Le corps dans la cure

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LE CORPS DANS LA CURE Exposés des mercredis du Cercle Freudien d'octobre 1995 à mars 1996 Cahiers du Cercle Freudien - Nouvelle Série Volume 11 MAI 1996

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corpo, Freud, psicanalise, cura.

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  • LE CORPS DANS LA CURE

    Exposs des mercredis du Cercle Freudien

    d'octobre 1995 mars 1996

    Cahiers du Cercle Freudien - Nouvelle Srie

    Volume 11

    MAI 1996

  • 2SOMMAIRE

    LE CORPS DANS LA CURE(Anne 1995/96)

    . Sylvle BENZAQUEN p. a"Un corps peut en abriter bien d'autres"18 octobre 1995

    . Jol BIRMAN p. 23"Corps et affect en psychanalyse"8 novembre 1995

    . Claude RABANT p. 38"L'entre-corps"

    6 dcembre 1995

    . Alain DENIAU p. 44"Deux pour un" a20 dcembre 1995

    . Frdric de RIVOYRE p. 66"couter le son du corps au fond du moi"21 fvrier 1996

    . Jacques HASSOUN p. 74"Questions poses la jouissance phallique par THomosexualitmasculine"

    20 mars 1996

  • e23e

    LE CORPS ET L'AFFECT EN PSYCHANALYSE/Inc /ecture critique du discours freudien.

    JolBirman

    Le non-lieu du corps.

    Le problme du corps a donn lieu des controverses et des malentendus tout au long de

    histoire de la psychanalyse. Lo discours freudien lui-mme en est responsabic. Mais la

    adition psychanalytique postricure n'a pas cna de son intrt de donner au corps un statut

    sitif en levant ces contradictions.

    Malgr le maintien de son vocabulaire biologique - cc 4ui explique peut-tre que ses

    novations thoriques n'aient pas t prises en comptc - le discours freudien ne s'en est pas

    nu l, et il a pu dpasser les obstacles initiaux. Dans la seconde topique et dans la seconde

    cric des pulsions, Freud a forg des concepts nouveaux pour traiter la question du corps. La

    ceture mdicale et psychiatrique du discours freudien, dont la psychanalyse a t

    dommage aussi bien comme savoir que comme exprience clinique, a t l'effet du retour en

    re du discours post-freudien, car Freud, pour sa part, a t beaucoup plus hardi que ses

    ciples partir des annes quinze et vingt.t

    La positivit du statut du corps en psychanalyse doit trc reconnuc, en dpit du discours

    t-freudien qui a assign au corps un non-lieu, qu'on peut rsumer par les propositions

    e de la conleience ym a cu licu;u: ( crrie Freruhen, l'aris, Ic H not embre 1995.hanaly ste. I'roftwcur a ITuitersit i drale du liin de J:uiaro et 1Tuiserait de 1i lat du 1sin de Janalo

    e

  • l. Le corps est dfmi par opposition au pychisme.

    2. Le corps est rduit aut registres somatique, anatomique et biologique.

    3. Si ces registres ne sont pas identiques, ils sont complmentaires, car ils s'insenvent au mme

    nit cau de ralit. Du poin! de vue pistmologiquc, ils relvent de la nature.

    4. Le psychismc est dfini comme champ de reprsentations (Freud) ct de signitiants (Dican).

    5. Di pratique psychanalytique se limite au dchiffrement des reprsentations et des signifiants.

    6. Les Irontircs du champ psychanalytique sont prcisment tablics. Ce qui peut tre dchillr

    est analysable de fait et de droit ; en revanche, tout ce qui n'est pas dchiffrable est expuls

    comme non analysabic.

    On a donc rtabli les impasses du dualisme psychophysique de la psychologie

    introspective du XVIlle sicic, aggravdes au XIXe sicle. L'exclusion du corps a eu pour cifctla rduction de la psychanalyse une lecture des processus psychiques d'ordre reprsentatif et.

    signiliant.

    II. Les signes de l'exclusion du corps.

    Ce n'est donc pas un hasard si la Standard Edition est intitule Les

  • 25

    psychophysique ds le dbut Je son parcours. Cette dconstmetion appamt comme la conditionde possibilit de la dcouverte de la psychanalyse, et la condition de possibilit de la secondetopique et de la seconde thorie des pulsions.

    Nous laissons cette question en suspens, pour la reprendre plus tard avec les conceptsque Freud a forgs aprs les anncs quinte et vingt. Deux points sont remarquer. D'abord, letitre de la Standard Edition dfinit un prognunme pour la psychanalyse, un programmeoolitique. La rduction de la psychanalyse une psychologic est le rsultat d'un compromisavec le savoir mdical et psychiatrique. Ensuite, Ic corps a t exclu dans la mesure o il taitl'Autre du psychisme.

    Ce programme ne relve pas sculcment de la tradition anglo-saxonne; on Ic trourc aussi

    dans la tradition franaise. Ce n'est pas non plus un hasard s'il n'y a pas d'article corps dans le Vocabulaire de la Psvchanalyse de J. Laplanche et J.B. Pontalis*. On pourrait objecterque le corps n'est pas une notion claire chez Freud et que le projet du Vocabulaire tait derecenser les concepts freudiens. C'est exact, mais ce n'est pas sufTisant, puisque on trouve danscet ouvrage de nombreux termes qui tmoignent d'unc relecture pistmologique de lapsychanalyse. Il est impratif de lire Ic discours frcudien avec ses propres concepts, mme sicela nous amnc mettre en vidence des conf lit entre noncs.

    'II. L'expulsion de l'affect.L'exclusion de la problmatique du corps en psychanalyse n'a pas t isolde : cile a

    ,ntrain celle de l'affect. Le corps rduit au registre biologique, il en a t de mme pour'J rect. lui aussi renvoyd la nature et l'animalit.

    locan a contribu cette exclusion ; au moment o il a dvelopp la lecture signifiante!'inconscient, il n'y a plus cu de place pour l'afTect, car il n'y a pas d'affect inconscient'.

    planche. J . l'ontahs, 3 B., Vocchulaire do la l'svelunurisse , l'ans, l'rcsses l macrsitaires dc i rance, l'n ',eme htien.win. 3 Eonction et ch:unp de la parole et du I:my;ge en psychanal se ([953), in Ialcan, J , L

  • 26

    Cette exclusion. pourtant n'a bien foncuann ni du point de vue clinique ni du point de iuethonque. La question de l'allect a fait retour, mais par le biais d'un nom qui laisait disparaitrela trace de ses origines. car le rcl dfinit bien un champ o l'alTection peut nouscau treinterroge.

    Ces deux exclusions renvoient la problmatique de base de la mtapsychologie, celicde la pulsion (Trich), et, en particulier, de la pulsion comme pousse (Dmng). Pour penser nouveau la question du corps et celle de l'alTect, il importe de reconnaitre la place de la pulsiondans la thorie psychanalytique.

    IV. Le prix payer.Ces exclusions cotent cher la psychanalyse, car clics l'amnent esquiver presque

    compltement le reprage des motions et des clTets pulsionnc1s, ce qui induit une technique lalimite de la rationalisation. On voit bien les effets" de cette pratique sur les analysants : Icdiscours vide, l'absence de crativit, les rsistanccs indpassables, Ics dpressions svres, lerecours aux psychotropes et mme aux traitements corporels. De plus, ces exclusions rcndentimpossibic l'coute des tats-limites, des stnactures psychosomatiques, des perversions et despsychoses. Toujours aux aguets dans son fonds abyssal, le masochisme trouve des conditionsoptimales pour s'incorporcr.Il prend corps en rongeant le sujet du dedans, qui est saisi par lamortificatfm et devient presque immobile du point de vue du dsir. La terreur s'installe.

    V. Le corps et l'organisme.

    Pour interroger le statut du corps et de l'affcet, il faut distinguer les concepts de corps etd'organtsme ; leur superposition naive a provoqu malentendus et confusions,et conduit unfourvoiement biologisant. On a institu une dmarcation des territoircs pistmologiques telleque la psychanalyse a te"rduite travailler sur Ic corps-organisme ; mais cc corps-organisme at colonis par la mdecine, et le psychisme dcharn livr la psychanalyse. Cependant il nelaut pas confondre les deux registres. L'or ganisme est d'ordre biologique. En ver anche, lecorps est d'ordre se\ucl et pulsionnel : il temoic la chair, quoi se rattache une languetradition mythique et religieuse.

  • 27

    Updesinnosationspistemologiques de Freud a t de penser des rapports noutcaut

    Organisme et le psychisme par la mdiation de la problmatique du s rps, ce qui

    t de dpasser le paralltisme psychophysique. Alors que l'organisme est soumis aux

    sde la mtionalit biologique, le corps est travem par des forces pulsionnelles qui lui sont

    uctibics. En outre, il est tmvers de lond en comble par l'altnt, ce qui n'est pas le cas de

    l'organisme, . que l'on peut dire solipsiste, lerm sur lui-mme et dans l'immanence.

    L'organisme, o jouent dcs mcanismes automatiques de rglage, est plong dans les grands

    rythmes de la nature. En revanche, \c corps se constitue en rupture avec ellc, ouvert sur elle et

    sur l'Autre, et il faut affimier avec Iorce l'existence d'un corps-sujet.

    VI. (Jne nouvelle cartographie du corps.

    Freud, ds l'Esquisse d'une psychologie scientifique6, a Souvent employ ic mot

    organisme ; on le trouve dans Au-del-du principe du plaisir ', Le moi et le a " et Le

    problme conomique du masochisme . De plus, il affirme dans Pulsions et destins des -

    pulsions " que la psychanalyse ne peut se passer d'unc rfrence biologique.

    En revanche, ds Ic dbut aussi, Freud s'est rfr une autre conception du corps.

    Dans un des articles inauguraux sur l'hystric, o il s'agissait d'tablir les dilTrences cntre les

    paralysics motrices organiques et hystriques, il relve que le corps des hystriques est lond

    sur des reprsentations populaires en rupture avec Ic corps savant des anatomistes", ce qui

    l'amonc dfinir une autre cartographic du corps, celle d'un corps libidinal, corps reprsent et

    mme imag.

    La rupture est encore plus vidente si on passe de la clinique la mtapsychologic.

    L'enjeu de ce dplacement de registre tait pistmologique, puisque, avec le concept de

    1 reed, S.,

  • e28

    pulsion. c'tait la frontire entre la biologic et la psychanalyse qu'il s'agissait de tracer, commeen tmoignera plus tard Freud dans Pulsions et destins des pulsions " : la source de la

    pulsion peut tre biologique, mais la pulsion en tant que telle ne l'est pas. C'cst pourquoi la

    psychanalyse ne doit pas s'intresser l'tude de la source de la pulsion, qui appartient la

    biologie, mais celle de ses destins.

    . En dlinissant la pulsion comme un concept limite entre Ic psychique et Ic

    somatique ", Freud a constitud la psychanalyse en un domainc de savoir non rductible la

    biologic et la psychologie. Ce ramnagement est femdamental pour un corps tiss dans Ic

    carrefour des destins pulsionnels, constitu par le champ pulsionnel, manifest par les

    excitations pulsionnelles. D'ailleurs, l'Esquisse d'une psycholgie scientifique bauchait djl'ide que ce sont Ics diffrentes formes de matrise des excitations pulsionnelles qui dfinissent

    le registre du corps.

    e

    VII. Le corps comme destin.

    Il faut maintenant examincr de quelle faon la cartogmphic du corps a t tablic. Ediscours frcudien a progress de faon dcisive quand il a nonc, dans Le moi et le a ,

    que Ic moi est avant tout un moi colporel ", et pas sculement un tre de surface, mais

    lui-mme la projection d'une surface ". A cette fin est utilis l' homuncule crbral -"',projection du schma corporcl sur le cerveau. la mtaphore spculaire avait t forge un peuplus tt dans le texte inaugum! sur le narcissisme". Notons que, dans son essai sur le stade du

    miroir"', Lacan s'est servi du concept de capturc pour dvelopper les rapports dialectiques entre

    le moi. le corps et l'image.

    Il faut nous demander de quoi paric le discours freudien quand il dfinit le moi comme

    moi corporel, projection d'une surface. Si la topique initiale du discours freudien taut solpsiste.O

    la topique des annes vingt a t altritaire, ce qui permet de comprendre pourquoi le translett

    ! reud. S . -< Pulsions et destms des pulsions . in : Frcud, S. Mtapsychologie. op cit., pp 17 2010. p 17

    Erend, S . < I e moi et le a in Frend, S., / stais de parhanalyse, p ".5kl.

    ktI reud.S ... Pour introduire Ic narcissisme (1914). deuxierne piutie. in Erend, S . La ne scwelle. I'.us

    i'resses I nisersitures de France. 1973

  • egnralis a t un concept tardif. puisque au dbut seul existail le tr:msfert restreint. La cralondu concept de trar fort gnralis n'a t possibic qu'en admettant au fondement du psychismeune altnt fonctionnant comme principe de tramsformation des forces pulsionnelles.

    U principe d'altrit permet donc d'noncer qu'un moi corporel rem oic latransformation des forces pulsionnelles partir de l'Autre. On peut parler du corps comme d'unterntoire occup par l'organisme, c'est--dire comme d'un ensemble de marques impnmes suret dans l'organisme par l'inflexionde l'Autre. C'est dans cc sens, nous semble-t-il, que le moiest enLcndre comme moi corporel et comme projection d'une surface. La poussc pulsionnelleet l'Autre sont l'origine, et il faut en conclure que le corps est avant tout destin, au contraire dece qu'on pourrait penser navement.

    VIII. Un systme d'quivalences symboliques et de plaisirs.

    Dans Pulsion et destins des pulsions ", Frcud nonce la diffrence entre la pousse

    (Drang) et les destins de la pulsion. Il numbre les quatre destins de la force pulsionnelle dans Ic

    psychisme, qui sont le passage de l'activit la passivit, le retour sur la personne prop, lerefoulement et la sublimation. Ils se rptemient dans un processus toujours recommenc. lomouvement initial de la force pulsionnelle la pousse la dcharge. Cependant, dans la mesure

    o l'Autre peut accueillir cc mourcment originaire, c'est--dire la nommer et lui offrir un champpossible d'objectalit, la force pulsionnelle tablit une liaison qui la fait retourner vers

    l'organisme.

    C'est seulement en cc moment iddal que se constituerait un circuit pulsionnel o

    s'articulent la pousse et l'objetpar l'entremise d'un rglage de l'exprience de satisfaction. Enoutre. par ce retour de la force pulsionnelle et par la liaison initiale de celle-ci un champ

    d'objectalit, s'tablitait une marque originaire, une trace, la fois corporelle et psychique. Lii

    pulsion tant une force constante, le mme proccssus se rpterait plusieurs fois, produisant des

    traces parpilles.

    Le refoulement originaire a le pouvoir de inmsformer cct amas de traces en un ensemble.

    e est-a-dire en un systme psychique et corpinel d'quivalences sy mboliques et de plaisirs: la

  • trace se transionne alors en in.scription psychi4uc et corporellc. La sublimation scratt un

    processus postrieur, qui ferait :upture avec les refoulcments secondaires ; par la sublimation.la Iorce pulsionncIlc ia la qute de nouvelles liaisons et de nouveaux objets d'investissement.

    IX. Les diffrents registres du moi-corps.. Pour mieux fonder cette thse de 1923 selon laqucile le moi scruit avant tout un moi

    corporel, il faut maintenant articulcr ce que Freud dit de ce systme de translormation avec les

    noncs de la seconde partie du texte de 1915. A la diiTrence des Formulations sur les deuxpnneipes du cours des vnements psychiqucs 2 de 1911, le discours de 1915 a propos, non

    plus deux registres du moi, mais trois. En effet, si dans l'essai initial, Freud nous a appris

    l'existence du moi de plaisir/dplaisir et du moi-ralit dfinitif, rgls par le principe de plaisir

    et par le principc de ralit, il introduit ensuite un troisime registre : Ic moi rel originaire. Ilfaut en reprer l'enjeu thorique.

    Lo discours freudien a forg le conecpt de moi rcl originaire comme quivalent, dans Icregistre du sujet, de l'autonomic des forecs pulsionnelles par rapport aux reprsentations

    psychiques. Jusque ici cette autonomic n'tait pas reconnue, car, dans la formulation onginairedes Trois essais sur la thorie de la sexualite*', la question de la force pulsionnelle tait particprenante de la problmatique dc la reprsentation.

    11 laul wm:uques que, citaque niveau de l'organisation du moi, il y a un rapp

  • 31

    . par Freud au registre de l'auto-rotisme. De plus, il n'y a pas de sparation entre les registre du

    sujet et de l'objet.

    Ensuite, se constitue le moi de plaisir/dpl< isir, moi narcissique proprement dit, relevant

    du narcissisme primairc. 11 refoulement originaire rend possibic la constitution de ce deuxime

    niscau de structuration corporelle, dont Ics traces tablissent entre elles un systme

    d'quivalences et se transforment en insenptions. La rsultante de ces ramnagements est la

    fondation du corps en tant qu'unit et totalit, rgl par le principe de plaisir.

    Enfin, le moi-ralit dfinitif corresptmd l'tablissement du narcissisme, avec ses

    drivations structurales les plus importantes, le Surmoi, I'lddal du moi et la diffrence sexuelle.

    Lo corps prend une forme compltement diffrente de celles qui l'ont prcd ; il sera marqupar l'dipe, la diffrence sexucile et la dilTrence des gnrations.

    X. Formes et dynamique du corps.

    Si le corps-ralit dfinitif se rapproche de la reprsentation anatomique du corps, il n'en

    va pas de mme pour le corps du plaisir/dplaisir ct Ic corps rcl originaire, qui ressembic une

    figuration surrdaliste, o les formes se branchent ct s'accouplent entre c11cs d'une fa

  • XI. Incorporation, introjection, identification.Trois termes de Freud. imprcis et parfois mme presque synonymes, prennent place

    dans'cette gnalogie du corps et du sujet, l'incorporation, l'introjection, et l'identification. Cestermes sont soutent considrs comme identiques dans la littrature psychanalytique post-freudienne, mais ils doivent tre distingus. L'incorporation se rfrc au moi rcl originaire o,avec le retour de la force pulsionnelle sur l'organisme ct la transformation de l'activit enpassivit, la pulsion prend littralement corps, c'est--dire s'incarne.

    L'introjection, parfois appelde identification primaire, renvoic au registre du moi deplaisir/dplaisir et l'unit narcissique du corps. U corps rel originaire se ramnage partirdu phallus, condition de possibilit du refoulcment originaire et de l'instaurationde l'conomienarcissique d'quivalence des plaisirs. L'introjection relve donc de l'ordre phallique. o a lieula transformation des traces en inscriptions.

    L'identification se rapporte au moi ralit dfinitif, o s'tablit la diffrence sexucilc, etof le corps prend de nouveaux insignes symboliques, cc qui correspond aux identificationssecondaires de certains auteurs.

    XII. Le fondement mtapsychologique.Ceue Iccture du corps nous amnc une relecture de la question de l'affcet. On peut dire

    qu la rupture freudienne de 1920, avec le concept de pulsion de mort, pulsion sansreprsentation, a t inaugure en 1915 par l'affirmation d'une force pulsionnelle autonome l'gard des reprsentations.

    Nous insistons sur ce point parce que, dans les Trois essais sur la thorie de la setualit,Freud plaait la force pulsionnelle dans Ic champ des reprsentations, hors duquel elle nepouvait tre pense par la psychanalysc". Tclic a t la consquence des prsupposs del'Esquisse d'une psvchqlogie scientifique, o Freud nonait que, si la pulsion tait dchargeet expulse de Forganisme, la vic serait impossible. 11 a conu la force pulsionnelle comme

    reud.N , I rois cuars sur la th>rie de la seuralit, op. at., pp.82-M.

  • insente dans le champ des reprsentations et des obcts, la pulsion tant pose comme sexuelle,

    rgle par le principe de plaisir". '

    Freud a tabli l'autonomic de la force pulsionncile dans l'essai mtapsychologique de

    1915, pour dfinir ensuite Ic concept de pulsion de mort comme pulsion sans reprsentation26.

    Cependant, c'cst dans Le problme conomique du masochisme que Freud a fait

    l'autocritique la plus nette de scs prsupposs mtapsychologiques : Cette conception ne peut

    tre correcte ", dit-il, puisque Ic principe de plaisir/dplaisir est secondaire au principe deNirvana. D: discours freudien consacre ainsi la rupture entre l'organisme et le milieu extncur.

    Il y aura chez l'homme une dhiscence telle que la nature ne sera plus dans une position

    d'absolue immancnce. Par l'inexistence prtablie de l'objct de la pulsion, Ic circuit pulsionnelne peut se constituer d'emble ; c'est pour cette raison que l'Autre est fondamental dans les

    destins de pulsions.

    XIII. Le versant clinique.

    Il faut remarquer que si Freud a laiss initialement de ct l'affect ct Ic corps, c'est que

    seul l'intressait Ic dchilTrement des reprsentations. Dans Ics annes quatre-vingt-dix, Ic

    destin des affects et leur aspect quantitatif ont t l'cnjeu principal des nvroses, puis ils ont t

    mis entre parenthses au moment de l'laboration de la premire mtapsychologic.

    Cette solution thorique n'a pas bien fometionn, car ce qui avait t cart s'est impos

    ensuite. La question de l'intensit de l'affect a fait retour dans les crits mtapsychologiques des

    annes quinze et vingt. L'excs posait des problmes cliniques insurmontables, et c'est pur

    cette raison que la force pulsionnelle a t rendue autonome l'gard des reprsentants de la

    reprsentation et que, ensuite, Freud a invent la pulsion de mort.

    4

    "Freud.S.. lisquisse d'une psychologie scientuique (1895), pomiere partie, in : Freud, S., La naissanc< &/aps>

  • 34

    XIV. L'affectation et la symbolisation.

    Ce n'est pas un hasard si Freud a mis en chantier la problmatique de l'affcet au momento il alfirmait l'autonomic de la force pulsionnelle ; dans les essais mtilpsychologiques de

    1915 sur le refoulement" et l'inconscient", ces textes succdent l'essai inaugural sur lapulsion.

    L'affect peut tre repr en deux registres :

    1. En tant que quamum d'afJect, c'est--dire comme quantit et comme intensit. Il s'agit

    d'unc Iceture conomique de l'alfcet.

    2. En tant que sentiment. L'affect est prsent dans la conscience ; il est qualitatif. Ils'agit alors d'une Iccture topique.

    La version topique et la version conomique sont complmentaires. Cctte

    complmentarit peut tre pense si l'on prend en compte la transformation de la lorcepulsionnelle et la constitution du circuit de la pulsion. Mais l'assertion que l'alTect s'inscrit dans

    le registre de la comscicnce amne se demander de quelle conscience il s'agit. Cette conscience

    est la conscience-perception, selon Ic modle mtapsychologique de La science des rves"'".Elle est Ic point d'ancrage de la forcc pulsionnelle dans le psychisme, la porte d'entre de la

    force pulsionnelle dans l'organisme, et c'est par elle que se fait le retour partir de l'Autre. Il

    n'y a donc pas de contradiction entre les deux versions, car, dans la premirc est souligne ladimension de la force en tant que quantum daffect, tandis que dans la seconde, l'accent est missur le lieu de l'impact de la force pulsionnelle,le registre de la conscience-perception.

    Cette exprience originaire est de pure affectation ; aucun sens n'est encore constitud,mais elle met en branle le psychisme. Une exigence sera impose pour matriser son impact, etla pulsion est pose comme une mesure de l'exigence de travail qui est impos au psychismeen raison de sa liaison au corporel ".

    i

    Urcud. S , l.c refoulement (1915). In: I reud, S., Altapsy

  • 35

    . Ce travail de maitrise et de symbolisation de l'affectation rend possible la constitution du

    corps et du sujet. S'il ne se faisait pas. Ic corps-sujet serait accold au trauma de l'aficctation etprcipit impitoyabicment dans le masochisme mortifre ; la vie deviendmit une affaireimpossible rgler. Dans Le problme conomique du masochisme ", Freud nonce quedans l'espce humaine, la viabilit de l'organisme dpend de l'Autre et de l'organisation dupsychismc. Si l'organisme ne passe pas par la mdiation de l'Autrc, il reste condamn au traumamortifrc et une hmorragic des forecs pulsionnelles qui prennent la voic fatale de la dcharge

    continuc. -' c a

    XV. Les limites du dchiffrement

    Ce sont les impasses de l'analyse des psychoses, des perversions, des tats-limites et de

    la psychosomatique qui ont mis en question une pratique de la psychanalyse o Ic corps et

    l'afTect taient mis entre parenthses. Pour simplifier, on peut dire que le modlcmtapsychologiqueinaugural tait plus ou moins suffisant pour conduire la cure des nvross.

    Ccux-ci ont un psychisme bich rangd, o Ics forces pulsionnelles sont dj lidcs un

    champ de repidsentations et des objets de satisfaction. La diffrence sexuc11e est, sinon bien

    lfinic. du moins signale ; l'dipc est prsent. Pour cux, chez qui l'ordination du sujet-corpsest inscrite entre les registres du moi de plaisir/dplaisir et du moi ralit dfinitif, lapsychanalyse en tant que pratique du dchilTrement, selon le modlc mtapsychologique nonedu chapitre VII de L'interprtation des rves, tait donc bien fonde. Cependant, mme pour

    !'analyse des nvroses, cc modle ne marchait pas trs bien et Freud l'a refondu de fond encombic.

    C'est donc seulement aprs que Freud ait mis en question ce modle qu'il a t possible

    pour la psychanalyse de s'ouvrir la psychose, la perversion, la fminit et aux troubles dela corporit, puisqu'on devait supposer ces ralits cliniques, pour les rendre iittelligibles,

    3cs circuits pulsionnels non ordonns, des expriences traumatiques svrcs et des

    rganisations narcissiques fragiles.

    I reud. N , a I.e problme conomique du masochisme , in : Freud, S., Nevrose, psychose er pervervon , opt , pp.287-289

  • XVI. Propositions pour la pratique.Ce qui tonne le plus dans la clinique psychosomatique et dans celle des tats-limites est

    l'absence du corps, alors que l'organisme sc signale par sa prsence massive, immaitrisable parIc sujet. En outrc, dans les tats-limites, les analysants manifcstent des traits opposs

    : soit unedcharge massive des forces pulsionnelles, qui ressemble l'hystrie, sans en tre, soit uneactivit vide de la pense, qui ressemble la nvrose obsessionnelic, mais qui n'en est pas nonplus.

    Dcs impasses dans l'tablissement du transfert apparaissent. En outre, quand le modledu dchiffrement est impos, souvent unc raction thrapeutique ngative surgit si le transferts'tablit. Un dialogue de sourds s'instaure entre l'analysant et l'analyste, qui rongeprogressivement et dfinitivement les possibilits de travail analytique. La figure de la mort estprsente sous la forme effrayante du masochisme. On constate des limites insurmontables autravail de symbolisation. Alors, il n'y a plus de possibilit de mouvement libidinal dansl'analyse ct tout s'arrtc.

    Ce que ces analysants ne supportent pas, c'est l'absence de l'analyste. Ds que celui-cise lige dans l'coute, ds qu'il prtend rduire sa fonction au tmvail du dchilfrement, l'analysene marche plus. L'analysant est renvoy de faon permanente sa propre mort et sonincapacit matriser les tmces traumatiques. L'absence de figure de l'analyste aggravetragiquement l'absence de figure de l'analysant. Ce que l'analysant attend de l'analyste, c'est saprsence vivante, comme seule condition de possibilit pour se sentir lui-mme vivant.

    Pour que se constitue la prsence vivante de l'analyste, il faut qu'il puisse rptmdre l'attente de l'analysant. Telle serait la etmdition pour l'tablissement du transfert et pourempcher que la scne analytique ne soit fige par une raction thrapeutique ngative.Rpcmdre l'attente implique un acte fondateur pour la libidinisation du corps-sujet, sans Icquelle transfert et une vraie parolc sont impossibles.

    lat prsence vivante de l'analyste est ncessaire pour qu'il puisse accueillir !'impact desforces pulsionnelles. Cet accueil grrmettm icur ramnagement par l'Autre, et, ainsi, le passaecde l'activit la passivit et le retour de la force pulsionnelle sur la personne proprc. i e corps-

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    . sujet se constitue alors, d'abord dans le registre du moi-rel originaire, et ensuite dans celui dumoi de plaisir.'dplaisir, la Ubidinisation devient possible. En outre, la symbolisation dmulTCausst, et pemaet la maitnse des blessures traumatiques. Les tantasmes peuvent s'ordonner et sedplacer dans ic sujet et sur la scne psychanalytique, de faon permettre la constitution dutransfert et de la nvrose de transfert. Le champ de l'analysable au sens sinct peut alors sedployer.

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