Le bitcoin est-il une monnaieLes cinq fonctions de la monnaie Les économistes s’accordent...

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Le bitcoin est-il une monnaie ? Meixing Dai * , Moïse Sidiropoulos * Le bitcoin attire de plus en plus l’attention des spéculateurs, des consommateurs et des sites marchands, et augmente rapidement en capitalisation. Les autorités de régulation sont plus que jamais préoccupées par la façon dont il doit être traité du point de vue éco- nomique. Est-il une monnaie, une chaîne de Ponzi ou un actif financier très spéculatif ? Se- lon les réponses données à cette question, les réactions des autorités seront très différentes. 天欲其亡,必令其狂 μωραίνει Κύριος ον βούλεται απολέσαι Le bitcoin est présenté comme une « monnaie » virtuelle cryptographique dont les échanges sont assurés par un système de paiement pair-à-pair inventé par l’informaticien mystérieux Satoshi Nakamoto (2008) et lancé en 2009. 1 La coïncidence de son lancement avec la grande crise financière globale et le fait que ce système décentralisé est fondé sur un logiciel open-source et indépendant de toute autorité ont permis à ses promoteurs de bien vendre le concept. Il a été présenté comme une alternative aux monnaies créées par les banques centrales et les banques de dépôts, critiquées pour avoir favorisé l’émergence de bulles spéculatives et donc été responsables de la crise financière globale de 2008. La technologie utilisée est basée sur un ensemble de nœuds de réseau et un registre public a priori infalsifiable appelé « blockchain ». Celui-ci enregistre toutes les transactions vérifiées par les nœuds du réseau. L’absence d’une autorité centrale et d’un administrateur unique a trouvé son remède grâce au consensus de ces nœuds de réseau. Ce système est censé être robuste face aux attaques des pirates informatiques et aux défaillances d’une partie des nœuds car il est capable de se restaurer grâce aux nœuds non- affectés. 1 Pour une présentation détaillée du fonctionnement du système bitcoin et son évolution, voir Wallace (2011), Yermack (2014), et Bökme et al. (2015). Ti- chit et al. (2017) ont examiné un ensemble de mon- naies virtuelles et les ont comparées avec les mon- naies locales. McCallum (2015) a discuté des impli- cations réglementaires du bitcoin. La nouveauté du concept et les aspects innovants de sa technologie ont rendu le bitcoin très visible dans les médias financiers dès 2013-2014, devançant largement ses concurrents qui l’imitent. Il est la plus importante « monnaie » cryptographique par sa capitalisation qui s’élève à 333 milliards de dollars le 17 décembre 2017, un sommet historique qui est vingt fois plus élevé qu’au début 2017. 2 En limitant la quantité de bitcoins à 21 millions d’unités, ses promoteurs ont créé artificiellement sa rareté. En rendant son « minage », via la résolution de problèmes mathématiques de difficulté croissante, de plus en plus énergivore, ils ont créé l’illusion que la valeur du bitcoin est déterminée par son coût de production marginal. Le désir d’attirer l’attention et/ou la volonté de rester à la mode ont poussé des individus, des sites marchands et d’autres acteurs à accepter son usage pour les transactions commerciales. Cela a sans doute contribué à créer une demande soutenue pour cette « monnaie ». Des hommes politiques et des membres des autorités de régulation de divers pays ont soutenu l’idée que les « monnaies » basées sur les algorithmes peuvent, sans être adossées à un État, jouer un rôle dans le système de paiement. Ces facteurs ont favorisé l’émergence et le développement d’une spéculation importante sur le bitcoin malgré ses débuts sulfureux en raison de sa forte implication dans les échanges des biens et services illicites. Les acheteurs et les vendeurs de ces biens et services sont intéressés par l’anonymat et le secret qu’offre un tel instrument de paiement. D’ailleurs, certains de 2 Voir https://www.ccn.com/bitcoin-price/ . * Université de Strasbourg, CNRS, BETA UMR7522, F-67000 Strasbourg, France. 5

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Le bitcoin est-il une monnaie ?Meixing Dai*, Moïse Sidiropoulos*

Le bitcoin attire de plus en plus l’attention des spéculateurs, des consommateurs et dessites marchands, et augmente rapidement en capitalisation. Les autorités de régulationsont plus que jamais préoccupées par la façon dont il doit être traité du point de vue éco-nomique. Est-il une monnaie, une chaîne de Ponzi ou un actif financier très spéculatif ? Se-lon les réponses données à cette question, les réactions des autorités seront très différentes.

天欲其亡,必令其狂

μωραίνει Κύριος ον βούλεται απολέσαι

Le bitcoin est présenté comme une« monnaie » virtuelle cryptographique dont leséchanges sont assurés par un système depaiement pair-à-pair inventé parl’informaticien mystérieux Satoshi Nakamoto(2008) et lancé en 2009.1 La coïncidence deson lancement avec la grande crise financièreglobale et le fait que ce système décentraliséest fondé sur un logiciel open-source etindépendant de toute autorité ont permis à sespromoteurs de bien vendre le concept. Il a étéprésenté comme une alternative aux monnaiescréées par les banques centrales et les banquesde dépôts, critiquées pour avoir favorisél’émergence de bulles spéculatives et donc étéresponsables de la crise financière globale de2008.

La technologie utilisée est basée sur unensemble de nœuds de réseau et un registrepublic a priori infalsifiable appelé« blockchain ». Celui-ci enregistre toutes lestransactions vérifiées par les nœuds du réseau.L’absence d’une autorité centrale et d’unadministrateur unique a trouvé son remèdegrâce au consensus de ces nœuds de réseau.Ce système est censé être robuste face auxattaques des pirates informatiques et auxdéfaillances d’une partie des nœuds car il estcapable de se restaurer grâce aux nœuds non-affectés.

1 Pour une présentation détaillée du fonctionnementdu système bitcoin et son évolution, voir Wallace(2011), Yermack (2014), et Bökme et al. (2015). Ti-chit et al. (2017) ont examiné un ensemble de mon-naies virtuelles et les ont comparées avec les mon-naies locales. McCallum (2015) a discuté des impli-cations réglementaires du bitcoin.

La nouveauté du concept et les aspectsinnovants de sa technologie ont rendu lebitcoin très visible dans les médias financiersdès 2013-2014, devançant largement sesconcurrents qui l’imitent. Il est la plusimportante « monnaie » cryptographique parsa capitalisation qui s’élève à 333 milliards dedollars le 17 décembre 2017, un sommethistorique qui est vingt fois plus élevé qu’audébut 2017.2 En limitant la quantité debitcoins à 21 millions d’unités, ses promoteursont créé artificiellement sa rareté. En rendantson « minage », via la résolution de problèmesmathématiques de difficulté croissante, de plusen plus énergivore, ils ont créé l’illusion quela valeur du bitcoin est déterminée par soncoût de production marginal.

Le désir d’attirer l’attention et/ou la volonté derester à la mode ont poussé des individus, dessites marchands et d’autres acteurs à accepterson usage pour les transactions commerciales.Cela a sans doute contribué à créer unedemande soutenue pour cette « monnaie ».Des hommes politiques et des membres desautorités de régulation de divers pays ontsoutenu l’idée que les « monnaies » basées surles algorithmes peuvent, sans être adossées àun État, jouer un rôle dans le système depaiement. Ces facteurs ont favorisél’émergence et le développement d’unespéculation importante sur le bitcoin malgréses débuts sulfureux en raison de sa forteimplication dans les échanges des biens etservices illicites. Les acheteurs et les vendeursde ces biens et services sont intéressés parl’anonymat et le secret qu’offre un telinstrument de paiement. D’ailleurs, certains de

2 Voir https://www.ccn.com/bitcoin-price/.

* Université de Strasbourg, CNRS, BETA UMR7522, F-67000 Strasbourg, France.

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ses détenteurs l’ont utilisé pour échapper auxcontrôles de capitaux.

Un bitcoin qui ne valait presque rien à sesdébuts vaut 19 891 dollars dans la journée du17 décembre 2017. L’étudiant norvégien,Kristoffer Koch, connu pour avoir acheté 5000bitcoins pour 150 couronnes norvégiennes(environ 18 euros) aurait une fortune de 99455 000 dollars, soit 84 668 494 euros, s’il neles avait pas vendus entre-temps. Ce typed’anecdote contribue à alimenter une fièvrespéculative sur cette « monnaie » dontl’ascension semble irrésistible car lesspéculateurs sont animés par le plus fou desrêves : si cette « monnaie » remplace unepartie des grandes monnaies mondiales dansles transactions commerciales et financières,que vaut-elle ? Pour eux, le fait que l’usageinsignifiant des bitcoins dans les transactionscommerciales ne semble pas être un frein àl’ascension de son prix mais présage un grandpotentiel de progression de son usage dans lesystème économique et financier mondial etdonc de son cours.

Cette « monnaie » cryptographique a attiréune attention croissante des économistes.Plusieurs questions importantes se posent. Lebitcoin peut-il être vraiment considéré commeune monnaie à part entière ? Lefonctionnement du système bitcoin neressemble-t-il pas à celui d’un schéma dePonzi, voué à échouer en emportant desmilliards d’euros dans le vent ? Ou encore,peut-il devenir une monnaie internationale etainsi rivaliser avec les grandes monnaiesémises et garanties par des États ?

Les cinq fonctions de la monnaie

Les économistes s’accordent généralement surles trois fonctions essentielles de la monnaie,déjà spécifiées par Aristote dans l’antiquité, àsavoir : moyen d’échange, unité de compte etréserve de valeur.3

Une monnaie peut prendre différentes formes.Une fiction avancée en économie monétairesuggère que les premières monnaies sont desbiens (or, argent, coquillages, bœufs, etc.) quiont pris le rôle de la monnaie dans lesprocessus d’échange grâce à leur propriété

3 Pour une explication très pédagogique de la notionde monnaie, voir Irena Asmundson et Ceyda Oner(2012), « Qu’est-ce que la monnaie? » L’ABC del’économie, Finances & Développement (Sep-tembre), 52-53.

spécifique en tant que bien (ayant une grandevaleur par unité de poids, étant durable etfacile à conserver et à transporter). On passeainsi d’une économie de troc à une économiemonétaire. Cette fiction ne permet pasd’expliquer tous les faits observés, notammentl’utilisation de certains biens lourds et defaible valeur comme moyen d’échange et deréserve de valeur.

La monnaie au sens moderne émerge avecl’exploitation de ses trois fonctions par lespouvoirs politiques, ce qui amène la monnaieà se doter progressivement de deux autresfonctions, à savoir la fonction de procurer desrevenus de seigneuriage et la fonction destabilisation macroéconomique et financière.

En imposant l’usage des pièces de monnaiestandardisées, l’État s’octroie des pouvoirstrès importants. Outre les facilités pour lescollectes d’impôts et de taxes et les paiementsde dépenses, les États à travers le monde ontcompris qu’il est possible de frapper despièces de monnaie contenant moins de métauxprécieux que ces pièces sont censées contenir,tirant ainsi un revenu de seigneuriage.Théoriquement, ce privilégie peut êtreexploité à son maximum si la monnaie enmétal est remplacée par la monnaie papier oufiduciaire. Les billets bancaires apparaissentpour la première fois en Chine au 11e siècle.L’émission officielle des billets fut mise enplace par plusieurs dynasties chinoises ettermina en général par une hyperinflation etleur remplacement par une monnaie en métal.En Europe, les billets bancaires apparurent dèsle 16e siècle. Leur utilisation a été bridée parl’idée selon laquelle il faut garantir leur valeuren métal précieux tel que l’or. La déconnexionentre les monnaies et l’or ne fut achevéequ’après l’effondrement du système BrettonWoods, un système d’étalon-change-or axéautour du dollar américain instauré après la 2e

guerre mondiale par les pays industrialisés.

Dans cette évolution, on constate l’émergencede multiples émetteurs de monnaie. Lamonnaie n’est pas émise seulement par labanque centrale via son crédit à l’économie(prêts aux banques et aux entreprises privéesnon financières), à l’État (achat desobligations publiques) et à l’extérieur (achatdes devises et d’or). Elle peut aussi être crééepar les banques de dépôts. Le systèmebancaire dans son ensemble est capable decréer de la monnaie en faisant des crédits. Cescrédits se transforment en dépôts : soit ilsrestent dans les comptes bancaires desemprunteurs, soit ils sont dépensés et

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deviennent les dépôts des autres agentséconomiques. Toutefois, la création monétairepar le système bancaire n’est pas infinie. Dansce processus de création monétaire, une partiedes crédits est retirée sous forme de billets etde pièces de monnaie. Comme la créationmonétaire est fondée sur un mécanismefragile, qui consiste à financer des crédits àune échéance plus ou moins longue avec desdépôts pouvant être retirés à tout moment, ilest nécessaire pour la banque centrale deréguler cette activité en imposant des réservesobligatoires sur les dépôts. Ces réserves sontdéposées auprès de la banque centrale. Parailleurs, les banques commerciales parprudence constituent elles-mêmes des réservesexcédentaires pour faire face à des épisodes demanque de liquidités. En réalité, sans unerégulation bancaire, les banques pourraientprendre trop de risques et constituent desréserves insuffisantes pour faire face à unecrise financière systémique, qui entraîneraitune chute brutale de la quantité de monnaiecréée par le système bancaire. Pour éviter cesépisodes de crise grave de liquidités, lesautorités de régulation ne cessent de renforcerles régulations bancaires et financières. Ainsiles régulations introduites suite à Bâle III ontrenforcé un ensemble d’instruments derégulation micro-prudentielle et a introduit desrégulations macro-prudentielles (Barry et Dai ,2013).

L’avènement de la monnaie scripturaleentraîne une séparation entre la monnaie(dépôts gérés par les banques) et lesinstruments de paiement (chèques, virements,cartes bancaires, cartes prépayées,portemonnaie électronique, Paypal…) qui lafont circuler, contrairement aux pièces etbillets qui sont à la fois monnaie etinstruments de paiement. Les instruments depaiement scripturaux se sont diversifiés aucours du temps et ont eux-mêmes suivi unprocessus de dématérialisation. Lesinstruments papiers ont peu à peu cédé leurplace aux instruments électroniques. Onattribue le nom « monnaie électronique » àcertains de ces instruments tels que cartebancaire, carte prépayée, portemonnaieélectronique, ou encore le compte Paypal et lebitcoin stockés à distance sur un serveur.4

Curieusement, cette appellation n’est pasattribuée aux dépôts bancaires bien que ces

4 Certains d’entre, du fait de leur mode de stockage etd’accès via le réseau Internet, sont aussi appelés« monnaie de réseau », « monnaie cryptographique »,« cyberargent » ou « cybermonnaie ».

derniers sont actuellement dématérialisés etdonc sous forme de données électroniques.

Par ailleurs, les innovations financièresintroduites depuis les années 1980 ont brouilléde plus en plus les frontières entre la monnaieet les actifs financiers, d’autant plus que ledéveloppement des marchés financiers apermis d’échanger rapidement des actifsfinanciers contre les moyens de paiement àfaible coût de transaction et sans un risque deperte excessive de valeur. Ainsi, la monnaiedevient un concept très complexe dans uneéconomie moderne, comme le montrent lesdifférents agrégats monétaires définis par lesbanques centrales.

La BCE, outre la base monétaire qui est lamonnaie émise par la banque centrale,distingue trois agrégats monétaires : M1(pièces et billets en circulation + les dépôts àvue), M2 (M1 + les dépôts à termes ≤ 2 ans +les dépôts remboursables avec un préavis ≤ 3mois), et M3 (M2 + les prises en pension + lesinstruments négociables sur le marchémonétaire émis par les institutions financièresmonétaires + les titres de créances ≤ 2 ans).Certaines banques centrales introduisentmême un agrégat monétaire M4 qui est égal àM3 plus les bons du Trésor, les billets detrésorerie et les bons à moyen terme émis parles sociétés non financières.

En modifiant la disponibilité de liquidités sousdifférentes formes, la banque centrale estcensée pouvoir influencer la conjoncture àcourt terme, notamment en période de crisefinancière et économique. L’un des objectifsimportants assignés à une banque centralemoderne est la stabilité des prix. Selon lepays, l’objectif de stabiliser la croissance peutêtre plus ou moins important. En déconnectantla valeur de la monnaie des métaux précieux,la banque centrale peut assurer une bonnestabilisation de l’inflation et de la croissanceen temps normal. La politique monétaire peutinfluencer le niveau du revenu national à courtterme en raison de l’existence de rigidité desprix et des salaires, mais son effet sur lacroissance est censé être transitoire. La tâchepeut être compliquée par une grande crisefinancière comme celle qui suit l’éclatementdes bulles des actifs immobiliers et des valeursmobilières au Japon au début des années 1990et celle des subprimes aux États-Unis en 2008,ou encore la crise bancaire et de dettesouveraine dans la zone euro entre 2010 et2012. Au lieu de mener une politiquemonétaire conventionnelle, il faut alorsintervenir via des mesures non-conventionnelles consistant à acheter des

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actifs publics (et même privés) de différentesmaturités et à abaisser des taux d’intérêtdirecteurs parfois même en-dessous de zéro.Dans cette perspective, la monnaie a desfonctions dont l’importance dépasse celle deses trois fonctions communément admises carelle constitue un moyen capital pour lesautorités publiques d’intervenir dans lefonctionnement de l’économie.

En tant que monnaie des monnaies, le dollaraméricain s’octroie des pouvoirs exorbitants.La réponse de John Connally, secrétaire auTrésor US dans l'administration du présidentRichard Nixon sur la période 1971-72, à laplainte à l’égard du privilège exorbitant et desfortes fluctuations du dollar par desresponsables politiques français et européensest elle-même une illustration : « le dollar estnotre monnaie mais votre problème ». Ladomination du dollar dans le système financierinternational ne s’est pas affaiblie aprèsl’effondrement du système Bretton Woods carle monde a besoin d’une monnaie de réserveet d’une monnaie qui fait l’intermédiaired’échange entre les monnaies afin de réduireles coûts de transaction. L’euro et le yuan quimontent en puissance dans leur rôle demonnaie internationale ne semblent pas pourl’instant menacer la domination du dollaraméricain dans le système monétaireinternational.

Dans quel sens le bitcoin est-il unemonnaie?

Plusieurs études ont examiné si le bitcoinremplissait les trois fonctions classiques de lamonnaie, à savoir moyen d’échange, unité decompte et réserve de valeur, et ont parfoisdiscuté les deux autres fonctions de lamonnaie sans l’expliciter, à savoir moyen deprocurer du revenu de seigneuriage et moyende stabilisation macroéconomique etfinancière (Velde 2013, Yermack 2015, Dupréet al. 2015, Ciaian et al. 2016a). Le bitcoinrépond quelque peu au premier de ces critères,car un nombre croissant de marchands, enparticulier des marchands en ligne, semblentdisposés à l’accepter comme moyen depaiement. Cependant, l’utilisationcommerciale du bitcoin reste insignifiante auniveau mondial car peu de gens l’utilisentcomme moyen d’échange.

Moyen d’échange

Pour l’instant, l’utilisation du bitcoin dans lecommerce quotidien est plutôt anecdotique. Ilest accepté surtout par des sociétés quivendent des logiciels et du matérielinformatique au service du fonctionnement dusystème bitcoin ainsi que par les plateformesfournissant des services aux spéculateurs surle marché du bitcoin. Étant donnée sa faibleutilité en tant que moyen de paiement dans lestransactions commerciales, le bitcoin n’a pasde valeur intrinsèque significative.

Un aperçu de l’adoption du bitcoin peut êtreobtenu à partir des données tirées du grandlivre de compte enregistrant les transactionsen bitcoin. Le nombre de transactions par jouravoisine 380 000 fin novembre 2017.5 Lamajeure partie de ces transactions impliquentdes transferts entre des spéculateurs. Lesachats de biens et services représententseulement 10 à 20 % de ces transactions. Celasemble très peu, vu le grand nombre decommerces en ligne et hors ligne annonçantl’acceptation du paiement en bitcoin.

Le bitcoin n’est pas efficace pour assurer lafonction de moyen de paiement. Un obstaclesérieux résulte de la difficulté de se fournir ennouveaux bitcoins. Un consommateur peut seprocurer des bitcoins en tant que « mineur »de bitcoin. Cette activité n’est plus rentableactuellement pour un mineur individueldisposant de moyens techniques limités car lerésultat ne couvre pas les coûts en matériel eten énergie. L’activité de minage estactuellement dominée par des acteursdisposant des superordinateurs très onéreux. Ilest donc obligé de se procurer des bitcoinsauprès des plateformes de marché ou desrevendeurs en ligne avec la charge pour lui detrouver un moyen de les stocker en toutesécurité. Le paiement de ces achats est peupratique puisque ceci doit généralement sefaire par un virement bancaire ou en liant uncompte bancaire existant à la transaction. Lesmarchés de bitcoin sont peu liquides, ce quiimplique des écarts importants entre prixd’achat et de vente. Par ailleurs, les coûts detransactions et les risques liés à l’exécutiondes ordres et à la conservation des bitcoinssont non négligeables. Même si les premièrescartes de débit existent déjà, il est dangereuxpour un consommateur d’utiliser une tellecarte pour payer ses dépenses en bitcoin car

5 Voir le site https://blockchain.info/.

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cela représente un risque énorme tant que cette« monnaie » cryptographique se trouve dansune dynamique spéculative frénétique et netrouve pas une stabilité de sa valeur nominaleexprimée en monnaies officielles.

Unité de compte

Pour qu’une monnaie puisse servir commeunité de compte, il faut que les agents privésl’acceptent comme un numéraire de référencepour exprimer et comparer des prix des bienset services, des actifs et des facteurs deproduction, et l’utilisent dans leurs calculséconomiques et dans leurs comptabilités.

La forte volatilité du prix du bitcoinl’empêche de devenir une unité de compte. Unchangement trop fort et trop fréquent du prixdu bitcoin ne permet pas aux vendeursd’afficher un prix fixe durant une certainedurée sans subir de risque. Le changementfréquent du prix entraînerait un coût nonnégligeable et créerait de la confusion pour lesacheteurs qui auraient du mal à comparer lesprix en bitcoin chez différents vendeurs. Lesbitcoins reçus posent aussi un problème derisque de change qui semble trop importantpour les vendeurs ayant un gros volume detransactions en bitcoin à cause de la fortevariation quotidienne de son prix.

Outre ce problème, il y a aussi celui dû à lagrande divergence des prix du bitcoin à unmoment donné sur les différentes plateformesde marché. Cette disparité constitue uneviolation flagrante de la loi d’unicité des prix.Le calcul des prix moyens par certains sitesweb ne résout pas le problème d’informationconcernant le prix effectif de l’achat ou de lavente d’un bitcoin au moment où les acheteurset les vendeurs veulent réaliser une transactionen bitcoin. Ils sont frustrés par le fait de ne paspouvoir vendre librement là où le prix debitcoin est le plus élevé et acheter là où il estle moins cher. La difficulté de faire desarbitrages sur les différents marchés pour desraisons techniques implique que cette situationpuisse persister pour longtemps. Cela n’arrivepas pour les monnaies officielles qui sontquotidiennement échangées sur les marchés dechange interconnectés.

Ces obstacles pourraient être éliminés par lesdéveloppements ultérieurs apportés par lesacteurs impliqués au fur et à mesure que lebitcoin devenait une monnaie importante pourles transactions commerciales et financières.Le fait de limiter la quantité de bitcoins à 21millions d’unités peut générer une tendancedéflationniste très forte si son adoption est

généralisée. Une déflation associée au bitcoinserait beaucoup plus néfaste que cellesobservées dans l’histoire économique, étantdonné le rythme de hausse de la valeur dubitcoin prévisible suite à la généralisation deson usage. Or, la déflation est généralementassociée à des périodes très difficiles pourl’activité économique comme le montrent laGrande dépression aux États-Unis dans lesannées 1930 et les deux décennies perdues parl’économie japonaise depuis le début desannées 1990. En effet, la déflation génère desdifficultés macroéconomiques très sérieusesqui sont dues d’une part à l’ajustement lentdes taux d’intérêt, des prix et des salairesnominaux pour s’adapter au taux d’inflationnégatif, et d’autre part à l’anticipation selonlaquelle il vaut mieux reporter les achats dansle futur pour profiter des gains de pouvoird’achat liés à la baisse anticipée des prix desbiens et services. Cette déflation peut doncremettre en cause la généralisation du bitcoinen tant que monnaie exerçant toutes sesfonctions essentielles. En outre, il y a unrisque considérable qu’un tel projet échoue etentraîne des pertes colossales pour les agentsprivés qui ont acheté les bitcoins à un prix tropélevé. Il est évident que les autoritésrégulatrices ne peuvent que dissuaderl’acquisition de bitcoins par les agents privéset leur usage dans l’économie.6

Le développement de l’usage du bitcoin dansle commerce se heurte à une autre grandedifficulté, souvent négligée ou sous-estiméepar les promoteurs du bitcoin, qui résulte dufait que la valeur unitaire du bitcoin est trèsélevée par rapport à la plupart des produits etservices ordinaires. Cela oblige lescommerçants à fixer des prix de la plupart desbiens et services en quatre décimales ou pluscar la limite de la division des bitcoins est dehuit décimales. Or, les agents privés peuventne pas comprendre ces prix d’autant plusqu’ils sont habitués à avoir des prix en zéro oudeux décimales dans les monnaies officiellessauf sur les marchés de change. Cela impliqueaussi une évolution des logiciels de gestion etde comptabilité puisqu’ils sont généralementprogrammés pour n’accepter que deuxdécimales. Dans beaucoup de pays, lesconsommateurs négligent les décimales dansle prix des biens et services puisque celles-cireprésentent une valeur peu importante dansleur monnaie officielle.

6 La banque de France a mis en garde contre l’utilisa-tion du bitcoin dans un article intitulé « Les dangersliés au développement des monnaies virtuelles :l’exemple du bitcoin », Focus n° 10 – 5 décembre2013.

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Réserve de valeur

La fonction de la monnaie en tant que réservede valeur traduit sa capacité de permettre àson détenteur de reporter la consommation àune date future incertaine sans perdre trop devaleur. Dans cette fonction, la monnaie estjugée sur deux critères :

- La monnaie doit être facile à conserver ensécurité, notamment contre les vols ou laperte. Dans le système monétaire officiel,les détenteurs de monnaie peuvent réduireconsidérablement les vols ou la perte en laconservant à la banque.

- La valeur de la monnaie doit être stabledans le temps. Les banques centraless’efforcent à l’heure actuelle de stabiliserle taux d’inflation à un niveau faible, cequi permet de donner confiance auxagents économiques en la capacité de lamonnaie officielle à conserver de la valeurpour le futur.

Pour l’instant, le bitcoin a du mal à satisfaireces deux critères. Concernant la conservation,les bitcoins doivent être détenus dans descomptes informatiques ou des disques dursconnus sous le nom de « portefeuillesnumériques ». La sécurité de ces portefeuillesest une difficulté majeure pour lefonctionnement du système bitcoin. En tantque réserve de valeur, le bitcoin fait face à degrands défis en raison d’attaquesinformatiques, de vols et d’autres problèmesliés à la sécurité.7 Il est possible de souscriredes contrats d’assurance contre les vols, maiscela implique des coûts de détention assezsignificatifs.

Outre ce problème de sécurité, ses détenteurssont confrontés à un problème de gestion durisque résultant de la volatilité élevée de lavaleur du bitcoin. Les études statistiquesmontrent que la volatilité du bitcoin estcomparable à celle des actions les plusspéculatives, dépassant 100 % contre unevolatilité autour de 10 % pour les devisesofficielles et de 20 % pour le prix de l’or. Ladétention de bitcoins, même pendant unecourte période, est très risquée, ce qui est

7 De nombreux incidents sont signalés. On peut citerl’exemple du détournement de 744 408 bitcoins enfévrier 2014 suite à un piratage informatique qui aconduit à l’effondrement brutal de Mt. Gox, une pla-teforme d’échange de bitcoins basée à Tokyo, ou en-core celui de James Howells, un Gallois qui a déclaréavoir jeté un disque dur contenant 7 500 bitcoins en2013.

incompatible avec une monnaie servantcomme réserve de valeur et remet en cause lacapacité d’une monnaie à fonctionner commeunité de compte. Bien que la possibilité d’unehausse fulgurante du prix du bitcoin attire lesspéculateurs, les périodes de forte baissesuivant l’éclatement d’une grosse bulle surson prix seront cauchemardesques pour sesdétenteurs dont l’objectif principal est detransférer des pouvoirs d’achat des biens etservices vers le futur.

Les études empiriques montrent que ladynamique du prix du bitcoin suit une logiquespéculative et est indépendante desévénements macroéconomiques contrairementà celle des cours de diverses monnaiesofficielles et de l’or. Le taux de changequotidien du bitcoin par rapport au dollaraméricain n’affiche pratiquement aucunecorrélation avec les taux de change du dollarexprimés en termes d’autres devisesimportantes comme l’euro, le yen, le francsuisse ou la livre sterling, ainsi que le prix dudollar exprimés en or. Par conséquent, il estpresque impossible pour les entreprises et lesconsommateurs de se couvrir contre toutrisque susceptible d’affecter la valeur dubitcoin. En plus, il est plus ou moins inutile entant qu’outil de gestion de risques de changedes monnaies officielles.

Droit de seigneuriage

Le droit de seigneuriage représente une sourcede revenu importante pour le budget de l’État.Par exemple, en 2016, la Fed a versé 92milliards de ses profits nets au gouvernementfédéral des États-Unis.8 En Europe, les profitsnets de la BCE varient entre 10 et 30 milliardsd’euros sur la période 2002-2015 (Gros 2016).

Les crypto-monnaies telles que le bitcoinprivatisent les revenus de seigneuriage. Pourl’instant, la création de bitcoins a enrichiénormément ses créateurs et des spéculateursqui ont acquis les bitcoins à un prix dérisoire.

Dans le système financier actuel, les banquescommerciales privées réalisent aussi desrevenus de seigneuriage grâce à leur activitéde création monétaire via les activités decrédits et de dépôts, qui sont à hauteur de 1 %à 3 % du PIB au Royaume-Uni et de 0.2 % à1 % du PIB au Danemark selon lesestimations de Bjerg et al. (2017). Toutefois, il

8 Voir l’annonce de la Fed, https://www.federalre-serve.gov/newsevents/pressreleases/other20170110a.htm.

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y a un certain équilibre dans le partage desrevenus de seigneuriage entre les banquesprivées et la banque centrale. L’apparition decrypto-monnaies brise cet équilibre. Dans lecas extrême, où les monnaies souveraines sontentièrement remplacées par les crypto-monnaies qui ont pris une grande importancedans les échanges commerciaux et financiers,les États perdent leur droit de seigneuriage etdonc une part importante de leurs recettes. Sicela s’avère vrai, on peut anticiper que lesÉtats vont prendre, d’une manière ou d’uneautre, le contrôle de la création des crypto-monnaies pour récupérer ces revenus deseigneuriage.

Toutefois, pour éviter les conséquencesnéfastes et les désordres financiers engendréspar une nationalisation des crypto-monnaiesdans l’avenir, certains pays préfèrent interdireleur utilisation dès maintenant. La Banquecentrale de Chine a même commencé à créersa propre crypto-monnaie basé sur le« blockchain ». Par contre, d’autres pays telsque les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et laFrance, sans encourager l’utilisation descrypto-monnaies par le grand public, ontactuellement adopté une approche plutôtbienveillante en acceptant leur utilisation dansle commerce et leur échange sur les marchésfinanciers via des cotations des fonds investisen bitcoin.

Stabilisation macroéconomique et financière

Le bitcoin remplit mal les fonctions de moyend’échange, d’unité de compte et de réserve devaleur associées à une monnaie. Le bitcoin,par son principe de création et defonctionnement, ne remplit pas la fonctionrégulatrice d’une monnaie officielle dansl’économie moderne.

En effet, une des raisons du remplacement del’or par la monnaie fiduciaire est que saproduction limitée ne suit pas le rythme decroissance de l’économie mondiale et génèrede la déflation, à laquelle les économies ont dumal à s’adapter. Bien que la déflation ait pu sedévelopper dans une économie se servantuniquement d’une monnaie fiduciaire, commec’est le cas au Japon, il est possible d’yremédier en pratiquant une politiquemonétaire suffisamment accommodante. Lapratique des taux d’intérêt nominaux négatifspar des banques centrales européennes etjaponaises ces dernières années s’inscriventdans cette logique.

Un obstacle majeur pour que le bitcoinremplisse le rôle d’une monnaie régulatrice de

la production et de l’inflation provient de ceque sa quantité est limitée, conformément auprincipe fixé par ses promoteurs pour attirerdes spéculateurs. Ce principe remet en causeson existence en tant que monnaie ayant unrôle régulateur de l’économie. L’ascensionfulgurante de son cours depuis sa créationimplique un taux de déflation très importantpour les prix des biens et services exprimés entermes de bitcoins. Relâcher la contrainte delimitation de la production de bitcoinsenlèverait tout intérêt spéculatif du bitcoin etpeut conduire à l’effondrement des désirs dedétention exprimés par les spéculateurs etd’autres agents économiques.

Le bitcoin en tant qu’actif spéculatif souffrede l’inefficience des marchés sur lesquels ilest échangé. Jusqu’à une date récente, il nepouvait pas être vendu à découvert, et lesdérivés financiers tels que les contrats à termeet les swaps qui sont routiniers pour d’autresdevises ou actifs financiers n’existent pas pourle bitcoin. L’absence de ces outils d’arbitragepermettant de corriger le mauvaisfonctionnement du marché du bitcoin sembleêtre l’explication de la facilité avec laquellesont formées les bulles spéculativesspectaculaires sur le prix du bitcoin pendantplusieurs épisodes, ce qui amène certains àparler d’une chaîne de Ponzi.9 Le lancementdes contrats à terme sur le bitcoin par legroupe CME de Chicago aux Etats-Unis le 18décembre 2017 et le lancement prochain desfonds indiciels adossés au bitcoin par labourse de New York et d’autres boursespourraient un peu changer la donne, bien quel’arbitrage entre ces contrats/fonds et lesbitcoins côtés sur les plateformesdécentralisées reste difficile.

En guise de conclusion

Malgré sa popularité croissante depuisquelques années, le bitcoin a pour l’instantsurtout des caractéristiques d’un actif trèsspéculatif avec la formation régulière debulles spéculatives très exubérantes. Cettespéculation repose sur l’anticipation selonlaquelle le bitcoin sera utilisé largement dans

9 Voir Pascal Ordonneau (2017), « Le Bitcoin entremonnaie et chaîne de Ponzi », Le 03/06 les Echos.Par ailleurs, Cheah et Fry (2015) ont testé l’hypo-thèse de bulles spéculatives sur le marché du bitcoinet confirment que la valeur fondamentale du bitcoinest égale à zéro. Pour Ciaian et al. (2016a, b), les in-dicateurs d’attractivité (qui dépendent en partie del’économie liée au bitcoin) sont les principaux déter-minants du prix du bitcoin.

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Page 8: Le bitcoin est-il une monnaieLes cinq fonctions de la monnaie Les économistes s’accordent généralement sur les trois fonctions essentielles de la monnaie, déjà spécifiées

les transactions commerciales et financières,mais l’existence d’une telle spéculation remeten cause une généralisation de l’usage dubitcoin en tant que monnaie avec ses fonctionsessentielles. Néanmoins, le bitcoin exercecertaines fonctions de la monnaie, notammentla fonction de moyen d’échange, mais defaçon très insatisfaisante en raison desdifficultés de se procurer des bitcoins, descoûts et des délais de transaction importants,et des problèmes de sécurité liés à laconservation des bitcoins acquis. La fortevolatilité de son prix ne lui confie pas lesfonctions d’unité de compte et de réserve devaleur. En outre, la forte déflation induite parson usage généralisé pour une offre debitcoins plafonnée implique un risque de criseéconomique et financière très sérieux, ce quimet aussi en cause la possibilité de généraliserson usage. Par ailleurs, son usage impliqueune privatisation des revenus de seigneuriageet leur capture par des acteurs privilégiés,privant les États des revenus substantiels pourassurer des dépenses publiques et sociales.Cela pourrait conduire les États à reprendre lecontrôle des échanges de bitcoin surtout sicelui-ci est largement adopté dans lestransactions commerciales et financières.

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