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1 Le commerçant étranger 1 Par Nadhir BEN AMMOU Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis. 1.- Supposons que je n’observerai pas dans l’appréhension de ce sujet une démarche habituelle, vous trouveriez que ce que je vais vous dire est étrange. Quoi de plus normal si le sujet porte sur le commerçant étranger ? Etymologiquement étranger est un adjectif dérivé d’étrange, incompréhensible, hors du commun, l’étranger est celui qui est autre. En droit, c’est toute personne ou entité qui au regard d’un Etat, n’a pas la nationalité de cet Etat. Le commerçant est celui qui exerce personnellement une activité commerciale à titre professionnel. La combinaison des deux définitions permet de dire que le commerçant étranger serait donc le non national, personne physique ou morale, qui exerce à titre professionnel une activité commerciale dans un pays autre que le sien. Mais les choses ne se présentent pas toujours d’une manière aussi simple. La notion de commerçant étranger est une notion complexe qui appelle le secours de la sociologie, de l’histoire , de l’économie , de la politique avant d’atterrir sur le domaine juridique. 2.- L’étranger n’est pas toujours accueilli de la même manière qu’un non étranger. Il suscite les sentiments les plus divers et les plus contradictoires ; de la crainte exagérée à l’espoir démesuré, de la discrimination injustifiée au privilège indu. De tels sentiments sont-ils appelés à changer avec l’adjonction à l’étranger de la qualité de commerçant ? Ce n’est pas à une question de sentiments qu’il s’agit de répondre diriez-vous. C’est à la question de savoir comment le droit et plutôt les différents systèmes nationaux appréhendent-ils le commerçant étranger. Ceci est vrai. Mais il est aussi vrai que cette question n’est pas indépendante de la première. La loi exprime souvent l’attitude des peuples et une législation sur le statut du commerçant étranger n’est pas, dans tous les cas, dépourvue de teintes xénophobes ou xénophiles selon les époques, les lieux et les conjonctures politiques, économiques et sociales. 1 Communication au colloque international organisé par la Faculté de Droit de Tunis « L’étranger dans tous ses états », Tunis , février 2005.

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Le commerçant étranger 1

Par Nadhir BEN AMMOU Professeur à la Faculté de Droit

et des Sciences Politiques de Tunis.

1.- Supposons que je n’observerai pas dans l’appréhension de ce

sujet une démarche habituelle, vous trouveriez que ce que je vais vous dire est étrange. Quoi de plus normal si le sujet porte sur le commerçant étranger ? Etymologiquement étranger est un adjectif dérivé d’étrange, incompréhensible, hors du commun, l’étranger est celui qui est autre. En droit, c’est toute personne ou entité qui au regard d’un Etat, n’a pas la nationalité de cet Etat. Le commerçant est celui qui exerce personnellement une activité commerciale à titre professionnel. La combinaison des deux définitions permet de dire que le commerçant étranger serait donc le non national, personne physique ou morale, qui exerce à titre professionnel une activité commerciale dans un pays autre que le sien. Mais les choses ne se présentent pas toujours d’une manière aussi simple. La notion de commerçant étranger est une notion complexe qui appelle le secours de la sociologie, de l’histoire , de l’économie , de la politique avant d’atterrir sur le domaine juridique.

2.- L’étranger n’est pas toujours accueilli de la même manière

qu’un non étranger. Il suscite les sentiments les plus divers et les plus contradictoires ; de la crainte exagérée à l’espoir démesuré, de la discrimination injustifiée au privilège indu. De tels sentiments sont-ils appelés à changer avec l’adjonction à l’étranger de la qualité de commerçant ? Ce n’est pas à une question de sentiments qu’il s’agit de répondre diriez-vous. C’est à la question de savoir comment le droit et plutôt les différents systèmes nationaux appréhendent-ils le commerçant étranger. Ceci est vrai. Mais il est aussi vrai que cette question n’est pas indépendante de la première. La loi exprime souvent l’attitude des peuples et une législation sur le statut du commerçant étranger n’est pas, dans tous les cas, dépourvue de teintes xénophobes ou xénophiles selon les époques, les lieux et les conjonctures politiques, économiques et sociales.

1 Communication au colloque international organisé par la Faculté de Droit de Tunis « L’étranger dans tous ses états », Tunis , février 2005.

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3.- Insistera-t-on sur la qualification «commerçant étranger» qu’il il y’ aurait toujours une antinomie dans la présentation de la question . Le commerçant est le citoyen naturel du monde des affaires. Celui-ci est international par définition et par tradition. Le droit commercial n’aurait pas vu le jour s’il n’ y avait pas les routes de la soie et les foires médiévales de Gênes, Florence et Venise. Le commerce ne se serait pas développé si les échanges devaient se limiter aux frontières des pays. D’ailleurs, on peut légitimement s’interroger si ces frontières étaient tracées avec la même précision qu’aujourd’hui , si elles étaient aussi jalousement gardées que de nos jours et si l’acharnement des Etats les plus puissants de notre époque contre l’arrivée d’étrangers sur leurs territoires avait son équivalent dans l’histoire.

4.- L’histoire des systèmes juridiques montre que les législateurs

n’ont pas toujours été hostiles au commerçant étranger2 . Tel a été la cas, par exemple, du droit italien sous l’empire du code civil de 18653 .

Dans notre pays, l’histoire du commerçant étranger est une histoire douloureuse. Les lecteurs de Ahmed Ibn Abi Dhiaf vous diront combien de commerçants étrangers ont bénéficié des faveurs des princes pour obtenir des avantages qui leur apportaient des gains excessifs au détriment des intérêts du pays4. Le Pacte fondamental et la Constitution de 1861 devaient renforcer le statut de ces commerçants du moment que la liberté du commerce et de l’industrie leur était expressément reconnue. Des tribunaux de commerce devaient être créés pour connaître des affaires commerciales et dont devaient être justiciables les commerçants tunisiens et étrangers. Or c’est justement parce que la création de ces tribunaux devait entraîner une remise en cause unilatérale des capitulations5 par le Bey que les puissances étrangères ont tout fait pour que la Pacte fondamental et la constitution restent lettre morte.

5.- Le sujet est l’un de ceux qui mettent en évidence l’influence des

faits et des théories économiques sur le droit. A cet égard le droit apparaît comme un servant de l’économie , il ne cesse d’adapter les cadres juridiques à la variation des choix économiques. La mobilité des capitaux et des marchandises attestent du dépassement des frontières et la nécessaire suppression des barrières. La mondialisation avec ses trois dimensions : échanges internationaux des biens et services , flux des

2 Rapp fr 3 Attilio Guarneri, Rapport italien 481 4 Ahmed IBN ABI DHIAF, Ithaf ahl azzaman bi akhbari moulouki tounis oua ahd el amane, Addar Attounousiah linnachr, 2e éd. Par R. Marzouki, Tunis, 1989, vol.5 , p.110. 5 qui reconnaissaient aux étrangers européens le privilège de juridiction ; ils étaient jugés par leurs consuls chaque fois qu’ils avaient la qualité de défendeur dans une affaire civile ou commerciale)

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investissements directs à l’étranger et circulation des capitaux6 place la question du commerçant étranger au cœur des préoccupations des juristes. Il est cependant légitime de s’interroger s’il n’est pas anachronique , à une époque où on évoque de plus en plus la globalisation de l’économie et la mondialisation du droit , de continuer de réfléchir sur le commerçant étranger ? Le commerce est dit maintenant électronique, pour exprimer cette idée que l’immatériel tend à supplanter le matériel et du bout de son ordinateur un commerçant aussi lointain que puisse se situer son commerce n’est pas plus étranger que d’autres.

6.- La question reste malgré tout posée car les différents systèmes

juridiques de par le monde ne réservent pas un traitement uniforme de la question du commerçant étranger même si des tendances communes peuvent être dégagées. A mon avis c’est une question d’acceptation et de gestion de la concurrence, c’est aussi une question de rapports de force : plus un Etat est économiquement puisant plus il est rigide dans la gestion du problème, moins il est fort plus il est ouvert à l’accueil des étrangers (commerçants ou autres). Dans cet esprit , on peut se demander si notre conception des rapports avec les étrangers est forcément différente de celle d’autres pays, je veux dire les pays riches ? Le contrôle de l’immigration est-il leur affaire plutôt que la nôtre ? On peut le penser. Mais ce serait une vision trop superficielle des choses et, par ailleurs, peu conforme avec les accords passés par notre pays, le contrôle du flux migratoire fait partie de nos engagements vis à vis de l’Europe. Or comment espérer y réussir s’il n’ y pas amélioration des conditions économiques à l’intérieur de nos frontières ? Réglementer l’activité commerciale des étrangers en Tunisie, en tant que cette activité peut contribuer à améliorer les chances d’employabilité de nos concitoyens, peut être l’un des moyens tendant à la réalisation de cette fin.

7.- Le texte de base qui régit le commerçant étranger est le décret

loi du 30 août 1961. C’est un texte vieux maintenant de quarante quatre ans. Les lois n’ont pas d’âge, dira-t-on, mais on sait que, comme les hommes, elles subissent l’effet du temps. Pris quelques années après l’indépendance, ce texte marquait la volonté de l’Etat de contrôler l’activité économique des étrangers. Après avoir pris l’engagement de ne pas porter atteinte aux avantages acquis par les étrangers dans la convention du 3 juin 1955 sur l’autonomie interne, notamment en s’engageant à assurer en faveur des étrangers le libre exercice de leurs

6 Charles-Albert Michalet, Les métamorphoses de la mondialisation , une approche économique, in La mondialisation du droit, sous la direction de Eric Loquin et Catherine Kassedjian ; Travaux du Centre de Recherche sur le Droit des Marchés et des Investissements Internationaux, Vol. 19, Litec, 2000, 11 et s. spéc, p.17.

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activités économiques7, l’Etat nouveau devait adopter une autre politique. L’activité des étrangers est régie par le principe de l’interdiction. L’exercice des activités commerciales par les étrangers est limité à certains secteurs et sous réserve de la réalisation de conditions précises. D’autres activités leur seront tout simplement interdites à moins de dérogations spéciales.

Le décret loi de 1961 a été modifié en 1985 et 1997. Mais les deux modifications n’en ont pas bouleversé l’économie générale et encore moins l’esprit. Pourtant le pays est passé par plusieurs expériences qui étaient de nature à remettre en question certains choix de politique législative. Et si on comprend que la politique des collectivisations n’ ont pas eu d influence sur ce texte, on ne comprend pas pourquoi il est resté imperméable au vent des réformes libérales engagées depuis la deuxième moitié des années quatre vingt. Plus encore , l’ouverture des frontières et les réformes successives du droit de l’investissement étranger, les accords de l’OMC , l’accord de partenariat avec l’Union Européenne et le traité de l’UMA permettent de s’interroger sur la compatibilité de l’esprit du décret loi de 1961 avec ces données nouvelles. D’autres textes et d’autres codifications ont vu le jour. Avec la multiplication des secteurs d’intervention des étrangers dans le domaine économique on est en droit de se demander si la catégorie commerçant étranger est devenue une catégorie résiduelle qui se rétrécit comme une peau de chagrin pour ne plus correspondre à aucune réalité ou, au contraire, s’il s’agit d’une catégorie qui doit être maintenue car elle détermine mieux le statut de ceux qui entendent se livrer à cette activité ?

8.- Le commerçant étranger n’a pas forcément la même condition que n’importe quel autre étranger : personne physique mais surtout personne morale il vit mieux sa mobilité ; il est même appelé à être partout à la fois d’un pays à un autre. Ce qui l’intéresse le plus c’est moins d’être sur un territoire étranger que d’avoir des garanties de ses droits économiques : a-t-il les mêmes sûretés, peut-il bénéficier de la même procédure, est-il soumis aux mêmes sanctions qu’un national? Peut-il, comme ce dernier bénéficier des mesures favorables accordées aux commerçants nationaux ?

9.- Voilà donc les deux grandes questions qui nous ont paru devoir

être posées. La première consiste à s’interroger « commerçant étranger , qui es –tu ? » , elle est commandée par les incertitudes de la qualification « commerçant étranger » (Première partie). La seconde s’intéresse au problème de l’examen d’une évolution possible du statut du commerçant

7 article 5 de la convention . v en outre Jambu-Merlin , n° 170.

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étranger (commerçant étranger, quel traitement te réserve-t-on, doit-on te réserver ?) (Deuxième partie).

PREMIERE PARTIE : COMMERCANT ETRANGER, QUI ES TU ? (LES INCERTITUDES DE LA

QUALIFICATION)

10.- La qualification commerçant étranger peut résulter de l’application d’un critère subjectif , relatif à la personne (A). C’est un critère qui est certes nécessaire mais qui s’avèrera, à l’examen, insuffisant pour la détermination du contenu de cette catégorie. C’est ce qui appelle le recours à un critère objectif, celui de l’activité (B). A- Le critère subjectif 10.- Le commerçant étranger est soit une personne physique (a) , soit une personne morale (b). a- Le commerçant étranger personne physique.

11.- L’étranger personne physique est défini par ce qu’il n’est pas, c’est celui qui n’a pas la nationalité tunisienne. Il ne semble pas qu’il puisse y avoir une difficulté particulière à cet égard. L’application des dispositions du code de la nationalité tunisienne pour la détermination des nationaux ne semble pas souffrir d’exceptions tenant compte de la nature de l’activité de la personne intéressée.

Mais la notion de commerçant étranger personne physique n’est

pas uniforme. Il y aurait lieu de distinguer entre «commerçants étrangers absolus » et « proches commerçants étrangers». Ces derniers seraient ceux avec les pays desquels la Tunisie a conclu des accords avantageux pour leurs ressortissants , ce sont notamment des conventions d’établissement conclues avec les pays du Maghreb …. Tout le reste constituera le cercle des étrangers absolus. De telles conventions tiennent en effet compte de l’évolution commandée par les rapprochements imposés par l’évolution des relations entre Etats. Et s’il s’agit d’évoquer une quelconque discrimination vis à vis des commerçants étrangers, il y’ aurait des commerçants plus égaux que d’autres dans la discrimination.

b- Le commerçant étranger personne morale 12.- L’article 3 du décret loi du 30 août 1961 fixe les critères

d’attribution de la nationalité tunisienne aux personnes morales. Il s’agit de quatre conditions cumulatives : 1- être constituées conformément aux lois en vigueur et avoir leur siège social en Tunisie, 2- avoir leur capital

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constitué à concurrence de 50 % au moins par des titres nominatifs détenus par les personnes physiques ou morales tunisiennes, 3- avoir leur conseil d’administration, de gérance ou de surveillance , constitué en majorité par des personnes physiques de nationalité tunisienne, 4- avoir leur présidence, leur direction générale ou leur gérance assurée par des personnes physiques de nationalité tunisienne ; enfin et pour les sociétés anonymes qui optent dans leurs statuts pour la dissociation entre fonctions de président du conseil d’administration et celle de directeur général, le directeur général doit avoir le statut de résident au sens de la réglementation du change en vigueur. Le paragraphe dernier du même texte ajoute un autre critère. C’est un critère exclusif aux sociétés d’économie mixte. Sont tunisiennes dit le texte, « les sociétés ayant leur siège social en Tunisie et dans lesquelles l’Etat ou les collectivités publiques locales détiennent directement ou indirectement une participation en capital ».

13.- Au delà du débat sur l’opportunité d’évoquer une nationalité

pour une personne morale, il convient de distinguer, comme le fait le texte, selon que la société est constituée exclusivement de capitaux privés et sociétés d’économie mixte.

14.- Lorsque le capital d’une société est exclusivement constitué de

participations privées, l’absence de l’une des conditions prévues par l’article 3 exclut cette société du bénéfice de la nationalité tunisienne. Autrement dit, toutes les fois que la société ne répond pas à ces critères c’est une société étrangère. On ne s’ empêchera pas de remarquer que le décret procède d’une manière rigoureuse. Alors en effet que l’option des législateurs se situe entre le critère du contrôle et celui du siège social, dans notre système c’est une combinaison des deux critères qui a prévalu.

Il n’est que peu contestable que pour les personnes morales,

l’attribution de la nationalité ou sa non attribution a une connotation économique certaine : deux tendances non contradictoires commandent le choix du législateur le contrôle et la restriction. Il s’agit en effet de vérifier par qui les capitaux de telle ou telle société sont détenus et de limiter l’accès à certaines activités aux entreprises tunisiennes. Adopté au début des années soixante le texte pose après plus de quarante ans des problèmes de choix de politique et de technique juridiques. Trois éléments permettent de l’illustrer.

D’une part, le critère du contrôle qui tient compte de la nationalité

des associés ou des dirigeants dans l’attribution de la nationalité aboutit à la négation de l’autonomie de la personne morale, à la négation de

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l’existence de la société en tant qu’être juridique autonome.8 Il est vrai que des lois spéciales plus récentes ont tendance à affaiblir le critère du contrôle. Ainsi en est-il de la loi n° 97-33 relative à la réforme des structures agraires. art…d’après lequel « est de nationalité tunisienne toute société constituée conformément aux lois en vigueur , ayant son siège principal en Tunisie , ayant plus du tiers de son capital constitué de titres nominatifs détenus par des personnes physiques ou morales tunisiennes et ayant son conseil d’administration, de gérance ou de surveillance constitué de représentants de personnes physiques ou morales tunisiennes à concurrence de leur participation au capital de la société. En même temps, d’autres textes plus récents (de droit commun ) renforcent ce critère (art 412 al.3 CSC sur la fusion). « la fusion d’une ou plusieurs sociétés étrangères avec une ou plusieurs sociétés tunisiennes, doit aboutir à la constitution d’une société dont la majorité du capital doit être détenue par des personnes physiques ou morales tunisiennes » (mais il n’en résultera pas automatiquement attribution de la nationalité tunisienne à la société ce qui ne laisse pas indifférent sur le bien fondé d’une telle disposition. (de plus on ne tient pas compte ici de la fusion absorption , dans ce cas serait-il à une société dont le capital appartient en majorité à des étrangers d’absorber une société tunisienne ? )

D’autre part, on peut s’interroger sur le degré d’efficacité d’un

système qui prend en considération la détention d’une quotité du capital pour refuser ou permettre à une société d’accéder à une nationalité et par conséquent à une activité commerciale ? L’évolution du droit des valeurs mobilières et le développement du recours aux techniques contractuelles notamment avec ce qu’il convenu d’appeler les pactes d’actionnaires, permettent d’affirmer que la seule détention de titres de capital n’est plus l’unique moyen de contrôler une société. C’est ainsi qu’ à titre d’exemple, en répartissant les titres en actions à dividendes prioritaires sans droit de vote et en certificats d’investissement d’une part et en passant des conventions de vote d’autre part, une société étrangère qui n’a qu’une participation minoritaire dans une société tunisienne peut parfaitement avoir le contrôle effectif de cette société. Plus encore , cette manière de faire fait échapper de facto l’activité de cette société au contrôle de l’Etat. On sait aussi que grâce à la technique des groupes de société, une société holding non tunisienne est en mesure d’avoir le contrôle de toutes les sociétés du groupe qui sont tunisiennes.

8 (rap gén 361 plus rapport belge)

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Enfin, le caractère restrictif de l’alinéa premier de l’article 3 résulte de l’exigence cumulative de quatre conditions ce qui conduit à constater qu en pratique ces critères sont difficilement cumulables et a faire le constat selon lequel toutes les sociétés du monde risquent de se trouver a-nationales si l’une des conditions du décret fait défaut9. Un tel résultat réalise évidemment l’objectif du contrôle de l’activité des étrangers mais reste incompatible avec la volonté d’ouverture.

15.- A la rigueur dans l’attribution de la nationalité aux sociétés

privées correspond une grande souplesse lorsqu’il s’agit des sociétés d’économie mixte. Dans l’esprit du décret loi de 1961 , toutes les sociétés d’économie mixte sont tunisiennes sauf preuve du contraire. Or, si la participation directe de l’Etat ou des collectivités publiques locales ne pose pas de difficultés particulières, leur participation indirecte est plus que problématique. Elle conduirait à dire que toute société serait présumée tunisienne à moins de la preuve qu’il n’y pas dans son capital de participation publique (preuve négative mais non difficile depuis la dématérialisation ), ce qui dénote d’une perception par trop hégémonique de la puissance publique dans l’attribution de la nationalité tunisienne. En même temps, elle tranche avec la rigueur excessive qui marque l’attribution de la nationalité tunisienne aux sociétés à capitaux exclusivement privés. Le système est hypocrite, ce qui compte c’est une participation publique même si elle est minoritaire. Mais il est plus respectueux de la volonté d’ouverture.

16.- Ne convient-il pas de revoir dans le sens de l’unification des

critères les solutions jusque là retenues ? L’article 10 du code des sociétés commerciales semble contenir un

élément de réponse . D’après ce texte, « les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire tunisien sont soumises à la loi tunisienne ». Il convient de noter que ce texte n’a aucune influence sur les critères du décret. Il est plutôt lié au problème de la loi applicable. Ne serait-il pas plus simple de retenir ce critère unique pour l’attribution de la nationalité tunisienne aux sociétés ? Mais même avec cette possibilité , la seule référence à la nationalité ne suffit pas pour l’identification du commerçant étranger. B- Les défaillances du critère objectif

17.- Y a-t-il une différence entre « commerçant étranger » et

« étranger exerçant une activité commerciale » ? Plus précisément,

9 (Mathlouthi, 161)

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lorsqu’on évoque le commerçant étranger , l’appréciation de cette qualité doit-elle se faire conformément aux critères du code de commerce ?

Le point de départ de cette réflexion consiste dans l’observation des formules retenues par certains textes. Le décret loi de 1961 est destiné d’après son intitulé à fixer les conditions d’exercice de certaines activités commerciales (pour son article 1er il se propose de réglementer l’exercice du commerce par les étrangers). L’article 2 de la loi RC qui détermine les personnes physiques qui sont concernées par l’ immatriculation au registre du commerce prévoit que ce sont « les personnes physiques ayant la qualité de commerçant au sens du code de commerce ainsi que les personnes physiques exerçant une activité sous le nom d’une société de fait et ayant la qualité de commerçant et les étrangers exerçant une activité commerciale en Tunisie. La formulation de ce texte n’est pas de nature à nous laisser indifférent. Le législateur semble bien avoir distingué entre commerçant tunisien et étranger exerçant une activité commerciale en Tunisie. La différence semble être nette. L’appréciation de la qualité de commerçant se fait différemment selon qu’on est devant un national ou un étranger. Le national assujetti à l’immatriculation doit répondre aux conditions requises pour la qualification de commerçant selon l’article 2 du code de commerce. Tandis que pour l’étranger un tel passage par l’article 2 n’est pas requis. Ce qui importe le plus c’est l’exercice d’une activité commerciale.

18.- Là encore ce n’est pas n’importe quelle activité ; autrement il

n’ y aurait pas de différence. L’activité en question doit être l’une de celles énumérées par l’article 1er du décret loi de 1961. A cet effet , on remarquera que le décret a une conception limitée des activités commerciales que les étrangers sont autorisés à exercer. Ces activités sont susceptibles de trois significations.

D’une part , l’activité commerciale se confond avec l’activité d’investisseur (étrangers ressortissants de pays avec lesquels la Tunisie a conclu des conventions de garanties réciproques en matière d’investissement et dans les conditions prévues par cette convention, art. 4, 1° ).

D’autre part, ces activités ont une portée réduite à des activités que le texte énumère : il faut que l’étranger ait été agréé par le ministère des finances comme sous-traitant d’une entreprise tunisienne (art. 4, 4°) ; se livrer à l’extraction des matières premières (art.4 , 5°) ; procéder à la fabrication ou à la transformation des produits manufacturés , à leur entretien , leur réparation ou leur installation (art.4 , 6°) ; se livrer à des activités de change de banque et de bourse (art.4, 7°) ; se livrer au commerce et à la distribution des hydrocarbures (art.4, 8°). La ressemblance avec les critères de l’article 2 du code de commerce est

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frappante mais on ne peut pas en déduire une identité : ainsi par exemple si le commerce de la distribution est une activité commerciale au sens du code de commerce, l’étranger ne peut pas exercer n’importe quelle activité de distribution mais seulement la distribution des hydrocarbures. Même si ces activités sont celles de l’article 2 elles restent limitées.

Cette rigueur va cependant être tempérée lorsqu’on examine les 2°, 9° et 10° de l’article 4. Lorsque le 2° autorise les ressortissants d’un Etat qui a conclu avec la Tunisie une convention d’établissement spécifiant expressément l’exercice de cette activité, l’appréciation de la nature commerciale de cette activité devra se faire par référence à l’article 2 CC à moins d’une restriction de la convention elle-même. De même en est-il de l’étranger appelé à exécuter les travaux financés par des fonds publics ou privés provenant du pays dont il est ressortissant. On tiendra ici compte cependant pour l’appréciation de l’activité de ces travaux seulement.

Quant à la dernière condition (le 10° de l’article 4) elle semble rendre inutile l’énumération précédente. En effet ,la condition relative à l’obtention d’une carte de commerçant étranger est une condition indépendante des précédentes. Grâce à elle toutes les restrictions peuvent être contournées. Toute activité commerciale, à l’exception des activités interdites (art 8) peut être exercée par un étranger. L’article 2 CC va continuer d’être incontournable. Il ne faut pas toutefois perdre de vue que la délivrance de cette carte dépend du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Or c’est justement ce pouvoir discrétionnaire qui a fait qu’en pratique la condition relative à l’obtention d’une carte de commerçant soit devenue une condition supplémentaire qui accompagne toutes les précédentes. Certaines dispositions semblent consolider en droit cette attitude. Ainsi l’article 9 de la loi LRC exige de justifier pour les étrangers « les titres qui les habilitent à séjourner en Tunisie et l’autorisation d’exploitation d’activité commerciale ». Mais dans tous les cas, le pouvoir discrétionnaire laisse une liberté totale à l’administration de concevoir à sa guise le contenu de l’activité autorisée.

19.- Une telle rigueur demeure-t-elle justifiée ? Si cette question est

posée c’est parce que différents facteurs sont de nature à brouiller la notion d’activité commerciale de l’étranger. La confrontation du décret loi de 1961 avec des textes plus récents permet de le confirmer. C’est le cas de la législation sur l’incitation aux investissement. On évoquera à cet égard l’effet perturbateur de cette législation. Les catégories classiques sont déstabilisées. De même, la commercialité objective constitue un autre élément perturbateur : ce qui n’était pas à l’origine considéré comme commercial va le devenir. L’exemple est le même dans les deux cas. Ainsi l’activité agricole qui, sous certaines conditions, n’est pas

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qualifiable de commerciale va pouvoir l’être toutes les fois qu’elle est exercée par une société commerciale par la forme étant donné que les activités des sociétés commerciales par la forme sont des activités commerciales. L’activité agricole est l’une des activités qui sont couvertes par le droit de l’investissement.

20.- Que l’on parle de commerçant étranger ou d’étranger exerçant

une activité commerciale, le résultat est le même. Les deux qualifications procèdent d’une démarche réductrice mais surtout en déphasage avec l’ évolution des données économiques et juridiques à la fois sur le plan interne et international.

Le commerçant est toute personne physique ou morale exerçant une activité commerciale à titre professionnel. Le maintien des catégories réduites (commerçant étranger) peut s’avérer une démarche d’autant plus inutile qu’elle ne permet pas concrètement un contrôle efficace de l’activité économique des étrangers : à partir du moment ou un étranger se met au grand jour en tant que personne physique ou en tant que société non tunisienne son activité peut faire l’objet d’un contrôle préalable. Mais dès lors qu’il prend une participation non majoritaire dans une société dans laquelle la qualité d’associé n’implique pas celle de commerçant, aucun contrôle au sens du décret loi de 1961 n’est possible (sauf à tenir compte du contrôle des changes). Continuer d’évoquer la notion de commerçant étranger c’est continuer d’ignorer la dimension économiques des activités des différents intervenants.

21.- C’est donc plutôt une activité économique que l’étranger est

appelé à exercer : il le fait directement ou indirectement. Quelle incidence ces données sont-elles susceptibles d’avoir sur le statut du commerçant étranger ?

II- COMMERCANT ETRANGER QUEL EST TON STATUT ?

22.- La recherche a un but. Il s’agit de savoir si le statut du commerçant étranger lui confère la position d’un privilégié ou en fait l’objet de discriminations. En imposant des restrictions et des interdictions le système opte pour un traitement discriminatoire vis à vis du commerçant étranger. C’est la solution de principe. Il n’en demeure pas moins vrai qu’on l’on peut déceler une tendance vers l’égalité dont les manifestations se multiplient (A). C’est là une donnée qui devrait donner à réfléchir sur le degré de résistance du principe et la persévérance des vestiges de la discrimination (B).

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A- Les tendances égalitaires 23.- Peut-on affirmer que le commerçant étranger peut jouir de tous

les droits qui ne lui sont pas expressément refusés par la loi ou au contraire qu’il ne jouit que des droits que la loi lui reconnaît expressément ? Aucune disposition de portée générale ne permet d’avancer une réponse définitive.

24.- Promulgué en 1906 le code des obligations et des contrats

n’était pas destiné à s’appliquer à de supposés citoyens de nationalité tunisienne. Le code était destiné aux sujets du Bey. Mais en même temps, par ce que l’appartenance à une religion pouvait donner lieu à des discriminations, l’article 4 , disposition souvent oubliée par nos chercheurs, prévoit encore clairement que « la différence de culte ne crée aucune différence entre les musulmans et les non musulmans en ce qui concerne la capacité de contracter et les effets des obligations valablement formées par ces derniers et envers eux. ». Pareille disposition ne figure pas au code de commerce de 1959. Elle aurait été inutile dans un code adopté sous l’indépendance et dans un régime qui ne fait pas de la disparité de culte un motif de discrimination. Mais n’aurait-il pas fallu poser comme principe que dans l’exercice du commerce aucune différence ne doit être faite entre tunisiens et non tunisiens ?

25.- L’égalité de l’étranger avec le national n’est pas affirmée

expressément comme un principe de la constitution. Mais si la constitution ne prévoit pas ce principe cela veut-il dire que l’inégalité est le principe. Nous ne le pensons pas. Car sans mettre en cause ce principe universel, les lois de chaque Etat peuvent aménager le statut des étrangers selon les contraintes économiques, sociales et politiques. Par conséquent, la liberté du commerce et de l’industrie qui n’est pas un principe constitutionnel mais à laquelle on peut trouver des fondements constitutionnels, doit-elle être reconnue indépendamment de la nationalité ? La réponse est par la négative. Le problème doit être réglé au cas par cas ; d’une matière à une autre, d’une réglementation à une autre, étrangers et nationaux sont parfois traités sur un pied d’égalité. Les manifestations des tendances égalitaires concernent aussi bien les droits que les obligations.

26.- L’égalité des droits peut être observée tant en ce qui concerne

la jouissance que la mise en œuvre de ces droits.

27.- L’égalité dans la jouissance des droits est parfois affirmée directement par les textes. Ainsi, après avoir affirmé dans son article 5 que les activités de prospection, de recherche et d’exploitation des

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hydrocarbures constituent des actes de commerce, le code des hydrocarbures ne pose dans article 7 aucune discrimination entre nationaux et étrangers . Selon ce texte, les activités de prospection, de recherche et d’exploitation « ne peuvent être entreprises que par l’Etat tunisien …b- les entreprises publiques ou privées tunisiennes ou étrangères … » La seule condition commune est de disposer des « ressources financières et une capacité technique suffisantes pour entreprendre lesdites activités dans les meilleures conditions ».

28.- Il en est de même des droits de propriété industrielle. depuis

un décret du 2 janvier 1940 appliquant à la Tunisie la Convention de Paris du 20 mars 1883 que la protection de la propriété industrielle entendue dans son sens le plus large est garantie aux étrangers aux même titre que les nationaux. Les textes les plus récents régissant la matière ne dérogent pas à cette solution.

29.- D’autres fois, l’égalité résulte de l’absence d’une disposition

contraire dans la réglementation d’une question déterminée. Ainsi, la loi du 25 mai 1977 sur la propriété commerciale ne distingue pas entre commerçant tunisiens et commerçant étranger. Ce dernier est donc en droit de réclamer le bénéfice des dispositions de cette loi . De même qu’ en l’absence d’une disposition contraire , la loi sur le redressement des entreprises en difficultés économiques est applicable aux entreprises étrangères. L’article 8 du code de droit international privé consolide cette solution en ce sens qu’il retient la compétence exclusive des tribunaux tunisiens dans les actions relatives à une procédure collective ouverte en Tunisie, sans distinguer entre procédure collective ouverte contre une entreprise tunisienne ou étrangère.

30.- Il va donc de soi que du moment que le commerçant étranger

exerce son activité dans notre pays en se soumettant aux obligations qui lui sont spécifiques , il bénéficie des mêmes droits que le national à l’exception de ceux qui lui sont expressément refusés par des textes spéciaux. Ainsi pourra-t-il bénéficier de la liberté de la preuve, réclamer l’application du taux d’intérêt en matière commerciale, invoquer la compétence de la chambre commerciale, bénéficier de la solidarité à l’ encontre de ses débiteurs, constituer et exploiter un fonds de commerce, soit en tant que propriétaire soit en tant que locataire gérant, consentir une location gérance de son fonds, un nantissement, etc.

31.- L’égalité ne concernera pas que la jouissance des droits , elle

s’étend, ce qui doit aller de soi, à leur mise en œuvre, entendons la possibilité de faire valoir ces droits en justice et d’obtenir l’exécution des

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décisions rendues en sa faveur et de pratiquer les mesures conservatoires (v. art. 64 cdip). Le commerçant étranger peut au même titre que le tunisien porter son affaire devant les juridictions étatiques de la même manière qu’il peut recourir à l’arbitrage.

Le code de procédure civile et commerciale ne prévoit aucune discrimination tenant à la nationalité du demandeur de l’exécution au point de vue des voies d’exécution des décisions tunisiennes en Tunisie. Il en est de même de l’exécution des décisions rendues à l’étranger qui sont soumises aux mêmes dispositions (exéquatur et ..) indépendamment de la nationalité du bénéficiaire. (sauf à tenir compte de réserve de réciprocité ex art 18 cdip)

32.- A l’égalité des droits correspond l’égalité dans les devoirs. Le

commerçant étranger est de disposition expresse de la loi sur le registre du commerce assujetti à immatriculation. Ainsi en est-il du commerçant personne physique désigné par l’article 2, 1° LRC comme « les étrangers exerçant une activité commerciale en Tunisie » que les « sociétés commerciales étrangères » (3°). Le commerçant étranger est soumis de la manière que le tunisien aux différentes obligations de procéder aux mentions et insertions relatives à la vie et à l’évolution de leurs entreprise (immatriculation secondaire, complémentaire, nouvelle immatriculation en cas de transfert du siège dans le greffe du Tribunal dans lequel il n’y a pas d’immatriculation secondaire, transformation en immatriculation principale dans le cas contraire), les différentes mentions et inscriptions modificatives et les soumet aux mêmes sanctions en cas d’inobservation de ces obligations (notamment l’inopposabilité des mentions et actes, article 62 LRC) Art 52 53 LRC impose les mêmes devoirs aux sociétés commerciales étrangères concernant le dépôt des actes et pièces annexes au rc.(vérifier) Mêmes sanctions..54 notamment pour la personne physique , présomption de la qualité de commerçant qui va déterminer la jouissance de droits …(art 60)

Le commerçant étranger est soumis à l’obligation de tenir une

comptabilité. L’égalité dans l’exigence de l’agrément aussi bien pour les

entreprises tunisiennes qu’étrangères toutes les fois qu’elles ont pour objet l’exercice d’une activité d’assurance . L’article 48 du code des assurances prévoit que « sont considérées comme entreprises d’assurance et soumises de ce fait à agrément toutes les entreprises qui se livrent , à titre d’activité habituelle , à la souscription et à l’exécution de contrats d’assurances tels que définis à l’article 1er du présent code. »

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Le domaine des marchés financiers devrait être concerné par notre étude. Il n’ y a normalement aucune dérogation qui devrait être observée. Ainsi concernant l’obligation faite par la loi de 1994 sur la réorganisation du marché financier de déclaration de franchissement des seuils de participation devrait elle concerner toute personne quelle que soit sa nationalité. C’est à notre sens rappeler un lieu commun que de le préciser. L’article 55 alinéa 2 du règlement du conseil du marché financier tel qu’approuvé par l’arrêté du ministre des finances du 17 novembre 2000 (J.o.r.t p 2960) « les sociétés ou organismes étrangers qui prennent des participations dans des sociétés ou organismes tunisiens qui font appel public à l’épargne sont également soumis à cette obligation. Leur déclaration doit être faite par leur représentant légal » (que faire s’il s’agit d’un actionnaire étranger ?) L’article 8 de la loi RMF vise « toute personne », il ne distingue pas entre nationaux et étrangers, à cela s’ajoute l’article 10 CSc qui soumet à la loi tunisienne toute société ayant son siège social en Tunisie à la loi tunisienne, il doit s’ensuivre que c’est cette loi qui s’applique à défaut de disposition contraire. Seules dérogations , celles qui concernent les sociétés non résidentes voir article 87 de la loi (à utiliser régime de faveur concernant l’exemption des opérations d’enregistrement). résidents et les tunisiens à l’étranger peuvent en bénéficier).Mais toutes les fois qu’elles émettent dans le public elles sont soumises aux dispositions de la loi alinéa 2 de l’article.

33.- Les manifestations de l’égalité des droits et des devoirs ont tendance à se multiplier. Elles ne sont pas cependant de nature à faire éliminer totalement les solutions discriminatoires. B- Les séquelles de la discrimination (le sort)

34.- La discrimination vis à vis du commerçant étranger est souvent patente (a). Des fois elle n’est autre que la manifestation d’une égalité apparente, c’est une discrimination latente (b).

35.- La discrimination est patente toutes les fois que le législateur conditionne l’accès aux activités commerciales ou l’interdit. C’est ce qui ressort de l’article 4 et de l’article 8 L’article 2 du dl 61 le principe est celui de l’interdiction « les personnes …. Ne peuvent exercer directement ou indirectement (quel sens ?) une activité commerciale que dans les conditions définies par les textes en vigueur et par les dispositions du présent décret loi. Art. 4 … que si elles remplissent au moins l’une des conditions suivantes.

36.- La discrimination est patente lorsque pour une même opération l’étranger est soumis à une condition ou une procédure qui n’est pas

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imposée au national comme c’est le cas de la cession d’un fonds de commerce .

La discrimination par l’interdiction ( disons l’exclusivité pour les nationaux) résulte de tous les textes qui exigent la jouissance de la nationalité tunisienne pour l’exercice de certaines activités ex. les intermédiaires d’assurance à savoir le courtier d’assurances, l’agent d’assurances et le producteur en assurance doivent en application de l’article 73 CA exercer leur activité justifier de la possession d’une carte professionnelle qui ne peut être accordée qu’aux nationaux. La perte de la nationalité tunisienne engendre le retrait de ladite carte (art.75 ca) . Les intermédiaires en bourse doivent être de nationalité tunisienne , ils peuvent être des personnes physiques soit des sociétés spécialisées de bourse ayant la forme de société anonyme.(art.57 LRMF).

37.- La discrimination est latente lorsqu’elle est le résultat d’une

application aveugle d’une disposition à un étranger de la même manière qu’elle l’est à un national. L’égalité abstraite peut être discriminatoire à l’encontre du commerçant étranger : à titre d’exemple si on tient compte de la résidence à l’étranger pour le délai d’ajournement à une affaire en première instance, on n’en tient pas compte pour l’appel ou la cassation et à défaut de convention bilatérale comme c’est le cas avec la France, l’égalité est rompue.

La condition de réciprocité qui est perçue comme un instrument pour obtenir un meilleur statut pour les nationaux émigrés peut s’avérer discriminatoire dans sa mise en oeuvre(rap. Gén droit aff p 364.)

38.- Les dispositions du décret de 1961 qui semblent dépassées n’en demeurent pas moins vigoureusement conservées. Lorsque l’article 2 du code d’incitation aux investissements prévoit que les activités prévues par l’article 1er du code « sont réalisées librement » il prévoit aussitôt la limite « sous réserve de satisfaire aux conditions d’exercice de ces activités conformément à la réglementation en vigueur » c’est plus clair lorsque l’alinéa dernier du même texte prévoit que « les investissements réalisés dans certaines activités , ainsi que ceux réalisés dans les autres activités fixées par décret restent soumis à l’autorisation préalable des services compétents

39.- La discrimination quelle qu’en soit la forme et surtout

lorsqu’elle apparaît comme principe ou point de départ dénote d’une volonté excessivement protectrice soit du commerce local soit d’une souveraineté quelconque. Si elle doit être maintenue cela ne peut l’être

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qu’ à titre exceptionnel10. Les impératifs de la mondialisation montreront qu’un tel état des choses ne perdurera pas. Les accords du gat réaliseront l’assimilation de l’étranger au national (v reinhard rapp. fr. 473) et les systèmes juridiques des différents Etats ne résisteront pas longtemps devant cette donnée .

40.- Le commerçant étranger n’est plus celui qui exerce lui-

même ses activités en prenant des risques personnels, celui des contes des mille et une nuits qui s’expose aux attaques des brigands en terre et celles des pirates en mer. Le commerçant étranger est rarement une personne physique, c’est , le plus souvent , une personne morale qui pour ne pas être de nationalité tunisienne n’ a pas moins la possibilité de prétendre aux mêmes droits et de se soumettre mêmes obligations que les tunisiens. L’étranger n’est pas appelé à n’avoir qu’une activité commerciale. L’étranger exerce des activités économiques sous des formes diverses. Au lieu de contrôler pour restreindre et interdire ne faut-il pas encourager et inciter, faire profiter l’étranger de son activité économique et faire profiter la collectivité de l’initiative de l’étranger ?

Tunis, le 03 février 2005

10 dans le même esprit la constitution turque de 1982 v rap turc par Reha POROY et Samim Unan, p.529 et s et spé p.530

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ـ لألجانب المقيمين أو غير المقيمين الحرية في المساهمة باألقلية في رأس مال 24الفصل من هذا القانون و 7 و6شركة تونسية للبعث العقاري مرخص لها وفق مقتضيات الفصلين

في المائة من 50تخضع هذه المساهمة لموافقة لجنة االستثمارات ان كانت تساوي أو تتعدى . رأس المال

تمتع المستثمرون غير المقيمين بضمان التحويل بالعملة الصعبة الموردة لرأس المال ي. المستثمر و المداخيل المترتبة عنه

Loi 1990 فيفري 26 مؤرخ في 1990 لسنة 17قانون عـدد يتعلق بتحوير التشريع الخاص بالبعث العقاري

L’acquisition de la personnalité morale par la société application art 43 cdip ? ne pas oublier que le code dip est antérieur au code des sociétés commerciales. caractère commercial dt tn ou dt étr ? Ne pas négliger le débat sur l’attribution (critères) de la nationalité aux personnes morales étrangères .v rapport belge.

Peut-on vraiment dire comme P. Lagarde qu’ « il n’ y a pas de corrélation entre un régime de liberté totale des investissements étrangers et une politique d’ouverture à l’égard de l’immigration , ni entre un régime de contrôle des investissements étrangers et une politique de fermeture à l’immigration » Rapport de synthèse , l’étranger, Travaux AHC jour. Lux 1997 T XLVIII, Lgdj 2000 p.24) Investisseur étranger , ex promotion immobilière participation minoritaire dans des sociétés tunisiennes

Le commerçant étranger n’est pas forcément un résident (à modérer avec la réglementation sur la carte de commerçant)(toute la réglementation sur le séjour ne le concernera pas ; il pourra confier à un national la gestion quotidienne de son affaire) v cependant loi sur rc. S’il veut se mettre en société il est encore moins contraint sauf le cas de la société unipersonnelle (délicat problème de l’associé gérant)

Le décret-loi de 1961 procède par énumération , il est donc d’interprétation stricte (tout le contraire ressort du droit turc des textes prévoient des interdictions elles sont des exceptions et sont donc d’interprétation stricte , rapp gén p.357)

Refus d’accès à la propriété immobilière (tendance universelle r g 371) Voir la réglementation des marchés publics.

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Le dl 61 distingue 2 situations : restrictions du domaine d’activité, art 4 ; interdiction de certaines activités Mais la carte de commerçant n’est qu’une condition parmi d’autres.

Autant en effet l’alinéa 1er du texte est restrictif quand il s’agit de déterminer la nationalité des sociétés à participations exclusivement privées, autant il est laxiste quand il s’agit de déterminer la nationalité des sociétés qui comptent des participations publiques.

D’un autre côté, le texte s’avèrera suite à la promulgation du code des sociétés commerciales insuffisant : selon quel critère déterminer la nationalité de la société lorsqu’il s’agit d’une société à directoire et à conseil de surveillance ?

L’étranger commerçant : exclusion de toutes les situations dans

lesquelles l’associé est un étranger dans une société qui n’entraîne pas l’acquisition de la qualité de commerçant. Y’ a-t-il cumul ou conflit de qualifications : le commerçant étranger est un résident ou un non résident c’est aussi un investisseur, un employeur, un consommateur, un épargnant en valeurs mobilières, un créancier, un débiteur, un propriétaire de biens de toute sorte meubles corporels et incorporels, un prestataire de services , un locataire de meubles ou d’immeubles….. La qualification de l’activité, il s’agit surtout de savoir si la qualité d’étranger est indifférente à la qualification de commerçant au regard du droit tunisien. (art 27 cdip « la qualification s’effectue selon les catégories du droit tunisien si elle a pour objectif d’identifier la règle de conflit permettent de déterminer la loi applicable (portée limitée de la qualification lege fori) les commerçant ou homme d’affaires, commerçant ou investisseur /commerçant ou activité économique (comment qualifier ? ) l’influence de l’immatriculation, la prédominance de l’activité telle que définie par le décret.

La vision est plus réduite plutôt que de commerçant étranger c’est l’étranger exerçant une activité commerciale au sens de la réglementation en vigueur. Une telle analyse est brouillée par la lecture de l’article 8 LRC qui formule l’obligation d’immatriculation vise « toute personne physique ayant la qualité de commerçant au sens du code de commerce ». cela ne changera rien en réalité, les critères du décret correspondent à ceux du code il ne s’agira pas de justifier de l’exercice de toute activité …à modérer avec le décret et la carte de commerçant : ouverture oui mais toujours caractère discrétionnaire. L’hypocrisie du procédé : du moment que la propriété de titres ne confère pas la qualité de commerçant, la société peut appartenir à des étrangers : l’étranger est là il n’a pas la qualité de commerçant mais il contribue à une activité économique….

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, l’article 20 cdip refuse l’immunité de juridiction à l’Etat étranger ou à la personne morale de droit public agissant au nom de la souveraineté « lorsque l’activité en cause est une activité commerciale ». Je pense que dans de tels cas l’Etat ou la personne morale de droit public ne peuvent pas recevoir la qualité de commerçant ni être considérés comme des commerçants ce texte ne concerne pas l’attribution de cette qualité, il régit une question spécifique de la compétence juridictionnelle. Voudrait-on évoquer la soumission de cette compétence que cela n’aboutirait à rien sur le plan pratique, il s’agit notamment se savoir que la chambre commerciale ne sera pas compétente. Il s’agira même pas d’appliquer la notion de commerçant par habitude ou de commerçant de fait. nous presque l’équivalent de l’article 11 c. civ fr. l’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra. (on peut en a liberté abstraite et liberté concrète, b- égalité parfaite égalité conditionnée (réciprocité). La capacité du commerçant pp ou pm art 40 cdip. Art 64 code DIP les modalités d ‘exécution … (quid quand elle est ouverte à l’étranger contre un commerçant étranger , je pense que ça ne te regarde pas)

La discrimination elle n’est pas toujours synonyme d’inégalité en défaveur de l’étranger parfois elle peut équivaloir à une faveur non reconnue aux nationaux. L’influence de la réciprocité (très important dans les traités internationaux).manifestation d’inégalité. L’égalité masque parfois un privilège (ou du moins une faveur) dernièrement la loi 89-2004 du 31 décembre 2004 (JORT n° 105 ) sur les formalités de constitution à distance des sociétés est plutôt destinée aux étrangers (même si les tunisiens

elle n’est pas toujours synonyme d’inégalité en défaveur de l’étranger parfois elle peut équivaloir à une faveur non reconnue aux nationaux interdictions et restrictions ; recherche des justifications constat de contradiction . l’immunité d’exécution est une faveur reconnue à un Etat elle est refusée lorsque « lorsque le bien est affecté à une activité à caractère commercial » art. 24 cdip. En même temps malgré la participation de ces étrangers « occultes » (ils ne le sont pas tellement dans la mesure où les textes suer la dématérialisation ont pour conséquence de permettre la connaissance aisée de la structure du capital et de ses détenteurs) dans la vie économique leurs droits ne sont pas préservés ainsi en est-il des délais de convocation aux assemblées d’actionnaires. relativiser voir dahdouh, ces dispositions concernent plutôt le contrôle des changes.

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. Il ne faut pas cependant oublier que c’est grâce aux commerçants que l’échange des cultures et le contact des civilisations a pu avoir lieu (caravanes).

Traiter de l’étranger dans tous ses états n’est pas une question innocente. Celle du commerçant étranger l’est moins. A une époque où les contradictions se multiplient et où le bon sens se trouve être la chose la moins bien partagée, on se trouve des fois à résoudre des équations à inconnues multiples devant lesquelles les savants les plus chevronnés déclarent forfait.

Celle solution vaudra donc quelle que soit la nationalité de la société. La loi ne tient pas compte à cet effet du siège statutaire ce qui pourrait permettre les pratiques frauduleuses, (sociétés fictives) elle tient compte du siège effectif il celui du « principal établissement dans lequel se trouve l’administration effective de la société ». Le lieu d’administration effective est celui où se trouvent les organes de direction insister sur effectivement …. Mais le choix est arbitraire ; pourquoi exclure le lieu où la société exerce effectivement ses activités ? une telle solution ne semble pas heureuse, elle est périlleuse pour les droits des tiers : une société pourra prouver que son établissement principal n’est pas situé en Tunisie ou que le lieu de l’administration effective se trouve ailleurs. Il aurait mieux valu retenir le siège statutaire comme siège présumé et de permettre aux tiers seuls d’invoquer le siège effectif. La règle de l’article 10 CSC peut-elle être considérée comme d’ordre public ? Si tel doit être le cas, la solution jurisprudentielle sur la domiciliation pourrait devenir sans effet, les tiers ne seraient pas en mesure de soutenir que le siège social est situé en Tunisie.