Le Canard enchainé - 2010.06.09 - Comment André Santini a aidé Veolia à conserver, sans combattr

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Un contrat fabuleux mais pas toujours eau nette Ou comment l'impayable André Sanlini a aidé Veo/ia à comeroer, sam combattre, le marché de l'eau francilierme, qui pèse 3,7 milliards. P AS contents, les rapporteurs de la chambre régionale des comptes. Leur audit. rendu public le 21 mai, est le troisième en quinze ans qu'ils consa- crent au Syndicat des eaux d'IJe-de-Frnnoe (Sedü). Un organisme qui gère le plus gros contrat européen de production de dis- tribution de flotte en rétribuant les ser- vices du groupe Veolia. Avec toute la di· gnité qu'impose leur fonction, les experts de la chambre régionale l'affirment: On se paie ouvertement leur fiole. jugée .. tronquée., parsemée de .. subter- fuges comptables ", ce qui interdit de .. don- ner une image {idèk de la gestwn, du pa- trimoine et de la situation financière du service public ". C'est tout? Non, car ces fantaisies s'accompagnent d'un total mé- pris des règles de la concurrence. Entre 2005 et 2007, le Sedif a distribué plus de 186 millions de prestations (ingénierie, travaux), sans appel d'olTres, à ... Veoliu. "On _, c'est avant tout André Santini, ex-ministre de Sarko. député·maire d'Issy- les-Moulineaux et palron du Sedif depuis vÎngt..sept ans. Sans le moindre complexe, i! s'est assis sur ln moitié des critiques émises dans de précédents rapports . Comme celles concernant la tenue de la comptabilité. Cette fois encore, elle est Un siècle de monopole DeuxjoUFS avant la publication du rap- port des magistrats de la chambre régio- nale, Santini paraît leur donner raison, n écrit à GDF Suez, candidat à l'attribu- tion du marché du Sedif, qui arrivait il échéance. Pour lui, l'ex-Lyonnaise des Factures en décrue L A baisse de quelques centime. du mètre cube que devrait négo- cier le Sedif fait pAIe fi- ifU1"e à côté de la décrue des Cacture5d'eau c0nsta- tée un peu partout. n y a quelques, années, 1'&.gJIo- mération nantaise avait négocié une diminution 0030 %pour la moitié dc8 communes, En 2008, le Grand Lyon a décroché un rabais de 16 %, Biar- rÎtit de 18 %, et. Saint- Etimme de 23 %. Toulouse vient d'obtenir de Vealia une remise de 26 % sur la distribution, ce qui se trA- duira por une réduction des factures de 12,5 Sb. Et Montbéliard, Je député PS Pierre Masoovici vient de décider une" remuni- cipalisation de l'eau. es- père une baisse de 10 %. A l'origine de cette évo- lution, l'épluchage serré des contrats par des élus et des usaeen mieux informés que naguère. Et l'arrivée d'un nouveau régisseur" publie ou pdvé) dans un contexte de compétition: une demi-douzaine d'opé- ['oLeu['s (dont un alle- mand) 8e livrent une euerre des prix allant jusqu'au dumping_ Justement, le contrat aquatique de nombreU8e8 villes arrive bientôt à échéance, C'est le cas de l'assainissement marseillais et bordelais (2012), de la distribution de l'eau à Brest (2012), Marseille (2013), Ver- sailles (2014) et dans les communautés urbaines de Lille (2015) et Lyon (2016). Des marchés pour la plupart détenus par le duo Veolia-GDF Suez. Mais ees grands de l'eau savent encore protéger leur territoire, comme le montre l'exemple du Sedif ... eaux, deuxième opérateur en France, ne remplit pas les conditions lui permettant de concourir. Auparavant, deux autres pretendants, la Saur (détenue à 38 % par l'Etat) et Derichebourg, avaient été écar- tés comme des malpropres. Reste - sur- prise - Veolia, qui se voit ainsi reconduit sans la moindre compétition. Et empoche un contrat s'élevant, sur dix ans, à 3,7 milliards. Ce contrat, le groupe, appelé aupara- vant Générale des eaux, le détient depuis 1923. Il assure l'approvisionnement en eau de plus de 130 communes et près de <1 millions de Franciliens, A l'issue du nou- veau bail qui, faute de combattants, va nécessairement lui reven:ir, Veolia aura totalisé \Ul siècle de concession sans par- tage. Une bien belle vitrine de l'lkonomie de marché à la française. Qu'importent les criailleries, Santini vit \Ule relation idyllique avec Veolia. Au ra int d'avoir, en 2008, écrit aux élus de a Région sur papier à en-tête du groupe! Simple moment d'inattention, sans doute. Au point aussi de contester rageusement toutes les enquêtes qui démontrent que IUâce au Sedifle marchand d'eau réalise Cles profits sans équivalent. Mieux, San- tini a envo'yé au bain les journalistes de .. Que CholSir " qui, en septembre 2008, avaient calculé le .. trop-payé,. des usa- gers de l'eau â Veolia. A savoir 90 millions par an, soit \Ul quart des recettes pour ce marché. Cette révélation a fait hurler le président du Sedif, qui a aussitôt com- mandé une contre-expertise. Conclusion; seulement, si l'on ose dire, 35 à 42,5 mil- lions d'économies annuelles étaient réa- lisables. Mais toujours pas réalisées ... tt Le prix de Mtre eau est 50 % plus chu qu'à Paris (4,50 euros k mètre cube contre 3 euros), s'emporte Philippe Kaltenbach, maire PS de Clamart et délégué du Sedif. ________________ ---:::;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;:::-:::-__ --' auec mépris toutes ks 00- jectinns. Même s'il négocie une Mgère ba.isse des tarifs - environ 15 a 20 centimes de moins par mètre cube (bien moins qu'ailleurs, voir l'encadré) - qui ne sera pail intégralement répercutée sur la fac- ture des usagers. Sueurs très froides Pour Veolis, l'ulerte a été chaude. Une partie des élus du Sedif ont voulu, eux aussi, bouter le marchand d'eau hors des tuyaux. Une menace éclutée grâce à San- tini et à ses alliés, dont une partie de la gauche. Mais l'angoisse était à son comble les 13 et 14 uvrildemier, lorsque les sièges de Veolia et de GDF Suez ont été sitionnés, à l'instigation de l'Union euro- péenne. Bruxelles s'inquiétait de ententes entre les deux caïds de 1eau. Qui interdiraient le marché français aw: vi- lains étrangers. Autant de crises qui n'ont r. as arrangé le cours boursier de Veotia, equel a perdu 20 % au mois de mai. Bref, il y avait le feu aux réservoirs, et le sort du marchand d'eau, deuxième p!oyeur p,rivé de France, préoccupait jusqu'à 1 Elysée, où Henri Proglio, ex:- pédégé de Veolia et toujours président de son conseil d'adminisLrntion, 0 ses entrées. André Santini a sûrement été ;J,ensible à toute cette détresse. Jean-François Julliard Le Canard Enchaîné du 9 juin 2010

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n écrit à GDF Suez, candidat à l&#39;attribu- villes arrive bientôt à échéance, C&#39;est le cas de l&#39;assainissement marseillais et bordelais (2012), de la distribution de l&#39;eau à Brest (2012), Marseille (2013), Ver- sailles (2014) et dans les communautés urbaines de Lille (2015) et Lyon (2016). Des marchés pour la plupart détenus par le duo Veolia-GDF Suez. Mais ees grands de l&#39;eau savent encore protéger leur territoire, comme le montre l&#39;exemple du Justement, le contrat Sedif...

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Un contrat fabuleux mais pas toujours eau nette Ou comment l'impayable André Sanlini a aidé Veo/ia

à comeroer, sam combattre, le marché de l'eau francilierme, qui pèse 3,7 milliards.

PAS contents, les rapporteurs de la chambre régionale des comptes. Leur audit. rendu public le 21 mai,

est le troisième en quinze ans qu'ils consa­crent au Syndicat des eaux d'IJe-de-Frnnœ (Sedü). Un organisme qui gère le plus gros contrat européen de production e~ de dis­tribution de flotte en rétribuant les ser­vices du groupe Veolia. Avec toute la di· gnité qu'impose leur fonction, les experts de la chambre régionale l'affirment: On se paie ouvertement leur fiole.

jugée .. tronquée., parsemée de .. subter­fuges comptables ", ce qui interdit de .. don­ner une image {idèk de la gestwn, du pa­trimoine et de la situation financière du service public ". C'est tout? Non, car ces fantaisies s'accompagnent d'un total mé­pris des règles de la concurrence. Entre 2005 et 2007, le Sedif a distribué plus de 186 millions de prestations (ingénierie, travaux), sans appel d'olTres, à ... Veoliu.

"On _, c'est avant tout André Santini, ex-ministre de Sarko. député·maire d'Issy­les-Moulineaux et palron du Sedif depuis vÎngt..sept ans. Sans le moindre complexe, i! s'est assis sur ln moitié des critiques émises dans de précédents rapports. Comme celles concernant la tenue de la comptabilité. Cette fois encore, elle est

Un siècle de monopole

DeuxjoUFS avant la publication du rap­port des magistrats de la chambre régio­nale, Santini paraît leur donner raison, n écrit à GDF Suez, candidat à l'attribu­tion du marché du Sedif, qui arrivait il échéance. Pour lui, l'ex-Lyonnaise des

Factures en décrue LA baisse de quelques

centime. du mètre cube que devrait négo­cier le Sedif fait pAIe fi­ifU1"e à côté de la décrue des Cacture5d'eau c0nsta­tée un peu partout. n y a quelques, années, 1'&.gJIo­mération nantaise avait négocié une diminution 0030 %pour la moitié dc8 communes, En 2008, le Grand Lyon a décroché un rabais de 16 %, Biar­rÎtit de 18 %, et. Saint­Etimme de 23 %. Toulouse vient d'obtenir de Vealia une remise de 26 % sur la distribution, ce qui se trA­duira por une réduction

des factures de 12,5 Sb. Et Montbéliard, où Je député PS Pierre Masoovici vient de décider une" remuni­cipalisation ~ de l'eau. es­père une baisse de 10 %.

A l'origine de cette évo­lution, l'épluchage serré des contrats par des élus et des usaeen mieux informés que naguère. Et l'arrivée d'un nouveau ~ régisseur" publie ou pdvé) dans un contexte de compétition: une demi-douzaine d'opé­['oLeu['s (dont un alle­mand) 8e livrent une euerre des prix allant jusqu'au dumping_

Justement, le contrat aquatique de nombreU8e8 villes arrive bientôt à échéance, C'est le cas de l'assainissement marseillais et bordelais (2012), de la distribution de l'eau à Brest (2012), Marseille (2013), Ver­sailles (2014) et dans les communautés urbaines de Lille (2015) et Lyon (2016). Des marchés pour la plupart détenus par le duo Veolia-GDF Suez. Mais ees grands de l'eau savent encore protéger leur territoire, comme le montre l'exemple du Sedif ...

eaux, deuxième opérateur en France, ne remplit pas les conditions lui permettant de concourir. Auparavant, deux autres pretendants, la Saur (détenue à 38 % par l'Etat) et Derichebourg, avaient été écar­tés comme des malpropres. Reste - sur­prise - Veolia, qui se voit ainsi reconduit sans la moindre compétition. Et empoche un contrat s'élevant, sur dix ans, à 3,7 milliards.

Ce contrat, le groupe, appelé aupara­vant Générale des eaux, le détient depuis 1923. Il assure l'approvisionnement en eau de plus de 130 communes et près de <1 millions de Franciliens, A l'issue du nou­veau bail qui, faute de combattants, va nécessairement lui reven:ir, Veolia aura totalisé \Ul siècle de concession sans par­tage. Une bien belle vitrine de l'lkonomie de marché à la française.

Qu'importent les criailleries, Santini vit \Ule relation idyllique avec Veolia. Au

ra int d'avoir, en 2008, écrit aux élus de a Région sur papier à en-tête du groupe!

Simple moment d'inattention, sans doute. Au point aussi de contester rageusement toutes les enquêtes qui démontrent que IUâce au Sedifle marchand d'eau réalise Cles profits sans équivalent. Mieux, San­tini a envo'yé au bain les journalistes de .. Que CholSir " qui, en septembre 2008, avaient calculé le .. trop-payé,. des usa­gers de l'eau â Veolia. A savoir 90 millions par an, soit \Ul quart des recettes pour ce marché. Cette révélation a fait hurler le président du Sedif, qui a aussitôt com­mandé une contre-expertise. Conclusion; seulement, si l'on ose dire, 35 à 42,5 mil­lions d'économies annuelles étaient réa­lisables. Mais toujours pas réalisées ...

tt Le prix de Mtre eau est 50 % plus chu qu'à Paris (4,50 euros k mètre cube contre 3 euros), s'emporte Philippe Kaltenbach, maire PS de Clamart et délégué du Sedif.

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jectinns. Même s'il négocie une Mgère ba.isse des tarifs - environ 15 a 20 centimes de moins par mètre cube (bien moins qu'ailleurs, voir l'encadré) - qui ne sera pail intégralement répercutée sur la fac­ture des usagers. ~

Sueurs très froides

Pour Veolis, l'ulerte a été chaude. Une partie des élus du Sedif ont voulu, eux aussi, bouter le marchand d'eau hors des tuyaux. Une menace éclutée grâce à San­tini et à ses alliés, dont une partie de la gauche. Mais l'angoisse était à son comble les 13 et 14 uvrildemier, lorsque les sièges

de Veolia et de GDF Suez ont été perqui~ sitionnés, à l'instigation de l'Union euro­péenne. Bruxelles s'inquiétait de ~ibles ententes entre les deux caïds de 1 eau. Qui interdiraient le marché français aw: vi­lains étrangers. Autant de crises qui n'ont

r.as arrangé le cours boursier de Veotia, equel a perdu 20 % au mois de mai.

Bref, il y avait le feu aux réservoirs, et le sort du marchand d'eau, deuxième em~ p!oyeur p,rivé de France, préoccupait jusqu'à 1 Elysée, où Henri Proglio, ex:­pédégé de Veolia et toujours président de son conseil d'adminisLrntion, 0 ses entrées. André Santini a sûrement été ;J,ensible à toute cette détresse.

Jean-François Julliard Le Canard Enchaîné du 9 juin 2010