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C O L L E C T I O N

F O L I O E S S A I S

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Gallimard

Gilles Cohen-TannoudjiMichel Spiro

Le boson et le chapeau mexicain

UN NOUVEAU GRAND RÉCIT

DE L’UNIVERS

Postface de Michel Serresde l’Académie française

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© Éditions Gallimard, 2013.

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Michel Spiro, président du Conseil du CERN depuisjanvier 2010 jusqu’à fin 2012, a été directeur de l’IN2P3(Institut national de physique nucléaire et de physiquedes particules) au CNRS, chef de département au CEA etprésident du comité scientifique des expériences auprèsdu LEP (Grand Collisionneur électron-positon du CERN)de 1998 à 2001.

Gilles Cohen-Tannoudji, chercheur émérite au labora-toire de recherche sur les sciences de la matière (LAR-SIM) du CEA, est co-directeur du Centre de rechercheFerdinand Gonseth à Lausanne. Il a enseigné le modèlestandard à l’université d’Orsay et l’histoire des idées enphysique à la Sorbonne.

Michel Spiro est co-auteur, avec Gilles Cohen-Tannoudji,de La matière-espace-temps (Fayard, 1986) et Gilles Cohen-Tannoudji a publié, avec Jean Pierre Baton, L’horizon desparticules (Gallimard, 1989).

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À la mémoirede deux grandes figures disparues du CERN,

Georges Charpak, prix Nobel,et Maurice Jacob,

qui dirigea la thèse de l’un d’entre nous.

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Il faut rêver l’impossible pour réaliser toutce qui est possible.

GOETHE

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Signal du boson BEH observé

par le détecteur ATLAS

Sur cette figure est portée, en fonction de la masse sup-posée du boson BEH, la probabilité que le signal observéne soit pas un vrai signal, mais qu’il ne soit dû qu’à une fluc-tuation statistique du bruit de fond estimé. Le signal est dità « cinq écarts standards » (5σ), ce qui signifie que cette pro-babilité est inférieure au millionième.

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Potentiel en forme de chapeau mexicain

Potentiel d’auto-interaction en fonction de la partie réelleet de la partie imaginaire du champ complexe BEH. Lasymétrie de révolution de la figure correspond à l’invariancepar changement de la phase du champ BEH.

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Avant-propos

LE BOSON ET LE CHAPEAU MEXICAIN : UNE AVENTURE DU CERN

Le 4 juillet 2012, le CERN, l’organisation euro-péenne pour la physique des particules, annonçait,dans une conférence mondialement retransmise, quedeux expériences, menées chacune par plus de troismille chercheurs du monde entier, avaient permis dedécouvrir dans les collisions produites par le LHC,le Grand Collisionneur de protons du CERN près deGenève, une nouvelle particule, le boson, qui a jusqu’àprésent toutes les caractéristiques attendues de lapièce manquante pour compléter le modèle stan-dard de la physique des particules et pour éventuel-lement le dépasser.

Le LHC est le plus puissant et le plus grand (27 kmde circonférence) accélérateur de protons jamaisconstruit. Produisant des collisions de protons d’uneviolence inouïe, il réalise en laboratoire des « mini »big bang permettant d’explorer la matière dans desconditions extrêmes. Cette découverte, au CERN, avecle LHC, est l’aboutissement de quarante années derecherche, un grand bond en avant dans la compré-hension de la matière et de ses origines. Elle concrétisel’idéal des fondateurs du CERN : redonner à l’Europe

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après la Seconde Guerre mondiale un flambeau scien-tifique, rassembler autour de ce flambeau par-delà lesfrontières, par-delà les différences culturelles, dansun idéal de connaissance, de découverte et d’innova-tion partagées.

Pour apprécier les enjeux du gigantesque pro-gramme de recherche qui vient d’aboutir à ce premierrésultat, une mise en perspective historique s’impose.

Alors qu’il avait fallu près de vingt-cinq siècles pourque l’hypothèse atomique fût acceptée comme unevéritable conception scientifique du monde, en quel-ques dizaines d’années, plusieurs niveaux d’élémen-tarité dans la structure de la matière ont été mis enévidence : l’atome sous la molécule, le noyau sousl’atome, le hadron sous le noyau, et, au milieu desannées soixante, le quark sous le hadron. En mêmetemps que se dévoilaient ces niveaux d’élémentarité,se faisait jour l’idée que, dans tout l’univers, la dyna-mique de ces structures emboîtées relevait de quatreet seulement quatre interactions qualifiées de fonda-mentales, l’interaction gravitationnelle, l’interactionélectromagnétique et les deux interactions nucléaires,la forte et la faible, qui n’ont été découvertes qu’auXXe siècle. Au XIXe siècle, les deux premières interac-tions fondamentales étaient décrites par des théoriesprédictives qui ont constitué le socle de ce que l’onappelle maintenant le modèle standard : la théorieélectromagnétique de la lumière de Maxwell pourl’interaction électromagnétique et la théorie de la gra-vitation universelle de Newton pour l’interaction gra-vitationnelle.

Historiquement, c’est dans le domaine de la phy-sique des particules que l’expression de modèle stan-dard a été adoptée, mais elle est maintenant largement

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utilisée pour désigner la théorie de référence d’unediscipline scientifique, l’ensemble des connaissancesthéoriques historiquement accumulées et expérimen-talement confirmées, qui ne seront plus complète-ment invalidées mais qui risquent seulement d’êtredépassées ou englobées dans de nouvelles théoriesplus générales. Ainsi, on peut dire que la théorie deMaxwell et celle de Newton ont fait partie du modèlestandard, mais qu’elles ont ensuite été dépassées etenglobées dans des théories plus précises prenant encompte les contraintes de la relativité et des quanta,qui sont celles du modèle standard d’aujourd’hui.

Le premier déplacement du modèle standard inter-venu au XXe siècle concerne la gravitation : la théoriede la relativité générale d’Einstein est au fondementd’une théorie de la gravitation universelle qui dépassecelle de Newton, la redonne à l’approximation nonrelativiste et sert maintenant de base au modèle stan-dard de la cosmologie contemporaine, le modèle dubig bang. À la fin des années quarante s’est produitle second déplacement du modèle standard, avec l’éla-boration de l’électrodynamique quantique (QED pourquantum electrodynamics), théorie relativiste et quan-tique de l’interaction électromagnétique, qui dépassecelle de Maxwell, la redonne à l’approximation nonquantique, et constitue la première pierre de l’édifica-tion du modèle standard de la physique des particuleset des interactions fondamentales non gravitation-nelles. QED est la théorie sur le modèle de laquelleont été élaborées dès les années soixante, une foisqu’eut été découvert le niveau des quarks, la chromo-dynamique quantique (ou QCD pour quantum chromo-dynamics), d’une part, qui est la théorie de l’interactionforte au niveau élémentaire, et la théorie unifiée élec-

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trofaible, d’autre part, qui est la synthèse de QED etd’une théorie quantique de l’interaction faible. C’estdans le cadre de cette unification électrofaible quese situait la recherche du fameux boson qui a aboutià la découverte annoncée en juillet 2012.

Soit dit en passant, il est peut-être temps mainte-nant d’expliquer le titre que nous avons choisi pourcet ouvrage : la clé de voûte de l’unification électro-faible réside dans un mécanisme dit de brisure spon-tanée de symétrie, inspiré de la physique de la matièrecondensée, qui fait intervenir une particule, le boson,qui donne de la masse aux particules avec lesquelleselle interagit et qui est autocouplée dans un potentielen forme de chapeau mexicain. Ce mécanisme de bri-sure de symétrie, impliquant cette forme de potentiel,a été imaginé en 1964 par trois physiciens, RobertBrout (1929-2011) et François Englert1*, d’une part, etPeter Higgs2, d’autre part, qui l’ont publié indépen-damment à quelques semaines d’intervalle. Pour desraisons que nous ne souhaitons pas discuter, la par-ticule, le boson qui a découlé de l’intégration de cemécanisme au modèle standard de la physique desparticules, a été baptisée le boson de Higgs. Nousl’appellerons dans les chapitres qui suivent le bosonde Brout, Englert et Higgs, ou en abrégé le bosonBEH, et le mécanisme auquel il est associé, le méca-nisme BEH. Nous consacrerons la deuxième partiede l’ouvrage, intitulée « La nécessité du boson », àdémonter le mécanisme BEH, à tenter d’expliquer àun public non spécialiste en quoi il consiste, à mon-trer les défis théoriques, expérimentaux, instrumen-

* Les notes sont regoupées en fin de volume, p. 481.

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taux et organisationnels, qu’il a fallu relever pourmener à bien les recherches qui ont abouti à la décou-verte annoncée en juillet 2012. Nous essaierons aussid’analyser les raisons du succès obtenu.

La mise en perspective historique évoquée plus haut,faisant apparaître les noms de Newton, Maxwellet Einstein, permet déjà d’apprécier la portée deces recherches, mais un autre élément vient encore enrehausser l’enjeu : la physique des particules et la cos-mologie scientifique qui s’est aussi dotée d’un modèlestandard, la théorie du big bang qui rend compte del’expansion de l’univers, ont tendance à se rappro-cher, à collaborer pour nous offrir, en relation avecles autres branches de la physique et avec un grandnombre d’autres disciplines scientifiques, une authen-tique cosmogonie scientifique, à savoir un grand récit,celui d’un univers qui n’est pas seulement en expan-sion, mais aussi en devenir, en évolution, depuis unephase primordiale, quantique, relativiste de hauteénergie (parce que proche du big bang) où toutesles particules sont indifférenciées et sans masse, oùtoutes les interactions sont unifiées, jusqu’à l’étatdans lequel il se laisse aujourd’hui observer, en pas-sant par une série de transitions de phases, au coursdesquelles les particules se différencient (certainesd’entre elles acquérant de la masse), les interactionsse séparent, les symétries se brisent, des nouveauxétats et structures de la matière émergent. C’est cegrand récit, profondément renouvelé grâce à la décou-verte du boson et aux impressionnants progrès récentsde la cosmologie observationnelle, qui fera l’objet dela troisième partie de l’ouvrage, intitulée « L’héritagedu boson ». La transition, objet des recherches quiont abouti à la découverte du boson, serait inter-

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venue à la plus haute énergie, c’est-à-dire dans le passéle plus lointain, qu’il soit possible d’explorer expéri-mentalement, c’est celle dans laquelle la synthèseélectrofaible se serait défaite en donnant naissanced’une part à l’interaction électromagnétique dontrelève la lumière (le fiat lux en quelque sorte !) etd’autre part à l’interaction faible de courte portée,responsable des réactions thermonucléaires fournis-sant l’énergie des étoiles ; de plus, c’est dans cettetransition que les quarks et l’électron, les constituantsde la matière dont nous sommes faits, seraient devenusmassifs. Et voici donc expliqué le sous-titre que nousdonnons à notre ouvrage.

L’élaboration, la composition dirons-nous, de cegrand récit de la matière et de l’univers, est le résul-tat des relations interdisciplinaires qui se nouententre les théories au fondement du modèle standard(la théorie quantique des champs et la relativité géné-rale) et celles — toutes les branches de la physique,voire l’ensemble des sciences de la nature et de lasociété — qui, au travers du recours aux méthodesstatistiques, font sa place au hasard et qui sont sus-ceptibles d’expliquer l’émergence de nouveauté. Nousnous attacherons à montrer la pertinence de laméthodologie dite des théories effectives qui permetd’articuler le fondamental, l’universel et l’émergent.

Mais l’héritage du boson ou, plus précisément, celuide l’aventure humaine qu’ont été sa recherche et sadécouverte, ne concerne pas que l’histoire et la philo-sophie des sciences, il concerne aussi, nous en sommesconvaincus, l’histoire tout court, l’histoire des civili-sations humaines : sa portée a une dimension anthro-pologique que nous souhaitons évoquer en conclusionde l’ouvrage. C’est pourquoi nous ne voulons pas clore

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cet avant-propos sans avoir évoqué l’histoire de l’auteurde la découverte du boson, le CERN, le contexte géo-politique de sa création, les arrière-pensées et les anti-cipations visionnaires qui ont présidé à sa création.

La citation de Goethe que nous avons placée enexergue de cet avant-propos nous permet d’illustrerles rapports de la physique des particules et de lasociété à travers l’exemple du CERN et ses fonda-teurs visionnaires : révéler les secrets de la nature,rassembler, comme nous l’avons dit, par-delà lesfrontières, innover et former, mettre en œuvre unemondialisation collaborative réussie, un héritage desLumières.

Après une période où l’Europe a dominé la scènemondiale scientifique, jusqu’à l’avènement dunazisme, le mouvement s’est inversé. Le nazisme, laguerre ont provoqué l’exil des meilleurs physicienseuropéens : Einstein, Fermi, pour ne citer que deuxdes plus prestigieux. Il est vrai que, depuis le siècledes Lumières, la recherche fondamentale, qui n’a pourbut principal que de faire bouger les frontières de laconnaissance, rime avec liberté de penser, liberté dechercher, libre circulation des personnes et des idées.Cela est d’ailleurs maintenant inscrit dans la chartedu chercheur européen. Cette activité était donc tota-lement incompatible avec le nazisme de même qu’ellea pu l’être, dans une certaine mesure aussi, plus tardavec le régime soviétique. La solidarité des scienti-fiques à travers le monde a toujours été une réalitédans ces circonstances, l’aide et l’accueil de scienti-fiques étrangers en difficulté, un devoir.

Aux États-Unis, les scientifiques de la physique dunoyau, particules élémentaires de l’époque (souventdes Européens émigrés), se mobilisent à partir de 1942,

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sous la direction de Robert Oppenheimer et du généralLeslie Groves, et suite à une lettre d’Albert Einstein auprésident Roosevelt, à travers le projet Manhattan. Leprojet Manhattan est le nom de code du projet conduitpendant la Seconde Guerre mondiale qui permit auxÉtats-Unis, assistés par le Royaume-Uni, le Canadaet des chercheurs européens de réaliser la premièrebombe atomique de l’histoire en 1945.

Après la guerre, l’Europe est dévastée. Première enphysique avant guerre, elle a perdu ses savants, n’aplus d’installations ni de grands centres de recherchequi puissent rivaliser avec les États-Unis triomphantset l’URSS montante. Tout est à reconstruire pour évi-ter la poursuite de la fuite des cerveaux et créer uneEurope capable de se mesurer aux deux grandespuissances dans le climat de guerre froide qui s’ins-talle. Les circonstances sont donc favorables pourconstituer une Europe de la science en commençantpar l’atome.

Après la guerre, l’atome ou plus précisément lenoyau de l’atome, l’infiniment petit de l’époque, jouitd’un prestige civil et militaire. Il évoque à la fois lesconcepts de pointe, les technologies qui donnent lasupériorité civile (centrales énergétiques nucléaires)et militaire (bombe nucléaire). L’atome est ainsi aucœur des enjeux de la connaissance, au cœur de lacompétitivité économique, au cœur du secret d’Étatet de la supériorité militaire. Cet argument va jouerpour la création du CERN dans une Europe en recons-truction. Il sera ainsi la première organisation scien-tifique européenne.

La suite de l’aventure nucléaire qui avait donnénaissance aux premières centrales et aux premièresbombes nucléaires à travers le projet Manhattan sem-

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Table des matières 531

Théories effectives et lois fondamentales 457Théories effectives et approche quantitative de l’émergence 460

L’interprétation moderne de la physique quantique et l’émer-gence d’un « monde quasi classique » 463

L’émergence comme affleurement universel du fondamental àtravers l’effectif 466

Bilan épistémologique de la révolution quantique et rela-tiviste 468

Le grand récit universaliste et l’impact politico-social dela révolution scientifique du XXe siècle 473

APPENDICES

Remerciements 479

Notes 481

POSTFACE

UNE FUGUE À TROIS RÉCITS UNIVERSEL

par Michel Serres

INDEX GÉNÉRAL 515

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Le boson et le

chapeau mexicain Gilles Cohen-Tannoudji

et Michel Spiro

Cette édition électronique du livre Le boson et le chapeau mexicain de Gilles Cohen-Tannoudji

et Michel Spiro a été réalisée le 31 mai 2013 par les Éditions Gallimard.

Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage (ISBN : 9782070355495 - Numéro d’édition : 156122).

Code Sodis : N44226 - ISBN : 9782072411649 Numéro d’édition : 229802.

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