé ce système au cours des 30 dernières années, et à la banque qu'il a

créée, la Grameen Bank.

Le 24 janvier 2005, un rapport de la Banque mondiale a dressé un bilan positif. Le

nombre de bénéficiaires y est estimé à 500 millions. L'Asie et le Pacifique totalisent 83%

des comptes ouverts dans les pays en développement. Toutefois c'est en Amérique latine

et en particulier en Bolivie que le système connaît un essor formidable.

Le microcrédit s'inscrit dans une sphère plus complète qui comprend d'autres

outils financiers tels que l'épargne, la micro-assurance et d'autres produits qui forment

la micro finance. Les programmes de microcrédit touchent des secteurs aussi divers que

l'agriculture, l'artisanat, le financement de l'économie sociale, la protection sociale. Il

s'appuie sur des réseaux d'assurance et de solidarité traditionnelle relativement

efficaces qui favorisent le remboursement régulier des prêts.

Les institutions de micro finance (IMF) fournissent un accompagnement des

emprunteurs tout au long de la durée du contrat, mettent en place un dispositif assurant

leur indépendance financière. Elles pratiquent ainsi des taux élevés et veillent au retour

total des sommes prêtées. Des IMF existent partout dans le monde sous des formes

variées. Elles sont souvent nées de programmes d'appui gérés et financés par des ONG

locales ou étrangères.

Le taux d'usure est souvent un véritable obstacle pour les IMF, qui ne peuvent

équilibrer leurs comptes qu'en pratiquant des taux élevés. Ainsi, pour favoriser le

développement du secteur, de nombreux États adaptent leur législation.

Elle s'adresse désormais aussi aux exclus des pays industrialisés. Le principe s'est

adapté aux réalités d'une économie intégrée. En France, le code monétaire et financier

prévoit une procédure de droit au compte, renforcée par un plan d'action lancé en avril

2005 par le gouvernement.

La mesure de l'impact demeure très difficile à effectuer. Aucune étude n'a encore

suscité un large consensus. Si les exemples de réussites individuelles dues à la micro

finance sont légion, il est difficile de généraliser l'efficacité de la micro finance. Au

Bangladesh, des journalistes ont pu constater que le microcrédit n'avait guère amélioré

la situation des plus pauvres, désormais pris dans la spirale du surendettement.

E. Les crises

économiques et leur

impact sur le crédit

Dans la première moitié du XIXème

siècle en France, diverses crises

politiques, économiques,

boursières ou financières minent

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régulièrement le pays : en 1816, 1826, 1836, 1847 et 1857, et entament durablement la

confiance du public. Le système du crédit à la consommation, si important dans

l'économie de l’époque, se met alors au point mort ; artisans et commerçants refusent le

principe de l'ardoise. On doit payer comptant, et les images illustrant la mort de Crédit,

sont régulièrement affichées sur les murs des auberges et des échoppes.

De la seconde moitié du XIXème { nos jours, d’autres crises plus ou moins graves viennent ponctuer la vie économique du pays et de l’Europe, dont les plus importantes sont la Longue Dépression (1876-1893), la Grande Dépression de 1929, les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et enfin la crise économique que connait le monde actuellement.

La Longue dépression (1873-1896)

La Longue Dépression de 1873 à 1896 fut une crise économique mondiale à la fin

du XIXe siècle.

En Europe, le secteur immobilier explose dans les capitales, et les financiers

s'endettent pour investir dans la construction. En 1871, à la fin de la guerre, la France est

contrainte à payer de lourdes indemnités à l'Allemagne. Parallèlement, les compagnies

ferroviaires prennent de gros risques pour construire peu cher et assurer des profits

constants aux actionnaires. La même année, l'Angleterre décide de ne plus

s'approvisionner en blé en Europe centrale et en Russie mais aux Etats-Unis, ce qui

provoque la panique sur les marchés européens. En 1873, le congrès américain décide

de démonétariser l'argent, ne basant plus sa monnaie que sur l'or, ce qui affaiblit les

compagnies minières américaines et entraîne une baisse significative des cours

mondiaux de l'argent, alors que les États européens employaient encore ce métal comme

étalon.

La Longue Dépression débute le vendredi 9 mai 1873 à Vienne où la Bourse

s’effondre, provoquant la faillite de plusieurs banques viennoises, sous le poids des

emprunts hypothécaires. La récession est rapide : les banques européennes manquent

de liquidités et ne se font plus confiance, rendant les prêts interbancaires extrêmement

coûteux. Le krach affecte peu de temps après la Bourse de New York : des compagnies

ferroviaires font faillite. La crise affecte en particulier le secteur sidérurgique en Europe

et les chemins de fer aux États-Unis, où plusieurs grandes compagnies font faillite. La

spéculation sur les chemins de fer provoque des krachs, en 1882 et 1884. La crise

économique touche aussi l'agriculture, les industries du lin et du bois et les industries

alimentaires.

Pourtant la crise est d'une ampleur limitée. En Grande-Bretagne, le revenu par

tête continue de croitre pendant cette période, plus rapidement que durant la première

moitié du siècle. L'industrie connait d'abord de sérieuses difficultés, mais les années

1880 sont globalement une phase d'expansion.

La dépression des années 1880 se déroule dans un contexte de libéralisme

économique. La lutte contre la crise reste limitée à l'adoption de législations en faveur

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de la réglementation bancaire et de la préservation de la concurrence. La dépression

économique durera jusqu’au milieu des années 1890.

La Grande Dépression

La Grande Dépression correspond à la période qui suivit le Jeudi noir du

24 octobre 1929, où survint le krach boursier. Les événements de cette journée

déclenchèrent une crise économique mondiale qui mena à une importante déflation27 et

à un accroissement significatif du chômage.

Après le Jeudi noir, aux États-Unis, avec la déflation, une même somme d'argent

permettait d'acquérir de plus en plus de biens alors que les prix chutaient. Les agents

économiques attendaient le plus possible avant d'acheter : la consommation chute, et ils

gardaient leurs biens plutôt que d’investir. L'économie entre dans un cercle vicieux, qui

durera plusieurs années. La chute se traduit aussi dans les cours de la bourse, dont la

crise dégénéra vite en crise bancaire. Les défauts de remboursement des emprunteurs et

la réduction de l’activité de crédit entrainent la faillite des banques : en 1932, le système

bancaire s'effondre. Avec la déconfiture du système bancaire, et la population qui ne

consomme pas, il n’y a pas assez de liquidités sur le marché pour qu'une activité

économique puisse démarrer : en 1933, la production industrielle américaine avait

baissé de moitié depuis 1929. Entre 1930 et 1932, 773 établissements bancaires firent

faillite. En 1933, 24,9 % de la population active est au chômage et deux millions

d’Américains sont sans-abri.

La crise se diffuse dans le reste du monde : les banques américaines décident de

rapatrier d’urgence les intérêts qu’elles possèdent dans des banques et bourses

européennes, la crise financière se propage dans toute l'Europe. Parallèlement, les

échanges économiques internationaux subissent de plein fouet le ralentissement aux

USA, puis les réactions protectionnistes des USA et de toute l’Europe.

En France la crise sera aggravée par les mesures déflationnistes (baisse des prix

et des salaires) des gouvernements bien que ceux-ci tenteront quelques grands travaux.

En Allemagne, le taux de chômage atteint des sommets (plus de 25 % de la population

active en 1932), et c'est en promettant de régler le problème de la crise qu'Adolf Hitler

parvint au pouvoir le 30 janvier 1933. Le monde entier est touché excepté l'Union

soviétique de Staline, protégée par son système économique autarcique.

Le Président Roosevelt, en mars 1933, lança plusieurs programmes nationaux

afin d'accroître le volume de liquidités et réduire le chômage : le New Deal.

De nombreux économistes pensent que la Grande Dépression fut à la fois causée

et prolongée par la politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine, qui avait

nourri la spéculation en laissant s'étendre la quantité de monnaie sur le marché puis qui

27 Situation dans laquelle l'activité économique d'un pays est ralentie, caractérisée par une baisse des prix, des salaires, une réduction de la masse monétaire engendrant à leur tour une baisse de la demande, de la production, de l'emploi, etc. La déflation repose sur la conception selon laquelle l'inflation résulte d'un excès de monnaie en circulation ou de trop larges facilités de crédit accordées aux entreprises ou aux particuliers.

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laissa les banques et les entreprises s'asphyxier par manque de crédits. La seconde

raison est le recours à des mesures.

Le New Deal permit de limiter les conséquences sociales dramatiques de la crise.

Par la première forte intervention d'un État dans l'économie, certains pensent même

qu'il a sauvé le capitalisme lui-même.

Les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979

Le premier choc pétrolier s'est produit en 1973 ; ses effets se feront sentir

jusqu'en 1978. En 1973, pendant la guerre du Kippour, les pays arabes membres de

l'OPEP28 annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les États « qui

soutiennent Israël ».

Le deuxième choc pétrolier s'est produit en 1979, sous les effets conjugués de la

révolution iranienne et de la guerre Iran-Irak. En 1978, le début de la révolution

iranienne et la fuite du Shah d’Iran marquent le début du deuxième choc pétrolier. La

guerre Iran-Irak comment en 1980. L’arrêt des exportations iraniennes provoque presque

instantanément de nouvelles hausses de prix. Avec tous ces bouleversements, les

circuits de commercialisation du pétrole sont complètement désorganisés { l’échelle

mondiale.

Les chocs pétroliers n’affectent pas le crédit d’une manière générale, il aura

cependant des conséquences financières sur tous les agents économiques qui doivent

alors s’accommoder de la hausse constante du prix d’une énergie vitale mais vouée {

disparaitre, d’où les politiques d'amélioration du rendement énergétique ainsi que la

diversification des sources d'énergie.

CONCLUSION

La crise actuelle est appelée crise des subprimes. C’est une crise financière et

boursière mondiale, déclenchée en 2006 par un krach des prêts hypothécaires à risque

aux États-Unis. Le terme est employé plus particulièrement pour désigner une forme de

crédit hypothécaire (mortgage), apparue aux États-Unis. Ce crédit immobilier est gagé

sur le logement de l'emprunteur (hypothèque), avec un taux d'emprunt variable au

cours du temps. Au sens le plus large, un « subprime » (subprime loan ou subprime

mortgage) est un crédit à risque, à taux plus élevé pour l'emprunteur, et donc avec un

rendement plus important pour le prêteur afin de rémunérer le risque de non

remboursement, cependant limité par la garantie hypothécaire prise sur le logement.

Pour que le crédit reste intéressant pour l'emprunteur, des montages sophistiqués avec

28 L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) est une organisation intergouvernementale de

pays visant à négocier avec les sociétés pétrolières pour tout ce qui touche à la production de pétrole, son

prix et les futurs droits de concessions.

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des taux variables et des produits financiers complexes pouvaient permettre de

maintenir des taux bas en début de prêt. Pour les créanciers, les prêts subprime étaient

considérés comme individuellement risqués mais globalement sûrs et rentables. Cette

perception reposait sur une hausse rapide du prix de l'immobilier. Si un emprunteur ne

pouvait payer, le prêteur récupérerait son logement et le revendrait. En 2007, près de

trois millions de foyers américains étaient en situation de défaut de paiement. En

général, les emprunteurs étaient des ménages à faible revenu, qui avaient eu dans le

passé des retards de paiement ou des absences de paiement. Les créanciers étaient les

banques et organismes de crédit spécialisés, qui ont titrisé une partie de ces créances,

placées par des rehausseurs de crédit auprès de fonds de placement divers (hedge funds

en particulier mais pas seulement), de banques et d'assureurs. Les taux d'intérêt étaient

variables car indexés sur le taux directeur de la banque centrale américaine, majoré

d'une marge, pour une durée de 27 ou 28 ans. Les intérêts étaient plus élevés, en

contrepartie de critères d'attribution moins stricts. Un premier taux d'intérêt,

promotionnel, fixe et très bas, sur les deux premières années, servait à attirer les

emprunteurs. Les garanties portaient le plus souvent sur le logement, avec une

hypothèque. Jusqu'au début 2007, la valeur moyenne des logements augmentait et la

défaillance d'un emprunteur permettait au prêteur de se rembourser sur la revente du

logement. La période d'expansion des subprime a commencé début 2004 et s'est arrêtée

à la mi-2007. Les deux grands dérivés de crédit (ABS et CDO) qui ont ouvert un

débouché aux subprime ont connu une croissance aussi très rapide, à la même époque.

La titrisation des créances consistait à les regrouper par paquet de 1 500, en une

obligation appelée ABS revendue à un rehausseur de crédit. Celui-ci mélangeait ensuite

l'ABS avec des obligations moins risquées pour émettre des CDO, des obligations servant

aux banques à proposer aux épargnants des placements à rendements garantis. Les

banques pouvaient ainsi se refinancer, ce qui leur permettait de placer de nouveaux

crédits, et ainsi réalimenter un processus qui n'était pas encore qualifié de bulle

immobilière. Entre 2004 et 2007, la Réserve fédérale américaine a relevé son principal

taux d'intérêt directeur, le portant de 1% en 2004 à plus de 5% en 2007. Les familles

endettées à taux d'intérêt variable, qui devaient verser les intérêts au cours des

premières années du prêt, ont alors échoué à respecter des échéances mensuelles en

forte hausse. Mais le développement des subprime étant encore récent, une majorité

d'entre elles profitaient encore du taux promotionnel très bas des premières années. La

forte rentabilité de ces créances avait amené les organismes de prêts à en proposer aux

familles peu informées du risque de saisie du logement, puis à s'en débarrasser en les

transformant en des titres représentatifs, appelés asset-backed security. Ces ABS étaient

revendues à des banques ou des rehausseur de crédit, qui s'en servaient à leur tour pour

créer des collateralised debt obligation (CDO), produits financiers présentés comme sûrs,

car mêlant ces créances immobilières à des obligations émises par les gouvernements,

pour recevoir la meilleure notation financière.

Dès septembre 2006, des experts inquiets du développement des subprime, ont

donné l'alerte sur le risque de bulle immobilière. Vers la fin de 2006, le marché

immobilier américain a cessé de monter. Et à partir de février 2007, les échanges de

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créances immobilières ABS se sont presque arrêtés. Les prêteurs se sont montrés

intraitables avec les familles en retard de paiement. Les logements saisis ont été mis sur

le marché, faisant baisser peu à peu leurs prix au cours de l'année 2007. Dans un

contexte de retournement des prix de l'immobilier, la revente des maisons ne suffit plus

à assurer au prêteur le recouvrement de sa créance. Aux faillites personnelles des

familles emprunteuses s'est ajoutée une série de difficultés financières pour les

organismes prêteurs et leurs banquiers. La combinaison de ces deux facteurs a conduit,

à l'été 2007, à une crise financière internationale. Dans un premier temps, la crise des

subprimes n'a cependant entraîné qu'une baisse raisonnable des cours boursiers à l'été

2007, attendue par les spécialistes. La baisse la plus profonde s'est produite à l'automne

2008 lorsqu'il est apparu que beaucoup de banques n'avaient pas assez de réserves pour

faire face à leurs pertes. En quinze mois, la crise de solvabilité a succédé à la crise de

liquidité.

Il n'y a donc plus assez de monnaie. Normalement si une banque a besoin

d'argent, elle l'empreinte aux autres banques, ce qui constitue un prêt interbancaire.

Mais la crise des subprimes a créé un climat d'inquiétude entre les banques. Les taux de

prêts interbancaire ont fortement augmenté. Les organismes bancaires se tournent alors

vers les banques centrales. Celles-ci tentent de rééquilibrer le marché en injectant des

milliards d'euros et espèrent redonner confiance aux investisseurs.

A l’heure actuelle, il est impossible de déterminer l'ampleur et la fin de cette crise,

ce qui explique aisément l’inquiétude des investisseurs. Pour arrêter cette crise il faudra

redonner confiance aux investisseurs, comme tentent de le faire les banque centrales en

injectant des montants records de liquidités.

Cette crise pourrait avoir des conséquences considérables. Dans le pire des cas,

elle pourrait entrainer un Krach boursier sans précédent depuis celui de 1929. Un krach

intervient souvent suite à l'éclatement d'une bulle spéculative, comme cela est survenu

en 2000 avec la bulle Internet. Toutefois, celle-ci a heureusement été absorbée par la

bulle immobilière. Aujourd'hui c'est cette bulle spéculative immobilière qui aborde son

dégonflement. Sans regain de confiance par l'arrivée d'une nouvelle bulle, un krach

boursier pourrait intervenir. Certains pays ayant leur économie affaiblie pourraient

entrer en crise économique grave : faillites en masse, chômage. C'est le cas de la France.

Même si c’est une crise mondiale, certains pays, comme les Etats-Unis, sont les plus

touchés.

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