LE CHANGEMENT: DE L’INTENTION A LA REALISATION

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Un ouvrage du Celerant Change Club LE CHANGEMENT DE L’INTENTION A LA REALISATION

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Un ouvrage du Celerant Change Club

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Un ouvrage du Celerant Change Club

Le changement : de l'intention à la réalisation

Le Celerant Change Club, créé fin 2008, accueille des professionnels de tous horizonsdésireux d'échanger des points de vue, de nourrir la réflexion et de partager lesbonnes pratiques en matière de conduite du changement dans l'entreprise. Le changement : de l'intention à la réalisation est le premier ouvrage réalisé par sesmembres. Journalistes, universitaires et opérationnels de différents secteurs, ilsexplorent les multiples facettes du changement, ses pratiques et son alchimie.

Issues d'années d'expériences riches et variées, les contributions de cet ouvragesont autant de témoignages précieux qui accompagneront avec pertinence la réflexion de tout dirigeant ou praticien au moment de la mise en œuvre d'un programme de changement.

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Directeur de la publication : Nicolas Pinglot, Président du Celerant Change Club

Comité de rédaction et de pilotage : Thibaut Bataille - Philippe Jaspart - Sabrina Laborde

- Mathilde Leroy, Fondateurs du Celerant Change Club

Conseillère de rédaction : Anne Bleuzen

Conception/Réalisation : Andrew Barnes-Jones

« Le changement : de l'intention à la réalisation » est un ouvrage édité par le Celerant Change Club

pour le compte de © Celerant Consulting Holdings Limited.

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Les avis exprimés dans les articles de cet ouvrage n’expriment pas nécessairement l’opinion de Celerant

Consulting qui ne saurait être tenu pour responsable.

Celerant Consulting, Octobre 2010.

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A tous les acteurs d’un programme de changement.

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Préface 1Par Bernard Leblanc

Introduction 3Par Nicolas Pinglot

Conclusion 117Par Bart Le Clef

Références bibliographiques 119

PREMIÈRE PARTIE :Enjeux et contours du changement

1.1 Le changement, une constante 8dans l'histoire de l'humanitéPar Jean-Éric Bousser

1.2 Un enjeu vital : du Big Bang 16 collectif au chaos maîtrisé Par Jean-Éric Bousser

1.3 Le sens : 22essence du changement ? Par Yves Ducrocq

1.4 La résistance au changement 32Par Élie Matta & Jonathan Hayes

Tribune : 40D'un changement subi à uneactivité positive et permanentePar Gregory Godenne & Henri-Paul Missioux

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Sommaire

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DEUXIÈME PARTIE :Des Hommes qui agissent et qui s’engagent

2.1 Le change manager : 46conquistador ou sherpa ?Par Isabelle Domergue

2.2 Le top management, maillon 54 essentiel du changement Par Nicolas Orfanidis

2.3 Le terrain, 62 leader du changement ?Par Nicolas Vedrenne

2.4 Communiquer le changement : 70l'Appel du 18 juin Par Françoise Berthier

Tribune : 78Changement de climaten terre des Hommes ?Par Élie Matta & Mathilde Leroy

TROISIÈME PARTIE :Approches et tactiques gagnantes

3.1 Une approche sociopolitique 84du changement organisationnelPar Guillaume Soenen

3.2 Gérer le rythme et la cadence 92du changement : sprinter ou marathonien ?Par Tanguy Appert

3.3 Concevoir et mettre en 98œuvre sa feuille de routePar Régis Brachet

3.4 Mener le changement : 106une médecine de pointePar Jean-Marc Bouillon

Tribune : 114L'art d'allier technique et tactiquePar Philippe Jaspart

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ontrairement aux apparences, cette affirmation n'est pas un paradoxe mais simplement le résultat de l'observation des sociétés, des êtres vivants, des entreprises, de la nature, etc. Faute d’avoir su évoluer,des civilisations, des organisations sociales, des entreprises ont disparu

- les exemples sont légion. Mais si le changement est permanent, cela ne signifiepas qu'il faille que tout change tout le temps et partout dans les entreprises. L'artdu manager est donc :

• D'une part, de déterminer de façon pertinente ce qui, à un instant donné, doit rester stable dans l'entreprise et ce qui doit changer ;

• D'autre part, de réussir le changement sans dégrader les résultats de l'entreprise et en les améliorant à terme.

Pour les entreprises, le changement peut se définir comme le passage d'un état Aà un état B soit sous la contrainte (pression de l'environnement), soit du fait de lavolonté du management.

Il n'existe pas de recettes pour réussir à tout coup le changement. Mais mon expériencemanagériale m'a appris qu'il existe des fondamentaux à respecter si l'on veut mettretoutes les chances du côté de l'entreprise. Ainsi, on peut citer :

• La nécessité que le changement soit porteur de sens pour le corps social de l'entreprise (respect des valeurs de l'entreprise et de sa culture) ;

• L'exemplarité des chefs et le respect par ces derniers du sens dont le changementest porteur ;

• La formalisation de ce que l'entreprise recherche au travers du changement : pourquoi faut-il changer ? Quelle ambition ? Quel positionnement de l'entreprise est-il recherché dans le futur ?

• La communication, qui doit permettre à chacun (acteur externe ou interne) de comprendre l'entreprise post-changement, et à chaque salarié de comprendre son rôle dans le changement et sa place dans la future entreprise ;

• La cohérence des « signes » : plus une entreprise est grande, plus le personnel y est

PREFACE

Le changement est une constante

CPar Bernard Leblanc

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attentif. Un discours en contradiction avec les « signes » émis par le management, ou un comportement de ce dernier en opposition au sens du changement sont des causes fréquentes d'échec du changement ;

• L'implication constante du management, visible et compréhensible par tous.

Bien sûr, le changement inquiète car il est porteur d'un avenir par essence moinscertain que la reproduction du présent. Ceci déclenche des résistances naturelles. L'artdu manager sera de transformer en opportunités ces résistances qui constituentdes menaces pour le changement. Pour cela, il dispose de plusieurs « outils » :

• Confier la conduite du changement à un leader, homme ou femme, ou à une équipecapables de créer un réseau de personnes issues de toutes les entités concernéespar le changement et, si possible, considérées comme de bons professionnels ;

• Veiller à ce que le leader choisi porte naturellement une attention aux autres et fassepreuve d'humilité, notamment en mettant en valeur les succès obtenus par les autres ;

• S'assurer que l'intelligence des situations du leader et sa sensibilité aux autres n'inhibent pas sa capacité à prendre des décisions difficiles ;

• Ne pas hésiter à compenser ce que peuvent perdre, suite au changement, tels ou tels équipes ou individus.

Lorsque j'ai pris connaissance des chapitres qui suivent, j'ai pensé qu'ils m'auraientété très utiles dans bien des moments « managérialement » difficiles de ma vie dedirigeant. J'en recommande donc la lecture à tout manager désireux de mettre enœuvre un changement dans son entreprise car il y trouvera, sur tous les points évoquésci-dessus, un éclairage pertinent et indispensable.

Bernard Leblanc est aujourd'hui PDG ou administrateur de diverses sociétés. Il a été Directeur Général Délégué de Gaz de France.

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e principe d'un projet de changement est simple : sur la base des actifsexistants (machines, outils informatiques et personnel), nous allons améliorer le fonctionnement de l'organisation (les processus, les systèmesde pilotage et les organisations). En changeant les habitudes, nous

allons optimiser la bonne marche de l'entreprise et réaliser des gains substantiels,qui plus est de façon pérenne.

Apparu dans l'offre des cabinets de conseil dans les années 80, le concept de programmede changement est aujourd'hui bien ancré dans la culture du monde de l'entreprise,industrielle ou de service, et même de service public. Beaucoup tentent maintenantleur chance dans cette aventure, certains commencent même à créer des fonctionsde « change manager » ou « directeurs de programme ». Nous avons réalisé en 2008et 2009 une étude auprès de 600 dirigeants en Europe et Amérique du Nord (entreprises deplus de 500 M$ de chiffre d'affaires) : 85% affirment avoir lancé au moins un programmede changement dans leur entreprise dans les 12 derniers mois, 25% nous disent enavoir lancé au moins 5 ! La gestion du changement se place désormais au cœur de laréflexion stratégique des entreprises. Aurait-on enfin trouvé la solution à nos états d'âmemanagériaux ? Pas sûr, puisqu'il semblerait que lancer un programme de changementrevienne à tirer à pile ou face : ces mêmes dirigeants déclarent en voir échouer enmoyenne 47%, seuls 9% d'entre eux déclarent obtenir un succès dans la plupart des cas.

Selon ces mêmes dirigeants, les causes d'échec majeures sont : • La difficulté à gagner les cœurs et les esprits autour du besoin de changement : 51%• Le manque d'engagement du management local : 31%• La difficulté à implémenter la stratégie et les actions : 31%

L'affaire se complique donc singulièrement. Car ce n'est pas une nouveauté : cesraisons invoquées ont déjà été mises en évidence par John P. Kotter il y a 15 ans,dans un ouvrage devenu un classique du management1. Ce ne sont pourtant pas lesoffres d'assistance experte qui manquent. Lors d'un récent appel d'offres en vue deconstituer un panel de consultant en « change management » , une grande multinationalea fait contribuer 300 sociétés sur le seul territoire français, qui pouvaient offrir des profilsaussi différents que des psychologues, des coachs, des formateurs, des spécialistesde 6 Sigma, des stratèges, du conseil opérationnel, des cabinets de communication,de gestion RH, de gestion de projet… Bref, tout le monde fait du « change management » !

INTRODUCTION

Au-delà des croyances et des modèles

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1 Leading Change. John P. Kotter, Harvard Business Press, Boston, 1996.

Par Nicolas Pinglot

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Ce ne sont pas non plus les outils et méthodes qui nous font défaut : les 8 raisonsd'échec de Kotter, les 4 pré-requis du changement, les 6 étapes d'appropriation, le6 Sigma, le Lean management, les matrices socio-dynamiques, l'échelle du changement,la courbe du changement, les plans de communication et de formation, des outilsde plus en plus sophistiqués de cartographie des enjeux et des acteurs, les techniquesde « PMO » (program management office)… Comment s'y retrouver ? De leur côté,les universitaires regardent la chose avec détachement, en scientifiques qu'ilssont, et voient des théories qui évoluent, s'enrichissent, divergent et re-convergentdepuis les années 60 ; et ils se demandent, amusés, si tous ces modèles simplificateurssont réellement utilisés par les industriels et les consultants en dehors des sallesde conférence et des slides PowerPoint qui font vendre ! La réalité est tellementplus complexe, nous disent-ils…

Récapitulons : des enjeux forts et de plus en plus reconnus, un sujet multiforme etdifficile à appréhender, il y a bien là de quoi faire un livre… comme il en existe déjàdes centaines pour vous expliquer ce qu'il faut faire ! Animés d'une volontéd'échange et de réflexion, une douzaine de professionnels de tous horizons ontsouhaité prendre la plume pour nous faire part de leurs expériences, plutôt que deleurs croyances ou du dernier modèle en vue.

Journalistes, universitaires, industriels, ils nous offrent de multiples témoignages etangles de réflexion. S'éloignant des traditionnels outils et méthodes prônés sur lesujet, ces professionnels nous entraînent vers des voies plus riches, plus nuancées :

• La résistance au changement est-elle un obstacle à surmonter, ou un phénomène naturel et sain, voire une donnée à ne pas prendre en compte ?

• Les projets de changement sont-ils organisés selon des modèles linéaires et planifiables, ou sont-ils plus proches de la théorie du chaos, non linéaires et par définition non prévisibles ?

• Professionnel de la gestion de projet, alliant savoir être, finesse tactique, loyauté,courage et doté d'un supplément d'âme, le change manager est-il un improbable mouton à 5 pattes ?

• Un programme de changement doit-il être porteur de sens pour réussir ?

Quelles que soient les réponses à ces questions compliquées, nos spécialistes sont tousd'accord sur un point : la gestion du changement est plus un art qu'une science ouune technique. C'est une discipline exigeante qui nécessite curiosité, énergie,expérience, courage et… humilité.

Bonne lecture.

Nicolas Pinglot est Président du Celerant Change Club et Principal Manager chez Celerant Consulting.

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PREMIERE PARTIE

Enjeux et contours du changement

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« Cycles des jours, des astres et des saisons, de la vie et de la mort. De tout temps, l’homme a pu constater que le changement est inhérent à la nature. »

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Quoi de plus naturel et permanent que le changement ? Dès les sociétés primitives,les hommes ont compris la nécessité de l'apprivoiser, pour avancer sur le chemindu progrès tout en préservant l'indispensable stabilité de leur organisation.Concurrence, innovation et changement sont portés au pinacle par la société capitaliste.Mais comment conduire le changement dans une société de plus en plus complexe ?

ycles des jours, des astres et des saisons, de la vie et de la mort. De touttemps, l'homme a pu constater que le changement est inhérent à la nature,d'autant qu'il en perçoit directement les effets sur son propre corps.

De multiples textes et discours de philosophes ou lettrés – comme ceux d'Héracliteen particulier ou, pour la civilisation chinoise, le « Yi Jing » ou « Livre des Changements »– montrent d'ailleurs que les grandes civilisations du passé avaient déjà fort biencompris que le changement constituait peut-être « la seule constante » de la nature.Tôt dans son histoire, l'homme a donc appris à s'organiser pour en limiter les effetsjugés indésirables ou dangereux pour sa survie, et cherché – en imaginant parexemple des divinités qu'il fallait honorer et apaiser – à exorciser les craintes quecette nature changeante lui inspirait, à en tempérer les excès.

La société : conservatrice par nature ?Dès les premières communautés organisées, les étapes importantes des changementset des cycles naturels étaient marquées par des cérémonies et des rites. Une façond'intégrer à la vie sociale et de « domestiquer », en quelque sorte, ce qui de fait s'imposaità l'humanité et conditionnait ses activités.

Confrontés à cette nature aussi dangereuse que prodigue en bienfaits, les hommesont rapidement compris et intégré – comme le relève justement l'économiste-philosophe autrichien Ludwig von Mises dans son magnum opus L'Action humaine(1949) – tout le parti qu'ils pouvaient tirer, pour assurer la pérennité de l'espèce,de la coopération active des individus et de la division du travail au sein d'unesociété organisée, aux règles respectées par tous. Pratiques magiques, tabous etrites religieux encadrant la vie sociale… Gare, dans ces conditions, à celui qui s'aven-turait à transgresser ou vouloir changer l'ordre établi, car il s'excluait de lui-mêmedu groupe et du bénéfice de sa protection !

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1.1

Le changement, une constante dans l'histoire de l'humanité

Par Jean-Éric Bousser

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Si ces premières sociétés connaissaient conflits internes et luttes pour le pouvoirconduisant périodiquement à des bouleversements au sein de certaines d'entreelles, leur organisation, marquée souvent du sceau du divin, se voulait au fond stableet pérenne. Une stabilité et une discipline sociale qui contribuaient à favoriser l'accomplissement efficace des tâches nécessaires à la vie du groupe, mais ne laissaientque peu de place à l'individualité. Cette volonté de stabilité, ce « conservatisme »,cette méfiance à l'égard du changement touchant à l'organisation sociale ont perduréd'ailleurs, les causes paraissant souvent en tenir à la crainte qu'il n'entraîne untrouble tel dans la société qu'il nuise à son efficacité, quand ce n'est pas tout simplementaux intérêts des groupes les plus puissants qui la composent.

Cette difficulté à accepter le changement sociétal relève aussi peut-être du sentiment,plus confus ou inconscient, qu'il est susceptible de raviver les pulsions destructricesque l'effort civilisateur permet d'endiguer ou, pour employer le langage choisi par Freud dans Malaise dans la civilisation, de la crainte qu'il n'ouvre la voie à « un retour de Thanatos » , mortifère pour l'individu socialisé et ses défenses.

Progrès et avantage concurrentielQuoi qu'il en soit, ces réactions de défiance face au changement sociétal contrastentfortement avec l'acceptation généralisée et la mise en œuvre somme toute rapidedes progrès d'ordre technique qui ont pu, à travers les âges, changer la conditionnaturelle et améliorer le travail des hommes. L'écriture, l'élevage, les semences, laroue, la charrue, la voile ou, beaucoup plus tard, la machine à vapeur, l'électricité,le chemin de fer… Autant d'inventions cruciales qui ont aussi profondément modifié,au fur et à mesure que leurs utilisations se développaient, les conditionsmatérielles et les rapports sociaux. Quant aux sociétés dont l'organisation, le systèmede pouvoir, les croyances ou les mentalités ont obéré cette appétence au changementtechnologique, elles ont été distancées puis dominées par d'autres, plus dynamiques.

De fait, les résistances aux changements induits par les innovations scientifiquesou technologiques ont le plus souvent eu pour origine la seule volonté de préservercertains pouvoirs ou intérêts sociaux, comme le montrent, par exemple, l'oppositionde l'Église aux thèses de Galilée ou la révolte des canuts lyonnais confrontés à l'arrivéede nouveaux métiers à tisser. Quant au progrès de la connaissance scientifique, ila souvent pâti de l'inertie sociale ou du poids de dogmes, qu'ils soient religieux oupolitiques. Que l'on songe simplement à l'opposition larvée de l'Église à la dissectiondu corps humain ou aux thèses génétiques farfelues mais officielles d'un Lyssenkodans l'URSS de Staline.

Il est en revanche très peu d'exemples d'organisations humaines qui se soientrefusé par principe – comme peuvent le faire les Amish aux États-Unis, par exemple– à bénéficier d'un changement technologique quand il était à même de leur procurerun avantage sur d'autres groupes. Le métier des armes fournit à cet égard un trèsbon exemple de cette appétence historique au changement, tant au plan des techniquesque du point de vue stratégique. Aucune innovation technologique majeure pouvantintéresser ce domaine qui ne se soit pas traduite par son adoption au sein des

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armées ou par un changement organisationnel ou stratégique. Et ceci pour une raisonsimple : une force doit nécessairement chercher à se mettre en situation de dominerses adversaires potentiels, et donc de systématiquement rechercher « l'avantageconcurrentiel ». C'est ainsi que, dans son ouvrage Anatomie d'un spectre (1981),l'historien et soviétologue Alain Besançon montre que l'un des seuls secteurs àfaire preuve d'un certain dynamisme, d'une relative créativité et d'une appétence auchangement dans une économie soviétique par ailleurs stagnante, était l'armée, parcequ'entre elle et son principal adversaire, l'armée américaine, « l'émulation existait ».

On le voit, concurrence, innovation et changement semblent avoir toujours fait bonménage.

« Enfin, l'entreprise vint… » Aussi n'est-il pas étonnant qu'avec l'émergence du mode de production capitaliste,ce trio ait trouvé toute sa place. En effet, comme l'écrit Joseph Schumpeter, dans lasociété capitaliste, toutes les structures et les conditions dans le fonctionnement desaffaires « se trouvent toujours dans un processus de changement » (voir encadré).

La création destructrice« L'économie capitaliste n'est pas et ne peut pas être stationnaire. Elle ne se con-

tente pas non plus de croître de façon régulière. Elle se trouve de plus en plus révolu-tionnée de l'intérieur par de nouvelles entreprises, c'est-à-dire par l'intrusion dans lastructure industrielle telle qu'elle existe à un moment donné de nouveaux produits, denouvelles méthodes de production, ou de nouvelles opportunités commerciales.Toutes ces structures existantes et toutes les conditions dans le fonctionnementdes affaires se trouvent toujours dans un processus de changement. Chaque situa-tion est bouleversée avant qu'elle ait eu le temps d'épuiser ses possibilités. Le pro-grès économique, dans la société capitaliste, signifie le bouleversement. Et […]dans cette agitation, la concurrence œuvre de façon tout à fait différente qu'elle nele ferait dans un processus stationnaire. Les possibilités de gains qui peuvent êtreretirés de la fabrication d'objets d'un type nouveau ou de la réduction des coûts defabrication d'objets existants se matérialisent constamment et appellent de nouveaux investissements. Ces nouveaux produits et méthodes entrent en concurrenceavec les méthodes et produits anciens non pas sur un pied d'égalité mais avec unavantage décisif qui peut signifier l'arrêt de mort de ces derniers. C'est ainsi que le« progrès » se fait dans la société capitaliste. Pour échapper à la mévente, chaquefirme est obligée de suivre, d'investir à son tour […] ».Joseph A. Schumpeter, Capitalism, Socialism and DemocracyPart I iii, p. 32-33, HarperPerennial, Modern Thought, 2008 (traduction libre).

Avec la prise de conscience de la place croissante occupée par l'entreprise dans lefonctionnement de la société, et la recherche d'une organisation optimale dans lesproductions, une véritable réflexion sur le changement s'est progressivementorganisée, autour d'économistes, d'entrepreneurs, de sociologues, de psychologues.Depuis la Seconde Guerre mondiale en particulier, source d'importantes avancéesdans l'organisation de la production, et dans le sillage du développement des

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théories sur l'entreprise et sur le management, l'attention s'est concentrée sur leprocessus lui-même. Amenant à la création d'un véritable corpus de règles et deméthodes de conduite du changement dans les entreprises et les organisationshumaines en général. Surtout, s'est peu à peu imposée la claire conscience que lefacteur humain était au cœur même de ces processus.

Nous sommes désormais loin de « l'homme-machine » tel que pouvaient le concevoircertains économistes classiques au XVIIIe siècle. Certes, les modes d'organisationqui fragmentent et dépersonnalisent par trop les tâches n'ont pas disparu – au contrairemême, si l'on pense aux nouveaux « ateliers du monde » que sont par exemple laChine ou d'autres pays en développement. Certes encore, l'expansion de certainesformes de travail partiel ne constitue pas nécessairement non plus un progrès.Mais les plus performantes des entreprises comprennent toutefois qu'il est de leurintérêt vital de libérer l'énergie et la créativité de leurs salariés ; afin qu'ils collaborentpleinement à leurs objectifs, voire contribuent à les définir.

Le salarié n'en reste pas moins marqué du sceau de la subordination aux directivesde sa hiérarchie dans l'accomplissement des tâches qui lui sont imparties enéchange d'une rémunération. C'est ce que nous rappelle fort opportunément uncélèbre arrêt de la Cour de Cassation, dit « arrêt Boyer » et daté du 23 janvier 1997,qui précise : « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travailsous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives,d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».On voit donc bien qu'il revient à l'employeur, dont c'est le devoir, de fixer les règleset de définir ces tâches. Ce qui nous permet incidemment de bien comprendre qu'ilne saurait se concevoir d'opération de changement sans profonde implication desdirigeants de l'entreprise.

Toutefois, comme le pense un spécialiste averti comme Philippe Bernoux, l'existenced'une contrainte dans la mise en place d'un changement dans l'entreprise ne suffitpas à sa réussite. L'acceptation par les salariés est un facteur indispensable. Leschances de réussir le changement sont donc d'autant meilleures qu'il sera perçucomme légitime et qu'il suscitera l'adhésion de tous, y compris de ceux qui ne sontcensés agir que dans la subordination aux directives.

La conduite du changement : un art complexeComment parvenir à dépasser cette inévitable tension, cette contradiction entre contrainteet adhésion ? C'est toute la question qui se pose à la réflexion contemporaine surla conduite du changement dans des organisations qui évoluent dans des environ-nements de plus en plus mouvants, aux perspectives difficilement prévisibles. Etc'est encore dans le métier des armes que l'on trouve un exemple très parlant decette « nouvelle donne » en matière de conduite du changement : le programme detransformation engagé par l'Otan depuis quelques années vise ainsi à favoriser,dans un métier où l'obéissance à la règle établie est une vertu cardinale, l'initiativedes acteurs et l'émergence « spontanée » de nouvelles conceptions en matière d'organisation, de tactique et de stratégie. Surtout, il entend innover quant aux

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méthodes de conduite du changement pour mieux répondre aux défis posés par lanouvelle ère dans laquelle nous sommes désormais entrés, celle du changementpermanent, de la gestion de la complexité.

Stratégie et complexitéEdgar Morin, dans son Introduction à la pensée complexe (Le Seuil, 1990), explique :« Un programme, c'est une séquence d'actions prédéterminées qui doit fonctionnerdans des circonstances qui en permettent l'accomplissement. Si les circonstancesextérieures ne sont pas favorables, le programme s'arrête ou échoue. […] Lastratégie, elle, élabore un ou plusieurs scénarios. Dès le début, elle se prépare, s'ily a du nouveau ou de l'inattendu, à l'intégrer pour modifier ou enrichir son action.L'avantage du programme est évidemment une très grande économie : on n'a pasà réfléchir, tout se fait par automatisme. Une stratégie, par contre, se détermine entenant compte d'une situation aléatoire, d'éléments adverses, voire d'adversaireset elle est amenée à se modifier en fonction des informations fournies en cours deroute, elle peut avoir une très grande souplesse. Mais une stratégie, pour être menéepar une organisation, nécessite alors que l'organisation ne soit pas conçue pour obéirà de la programmation, mais puisse traiter des éléments capables de contribuer àl'élaboration et au développement de la stratégie. »

Comme l'écrit le lieutenant-général J. O. Michel Maisonneuve, qui a été chef d'état-majordu quartier général du Supreme Allied Commander Transformation de l'OTAN àNorfolk, en Virginie : « pour faire face au changement, de nombreuses organisationsont effectué des réaménagements censés prendre fin dès que l'objectif ultimeserait atteint. Or on constate aujourd'hui que le changement n'a rien d'un chemine-ment vers une destination ultime; c'est plutôt un processus perpétuel, si bien quela prochaine étape dans l'évolution de la « gestion du changement » sera, semble-t-il, la création d'organismes chargés de gérer le changement et d'encourager l'innovation,l'expérimentation et la pensée latérale. D'activité négative exigeant une gestionconstante, le changement est devenu une activité positive qu'il faut promouvoir etencourager. » Au-delà de programmes ponctuels, il s'agirait donc, pour les organisations, de sedoter de véritables stratégies faisant une large place à la capacité de s'adapter, dechanger. C'est là tout le défi posé par la gestion de la complexité.

Qu'est-ce qu'un système complexe ?Un système complexe « se caractérise d'abord par le nombre d'éléments qui le constituent […], ensuite par la nature des interactions entre ces éléments, le nombreet la variété des liaisons qui relient ces éléments entre eux […] et par la dynamiquenon linéaire de son développement, c'est-à-dire les accélérations, les inhibitions,les oscillations difficilement prédictibles. » Joël de Rosnay, L'Homme symbiotique, Le Seuil, 1995.

Mais faut-il pour autant que tout, tout le temps, soit dans un état permanent de flux,de bouleversement ? Naturellement pas. Tout l'art de la conduite du changementconsistera précisément à déterminer ce qui, dans une organisation, doit rester stable

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et ce qui doit changer ; à faire coexister changement et ordre nécessaire à la poursuitedes activités. Surtout, dans les organisations modernes souvent fort complexes, ilfaut s'attacher à éviter qu'un changement souhaitable dans telle partie de l'ensemblen'entraîne des conséquences inattendues et malvenues dans telle autre, voire neconduise au chaos général. Maîtriser le processus de conduite du changementimplique donc, comme on le verra dans les chapitres suivants, d'avoir une connaissanceapprofondie de l'organisation concernée et d'avoir bien défini la nature des outilsà utiliser en fonction des objectifs recherchés.

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Rédacteur de lettres d'information sur les matières premières dans les années 70, chargé du développement de l'information économique spécialisée à l'AFP dans les années 80, rédacteur en chef au quotidien

L'Agefi dans les années 90, éditeur de la lettre confidentielle Investnews, Jean-ÉricBousser a suivi de près, au fil des décennies, tous les grands changements qu'aconnus le système économique et financier mondial. Il est membre fondateur del'Association Systémiques.

LE CHANGEMENT, UNE CONSTANTE DANS L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ

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« L’Histoire offre en effet de nombreux exemples de civilisations qui, à l’instar de celle des Mayas ou de la vallée de l’Indus, ont purement et simplement disparu… »

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Voulu ou subi, prévu ou imprévu, le changement est multiple, tout comme les attitudesdes hommes et des organisations à son égard, et les formes de sa mise en œuvre.Entre Big Bang collectif et chaos maîtrisé, deux approches diamétralementopposées, tout l'art de la conduite du changement consistera à trouver la voie quipermette de réduire au maximum les incertitudes et d'assurer à terme la pérennitéde l'organisation.

n ce qu'il désigne le processus lui-même et non son seul résultat, le changement s'inscrit dans le temps. Temps du bouleversement quasi instantané occasionné par un tsunami, par exemple, ou période d'évolutionmultimillénaire d'un climat, d'un paysage, d'une espèce animale. Sa

durée est donc un élément essentiel d'appréciation du phénomène, tout commeson intensité. Mais l'on doit aussi distinguer entre les catégories de changements,en fonction de leur nature : certains, que l'on peut regrouper sous le termegénérique de « sociaux », touchent, qu'ils soient voulus ou non, à l'organisation dela vie au sein des groupes humains et de leurs travaux; d'autres, que l'on peut qualifierde « naturels », prévisibles ou imprévisibles, tiennent à l'action de la nature. Enfin,certains changements sont initiés, volontairement ou non, par l'action deshommes, d'autres interviennent sans que cela tienne à leur action.

Les changements sociaux comme les changements naturels sont lourds d'enjeuxsouvent vitaux et, en fonction de l'attitude, passive, réactive ou proactive qu'ilsadoptent à leur égard, les groupes humains se condamnent ou non à devoir ensubir les effets, éventuellement dramatiques. Une attitude qui dépend souventd'ailleurs, d'une part de leur degré de compréhension des causes et de la bonneappréciation des conséquences de ces changements, d'autre part de leurs capacitésà en tirer parti, s'ils sont nécessaires et/ou potentiellement bénéfiques, ou, le caséchéant, à en prévenir et/ou combattre les effets néfastes.

L'Histoire offre en effet de nombreux exemples de civilisations qui, à l'instar decelle des Mayas ou de la vallée de l'Indus, ont purement et simplement disparu,faute d'avoir pu ou su adapter leurs modes de vie et leur organisation face aux défisposés par un changement intervenu dans les équilibres qui conditionnaient leurfonctionnement habituel.

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1.2

Un enjeu vital : du Big Bang collectif au chaos maîtrisé

Par Jean-Éric Bousser

E

UN ENJEU VITAL : DU BIG BANG COLLECTIF AU CHAOS MAÎTRISÉ

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Des défis qui peuvent être particulièrement insidieux et difficiles à repérer : sansmême aborder des sujets cruciaux de réflexion contemporains comme le réchauffementclimatique, la révolution numérique, la recherche biomoléculaire, la prévention desmaladies héréditaires ou le déclin démographique en Europe2 – thèmes lourds deconséquences potentielles sur les règles en usage concernant la personne humaineet, à terme, sur la conception que les générations futures se feront de la place del'individu dans la société –, on évoquera simplement, à titre d'exemple de défis insidieux,la façon dont – version antique de nos problèmes de pollution - la construction d'unréseau de canalisations en plomb a changé en l'améliorant le mode de distributionde l'eau dans la Rome des Césars, mais dans le même temps aurait favorisé ledéveloppement progressif du saturnisme et ainsi contribué, selon de nombreuxsavants, au déclin de la ville impériale3.

Cet exemple, tiré d'un passé lointain et qui ne devrait donc pas soulever d'inutilespolémiques, nous permet de comprendre intuitivement et d'esquisser les contoursd'une nouvelle catégorie de changements, celle qui regroupe ceux que l'on qualifierad'« induits » ou – pour emprunter une expression chère aux spécialistes de la politique monétaire et de l'inflation – de « second trou » : un changement peut eneffet déclencher, par ricochet en quelque sorte, d'autres effets, parfois pervers, quiprogressivement viennent à leur tour modifier l'environnement naturel ou social,jusqu'au moment où l'importance cumulative de ces modifications impose de nouveaux changements, quand elle ne déclenche pas de véritables bouleversementsou révolutions.

Changement social, naturel, induit, voulu ou subi, prévu ou imprévu, initié parl'homme ou pas, les catégories, on le voit, sont multiples et se recoupent. Il en estde même des attitudes que les groupes et organisations peuvent adopter face àl'occurrence du changement.

Face au changement, quelle attitude ?Face aux conséquences dommageables, voire désastreuses, de certains changements,qu'ils n'ont ni voulus, ni prévus, ni maîtrisés, autrement dit de changements pleinementsubis, les hommes ont été, et restent d'ailleurs, souvent tentés d'en attribuer laresponsabilité à des causes tout à fait autres que celles qui en sont, en réalité, à l'origine ;et, comme ils se trompent sur les causes, ils peuvent de ce fait choisir, pour tenterde les supprimer ou de remédier à leurs effets, des moyens et outils totalementinopérants. N'est-ce pas le cas, par exemple, dans celles des sociétés premières quivoyaient dans certains phénomènes naturels, comme la sécheresse ou les invasionsd'insectes, l'expression de la colère des dieux, que l'on tentait de calmer par dessacrifices et prières, sans que cela provoque jamais ni le retour de la pluie ni ledépart des sauterelles ? N'est-ce pas aussi le cas de certains de nos contemporainsqui choisissent le discours incantatoire ou adoptent – quand ils ne sont pas toutsimplement à la recherche d'un bouc émissaire – une langue de bois digne de la« Novlangue » chère à George Orwell, pour conjurer les périls pourtant bien réels,auxquels nous sommes désormais confrontés ?

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2 Bien avant que le débat sur les retraites n'attire l'attention médiatique sur les questions démographiques, le grand historien Pierre Chaunu avait tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences d'une natalité déficiente pour l'Europe

dans un ouvrage qui reste très actuel : La Peste Blanche, comment éviter le suicide de l'Occident, Gallimard, 1976.

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Tout changement naturel ou social d'importance qui affecte l'environnement danslequel évolue une communauté donnée ou qui modifie les conditions danslesquelles elle agit, impose de la part de cette dernière une action ou une réactionadaptée, si elle n'entend pas subir et pâtir de ce changement, mais au contrairepréserver, rétablir ou améliorer les liens sociaux qui lui conviennent dans son environnement désormais modifié. L'on comprend donc immédiatement toute l'importance qu'il y a, pour un groupe, quel qu'il soit, sujet à un changementnotable pour sa vie, son organisation ou ses activités, de savoir en identifier lescauses et établir les justes diagnostics quant aux moyens à utiliser pour l'accompagner,s'y adapter, en prévenir ou en combattre si nécessaire les effets néfastes.Diagnostics et moyens dont la pertinence et l'efficacité dépendent à l'évidence, dansla plupart des situations, du niveau de développement des capacités scientifiqueset techniques, de tous ordres, dont il dispose, mais aussi de divers facteurs psychologiques et moraux, dont l'importance ne peut en aucun cas être sous-estimée :capacité à œuvrer ensemble, persévérance, lucidité, vigilance et faculté des'adapter constituent des atouts essentiels ; atouts dont la force tient aussi, bienentendu, à la capacité du groupe de prendre conscience à temps des risques qu'ilencourt mais aussi des opportunités qu'il juge devoir s'ouvrir à lui à l'occasion detel ou tel changement.

Pour mieux faire face à un changement qu'il n'a pas voulu, il est naturellementpréférable pour tout groupe de savoir se mettre en mesure de se montrer réactif. Ce quipose la question de l'anticipation, de la prévision du changement, et de la préventionou de la maîtrise de ses conséquences. C'est là le long combat qu'ont mené leshommes depuis l'origine pour se prémunir des changements liés aux cataclysmesnaturels. Et leurs progrès dans cette lutte auront précisément tenu pour une largepart à leur aptitude à identifier les signes annonciateurs de telles catastrophes. Cequi leur donnait, dans une certaine mesure, le temps de se prémunir de leurs effets.

Cette attitude proactive, cette volonté de ne pas subir, d'anticiper, ne peut bienentendu que présenter des avantages en ce qui concerne les changements induitspar le jeu « naturel » des activités humaines et des forces à l'œuvre dans la société,comme les évolutions économiques, la diffusion de nouvelles technologies, mais aussila démographie ou le développement de la pollution. Bien mesurer l'enchaînementdes conséquences de ses actions pour se montrer proactif et prévenir les changementsliés aux effets pervers et destructeurs de son action reste toutefois un défi considérablepour l'humanité, un objectif encore très loin d'être atteint, mais qui néanmoinspourrait bien représenter l'enjeu essentiel de ce siècle.

De fait, tout l'art dans la conduite des groupes, des organisations et des sociétésn'est-il pas de prendre conscience des risques qui les guettent et de les prévenir,d'identifier les problèmes susceptibles d'entraver leur fonctionnement et leur essor,et d'opérer à temps les changements nécessaires pour éviter toute paralysie oudégradation de leurs performances, mais aussi pour favoriser l'adoption de nouvellestechniques ou méthodes susceptibles d'améliorer leur efficacité ?

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3 On consultera avec profit Lead and the Fall of Rome: A Bibliography, disponiblesur le site http://www.nipissingu.ca/department/history/muhlberger/orb/lead.htm.

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Certes, force est de constater que de tels changements « sociaux » se font souventdans l'urgence et sous la contrainte, la pression de l'environnement. Autrement dit,lorsqu'ils sont devenus inévitables, contraignant les hommes à agir pour tenter derétablir une situation dangereusement tendue ou compromise. Mais c'est loind'être le cas général. De fait, la plupart des organisations ont non seulement apprisà initier volontairement les changements qu'elles jugent bénéfiques pour elles, maiselles consacrent une bonne part de leur activité à organiser, planifier et conduireleur mise en œuvre.

Du « Big Bang collectif » au « chaos maîtrisé » Ces mises en œuvre peuvent prendre des formes bien différentes et, par exemple,impliquer ce que certains spécialistes qualifient de « Big Bang collectif » ou, au contraire,le passage par une période de relative désorganisation, provoquée ou pas, qui permetd'opérer les changements espérés, une phase de « chaos maîtrisé » en quelque sorte.

Parler de chaos – terme fort – renvoie naturellement à la notion de désordre. Celapeut donc évoquer une situation dans laquelle une entité est consciente qu'il luifaut changer, sait éventuellement en quoi, pourquoi et quel est l'objectif à atteindre,mais ne sait pas nécessairement et précisément comment y parvenir ni même si elleen sera capable. Dans ces conditions, la période de changement peut être vécuecomme une sorte de saut dans l'inconnu, un moment difficile où l'on abandonned'anciens repères, des comportements acquis et bien intégrés, pour procéder à denouveaux apprentissages, nouer de nouvelles relations ; et une sorte de chaosorganisationnel mais aussi psychologique peut s'installer au sein du groupe…

Maîtriser ce chaos consistera précisément à réduire progressivement les incertitudesau sein du groupe, ramener les brebis qui s'égarent sur le bon chemin, couper courtaux tentatives de retour en arrière et canaliser les énergies vers le but recherché.Le chaos maîtrisé est donc un processus qui s'étale dans la durée, difficile à mettreen œuvre et à vivre, mais qui peut aussi s'avérer très bénéfique, dans la mesure oùil aiguise le sens des responsabilités des individus, qui doivent se prendre encharge, permet de favoriser l'émergence des personnalités fortes, meneursd'hommes, à même par exemple de suppléer aux défaillances de hiérarchies quiont pu se scléroser. Mais son succès est loin d'être assuré, quand il ne débouchepas d'ailleurs soit sur un échec caractérisé, soit sur une orientation du groupetotalement différente de ce qui avait pu être éventuellement prévu au départ.

En comparaison, le « Big Bang collectif » peut sembler à première vue une approchemoins risquée. Si elle consiste, du moins, à réduire au minimum la période dechangement, à basculer une organisation d'un état à un autre dans un délai trèscourt, en ayant prévu ce qu'il revient à chacun de faire au sein du groupe et enl'ayant informé du rôle qu'il doit jouer ; en limitant donc, dans la mesure du possi-ble, la marge d'improvisation et d'incertitudes dans le déroulement des opérationset la communication avec les tiers. De telles techniques de changement exigent àl'évidence une planification poussée et une organisation sans faille, comme chacuna pu en faire l'expérience lors d'un déménagement d'entreprise dans de nouveaux

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locaux, par exemple. Comme ce fut le cas aussi lors du basculement des devisesnationales à l'euro au début du siècle.

La situation se présente de façon fort différente, bien entendu, lorsqu'il s'agit derépondre dans un délai très court à un changement imprévu ou une situation decrise. Le Big Bang concerne alors une collectivité qui doit réagir en urgence, prendresans nécessairement y avoir été préparée les mesures qui s'imposent et s'organiserpour assurer la pérennité de ses activités. De tels « Big Bang » sont de véritablesrévélateurs des qualités personnelles, d'autonomie et d'initiative, des personnesconcernées et, plus généralement, du degré de cohésion de l'organisation.

« Big Bang collectif » ou « chaos maîtrisé »… Il serait illusoire de vouloir privilégierune méthode aux dépens de l'autre et de voir en elles les seules approches possiblesdu changement. De fait, les spécialistes, sur la base de ces deux exemples, insistentsur le fait que le choix de l'approche la mieux adaptée dépend essentiellement dela situation particulière et des objectifs recherchés par l'organisation concernée.

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UN ENJEU VITAL : DU BIG BANG COLLECTIF AU CHAOS MAÎTRISÉ

Rédacteur de lettres d'information sur les matières premières dans les années 70, chargé du développement de l'information économique spécialisée à l'AFP dans les années 80, rédacteur en chef au quotidien

L'Agefi dans les années 90, éditeur de la lettre confidentielle Investnews, Jean-ÉricBousser a suivi de près, au fil des décennies, tous les grands changements qu'aconnus le système économique et financier mondial. Il est membre fondateur del'Association Systémiques.

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« Qu’il s’agisse d’un individu ou d’un groupe d’individus, trois paramètres fondamentaux constituent pour eux ce qui ‘fait sens’ : les valeurs, la culture et les croyances. »

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Tout projet de changement bouleverse plus ou moins les repères qui guident l'entreprise, ses collaborateurs et ses partenaires externes. Si l'on veut éviter decréer le chaos, il faut d'abord connaître les « éléments de sens » sur lesquels sefondent la stratégie et l'activité opérationnelle. C'est à cette seule condition quel'on se donnera les moyens de redéfinir des jalons cohérents dans la perspective duchangement attendu. Un nouveau sens compris par tous.

onner du sens : voilà une expression souvent utilisée, parfois galvaudée. La « perte de sens » serait un des facteurs de « risques psychosociaux » dont on parle aujourd'hui pour évoquer le malaise croissant d'un certain nombre de salariés dans des entreprises en

perpétuel mouvement : stress, dépression, syndrome du burn-out… À l'inverse, lessalariés qui « trouvent du sens » dans leur travail semblent plus motivés. Maisqu'en est-il vraiment ? De quoi parle-t-on lorsque l'on parle de « sens » ?

Valeurs, culture et croyancesQu'il s'agisse d'un individu ou d'un groupe d'individus, trois paramètres fondamentauxconstituent pour eux ce qui « fait sens » : les valeurs, la culture et les croyances.

Les valeurs, personnelles, sont de l'ordre de la morale ou de l'éthique : l'honnêteté,la fiabilité, l'engagement… C'est à travers elles que l'individu évalue sa compatibilitéavec l'entreprise à laquelle il contribue, porteuse elle aussi de valeurs dans lesquellesil doit se retrouver. Les valeurs ne sont pas toujours formalisées mais sont souventtrès présentes dans la conduite des affaires.

Il ne faut pas les confondre avec la culture, qui est de l'ordre de l'acquis. Il s'agit dece qui est ou devient commun à un groupe d'individus, ce qui les soude. On parlefréquemment de la « culture du BTP », de la « culture du service public », etc. Il n'estpas rare de constater l'étonnement d'un nouvel entrant face aux modes de fonctionnement d'une entreprise. Il y a alors absorption ou rejet : soit la personneadopte petit à petit ces modes de fonctionnement et « prend la culture » de l'entreprise,soit elle est amenée à la quitter.

Les croyances, elles, sont ce qui est tenu pour vrai. Au-delà des croyances individuelles,les croyances collectives ont la vie dure, bien qu'elles soient sources d'erreurs dejugement. Ainsi, une croyance très répandue veut que les entreprises des pays en

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1.3

Le sens :essence du changement ?

Par Yves Ducrocq

D

LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

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voie de développement soient plus compétitives parce qu'elles payent très malleurs salariés. Certaines d'entre elles ont pourtant des processus d'achat, de production, de commercialisation et d'innovation plus performants que la majoritéde leurs concurrentes en Europe.

Le sens (S) se construit ainsi à partir de ces trois éléments :

Avant d'engager le changement, il est indispensable d'identifier ce qui fonde leséléments de sens actuels d'une entreprise et de formaliser, pour chacun, ce qu'ilsdoivent devenir afin d'agir de manière pertinente.

Les valeursCe sont le plus souvent les modes d'action portés par le chef d'entreprise lui-même etattendus de chacun de ses collaborateurs. Il est évidemment essentiel, pour que cesvaleurs soient partagées, qu'elles soient communiquées, mais aussi et surtout vécuesau quotidien. L'exemplarité est dans ce domaine la plus efficace des communications.La cohérence entre les valeurs affichées et les comportements est bien plus forte etbien plus importante que le politiquement correct (trop ?) souvent affiché.

La cultureCinq facteurs semblent déterminants dans une culture d'entreprise :• La nature de l'actionnariat : stabilité ou volatilité, intéressement opérationnel ou

non aux résultats, réinvestissement dans l'entreprise ou politique de distribution de dividendes prioritaire. Autrement dit, le sentiment donné aux salariés d'être dans le même bateau ou non.

• Les valeurs et comportements du chef d'entreprise : s'il entreprend, s'implique et sait déléguer, il entraînera le même type de comportement dans ses équipes. Mais s'il se contente d'afficher des valeurs et des comportements qu'il n'appliquepas, il provoquera le doute, voire le trouble.

• Le marché sur lequel intervient l'entreprise : chaque marché a sa culture ; l'entreprisequi y opère durablement en adopte les fondamentaux, sous peine de n'y jamais réussir.

• La place, dans ce marché, revendiquée ou occupée par l'entreprise : elle déterminefortement son identité et ses comportements. Par exemple, les places totalement différentes occupées par Fiat et Audi dans le marché automobile sont un déterminantde leur culture.

• Les conditions de travail des salariés : l'environnement immédiat et les conditionsde travail dans lesquels les hommes exercent leur métier ont un effet direct sur leurs comportements et leurs relations, tant internes qu'externes.

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Valeurs

S

Culture Croyances

LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

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Chacun de ces éléments détermine la culture d'une entreprise, qui sera d'autantplus puissante qu'ils seront cohérents entre eux. Il faut donc s'interroger sur leurcohérence dans la perspective du résultat attendu du changement.

Les croyancesElles sont nombreuses et variées, et il est prudent, au moment d'une volonté dechangement, de savoir distinguer ce qui est le fruit avéré de l'expérience, c'est-à-direl'état de l'art (dans l'entreprise mais aussi dans le métier), de ce qu'il est communémentacquis de penser. Afin de ne pas se laisser enfermer dans ses croyances, il est indispensable de s'ouvrir, de découvrir d'autres pratiques. Il est courant d'entendre :« Qui sort, s'en sort ! » C'est juste, sous réserve d'être ouvert aux transpositions, auxexpérimentations, par l'association d'acquis fondamentaux d'univers différents.

Quand la réalité dément les idées reçues« Il est impossible de devenir leader mondial dans la fabrication de produits grandpublic, si on n'investit pas dans des équipements de production à très haute productivité. » Voilà un raisonnement facile à croire, et même à comprendre.Pourtant, une société japonaise a bâti son succès et sa place de n° 1 mondial dansla fabrication de porte-mines par la créativité de ses conceptions et la flexibilité deses organisations, au service de toutes les marques connues des consommateursdans le monde. Les composants à usiner ou à mouler sont bien sûr fabriqués parles équipements de production les plus performants, mais l'assemblage de la grande diversité de ses composants et de ses produits est réalisé à la main grâceà l'efficience remarquable de son organisation. Point d'usines rassemblant les procédés les plus avancés et la main-d'œuvre qualifiée nécessaire, mais unréseau dense et rigoureusement animé de centres de distribution du travail, de regroupement des sous-ensembles et produits finis, de contrôle de la qualité,répartis dans la cité, permettant le travail à domicile, par des personnes sélectionnéeset des engagements formalisés.

Le changement : une perte de repères ?Valeurs, culture et croyances constituent des repères pour l'entreprise et ses collaborateurs. Le changement va-t-il remettre en cause ces trois paramètres ouseulement l'un d'entre eux ? Dans tous les cas, il y aura « changement » dans ce qui« faisait sens » Au niveau collectif, il s'agit d'identifier si le changement recherchéentraîne ou non des modifications dans :

• Les valeurs, c'est-à-dire les modes d'action attendus de chacun des collaborateurs ;• La culture, c'est-à-dire les comportements attendus de chacun, à commencer par

le chef d'entreprise, le marché (à conquérir par exemple), la place dans le marché visé, les conditions de travail des personnes concernées ;

• Les croyances, dont certaines sont à remettre en cause pour réussir le changement attendu.

Dès lors que les remises en cause nécessaires sont identifiées, il faudra former lespersonnes, revoir l'ensemble des processus et organisations afin d'établir les nouveaux

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LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

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repères: chacun aura alors les éléments factuels lui permettant de comprendre cequ'on attend de lui, et les raisons pour y adhérer.

Prenons l'exemple d'une entreprise au rayonnement international :

Pour s'adapter à l'évolution de son environnement, cette entreprise décide dechanger de stratégie. Ce faisant, elle « change de sens » :

Les valeurs restent les mêmes, mais les croyances et la culture changent radicalement,entraînant des changements profonds dans le recrutement, le management, l'offre,la distribution, les investissements, etc.

Au niveau individuel, quelles seront les conséquences du changement ? On ne peutfaire l'économie de cette préoccupation, même si le changement dans l'entreprise,comme dans toute organisation humaine, ne peut bien sûr être asservi à ce qui convientà chaque individu. Car ce sont bien les femmes et les hommes qui le mettent enœuvre, et la méthode employée pour impliquer chacun d'entre eux est déterminantedans la pérennité du changement opéré mais aussi dans la mémoire collective. Lechangement étant une constante, il est important que la mémoire collective transmettele souvenir de mutations, d'apprentissages, de transformations, de constructions,plutôt que de blessures, de gâchis humain ou de déconsidération.

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Valeurs

S

Culture Croyances

Prise de risques et responsabilité individuelle.

Mission : apporter des réponsessimples et fiables à des besoinsquotidiens essentiels.

Méthode, précision, discipline ; chacun s'occupe de sa tâche, n'estpas diverti par celles des autres, et

applique les processus définis.

Nous ne pouvons gagner d'argentdurablement que par des produitsqui se vendent à plus d'un million de pièces par jour.

Valeurs

S

Culture Croyances

Prise de risques et responsabilité individuelle.

Mission: apporter des réponsessimples et fiables à des besoinsquotidiens diversifiés.

Internationale, diversité culturelle,ouverture d'esprit et mobilité.

C'est la capacité à répondre à une grande variété de besoins d'une manière plus efficace que nos concurrents qui assure notre performance et notre pérennité.

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Dès lors, au-delà des méthodologies de conduite de projet éprouvées, il convientde consacrer du temps, de l'écoute et de l'expertise à la compréhension du résultatsouhaité et à l'adhésion du plus grand nombre, sauf à se priver de la richesse deshommes et de leurs capacités d'implication. Bien sûr, il faut tout d'abord que chacunsache ce que l'on attend de lui. Mais il faut aussi qu'il ait les compétences pour leréaliser, et surtout l'envie de le faire. Or cette envie repose sur deux familles deparamètres :

• Ceux qui viennent de l'entreprise : les conditions matérielles pour réaliser sa mission, les conditions matérielles de rétribution et les conditions managériales ;

• Ceux qui viennent de lui : ses moteurs (les activités qui le mettent naturellement en mouvement) et ses motivations (ce qu'il est prêt à faire à ce moment-là de sa carrière et de sa vie). Moteurs et motivations sont spécifiques à chacun de nous. Les études montrent que l'implication décuple si une partie significative de notre temps de travail y correspond.

Ainsi, un homme qui a compris le « nouveau sens » dans lequel on veut emmener l'entreprise et qui est mis dans des conditions favorables pour que cela fasse senspour lui, sera durablement moteur dans le changement à opérer.

Comprendre le sens du changementTrès souvent, l'importance est donnée à la compréhension des raisons de changerplutôt qu'à ce que l'on veut bâtir de différent. L'émotionnel l'emporte sur lerationnel et l'énergie consacrée à expliquer pourquoi il n'est plus possible degarder nos modes de fonctionnement est plus importante que celle consacrée à ceque nous voulons construire demain.

Pourtant, un travail de formalisation est indispensable, permettant d'exprimer :

• Quelle est la mission que nous attribuons à l'entreprise dans son marché (son utilité) ;

• Quelle est l'ambition que nous avons pour elle ;• Quel est le métier de l'entreprise (les savoir-faire qu'elle doit maîtriser pour réussir

sa mission et réaliser son ambition) ;• Quel est le positionnement souhaité pour l'entreprise (sa place, son image dans

son marché).

Il convient soit de réaffirmer ces points, soit de les communiquer en les explicitant.C'est alors que l'on donnera du sens (chacun sait où l'on veut amener l'entrepriseet pourquoi) et que l'on fera sens (chacun sait quels impacts ce chemin aura sur lesvaleurs, culture et croyances, et en sera acteur).

Donner du sens, c'est avant tout montrer la voie, une voie qui fasse appel auxcapacités de l'homme. Lorsque l'entreprise sait utiliser les capacités de ses collaborateurs,leur montrer non seulement le résultat mais l'aptitude de chacun et de tous à sanscesse s'adapter aux évolutions de l'environnement, à sans cesse créer un atout

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LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

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supplémentaire, alors chacun connaît le sens de son travail, de sa valeur ajoutée.Cette entreprise développe la confiance de chacun en sa capacité à s'adapter, àapporter, et renforce ainsi la capacité à agir.

Donner du sens, c'est aussi montrer une voie qui soit souhaitable, s'assurer que cetavenir souhaité soit partagé par ceux sur qui l'on compte pour qu'il se réalise.

Ce qui fait sens pour une personne, un groupe de personnes, une entreprise, estune alchimie composée d'histoire, de situations présentes et de perception dufutur souhaitable. Quel futur inventons-nous aujourd'hui qui fasse que l'entrepriseredevienne un projet ? Quelles actions mettons-nous en œuvre pour le réaliser ?Quelles forces issues de notre patrimoine collectif nous aideront à réussir ?

Il est difficile de demander aux hommes d'être force de changements positifsquand on les coupe de la réalité de l'évolution de l'environnement de l'entreprise.Aussi est-il préférable, dans les temps où l'entreprise n'est pas remise en causerapidement et brutalement par son marché, de nourrir leur connaissance et leurcompréhension des paramètres qui influent sur leur devenir.

L'entreprise est une composante complexe d'un système économique plus vaste etplus complexe encore. Il faut permettre à chacun de comprendre quelle est la placede son entreprise dans son marché, quelle est sa place dans l'entreprise, et quellepart il a, par ses initiatives, dans son avenir.

Si chacun sait que le chemin à parcourir demandera des remises en cause et desinnovations et si chacun peut contribuer à agir en utilisant au mieux ses moteurs etses motivations, le changement sera conduit et réussi. Cela suppose de la confiance.Elle se gagne dans le passé et se régénère au présent.

Une nécessaire cohérence entre l'interne et l'externeSi le changement doit avoir une influence sur l'environnement de l'entreprise, alorsil est également nécessaire qu'il soit perçu et qu'il ait un sens pour ceux à qui il estdestiné : clients, prospects, partenaires.

Les efforts que l'on aura déployés en interne pour expliquer l'intérêt du changementet donner la preuve qu'il est en marche, il faut aussi les faire vis-à-vis de l'externe,et sans tarder. Les deux chantiers doivent être menés de front, car il se passe fatalementun temps long avant que l'externe n'intègre les changements mis en œuvre parl'entreprise. Le piège classique est de se dire : « Nous avons tant de choses à faire eninterne que nous nous occuperons des autres après. » Erreur qui risque de transformerles clients et partenaires en frein pour le changement, s'ils continuent de voir l'entreprisecomme elle était « avant » . À l'inverse, communiquer clairement sur le changementrenforcera la nouvelle notoriété recherchée.

Plus la notoriété d'une entreprise est forte, plus le changement est difficile à « accepter »pour ceux qui la connaissent (ou croient la connaître). L'enjeu est énorme, car il faut

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LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

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qu'il y ait cohérence entre le changement perçu par l'externe et celui vécu par l'interne.Le lien entre les éléments fondamentaux de notoriété d'une entreprise (son passé,son présent) et son futur souhaité doit être fort de sens. C'est-à-dire que :

• Ses valeurs, culture et croyances fondent la définition de son futur – cela fait sens;• Son futur souhaité est clair et sans ambiguïté – cela donne du sens.

Par exemple, après une période d'offre banalisée, Citroën s'appuie, dans sa dernièrecampagne de communication, sur son histoire d'entreprise, innovante, avant-gardiste, pour se différencier à travers un message compréhensible par ses clientset porteur de fierté pour ses troupes.

Qu'en est-il des partenaires de l'entreprise ? Ce sont des « ressources externes » quiont une place importante dans la chaîne de création de valeur ajoutée, que le changementamène à redéfinir. Des partenaires bien choisis, c'est-à-dire en adéquation avec lanouvelle mission que se donne l'entreprise, entraînent un effet de levier, tant encréativité qu'en vitesse. Il est également crucial que l'interne et l'externe sachentcollaborer. Un échange structuré sur leurs modes de fonctionnement respectifs estindispensable. L'identification et la mise en place des conditions d'une collaborationefficiente entre deux organisations qui auront probablement des cultures très différentes, sont essentielles.

Nouveau dirigeant, nouveau sens ?Souvent, l'arrivée d'un nouveau dirigeant n'est pas perçue comme un changementau sens d'un projet structuré et conduit. La mission de l'entreprise et l'ambitionque l'on a pour elle restent inchangées ; il est fréquent de ne rien communiquer,considérant que rien ne change fondamentalement. Pourtant, un nouveau dirigeanta souvent un impact lourd sur les valeurs de l'entreprise, sa culture (ses modes defonctionnement) et ses croyances, confrontées à un œil neuf et puissant. La force etla vitesse de ses décisions peuvent surprendre et inquiéter. Si le sens n'en est pasexplicité et les transformations conduites par expérimentations successives, l'impactsur les hommes et l'entreprise peut être négatif : désorientation, inquiétudes,risque de pertes de ressources humaines nécessaires. Le nouveau dirigeant a doncle devoir de formaliser et diffuser ce qu'il veut changer des éléments faisant senspour l'entreprise.

Nous ne sommes pas tous égaux face au changement. Certains sont demandeursde changements permanents : cela leur permet d'exercer leur créativité, leur besoinde nouveaux défis ; d'autres ont peur du changement, de l'aventure qu'il propose,de la désorganisation qu'il peut entraîner ; d'autres encore l'appellent de leursvœux pour accéder à une meilleure situation, ou craignent au contraire de perdreune situation qui leur convient.

En réalité, tous sont utiles mais il ne faut pas qu'ils se neutralisent. Il faut au contraireque l'enthousiasme de l'un soit éclairé par la prudence de l'autre. Tous ont un rôled'autant plus actif qu'ils apportent une contribution utile à la réalisation du changement

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LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

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engagé. Pour cela, trouver une bonne place, choisir d'être entrepreneur dans la miseen œuvre, c'est aussi être « entrepreneur de soi ». Choisir de comprendre le sensdans lequel l'entreprise s'engage, choisir de faire connaître ce qui, dans ces transformations, fait sens avec soi-même, c'est ne pas subir son devenir, mais s'engager, se faire confiance et décider de son avenir.

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LE SENS : ESSENCE DU CHANGEMENT ?

Yves Ducrocq est membre fondateur du Celerant Change Club. Au cours de sa carrière, il a contribué à de nombreux projets d'innovation, de restructuration et de changements culturels. Il est aujourd'hui président

de NFID (Nord France Innovation et Développement) et de Dephis (Développementet Performance par les Hommes, l'Innovation et la Stratégie).

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« Chaque individu réagit en fonction de facteurs psychologiques personnels, telle la peur de l’inconnu… »

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La notion de résistance au changement se révèle plus complexe qu'il n'y paraît deprime abord. Individuelles ou collectives, actives ou passives, les résistances prennentde multiples formes et ne sont pas forcément nuisibles. Comment bien les comprendre et, surtout, les lever ? La richesse de la littérature sur le sujet reflèteune grande variété d'approches.

'expression de « résistance au changement » fait partie du vocabulaire de gestion courant. Elle s'applique essentiellement au destinataire du changement et désigne son opposition à toute action altérant le statu quo. La résistance au changement serait responsable du taux d'échec

élevé des projets de changements organisationnels. L'expression est à ce pointusitée que sa définition n'est plus mentionnée dans les ouvrages universitaires, lesséminaires ou les comités de direction. Mais le phénomène est-il si bien comprispar le management ? Et que faire pour lever ces résistances ?

Une brève histoire du conceptDans les années 40, la résistance au changement apparaît sous l'impulsion de KurtLewin et n'a pas la dimension individuelle et psychologique qu'on lui prête aujourd'hui.Lewin adopte une approche systémique dans laquelle changement et résistancesont conceptualisés au niveau du groupe. Il considère que l'individu est présentdans un champ de forces – son environnement – qui influence son comportement etdont l'équilibre confère au groupe un état quasi stationnaire. On amène le groupeà changer soit en accentuant les forces qui vont dans le sens souhaité, soit endiminuant les forces antagonistes. Ce faisant, on déconstruit l'équilibre initial pourinstaurer un nouvel état quasi stationnaire, qu'il faut ensuite consolider.

Lester Coch et John French, disciples de Lewin, introduisent l'expression de « résistanceau changement » dans un article de 1948. Ils la définissent comme la réaction d'unindividu à la frustration induite par quelque force émanant de son environnement.Elle devient donc un fait, et un attribut négatif de l'employé, qui doit être surmonté.Cette définition à l'échelle individuelle a été amplifiée au cours du temps et prévautdésormais. L'expression de « résistance au changement » pose cependant questionet a été récemment l'objet de critiques virulentes. On lui reproche notamment :

• Un flou conceptuel : la résistance au changement donne lieu à une multitude de définitions, qui vont d'une opposition choisie qui doit être surmontée, à une caractéristique bénéfique qui doit être mieux canalisée ;

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1.4

La résistance au changement

Par Élie Matta & Jonathan Hayes

L

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• Un caractère uniforme qui ne correspond pas à la réalité : dès 1969, Paul R. Lawrence conteste les travaux de Coch et French. Selon lui, les individus ne résistentpas au changement en tant que tel mais à l'impact de ce changement sur les relations sociales. En 2001, Eric B. Dent et Edward H. Powley ont trouvé que pour chaque changement perçu négativement, les participants en percevaient positivement1,9. La résistance au changement ne serait-elle pas surestimée ? Chacun accepte ou refuse tour à tour les changements en fonction de certains paramètres ou circonstances. Un individu ne résiste pas au changement per se mais résiste bien à quelque chose.

• La stigmatisation d'un bouc émissaire : associée quasi automatiquement au seulemployé, la résistance au changement peut être perçue comme un concept culpabilisant et destructeur4.

Toute force induisant une force contraire, la résistance au changement est cependantinéluctable. Un projet de changement sans résistance nécessiterait que chaqueparticipant appréhende la situation à l'identique et partage le même diagnostic: à moins de souffrir d'une forme extrême de groupthink, d'avoir annihilé toute individualité au sein d'une organisation, le cas paraît peu probable.

Longtemps appréhendée négativement comme un élément à surmonter, la résistanceau changement apparaît de plus en plus comme un phénomène naturel et sain. Elledevient même souhaitable. Ainsi, Paul Bauer (1993) considère que, telle la douleur,la résistance alarme les agents du changement. Pour E. A. Johns, la résistance estun pré-requis à tout projet de changement, qui fournit des retours d'informationbénéfiques et permet d'opérer les ajustements nécessaires. Considérée à sa justevaleur, la résistance force le management à un examen plus approfondi de la rationalitédes changements proposés, et contribue à briser des certitudes trop rapidementacquises. De plus, elle n'est pas l'apanage d'une catégorie particulière d'employés :si la résistance de la base est souvent visible car explicite, middle et top managersrésistent tout autant mais de manière implicite.

Quelles que soient les divergences d'approche conceptuelle, des attitudes de résistancese manifestent bel et bien. Pour envisager de réduire leur influence négative, il fautd'abord en repérer les manifestations et en comprendre les causes.

Comment résiste-t-on au changement ?Les manifestations sont diverses et peuvent d'emblée être classées en individuellesou collectives d'une part, actives ou passives d'autre part. Gérard Carton, consultantspécialisé dans la conduite du changement, propose une typologie intéressante endistinguant quatre formes de résistance :• L'inertie, caractérisée par une absence de réaction évidente au changement.

On laisse penser qu'on accepte le changement mais on cherche avant tout à gagner du temps et à différer son application ;

• L'argumentation, jeu dialectique dans lequel les doutes et les réserves sont verbalisés. C'est la forme la plus productive de la résistance, dans la mesure où

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4 Céline Bareil, Centre d'études en transformation des organisations, Cahier n°04-10, août 2004, Montréal.

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les choses sont dites ;• La révolte, réaction forte voire violente (demande de mutation, grève…), qui peut

être le fruit d'une certaine escalade dans les rapports de forces ;• Le sabotage, qui cache une révolte intense sous une soumission apparente. Il va

de pair avec la manipulation et son but est de démontrer l'inefficacité du changement proposé.

Si l'inertie est la forme passive de résistance par excellence, argumentation, révolteet sabotage en sont des formes actives. Chacune peut être le fait d'un seul individuou d'un mouvement de groupe (action syndicale…). On pourrait donc envisagerl'existence d'une échelle, de la résistance active au soutien actif, en passant par larésistance passive et le soutien passif. Chaque employé adopte une position dedépart dont il s'éloignera en fonction de facteurs individuels psychologiques et devariables organisationnelles.

Les causes individuelles de résistanceTout changement entraîne un bouleversement de l'ordre établi, la remise en questiond'une certaine forme de routine. Chaque individu y réagit en fonction de facteurspsychologiques personnels, telle la peur de l'inconnu, la crainte d'une perte depouvoir ou de statut, la peur d'être incapable de s'adapter, qui sont autant de facteursqui poussent à résister au changement. Il en existe bien d'autres, qui dépendent dela culture et de l'expérience de chacun, mais aussi du degré de confort que procurait« l'ancien ordre » amené à disparaître. Sans forcément craindre ce qui va arriver,pourquoi se réjouir de quitter une situation confortable ?

Face au changement, chacun réagit aussi à certaines variables organisationnelles.Paul Strebel (1996) nous invite à envisager la relation employeur-employé commeun contrat implicite, un ensemble d'engagements et d'obligations réciproques,qu'il appelle « personal compact ». C'est un contrat à la fois :• Formel : l'employé sait ce que l'entreprise attend de lui en termes de mission et

de performance (contrat de travail ou description de poste explicites) et ce qu'elle lui fournit pour faire correctement son travail ;

• Psychologique : il s'agit d'attentes mutuelles et d'engagements réciproques, plusimplicites, fondés sur des sentiments tels que la confiance ;

• et Socia l: c'est la perception de la cohérence entre les discours de l'entreprise (valeurs affichées) et ses actes (attitudes du management).

Pour Strebel, tout changement affecte la nature même du contrat et requiert uneredéfinition claire de ses clauses par le management. Il voit dans leur non-révisionune cause majeure de blocage et de résistance : « S'ils regardent à travers le prismede ‘personal compacts’ inchangés, les employés comprennent souvent mal, oupire, ignorent ce que le changement implique pour eux. » 5 Ainsi, lorsque la relationsupérieur-subordonné se dégrade, le cynisme est prompt à se répandre et à ralentirde manière significative toute action en faveur du changement. Dans une étudeappliquée, Reichers et al (1997) trouvent que le cynisme a de sérieux impacts sur larésistance au changement résultant du sentiment du subordonné d'être tenu à l'écart,

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5 Paul Strebel, Why do employees resist change? Harvard Business Review, mai-juin 1996.

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de ne pas être informé ou respecté par son supérieur. De même, Folger et Skarlicki(1999) voient dans la résistance au changement une manière de faire payer à l'entrepriseun traitement perçu comme injuste. Ainsi, un employé lésé ou heurté s'engagedans une action de vengeance afin de rétablir un accord préalable qu'il estime avoirété bafoué. Son action et sa réaction seront d'autant plus violentes que le préjudicecausé par le changement est important et que la conduite du supérieur dans cechangement aura été jugée inappropriée.

Les causes organisationnelles de résistanceSi l'on quitte l'individu pour l'organisation, une partie des arguments expliquant lesrésistances au changement se retrouvent dans une approche « écologique » de l'évolutiondes organisations (par exemple, Hannan et Freeman, 1984). Cette approche souligneque les entreprises plus inertes jouissent d'une plus grande stabilité et fiabilité et, defait, ont plus de chances de survivre. Ainsi, le changement entraîne souvent desconséquences imprévues et non désirées qui, à l'extrême, peuvent conduire l'entrepriseà sa disparition. Ainsi, comme un facteur de survie, une résistance au changementet une inertie organisationnelle s'installent.

Cette inertie s'installe grâce à des mécanismes sociopolitiques intra-organisationnelsde plusieurs types (Rumelt, 1994) :

• Une mauvaise perception : la myopie, c'est-à-dire l'incapacité à voir clairement l'aveniret la tendance à sous-estimer les signes des subordonnés ou de l'environnement ;le déni, souvent lié à l'arrogance qui conduit les managers à n'accepter que ce qui est attendu ou désiré ; la recherche du consensus au détriment d'une approche réaliste des faits (groupthink); le silence organisationnel ;

• Une faible motivation au changement : elle peut être due à des causes rationnellescomme des coûts directs (changer met en danger l'organisation) ou des coûts de cannibalisation (le changement est bénéfique pour un département mais néfaste pour un autre);

• Un manque de créativité : il peut résulter d'un changement si rapide de l'environnementqu'il paralyse la réponse de l'entreprise, d'une attitude qui considère la situation comme naturelle et inéluctable ou d'une vision stratégique qui n'est pas partagéepar les employés car déconnectée de la pratique quotidienne ;

• Des blocages politiques : quand bien même la direction de l'entreprise perçoit la nécessité d'un changement, des raisons politiques et culturelles peuvent créer des résistances;

• D'autres forces qui empêchent les actions de se produire : un défaut de leadership,des routines ou le dilemme de la première personne à sortir du statu quo.

Tour à tour positives et négatives, les résistances apparaissent comme réfractairesà un traitement uniforme. Un subtil dosage est nécessaire entre dissuasion de leursformes violentes ou silencieuses et encouragement de leurs formes constructives.Comment y parvenir ?

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Les approches participatives traditionnellesDès 1947, Coch et French militaient pour que les destinataires du changement participentdavantage à sa définition : les réunir et les impliquer en expliquant les raisons duchangement permettrait de neutraliser toute résistance. Aujourd'hui encore, lesapproches participatives sont régulièrement recommandées.

Considérant la résistance avant tout comme sociale, Lawrence (1969) recommandequant à lui une plus grande variété de tâches pour les employés, l'utilisation de termescompris de tous et une nouvelle vision du rôle de manager, défini davantagecomme un communicant qui stimule les interactions que comme un supérieur quiexécute un plan et le contrôle. Plusieurs mesures sont considérées judicieuses, enfonction des causes des résistances (Kotter et Schlesinger, 1979) :

1. Éducation et communication : si la résistance provient d'un manque d'information,communiquer le rationnel à l'origine du changement génère de l'implication maisrequiert du temps.2. Participation et implication : si l'on recherche une plus grande implication, faireparticiper les équipes à la conception du projet est efficace. Le risque est que celatourne à la cacophonie, entraînant de mauvais résultats. De plus, le processus peutêtre très long.3. Écoute et soutien : si la résistance provient d'une inquiétude face à l'avenir oud'une peur des nouvelles pratiques, écouter et fournir un soutien émotionnel estbénéfique. Mais on peut y consacrer du temps et des ressources certaines tout enéchouant.4. Négociation et accord : si un groupe perd quelque chose dans le changement eta un pouvoir de nuisance important, négocier et fournir des gages et des incitationssupplémentaires est opportun. En revanche, le coût peut être non négligeable et lemanager risque d'être pris en otage.5. Manipulation et cooptation : il est parfois utile, pour neutraliser une menace,d'impliquer un membre de la partie adverse dans l'exécution du changement. Peucoûteuse et rapide, cette mesure est cependant risquée : la découverte d'une tellemotivation peut résulter en une résistance accrue.6. Coercition : lorsque temps et ressources sont extrêmement limités, passer enforce et imposer une orientation sont parfois nécessaires. Efficace à court terme, leressentiment accumulé peut cependant se révéler dévastateur à moyen terme.

Cette approche se veut pragmatique et prend en considération les contingences duterrain. Elle suppose cependant que les causes des résistances puissent être clairementidentifiées, que le remède soit adéquat et qu'il puisse être administré. Or rien detout cela n'est évident. Il semble bien qu'il n'y ait pas de solution unique et encoremoins miracle, mais une multitude de facteurs à appréhender et à traiter.

Accompagner l'employé face au changement : la méthode des préoccupationsRompant avec les approches participatives classiques, Céline Bareil (2008) a élaboré

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un modèle centré sur les sept phases de préoccupations par lesquelles passe chaqueindividu face au changement, et qui peuvent être décelées lors d'entretiens.Chacune nécessite une action particulière du management (voir tableau).

En se focalisant sur le vécu de l'employé, cette approche a pour principal avantagede s'attaquer aux différentes sources de résistance au moment opportun. D'aucunsargueront que le processus est long et coûteux, mais peu de modèles apportentaujourd'hui un tel degré de clarté au manager agissant quotidiennement auprès deses équipes.

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Rien (aucune préoccupation)

Soi

L'organisation

Le changement

L'expérimentation

La collaboration avec autrui

L'amélioration continue du changement

N'a pas conscience que le changement s'appliquera à lui ou le dénie.

Se soucie alors de son devenir et de tout ce qui va l'affecter (pérennité du poste,perte de pouvoir...)

Questionne le sérieux de l'initiative et se demande si lechangement est là pour durer.

Se demande comment le changement va être mis en place.

Est assailli de doutes quant à sa capacité à faire face auchangement proposé.

Souhaite échanger avec d'autres employés et trouver des solutions collaboratives.

Se demande comment améliorerce qui a été mis en place.

Communiquer de façon précise lecontenu du changement et soulignerson importance ou son urgence.

L'écouter et le soutenir.

Démontrer le sérieux des motivations du changement et les moyens mis à disposition pour le mener à bien. L'attitude du management est scrutée et son exemplarité est capitale.

L'inviter à participer tout en communiquant le plan d'actions prévu et les ressources à disposition.

Jouer un rôle de support visant à faciliter un transfert de connaissances, en fournissantl'accès à des formations...

Motiver et faciliter les échangespour capitaliser sur le savoiracquis dans les stades précédents.

Doit continuer à être attentif auxidées et pistes émergentes afin detirer pleinement profit du processusd'intégration du changement.

Préoccupation centrée sur… L'employé… Le management doit…

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La multitude d'approches du concept de résistance au changement reflète bien l'intérêt et les progrès faits sur le sujet, mais elle est aussi troublante par sonhétérogénéité. Ses détracteurs appellent à une attention accrue à la complexité duphénomène et à son appréhension par le biais de modèles plus dynamiques.

Se pourrait-il que le modèle traditionnel et linéaire du changement – planning, évaluation,anticipation des résistances et remèdes pour les surmonter – soit erroné et doivedisparaître au profit d'un modèle non linéaire et non hiérarchique ? Penseur de lacomplexité et de la théorie du chaos, Jeffrey Goldstein le croit et, ce faisant, il bousculenos habitudes. Il nous invite à délaisser la notion de résistance pour nous focaliser surles forces d'attraction : tout système gravite autour d'un point d'attraction, et lechangement vise à modifier ce point d'ancrage ; s'il y a résistance, c'est que l'attractiondu nouveau centre est inférieure à celle exercée par l'ancien. Organisme vivant,l'entreprise se caractérise de plus par sa capacité d'auto-organisation. Nul ne pouvantprédire l'ordre émergent, les agents du changement ont donc à nourrir le contexte,à introduire les petits éléments qui auront de grands effets, à fournir sous formed'information l'énergie suffisante pour que le système quitte son équilibre initial.

Systémique était la définition de Lewin, systémique est la réponse de Goldstein.Adopter cette réponse revient cependant à abandonner le référentiel dominant, àcôtoyer complexité, ambiguïté, incertitude et à admettre l'impossibilité de prévoir unrésultat : autant d'éléments peu enclins à séduire le management et annonciateursd'une résistance aiguë.

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LA RÉSISTANCE AU CHANGEMENT

Élie Matta est professeur à HEC Paris. Ses intérêts de recherche portent sur la gouvernance des entreprises, le pouvoir et le leadership organisationnel.

Jonathan Hayes est doctorant en Ressources Humaines et Organisationà HEC Paris. Ses intérêts de recherche portent sur les problématiques de changement organisationnel, incluant la sécurité psychologique

des acteurs et leurs rapports avec leurs supérieurs hiérarchiques.

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« À l’image d’un voilier qui remonte au vent, il faut tirer des bords, plus ou moins serrés, plus ou moins longs, tout en gardant son cap en vue. »

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ien n'est plus naturel que le changement et rien n'est plus naturel que d'y résister ! » C'est ce que nos auteurs viennent de nous rappeler dans cette première partie. C'est bien là que réside toute la difficulté pour ceux, et ce sont les plus nombreux, qui n'aiment pas l'instabilité, quel

que soit leur niveau hiérarchique dans l'entreprise.

Pourtant, comme l'évoque Jean-Éric Bousser, le changement n'est pas un phénomènenouveau. Depuis l'origine des temps, les catastrophes naturelles, les guerres, lesgrandes découvertes, les idées nouvelles ont provoqué des bouleversements dansl'organisation des sociétés humaines, qui ont dû s'adapter, se transformer parfoisau point de devenir tout à fait autres, quand elles n'ont pas disparu faute d'avoirréussi à gérer leur mutation. Car ce n'est pas tant le changement en soi qui effraieque son impact sur les relations sociales, qui compromet la stabilité que toutesociété a vocation à garantir entre ses membres, grâce à une culture, des normeset des règles durables.

Aujourd'hui, la résistance au changement est considérée comme une réaction sainequi aide à porter un regard critique sur des certitudes parfois trop rapidementacquises. Élie Matta et Jonathan Hayes nous expliquent qu'elle doit être perçuecomme un pré-requis indispensable à un dialogue constructif permettant d'apporterles ajustements nécessaires. La résistance se manifeste de diverses manières. Elle peutêtre collective ou individuelle d'une part, passive (l'inertie) ou active (l'argumentation,la révolte, le sabotage) d'autre part. La résistance individuelle relève de facteurspsychologiques personnels et de variables organisationnelles comme la modificationdu contrat implicite qui lie l'employé à son employeur. La résistance collectiveprovient de la crainte des conséquences imprévues et non désirées du changement,conduisant les organisations à une certaine inertie.

Dans un monde en constante mutation, où l'innovation et la concurrence sont à labase du système de production de richesses, comment stimuler le changement touten maintenant une relative stabilité ? Tout l'art de la conduite du changement consisteà trouver la voie qui permette de réduire au maximum les incertitudes et d'assurerà terme la pérennité de l'organisation. C'est en s'efforçant d'anticiper les signesannonciateurs d'une modification de l'environnement que les organisationsadoptent une attitude proactive et ne subissent plus des changements perçus au

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TRIBUNE

D'un changement subi à une activité positive et permanente

RPar Gregory Godenne & Henri-Paul Missioux

D'UN CHANGEMENT SUBI À UNE ACTIVITÉ POSITIVE ET PERMANENTE

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départ comme contraints. Comme le montre Yves Ducrocq, pour que le changementdevienne une activité positive, il faut lui donner du sens en comprenant dans quellemesure les valeurs, la culture et les croyances de l'organisation vont évoluer. Cetteévolution doit aussi être communiquée vers l'externe, afin que la vision des clients,prospects et partenaires s'aligne sur celle de l'organisation. Comprendre le sens duchangement, c'est avoir une vision claire de ce que l'on va collectivement essayerd'atteindre.

Certains vous diront qu'un consultant comme nous trouve de toute façon soncompte à promouvoir le changement ! Soit, mais nous apportons une garantie quela période d'instabilité qui sépare l'état initial de la cible va être optimisée soustous les angles nécessaires. Le changement ne peut pas être abordé de manièreuniforme pour toutes les organisations. Il doit varier dans sa durée et son intensité ;et faire l'objet d'un accompagnement différent selon le degré d'adhésion ou derésistance. Des approches participatives traditionnelles à la méthode des préoccupations, en passant par des modèles non linéaires et non hiérarchiques oùl'on raisonne en termes de forces d'attraction, le changement ne s'apparente pas àune ligne droite vers l'objectif que l'on s'est fixé. À l'image d'un voilier qui remonteau vent, il faut tirer des bords, plus ou moins serrés, plus ou moins longs, tout engardant son cap en vue.

Le changement a beau être une composante naturelle de l'évolution, il n'endemeure pas moins un moment critique dans la vie d'une entreprise où l'émotionnelpeut rapidement prendre le pas sur le rationnel. Changer requiert la mobilisation detoute l'organisation, du top management aux employés sur le terrain. Changerreste un exercice périlleux qui débouche dans de nombreux cas sur un échec.Changer est d'autant plus difficile que l'on a peu l'habitude de gérer ce genre de situation.L'expérience et un regard externe sont alors des facteurs de réussite qui vont aiderà provoquer le besoin de changement tout en gardant la maîtrise du processus,permettant ainsi d'obtenir des résultats pérennes.

Gregory Godenne Consultant, Celerant Consulting

Henri-Paul MissiouxVice-président Operations, Celerant Consulting

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D'UN CHANGEMENT SUBI À UNE ACTIVITÉ POSITIVE ET PERMANENTE

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DEUXIEME PARTIE

Des Hommes qui agissent et qui s’engagent

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« Le change manager est à la fois persistant et flexible, enthousiaste et lucide, et toujours loyal. »

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La réussite du changement repose sur un impératif: gagner les cœurs et les esprits,créer l'adhésion des équipes. C'est la mission du change manager, pièce maîtressedu changement, mandaté par le top management. Pour la mener à bien, il doit fairepreuve de qualités indispensables, et pouvoir s'appuyer sur des valeurs fortes.Portrait d'un mouton à cinq pattes.

l est celui qui allie la technique de management de projet et le supplémentd'âme qui va fédérer les énergies autour de la vision partagée d'un état futur. Il doit donc tout d'abord comprendre cette vision et s'en imprégner, car elle sera le point d'ancrage principal du projet, la

référence à l'aune de laquelle les choix seront pesés. Membre à part entière de l'entreprise,le change manager est là pour l'aider à transformer cette vision, ce « rêve » en réalité.À quoi ressemble cet accoucheur de rêves ?

Deux compétences clésPour mener à bien sa mission, il s'appuie sur deux compétences clés : c'est d'abordun professionnel de la gestion de projet. Sans technique, pas de réalisation concrèteet mesurable. Un projet de transformation est avant tout un projet, c'est-à-dire unpérimètre avec des objectifs clairs, un planning d'activités comportant des jalonsintermédiaires compréhensibles par tous, une équipe projet où les rôles et contributionsde chacun sont connus, un suivi rigoureux de l'avancement et des dépenses par rapportau planning prévisionnel et, bien sûr, une gouvernance simple, reconnue et appliquée.

Mais il a aussi ce supplément d'âme qui va permettre aux individus d'aller au-delàdes frontières habituelles de leur écosystème et ce, de façon durable. Il ne doit pasincarner le changement mais l'accompagner au travers d'une réelle présence à lafois ferme, protectrice et effacée. À l'écoute du terrain, mais également des clientsinternes ou externes, il ajuste les actions et leur rythme à ce que l'organisation estcapable de supporter. Il sert les objectifs du top management mais est au servicede l'organisation tout entière. Il ne peut se contenter de donner des ordres maisdoit faire en sorte que les décisions menant à l'objectif soient prises à tous les niveauxde l'organisation. Il suggère, éclaire, ouvre des portes sur de nouveaux horizons.Mais pour cela, il doit en premier lieu être à l'écoute de l'organisation et des individusqui la composent, à l'écoute de leur adhésion, de leur enthousiasme, de leurs croyances,de leur résistance. Car c'est alors qu'il peut agir efficacement, modérer, accélérerou même influencer le top management pour ajuster la direction à prendre.

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2.1

Le change manager :conquistador ou sherpa ?

Par Isabelle Domergue

I

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Son premier devoir est l'honnêteté, la loyauté et le courage. Car c'est à cette conditionqu'il pourra durablement compter sur le soutien des acteurs clés, dont il a besoin.

Seul, il n'est rienPour atteindre un état futur, il faut que cet état soit défini : c'est la vision de l'entreprise,souvent préparée par la stratégie, et portée en premier lieu par le top management.Cette vision qui, par définition, sera rarement précise, se doit d'être claire et inspirante.C'est elle, le premier moteur du changement car elle est la référence commune verslaquelle on tend. Elle est le socle d'un projet commun qui allie tous les acteurs duchangement.

Le change manager reçoit mandat du top management pour amener l'organisationvers cet objectif, transformant alors une vision en une réalité. Sans mandat, pas delégitimité, quelle que soit la position dans l'organisation. Et tout au long du projet,le top management sera sollicité pour réaffirmer les objectifs, valoriser les premiersrésultats obtenus, confirmer des orientations, etc. Autrement dit, le change managerdoit pouvoir s'appuyer sur le soutien visible du top management pour le projet. Parailleurs, rien ne peut se faire, se transformer en réalité, sans les équipes. Ce sontelles qui vont–ou non–adhérer au projet. Ce sont elles qui vont être impactées etqui peuvent donc donner corps au changement ou, au contraire, l'étouffer dans l'œuf.

C'est pour cela qu'un change manager n'agit jamais seul dans son bureau : en bonconquérant de l'avenir, il est au contraire au plus près du terrain pour créer les conditions pour que les équipes soient les acteurs volontaires d'un changementrendu nécessaire par la stratégie de l'entreprise. La co-création est bien souvent lapremière clé du succès. Il ne s'agit pas, bien sûr, de faire de l'angélisme et de laissercroire que la stratégie de l'entreprise ou son projet de changement peuvent êtredécidés de façon démocratique. Il s'agit plutôt d'utiliser un espace de liberté(le « comment y arriver ? ») pour impliquer les équipes impactées et les rendreacteurs et décideurs de leur transformation.

Un exemple : une société, poussée par un marché déclinant, décide, après plusieursannées de réduction des coûts « classique » , d'envisager la délocalisation d'une partiede ses activités de service clients en Europe. Bien sûr, beaucoup d'autres organisationssont passées par là, les techniques pour mener à bien un tel projet sont connues etde nombreuses sociétés de conseil proposent leurs services sur ce sujet. Mais lerôle du change manager est en premier lieu de faire en sorte que les managers deces équipes, amenées à disparaître, s'approprient le projet et décident que d'unepart, c'est la seule solution, d'autre part, ils sont les plus à même de conduire ceprojet, à la fois pour la continuité du business et pour le bien de leurs équipes.

La première tâche d'un change manager est bien souvent de créer et fédérer unréseau d'individus venant de toutes les parties de l'organisation et représentantdifférents niveaux hiérarchiques; des individus que rien ne lie, si ce n'est le projetde transformation et leur adhésion à ce projet. On les appelle parfois les agents duchangement ( « change agents » ). Ils sont non seulement les ambassadeurs du projet

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dans leur entourage professionnel quotidien, mais les yeux et les oreilles duchange manager. Au plus proche du terrain, ils savent trouver les exemples concretsqui permettent à leurs collègues et équipes de visualiser les objectifs visés et lesavantages qu'ils y trouveront. Ils savent percevoir les doutes et résistances et encomprendre les raisons et conséquences. Leurs contributions sont précieuses carc'est grâce à eux que l'on pourra, en continu, ajuster en particulier la communicationpour susciter l'adhésion de la plus grande majorité des équipes impactées.

Ce qui rassemble les change agents, en plus du projet lui-même, c'est le changemanager qui les guide, les soutient et les fait fonctionner en réseau, un réseaufédéré autour de valeurs communes.

Le change manager, un Homme de valeursUn change manager, porteur de ce supplément d'âme dont on a parlé plus haut, estdoté d'un savoir être fort. Héritier de l'humanisme, le goût des autres et le sens del'intérêt général lui permettent de renouveler sans cesse l'énergie dont il a besoinpour avancer et faire avancer l'organisation.

À l'écoute et leader (il est avant tout un manager), il est capable de détecter lesmoindres succès et mettre en valeur ceux qui les ont accomplis (règle d'or : jamaislui-même !). Il est aussi capable d'anticiper les difficultés à venir, pour mieux préparerl'organisation à les franchir.

Un projet de transformation étant rarement un long fleuve tranquille et prévisible,le change manager idéal est à la fois persistant et flexible, enthousiaste et lucide, ettoujours loyal envers le top management comme envers les équipes. Cela ressemblefort à la quadrature du cercle… Et pour se rapprocher de cette description idéale,faire chaque jour le grand écart entre la vision et la réalité du terrain, le changemanager puise son énergie dans des valeurs fortes, non seulement celles de l'entreprise,mais ses valeurs personnelles qui sont souvent en rapport avec ce que l'on pourraitappeler « le goût des autres ».

Pour jouer pleinement son rôle délicat de leader qui reste en retrait, il doit être convaincu de l'importance et de la noblesse de servir : servir l'entreprise, le managementet les équipes. Servir les autres, plutôt que son ambition personnelle. Et d'ailleurs,le danger qui le guette, comme beaucoup de ceux qui réussissent, est l'ivresse dupouvoir : le pouvoir de changer les choses, le pouvoir d'influencer…

Le sens de l'écoute du change manager s'appuie lui aussi sur des valeurs : le respectde l'autre, le respect de points de vue différents, le désir de comprendre. Par ailleurs,un projet de transformation ne réussissant que s'il y a une réelle appropriation parle terrain, le change manager doit toujours rester humble et mettre en valeur l'autreplutôt que lui-même. Les meilleures idées et réalisations d'un change manager sontcelles qu'il a si bien transmises qu'elles se retrouvent portées par les managersopérationnels, et qu'il retrouve au détour d'une conversation de couloir ou lorsd'une réunion. Et malgré les frustrations qu'il peut parfois avoir (après tout, il est

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humain !), il doit toujours veiller à être sincère lorsqu'il met l'autre en valeur.

Enfin, le courage n'est pas la moindre des qualités dont il doit faire preuve: couragede dire non à telle ou telle équipe, courage d'alerter le management lorsque leschoses ne se passent pas comme prévu, courage de faire face à ses propres doutes.

Un projet de transformation, parce qu'il doit remettre en cause en profondeur leshabitudes de l'organisation, suscite rarement un enthousiasme unanime et continu.Il n'est donc pas rare de rencontrer des réactions d'opposition parfois violentes. Lesystème de valeurs du change manager lui permettra de jouer pleinement son rôletout en restant honnête avec les autres et lui-même.

Il arrive parfois qu'un changement entre en contradiction avec ses valeurs personnelles;par exemple, un projet de réduction de coûts drastique qui peut supprimer touteune catégorie de postes en Europe ou entraîner la fermeture d'une usine. Dans cecas, certains préféreront refuser la mission, estimant qu'ils ne pourront la mener àbien sans compromettre ce en quoi ils croient ; ce qui, au mieux, générerait uneinefficacité dommageable au projet, au pire, créerait une réelle souffrance personnelle.

Le change manager, un Homme faillibleLe change manager est avant tout un homme (ou une femme !) et quelles que soientses qualités, il doit aussi faire face à ses propres découragements.

Tout d'abord, il ne doit pas ignorer ses doutes, au risque de se crisper sur les objectifsà atteindre et de laisser en chemin les équipes, qui sont les seuls vrais acteurs duchangement. Mieux il se connaîtra lui-même, mieux il saura percevoir et analyser sesdoutes pour mieux rebondir. Savoir, c'est comprendre et comprendre, c'est progresser.Il peut passer par toutes les affres de la vallée du désespoir, depuis le découragement,la peur de ne pas réussir, jusqu'à la souffrance de devoir faire des choses en contradictionavec ses propres valeurs.

Pourquoi s'appesantir sur ses propres doutes ? D'abord, parce qu'ils peuvent toutsimplement être « en avance de phase » par rapport au reste de l'organisation. Lescomprendre et les surmonter lui permettront alors de mieux gérer les résistances àvenir. Ensuite, parce qu'ils peuvent être ressentis par le reste de l'organisation : lemanagement, les change agents, les équipes. Et qu'alors, chaque intervention duchange manager pourra avoir un impact inverse de celui recherché (par exemple,inquiéter plutôt que rassurer). Enfin, parce que des doutes ne s'effacent pas par décret.Enfouir la tête dans le sable n'a jamais aidé à progresser. C'est en comprenant l'originede ses doutes que le change manager pourra continuer à conduire le bateau à bon port.

Doit-il les cacher, les partager et, si oui, avec qui ? C'est une question difficile pourlaquelle chacun a sa propre réponse. Faut-il jouer la carte de l'honnêteté jusqu'aubout et être transparent avec l'équipe projet ? Sans doute pas, car cela risqueraitde créer des perturbations qu'il lui faudrait ensuite gérer. Par contre, partager sesdoutes avec quelques « sparing partners » lui permettra de mieux les surmonter et

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de plus rapidement les transformer en force. Et les partenaires potentiels ne manquentpas : le sponsor (celui qui, au sein du comité de direction, porte plus particulièrementle projet), mais à la condition – comme souvent – d'arriver aussi avec des réponses, desalternatives, des options. Autre solution : s'appuyer sur les consultants qui soutiennentle projet. Sans attache particulière avec l'entreprise, forts de nombreux retoursd'expérience, ils ont souvent le recul nécessaire pour aider à en prendre soi-même.Partager ses interrogations au sein d'un réseau de professionnels du changementest aussi une option intéressante, pour les mêmes raisons que la précédente, en yajoutant le fait que cela oblige à formuler clairement le problème. Enfin, la sphèreprivée peut parfois suffire car le simple fait d'en parler permet déjà d'envisager dessolutions possibles. Et puis, pour les cas les plus complexes et liés à des problématiquesde leadership et de comportement, n'oublions pas les coachs !

Quoi qu'il en soit, les doutes du change manager sont aussi sa richesse, qui va luipermettre de mieux comprendre les réserves et interrogations des autres. Et, au-delàde sa compétence, ses valeurs et ses convictions sont ses premières sources d'énergiepour rebondir.

Et après ?Lorsque le projet est terminé, lorsque le sommet est en vue, vient le temps pour lechange manager de s'effacer. La pérennité des résultats obtenus doit avoir été l'unde ses premiers soucis. Une transformation réussie n'est pas un château de sableemporté par la première vague. Les équipes se sont approprié la vision, ont déclinéopérationnellement les changements à mettre en œuvre et les ont ancrés dans leurréalité. Le chef d'orchestre, le servant, peut et doit maintenant disparaître de leurécosystème.

Que devient-il alors ? Membre à part entière de l'organisation, il doit considérerson futur proche au sein de l'entreprise. Au-delà des cas individuels, se pose laquestion de la pérennité d'une telle fonction.

La conduite du changement doit-elle être envisagée comme une fonction durable ?Même si les changements perpétuels du marché, des clients, des techniques permettent de dire qu'il y a toujours un projet de transformation quelque part, l'option « fonction pérenne » présente le danger d'auto-générer les projets, aurisque d'une déconnexion avec les besoins réels de l'organisation et sa capacité àabsorber les changements de façon durable. Malgré tout, des entreprises de tailleimportante peuvent trouver un intérêt à considérer le change management commeun besoin permanent, et envisager d'avoir à disposition un vivier interne de professionnels qui passent d'un projet à l'autre (et d'une organisation à l'autre) ausein de l'entreprise. Ils présentent en effet l'avantage de l'efficacité immédiate. Ces accoucheurs de rêves connaissent les techniques de projet et de change management et sont familiers des enjeux de l'entreprise. Cependant, cette optionn'est pas sans danger car elle peut conduire à une certaine usure du change manageret à une déconnexion de la réalité opérationnelle et terrain.

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L'option la plus souhaitable est sans doute celle du « rôle temporaire », pourplusieurs raisons. Le change manager qui, en fin de projet, retourne dans l'opérationnel,va s'enrichir d'une nouvelle expérience et se ressourcer en se confrontant à la réalitéquotidienne. Il va pouvoir recapitaliser de l'énergie mais aussi renforcer sa légitimitéopérationnelle. Et, plus important encore, il va impulser son savoir être dans uneactivité opérationnelle. Car l'objectif ultime en termes de conduite du changementest bel et bien que chaque manager, chaque leader soit un change manager enpuissance. Le monde bouge, de plus en plus vite, avec des sauts de plus en plusimportants, et toute entreprise, de la PME au grand groupe, se doit de s'adaptersans cesse à ses clients, son marché, son environnement au sens large. Aussichaque manager est-il amené de plus en plus à conduire le changement. Etd'ailleurs, certains groupes l'ont bien compris, qui incluent dans leurs formationsau management, y compris de haut niveau, une composante conduite du changementde plus en plus importante, en temps et en complexité. Il n'empêche, bien sûr, quecertains projets de transformation complexes nécessitent et nécessiteront encorependant quelque temps l'accompagnement spécifique d'un change manager.

Alors, conquistador ou sherpa ? À l'évidence, la réponse est double : le change manager est un conquistador qui aidel'organisation à conquérir de nouveaux territoires mais c'est aussi un sherpa, auservice de l'entreprise, résistant à la tentation de se mettre en avant pour permettreune réelle appropriation du changement par les équipes, qui en sont les vrais acteurs.

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LE CHANGE MANAGER : CONQUISTADOR OU SHERPA ?

Isabelle Domergue est membre fondatrice du Celerant Change Club. Elle a été Change Manager du secteur Réacteur d'Areva jusqu'en décembre 2009, après avoir exercé des fonctions similaires chez Shell en

Europe. Elle est maintenant en charge de fonctions plus opérationnelles chez Areva.

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« Le top management doit incarner le changement, en être l'image, le visage, auprès de tous les collaborateurs. »

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L'implication du top management n'est pas seulement déterminante mais impérativedans la conduite du changement. C'est le top management qui va donner l'impulsionnécessaire à travers une vision, mais aussi guider, recadrer tout au long du processusde changement et même au-delà, en s'assurant de la pérennisation des changementsréalisés. Il est donc un acteur, sinon l'acteur majeur de la conduite du changement.Par-dessus tout, pour démontrer qu'il croit en la nécessité du changement, il devras'engager pleinement et l'assimiler dans son propre comportement.

u milieu des années 90, le top management d'une multinationale, désireux de faire évoluer le groupe et sa performance, décida de lancer un vaste programme de reengineering visant à repenser tous les processus pour les optimiser. Inspiré par les méthodes d’amélioration

continue et les cercles de qualité japonais, ce programme proposait aux collaborateursformant la « base » de l'entreprise de faire abstraction des processus existants etde reconsidérer les méthodes de travail sous un œil totalement neuf. Leurs réflexionsdevaient être formalisées sous forme de propositions, qui seraient validées par lemanagement intermédiaire. Et si ce dernier s'y opposait, qu'à cela ne tienne : le topmanagement avait annoncé qu'il ferait « sauter » les éventuels verrous bloquant lamarche inexorable du progrès !

Bien des idées furent émises, mais peu aboutirent. Le middle management donna sonfeu vert en fonction de considérations qui pouvaient sembler par trop matérielles,empiriques et dénuées de vision, notamment aux yeux des jeunes collaborateursqui avaient travaillé sur ces sujets. Ceux-ci durent donc rentrer dans le rang etrevenir à des propositions beaucoup moins ambitieuses.

Que nous enseigne cette histoire ? D'abord, que l'implication du top managementne s'arrête sûrement pas au lancement du programme de changement. Ensuite,qu'un changement proposé par la base ne peut se faire qu'avec son aval et sonengagement. Alors, le top management est-il la pierre angulaire de la conduite duchangement ?

Le top management, leader naturel du changement ?C'est un fait : le top management, c'est-à-dire la direction d'une entreprise ou detoute entité d'affaires importante au sein d'un groupe, est quasi exclusivement à

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2.2

Le top management :maillon essentiel du changement

Par Nicolas Orfanidis

A

LE TOP MANAGEMENT : MAILLON ESSENTIEL DU CHANGEMENT

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l'origine des programmes de changement. Comment l'expliquer ? Naturellement, lafonction du dirigeant d'entreprise fait de lui le visionnaire du devenir de son entreprise.Il doit développer une vision, puis une stratégie qui l'amèneront à anticiper etdéterminer les changements nécessaires à la meilleure performance de son entreprise,et par là-même à sa survie dans un environnement compétitif.

De manière générale, les collaborateurs et même l'encadrement intermédiaire nepeuvent se forger une telle vision, car ils ne disposent pas d'une vue d'ensemblede l'entreprise et des contraintes qui s'exercent sur elle6. Toutefois, plus la taille del'entreprise sera petite, plus les collaborateurs comprendront, voire anticiperontses enjeux – ce qui devrait normalement faciliter l'adhésion au changement ou, àl'inverse, le contrecarrer s'il est mal conduit.

La nécessité du changement peut aussi être perçue en avance de phase par les col-laborateurs, parce que l'optimisation du travail quotidien est ressentie comme unbesoin impérieux d'amélioration. Mais ils n'auront pas pour autant les moyens etles informations nécessaires pour déterminer la nature et l'importance du changementrequis. Là encore, c'est naturellement le rôle du dirigeant, seul à maîtriser tous lesparamètres et donc à pouvoir estimer la pertinence d'un programme de changement.

Il arrive aussi que des patrons de branches spécialisées ou de business units dans desgrands groupes anticipent sur les changements nécessaires dans leurs secteurs,avant même que la direction générale de l'entreprise ne les perçoive complètement.Dans ce cas, il convient de convaincre le top management du bien-fondé des évolutionssouhaitées. Et, bien entendu, de présenter le sujet avec une réflexion de dirigeant :vision, stratégie, moyens alloués, retour sur investissement, etc. Une fois cela fait,il est absolument nécessaire que le top management reprenne à son compte l'initiative du changement, et ceci pour deux raisons :

• Le changement peut être pertinent pour une partie de l'entreprise mais non valide, voire dangereux dans sa globalité ; seule la vision d'ensemble du top management permet d'en juger ;

• Même s'il s'inscrit dans un périmètre restreint, ce projet doit être « adoubé » par letop management pour montrer à l'ensemble des collaborateurs concernés qu'il s'agit bien d'un projet important pour l'entreprise, reconnu comme tel par l'équipe dirigeante. Ceci est d'autant plus vrai si le projet en question peut impacter, de manière directe ou indirecte, les autres entités de l'entreprise, voire leur être étendu (transversalisé).

L'idéal, dans ce cas, est d'inscrire le projet spécifique dans un programme dechangement plus vaste développé au niveau global de l'entreprise. Ainsi, il prend unaspect « corporate » , la direction générale valide son bien-fondé et affiche son soutien.

Enfin, en validant un programme de changement, le top management met en jeuune partie de sa crédibilité. Son comportement sera scruté, analysé et interprétépar les collaborateurs de l'entreprise. Il se doit donc d'être un modèle. Pourquoi les

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6 Il est dans la nature humaine de vouloir améliorer les choses, de rechercher l’efficacité pour rendre les processus aisément applicables, procurant ainsi méme un confort souhaité. Aucun manager ne devrait considérer que des collaborateurs

puissent se complaire dans une situation non optimisée. Seul un manque de communication peut le laisser penser.

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collaborateurs devraient-ils accepter ou appliquer ce qui ne l'est pas par desdirigeants censés montrer la voie ? Pourquoi s'engageraient-ils dans le changement– ce qui n'est naturel pour personne – s'ils ne sentent pas un engagement fort deleurs dirigeants ? Le top management va donc devoir incarner le changement, enêtre l'image, le visage, auprès de tous les collaborateurs. Et ce, en vivant le changement,en s'impliquant tout au long du processus et en allant au contact du terrain.

Donner l'exemple et assurer pleinement les responsabilités liées à la décision d'implémentation du changement demanderont du courage. C'est le cas de touteremise en question, car vous allez entraîner avec vous un certain nombre de collaborateurs sur la base de conjectures. Nous ne parlons pas ici des programmeslancés tardivement et pour lesquels la survie de l'entreprise est déjà en jeu. Le vraicourage est de savoir prendre des décisions importantes et difficiles lorsque la situation présente ne démontre pas encore la nécessité des actions envisagées.

Convaincre, communiquer, rassemblerUne fois l'impulsion donnée par un dirigeant modèle et courageux, quelles serontles premières étapes ? Le lancement d'un programme de changement impose entout premier lieu un engagement fort du top management dans sa promotion au seinde l'entreprise. Cet engagement sera d'autant plus important que le changementira à l'encontre de la culture et des valeurs de l'entreprise, des gènes de ses collaborateurs ou de processus et méthodes de travail bien établis et pas forcémentinadaptés au présent.

Bien entendu, la direction de la communication, ou des consultants internes ouexternes, viendront soutenir la direction de l'entreprise dans cette tâche, mais ilrevient quand même à celle-ci de monter en première ligne et de donner du sens auchangement. Comment ? En expliquant, décryptant de manière simple et claire lanécessité du changement, en explicitant le pourquoi, le comment et la finalité pourconvaincre tous les futurs acteurs de ce changement, car ce sont eux qui le réaliseront.

À travers cette première étape de communication auprès des salariés, le top managementdevra donc faire passer sa conviction que le changement est nécessaire, voire dansla plupart des cas urgent. Ce sentiment d'urgence permettra le plus souvent derassembler les collaborateurs autour du projet et de les motiver en vue de sa réussite.Cette étape passera concrètement par la présentation :

• D'analyses portant sur le présent et le futur de l'entreprise,• De la vision du top management pour l'entreprise,• De la stratégie définie et des axes de travail privilégiés pour éviter à l'entreprise

de prendre un chemin mettant éventuellement en péril sa survie à terme.

En résumé, il s'agit de faire comprendre que le changement est impératif poursécuriser le futur de l'entreprise. Tout cela demande bien entendu de communiqueravec transparence autant que faire se peut. L'adhésion des collaborateurs sera d'autantplus forte que la transparence donnée renforcera la crédibilité des décisions prises.

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Ce processus de communication exige par ailleurs une cohésion et une coordinationparfaite au sein de la direction. En particulier, lorsque le programme de changementest appliqué à une entité en situation difficile (business unit, branche…) au seind'une entreprise saine : un exemple vécu a ainsi montré que le top management dela société pouvait parfois passer des messages moins dramatiques que celuivéhiculé par la direction de la BU. Cette dissonance peut décrédibiliser le messagesur le caractère urgent du changement et réduire à néant les efforts des managersopérationnels. Les dirigeants devront donc faire attention à bien gérer la communicationau tout début du projet. Pour cela, le top management doit être soudé, solidaire etcohérent. Toute faille ou dissension pourra produire un message confus, brouillerla volonté et les objectifs de la direction et, en conséquence, donner prise à desrésistances au changement.

Structurer, identifier les acteurs, motiverCette impulsion, puis cet engagement au début du processus de changement sont-ilssuffisants ? Sans aucun doute, non. Une fois convaincus, les collaborateurs ne vontpas prendre seuls le chemin du changement. Le pilotage du programme de changementsera essentiel à sa réussite. Il appartient ici au top management d'identifier un vraichef de projet, avec des qualités de leadership et de charisme, de rigueur et d'organisation, mais aussi de dynamisme, qui lui permettront de remplir avec succèssa mission. Le top management a donc l'obligation et la responsabilité d'identifierles ressources clés pour le pilotage du programme, qui sauront également relayerles messages du top management au sein de l'organisation.

Il est aussi de sa responsabilité de donner les moyens matériels et surtout humainsà ce leader, chef de projet ou change manager 7 dans certains cas, pour réaliser samission ; et de lui déléguer les responsabilités nécessaires à la mise en place duprogramme dans l'entreprise. Particulièrement en cas de conduite transverse du changement dans des organisations matricielles.

Tout responsable de la conduite du changement devra donc se faire le relais du topmanagement, tout en disposant de l'autonomie nécessaire pour impliquer un maximum de collaborateurs convaincus. Le programme de changement est avanttout un projet opérationnel réalisé par les collaborateurs et pas uniquement le projetde la direction.

Recadrer, donner la directionUne fois le changement défini, le programme de réalisation structuré, la tentation estgrande pour le top management de passer le relais et de se détacher de la réalisationopérationnelle du changement. Ce serait un danger certain. Le rôle du top managementest tout aussi important pendant la phase opérationnelle, car le processus vanaturellement traverser des crises, qui vont soumettre les principaux acteurs duprogramme à des pressions fortes. Les périodes de doute vont succéder à cellesd'euphorie. C'est ici que le top management devra rester vigilant, apporter son soutienassuré lorsque le besoin s'en fera sentir, ou bien exercer une saine pression pour

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7 Voir le chapitre 2.1, p. 46

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donner l'orientation voulue, recadrer le programme, voire le modifier pour atteindreles objectifs définis. Il devra aussi s'adapter aux événements et aider à lever lesrésistances, notamment en communiquant autant que nécessaire, mais surtout enarbitrant, en prenant des décisions et en montrant toujours la voie à suivre.

Tout cela passe impérativement par une implication régulière dans le suivi du programme, implication de préférence organisée à travers une structure de pilotage ou de supervision au plus haut niveau, qui fixera des étapes jalons ets'assurera du progrès des travaux et des résultats obtenus. Il est important que letop management insuffle le rythme nécessaire au projet pour que sa dynamiquesoit constante. Par ailleurs, le rythme défini et partagé avec l'équipe projet permetde synchroniser tous les acteurs du programme de changement, de maintenir leurcohésion et leur motivation. Cela permet également que les top managers soient enphase avec l'avancement réel des actions sur le terrain.

La saine pression nécessaire à la remotivation des troupes n'est toutefois pas toujoursressentie comme telle. Qui peut apprécier de se faire tancer par son président surla gestion de la conduite du programme de changement ? En tant que collaborateurou manager de première ligne, vous pouvez vous demander pourquoi le ciel voustombe sur la tête ! Et pourtant, il s'agit souvent tout simplement de la pression quele top management exerce pour aider les acteurs du changement à faire ressortir lemeilleur d'eux-mêmes, afin de passer les caps difficiles.

Un autre point très important est la reconnaissance à l'égard des acteurs duchangement. Le top management devra en effet valoriser les actions réalisées, et parconséquent leurs auteurs. C'est un aspect important de la conduite du changementque de savoir valoriser et remercier, voire récompenser les acteurs positifs duchangement. Comme le processus de changement repose avant tout sur desvaleurs humaines et des moyens humains, le top management ne devra jamaissous-estimer la gestion humaine du processus et de ses acteurs.

Avec ce contact direct du top management et son implication forte dans toutes lesphases du processus, les acteurs du changement prendront conscience que celui-ciest considéré comme vital au plus haut niveau pour l'avenir de l'entreprise. En cela,l'implication du top management dans la phase opérationnelle, au moins dans sasupervision, est primordiale. C'est une des raisons pour lesquelles on peut considérerque sans l'implication du top management, un programme de changement est vouéà l'échec.

Pérenniser, assurer la continuité du changementIl y a bien sûr d'autres facteurs nécessaires au succès, notamment l'inscription duchangement dans la durée. Là encore, il est de la responsabilité du top managementde s'assurer de la pérennité des changements réalisés. Combien de programmesd'optimisation visant à changer des habitudes ancrées, qui, une fois achevés avecsuccès, voient les changements apportés disparaître presque aussi vite qu'ils sontapparus ? « Chassez le naturel, il revient au galop », dit le bon sens populaire. Rien

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n'est plus vrai. Il est inscrit dans l'Homme de répéter les choses car cela procure uncertain confort et nécessite donc une moindre dépense d'énergie. Il faudra doncidentifier les obstacles à la pérennisation et veiller à l'assimilation des nouveauxprocessus ou méthodes.

L'engagement du top management va ainsi au-delà de la simple clôture opérationnelled'un programme de changement. Sa réussite finale se mesurera dans la durée, pasà l'instant où l'on aura déclaré officiellement son achèvement.

Le top management est sans aucun doute un acteur majeur du changement, le filconducteur qui va porter le programme de bout en bout au sein de l'entreprise. Ildoit en être le modèle, premier garant de l'application du changement. Il devraégalement convaincre les collaborateurs du bien-fondé du changement, ensoutenir les acteurs et savoir apporter la reconnaissance nécessaire aux effortsconsentis. Cet engagement constant sera le socle fertile à la pérennisation deschangements réalisés, ultime étape trop souvent négligée et qui sanctionne pourtantle succès ou l'échec d'un programme.

Est-ce qu'alors le rôle du top management est enfin terminé ? Le processus dechangement se conçoit-il par paliers ou de manière continue ? Dans un mondeéconomique en perpétuelle évolution, avec, semble-t-il, un raccourcissement descycles économiques ou, à tout le moins, une accélération des processus d'informationet de décision, on peut se demander si le monde de demain n'appartient pas auxtop managers qui sauront mettre en place des processus de changements continus,permettant ainsi à leur entreprise de s'adapter en permanence. Sûrement l'un deschallenges les plus intéressants à venir pour les managers du XXIe siècle.

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LE TOP MANAGEMENT : MAILLON ESSENTIEL DU CHANGEMENT

Nicolas Orfanidis est membre fondateur du Celerant Change Club. Après avoir occupé des fonctions de management financières et de ventesen France et en Allemagne dans les secteurs des semi-conducteurs,

des réseaux télécom et de la téléphonie mobile, il exerce maintenant dans le secteurdes transports et de la mobilité (automatisations de lignes de métros internationales).À ce titre, il est le responsable financier d'une Business unit de 250 personnes chezSiemens France. Par ailleurs, il a récemment dirigé un important projet ayant induitde profonds changements dans tous les processus métiers et de management decette méme entité.

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« Il est tout à fait justifié qu’un comité de direction puisse avoir des doutes sur la pertinence d’une duplication de son rôle de leader vers le bas. »

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Les programmes de changement impliquent l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise, du top management à la base. Le leadership doit-il pour autant êtrepartagé par tous ? Malgré les craintes et les doutes que cela peut susciter, l'émergence d'un leadership de terrain apparaît nécessaire et indispensable à laréussite du changement.

e top management n'est pas le seul à devoir s'impliquer dans les projetsde changement: la création d'un leadership de terrain est souvent recommandée pour augmenter l'efficacité et optimiser les ressources. S'agit-il d'un simple outil de communication ? Faut-il transmettre tout ou

partie du bâton de maréchal ? Déléguer l'intelligence émotionnelle du top management ?Ces notions très à la mode sont prêchées par bon nombre de consultants, maisd'une mise en œuvre complexe… Doit-on croire au leadership de terrain ?

Je suis leader… moi non plusIl est tout à fait justifié qu'un comité de direction puisse avoir des doutes sur lapertinence d'une duplication de son rôle de leader vers le bas. N'y a-t-il pas un messagesous-jacent d'échec du top management, quand on attend du terrain qu'ilrégénère, par sa prise d'initiatives, un processus de changement qui menace de nepas avancer ? Cette remise en question est difficile, confuse, et une potentielleinversion des rôles est souvent crainte, voire jugée dangereuse. Demander au terraind'être « leader » pose la question de l'autorité future comme conséquence duchangement : « Qu'ai-je fait pour devoir déléguer mes compétences ? » On noteraaussi le regard que peut porter le terrain sur le mécanisme de transfert du leadership :il attend souvent du management une attitude forte, en particulier dans lesmoments difficiles. « Qui commande, qui dirige ici ? » Le top management n'essaie-t-il pas de se débarrasser d'une responsabilité complexe via une délégation organ-isée vers les bases ? Et puis, un problème de confiance réciproque est toujourslatent : du côté du management, on se demandera si l'on peut faire vraiment confianceà des subordonnés pour une responsabilité qu'on assume ; du côté du terrain, on s'interrogera sur la confiance à accorder à des managers qui veulent qu'on assumeleur rôle…

La confusion monte encore d'un cran si l'on considère la présence d'un middlemanagement un peu perdu au milieu de cette affaire. Souvent coincé entre deux

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2.3

Le terrain, leader du changement ?

Par Nicolas Vedrenne

L

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feux, il craint que son rôle de management soit jugé moins indispensable par sahiérarchie et voit ses équipes prendre plus de responsabilités à son détriment. Lapeur peut facilement s'installer, surtout si la communication de changement ometd'inclure ou de mettre en valeur les managers intermédiaires. « Pour une fois qu’ily a un projet stratégique, on va voir directement mes équipes et on leur donne plusde responsabilités ! » Dans la plupart des cas, le middle management ne sera pastrès convaincu par cette prise en sandwich soudaine qui revient en quelque sorte àdire que son rôle de « chef » n'est pas légitime.

On peut par ailleurs s'interroger sur la capacité du terrain à cultiver du leadership.Après tout, si le terrain est toujours resté dans ses postes, c'est qu'il manquait d'uncertain leadership (pensée relativement répandue) ou qu'il est trop spécialisé pourassumer d'autres fonctions. Le message « tout le monde doit être leader » est dangereux :on sait l'incompétence notoire qui affecte les troupes en la matière, et ce serait uneerreur de compter sur l'intervention éventuelle de consultants pour transformer enleaders des personnes aux responsabilités jusqu'alors limitées. Attention, danger :« Il n'y a pas pire homme que celui qui a été esclave… et ne l'est plus. » C’est ainsiqu'un mentor m'a défini l'état des troupes d'une filiale récemment rachetée à despropriétaires très paternalistes et plongée en pleine restructuration. Commenttrouver du leadership dans ce type de situation ?

Un autre risque à vouloir impulser un leadership de terrain est la destructionpotentielle de l'esprit d'équipe via la création d'initiatives individuelles et l'émergence de fortes personnalités. La confusion peut même avoir des relents derévolution : « Aux armes ! C'est à nous de diriger le changement ! » La création desilos (certains services se replient sur eux-mêmes) et de poches de résistances està la clé. Une communication globale mal contrôlée se révélera contre-productive,divisant les équipes au lieu de les fédérer. Les motivations personnelles peuventprendre le dessus sur un collectif établi et le changement peut être vu comme uneopportunité à saisir pour des éléments jusqu'alors frustrés. Ainsi, c'est en périodede projets de changement que l'on a à gérer le plus de demandes d'augmentation,de critiques vis-à-vis de pairs, etc.

Car il existe un message négatif potentiellement caché dans cette délégation deleadership : passer du rôle d'acteur au rôle de leader ne se fait pas en un jour nisans heurts. Il ne s'agit pas simplement de renommer les acteurs du changementou les « early adopters » d'un projet, et de leur changer subitement de casquette.On aura vite fait de transmettre un message implicite selon lequel l'organisationactuelle n'est pas la bonne. « Qui décide ? Qui ne décide plus ? » Encore un terrainsur lequel peuvent germer de nouvelles résistances…

Remise en question du top management, tremblements de terre pour les cadresintermédiaires, pauvre potentiel du terrain, équipes secouées et message biaisé :voilà un tableau bien négatif, qui n'incite pas à envisager le leadership de terraincomme l'allié du changement. Alors, pourquoi s'embarrasser d'un tel fardeau ?

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Une implication du terrain comme effet de levierL'idée qu'un petit nombre de personnes pourrait changer 5 000 voire 50 000 comportements individuels est ingénue. Pour parvenir à ce résultat, il faudra transmettreautre chose qu'un ordre : une sorte d'inspiration qui change la structure traditionnellede l'entreprise. De fait, il n'existe sans doute pas de projet de changement, de modernisation, qui ne convertisse pas le terrain en meneur de jeu. La transmissiondu leadership vers la base de l'entreprise a donc un caractère inévitable, car uneimitation du top management naît tôt ou tard. On parle beaucoup du managementpar l'exemple, le voilà. Imiter le leader n'est pas nouveau, c'est une attitude innéedans la majorité des organisations et le changement catalysera ce penchant. Uneorganisation matricielle et l'apparition de réseaux informels renforceront cette tendance.Le leadership de terrain sera d'ailleurs, nous le verrons, un des outils de contrôleet de gestion de ces réseaux.

La nécessité d'un leadership de terrain naîtra naturellement au cours de projetsambitieux de transformation, qui vont de pair avec un management par l'aval. Cetype de management va amplement au-delà de la notion d'écoute que l'on est endroit d'attendre de l'intégralité des collaborateurs d'une entreprise. Il s'agit dedéléguer vers la base des attributions traditionnellement réservées au top management :définition de la stratégie et des plans d'action, mise en place des moyens et contrôledu résultat des actions menées. En confiant au terrain de nouvelles responsabilités,il s'appropriera le projet et se glissera de lui-même dans la peau d'un leader. Ainsi,le Groupe Adeo (Leroy Merlin, etc.) parle du leadership de terrain comme d'un « partage du Savoir, du Pouvoir et de l'Avoir ».

Inévitable et nécessaire, le leadership de terrain présente par ailleurs un avantage :c'est l'un des seuls outils face aux résistances au changement8. Aucun projet, eneffet, ne mobilisera 100 % des suiveurs, des non-conformistes et surtout des syndicats.L'engouement rapide que provoque le leadership de terrain sera un moyen, pourl'entreprise, de « prendre de vitesse » ces opposants potentiels. Les leaders de terraindémultiplieront, via une inertie positive, la force de l'impact du changement, rendantsa réalisation plus souple.

Mais l'atout principal réside dans le fait que le terrain est au contact du terrain.Pléonasme s'il en est… mais il ne faut pas oublier qu'au-delà du contact avec lesmarchés, les fournisseurs, les clients et partenaires, le socle de l'entreprise est leproche de lui-même. Un employé lambda interagit de manière permanente avec sespairs, à une fréquence toujours supérieure à celle de la direction. Il sera donc àmême de générer et de conserver dans le temps l'effet papillon voulu par les animateursdu changement, bien au-delà de la théorie qui veut que les solutions viennent duterrain. Pourtant, il n'en a pas toujours conscience : le top management doit donccommuniquer clairement sur ce point, pour que la base intègre bien son rôle d'ambassadeur permanent du changement. Dans le groupe Inditex (Zara, etc.), uneremarque formulée par un client sur un produit auprès d'un simple vendeur peutgénérer une refonte complète d'un vêtement qui sera en magasin en moins de deuxsemaines. Du vrai leadership au contact du terrain.

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8 Voir le chapitre 1.4, p32

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Plus qu'un type de leadership, d'ailleurs, on observera sur le terrain des modes deleadership complémentaires : l'« auto-leader », cultivant sa motivation via uneapproche responsable du changement, le « coach leader », capable de déteindresur ses homologues, le « leader de rébellion positive », capable de rassembler, etle « leader complet », qui regroupe toutes ces qualités et est souvent spontanémentdésigné par ses pairs. Si l'on sait fédérer ce cocktail de compétences positives, lesvoies du succès seront tracées. On notera d'ailleurs que plus l'organisation est horizontale, plus on tend vers un mode de « leadership complet ». Un exemple toutsimple est la présentation en public de grands changements par le terrain lui-même.Ces présentations sont souvent bien plus fédératrices que des présentations par letop management.

Mais faut-il doser ? Existe-t-il une dose de leadership idéale ? Le changement sera-t-il plus réussi si tout le monde est un peu plus leader ? Vraisemblablement, oui. Ona souvent tendance à sous-estimer la capacité de leadership des bases.Théoriquement, chacun devrait avoir un potentiel de leadership à libérer, même s'ily a toujours des exceptions, à étudier. L'observation de nombreuses structuresnous apprend deux choses : quand une entreprise est mature, elle compte beaucoupde leaders de terrain ; et plus il y a de leaders, plus les résultats du changementsont pérennes. On en déduira sans trop de risques que la dose maximale de leadershipest la dose optimale.

Le leadership de terrain est donc inévitable, nécessaire et absorbe les résistancesaux changements. Toujours plus, toujours mieux. Quelle est la recette de ce platdont on craint souvent l'indigestion ?

Tous des leaders : les quatre ingrédients du succèsAvant tout, il conviendra d'accepter une étape où l'on passera d'un nombre réduitde leaders à un leadership plus généralisé. Évident, mais pourtant, dans bien descas, c'est l'unique facteur clé de succès tabou. Qui de vous, lecteurs, accepterafacilement de perdre cette exclusivité réservée à peu jusqu'ici ? Cela va au-delà d'unsimple exercice de délégation auquel nous sommes habitués, et c'est certainementle point le plus difficile. Il faut travailler sur soi pour surmonter des craintes certespeu fondées mais omniprésentes, énoncées en amont de ce chapitre. Pourtant, laredistribution du leadership n'est pas forcément associée à une perte de contrôle.Lors de programmes de changements, le nombre de collaborateurs spécialisés etdédiés est souvent renforcé. Il compense ainsi une instabilité potentielle liée à unemontée en puissance de l'initiative dans les troupes. On notera tout de même qu'unlancement de projet n'est pas nécessairement le meilleur moment pour commencerà créer du leadership de terrain. Pourquoi attendre cette occasion ? Après tout, unleadership de terrain permanent va dans le sens d'une amélioration constante del'entreprise.

Ensuite, il conviendra de passer de l'état d'esprit à l'état d'action, avec ses contraintes, son activation, son déploiement. Il existe plusieurs formes pourmatérialiser le leadership de terrain : liberté et autonomie de décision, systèmes de

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remontée d'information, redistribution des pouvoirs, repêche et implication dessuiveurs, etc. Quelle que soit la forme, l'important est que le fond et les faits soient là.Pouvoir dire à un employé de back-office : « Nous avons ce problème, que feriez-vous ? »,qu'il vous réponde : « Je m'en occupe ! » et qu'effectivement il s'en occupe, signi-fie beaucoup plus que d'annoncer une série d'initiatives symboliques, réunions,débats organisés mensuellement. C'est dans les faits que l'on passe à l'action, pasdans la forme. Le leadership de terrain n'est pas un outil, une excuse ou une méthode.Ce sont des faits. De la même manière, on veillera à ne pas charger l'entreprised'indicateurs, de messages contradictoires, de normes, contraires au leadership deterrain. Voici par exemple deux manières de décrire un même poste dans uneannonce de recrutement. Il s'agit d'annonces publiées par des voyagistes concurrents.La première mentionne « la réception des appels de nos clients et prospects, le conseilsur nos destinations, […] la gestion des appels clients » ; la seconde indique : « Vouscontribuez au bon déroulement et à la qualité de service de l'activité, vous faitesremonter dans les meilleurs délais les problèmes, dysfonctionnements ou risquesidentifiés. Vous cultivez le sens du client interne et externe. » Il est évident que lesecond voyagiste attend plus de leadership de la part du terrain.

Il faudra également s'attacher à analyser les réseaux informels existants oupotentiels de l'entreprise (groupes d'amis, clubs de sport, etc.). Il est maintenantdémontré que le top management n'a aucun contrôle sur ces réseaux. Ce sont euxqui s'approprieront les messages et autogéreront leur leadership. Les nouveauxoutils de communication rendent leur influence encore plus délicate à circonscrire.Par exemple, il existe sur Facebook, en août 2010, près de 60 groupes de discussions« Wal-Mart employees » , dont certains aux noms assez fleuris. On comprend tout desuite que les politiques de Wal-Mart sont discutées bien au-delà du lieu de travail.Ces débordements de messages sont naturels et difficiles à contrôler. Il sera doncessentiel pour une grande entreprise d'implémenter un leadership dans les bases,de manière à auto-canaliser les réseaux informels et à favoriser l'alignement deleurs messages sur le message officiel de l'entreprise.

Au-delà de ces réseaux, enfin, il faudra prendre le temps de qualifier l'ensemble dupérimètre où doit émerger le leadership, de déterminer quels en sont les pointsforts et les points faibles. Il existe toujours des forces opposées à la création duleadership : l'important est de les avoir analysées et de les maîtriser tout au longdu processus. On en revient ici à la notion de planification, d'analyse de risque,comme pour toute autre composante d'un processus de changement. La créationde leadership de terrain ne déroge pas à la règle. Être proactif en la matière, peuimporte la méthode, sera un facteur clé de succès. « Quelle forme aura mon leadershipde terrain ? »

Impactés, engagez-vous !L'engagement du terrain, directement impacté par le changement, est donc bienune nécessité complémentaire à l'implication du top management. Malgré unecrainte sur la confusion des rôles et sur la capacité du terrain à assumer son mandat,cette forme de management est implicite. On pourrait même se demander si tout

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micro-changement n'est pas générateur d'une nouvelle forme d'implication et deresponsabilité qui modifierait, de manière transitoire ou permanente, les structuresclassiques de l'entreprise, créant donc un changement plus induit. La perception dece style de management dans le changement, de même que son succès, seront liésà une profonde analyse des réseaux qui composent l'entreprise ainsi qu'à la transmissiondu message que l'on veut bien en faire, objet du prochain chapitre.

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Diplômé de l’École Supérieure de Gestion de Paris, Nicolas Vedrenne a développé son parcours professionnel en France, au Royaume-Uni, en Amérique latine et en Espagne, au sein de la Société Générale et de

Sema Group, se spécialisant dans les NTIC. Depuis 1999, il a assumé la responsabilitédu changement en tant que Président et/ou Directeur général de plusieurs filiales dugroupe britannique Experian dans le monde latin. Il intervient comme Conseillerstratégique pour des sociétés en mutation et comme Manager exécutif de transition.Il est Directeur Général Europe du Merchant Risk Council.

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« La réussite du changement passe par son « humanisation »et la communication en est la clé de voute. »

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La communication est la clé de voûte de « l'humanisation » d'un projet de changement.Pour être efficace, elle doit délivrer le bon message à la bonne cible, au moment oùcelle-ci l'attend et par l'intermédiaire du bon support. La maîtrise de ces différentsparamètres suppose un plan de communication soigneusement préparé.

a mobilisation pour le changement peut-elle se faire sans une communicationciblée, spécifique, unique ? Le 18 juin 1940, ce que l'Histoire retiendra comme l'acte fondateur de la France libre n'est encore qu'une communicationpeu ordinaire, pas vraiment planifiée, diffusée sur les ondes, sans contact

visuel, sans enregistrement. Pourtant, l'impact de l'Appel du général de Gaulle futcrucial, puisque cet événement fut le point de départ d'un changement fondamentaldans la stratégie des Alliés. La communication est allée bien au-delà du 18 juin. Elle s'est peu à peu construite, par des réseaux complexes, adaptés au contexte,communications codées, secrètes, interdites, transmises par radio… Ce fut unecommunication peu banale et pourtant efficace car elle a atteint son but.

Si l'Appel du 18 juin fut particulièrement singulier et spécifique, n'est-ce pas finalementle cas chaque fois qu'il faut communiquer pour mener des changementsstratégiques et importants, chaque fois qu'il faut rassembler et fédérer les énergiesdes hommes et des femmes sans qui le changement ne pourra se faire ?

Une communication porteuse de sensQue ce soit un changement d'organisation, la mise en place de nouvelles applicationsinformatiques ou un nouveau processus de travail, les changements ont toujours unimpact sur les individus, leurs rôles, leur identité professionnelle, leurs compétences,leurs habitudes de travail. Or les hommes et les femmes ont besoin de comprendrepour agir, ils ont besoin de donner du sens à leur engagement9. Ceci est encore pluscrucial en période de changements, lorsque l'on perd ses repères. C'est alors le rôle dela communication : donner du sens face à l'inévitable incertitude liée au changement.

Donner du sens, c'est indiquer la direction. On ne change pas sans objectif, sans cibleà atteindre et, pour être efficace, la communication de changement doit permettrede comprendre vers quoi on doit aller, comment ce sera « après ».

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2.4

Communiquer le changement :l’Appel du 18 juin

Par Françoise Berthier

L

9 Voir le chapitre 1.3, p.22

COMMUNIQUER LE CHANGEMENT : L’APPEL DU 18 JUIN

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Donner du sens, c'est aussi donner la signification du changement. Ainsi, cettecommunication doit être rationnelle, expliquer pourquoi l'on doit changer, ce qui enfonde la nécessité, ainsi que les risques que l'on prendrait si l'on ne changeait pas.

Enfin, elle doit permettre de comprendre comment l'objectif final sera atteint, lesmoyens et l'aide qui seront apportés, l'accompagnement, la formation… C'estseulement lorsque les individus auront fait un lien entre leur passé et leur futur,qu'ils auront compris et donné du sens au changement, qu'ils pourront s'inscriredans le présent et construire quelque chose de nouveau.

Pour qui communique-t-on ?Ce n'est pas l'entreprise qui change mais les hommes et les femmes qui, enchangeant, font changer l'organisation. Ce sont eux qui vont réussir les transformations.Avant d'être un résultat organisationnel et collectif, le changement passeinévitablement par des actions et des réactions individuelles. Ainsi, la communicationdoit s'adresser à des individus qui n'ont ni la même histoire, ni la même expérience,ni le même potentiel de mobilisation face aux changements.

Préparer le changement et la communication, c'est anticiper les réactions auxchangements, qui sont très variables d'une personne à une autre. Pour en faciliterla compréhension, ces réactions peuvent être regroupées en quelques grandescatégories, suivant la progression sur la courbe du changement, dont voici une desillustrations :

Sur le chemin de l'engagement, le déni est la première réaction. Il peut être vécuplus ou moins brièvement mais, lorsqu'il s'installe, nous sommes confrontés à unvéritable refus de tout changement : c'est l'immobilisme.

Vient ensuite la résistance au changement. À ce stade, nous comprenons le changementet en acceptons l'existence. Toutefois, et pour des raisons le plus souvent individuelles,

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Déni

Résistance

Engagement

Environnement externe

Environnement interne

Passé Futur

Exploration

Les réactions humaines au changementScott & Jaffe – Survive and Thrive in Times of Change

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nous ne sommes pas encore prêts à nous y engager. C'est là que l'on entend desremarques du type : « Cela ne marchera pas », « Cela concerne les autres, pas moi ».Certains peuvent se mettre en retrait et, quand cette phase dure trop longtemps, lasouffrance et le stress s'installent, voire la dépression.

Une fois les résistances levées, l'exploration de la nouveauté peut commencer : « Je vais essayer, je verrai bien », « Pourquoi pas ? ». Nous avons alors envie d'expérimenter ce qui est nouveau. Puis enfin, l'engagement est possible.

Nous traversons tous ces phases à un rythme différent. Parfois, nous passons sivite sur une étape que nous croyons ne pas l'avoir vécue. Une même personne peutpar ailleurs connaître un cheminement très variable selon le type de changement etla période de sa vie. Ainsi, on réagira différemment à une reconversion professionnellesi l'on a 30 ou 50 ans. C'est la raison pour laquelle les attentes en matière d'accompagnement et de communication sont très différentes d'une étape à uneautre, mais aussi d'une personne à une autre.

Quels sont les besoins en communication aux différents stades du changement ?Au début du processus, pendant les étapes de déni et de résistance, lorsque lechangement n'est pas encore une réalité mais déjà source de bouleversements et deperte de repères, nous avons besoin de clarifications, de compréhension, de pouvoirdonner du sens à ce qui est nouveau. L'information doit alors être fréquente, voirerépétitive mais aussi pédagogique : structurée et structurante, et fortement connectéeaux attentes du public.

Puis, au stade de l'exploration, quand le changement devient réalité, quand lesindividus comprennent et acceptent sa mise en œuvre, ils recherchent un soutienindividuel rendant possible leur engagement progressif. La communication est fondamentalement interactive pour permettre d'avancer individuellement par l'expérience, tout en partageant cette expérience avec les autres.

Enfin, au stade de l'engagement, lorsque le changement est intégré et qu'il devient unemanière presque habituelle de faire, la communication est un outil de reconnaissanceet de renforcement. Les managers le savent, la reconnaissance est un levier majeurde motivation des salariés et elle doit faire l'objet d'une attention particulière pendantles périodes de transition, lorsque l'identification de nouveaux repères est fondamentale. Reconnaître des réalisations souvent menées dans des contextesdifficiles et ambigus, c'est permettre aux équipes et aux personnes de « valider » cesréalisations qui deviennent alors leurs nouveaux jalons dans ce nouvel environnement.Sans reconnaissance de l'engagement des acteurs du changement, leur motivationet leur implication s'essouffleront et le changement ne sera pas durable : « À quoibon ! » , se diront-ils. Cette communication peut venir des managers, des dirigeantsou de l'équipe en charge du changement, selon le niveau où celui-ci s'opère.

C'est en cela que la communication est singulière et spécifique : elle s'adapte auxréactions humaines, individuelles et collectives, va à la rencontre des motivations

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COMMUNIQUER LE CHANGEMENT : L’APPEL DU 18 JUIN

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qui sont la source de l'énergie et de l'engagement. Prendre le temps d'identifier cesgrands types de réactions, d'en estimer le poids relatif, permet d'agir de façonciblée mais aussi de mesurer l'investissement qui sera nécessaire avec tel ou telgroupe, à telle ou telle étape.

Un vrai plan de communication pour accompagner le changementSi l'Appel du 18 juin a mis en marche le changement, il fut ensuite relayé par tout unprocessus de communication. Il en est de même pour tout changement : la communicationde départ est essentielle pour donner du sens mais le changement n'aura pas lieusans les relais de la communication de proximité, tout au long du projet.

L'évolution des attentes des collaborateurs au fil du changement impose à la communication d'évoluer elle aussi en permanence pour être à même d'aller fédérerl'engagement là où il se trouve. Un véritable plan de communication est donc indispensable pour les projets de changement à fort impact. Il peut s'articulerautour de 5 axes :

1. L'identification de la cible permet de caler les messages selon les métiers, lespays ou les secteurs d'activité, de prendre en compte les leviers de motivation desindividus concernés.

2. La clarification des objectifs (finaux et intermédiaires) permet d'établir le fil conducteurainsi que le contenu de chaque opération de communication. À titre d'exemple, enamont d'un projet de changement, l'objectif sera général et stratégique, et viseral'information et la mobilisation des équipes (c'était le cas de l'Appel du 18 juin).Plus en aval, lorsque l'objectif devient plus spécifique, la communication pourraservir à lever des résistances, apporter les éléments expliquant aux individus commentils seront accompagnés dans leurs efforts individuels. Fixer son objectif permetd'être cohérent dans toutes les étapes de la communication, et la cohérence dumessage est essentielle pour ceux que l'on doit fédérer.

3. Le contenu dépend bien entendu de la cible et de l'objectif. Si l'on se situe enamont du projet, si la communication doit permettre de sensibiliser toute uneentreprise ou un groupe aux enjeux du changement, le contenu sera un socle :même message pour tous, centré sur l'explication rationnelle du changement, lebut à atteindre… Si la communication est ciblée sur une population donnée, elleprendra en compte ses caractéristiques propres et clarifiera spécifiquement l'impactdu changement sur ce groupe.

4. La planification et le timing prévoient les étapes clés de la communication afinque celle-ci soit présente aux trois moments cruciaux :• Au début du changement, une communication qui donne du sens et clarifie,• Pendant le changement, une communication qui soutient, accompagne et permet

les interactions,• Lorsque l'on a atteint son but, une communication qui renforce et reconnaît.

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5. Enfin, le choix du média est crucial car la meilleure des communicationséchouera si elle n'utilise pas le support adapté à la situation et aux attentes de ceuxqui la reçoivent.

Distinguons ici la communication stratégique et institutionnelle de la communicationmanagériale de proximité. La première délivre des messages collectifs et donne lesgrandes orientations, le sens du changement. La seconde permet de cascader l'information au plus près du terrain, là où les changements s'opèrent.

La communication écrite est adaptée à la communication institutionnelle etstratégique, collective, et ce, à toutes les étapes du changement. Notamment, lessupports écrits ont l'avantage de pouvoir être conservés et réutilisés, donnant ainsil'occasion de rappeler les messages clés et d'éviter les distorsions, interprétations etrumeurs très actives en phase d'incertitude. La création de supports dédiés renforceral'importance de la communication de changement en la distinguant de la commu-nication habituelle : une newsletter, un site web « spécial changement » seront souvent très utiles et efficaces pour fédérer les équipes autour de messages clés.

Toutefois, communiquer sur et pendant le changement est un vrai défi, qui imposeune remise en cause des canaux habituels de communication. Les outils de la communication écrite, informatique, à distance, trouvent très rapidement leurs limites lorsque le changement se décline et se met en place : une communicationinteractive, de proximité, s'avère nécessaire. Les réunions, groupes de travail etautres discussions individuelles deviennent alors autant d'opportunités pouréchanger, réfléchir en groupe, poser des questions ou y répondre. Qu'elles soientformelles ou informelles, comme à la cafétéria, ces réunions sont tout aussi efficaces.Cela impose et permet aux managers comme aux salariés d'être disponibles, de nepas rester dans leurs sphères, de s'ouvrir aux autres, et ainsi aux changements.

Une communication multidimensionnelle qui fédère les énergiesPour répondre à cette exigence de proximité et favoriser les échanges, la communicationdoit s'appuyer sur des canaux multidimensionnels : descendants, ascendants ettransverses.

Les managers de proximité sont un rouage fondamental pour la communicationdescendante et ascendante. Ce sont eux qui vont décliner l'information institutionnellepour la rendre opérationnelle et concrète. Ils mèneront pour cela une communicationfaite de dialogue et d'écoute, aidant chacun à progresser sur la voie le changement.Ce sont eux, également, qui seront en mesure de valoriser et faire remonter lesinformations, réactions et suggestions de leurs équipes. Acteurs clés du changement,il est essentiel d'identifier ces managers puis de les préparer à jouer leur rôle. Lespréparer, c'est avant tout les rendre à l'aise et proactifs vis-à-vis des changements :

• En les informant : il s'agit de leur donner une information claire, précise et mise à jour qu'ils pourront ensuite cascader auprès de leurs équipes, et grâce à laquelleils sauront réagir aux situations inattendues, informelles…

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• Puis en les formant, c'est-à-dire en développant leurs compétences en « managementdu changement » pour mieux accompagner et manager leurs équipes et développerdes comportements et des techniques efficaces en période de transitions.

La troisième dimension, transversale, est sans doute la plus importante car elles'appuie sur les organisations matricielles, telles que l'organisation en mode projet,qui sont au cœur du fonctionnement de nos entreprises. C'est là qu'elle puise salégitimité. Les groupes de travail, projets et autres réseaux professionnels sont typiquement des structures qui génèrent un style de communication plus spontané,fluide et réactif que le style relationnel « hiérarchique », bien plus contrôlé. Horsdes jeux de pouvoir propres aux organisations verticales, chacun s'exprime plusfacilement et n'est pas limité par le « je pense mais je n'ose pas dire ». Cette com-munication influence donc plus directement et rapidement, catalyse le changement,crée l'envie d'y aller.

Il est donc regrettable que, pendant les périodes de transformation, cette dimensiontransverse soit trop souvent négligée par les organisations. Est-ce parce que celales sort de leurs processus habituels de contrôle ? Néanmoins, des outils récentsde communication comme les plateformes collaboratives, mises en place pour desprojets spécifiques, reconnaissent, valorisent et favorisent ces interactions transverses.Fondées sur la liberté et la volonté individuelle de les utiliser, de participer enapportant son opinion, ses idées et sa contribution sur un thème donné, ellesoffrent une opportunité d'engagement et sont une formidable source d'énergiepour accompagner les changements.

Mesurer l'impact de la communicationSi la communication est majeure dans les transformations, l'évaluation de son efficacitél'est tout autant. Les deux grands critères de sa réussite sont la compréhension queles individus ont du changement, puis l'atteinte des objectifs visés par celui-ci.

Les enquêtes de type « pulse check » sont des outils très pertinents pour évaluerles impacts de la communication. Il s'agit en général de questionnaires adressésrégulièrement aux collaborateurs au cours de la mise en place des changements,dont les résultats constituent un feed-back « bottom up » et informent sur l'ancragede la communication et son impact sur l'engagement individuel. Ces enquêtes peuventposer des questions directement liées à :

• La compréhension de la cible du changement,• La perception de sa mise en œuvre,• L'appréciation des moyens mis en place pour accompagner le changement.

Elles sont en général créées et pilotées par l'équipe projet en charge de l'accompa-gnement du changement. L'analyse des résultats permet d'identifier les besoins decommunication non couverts mais aussi de réajuster les plans d'action. Cesenquêtes n'ont toutefois d'intérêt que si les résultats sont partagés avec lessalariés afin qu'ils puissent contribuer aux ajustements. Ainsi, elles ont le double

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intérêt de mesurer l'efficacité de la communication et de donner aux salariés l'opportunité de participer au projet de changement, donc de s'y engager.

Sans la mobilisation d'équipes soudées autour d'un objectif commun, un projet dechangement ne peut pas aboutir. La réussite du changement passe par son « humanisation » et la communication en est la clé de voûte. Porteuse de sens,s'adressant aux acteurs du changement, aidant à dépasser les résistances, cettecommunication sera à la source de la motivation et de l'engagement individuel etcollectif pour un projet compris et partagé.

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Françoise Berthier, membre actif du Celerant Change Club, est Change Management Head chez Sanofi Aventis R&D-HR. Spécialiste du Développement des Hommes et des Organisations, elle accompagne

notamment, depuis plusieurs années, des équipes ou des managers dans leursprojets de développement et de changement.

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XX

« …les changements de temps sont mieux acceptés si tout le monde retient qu’une saison mène à une autre, plus douce ou plus rude. »

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'organisation, entendue comme un écosystème composé notamment d'une communauté d'individus et d'un projet commun, se doit de fonctionner de façon fluide, sans décalages importants, tout en cultivantune adaptabilité vitale face aux variations de l'environnement dans

lequel elle évolue.

Le propre des écosystèmes est qu'ils sont sujets aux transformations, qu'ellessoient directes ou non, drastiques ou modérées, endogènes ou exogènes : la vie del'écosystème-entreprise, au centre duquel le Capital Humain, est une succession debouleversements écologiques. En ce sens, le changement génère une perpétuellequête d'équilibre, voire d'équilibres, pour préserver l'intégrité de l'écosystème.

Par temps changeant, lorsque l'écosystème est en mouvance et fait voler en éclatsterritoires et certitudes, il est vital pour les différents acteurs du changement de ne pasremettre en question le climat global de l'entreprise – la culture organisationnelle –comme repère fondateur, fixateur de liens, dans lequel le projet de changementdoit s'inscrire.

Pourtant ce climat global est soumis lui aussi aux aléas du changement. Il y a persistancedu cadre de la culture, pas nécessairement de ses attributs. Chaque variationpotentielle doit être reformulée pour constituer autant de microclimats de gains,individuels et collectifs, et ainsi faire de possibles cataclysmes une opportunité deprogrès. C'est précisément tout l'enjeu humain dans les phénomènes de transformation.

Et si l'on osait demander pourquoi il ne fait pas beau ?Une des certitudes les moins propices à l'action est de penser que le changementest une fatalité et qu'il n'y a qu'une voie possible.

Encourager le besoin de questionner un changement, de le comprendre et d'expérimenter,est une clé de la réussite des transformations. Cette logique de déconstruction etreconstruction des représentations est l'apanage des différents leaders du changement.

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TRIBUNE

Changement de climat en terre des Hommes ?

LPar Élie Matta & Mathilde Leroy

CHANGEMENT DE CLIMAT EN TERRE DES HOMMES ?

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Rien n'est acquis, tout est à construire : aux leaders du changement de présenterune carte météo où le soleil brille malgré quelques nuages… Ils activent ainsi desleviers essentiels pour mobiliser le Capital Humain :

• Se sentir en sécurité : garantir une sécurité psychologique et créer un climat de confiance qui permet l'action et l'engagement dans le changement ;

• Donner de la voix : savoir entendre et se faire entendre dans la foultitude des voix latentes (réticences, suspicion, agressivité) et des voix hautes (résistance et sabotage) ;

• Avoir conscience de faire partie d'un tout : soi et les autres constituent une somme indivisible.

« Lors d'une tempête, on peut trouver la tranquillité au cœur même du typhon. »(Jiang Zilong, La Vie aux mille couleurs)

Objectif « Grand Soleil » pour les change managers et les leadersConduire les équipes dans le changement sans perdre de vue les objectifs de performance, entraîner chaque collaborateur tout en maintenant une dynamiquecollective et une collaboration efficace… Quelques pistes pour les change managerset les leaders du changement :

• Créer la sécurité psychologique : distinguer contribution et évaluation, valoriser l'action par rapport au résultat, pour éloigner le stress inhibant le changement ;

• Reconnaître le risque d'échec : l'anticiper, préparer éventuellement les équipes à passer de l'inaction destructive à l'exploration incontournable. L'échec n'est pas une fin, c'est un moyen ;

• Donner du pouvoir ou le sentiment de pouvoir : le chaos organisé mène à une période perçue comme anarchique mais qui est tacitement guidée par le leader, à quelque niveau hiérarchique qu'il se situe dans l'organisation ;

• Avoir un langage direct et clair : on se comprend tous ; sinon, on reformule ;• Agir dans la cohérence : permettre à chacun de trouver le sens du changement ;• Structurer le processus : établir une feuille de route et identifier l'avancement, les

succès et les échecs. C'est la meilleure assurance pour une approche et une tactique gagnantes.

« Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible. »(Antoine de Saint-Exupéry)

Bouleversements climatiques, changement durableTransformer les organisations sans bouleverser les Hommes est une vue de l'esprit.Ce n'est néanmoins pas l'Homme qu'il faut changer pour réussir le projet de latransformation, c'est l'entreprise elle-même, tout en préservant son écosystème. Lesdifférents acteurs du changement ont en main des leviers pour créer le climat favorableau changement, celui qui permettra à chacun de s'adapter, aux entreprises de gagneren souplesse et en réactivité, tout en acceptant la complexité de l'environnementet en s'ouvrant positivement aux nouvelles dimensions qui s'offrent à elles.

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Réussir le changement, quel que soit le rôle que l'on incarne et la posture que l'onadopte, c'est apprendre à maîtriser ces mécanismes « météorologiques » qui permettentaux organisations de se transformer. Les déclencher demande des compétences,de l'expérience et de la persévérance. Miser sur les Hommes et leurs talents estindispensable dans la conduite d'un changement durable.

“Peu de choses sont impossibles à qui est assidu et compétent… Les grandesœuvres jaillissent non de la force mais de la persévérance.” (Samuel Johnson)

Une saison pas comme les autres ?Les agents, les change managers et les leaders subissent les mêmes intempéries etles mêmes éclaircies. Mais les changements de temps sont mieux acceptés si toutle monde retient qu'une saison mène à une autre, plus douce ou plus rude. Chaquesaison requiert ses propres ajustements mais c'est en restant prêt pour le changement,et en acceptant que les saisons se succèdent, que les turbulences sont mieuxapprivoisées.

Élie MattaProfesseur Associé à HEC,Management et Ressources Humaines

Mathilde LeroyDirectrice du Développement Organisationnel,Bernard Julhiet Talent Management

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TROISIEME PARTIE

Approches et tactiquesgagnantes

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« Dans le cadre d’un projet de changementstratégique, il est utile d’associer au sein d’un même ensemble la réflexion stratégique d’une part et l’analyse organisationnelle d’autre part. »

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Le changement organisationnel est un enjeu sociopolitique et pas seulement unproblème « technique ». Pour réussir, il faut adopter une approche « politique » ,adaptée au contexte français et européen. Une telle approche requiert d'accorderune large place au diagnostic préalable, de valider la pertinence stratégique deschangements, d'adopter une démarche contingente afin d'éviter le prêt-à-pensermanagérial et de vérifier son système de valeurs tout en adoptant une démarchejuste. Enfin, il faut capitaliser sur les expériences de changement et construire unecompétence collective en gestion du changement.

ans plus de deux cas sur trois, les projets de changement sont des échecs10. Pour accroître leurs chances de succès en Europe, et en France en particulier, il convient d'adopter des pratiques adaptées au contexte socio-organisationnel européen. Celui-ci se distingue du contexte

anglo-saxon qui sert de référence plus ou moins explicite à la plupart des modèleset pratiques courantes en gestion du changement.

En caricaturant à grands traits, dans l'approche anglo-saxonne, la gestion duchangement est avant tout considérée comme une question « technique ». Commentdoit-on communiquer ? Comment créer le sens de l'urgence ? Comment « libérer lesénergies » ? Etc.

Sans renier l'utilité de ces approches, il faut impérativement prendre en compte ladimension politique du changement, car toute entreprise est un lieu de pouvoir oùs'affrontent des rationalités et des enjeux multiples. Une telle approche diverge decelles, formelles, décrites dans la littérature, et se distingue par le refus du prêt-à-penser managérial, de la fausse dichotomie entre formulation et mise en œuvre.Elle postule que le changement organisationnel n'est pas d'abord un problème detechnique, mais un problème sociopolitique.

L'importance du diagnostic préalableLe changement organisationnel est le plus souvent présenté comme un phénomènecertes stratégique, « important », mais relativement simple : il doit être dirigé, ilrésulte d'une action volontaire, le plus souvent autocratique, quelquefois participative.Autre hypothèse simplificatrice: le changement organisationnel est un processusorganisé, car planifié. En réalité, c'est un phénomène complexe. Il incorpore des

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3.1

Une approche sociopolitique du changement organisationnel

Par Guillaume Soenen

D

10 La gestion du changement. Les étapes d’une transformation réussie de l’entreprise. Etude de Celerant Consulting en partenariat avec The Economist Intelligence Unit, 2008.

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dimensions opérationnelles, systémiques, historiques et culturelles. De plus – et ils'agit d'un point crucial - le changement est souvent conflictuel. C'est une actionqui entraîne un déséquilibre, de l'incertitude et suscite des jeux de pouvoir. Enfin,c'est un processus chaotique. Parfois imposé, il est également émergent, voire insidieux.Cette seconde conception du changement, plus « politique », doit nous servir debase lors de l'élaboration et de la mise en œuvre de tout changement stratégique.

Si l'on accepte l'idée que le changement est un processus complexe, il convientd'en tirer une première leçon : il faut savoir « perdre » du temps au début afin d'engagner ensuite et d'augmenter les chances de réussite. Trop souvent, la phase dediagnostic préalable est réduite et approximative. S'il s'agit d'aller vite, de répondreaux besoins du marché, il est également nécessaire d'analyser le contexte danslequel le changement envisagé doit être mis en place.

Sur quoi doit porter ce diagnostic ? Il est fréquent d'opérer une distinction netteentre l'élaboration de la stratégie et sa mise en œuvre. Pourtant, de nombreuxtravaux de recherche et retours d'expérience nous conduisent plutôt à considérerque l'art de la stratégie est avant tout une question d'exécution. Les stratèges militaires le savent depuis longtemps : « La stratégie est un art simple, qui tienttout entier dans l'exécution » (Napoléon Bonaparte). Dans le cadre d'un projet dechangement stratégique, il est utile d'associer au sein d'un même ensemble laréflexion stratégique et l'analyse organisationnelle.

Celle-ci, en quelques mots, consiste à analyser l'entreprise comme un systèmesociotechnique et une communauté humaine, c'est-à-dire un ensemble d'acteurs,de technologies de production, de structures, de comportements, de représentations,de règles du jeu plus ou moins implicites et de valeurs. Le contexte spécifique duchangement doit également être considéré. De combien de temps dispose-t-on ?Quelle est l'ampleur des transformations envisagées ? De quelles ressources dis-pose l'entreprise, tant sur le plan financier que sur le plan de l'expertise ? Cesressources sont-elles disponibles ? Quels aspects de l'entreprise doivent êtrepréservés pendant le changement et, au contraire, y a-t-il des choses, par exempledes comportements, qui doivent absolument disparaître ? Enfin, quelle est l'attitudedes différentes catégories de personnels concernés par le changement ? Il faut icidifférencier la connaissance de la nécessité de changer (la notion anglo-saxonne d’ « awareness »), la volonté de changer et enfin la capacité à changer (la notion d’ « empowerment »). Connaître n'est pas vouloir, vouloir n'est pas pouvoir.

Valider la pertinence stratégique des changements Le diagnostic préalable au changement conduit à établir la nécessité de changerainsi que l'organisation « cible » qu'il va falloir mettre en place, en accord avec lesévolutions stratégiques envisagées. La distinction classique en management entrestratégie et tactique, entre élaboration et exécution est, dans le cas du changementstratégique, particulièrement problématique. Il convient en effet d'éviter une tropgrande séparation de ces deux ensembles de préoccupations. Il y va de la capacitésubséquente des managers à porter un changement, à adopter un comportement

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exemplaire, à défendre le projet et à résister aux pressions qui vont se multiplier.En effet, on défend toujours mieux ce que l'on comprend de manière intime.

Il y a deux façons de créer cette intimité. La première consiste à confier l'exécutionaux acteurs responsables de la définition de la stratégie de l'entreprise. Dans le casd'un changement stratégique de grande ampleur, c'est alors le comité de directionqui devrait porter le changement et en faire « sa » priorité. La seconde option consiste à associer en amont, lors de la réflexion stratégique préalable, les managersqui, selon toute probabilité, auront la charge de conduire les changements nécessairesà son exécution. On fait ainsi « entrer » dans l'élaboration stratégique des préoccupationsd'ordre opérationnel et organisationnel qui contribuent à renforcer les chances demise en œuvre de la stratégie11.

Lors de cette phase d'élaboration préalable, il est important de s'appuyer sur desanalyses solides et d'éviter de céder aux tentations du « prêt-à-penser » managérial.Il existe en effet une dérive en matière de pilotage des organisations, qui consiste,sous-couvert de « benchmarking » et d'excellence opérationnelle, à adopter despratiques managériales et des types d'organisation à la manière de modes vesti-mentaires. Cette dérive est ancienne : TQM, Reengineering, Cercles Qualité,MBWO12… Les annales des best-sellers en management sont remplies de « modes »dont le succès est aussi fulgurant que la disparition rapide. Ces approches « techniques »,« universalistes », déconnectent la stratégie de la conduite du changement.

Adopter une démarche contingenteAprès une phase de diagnostic poussée, il s'agit d'établir un programme de changementadapté. Cela demande d'opérer des choix sur de nombreux paramètres : le modede management (collaboratif ou directif ?), le point d'initiation du changement(approche top down ou bottom up, recours à des sites pilotes ?) ou encore lesleviers d'action (actions structurelles et techniques, actions de formation, de com-munication, actions symboliques, etc.). En fait, l'éventail des décisions à prendre estrelativement large, et ces choix doivent être faits sous une double contrainte :répondre aux enjeux stratégiques tout en tenant compte du contexte organisationnel.

L'approche inverse consisterait à s'appuyer intégralement sur une démarche standardisée. Clarifions immédiatement notre propos : il ne s'agit pas, bien au contraire,de repousser en bloc tout recours à de « bonnes pratiques » dont l'expérience avalidé la pertinence. Néanmoins, l'organisation pratique du programme de changementdoit répondre aux conditions locales de sa mise en œuvre. Toute entreprise est unsystème contingent. Une organisation, quelle que soit sa nature, constitue un systèmemarqué entre autres par une histoire et une culture. Par conséquent, il n'existe pasde « one best way », ni de solution miracle.

Prenons un exemple : on sait que la participation accroît l'engagement des salariéset contribue globalement au succès des transformations. Toutefois, dans certainesconditions, c'est l'inverse qui se produit. Notamment, si l'entreprise est composéede plusieurs groupes de personnels aux comportements et intérêts opposés, une

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11 Voir les chapitres 2.2, p54 and 2.3, p6212 Management By Walking Around.

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approche participative peut conduire à un ensablement des discussions et, au final,à un immobilisme marqué par une accentuation des tensions entre ces groupes. Nevaut-il pas mieux, dans ce cas précis, adopter une démarche plus structurée, quiimpose aux différents groupes en présence certains arbitrages a priori ? En fait, ilest impossible d'affirmer dans l'absolu quelle est la meilleure solution car, enmatière de changement, la contingence revêt une importance capitale.

Adopter une démarche contingente va également permettre d'identifier les préoccupationsconcrètes des différents acteurs de l'entreprise. Parfois, celles-ci sont inexistantes carl'acteur ne connaît pas ou nie la réalité du changement. Souvent, les préoccupationssont très concrètes et renvoient à la sécurité de l'emploi, à l'évolution des conditionsde travail et à l'équité des processus. Les acteurs favorables au changement onteux aussi des préoccupations : comment s'assurer de sa mise en œuvre rapide,comment continuer à servir les clients pendant le changement ? Adopter unedémarche contingente signifie que l'on ne va pas se contenter de postulats sur larésistance au changement, mais que l'on va chercher à déterminer avec précisionles enjeux réels des principales parties prenantes (en n'oubliant pas d'inclure desacteurs importants qui ne sont pas forcément dans l'entreprise, comme des fournisseurs ou les clients). Cette connaissance sera précieuse : elle permettra debâtir un changement qui aura du sens pour les collaborateurs, car il sera en phaseavec leurs préoccupations réelles.

Vérifier son système de valeurs et adopter une démarche justeLes préoccupations liées au réchauffement climatique ont popularisé « l'effet papillon »(petites causes, grandes conséquences…). En matière de changement, c'est « l'effetPygmalion » dont on doit se préoccuper. Réalisée dans les années 1960 à OakSchool, aux États-Unis, par Rosenthal et Jacobson, une expérience classique depsychosociologie a montré que les attentes plus ou moins favorables des maîtresvis-à-vis de leurs élèves avaient un impact significatif sur leurs résultats scolaires,toutes choses égales par ailleurs. Il s'agit d'un exemple de prophétie auto-réalisatrice,où le fait de croire en quelque chose contribue à rendre vraie ladite chose. L'agentde changement doit donc se garder de ses propres représentations. Le premier pasest d'expliciter son propre système de croyances, notamment celles concernant lamotivation des individus, car ceci va avoir une influence profonde sur la nature desleviers de transformation que l'on aura tendance à favoriser. « Connais-toi toi-même », en quelque sorte.

Une deuxième étape peut consister à contraster ses convictions avec des théoriesscientifiques de la motivation. Citons, par exemple, la théorie de l'auto-déterminationde Deci et Ryan. Elle avance que les individus tendent, de façon innée, à satisfairetrois besoins psychologiques fondamentaux : l'autonomie, la compétence (maîtris-er son travail) et la relation à autrui (avoir des relations satisfaisantes). Si l'effetPygmalion est à prendre au sérieux, et l'expérience montre qu'il l'est, on comprendqu'adopter une vision de la motivation en cohérence avec la théorie de l'auto-détermination conduira à structurer, puis à piloter le changement d'une certainefaçon : par exemple, privilégier l'apprentissage plutôt que le contrôle par objectifs

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comme levier de transformation.

Une telle approche ne signifie pas qu'il faille renoncer au pragmatisme, et n'est pasincompatible avec des approches directives du changement. Par exemple, si l'ondoit annoncer une démarche « directive », on veillera (i) à annoncer clairement ladécision et/ou l'objectif, (ii) à expliciter les motifs de la décision, (iii) à reconnaîtrel'existence de possibles conflits ou insatisfactions (chez le récepteur) et (iv) à per-mettre un maximum de flexibilité dans la mise en œuvre de la décision. En effet, il estimportant de rappeler que le sentiment de justice ou d'injustice a deux principauxcomposants : le fond (ou « justice distributive ») et le processus (ou « justice procédurale »).En d'autres termes, le sentiment vis-à-vis du processus de décision a un fort impactsur les réactions face à ladite décision. D'où une question subsidiaire : quelles sontles caractéristiques d'un processus juste ? Il faudrait de longs développementspour faire le tour de la question. Citons néanmoins quelques « bonnes pratiques » :

• solliciter les inputs des personnes concernées et les incorporer dans le processusde décision,

• considérer le point de vue d'autrui,• réprimer les biais personnels,• appliquer des critères de décision de façon constante d'un individu à l'autre,

d'une période à une autre,• fournir un feed-back rapide sur les décisions,• expliciter les critères de décision (ces critères devant être construits de manière

raisonnée et communiqués de façon sincère, et perçus comme tels).

On peut y ajouter un dernier élément : l'exemplarité des comportements managériaux.Dans le cadre des grandes organisations en particulier, les changements stratégiquessont souvent complexes et difficilement interprétables par les salariés, et ce, parfoispendant de nombreux mois. Dans ce cas, les regards se tournent vers les figuresd'autorité, le chef de service et le(s) dirigeant(s) de l'entreprise. Leurs comportementsdeviennent un point de référence qui sert aux salariés pour interpréter le caractèrejuste ou injuste du changement. Ils déterminent plus globalement la perception duchangement13.

Accompagner les individus dans leur trajectoire de changementOn distingue communément trois phases dans les programmes de changement : lamobilisation, la transition et la consolidation. Il convient d'y associer, tout en lesdistinguant, les phases de transition individuelles. Plusieurs modèles théoriquesdécrivent les phases de transition qu'un individu traverse après l'annonce d'unchangement important. On peut par exemple s'appuyer sur les travaux d'Adams,Hayes et Hopson (1976) qui distinguent 7 phases : le choc, le déni (parfois accompagnéde colère), puis la plus ou moins rapide prise de conscience du caractère inéluctabledu changement, qui s'accompagne souvent d'un état dépressif, l'acceptation, quimarque la fin de la période dépressive, l'apprentissage et enfin, les deux étapes dela phase de consolidation : la création de sens et l'intégration sociale.

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13 Voir le chapitre 2.2, p.54

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La courbe de transition est un concept utile pour l'agent de changement. On sait eneffet que les actions à mettre en place pour soutenir les individus varient d'unephase à l'autre. Ainsi, dans la phase de mobilisation, il faut les aider à accepter lechangement et à laisser le passé derrière, tout en tentant de minimiser le choc. Onpeut accomplir cela en annonçant les intentions et les modalités du changement leplus tôt possible, tout en s'attendant à de la résistance14. Mieux vaut considérercelle-ci comme « normale », tout en cherchant à en comprendre les causes plutôtqu'à en combattre les symptômes.

Dans la phase de consolidation, on pourra célébrer les succès et institutionnaliserles nouvelles pratiques dans les processus structurants que sont le recrutement, lapromotion et les mécanismes d'incitation salariale. On va également chercher àsoutenir les individus dans leurs nouveaux rôles et à encourager la prise de distancepar rapport au changement et à l'apprentissage accompli. Ceci nous conduit à considérerune dernière recommandation : la construction d'une compétence collective enconduite du changement.

Développer une « capacité à changer » en capitalisant sur l'expérienceLa fréquente incapacité des organisations à capitaliser sur leurs expériences en matièrede changement est l'une des raisons d'échec des programmes de transformation.La recherche académique en management est encore indécise quant à la naturedes processus de transformation organisationnelle : s'agit-il de l'accumulation progressive de micro-changements, à la manière de la neige qui s'accumule avantl'avalanche ? S'agit-il plutôt de courtes périodes de transformations brusques,impulsées par de violents chocs externes, ou encore de formes hybrides incorporantces deux mécanismes ? Un certain nombre d'expériences dans des entreprisescomme Apple ou Google tendent à montrer qu'il est possible « d'organiser l'instabilité ».Ceci passe notamment par l'exploitation des situations imprévues, que l'on vatraiter non pas uniquement comme des déviations à supprimer, mais comme desopportunités d'apprentissage. La dichotomie classique entre reproduction et innovation,optimisation et changement, est peut-être en fait une dualité. Ou en tout cas, ladualité est possible. Elle passe par la construction d'une compétence collective enmatière de changement.

Bâtir ce type de compétence devrait être un objectif stratégique à long terme pour laplupart des organisations – du moins, toutes celles confrontées à un environnementdynamique15. De quelles pistes dispose-t-on ? Tout d'abord, il est nécessaire de formerles agents de changement (à l'analyse systémique, à l'ensemble des techniques etconcepts relatifs au changement organisationnel). Il convient de considérer que laconduite du changement est une véritable compétence managériale et de la développerformellement. Ensuite, il faut conduire les transformations organisationnelles dansune optique de long terme. En tant que communauté humaine, une organisation aune mémoire qui ne se limite pas à celle de ses membres ; elle s'inscrit égalementdans ses processus, dans sa culture et dans ses normes de fonctionnement. Despropriétés caractéristiques de l'organisation, telles que la confiance, dont on connaîtles vertus en matière de mobilisation des salariés, sont des produits « historiques ».

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14 Voir les chapitres 1.4, p32 and 2.4, p7015 Nous renvoyons le lecteur intéressé à la littérature sur les organisations apprenantes.

UNE APPROCHE SOCIOPOLITIQUE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

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Ces propriétés collectives, tout comme la compétence individuelle des agents dechangement, se bâtissent dans le temps.

Un projet de changement est semé d'embûches. Dans ce chapitre, nous avons proposé une approche sociopolitique globale. De nombreux « grains de sable » peuvent néanmoins gripper la « mécanique » du changement, comme une mauvaise gestion du tempo du programme, qui fait l'objet du chapitre suivant.

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UNE APPROCHE SOCIOPOLITIQUE DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Guillaume Soenen, diplômé d'HEC, est professeur de Stratégie à EM LYONBusiness School. Ses recherches et interventions portent notamment sur la conduite du changement et l'exécution de la stratégie. Il a travaillé

pour des entreprises telles qu'Alcatel Lucent, Arc International, Bouygues Telecom,GDF SUEZ, Renault, Somfy, The Enterprise Group, etc.

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« …il faut marquer la cadence, battre le rythme, gérer l’allure, respecter la durée, et réaliser le changement avec tous les hommes et femmes de l’organisation... »

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La gestion du temps est un élément clé pour mobiliser et motiver les équipes. Il estprimordial de diviser le projet en jalons définis par leurs objectifs et les activitéspour les atteindre. Une cadence hebdomadaire de revue des activités, au rythmedes célébrations des passages de jalons, impose le changement comme significatif,inexorable et inévitable. En allant vite et sur une courte période, on crée un sentimentd'urgence qui contribue à engager les équipes dans la réussite du changement. ourpasser de cette intention à la réalisation, il faut marquer la cadence, battre lerythme, gérer l'allure, respecter la durée, et réaliser le changement avec tous leshommes et femmes de l'organisation, qu'ils aient un tempérament de sprinter oude marathonien.

ne organisation confrontée au changement reçoit un excès d'énergie. Idéalement, toutes les personnes concernées par le projet de changementsont convaincues de sa nécessité, et chacun désire y prendre part. Les objectifs à atteindre ainsi que les moyens pour y arriver ont été clairement

définis. Les intentions sont explicites, tout le monde est encouragé à participer.Cependant, il va bientôt falloir se confronter à la réalité du changement. C'est alorsque l'excès d'énergie se transforme en stress.

Si ce stress devient envahissant, il peut provoquer soit de l'agressivité, soit desréactions de fuite. Par contre, si le programme de changement est mené tambourbattant, en évitant les temps morts, le stress peut se transformer en un formidable agentd'adaptation. Parvenir à en faire un allié est une question de cadence et de rythme.

Avancer par étapes pour marteler le changementPour mener un projet, il est important de définir la route à suivre et de la jalonnerde points de repère. Ces jalons divisent le projet en plusieurs étapes. Pour chacune,il faut définir des objectifs, les partager, développer les actions pour y parvenir, lesattribuer, les réaliser, mesurer les résultats et les communiquer. Il s'agit de mobiliserles énergies sur une durée déterminée, afin d'atteindre un jalon pour lequel un ouplusieurs résultats intermédiaires contrôlables sont livrés.

À la fin de chaque étape, les résultats obtenus seront communiqués à l'ensembledes équipes. Ils permettront d'obtenir l'adhésion par la démonstration de l'efficacité

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3.2

Gérer le rythme et la cadence du changement : sprinter ou marathonien ?

Par Tanguy Appert

U

GÉRER LE RYTHME ET LA CADENCE DU CHANGEMENT : SPRINTER OU MARATHONIEN ?

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de la transformation. Il est important de s'employer à ce que l'ensemble de l'organisationreçoive cette communication, véritable levier d'impulsion du rythme.

La première communication est celle du lancement du projet. Son objet est de convaincrechacun de se rassembler sur la ligne de départ, prêt à répondre au signal dustarter, que la course à venir soit un sprint ou un marathon. Elle doit expliquer lanécessité du changement et décrire son impact sur l'organisation et sur chacun. Ledialogue sur le terrain, en complément de réunions d'information, est déterminant pourmontrer l'engagement de l'équipe de direction et tenter de répondre aux inquiétudes.

Vient ensuite le temps de la mise en œuvre du projet de changement, avec la nécessitéde communiquer des résultats au passage de chaque jalon. L'objectif est alors deprésenter l'état d'avancement à l'équipe de direction mais aussi d'obtenir l'adhésionde tous au projet. Cela réclame une communication sur le terrain, illustrée par desexemples concrets de l'impact du changement dans le quotidien de chacun. Il s'agiten quelque sorte de célébrer les victoires obtenues. En résumé : « On avait dit qu'onen arriverait là, on l'a fait ensemble, et voilà le résultat dans le travail de tous lesjours. C'est le moment de célébrer la victoire. » Ces victoires doivent être partagéeset, pour les plus significatives, récompensées. Si l'on veut changer les comportements,il faut changer les règles de rétribution. Avec un réel effort de communication pourcélébrer les réussites au passage de chaque jalon, l'équipe se fédère.

Célébrer les victoires est le moyen de mobiliser et canaliser les énergies. Lors dechaque passage de jalon, ces célébrations deviennent un rite. Il faut en quelquesorte marteler le changement, démontrer son omniprésence et, en fin de compte,prouver que les choses bougent.

Marcher à rythme cadencé pour mener le changementPour chaque étape, le travail nécessaire pour atteindre chaque objectif intermédiaireest divisé en une succession d'activités élémentaires. Leur suivi permet de piloterle projet. Le « pilote » doit suivre l'avancement, corriger si besoin à l'aide de leviers etvérifier que les corrections sont efficaces. Ces activités sont le plus souvent planifiéesà la semaine. Leur revue hebdomadaire impose une cadence au projet. La régularitéde la cadence résulte de l'adéquation entre les ressources et la charge de travail.Toute accumulation d'activités non terminées reportées d'une semaine à l'autre entraîneimmédiatement un sentiment de débordement, qui provoque une situation destress. Si la cadence impose de courir un sprint chaque semaine, on risque l'abandon.

Une cadence d'exécution régulière donne une impression de contrôle qui peutcependant masquer la réalité. En effet, seule l'atteinte d'un objectif permet de statuer surl'efficacité des activités réalisées. Rapporter « froidement » que 80% des activitéssont accomplies n'est pas très mobilisateur. Il est plus stimulant d'annoncer qu'ilne reste que 20 % des activités à accomplir pour atteindre le dernier objectif fixé.D'où l'importance de fréquemment marteler le changement après plusieurscadences, afin de rompre avec la monotonie de la marche cadencée du projet. Lerythme du projet correspond à la durée de chaque étape, c'est-à-dire au temps

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écoulé entre les passages de jalons. Cette durée est très souvent comprise entre 4et 8 semaines :• Un rythme de 4 semaines permet en début de projet de s'assurer que l'énergie

déployée par les équipes est bien ciblée. Il s'agit aussi de rapidement convaincre enmontrant les premiers résultats. Ensuite, il peut devenir plus difficile de communiquertoutes les 4 semaines des améliorations tangibles et confirmées d'une semaine àl'autre. Le rythme peut alors être ressenti comme frénétique et provoquer du stress.

• Un rythme de 8 semaines occasionne souvent un infléchissement de la mobilisationaprès le passage d'un jalon car le suivant semble très éloigné. La durée donne l'impression fausse que le retard est rattrapable. Les problèmes sont souvent remontés tardivement.

• Un rythme de 6 semaines et/ou la combinaison de rythmes de 4 et 6 semaines sont souvent considérés comme de bons compromis. C'est un rythme soutenu qu'il est possible de maintenir du début à la fin. Il dissocie également la conduite du changement de celle du business dont la périodicité est mensuelle.

Cette marche cadencée par les revues hebdomadaires des activités, au rythmedes célébrations des passages de jalons, impose à tous le changement commesignificatif, inexorable et inévitable. Un rythme élevé imposé par des jalons courtsfavorise la convergence et facilite l'adhésion. Il laisse peu de place aux mécanismesde résistance. Devant le chemin parcouru, il devient alors chaque jour de plus enplus évident qu'il faut y participer maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. C'est unlong parcours, une longue distance, un marathon.

Concourir pour accorder le rythme du changementIl ne suffit pas de donner la cadence, de battre le rythme. Il s'agit également decoordonner les acteurs du changement pour qu'ils s'accordent et maintiennent cetaccord. Il est recommandé de scinder l'organisation projet en plusieurs équipesavec leurs propres objectifs. Le « pilote » s'emploie à faire en sorte que l'avancementde chacune d'elles soit connu des autres. Le non-respect de la cadence et/ou durythme par une équipe entraîne une pression bénéfique sur chacun de ses membres.Ils s'emploient alors la plupart du temps à rentrer dans le rang afin de ne pas s'installerdurablement en marge de l'organisation. Il est primordial d'accompagner leséquipes au quotidien. Un moyen pour ce faire est de « coacher » les membres deséquipes identifiés comme déterminants pour mener le changement. Le coach,externe à l'organisation, n'aura de cesse de donner à ces individus les outils, lesconnaissances nécessaires à la conduite du changement. Il les aidera à surmontereux-mêmes les obstacles et sera disponible, de manière informelle, entre chaquerevue hebdomadaire, pour répondre à toute question. Il fournira égalementrégulièrement un feed-back formel dont l'objet est de rassurer mais aussi de définirsans aucune ambiguïté les points à améliorer. Ce coach est un guide pour l'action,pour éviter tout écart de rythme. C'est un véritable chef d'orchestre.

Si rigueur et discipline sont exigées pour respecter le rythme, il faut gérer les conséquences des écarts. La direction du projet doit être informée de tout manquement

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à la cadence, sans attendre le passage du prochain jalon. On exigera de l'équipe quifait défaut un plan d'actions correctives et un engagement sur les délais. La répétitiondélibérée de ces manquements doit être sanctionnée.

Cette coordination repose sur l'émulation entre les équipes. Elle s'appuie égalementsur le coaching. Elle exige de tous de concourir en accord avec le rythme. Elle estsans concession car seule la somme de tous les comportements individuels crée lechangement de culture. Chaque écart risque de casser le rythme et ainsi donnerune chance à la culture existante de perdurer.

Gérer pour moduler le rythme du changementLa succession des jalons, imposée, donne au déroulement du projet un rythmealterné de compression (atteindre des échéances avec une connaissance précise del'objectif poursuivi et des moyens pour y parvenir) et de décompression (dévelop-per les nouvelles activités, apprendre, fixer de nouvelles échéances). L'importancedu rythme alterné invite à ne pas privilégier un mode unique de gestion du temps :dans certains cas, il faut temporiser, dans d'autres accélérer. L'habileté du « pilote »se situe dans sa capacité à faire en sorte que le changement épouse un rythmeapproprié aux circonstances, mélangeant à bon escient ces phases de compressionet de décompression.

Dans le milieu de l'athlétisme, on le surnomme « le lièvre ». Il est chargé de courirdevant, pour tirer les coureurs en donnant le rythme. Il mène l'allure tout en restant àl'écoute des autres. Dans la conduite du changement, le lièvre est le change manager16.Quand la nécessité du changement ne répond à aucune urgence particulière, il doitbousculer les hommes et les femmes pour les inciter à modifier leurs habitudes. Ilimprime alors un rythme qui sera perçu comme celui du sprint. Par contre, quand ily a urgence, il doit faire attention aux hommes et femmes pour ne pas les meurtrir.Il imprime alors un rythme qui sera perçu comme celui du marathon.

Courir pour imposer la cadence du changementUne fois le rythme de chacun accordé, le mouvement d'ensemble sera perçucomme rapide par ceux qui se sentent dépassés, mais aussi par ceux qui sedépassent pour atteindre les objectifs. La vitesse est une notion somme toute relative.Elle est fonction des personnes mais aussi de l'environnement. Il est troublantd'entendre qu'il faut aujourd'hui 5 ou 10 ans pour changer des comportementsindividuels dont la somme forme la culture d'entreprise. Il faut combattre ces idéesreçues que les gens finissent par croire et traduire dans leurs propres programmesde changement. Si l'organisation souhaite rester maîtresse de son rôle dans sonenvironnement, elle doit évoluer plus rapidement que celui-ci. Des résultats tangibleset visibles doivent survenir dans les semaines ou mois qui suivent le lancementdu projet, et non des années plus tard. Il y a plus de raisons d'aller vite pour changerla culture de l'organisation que d'arguments pour aller lentement.

La vitesse peut effrayer, donner le sentiment d'être impétueux, faire craindre uneperte de contrôle. Mais c'est le plus souvent le manque de vitesse qui en est la

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16 Voir le chapitre 2.1, p46

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cause. Lorsque les gens sont bien installés dans leur travail quotidien, forts deleurs réseaux et de la connaissance de l'entreprise, il faut les bousculer pour lesmobiliser. Les hésitations, les doutes et les craintes provoquent plus d'erreurs quela rapidité, qui ôte toute chance aux anciens comportements et aux anciennes pratiques de perdurer. Le sentiment d'urgence met sous tension l'organisation etcontribue à engager les équipes sur la réussite du projet. C'est pourquoi il fautdémarrer rapidement et s'évertuer à gagner en vitesse. On peut d'ailleurs toujoursaller plus vite qu'on ne le pense. Lorsque le projet est terminé, on s'aperçoit souvent qu'il aurait été possible de le boucler plus rapidement !

Terminer la course pour graver le changementLe changement est un long parcours entre un existant rassurant et un avenir incertain.Il est préférable de rester prudent sur l'aptitude d'une organisation à soutenir l'effort surune longue durée. Les collaborateurs risquent de perdre courage ou tout simplementle fil des événements. À la fin, on ne saura plus pourquoi on a lancé le projet. Pour évitercette situation, il faut d'abord sélectionner les objectifs avec pragmatisme. Il s'agit dese garder de résoudre toutes les opportunités identifiées lors de la phase d'inventaire.Ensuite, il faut décliner ces objectifs à l'ensemble de l'organisation pour démultiplierles ressources. Plutôt qu'un programme étalé sur plusieurs années, il est préférablede mobiliser les énergies sur de courtes périodes de 6 à 9 mois et, le cas échéant,segmenter la conduite du changement. Pour contenir le nombre d'abandons, il vautmieux courir plusieurs marathons que de tenter de participer à un super-marathon,un « Ironman » qui laisserait beaucoup de coureurs sur le bord du chemin.

Le monde continue d'avancer pas à pas, avec de temps à autre une révolution. Pourmener un programme de changement en entreprise, il est préférable de s'inscriredans un projet de transformation plutôt que d'envisager une rupture dramatique. Il s'agitalors de conduire le changement en mobilisant chacun pour qu'il avance, marche,concoure, gère, coure et au final termine le parcours. Pour passer de cette intentionà la réalisation, il faut marquer la cadence, battre le rythme, gérer l'allure, aller vite,respecter la durée, avec pour mission de réaliser le changement avec tous leshommes et femmes de l'organisation, qu'ils aient un tempérament de sprinter oude marathonien. La construction d'une feuille de route solide sera un élément-cléde la bonne gestion du tempo du changement.

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GÉRER LE RYTHME ET LA CADENCE DU CHANGEMENT : SPRINTER OU MARATHONIEN ?

Tanguy Appert est membre fondateur du Celerant Change Club. En tant que Directeur industriel pour Rohm and Haas, il a dirigé des projets d'amélioration de la performance industrielle, obtenue par des modifications

techniques et la responsabilisation et l'engagement des employés en agissant surl'organisation, les systèmes de suivi de la performance et les processus. Après le rachat de la société par Dow Chemical en 2009, il a pris la responsabilité de l'intégration des sites industriels de Rohm and Haas de la région EMEA. À ce titre,il met en place de nouveaux modèles organisationnels et de nouveaux processusafin de réaliser les synergies attendues par le rapprochement des deux sociétés.

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« Autant le préciser tout de suite, sans feuille de route, votre projet de changement n’a aucune chance d’aboutir. »

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La feuille de route est l'élément indispensable à la mise en place du processus dechangement. Elle se fonde sur une analyse approfondie de l'existant, qui doit permettrede déterminer la stratégie la plus adaptée à la conduite du changement dans l'entreprise.

our 24% des entreprises17, les programmes de changement échouent non pas par manque de moyens, mais principalement à cause d'un planning négligé et d'objectifs non clairement définis ou difficilement atteignables, qui ne permettent pas d'évaluer les progrès accomplis.

Êtes-vous prêt pour le changement ? Sa mise en place ne s'improvise pas : pourmettre toutes les chances de succès de votre côté et minimiser ainsi les risquesd'échec, vous devez soigneusement préparer votre feuille de route.

Qu'est-ce qu'une feuille de route et pour quoi faire ?Autant le préciser tout de suite, sans feuille de route, votre projet de changementn'a aucune chance d'aboutir. La feuille de route en est un élément indispensable :c'est la colonne vertébrale autour de laquelle toute l'organisation, les actions et lerythme du changement vont s'articuler afin d'atteindre les objectifs fixés. Elle permetde tracer l'itinéraire à suivre depuis la situation existante jusqu'à celle que vous visez.C'est en quelque sorte le contrat passé entre l'équipe projet et l'équipe dirigeante.

La direction fixe le cadre et sa vision du changement, à partir desquels l'équipe projetest chargée d'en établir la feuille de route, validée par le comité de pilotage. Le chefde projet a la lourde charge de s'assurer du bon déroulement des opérations, de lacohésion des équipes et d'harmoniser les plans d'actions afin de coordonner lesdécisions à prendre. La feuille de route lui permettra, ainsi qu'au comité depilotage, de suivre l'état d'avancement du processus de changement.

Elle se présente en général sous la forme d'un planning détaillant précisément lesactions à accomplir et les étapes clés à franchir, où les rôles et les responsabilitésde chacun sont clairement définis. Les objectifs indiqués doivent être réalistes. Desindicateurs permettront de visualiser les variations de votre processus et vousaideront à évaluer et reconnaître les progrès effectués. Définis et validés parl'équipe projet, ils doivent être pertinents, c'est-à-dire en lien direct avec l'objectif quevous vous êtes fixé, et fondés sur des données réellement mesurables et vérifiablessur le terrain.

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3.3

Concevoir et mettre en œuvre sa feuille de route

Par Régis Brachet

P

17 La gestion du changement. Les étapes d’une transformation réussie de l’entreprise. Etude de Celerant Consulting en partenariat avec The Economist Intelligence Unit, 2008.

CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE SA FEUILLE DE ROUTE

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Typiquement, cela peut être un graphique montrant l'évolution de l'efficacité d'unemachine, qui se situe au commencement du projet à 65 % et qui, grâce aux modificationsapportées et à l'organisation mise en place, indiquera que l'on progresse vers l'objectifde 80%. Ou encore, un indicateur de service client représentant l'écart entre ledélai demandé par le client et le délai accusé par l'usine ou l'atelier avant, pendantet après le projet. L'affichage de vos indicateurs est le meilleur moyen de les rendrevisibles par l'ensemble du personnel et de challenger vos équipes.

Il est également recommandé de faire apparaître les phases de coaching et de formationqui vont jalonner la feuille de route à certaines étapes clés du processus. Cela aurapour effet de rendre visible la volonté de l'équipe projet d'accompagner et deresponsabiliser le personnel dans l'opération de changement que l'on souhaitemettre en place.

Les éléments de la feuille de route sont déterminants pour obtenir l'adhésion deséquipes et conserver la dynamique dans l'entreprise. Le chemin à parcourir seradifficile. L'équipe dirigeante et l'équipe projet, aidées par les ressources humaines,devront communiquer régulièrement à l'ensemble du personnel de manière ouverteet transparente. C'est un point fondamental pour conserver la confiance, ôter lesdoutes et capitaliser la motivation18.

Chaque entreprise a son identité propre, son histoire, sa culture et son mode defonctionnement. Vous devrez prendre ce contexte en considération et adapter votrefeuille de route en tenant compte des femmes et des hommes en place dans l'entreprise. Le changement que vous allez déployer va inévitablement engendrerdes bouleversements dans les faits et les esprits. Mais ces bouleversements nedoivent pas être synonymes de révolution ni de chaos.

Conditions préalables à la feuille de routeS'il est difficile, voire impossible, de piloter un projet de changement sans feuille deroute, il est tout aussi difficile d'imaginer bâtir une feuille de route sans uneanalyse approfondie, en amont, du terrain sur lequel doit s'opérer le changement.Tout d'abord, savez-vous exactement comment fonctionne tel ou tel service ?Connaissez-vous les liens entre les services et les moyens de communication ?Existe-t-il des contrôles visuels19 et, le cas échéant, sont-ils efficaces ? On constatetrès souvent que les managers connaissent parfaitement leur domaine d'activitémais ont une vision limitée de l'ensemble du fonctionnement de leur entreprise.Vous l'aurez compris, l'analyse préalable est indispensable et déterminante dans lechoix de la stratégie à mener et de la tactique à déployer.

L'analyse est pilotée par l'équipe projet et doit être planifiée sur un horizon de cinqà six semaines maximum, afin que les informations recueillies et les événementsétudiés soient toujours pertinents au moment d'entamer le processus de changement.Pendant ces quelques semaines d'observation, il s'agira de réaliser des interviewsde l'ensemble du personnel concerné, de l'opérateur au manager. Certains dirigeantspréféreront s'adjoindre l'aide de consultants dans cette démarche, avec un double

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18 Voir le chapitre 2.4, p70. 19 Par exemple, des panneaux d'affichage lumineux permettant desuivre, en temps réel, l'évolution de la production horaire ou des stocks tampons entre deux

ateliers. Le management visuel est directement inspiré du modèle Toyota.

CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE SA FEUILLE DE ROUTE

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objectif : approfondir certaines questions posées aux collaborateurs et leur permettrede s'exprimer plus librement. La communication est là encore primordiale et doitêtre effectuée avant et pendant le déroulement de l'analyse. Les ressourceshumaines ont un rôle important à jouer : il faut les impliquer dès le début du projet.Leur support est indispensable pour les managers et l'équipe projet, pour expliquerla démarche et, au besoin, dédramatiser la situation.

La synthèse de l'analyse vous permettra de comprendre les modes de fonctionnementet de communication actuels et de quantifier les points d'amélioration possibles.Elle constituera la base essentielle de votre feuille de route, pour déterminer lesaxes et groupes de travail, ainsi que les ressources et moyens nécessaires à la miseen place du changement. Vous aurez également une meilleure estimation de lacomplexité du projet, des coûts et des résultats attendus. Les écarts constatésentre la situation existante et l'objectif à atteindre vous permettront enfin de situer leniveau de maturité de l'entreprise face au changement et de revoir éventuellementà la baisse vos objectifs initiaux.

Insistons sur le fait que cette analyse préalable doit se faire de la façon la plus ouverteet honnête possible. Il faudra donc avoir du courage et admettre les défaillancesprésentes. Si le point de départ est tronqué, le risque d'échec de votre plan seraplus important.

La mise en œuvre : Blitz ou guérilla urbaine ?Votre analyse terminée, vous êtes en mesure d'orienter votre choix sur la tactiqueà déployer. Votre feuille de route soigneusement élaborée en conséquence, vousavez maintenant le plan de bataille entre vos mains : vous voilà vraiment prêt àdémarrer le processus de changement dans votre entreprise. Mais avez-vous penséau comportement des hommes face au changement ?

On peut considérer qu'il y a trois camps dans l'entreprise : les alliés, les opposants etles indécis. Les premiers veulent le changement et sont prêts à s'investir ; le campadverse le refuse : ce sont les individus qu'il va falloir combattre et convaincre.Entre les deux se trouvent les individus passifs. Ceux-là ne souhaitent pas s'engagermais ils se rallieront au gagnant au moment opportun. Il est plus facile de gérer unopposant car son jeu est clair. L'individu passif, s'il paraît neutre, ne l'est en fait jamais :il attend simplement le bon moment pour choisir son camp et y trouver son intérêt.Il faudra donc identifier rapidement ce type d'individus afin qu'ils ne freinent pas leprojet, et essayer de les convaincre de devenir acteurs dans le processus de changement.

Comment le mettre en œuvre ? Une méthode peut consister à vouloir « frapper » vite, telle Blitz, et de manière directive. On privilégie ainsi l'effet de surprise afin de minimiserl'impact du bouleversement engendré sur l'organisation et les hommes. Cela aurapour conséquences d'installer immédiatement la voie du changement dans l'entreprise,de rendre les actions pertinentes et de dynamiser les équipes en rompant avec leshabitudes.

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CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE SA FEUILLE DE ROUTE

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Cette tactique « top down » peut s'avérer payante pour un projet à très court terme etde faible envergure: vous êtes dans l'urgence, le champ d'action sera donc restreintet les personnes impliquées (acteurs, managers) devront être en adéquation totaleavec cette stratégie. Le compromis, ici, n'est pas possible et l'appropriation du projetpar les acteurs eux-mêmes n'a pas sa place puisque l'on avance à marche forcée.L'inconvénient d'une telle tactique est l'absence de concertation avec les acteurseux-mêmes. On se prive de toute suggestion et idée nouvelle émanant de la « base »,avec le risque réel d'un sentiment de frustration de l'équipe à tous les niveaux. Lapérennité n'est donc pas garantie.

Une autre approche, radicalement opposée, est celle d'une configuration de typeguérilla urbaine. Le processus de changement se déroulera alors sur plusieursfronts à la fois dans différents secteurs de l'entreprise. La tactique consistera doncà comprendre puis à infiltrer l'organisation en place par petits groupes de travail,avec cohésion. Ensuite, à franchir les étapes par assauts successifs et à consoliderle territoire conquis. Le renforcement des positions acquises s'effectuera par unaccompagnement quotidien des équipes engagées sur le terrain. Cela impliqueégalement la mise en place de réseaux d'information et de communication performants.Le but est de montrer clairement à tous que le changement est en cours, qu'il estnécessaire, qu'il peut et doit fédérer les équipes autour d'un même objectif, celuid'avancer et de réussir.

Cette tactique offre l'avantage de déployer le changement de manière simultanéedans toute l'entreprise, tout en amorçant une approche participative. Elle permetégalement de faire savoir rapidement que le processus est en marche, favorisantainsi la dynamique du changement. Plus complexe à mettre en œuvre que le Blitz, ellenécessite une feuille de route plus structurée et doit être parfaitement orchestrée.

Alors, Blitz ou guérilla urbaine ? Dans la plupart des cas, la bonne tactique sesituera en fait entre ces deux extrêmes qui présentent le risque, si vous n'y prenezpas garde, de vous installer rapidement dans un chaos permanent où le contrôle dela situation vous échappera, avec les conséquences désastreuse que l'on peut imaginer in fine.

Méthode et tactique gagnantes : le cas SKFProjet de changement mené à terme chez SKF, dans une unité de la divisionIndustrie qui fabrique des roulements à billes sur son site de Saint-Cyr-sur-Loire.

Contexte : L'activité de cette unité est en forte croissance et se situe sur un secteurde plus en plus concurrentiel. 80% de sa production est vendue sur stock. SKF veutpréserver ses marchés actuels et en développer d'autres. La réactivité et la flexibilitésont donc des facteurs clés pour répondre à cette attente et optimiser les stocks.

Projet : La direction de la division Industrie décide de lancer un programme dechangement afin de réduire drastiquement les délais de réapprovisionnement deses stocks de produits finis de 90 jours en moyenne à moins de 10 jours, tout en

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maintenant un niveau de service à 96% pour tous ses clients. Un délai de 10 moisest fixé pour atteindre cet objectif avec l'aide de consultants. La direction et le management de l'unité optent pour une stratégie de démarrage du projet trèsciblée et arrêtent leur choix sur la ligne de production la plus complexe.L'expérience acquise permettra ensuite de déployer plus facilement le projet surd'autres lignes de production et dans d'autres usines du groupe. Le périmètre duprojet inclut le service planning de l'usine, les achats et la sous-traitance, la productionet tous les services supports.

Communication : Une réunion de communication est aussitôt faite à l'ensemble dupersonnel concerné afin d'expliquer la stratégie de la division et les enjeux d'un tel projet.

Analyse : Elle est planifiée sur 5 semaines puis lancée et pilotée par le chef de projetet les consultants. Elle implique plus de 80 personnes chaque semaine. L'analyse estfocalisée dans un premier temps sur la compréhension et l'organisation de l'usine,ses spécificités, les rôles et responsabilités de chacun, la complexité de la production.Ces données sont ensuite étudiées. Les flux de production, de communication etles supports informatiques sont soigneusement examinés. L'analyse met en évidencedes points d'amélioration quantifiables et les ressources nécessaires. Une structurede projet avec des équipes et des axes de travail peut alors prendre forme.

Feuille de route : Un planning détaillé est élaboré pour chaque groupe de travailprécisant leur fonction, les tâches à accomplir par semaine et les objectifs à atteindre.Des indicateurs sont définis et des étapes clés à franchir toutes les 10 semainesjalonnent le planning.

Mise en œuvre : Des réunions hebdomadaires très structurées ainsi qu'une réunionde synthèse sont mises en place pour chaque groupe de travail. Elles sont sanctionnéespar un audit d'efficacité qui note et quantifie les écarts par rapport aux objectifs etdéclenche des actions correctives. Après la réunion de synthèse, un rapport estenvoyé au management local et à la direction de la division.

Accompagnement : Des réunions d'information sont régulièrement réalisées auprèsde tous les collaborateurs de l'unité. Elles permettent de jauger la motivation dechacun et de répondre aux attentes et inquiétudes qui subsistent. Une réunionmensuelle est programmée avec la direction de la division et l'équipe projet.Chaque leader de groupe présente ses indicateurs et l'état d'avancement du projet.Une visite sur les lieux est généralement organisée pour juger sur place des progrèseffectués et des objectifs atteints. Il s'agit d'un moment privilégié pour la prise dedécision, pour échanger et célébrer les succès accomplis avec les acteurs duchangement, mais aussi discuter des difficultés et des points bloquants rencontrés.Une campagne de communication a été organisée à l'intérieur et à l'extérieur dusite, sous forme de présentations, d'affiches et d'articles dans le magazine interne.

Résultat : L'appropriation du processus de changement par les acteurs s'est faiteà partir d'une approche participative, de l'acceptation de la méthode et des outils

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utilisés. Quelques erreurs ont été commises mais les équipes épaulées par le topmanagement ont su en tirer profit pour mieux rebondir. Le projet a accusé un retard de3 mois. Le délai de réapprovisionnement des stocks est passé de 90 jours à 14 jours.

Vous l'aurez compris, il n'existe pas de méthode ni de tactique idéale type. Lameilleure tactique est celle que l'on sait structurer et adapter en fonction des objectifsfixés, de l'identité et de la situation de l'entreprise, de la communication et desrelations que l'on souhaite établir avec les hommes en place. La reconnaissancedes progrès accomplis doit être partagée avec tous et se faire tout le long duprocessus de changement. Une feuille de route réaliste et acceptée par les acteursdu changement est la meilleure façon de s'assurer de l'appropriation de ce processuset de contribuer en grande partie à son succès.

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CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE SA FEUILLE DE ROUTE

Régis Brachet, membre fondateur du Celerant Change Club, est Supply Chain Manager et Deployment Champion 6 Sigma chez SKF, premier fournisseur mondial de produits et solutions sur les marchés des

roulements, des systèmes de lubrification, de la mécatronique, de l'étanchéité etdes services. Dans le cadre de ses fonctions, il coordonne les activités de cinqunités de production situées en Europe, aux États-Unis et en Asie. Il a été amené àconduire plusieurs projets de changement internationaux.

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« Le changement, comme la santé, ne se décrète pas. Il ne peut être le fruit de la seule volonté. »

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Comme un patient qui expérimente la maladie, l'entreprise doit adopter de bonnespratiques pour gérer les « signaux d'alarme » du changement. Si elle fait le choix d'unemédecine de pointe, elle s'entoure alors d'une équipe expérimentée et aux compétencesmultiples. Généralistes et spécialistes du changement déploient leur savoir-faire etaccompagnent au quotidien l'entreprise qui se transforme. Le changement, commela santé, ne se décrète pas. Il ne peut être le fruit de la seule volonté : objectifs,méthodes et savoir-faire précis sont également nécessaires, tout comme pour ledéploiement d'une médecine de pointe.

hangements et transformations sont aujourd'hui au cœur de la vie de l'entreprise : les clients changent, de nouveaux marchés émergent, l'environnement compétitif se transforme, les critères financiers évoluent,de nouvelles technologies apparaissent. Tous ces facteurs impactent

et influent sur la santé de l'entreprise.

Quels liens entre santé et changement ?D'un côté, la santé peut se définir comme un état d'équilibre et d'harmonie sur unepériode de temps appréciable. De l'autre, le changement qualifie ce qui évolue etse modifie. Il apparaît dès lors que changement et santé éclairent, chacun à samanière, le chemin vivant qui relie passé, présent et futur. Une certitude : au cœurdu changement et de la santé, il y a l'humain dans une perspective en mouvement.Concrètement, lorsqu'une personne expérimente une maladie, elle est confrontéeà de multiples « signaux d'alarme ». Quelle réaction l'emporte ? La peur, le déni oul'envie de se saisir de cette épreuve pour mieux avancer ? Quelles décisions prendre ?Quelles compétences mobiliser ? Pour une entreprise, la réalisation du changementpose les mêmes questions.

Le recours à une médecine de pointeLa médecine de pointe est une médecine centrée sur la personne et orientée verssa santé. Elle conjugue soins et préventions. Elle met en œuvre des savoir-faire deprécision. C'est une médecine profondément humaine qui se transforme au rythmedes découvertes scientifiques et de l'évolution du monde.

Différentes phases structurent un parcours médical de pointe :• Le diagnostic, en réponse à des symptômes ou dans une démarche de prévention ;• Les traitements, qui peuvent associer des thérapies très diverses ;

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3.4

Mener le changement : une médecine de pointe

Par Jean-Marc Bouillon

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• La convalescence, un temps essentiel et incontournable ;• Le bilan médical, qui permet de réévaluer régulièrement l'état de santé du patient.

Chaque bilan peut être l'occasion de poser de nouveaux diagnostics et de déclencher de nouveaux traitements adaptés.

Au fil du temps et des rencontres, une équipe multidisciplinaire se déploie etentoure le patient, qui se positionne de façon proactive. Médecins généralistes etspécialistes, soignants et thérapeutes lui prodiguent des soins et interagissentavec lui. Avec le développement récent de disciplines transversales, la médecine depointe facilite le déploiement d'une approche systémique et holistique de la maladie.Toutes les compétences de l'équipe soignante peuvent alors se mettre au diapasondu patient.

Trois vecteurs de la réalisation du changementÀ la lumière de cette pratique de la médecine de pointe, trois vecteurs structurantla réalisation du changement émergent : la capacité de résilience, l'intelligenceémotionnelle et le facteur comportemental. Ils se perçoivent plus facilement auniveau individuel, mais s'appliquent également à une équipe, une organisation ouune entreprise.

La capacité de résilienceLa résilience est cette capacité à développer la confiance en soi malgré les chocs.Elle permet d'avancer au travers d'un environnement incertain vers la concrétisationd'objectifs clairement identifiés.

Dans la médecine de pointe, la résilience du patient joue un rôle déterminant à chacunedes étapes de diagnostic et de soins.

Au niveau d'une organisation, la résilience est la faculté à se transformer tout encontinuant à fonctionner. « Pendant les travaux, les ventes continuent » : ce sloganillustre la capacité de certaines organisations, fortement résilientes, à adapter enpermanence leur fonctionnement dans des environnements très évolutifs. Uneorganisation faiblement résiliente entrera beaucoup plus facilement en crise dansun contexte de forts changements.

Au niveau des individus, dans le quotidien des affaires, certains vivent leurs problèmescomme bloquants. Ils entrent parfois, à leur insu, en mode « résistance ». D'autres, aucontraire, perçoivent leurs problèmes comme des opportunités. Ils investissent dutemps pour analyser la situation, pour développer et nourrir leur vision, pour prépareret planifier les actions qui les mèneront à la concrétiser. Ils font preuve d'une confianceinébranlable : ils sont en mode « résilience ».

Un autre exemple concret et très courant de la résilience dans le monde de l'entreprises'observe lors de l'implémentation de progiciels de gestion : à l'issue de tels projets,certains sont bloqués dans leurs difficultés alors que d'autres se sont adaptés ettirent profit des nouveaux outils mis en œuvre.

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L'intelligence émotionnelleAu niveau individuel, l'intelligence émotionnelle se caractérise par la capacité à percevoirles émotions, à les prendre en compte et à les réguler. Ces compétences fondamentaless'expriment soit en tant que compétence individuelle (« se connaître »), soit en tantque compétence sociale (« connaître autrui »).

C'est l'intelligence émotionnelle des personnes et des équipes qui « fait » le résultatdes actions de changement entreprises, dans les dimensions de collaboration, deproductivité et de créativité.

Considérons par exemple la peur, une des émotions humaines fondamentales, quise rencontre couramment dans le monde l'entreprise comme dans celui de la santé.Celui que la peur paralyse aura du mal à être proactif dans une démarche dechangement. Il aura besoin d'accompagnement pour apprendre à identifier sa peuret la traverser. Alimentés par leurs peurs, certains refuseront obstinément toutedémarche de changement.

Un autre exemple est la manière dont un entrepreneur gère ses émotions. Celle-ciest déterminante dans les différentes phases de développement et de pilotage deson activité. L'intelligence émotionnelle de l'entrepreneur est essentielle dans laconduite de ses affaires. S'il se « noie » dans ses émotions ou s'il les ignore, sescapacités de gestion peuvent être rapidement fragilisées : son entreprise se retrouvealors en zone de forts risques.

Celui qui accompagne le changement, comme le médecin, doit faire preuve d'ungrand savoir-faire dans la gestion de ses propres émotions. Il doit également pouvoirintervenir si le décideur est en difficulté « émotionnelle ». Qui n'a pas connu un managerqui, prenant ses décisions sous l'emprise de la colère, laisse ses émotions l'emporterdans des pratiques de gestion approximatives et risquées ?

Le facteur comportementalCe sont les comportements observés qui font la preuve que l'intention de changementinitial s'est finalement réalisée. Dans la médecine de pointe, le comportement dupatient, tout comme celui des membres de l'équipe soignante, participent à la qualitédes traitements thérapeutiques.

Pour favoriser de nouveaux comportements, il est nécessaire de prendre en comptele contexte dans lequel ils s'inscrivent ainsi que leurs conséquences perçues.Chaque cas de changement, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une entreprise, est à lafois un cas universel et spécifique, unique. Pour paraphraser l'anthropologue ClydeKluckhohn, à l'aune du facteur comportemental, « tout individu est comme toutautre individu, comme certains autres individus, comme aucun autre individu ».

Le coaching de performance est une illustration claire de l'importance du facteurcomportemental. Il est couramment proposé dans la réalisation de programmes dechangement en milieu industriel. Il se concrétise alors comme un dispositif ciblant

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les responsables de production et les chefs d'équipe. Il permet à chacun de travailleren entretiens individuels avec un coach extérieur à l'unité de production, pendantplusieurs semaines. À l'issue de ce type de programmes, l'obtention de meilleuresperformances de production est étroitement corrélée à la mise en œuvre de nouveauxcomportements au quotidien.

Un autre exemple de l'importance du facteur comportemental : les programmesd'évolution organisationnelle implémentés sur la base du volontariat. C'est le signefort d'un comportement proactif de salariés qui adhèrent ainsi visiblement auchangement proposé et montrent qu'ils en perçoivent les conséquences positivesles concernant.

Résilience, intelligence émotionnelle et facteur comportemental révèlent que lesmécanismes sur lesquels s'appuie la réalisation du changement sont à la fois complexes et précis. Le changement, comme la santé, ne se décrète pas. Il ne peutêtre le fruit de la seule volonté : objectifs, méthodes et savoir-faire précis sont égalementnécessaires, tout comme pour le déploiement d'une médecine de pointe.

Le changement, des métiers de généralistes et de spécialistesDans l'entreprise, de très nombreux acteurs agissent sur le changement. Certainsmétiers y sont même entièrement dédiés : consultants, chefs de projets, praticiensspécialisés sont à même de préparer et piloter les projets de changement degrande ampleur. C'est à ces professionnels que l'on fait appel pour mettre en placede nouveaux systèmes d'information pour des dizaines de milliers d'utilisateurs ausein d'entreprises internationales, ou pour restructurer les moyens de productionde sites industriels de taille conséquente.

D'autres métiers, moins spécifiques, intègrent quant à eux une dimension de conduiteet de contribution au changement : les missions d'encadrement, par exemple, demême que les missions de communication, d'innovation ou de développement.

Comme dans le monde de la santé, c'est au travers d'équipes qu'il devient possiblede fédérer les multiples compétences et expertises requises par un programme dechangement, avec des généralistes, qui coordonnent les approches d'ensemble, etdes spécialistes hautement qualifiés, à même de déployer des savoir-faire très spécifiques, des méthodologies de pointe, dans un contexte donné. Que ce soientles fonctions dédiées au changement ou celles qui intègrent une dimension dechangement, elles s'appuient toutes, au quotidien, sur la capacité de résilience,l'intelligence émotionnelle et le facteur comportemental de celles et ceux qui sontimpliqués dans le changement.

Les praticiens du changement doivent nécessairement mettre en œuvre différentescompétences spécifiques, en particulier :

• Une capacité d'analyse générale pour dégager la cohérence d'ensemble du changement entrepris,

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• Des techniques spécialisées pour traiter de problématiques de changement précises dans un environnement ouvert et évolutif.

Prenons le cas d'une entreprise de plusieurs milliers de salariés qui se transformeet se repositionne sur ses marchés. L'équipe qui pilotera le changement pourra typiquement être sous la responsabilité d'un responsable de programme ayant uneformation généraliste de haut niveau. Celui-ci sera responsable d'une demi-douzainede chantiers dans lesquels interviendront des spécialistes de différents domaines(opérations, logistique, ressources humaines, finance…), bénéficiant de formationssupérieures d'excellence. Les expériences de chacun seront suffisamment longueset diversifiées pour permettre le développement pertinent du programme de changementdans ses différentes phases. Le travail en équipe sera privilégié et permettra une étroitecollaboration avec l'encadrement qui portera le changement au cœur de l'entreprise.

Il apparaît donc que, loin de s'opposer, généralistes et spécialistes sont tous deuxnécessaires et se complètent au sein de l'équipe qui anime le changement.

Il est à noter que dans certains changements d'ampleur moyenne ou faible, personnen'est dédié à plein temps à la réalisation du changement : ce peut être, par exemple,l'équipe de direction qui se répartit les différents rôles, avec l'appui d'un consultantqui intervient ponctuellement lors de la préparation et de la réalisation du changement.Une formation ciblée de cette équipe de direction à la gestion du changement et à sesdifférentes techniques peut contribuer très efficacement à la réussite de ce type dedémarche.

Proposition d'une feuille de route pour la réalisation du changementConcrètement, développons au travers d'un exemple la manière dont un praticiendu changement peut implémenter une action au sein d'une organisation. Certainscommenceront par se préparer une feuille de route détaillée dans le cadre concret duchangement considéré, à la façon d'un programme de santé. Le généraliste considérerala feuille de route dans son ensemble, alors que le spécialiste se concentrera plusspécifiquement sur certaines de ces étapes.

• Première étape : mobiliser, c'est-à-dire créer le sentiment d'urgence du changement.Il s'agit de faire du changement une priorité largement partagée au sein de l'organisation.Tout comme le diagnostic dans le parcours médical, cette mobilisation, qui peutêtre une onde de choc, vise à la mise en mouvement.

Questions clés :- Y a-t-il assez de personnes qui partagent un sentiment d'urgence, qui se

mobilisent pour le changement ?- Comment l'organisation réagit-elle au changement ? - Est-ce en mode crise, en mode réactif ou en mode anticipatif ?- Quels sont les vecteurs de changement externes et internes ?- Quels sont les cas de changements qui montrent l'insatisfaction engendrée par

le statu quo et l'urgence à changer ?

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• Deuxième étape : identifier et fédérer les alliés. Il s'agit de constituer un groupequi aura le pouvoir d'influencer et de piloter le changement.

Questions clés :- Qui fera partie de la coalition qui guide le changement ? - Quels sont les agents du changement, les attentistes, les résistants ? - Ont-ils l'état d'esprit et les compétences nécessaires pour adopter les

changements proposés ?- Quels sont les niveaux d'influence et de résistance de chacun ? - Qui sont les innovateurs ? - Qui sont les champions du changement ? - Où se situe la majorité silencieuse ? - Qui sont les conservateurs ?

• Troisième étape : développer la vision, pour guider les efforts de changement etdévelopper les stratégies adéquates.

Questions clés :- Le changement considéré s'appuie-t-il sur des activités en croissance dans un

contexte externe porteur ? - S'agit-il d'investir de nouvelles ressources et de concrétiser un challenge motivant ? - Le changement considéré est-il basé sur des gains de productivité avec une

focalisation interne sur l'organisation ? - L'objectif est-il de réaliser des économies en réduisant les coûts ?

Une fois la vision structurée, elle doit être communiquée clairement et de façonacceptable : quels en sont les bénéfices, les gains et les difficultés ? Sur quels élémentsl'aspiration au changement peut-elle s'appuyer ? Qu'est-ce qui nourrit le sens del'engagement et favorise l'appropriation de cette vision ?

• Quatrième étape : ces différents éléments préparés, un plan d'action peut êtreimpulsé pour implanter le changement localement et surmonter, contourner etréduire les obstacles rencontrés.

Il s'agit de développer un plan crédible et efficace, qui soit suffisamment spécifiquepour « coller au terrain » et suffisamment structuré pour exprimer une cohérenced'ensemble. À cette étape, la prise en compte du retour d'expériences passées esttrès bénéfique pour bien identifier certains obstacles majeurs prévisibles.

Questions clés :- Quels sont les obstacles rencontrés ? - Quelle en est la nature (stratégique, organisationnelle, technique, humaine) ? - Comment s'en affranchir ?- Comment communiquer régulièrement, tant sur la vision que sur le plan de

changement et les actions en cours ?- Comment s'assurer de l'équité des changements mis en œuvre ?

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MENER LE CHANGEMENT : UNE MÉDECINE DE POINTE

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- Chacun aura-t-il l'opportunité d'être entendu ? - Les décisions seront-elles appliquées de façon cohérente ? - Comment et à quels moments les retours d'information suite aux décisions

seront-ils pris en compte ?- Les gains obtenus rapidement sont-ils identifiés et systématiquement communiqués ?- Celles et ceux qui contribuent aux changements sont-ils reconnus et récompensés ?- Comment le développement professionnel de celles et ceux qui œuvrent

activement à la réalisation du changement est-il assuré ?- Sur quels domaines se focaliser pour activement développer la dynamique

du changement ? - Comment mieux anticiper et préparer les étapes à venir ?- De quelle façon la culture de l'entreprise évolue-t-elle ? - Quelles en sont les observations concrètes ?- Comment les objectifs de changement et les résultats attendus sont-ils mesurés ?- Quel tableau de bord est mis en œuvre ?

Pour compléter cette feuille de route, certains praticiens recommandent vivementde faire une place à la créativité en ménageant une « pièce vide », un espace qui inviteau temps créatif et à se ressourcer.

Comme la santé, la réalisation du changement demande une attention et une vigilanceparticulières. Dans le changement comme dans la santé, il y a l'impermanence et lemouvement : ce qui est vrai à un moment ne l'est pas forcément à un autre. Santéet changement se vivent au quotidien, dans l'instant présent. Se former au changementet l'expérimenter sont deux activités nécessaires et complémentaires pour déployerdes pratiques de conduite du changement pertinentes et de qualité.

Pour se développer professionnellement dans le domaine de la conduite du changement, chacune des voies, voie de généraliste ou voie de spécialiste, est possible.Dans tous les cas, le travail en équipe sera privilégié et fera de chaque changementune expérience unique.

Un jour, un des slogans qui éclaireront la vie des affaires sera peut-être : « Quand le changement va, tout va ! »

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MENER LE CHANGEMENT : UNE MÉDECINE DE POINTE

Jean-Marc Bouillon, membre actif du Celerant Change Club, est Corporate Chief Engineer au sein de Nestlé Waters (Groupe Nestlé). Il prépare et accompagne l'exécution d'investissements industriels sur

des marchés en forte croissance. Il a piloté différents programmes de conduite duchangement en milieu industriel, dans des fonctions opérationnelles et projet.Ingénieur diplômé de l'INPG (Institut National Polytechnique de Grenoble), il a commencé à étudier le change management lors de son MBA avec l'OpenUniversity Business School (Royaume-Uni).

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« En termes de cadence, un programme de changement pourrait s’apparenter à un marathon avec de nombreux sprints intermédiaires. »

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e changement est une question d'Hommes et n'est donc pas infaillible. Comme toute machine bien huilée, un programme de changement court le risque qu'un grain de sable enraye la mécanique et entraîne son échec, comme cela se produit dans 66% des cas20.

Bien définir sa feuille de route, adopter des techniques pointues de conduite duchangement ne suffisent pas : il faut des leaders à fort quotient émotionnel, quivont persévérer, savoir écouter, déceler les grains de sable et mettre en œuvre lesmesures nécessaires pour les éliminer.

Dans tout programme de changement, comme en médecine, le diagnostic initial estcrucial : il est important d'y accorder le temps suffisant tout en le menant rapidement,pour éviter une propagation trop importante de la maladie, qui nécessiterait untemps de guérison plus long. C'est ce diagnostic qui va quantifier les symptômes etleur importance, identifier les maux de l'entreprise et définir le traitement le mieuxadapté. Il doit comporter une dimension émotionnelle (mettre en avant l'intérêtindividuel de changer), rationnelle (analyses factuelles et chiffrées de la situation)et politique (conforter les leaders de l'entreprise dans leur décision de guérir lesmaux), mais aussi créer un sentiment d'urgence grâce auquel l'ensemble de l'entrepriseva se sentir concernée et va devoir s'impliquer.

À la fin de ce diagnostic, les clés du succès seront d'avoir :• Réalisé une analyse exhaustive et factuelle de la réalité qui ne porte pas de

jugement et qui n'est pas contestable ;• Evalué l'impact du problème sur l'entreprise ;• Défini la vision du succès (la direction );• Construit une feuille de route détaillée qui permet d'atteindre cette vision et

prend en compte la culture de l'entreprise ainsi que son niveau de maturité ;• Mobilisé l'organisation autour du programme en ayant assuré l'adhésion aux

conclusions et convaincu de l'urgence de traiter le problème.

Un manque d'engagement des acteurs du changement est souvent une causemajeure d'échec. La définition de la feuille de route doit impliquer ceux que l'entreprisea identifiés et mandatés comme porteurs du projet le plus en amont possible : il estessentiel de savoir leur donner la direction tout en leur laissant la liberté d'exécution.

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TRIBUNE

L'art d'allier technique et tactique

LPar Philippe Jaspart

L'ART D'ALLIER TECHNIQUE ET TACTIQUE

20 La gestion du changement. Les étapes d’une transformation réussie de l’entreprise. Etude de Celerant Consulting en partenariat avec The Economist Intelligence Unit, 2008.

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Ils doivent se sentir investis d'une mission critique pour l'entreprise et avoir unsupport fort de la Direction, des Ressources humaines et de la Direction de laCommunication dès le lancement du programme.

Une fois l'équipe projet formée, elle doit tout de suite se préoccuper d'engager le restedes acteurs : il faut comprendre le besoin de chaque population, ses attentes, sescraintes, ce qui la motive et ce que le programme peut lui apporter. Identifier cespopulations en amont du programme va permettre de définir quel temps consacrer auxuns et aux autres : il est inutile de passer trop de temps avec les 10% de « résistants » ;mieux vaut le consacrer aux « convaincus » qui sauront faire adhérer les indécis et lesentraîneront sur la voie du succès. Un outil tel qu'une matrice d'engagement se révèletrès utile pour faire un bilan régulier (en moyenne deux fois par mois), adopter labonne tactique et mener les actions efficaces selon la phase du programme.

La durée d'un programme de changement, sa cadence et son rythme, donnés parl'équipe projet, vont aussi conditionner la réussite de la transformation. Un programmetrop long risque de s'essouffler tandis qu'un programme trop court ne permettra pasune transformation assez profonde pour assurer la pérennité des changements.Une durée d'un an est généralement un bon compromis, avec des objectifs tendusmais réalistes qui permettent de justifier une cadence élevée et la priorité donnée.

En termes de cadence, un programme de changement pourrait s'apparenter à unmarathon avec de nombreux sprints intermédiaires. La gestion du rythme et lacapacité à accélérer ou ralentir en fonction des signaux renvoyés par l'organisationsont importantes. L'équipe projet doit s'assurer que la majorité de l'organisationsuit. Elle doit aussi savoir accélérer pour éviter que celle-ci ne tergiverse trop et que descraintes ne se créent, et ralentir pour lui laisser le temps de digérer. Il y aura toujoursdésaccord entre ceux qui subissent le changement et trouvent que « ça va trop vite », etceux qui le pilotent et seront enthousiastes du chemin parcouru en si peu de temps.

Il est impératif, dans ce cadre, que l'équipe projet fasse preuve de pragmatisme etprivilégie l'efficacité, quitte à dégrader momentanément la qualité pour construirel'adhésion.

Efficacité = Qualité x Adhésion

Le programme doit être rythmé à mailles journalières, hebdomadaires et mensuelles.La maille journalière gère l'avancement des activités des membres de l'équipe projet,la maille hebdomadaire gère les points de blocage et la coordination des axes du projet,tandis que la maille mensuelle pilote l'avancement global du projet par rapport àses jalons clés et son interaction avec d'autres initiatives ou entités de l'entreprise.Toujours dans le même souci d'engagement des acteurs, la communication doitsuivre le même rythme que le programme et y contribuer. Elle intervient en supportpour communiquer sur les premiers succès, marteler le changement et montrer laréalité des transformations. Elle est cependant bien souvent la première oubliéedans les programmes de changement.

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L'ART D'ALLIER TECHNIQUE ET TACTIQUE

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Une fois que le programme a atteint ses objectifs, comme pour tout mal traité, ilfaut s'assurer de la pérennité des changements – la guérison –, tout en démantelantl'équipe projet. Pérennité ne signifie pas que tous les changements apportés soientencore en place plusieurs mois ou années après, mais bien que l'entreprise se soitinscrite dans une culture de l'amélioration continue. Le programme de changementdoit avoir contribué à former un nombre important de managers qui soient capablesde reconnaître les dérives ou les nouveaux maux, de les prévenir et de prendre lesactions nécessaires en amont.

Tout comme dans le cas d'un patient guéri, un audit régulier de la pérennité deschangements par un œil extérieur – le bilan médical – est utile pour assurer le passagedu mode projet, où la guérison de l'entreprise, pilotée au quotidien par l'équipeprojet, est au cœur de toutes les préoccupations, au mode « business as usual »,où l'entreprise peut assurer son propre suivi et piloter sa performance.

Cela signifie-t-il que les entreprises pourront à terme faire de l'automédication etse passer de spécialistes du changement ? Sont-elles condamnées à se lancer dansdes programmes de changement permanents pour assurer leur survie ?

À la première question, je répondrai que les consultants ont encore un avenir. Lesleaders du changement en entreprise arriveront toujours à un stade où eux nonplus ne pourront plus prendre le recul nécessaire, se retrouveront absorbés dans lequotidien et « le nez dans le guidon ». Eux aussi seront un jour rattrapés par lesenjeux politiques de l'entreprise ou de leur propre développement de carrière, etperdront leur objectivité, leur capacité à challenger à tous les niveaux de l'organisationet à faire changer les choses. C'est là, la valeur ajoutée du consultant.

À la deuxième question, je répondrai que les entreprises de demain sont celles quisauront adapter leurs modes de fonctionnement au rythme du changement de leurenvironnement : cela nécessitera des phases d'évolutions progressives et permanentes,mais aussi des phases de changements radicaux que l'entreprise devra être capabled'anticiper pour se mettre rapidement en formation de combat, et passer l'obstacledans les meilleures conditions possibles.

Philippe JaspartMembre fondateur du Celerant Change ClubPrincipal Manager, Celerant Consulting

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L'ART D'ALLIER TECHNIQUE ET TACTIQUE

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ans un monde qui change toujours plus vite, où les marchés sont soumisà la pression d'une économie globalisée, l'aptitude au changement est un critère essentiel de maturité et de vitalité d'une entreprise. Mieux, elle peut même y trouver l'occasion d'acquérir un avantage concurrentiel.

Comme le montre cet ouvrage, le changement revêt de multiples facettes : le besoinde changer, la partie tactique, la gestion des résistances, la pérennisation destransformations… Mais quelles que soient l'ampleur ou la complexité du défi quiest le vôtre, quel que soit votre secteur d'activité ou département, une certitudedemeure : ce sont les Hommes qui détiennent la clé d'un changement réussi.

Il est fascinant d'observer à quel point, derrière les postures que nous affichons -« l'esprit d'équipe », « la coopération », « le partage d'information » –, notre ADNnous rappelle que nous sommes avant tout des individus. La première question queva se poser une personne impliquée dans un programme de changement est, sansle moindre doute : « Comment le changement va-t-il m'impacter ? » Par conséquent,plus les change managers sauront transmettre un message clair et transparent surles raisons du changement, et surtout son impact sur les équipes et les individus,plus ils optimiseront leurs chances de succès.

Au cours de mon expérience d'accompagnement du changement, je n'ai jamaisvraiment eu de mal à amener quiconque à communiquer sur le changement : celamet sur le devant de la scène, offre un public et un message à transmettre. La vraiedifficulté commence après… lorsqu'il s'agit de faire face aux réactions de celles etceux qui seront impactés par les transformations. C'est alors que l'enthousiasme semue en peur, l'optimisme en scepticisme et la confiance en doutes.

Il m'est arrivé parfois d'avoir d'âpres discussions avec des managers, non pas tantsur les outils et méthodes, mais parce qu'ils avaient conscience que j'abordaisquelque chose de plus important : je remettais en cause leur capacité à faireadvenir le changement ! Lorsqu'on me demande quelles sont les recettes pourréussir un programme de changement, je repense toujours à l'un de mes premiersprojets, que j'ai piloté dans une usine. Dans un immense atelier de production,plusieurs équipes faisaient le même travail répétitif depuis des années, avec seulementdeux certitudes : on commence à 6 heures et on finit à 15 heures ! Au moment delancer un important programme de changement (dans le cadre d'une approcheLean), tout fut mis à plat : la communication, la planification du projet, le discours

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CONCLUSION

De l’intention à la réalisation

DPar Bart Le Clef

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des dirigeants, les réunions de travail… Le programme dura deux ans et, à leur grandesurprise, les objectifs furent atteints bien plus tôt que prévu. Quand je suis revenuvoir les équipes de l'atelier pour discuter autour d'un café de cette expérience, j'aicompris que tout mon bagage théorique sur le changement n'avait pas été l'essentieldans ce projet. Et quand je leur ai demandé comment ils expliquaient un tel succès,ils m'ont répondu : « On travaillait dans les mêmes équipes, mais maintenant il y aune notion de compétition positive avec les autres équipes », « nous sommes fiersd'avoir obtenu des résultats concrets et mesurables », « l'approche Lean nous adonné l'occasion de nous parler », et surtout, « nous nous sommes amusés ».

Cette discussion a changé mon point de vue sur la meilleure manière de passer del'intention à la réalisation du changement. Bien sûr, les outils et les modèles, lesprocessus et les procédures, facilitent la mise en œuvre du changement mais ils negarantissent pas à eux seuls le succès. Pour ceux qui ont à conduire le changement,je suis convaincu que les facteurs clés de succès sont l'écoute, l'empathie, le travailcollectif autour d'un projet concret et la prise de décision. Et depuis ce jour, je m'assureque les notions « d'équipe », de « fierté », de « résultat », de « compétition » et de« plaisir » soient présentes pour créer les vraies conditions du succès.

Le reste n'est-il alors qu'une promenade de santé ? Non, bien sûr. Comme toujours,ce sont les acteurs qui détiennent la clé d'un changement réussi : tout commenceet finit par eux. Des Allemands qui ont tendance à considérer les outils et méthodescomme une fin en soi, aux Néerlandais qui ne cessent de débattre de la pertinencedu programme même en phase d'implémentation, il serait illusoire d'imaginer qu'ilpuisse exister une approche globale du changement. Les différentes formes derésistance au changement illustrent bien, également, nos divergences culturelles :depuis le « Yes we can » américain jusqu'à « calons un déjeuner ou un dîner pouren parler » typiquement français ou belge, en passant par « définissons un plandétaillé » révélateur de l'esprit allemand, on voit qu'il ne faut pas sous-estimer laforce du facteur culturel.

Les programmes de changement menés simultanément dans plusieurs payseuropéens nous donnent une parfaite illustration de cette complexité. Pour beaucoupd'entreprises dans cette situation, les différences culturelles et le style de leadershipsont les principaux obstacles à une mise en œuvre rapide et efficace du changement.Notre expérience ne devrait-elle pas nous permettre de relever ce challenge ?N'oublions pas que cela ne fait que cinquante ans que nous ne nous faisons plus laguerre ! Il faudra encore de longues années pour nous rejoindre dans une approchecommune du changement en Europe.

Le premier ouvrage du Celerant Change Club y contribuera peut-être. Cestémoignages de professionnels français ayant vécu ou piloté des programmes dechangement dans leurs entreprises sauront, je l'espère, inspirer d'autres acteurs àtravers l'Europe et dévoiler d'autres facettes et retours d'expériences sur un sujetqui, on le sait, dépasse les frontières.

Bart Le Clef, SVP - Directeur des Opérations Europe, Celerant Consulting.

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Le Celerant Change Club tient d'abord à remercier tous les auteurs de cet ouvrage collectif pour leurs contributions fondées sur leurs expériences

personnelles et professionnelles. Nous espérons que ces réflexions aideront noslecteurs à mieux comprendre et appréhender des programmes de changement

-– qu'ils soient conduits dans la sphère professionnelle, publique ou privée.

Nous remercions également toutes les personnes qui participent activement aux réunions trimestrielles du Celerant Change Club et tout

particulièrement les consultants de Celerant Consulting qui font de ce club un espace d'échanges, convivial et enrichissant.

Cet ouvrage n'aurait pu se faire sans l'aide précieuse d'Anne Bleuzen et Andrew Barnes-Jones.

Enfin, nous remercions chaleureusement Bernard Leblanc et Bart Le Clef pour leurs notes et encouragements ainsi que Mathilde Leroy qui a apporté, tout au long de ce projet, ses quinze années d'expérience

dans la formation et le Knowledge & Talent Management.

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Un ouvrage du Celerant Change Club

Le changement : de l'intention à la réalisation

Le Celerant Change Club, créé fin 2008, accueille des professionnels de tous horizonsdésireux d'échanger des points de vue, de nourrir la réflexion et de partager lesbonnes pratiques en matière de conduite du changement dans l'entreprise. Le changement : de l'intention à la réalisation est le premier ouvrage réalisé par sesmembres. Journalistes, universitaires et opérationnels de différents secteurs, ilsexplorent les multiples facettes du changement, ses pratiques et son alchimie.

Issues d'années d'expériences riches et variées, les contributions de cet ouvragesont autant de témoignages précieux qui accompagneront avec pertinence la réflexion de tout dirigeant ou praticien au moment de la mise en œuvre d'un programme de changement.

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