Le Col des mille larmesde sable, traversé des gués et patienté des heures aux fontières… Mais...

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LE COLDES MILLE LARMES

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© Flammarion, 2004© Flammarion pour la présente édition, 2010.

87, quai Panhard-et-Levassor – 75647 Paris cedex 13ISBNÞ: 978-2-0812-4205-0

www.centrenationaldulivre.fr

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XAVIER-LAURENT PETIT

LE COLDES MILLE LARMES

Flammarion Jeunesse

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À Marie.Merci, une fois encore, à Galsan Tschinag,

ainsi qu’à Stanislas de Haldat dont le livre,Le Secret sauvage, est à l’origine de cette histoire.

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l ne faisait pas encore jour lorsque Ryhams’ébroua, réveillé par le froid. Il avait dormidehors, roulé en boule contre les énormes

roues de son camion et mal protégé par un vieuxduvet. C’était comme cela presque chaque nuit.Les trajets qu’il faisait étaient si longs et lesrégions qu’il traversait étaient si désertes qu’il avaitappris depuis longtemps à ne compter que sur lui-même. Sur lui-même et sur son camion, un Ural dequarante-huit tonnes, un engin russe dont les huitessieux avaient sillonné toutes les pistes d’Asie.Jusqu’en Inde, au Pakistan, et même en TurquieÞ!

Ryham but une gorgée de thé froid à même sagourde et laissa échapper un soupir. Devant lui, la pistese perdait dans la pénombre. Jamais aucun voyage nelui avait paru si long que ce retour de Tachkent1. Il

1. Capitale de l’Ouzbékistan, en Asie centrale.

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avait franchi des cols enneigés et affronté des ventsde sable, traversé des gués et patienté des heuresaux fontières…

Mais bientôt, il serait chez lui.Après quatre semaines d’absence et des milliers

de kilomètres sur des pistes défoncées, il n’avaitplus qu’une envieÞ: retrouver ceux qu’il aimait.

Il s’installa au volant de l’Ural et glissa sa clédans le contact…

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CHAPITREÞ1

yham laissa le moteur chauffer quelquesinstants avant de démarrer, poursuivi parles aboiements des chiens. Les hommes,

eux, dormaient encore.Ce n’est qu’un peu plus loin, après le minuscule

village de Takdügalaak, qu’il croisa un troupeau.Dans le faisceau des phares, les yeux des moutonsbrillaient comme des éclats de verre. Ryhamadressa un petit signe de la main au berger etl’homme resta un moment à regarder disparaîtreles feux arrière du camion.

Ensuite, pendant des kilomètres, la pistedéfila, boueuse et détrempée. Les roues enfon-çaient jusqu’aux moyeux dans une gadoue molleet grasse qui giclait en geysers de chaque côté ducamion. L’été touchait à sa fin et avec lui, lasaison des pluies. D’ici quelques jours, le ventbalayerait les dernières averses et, en quelques

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semaines, le pays entier s’enfoncerait dansl’hiver.

De temps à autre, Ryham jetait un coup d’œil auxtrois photos scotchées sur le tableau de bordÞ: Daala,sa femme, Galshan, sa fille aînée, et Bumbaj, la plusjeune, tout juste un an. Il rapportait un cadeau pourchacune d’elles. Rien d’extraordinaireÞ! Une simplebabiole comme il en achetait à chacun de ses voyages.Juste pour le plaisir de penser à elles.

La nuit s’éclaircit lentement, laissant place à uneaube venteuse et, droit devant lui, l’énorme massedes monts Khöörgha émergea de l’obscurité. Unenchevêtrement hallucinant d’à-pics, de vallées inac-cessibles et de sommets déchiquetés, perpétuelle-ment noyés de nuages.

Hormis de rares nomades, personne ne s’y ris-quait. La seule piste praticable qui les traversaitgrimpait jusqu’au Dawaagsambu, le «Þcol des MilleLarmesÞ». L’un des plus hauts du monde, perdudans la grisaille. Rares étaient les chauffeurs quiosaient s’y attaquer. Lorsqu’il était plus jeune et qu’ilrecherchait encore le risque, Ryham l’empruntait.Presque par défi. Jusqu’à ce jour où, peu de tempsaprès leur mariage, Daala lui avait demandé de neplus jamais passer par là. C’était trop dangereux. Et ilavait tenu promesse. L’autre route, celle qui contour-nait les monts Khöörgha par le sud était infinimentplus sûre. Infiniment plus longue aussi…

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L’embranchement des deux pistes était toutproche. Droit devant lui, celle du sud, et à gauche,celle qui grimpait jusqu’au col. Une longue rafalesecoua l’Ural, constellant le pare-brise de gouttelettesboueuses. De nouveau, Ryham jeta un rapide coupd’œil en direction des trois photos. Sa femme, sesdeux filles… En passant par la montagne, il gagne-rait au moins deux jours, trois peut-êtreÞ!

Bien sûr, il avait promis, mais…L’énorme camion ralentit, sembla hésiter, et

s’engagea finalement à gauche. Désormais, toutdemi-tour devenait impossible. La piste était tropétroite. Mais cela, Ryham le savait.

—ÞDésolé pour cette fois, murmura-t-il en souriantcomme un gamin, mais j’ai trop envie de vous revoirÞ!

Tout de suite, la pente se raidit. Il changea devitesse et l’énorme moteur gronda un peu plus fort.Ce n’était que le tout début d’une interminable mon-tée. Des heures de concentration pour lui et unsérieux risque de surchauffe pour son «ÞmoulinÞ».L’Ural était bien trop lourd pour une telle piste,mais Ryham n’était plus un débutant, loin de làÞ! Ilavait derrière lui des milliers d’heures de conduiteet, avec le temps, son camion était devenu un véri-table compagnon dont il connaissait par cœur leslimites et les capacités. Il passerait sans problème.

Un rapide coup d’œil sur sa montre. D’ici deuxou trois heures, il arriverait au poste frontière.

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Ensuite ils seraient seuls, lui et son camion. Seulspour grimper jusqu’au col des Mille Larmes, et seulspour redescendre sur l’autre versant jusqu’au villagede Baygülin. À partir de là, tout serait simple…

Sur l’unique carte routière de la région, c’étaitun trajet insignifiant, à peine quelques centimètresde papier. Au moins douze heures de route si toutse passait bienÞ! Et beaucoup plus si la météo n’ymettait pas du sienÞ! Là-haut, tout était possible.Ryham se pencha pour examiner le ciel et fit unegrimace. Si ça ne se levait pas, d’ici quelques heures,il serait en plein brouillard…

Il tripota son poste de radio jusqu’à capter uneradio chinoise crachotante. Il ne comprenait qu’unmot sur dix, mais c’était déjà une compagnie.L’ennemi, ici, c’était la solitude.

Passé les premiers contreforts, en quelques cen-taines de mètres, la vallée s’étrécit jusqu’à n’être plusqu’une trouée de roches grises parsemées, çà et là,de plaques de neige sale. L’Ural grimpait avec uneobstination d’animal, le mufle contre la piste qui, là-haut, se perdait dans les nuages.

La frontière le surprit au détour d’un long défilérocheux. Rien ne l’annonçait qu’une barrière deferraille rongée de rouille. Ryham s’arrêta, saisi

*

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par la soudaine fraîcheur. L’air poissait d’humi-dité. Vers le nord, de gros nuages masquaient lesmontagnes.

Un garde-frontière sortit d’une misérable baraquede chantier qui semblait plantée là par hasard. Iljeta un coup d’œil fatigué sur les autorisations queRyham lui tendit et les tamponna à la va-vite,pressé de retourner s’abriter.

—ÞTu sais si ça passe, là-hautÞ? demanda Ryham.L’homme haussa les épaules.—ÞOn ne va jamais y voir, nous autres…—ÞMais tu sais peut-être si quelqu’un est monté

avant moi.—ÞTu es le premier depuis plus de vingt jours.

Nous, ici, on compte les corbeauxÞ!Il se glissa une cigarette au coin des lèvres et

adressa à Ryham un sourire ébréché.—ÞDe toute façon, faut être un peu givré pour

passer par là. Surtout avec un engin comme le tien.—ÞGivré, ou pressé de rentrer chez soi…Ryham lui tendit son briquet. Un de ces bri-

quets dont son patron était si fier, avec CCIgravé en lettres doréesÞ: «ÞCoopérative Centraled’IkhoiturüüÞ».

—ÞBaïrla1, fit l’homme en soufflant un nuage defumée. Et puis avec tout ce qu’on raconte…

1. Merci.

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—ÞEt qu’est-ce qu’on raconteÞ?L’autre haussa de nouveau les épaules et fit un

signe vers le poste de garde.—ÞDes bêtises… Tu veux boire un thé avant de

repartirÞ?Ryham hocha la tête et le suivit jusqu’à la cabane

surchauffée où deux gardes-frontière débraillésjouaient aux cartes. Ils continuèrent leur partiesans lui jeter un regard. Au fond de la pièce, lafonte du poêle avait viré au rouge et des dizainesde bouteilles de bière vides s’entassaient. Le théétait amer et bouillant. Imbuvable.

Ryham n’avait qu’une hâteÞ: repartir.Lorsqu’il ressortit, les nuages semblaient encore

plus bas qu’à son arrivée. Plus épais, aussi. Il jetaun coup d’œil aux trois photos et mit le contact.

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CHAPITREÞ2

’Ural dépassait à peine la vitesse du pas.Tout autour, ce ne n’était que des à-pics ver-tigineux, des vallées encaissées et des parois

grises, gommées par les nuages. Parfois, un éboulisbloquait le passage, Ryham devait alors s’arrêterpour déblayer les pierres qui dévalaient dans levide en rebondissant. L’écho de leur chute effarou-chait les colonies de choucas qui tournoyaient sansfin.

En quelques mètres, le camion s’enfonça sou-dain dans une impalpable muraille, cotonneuse etglaciale. Le brouillardÞ! On n’y voyait pas à vingtmètres. Ryham s’y attendait. Il pesta quand mêmeet éteignit la radio qui n’était plus qu’un crachouillisinaudible.

En une seconde, le pare-brise se constella degouttes minuscules. Tous les sens en alerte, Ryhamklaxonnait sans arrêt, au cas improbable où un

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autre camion serait arrivé en sens inverse. La pentese raidit encore et il dut s’y prendre à plusieursreprises pour négocier une série de virages de plusen plus aigus, les roues au bord du précipice. Il sesouvenait parfaitement de ce passage, le plus diffi-cile de la montée. D’après ses souvenirs, il serait aucol dans moins d’une heure.

Mais il roula près de trois heures avant de trou-ver enfin un replat où s’arrêter. La températureavait chuté de plusieurs degrés et, par instants, desgiboulées de neige fondue collaient au pare-brise.Les essuie-glace crissaient et les phares se heur-taient à la masse molle et opaque du brouillard.Depuis longtemps déjà, une sorte d’alarme réson-nait en lui. Un signal auquel il avait toujours étéattentif. Quelque chose clochait… Il aurait dû depuislongtemps avoir passé le col.

Ryham descendit et fit quelques pas à la recherched’un repère mais le brouillard était impénétrable.Son regard s’y cognait, comme contre un mur. Unerafale de neige le fouetta. En frissonnant, il res-serra les pans de sa veste.

Voilà des années qu’il arpentait les pistes lesplus dures et, au fil du temps, sa mémoire étaitdevenue un véritable répertoire des principaux iti-néraires. Comment avait-il pu se tromper à ce pointÞ?C’était incompréhensible. Accroupi en bordure dela piste, il chercha à se remémorer chacun des

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TABLE

ChapitreÞ1 ................................................................. 11ChapitreÞ2 ................................................................. 17ChapitreÞ3 ................................................................. 23ChapitreÞ4 ................................................................. 29ChapitreÞ5 ................................................................. 33ChapitreÞ6 ................................................................. 37ChapitreÞ7 ................................................................. 41ChapitreÞ8 ................................................................. 47ChapitreÞ9 ................................................................. 51ChapitreÞ10 ............................................................... 57ChapitreÞ11 ............................................................... 59ChapitreÞ12 ............................................................... 63ChapitreÞ13 ............................................................... 67ChapitreÞ14 ............................................................... 75ChapitreÞ15 ............................................................... 79ChapitreÞ16 ............................................................... 85ChapitreÞ17 ............................................................... 89ChapitreÞ18 ............................................................... 93

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ChapitreÞ19 ............................................................... 101ChapitreÞ20 ............................................................... 107ChapitreÞ21 ............................................................... 111ChapitreÞ22 ............................................................... 117ChapitreÞ23 ............................................................... 121ChapitreÞ24 ............................................................... 127ChapitreÞ25 ............................................................... 133ChapitreÞ26 ............................................................... 137ChapitreÞ27 ............................................................... 141ChapitreÞ28 ............................................................... 145ChapitreÞ29 ............................................................... 149ChapitreÞ30 ............................................................... 151ChapitreÞ31 ............................................................... 159ChapitreÞ32 ............................................................... 163ChapitreÞ33 ............................................................... 169

Xavier-Laurent Petit ................................................ 175Sylvain Bourrières ................................................... 177